DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE CONTENANT DES L’EXPOSÉ LEURS DOCTRINES DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE PREUVES HISTOIRE LEUR ET COMMESi fi SOUS LA DIHECHON Î>E A. E. VACANT MANGENOT FHOF1 MKU* À I/INSTITUT CATOOLIQ* R DC PAWS ΓΠΟΚΕίΌ ΓΠ AU GRAND «Γ.Μ1Ν1ΙΠΕ DB NANCT CONTINUE FOUS CCI.LB DE É. AMANN mopizxsnm AVEC LE a ja faculté de τπεοιχχηκ CONCOURS D’UN cvnrouqux GRAND dp. Vuxivkrsthi NOMBRE DE de rniAroovno. COLLABORATEURS TOME NEUVIEME DEUXIÈME PARTIE MABILLON — MARIETTA PA H IS-VI LIBRAIRIE LETOUZEY ET 87, Boulevard R a s p ai t, 87 1927 rot’s nnnrTS ni srnvf«s ANE Imprimatur : Argentorati, die 19 julii 1927. f Carolus Josephus Eugenius Ep. Argcnlir.en. LISTE DES COLLABORATEURS DU T 0 Μ E N E U VIÈ Μ E MM. Adloff. professeur de morale au grand séminaire de Strasbourg. Anastase de Saint-Paul (le B. P.), canne déchaussé, archiviste de l’ordre, à Home. Autore (le K. P. dom), chartreux (t février 1920). Hardy, professeur aux Facultés catholiques, ù Lille (Nord). Batiffol (Mgr), à Paris. Baucher (le K. P. dom). bénédictin de l’abbaye de Farnborough (Angleterre). Baudot (le B. P. dom), bénédictin de l’abbaye de Farnborough (Angleterre). Bernard, ù Paris. Bigot, aumônier du monastère de la Visitation.Nancy. Bcehm. professeur de philosophie à la Faculté de théo­ logie catholique de Strasbourg. Caurol (le Bine P. dom). abbé de Farnborough (Angleterre). Carreyre. professeur au séminaire Saint-Sulpice, Paris. Casanova, professeur au Collège de France (t mars 1926). Chenu (le B. P.), des frères prêcheurs, professeur au scolastlcat du Saulcholr. à Kain (Belgique). ('.lamer, professeur au grand séminaire de Nancy, à Bosservillc (Meurthe-et-Moselle). Constantin, aumônier du lycée H. Poincaré. Nancy. Coste, secrétaire général de la Congrégation de la Mission, ù Paris. Coulon (le B. P.), des frères prêcheurs, ù Borne. Dvhlanciiy (le B. P.), de la Société de Marie, pro­ fesseur au scolastlcat de DliTert (Belgique). Edouard d’Alençon (le B. P.), des frères mineurs capucins, à Borne, puis ft Assise. É.mereau (le B. P.), des auguslins de l’Assomption, à Borne. Faiirni r, professeur de morale ù la Faculté de théo­ logie catholique de l’Unlvcrsité de Strasbourg. G ardi.il (le B. P.), des frères prêcheurs, à Paris. Gardette (le B. P.), de la Compagnie de Jésus, pro­ fesseur au scolastlcat d’Ore Place. Hastings (Angle­ terre). Gaudii, professeur de dogme ô la Faculté de théo­ logie catholique de 1’1 Diversité de Strasbourg. Godi froy, supérieur du grand séminaire de Nancy, à Bosservillc (Meurthe-et-Moselle). Goyau» de l’Académle Française. Λ Paris. ('•Ri mi L (le B. P.), des auguslins de l’Assomption, ô Cadl-Keuï, I Iedde (le B. P.), des frères prêcheurs, à Angers. Horn, à Paris. Jugie (le B. P.), des augustlns de l’Assomption, à Borne. Lavocat. à Amiens. Le Bras, professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de l’t’niversité de Strasbourg. Levesque, professeur au séminaire Saint-Sulpice. Paris. Longphé(Ic B. P.), des frères mineurs, au Collège Salnt-Bonaventurc. Quaracchi (Italie). Malvy(1c B. P.), de la Compagnie de Jésus. ancien professeur de théologie. Marciial, professeur au grand séminaire de Nancy, ù Bosservillc (Meurthe-et-Moselle). Masson, professeur aux Facultés catholiques de Lyon. Merlin, curé de Saint-Épaln (Indre-et-Loire). Miquelez (le B. P.), august in, bibliothécaire de l’Escorial (Espagne). Mo lien (le chanoine). à Amiens. · Mollat, professeur d'histoire à la Faculté de théologie catholique de l’Université de Strasbourg. Palmieri, à Borne (t 1927). Paqvter. administrateur de Saint-Pierre de Chaillot. Paris. Petit (S. G. Mgr), des augustlns de l’Assomption, archevêque latin d’Athènes, puis archevêque titu­ laire de Corinthe, ù Borne. Pre.moli (le B. P.), bamabltc» ù Borne. BiviLrk, professeur d’apologétique ù la Faculté de théologie catholique de l’t Diversité de Strasbourg. Sala ville (le B. P.), des augustlns de l'Assomption, ù Cadi-KcuL Sciialck. professeur au séminaire de philosophie de Strasbourg. Sznuro. prêtre du diocèse de Sandomlr (Pologne). Thouvenin, ancien professeur au grand séminaire de Nancy, aumônier de l’hospice de Ludres (Meurtheet-Moselle). Torac. professeur à l’Universlté de Louvain. \ ansteenri rghe. professeur ft la Faculté de théo­ logie catholique de l’Universlté de Strasbourg. Viinard. professeur à ΓInstitut Robin, Vienne (Isère) Verschaffbl (le B. P.), de l’OratoIrc. Vernet, professeur au grand séminaire de SaintPaul-Trols-Chftteaux (Drôme) et ft l’institut catho­ lique de Lyon. Weriilé. ancien vicaire à la paroisse Saint-Augustin, Paris. DICTIONNAIRE DE THÉOLOGIE CATHOLIQUE — ■ ■ MA BILLON Jean, bénédictin de la congréga­ tion de Saint-Maur (1632-1707). — I. Vie et ouvrages. II. La théologie de Mabillon. I. Vie et Ouvrages. — Jean Mabillon naquit le 23 novembre 1632, au village de Saint-Pierremonl, dans les Ardennes, d’une famille pauvre. Jean eut pour premier professeur un oncle curé; il fit ensuite ses études au collège de ΓUniversité de Beims, et, apres un court séjour au séminaire où il reçut la ton­ sure, il entra ù l’abbaye bénédictine de Sainl-Bemx de Beims. Il y lit profession le G septembre 1651, Agé de vingt-deux ans ù peine. Humble, austère, zélé pour les observances monastiques. il édifiait les novices dont on lui avait confié la direction, quand des maux de tête lui survinrent et l'obligèrent à quitter SaintRemy. Il passa successivement dans les abbayes de Saint-Nicaise, de Saint-Thierry, de Saint-Basic, de Nogent. Au mois de juillet 1658, il se rendit â Corbie et fut ordonné prêtre â Amiens, le 27 mars 1660. Déli­ vré de ses maux de tête par la protection de saint Adahird, il témoigna sa reconnaissance en composant des hymnes pour l’ofllce du saint, pour l'office de sainte Bathilde, patronne de l’abbaye ; il révisa en même temps les autres olllces propres de la maison. Ce fut son modeste début dans la vie littéraire. Voir dom J. Besse, Le premier ouvrage de Mabillon, dans Archives de la France monastique, t. v, Mélanges et Documents, p. 355, 359. En juillet 1663, Mabillon pas­ sait à l’abbaye de Saint-Denis. Dans ces divers séjours, ce moine modeste avait donné des preuves d’une grande aptitude pour les travaux d’érudition ; aussi, dès 1661. fut-il donné comme aide ù dom Luc d’Achéry, bibliothécaire de l’abbaye de Saint-Germaindcs-lVés. Présenter un rapide aperçu des travaux de Mabillon, c’est résumer en meme temps toute la vie de cet humble moine, le grand représentant de l’éru­ dition en France au xvir siècle. Quelques-uns de ses traites sont écrits en français, mais la plupart sont rédigés eu un latin pur, élégant, correct qui donna lieu de dire que Mabillon écrivait en cette langue comme Monsieur de Meaux en français. Dès son arrivée, on le chargea de préparer l’édition des œuvres de saint Bernard, commencée à SaintDenis par dom Claude Chantclou. Celui-ci étant mort, ce fut Mabillon (pii donna, sous ce titre : Sancti BerDI CT. DE THÉOE. CATHOL. w>- - . , nardi opera omnia, deux éditions, l’une en 2 volumes in-fol., l’autre en 9 vol. in-8°, Paris 1667. En 1690, Mabillon devait présenter de nouveau l’édition revue par scs soins et dédiée au pape Alexandre VIII. La publication comprenait des préfaces, des commen­ taires et des notes qui, d’après Hauréau, Nouvelle biographie générale, t. xxxn, p. 446, firent ranger le jeune moine au nombre des savants du siècle. En même temps dom Luc d'Achéry chargeait son jeune auxiliaire de coordonner et de mettre en œuvre les documents recueillis sur les Saints de l'Ordre béné­ dictin; dès 1668, sous le nom des deux religieux, paraissait le t. i des Acta Sanctorum ordinis sancti Benedicti per screatorum classes distributa, in-fol., Paris. Les préfaces, notes commentaires étaient l’œuvre de dom Mabillon : véridique avant tout, il y restituait à leurs ordres respectifs des personnages qui n’avaient pu appartenir à la famille bénédictine. Ce procédé ne fut pas compris; certains frères du jeune religieux, animés d’un faux zèle, l'accusèrcntpresque d’hérésie. Mabillon se défendit avec douceur et séré­ nité contre les accusations des PP. Mège et Bastide, et ceci nous a valu un long Mémoire justificatif où se trouvent exposés de main de maître les principes de la critique historique qui ont prévalu depuis lors. Voir â ce sujet : L. Delisle, Dom Jean Mabillon : sa probité d’historien, dans Archives de la France monas­ tique. t. v, p. 93 sq.; dom P. Denis, Dom Mabillon et sa méthode historique : Mémoire justificatif sur ; elle avait en outre nait raison à ceux qui font entrer l’étude comme un 16 feuillets préliminaires et 16 feuillets d’index numé­ des éléments propres à la vie religieuse et n’en détruit en rien la perfection. Il Joignait à ses considérations rotés par les soins de dom T. Hulnart. Le livre, quoique non exempt d’erreurs, a fait scs une espèce de plan de bibliothèque religieuse d'une preuves; on peut répéter aujourd’hui ce que disaient large simplicité, voulant que, pour se défendre, on au xvm· siècle les bénédictins continuateurs de Ma­ I connut les points faibles des adversaires. L'abbé de 1429 MABILLON 1430 tort qu'on a voulu voir une contradiction entre cet Rancé, piqué au vif, répliqua par une attaque directe d'une verve et d'une véhémence singulières; scs admi­ écrit et la Lettre d'Eusèbe. Mabillon, en prenant la rateurs eux-mêmes jugèrent qu'il dépassait le but. défense du trésor de Vendôme, ne prétend pas prou­ Sur ce sujet, voir Bossuet, Œuvres, éd. Vivès, t. xxiv, ver ou même simplement affirmer l’authenticité de la p. 331 ; Leibnitz : Œuvres complètes : Lettre à Maglia- relique : il s'appuie sur l’existence séculaire d'un culte, becchi, t. V. p. 98, inspiré par une parfaite bonne foi et dont la suppres­ A peine l'impression de la réponse de Rancé était- sion causerait du scandale. elle achevée (27 février 1002) que Mabillon donnait Une fols pourtant la sagacité de Mabillon fut trou­ au mois de juin suivant ses Réflexions sur la réponse vée en défaut : avec Baluze et Ruinart il se trompa de M. l'abbé de la Trappe au Traité des études monas· sur une expertise en vue d'établir la filiation des La­ tiques : il y remettait la question dans son vrai jour, tour d'Auvergne. Voir C. Loriquet, Le cardinal de prouvait que les études Intellectuelles, pour n'etre Bouillon, Baluze, Mabillon et Ruinart dans l'affaire de pas de Γessence de la vie religieuse, n’étaient ni en Γ Histoire générale de la maison d’Auvergne, Reims, désaccord avec l'état monastique, ni nuisibles à la 1870; J. Depoin, Une expertise de Mabillon, dans perfection, mais bien plutôt aussi utiles aux religieux Archives de la Eronce monastique, t. v, p. 127-143. que profitables à la défense de l'Églisc, Λ l'édification Il contribua à la publication de V Édition des Œu­ commune. Il terminait en protestant qu'il voulait tout vres de saint Augustin, qui souleva les polémiques les sacrifier ô la paix et à la charité chrétienne. La dispute plus vives. Voir ci-dessous, col. 1134. Ce fut lui qui ne pouvait se prolonger Indéfiniment : des amis com­ rédigea la Dédicace au roi et qui composa la préface muns préparèrent un rapprochement entre les adver­ générale plusieurs fols modifiée et finalement arretée, saires, Mabillon se rendit à la 'Frappe; dans un entre­ refaite à l'aide des observations de Bossuet. Personne tien où ils s'édifièrent mutuellement, les deux religieux ne mit en doute la parfaite bonne foi du savant béné­ se promirent un oubli réciproque de la question qui dictin, ni son inviolable attachement à l'unité catho­ les avait divisés un moment. lique. Le silence se fit quand un décret de la S. Con­ Le pape Clément XI ayant désiré une nouvelle édi­ grégation de l'index du 7 juin 1700 eut condamné tion des Livres de la Considération de saint Bernard, tous les écrits de polémique faits contre \ Édition de Mabillon fut chargé de ce soin : le pape l’en remercia saint Augustin. par un bref élogieux pour toute la Congrégation de Élu membre de l'Académie des Inscriptions en 1701, Saint-Maur. dom Mabillon accepta cet honneur par obéissance. Pendant son séjour à Rome, dom Mabillon fut L’année suivante, en 1702, il composait un Traité frappé de la manière rapide dont on envoyait aux de la mort chrétienne, dédie à la Reine d'Angleterre. diverses églises des corps tirés des catacombes, et se Dès l’année 1693, il avait commencé les Annales de demanda si l’on n’exposait pas ainsi les fidèles à l'ordre de saint Benoît, mais il en retarda l’impression vénérer de fausses reliques. Il s'expliqua sur ce sujet pendant dix ans, pour avoir plusieurs volumes entière­ délicat dans une dissertation pseudonyme publiée ment prêts. Le premier volume parut en 1703, les sous ce titre : Eusebii romani epistola ad Theophilum trois suivants furent édités du vivant de Mabillon; gallum, de cultu sanctorum ignotorum, in-4% Paris, les t. v et vi ont été publiés par les PP. Martène et 1G98. Pleine de faits curieux et de sages critiques, Massuet : Annales ordinis sancti Benedicti, 6 in-fol., cette lettre détruisait plusieurs erreurs et diverses Paris, 1703-1739. • superstitions qui s'étaient introduites en faveur Pendant les premiers jours de décembre 1707, Ma­ de corps qu’on appelle saints et qui n’ont peut- billon sentit les avertissements de sa fin prochaine. être jamais été baptisés. » (Lettre de Fléchicr évêque Celle-ci fut marquée par de cruelles souffrances qu’il de Nîmes à dom Mabillon). Traduite en français par supporta avec patience et résignation, dans les senti­ différents auteurs, imprimée à Paris, à Bruxelles, ments d'une douce confiance. Ces mots que saint à Grenoble, cette lettre eut un immense succès, Paulin attribue ù saint Ambroise lui revenaient en mais elle déplut Λ Rome. On la déféra ù l’index; peu mémoire : Arc timeo mon quoniam bonum Dominum s'en fallut qu’elle ne fût condamnée, mais le pape habemus. Ses dernières paroles furent : Humilité, humilité, humilité. Il expira dans son abbaye de Clément NI, en ayant été Informé, prit l'aflairc en main, demanda quelques corrections que Mabillon fit Saint-Germaln-des-Prés. le 27 décembre 1707. L’Eu­ dans une nouvelle édition : Eadem Epistola Eusebii... rope entière s’émut à la nouvelle de cette mort; bon recognita et aucta, in-12, Paris, 1705. On trouve ces nombre d’auteurs en France et à l’étranger firent deux éditions dans Œuvres posthumes, t. î, p. 209 et l’éloge du savant. Bornons-nous à noter ici le respect sq. La lettre ainsi modifiée eut l’approbation de et la soumission de dom Mabillon pour l'Églisc de Rome. L'extrait suivant de la préface placée en tête Rome. Calomnié auprès des catholiques anglais à qui on du t. iv des Annales de l'ordre de saint Benoit peut être avait voulu faire croire qu'il était passé au protestan­ considéré comme le testament de l’érudit : « Qu’à tisme, Mabillon dans une lettre Indignée donna une Dieu ne plaise que je me départe jamais en rien de nouvelle preuve de son attachement à la foi catho­ cette règle de la vérité, je veux dire de l’Églisc notre lique déclarant vouloir y persévérer jusqu’il la fin de mère, au jugement et à la censure de laquelle je sou­ ses Jours : Lettre aux catholiques d'Angleterre, sur le mets de tout mon cœur tout ce que j’ai jamais écrit, bruit répandu dans e e royaume qu'il avait changé de reli­ et tout ce que Je pourrais écrire dans la suite, ayant toujours vécu dans son sein et dans la foi et souhaitant gion, 1698. —Trompé au sujet d'un frère dont il plaida la cause avec trop d’insistance, il crut devoir ardemment avec la grace de Notre-Seigneur d’y finir s'en humilier cl en demander pardon par écrit : ccd mes jours. · nous a valu scs Réflexions sur les prisons des ordres IL La théologie dans les écrits de Mabillon. religieux (Œuvres posthumes, t. n, p. 321). Entre — Nous nous sommes étendu un peu longuement sur temps, il publiait une Lettre circulaire sur la mort de les ouvrages de Mabillon en donnant sa biographie, Jacqueline Rouelle de Blémur (1694), donnait une tra­ pour avoir un point de repère dans l’exposé qui suit. duction non relie de la Règle de saint Benoît, 1697, A part quelques dissertations où sont traitées des questions spéciales de théologie, à part aussi des adressait la lettre d'un bénédictin à M l'éréque de appréciations d'ordre moral, ce que l’on trouve surtout Blois touchant le discernement des anciennes reliques, dans les œuvres du savant bénédictin en matière au sujet d'une Dissertation de M. Thiers contre la théologique, ce sont des indications'historiques consainte Larme de Vendôme, ln-12, Paris, 1700. C’est ù 1431 MABILLON 1432 cernant des points de discipline, des exposés d’opi­ tion des Bites rendu en 1668 donnait comme indices du martyre la palme gravée sur la pierre du loculus où nions. En somme, Mabillon appartient beaucoup étalent renfermés les ossements, et la fiole de sang plus à l'histoire et à la liturgie qu’à la théologie. placée à côté. Dans ses visites aux catacombes, Ma­ Pour mettre un peu d’ordre dans notre exposé, nous suivrons l’ordre des traités de la théologie dog­ billon remarqua que plusieurs inscriptions, même matique, auxquels nous joindrons quelques points de avec la palme et la fiole, n’avalent aucun caractère religieux, que d’autres avaient un caractère nette­ morale. 1* Sur lu théologie clte-méme, son objet et sa mé­ ment païen, comme le diis manibus; de ces constata­ thode d’enseignement, le Traité des études monas­ tions sc dégageaient les conséquences suivantes : il ne fallait pas se hâter de voir un vestige de sang humain tiques nous livre la pensée de Mabillon. Dans la dans des vases d’argile qui étaient peut-être destinés seconde partie où il traite des études qui conviennent aux solitaires et de la méthode à suivre, il conseille à brûler de l’encens; la palme pouvait être une repré­ de faire des recueils, il recommande la Somme de saint sentation du cyprès, symbole non du martyre mais de la mort. En somme tous les ossements contenus dans Thomas comme un excellent ouvrage, un peu trop long cependant. Mais, depuis ce grand docteur, les catacombes étaient des restes de chrétiens; ceuxlà seuls pouvaient être considérés avec certitude ajoute-t-il, la scolastique a bien dégénéré : il ne faut comme des ossements de martyrs près desquels sc pas s’amuser à ces questions inutiles qui ne servent ni trouvait l’attestation expresse des supplices endurés Λ appuyer la foi, ni à régler les mœurs. Quant aux pour la foi; à la plupart des fioles, sinon à toutes, on casuislcs, Ils ont subtilisé jusqu’à perdre la raison; leur étude est dangereuse pour qui veut s’instruire de pouvait attribuer un autre usage que celui de con­ la morale chrétienne, il y aurait beaucoup plus de pro­ server le sang recueilli du corps des martyrs. Mabil­ lon constatait d’autre part qu’en fait aucun discer­ fit à lire les Offices de Cicéron. Les chapitres xvm-xxi contiennent un plan général pour la théologie. Traité nement ne présidait à la recherche des reliques des martyrs; de là des abus et des scandales pouvaient des études monastiques, 2 vol. in-12, Paris 1692, t. 1, résulter dans le culte rendu à de telles reliques. Avec p. 302-301; t. il. p. 315. 2· Sur l'autorité de Γ Église et ses décisions concernant toutes les précautions que demandait une matière les sources de la tradition, Mabillon donne quelques aussi délicate, mais aussi avec tout le zèle que lui ins­ observations sur l’approbation des livres par le sou­ pirait son amour pour la religion, il exposa son opinion verain pontife (Acta Sanctorum O. S. //., 1.1 v, 2e partie, dans la lettre latine publiée sous le pseudonyme d’Eupréface). Se trouvant à Home au moment où les écrits sèbe. Elle fut favorablement accueillie en France, d'isaac Vossius étaient déférés à l’Index, on voulut comme le montre la lettre de l léchier, évêque de Nîmes à Mabillon; le prélat écrivait, en effet, en date avoir son opinion avant de statuer. Sa réponse fut du 2 mai 1689 : « Il fallait qu’un homme aussi éclairé qu’il n’y avait pas lieu de les condamner ; le sentiment de Vossius tendant à restreindre le déluge biblique à et aussi judicieux (pie vous l’êtes nous apprit à dis­ cerner dans l’obscurité des sépulcres les cendres des la terre habitée par les hommes, n’étant opposé ni à la foi, ni aux mœurs, il n’y avait aucun péril à le tolé­ saints d’avec celles des pécheurs, et à régler, selon les preuves évidentes ou douteuses, les honneurs qu’on rer. Votum 1). Joannis Mabillonii de quibusdam rend quelquefois indifféremment à des ossements Jsaaci Vossii opusculis, dans Œuvres posthumes, t. n, incertains comme aux reliques des marlyrs. Il y avait p. 59. longtemps que je souhaitais qu’on abolit certaines 3° Culte des reliques et des saintes images.—-Mal).! Ion remarque que le culte des suintes images n’a pas été superstitions qui s’introduisent en faveur de ces corps qu’on appelle saints et qui n’ont peut-être jamais été permis sans réserve dans les premiers siècles de baptisés. Les peuples sont naturellement crédules. La l’Eglise : on voulait ménager la délicatesse des païens cour de Home est quelquefois bien libérale de tels pré­ nouvellement convertis. L’hérésie des iconoclastes, sents. » Non moins caractéristique est ce passage d’une quand elle parut, fut favorisée par les empereurs de Constantinople, Léon l’Isauricn, Constantin Copro- lettre que Fleury écrivait à dom Buinart le 2 fé­ vrier 1698 : J’ai lu avec un grand plaisir la lettre du nyme. Le concile de Nicée, Vil· œcuménique, en 787, la condamna : les évêques français ne comprirent pas B. P. Mabillon que vous m’avez fait la grâce de m’en­ tout d’abord la décision de ce concile. Cf. Acta sanc­ voyer. Tous les gens sensés et véritablement pieux torum O. S /> , t. iv. voient avec plaisir réfuter solidement les erreurs qui Pour ce qui est de la canonisation des Saints, Mabillon peuvent être occasion de superstition et décrier au distingue trois temps dillcrents ou trois manières suc­ dehors les saintes pratiques de la religion. Cf. Valéry, cessives de canoniser les saints dans Γ Église catho­ Correspondance inédite de Mabillon cl de Montfaucon lique : 1. de la naissance de Γ Église jusqu’au x* siècle, avec ΓItalie, 3 vol. in-8°, Paris, 1816, t. ni, p. 7, 8. le pouvoir en était dévolu à l’évêque du consentement Cependant on s’éinut à Home; de vifs contradicteurs des peuples; 2. depuis le x· siècle jusqu’à Alexan­ déférèrent la Lettre d'Eustbe au tri muai du Saintdre III (1170), les évêques canonisèrent encore les Olllce. Voir à ce sujet une lettre de dom Estlennot à saints, du consentement du pape; 3. depuis Alexan- I Mabillon, d ms Valéry, op. cil., t. ni, p. 8-1 1. Mabillon dre III, les papes se sont réservé le pouvoir absolu de adressa à dom Estlennot une Commonitoria Epistola .. mettre les serviteurs de Dieu au rang des saints. super epistola de cultu sanctorum ignotorum, in-12, Acta Sanctorum O. S. IL, t. v, prêt. Paris, 1698, qui fut communiquée manuscrite aux car­ Sur le culte des Saintes reliques, nous avons de ’ dinaux et aux prélats tant de la Congrégation du Mabillon deux mémoires assez considérables entre les­ Saint-Olllcc que de celle de Γ Index. Valéry,op.cil., t. ni, quels on a voulu voir une contradiction. Après avoir p. 39. Ceux-ci déclarèrent qu’ils en étaient fort con­ résumé chacun de ces mémoires, nous dirons que la tents. On croyait l’alTalre terminée, quand après plu­ contradiction n’est qu’apparente. sieurs années on recommença la poursuite a la Con­ 1. Le premier mémoire est la lettre qui a pour titre : grégation de l’index. La condamnation paraissait im­ Eusebii liomani ad Thcophilum gallum epistola de minente; des cardinaux représentèrent au pape ce qu’elle aurait de fâcheux pour un homme de la répu­ cultu sanctorum ignotorum, lr· édit., ln-l°, Paris, 1698; 2· édit., ln-12, Paris, 1705 (voir plus haut : Vic, tation de Mabillon. Clément XI arrêta l’alïaire en col. 1129). Se trouvant à Home, Mabillon avait étudié représentant que ce religieux respectueusement sin­ sur place les principes sur lesquels on sc fondait pour cère à l’égard du Saint-Siège fournirait avec plaisir les reconnaître les reliques : un décret de la S. Congréga­ explications qu’on lui demanderait sur son livre. On 1433 MABILLON 1434 mais montrer que les règles données par J.-B. Thiers eut ainsi une seconde edition de la Lettre d'Eusèbe. Mabillon, dans la préface, déclarait y adoucir cer­ pour le discernement des anciennes reliques étaient taines expressions qui pouvaient paraître trop dures, fausses : invoquant la bonne foi des religieux de Ven­ et expliquer celles qui pouvaient sembler obscures. Les dôme dans la possession séculaire, il fait preuve d'un deux modifications les plus importantes étaient, d'une sage tempérament qui permet d’éviter et la supersti­ tion et l’irréligion, conserve la paix, évite le scandale part, la suppression de la lettre du pape Grégoire IV à Olgarc, archevêque de Mayence, d'autre part l’appro­ qui résulterait de changements indiscrets. 4e A propos du traité de ta Grâce.— Dans la préface bation sans réserve du décret de la S. Congrégation des des Acta Sanctorum O. S. B„ t. iv, 2· part., dom Ma­ Bites en 1668. Théoriquement, Mabillon admettait que billon sc montre peu favorable à Gotbescalc, dont il la fiole teinte de sang pouvait être présentée comme un indice irrécusable du martyre : cependant la ques­ n’ose condamner l’opinion sur la prédestination, tout tion de fait demeurait intacte, il fallait toujours préa­ en blâmant un peu durement sa conduite. Dansl'£(/(7ion bénédictine des Œuvres de saint Augus­ lablement reconnaître avec certitude la trace du sang. tin qui fut l'objet de nombreuses attaques, Mabillon Clément XI, auquel le nouvel écrit était dédié, s’en montra pleinement satisfait. Les historiens ont remar­ eut une part assez considérable pour que nous en par­ lions ici : ce fut lui qui rédigea VÉpitre dédieafoire au qué que dans toute cette discussion, Mabillon donna roi que dom Thuillier déclare être « un vrai chefune preuve convaincante de son admirable soumission d’œuvre en son genre ·. Histoire de la nouvelle édition au Saint-Siège en même temps que de sa fermeté à de saint Augustin donnée par les PP. Bénédictins de faire une revendication légitime. la Congrégation de Saint-Maur, in-4·», 1736, p. 5. In­ Que Mabillon ait gardé son sentiment au sujet de la gold : Histoire de Γ Édition bénédictine de. saint Augus­ dole teinte de sang, et sc soit tenu sur la réserve tin, la donne in extenso dans l’appendice, p. 145par respect pour le Saint-Siège et la S. Congrégation des Bites, c’est ce qui ressort des termes de la lettre 154. Il composa également la préface générale et la fit qu’il écrit le 12 février 1703 à Guillaume de la Parre : « en bon disciple du saint docteur », écrit dom Tassin. ■ Si Ton savait à Rome les excès que l’on commet en France et ailleurs sur le culte de ces sortes de reli­ Cependant les évêques à qui elle fut communiquée ques, je crois qu’on conviendrait que je n’en al pas ne souffrirent pas qu’elle fut ainsi imprimée : elle fut revue, corrigée, finalement modifiée par Bossuet assez dit, et même que ce que j’en ai dit est une dont elle est l’écho fidèle. Elle présente Vaugustivéritable apologie du Décret de la S. Congrégation des nisme sous des formules adoucies pour éviter l’écueil Bites qui condamne ces abus. «Voir Œuvres posthumes, t. i, p. 315. Qu’il ait vu juste en cette alla ire, c’est du jansénisme et rester dans les limites de l’ortho­ doxie. Voir à ce sujet Ingold : Bossuet et l'édition ce qui résulte des travaux publiés sur le même sujet bénédictine de saint Augustin dans Reçue Bossuet, au cours du xix· siècle, et dont on peut lire un résume dans l’article Ampoules de sang du Dictionnaire d'Ar­ t. i, p. 159-177. On voulut garder un Juste milieu entre les partisans chéologie chrétienne et Liturgie, t. i, col. 1747-1776. 2. Le second mémoire de Mabillon au sujet des reli­ d'Arnauld et les partisans de Molina, espérant ainsi s’imposer au respect des uns et des autres. En réalité, ques est la Lettre d’un Bénédictin à M. ΓÉvêque de on ne fit que des mécontents; les molinlstcs ne virent Blois touchant le discernement des anciennes reliques, au sujet (Lune Dissertation de M. Thiers contre la sainte dans la modération de Mabillon qu’une manœuvre dont ils ne lui surent aucun gré; les amis de PortLarme de Vendôme, In-12, Paris, 1700. A celte lettre Royal s'irritèrent des concessions faites à ce qui leur s’ajoutent les mémoires pour servir d'éclaircissement à l’histoire de sa sainte Larme de Vendôme. Voir Œu­ paraisait l’erreur. < Personne aujourd'hui ne fera un crime à Mabillon de n’avoir pas poussé scs sympathies vres posthumes, t. n, p 361, 383. Les bénédictins de Vendôme présentaient ù la véné­ pour la doctrine augustlnienne jusqu'au jansénisme. ration des fidèles la sainte Larme : celle-ci versée par Quant à l’édition bénédictine de saint Augustin, on le Sauveur sur le tombeau de Lazare aurait été recueil­ reconnaît depuis longtemps qu’elle est une œuvre de haute probité qui n’est déparée que par de malheu­ lie par un ange dans un globule de cristal, apportée en reuses concessions faites aux adversaires de l’augus­ France par sainte Madeleine, conservée à Aix jusqu’au tinisme. · J. Tunnel, dans Revue du Clergé jrançuis, règne de Constantin, transportée Λ Constantinople, 1902, t. xxx, p. 631. N oir aussi dom P. Denis, dans rapportée de là en France au xi· siècle par le duc de une note de la Revue Mabillon, t. v, p. 354. Vendôme. Ceux que gênait la Lettre d'Èusibe virent 5° Les sacrements en général. — Sur l’administra­ là une excellente occasion de prendre l'offensive; tion de V Extrême-Onction et du saint Viatique, la pré­ .J.-B. Thiers sc fil leur porte-parole : il dénonça la face des Acta Sanctorum O. S. B., 1.1, signale une évo­ légende comme fausse et demanda à l’évêque de lution de la discipline ecclésiastique. « Autrefois, écrit Blois de supprimer celte pieuse fraude. Dans les écrits Mabillon, on donnait l'extrême-onction avant le que nous venons de signaler, Mabillon prit la défense du trésor do Vendôme : son dessein n’était pas de saint viatique, et même plusieurs fols dans une même prouver, ni même d’atllrmer simplement l'authen­ maladie. Au xiu· siècle seulement, on commença à ticité de la relique. Il n voulu défendre la bonne foi des changer cet ordre et *à donner l’extrême-onction dépositaires de celte relique, établir qu’il y aurait scan­ après le viatique : ce changement vint d’une erreur dale à supprimer un culte qui existait depuis de longs populaire : on croyait alors qu'à partir du moment où l’on avait reçu le sacrement de l’extrême-onction, il siècles. n’était plus permis de manger de la viande, et que les On a prétendu, non sans apparence de raison, que Mabillon · partout ailleurs bon critique, s’est montré personnes mariées étaient obligées de garder la conti­ nence le reste de leurs jours: dès lors plusieurs malades dans celle circonstance trop crédule cl peu judicieux » ne voulurent recevoir l’onction qu’à la déni 1ère extré­ (Dictionnaire historique de Feller), qu’il abandonnait son propre sentiment dûment motivé dans la Lettre mité. Des conciles condamnèrent cette erreur. L’Église tout en la réprouvant, a néanmoins conservé la pra­ d’Eusèbe. Pourtant il y a une différence assez sensible tique do donner le saint viatique avant l’extrêmeentre les deux cas : dans la Lettre à Eusèbe, Mabillon onction. Elle a statué aussi qu'on ne devait pas réi­ s’élevait contre la nouveauté d’un culte abusif, non appuyé sur des preuves suffisantes; dans la lettre à térer ce sacrement au cours d’une meme maladie, nisi M. l’évêque de Blois, Mabillon n’a prétendu en aucune diuturna sit. Pénitence. — Mabillon signale ce point qu’au façon discuter la vérité ou la fausseté de la relique 1435 MABILLON 1436 vm· siècle, la confession était depuis longtemps consi­ sant entendre que cette croyance était universelle. Dans le même commentaire, col. 896-898, Mabillon dérée comme nécessaire pour le pardon des péchés même secrets; souvent la confession particulière se signale une autre théorie qui attribuait la consécra­ faisait en présence de plusieurs prêtres qui donnaient tion au Pater. La pain azyme. — Dans sa dissertai ion De azymo ensemble l’absolution au pénitent. Dom Tassln, op. eit., p. 226, sur la préface des Acta Sanctorum et /crmentato, ln-12, Paris, 1674, Mabillon soutient que le pain azyme ou sans levain était en usage dans O. S. B., t. m, partie (P Eucharistie. Présence réelle. — L’histoire de l’héré­ l’Église latine avant le schisme de Photius, les preuves du P. Slrmond pour l’usage du pain levé sie de Bérenger est présentée par Majdllon avec une grande exactitude; il signale sa condamnation par n'étant pas sans réplique. Par là aussi, il s'éloigne du divers conciles, les difïércnts auteurs qui l’ont réfu­ sentiment du cardinal Bona qui prétendait que les latins avaient employé indifféremment l’un et l’autre tée et enfin la conversion sincère de Bérenger en 1088. Dom Tassln et dom F. Le Cerf, op. cil., p. 231, 239, pain. Les arguments de Mabillon sont d’ordre histo­ sur les Acta Sanctorum O. S. B., t. vi, 2· part., sur les rique, il les expose dans les c. vii-ix; au chap, x, il Annales O. S. B., t. xv, et sur le t. n des Vetera Ana­ résout les objections qu’on peut lui faire. Le chap, xi qui donne les conclusions se termine par cette phrase : lecta. Mabillon, au t. xv, 2· part, des Acta Sanctorum termenti usum apud Latinos asserendi (quod cum bona O. S. B., expose les disputes survenues entre Paschase contra sententiam venia dictum velim) mihi sufficiens Radbcrt abbé de Corbie et Bcrtran ou Ratramne un de causa non videtur. En appendice, on trouve exposé le scs .religieux/Le livre de Paschase Radbcrt, écrit en sentiment du P. Macedo, cordelier, où l’opinion du 831, ne contient rien autre chose que la créance de cardinal Bona est traitée d'hérétique : Orator, dit à l’Église catholique de son temps : sur l’autorité de ce propos Mabillon, mihi visus est vehementior quam saint Ambroise, il soutient que le corps de Jésus- causa postularet : intempestiva et persona parum conve­ Christ dans l’adorable mystère de l'eucharistie est le niens est tam incondita declamatio. Généralement, on même qui est né de la vierge Marie. Cette façon de a donné raison à Bona contre Mabillon (voir Dupin, parler ne plaisait point à Hérigcr, abbé de Lobbcs. Bibliothèque ecclésiastique du X VU9 siècle, t. v, p. 46). Célébration de la messe. — Nous sommes redevables Mabillon cependant fait voir que tel était aussi le sen­ timent de saint Ignace, martyr, dans son épître aux à Mabillon de quelques détails concernant ia disci­ fidèles de Smymc, de saint Chrysostomc, etc.; il pline ecclésiastique. Au vnr siècle, est-il dit dans la ajoute dans une lettre du 11 mai 1689 à dom P. Thi­ préface du t. n des Acta Sanctorum O. S. B., il y avait bault : · Touchant la question de l’eucharistie que J'al des prêtres qui disaient tous les jours la messe et qui traitée, je ne prétends pas avoir tout dit, ni même en disaient quelquefois plusieurs en un même jour : d'avoir expliqué les choses d’une manière qui ôte le pape saint Léon II célébrait jusqu’à sept fois le toutes les difficultés dans la contestation qui était même Jour. Les évêques et les prêtres se conten­ entre Paschase et ses adversaires. Ces matières sont taient quelquefois de communier. Au vm· siècle, id., t. m n. l'esprit de l'Église était obscures et partant il est malaisé de les éclaircir entiè­ rement. Elles sont délicates, c'est pourquoi on est anciennement que les évêques et les prêtres célébras­ obligé de les traiter avec beaucoup de modération et sent tous les jours, les saints mystères. Au xie siècle, de retenue. Ça toujours été ma pensée que ces auteurs id., t. vî b, un concile de Compostelle ordonne que qui combattaient Paschase n’admettaient point la tous les prêtres diront la messe tous les jours. Communion sous les deux espèces. — Jusqu’à la fin reproduction du corps ni de l’àme de Jésus-Christ, et qu'ils ne voulaient pas admettre une mêmeté indivi­ du xn· siècle, la communion fut donnée aux laïques duelle entre le corps eucharistique et le corps naturel so as les deux espèces; les hommes, jusqu’au xx· siècle, de Jésus-Christ. Pourquoi donc, me direz-vous, ne me recevant l’hostie avec la main pour se communier. Acta Sanctorum O. S. B.t t. ni a. De même au xie siècle, suis-je pas expliqué de cela dans l’écrit que j’en al donné au public? C'est que je n’ai pas cru qu’il fût on voit que la communion en viatique était donnée à propos de le faire d’abord... Sur cet article, et sur sous les deux espèces; cependant on trouve aussi des quelques autres, je me suis réservé de traiter quelque cas où elle est donnée sous une seule. 7° Quelques points de morale. — 1. Sur le mensonge. Jour, si Dieu m'en donne le temps et le loisir, et si je vols que cela puisse être utile à l'Église. Car notre des­ — Mabillon nous a livré toute sa pensée dans la ma­ sein ne doit pas être d'augmenter les difficultés tou­ nière dont il se défendit quand ses frères en religion chant l’eucharistie : il n’y en a déjà que trop... Le | l’attaquèrent au sujet du t. i des Acta Sanctorum sentiment qui soutient la reproduction dans l’eucha­ O. S. B. : · Nous ne devons pas avoir plus d’attache ristie n’est pas aisé à trouver chez les anciens... 11 à notre ordre qu'a la fol catholique. Or saint Augus­ aurait été à souhaiter que l’on s’en fût tenu à la sainte tin fait voir excellemment bien, et c’est la doctrine modération des anciens Pères, qui disaient que c’était de l’Église, que nous ne devons point commettre le véritable corps de Jésus-Christ et que le pain et le la moindre faute contre la vérité cl contre la sin­ vin étaient changés en sa substance. Cette lettre est cérité, quand il serait question de convertir par ce à la Blbl. nat., ms.fr. 19659, f® 103. Elle a été publiée moyen les infidèles et les hérétiques. Car, comme dit dans U Revue Mabillon, t. v, p. 75. On ne voit pas fort bien ce grand homme, outre l'outrage qu’on ferait que Mabillon ait donne suite au projet dont H parle à la vérité, si l’on venait à découvrir notre mauvaise foi, tout le bien que nous aurions pensé établir sur ce ici. Ailleurs, dans son commentaire sur les Ordines faux principe s’en irait en ruine. Que si cela n’est pas romani, P. L.,l. Lxxvm.col. 899, Mabillon mentionne permis dans le discours, il l'est encore bien moins dan la doctrine très répandue au Moyen Age d’après les écrits que l'on donne au public avec prémédita laquelle l'hostie consacrée, sanctifiait et consacrait le lion et qui doivent demeurer dans la postérité. » Mémoire justi ficati/, publié dans Revue Mabillon, vin auquel elle était mêlée : « Quœ uerba (dit le texte d’un vieux missel de Reims) nullum sensum videntur t. vî, p. 12. C’est la même doctrine (pie nous trouvons dans une habere si calix ex contactu in sanguinem conversus non credatur..., à quoi Mabillon ajoute : In monasteriis profession de fol de Mabillon, trop peu connue, dit etiam galUcanis plerisgue vigebat eadem sententia. Mais Léop. Delisle, Dom Mabillon, sa probité d'historien, 11 ne se prononce pas sur cette opinion qu’il signale dans Archives de la Prance monastique : Mélanges et en historien : il croit que Baronius exagère en lals- I documents, t. v, p. 93, 91, et qui est empruntée à la 1037 MABILLON Vila Mabtllofiii, traduction latine de dom Bulnart» Padou c, 1711, p. 45 : Mentiri, si christiania omnibus, multo magis religiosam vitam professis nulla unguam ratione licet, longegue minus cum mendacium mullis exitiale est ar perniciosum. Fieri oero non potest guin historici mendacia vertant in perniciem multorum qui verbis ejus fidem adhibentes decipiuntur dum errorem pro veritate amplectuntur : non levis proinde ejus culpa fuerit qui tot alios secum in errorem trahit. Debet ergo, si candidus sit, procul ab omni studio partium certa ul certa, falsu ut /alsa, dubia ul dubia tradere. Voir encore la lettre de dom Mabillon à dom Ph. Bastide, dans Œuvres posthumes, t. i, p. 433. Eniln Mabillon eut une autre occasion de s'expri­ mer dans la même sens, quand accusé par l’abbé de la Trappe d'avoir écrit contre sa propre conviction, il répondit : · Je puis tomber dans l'erreur aussi bien que tous les autres hommes, je puis encore tomber dans des contradictions : mais que j’écrive 'contre ma propre conviction, j’espère avec la grâce de Dieu que cela ne m'arrivera jamais. » 2. Sur Γabstinence des viandes. — A propos de la tolérance de l’Église en ce qui concerne le gibier d’eau, on se préoccupait, même dans le clergé régulier, de savoir si ce gibier était permis les jours de jeûne. Cf. Lettre de l'archevêque de Rouen datée de Gallion le 17 mars 1695, Manuscrit de la Bibl. d'Amiens, 563, fol. 182. Mabillon dans une lettre au supérieur général, manifeste sa crainte de voir s’introduire le relâche­ ment dans la congrégation de Saint-Maur. Voici com­ ment il s’exprime au sujet d’oiseaux qu’on appelle jumelles ou judelles, et pilels, espèce du genre canard: • Cela va trop loin, et l’on ne se fera plus désormais de difficulté de manger des canards, des poulies (sic) d’eau et enfin de toutes sortes d’oiseaux; d’où l’on viendra bientôt ù manger toutes sortes de viandes, et certes j’aurais bien moins de sensualité à manger du bœuf et du mouton que de ces sortes d’oiseaux. Quand il n’y aurait que la nouveauté, elle seule devrait suf­ fire pour nous rendre cet usage suspect... Quoique toute cette nouveauté soit très dangereuse, celle qui favorise la sensualité l’est encore plus que toutes les autres, rien n’est plus contraire à l’esprit de péni­ tence. > Bibl. de Tours, ms. 1490, fol. 193, publié dans Revue Mabillon, t. v p. 83. Mabillon voyait juste, quand il redoutait pour un avenir assez rapproché le relâchement de sa congrégation sur ce point de l’abs­ tinence. En 1725, on souhaitait le retour au règlement du chapitre général de 1696. Circulaire, Archlv. nat., l. 814, n. 98. Revue Mabillon, ibid, I. Œuviibs di: Mabillon. — Nous les donnons Ici dans l'ordre chronologique de leur apparition, les œuvres latines d’abord, les œuvres françaises ensuite. 1· Œuvres latines, — Hgmni in laudem 'sancti Adalhardl cl Sanct c Balhildis, et ofjlcla ecclesiae Corbetensls propria, ln-8·, Paris, 1667. — Sancti Bernardi opera amnia, 2 in­ fol.. Paris. 1667. OU S in-8% ibid., 1667; 2· édit. 2 in-fol., Paris, 1690 (pour les autres éditions ultérieures, voir (L do luiina : Bibliothèque des Écrivains de Saint-Maur, n. 166).— Ada Sanctorum O. S. benedicti per sarculorum classes distribula, 0 in-fol. Paris, 1668-1701 (pour les autres éditions. voIrC. de Lama, ap.cit., n. 167». —De azgmo et fermentato, ad Emin. card. Bonn, in-S·» Paris, 1671. — Vetera Analecta, •I ln-8·, Paris, 1675-1685.— Anima Ivcrsioncs'in Vindicias Kempenscs, ln-8·, Paris, 1677; ln-16, Paris, 1712. — De re diplam ilica cum figuris, etc., In-fol., Paris, 1681; editio secunda ab ipso auctore recognita, emendata et aucta, in-fol.. Paris, 1709; Supplementum ad libros de re diplomatics cum flgurh, etc., in-fol., Pari·, 1701; édition de Naples. 2 infol., 1789. — Annales ordinis S. benedicti cum variis ins­ trumentis cl antiquis monumentis in appendicibus relatis, 4 in-fol,, Paris, 1703-1738; Volumen quintum opus posthu­ mum, in-fol., Paris. 1713; 6 in-fol., édition do Lacques, 1739-1745« —- Liturgus galiicana, etc., cum disquisitione de cursu gallicano, etc., ln-4·, Paris, 1685; 2’ édit., 1729 1438 (voir C. de l-arnn, op, cit., n. 175). — Musteum (falicum seu Collectio veterum scriptorum ex bibliothecis italIcis : tn primo tomo prirmlllilur Iter Italicum litterarium, in secundo commentarius in Ordinem romanum, 2 ln-4·, Paris. 1687 et 1680; 2· édit., 1724. — Eusrbil romani ad Theophilum gallum epistola de cultu sanctorum Ignotorum, in-4·, Paris, 1698, 2· MIL, ln-12, Paris. 1698 (a été traduite en français par divers auteurs et imprimée Λ Parts. Λ Bruxelles, à Tours, Λ Grenoble, rtc.). — Commonitoria epistola ad Cl. Estlennot super epistola de cultu sanctorum ignotorum, Ιη-4·, Paris. 1698; 2· édit.. Epistola? de eullu SS... in-4·, Paris, 1705. — Sancti bernardI de consideratione libri V ad Eugtnium Ul pontificem, jussu Clementis XI ponti/, max., ln-8·, Paris, 1701. 2e Œuvres françaises. — Réponse des religieux bénédictins de la province de Bourgogne d un écrit des chanoines réguliers de la même province louchant la préséance dans les États, ln-4·. Paris, 1687 (a été traduite en latin par Hermann Sclicnk). — Réplique des religieux de la province de Bour­ gogne au second écrit des chanoines réguliers de la même province, ln-4·, Paris, 1687. — Traité où Γοη réfute la nou­ velle explication que quelques auteurs donnent aux mots de Mp.ssk et de Communion qui se trouvent dans la régie de saint Benoit, in-12, Parts. 1689 (a été traduit en latin). — Traité des études monastiques, divisé en trois parties, avec une liste des principales difficultés qui se rencontrent en chaque siècle dans la lecture des originaux et un catalogue des liares choisis pour composer une bibliothèque ecclésiastique, in-4·, Paris, 1692; 2 in-12, Paris. 1692. (Ce truité a été traduit en latin parti. Stauldig.2 In-12. Camden, 1712; — par J. Porta. ln-4·, Venise, 1705; —en italien par G. Ccppi. sous le titre de Scuola Mabilioniana, 2 ln-12. Home. 1701). — Ré­ flexions sur la réponse de Ai. l'abbé de la Trappe au Traité des études monastiques, in-4·, Paris, 1692. 2 in-12. Paris. 1693 (également traduites en latin). — Lettre circulaire sur la mort de la Mère Jacqueline Bouelle de Bié/nurJn-4e,Paris, 1696. — Traduction de la Règle de saint Benoît, avec les statuts d*Étienne Ponchet, évêque de Paris, pour l'usage des religieuses de l'abbage de Chelles, ln-12, Paris, 1697. — Lettre d'un bénédictin d M. l'èvêque de Blois, touchant le discernement des anciennes reliques, au sujet d'une disserta­ tion de M. Thiers contre la sainte Larme de Vendôme, in-12. Paris, 1700. — 1m mort chrétienne sur le modèle de celle de N.-S. J.-C. et de plusieurs saints et grands personnages de l'antiquité, le tout extrait des originaux, ln-12, Paris 1702. — lettres que Mabillon a écrites. Il s’en faut qu’elles nient été toutes publiées. On en trouve un certain nombre dans M. Valery : Corrt-spondance inédite de MabtUon et de Monlfaucon avec l'Italie, 3 ln-8·, Paris· 1846; également dans les Œuares posthumes publiées par do u Thuillier, 3 in4·, Paris, 1724. notamment au t. i; dom P. Dents a publié Seize lettres de dom J. Mabillon, provenant de fonds divers dans Revue Mabillon, t. v, p. 67-100, et quelques autres encore dans la même Revue; U. Stcin. Bibliographie chro­ nologique des ouvrages relatifs d Mabillon, mentionne des I-ettrrs séparées du savant bénédictin : voir Archives de la France monastique, t. v. Mélanges et documents, Linug'·, Paris. 1908. — Les Œuvres posthumes dont nous venons de parler renferment qurlque*-uns des ouvrage.·» que nous avons mentionnés et en plus les opuscules suivants, tous contenus dans le t. u : lier Burgundicum: De^quibusdam factis IL P. Dom Vincent MarsolliL Votum de quibiudam Isaaci Vossii opusculis; Dot des religieuses; Avis pour ceux qui'travaillent aux histoires tes Monastères; Réflexions sur les prisons des ordres religieux: Remarques sur les anti­ quités de Saint-Denis. — A signaler cnün un mémoire de Mabillon. publié par dom P. Denis, >ous ce titre : Dom Ma­ billon rt sa méthode historique : mémoire justificatif sur son édition des Acta Sanctorum O. S. B., dans Revue Mabillon, t. vî, 1910, p. 1-64. II. Thavaüx sur Mabillon. — 1· Sursa vie. — S. Bau­ mer, Johannes Mabillon, ein Le bens und Litcralurbild, ln-8·, Augsboarg, 1892. — U. Bcrliérv, Mabillon et la Belgique, dans Revue Mabillon. t. iv, 1908. — Abbé Boulliot. Biogra­ phie ar\lennaisr, 2 ln-8®, Paris, 1S30 (sur Mabillon, voir t. n. p. 150-164).— E. de Broglie, Mabillon et la Société de l'abbage de Suint-Germain-des-Pres a la fin duX^Il* siècle (J664-17S7\, 2 ln-8·, Paris. 1888. — E. CnDrol. Panégy­ rique de Mabillon, prononcé en l’église de Sainl-Genuuindcs-Prés le 27 décembre 1907. duns ArcAloet de la France monastique, t. v. Mélanges cl Documents, Ligugé, Paris, 1908. — E. Chavin do Malan, Les gloires de ta France, Histoire de dom Mabillon cl de la Congrégation de Saint- 1439 MABILLON — MACAIRE D’ALEXANDRIE Maar, In-12, Paris 1843, —A. du Bourg. Dom J. ΛίαΜΖΖοπ, in-5*. Poitiers, 1908. — L. Fischer, Le deuxième rentenaire de Mabillon, dans Revue d'Alsace , t. XXXTT» 1908, p. 3140. — M. Gros de Boze, Eloge de dom Mabillon, pro­ noncé le 17 nvrll 170S dans ΓAssemblée publique de ΓAca­ démie royale des Inscription*, ln-4% Paris, 1708 (traduit en latin par dom J. Ifcrvin). — B. Haurénu, dans NouorWe biographie générale du D' Ihrfer, t. xxxn, p. 437-140 (une notice importante). — A M. P. Ingold, Mabillon en Alsace, to-8% Colmar, 1901. — H. Jndnrt, dam Jean Mabillon ; élude suivit de documents inédits sur sa vie, scs oeuvres, sa mémoire, in-8*, Brims, 1879. — Du même, La maison natale de D, Mabillon et son monument commémo­ ratif dans l'église de Saint-Pierremont, In-S®, Caen. 1885. — Du même, Les relations de dom Jean Mabillon avec le pays Laonnois, in-8e, Ijion, 1880. — Du mime, dom Thierry Ru Inart (1657-1709) notice... ses relations avec dom Mabil­ lon, ln-8€, Paris-Reims, 1886. — Du même, L'origine de Dom Mabillon à mint Pirrnmonl (1632-1656), sa liaison avec dom Ruinart (1632-1707), dans Archives de la France mon., t. V, Mélanges et documents. — J. Laboudcric, Notice historique sur Mabillon, in-R·, Paris, 1825.— F. Le Cerf de In Vlévlllc, Bibliothèque historique et critique des auteurs de la Congrégation de Saint-Maur, in-12, I-a Haye, 1726. — Dom Massuet, Abrégé de la vie de Mabillon, dans Annales O. S. Benedicti, t. v, in-fol., Paris, 1713. — Picot, Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique pendant le XVIIP siècle, 4 ln-12» Paris, 1815 (au t.i.on trouve quelques détail* sur les relations de Mabillon avec Je card. Colloredo). —Dom T. Ruinart, Abrégé de la vie de dom J. Mabillon, prêtre et religieux bénédictin de la Con­ grégation de Saint-Maur, in-12, Paris, 1709 (traduit en latin par Cl. de \ le. voir Vie). — Dom 'l'assln. Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur, in-1°, Bruxelles Paris, 1770. — Vic (Cl. de), Vita Joannis Mabillonii presb. et monachi O. S. H. Congregationis Sancti Maun a Th. Ruinart ejus socio otim gallice scripta, nunc... in latin urn sermonem translata, ln-8*, Pad oue. 1711. — Λ. VIdler, Un ami de Mabillon, dom Cl. Esliennot, dans Archi­ ves de la I rance mon., t. v, Mélanges cl documents. 2' Sur les Œuvres. — E. Babclon, Une querelle scienti* figue entre Jésuites et bénédictins : origin· de la diploma­ tique, dans Le Contemporain, 1878, t. i. p. 297-320. — Bouillnrt, Catalogue des livres com]>csés par les religieux de Saint- Gcrmain-dcs-Prés d auteurs de la Congrégation de Saint-Maur, in-îo|., Paris, 1721. — J. Bessc, Les éludes ecclésiastiques d’après la méthode de Mabillon, ln-18. Paris, 1900. — A. de Bolsllsle, dom Jean Mabillon et ΓAcademie des Inscriptions,dans Arc/iiots, etc., t. v. Melanges et docu­ ments. — Bossuet, Œuvrer, édit. Deforis. 44 in-8·, Ver­ sailles, 1815-1108 (quelques lettres échangées avccMnbillon). — F. (aibrol, Afabi/ton cl les études liturgiques, dans Archives, t. v. Mélanges et documents. — A. Dont 1er : Rapports sur la Correspondance inédite des bénédictins de Saint-Maur, In-S”, Pari*. 1857. — L. Delisle, Dom Jean Mabillon, sa pro­ bité d historien, dans Archives, ».v, Mélanges et documents. — J. Dcpoln, Vnc expertise de Mabillon : la filiation des La Tour d'Auvergne, dans Archives, t.y, Mélanges et docu­ ments.— 11. Didio, La querelle de Mabillon et de l’abbé de Rancé, ln-8·, 1411e, 1892. — Du même, Mabillon et l’oppor­ tunité d'une édition des ouvres de saint Augustin, dans Revue des Sciences ecclésiastiques, VHP série,l. VH, 1898, p. 5-32 et 192-212 (travail Inachevé et repris un peu plus tard par Ingold : voir ce mot). — A. Glry, Manuel de diplo­ matique; ln-8*, Paris, 1891 (résumant l'histoire de la diplo­ matique cet auteur Insiste sur l’érudition et les travaux de Mabillon). — A. M. P. Ingold, Bossuet et l'édition bénédic­ tine de saint Augustin, dans Revue Bossuet, 1.1, 1900, p. 159177 (étude réimprimée dans l’ouvrage du même auteur : Bossuet et le Jansénisme). — Du même. 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Baudot. moine égy ptien (iv< siècle). — Parmi les nombreux Macaire dont le nom ligure dans les diverses histoires des moines d’Egypte, les deux plus célèbres au ivr siècle furent Macaire dit d’Égypte, ou Macaire le Grand, voir ci-dessous, et Macaire d'Alexandrie. Les récits de seconde main ne permettent pas toujours de les dis­ tinguer, mais la séparation est nettement faite dans les deux sources de l’histoire monastique, à savoir VHis­ toire Lausiaque de Palladius et VH is (oria monachorum attribuée, à tort, à Butin. Il est question de Macaire d’Égypte, Hist. Laus., c. xvn, Hist, mon., c. xxvni, et de Macaire d’Alexandrie, Hist. Lans., c. xvin, Hist, mon., c. xxx. En cette dernière l'Alexandrin est appelé ό πολιτικός, le citadin. Les deux notices en question ont le même caractère, et sont plus préoc­ cupées d'étonner le lecteur par des anecdotes, dont quelques-unes fort invraisemblables, (pie de rensei­ gner l'historien sur le curriculum vitiv de leur héros. De quelques indications l’on tirera que Macaire est né tout au début du iv· siècle, qu’il s’est donné â la vie monastique, vers la quarantaine, qu’il est mort presque centenaire. Ami de Macaire le Grand, prêtre comme lui, il semble avoir eu comme lui une grande influence sur les colonies monastiques de Nitric. Aucun auteur ancien n’attribue à notre Macaire d’auxre littéraire. Pourtant G. Cave a publié dans son Historia litteraria scriptorum ecclesiasticorum, t. i, Londres, 1G88, un Λόγος του άγίου Μακαρίου περί εξόδου ψυχής δικαίων καί αμαρτωλών, que J. Tolllus, le croyant inédit, a publié de nouveau dans les Insi­ gnia itinerarii Hahci, I trechl. 169G, p. 192-199; il a été réimprimé dans Gallandi, Bibl. ueter. Patrum, t. vu, p. 237 sq.» cl dans P. G., I. xxxiv, col. 385-392. C’est une fort médiocre composition, qui décrit avec les images de l’eschatologie populaire le sort divers après la mort de Pâme du juste et de celle du pécheur; certains détails seraient précieux à relever, si l’on pouvait dater cette pièce avec ([uclquc certitude. Mais il n’y a aucune raison de l’attribuer à Macaire. On en dira autant de deux Regula· ad monachos, l’une mise sous le nom de Macarii abbatis Nitriensis, l’autre où figurent les noms de Sérapion, Macaire, Paphnucc, et d’un autre Macaire; publiées par I.. I loistenius dans le Codex regularum, elles ont été réim­ primées dans Gallnndl et dans P. G.; mais elles n'ont aucun droit ù figurer sous le nom de notre Macaire. Bi gles de la vie cénobitiquc, elles sont de nulle appli­ cation aux anachorètes que dirigeait le saint de Nitric. 1. MACAIRE D’ALEXANDRIE, Pour In bibliographie, voir ci-dessou* : Ma< auif. d’É­ gypte; les auteurs en cHcl qui parlent de celui-ci font tous une place plus ou moins considérable h Macaire d'Alexan­ drie. Les éditions ont été signalées au cours de l’article, 1441 MACAIRE D’ALEXANDRU5 _ MACAIRE D’ANCYRE Hoss, qui donne p. 212 sq. quelques renseignements sur les niss. du Κόγ'/ç, se trompe en faisant de Ί'ollius le premier M»tW· ' ί . Amans. 2. MACAIRE D’ANCYRE, controvcrslstcgrcc du début du xv· siècle» qui mérite plus que In simple mention dont II est l’objet de In part de A. Ehrhard dans K. Krumbachcr, Gcschtehte der byzanl. J.Ht.. Munich, 1897, p. 113. Commençons d’abord par recueillir les quelques don nées chronologiques qui le concernent. Au c. xax de son ouvrage, Macaire nous rappelle dans une curieuse énumération les principales villes de l’Europe qu’il a parcourues : Venise, Padou c, Vérone, Pavle, Milan, Gênes, Paris, le fameux Paris, écrit-il, Boulogne, Calais, Londres (Λουντρες, suivant l’orthographe qu’il emploie). Comme cet itinéraire correspond exacte­ ment à celui que suivit l’empereur Manuel II Paléo· logue dans sa visite aux cours principales de l’Eu­ rope, il est évident que Macaire a fait partie du cor­ tège impérial: et comme le séjour en Europe de l’em­ pereur se place entre le 10 décembre 1399, jour où il quitta sa capitale, et les premières semaines de 1103, époque où il y rentra avec une brillante escorte de chevaliers français, ces dates extrêmes fixent une période importante de la vie de notre auteur. Ceci posé, il devient hors de doute que le Macaire d’Ancyre, qui accompagna à travers l’Europe Manuel Paléologuc, doit s’identifier avec le Macaire d’Ancyrc dont il est longuement question dans un tomos encore Inédit, mais que nous espérons publier bien­ tôt. 11 est daté du mois d’août 1109 et conservé dans le Vatic, griveus 1132, p. 185-203. Cette pièce, qui est une vigoureuse condamnation de Macaire et de son collègue Matthieu de Média, nous apprend que notre auteur n’étant encore que simple prêtre, avait encouru une suspense a divinis sous le patriarche Antoine (1391-1397). Relevé ensuite de cette censure, il avait été promu au siège d’Ancyrc sous le patriarche Calliste, qui ne régna que trois mois, par conséquent entre la fin mal et la fin août 1397. Lors de l'éléva­ tion au patriarcat de Matthieu de Cyzique, en décem­ bre 1397, Macaire avait en plein synode soulevé contre le nouvel élu une grave objection, celle d’avoir occupé trois sièges épiscopaux, ce qui constituait une irrégularité flagrante. On lui répondit que Matthieu avait bien été, il est vrai, nornnu' à Chalcédoinc, mais qu’il avait été sacré pour Cyzique, et que par suite son transfert au siège de Constantinople ne constituait pas, comme on disait dans la langue de l’époque, un (risépiscopat. Macaire n’avait pas Insisté, mais durant son absence en Europe, l’un de scs ennemis, Matthieu de Média, avait repris l’argument et manœuvré tant et si bien qu’il avait renversé de son siège le nouveau patriarche. A son retour d’Italie, l’empereur dut réu­ nir sous sa présidence un synode de trente-trois évê­ ques pour établir l'inanité des griefs articulés contre Matthieu, et le replacer sur son trône en vertu d’un tornos synodal signé par tous les évêques présents, y compris les deux opposants. On aurait pu croire l’in­ cident définitivement clos. Or, une année ne s'étalt pas écoulée qu’à l’instigation des deux prélats la lutte reprit contre le patriarche, toujours accusé du même crime, celui d’avoir occupé truis sièges de suite, car, à les entendre, un évêque no/n/né (ύποψήφιος) étant réellement évêqae, le patriarche Matthieu était bien τρισεπίσκοπος. Il fallut convoquer un nouveau synode qui condamna les deux opposants à la dépo­ sition. Trois ans se passèrent durant lesquels les con­ damnés se tinrent dans une tranquillité apparente: mais au fond ils n’avalent pas désarmé, et leur temps s’étalt passé à écrire et à répandre sournoisement des libelles injurieux et contre le patriarche cl contre l’empereur. C’en était trop. Un dentier synode, réuni 1442 au cours de l’été 1409 et composé de tout le sénat, des fonctionnaires du patriarcat et de quatorze évêques, condamna les deux prélats, non plus à la déposition, dont Ils n’avaient pas été relevés, mais A l’excommuni­ cation suivie de la réclusion dans un monastère ou de la déportation dans une Ile, au gré de l’empereur. L’acte synodal est du mois d’août, deuxième indic­ tion, «le Γαη 0917, c’est-à-dire de 1 109. A partir de ce moment l’histoire sc tait, à notre connaissance du . moins, sur le turbulent métropolitain d’Xncyre. C’est sans doute dans sa retraite forcée que Macaire composa contre les Latins un des plus mauvais pam­ phlets qu’ait produit la littérature byzantine, pour­ tant si féconde en élucubrations de ce genre. En voici le titre tel que nous le donnent les manuscrit s: Μακα­ ρίου μητροπολίτου Άγκύρας πόνημα, τδ μέν καθόλου κατά της των Λατίνων κακοδοςίας, περί δέ που τά τέλη κατά Βαρλαάμ καί ’Ακίνδυνου καί των κατ’αυ­ τούς άθεων* βπερ καί διακέκριται εις κεφάλαια έκατύν είκοσι. Inc. Πολλά μέν καί πανταχόθεν τά δίχα πάσης αντιλογίας II n’a vu le jour qu’une seule fois, dans le rarissime recueil du patriarche Dosithée de Jérusalem Intitulé: Τόμος καταλλαγης. m-fol., Jassy en Moldavie, 1692, p. 1-205. Comme les c. xtx et xx manquaient dans le ms. utilisé par Dosithée, cet extraordinaire éditeur les a remplacés, p. 22-11, par une tirade de son cru. où, sans le moindre souci de l’anachronisme, on voit figurer les noms de Bellar min, de Cusa, de Binius, du concile de Pise. dans un écrit composé au début du xv« siècle. De l’œuvre même de Macaire, le mieux que l’on en puisse dire est qu’elle donne l’impression d’un salmigondis de textes, où les mêmes arguments sont ressassés cent fois et finissent par dégager pour le lecteur moderne un ennui dense cl intolérable. Dans une courte introduction, Macaire déclare s’être proposé un double but : 1° montrer la complète autonomie des quatre sièges patriarcaux de l'Orlent cl leur totale indépendance du pontife de Borne; 2® revendiquer la pureté de la fol orthodoxe contre les innovations dogmatiques des Latins. La première partie comprend les c. i-xl, p. 1-69 de l’édit, de Dosithée. La seconde se compose des c. xu-xcvi.p. 69-168, avec une digression quasiobligée pour l’époque sur la lumière du Thabor et sur la doctrine de Barlaam et d’Acindynus touchant la nature et les opérations divines. Ce hors-d’œuxTC remplit les c. lxxx-xc, p. 139-159. Le c.cxvn.p. 168172, défend contre les accusations des Latins l’usage de l’eau chaude ù la messe, et les chapitres suivants reprochent à ces mêmes Latins d’avoir cau­ sé le schisme. Dans une dernière partie, qui parait avoir été ajoutée après coup pour arrondir le vo­ lume. l’auteur attaque ù son tour certains usages latins, en particulier les azymes, et prétend prouver que la convocation et la présidence des conciles appar­ tiennent exclusivement à l’empereur, qui reste libre de s’y faire représenter par qui bon lui semble; enfin, dans les c. cxm-cxx, les plus violents peut-être de tout l’ouvrage, il accuse les Latins d’avoir violé à peu près tous les canons par une série de crimes, qui sc trouvent être précisément les péchés mignons des Grecs. Disons-le pourtant à la décharge de Macaire, le baptême latin a trouvé grâce à ses yeux, et il recon­ naît qu’une simple onction suffit pour admettre un papiste au sein de l’orthodoxie. Tel est l’ensemble de cet ouvrage, l’un de ceux où ont puisé ù pleines mains les polémistes postérieurs, ù commencer par Marc d’Éphèse; c’est que sur chaque point Macaire accu­ mule les textes à tort et à traversât il ne reste plus, Λ qui veut faire montre d’érudition, qu’à trier dans le tas. A en croire A. Démétracopoulos, ΌρΟόδοςος Ελλάς, Leipzig, 1872, p. 89, suivi par Palmieri, Dosileo patriarca greco di Gerusalcmme, Florence, 1909, 1443 MACAIRE D’ANCYRE — MACAIRE BULGAKOV p. 50, Macairc aurait commencé son livre durant son séjour à Paris. Le renseignement vient de Dosithéc, P 4,e de son édition, qui renvoie au c. evi; mais ce chapitre ne dit rien de semblable, et Ton aimerait de savoir si Dosithéc n’a pas lu ailleurs ce detail inté­ ressant. Voir l'appréciation qu'AJIatlus en donne en termes parti­ culièrement vifs dans le De Ecclesia: occidentalis atque orientalis perpetua consensione, Cologne, 1648, p. 865, 866. Allotius avait sous les yeux un ms. du V atican. L’ouvrage de Macairc se trouve encore dans d’autres mss., par exemple, le Vindob. theol. 107, VAthous 3722,1c Hierosolymitanus lll,t* 397-475, et 115, ί· 1-110. C’est ce dernier, selon toute apparence, qui a servi nu patriarche Dosithéc pour son édition,dont les multiples Imperfections ajoutent encore ù la mauvaise Impression que l’on éprouve â lire Macairc. f L. Petit. 3. MACAIRE BULGAKOV, célèbre théolo­ gien russe du xixe siècle, né au village de Novooskolskii, dans le gouvernement de Koursk, en 1816, mort en 1882. — Il était fils d'un curé de campagne, et s’appelait Michel Pétrovitch, avant d’embrasser la vie monastique. D’abord élève du séminaire de Koursk, il suivit ensuite les cours de l’Académie ecclésiastique de Kiev, se ht moine à la Un de scs études, et fut nommé professeur d’histoire ecclésias­ tique et civile dans la même Académie. Bien qu’il n’eût suivi lui-même aucun cours d’histoire — cette chaire n’existait pas à l’Académie, du temps qu’il était élève — il se montra, grâce à un labeur acharné, à la hauteur de la tâche qu’on lui confiait. En 1842, il passa à l’Académie ecclésiastique de Pétersbourg avec le titre de professeur de théologie. Dès 1843, il était reçu maître en théologie, et présentait comme thèse son Histoire de l’Académie ecclésiastique de Kiev. Dès lors, son activité littéraire fut prodigieuse, et ne se ralentit pas, malgré les hautes dignités auxquelles il fut élevé et qui lui prirent une partie de son temps. D’abord inspecteur de l’Académie de Pétersbourg avec le grade d’archimandrite, il devint recteur en 1850 et reçut la consécration épiscopale. En 1857, il fut nommé au siège de Tambov, passa au siège de Kkarkov en 1859, à celui de Lithuanie en 1886, et fut promu métropolite de Moscou, en 1879. En 1851, il avait été nommé membre de l’Académie impériale des sciences, et s’était distingué par son assiduité aux séances de la section dont il faisait partie. Esprit ouvert et sympathique à toute manifestation de l’activité scientifique, il consacra les gros revenus que lui procurait la vente de scs ouvrages à la fondation de prix pour les meilleures productions scientifiques et les meilleurs manuels à l'usage des étudiants. De tous les théologiens russes du xix· siècle, Macairc est celui qui a acquis le plus de notoriété, non seule­ ment parmi les diverses Églises qui se rattachent au groupe gréco-russe, mais aussi parmi les catholiques d’Occidcnt. Il doit cette célébrité à la traduction en diverses langues de ses deux principaux ouvrages théologiques, qui sont V Introduction à lu théologie dog­ matique orthodoxe et la Théologie dogmatique ortho­ doxe. L* introduction à la théologie dogmatique orthodoxe, publiée à Pétersbourg en 1847, correspond à peu près a nos manuels d’apologétique et de théologie fonda­ mentale. La 6* édition russe a paru à Pétersbourg, en 1897. Elle a été traduite en mauvais français par un Russe, Paris, 1857; en grec moderne par Nicolas Sp. Papadopoulos, 2 vol., Leipzig, 1858; en roumain par l’évêque Gérasime Timus, Bucarest, 1885. La Théologie dogmatique orthodoxe parut d'abord à Péters­ bourg en 5 volumes, de 1845 à 1853 (5· édit, en 2 vol., Pétersbourg, 1895). C’est un manuel de théologie ana­ logue ù ceux qui sont en usage dans nos séminaires, 1444 avec cette différence que l'élément proprement théo­ logique et scolastique y tient très peu de place, la plus grande partie étant constituée par de longues enfi­ lades de textes scripturaires et patrlstiqucs. L’auteur s’est, du reste, inspiré des manuels catholiques, en particulier de la Théologie du P. Perrone. De l’aveu même des Russes contemporains, la partie positive de cet ouvrage qui est pourtant la principale, laisse beaucoup ù désirer. Franzelin a fait de ce déficit la démonstration péremptoire pour ce qui regarde la procession du Saint-Esprit. Voir son ouvrage : Exa­ men doctrinœ Macarii Bulgakov de processione Spi­ ritus Sancti, 2· éd., Prati, 1894. Au demeurant, l’ou­ vrage est bien représentatif de l’orthodoxie officielle de l’Églisc russe dans la seconde moitié du siècle der­ nier. Mais ce serait une erreur de croire que tous les théologiens russes de la même période, et surtout les théologiens actuels, partagent la doctrine de Macairc. Celle-ci répond ù la conception que le procureur du Synode, Protasov, imposa à l’Églisc russe vers 1840, pour réagir contre l'influence de la théologie protes­ tante, qui avait été prépondérante dans la période précédente. Cf. M. Jugie, Theologia dogmatica Chris­ tianorum orientalium ab Ecclesia catholica dissiden­ tium, 1.1, Paris, 1926, p. 605 sq. Une traduction fran­ çaise très défectueuse de la Théologie orthodoxe de Ma­ cairc a paru à Paris, en 1859-1860, 2 vol. Une tra­ duction serbe a été exécutée par Métrophanc Chevits, 3e édit., Novi-Sad, 1895. L'ouvrage étant trop déve­ loppé pour le cours ordinaire de théologie des sémi­ naires russes, Macairc en fit un résumé, qu’il publia en 1868 sous le titre Manuel pour l’étude de la théo­ logie dogmatique orthodoxe. Ce résumé a eu de nom­ breuses éditions, et a été traduit en allemand par D. Blumenthal, Moscou, 1875; en grec moderne par Γarchimandrite Néophyte Paghidas, ΈγχεψΙδιον της κατά την όρΟόδοξον είς Χριστόν πίστιν δογματικής θεολογίας, Athènes, 1882; en bulgare, Osnovnite islini na verata, en 1901 ; en serbe, Manuel de théologie dogmatique, Belgrade, 1898. Macairc s’est signalé aussi comme historien de l’Églisc russe. En dehors de l’Histoire de l’Académie ecclésiastique de Kiev, déjà mentionnée, il a laissé : 1° une grande Histoire de /’Église russe en 13 volumes (le dernier volume a été publié après'sa mort), qui va des origines au grand concile de Moscou (1667), et reproduit plusieurs documents de l’ancienne littéra­ ture ecclésiastique russe. C'est ce qui en fait le prix, plus que le récit proprement dit, où le manque de cri­ tique se fait souvent sentir; 2° Une Histoire du rascol des vieux rites (en russe), Pétersbourg, 1854; 3° une monographie sur la secte des Stranniki ou voyageurs, restée en partie inédite ; 4° Un Recueil de matériaux pour la science du droit canonique de Γ Église ortho­ doxe, composé en 1850 et resté inédit. Il faut aussi signaler ses nombreux articles sur les diverses sciences ecclésiastiques parus soit dans la Lecture chrétienne, soit dans les Izviestiia de l’Académie Impériale des sciences, et quelque 200 sermons ou discours divisés en trois recueils et roulant principalement sur des sujets de dogme et de morale. Th. Tltov, Macairc Bulgakov, métropolite de Moscou ei de Koloma. Essai historlco-biographtque, 2]vo1.t Kiev, 1895 cl 1898; le Dictionnaire encyclopédique Brokhaus-Ephron, l. xvni, 1896, p. 397,398. donno’unc bonne notice, d'après le travail de I Itov; sur la rhéologie de Macaira comparée Λ celle de l'èvéquc Sylvestre Malcvnnddi. voir A. J. Wcdcnskil : Conyxiraison des sgxlémrs théologiques de Macairc et de rarchhnandrite Sglucitrr,d:uw\^ Leclurci de la Société des amateurs de la culture ecclésiastique, fèvrier-marsavril 1886. Cf. aussi M. Skaballanov Itch, l/évéque Sqleestre comme dogmatiste, dans les I ravaur de ΓAcadémie ecclésias­ tique de Kiev, janvier 1909. M. JUOIB. 1405 M AC AIR E CHRYSO K É P IIA LOS 4 MAOAIRE CHRYSOKÉPHALOS, ·.< r- monnnire et exégète grec. — Sur l'époque où II a vécu les critiques ont été longtemps partagés. Cave, Descript. eccl., p.12, hésite ù l'identifier avec Macairc de Philadelphie, dont parle Cantaeuzène, Histor., L IV, c. xxxvn, comme d’un des trois candidats en 1351 au trône patriarcal de Constantinople. Jean Mill, dans les prolégomènes à son édition du Nouveau Tes­ tament, Oxford, 1707,en fait un écrivain de 995, en se réclamant d’un des mss. d'Oxford, qui contient une partie des œuvres de Macairc. Mais Ussérius, dans sa préface aux Lettres de S. Ignace, c. xvm, a prouvé, à l'aide de ce même ms. d’Oxford, (pic là où Mill a lu 995, il faut lire 1315. Oudin, Script. eccl., t. m, p. 606· 609, place Macairc aux environs de l’an 1290, et Allatlus, De Symeonum scriptis, lui assigne comme dates extrêmes les années 1200 et 1320. Le Quien, Oriens christianus, t. i, p. 872,873, se refuse, tout comme Cave, à identifier Macairc l'écrivain avec le prélat de ce nom qui occupa le siège de Philadelphie au xiv* siècle; Il dédouble ù ce point les deux personnages qu’il va jusqu'à distinguer deux Macaircs, tous deux métropolitains de Philadelphie; le premier, d’après lui, serait l’auteur de l’homé!Ie sur la croix, publiée par J. Grclser, tandis qu’au second appartiendrait, avec les autres discours conservés sous le nom de Macairc, le nom de Chrysoképhalos, et ce Chrysoké­ phalos, toujours d’apres Le Quien, serait un contem­ porain de Manuel H Paléologue, puisque l'on a de lui une épigramme sur l’oraison funèbre composée par l’impérial écrivain Λ l'occasion de la mort de son frère Théodore en 1107. Le Quien appuie son hypo­ thèse sur le témoignage d’AIlatius qui mentionne ladite épigramme dans scs Exercitationes in Roberti Creyghtoni apparatum ad historiam concilii Floren­ tini, Borne, 1665, p. 684. Mais Abattus attribue l'épigramme en question, non ù Macaire, mais à Matthieu Chrysoképhalos, et l’on n'est pas peu surpris de voir Le Quien commettre de pareilles distractions. Fabri­ cius parle à deux reprises de notre auteur dans sa Bibliotheca gricca, t. vu, p. 767-771,et t. x, p. 497,498 (2· édit., t. vin, p. 675-683, t. X, p. 759, t. xi, p. 595597). La première fois, Il se demande s’il s’agit d’un auteur du xiv· siècle; mais, la seconde fois, Il devient plus affirmatif, et il n’hésite pas à identifier le Macairc écrivain avec le prélat de ce nom dont il est question dans les actes du synode palamiste de 1351 et dans l’histoire de Cantaeuzène. Villoison, Anecdota græca, Venise, 1781, t. n, p. 7-9, partage le sentiment de Fabricius. Tel est aussi l'avis de A. Ehrhard et de K. Krumbachcr, Gesch. der byzant. LUI., Munich, 1897, p. 212 et 603. Seulement Krumbachcr a tort de faire de Chrysoképhalos un sobriquet qui aurait été donné Λ Macairc pour avoir recueilli dans scs Chaînes les Χρυσά χεφάλαια des Pères. Fabricius, qui avait d’abord émis fa meme Idée, se rétracte plus loin et voit avec raison dans le nom de Chrysoképhalos le patronymique de Macairc. Est-ll possible d’arriver à plus de précision sur l'époque où vécut notre auteur? On reste rêveur, quand on songe que la solution de ce petit problème de chronologie se trouve écrite en toutes lettres dans ce ms. d’Oxford dont tant de critiques se sont récla­ més. Il est vrai que la lecture de ces lignes exige quel­ que attention. Le Baroccianus 156 contient ù la marge supérieure du f° 3 une note dont une partie a été em­ portée par une déchirure et que Coxe, Catalogi codi­ cum manuscri piorum bibliotheca? Bodleiamr, pars B, Oxford. 1853, p. 267, a lu ainsi : έκοιμήΟη ό αγιό­ τατος μητροπολίτες ΦιλαδελφΙας Μακάριος... γούσ­ του άρχι... £τους... όνον τεσσαράκοτα ίς. Cette transcription nous ayant paru sujette Λ cau­ tion, nous avons demandé la photographie de la page 1446 contenant la note en question, et voici ce que, sans nul doute possible, nous y avons lu : 4- ΒκονμήΟς δ άγιώτατος μητροπολίτης Φιλαδέλφειας Μακάριος.... γούστου, άρχιερατεύσας χρόνου; τεσσαράκοντα ίξ. En d'autres termes, Macairc de Philadelphie est mort au mois d'août, après un épiscopal de quarantesix ans. Au mois d'août de quelle année? En consul­ tant les Acta partriarchatus Constantinopolitanl publiés par Mikloslch et Müller, t. n, p. 45, on constate qu’en novembre 1382 eut lieu la nomination d’un nouveau titulaire au siège vacant de Philadelphie. On ne donne pas, Il est vrai, le nom du prélat défunt; mais si l’on songe au long épiscopat de Macaire, l'élec­ tion de novembre 1382 ne peut concerner que son successeur immédiat, et sa mort à lui doit avoir eu lieu au mots d'août de la même année, car on n'avait pas l’habitude à Byzance de laisser longtemps sans titulaire les sièges de quelque importance. Une chose certaine, c’est que Macairc, au témoignage d'un de scs diocé­ sains, vivait encore à la fin d’octobre 1372. Voir la note du fol. 211 x® du cod. 90des Consenti soppressi de Florence, dans Studi italiani di filotogia classica, t. i, р. 152 Théolepte occupait encore en 1321 le siège de Philadelphie, au dire de Cantaeuzène, Hist. L I, с. xiv et xix. Il a dû mourir peu de temps avant l’élection nu siège d'Éphèse de Matthieu qui écrivit son éloge funèbre, car cette pièce occupe dans le ms. autographe de Matthieu une place toute proche des morceaux relatifs au début de son épiscopat, et ce début, selon toute vraisemblance, doit être placé en 1329. Entre Théolepte et Macaire. le siège de Phila­ delphie sera resté vacant ou aura été occupé par un prélat dont nous ignorons le nom. Quoi qu’il en soit, c’est en 1336 que Macaire aura été élevé, suivant la note du ms. d'Oxford, sur le siège de Philadelphie. Ceci posé, nous sommes pleinement autorisés à iden­ tifier avec notre auteur le Michel Chrysoképhalos qui écrivit en 1327 le ms. dont le Marcianus 83 est une copie. Voir Zanetti, Græca D. Marci bibliotheca codi­ cum mss , Venise, 1710, p. 60, et Morelli, Bibliotheca manuscripta grxca et latina, Bassano, 1802, p. 74. On sait, en effet, que les Grecs ont l’habitude, en entrant dans les ordres sacres ou en faisant profession religieuse, de changer de nom, mais en gardant la première lettre de leur ancienne appellation. Il est donc naturel de penser que le Michel Chrysoké­ phalos de 1327 sera devenu d'abord le hléromolne Macairc, puis le métropolite Macairc de Philadelphie. Nous pouvons donc placer aux environs de l’an 1300 la naissance de notre auteur. Élu au siège de Plüladelphlc en 1336, il ligure comme tel au synode tenu en juillet et août 1341 contre Barlaam, au synode de septembre 1346 et à celui de février 1347 contre le patriarche Calveas, au synode d’août 1317 contre Matthieu d’Éphèse, au synode de 1351 contre les par­ tisans de Barlaam, au synode de 1354 pour Γélection patriarcale, et il meurt au mois d’août 1382. A une date que nous ignorons, probablement entre 1317 cl 1350, il avait clé nomme par l’empereur Λ la haute fonction de καθολικός κριτής de l’empire. N’étant encore que hléromoinc, il compila la ’Ροδωνιά ou Roseraie. C'est un recueil de proverbes, de maximes, d’extraits tirés de Synéslus, Dion Chrysostome, Plutarque, Aristide, Hérodien, Lucien, Libanius, Photius, Choricius, Stobée, Joseph, Élicn, Eusèbe, Nicéphore Choumnos, du patriarche Germain, de Grégoire de Chypre, de Constanti.· Manassès, de Georges Pachymère, pour ne point nommer les grands auteurs classiques. Conservé dans le Marcianus 152, cet intéressant recueil a été longuement et parfaite­ ment analysé par Villoison, Anecdota gricca, Venise, 1781, t. il, p. 4-79. Une série de proserbes, disposés par ordre alphabétique, est incorporée à l'ouxTagc; cette partie a été publiée par Schncidexvin et Leutsch, Cor­ pus paramiographicorum Gnccorum,\..u,p. 135-227.— Comme orateur sacré, Macaire nous a laissé un recueil de quatorze discours; ils ont été publiés dans un recueil d'une extrême rareté et presque inconnu en Occident. Aussi croxons-nous utile d'en donner, avec le titre, une description sommaire : Λόγοι πανηγυ­ ρικοί ιδ· του πανιερωτάτου αρχιεπισκόπου Φιλαδέλ­ φειας καί ποιμενάρχου πάσης Λυδίας, καθολικού κριτού των ‘Ρωμαίων, κυρου Μακαρίου τού Χρυσοκεφάλου, νυν πρώτον τύποις έκδοΟέντες, άναλώμασι τού Οεοφύεστάτου καί έλλογιμωτάτου έπισκόπου ‘Ηλιουπόλεως καί Θυατείρων καί εύπατρίδου της μεγαλοπόλεως Θεσσαλονίκης κυρίου Λεοντίου εις μνημόσυνον των έαυτού γεννητόρων. Έν Κοσμοπόλει. ln-4° de 1 pl., 4 L, 469 p. et 1 ί. La ville de Cosmopolis désigne ici la capitale de I’Autrlche où le volume a été imprimé en 1793 ou 1794 par les soins d'Athanase de Paros. Le volume contient : p. 1-33, discours sur l’Exaltation de la sainte Croix; p. 34-58, sur les neufs chœurs des anges et sur l’archange Michel; p. 59-89, sur les archanges Michel et Gabriel; p. 90-107, sur l’Hypapante; p. 108-134, sur la fête de l'Orthodoxic, avec une lacune considérable apres l'cxorde; p. 135-163, sur Γ Adorat ion de la croix au IIIedimanche de Carême; p.164-184, sur la fête des Rameaux; p. 185-211, sur la Résurrection du Christ; p. 212-246, sur les saintes femmes Myrophores et Joseph d’Arimathie; p. 247-275, sur l’Ascension; p. 276-297, sur S. Jean l’Évangélistc; p. 298-315, sur la Nativité de S. Jean-Baptiste; p. 316-345, sur la Transfiguration; p. 346-379, sur la Décollation de S. Jean-Rapt 1stc. Le reste du volume ne contient plus rien de Macaire. L'édition a été faite à l'aide d'un ms. de Patmos aujourd'hui perdu, l'éditeur, à qui on l'avait prêté pour son travaille l’ayant pas restitué. De tous ces discours, un seul sc trouve dims Aligne, P. G., t. et, col. 1173-1232, celui sur l’Exaltation de la Croix d’apres l’édition de Gretser, De Cruce Christi, Ingolstadt, 1600, t. π, p. 210-264, et Opera omnia, Ratisbonne, 1734, t. n, p. 119-183. Le texte de Gretser, publié à l'aide de l'actuel Monacensis 271, f°71 v°-86, est tronqué de la fin, et ce détail nous permet d'af­ firmer que le ms. de Munich a été copié sur l'actuel Ambrosianus 1033 (H 23 in/.), qui présente la même particularité. Dans tous les autres mss. du recueil, le sermon sur la Croix occupe la dernière place. Ainsi en est-il dans VAthous 1563, VOllobonianus 132, le Vati­ canus 1597 et le Coislinianus 106, Allatius a donné les titres et les incipit d’après le Vaticanus 1597, qui appartenait autrefois au Collège grec de Rome, dans scs Exercitationes in Roberti Crcyghtoni apparatum ad historiam concilii Florentini, Rome. 1G65, p. 681, 682, et dans sa dissertation de Sijmeonum scriptis repro­ duite en grande partie dans P. G., t. exiv, col. 77I 128. Si brillants que soient les discours de Macaire, c'est surtout comme exégète qu'il s'est fait un nom dans la littérature sacrée. H composa trois Chaînes considérables,l'une sur la Genèse, l'autre sur saint Mat­ thieu, et la troisième sur saint Luc. On n'a point retrouvé jusqu’ici de ms. contenant la Chaîne sur la Genèse,mais on sait par l’auteur lui-même qu'elle com­ I prenait deux parties, intitulées respectivement Cosmo­ I gonies et Patriarches. La Chaîne sur saint Matthieu comprenait trois tomes ou livres, divisés chacun en vingt parties ou λόγοι, soit soixante λόγοι en tout. De cette énorme compilation, In préface seule a été publiée par J. Chr.Wolf, De catenis grorcorum Patrum, p. 24, et reproduite par Fabricius, Bibliotheca grmea, t. vin, p. 677, et par P. G., t. ex, col. 240. Mais on possède en ms. deux tomes ou livres : le premier est contenu dans le Baroccianus 156, d'où nous avons tiré la note ci- dessus reproduite sur la mort de Macaire. C'est évldemment l’original, axant été écrit, non en 13-15, comme le répètent après le rédacteur du Catalogue tous les critiques jusqu’à A. Ehrhard, op. cil., p. 216, mais en 1314. Le second livre est contenu dans le Palmiacus 381 de l’an 1349 : c’est encore l'original exactement semblable au précédent pour le format, la beauté de l’écriture et la disposition. Voir Sakkélion. Πατμιακή Βιβλιοθήκη. Athènes, 1890. p. 175, et Robinson, The classical Review, 1887, p. 281. Les Ottoboniani 100, 133, 134 et le Paris. Suppl, yr. 28, f°l-36, ne contiennent que des fragments de celte Chaîne, dont il reste ù retrouver le troisième livre. Dans sa Chaîne sur saint Luc, Macaire s'est contenté de traiter les sujets propres à cet évangéliste qui ne sc retrou­ vent pas dans saint Matthieu. Aussi est-elle,comparée aux autres,relativement courte Elle comprend vingtquatre traités, et comme la première lettre de chacun d'eux suit l'ordre de l’alphabet, Macaire a appelé cette Chaîne \c Grand Alphabet, Μεγάλη Άλφάβητος, d'autant plus, ajoute-t-il, que le Christ, dont il y est sans cesse question, est l'alpha et l'oméga. Cette com­ pilation s'est conservée à peu près complète dans les mss. suivants : Vaticanus 1/37, Baroccianus 211, Taurinensis loi, Sinailicus 314. Allatius, dans scs Exercitationes contre Creighton, p. 682-684, en a public la préface en grande partie, et c’est son édi­ tion qui est reproduite par Fabricius et par Mignc, foc. cil On trouve cette même préface au complet dans Pasini, Catalogus codicum manuscripiorum Alhenai Taurinensis, t. i, p. 188. Avec les premiers écrivains ecclésiastiques et les grands docteurs des iv· et v· siècles, Macaire y cite quelques auteurs des âges postérieurs jusqu'à Théophylactc. C’est le système qu’il avait suivi dans son œuvre de jeunesse, la ’Ροδωνιά. 11 faudrait, pour l'apprécier à sa juste va­ leur, publier intégralement le recueil, ou tout au moins l’analyser, comme Villoison l’a fait pour la Rhodonia. Goar, dans son Εύχολόγιου sine Rituale Grœcorum, Paris, 1647, p. 817-819, a publié kune prière de notre auteur contre les incursions des barbares, que Mignc a reproduite, t. cil., col. 237-240. Le sujet était certes de circonstance, car si, du vivant de Macaire, Philadelphie fut épargnée et demeura comme un Îlot hellénique au milieu de pays entièrement occupés par les lures Seldjoucidcs, son tour allait venir, et en 1391 le sultan Bajazct éleva sa mosquée d’Andrinoplc avec les marbres apportés de Philadelphie. Mais plus heu­ reuse que Sardes, son ancienne métropole, elle devint sous le nom de Alaschéir la capitale d’une nouvelle province turque. Allatius, dans scs Exercitationes contre Creyghton, déjà citées, p. 680, assure avoir lu, quand il était à Chio, une Expositio in canones apostolorum et conciliorum composée par notre auteur. Les affirmations d'Allalius, dont la mémoire était admirable, méritent assurément créance. Nous n’avons pas toutefois retrouvé cet ouvrage dans les mss., à moins qu’il ne faille identifier avec notre métropolitain de Phila­ delphie le hiéromolnc Macaire dont on possède, en effet, un abrégé du Syntagma de Blnslarès, dont nous dirons un mot ailleurs. Voir Macaiixe hiéromoinc, col. 1455. Mais si l'on sc souvient que Blastarès écrivit son manuel vers 1335, on aura de la peine à croire que Macaire ait pris la peine d’en faire aussitôt un résumé. Le cardinal Pitra, dans son catalogue d’ouxTagcs cano­ niques à publier, cite à son tour, Juris ecclesiastici Gra eorum historia et monumenta, Rome, 1864, t. i, p. xvm, VExpositio canonum de Macaire Chrysoképhalos: mais les infidélités de cet éditeur sont trop nombreuses pour que l’on puisse le croire sur parole. Peut-être aura-t-il simplement emprunté ce titre à 1469 MACAIBE CH R YSO K ÉP H ALOS Allatius. ('.duI-ci, cjiii cite un chapitre du manuel du hléromoine Macaire,De Sgmeonutn scriptis,p. 35, P. G., t. exiv. col. 30, ne l'identifie nullement avec Chryso· képhulos. Il avait donc lu autre chose. Allatius, op. ci/., p. 081, mentionne encore un petit traité d’un Clirysokcphalos qu’il n'attribue pas, du moins formellement.a notre auteur. En voici l-lntllulé: Περί τού Ορου της Ανθρώπινης ζωής · ίστιν όοο;, ή ούκ ίστιν. Inc. ΟΙ λέγοντες βτι έκάστω άνΟρωπω ο τρόπος ώρισται. Cet opuscule se trouve sans nom d’auteur dans le Philippicus 1565, P 179, et dans le Vaticanus 215, P 10. Dans ce dernier ms., celui sans doute qu’avait vu Allatius, on Ut en marge a côté du titre : του Χρυσοκεφάλου, c'est-à-dire traité. de Chrysoképhalos. Les éditeurs du récent catalogue des Codices Vaticani grar i, Borne, 1923, p. 280, ajoutent que ce Chrysoképhalos est notre Macaire et ils renvoient à l’r. Boll, Griechtsche Kalender. II. Dec Kalender d. Quintilier, p. 3. Nous n’avons pas de motif de révoquer en doute cette attribution, mais nous vou­ drions connaître les arguments présentes en sa faveur. Signalons une dernière œuvre dont aucun critique n'a fait mention, mais que l’on ne saurait récuser contre le témoignage formel des manuscrits. Il s’agit de la Vie de Mélèce le Galésiote, dit le Confesseur, un des plus irréductibles adversaires de l’union avec Borne. Voir à ce nom. Celte vie est encore inédite, mais le moine Nicodème en a publié une paraphrase néo-grecque dans son Νέον Έκλόγιον, in-fol., Venise, 1803, p.311-321,2' édit., Constantinople, 1863,p. 280289. Le texte original se trouve généralement en tête des œuvres de Mélétios contre les Latins. f L. Petit. 5. MACAIRE DE CORINTHE, auteur ascé­ tique grec de la fin du xvme siècle. —Né à Corinthe en 1731, cl non en 1708, comme l’écrit Zaviras, ni en 1751, comme l’imprime C. Sathas, il reçut au baptême le nom de Michel. Il appartenait à celte famille des Notaras, qui avait donné à l'Églisc de Jérusalem deux patriarches, Dosithee et Chrysanthe, et à l’ile de Céplmlonie un patron populaire dans la personne de saint (îérasime. Son père, Georgantas Notaras, occupait le premier rang à Corinthe et comme fonctionnaire ottoman et comme protégé anglais. Après avoir terminé ses études dans sa patrie, le jeune Michel prit l’habit monastique sous le nom de Macaire au monastère de Méga Sp Iléon et rentra bien­ tôt après à Corinthe où pendant six ans il sc lit maître d’école Sur ces entrefaites, le vieux Parthenius, mé­ tropolite de Corinthe, étant venu à mourir (1764), Macaire fut désigné par scs compatriotes pour lui succéder. Le Saint-Synode approuva ce choix en jan­ vier 17G5, et le nouveau pasteur sc mit aussitôt à l’œuxTc. Il s'était proposé un double but, la réforme du clergé et l’éducation de la jeunesse. Mais le Péloponè.se s’étant révolté contre les 'Pures en 1768, la famille Notaras, y compris Macaire, quitta le pays par crainte des représailles, quand elle vit que l’entreprise allait échouer. Après un séjour de trois ans dans l’ile de Zantc, Macaire, privé de son évêché â la demande de la Porte par le patriarche Théodose (1773), vint sc fixer à Hydra où il resta jusqu’à la signature du traité de Kalnardji (1771). De là il passa à Chlo, puis au mont Athos, où il avait rêvé de sc fixer. Mais les scandales dont il fut le témoin modi­ fièrent ses plans, et complètement désenchanté de la sainte Montagne, il revint à Chiopour passer bientôt à Palmos. Méprenant au bout d’un an sa vie errante, on le voit tour à tour à Hydra, à Corinthe, à Chlo, ù Smyrnv, à Patmos, où il remplit en 1793 une mission comme exarque, et finalement à Chlo, où il meurt le 16 avril 1805 dans l'ermitage de Saint-Pierre, devenu depuis Saint-Macaire, près du village de Vrontados, MACAIRE DE CORINTHE 1450 au nord-est de la ville de Chlo. Canonisé par la voix populaire, il eut sa fete fixée au 17 avril, et un office composé par son disciple Nicéphore de Chio. Sur les éditions successives de cet office, voir L. Petit, fliblio· graphie des aroloulhies grecques, Bruxelles, 1826. au nom de Macaire. L'ancien évêque de Corinthe, qui avait déjà pris parti contre certains Athonites dans la controverse des colybes, sc trouva encore mêlé dans une querelle d’une portée plus haute, qui tint en suspens le monde grec durant plusieurs années, celle de la communion fré­ quente. Était-il permis de communier souvent, ou devait-on sc borner à recevoir la sainte eucharistie au terme des quatre grands jeûnes de l’année? L’usage. Il faut bien l’avouer, était contre la fréquence de la communion. Aussi l’émoi fut grand quand on vit la thèse contraire ouvertement et longuement soutenue dans un livre paru a Venise en 1777 sans aucun nom d’auteur. Ce livre étant aujourd'hui d’une excessive rareté ( nous n'en connaissons que deux exemplaires, celui du monastère de Xéropotamos au mont Athos, et le nôtre), nous en transcrivons intégralement le titre : Έγχβιρίίιον ανωνύμου τ.νός αποδεικτικόν περί τού ότι νρεωστούσιν οί χριστιανοί συχνότερον vi μετά λααόάνωσ. τα θεία μυστήρια Νυν πρώτον τύπυ.ς ίκδοθέν δαπάνη τού τιμιωτάτου καί ©ιλοχρίστου κυρίου Δημητρίου προσκυνητού τού εκ Δούστας. αύοξ' Ένβτίησι. 1777. Παρά Νικολάω Γλυκεί τφ ές Τωαννίν r/. Con licenza de* superiori. In-8®, 173 p. \près une préface composée presque exclusivement de textes scripturaires, p 3-9, l’auteur anonyme éta­ blit d'abord, a l’aide de ΓÉcriture, des conciles et des Pères, l’obligation pour le chrétien de communier sou­ vent, puis il réfute longuement les objections que l’on avait l’habitude de soulever contre cette pratique. L’ouxTagc n’ayant été signalé juqu’ici par aucun bibliographe, personne ne s’est préoccupé d'en recher­ cher l’auteur, mais nous croyons pouvoir affirmer que cet auteur n’est autre que notre Macaire. Voici pour­ quoi. Bon nombre de bibliographes attribuent au moine Nlcodème la paternité de l’ouxTagc suivant : ΒιβλΙον ψυχωφελέστατον περί της συνεχούς μεταλήψεως των ά/ράντων τού Χριστού μυστηρίων Νυν τοπρώτον τυπωΟέν είς κοινήν ωφέλειαν των δρθ^8όξων χριστιανών. ΈνετΙησι α/πγ. 1783. Παρά Άντων'.ω τώ Βόρτολι. Con licenza de superiori e pr.oilegio. In-12· de ?4-3 l3 pales. Nicodcme lui-même, danssa curieuse apologie intitulée:‘Ομολογίαπ.στεως. Ιη-8®, \ enise. 1819, p. SI, ne renie pas cette paternité. Et pourtant le Iîxtc ayant été déféré au Saint-Synode par le professeur Balanos, il fut prohibé en 1785 « comme contraire à la loi et scandaleux · et la lecture en fut interdite aux fidèles sous les peines les plus graves. Mais la majorité des moines de Γ Athos ayant pris la defense du Iîxtc incriminé, le décret de con­ damnation fut annulé par le patriarche Néophyte (1789 1791) da is une lettre adressée non à Nicodème, mais à Macaire, (pic le document parliarcal désigne expressément comme l’auteur de l’ouxTagc. Comment concilier ces divers témoignages en apparence contra­ dictoires? Que l’auteur véritable de ce Iîxtc aussi rare que discuté soit effectivement Macaire. on ne saurait en douter. Non seulement la lettre de Néophyte l’aflirmc catégoriquement, mais \thanase de Paros, ami et biographe de Macaire, ne consacre pas moins de deux pages a justifier la doctrine de son héros contre les attaques passionnées de ses adversaires. Il n’en est pas moins χταΐ (pie Nicodème, ici comme dans d’autres publications qui seront indiquées plus loin, s’est fait le collaborateur de Macaire; il a complètement refondu l’édition de 1777 en y introduisant avec quelques développements, toute une partie nouvelle, la première, contenant nu bref commentaire de 1451 MACAIRE DE CORINTHE — MACAIRE D’EGYPTE rOraison dominicale, sans compter bon nombre de textes entièrement nouveaux. Il a aussi multiplié les divisions : au lieu du chapitre unique que comptait la lre édit , nous avons Ici trois parties, subdivisées chacune en un certain nombre de chapitres, dont l’heu­ reuse disposition rend la lecture du livre moins fati­ gante pour le lecteur. On reconnaît dans toutes ces pages la plume alerte de Nlcodème, mais le plan pri­ mitif du livre et l’idée surtout de réfuter une à une toutes les objections de principe sont bien de Macaire. Contrôla solution que nous proposons de ce problème littéraire, une objection, il est vrai, peut être soule­ vée. Au témoignage de M. Gédéon, Εκκλησιαστική ’Αλήθεια, t. m, p. 67, Athanase de Paros, dans une lettre du 8 décembre 1783, attribuerait ù Néophyte le Causocalyvlte l'ouvrage sur la fréquente communion. Cette lettre étant restée inédite, il est difficile d’en discuter la teneur, mais il nous semble incroyable qu’Athanase de Paros ait dit blanc dans la biographie de Macaire, et noir dans la lettre en question. On n’est d’ailleurs pas peu surpris de voir le même M. Gédéon, dans une étude qui a pour objet l’histoire de la contro­ verse sur la communion fréquente, non seulement taire absolument le nom de Macaire, mais refuser encore à Nlcodème la moindre part dans la publica­ tion du livre de 1783, alors que le même Nlcodème éprouve le besoin, dans V Apologie citée plus haut, de se défendre contre une interprétation malveillante de la thèse soutenue dans le livre en question. On l’avait accusé en effet de soutenir la communion fréquente pour que le communiant pût recevoir en entier le corps du Christ, une seule communion ne lui procu­ rant qu’un Christ partiel. Les gens qui parlent ainsi, dit Nlcodème, sont l’organe du diable, et c’est le diable qui parle par leur bouche. Op. cil., p. 85. Le biographe de Macaire lui attribue un grand nom­ bre d'autres ouvrages, mais comme ces ouvrages ont tous été publiés sous le voile de l'anonymat, force nous est de ne mentionner ici que ceux qu’Athanase de Paros désigne expressément. Comme ils sont pour la plupart d’une insigne rareté, nous en donnerons le titre dans son intégrité. Les voici par ordre de date : 1® Φιλοκαλία των Ιερών νηπτικών συνερανισθεισα παρά των άγίων Οεοφόρων πατέρων ημών εν ή διά της κατά την πραξιν καί θεωρίαν ήθικ7 ς φιλοσοφίας νους καΟαίρεται. φωτίζεται.καί τελειουται.Έπιμε είαμέν δτιπλείστγ,διορΟωΟεϊσανύνδέ πρώτον τύποις έκδοΟείσα διά δαπάνης του τιμιωτάτου και Οεοσεβεστάτου κυρίου Ίωάννου Μαυρογορδάτου* είς κοινήν τών όρΟοδόςων ωφέλειαν, αψπβ’, Ένετιησιν. 1782. Παρά Άντωνίω τώ Βόρτολι. Con licenza de''superiori e privilegio. ln-fol. de 16-1207 pages, 2® édit., Constan­ tinople, 1861, et 3e, Athènes, 1900. Ce précieux recueil, que Migne n'a pu utiliser que tardivement pour sa Patrologlc grecque, comprend dans sa première partie les œuvres ascétiques des auteurs suivants : Antoine le Grand, Isaïe, fivagre, Cassicn, Marc, Hésychlus, Nil, Dladoque, Jean de Carpathos, Théodore d’Édesse, Maxime le Confesseur, Thalassius, Jean Damascene, Phllémon, Théognoste, Philothée le Slnaïte, fille, Thé­ ophile le moine. Lu seconde partie contient Pierre de Damas, la mélaphrasc des homélies de Macaire par Sjméon le Métaphraste, les chapitres de Syméon le Nouveau Théologien, Nicétas Stéthatos, Théolepte de Philadelphie, le moine Nicéphore, Grégoire le Slnaïte, Grégoire Palamas, le tomos des Athoni les en faveur des Hésy chastes, Calllste et Ignace Xanthopoulos, Calliste le patriarche, Calllste Télicoudès (lire Angélicoudés), Calllste Cataphygiotès, Syméon de Thessalonlque, le commentaire d’un anonyme (Marc d’Éphèse) sur la prière Domine Jtsu Christe [ili Dei miserere nobis, divers opuscules de Syméon le Nouveau Théo­ logien et de Grégoire le Slnaïte, enfin des extraits de 1452 la vie de Maxime le Causocalyvlte et de Grégoire Palamas sur la prière mentale. Le recueil est parfois cité sous le nom de Jean Maurocordato, mais à tort, ce mécène n'ayant fait que payer les frais d’impres­ sion. Souvent aussi, on l’attribue Λ Nlcodème, qui y a certainement collaboré, mais le principal éditeur, au témoignage de son ami et biographe Athanase de Pa­ ros, est Macaire de Corinthe.— Il faut en dire autant du recueil suivant, dont les biographes revendiquent la paternité pour Nlcodème. mais qu’Athanase affirme avoir eu pour éditeur Macaire : 2° Συναγωγή τών ΟεοφΟόγγων ρημάτων και διδασκαλιών τών Οεοφόρων καί άγίων πατέρωνάπο πάσης γραφής Οεοπνεύστου συναΟροισΟεισα οίκείως τε καί προσφόρως έκτεΟεισα παρά Παύλου τού δσιωτάτου μονάχου καί κτήτορας μονής της ύπεραγίας Θεοτόκου τής Εύεργέτιδος, καί Εύεργετινού έπικαλουμένου, ήτις ληφΟεΐσα έκ τής βι­ βλιοθήκης μονής τού Κουτλουμούση έπονομαζομένης, νυν πρώτον τύποις έςεδόΟη διά δαπάνης τού τιμιωτάτου και εύγενεστάτου κυρίου κυρίου Ίωάννου Καννά* πρδς ώφέλειαν τών έπιτυγχανόντων. φφπγ ' Ένετίησι, 1783. Παρά Άντωνίω τώ Βόρτολι. Con licenza de' superiori e privilegio. In-fol. de 36-1098 pages et un feuillet ; 2® édit, en 2 vol., Athènes, 1893. Cette vaste compilation, dont il sera parlé sous le nom de Paul moine de l’Euergétis, a été publiée aux frais d’un riche smyrnlote, Jean Cannas, dont Macaire avait sollicité l’appui. — 3° C'est encore à Macaire qu'est due l’im­ pression du Catéchisme orthodoxe de Platon, traduit en néogrec par le fameux D. Corai, à qui la générosité de l’ancien évêque de Corinthe avait permis de pour­ suivre ses études médicales ù Montpellier. Elle est Intitulée :’Ορθόδοξος όμολογία, in-8®, Leipzig,33-350 p. Réimprimée à Munich, chez George Frantz en 1834, in-8°, xxxn-241 p. — 4° Athanase de Paros ayant publié en 1798, à l'imprimerie patriarcale, une Χρι­ στιανική άπολογία, in-8°, 96 pages, contre les erreurs de Voltaire et l’athéisme, Macaire voulut faire les frais d’une seconde édition qui parut à Leipzig, in-8°, 148 pages, en 1805, l'année même de sa mort. Mais l'œuvre de scs derniers jours, celle qui lui coûta le plus de recherches et qu'il n’eut pas le temps d’achever, est le Νέον Λειμωνάριον, recueil de vies de saints et de martyrs de diverses époques mises en ordre et traduites en néogrec. L’ouvrage complété par Nicéphore de Chio, disciple de Macaire, parut à Venise en 1819 et a été plusieurs fois réimprimé depuis. Voir pour le détail de ces diverses éditions, L. Petit, Bibliographie des acolouthies grecques, Bruxelles, 1926, s. v. Iji biographie de Macaire par Athanase de Taros se trouve dans les diverses édit, de son acoloulhlc, Chio, 1863; llcrmopnlis 1885; Doukakès, Μέγας συναξαριστής, mois d'avril, p. 166-206, et en abrégé dans In dernière édit, du Ntov Αίίμωνάριον, Chio, 1913, p. 28. Voir en outre, P. M. Contoyanl, Οι Έλληνες κατά τον πρώτον τής Α1κατερ(νης Β'ρωσσοτουρκικον πό)εμον(/7βί-1774), In-8·, Athènes 1908, ρ. 409-415, article reproduit dans la revue Xtaxôv μουσιίον, ln-fol., Chio, 1911, p. 1-5; A. Elias, dans Χιακσ Χρονικά, t. il, Athènes, 1911, p. 31-33. Sur In controverse relative ù la communion fréquente, voir M. Gédéon dans Εκ­ κλησιαστική Αλτίκια, Constantinople, 1883,t.m.p. 671,72, et Ph. Meyer, Die Haupturkunden fur die Geschichte der Athosklôslcr, in-8·, Leipzig, 1894, p. 78, 79. Les lettres patriarcales relatives à ccttc question se trouvent dans M. Gédéon, ΚανονικαΙ διατάζεις, t. i, p. 269 sq., cl dans Mansi, Concll., t. xxxix. f L. Petit. 6. MACAIRE D’ÉGYPTE, nppeléaussi Ma- entre le Grand, ou Macaire de Scété, moine égyptien (iv·siècle).— Les deux sources des renseignements que l’on possède sur Macaire, c'est d’une part VHistoire Lausiaque de Palladius, c. xvn, édit. Butler, p. 4347, d’autre part VHistoria monachorum, c. xxvm, édit. 1053 MACAIRE D'ÉGYPTE Prcuschen, p. 86-90, dont le grec est l'original et qui a été traduite en latin par Rufin. Ces deux sources paraissent indépendantes. De la première dérivent les données fournies par Soromène, JL m, 14 et vt, 20, P. G., t. lxvii, col. 1068 et 1341, et par Socrates, H. E., IV, 23, ibid, col. 513 C. Elles sont passées de là dans les divers historiens du monachisme, anciens et modernes, qu’il est inutile de recenser Icl.f La vie de Macaire tient en quelques lignes. Origi­ naire de la I faute-Égypte, oh il a pu naître dans les toutes premières années du iv· siècle, il est devenu vers l’âge de trente ans, membre d’une de ces colo­ nies monastiques qui peuplaient le désert de Scété à l’ouest du Delta; disciple, semble-t-il, de saint Antoine, remarqué pour sa sainteté précoce qui l’avait fait surnommer le Jeune vieillard, παιδαριογέρων, il fut vers l’âge de quarante ans élevé au sacerdoce, alors que déjà il possédait les charismes de guérison et de prophétie. Il Jouissait dans la colonie monastique d'un ascendant considérable, sans qu’on puisse parler, à vrai dire, d’une autorité administrative. Les miracles les plus extraordinaires lui sont attribués par Palla­ dius, qui se rend compte lui-même que sa narration est tant soit peu incroyable. On relèvera au moins celui de la femme changée en Jument par un sorcier et rendue par Macaire à sa forme primitive. Au dire de Sozomène, vi, 20, il a été, avec d’autres chefs du monachisme nitricn, victime des persécutions dirigées par Lucius, l’évêque arien d’Alexandrie après la mort de saint Athanase. contre les nicécns fidèles, vers 374. Mais cette persécution dura peu. Macaire mourut âgé de plus de quatre-vingt-dix ans, donc dans les der­ nières années du iv· siècle. Il était mort depuis quel­ que temps quand le rédacteur de V Historia mona­ chorum visita, en 397 ou 398, le désert de Scété. Gennade qui écrit dans la seconde moitié du v· siècle, connaît Macaire mais ne lui attribue, en fait d’œuvre littéraire, qu’une lettre à de Jeunes moines : unam tantum ad juniores professionis suæ epistolam. De vir. ill., 10, P. L., t. Lvm, col. 1065. NI Palladius, ni 1’Historia monachorum ne parlent d’aucun écrit, et nul parmi les écrivins anciens ne connaît aucune pro­ duction littéraire de ce pieux personnage. A l’heure qu’il est pourtant la Patrologie grecque lui consacre un volume presque entier, t. xxxiv. — On y trouve : 1° Quatre lettres dont trois en latin, et une assez longue en grec, col. 405-146; — 2° Une prière en grec de quel­ ques lignes, col. 445-447 ; — 3° Cinquante homélies en grec, exposant les principes de la vie spirituelle, col. 449-822 ; — 4* Une série d’opuscules ascétiques en grec : I. De custodia cordis, col. 821-841; 2. De perfectione in spiritu, col. 841-852; 3. De oratione, col. 853-865; 4. De patientia et discretione, col. 865-889; 5. De ele­ vatione. mentis, col. 889-908; 6. De charitatc, col. 908936; 7. De libertate mentis, col. 936-968. — Il faudrait y ajouter, parmi les Apophtegmata sanctorum senum publiés par Cotclicr, et parmi les Apophtegmes coptes publiés par Améllncau, un certain nombre de dits et de propos attribués, â tort ou à raison, à Macaire. Il va de sol que l’on ne peut porter tout cet héritage nu compte de l'abbé de Scété que sous bénéfice d’in­ ventaire. D’abord, pour ce qui est des Apophtegmata, il est trop clair qu’il est Impossible d’en revendiquer pour Macaire l'absolue propriété. Ces anecdotes, ces conversations étaient, si l’on peut dire, un bien com­ mun â tous les grands solitaires. — Pour les 7 opus­ cules ascétiques édités d'abord sous le nom de Ma­ caire, lis se sont révélés, à un examen plus attentif, comme des extraits plus ou moins arrangés des homé­ lies. Un des mss., le Vindobon. 104, les donne expres­ sément comme compilés par Siméon le Logothète (lr· moitié du xi· siècle): Κεφάλαια του άγίου Μακα­ ρίου μεταφρασΟέντα παρά Συμεών (sic) τού Λογοθέ­ 1454 του. — Restent les homélies et la longue lettre grecque. Leur appartenance à un môme auteur semble vrai­ semblable, il y a, en efTet, une suffisante parenté de fond et de forme entre les deux écrits. La question de l’origine macaricnnc n'est pas tranchée pour autant. L’attribution des cinquante homélies à Macaire repose, en somme, sur la simple affirmation de mss. relativement récents, et les critères Internes ne la garantissent pas d’une manière absolue. Au xvm* siècle déjà, Oudin et Scmlcr avaient nié celte authen­ ticité; leurs arguments ont été repris et examinés tout récemment par C. Flemming, qui conclut d'une manière très ferme contre l’attribution à Macaire. Ces arguments sont de valeur très inégale et il ne semble pas que la majorité des critiques s'y soit Jusqu'à présent ralliée. Le plus grave, à notre avis, fait état de l'idéal monastique qui est présenté par l’auteur des homélies. 11 s’agit de toute évidence d’une règle pro­ posée à des moines vivant en une communauté très fermée, alors que, à s'en rapporter à V Histoire Lausiaque, Macaire présidait à des établissements tout différents. Vivant en des cellules éparpillées â de grandes distances· les moines de Nitric ne se rassem­ blaient en somme que pour l’office du dimanche. Ce n'est pas à des anachorètes de ce genre, mais à des cénobites du type pakhomlcn que semble s’adresser l’auteur des homelies. Resterait donc V Epistola sancti Macharii ad filios Dei, publiée pour la première fols par Floss en 1850 : inclp. : In primis quidem si cceperit, P. G., loc. cil., col. 405-410; elle correspond d’une manière exacte au signalement que donne Gen­ nade, loc. cit. : Macharius... scripsit epistolam in qua docet illum perfecte posse Deo servire qui conditionem creationis suæ cognoscens ad omnes semetipsum incli­ naverit labores, ut luctando atque Dei auxilium adversum omne quod in hac vita suave est implorando, ad natu­ ralem quoque, perveniens puritatem, continentiam velut naturæ debitum munus obtinuerit. Cela prouve au moins que, dès le début du siècle, elle circulait en Occident sous le nom de Macaire le Grand. Quoi qu’il en soit des questions d'authenticité, les œuvres spirituelles mises sous le nom de Macaire méritent certainement de retenir l’attention des théo­ logiens. On a essayé, en ces temps derniers, de préci­ ser la part qu’il conviendrait d’y faire aux influences stoïciennes et péripatéticiennes, d’établir les fonde­ ments sur lesquels repose la doctrine spirituelle et ascétique de l’auteur, les tendances dont témoigne cette dernière, la démonologlc qui y transparaît et qui est assez différente de celle de ΓHistoire Lausiaque. L'in­ fluence de ces écrits, dont l'origine reste assez obscure, a dû être considérable sur la formation de la mystique orientale; c’est ce dernier point qui mériterait d’être étudié. 1· Editions du texte. — L'édllion princeps des Homt lie* n été donnée pnr Jean Pic, Τού όσίου ζιτοοζ Maxast^v τον ΑίγντίΤ’ου όαιλ-αι ν' Parh, 1559 et en traduction Inline: S. Patri* Mararll Ægyptll homilla· quinquaginta Interprete Joanne Pleo, Paris. 1562; puis pnr Zacharie Palthenlus, .S\ P. Macartl homllltr spirituales, Francfort· 1594; pnr Georges Prit! ut, S. P. Macnril opuscula, Lclprig, 1714. d’oü elles sont passées dans Gnllnndi, Veter. Pair, bibliotheca, t. vn. p. 3 sq. et de là dans P. G., t. xxxiv, col. 449-822 — I-cs opuscula ascetfca. édités d'abord par P. Pousslnes, Thesaurus ascetlru*. Toulouse, 1083, sont passées dans Prltlus, op. cft., puis dans Gnllnndi et P. G. Ixjs lettres, rtc., Pont été pnr II. J Floss, Mucarll .F.qijplii epMolae, humi­ liarunt loci, preces, Cofognc-Bonn-Bnixclles, l^O, repro­ duit dans P. G., faut. rit.·, sur deux fragments que l loss avait publiés dans le programme de Γ Université de Bonn ilu 3 noùt 1866, cf. deux plaquettes de J. Gildeim hier. Ueber die an der k. preus* Unlver*lltU Bonn rnldrckten neuen Fragmente des Macarius, ixdp/ig. I860, et ZweZ/f.s Elberfeld, 1867. — Les apophlhrgntaUi, rassemblés d'iipiés diverses collections, dans P. G., lom. cil., col. 232-234, 1455 MACAIRE D’ÉGYPTE — MACAIRE DE MAGNÉSIE seront complété* par les apophthcgmcs publiés en copte et traduits par E. Amélinnu. dans Annales du Musée Guimet, 1891. t. XXV. p. 203-234. 2* Sources delà vie de Macaire d'fiqypic.— 1. Palladius, Histoire Lausiaque, c. xvn. voir l’édit, de dom C. Butler, dans Texts and Studies, t. vi, fasc, 1, Cambridge, 1898, fa*c. 2, 1001 et l'adaptation française dans la collection Hcmmcr-Lejay, Textes 11 documents. — 2. L'Historia /nonacfiorum.dont Butlern démontré que le texte original est grec, qu’il n’est pas de Butin, et que Rufin est seulement l’au­ teur de la traduction I llinc; voir ce texte grec dans E. Prctischen, Palladius und Ruflnus, ein Beitrag zur Quellen-Kunde des allesten Afénc/lfunu» Glesscn, 1897.— 3. Amélinau a aussi publié, toc. cil., p. 46-117, une Vie de Macaire de Scété, cl p. 118-202» des Vertus de saint Macaire, en c^pte (avec traduction française); la première de ces compilations se donne comme écrite par un moine nommé Sarapamnn; elle peut remonter à la fin du ivr siècle, ce qui ne veut pas dire que sa véracité soit au-dessus de toute contestation. 3® Notices littéraires et études de détail. — Acta Sanct., janvier, t. I, p. 1005-1015; Tillemont, Mémoires, t. vm. p. 571-625, 805-811; C. Oudin. Comm. de scriptoribus Ecclesiæ antiquis, Francfort, 1722, 1.1, p. 474-480; Sender, Specimen examinis critici Operum quas ita feruntur Macarii, Halle» 1715, et Specimen animadversionum in aliquot opus­ cula gr.xca Macarii. ibid., 1716; ces deux courtes disserta­ tions sont reproduites dans P. G., torn, cil., col. 263-281; J.· A. Fabricius, BlUtothcca graca, édit. Hurles, Ham­ bourg, 1802, t. vin, p. 361-366; et surtout lu très longue étude de Floss, op. cil., p. 1-188, reproduite intégralement dans P. G., torn, cil., col. 1-175. Panni les nombreuses études doctrinales modernes, citons seulement : G. B. IJndncr, De Macario dissertatio hhtoricn-theologlca, Leipzig, 1846; J. Stoffel», Die mysttsche Théologie Makarius des /Egyptcrs, Bonn, 1908; C. Flemming. De Macarii /Egyptii scriptis quivstioncs, Gœttinguc. 1909, cet auteur annonçait que la suite de son étude paraîtrait dans les Neue Studicn zur Gcsdiiclde der Théologie und Kirche, publiées par Bonwetsch et Seeberg ; elle n'était pas encore parue en 1914. Vne énumération plus complète de travaux modernes, en particulier de ceux do J. Stlglmayr, dans O. Bardenhewcr, Gcsch. der allkirchl. Ltteratur., t. ui, 1912, p. 92. £ ΑΜΛΝΝ 7. MACAIRE LE HIÉROMOINE, canoniste grec que l’on a souvent identifié avec Macaire Chrysoképhalos, voir ci-dessus, niais qui en est très proba­ blement distinct. Notons toutefois son goût pour les trimétres iamblques soit en. tète soit à la fin de sa compilation, genre qui rappelle assez bien celui du métropolitain de Philadelphie. Macaire le canoniste ne saurait être postérieur au XV· siècle, car le plus ancien manuscrit que l’on con­ naisse de son ouvrage est du xv· siècle, au témoignage d’un bon paléographe, Ed. Gollob, Verzcichnis der griechischen Handschri/lcn in Oesterrcich ausserhatb H tens, Vienne, 1903, p. 75. Ce codex est en parche­ min, hormis les feuillets du début et de la fin, et c’est une particularité dont il faut tenir compte dans l’es­ timation de l’âge d’un manuscrit. Il est conservé dans la bibliothèque du château princier de Nikotsburg, sous la cote /. /36. En voici le titre : Σύνταγμα έν έπχτύμω των έμ περί ειλημμένων άπασων ‘,ποΟέσεων τοϊς Οείοίς καί ίεροΐς κανόσ·.· πονηΟέν τε άμα καί συντεΟέν τω έν ίερομονάχοις έλαχίστφ Μακαρίφ. Inc. Ίστέον ώς ό μεν. Il comprend 236 chapitres, dont le premier traite de la foi orthodoxe, et le dernier, de la fêle de Pâques. C’est un remaniement du manuel canonique de Matthieu Blastarès, dont le titre même est conservé. Toutefois, nu lieu de laisser les canons dans l’ordre alphabétique qu’ils occupent chez son modèle, Macaire les dispose Ici dans l'ordre logique, mais en ayant soin de rappeler par un mot mis en marge, le plus souvent en abrégé, sous quelle fiche on retrouve chaque passage dans Blastans. Telle est du moins la physionomie du ms. de Nikolsburg. Mais comme il est arrivé pour tous les manuels de ce score, bien des modifications ou mutilations lui ont 1456 été infligées par les compilateurs postérieurs. Ainsi, dans la plupart des mss. qui nous ont conservé son œuvre, on ne compte plus que 231 chapitres, le pre­ mier sur les renégats, et le dernier sur les conditions ' requises chez ceux qui sc présentent aux ordres sacrés. Tels sont les mss. K. // de Lavra et 29 J de Dochiar au mont Athos, ainsi que le Vaticanus Borglanus gr. /3(olim L, V/, //). Même dans l’intitulé de l’ouvrage, la différente est telle, que l’on peut sc demander s’il ne s’agit pas de deux manuels distincts. La question ne pourrait être tranchée que par une publication intégrale. Voir l’analyse et une partie de la préface du ms. de Lavra, dans B. Béné^éviè, Notices sur les mss. canoniques grecs conservés à Va topâli et à la taure de S. A thanase TAthonite. Supplément au t. xi des Chroniques byzantines, Saint-Pétersbourg, 1904, p. 65-67 et 98, 99 (en russe). Dans le Borglanus /3, le manuel de Macaire est suivi de trois autres traités canoniques du même genre, que l’on trouve souvent à part dans les mss. 11 est probable que Macaire est resté totalement étranger à leur compilation; celle-ci varie d’ailleurs souvent : il y a presque autant de textes distincts qu’il y a de manuscrits différents. Oudin, Scriptores ecclesiastici, t. in, p. 609, assure que ΓExpositio canonum de Macaire est conservée en Angle­ terre; nous ne sommes pas en mesure de dire où. Allatius en cite un passage, tiré du chapitre 104, dans sa disserta­ tion De Synconum scriptis, p. 35, P. G., t. exiv. col. 30. f L. Petit. 8 MACAIRE DE MAGNÉS!E(vers 400). — Sous le nom de Macaire Magni s, c’cst-â-dirc de Magné­ sie, ci. G. Schalkausscr, Zu den Schri/ten des Maka­ rios von Magnesia, dans Texte und Untcrsuchungcn, t. xxxï, fasc. 4, Leipzig, 1907, p. 1-3, nous est parve­ nue une apologie du christianisme, extrêmement précieuse, mais dont l’origine et l’histoire restent pour nous enveloppées de mystère. La plus ancienne mention que l’on rencontre de cette apologie date du patriarcat de Nicéphore Ier (806-815). Les iconoclastes contre lesquels celui-ci avait ù lutter lui opposaient en effet des extraits qu’ils intitulaient : του άγίου Μακαρίου έκ της τετάρτης βίβλου των άποκριτικών. L’ouvrage et l’auteur étalent également inconnus au patriarche : après de longues recherches, Nicéphore parvint à découvrir un exem­ plaire du précieux écrit, avec ce titre : Βίβλος Μακαρίου Μάγνητος Ιεράρχου; il l’étudia, découvrit que l’ouvrage avait été rédigé plus de 300 ans après le temps des apôtres, qu’il était dédié îi un certain Théosthène, et qu’il renfermait les réfutations de questions posées par un aristotélicien inconnu. 11 en fit alors des extraits propres à réfuter les iconoclastes : ce florilège est yAntirrhdicus liber de Magnete qui a été édité par le cardinal l>.tra, dans le Spicilegium Solesmcnse, t. î, Paris, 1852, p. 302-335. Plus tard, un passage de l’apologie de Macaire fut copié par .Jean d’Antioche (1081-1118), dans son livre περί των άχράντων καί θείων μυστηρίων ; ci K. Krumbacher, Geschichtc der bi/zantinischcn Lite· rallie, 2*édit.» Munich, 1897, p. 156. Ce passage relatif à l’eucharistie, figure dans un assez grand nombre de mss. qui sont énumérés par G. Schalkausscr, op. cil., p. 6 sq. En 1491-2, Janos Laskaiis signalait la présence de deux mss. de Macaire en Italie, l’un â Corigllano, l’autre au monastère du Mont Sardo. Ces deux mss. ont disparu sans laisser de traces. Au siècle suivant, le savant jésuite François Torrès (Turrianus), mort en 1584, put utiliser, dans plusieurs de ses ouvrages, un autre ms. de Macaire, qu’il avait trouvé à Venise : à maintes reprises, il eut l’occasion de citer, le plus souvent dans une traduction latine, parfois dans le texte original, des fragments plus ou moins longs, 1057 MACAIRE DE MAGNÉSIE de 1’apologio de Macaire; cf. G. Schalkauscr, op. cil., p. 18-81. Pur un malheureux hasard, le ms. dont s'était servi Torres. disparut après lui. Dès le xvu· siècle, il était impossible de le découvrir, cl on n’a Jamais pu savoir ce qu’il était devenu. Aussi fut-ce avec joie que le monde savant apprit, en 1867, la découverte d’un nouveau ms. de Macaire par l’érudit français C. Blondel, qui l’avait trouvé à Athènes. Le ms. a vrai dire, était incomplet; il com­ mençait au milieu d’un mot au c. vu du livre H et se terminait au milieu d’un mot au chapitre xxx et dernier du livre IV. Les livres I et V et les 6 premiers chapitres du livre II avaient donc disparu. Blondel put toutefois préparer une édition, la première, de Macaire; cette édition parut après la mort du savant, par les soins de P. Foucart : Macarii Magnetis quæ supersunt ex inedito codiez edidit C. Blondel, Paris, 1876. A son tour le ms. dont s’était servi Blondel a été perdu, si bien qu’aujourd'hui nous ne connais­ sons l’œuvre de Macaire Magnés que par le texte imprimé. L’apologie de Macaire comprend cinq livres qui sont censés reproduire la discussion de l’auteur avec un philosophe païen. Celui-ci oppose à son adversaire une série de passages du Nouveau Testament, em­ pruntés surtout aux Évangiles et aux Actes des Apôtres; sa critique tantôt sérieuse, tantôt plaisante est toujours pénétrante; le chrétien s'efforce de répon­ dre aux objections et do faire voir que les livres du Nouveau Testament ne renferment pas de contradic­ tions, et exposent une doctrine digne d’être acceptée même par les sages de ce monde. Le titre le plus com­ plet de l’ouvrage paraît avoir été le suivant : Μακαρίου Μάγνητος Άποκριτικδς ή Μονογενής πρδς Έλληνας περί των άπορουμένων έν τη καινή Διαθήκη ζητη­ μάτων καί λύσεων. 11 indique donc que cet écrit fait partie de la très riche littérature des Quæsttones et res­ ponsiones. Cf. G. Heinnci, Zur patristischen Aporienliteratur, dans les Abhandl der k. saclis. Gesellsch.der Wiss., philol. hist. Klas., t. xxvn, Leipzig, 1909, p. 841-860. Le terme μονογενής fait cependant difflculté. O. Bardenherver estime que la partie perdue de l’ouvrage pouvait en expliquer le sens. Patrologie, 3· édit., Fribourg, 1910, p. 368. Plus raisonnablement, A. Har­ nack. Kritik des neuen Testaments non einem Griechi­ schen Philosophai des 3 Jahrhundcrts, dans Texte und Untcrsuchungen, t. xxxvnjasc. 4, Leipzig, 1911,p.7,8. remarque que les litres anciens sont souvent conçus de manière ù piquer la curiosité des lecteurs, et qu’icl l’on pourrait traduire : Réponse de Macaire, ou plutôt le Monogène (lui-même) répondant aux Grecs. L’époquo Λ laquelle a été composé V Apocrilicus est vraisemblablement la fin du iv· siècle. Au livre IV, le païen remarque que le Sauveur a annoncé la venue de faux christs, mais que depuis 300 ans et plus, ή καί περαιτέρω,on n’en a point vu. Celte date impré­ cise nous conduit seulement au iv· siècle. Par ailleurs, l’ouvrage nous montre que le monachisme est partout répandu en Orient cl exerce une grande influence, h, 7; qu’il y a des manichéens dans le monde entier cl qu’il constituent un danger pour l’Églisc, ni, 43; iv, 15, que le paganisme est encore en possession de l’in fluence intellectuelle. La théologie trlnltairc de l’auteur est celle des Cappadociens. 11 y a en cllel une seule ούσία en Dieu et les trois ύποστάσεις : êv όνομα θεού κάπί τω υίφ καί τω πατρί καί τω άγίω πνεύματι καί Οεδς είς έν τρίσιν ύποστάσεσίν έστι καί ονομά­ ζεται... τριών ύποστάσεωνέν ουσία μια γνωρίζεται τδ όνομα. Apocrit., ιν, 25, ρ. 209; cf. ni, 14, ρ. 91; in. 11, ρ. 76. On a remarqué encore certaines ressem­ blances entre sa doctrine christologiquc et cachatologiquc et celle de saint Grégoire de Nyssc ; cf. Môflcr, dans la Theolog. Literaturzeitung, 1877, col. 523. I>ICT. DK THÉOL. CATIIOU 1458 Le pays dans lequel a vécu Macaire a donné lieu î’i discussion. L. Duchcsnc, De Macano Magnete et scriptis ejus, Paris, 1877, p. 11, 12, se prononce pour le voisinage d’Édcssc. La plupart des historiens pen­ chent pour l’Asie Mineure. On connaît précisément, à la fin du iv· et au début du v· siècle, un certain Macaire qui fut évêque de Maunésic, sans qu’il soit d’ailleurs possible de préciser, s’il s'agit de Magnésie de Carie, ou de Magnésie de Lycie. Ce Macaire, d'aprîs Pholius, liiblioth.,cod. .59, /*. G., Lcm, col. 105, figura au concde du Chêne, en 403, comme accusateur de l’évêque Heraclide d’Éphèsc, l’ami de saint Jean Chrysostome. Nous ne savons rien de plus sur son compte. Mais il n’est pas invraisemblable que ce personnage ait pu écrire V Apocrilicus. Sans doute, T. \V. Crafcr, Macarius Magnes a neglected apologist, dans The Journal oj theological studies, t. vin, p. 401-123, 546-570, n’accepte pas ces conclusions; il estime que Macaire a dû écrire tout â la fin du ni· siècle ou durant les premieres années du iv·. On ne saurait ici insister sur une thèse qui a pour clic bien peu de vraisemblance. Ce qui fait surtout l’intérêt de l’apologie de Macaire, ce sont les objections auxquelles elle répond. Ces objec­ tions supposent de la part du philosophe païen qui les exprime une connaissance très sérieuse du Nouveau Testament. Or, elles ne sont pas imaginaires, et n’ont pas été inventées par l’écrivain pour les besoins de sa cause. Elles ont été empruntées textuellement â un ouvrage de polémique anlichrélicnne; de sorte (pic, grâce à Macaire, nous possédons encore d’impor­ tants fragments d’un de ces livres que l’Églisc, lors de son triomphe, mit tant de soins à faire disparaître. On a pensé à identifiercct adversaire du christianisme avec Hiéroclès, qui avait rédigé un ouvrage Ad Chris­ tianos et qui fut un des partisans les plus achamés de la persécution de Dioclétien, Lactance, Dio. Instil., V, ii, 12, P. L·., t. vi, col. 555; cf. Eusèbe, Adversus Hieroclem, P. G., t. xxu, col. 795-868. Telle est l’opi­ nion de L. Duchesne et de T. W. Crafer J GcfTckcn, Zwei griechische Apologeten, Leipzig et Berlin, 1907, p. 301-304, refuse de prononcer aucun nom; il croit seulement que le controversisle inconnu écrivait au milieu du ιν· siècle et utilisait surtout les livres de Porphyre contre les chrétiens. C’est aussi ù Porphyre que sc rallie A. Harnack. Celui-ci écrit d’ailleurs que Macaire n’avait pas entre les mains l’ouvrage authen­ tique du philosophe, mais qu’il n’en possédait que des extraits, groupés au début du ιν· siècle et qu’il réfuta ces extraits sans même sc douter qu’il avait a flaire en réalité au célèbre adversaire du christianisme. A. Harnack, Kritik des neuen Testaments non einem griechischen Philosophai, p. 137-144; Porphyrius « Gegcn die Christen » /5 Bûcher; Vxugnisse, Fragmente und Pejerate, dans les Abhandlungen der kgl. Preuss. Akad. der Wissensch., philos, hist. Kl., 1916, fasc. 1. Appuyée sur une argumentation détaillée, l’opinion de Harnack parait devoir être définitivement retenue. Sous le nom de Macaire, nous possédons quelques fragments d’homélies sur la Genèse, ces fragments ont clé édités par L. Duchesne, De Macario Magnete, p. 39-43, et par J.-B. Pilra, Analecta sacra et classica, Paris, 1888, part. I, p. 31-37. G. Schalkhausscr qui en a fait un examen approfondi, op. cil., p. 113-185, a montre qu’ils n'étaient pas authentiques, de sorte qu’il n’y a pas besoin d’y insister ici. La théologie de Macaire de Magnésie n’oflre rien de particulier. L*Apocrilicus n’est pas une œuvre de théologie, ni d’exégèse; il est un écrit apologétique Macaire a en face de lui un Grec, qui trouve dans un certain nombre de passages de l’Écriture un prétexte de raillerie ou d’incrédulité. Comme ce philosophe inter­ prète le Nouveau Testament au sens le plus littéral, IX· — 47 1459 MACAIRE DE MAGNÉSIE — MACAIRE DE PATMOS il est tout naturel que Macaire soit amené à proposer des explications allégoriques. D'ailleurs, on doit ajou­ ter que l'allégorie tient une si grande place dans sa réponse, qu’elle est évidemment conforme à la tour­ nure de son esprit, à son éducation, a sa manière de penser. D’une façon générale, l’auteur de VApocriticus se tient dans la ligne marquée par les Cappadociens On peut seulement retenir l'attention sur un passage consacré à l’eucharistie, Apocr., ni. 23, p. 103 sq. : « Le Christ ayant pris le pain et le calice dit : Ceci est mon corps et mon sang, non la ligure (τύπος) du corps, ou la ligure du sang, comme certains inconsidéré­ ment l’ont supposé, mais le corps et le sang en vérité. » On voit là que Macaire refuse d’admettre le mot τύπος, qui avait cependant été accepté par de fort bons auteurs, et même qu’il connaît l’existence d’une erreur eucharistique dont ce terme aurait été le pré­ texte. Cf. P. BatilTol, I/Eucharistie, Ί· édit., Paris, 1920, p. 390,391. !λ* textedct*.4pocrU/cuxe*tédité par C. Blondel, Μ χζαοίου Μχγνχ.το: ή Μονογ’νττ» Macarii Magnetis qua* uipersunt ex inedito rodice edidit C. Blondel, Paris, 1876· Sur la tradition manuscrite, voir l’ouvrage exhaustif de G. Schnlkaussrr, Zu den Schrt/lrn des Makarios von Magnrsta, dans Texte und Untcrsuchungrn, t. xxxi, i-or. 1, Leipzig, 1907. Sur la composition de l'Apologic : L. Duchesne, Dr Macario Magnete et scriptis ejus, Paris, 1877; T. XV. Crafer, Macarius Magnes, a neglected apologist, dans The Journal of theological studies, t. vin, p. *101*123; 5*16370. Sur Γadversaire de Macaire : J. GeiTeken, Zwel grieehische Apologelen, IzClpzig et Berlin, 1907, p. 301 sq.; II. Ilauschlldt,De Porphyrio philosopho Macarii Magnetis apologeta* christianl in libris άποχ^ιτκχων auctore, Heidel­ berg. 1907; A. Harnack, Kritik des .X'euen Testaments pon einem gritchischen Philosophen de* 3.Jahrh underis, dons Texte und Untcrsuchungen, t. xxxvn, fuse. I. Leipzig. 1911 ; G Hardy, Ixs objections d'un philosophe païen d'après TApocriticus de Macaire de Magnésie, dans le Bulletin d'an­ cienne littérature et d'archéologie chrétiennes, t. m, 1913, p. 95-111; A. Hnrnnrk, Porphyrins Gegen die Christen 15 Bucher, Zcugntsse, 1 ragmenlt und Referait, dans les Abhandl. dtr kgl, pretis. Akad. der Wisscnsch., philos. hist. Kl., 1910, (asc. 1. G. Baudy 9. MACAIRE DE PATMOS, maître d’école et I prédicateur grec de la première moitié du xvm· siècle. — Né à Patmos vers 1689, il se rendit à Constanti­ nople pour y compléter son éducation. H cul pour professeur ù l’école nationale du Phanar Jacques Manos et même, assure-t-on, Alexandre Maurocordato, dont l’amitié lui fut précieuse. Au sor­ tir de l’école, il entra comme archidiacre au ser­ vice de l’archevêque de Nlcomédic, mais ses goûts le poussant ailleurs, il rentra bientôt à Patmos et y ouvrit en 1713 une école dans la grotte dite de V Apocalypse. Peu nombreux au début, les élèves en peu dê temps atteignirent la centaine. Ils venaient de tous les points du monde hellénique, et même de la lointaine Bussie. Aussi fallut-il ouvrir un second établissement en 1729. Plusieurs années durant, Ma­ caire seul avait suili à tout, enseignant tour à tour la grammaire, la rhétorique, la philosophie, la musique ecclésiastique, voire le latin; mais à partir de 1722, il avait dû s'adjoindre des auxiliaires. Il resta ainsi vingt-quatre ans à la tète de son école, dirigeant son œuvre et donnant ses leçons de son lit, quand b maladie l’y clouait. Doué d’un réel talent d orateur, il connut d'éclatants succès, qui lui survé­ curent. 11 mourut le 17 janvier 1737, laissant une correspondance énorme, dont une faible partie a été publiée ça cl là Elle a d’alllcurs beaucoup perdu de son intérêt, car la plupart des lettres conservées en 1460 copies n’ont ni adresse ni date. Des deux mille dis­ cours qu’il avait prononcés, au dire de Zavlras lu bibliothèque de Patmos en conserve deux cent cin­ quante. Sur ce nombre, cinquante-deux ont vu le jour par les soins du moine Éphrcm, son disciple, le futur patriarche de Jérusalem. Le recueil est intitulé : Ευαγγελική Σάλπιγς, et il a été publié pour la pre­ mière fois à Venise, en 1751, avec la fausse indication d'Amsterdam comme lieu d’impression. Aussi, tous les exemplaires furent-ils saisis par les inquisiteurs et brûlés. L’exemplaire conservé Λ la bibliothèque Saint-Marc est probablement unique. Voir LegrandPernol-Pelit, Bibliographie hellénique du Mill· siècle. Paris, 1918, t. i, p. *131, *132; Legrand, tiphéméridex daces, Paris. 1888. t. m, p. xn. Les écrivains grecs ont de tout temps mené grand bruit autour de celte des­ truction; ils oublient deux circonstances, la clandes­ tinité de l’impression et la dénonciation d’un de leurs compatriotes, Démétrius Balsamos, sans lequel les Béfonnateurs de Padouc, d’une complaisance inouïe pour les publications en langue grecque, auraient sans doute fermé les yeux. Quoi qu’il en soit, l’ouvrage fut réimprimé à Leipzig, d’abord en 1758, puis en 1765. et non en 1768, comme l’écrit C. Salhas. Telle est la faveur qui l’entoure qu’une quatrième édition parue a Athènes en 1867 (et non en 1869, comme l’écrit A. Démétracopoulos), est devenue de nos jours presque introuvable, dans le commerce. L’édition de 1758, sur laquelle on peut voir Legrand*· Pernot-Pctlt, op. cit., p. *181, a paru par les soins de Séraphin le Pissidicn, archimandrite de Patmos, mais les prolégomènes sont du «pécheur Éphrcm·. La préface signée de Séraphin, p. vm-xxiv, n’est qu’un iiors-d’œuvre contre les Latins, sans aucun rapport avec le livre lui-même, hormis la haine qui s’y exhale contre l’Église catholique. Quant aux discours, il n’en est pour ainsi dire pas un seul où les calomnies contre les Latins ne soient ressassées jusqu’il satiété, tantôt en de longues digressions, tantôt en disserta­ tions purement dogmatiques. Ainsi les trois premiers discours du carême ont pour but de montrer que l’Église orthodoxe est la seule Église véritable. Un autre discours roule tout entier sur la procession du Saint-Esprit; un autre, sur le purgatoire; un autre, sur les azymes. Dans le discours pour le 11P dimanche de carême, l’orateur ose affirmer que l’Église orien­ tale seule connaît la soutTrance de la croix; dans celui du V· dimanche, que l’Église orientale se contente de la doctrine transmise par les conciles, tandis que l’Église latine, atteinte du virus de la vaine gloire, est tombée dans des absurdités sans nombre. Un second discours pour le même dimanche est consacré à l'énumération de tous les maux causés par l’ambi­ tion des papes. Dans le discours sur la Transliguralion, Macaire, renouvelant l’erreur du palamisme, enseigne que la lumière du Thahor est incrééc. Par contre, dans le discours sur la nativité de la sainte Vierge, il soutient que Marie est née avec le péché originel, dont elle a été lavée seulement lors de l’Annonciation. Cette doctrine ne lui est pas person­ nelle, et du reste l’éditeur fait observer dans une note llnale, p. 378, que ce discours ne parait pas être de Macaire, mais bien de son disciple Éphrem « le pécheur ». L’édition de 1765 est absolument semblable à celle de 1758. Quant à l'édition de 1867, comprenant xvi-388 pages in-fol., elle ne se distingue des précé­ dentes que par la dédicace du nouvel éditeur, St. Nicolaïdès, et par l’insertion d’une notice empruntée à J. Sakkélion sur les mss. .182-389 de la bibliothèque de Patmos, contenant les œuvres diverses de Macaire, hormis les lettres : héritage considérable, dont on n’a publié que VEkthesis des règles de rhétorique en appen­ dice à la première édition de VAcolouthie de saint 1461 MACAIRE bE PATMOS Chrislodule, ln-4®, Venise 1755. Sur cet ouvrage voir Legrand-Pcmot-Pctlt, op. cil., p. 436. Sur le» œuvre» inédite» do Mncnlrr, voir J. Snkkêlion, 11 iTtjtTxr, Βι6*ιο0τ,χν » p. 175,176 et 220-21. Sur sn vie, voir le moine Éphrem, dan» »n préface ù ΓΕύκγγε/ικη Χα/πιγ-, Alexandre de Tyrnavo dan» C. Snthn», Μισαηωνική lLô’/ΐοΟτχη, t m. Venise, 1872, p. 50-1-14, et surtout Μ. E. Mntandrakés» Il Βιτσιάς Σ/'/irr. in-8·, Athènes, 1911, ouvrage consacré en grande partie h notre auteur; il est plein de renseignements utiles, mais semé» çâ et 10 sans méthode. Voir aussi Th. N. Phlladelpheus. dans V Annuaire du Parnasse, Athènes, 1902, t. vî, p. 111-127. 11 n’est pas de périodique grec qui ne contienne quelque article sur Macaire» mais on n’y trouve aucune donnée qui no soit enregistrée ci-dessus. C. Sathns, Νΐΰέλ'/ηνιχή φιλολογία, Athènes, 1868, p. 439-411, s’est contenté, h l’exemple de Znvinis.de transcrire In notice d'Éphrcm, et A. Dêmélracopoulos, Έλ/ϊζ, in-8% Leipzig. 1872, p. 179, 180 est encore plus sobre de détails. L. Petit. MACEDO François, polygraphe du xvn· siècle, d’abord jésuite, puis cordelier (1596-1681?) — Né a Colin b re en 1596, il entre au noviciat des Jésuites en 1610; profès des quatre vœux en 1630, il remplit diverses charges de professeur dans la Compagnie; mais il la quitté en 1638 avec l’approbation des supé-. rieurs pour entrer chez les frères mineurs de l’obser­ vance, où il prend le nom de François de Saint-Augus­ tin. 11 est fort mêlé aux intrigues politiques, qui, en 1640, amènent la séparation du Portugal d’avec l’Espagne et l’établissement de la dynastie de Bragancc; en divers voyages à l’étranger, il cherche à concilier à celle-ci l'appui des cours de France cl d’Angleterre. En 1658, il est appelé à Borne où il professera la théologie au Collège de la Propagande· Un peu plus tard, vers 1662, il est appelé par la Répu­ blique de Venise à Padouc pour y enseigner la théo­ logie morale, il y mourut en 1681. D’une facilité incroyable, Macédo s’assimilait tou tes sortes de connaissances; mais peut-être aimaitil trop l’ostentation et l’éclat. On le vit organiser à Home et à Venise de véritables exhibitions où il s’oflrait ù disserter de omni re scibili, en vers aussi bien qu’en prose, et à répondre sur-le-champ ù toutes les objections. Il aimait la polémique; Bayle, qui ne l'estime guère, l’appelle «un chevalier errant toujours prêt ù rompre une lance ». Notice de Thomas Anglos, dans le Dictionnaire historique cl critique, édit, de 1730, t. i, p. 239. Il fait ailleurs, sur son compte, cet désobligeante remarque : · La République des Lettres a scs bretteurs; Macédo en était un. · Notice de Macédo, t. m, p. 138. En fait notre auteur eut des querelles retentissantes avec Thomas Anglus, avec le cardinal Bona, avec le futur cardinal Noris. Cette dernière ayant pris un tour extrêmement vif, les deux adversaires reçurent l’un et l’autre défense d’écrire d’avantage sur ces matières. Noris obé.l; Macédo cessa aussi d’écrire mais provoqua par un cartel en règle son antagoniste ù une joute théologique · en champ clos ou ouvert ù Bologne ». Voir le texte curieux de cette provocation dans Nicéron, Mémoires, t. xxxi, p. 332. L’œuvre littéraire de Macédo a le même caractère tumultueux. L’érudition rapide dont elle témoigne a pu faire, ù l’époque, grande impression sur certains contemporains, Gregorio l.eti parle de Macédo avec une admiration enthousiaste sur laquelle renchérit encore G. Morhof. L’auteur n'en est pas moins très oublié aujourd’hui. Macédo avait dressé à la lin d’un de scs derniers ouvrages, le Myrothecium morale, un catalogue qu’il déclare lui-même incomplet de ses productions litté­ raires. Nous signalerons ici, dans l’ordre même du catalogue celles qui ont trait ù la théologie, laissant de côté tout ce qui sc rapporte aux belles-lettres et ù MACEDO ! 462 la politique. — 1° Historia de los nuevos martyres del Japon, en espagnol, Madrid, 1632, composé alors que Macédo faisait encore partie de la Compagnie de Jésus. — 2° une série d’ouvrages sur la grâce, com­ posés au début des querelles jansénistes : Cortina D. Augustini de prudes! inatione et gratta, Paris, 1648, Munster-cn-W., 1649; Scrinium D. Augustini sioe mens D. Augustini illustrata de duplici adjutorio gratia:, Londres, 1651 Ces divers ouvrages penchaient dans le sens de l’augustinisme le plus strict. Mais la condam­ nation des cinq propositions par Innocent X on 1653 va modifier l’attitude de Macédo.Il publie en 1654. Mens divinitus inspirata summo pontifici Innocentia X super quinque propositiones Jansenti. Londres, 1654. Sur cette conversion de Macédo, voir Gerberon, Histoire générale du jansénisme, Amsterdam, 1701. t. i, p. 421-426. — 3® L’apologie d’Innocent X. déchaîne une polémique avec le prêtre catholique an­ glais, Thomas de While (Thomas Anghis). Celui-ci dans le Sonus buccinæ sive tres tractatus de virtutibus fidei et theologia, insère un appendice Adversus mentem dioinilus inspiratam ; Macédo lui réplique par un Lituus lusitanus buccinæ anglicane Thomæ Angli canenti occinens, Londres, 1651, et par une Tessera pontijicia pro dignitate et auctoritate papæ advenus buccinam Thomæ Angli, Londres, 1651 (Insérée dans Rocaberti, Bibhoth. pontificia, t. xn, p. 164-220); à quoi Anglus riposte par des Tabula: suf]ragiales de terminandis fidei litibus ab Ecclesia catholica fixr occasione Tcsserx Τευϋωνυμως Romanæ inscriptaadversus folium unum Soni buccinæ, Londres, 1655. — 4° Du séjour à Londres date aussi : Controversia ecclesiastica inter jratres minores, 1653. — 5· Du séjour â Borne datent plusieurs ouvrages importants : De clavibus Petri opus in quatuor libros divisum : 1. De clavi papulis dignitatis, potestatis, jurisdictionis; 2. De clavi intclligentix et interpretationis S. Scripturo; 3. De clain fidei dogmatic τ et practiex; 4. Dedant sacra­ mentorum ; additis tribus controversiis de hxresi et schismate, de sacerdotio Christi, de peccato originali. Borne, 1660 (quelques parties reproduites dans Roca­ bcrti, loc. cit., p. 113-163); Controversius selectx, Borne, 1663 ; il y est question du purgatoire, des funérailles et de lu sépulture, de la possibilité d'accom­ plir les commandements div.n.; Scholx theologiir positinx ad doctrinam catholicorum et refutationem hirrelicorum apertx, Borne, 1664 (quelques parties dans Bocaberti op. cit., p. 221, 223, 249); Assertor romanus, sive vindieix romani pontificis cl pontificatus, advenus calumnias heterodororam anglorum pnesertim et scotorum. Borne, 1666, qui reparut à Padoue en 1671, avec un autre frontispice sous le titre Medulla historic ecclesiastica emaculatu, vindicata. — 6° Au séjour ù Padoue appartiennent : Collationes dodrime S. Thomæ et Scoti cum differentiis inter utrumque, terti bus utriusque fideliter productis, senten­ tiis subtiliter craminatis, commentariis interpretum, Cajetani imprimis et Lycheti diligenter excussis, et aliarum pene omnium Scolarum, praecipue jesuiticx Suario d Vasquio autoribus controversiis apte prolatis, Padoue, trois vol., in-fol., 1671, 1673, 1680, c’est l’œuvre capitale de Macédo; elle n’est pas sans mérite. —7® Aux années suivantes se place la polémique avec le cardinal Bona sur l’usage du pain azyme dan» l’Église latine. Gelui-cl, dans son traité De rebus liturgicis, 1671, t. i, c. xxm, soutenait que dans celle Église Jusqu’au ix· siècle, on avait employé concur­ remment le pain azyme et le pain fermenté. Macédo opposa ù cette assertion un ouvrage intitulé : H. P. Fr. Joannis Dona, abbatis generalis Cislerciensis ex congre­ gatione 1'ullensium doctrina de usu fermentati in sacrificio missic per mille et amplius annos a latina Ecclesia observato, dum esset abbas, antequum H. E. 1463 MACÉDO — MACÉDONIUS ET LES MACÉDONIENS cardinalis (qualis nunc est) crearetur, examinata, expensa, refutata, Ingolstadt (en réalité Venise), 1673. Macédo s’y montrait très violent contre le cardinal qu’il allait jusqu’à taxer d’hérésie; cela déplut à Borne où le livre du cordelier fut condamné par décret du 21 juin 1673; Macédo en adoucit les termes et le fit paraître sous ce titre : Em. ac Rca. D. cardinalis Bona doctrina de usu fermentati.... examinata et expensa, Vérone, 1673; il faut distinguer de ce livre un autre ouvrage, de caractère moins polémique sur le même sujet : Disquisitio theologica de ritu azymi et fermentati, Vérone, 1673, Macédo dans le titre énumère toutes ses gloires passées et présentes, sans doute pour répondre à un mot de Bpna qui l’avait traité de fraie. — 8° A partir de 1674 commence la discussion avec Noris, qui avait publié en 1673 son Historia pclagiana, avec en appendice les Vindiciæ augustinianir, dans la préface desquelles il citait, avec éloge, les travaux passés de Macédo sur saint .Augustin. Cf. P. t. xlvii, col. 575,576. Cela déplut à l’ancien défen­ seur de l’augustinisme, qui lit paraître : Commenta­ tiones duæ ecclesiastic i· polemicœ, altera pro S. Vin­ cent io Lirinensi et S. Hilario Arelatensi et monasterio Lirinensi, altera pro S. Augustino et Aurelio et patribus africanis, Vérone, 1674; la première dissertation est dirigée contre Noris, l’autre contre Christian Lupus. Celle qui est contre Noris a été insérée deux ans plus tard dans le Prodromus velitaris pro Augustino contra Henricum de Noris, Mayence, 1676, paru sous le nom de Bruno Neusser, et que l’on a attribué, avec plus ou moins de raison au jésuite Honoré Fabri. Voir ce mot, t. v, col. *2051. Noris répondit par une Adventoria qui ne manque pas d’esprit, Florence, 1674. Voir le texte dans P. L., t. xi.vn, col. 537-560; Macédo répli­ que aussitôt sous le nom de l’un de ses disciples, Fratris Archangeli a Parma socii Patris Macedo, epistola obvia adventoriae Fr. Noris super qiucstione quadam grammatica, Rome, 1674; la plaquette était d’un tour fort vif; l’autorité intervint et défendit aux deux adversaires d’écrire davantage sur cette matière. C’est alors que Macédo envoya à Noris le défi dont nous avons parlé. La controverse rebondit. Entre autres ouvrages composés contre l’Histoire du pélagianisme de Noris, il en parut un intitulé Propositiones parallelae Michatiis Baii el Henrici de Noris du P. Jean de Guidlcclolo, O.M., Francfort, 1676; cet ouvrage a été attribué à Macédo, mais c’est inexact; il est bien de l'auteur dont il porte le nom; Macédo y fit même une prétendue réponse, qui d’ailleurs ne tend réellement qu’à justifier le parallèle établi entre Baïus et Noris : Responsiones adversus propositiones parallelas Fr. J oannis a Guidicciolo collectu· ab Annibale Riccio Veneto, Venise, 1676; de même sens sont les Responsa P. Fran­ cisa Macedo adversus Gerras germanas germanitatum Cornelii Jansenii et Henrici Noris, collecta ab Annibale Riccio Veneto, Venise, 1677; enfin on attribue encore à Macédo une courte plaquette : Clavis augustiniana liberi arbitrii a servitute necessitatis concupiscentiae vindicati, dirigée également contre Noris. — 9° D’ins­ piralion plus irénlque sont les ouvrages suivants : Myrothecium morale documentorum tredecim, qua sunt totidem lectiones super textum Aristotelis lib. VIII Ethicorum de amicitia, Padoue, 1675; Schema S. Con­ gregationis S. Officii romani, cum elogiis Emin. principum cardinalium, et corollarium de infallibili aucto­ ritate summi pontificis in mysteriis fidei proponendis ft ejusdem controversiis decidendis, Padoue, 1676, que Hurter qualifie d'egregium opus; De incarnationis mysterio, Padoue, 1680. Le catalogue mentionne encore d’autres œuvres restées en ms. ; il nous esl impossible de dire s’il s'en esl conservé quelques-unes. 1464 Gregorio Leti, L'Italla regnante, Genève, 1075, t. iv, p. 491; D.-G. Morhof, Polyhistor, édit. ei macedonianische Dialoqe, p. 152 sq., propose la date de 380-390 et croit que tes ressemblances incontes­ tables entre Didyme et tes Dialogues s’expliquent au mieux dans l'hypothèse que Didyme a utilisé les Dialogues Quoi qu'il en soit de leur origine précise, ces Dialogues sont des plus intéressants, parce qu'ils renferment te texte, peut-être complet, d'un dialogue macédonien, que l'auteur transcrit afin de donner au dédicataire inconnu de son livre une idée exacte de la doctrine et des arguments hérétiques. Au moment où furent écrits ces Dialogues, tes pneumatomaques étaient déjà connus sous 1e nom de macédoniens et Macédonius était regardé comme le fondatem de leur secte. Les Dialogues pscudo-athanasîens De Sancta Trini­ tate, P. G., t. xxvm, col. 1113-1286, se trouvent dans tes manuscrits suivants : Parisinus gr.rcus 1353, xvi· siècle, Parisinus gra-cus 1301, xm* siècle, Palatinus qræcus 76, xve siècle. Ces dialogues et surtout 1c troisième entre un macédonien et un ortho­ doxe, constituent encore une source Importante de notre connaissance des doctrines macédoniennes. F. Loofs, Zwei macedonianische Dialoge, p. 515 sq., a montré que, selon toutes les vraisemblances, tes Dialogues De Sancta Trinitate avalent largement utilisé tes Dialogues contra Macedonianos, et même te De Trinitate de Didyme. Il conclut de là que l'auteur des Dialogues est plus récent que celui des Dialogues contra Macedonianos et plus récent encore queDidyme: il écrit avant te début de la controverse nestorienne. c’est-à-dire entre 395 et 430, mais nous n’avons aucun moyen de connaître son nom. Les historiens orientaux. Philostorge, Socrates, Sozomènc, et Théodoret, ne nous renseignent que d'une manière fort imparfaite sur tes débuts et sur l’histoire extérieure du macédonianismc. Théodoret se borne à indiquer, sans fournir d'autre detail, que Macédonius. aussitôt après sa déposition, devint Ιδίας αίρέσεως προστάτης, //. E., HI, vi, P. G., t. t.xxxn, col. 997 C, et à écrire, dans une liste des évêques de Constantinople. 1e nom de Macé­ donius, αίρεσιάρχης πνευματομάχος, H. E., V, xt. 8. col. 1280 A. Philostorge est encore moins précis et moins exact. Il raconte, H. E., iv, 9, édit. Bidez, p. 62, que tes partisans de Basile d’Ancyre qui défen­ daient te consubstantiel, parvinrent à entraîner Macédonius dans leur opinion, et ailleurs, H. E., vin, 17, p. 115, 11 fournit une liste des défenseurs du consubstantiel, dans laquelle figurent Eustathe de Sébnste, Basile d’Ancyre, Macédonius de Cons­ tantinople, Élcuslus de Cyzique et deux prêtres de Constantinople, Marathonius et Maxime. Socrates et Sozomènc qui écrivent l’un et l’autre à Constantinople, et sont mieux documentés sur l’his­ toire religieuse de la capitale, insistent longuement sur Macédonius, et Ils fournissent de nombreux détails sur sa carrière ecclésiastique. Ils partent aussi des macédoniens qu’ils représentent comme formant un groupe particulièrement Important dans l’HcIlcspont. Socrates, JJ. E., IV, iv. P. G. t. lxmi, col. 169 A. Mais ces deux historiens ne sont pas exempts de confu­ sions. Ils rapportent l’un et l’autre les premières ori­ gines de l’hérésie macédonienne aux événements qui suivirent te concile de Sélcucie, Socrates, H. E., III, xlv, P. G., t. lxviî, col. 357 13-360 B; Sozomènc, JJ. E., IV, xxvir, 1, l\ G., t. i.xvn, col. 1200; ce (pilles amène â confondre plusou moins les macédoniens avec les homœouslcns, ainsi que Merenda en avait déjà fait 1467 MACÉDONIUS ET LES MACÉDONIENS la remarque; cf. P. L.,t. xni, col. 199. Il est vrai que le groupe homœousicn qui s'était forme autour de Basile d’Ancyre ne demeura pas homogène. Tandis qu’une partie de scs adhérents se rapprochait de plus en plus des orthodoxes, d’autres, dont Eustathe de Sébaste semble avoir été le chef, précisèrent leur position dans un sens hétérodoxe et nièrent franche­ ment la divinité du Saint-Esprit. Socrates, //. Λ\, Il, xi.v, P. G.» t. Lxvii, col. 360 Λ B Mais celle évolution n’a rien à voir avec Macédonius. Socrates d’ailleurs croit devoir ajouter, id., ibid., que, d’après un bruit assez courant, Macédonius n’aurait pas été l’inventeur de l’hérésie qui porte son nom, mais qu’il faudrait attribuer cette trouvaille à Marathonius, qui avait été évoque de Nicomédic. d’où le titre our les morts, xn, 43-45 et on y affirmait l’interces­ celle-ci, «l’autre part, se tient à la mise en œuvre, dans sion des morts en faveur des vivants, xv, 11-16, le rapport des faits proprement historiques, des quali­ bases de la croyance au purgatoire! Éd. Keu&s Jugeait tés de valeur, de dévouement, d'habileté personnelles ces arguments « mesquins »; et U y répondait, Histoire et naturelles des héros machabéens; jamais n'inter­ du canon des saintes Écritures dans VÉglise chrétienne, vient, comme dans le deuxième livre, le miraculeux Strasbourg, 2· édit., p. 379, et La bible, VII· partie, proprement dit. Paris, 1879, p. 115,116. Cf. aussi Tony André, Les Il n’est pas moins vrai cependant qu’un souille Apocryphes de ΓAncien Testament, Florence, 1903, religieux parcourt l'ouvrage, surtout dans sa première p. 113. Un récent traducteur de ces livres pour la moitié. L’expression des regrets de voir profané, ! Société biblique «le Paris, L. Bandon, Zzs livres dévasté, aboli ■ tout ce que la nation avait de saint », apocryphes de ΓAncien Testament, Paris, 1909, p. 117. i, 25-28; 36-10; n, 7-13; ni, 15; ix, 11, ou de l’allé­ ‘ 118, proteste même en ces termes contre le discrédit gresse des glorieux exploits et des succès positifs et où ses coreligionnaires tenaient l'auteur en se tondant réalisateurs de Judas, ni, 3-9, cl de Simon, xiv, 6-15, sur les passages de la prière pour les morts et de l’in­ s’élève maintes fois jusqu’au lyrisme cl rappelle les tercession des saints défunts : « Quand il aurait cru à Psaumes. Les harangues et prières des prêtres ou des la solidarité des générations humaines, quand il chefs dans le danger, ou avant le combat, respirent le aurait affirmé que les morts s’intéressent aux vivants plus pur amour de la Loi · et du · lieu saint », ainsi et que ceux-ci, de leur côté, peuvent exercer, par leur que la plus grande confiance dans le secours du ciel, amour, quelque Influence sur les morts, nous ne ver­ rions là aucun sujet de scandale. En elle-même, une n, 19-22, 27; 34-37; 49-68; in, 18-22; 50-53; iv, 8-11; 30-33; vu, 36-38; 41-42; ix, 14-46; xm,3-6; xvi, 2.3. telle idée est fort belle..., elle s’inspire du moins d un Le sentiment d’un grand devoir moral et religieux sentiment très noble. Au surplus, elle est riche de consolation et mi valeur religieuse est grande... Elle accompli perce dans tous les récits de purification ou de restauration du pays et du temple, n, 11—18; iv, scandalise peut-être notre individualisme protestant; 36-61 ; v, 54; ix, 69, 73; xm. 47, 48.50-52; xiv, 27-15, mais c’est nous occasion­ nelles de lahvé lui-même, franchissant la · porte des cicux ». Gen., xxvm, 12-13; 16-17. L analogie de III Mac., vi, 18 avec ce dernier passage est des plus frappantes : Dieu pour · manifester sa sainte face, ouvre les portes du ciel, » d'où l'on voit < descendre deux anges ». 11 est remarquable que les livres des Machabées soient restés, dans leur angélologie, atta­ chés de la sorte aux anciennes formules, quand ceux de Daniel, x, 13, 20-21 ; xi, 1 et de Tobic(volr Todie) connaissent les anges à litre de personnalités distinctes de celle de Dieu, chargées de particulières fonctions et portant des noms propres. 2° Les saints. Leur intercession. — C'était croyance juive proprement palestinienne qu'en attendant la résurrection justes et impies recevaient, après la mort, rétribution passagère, momentanée et non définitive, de leurs actions. Après leur mort, les justes se trouvent déjà en paradis, sous les ailes du Maître des esprits, Hénoch, xi., 5 sq.; lxi, 12; i.xx, 4, etc. Nul doute non plus que les Juifs machabéens n'aient cru réunis pour un temps non loin de Dieu tous les saints personnages de l'ancienne Loi, patriarches, prophètes, tous les » justes »; cf. sauf l’idée de la résurrection, IV Mac., xvi, 25 : ζώσιν τω Οεφ ώσπερ πάντες... οι πατριάρχαι; xvm, 23. Ainsi en est-il, dans II Mac., xv, 12-16, au moins d’Onias 111 « l'ancien grand prêtre», et de Jéré­ mie « le prophète de Dieu », que Judas dans un · songe digne de foi » a vus priant pour toute la communauté juive, pour le peuple et pour la ville sainte. C'est restreinte également à l'Églisc juive, l’expression de la croyance au pouvoir d’intercession des saints; car, ayant eu foi en ce pouvoir, les combattants, grâce au m3 MACHABÉES (LIVRES secours de Dieu de la sorte obtenu, remportent la victoire. La tradition patriotique et ecclésiastique n’a que peu utilisé ce texte de 11 Mac., xv, 12-16 pour allirmer la doctrine de la communion des saints. Oriffène, toutefois, le cite : Comment, in Joan.t xm, 57, P. G., t. xiv, col. 509; In Cant., I. III, t. xm, col. 160; De oral., II, t. xi, col. 1 tx. Saint Thomas, III® Part, supptem., q. lxxii, a. 3, fonde sur le passage la réponse affirmative Λ la ques­ tion : utrum orationes sanctorum ad Drum pro nobis /usu' semper exaudiantur? IV. L'A Gid SE JUIVE. — 1® La Communauté juive. Théocratie. — En vertu de Γ « alliance » contractée par Dieu avec les pères, I Mac., n, 20, 50, le peuple juif est devenu dans toute la force du tenue Je « peuple de Dieu », I Mac., iv, 31 ; Il Mac., n, 17; et c’est même IA son « nom ». 11 Mac., vm, 15. Fidèle à observer les clauses de celte alliance, « Israël » est un peuple de < saints » et d’« élus · aussi bien que les pères. II Mac,, i. 25 : (θεός), δ ποιήσας τούς πατέρας εκλεκτούς καί άγίασας αύτούς; i Mac., r, 16 : άγίασμα καί άγιους (Vulg. : sanctum populum Israel); vu, 17: σαρξ όσιων. Comme tel, il a le droit de vivre pareillement à toute nation, ayant en commun son « sanctuaire · et sa « ville », son < territoire ■ et scs « institutions », tout ce qui lui fait une patrie, tout ce pour quoi l’on peut et doit combattre dans une guerre de défense, I Mac., xiii, 3-6; xiv, 27-32; H Mac., xm, 10-11, et qui est • saint » non moins que les saints. 1 Mac., i, 21 : τδ άγίασμα; II Mac., i, 29 : είς τδν τόπον άγιόν σου; 11 Mac., xv, I l : ή άγία πόλις; 111 Mac., π, 31 ή πόλις της εύσεδείας; 11 Mac., ι, 7 : άπδ της άγίας γης; 11 Mac., vi, 23 : ή άγία νομοθεσία. C’est de Dieu meme qu’il tient ces biens promis, donnés, rendus par déci­ sion divine toute spontanée (καθώς έπηγγείλατο), et qui sc nomment autrement : l’héritage, κληρονομιά, l'autonomie légitime, βασιλείαν, le sacerdoce théocratique, Ιεράτευμα, le service du temple, αγιασμός. II Mac., il, 17-18. Le tout A la seule condition de faire la volonté de Dieu, αύτου τά θελήματα, exprimée dans sa « Loi » et scs « commandements », 11 Mac., i, 3-4, for­ mule officielle de cette « théocratie», (άγία) βασιλεία, ibid., i, 7. — Ce n’est pas que le peuple ne soit gou­ verné habituellement par une sorte d’aristocratie d’« anciens », γερουσία του Εθνους, I Mac., xn, 6; Il Mac., I, 10; iv, 44; xi,27, ou de «pieux » Israélites, Άσιδαΐοι, IMac.,n,42; vn, 13 : καί πρώτοιοί* Ασιδαΐοι ήσαν έν υΐοϊς ’Ισραήλ; Il Mac., χιν, 16, ou meme, au temps de l’indépendance, par un ethnarque, véritable • prince du peuple de Dieu », I Mac., xiv, 27 : (èv?) σαραμελ (héb. : sar' am9 SI) ; (bid., 41-47, cumulant sur ce litre ceux de général et de grand prêtre ; mais c’est toujours Dieu qui juge en dernier ressort, qui chût le dans sa « colère » justifiée par les transgressions de sa loi, I Mac., i, 61 ; n, 49;m, 8 : δργή ; Il Mac., v, 17; vn, 18, 32; 111 Mac.,n, 13, ou qui «sauve son peuple», quand les peines médicinales et éducatives dont il le frappe (πρδς παιδείαν, παιδεύων, χάριν παιδείας), 11 Mac., νι, 12-17; vu, 33, lui paraissent avoir suffi­ samment duré, n, 17 : δ δέ Οεδς δ σώσας τδν πάντα λαδν αύτου; ci. Ill Mac., ιι, 10-13, 19. — Cette economic judiciaire du gouvernement divin, en particulier cette « colère » avec ses diets, sc trouve encore envisagée, en quelque façon, ù la mode antique des « colères · de Jahvé, qui sc déchaînaient pour ainsi dire automati­ quement sur Israël ù la suite de quelque transgres­ sion, cl ne s’apaisaient qu’au prix de nombreuses victimes immolées de manière ou d’autre pour satis­ faction. Coinp. Il Rcg., xxi, 1-14; xxiv;(1V Rcg., ni, 27). L’expression employée par le premier livre a en diet valeur objective traditionnelle, comme de châti­ ment implicitement reconnu divin, et justifiée par DES), THÉOLOGIE 1490 l'apostasie d’un grand nombre de Juifs,î, 11 ; 52, etc. : • grande colère sc répandit sur Israel », r, 64 ; c’est « un temps d’excessive colère *, n, 49; et c’est bien par l’ex­ termination des Impies, i, 21-25; ιι, 11 ; m, 5 etc., que Judas « détourne d’Israël ta Colère ». rn, 8. Cf. II Reg., xxiv, I : « La co 1ère, de Jahvé s'alluma encore contre Israel... »; soixante-dix mille hommes périssent, 15; finalement « Jahvé s’apaise et la plaie s'arrête ». 25. — Et les victimes ce ne sont pas seulement les apostats; beaucoup de Juifs fidèles succombent et paient ainsi pour les mauvais. Il Mac., vi, 28, 31 ; vn, 18, 32, 38, etc. C'est que devant son Juge la nation est solidaire. Du reste, la justice divine exercée de la sorte, la « Colère », ne dure qu'un instant, II Mac., vu, 33, 36, 38; la récompense et la miséricorde sont proches. Ibid., 36 a, 37; vin, 5. Puis, qu’importent au regard de la nation les catastrophes individuelles, puisque c’est elle, c’est le « peuple », qui a reçu de Dieu « établissement définitif » et constitue 1' « héri­ tage » toujours « manifestement revendiqué » et « protégé 9 par « Celui » qui l’a fondé. II Mac., xrv, 15, ci. t, 26 : την μερίδα σου ; n. L 17, etc. 2° Le culte juif. — 1. Dans le temple. — Depuis le retour de la captivité, le temple juif était devenu le centre de la vie religieuse de toute la nation. Les livres Machabécns le tiennent pour la propre « maison » du peuple saint, I Mac., n. 8, vn, 37. · choisie pour » lui par Dieu même, et solidaire de sa conduite pour le châtiment ou la récompense. II Mac., v, 19-20. Aussi le destin de ce « sanctuaire » est-il devenu « le plus grand et le principal souci » d’Israël, II Mac., xv, 18, comme le montrent, du reste, particulièrement, les récits concernant la restauration après les premiers succès de Judas. I Mac., iv, 36 sq.; II Mac., x, 1 sq. Après comme avant la ruine et la restauration, le culte s’y réalise en tout « conforme à la Loi », I Mac., rv, 47, 53, par son mobilier : autel des sacrifices construit de pierres brutes, autel des parfums, chandelier, table des pains, rideaux et ustensiles sacrés, I Mac., iv, 47, 49-51 (cf. i, 21); II Mac., r, 8-9; x, 1-9; — par ses rites traditionnels : sacrifices, libations, ollrandes de farine cl de pains, fumigations d’encens, ibid., et I Mac., i, 45; 11 Mac., ni, 32-33; xn, 43-51; xiv, 32; — par scs chants de psaumes accompagnés de musique instrumentale, I Mac., iv, 56 (xnj, 51); Il Mac., x, 7, 38; — par ses prières et supplications faites devant 1’ « autel « et le « lieu très saint », sur le « seuil » de l’édifice sacré, I Mac., vit, 36; II Macc., in, 15; x, 25, 26; xm, 12; III Mac.,i, 16;—parson personnel de prêtres officiant en toutes ces occurrences · revêtus de leurs habits ou Insignes sacerdotaux, II Mac., in, 15; III Mac., î, 16, le grand prêtre à leur tête, porteur d’insignes particuliers, I Mac., x, 21 (x'ry αγίαν στολήν ■■ tout l’habillement du grand prêtre), et jouissant du privilège d’entrer seul, une fois l’an seulement, dans le « lieu très saint ». III Mac., r, 10-12. Cf. Il Mac., ni, 32 sq.; HI Mac., ir, 1 sq. L’unique objet de ce culte dans le temple est Dieu, qui sans doute · a sa demeure au ciel ». Il Mac., m, 39; Ill Mac., it, 15, mais qui n’en · habite » pas moins son « sanctuaire », au milieu de son peuplé, il Mac., xiv, 35, comme dans une « mutton sainte ». Ibid., xv, 32 : έπί τον άγιον του παντοκράτορας οίκον. Sa présence n’y est peut-être pas sensible, telle qu'elle le sera plus lard (voir plus loin), bien qu’on dise le « lieu » glorifié « par une grande manifestation · divine, 111 Mac.,n, 9: παρεδόςασας έν έπιφανεία μεγάλη, et 16 — ce qui doit apparemment s’entendre des apparitions décrites II Mac., m, 21-26 et 33-31; mais elle y est réellement latente, par la « divine force » qui s’y exerce contre les profanateurs. Ibid., 38, 39 (III Mac., v, 8, 23, 35). 2. Hors du temple. La prière. — Celte forme de culte en commun a pris un grand et important développe­ 1495 MACHABÉES (LIVRES DES), THÉOLOGIE ment en Israël. On prie hors du temple quand on en . est éloigné, ou que l’accès en est empêche par les pro­ fanations ou dévastations dont il a été l’objet. Il | existe, ou peut exister dans le pays des · lieux de prière », 1 Mac., m, 46 : τόπος προσευχής; HI Mac., vn, 20 : τόπον π. καΟιδρύειν, qui devaient être de véritables synagogues pour qui ne pouvait aborder le lieu saint, cf. III Mac., h, 28, surtout a l’étranger. ' La prière est surtout eulogie, ou litanie. Celle-là est un cantique de louange à Dieu pour la délivrance ou la victoire, I Mac., iv, 24 : εύλόγουν εις ουρανόν; 11 Mac., x, 38 : εύλογείν τω κυρίω ; l’auI re, une suppli­ cation entrecoupée de sanglots dans un péril menaçant ou avant un combat. Il Mac., m, 20; x, 10: λιτανεία. Celle-ci comporte une forme et une allure particulières établies par la tradition, et qui la rendent susceptible d’être exaucée. III Mac, n, 21 : θεός.. είσακούσας τής ένΟέσμου λιτανείας. Ce devait être une énuméra­ tion plus ou moins longue et complète des circonstan­ ces tragiques dans lesquelles Dieu avait autrefois secouru son peuple; à l’énoncé de chacune par forant répondaient des cris, des pleurs, des gémissements. Comparez tous les passages : 11 Mac., m, 20, litanies des femmes autour du temple; x, 16, litanie avant l’attaque des places fortes iduméennes; xn, 12; xm, 12; IH Mac., i, 18-29; h, 2-21, litanie du grand prêtre Simon; vj, 2-15, litanie du prêtre Éléazar. La prière sacrificielle pour les morts. H Mac., xn, 39-15. — Dans ce passage la « prière » a double forme cl double objet. Elle est d’abord un service religieux organisé par les Juifs combattants en dehors du temple dans le style de la litanie (ίκατεία λιτανεία δεήσις, ci. II Mac., x. 25. 27; 111 Mac., n, 1 et 21) t. 12e/, pour obtenir que le péché commis par les soldats morts fût « complètement effacé », τελείως έξαλειφΟήναι, de l’esprit de Dieu irrité, et ne retombât pas en plus large châtiment sur la nation, ÿ. 12 b. Elle est « ensuite · un sacrifice expiatoire, εξιλασμός, offert dans le temple pour assurer aux mêmes soldats morts l’absolution de leur faute, τής αμαρτίας άπολυΟήναι, et, par suite, le bénéfice de la résurrection espérée, t. 13-15. C’est cette seconde façon de « prière pour des morts » υπέρ νεκρών εύχεσΟαι, qui sc trouve jugée, dans la circonstance, n’étre ni· superflue » περισσόν, ni · ridicule » ληρώδες, et qu’une glose probable — · sainte et pieuse, celte pensée! όσία καί ευσεβήςή επίνοια! » y. 45,— déclare en outre avoir été, en Judas, d’inspiration fort opportune. Dans la tradition du texte, le grec et les versions latines anciennes sont demeurées à peu près fidèles â cette conception d’un éloge accordé à la · pratique » (πράττων) de Judas Machabée & l’égard, non des morts en général, mais de « ceux · qui avalent péri dans la bataille contre Gorgias près d’Odollam II Mac., xn, 34,38, 39, τούς προπεπτωκότας, των τεΟνηκότων. Un des mss. latin de l'ancienne version, Compl'. (lM Bible d’Alcala) la rend plus explicite encore par sa traduction quelque peu libre : pro mortuis ilus qui peccaverant. Peutêtre est-ce la recension de Lucien qui, en ajustant la glose au texte par le datif ύσίω καί ύγιεί τη έπινοία, avec suppression de Μεν (texte des mss. 19, 72, 64, 39, lucianiqucs : όσια και υγιει τη επίνοια περί των τεΟνηκότων εξιλασμόν εποιησατο.. ; versions : ideoque, unde), amorça, dans les textes reçus par la Vulgate latine, l’idée de retirer à Judas cet éloge pour en faire graduellement l'expression d’un principe général, et comme d’une règle de foi divine, concernant la prière pour les défunts. Ainsi, après Leg 1 (Bible de la cathé­ drale de Léon) — témoin encore du grec traditionnel, bien que déjà affaibli parce que luclaniquc : Sancta ergo et salubri cogitatione pro defundis exorabat — nous trouvons, entre autres et successivement, Amtatinus : sancta ergo et satu bris cogitatio pro defunctis exorare, 1496 ut a peccato solverentur; Ose. (Bible de IInesca) : (lr* main)... ut a pccca/is sol van fur; textes du xm· siè­ cle et Vulgate actuelle : Sancta ergo et salubris est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur. La raison de la prière sacrificielle n’est plus en pre­ mière ligne la grâce de la résurrection, έιχβλέπων.,. ευχαριστήριον...; Μεν... τδν έξιλασμόν εποιησατο, mais la rémission du péché, sancta ergo .., ut a peccato. Les morts ne sont plus ces morts d’Odollam, pro mortuis ilus, mais les défunts en général, pro de­ functis. Le péché commis, qu’il faut expier, n’est plus le péché des emblèmes idolâtrlques portés par les soldats morts, a peccato, mais les péchés, a pecca­ tis. Ce n'est plus Judas qui prie, ou fait prier έξιλ. έποιήσατο, exorabat, mais c’est chacun qui fait bien de prier, exorare... Texte Grec (édition Swete), II Mac., xn, 43 b... προςαγαγεϊν περί αμαρτίας Ουσίαν, πάνυ καλώς καί άστείως πράττων, ύπέρ άναστάσεως άναλογιζόμενος. 44 εί μη γάρ τούς προπεπτωκότας άναστήναι προςεδόκα, περισσόν καί ληρώδες ύπέρ νεκρών εύχεσΟαι. 45 είτε έμδλέπων τοις μετ εύσεδείας κοιμωμένοις κάλλιστον άποκείμενον ευχαριστήριον — όσία καί εύσεδής ή έπ.νοια — Μεν περί των τεΟνηκότων τον έξιλασμόν έποιήσατο, της αμαρτίας άπολυΟήναι. Compl. 1 (édition S. Berger) 43 b... o/Jerri pro peccato sacrificium, liene enim cogitabat maccabeus dc resur­ rectione MORTUORUM ILLORUM. 4 i tlCSC 1ΙΠ qui CCCldcrant resurgere non credi dissen t, (ici un doublet) exabundanti cl vanum pro mortuis orare 15 considerans si et pro illis qui bene cum pietate domini requieberunl obliniam aput dominum habent gratiam. 46 sancta et salubris excogitatio. Ideoque exorabat pro mortuis illis qui pbccaderant ut a peccato solverentur. Vulgate (édition I letzcnauer), 43 b... offerri pro peccatis mortuorum sacrificium, bene et religiose de resurrectione cogitans 4 I (nisi enim eos, qui ceciderant resurrecturos speraret, superfluum videretur et vanum orare pro mortuis) 45 et quia considerabat quod hl, qui cum pietate dormitionem acceperant, optimam haberent repositam gratiam, 46 Sancta ergo, ct salubris est cogitatio pro defunctis exorare, ut a peccatis solvantur. Les Pères n'ont guère fait allusion à ce texte en faveur de la doctrine de la prière pour les morts. Saint Éphrem dans son testament, dans Assémani, Biblio­ theca orientalis, t. i, p. 143, reste dans la tradition du grec, ne concluant à la valeur expiatoire, pour les défunts, des oblations de la loi nouvelle que par un a fortiori: Si filii Mathalhiic, qui tantum in figura cele­ brabant festa ct commemorationes, quemadmodum legis­ tis in Scripturis, oblationibus expiabant debita eorum qui in dello CEQDERANT.., quanto magis sacerdotes Filii Dei expiabunt debita defunctorum oblationi bus suis. — Saint Augustin, De cura pro mortuis gerenda, i, 3, P. L., t. xl, coi. 593, généralise conformément aux textos latins : In Machabæorum libris legimus oblatum pro mortuis sacrificium. Pour légitimer la « coutume » de prier pour les morts, il s’en remet toutefois ù la < grande autorité dc l’Églisc · recevable même à défaut de texte scriptuairee : sed et si nusquam in Scripturis veteribus omnino legeretur, non parva est universiv Ecclesiæ quæ in hac consuetudine claret auctoritas, ubi in precibus sacerdotis quæ Domino Deo ad ejus altare funduntur, locum suum habet etiam commendatio mor­ tuorum. Saint Jean Damascène, Orat, de his qui in fide dormierunt, 3, P. G., t. xcv, col. 249, reporte aussi sur Judas Machabée la louange dc l’Écriture : « U agit, dans la circonstance avec beaucoup de piété ct de charité, aussi cst-il entre tout célébré Λ cause dc cela par ΓÉcriture, h πάσι, καί έν τούτω τεΟαυμάσται. — Le 44· discours Ad fratres in eremo (collection de Jordan de Saxe, xiv· siècle), P.L., t. xl, col. 1320, met 1097 MACHABÉES (LIVRES assez gauchement dans La bouche même dc Judas l’éloge de sa propre pensée dc prier pour les morts :... defunctis cum omni diligentia misereri et subvenire studeamus, attendentes ct quid Judas Machab au fece­ rit, Dixit enim, quod sancta esset cogitatio pro defunc­ tis,.. Sciebat enim ipse Judas, etc, L'Eglise authentique par sa liturgie l’interprétation qui ressort naturelle­ ment du latin de la Vulgate. Saint Thomas trouve dans la dernière proposition : Sancta... solvantur, l'autorité scripturaire (pii lui permet de répondre affirmative­ ment à la question : Utrum mortui possint juvari ex operibus vivorum? lib, suppl., q. lxxi, a. 2. 3° La loi juive. Les Livres saints. — La raison du soulèvement machabécn fut Ια contrainte exercée sur les Juifs par les rois syriens en vue dc remplacer les coutumes et observances religieuses particulières au peuple dc Dieu par les coutumes et les lois religieuses étrangères, dites coutumes des païens. 1 Mac., 1, 13, •Il sq. C'était l'oubli ct le changement de tout le code moral ct religieux d'Israël. Ibid., 49. Ce code était celui dc la « Loi donnée aux pères par Moïse ». II Mac., vu, 30. Pour le souvenir du grand législateur, alors des plus vivants, cf, les passages : II Mac., i, 29; n, 4, 8, 11 ; vn, 6, 30. La pensée dc cette loi mosaïque sc trouve ainsi présente & l’esprit des auteurs d’un bout à l’autre des livres machabécns. Le souci dc son observation, ou l’appréhension de sa transgression, v est cons­ tant. I Mac., i, 49, 52; n, 21, 26, 42, 50, 58, 61, 67-68; iv, 42; H Mac., i, 3-4; iv. 11 ; vi, 1, 5; vi,23, 28; vn. 1 ; III Mac., i. 12. Maintes fois le récit en rappelle quel­ que particulier précepte : loi du sabbat, I Mac., 43, 45; Π, 32-38; vi, 49, 53 (année sabbatique); II Mac., v, 25; vi. 11 ; vm, 26, 27; xn, 38;xv, 2-4; loi dc la circon­ cision, I Mac., i, 15, 48, 60; n, 46; II Mac., vi, 10; loi des soldats renvoyés, 1 Mac., m, 56; on fait obser­ ver (juc toute purification ou rétablissement du culte sc fait conformément à scs « exigences ». I Mac., m, 56; iv, 47; Il Mac., xn, 38. On redoute à l’extrême d'en être privé, II Mac., xm, 10; on compte sur la réalisation des promesses qui y sont faites, II Mac., n, 18; x, 26; on s'engage ou on s’excite h mourir pour elle. I Mac., n, 50; II Mac., vin, 21 ; xm, 1 I ; III Mac.,i,23. Le livre qui la renferme, τδ βιβλίου τού νόμου, est l’objet d’un véritable culte: on le « déploie »,έξεπέτασαν en « lieu dc prière », sous le regard dc Dieu, I Mac., m, 48; c’est < le saint Livre », ή Ιερά βίβλος, dont on fait « lecture » avant le combat, Il Mac., vin, 23 : παραναγνώναι ; dc savants scribes le transcrivent, l'étudient ct le commentent. I Mac., vu.12 : συναγωγή γραμματέων; II Mac., vt, 18 : Έλεάζαρός τις των πρωτευόντων γραμματέων. Un autre livre également vénéré est celui des Psaumes, que 11 Mac., n, 13 appelle « livres de David », τά (βιβλία) τούΔαυείδ, et que 1 Mac., vn. 16, 17 cite comme « écriture *, d’après les Septante, f 16 : κατά τδν λόγον ον έγραψε, Ps. lxxix, 2-3. Cf. Heb., iv, 7. Et le recueil des prophet r priores et posteriores, vrai­ semblablement désigné dans le même passage dc II Mac., n. 13 :τά περί των βασιλέων καί προφητών, ne Jouissait pas sans doute d’une moindre considération, puisque Mattathias, I Mac., n, 58 et Judas, Il Mac., vni, 19; xv, 22 (cf. Ill Mac.» vi, 5), en exploitent les données dans leurs harangues cl leurs prières. Peut être même « Loi cl Prophètes » étaient-ils bien réunis en un seul groupe dc · livres saints * dont la posses­ sion cl la lecture faisait la · consolation » d’Israël II Mac., xv, 9 : εκ τού νόμου καί των προφητών ; 1 Mac., χπ, 9 : παράκλησιν τά βιβλία τά άγια. 4° L’espérance juive. Messianisme. — Quelques données des livres des Machabées peuvent passer à bon droit pour messianiques. Ce n'est peut-être pas, d’abord, I Mac., n, .57, où il est proclamé par Mattathias que « David, Λ cause dc DES), THÉOLOGIE 1 '»98 sa piété (miséricorde), hérita un trône dc royauté dura­ ble ·, ΔαυεΙδ έν τω έ/έει αύτου έζληρουόμησεν θρόνον βασιλείας αΐωνίας. Citation implicite de IIί Reg., vn, 12, 16, l’allusion ne dépasse pas en portée, chez l’orateur, celles qu’il fait & Abraham, Joseph, Phinéès, Caleb, Elie, etc., qui ont joui à oie de la protection per­ pétuelle dc Jahvé, cl n'indique nullement une renais­ sance future delà maison de David. —L'espérance d’Is­ rael est plutôt dans la glorification du peuple de Dieu parmi les païens, dont la masse reconnaissait l’< hon­ nêteté » foncière des Juifs, les « estimait · cl les « favo­ risait secrètement », III Mac., ni. 5-6, 8-10, en dépit des persécutions dont ils étaient l'objet de la part des rois syriens ou égyptiens. On demande et on espère la réunion définitive en Palestine, είς του τόπον τδν άγιου, des membres dc la communauté sainte dis­ persés à l’étranger, έπισυυάγαγε τήυ διασποράν ημών II Mac., i, 27-29; III Mac., vn, 19. Alors, les païens, qui présentement déjà sont obligés de confesser la toute-puissance du Dieu des Juifs, II Mac., m, 36; vin, 36; ix, 8, 12 sq., 17, 20; xi, 13, etc., le reconnaî­ tront pour le seul vrai Dieu. II Mac., i, 29. Le temple qui, lui aussi, sc trouve déjà glorifié par des manifes­ tations divines, II Mac., ni, 30; III Mac., n, 9, par les présents, le respect, voire le culte des rois, II Mac., m, 2; v, 16; xm, 23; III Mac., r, 9, verra la « gloire · même dc Dieu sc faire visible par sa · nuée » brillante dans le Saint des saints. « comme elle s'était montrée sous Moïse et aussi après la prière de Salomon » — et cela « le jour où Dieu rassemblera son peuple ». II Mac., n, 7-8 (Cf. Ex., XL, 34 sq.; Num., ix, 15 sq. ; xiv, 10; III Rcg., vin, 10 sq. ; Il Par., vi, 41 ; vn, 1 sq.) Même après la ruine dc Jérusalem ct la destruction du temple quelques Juifs priaient encore : (Texte latin dc Ccriani : Et appareat gloria tua, et innotescat magnitudo decoris tui...) Puisse ta gloire se rendre visible, Sc révéler ta haute majesté! Apec, de Raruch.. xxi. 23. « Un prophète digne dc foi », προφήτης πιστός, viendra instaurer un nouvel ordre de choses. I Mac., xiv, 41 (cf. iv, 46). Personnalité indéterminée, mais de caractère indubitablement messianique, ce · prophète » sera de Dieu, comme il est écrit au Deutéronome, xvni, 15-22, passage auquel sc réfère implicitement l’allusion, cl aura, par suite, l’autorité nécessaire pour légitimer, au regard dc la théocratie, les changements qu’il pourra faire. A l’heure présente, Simon Machabéc sc trouve être établi · grand prêtre perpétuel », βΐς τδν αίώνα (\ ulg. summum sacerdotem in ivternum), par les Juifs ct les prêtres, bien que non de la race d'Aaron. Il se peut que le vieux psaume davidique ex (Vulg. αχ) ait subi dans quelques-uns de scs versets une forte retouche machabccnnc; c’est alors Simon qui s’y trouverait proclamé · prêtre perpétuel », le *âtam (Vulg. sacerdos in ndernum) mais « comme le fut Melchi­ sedec » agréé par Abram sous bénéfice d’inventaire, Gvn., xiv, 20, en attendant le sacerdoce inaugure, d’ordre divin, par le < prophète » Moïse. Le nouveau < prophète » pourra bien retirer à la descendance machabéenne la haute sacrificature, commcellcfut retirée au • prêtre d’El-EUûn », au profit d'Aaron ct de sa lignée. 11 n’est, présentement, que d’attendre sa venue : ε^ς τού άναστήναι προφήτην πιστόν. 5· La foi juive. Judaïsme. — Tout cela, patrie, temple, Livres saints, observances, etc., constitue, pour l’élément fidèle aux traditions dans la nation, comme un patrimoine dont il sc montre extrêmement jaloux Même les Juifs habitant chez les nations étran­ gères lui restent fort attachés d’esprit, dc cœur ct dc pratique journalière. III Mac., ni, 4 : σεβόμ^/ο: δέ τδν Οεδν καί τω τούτου νόμφ πολιτευόμενοι, « crai­ gnant Dieu ct se conformant à sa Loi ». Ils sc distin- 1499 MACHABÉES (LIVRES DES), HISTOIRE gucnt ainsi fortement parmi les païens, χωρισμόν έποίουν επί τφ, au point de paraître odieux, ένιοι απεχθείς έφαίνοντο, à ceux-ci qui leur reprochaient les particularités de leur culte et de leur nourriture, in, 7 : την δέ περί των προςκυνήσεων καί τροφών διάστασιν. Le particularisme juif de la dispersion est du reste soigneusement entretenu par les directives et exhortations émanant de la mère patrie. II Mac., i, 3-5, 9; Ibid., 18; n, 15-16; x, 8. Celle-ci donne, de son côté, bel et grand exemple de < fidélité » en modelant sa foi, faite de dévouement et de confiance, sur celle des ancêtres dont Mattathias, au début de la révolte et du soulèvement contre la domination et la persécu­ tion païenne, cite d’illustres exemples : ceux d'Abraham, qui fut trouvé fidèle dans l’épreuve, I Mac., n, 52 : εύρέΟη πιστός; d’Ananias, Misai·!, Azarias, sauvés des flammes à cause de leur foi, n, 59 : πιστεύσχντες... Judas et scs compagnons sont les « fidèles ». I Mac., in, 13 : πιστοί. Ces derniers, et beaucoup d’autres avec eux, « res­ tent donc fidèles au Judaïsme », II Mac., vin, 1 : μεμενηκότες cv τω Ίουδαϊσμω, c’est-à-dire aux «prin­ cipes constitutifs de la société juive », iv, Il : τάς νομίμους καταλύων πολιτείας..., auxquels s’opposent les « coutumes contraires à la Loi »... παρανόμους έΟισαούς έκαίν.ζεν, Γ « hellénisme », II Mac., ιν, 10, 13 : ό Ελληνικός χαρακτηρ, Έλλην.σμός, mœurs religieuses et civiques dont l'éclat tout profane, 15 : έλλην·.κή δόςα, offusquait l'austère piété judaïque. Ces mœurs étrangères comportaient, avec l’abandon obligé du culte traditionnel, de la circoncision, du sabbat, des inter­ dictions légales concernant surtout les aliments, i Mac. 1,44,45, 476, 48 : l’adoption des rites cultuels païens avec leurs autels, bois sacrés cl idoles, I Mac., i, 47 o; les jeux profanes et exercices du gymnase, de l’éphébie et de la palestre, I Mac., i, 14; il Mac., iv, 9, 12, 14, où il fallait coiffer le pélasc et dissimuler la circoncision; les banquets où se devait consommer la chair des vic­ times sacrifiées aux faux dieux. II Mac., m, 7-8, 21. C’est le temps de la « confusion » des cultes, χρόνος της έπιμιξίας, où un grand prêtre (Aldine) tolère dans le temple même le déploiement des orgies athé­ niennes. vi, 1-6; xiv, 3-4. Mais c’est aussi le temps du • triage », χρόνος της άμιξίας, où il faut, pour les fidèles, sc séparer des Juifs hellénisants, se prononcer pour le /udalsmc alors arrivé à son point critique, xiv, 38 : κρίσις ’Ιουδαϊσμού. Ce sera, pour longtemps, d’un côté les «pieux », Hasidim, I Mac., n, 42; vu, 13; II Mac, xiv, G; de l’autre los «impies », υίοΐ παράνομοι, άνδρες παράνομοι. I Mac., î, 11 ; x, 61 ; xi, 21. IV. Histoire des livres. — 1° Langue, auteur cl dale. — Lc premier livre des Machabées a été écrit d’abord en hébreu. Origène lui donne un titre, ΣαρβηΟΣαρβανάι έλ (fusion des variantes : Σαρδανέίλ, Σαοαναιέλ) qui ne s’explique que dans cette langue. P. G., t. xx, col. 581 (Eusèbe, II. E., vi, 25). Saint Jérôme le possédait aussi en hébreu : Alachabieorum primum librum hebraicum reperi. Prx/. in libr. Sam., P. L., t. xxvm, col. 556-557. Peut-être cet hébreu était-il de l’araméen... En tout cas la langue apparaît claire­ ment sémitique sous la traduction grecque qui seule nous transmit ce livre. Pour explication linguistique, voir Did. de la Bible, Paris, t. iv, 1912, col. 490; Tony André, Les apocryphes de l’Anc. Testament, Florence, 1903, p. 61,62, 69, 70. L’auteur est inconnu; mais on peut assurer qu’il était juif palestinien et vivait sous le pontificat de Jean Hyrcan, fils et suc­ cesseur de Simon Machabce (136-106 av. J.-C.) l Mac., xvi, 23-24. Ouvrages cités : col 491, et p. 81-83. Lc deuxième livre fut écrit en grec. Saint Jérôme en témoigne, Ibid., col. 557 : secundus Grxcus est, quod ex tpsa quoque φράσει probari polest ce qui se justifie par les nombreux héllénismes d'expressions ou de 1500 style dont le livre surabonde. Quelques hébraïsmes (fort rares) s’expliquent naturellement par des rémi­ niscences bibliques. L’auteur est également Inconnu. Le plus probable est qu’il était un Juif helléniste, vraisemblablement d’Égypte, vivant et écrivant entre les dates extrêmes 124 et 63 av. J.-C. Il atllrinc · résu­ mer » un écrit antérieur au sien qu’il attribue à un certain Jason de Cyrène aussi peu connu que lui, n. 20-33, et que nous n’avons plus. Peut-être a-t-il utilisé encore d’autres sources (à distinguer des lettres du début). La façon dont il exalte le temple et scs fêtes, le courage et la vaillance des martyrs de la Loi et des Machabées, ainsi que la conduite de la Provi­ dence divine qui secourt ou qui châtie, peut porter à croire qu’il écrivit son histoire à la veille ou au milieu d’épreuves qui semblaient compromettre à nouveau l’existence du judaïsme, peut-être la guerre civile qui précéda la prise de Jérusalem par Pompée. Ou­ vrages cités : col. 493, 491; et p. 91-95, 107.111, et Éd. Beuss, La Bible, Paris, 1879, t. vu, p. 131 sq., 110-145. Lc troisième livre fut aussi écrit en grec par un Juif alexandrin inconnu, et vraisemblablement entre les dates extrêmes 120 av. et 70 après J.-C., en temps de violente persécution des Juifs de la part des rois, empereurs ou gouverneurs païens. On a proposé succes­ sivement l’an 40 sous Caligula, l’an 27 à 36 sous PoncePilate, l’an 4 à la mort d’Hérode le Grand, l’époque de Ptoléméc Physcon mort en 117 av. J.-C. Ouvrages cités col. 499; p. 117 sq., 124-128;’Beuss, p. 368-372. 2a Tradition du texte. — 1. Manuscrits. — Le texte des livres des Machabées nous a été transmis dans quelques manuscrits onciaux dont deux seulement, 1’Alexandrinus (v* siècle) et le Vendus (νιιι·-ιχ· siècle), les contiennent entièrement tous les quaire. Lc Sinaïticus (iv· siècle) ne contient que le premier et le qua­ trième; il devait contenir aussi les deux autres avant sa mutilation au monastère du Sinaï. Lc Vaticanus (iv* siècle) par contre, n’a jamais contenu aucun livre des Machabées. Quelques manuscrits minuscules, 19, 62, G4, 93, 52 (notation Holmes et Parsons) ont les trois premiers livres dans la recension lucianlque, dont la caractéristique principale réside dans des additions destinées à rendre le texte plus clair, à renforcer ou améliorer le sens, à suppléer des lacunes dans la narra­ tion. Cf. D. de Bruyne, Le texte grec des deux premiers livres des Machabées, dans Revue biblique, Paris, 1922, p. 34,35, qui conclut à l’existence, avant Lucien (fin du in* siècle) de deux éditions au moins des Machabées, et profondément différentes : l’une représentée par les mss.grecs, l’autre représentée surtout parles mss. latins. P. 37, 38. Comparés aux latins (ancien texte), les mss. grecs, à l’unanimité, accusent une « révision délibérée » d’un texte aujourd’hui perdu. Quelquesuns seulement d’entre eux appuient l’ancienne latine; ce sont le Sinaïticus, puis le Vendus (en réalité, texte presque aussi ancien que celui du précédent), puis le groupe lucianlque. Par contre, 1’Alexandrinus « est le chef de file du groupe qui s’oppose à l’ancien texte latin >. P. 53. Voir ci-après. 2. Éditions. — Les livres des Machabées sc trouvent en grec dans toutes les éditions complètes des Sep­ tante. Mentionnons la Sixtine, Borne, 1587, où le texte des Machabées est celui d’un manuscrit non signalé par les éditeurs, et celle de Swetc, Cambridge, 18871891 et 1895-1899, où le texte reproduit est celui de VAlexandrinus. Éditions séparées des deulérocanoniques ; Augusti, Leipzig, 1801; Apcl, Leipzig, 1837; i’ritzsche, Leipzig, 1871. Il n’existe pas d’cdltion spéciale des livres des Machabées. Quelques-unes de ces éditions sont critiques et donnent de nombreuses variantes des manuscrits. La meilleure, pour les Machabées, reste celle de Fritzsche. 1501 MACHABÉES (LIVRES DES) 3. Versions. — 1. Ancienne latine, — L’ancienne version latine des livres machabéons nous a été trans­ mise dans une série de mss. do la Vulgate, que l’on peut partager en deux groupes. — Premier groupe ; Lyon (ix*slècle, Bibliothèque de la ville, conte­ nant Esdras, Machabées, Esther); Compl.* (lr· Bible d’Alcala, n° de Γ Université de Madrid); Blbl. nat., /omis latin, 11 J53(ix*sièclc, seconde moitié d’une Bible ne contenant des livres des Machabées que I Mac., i-xiv, 1), nous offrant une « bonne traduction litté­ rale » du grec, mais retouchée. Quelques-unes des retouches · supposent une comparaison avec un texte grec dlfiércnt de celui qui est à la base de * Lyon 336. De Bruyne, op. cil., p. 32. Cf. Sam. Berger, Notice de quelques textes latins inédits de t’Ancien Testament, Paris, 1893, p. 33-37 cl Histoire de la Vulgate, Nancy, 1893, p. 22, 62, 68. — Deuxième groupe : 2571 de l'Université de Bologne (xi· siècle); B 48 inf. de la Bibliothèque Ambrosiennc, à. Milan (xi· siècle) pour II Mac. seulement; E 26 tn/. (ix· siècle) pour II Mac. Au ms. 2571 se rattache un fragment du νιπ-ιχ· siècle trouvé à Breslau, édité dans la Zeitschri/t für altlestam. Wissenscha/t, 1904, l. xxiv, p. 240; et à B 18 in/., un fragment du ix· siècle publié par Mgr Mercati dans Revue biblique, 1902, p. 184-211. Ce deuxième groupe offre une · paraphrase » du texte du premier groupe, trahissant « à chaque page une révision sur le grec » — « texte étrangement remanié et amplifié et forinant < sous une double forme » les sous-groupes : 2571 et fragment Breslau; B 48 in/. et fragment Mcrcatl. La version E 26 in/, dépend des deux précé­ dentes et « suppose une nouvelle comparaison avec le grec ». De Bruyne, loc. cil., p. 32, 33. 2. Vulgate. — C’est non pas une révision de l’an­ cienne latine par saint Jérôme, mais le texte reçu dans les Bibles et devenu officiel à l’Université de Paris au xiii· siècle, puis authentiqué par le concile de Trente. En réalité texte ancien profondément révisé, corrigé, amplifié parfois par comparaison avec les textes précé­ dents et le grec; puis remélangé de versions latines antérieures avec nouvelles corrections sur le grec. Cette vulgate est celle de « VAmiatinus en Angleterre, du Toletanus et du Cavens is en Espagne, des Bibles de Mordramme, d’Alcuin et de Théodulphc en France, des manuscrits alémaniques du vin· siècle, SalntGall 12 et Munich 9668 ». De Bruyne, p. 33. Cf. Sam. Berger, Hist, de la Vulgate, p. 37 sq.» 12-15, 102, 149 sq., 197 sq., 124; Dictionnaire de la Bible, t. iv, col. 491, 493. 3. Des autres versions anciennes des livres des Ma­ chabées, il n’existe que la version Syriaque de la Peschitto: Polyglotte do Londres, 1657, t.iv; Lagarde, Libri Vet. Test, apocryphi syriace, Leipzig, 1861, et une version arménienne faite d’après le grec, édition des Méch itaris les, Venise, 1805. La Peschitto contient cinq livres des Machabées, du moins selon le Codex Ambrosianus, de Milan, vi· siècle, édition photollthographlquo de Ccriani, Milan, 1876-1883; le cin­ quième livre n’étant que la reproduction de Josèphe, Bell.jud.,\. VI. C nnnu ntiürcs, — Aucun dc« Pères n'a commenté les livres canoniques des Machabées· Nous n'avons de com­ mentaire* catholiques proprement dits de ces livres qu’à partir de Baban Maur, vers 840. Nous trouvons ensuite, longtemps après, N. Scrrnrius, Mayence, 1619; P. Ha­ rt anus (II Mac.), Lyon, 1651; Cornélius n Lnpldc, Anvers, 1664; J. Ern. Foulion (I Mac.), Liège, 1G60 et II Mac., Liège, 1665; CalmeL Plus récemment : J.-M.-A. Scholz, Commentar zu den Buchcrn der .Makkabùcr, Francfort, 1835; Gillet, Les Machabées, Paris, 1880, dans la Bible dite de Lcthlclle ix. Assez nombreux sont les commentaires protestants, depuis le xvr siècle: C. Prlllcan, 1572; J. Druslus, 1660; IL Grotius, 1611; Cnlov, 1672; G. WemsdorlT, 1747; MACR AI OS 1502 J.-D. Michaelis (I Mac.), 1778. Au siècle dernier : W. Grlrnm, 1853; C.-F. Keil, 1875; Beats, 1870, et surtout les études critiques sur ces livre*. Voir pour ces dernières : O Zocklcr, D/r Apokryphen des Allen Testaments, Munich. 1801, p. 31 et 96; Tony André, Ζλί Apocryphes de Γ Ancien Testament, Florence, 1903, p, 65, 69, 86-87 et (III Mac.). 115-116. L. Bigot. MACONI Étienne, chartreux (1317-1421). — Né ά Sienne en 1347, Il fut converti, après une jeu­ nesse agitée, par sainte Catherine de Sienne, au ser­ vice de laquelle il sc voua entièrement. La sainte, avant d’expirer, lui ordonna de se faire chartreux; il obéit et entra, en 1381, à la chartreuse de Pontiniani dont il devint prieur deux ans après. Prieur de la chartreuse de .Milan en 1390, il devint en 1398 géné­ ral de la partie de l’ordre demeurée fidèle au pape Urbain VI. Il déploya d'ailleurs une grande activité pour procurer la réunion des deux parties de l’ordre» qui eut lieu en 1410. Ayant abdiqué scs fonctions de général, il fut institué prieur de Pontiniani, puis de Pavie où il mourut le 7 août 1424. Dom Maconi sc dévoua à la glorification de sainte Catherine de Sienne, à la canonisation de laquelle il travailla activement. Il traduisit en latin le Dialogue qu’il avait jadis écrit en italien sous la dictée de la sainte; mss À la Bibliothèque Mazarine, n. 922 (al. 1142) et à la bibliothèque de Marseille, n. 118. — Il fit traduire en italien la Légende de Catherine com­ posée par le bienheureux Raymond des Vignes; cette traduction a été imprimée à Ripoli, 1477; Naples, 1478, Milan 1488 et 1489. — 11 composa en latin et en italien une Vie de sainte Catherine, dont le texte italien existait encore en 1707 chez les domini­ cains de Sienne et les chartreux de Pontiniani. De même, en 1411, il composa une Contestatio de sancti­ tate oitse et doctrina beat v Catarin c de Senis, qui a été imprimée en 1496 à Brescia avec la traduction latine du Dialogue; on la trouve aussi dans les Acta Sanctorum, éd. d’Anvers, 1675, avril, t. ni, p. 968; dans Martène et Durand, Veterum scriptorum et monu­ mentorum amplissima collectio, t. vi. Pour entretenir dans le peuple la dévotion envers la sainte, dom Maconi composa, selon l'usage du temps, des mystères ou représentations scéniques rappelant les épisodes de la vio extraordinaire de l’illustre vierge. — Parmi les lettres éditées par Grottanclli dans le recueil intitulé Leggenda minore di S. Caterina da Siena e Lettere dei suoi disccpoli, Bolo­ gne, 1868, figurent une vingtaine de pièces provenant de dom Maconi. Au xvni· siècle, Jérôme Gigli avait publié, au t. m des Œuvres de la sainte, Sienne, 1713, une douzaine de lettres adressées par Catherine à son disciple; on les trouvera dans toutes les réimpressions ou traductions de cette édition. Tous les biographes de sainte Catherine et tous les his­ toriens de rOrdre des Chartreux font mention de Maconi; la plupart dépendent de l'ouvrage de Barth. Scala. De oita et moribus B. Sltphani .Maconi Senensis, Cartuslanl, Tici­ nensis Cartushr olim CrnobtarchiV libri V» Sienne, 1626» S. Aurons. MACRAIOS Sorgo, philosophe et théologien grec du début du xix· siècle. — Né à Phouma (pro­ vince d’Eurytanle), il s’appelait en réalité Macrès, mais plus tard, on ne sait pour quel motif, il changea son nom patronymique en celui de Macraios. Après avoir achevé ses études élémentaires dans sa patrie, il se rendit ù 1'Athos pour y suivre à VAthonias les les cours d’Eugène Boulgaris, et, quand ce dernier s’en alla à Constantinople, Macraios ne tarda pas à l’y suivre (1760), et il ne quitta plus dès lors la capi­ tale. Admis d’abord comme professeur à l'École des lettres du patriarcat, il devint en 1778 directeur de l’Écolc de philosophie, et quand, en 1790, cette ins· 11 I 1503 MACB AIOS titution fut supprimée, il revint à l'École des lettres pour y professer jusqu’en 1801, honnis le court Inter­ valle d’un an en 1793-1794. Il mourut en mars 1819 en laissant tous scs manuscrits au Métochlon du SaintSépulcre de Constantinople, où il avait habituelle­ ment passé les dernières années de sa vie. Macraios avait fait imprimer de son vivant les ouvrages suivants: 1° Τρόπαιου έκ της έλλαδικής πανοπλίας κατά των οπαδών του Κοπερνίκου, in-8°, Vienne, 1797, recueil de trois dialogues contre le système de Copernic, composés à l’occasion de la publication par Panagiotes K od ri cas d’une traduction grecque de l’ouvrage de Fontenelle sur la pluralité des mondes; 2°’Ορθόδοξος ύμυωδός, in-8°, Vienne, 1802, exposé de la philosophie chrétienne en vers imités de Pindare ;3° Σταχυολογία γραμματική κατά πάροδον διατριβής, ln-8°, Venise, 1810, résumé de scs leçons de grammaire; 4° Εραστής σοφίας ύπό των θείων γραφών όδηγούμενος, in-8% Constantinople, 1816, cours de théologie, ou plutôt traité de la sainte Écri­ ture servant d'introduction à la théologie; 5°’Επιτομή γυσικής άκροάσεως, ln-8°, Venise, 1816, traité de physique en trois livres imité de l’ouvrage analogue de Théophile Korydalléc, le restaurateur au xvn· siècle de la philosophie d’Aristote chez les grecs modernes; 6° Διδασκαλία εύσύνοπτος Γενναδίου του Σχολαρίου ή νόμος εύαγγελικός έυ επιτομή σαφώς καί εύλήπτως έκτεΟείς, ln-4°, Constantinople, 1806,. traité fort inté­ ressant de Scholarios publié pour la première fois dans la langue originale par Macraios et suivi de la disser­ tation du même Scholarios sur les péchés mortels et véniels. Parmi les ouvrages posthumes de Macraios, il nous faut citer, à cause de leur importance, sinon de leur im­ partialité, les Υπομνήματα έκκλησιαστικής Ιστορίας (1760-1860), édités par C. Sathas dans sa Μεσαιωνική Βιβλιοθήκη, Venise. 1872, t. in, p. 201-419, avec une introduction, p. οα'-πε’, quelques documents inédits, p. ργ'-ρθ', et un recueil d'épigrammes, p. ρΟ’-ριγ*. Notre auteur y comble scs protecteurs d'éloges le plus souvent immérités, tandis qu'il déverse sa bile contre ceux dont il n'avait pas réussi à capter les faveurs. En dépit de ses défauts, l’œuvre restera, car l’époque dont elle traite est d’une lamentable indi­ gence en documents de valeur. •f L. Petit. MACRA KÈS Apostolos, un des plus féconds écrivains religieux de la Grèce moderne. — Né en 1831 dans l’ile de Siphno, mais d'un père crétols, il partit, scs études élémentaires achevées, pour Cons­ tantinople: U fut admis comme interne à l’Ecole natio­ nale pour y parfaire son instruction. Il rêvait déjà aux plans de réforme qui allaient remplir toute son exis­ tence. Son premier projet date de 1856 : il consistait à résoudre la question d’Orient, qui se traitait alors au Congrès de Paris, par l’épreuve du feu : un chrétien et un turc devaient entrer ensemble dans un brasier ardent en tenant, l’un l’évangile, et l'autre le coran. et le pouvoir resterait exclusivement aux coreligion­ naires de celui des deux qui sortirait indemne du foyer. Arrêté dans son dessein par ses protecteurs, il se tourna vers l'instruction de la jeunesse, qu'il entre­ prit de réformer par une vie intérieure plus intense et surtout par la communion mensuelle. Mais l’arche­ vêque grec de Péra s’étant uni aux parents de scs élèves pour faire opposition à un système qui boulcxersait tous les usages établis, Macrakts, fort désap­ pointé, abandonne renseignement pour recourir à une arme nouvelle, la plume. C’est de cette époque que date son premier livre, La Découverte du trésor caché. 11 entendait par là la parole de Dieu, ignorée on méconnue du vulgaire. Celte publication n’ayant pas obtenu le succès escompté, l’auteur recourt à un MACH A l< 1>S 1504 troisième moyen, la prédication populaire au carrefour des rues. Dans ce but, il va s'établir Λ Athènes, où il espérait trouver plus de liberté qu'à Constantinople pour la parole publique. Vain espoir : le métropolite d'Athènes lui interdit l’accès de l’ambon (1860). Revenu à Constantinople, il se consacre d'abord à la composition de divers ouvrages, dont nous parlerons plus loin, puis il prend le chemin de Paris, où il publie en français quatre dissertations philosophiques diri­ gées principalement contre le système cartésien et la Vie de Jésus de Renan. De retour à Constantinople en 1861, il donna au quartier de Tatavla une série de conférences sur la nature et la mission de l’Église, et au bout de deux ans, en mai 1866, il va s'établir à Athènes, qu'il ne devait plus quitter. A peine installé, il inaugure sur la Place de la Concorde une série de conférences qu’il publie l’année suivante dans un nouveau journal, la Δικαιοσύνη, qu’il fonde pour combattre l’impiété des professeurs officiels et sur­ tout la franc-maçonnerie déjà toute-puissante, même parmi le haut clergé. Au bout d'un an, le 30 septem­ bre 1867, il se retire de la rédaction, tout en conti­ nuant par des tracts la lutte entreprise un peu contre tout le monde. Mis en prison une première fois pour injures contre le gouvernement, il est acquitté par le tribunal de Syra. Dès mars 1868, il fonde un nouveau journal hebdomadaire, le Λόγος, qui reste son œuvre principale. Il y parle à la fois religion et politique, car il se considère comme envoyé par la Providence pour réformer tout à la fois l’Église et l'État. Non content de condamner les idées régnantes, Macrakts s’en prend aux personnes avec une virulence extrême : professeurs, évêques, ministres, roi, tout le monde y passe. Invité à Syra en 1870 par l’évêque Alexandre Lycourgos, il y parle au peuple durant quinze jours de suite et ameute littéralement la foule contre la maçonnerie et le modernisme des professeurs officiels. A ces attaques, les ripostes arrivent bientôt cl d’au­ tant plus dangereuses qu'il avait found lui-même des armes à scs ennemis. Reprenant en 1871, dans le n° 141 du Λόγος, une théorie déjà émise par lui dans son livre V Arbre de la vie, Paris, 1864, il avait affirmé, à propos du verset de la Genèse, Pulvis es et in pulve­ rem reverteris, que l'homme était composé, non de deux, mais de trois parties : du corps, d’une âme sen­ sible et matérielle et d'un esprit immatériel et immor­ tel. Et cet esprit n'était autre que l'Esprit-Saint lui-même, principe de vie non seulement surnaturelle, mais naturelle, puisqu'il entrait comme partie essen­ tielle cl intégrante dans le composé humain. A l’énoncé de cette étrange trichotomie, tout le monde de crier au scandale et à l’hérésie. Le Saint-Synode prend ouvertement parti contre le novateur en couvrant d’éloges une dissertation sur l’âme composée par un professeur de Patras C. Ncsloridès, en 1872, contre la théorie de Mneraki s. Celui-ci, en proie à cette époque à de vives souffrances par suite d'une inflammation qui amène l’amputation du pied gauche, répond à ses détracteurs par une Apologie fort curieuse. Sur le point spécial en litige, il prétend que la dichotomie du composé humain n'est pas un article de foi et que la doctrine de quelques Pères de l’Église ne saurait contrc-balanccr l’Écrilurc et la Science, qui témoi­ gnent l'une et l’autre, affirme-t-il, en faveur du composé tripartite. La querelle devenant chaque jour plus vive, Macrakts, qui avait dû interrompre en 1871 la publication du Λόγος, fonde en 1874 un nou­ veau journal, Είρήυη, la Paix, et sous ce titre, c'est une guerre acharnée qui s’engage de part et d’autre. Par une encyclique du 21 décembre 1878, le SaintSynode condamne enfin le réformateur non seulement dans ses théories renouvelées des vieilles hérésies de Valentinien, de Taticn et d’Apollinaire, mais encore ΎΑ Γ' 1505 Μ ΛCRΛΚRS dans les pratiques religieuses en usage chez scs adeptes, spécialement en ce qui concerne la communion fré­ quente et la confession. En même temps, par ordre du gouvernement, l’école ouverte par Macrakès est fermée, son église est interdite nu publie, et scs prêtres jetés en prison. Il y a plus. Comme ces mesures vexatoires ne font qu'envenimer la discussion et provoquer des injures de plus en plus violentes, les tribunaux interviennent, et notre novateur est condamné suc­ cessivement à deux mois de prison pour ouverture illicite de son école, puis à deux ans pour crime d'hé­ résie, puis ù deux autres années pour outrages aux autorités ecclésiastiques. Nous devons signaler, à ce pro­ pos, ù cause de leur importance dogmatique, les débats du fameux procès pour crime d’hérésie; ils durèrent du 5 au 17 mars 1881 et se déroulèrent au milieu d'in­ cidents Inconnus ailleurs qu'en Grèce. L'arrêt du tri­ bunal fut d’ailleurs annulé par la cour de cassation pour vice de forme, et le prévenu renvoyé devant le tribunal de Nauplie. Ce second ^procès n’eut jamais lieu, et Macrakt s, rendu ù la liberté, reprit avec plus d'ardeur que jamais son apostolat par la parole, et par la plume, n’épargnant aucune fatigue, parcourant tout le pays durant les vacances scolaires, allant porter le nouvel évangile non seulement dans les îles, mais encore ù Constantinople et jusqu’à Odessa. Et cette activité débordante, digne d’une meilleure cause, Macrakts la déploya jusqu’à son dernier jour. Avant de mourir, au soir du 24 decembre 1905, il avait encore écrit, le matin même, un petit article pour le Logos. Physionomie étrange, comme il s’en rencontre tant en Grèce, où d’incontestables qualités sont malheureusement gâtées par des défauts non moins incontestables, faute d’avoir pu ou su modérer de trop évidentes passions inconciliables avec la vraie réforme des idées et des mœurs. L'œuvre littéraire de Macrakès est immense. Dans l'impossibilité de tout analyser, nous signalerons du moins, le plus souvent dans leur ordre chronologique, scs principales productions, qui traitent presque tou­ tes de matières religieuses et méritent à ce titre de trouver place ici. Λποκάλυψις του θησαυρού τού κεκρυμμένου. 1® Ό ’ Constantinople, 1858, 2· édit., Athènes, 1883 : nécessité pour la réforme des mœurs de mieux con­ naître la parole de Dieu. — 2° Ή πόλις Σιών ή ή έπί πέτρας οίκοοομηθεισα οΙκοδομηΟεΐσα εκκλησία, ήτοι η ή ανθρώπινος άνΟρώ κοινωνία έν Χριστώ, Constantinople, I860 : il n’y a de bonheur pour l’individu comme pour la société que dans la religion chrétienne.— 3® Λύσις φιλοσοφική έπί τού προβλήματος τού ανθρωπίνου προορισμού εις ταύτόν τη θρησκευτική συμπίπτουσα. Constanti­ nople, 1860; Athènes, 1883 : la destinée de l’homme consiste dans la déification de son être et l’amitié de Dieu. — 4® Άσπίς τής ανατολικής όρθοδόςου έκκλησίας πρός άπόκρουσιν τού κατ’αύτής έπιτιθεμένου παπισμού, Constantinople, 1862 : calomnies contre l’Église catholique représentée par Ésaû, que Dieu a rejeté, tandis qu’il a aimé Jacob, c’est-à-dire l’Église d'Orient. — 5® ’Il παπική μανία έξηγοομένη καί ή φωνή τής Ιατρικής έπιστήμης εις τά ήμέτερα πατριαρχεία έφαρμοζομένη, Athènes, 18G2 : nou­ velle attaque dirigée d’abord contre la primauté du pontife romain, puis contre les abus dont le patriar­ cat grec est le théâtre. — 6® Ό Γεροντισμός, τά πρακτικά καί ή φωνή τού Κυρίου ήμών ’Ιησού Χριστού πρός άπαν τό πλήρωμα τήςόρΟοδόςου έκκλη­ σίας. Athènes, 1862 : le gérontisme, c’est la simonie qui ronge à tous les degrés la hiérarchie orthodoxe. Ces trois dernières brochures ont été réimprimées dans le recueil de J. Kaminari, Μελέται καί λόγοι ’Αποστόλου .Μακράκη, Athènes, 1914. — 7® Éludes philosophiques au nombre de quatre publiées en fran- 1506 çals à Paris en 1864. Des trois premières, l’une est dirigée contre le scepticisme, l'autre contre la Vie de Jésus de Kenan, la troisième contre l’athéisme; elles ont été publiées en grec a Athènes, en 1867, par A. Lecasla. Dans une quatrième brochure intitulée : L'arbre de la oie et l'arbre de la connaissance, l’auteur oppose la philosophie chrétienne au cartésia­ nisme : A. I.ccatsa l’a publiée en grec à Athènes en 1869. — 8° Υπόμνημα περί της φύσεως τη Χριστού εκκλησίας καί τού θεμελιώδους αυτής ων καί περί τού χριστιανισμού βίου, πρός έξέλεγς ύευδοχριστιανιζών έζκλησιών καί έ π άνοδον χριστιανών εις τον κατά Χριστόν βίου, Constantino­ ple, 1865; 2' édit., Athènes, 1891 : l’Église fondée par le Christ est la plus grande des œuvres de Dieu, et cette Église est unique, l'orthodoxe, toutes les autres sociétés religieuses n’ayant aucun droit à se réclamer du Christ. — 9° Tô έθνοδό:αστόν έργου, ήγουυ ποιου έργου δύυαται νά δοςάση τούς νύν "Ελληνας υπέρ πάντα της γης τά έθνη. Constantino­ ple, 1865; 2· édit. Athènes, 1875 : l'honneur et la gloire ne consiste que dans les vertus chrétiennes, lesquelles ne s’obtiennent que par la raison, la foi et la lutte. — 10® Δικαιοσύνη, έφημερίς των ελληνικών ών έλληυικών αρχών, journal paraissant deux fois la semaine et comptant 92 n®·. du 30 septembre 1866 au 28 septem­ bre 1867.— 11® Ή ελεύθερα τεκτονική, Mhènes 1867. — 12° * Η μασσονία γνωριζομένηj και διά τού αασ13 Ό έυ Έλλάδι σονικού διπλώματος, 1868. — 13· ελεύθερος τεκτονισμός έν όρισμώ καί b/ συγκρίσει προς τον έν Έλλάδι χριστιανισμόν. 1899 : trois bro­ chures d’une extrême violence contre la franc-maçon­ nerie. — 11® Λόγος, έφημερίς της έν Χριστώ θρησκείας, πολιτείας καί φιλοσοφίας, Journal heb­ domadaire dont le premier numéro porte la date du 2 mars 1868, et le dernier de cette première série, celle du 20 mars 1871. L'nc seconde série commence avec le n® 152. daté du I décembre 1876, et finit avec le n® 1657, publié le 29 décembre 1905, cinq jours après la mort de l’auteur; le premier tome de la collection contient.cntrcaulres.un Λόγος φιλοσοφικός plusieurs fois réimprimé depuis, dans lequel l’auteur prouve que Dieu s’est incarné et qu'il n’y a de salut pour les peuples et le monde entier que dans l’Église orthodoxe.— 15® Λογικός έλεγχος θωρακωτού τινός έλέγχου, vive et verbeuse riposte à un défenseur de Thcoclétos Bimpos, professeur de théologie à ΓUni­ versité, que Macrakès avait accusé d’hérésie. — 16® Λόγοι κατηχητικοί επί τούσυμβόλου τής πίστεως. Athènes, 1S71 : recueil de discours prononces dans l’église de Sainte-In : c. 17® ’ Κπολογία Αποστόλου Μακράκη περί των έαυτού αισθημάτων, φρονημάτων καί πράξεων, Athènes, 1873 défense de la tricho­ tomie du composé humain contre le livre de C. Nés· loridès. — 18® Ειρήνη, journal politico - religieux paraissant tous les samedis : le premier numéro est date du 12 janvier 1874, et le dernier, portant le n® 1 IC», est du 27 novembre 1876.— 19° Ή κατά τού ‘Αποστόλου Μακράκη έπί αίρέσει δίκη. Athènes, 1881, contenant les discours de Macrakès et les dépositions des témoins lors du procès des 5-17 mars 1881. — 20® Τό τρισύνθετον τού ανθρώπου βεβαιοόμενον καί διά των μεγάλων τής ’Εκκλησίας πατέρων καί τό κτηνώδες δισύνθετον της έκπεσούσης της ορθοδο­ ξίας συνόδου, Athènes. 1882 : violente riposte contre l’opuscule du professeur Chrysanthe Macrès sur le composé humain. - 21® Υπόμνημα προς τόν οίκουμ ενικόν πατριάρχην Διονύσιον τόν Ε', Constantino­ ple. 1888 : réponse aux griefs contenus dans la sen­ tence synodale promulguée contre l'auteur; Macrakès la lit également imprimer en russe et présenter au Saint-Synode dirigeant, lors de son vovuge à Odessa en 1888. f I 1507 MACRAKÈS - La plupart des ouvrages qui précèdent ont, comme leur titre l’indique, un caractère polémique : ceux qui suivent sont plus didactiques. — 22e Θεία καί Ιερά κατηχησις, Athènes, 1885 : curieuse publication en trois parties, dont la première traite de la connaissance du danger; la seconde, des dogmes et des commande­ ments; la troisième, de la damnation, avec une notice sur les hérésies principales. — 23° Ερμηνεία είς την πρός'Εβραίους έπιστολήν, Athènes, 1881.—21°* Ερμη­ νεία της Άποκαλύψεως Ίωάννου του Θεολόγου, Athènes, 1882. — 25° ‘Ερμηνεία είς τούς ψαλμούς, 3 vol., Athènes, 1887-1889.— 26° 'Ερμηνεία όλης της Καινής Διαθήκης, Athènes, 1891 sq., formant un total de 2320 pages en fascicules. Tous ces ouvrages représentent l’exégèse de Macrakès : on y trouve un peu de tout, des attaques passionnées tantôt contre le pape et l’Église catholique, tantôt contre les adversaires personnels de l’auteur. — 11 faut y ajouter, 27° une sorte d’introduction générale à l’Écriturc intitulée : 'II Γραφή καί ό κόσμος, ήτοι τό μέγα του Θεού βιδλίον διά τού μικρού μελετώμενον, Athènes, 1905 : tirage à part de 52 articles parus dans le Logon. Les idées de Macrakès sur la réforme des diverses branches de renseignement sont contenues dans les ouvrages suivants. — 28°Νέον εκπαιδευτικόν σύστημα, en trois parties, ayant respectivement pour ti­ tres : ΓραμματομάΟεια, Athènes, 1876; ΛεξιμάΟεια, Athènes, 1878; ΛογομάΟεια, Athènes, 1882. — Après la réforme de la grammaire, voici celle de la philoso­ phie : 29° Ή φίλοσοφίακαί αίφιλοσοφικά* έπιστημαι, 4 vol., Athènes. 1876-1890. Lepremier volumeconticnt, avec l’introduction générale à la philosophie, la psy­ chologie et la logique; le second, la morale philoso­ phique tirée surtout des exemples de l'histoire sainte; le troisième, la théodicée; le quatrième, la philoso­ phie proprement dite. Enfin, comme pour montrer qu’aucuncbranche du savoir humain ne lui était étran­ gère, Macrakès aborda les sciences politiques dans une série de leçons professées au Syllogue Platon fondé par lui en 1901; on les trouve résumées dans deux petits volumes publiés respectivement en 1901 et en 1902 sous le titre: 'O πρώτος(ό δεύτερος) καρπός τού έν Άθήναις πολιτικού συλλόγου ό Πλάτων. Si incomplète qu’ait été la science politique de Platon, elle était, écrit-il dans le premier opuscule, bien plus parfaite que celle en vigueur dans la Grèce moderne, surtout si on prend soin de la compléter par la philosophie chré­ tienne; dans le second opuscule, il assure que le bon­ heur est à la portée de chacun : il sullît de le vouloir et d’observer la loi de Dieu.— Macrakès, on le voit, au milieu de luttes incessantes, n’a cessé de parler et d’écrire; ses ciïorts, malgré les incohérences qui les déparent, ne sont pas tous demeurés stériles, et il se survit, aujourd’hui encore, dans quelques disciples restés fidèles, qui poursuivent la même œuvre avec une méthode moins défectueuse. MADDELON 1508 invita-t-il dans sa capitale le maître et le disciple et les retint deux ans auprès de lui. Macaire regagna ensuite le mont Athos, mais pour peu de temps. Sur la recommandation de l’historien Phranizès, il fut rappelé par l’empereur cl placé à la tète du monastère du Pantocrator qui tombait alors en ruines. Tel était l’ascendant de Macaire sur l’empereur Jean VIII (1425-1448), qu’il fut choisi pour faire partie de l’am­ bassade qui se rendit à Home auprès de Martin V, peu après 1126, pour traiter de l’union des Églises. Syropoulos, Historia concilii Florentini, éd. Creyghton, in-fol., La Haye, 1G60, p. 12; Phrantzès, Histor., éd. Bonn, p. 156-157. Macaire passa ainsi une année entière dans la Ville étemelle. Il devait y retourner en 1431, dans une seconde ambassade, quand il fut emporté par un abcès ganglionnaire avant d’avoir atteint sa quarantième année. Georges Scholarios prononça son oraison funèbre dont le texte était encore conservé au temps de Monlfaucon dans un ms. de Naples qui n’a pas été retrouvé depuis; il lui consacra également une épitaphe contenue dans le Parisinus 1932, P GGvo.Onade Macaire un traité sur la procession du Saint-Esprit, et spécialement contre l’addition du Filioque au symbole. Déjà mentionné par Allatius, De Ecclesia9 occidentalis atque orientalis perpetua con­ sensione, Cologne, 1648, p. 8G0, il a été publié par le patriarche Dosithée dans le rarissime recueil intitulé Τόμος καταλλαγης. in-fol., Jassy, 1692. p. 412-420. C’est un recueil des textes patrisliques relatifs à la matière sans aucune originalité. D’un discours sur la translation des reliques de sainte Euphémie, on n’a publié jusqu’ici que des fragments. Voir Chr. Loparev, dans les Vlzantijskij Vremennik, t. iv, 1897, p. 352354, et E. Kurtz dans la Byzantlnische Zeitschrift, t. vn, 1898, p. 476. On a encore de lui deux descrip­ tions, εκφράσεις, conservées dans un manuscrit de la Laurenlienne. Cf. Fabricius, Bibliotheca graeca, édit.. Maries, t. vin, p. 370. Kayser les a publiées en tête de l’appendice à son édition de Philostrate, Heidel­ berg, 1841, mais en les attribuant à tort à Marc Eugénicos Voir à ce nom. Une courte biographie de Macaire n été publiée par A. Papadopoulos-Kérnmeui, d’après le nu. de la biblio­ thèque patriarcale du Caire, dans le Δελτών τής ιστορικής y. zi έΟνολογ-.ζής έτζιριας τής ’ Ελλάδος, Athènes, 1S90, t.m, p. 463-466. Un éloge beaucoup plus étendu contenu dans le même manuscrit, fol. 13-GO, attend encore un éditeur. f L. Petit. MADDELON Fidèle, O F. M., plus connu sous le nom de Fidèle de Fanna, naquit au village de ce nom dans le Frioul le 24 décembre 1838. Instruit par un vénérable prêtre, J. B. Piamontc, Il entra chez les frères mineurs de la province de Venise le 29 septem­ bre 1855. Ordonné prêtre le 2G décembre 18G2, il fut appelé à remplir les fonctions de lecteur (1862-18G9). Solidement initié aux études franciscaines par le P. Antoine Marie de Viccnce, O. F. M., il composa alors un manuel de théologie encore Inédit sur le plan Voir Parti Je de Démétrlus S. Balanos. *0 Απόστολος du Brcidloquium de saint Bonaventure. En 1870, Μακρα/η; (/iJ/-JP06),danslarevuc Γρηγόριος ύ Ila)αιχάς. lors du concile du Vatican, il vint à Koine sur l’ordre Saloniquc, 1920, t. ιν, ρ. 65-112; et celui de V. Grégoire, du Kmc P. Bernardin de Portogruaro, ministre géné­ dani les Écho» d9 Orient, t. xîx, 1920, p. 403-114. ral des franciscains,et y composa un ouvrage estimé : f L. Petit. MADRES Macalro, théologien grec du xv· siècle. Seraphici doctoris S. Bonaventuræ doclrina de romani — Né Λ Thessalonlque au début du règne de l’empe­ pontificis primatu et infallibilitatc, Home, 1870. L’an­ reur Manuel II (1391-1125), il reçut de ses parents née suivante, il 6t paraître l’opuscule suivant, dirigé une éducation fort soignée. Mais ayant perdu sa mère contre le libéralisme : Urgente escursionc contro una quand II venait d’atteindre sa dix-huitième année, il mano di auxiliari massonici, Venise, 1871 Au cours embrassa la vie religieuse au mont Athos, au célèbre de ces divers travaux, le P. Fidèle de Fanna avait monastère de Vatopédi, et y passa d'abord douze ans souvent reconnu l’insufllsancc des éditions bonavensous la direction d’un vieux moine aussi versé dans luricnncs faites jusqu’alors. Aussi, lorsqu’on grande 1« sciences profanes que dans l’ascétisme. A la mort de partie sur scs instances le Bme P. Bernardin de Portoce premier maître, il s’attacha ù un second, dont la gruaroeutdécidé la réédition critique des opera omnia réputation n’était pas moindre. Aussi l’empereur de saint Bonaventure, le P. Fidèle fut-ll chargé de la 1509 Μ Λ I) D ELON dilHcilc entreprise. A celte fin, U visita, de ! 871 à 1879, tous les pays d’Europe sauf la Russie et la Suède et examina environ cinquante mille mss. ou imprimés de tout genre, relatifs à saint Bonaventure et aussi, en bonne partie, aux autres maîtres de l'école francis­ caine. Scs notes,conservées en vingt-sept volumes, sont extrêmement précieuses pour l'histoire littéraire de la scolastique, vu surtout que le P. Fidèle de Fanna était un paléographe d’une extraordinaire sûreté de jugement. Dès 187 I, il fit connaître les premiers résul­ tats de ses recherches dans l’ouvrage suivant : /latio novæcollectionis operum omnium Seraph. Doct. S. Bonaoenturœ, Turin, 1871. Cet écrit marque une date dans l'histoire du mouvement néo-scolastique. M. Grab­ man n, Das Bonauenturakolleg zu Quaracchi in seiner Bedeulung /ilr dic Methode der Er/orschung der mitteta lierlichen Schohstik, dans Franziskanische Studien, Munster, 1921, t. xi, p. 63-70. Il valut ά l’auteur d’être brillamment présenté par Léopold Delistc ù l’Académio des Inscriptions et Belles-Lettres et d’être élu, le 3 décembre, 1877, membre correspondant de la Heal Academia de la historia de Madrid. Entre temps le collège Saint-Bonaventure fut organisé ù Quaracchi et le 1 1 juillet 1879, le P. Fidèle de Fanna en prit la direction comme préfet. Les travaux d’édition com­ mencèrent alors, mais ces labeurs et de nouveaux voyages en Italie ruinèrent bientôt la santé toujours frêle de cet infatigable chercheur: une longue maladie vint l'enlever, le 12 août 1881, à Quaracchi, laissant la direction de l’édition à peine commencée au P. Ignace Jcilor. Dans sa vie comme dans sa mort, le P. Fidèle de Fanna fut un grand religieux, digne disciple de S. Bonaventure. P. Marcellin da Civezza, Il P. Fedele du Fanna della fronces cana riformata provincia di Venezia, Prato, 1831; S. Bonaventure, Opera omnia, Qunrraechi, 1882, t. i. ρ.ιχ,χι; [Ρ. Pacifique de Monza], Il Rmo P. Bernardino da Portogruaro, Quaracchi, 1898, p. 101-105; C. Guasti, Opere, Prato, 1899, t. v b, p. 610-630. E. Lonopré. MADERNI Alexandre, théologien italien, né à Lugano en 1617, mort Λ Rome en 1685.— Il entra très jeune dans l’ordre des barnabltes en 1633. Très estimé pour sa doctrine cl sa prudence, Madcrni obtint dans l'ordre les plus hautes charges et enfin, en 1680, celle de supérieur général. Il mourut dans cette charge â la veille d’etre élevé nu cardinalat par le pape Innocent XL On a de lui un Cursus theologicus en trois gros volumes publié à Rome (1671, 1672, 1675), ouvrage remarquable au point de vue de l'ordre et de la clarté d’exposition. Le cardinal Lambcrlini (Be­ noit XIV), dans son ouvrage célèbre De canoniz itione et beati fleattone servorum Dei, cite souvent le Cursus du P. Maderni, surtout là où il parle des vertus in gradu heroico (L III, c. xxi). O. PllKMOLY. M A DI US Jules-César. - A Insulte d’E. du Pin les bibliographes mentionnent sous cc nom un traité /).· ordinibus sacris et guibusdum aliis, parti à Pavio, 1616. Dupin, Table des auteurs ecclésiastiques du XVII* siècle, col. 1875; Jochcr-Hoterinund, Gelehrten-LexIkon, édit, de 1813, t. iv, col. 336. MAFLIX (Baudouin de), dominicain, maître Λ {'Université de Paris, nommé le dix-neuvième dans la liste des maîtres établie par Étienne de Salanhac : B aidai nus de Maflix, fl imingus. Originaire de Mailles, près de Tournai, il remplissait les fonctions de maître en 1267-1269; en 1269, présent au chapitre général des frères prêcheurs, ù Paris, il faisait partie de la com­ mission de six maîtres, parmi lesquels frère Thomas d’Aquin, chargée de résoudre un cas de conscience MAGIE 1510 De secreto. Il paraît indubitable qu’il a composé des ouvrages théologiques ou scripturaires; mais on n’a pu jusqu'ici identifier que des sermons, tels le sermon contenu dans le ms. 14 952 de la Bibllothèque Nationale de Paris, f° 137, et sans doute celui du ms. fat. 1550, f° 219 du même fonds. Catalogue des Magistri In theologia Parlsius d’Étienne de Salanhac, publié par H. Déni (le, Quetlrn zur GeMirtengeschichtè drs Prrdig^rordrnn. dans Archio fur Ltttrratur und illrchengtsehiehte des M.-A., t. n, p. 206. Son inter­ vention est signalée dans un acte universitaire en 1287, Deniile, Chartularium Universitatis Paris lens ts, t. t, p. 469. La consultation De secreto est éditée parmi les œuvres de S. Thomas; ainsi dans l’édition Vlvês, 1889, t. xxxn, p. 816. Quétif-Echard, Scriptores ordinis praedicatorum, Paris 1719, t. i, p. 217; P. Mandonnet, Stger de Brabant, 2' éd., Louvain, 1911, t. i, p. 84; B. ITauréau, Notices ft extraits de quelques msi. la I as de la Bibliothèque Nationale, Paris, 1892, I. iv, p. 40; F. Hcnnebert, Biographies de Belgique, 1836, t. I, p. 840. M.-D. Chexü. MAQALHAENS Pierre, dominicain portugais, né à la fin du xvi» siècle, qui, après de nombreuses années d’enseignement dans les couvents de l’ordre, fut nommé maître en théologie au chapitre général de Rome en 1611. Il remnlit ensuite la charge de conseiller du tribunal de l’Inquisition, jusque dans un Age avancé. Il mourut peu après 1672. Il a publié les ouvrages suivants : Tractatus theologicus de scientia Dei, Lisbonne, 1666; Tractatus secundus theologicus de prædeslinationto exeeuhone in duas partes distributus, unam de efficacia, alteram de necessitate gratia*, Lis­ bonne, 1667, Lyon, 1671; Tractatus theologici ad /·» partem D. Thomae, de voluntate, de prédestinahone, de Trinitate, Lisbonne, 1670. Quétif-Echard, Scriptores ordinis praedicatorum, Paris, 1721, t. n, p. 611; B.-M. Reichert, Acia capitatorum gene­ ralium ordinis praedicatorum, t. vn, Home, 1902. p. 150. M.-D. Chew. MAQIE. — On ne trouvera pas Ici une histoire, même abrégée, de la magic, à travers les âges et les peuples. Pareille histoire, si elle est possible, demande­ rait des développements considérables. D’ailleurs, elle n’est pas nécessaire au but de cet article. Dans un dic­ tionnaire de théologie, nous traiterons de la magie surtout au point d-· vue théologique : il s’agira avant tout do la nature et de la moralité de la magie. Pour terminer, nous examinerons, aussi brièvement que possible, la question des relations historiques entre magic cl religion. Cette question appartient directe­ ment Λ l’histoire des religions; mais elle est tellement à l’ordre du jour qu’il a paru impossible de la passer sous silence.— I. Le mot. — IL La chose (col. 1515).— III. Moralité de la magic (col. 1528). — IV. Magie et religion (col. 1531). I. Lk mot. — La magie, au sens étymologique, est l’art du mage ou du magicien. Les mages semblent avoir été d’abord une caste chez les Chuldéens. puis chez les Mèdes et chez les Perses, caste aristocratique et sacerdotale, un peu comme la tribu de Lévi chez les Juifs; on les trouve organisés vers l’an 600 av. J.-C. Voir Hastings, Enc. of religion, art. Mugi, t. Vin, p. 212, 213; Huby, Christus,p. 303,301. Ainsi, l'imagi­ nation aidant, le mage nous apparaît dans un recul impressionnant : personnage héroïque, mystérieux, redoutable, habitant les confins du monde visible et occupé ù lire dans les astres les secrets les plus cachés, ou Λ puiser dans un au-delà invisible les phé­ nomènes les plus merveilleux. Le magicien, lui, a des apparences moins grandioses. Ce nom évoque un être plus ou moins étrange col (Té d’une espèce de mitre en forme de cône tronqué : il lient en main une baguette dont il vient de tracer 1511 MAGIE, DÉFINITION autour de lui sur le sol une circonférence enchantée. Le cercle ainsi limite Jouit vis-à-vis des lois ordinaires de tous les privilèges de rexlralerritorialité. ou bien il emprisonne une force surhumaine. Et ce n’est encore que la première merveille opérée par la baguette : celte baguette contient virtuellement tous les pro­ diges, bienfaisants ou malfaisants, baguette de fée ou baguette de sorcier Voilà à peu près les représen­ tations qu’éveillent dans l’âme populaire ces mots : magie, mage, magicien. Mais à côté de cette description extérieure, il faut tâcher de donner de la magie une définition un peu plus scientifique. Dans cette Irr partie, il s’agit seule­ ment d'une définition nominale; il s’agit, sans préju­ ger la réalité ni la nature intime des phénomènes, d'analyser l’idée de magie. Pour la clarté, nous don­ nerons d’abord la définition précise, élaborée par la théologie: puis, nous tâcherons de nous représenter l'idée que pouvaient, que peuvent encore se faire de la magie les païens, depuis les plus grossiers jusqu'aux plus rail nés. et en général tous ceux qui n’ont pas des notions très fermes sur Dieu. Pour la théologie catholique, la magie est une espèce de superstition. La superstition — saint Thomas en traite,Sum. lheol., IP-H®, q. χαι — est le péché par excès contre la vertu de religion. · La religion, dit la Somme, loc cit., a. 1, est une vertu morale; or, toute vertu morale se tient dans un juste milieu entre deux excès... La superstition est un vice oppose à la reli­ gion par excès, non qu’elle fasse pour le culte divin plus que la religion véritable, mais parce qu’elle rend un culte divin à qui ce culte n’est pas dû, ou qu'elle le rend à Dieu, mais d’une manière qui ne convient pas. » De là les deux grandes divisions de la superstition. Elle peut consister dans un culte rendu au vrai Dieu, mais d'une façon qui lui déplaît, parce que les mani­ festations en sont vaincs ou meme injurieuses à Dieu. Par exemple, attacher à telle prière, répétée 3, 7 ou 9 fois, une cflicacilé que Dieu n’y a pas mise; ne vou­ loir assister à la messe que dans telle église, à telle heure déterminée, comme si ces circonstances avaient leur efficacité propre, ce serait superstition vaine; observer les rites judaïques serait actuellement supers­ tition Injurieuse à Dieu. Cf. q. xcni. Il y a aussi superstition et toujours, dans un culte religieux rendu à un autre qu’au vrai Dieu et sans considération pour Dieu, et ici. de nouveau, plusieurs espèces sont à distinguer. L'homme peut se proposer de rendre à une créature, par exemple, au démon, le culte dû a Dieu seul, à l’Etre Suprême, en attribuant ou non nu démon les perfections divines, et nous avons l'idolâtrie parfaite ou imparfaite; ou bien l'homme se propose seulement d’obtenir par le secours du démon un effet qui dépasse scs propres forces, cl nous avons la divination, la vainc observance, In magie La divination révèle des choses futures ou cachées, humainement inconnaissables. Entre la vainc observance et la magic, pour beaucoup de théologiens, il y a identité ou tout au plus simple différence de degré. Cf. Suarez, De religione, tr. Hl. L ll,c. vn.n 1. On dit souvent : Il y a vainc observance à attendre un phénomène de moyens naturellement disproportion­ nés; si le phénomène est très merveilleux, la vaine observance prend le nom de magie. Ainsi après Busembaum cl saint Ligorl, I. 111, n. Il (éd. Gaudé, t. i, p. 378). Lchrnkuhl. t. r, n. 490, Noldm. t. n, n. 118 b, 159. 163, Salsmans t i. n. 267· On peut regretter que la doctrine ne distingue pas plut franchement entre vaine observance et magie. Avec (iurv -Bulol. 2· édit., I. i,n. 283. 284,on voudrait dire que la magie consiste à produire des eflets extra­ ordinaires ou complètement merveilleux, tandis que la vainc observance consiste a ordonner sa vie, à 1512 régler ses actions, d’après des événements fortuits, à attendre un bonheur ou un malheur â la suite de tel accident ou incident. Ainsi faisaient 1rs Romains avec leurs jours fastes et néfastes, ou bien quand ils consul­ taient le vol des oiseaux ou les entrailles des victimes avant d’engager la bataille, d’entreprendre un voyage, de conclure un contrat; ainsi font ceux qui se croient perdus si l'on s'est trouvé treize à table, si la salière a été renversée, si l’on a allumé trois cigarettes avec la même allumette. On dira : « Cet événement est considéré comme un signe ou comme une cause de ce qui va se passer ou de ce qui se passerait; dans le 1er cas, il y a divination; dans le 2·, il y a magic. · C’est vrai logiquement peutêtre. Psychologiquement, il y aurait avantage et vérité à retenir les trois espèces, divination, magic, vaine observance; car dans beaucoup de cas, le phéno­ mène, objet de vaine observance, n'est considéré vrai­ ment ni comme le signe, ni comme la cause de l’événe­ ment attendu, mais par faiblesse d'esprit, par routine, par instinct, on redoute quelque suite fâcheuse : • Cela porte malheur ·, dit-on, sans mêmey croire bien fort. Pratiquement, nous éviterons l’emploi de l’expres­ sion vainc observance, et nous entendrons par magie l'art de produire des phénomènes extraordinaires ou merveilleux; ou encore, l'art de produire des effets par des causes disproportionnées. Suarez, loc. cil. Les théo­ logiens précisent ordinairement : ♦ par le secours des démons ». Ainsi Gousset, t. i. n. 120; Ferreros, t. î. n. 359; Bulot, 1.1, n. 289; Salsmans, 1.1, n. 267 ; Pcsch, Prœlcctlones dogm., t. ix, p. 427, etc. Celle caracté­ ristique sera examinée dans la IP partie. Ici, pour garder une notion suffisamment commune, il est pré­ férable de nous contenter d'une formule négative et de dire « avec un secours différent de celui de Dieu, non divino sed alio auxilio ». Lchrnkuhl, t. i, n. 490. La notion commune, celle que recherchent les ethnologues, les historiens des religions, celle que se font, que peuvent se faire les païens même éclairés, et, en général, ceux qui n’ont pas la foi, reviendra à peu près au même. Celte définition un peu longue serait sans doute généralement acceptée : « La magie est l’art de produire ou de provoquer des phénomènes sensi­ bles extraordinaires, merveilleux, par des moyens naturellement disproportionnés selon toute appa­ rence, mais capables de déclencher des forces mysté­ rieuses, surhumaines et normalement hors des at­ teintes de l’homme. » On peut voir dans Recherches de science relig., t. ni, p. 126, et Anthropos, t. vni.p. 885, des essais de définition ou de description extrêmement fouillés et complexes. 11 nous suffira de quelques remarques sur la définition nominale proposée. Celte définition ne s’applique pas à ce (pie l'on appelle la magic blanche, la prestidigitation, laquelle n’a aucune raison de comparaître dans un diction­ naire de théologie. Les théologiens se contentent de lui recommander, en passant, de ne pas virer du blanc au noir, et, bien entendu, de ne pas couvrir de sa blancheur des escroqueries ou autres passe-temps hété­ rodoxes. Cf. Ferraris, Superstitio, 10; Gousset, t. i, n. 120. Le prestidigitateur fait des choses en appa­ rence merveilleuses; mais les spectateurs, j’entends les grandes personnes et sérieuses, admirent la dex­ térité, sans songer même à une intervention préterna­ turelle. Le prestidigitateur est au magicien ce que l’illusionniste est au médium spirite. Donc, la magie véritable, ou. pour lui donner son épithète de nature, la magic noire — ainsi appelée parce qu’elle est le plus souvent malfaisante et est rap­ portée au démon ou à des puissances ténébreuses — est un art, c’est-à-dire un ensemble de procédés, de formules, de recettes; elle est l’art de produire ou de 1513 MAGIE, DEFINITION provoquer, car elle opère généralement à coup sûr: la pratique magique capte et contraint la force surhu­ maine. Hastings, op. cil , p. 278; Rech. de science ret., l. ni, |>. 176. En réalité, le processus total est variable et plus ou moins complexe. La pratique magique déclenche par sa propre puissance — puissance attachée His­ toire des papes, trad. Furcy-Raynaud, t. v, p.338, 339; cf. Janssen, t. vm. p. 534, n. 2 et ici, Innocent VIII, I. vif, col. 2003, 2004. Enfin, au xv* siècle, éclate dans le peuple chrétien une violente épidémie de superstition. C’est peut-être l’âge d’or de l’alchimie; or, si alchimie n’est pas superstition ni magic, il est Incontestable qu’à une époque de croyance facile au préternaturel, le déve­ loppement de l’alchimie devait favoriser la supersti­ tion. Cf. Janssen, t. vt, p. 417. Avec la Réforme, le phénomène prend des propor­ tions colossales. Luther aperçoit l’action du diable dans toutes les maladies et dans tous les maux. Janssen, t. vi, p. 132, 436 et ci-dessus art. Luther, col. 1162: scs ennemis sont des possédés, el lui-même se croit en bulle aux vexations du malin. Janssen, l. vin. p. 551, 553, 551, n. 3, 558. On volt A celte époque paraître de nombreux récits Intitulés : Gazette très véridique et effrayante... Janssen, t. vi, p. 169-176. La seconde qualité est certainement plus sûre que la première. L’atmosphère, la mentalité devenait on ne peut plus favorable â l’éclosion viru­ lente de In croyance A la magie: et le protestantisme était certainement pour quelque chose dans cet étal des esprits. Les auteurs protestants eux-mêmes pro­ clament que les cas de magie sont bien plus fréquents depuis la Réforme : preuve de la rage du démon contre le pur évangile. Janssen, t. vi,p. 168.On peut retenir la constatation matérielle el laisser tomber l’explica­ tion. La recrudescence de la croyance A la magie amena une recrudescence de la persécution contre les sor­ ciers et les sorcières. Janssen, t. vm, p. 528. Cette per­ sécution sévissait d’ailleurs, surtout en Allemagne, depuis le milieu du xv* siècle, ('.elle triste histoire des procès de sorcellerie n’est pas A raconter ici; elle est seulement rappelée comme un moment significatif dans l’histoire de la magic en pleine chrétienté. Elle témoigne d une conviction très étendue et très pro­ fonde dans I clllcaclté des pactes avec le démon et 1526 dans leur fréquence, croyance enracinée non seule­ ment dans le peuple crédule mais chez les hommes les plus cultivés, surtout juristes et gens d'fegJIse. Cepen­ dant pareille conviction n'engage ni ne compromet à fond l’Église comme telle, pas plus que ne lui sont im­ putables les cruautés commises, les sentences iniques, dictées, certaines par un zèle aveugle ou par une peur affolée, mais d’autres par la passion, la convoitise, la vengeance, voire la luxure. Janssen, t. vm, p. 529, al. 3. Après celte remarque, fl sera permis de déplorer que prêtres, évêques, théologiens, en trop grand nombre, aient subi la suggestion de cette hallucina­ tion collective. Voir cl-dcssus, art. Loos, col. 030. Heureusement. le bon sens réagit peu a peu; et celui qui, après Corneille Loos, dénonça le plus haut la crédulité générale et la cruauté de la torture, fut un jésuite, Fred, von Spec (1591-1635). La réaction ne se fit pas toute seule, mais elle se fit, et bientôt les gens réfléchis,les théologiens en particulier, adop­ taient au nom de l'expérience plus que de la théologie, des positions que plus d’un tient encore aujourd'hui. f} Les théologiens classiques. — Dans l’ensemble, les grands théologiens A partir du xvn* siècle admettent la réalité et l’efficacité des pactes avec le démon, plus facilement que nous ne le faisons dans cet article. Tanner, très modéré pour son époque, rejette seu­ lement la réalité des phénomènes qui lui paraissent dépasser les forces du démon, comme la métamorphose d’un corps humain en chat, souris,oiseau et les voyages des sorcières A travers les airs; encore parmi ceux-ci, aflirme-t-il qu’il y a des voyages réels, prouvés. Theo­ logia scholastica, Ingolstadt, 1626, 1627, t. i. disp. V, De angelis, q. v, dub. 3, n. 12, 13, 11, p. 1501, 1502, 1503. Un peu plus lard Laymann admet nettement l'efficacité des pactes explicites ou implicites avec le démon. Theol. mor., 1. IV, tr. X, c. iv. — Suarez affirme, sans hésiter, cette même efficacité; il croit même que celle affirmation nous est imposée par la révélation : impossible de nier « sans erreur dans la foi , avance-t-il. De rclig., tr. Ill, I. II, c.xiv, n. 5, 7. Les Salmanticenses qui commencent à publier leur Théologie morale un demi-siècle après Tanner, sont moins critiques que lui. ils accueillent avec une cré­ dulité, qui aujourd’hui nous parait excessive, les récits les plus extraordinaires. Ils rejettent cependant les métamorphoses du corps humain en chat, en oiseau. Tr. XXI, c. xi, punch 11, n. 171. Il serait facile cl long de multiplier les autorités. En somme il faut reconnaître que la majorité des théologiens semble admettre relllcacité du pacte magique, mais tandis que les uns pensent arriver à une certi­ tude théologique, les autres sont moins explicites et semblent en appeler surtout à l’expérience ou A l'évi­ dence. Donc ni unanimité, ni surtout unanimité impé­ rative sur le terrain de la théologie. 11 y a quelques années, surtout en 1900 et 1902, VAnU du Clergé a repris la question dans une série d’articles. Il lient fortement pour l’atlimiative, cl II appuie sa thèse sur l’Ècrilure sainte, les Pères, les papes, les conciles, les théologiens. Nous avons exa­ miné ces autorités, cl il nous a semblé que malgré leur prépondérance incontestable en faveur de l’affirma­ tion, elles ne forçaient pas A une adhésion théologique absolument ferme sur le point précis qui nous occupe. S’agil-il d’une certitude d’ordre naturel, nous sommes bien plus à l’aise pour critiquer les raisons. Le grand argument de bon sens auquel recourt V Ami du Clergé est un argument d’ensemble. Il J a trop de faits rap­ portés et garantis par trop de témoignages, pour que tout soit faux, 1900, p. 988 b; 1902, p. 979 et note 1. 1065 A. Pareil raisonnement est loin d’etre mépri­ sable. Qui n’y pas recouru plus d’une fols sur des matières diverses? Admettons que ce raisonnement 1527 MAGIE, MORALITÉ confère ici une très haute probabilité à la thèse affir­ mative. Lui confèrc-t-ll la certitude? Au lieu d’une multitude de faits dont aucun peut-être n’est mis hors de conteste et pour lesquels la critique des sources est a peu près impossible, on préférerait en avoir seu­ lement une demi-douzaine contrôlés par une commis­ sion de savants, comme en 1922 et 1923 étaient con­ trôlés en Sorbonne, pour leur plus grand malheur, des phénomènes de spiritisme obtenus par Éva Carrère et Jean Guzik. L’auteur de l’article Démon dans le Didionn. apologétique, F. Nau, se prononce de façon encore plus péremptoire que l'Amf du clergé, t 11 est certain a priori, dit-il, qu’il peut y avoir des pactes et des commerces entre les hommes et les démons. » T.!, col. 926.Malheureusement, cette certitude n’est pas Justifiée autrement. On peut ajouter ici deux remarques de détail. Si les pactes avec Je demon sont efficaces, ce ne peut pas être sans une permission spéciale de Dieu. Or, il csl raisonnable de croire que depuis l’incarnation et en pays chrétiens, Dieu limite bien plus strictement la puissance du démon. On ajoute parfois que le démon de son côté trouve sans doute plus habile, dans nos régions, de dissimuler son action, de peur de fournir un argument contre le matérialisme : cela n’est au moins pas impossible. La conséquence est que tout en se montrant assez sceptique devant une foule de récits, on peut admettre, au moins avec vraisem­ blance, des manifestations beaucoup plus fréquentes du démon, des pactes entre l'homme et le démon souvent suivis de prodiges sensibles, dans l’antiquité païenne et aujourd’hui encore dans les pays de mis­ sions. Comme écrivait Bergier au xvm· siècle, dans son Didionn. de Théol. dogm., art. Démon : · Depuis que Jésus-Christ a détruit par sa mort l'empire du démon, il ne convient plus d’exagérer le pouvoir de cet esprit impur, surtout ù l'égard d’un chrétien, consacré à Dieu par le baptême. » D’ailleurs, des missionnaires très sérieux auxquels il a été donné d’étudier de près des prodiges de sorcellerie parmi les idolâtres, sont beaucoup moins affirmatifs qu’on ne le dit souvent. A la Semaine d’ethnologie religieuse de 1913, le P Trilles, C. S. E., présentait un rapport sur La sor­ cellerie chez les non-civilisés. Après avoir décrit en detail l'initiation des sorciers, particulièrement au Congo, il examine rapidement la question de l’inter­ vention du diable dans les scènes de sorcellerie. Païens et chrétiens sont persuadés de l’action du diable, dit-11. Pour lui, il est extrêmement réservé. Faire Jouer au démon le rôle principal, explication trop facile. · Mieux vaudrait peut-être y voir beau­ coup d'habileté de la part des chefs sorciers, une part de supercherie, et, si l'on veut, le tour de main; ajou­ tons·}’ l'hypnotisme, la suggestion mentale, la divi­ nation de pensée qui y jouent bien leur rôle, mêlons-y certaines forces naturelles que nous ne connaissons pas encore, des choses incompréhensibles et actuelle­ ment inexplicables, peut-être un peu de démonologie, et... l’on a des chances d’être dans la vrai. » Semaine d’Ethnol religieuse, 1913, p. 187, al. 5. Conclusion. — Croyance A la magic, très répandue dans le peuple et partagée, surtout A certaines épo­ ques, par des gens instruits, des prêtres, des théolo­ giens. Tentative, de la part de certains hommes, d’ex­ ploiter cette croyance, de s’arroger une puissance préternaturelle, hors de doute aussi. Hors de doute encore, dans bien des cas, le désir de pactiser, l’essai de pacte avec le démon. Quant ù l’efficacité des pra­ tiques magiques pour faire réellement intervenir le démon, elle parait certainement possible; on peut la dire probable, hautement probable dans nombre de cas; mais ni la foi, ni l'expérience ne nous imposent invinciblement une conclusion plus ferme. I 1528 Avant de passer Λ la question de moralité, il semble utile de prévoir une objection. Est-il sage et logique de se montrer encore hésitant devant la multitude des témoignages? Si pareille exigence est légitime, clic doit être constante ; A ce compte-la n'en arrivera-t-on pas nécessairement A rejeter tous les miracles? La réponse n'est pas très difficile : il n'existe pas de parité entre l’un et l'autre cas. Le plus souvent, les faits de magie sont attestés par les aveux des inculpés, aveux arrachés par la torture, ou par le témoignage d’accu­ sateurs dont la compétence ou la probité est sujette Λ caution. De leur côté, les phénomènes sont ordinaire­ ment pour la vue ou pour l'ouïe, sens facilement sujets A illusion, à suggestion, A hallucination. De plus, ils sont passagers; si parfois ils se prolongent en effets durables, ces effets sont ordinairement des sensations, des impressions de fatigue, des douleurs, qui peuvent s'expliquer par des troubles fonctionnels. Des mira­ cles semblables aux diableries, même telles qu’elles sont rapportées, ne retiendraient pas, le plus souvent, le bureau des constatations de Lourdes. III. Moralité de la magie. — Quand il s’agit de sc prononcer sur la valeur morale de la magie, l’una­ nimité redevient complète entre théologiens catho­ liques. C'est que, pour faire le procès de la magic, il n'est pas indispensable de mettre hors de doute l’efficacité des pratiques, et nous avons rapporté plusieurs condamnations ecclésiastiques portant sur la croyance des foules, A cause de sa vanité même, ou encore sur la prétention, convaincue ou non, de certains hommes à mobiliser la puissance du démon. Dans semblables croyances, dans semblables prétentions, il y a super­ stition condamnable : telle est la doctrine commune non seulement des théologiens, mais encore des âmes droites. 1° Condamnation de la magic dans les diverses reli­ gions. Une sorte d’instinct dit que la magie, croyance et pratique, a quelque chose de malsain, et dans plu­ sieurs religions païennes, la magic est condamnée Ainsi, les deux premiers articles du code de Hammou­ rabi visent les magiciens et les sorciers : « 1. Si quelqu’un a ensorcelé un homme en jetant sur lui l’anathème et sans l’avoir prouvé coupable, il est digne de mort. 2. Si quelqu'un a jeté un maliflce sur un homme, sans l’avoir prouvé coupable, le maléficlé sc rendra au fleuve et s’y plongera. Si le fleuve le garde, sa maison passe à celui qui a jeté le maléfice; si le fleuve l’inno­ cente et le laisse sain et sauf, son ennemi est digne de mort, et c’est celui qui a subi l’épreuve de l'eau, qui s’empare de la maison de l'autre.» Peut-être d’ailleurs, cette magie est-elle défendue, non pour son caractère magique, mais pour son caractère nuisible. Chcs les bouddhistes, le but de la vie supérieure cl ascétique étant le nirvana, toute activité, y compris les pratiques magiques, doit être considérée comme inutile, nuisible même. De fait, le recours A la magic est strictement interdit aux bouddhistes; toute pra­ tique magique, même dans un but bienfaisant, est tenue pour pernicieuse. Telle est du moins la théorie, car, en pratique, il existe chez les bouddhistes, nous l’avons remarqué, une magie assez développée, intro­ duite ou maintenue par l’influence hindoue. Hastings, art. Magic, p. 255 b, 257. Chez les Romains, la magie csl strictement inter­ dite par les lois; elle peut être punie de la mort même. Hastings, p. 270 5-271, ci. 275 b. — Chez les musul­ mans, certaines pratiques sont défendues par le Pro­ phète, dans certains cas sous peine de mort; d'autres pratiques, au contraire, sont permises ou encouragées, sans que l'on sache bien pourquoi. Hastings, p. 253. Peut-être la raison de la différence de traitement estelle à chercher non dans la nature de la pratique 1529 M A G1E, Μ OU A LIT É même, sauf le cas du maléfice, mais dans le caractère «le pratique reconnue, officielle, publique ou au con­ traire privée et secrète. Cela serait également vrai pour les Romains. Hastings, p. 269 />-270, al. 2. 2° Dans les religions révélées, chez les Juifs et dans l’Églisc, nous devons nous attendre à des défenses sévères. L Écriture sainte. — Il suffira de citer : Ex., xxn, 18. « Tu ne laisseras pas vivre la magicienne. » Levit., xx, 6, 27. « Si quelqu'un s’adresse à ceux qui évoquent les esprits et aux devins, pour se prostituer après eux. je tournerai ma face contre cet homme et Je le retran­ cherai du milieu de son peuple. — Tout homme ou femme qui évoque les esprits ou s’adonne à la divina­ tion sera mis à mort; on les lapidera : leur sang est sur eux. » Deut., xvm, 10, 11, 12. «Qu'on ne trouve chez loi personne qui fasse passer par le feu son fils ou sa fille, qui s'adonne à la divination ou a la magic, qui pratique l’art des augures et des enchantements, qui ait recours aux charmes, qui consulte les évoca­ teurs et les devins et qui interroge les morts. Car tout homme qui fait ces choses est en abomination devant Jahvé. » 2. Autorités ecclésiastiques· — La doctrine de l’Églisc a été dès l’origine très fixe et très nette. Pour les Pères de l’Églisc, pour les conciles jusque bien avant dans le Moyen Age, la magie, c’était l’infi­ délité, le paganisme : reliquat, infiltration, retour offensif. Dans le langage des anciens conciles, les pratiques superstitieuses s’appellent paganiœ, ce qui signifie les coutumes des païens. Déjà chez saint Augustin Paganus a acquis le sens «le «gentil, païen ·: < les adorateurs des faux dieux, que nous appelons couramment les païens. » Retract., I. Il, c. xun, P. L., t. XXXI!, col. 648. 3. Les théologiens sont unanimes dans leur réproba­ tion; et les raisons qu’ils mettent en avant sont les mêmes au fond, c’cst â peine souvent si la forme diffère. Tous disent et répètent, â peu près dans les mêmes termes, que la magie est une espèce de super­ stition, qui peut aller parfois jusqu'à l’idolâtrie. CL par exemple, saint Liguori, 1. 111, n. 15, 16, édit. Garnie, t. i, p. 378. a) Cas du pacte formel. — En effet, les personnes qui s’adonnent à la magic peuvent aller jusqu’à attribuer au démon une science ou une puissance strictement divines, par exemple, la connaissance certaine des futurs libres, le pouvoir de ressusciter un mort. C'est même à cause d'une croyance hérétique possible, de ce soupçon d’hérésie, que les procès de magie furent déférés au Saint-Office, dont l’objet primitif était la sauvegarde «le la foi. Second grief contre la magie : elle rend au démon un véritable culte; car souvent celui qui désire avec véhé­ mence employer la puissance du démon pour satis­ faire scs passions, n'hésitera pas à prier, â supplier le démon, â sc Jeter à genoux devant lui, à lui rendre même le culte suprême de l’adoration. Cf. · Je te don­ nerai tout cela, si tu tombes à genoux pour m’adorer. > Matth., IV, Ô. Cependant ni l’idolâtrie dans la foi ou dans le culte, ni la prière, n’accompagnent nécessairement la magie; ce qui en est inséparable c’est le commerce avec le démon, par un pacte explicite ou implicite. II y a pacte explicite quand on a l'intention de recourir â la puissance du démon et qu’on lui demande ou qu’on le somme d'accomplir tel prodige. Il y a pacte implicite quand on attend sérieusement un effet d’une cause disproportionnée et connue comme telle. Or, pareil commerce avec le démon est une injure faite à Dieu, dont le démon est l’ennemi mortel, dont le démon veut ruiner ou défigurer l’œuvre. Pareil 1530 commerce est aussi un péché contre la chanté envers soi-même, car le démon, soit par le bien, soit par le mal. sc propose finalement notre mal. Le but «lu démon est certainement mauvais, malfaisant: « Le démon est homicide dès le commencement ; il n’y a point de vérité en lui. Lorsqu’il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge. » Joa., vin, 44. < Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde autour de vous, cherchant qui dévorer. » I Petr.,v, 8. Et parce que le démon est incomparablement plus habile que nous, c'est une souveraine imprudence de lui donner occa­ sion d'intervenir dans notre vie. Sans doute, on se promettra souvent de retenir le démon à volonté, «le le contenir; mais quelle sera l’efficacité de cet espoir, de cette prétention, de cette présomption? N'est-ce pas folie d’entr'ouvrir la porte au voleur fort, adroit, armé, avec l’intention de ne le laisser entrer qu’â moitié, ou de lui interdire l’accès de telle ou telle pièce? Ou, pour continuer la comparaison de saint Pierre, n’cst-ce pas folie de détacher le lion en sc flattant qu’il ne mordra pas la main qui lui a donné la liberté ou qu’il sc contentera de mordre? Saint Léon, dans un sermon sur la Passion, dit bien des démons : « Ils trompent, hélas! un grand nombre d’hommes par leurs illusions méchantes : ils font craindre leurs rancunes, désirer leur bienveillance; alors que, en réalité, les bienfaits, du démon sont plus nuisibles que des blessures, car il est préférable pour l’homme d’être en guerre que d’être en paix avec le démon. · Serzn., xjx. 5, P. L., t. uv, col. 384. Impossible dcsc justificrcn disant : < Pas d’idolâtrie, car je n’attribue au démon aucune perfection divine. Pas ombre de culte, je ne fléchis pas le genou devant lui. Je me sers seulement de lui pour ce â quoi il est bon, comme on sc sert licitement d’un parfait malhon­ nête homme pourun travail permis, par exemple, pour faucher, pour porter un fardeau. » — Pas d’idolâtrie, il se peut. Pas «le culte, pas de prière, il sc peut encore. Mais il y a commerce avec le démon : c’est l’essence même de la magic de provoquer l’action du démon, connu d'une manière plus ou moins distincte, ou de prétendre le faire. Or, cela est mal. Commander au démon «le sc retirer, de cesser d’agir, cela est bon; pourvu bien entendu qu’il n'y ait ni prière ni pacte. Pareille injonction tend uniquement â restreindre le pouvoir du démon. Ainsi fait l’Églisc dans scs exorcismes. Mais, commander au démon d'agir, le provoquer ou prétendre le provoquer ù agir, cela ne sc doit jamais. Dieu pourrait le faire, par commandement ou par permission, parce qu’il csl le maître, parce qu’il est le créateur qui donne qu démon la puissance phy­ sique dont 11 lui ordonne de sc servir, parce que l'ordre ou la permission venant de Dieu ne saurait tourner en affront, en insulte pour Dieu lui-même, parce que Dieu étant le maître, 11 peut vouloir positivement tel mal, te! fléau; et étant tout-puissant. II peut limiter exacte­ ment l’action du démon. Mais il ne saurait en aller ainsi de nous. b) Recours seulement implicite au démon. — Il est assez facile, surtout pour des chrét iens, de comprendre qu’un pacte formel, un recours explicite au démon, est contraire à la loi naturelle. Les considérations déve­ loppées plus haut s'appliquent directement à ce cas et paraissent suffisantes. Mais le recours implicite, contenu dans la tentative d’un phénomène par des moyens disproportionnés, choque moins le sens moral. Cependant, à la réflexion, l’on volt que sem­ blables pratiques doivent être interdites, à cause du. (Jauger de commerce avec le démon. Pour qu’il puisse être question de pacte implicite, il faut, bien entendu, qu’il y ait attente de l’événement, avec une certaine fermeté, fermeté que l’on sait bien k 1531 MAGIE, n’être pas inspirée par la vertu du moyen : on attend vraiment le résultat désiré, et on l'attend d'une cause plus ou moins précise, plus ou moins vague, que l’on sait n’être pas l’action même, ni l’objet matériel employé; on regarde d’un autre côté ou au delà. Dans ce cas, cependant, le danger peut être certain ou seulement probable, suivant que l'effet visé dépasse certainement ou non les forces naturelles, mises en jeu. De même, l’attente peut être plus ou moins ferme, plus ou moins hésitante. Pour juger de l'origine, naturelle ou préternaturelle, divine ou diabolique, d’un phénomène extraordinaire, les théologiens s’accordent sur deux principes : ci) Dans le doute si un effet est naturel ou préternatu­ rel, on doit le présumer naturel. Principe libérai et éminemment sage, reconnu par les meilleurs théolo­ giens, même au temps où l’on croyait facilement à la magie. On adhérait au bon principe, tant on avait con­ science de mal connaître l’étendue des forces naturellcs;cequi, trop souvent, n’empêchait pas, l’instant d’après, de tracer sans appel les limites de ces forces et de proclamer tel ou tel phénomène incontestablement préternaturel. Ou plutôt le grand défaut était de traiter les lois physiques, les sciences d’observation, par la méthode déductive et a priori. La plupart du temps le champ du naturel était indûment resserré; mais il lui arrivait aussi d’être indûment élargi. Tout d’un coup, sur une autorité, sur une explication ingénieuse, imaginée hélas! de toutes pièces, on admettait comme naturels des phénomènes étranges, sans doute plus étranges que vrais. Tel est le cas de cette poudre sym­ pathique dont saint Liguori, en s’appuyant sur l’au­ torité du » célèbre Purchotius », nous raconte les effets merveilleux. Voici un blessé; il perd beaucoup de sang. Recueillez vite ce sang dans une cuvette, et pendant qu’il est encore chaud saupoudrez-le de votre poudre sympathique : il paraît, pourvu que vous n’opériez pas à plus de 300 pas du blessé, que l’hémorragie va s’arrêter. C’est que dans les vapeurs du sang tiède encore, une certaine vertu de la poudre est entraînée vers la blessure, dont elle bouche les orifices, comme feraient autant de petits coins. Th. mor., 1. III, n. 20. édit, citée, p. 380· Les applications excessives dans un sens ou dans l’autre n’cmpêchcnt pas le principe d’être excellent. C’est un principe classique, c’est un principe de bon sens. On n'a pas attendu la théologie scolastique pour s’en servir. Par exemple, saint Augustin, sans le formuler, y rattache tout un chapitre de la Cité de Dieu : nous sommes souvent témoins de tant de phéno­ mènes extraordinaires et cependant naturels, qu’il faut y regarder à deux fois avant de déclarer une chose Impossible, naturellement impossible. De cio. Dei, 1. XIV, c. xxiv, P. L., t. xi.1, col. -132. Le principe est formulé et justifié par saint Liguori, Theol. mor., 1 III, n. 20, t. i, p. 380, après Lacroix, 1. Ill, p. i, n. 28; Sporer, 11, c. ix, n. 31; Sanchez, Decal,9 L H, c. xl. η. Il; Elbe), Pnrcept. lam, n. 501; Salmantlccnses.tr. XXI, c. xi,n. 112. Et l’on pourrait doubler et tripler la liste. * Si l’on veut s’autoriser de ce principe pour tenter de provoquer des phénomènes qui sont probablement naturels, probablement préternaturels, *il faut protes­ ter que l’on aime mieux ne pas avoir affaire au démon et échouer plutôt que de réussir avec son secours. Et comme rien ne nous garantit l’efficacité de celte protestation pour écarter tout danger d’immixtion diabolique, il faut conclure avec Vcnnccrsch. Theol. mur.. t. n, n. 213 que, s’il s’agit d’un phénomène pro­ bablement préternaturel, il semble illicite de le tenter sans raison, même avec la dite protestation. De plus, dans certains cas. il faut voir si ce danger n’a pas motivé une interdiction de l'Église : alors, la route i MORALITÉ 1532 est barrée, et c’est à l’Église de juger si, pour des raisons, pour une utilité spéciale, il est opportun de lever parfois la barrière. h) Dans la certitude qu’un effet est préternaturel, il faut, s’il est obtenu par des pratiques magiques, l’attribuer au démon et non à Dieu. * Ainsi parlent tous les théologiens, avec saint Thomas q. xevi, a. 2. < 11 n’a pas manqué d’hommes, écrit Suarez, pour dire que ces prodiges étaient attribua­ bles non au démon, mais à Dieu et aux bons anges. Mais c'est là un blasphème, car ces phénomènes n’ont ni honnêteté, ni utilité, et Dieu les a en abomination. » De relig., tr. Ill, 1. Il, c. xn. n. 6. Et saint Liguori: « S’il est moralement certain, si certo probabiliter cons· let, que la cause employée n’a aucune force naturelle pour produire l’effet, celui-ci, dans le doute, doit être attribué au démon, plutôt qu'à Dieu, puisqu’il n’y a pas de promesse divine. · L. III, n. 20, t. i, p. 380; cf. Sanchez, Decal., 1. II, c. xl, η. Il; Sporer, tr. II. c. ix, n. 33. Pratiquement, la magic est amorale dans son prin­ cipe, comme il a été dit plus haut : le magicien est censé contraindre une force supérieure par la vertu physique du rite qu’il emploie. Ici ou là cependant, une certaine pureté est exigée du magicien, chez les Égyptiens, chez les Romains. Christus, p. 615 ; Darcmberget Saglio, t. m b, p. 1515. Et cela se comprend chez les païens plus facilement que cela ne se comprendrait chez les chrétiens. Les païens avaient sur la divinité des idées très mélangées : rien de très surprenant donc à ce qu’ils aient cru par les pratiques magiques plaire à la divinité elle-même; d’où, nécessité de pureté chez le magicien. D’ailleurs, encore une fois, cette exigence sc rencontre très rarement. En général, la magic est amorale dans son principe, amorale ou immorale dans scs tentatives. C’est un fait, on recourt ordinairement au magicien pour assouvir les passions les plus violentes, les plus dégradantes, vengeance cruauté, amour, luxure. r) Gravité particulière du maléfice. - Ici sc place naturellement la question du maléfice. Le maléfice, comme toute autre pratique magique, est une superstition, une faute contre la vertu de religion. Mais de plus, il fait ou prétend faire du mal à quelqu'un : lui inspirer un amour coupable ou une autre passion violente, ou bien lui nuire dans sa santé, dans sa raison, dans ses biens. Le maléfice est donc, au moins dans l’intention de son auteur, contraire à la charité et à la justice. Par conséquent, si, dans un cas, on était certain qu’un maléfice a été efficace, il faudrait obliger le sorcier à réparer, à restituer. Évidem­ ment, il ne devrait, pour ce faire, recourir qu’à des moyens permis : ainsi, il ne pourrait recourir de nou­ veau à la magic. Mais ce n’est nullement de la magic de faire disparaître un objet dont la présence a provoqué l’intervention du démon: il semble licite aussi de commander au démon, pourvu que l’autorité de ce commandement ne vienne pas d’un pacte. S’il n’y avait pas moyen de faire cesser le maléfice d’une façon licite, le sorcier n’en serait pas moins tenu, comme l’auteur formellement Injuste d’un dommage, à res­ tituer dans la mesure du possible. Car de faire retom­ ber l’obligation, au moins premièrement, sur le démon, ce serait une mauvaise plaisanterie. Seulement, il sem h· plus souvent bien difficile d’obtenir la certitude de l'efficacité du maléfice. L’n cas très net, au point de vue justice, est celui qui a été constaté bien des fois, et qui a dû se vérifier plus souvent encore, le cas où le maléfice est énergiquement appuyé par quelque drogue ou quelque poison. « 11 est probable qu’au fond de plus d’une affaire de sorcellerie, il y avait un affaire d’empoisonnement ou d’avortement très réelle. » E. Jordan, dans Rev. des Quest, hist., 1901, 1533 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION p. 607. Mais, ici, la magic n'est plus qu’un décor, une mise en scène, qui donne des allures surhumaines à un crime vulgaire. d) La trop grande crédulité aux interventions démo­ niaques. — Non seulement les tentatives magiques sont immorales, mais encore la simple croyance trop facile à leur fréquence, à leur clficacité, à la réalité de phénomènes, tous plus merveilleux les uns que les autres, pareille croyance est condamnable, immorale, en elle-même d’abord parce que superstitieuse, dénuée de fondement, sinon toujours ou presque toujours» du moins souvent. Condamnable aussi, à cause de scs conséquences fâcheuses, multiples et graves : tenta­ tion d’essayer pour son propre compte, tentation tyrannique jusqu’à l'obsession pour des tempéra­ ments faibles cl impressionnables, pour des natures qu'effraie et fascine à la fois le voisinage de l’inconnu, du merveilleux; de là, exaltation des passion», ambi­ tion, cupidité, vengeance, cruauté, luxure, auxquelles est promise une pâture ordinairement interdite par des barrières infranchissables. Autre conséquence mau­ vaise : des soupçons graves, injurieux, s’abattent sur des personnes, peut-être parfaitement innocentes; et de nouveau, les passions les plus violentes risquent de dévoyer, de fanatiser, de souiller le zèle en soi louable pour l’honneur de Dieu outragé; ou même les pires convoitises iront parfois jusqu’à sc couvrir des apparences du zèle pour sc satisfaire plus à fond et plus à loisir. Un théologien protestant, Meyfort, né à léna en 1590, écrivait à propos des procès de sorcelle­ rie cet arrêt sévère : · La cruauté et la volupté, la luxure et la débauche, la cupidité et la soif de ven­ geance étaient, avec la superstition régnante, les sources hideuses des iniquités commises. » Janssen, op. cil., t. vm, p. 725, al. 1. Et sans rien qui, même de loin, rappelle ces horreurs, on sait que dans certains pays, dans certaines campagnes, la vie peut être rendue intolérable à ceux que des allures étranges ou la simple renommée font soupçonner de sorcellerie. Une conséquence néfaste, plus inattendue, de la croyance trop facile au merveilleux est signalée par le P. Wieger; elle est spécialement redoutable dans les pays de mission, auprès des infidèles. En Chine, les îiistoires de sorcellerie les plus fantastiques foison­ nent, envoûtements, métamorphoses, animation de figures dessinées sur du papier. < l.es histoires de ce genre, innombrables, inimaginables, crues par tous ont causé l'indifférentisme absolu du peuple chinois pour tous les faits d’ordre surnaturel. Dépourvu qu'il est de critique, à tout récit merveilleux il a tôt fait de répondre : · Dans nos légendes, nous avons ♦ plus fort que cela. » Histoire des croyances religieuses et des opinions philosophiques en Chine, 2· édit., Zi-ka-wci, 1922. En somme on peut prononcer contre la magie noire une sentence de condamnation universelle. La seule croyance trop facile à son clficacité, est déjà détes­ table; plus détestable est la prétention, la tentative, mémo inefficace, de capter les énergies ténébreuses, et malfaisantes, qui environnent et épient notre humanité; souverainement détestable et exécrable enfin, le commerce réel avec le démon, et réel il semble bleu qu’il puisse l’être et qu'il le soit parfois. Ceux qui admettent plus facilement et plus fermement que nous l’efficacité des pactes — et on peut le faire, dans de certaines limites, sans crédulité certainement excessive — signaleront aussi le danger du scepti­ cisme en cette matière. La tendance à ne voir le démon nulle part est dangereuse évidemment; elle peut même dégénérer en un véritable parti pris; mais la tendance à la voir souvent, facilement, dans ce que l’on appelle les phénomènes magiques, est dange­ reuse aussi, nous l’avons peut-être montré. C’est à la 153'1 prudence chrétienne de chercher le juste milieu et de s’y maintenir. IV. Magis et heugiox. — Il nous faut enfin examiner le problème des relations historiques entre la magie et la religion. Il sc ne rapporte que partielle­ ment à la théologie; mais, nous l’avons remarqué au début, de nos jours il passionne tellement les esprits qu'on a jugé indispensable de le traiter d'une façon sommaire. La magie est un phénomène fréquent, on peut dire universel. « La inagle, dit Hegel, on la rencontre chez tous les peuples et dans tous les temps. > Philosophie de la religion, trad. Véra, Paris, 1878, t. n, p. 73. Nous avons fait pareille constatation dans la II· partie. Tout au plus, convient-il, pour ne pas dépasser les prémisses fournies par l'histoire et les sciences auxi­ liaires, d'atténuer légèrement l'affirmation de Hegel, et de dire, par exemple : « La magic semble avoir existé, plus ou moins développée, chez tous les peuples, dans tous les temps. » Avec un correctif semblable, on peut laisser passer cette assertion de M. Goblet d’Alviclla : « Nous ne sommes pas embarrassés pour retrouver des traces d’animisme chez tous les peuples sans exception, du présent et du passé. » Remit d'histoire des religions, t. lxi, p. 2. Mais une question autrement Importante que celle de la fréquence de la magic ou de l'animisme ou d’un alliage des deux dans des proportions indéfiniment variables, est cette question-ci : La magie est-elle à l'origine de toutes les religions'! Les religions sont-elles sorties de la magic par voie d’évolution (magisme), ou, religions et magic sont-elles sorties d’un stade antérieur d'indifférenciation, que l’on a appelé le prémagisme? Voir F. Bouvier, Magie et magisme, dans Dictionn. apolog., t. in, col. 67 sq. Ici, une remarque s’impose une fois pour toutes. Au magisme ou au prémagisme pur beaucoup d’au­ teurs préfèrent l’animisme ou lo préanimisme, souvent mélangé de magie. C'est pourquoi, tout en nous occu­ pant aussi exclusivement que possible de magic et de magisme, nous serons amenés plus d’une fois à parler d’animisme. L’animisme auquel nous avons afiaire est, on le sait, une tendance et un système : tendance à peupler la nature d’êtres plus ou moins semblables à l’esprit de l’homme; système qui explique tous les phénomènes par l’action de ces esprits. Cf. art Ani­ misme, dans Dictionn. apot., t. ï. col. 128 sq. Depuis cinquante ans et jusqu’à ces toutes dernières années, les théories qui voyaient dans la religion un phénomène dérivé, un produit de l’évolution, étaient les seules réputées scientifiques dans le monde savant. Magisme ou prémagisme, animisme ou préanimisme étaient respectés de tous, exaltés ou redoutés, suivant les préférences, les tendances profondes de chacun. Les partisans de l’école évolutionniste et déterministe considéraient ces systèmes comme établis, dans ce sens général que les religions devaient leur origine â l’une ou à l’autre : c’était là une vérité désormais acquise, inattaquable. Devant les affirmations tranchantes et bruyantes, bon nombre d’historiens ou de philoso­ phes, sans conviction personnelle très arrêtée, étaient hypnotisés, suggestionnés, ou se tenaient cois. Il fallait du courage pour douter, pour attaquer: le courage ne suffisait pas, il fallait des amies. Ces armes, mi homme entre autres, plus que les autres, sut les forger et les manier avec compétence, avec dextérité, avec vaillance; cet homme fut Andrew Lang. « Ce fut un acte de bravoure, une hardiesse considérable, lorsque, en 1898, A. Lang s’opposa tout seul à cette phalange (des évolutionnistes) et l’arrêta par son livre célèbre. The making o/ religion... Dès lors on put défendre des thèses anti-évolutionnistes sans perdre aux yeux des hommes de science, ses droits civiques. > - ac / 1535 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION W. Schmidt, Semaine d'ElhnoL religieuse 1922, p. 31. Une étude historique détaillée de la querelle deman­ derait de longs développements; clic serait hors de propos et hors de proportion. Pour le but de cet article, il suffira sur le problème général : la magic est-clic à l’origine des religions? de répondre à une triple question : 1. question de necessario : Est-cc nécessaire? 2. quçstion de possibili : Est-cc possible? 3. question de /acto : Est-cc un fait établi? 1° Est-il nécessaire de mettre la magie à l'origine des religions. — La nécessité d’une évolution fixe et constante relève non de l'histoire, mais de la philoso­ phie : elle est fonction d’une certaine philosophie. L’évolutionnisme rigide, déterministe, idéaliste ou matérialiste suivant les cas, englobe logiquement la morale et la religion. Les idées religieuses, tout comme les autres, sc développent peu à peu, sc différencient, se perfectionnent, du simple au complexe, de l’impli­ cite à l’explicite, des conceptions grossières aux con­ ceptions plus raffinées. Du commencement à la fin, nous assistons à un processus psychologique et logi­ que, à un développement mental, à une série de repré­ sentations subjectives, relatives, dont l’objet, s’il existe, reste complètement inconnu ou peu s’en faut : il disparaîtrait que l’évolution mentale continuerait à progresser suivant sa formule. Il ne manque pas de croyants, de catholiques même, qui admettent une certaine évolution dans le monde visible, mais l’évo­ lutionnisme qui nous occupe ici est l’évolutionnisme agnostique ou même franchement athée. Ses tenants doivent bien expliquer les idées religieuses par autre chose que par un objet pour eux pratiquement irréel. Quelques citations sont indispensables pour préciser la position évolutionniste. La loi de IL Spencer est fameuse : « Ce qu'il y a de commun aux intelligences dans toutes les phases de la civilisation doit apparte­ nir à une couche plus profonde que ce qui est spécial au niveau supérieur, et si ces dernières manifestations peuvent s’expliquer comme une modification et une expansion des autres, il est à présumer que telle est bien leur origine. » Sociology. 1.i, § 146; cf. Recherches de science relig., t. n, p. 66; Revue d'histoire des reli­ gions, t. LXÎ, p. 10. Ainsi formulé, ce principe ne semble pas diamétra- ’ lement opposé à la vérité, nous le dirons bientôt ; mais il est faux a cause du déterminisme strict, du subjectivisme et du relativisme qu’y mettent Spencer et beaucoup d’auteurs avec lui. Expression de ce déterminisme, par exemple chez Goblet d’Alviella : • Si on soutient qu’ils (les Primitifs) professaient le monothéisme, il reste à expliquer comment ce monothéisme s’est formé, et l’on n’aura ainsi que reculé le problème. D’ailleurs, il y a connexité entre les branches de la culture humaine : pour toutes les autres, on admet que l’évolution s’est opérée dans une direction progressive. Pourquoi la religion ferait-elle exception? » Rev. d'hisl. des rclig., t. lxi, p. 16. Expres­ sion de ce relativisme, par exemple chez F.-B. «levons. Pour cet auteur tout s’explique par l’évolution de l’idée de Dieu : « Si le monothéisme supplante le polythéisme, c’est parce que, ù l’expérience, on trouve en lui une interprétation plus fidèle de l’idée de Dieu, que le poly­ théiste lui-même a dans son Ame. » The idea o/ God tn early religions, Cambridge, 1910, p. 155 fin. L’au­ teur est peut-être un croyant, pour son propre compte; mais Ici il semble ne pas même envisager la question de la valeur objective de l’idée de Dieu, et il prétend tout expliquer par une loi de développement intérieur. Plus récemment, et plus clairement, un ingénieur français, A. Longuet, affirme et suppose comme indis­ cutables ces deux caractères, déterminisme et relati­ visme : · Il faut commencer, dit-il, par se représenter 153G quelles ont dû être les conceptions divines de l’huma­ nité primitive, d’après ce que Ton peut savoir de la nature de ses facultés intellectuelles. » L'origine com­ mune des religions, Alcan, 1921, p. 3. · Or, poursuit l'auteur, le caractère propre de la pensée est la discri­ mination : penser, c’est distinguer. Et comme la dis­ tinction la plus simple est celle de deux notions, il faut nécessairement que les premiers hommes aient eu deux divinités,et deux seulement. - P. 4-37. Enfin, un auteur américain, E. \V. Hopkins, dans un livre paru en 1918 et réédité en 1923, Origin and évolu­ tion o/ religion, Yale University Press, rattache sans hésiter, l'évolution religieuse à l’évolution universelle. • Toute religion est le produit d’une évolution hu­ maine et a été conditionnée par le milieu social. Dès lors que l’homme s’est développé en parlant d’un état plus bas que l’état sauvage lui-même, et a été un temps, sous le rapport intellectuel, un simple animal, il est raisonnable de ne pas lui attribuer dans cet état plus de conscience religieuse que n’en possède l’animal. » P. 1. Tous ces auteurs et bien d'autres ne s’entendent pas sur la nature des premières étapes de l’évolution reli­ gieuse, magisme ou prémagisme, animisme ou préani­ misme; et pour arriver â cette dernière précision, ils font appel en général à l’expérience et non au seul raisonnement : il faudra y revenir en traitant la m· question. Mais ces mêmes auteurs semblent d’ac­ cord sur deux points : l’évolution est nécessaire en religion comme partout ailleurs; la religion fondée sur la croyance ù un ou à des dieux personnels dont l’homme dépend, n’est pas, ne peut pas être primitive. Or, ces affirmations peuvent être impressionnantes, convaincantes même pour qui admet la philosophie avec laquelle elles font corps. Ébranlée cette philoso­ phie, elles perdent elles-mêmes toute solidité, et, sous leur forme absolue, toute vraisemblance. Le P. Lagrange, dans ses Éludes sur les religions sémitiques, 2· édit., Paris, 1905, recherche l’origine du sentiment religieux : « L’école évolutionniste ne sera pas embarrassée, dit-il; sa formule explique tout. Toute forme supérieure sort nécessairement d’une forme inférieure : le monothéisme est sorti du poly­ théisme, comme le polythéisme est sorti du polydémonlsme. Malheureusement pour la formule, s’il est impossible de montrer comment l’idée d’un dieu a évolué de l’idée d'un esprit, il est encore plus impos­ sible de retrouver dans l’histoire un seul cas de mono­ théisme issu du polythéisme. » P. 24. L’auteur sent qu’on va lui opposer le cas de la religion hébraïque; et il voit dans ce cas précisément une exception merveil­ leuse, qui se tournera en argument apologétique. Le P. Lagrange et les auteurs catholiques en général ne sont pas les seuls à protester contre le principe de Spencer. Voici Lévy-Brühl, qui, dans Les fonctions mentales dans les sociétés intérieures, Paris, 1910, fait sur ce principe les plus expresses réserves : « Je doute qu’on puisse le démontrer en ce qui concerne la matière. En ce qui touche la pensée, ce que nous connaissons des faits tendrait plutôt ù le contredire. > P. 11, 12. Et A. Loisy, dans sa Religion d'Israël, 2· édit., 1908, p. 61, reconnaît le caractère conjectural de toute la théorie : · Le concept d’évolution religieuse n’est, à le bien considérer qu’une hypothèse, une théorie propre à encadrer les données principales que fournit l’étude des religions. — Mais on doit sc garder de prendre ce cadre abstrait pour la loi necessaire et le programme infaillible de toute l’histoire religieuse, attendu que l’histoire ne montre pas une application constante de cette prétendue loi. » Les vrais savants, dans l’ensemble, deviennent de plus en plus modestes dans leurs affirmations. Meme ceux qui parlent plus ou moins en déterministes ou 1537 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION en relativistes, sentent de plus en plus vivement la témérité qu’il y aurait ù vouloir appliquer aux phéno­ mènes psychologiques des formules trop simples, trop uniformes, trop rigides. En 1922, un auteur américain, A. Goldcnweiser, dans un livre remarqué, Early civilization, New-York, après avoir admis que la notion d’un dieu « Père de tous » (All Father) est, malgré son ancienneté, une notion d’emprunt, reconnaît bien vile que cette afllrmation est une hypothèse. « Après tout, psychologique­ ment, il n’est pas impossible qu’une idée plus ou moins vague d’un Etre supérieur se soit développée parmi des tribus primitives, à la même époque à peu près que l’animisme, la magic, et d’autres formes de croyance primitive. » P. 214. En rendant compte de l’opuscule de A. Longuet, dont il a été question plus haut, H. Kreglinger met en garde les savants contre le danger d’admettre • a priori que l’évolution de tous les peuples a dû suivre les memes voies,· et que les nations civilisées d’au­ jourd’hui ont dû passer par un état semblable à celui où continuent ù végéter les non civilisées. » ïlcD.d'hisl. des relig., t. lxxxvi, p. 214. « En général, continue-t-il, l'évolution des religions s'est faite d’une façon beau­ coup moins logique que M. Longuet ne le suppose : ce sont moins des idées que des sentiments, des aspi­ rations, des désirs qui déterminent le mouvement religieux. » Évidemment, ces derniers mots sont cités non comme répondant à la réalité, mais pour montrer que le critique, en protestant contre les certitudes de certains évolutionnistes, n'obéit ù aucune préoccupation dogmatique ou apologétique. Cf. une étude approfondie de la méthode anthro­ pologique ancienne, a priori et systématique, et de la méthode anthropologique nouvelle, positive et histo­ rique dans l'ouvrage remarquable du P. Pinard de la Boullayc, L'étude comparée des religions, t. u, c. v et vi, Paris, 1925. Ce n'est pas à dire qu’il ne puisse pas y avoir un mot de vrai dans la doctrine évolutionniste; mais quand on aura enlevé ù la loi de Spencer son déter­ minisme et son relativisme, on se trouvera en face de la loi générale du progrès. Or, pareille loi peut être admise, si l’on se borne à parler de la connaissance naturelle de Dieu. Le B. P. Schmidt reconnaît un fond de vérité au principe de Spencer; seulement, dit-il, les notions primitives ne sont pas les plus basses, mais les plus simples : ainsi, il peut y avoir un théisme et même un monothéisme, très rudimentaire. W. Schmidt, L'origine de Vidée de Dieu, trad, française dans Anthropos., t. in, et sq. Cf. Hech. de science relig., t. n, p. 95, 97. Les exemples trouveront leur place dans la m· question, la question de fait. Cette légère concession au principe de H. Spencer est une constatation de bon sens; elle n'est nullement une concession faite ù l'école évolutionniste et elle ne saurait la satisfaire. Car enfin, ce que veulent nos adversaires, les partisans de l’évolution intégrale, c’est établir un système d'évolution universelle, qui s'étende jusqu’à la religion et à la morale, qui se passe absolument d'un Dieu personnel, créateur, providence, et qui explique l’idée de ce Dieu par une évolution toute subjective, réaction psychologique, individuelle ou collective, devant les phénomènes de l'univers, réaction indépendante de tout objet exté­ rieur. sauf peut-être cette légère excitation, celte rela­ tion de conséquent ù antécédent; cl donc, interpréta­ tion humaine à laquelle ne répond aucun objet, aucun objet du moins dont on puisse affirmer quoi que ce soit avec certitude. Ainsi, ce qui rend le système évolutionniste absolument inacceptable pour la foi et même pour une saine philosophie, c’est son déter­ minisme strict, et, sur le problème de l’existence de 1538 Dieu, son relativisme, son agnosticisme, voire son athéisme. Purifié de toutes ces lares, le principe de l’évolution peut avoir quelque utilité, quelque vérité, mais ce n'est plus du tout le système évolutionniste dont nous parlons. On va sc demander maintenant jusqu'à quel point, en matière religieuse, une certaine évolution est possible et si elle est historique. Plus précisément, on se de­ mande si une religion, caractérisée par la croyance à la divinité et, secondairement, par le culte de cette divi­ nité — car le grand problème qui passionne et qui divise les historiens dej» religions est celui de l’origine et de la valeur de la croyance à la divinité — on se demande si une pareille religion a pu sortir d’un état antérieur magique ou prémagique (n· question), et si l'histoire des religions offre des exemples d’une pareille transformation (ni· question). 2° Est-il possible de mettre la magie à Vorigine des religions ? — A cette deuxième question, ni la foi, ni la raison, semble-t-il, n'imposent péremptoire­ ment une réponse négative. Au préalable, néanmoins, il faut que l’on admette dans le passage d’une conception à l’autre, un progrès vers la vérité, vers la réalité, un progrès justifié et causé par la vérité, par la réalité : le monde conçu comme emprisonné dans un système de forces mysté­ rieuses et aveugles (magisme ou prémagisme), ou bien de forces conscientes, mais amorales et dont l’homme ne dépend pas en droit (animisme ou préani­ misme) est un monde irréel et faux; tandis que le monde, conçu comme dépendant d’un être personnel et transcendant, est le vrai monde où la religion et la morale trouveront leur fondement et leur place. On peut sc représenter d’une façon vraisemblable par quelles démarches l’esprit humain s'élèverait des notions les plus grossières ù celle d’une divinité trans­ cendante. L’homme a l’expérience de forces exté­ rieures qui le dominent, bienfaisantes parfois, parfois brutales et cruelles; alors, il essaye de les dompter par des pratiques que, pour des raisons ordinairement futiles, pour une relation de ressemblance ou de conti­ guïté, il croit efficaces; bientôt, par anthropomor­ phisme, il attribue ces forces à des esprits, qu’il essaie encore d’influencer, de séduire; enfin, après avoir constaté trop souvent l’impuissance de scs formules, de ses recettes, il recourt ù la prière, il implore : la religion est née; au même stade de développement — cl ce trait semble, plus fondamental, plus essentiel —il en arrive a la croyance en un être transcendant, créateur ou du moins organisateur, architecte du monde, sans que sa croyance — c’est un fait — s'épa­ nouisse toujours en religion, en culte, en prière. Telle est ù peu près la suite imaginée par J.-G. Frazer : « Une tardive reconnaissance de la fausseté et de la stérilité de la magie porta les hommes les plus réflé­ chis ù rechercher une théorie plus vraie de la nature cl une méthode plus fructueuse pour utiliser scs res­ sources... Si le vaste monde allait son chemin sans le secours de l’homme, c’était sans doute qu’il existait d’autres êtres semblables à l’homme, mais beaucoup plus forts. C’étaient eux qui faisaient souiller le vent, briller l’éclair, gronder le tonnerre. Vers ces êtres puissants, l’homme se tournait pour les implorer. · The magic art, 1.1, p. 237-249. La raison ne volt donc pas pourquoi un même esprit humain, un meme groupe d’hommes ne s'élèverait pas par ces phases successives au monothéisme luimême. Mais c’est à l’histoire des religions à nous dire si, de fait, pareil progrès a jamais été constaté ou du moins si l’on est conduit ù l'admettre a posteriori, parce que les peuples les plus primitifs se présente­ raient ù nous, dénués de toute croyance en une divinité suprême. 1539 MAGIE. RAPPORTS AVEC LA RELIGION 3e En fait In magie est-elle à l'origine des religions?— 1. Remarques préliminaires. — La parole est à l'his­ toire, Or, l’histoire doit commencer par avouer son impuissance à apporter un seul exemple de pareille ascension, c'est-à-dire de passage spontané du maglsme ou dc l’animisme au polythéisme ou au mono­ théisme. Cette constatation est faite par le B. P. Lagrange, Éludes sur les religions sémitiques. Voir col. 1536. Avant lui, Zhckler, art. Magie, dans Protest. Realencyclnpaedie, t. xn, p. 57. n’hésitait pas à affirmer que pareille ascension, par exemple du fétichisme ou dc l’animisme à un état religieux plus haut, n'a jamais été observée. Et Zockler concluait généralement qu’au point dc vue dc la civilisation comme au point dc vue dc la religion, les peuples dont toute la religion consiste dans le fétichisme ou dans les superstitions polydémonlstes, sont inaptes â se développer. 11 reste bien entendu que nous parlons tie dévelop­ pement spontané, ct non dc brusque progrès, qui s’explique par un apport extérieur, par une révélation vraie ou supposée, comme c'est le cas des Israélites ou des musulmans. Mahomet prétendait faussement avoir reçu des révélations, mais il s’inspirait très réellement de la révélation juive ct dc la révélation chrétienne. Voir ci-dessous art. Mahomet col. 1574. Mais si l’histoire est incapable dc prendre sur le fait un peuple passant, grâce à une évolution interne, lente ct continue, d’un état magique ou animiste au polythéisme ou au monothéisme, ne peut-elle pas du moins établir que les peuples primitifs sont tous plon­ gés dans la magic ou dans l’animisme? D’où il faudra conclure que, puisque certains peuples sont aujour­ d’hui polythéistes ou même monothéistes, il doit y avoir entre ccs diflérentes étapes une route praticable, bien que le tracé nous en échappe. Quand même l’histoire établirait que les peuples dits primitifs sont vraiment des primitifs et non des dégénérés, et que, totalement adonnés â la magie, à la sorcellerie, ils n'ont nulle connaissance d’une divi­ nité personnelle, quand mémo tout cela serait prouvé, aucune thèse essentielle de la théologie ne croulerait : ni celle de la possibilité de la révélation; ni celle dc la révélation originelle, laquelle aurait pu, dans la suite des temps, subir une éclipse totale, au moins chez un très grand nombre de peuples; ni celle de la possibilité de la connaissance naturelle dc Dieu. Cette thèse, qui peut paraître menacée, parle non du fait, mais de la possibilité ; or, la possibilité de connaître ct le fait de ne pas connaître ne sont pas contradictoires. Il est vrai que, d'après l’Écriturc et la tradition, la con­ naissance naturelle dc Dieu est non seulement possible mais facile; donc, elle doit sc rencontrer souvent. Oui, à la condition que soient vérifiées les condltlors nor­ males dans lesquelles l’intelligence humaine arrivera à un développement déterminé; or, parmi ccs condi­ tions. il peut y avoir un certain degré dc civilisation, que n'auraient pas encore atteint les Primitifs. Avant d'entrer dans un exposé ct un examen rapide de la condition des Primitifs au point de vue reli­ gieux. telle que peut la déterminer l’histoire, il con­ vient de préciser, une fois pour toutes, qui sont ccs • Primitifs ·. 11 ne saurait être question du premier, ni des premiers hommes absolument. Dc ceux-ci, l’histoire ne sait rien; par la foi, nous croyons que le premier homme avait reçu la révélation du Dieu véri­ table: et cette révélation n'a pu s'i ffaccr de son esprit, ni, du jour au lendemain, de l'esprit dc ses descendants. En ethnologie, en histoire des religions, on parle des Primitifs », dans un sens tout relatif : on donne ce nom aux peuples les plus anciens dont on puisse rele­ st r la trace, aux peuples les plus anciens que l’on puisse connaître un peu. Dc ces peuples, les uns ont 1540 disparu, ne laissant de leur civilisation, dc leur reli­ gion que des vestiges, souvent rares et énigmatiques; les autres sc sont perpétués jusqu'à nos jours, et leurs descendants actuels semblent en être restés au degré dc développement intellectuel ct religieux dc leurs lointains ancêtres. Mais au delà, plus haut que ccs lointains ancêtres, que rencontrons-nous, que ren­ contrerions-nous si nous rencontrions quelque chose? La réponse à pareille question n’est pas du domaine dc l’histoire; et les vrais historiens le savent bien. « Scientifiquement, nous ne connaissons rien des origines naturelles dc l’homme. » .1. dc Morgan, Le* premières civilisations, p. 44. « Je n'affirme pas, Je ne nie pas l’existence d’une race absolument sans religion; mais, si nous la trouvons, serons-nous cer­ tains qu’elle n’a jamais eu dc religion dans les temps antérieurs? » A. Lang, The origins of religions and other essays, Londres, 1908, p. 111. A propos des ■ Primitifs » ainsi entendus, la ques­ tion sc pose nette : A consulter non des systèmes, des hypothèses, mais les faits, établis comme s'établis­ sent les faits, par les méthodes positives, par l’obser­ vation ct l’histoire, doit-on dire que ces peuples, plus ils sont primitifs, plus ils croient à la magic, aux esprits, moins ils croient à une divinité personnelle? SI la réponse était affirmative, le système évolution­ niste sc trouverait non pas prouvé, sans doute, mais singulièrement encouragé par l’histoire des religions. Pour compléter la preuve, il faudrait établir encore deux propositions : 1° Les Primitifs sont vraiment des primitifs ct non des dégénérés; 2° Les Primitifs repré­ sentent le stade primordial par lequel tout le monde, même les peuples dc la civilisation la plus haute, a dû passer. Or, de ccs deux propositions, la seconde au moins n'est pas prouvée, et ne le sera jamais. 2. Exposé dc Γhypothèse évolutionniste. — Mais pour en revenir aux Primitifs, la réponse des savants est loin d’être uniformément affirmative; elle est souvent négative, plus souvent hésitante; et elle renonce de plus en plus à la belle assurance des pre­ miers jours. C’est ce qui reste à exposer brièvement. On sc rappelle (pie, en 1871, E.-B. Tylor, dans son traité Primitive culture faisait sortir toutes les reli­ gions dc l’animisme. Dans un stade initial, les peuples n’avaient pas connu, en dehors du monde visible, d’autres êtres que des esprits, c'est-à-dire des êtres soustraits aux lois qui régissent les corps, âmes des vivants, âmes des choses, esprits indépendants. Quarante ans plus tard. Goblet d'Alviella corrigeait cc système en imaginant un stade primitif où religion et animisme étaient encore, non pas mélangés, mais indistincts, indifférenciés. Cc stade est appelé dc divers noms, suivant les auteurs : fétichisme, natu­ risme, naturalisme, animatisme, panenthéllsmc, preanimisme. Rev. d'hist. des relig., t. i.xi, p 13 sq.; cf. Rech, de science relig,, t. n, p. 64. Avec des nuances diverses, le préanimisme est soutenu par B. B. Maretl, The Threshold o/ Religion, Londres, 1909, cf. Rech. dc science relig., t. n, p. 73; par Lévy-Brühl, Les /onctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, 1910, ci. Recherches, p. 75, par d’autres encore. Il est impossible en traitant de la magie ct du maglsme, de laisser absolument dc côté l'animisme et le préanimlsmc, car souvent, on l'a dit, ces systèmes voisinent entre eux, s’allient et sc mélangent. Pour certains, l’animlsmc serait un stade moins primitif que le maglsme non animiste; il pour­ rait s’appeler un maglsme animiste, c'cst-à-dirc un maglsme où les forces mises en action sont conçues comme des esprits. Telle est bien l’idée de Goblet d'Alviella quand 11 proclame que l'animisme · peut être regardé comme la forme de religion la plus répan­ due dans le monde. Aujourd’hui encore, s’il fallait dérées comme des agents personnels, cède devant la confier nu suffrage dc l’humanité le soin dc décider découverte des lois naturelles, alors la magie, basée quelle est la vérité religieuse, cc qui l'emporterait a une immense majorité, cc serait la fol aux esprits implicitement sur l’idée d’un enchaînement néces­ dc la nature, aux fantômes des morts, aux interven­ saire ct invariable entre les causes et les effets, enchaî­ tions arbitraires dc la puissance surhumaine, à l’cffl- nement indépendant d’une volonté personnelle, la magic sort de l’obscurité ct du discrédit où elle était cacité des pratiques magiques. » Revue d'hist. des relig., tombée, ct par la recherche des relations dc cause » t. lxi, p. 10. Le principal défenseur du magisme pur est J.-G. Frazer. Le volumineux travail qu’il a publié effet dans la nature, elle prépare directement la route à la science. L’alchimie conduit À la chimie. · T. i, sous ce titre : The golden Rough ou Rameau d'or, est une vaste compilation où l’auteur a amassé quantité p. 374. Cf. Rech. de science relig., t. ni, p. 181. 3. Critique de l'hypothèse évolutionniste. — Pour nous de faits qui justi lient, croit-il, scs vues sur l’évolution limiter strictement a notre ni· question, nous nous dc la religion ct de la société primitive. La magic proprement dite remplit deux forts volumes : Magic demandons ce qu’il faut penser du système dc Frazer art, 3· édit., 1911. L’idée fondamentale de Frazer en tant qu’il concerne le passé. c'est que les superstitions magiques sont à l'origine dc A s'en tenir dans l’abstrait, et en faisant appel à toutes les religions : « Dans l'évolution de la pensée, la raison toute seule, on ne peut pas dire que cc sys­ la magic, comme présentant un stade inférieur, a tème répugne, ni qu’il soit illogique. On peut en effet, lower stratum, d’intelligence, a probablement partout comme nous l'avons indiqué en traitant la ιι· questio i, précédé la religion. » Magic, 1.1, p. xx. Malheureusement imaginer des transitions vraisemblables entre les dif­ pour sa thèse, l’auteur ramène à la magic une foule dc férents stades assignés par Frazer (coi. 1538). Mais tout cela n’est pas encore dc l'histoire. pratiques qui n’en sont pas. au moins nécessairement : remèdes empiriques, influences des étoiles, dc la lune, Or, l’histoire est sévère, de plus en plus sévère, du soleil, des marées sur les événements humains, sur pour le système de Frazer. « La thèse du magisme la destinée humaine, culte superstitieux du vrai Dieu. primitif n’a pas dc fondement dans les faits », éc îBien plus, il donne dc la magie une définition déjà valt le P. Bouvier en 1913. Rech, de sciences relig., t. rvt p. 118. Les savants qui parlent après enquête systématique, en la présentant comme < un système bâtard des lois dc la nature... une fausse science ct un jugent ct condamnent sans tendresse le maglsme pur art avorté ». T. i, p. 53. D’un mot : la magic serait une ct simple. Tel F.-B. .levons, dans son livre An intro­ science mal faite. Pareille définition, nous l’avons duction to the study of comparative religion. New-York, remarqué dans la Ire partie, tombe à faux. Cf. col. 1514. 1908. < L’idée que la religion a été précédée par la En partant d’une telle définition, Frazer conclut à magic ct en est sortie, a pu être entretenue dans le une opposition entre magic ct religion. Mais antérieu­ passé par des hommes qui étudiaient la science de la rement ή cette opposition, qui suppose l’existence dc religion, ct peut n’avoir pas encore été rejetee de tous. deux termes, l’auteur croit découvrir une période Mais aujourd’hui elle n’a plus de place dans la science d'indifférenciation ; et, antérieurement encore, une dc la religion. Faire sortir h religion ou la science de la magie, laquelle n’existe qu’en imitant l’une ou période dc magie pure P. 226-231. Ainsi, pour Frazer, l’ordre de succession ct de causalité serait le suivant : l’autre, est aussi absurde que d’imaginer que l’insecte, qui par mimétisme prend la couleur de la feuille sur magic pure, magie animiste, religion. D’ailleurs, l'auteur ne craint pas d’affirmer en général que les laquelle il vit. précède et produit l’arbre destiné à le foules s'élèvent difficilement jusqu’à la vraie reli­ porter. · P. 104. R. R. Marett non plus ne ménage pas gion ». T. i, p. 240. Ce serait toujours, dans l’Europe les critiques au système de Frazer : « Frazer, dit-il, moderne, la même confusion d'idées, le même mélange oppose trop magic ct religion: il plaide en divorce dc religion ct de magic; ct il paraîtrait qu’en France quand il suffirait de plaider en séparation, il Identifie à tort la causalité magique ct la causalité costu­ spécialement < la majorité des paysans attribuent au mière... » Hastings, art. Magic, p. 250; cf. Rech. de prêtre un pouvoir secret et irrésistible sur les éléments ». science relig., t. iu, p. 182-181. T. i, p. 231. Mais quand il s’agit de remplacer le système de Outrageante exagération. L’auteur semble confon­ Frazer, ccs auteurs ct d’autres encore, lui opposent dre à plaisir deux états totalement disparates : celui un autre système, prémagisme. animisme, préani­ qu’il appelle magie animiste, dans lequel religion ct magic seraient encore indistinctes, parce que la reli­ mlsmc. Ils voient, ils entrevoient avant la magie pure, un état encore indistinct, Ainsi Marett, devons, gion ne serait pas encore formée, ct celui où la religion E.-S. Hartland. Loisy... Pour devons, religion et magie formée est entachée de quelque superstition. Or, dans dérivent d’une source commune, l’âme humaine et son les campagnes, il faut l’avouer, la superstition n’est idée dc Dieu. The idea of God, p. 155, 156. Pour Loisy : pas rare; mais, en général, elle voisine avec la religion sans l’altérer profondément. Ajoutons que toute i « Antérieurement à la magic ct a la religion, nous p iuvons conjecturer un état social très Impart Ut où superstition n'est pas magic : dans les campagnes magie ct religion sont encore confondues dans quelque chrétiennes la superstition est souvent religion mal chose qui n’est, à proprement parler, ni la magie ni éclairée, culte superflu ou vicieux du vrai Dieu ou la religion. » A propos d'histoire des religions, Paris, des saints. Cela n’est pas de la magic. 1911, p. 183. Frazer qui perce d’un regard si sûr les profondeurs Le prémagisme mélangé d’animisme, en propor­ du passé. qui ne se laisse pas tromper sur la vraie tions variables, est un système plus habile et plus nature du présent, n’hésite pas Λ sc transformer en vraisemblable que le maglsme pur. Cependant les con­ devin pour nous dévoiler les secrets de l’avenir. • A l’âge dc la religion, nous dit-il, en substance, succé­ sidérations sur lesquelles on essaie de le fonder sont des assises fragiles ct souvent ruineuses. 11 y a souvent, dera l’âge de la science : ce sera donc, puisque la pour donner apparence dc consistance et dc solidité, magie n’est pas autre chose qu’uno science mal faite, des principes philosophiques reliant les observations un retour, non pas à la magie, mais à l’esprit de la magic. Science mal faite, Science bien faite, réunies ct les faits, en particulier le grand principe de l’évo­ par un pont fragile ct éphémère qui s’appelle la reli­ lution. Dc ce principe nous avons assez parlé pour notre but dans la ir· question. Restent les faits. On gion, telle est en deux mots l’histoire de la religion â peut dire hardiment que ni Γ histoire, ni l’ethnologie travers les âges. La religion a chassé la magie, science n’imposent le maglsme ou le prémagisme, même ren­ mal faite, ou l'a fait tomber en discrédit. Mais lorsque forcé d’animisme. Au contraire, aussi haut que nous plus lard, la conception des forces élémentaires consl- 1543 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION pouvons remonter dans le passé, nous trouvons ordi­ nairement dans les races que Ton considère comme les plus primitives, les moins civilisées, des vestiges d’un véritable théisme, allant parfois jusqu’à l’hénothéisme ou même au monothéisme. De l’aveu de tous les savants, c’est une tâche déli­ cate de faire passer dans la tète et dans la langue d'un Européen, ce qu’il y a dans la tète et dans la langue d’un Primitif, et réciproquement. 11 faut une absence totale de préjugés, une profonde connaissance de la langue et des coutumes des indigènes; il faut des qualités morales de bonté, de patience, qui gagnent la confiance, il faut un séjour suffisamment pro­ longé dans une même tribu. < Les controverses qui ont fait rage à propos de la religion des races infé­ rieures, remarque Frazer, sont venues pour la plupart d’un malentendu réciproque. Lc sauvage ne saisit pas les pensées de l’homme civilisé, et bien peu de civi­ lisés saisissent les pensées du sauvage. ■ Magic art, t. î, p. 375. Cela étant, on voit que les missionnaires non seulement ne doivent pas être disqualifiés, mais sont en fort bonne posture, comparés à des voyageurs qui souvent traversent hâtivement un pays en faisant poser par interprète des questions que les habitants ne se sont peut-être jamais posées sous cette forme et auxquelles ils répondent peut-être sans les bien com­ prendre; sans compter que sur certains sujets, parti­ culièrement sur sa croyance en des êtres supérieurs, l'indigène déroulera délibérément son interlocuteur non initié. Cela est certain : dans mainte tribu, lu connaissance des êtres supérieurs n’est transmise ni aux femmes, ni aux enfants, ni aux jeunes gens avant leur initiation; à plus forte raison ne sera-t-elle pas livrée à l'étranger de passage. Cf. A. Lang, art. God dans Hastings, Eric, of religion, t. M, p. 243-215. Les missionnaires ont sur d’autres témoins d’im­ menses avantages. Certains critiques disent que les missionnaires ont des préjugés, qu’ils trouvent faci­ lement des croyances supérieures, des religions déve­ loppées, parce qu'ils veulent en trouver. On ne vou­ drait pas nier que parfois, ils ne soient tentés de voir plus qu’il n’y a en réalité; on ne voudrait pas affirmer qu'ils n’aient jamais cédé à la tentation. Mais quel est l’observateur qui aborde ces questions sans avoir sa propre mentalité, autrement dit sans idées précon­ çues? L’essentiel est que les idées ainsi précon­ çues soient justes. Reprocherait-on encore aux mis­ sionnaires de n’avoir pas de formation scientifique qui les rende aptes â mener pareille enquête, à résister aux conclusions désirées et hâtives? Le reproche deman­ derait â être rigoureusement précisé, sous peine de paraître contredire le précédent. Un système per­ sonnel a son utilité, mais il a sa rançon : ce sont préci­ sément les systèmes qui entraînent facilement des idées préconçues, systématiques. Lévy-Brûhl, un des chefs de l’école sociologique, ne reconnalt-il pas loya­ lement et finement aux observations des anciens mis­ sionnaires une grande autorité et une supériorité sur un point : ils · avaient l’avantage d’ignorer toute thèse sociale·, dit-il,Les /onctions mentales dans les sociétés inférieures, Paris, 1910, p. 23. Et quant ù ajouter que les missionnaires actuels manquent de méthode, c'est généraliser injustement un déficit que l’on a pu cons­ tater parfois, mais auquel on a, ces dernières années, remédié avec succès. Ce progrès a été provoqué et pro­ cure par les Semaines d'ethnologie religieuse, tout spé­ cialement. Concluons au moins que les témoignages des missionnaires en valent d'autres. Pariant d’abord des Primitifs, nous rapporterons quelques jugements d’ensemble, spécialement auto­ rises; puis, nous traiterons de trois ou quatre cas par­ ticuliers qui font une certaine difficulté ; enfin, après avoir touche un mot des origines des peuples civilisés et 1544 avoir marqué chez les purs savants une tendance croissante à une grande modestie, à une grande modé­ ration, et souvent â quelque chose de plus, en réaction contre le radicalisme de mode il y a encore vingtcinq ans, nous essaierons de dégager quelques conclu­ sions générales. Mgr Le Boy a écrit un livre parfaitement informé sur La religion des Primitifs, Paris, 1909. Conscien­ cieusement, il avertit qu'il a étudié surtout, par luimême ou par scs missionnaires, les peuplades de l’Afrique. « Chez toutes, affirme-t-il, on retrouve la notion d'êtres supérieurs, bien plus d’un Être, d’un Dieu suprême : hénothéisme, allant parfois jusqu'au monothéisme, qu’obscurcit seulement, sans le nier, la multiplicité des noms. » Enfin, il y a des indices posi­ tifs que les notions les plus primitives sont aussi les plus pures. Plus récemment encore, Mgr Le Boy a donné le résultat de ses longues recherches dans Chris­ tus, c. n. Les populations de culture inférieure, p. 48. • Les divers noms employés pour désigner Dieu, par les diverses tribus, n’impliquent pas du tout, comme on l’a dit quelquefois, des dieux différents les uns des autres. » Les Bantous n’ont pas la moindre idée du poly­ théisme Indou, grec ou romain. Ce qui est vrai, c’est qu'ils ne sc préoccupent de Dieu que pour eux-mêmes et encore, dans une faible mesure, pour leur famille pour leur tribu. A chacun scs affaires! Kel. des Primi­ tifs, p. 187. Cf. /tenue de philosophie, l*r oct. 1908, p. 416. Sur le nom de Dieu chez les Zoulous, discus­ sion très intéressante du Bev. W. Wanger, dans Anthropos, t. xvm-xix, p. G56. « Si l’on compare l’extraordinaire précision des don­ nées linguistiques des Bantous avec leurs idées actuelles, on a l’impression que cette notion de la divinité a subi chez eux une régression évidente et qu’elle était beaucoup plus nette à l'époque de la for­ mation de la langue. · Christus, p. 63. Et Mgr Le Boy n’est pas seul de son avis. B.-I L Nas­ sau, dont l’autorité est grande, écrit dans Pctichism in West Africa, Londres, 1904, p. 37 : « Après quarante ans de séjour parmi ces tribus..., je suis à même d’affir­ mer, sans hésitation, que, parmi toute la multitude des noirs dégradés que j’ai rencontrés, je n'ai vu ou entendu personne dont la pensée religieuse fût une pure superstition », et il cite un autre témoin de valeur, J.-L. Wilson, qui, dans son livre Western Africa, p. 209, ne craint pas d’affirmer qu'en Afrique « La croyance en un grand être suprême est universelle. Et cette idée, dans l’esprit des indigènes n’a rien d im­ parfait ou d’obscur. L'impression en est si profon­ dément gravée dans leur nature morale et intellec­ tuelle, que tout système d’athéisme les frappe comme trop absurde ou déraisonnable pour mériter un dé­ menti. » Les expressions de Mgr Le Roy ne sont pas plus fortes quand il conclut : « La fol des sauvages en un Être suprême est désormais un fait acquis à la science. Si l'on ne peut prouver encore son universa­ lité, on doit convenir qu’elle est, ou du moins qu’elle a été très générale. » Christus, p. 86. Tel est l’aboutis­ sement de l’enquête menée par l'auteur à travers toutes les peuplades primitives. L'origine de l’idée de Dieu, telle est bien, pour le redire, la question fondamentale dans cette querelle sur l’origine de la religion. Les évolutionnistes, les maglstes ou prémagistes, animistes ou préanlmlstes, tiennent si fort à leurs théories, parce qu’il leur paraît Impossible que l’idée de Dieu soit primitive, parce qu’ils croient découvrir de fait des Primitifs complè­ tement athées. Évidemment les notions des Primitifs sont encore bien embryonnaires, enfantines, mélangées d’erreurs, 1545 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION parfois de grossièretés. Ainsi H faut avouer que chez plusieurs la croyance a peu d'influence sur le culte et sur la morale, mais il serait faux de dire qu'elle n'en a aucune. Par exemple, les Hottentots prient « le père des pères ». Christus, p. 76, fin. La foi en un Être su­ prême, en un «père de tous», Alt Father, suivant l’ex­ pression trouvée par i lowitt, Native tribes o/ S. E. Aus­ tralia, Londres, 1904 et devenue classique grâce à Lang, art. Making et art. God de VEncycl. o/ Religion — expression qui traduit le nom donné souvent à l'Êtrc suprême par les Australiens les plus primitifs : ils l’appellent Father ours, < Père nôtre » — cette foi s'accompagne d’un culte rudimentaire, danses et invocation par les médecins ou guérisseurs. Christus, p. 86, lin. Dans ce sens, on peut dire, sur l’autorité de Howitt et de Lang après lui, que les Primitifs d’Australie ont < une religion non empruntée mais spon­ tanée — et fort mal accueillie par les anthropologues en général ·. A Lang, art. God, p. 245 b. Lang n’ose pas prendre nettement parti sur cette question : Les Australiens ont -ils une religion, un culte, oui ou non? mais sa façon de parler montre qu'il voit ici surtout une question de mots. D'ailleurs Lang ne semble pas relever toutes les traces de culte, ni rattacher au culte des manifesta­ tions qu’il constate et qui sont vraiment sinon une pratique cultuelle, du moins une pratique religieuse : < C'est un fait positif, reconnaît Lang, que, parmi cer­ tains peuples sauvages des plus bas, il existe non un monothéisme doctrinal et abstrait, mais la croyance en un Être moral, puissant, bienveillant, créateur, croyance qui sc trouve en juxtaposition avec celle à des esprits, totems, fétiches et autres qui ne reçoivent pas de culte. L'Être puissant et créateur de la croyance sauvage sanctionne la vérité, le désintéressement, la loyauté, la chasteté et d’autres vertus. » Making, c. xv, p. 254; cf. Schmidt, dans Anthropos, t. ni, p. 601, 602; Bouvier, dans Rech. de science rclig., t. il, p. 102. Sans doute, nos adversaires, contraints d’admettre la croyance à des êtres suprêmes, ou même à un seul, beaucoup plus fréquemment qu'ils ne désireraient, recourent encore à des hypolhèss pour écarter une croyance primitive et spontanée : évolution, influence des missionnaires. Mais d'abord l’explication par l'évo­ lution est tout à fait gratuite puisque nulle part, nous l’avons dit, on n’assiste à l’ascension spontanée des formes inférieures de la croyance à des formes supé­ rieures. Bien plus, les faits nous fournissent contre de pareilles hypothèses des indices extrêmement forts, parfois même ils leur donnent un strict démenti. L'effacement, la pâleur de l'Être suprême dans l’es­ prit de beaucoup de Primitifs, la pauvreté de son culte, s’expliquent assez naturellement par l’hypothèse d’une dégénérescence dans les croyances : les notions plus grossières ont recouvert et terni les notions plus pures. Lang soutient au moins comme plus vraisem­ blable ce qu’il appelle « la vieille théorie de la dégé­ nérescence », Making, c. xv, p. 254, et il est tout dis­ posé à expliquer la décadence par l’attraction que l’animisme, une fois développé, exerce sur · l’homme naturel et mauvais, le vieil Adam », p. 257, cf. p. xv, xvi et la remarque citée plus haut, de Mgr Lc Boy sur les Bantous, col. 1544. Dans plusieurs cas, les premiers missionnaires, les premiers blancs, ont trouvé très nette chez de pauvres sauvages, la notion de l’Êtrc suprême, Père, Ancien des deux, Organisateur (Créateur) de l’univers. A. Lang, Making, p. 167. Et celte idée, les anciens disaient la tenir de leurs ancêtres. D’ailleurs, si la croyance des Primitifs venait des missionnalrsc, com­ ment se fait-il que l'Êtrc suprême ne soit pas davan­ tage centre de culte, de prière, de vie morale, confor­ mément aux leçons des missionnaires? Comment expli­ 1546 quer l'ésotérisme qui n’admet pas â la connaissance du grand Être les femmes, les enfants, les non initiés? A. Lang, Origins, p. 120. 12L Bien plus, certains historiens sc croient autorisés à dire que chez les vrais Primitifs, Pygmées, Austra­ liens du sud-est, Fuégicns et Californiens du centre. l’Êtrc suprême a une physionomie beaucoup plus dis­ tincte que chez les autres Primitifs, qu'il reçoit tout le culte strictement religieux, l'animisme, le mânlsmc — a plus forte raison, le magisme — n'ayant pas de caractère religieux. Dr A.Gahs, Anthropos, t. xvixvn, p. 548. A Lang, lui aussi, constate chez certains » peuples sauvages des plus bas cette absence de culte envers les esprits, totems, fétiches et autres ». Making, p. 254 ; cf. ci-dessus, col. 1515. Il faut cependant recon­ naître que chez d’autres Primitifs on trouve le phé­ nomène inverse : tout le culte est réservé aux esprits des ancêtres ou de la nature, que des rites appropriés peuvent rendre propices, alors que l'Êtrc suprême n'a pas besoin de culte et qu'il est inaccessible. Tels, les Akamba, peuple Bantou de l’Afrique N.-E. An­ thropos, t. xvni-xix, p. 1095, ou les Bakongo, au sud du fleuve Congo. Reo. d'hist. des relig., t. lxxxvî, p. 222. Dans l’impossibilité de descendre à des monogra­ phies même sommaires des peuples les plus primitifs, de ceux surtout qui ont été présentés comme privés de toute croyance supérieure et de toute religion, il faut nous contenter d’en appeler à des écrivains de grande autorité, pour affirmer la notion assez nette, parfois très pure, d'un Être suprême dans la grande race nègre. Lang, Making, c. xni, p. 218; chez les Zoulous, Anthropos, t. xvm-xix, p. 656; chez les Pygmées, au nombre desquels il faut compter les indigènes des lies Andaman, les Négritos des Philippines, les Pygmées de l’Afrique centrale, les Bochimans \V. Schmidt. Die Stellung der PygmüenMker in der Entujicklungsgeschichte des Menschen, Stuttgart, 1910, cf. Rev. des sciences phil. et théol., 1910, p. 547, fin; chez les Maïdu de la Californie centrale. Semaine d'Ethnologie religieuse, 1922, p. 32, al. 2. Deux cas ont été discutés avec une particulière âpreté, celui des Aruntas et celui des Tasmanicns. Les Aruntas habitent actuellement l’Australie centrale, et jusqu’à ces dernières années. Ils étaient regardés comme autochthones, comme primitifs, parmi les Pri­ mitifs. Or, les Aruntas n'ont pas trace de religion, ni de croyance à un ethical All Father (un Père de tous, protecteur de la loi morale). Ainsi parlaient B. Spen­ cer et F. .1. Gillen dans Native tribes o/ Central Aus­ tralia, 1899 et Northern tribes o/ Central Australia, 1904; ainsi, Frazer dans Magic art, t. i, p. xxin. Mais il semble maintenant établi et reconnu que les Aruntas sont originaires du Sud-Est. et sont la plus jeune parmi les six tribus d’un même groupe Anlhropos, t. vni, p. 1145; t. xvi-xvn, p. 1007. El quant à leur prétendu athéisme, à leur prétendue irréligion, il est au moins extrêmement probable qu’ils reconnaissent un Être suprême, très eflacé d'ail­ leurs et sans caractère moral bien net. Tout sc passe comme si cet être avait été peu à peu relégué à l’arrièreplan jusqu’à tomber dans l'insignifiance; et Lang admet contre B. Spencer, Frazer, van Gennep, que nous sommes ici en face d’une divinité non en crois­ sance, mais en décadence. A. Lang, Making, p. x; The Alcheringa and the All Father, dans Revue des études ethnographiques et sociologiques, juillet-août 1909. Con­ firmation remarquable : les tribus du Sud-Est de l'Australie, appartenant au même groupe ethnique que les Aruntas, mais plus primitives qu’eux, ont la croyance a un Être suprême, doué d’attributs ino­ raux. Schmidt, cf. Revue des Sciences phil et théol., 1910, p. 551. Lang parle de leurs conceptions reli- 1547 MAGIE, RAPPORTS AVEC LA RELIGION peuscs « étonnamment élevées ». Making, p. 175. Restent les Tasmaniens, La Ren. cfhisL des relig., t. lxxxvht, p. 218, not. 2, n’ose guère contredire le P. Schmidt quand 11 trouve la croyance A l'Étre suprême chez beaucoup des peuplades les plus primi­ tives, les Australiens du Sud-Est, les Andamanais, les Ain us, les Californiens du centre, les Gez du Brésil oriental, les Fucgicns; mais la même revue élève un doute sur les Pygmées et pense pouvoir opposer vic­ torieusement les Tasmaniens, les Kubus, les Wcddahs. Les Tasmaniens n’existent plus : leur dernier représentant authentique est mort vers 1877. Il sem­ ble, quoi qu’en disc Frazer, Magic art, t. n, p. 257, qu'ils reconnaissaient l'existence d’un être bon et d’un être mauvais, bien que le second fût beaucoup plus en sue que le premier. Anthropos, t. ni, p. 825, 82G, 828. Sur les Kubus, peuplade de Sumatra central, et les Weddahs ou Veddahs, qui habitent actuellement le sud-est de Ceylan, la question n’est pas élucidée. On a, dans les premières années du siècle, reconnu chez les W eddahs une certaine religion. Cf. W. Schmidt, Die Stellung der Pygmtenoolker in der Entivicklungsge* schichtc des Menschen, Stuttgart, 1910, p. 292, η. 1. Quant aux indigènes de Sumatra, le P. Schmidt les a étudiés par exemple, dans Grundlinien einer Ver* gleichung der Religionen und Mythologien der austro* nesùchen Vclker, Vienne, 1910, et il relève chez ces peuples la connaissance de la divinité et un cer­ tain culte, p. 37, n. 165; p. 50, n. 200, et, d’après cer­ tains indices, il conclut à une évolution non par pro­ grès mais par régression. Pour ce qui est des Pyg­ mées, Il ne semble plus que l’on puisse mettre en doute leur connaissance de Dieu. Cf. col. 1544. Et puis, quand même les Kubus, les Weddahs et une demi-douzaine d’autres tribus seraient complète­ ment athées et sans aucune religion, la seule conclu­ sion légitime serait en faveur de la possibilité du fait exceptionnel, nullement de la loi universelle. 11 reste­ rait encore à prouver l’improuvable : que ces tribus représentent un stade universellement nécessaire et absolument premier; Il resterait à prendre sur le fait un peuple évoluant spontanément vers les formes supérieures de la croyance et de la religion, ce qui n'a jamais été fait. D’une façon générale, les découvertes de l'ethnolo­ gie, en ces dernières années, vont toutes dans le même sens : des peuplades primitives qui passaient pour pri­ vées de croyance A des êtres supérieurs et dépourvues de religion, pour emprisonnées dans'la magic ou l’ani­ misme, se révèlent en possession de la croyance à la divinité, souvent a un Dieu unique et personnel, dont l’homme dépend physiquement et moralement; et la plupart du temps on rencontre chez ces mêmes peu­ plades un culte de cette divinité, culte plus ou moins embryonnaire, ébauche peut-être, peut-être souvenir. Car- dernier trait frappant, constaté assez souvent pour pouvoir sans témérité être soupçonné partout — les savants, qui ont a leur service toutes les ressources de l’ethnologie et de la linguistique, toutes les lumières de l'histoire comparée, ont vu plus d’une fois les croyances et les pratiques religieuses d’un peuple devenir plus hautes et plus pures, à mesure qu’ils se rapprochaient des origines. D'ailleurs, dans l’histoire des peuples civilisés — en particulier dans l’histoire des deux peuples classiques |wur nous, les Grecs et les Romains — n’a-t-on pas souvent fait pareille constatation? Le temps semble définitivement passé où E.-B. Tylor, J.-G Frazer et d’autres, foits il est vrai d’une vaste erudition, enseignaient avec une belle assu­ rance l'animisme ou le magisme, et communiquaient leurs convictions à leurs lecteurs et au monde savant lui-même. Actuellement, beaucoup d'écrivains pure­ 1548 ment rationalistes, libres eu tout cas de préoccupa­ tions dogmatiques ou confessionnelles, reconnaissent les incertitudes, irrémédiables peut-être, de l'histoire sur les relations entre religion et magie; certains vont même jusqu’à avouer la possibilité, la probabilité d’un déisme primitif, d’une religion primitive, probabilité égale ou supérieure a celle d’un animisme ou d'un magisme primitif. « Les cas de monothéisme primitif appartiennent avec la langue et la formation de la famille à ces énigmes des commencements de la cul­ ture humaine qu’il sera probablement à jamais impos­ sible de résoudre. » Illustrierte Vcdkerkunde du Dr Buschan, Introduction générale A la 2· édition par R. Lasch,·.Stuttgart, 1922 (l’ouvrage est considéré comme représentatif de la doctrine évolutionniste). Ainsi, conclut le R. P. Schmidt, après avoir cité ce passage, « les rôles paraissent donc complètement changes : ce n’est pas nous, c'est l'évolutionnisme, qui invoque le mystère de l’insondable, pour échapper aux conséquences que l'on pourrait déduire d'un mono­ théisme primitif ». Semaine dfEthnologie religieuse, 1922, p. 40. L’attitude de plus en plus fréquente des savants est celle d’une défiance positive pour une solution rigide et universelle, pour l’évolutionnisme absolu : « La science anthropologique, dit Marett, devient de plus en plus parcimonieuse de constructions sur un plan si simple et si drastique. L'évolution humaine est un tissu de plusieurs fils qui se croisent. » Art. Magie dans Hastings, Encycl. o/. relig., t. vin, p. 247 b. Et J. Réville croit avoir appris dans l'histoire des reli­ gions à se défier de ces gens « qui prétendent ouvrir toutes les portes avec une seule clé, parce qu’ils for­ cent les serrures, partout où leur clé ne fonctionne pas. » Les phases successives de l'histoire des religions, Paris, 1909, p. 25. Chez les auteurs contemporains, il se manifeste en particulier une réaction très nette contre la tendance à méconnaître les influences individuelles dans l’évo­ lution des doctrines religieuses, J. Révillc, op, cil., p. 222; R. Pcttazoni, professeur d’histoire des reli­ gions à l'Enivcrsité de Rome, Leçon inaugurale, 17 janvier 1924, cf. Rev. d’hist. des relig., t. i.xxxix, p. 131, fin; réaction aussi contre le magisme pur de Frazer, ci. Lolsy, A propos d'histoire des religions, Paris, 1911, p. 179; réaction encore contre la ten­ dance â dissocier complètement croyance en la divi­ nité d’une part, et, de l’autre, morale, culte, prière. Semaine d'Ethnologie religieuse, 1913, p. 153, rap­ port du R. P. Lcmonnyer, p. 6, 8. Donc, si l’on demande sincèrement A l’histoire, et non A une théorie toute faite, la relation de nature qui unit religion et magic, trois réponses sont possi­ bles, qui ont été faites : 1. 11 y a eu un stade primitif d'indifférenciation, d’où sont sorties magic et reli­ gion; 2. La magie est une religion dégradée; 3. La religion est une magie perfectionnée. A Lolsy, qui pré­ sente ces trois hypothèses, A propos d'histoire des reli­ gions, p. 17 i.jugc que la 2e,«n’a rien do vraisemblable» et opte pour la 1". Mais, quelques années plus tôt, un auteur protestant, Zhckler, comparant la 2· et la 3· hypothèse, trouvait la 2e, plus conforme aux faits connus, art. Magie dans Protest. RealencyclopQdic. Et Zocklcr relève quatre indices en faveur de la 2· hypo­ thèse : a) Les peuples actuellement les plus arriérés ont gardé, au milieu des absurdités et des récits mer­ veilleux de leurs cultes traditionnels (Kultussitte), des traces de croyance A une haute puissance spirituelle. b) Le p ils s age du magisme ou d’une autre superstition originelle A une tonne plus élevée de religion n’a jamais été constaté. — c) Si l’on considère en parti­ culier les peuples civilisés^ de l’ancien monde, les Egyptiens» parjîxemple, ou’les Babyloniens, leur hls- 1549 MAGIE MAGNANIMITÉ tolrc la plus reculée ne montre pas que leurs religions soient sorties de la magie ou du merveilleux. — d) L'apparition de la magie est en général le symp­ tôme d’un sentiment religieux non pas en train de s’épanouir mais bien en train de vieillir et de dispa­ raître. Quand la magie se rencontre à une époque rela­ tivement primitive, elle n’appartient pas à révolu­ tion propre du peuple considéré, mais elle s’explique par une pénétration et une contagion d’origine étran­ gère. P. 57. Dans la même encyclopédie, l’article Zauberel est signé von Orelli, auteur d’un Manuel d'histoire des religions; celui-ci, sur la question présente, se range à l’avis de Zücklcr et trouve invraisemblable l’hypo­ thèse contraire, celle de la religion, sortant de la magie Zaubcrei, t. xxi, p. 612, 613. Tout récemment, J.-R, Swanton, ancien président de 1’Anthropological Society de Washington, n’hésitait pas Zi proclamer, comme l’avait fait A. Lang trente ans plus tôt, que scs études l’avaient amené < à des positions considérablement dillérentes de celles que patronnent la plupart des autorités reconnues ». Il admet spécialement que · l’attitude religieuse » est • évidemment » un facteur humain primitif. Il trouve chez beaucoup de Primitifs, en Amérique, en Afrique, en Asie, un monothéisme plus ou moins mélangé; au moins ces peuples croient-ils à un dieu supérieur aux autres. « C’est là, dit Swanton un concept extraordi­ nairement commun. » En lin, il n’a aucune difficulté à associer un monothéisme, d’ailleurs assez pauvre. avec une mentalité primitive; exemple: les Australiens du Sud-Est, les Négrillcs, les Bushmen, les Andamanais. American Anthropologist, Xctu Series, t. xx\i, 1921, p. 358-365; cf. Anthropos, t. xx, p. 333. Conclusion. — Il ne serait pas difficile de multi­ plier les citations, Semaine d'ethn. relig., 1922,compterendu du B. P. Schmidt, p. 31-18; celles-là suffiront, sans doute, pour nous permettre de conclure sans crainte avec des théologiens, qui sont aussi des auto­ rités reconnues en histoire des religions, avec Mgr Le Roy, le B. P. Schmidt, le P. Bouvier. Nous emprun­ terons les termes mêmes dont se sert Mgr Le Boy dans la Religion des Primitifs, p. 18 L et qu’il repro­ duit dans Christus, p. 101 : « Tout se présente à nous comme si l’espèce humaine, irradiant d’un point com­ mun sur lequel elle aurait apparu, à une époque que la science est impuissante à fixer d’une façon précise, avait été mise en possession d’un fonds de vérités reli­ gieuses et morales, avec les éléments d’un culte, le tout prenant racine dans la nature même de l’homme, s’y conservant avec la famille, s'y développant avec la société, et donnant peu à peu — suivant les menta­ lités particulières à chaque race, sa portée intellec­ tuelle, les conditions spéciales de sa vie — ces formes à .surfaces variées, mais fondamentalement identiques, que nous appelons les religions, religions auxquelles partout et dès le principe, se seraient attachés les mythes, les superstitions et les magies, qui les vicient et les défigurent en les détournant de leur objet. » Celte déclaration, si nous ne nous trompons, le P. Bouvier et le B. P. Schmidt la signeraient, le pre­ mier avec quelque hésitation peut-être — c’était un modeste, presque un timide, par excès de conscience, pourrait-on dire, et il écrivait entre 1911 et 1911 — le deuxième avec assurance. Cf. Rcch. de sciences relig., t. iv, p. 109-131, art. de Bouvier; art. Magie du Die· lionn. apolog.; Anthropos. t. vm, p. 1111. Et des hommes dont le nombre augmente d’année en année, hommes profondément sincères et compétents, se rap­ prochent chaque jour des mêmes conclusions. I. Biblioghaî’HIE gî:nîιιλι.!·:. — 1· Dictionnaires. — Dictionnaire apologétique, nrt.. Magie et Magisme, t. ni, col. 61-71; Dictionnaire de ta Bible, de Vlgoiiroux, nrt. 1550 Magie, t. iv, col 562-569 ; Encyclopédie Ladmiraull. nrt. Magic,Encyclopedia britannica, art. Magic·, Encyclopedia o' Religion and Ethics de I lasting·*, art. Λ fagir, t. vm, p. 215 321, (tod, t. vi. p. 213-217 ; Protest. Rralene.ycloptrdie de A, Hauck, art. Magic r, Magie, t. xn. p. 55-70; art. Zaubcrei und Wahrsagret, t. xxr, p. 611-620; Dnrcmberg et SagJlo, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines·. Magic, t. m b, p. 1191-1521, 2e Revues. — Recherches de science religieuse, Paris, articles très informés cl très fouillés du P. F. Bouvier, t. π (1911), p. 63, l. m (19121, p. 169, 393. t. iv (1913), p. 1U9; Anthropos, Revue internationale d'ethnologie et de linguistique, fondée par le R. P. W. Schmidt, Vienne, Autriche; Revue d'histoire des religions, Paris; Revue dos sciences philosophiques et théolaglqucs, Paris, bulletins très érudits sur l’histoire des religions. 3e Histoire. — M. J luigrange, O. P., Etudes sur les reli­ gions sémitiques, 2· édit., Paris, 1905. — Sur l’épisode des procès de sorcellerie, il suîllt de citer trois ouvrages clas­ siques, le troisième beaucoup plus critique que les deux premier* : 11. Institoris et J. Sprcngcr, Malleus maleficarum, P· édition, probablement Strasbourg. 1487; M. del Rio, Disquisitionum magicarum libri Vf, Louvain. 1599; F. von Spec, Cautio criminalis, seu de processibus contra sagas liber, 1631 (l” édit, anonyme).— J. Janssen, Jxi civilisation en Allemagne, trad. E. Paris, Paris, 1902-1011; Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, 3· édiL, Paris. 1841, réédité avec additions par Migne, Dictionnaire des sciences occultes 2 vol., 1816 (recueil considérable de renseignements, docu­ ments; mais sources ù contrôler). 4· Théologie. — S. Thomas. Sum. theol., IIMI*’, q. xen sq.; A. Tnnncr, Theologia scholastica, t. 1, diss. V, De ang+lis, q. v; Laymann, Theologia moralis, 1. IV, tr. X; Suarez, De religione, tr. Ill, I. II. Salmanticenses. Theologia moralis, tr. XXI, c. xi, punct. 11 ; S. Alphonse de Liguori, Theologia moralis, I. Ill, c. i; Ferraris, Bibliotheca cano· nica : Superstitio; Wernz, Jus decretalium, VI, tit. xin, n. 321; Ami du clergé, séries d’articles sur magie et sorcellerie, surtout en 1902. II. ΒιηυοσιίΑΡίπκ spéciale : sur l'histoire do religions (simples indications ajoutées h la bibliographie générale) : Ie Manuels. — J. Bricout, Ou en est t'histoiredes religions, 2 vol., Paris, 1911 ; J. 1 luby, Christus, 3· édit., Paris, 1921 : P, D. Chantepic de lu Saussaye, Manuel d'histoire des religions, traduction B. Hubert, Isidore Lévy, Paris, 1904; S. ïlcinach, Orpheus, 11· édit., Paris, 1909; Pinard de la Boullayc, Manuel d'histoire des religions, Paris. 2’ Semaine d'ethnologie religieuse, comptes rendus : i" session (1912) : Paris, 1913; n· session (1913) : Paris. 1914; m· session (1922), Enghlen, Belgique, 1923. 3e Travaux spéciaux. — J.-G. Frazer, The golden Bough : The magic Art, 3’ édit., 2 vol., Londres, 1911; du même. Psyche's task, Londres, 1909; F.-B. Jevons. An introduction to thr study of comparative religion, New-York, 1908; du même, The idea of God (n early religions, Cam­ bridge, 1910; R. R. Marett, The threshold of religion, Lon­ dres. s. d. (1909); E.-W. Hopkins, Origin and evolution of religion, New-Haven, Yale University l*rcii. 1923; J. Ré­ ville, Ixs phases successittes de l'histoire des religions, 1909; A. Lolsy, .4 'propos d'histoire des religions. Puris, 1911; A. Longuet, L'origine commune des religions, Paris, Paris, 1921. A. I-img. The making of religion, Londres, 1900; du même. The origins of religion, Londres. 1908 (réimpres­ sion); Mgr le Roy, /,u religion des Primitifs, Paris. 1909; II. P. W. Schmidt, De l'origine de l'idée de Dieu, trnduct de Der Ursprung der Gotlcsldee, dans Anlhropos, t. m. iv, v (inachevé) ; Der Ursprung der Gottcsidee. Anthropos, t. xvi-xvu (1921-1922), fait suite Λ la 1· série, de 1908-1912, et expose le progrès fait en dix ans par lu théorie de A. Lang; du même, Die Shilling der Pygmaenuôlker in der Enhvlcklungs-geschichte des Menschen, Stutt­ gart. 1910. U GAnDCTTK. MAGNANIMITÉ. — I. Notion et matière. II. La vertu. III. Magnanimité et humilité. IV. Por­ trait du magnanime; ses défauts apparents. V. Condi­ tions de la magnanimité. 1. Notion ht matiP.hi:. — La magnanimité ou gran­ deur d’âme est la vertu qui porte l'homme à entre­ prendre des choses grandes, difllciles, héroïques et qui sont dignes de grands honneurs. En tout genre de 1551 MAGNANIMITÉ xcrtu où elle trouve à s’exercer, elle ne vise qu’au grand : les grands sentiments, les grands rôles, les grandes réalisations sont de son domaine propre. Sa maxime est la maxime formulée par Bossuet et qu’il applique au grand Condé : « Dans les grandes actions, 11 faut uniquement songer A bien faire et laisser venir la gloire après la vertu. » Elle s’évertue, en effet, A mériter l’honneur plutôt qu’elle ne le recherche; l’hon­ neur pour clic est moins une fin qu'un résultat, une récompense. La matière de la magnanimité, au rapport de saint Thomas, ce sont les honneurs, et les grands honneurs. C’est que, panni les biens qui sont A l'usage de l'homme, A savoir les choses extérieures, il n'en est pas de plus grand. L'honneur n’est inférieur qu'à la vertu dont il est très proche, puisqu'il est son témoignage même; l’honneur appartient de droit aux plus grands et sur­ tout à Dieu; l’honneur est coté si haut que pour l'ob­ tenir ou pour éviter de le perdre, on sacrifie tout le reste. La magnanimité donc ne s'embarrasse pas des petits rôles ou des rôles moyens, et l’application à de médiocres entreprises non plus que la poursuite d'honneurs mesquins n'ont pas reçu de nom spécial. S. Thomas, Sum. theol., 1 !<-! 1*, q. cxxix, a. 1, ad 2^m. IL La vertu. — La magnanimité maintient dans l'homme la poursuite du grand au niveau du raison­ nable. Et dans ce besoin de l’ordre consiste précisé­ ment la vertu de ce nom. Par exemple, clic empêche que le magnanime présume jamais de scs moyens, ou qu’il aspire aux honneurs pour eux-mêmes, ou encore que, par défiance de ses forces, il renonce à scs entre­ prises. Si parfois la magnanimité méprise les hon­ neurs, c’est en ce sens qu'elle ne se permet rien de bas pour les obtenir, ou qu’elle en fait peu de cas. Le mépris des honneurs serait blâmable s'il accusait une paresse de les mériter par quelque grande action. Mais le magnanime n'encourt point ce reproche; car il s'applique en tout ά bien faire, à faire grand sans exagérer pourtant l’importance de l’honneur humain. Ibid., a 3. Il semblerait que la magnanimité ne fût qu’un fais­ ceau de vertus plutôt qu’une vertu spéciale. 11 n’en est rien. Chaque vertu a son objet et sa fin propres; elle a de même sa louange particulière. La magnanimité ce propose une façon de bien moral tout à fait spé­ ciale, et, par l’accomplissement de grandes actions, clic s'élève à ce qu’il y a de plus grand en matière d'honneur. Lors donc qu’elle s’applique aux autres vertus, ce n'est pas précisément en leur forme spéci­ fique et à cause de leur bonté particulière, mais parce qu’elle entrevoit en chacune d'elles une excellence à part, une possibilité de faire grand. A l’occasion, elle sera bienfaisante, juste, véridique, patiente dans les épreuves, non pour le motif de ces vertus particulières, mais par noblesse et grandeur d’âme; car elle estime que, s’il est beau de donner, de rendre au delà de ce qu'on a reçu, il est honteux de s'attacher aux biens extérieurs ou de craindre la souffrance et les ennuis à ce point qu'on veuille à cause d'eux manquer de justice, mentir ou se plaindre lâchement. Bref, la ma­ gnanimité ne se confond pas avec les autres vertus, mais elle y excelle et les rend plus grandes. Ibid., a. 4, ad 2a,n. La magnanimité n’est nulle part mieux préparée à son rôle que dans l'ordre surnaturel et chrétien. La vertu naturelle ou païenne de ce nom, s'adonne à des choses qui sont grandes humainement et qui méritent de l’honneur devant les hommes. Celle qui s’inspire de l’Evangile a un horizon large comme le Ciel, une élévation transcendante comme ce qui dépasse la terre et scs objectifs, clic dispose aussi d’encourage­ ments, d’exemples et de forces d'une portée surhu­ maine. elle conduit enfin A une perfection et ù des 1552 récompenses d'ordre divin. N'est-ce pas sur le terrain de la magnanimité chrétienne qu’on rencontre ce> vrais grands hommes que sont les saints? N'est-ce point là de même, qu'on s'exerce non seulement à de grandes austérités, aux grands travaux de l'aposto­ lat et de la bienfaisance, à la patience dans de grandes souffrances, mais encore à des œuvres plus communes, quoique grandes incontestablement aux yeux de Dieu, et qui mettent en réputation devant Lui? D’une ma­ nière habituelle, il semble convenable et digne pour une Ame créée A l’image de Dieu, munie des grands secours de la grAcc, encouragée par de grandes récom­ penses et sollicitée par de grands exemples, de s'appli­ quer A des actions hautes et généreuses et qui méritent une grande gloire en la compagnie de Dieu et des anges. La vertu de magnanimité est partie intégrante de la vertu de force. Voir Force, t. vi, col. 537, 538. Elle a ses contraires qui sont la pusillanimité, pnr défaut, la présomption, l'ambition et la vaine gloire, par excès; voir dans les articles qui suivent : Pusillani­ mité et Présomption et dans les articles parus : Am­ bition et Gloire (Vaine), t. i, col. 940-941, t. vî, col. 1429-1431. III. Magnanimité et humilité. — La magnani­ mité, dont le propre est de porter en haut, d’exalter, serait-elle contraire A l'humilité qui incline A descen­ dre, A mettre en bas? L'opposition n'est qu'apparente, fait observer saint Thomas, et les mouvements con­ traires de l’une et de l’autre procèdent simplement d’une diversité de vue. On trouve chez l’homme des grandeurs qui lui viennent de Dieu, on y trouve, par contre, des misères qui proviennent de l’infirmité de sa nature. Tour A tour donc, le magnanime exalte en sol les dons de Dieu, et se propose d'en faire un noble emploi, tout A tour, il s’abaisse et s’avoue A soi-même son fond de misère. Ces vues l’inspirent et le dirigent dans ses rapports avec autrui. Il sait reconnaître cl magnifier dans les autres ce qui vient de Dieu, et le comparant avec ce qu’il tient de soi, il n'a pas de peine A se mettre et A se tenir au-dessous d’eux. C’est la démarche même de l'humilité. Il remarque pour­ tant ce qui leur manque, et, sous cet angle de leurs défauts, il en fait peu de cas. Jamais d’ailleurs, il ne les porte si haut dans son estime que pour eux il con­ sente A quelque chose d’incorrect ou d’indigne. Ibid., a. 3, ad 4”η. IV. Portrait du magnanime; ses défauts appa­ rents. — Comme les pensées et les sentiments de l’âme déterminent assez souvent les attitudes corpo­ relles, le magnanime a sa physionomie extérieure. Aristote lui attribue des allures lentes, une voix grave, une parole posée. Les grandes choses qui font l’objet de la magnanimité sont en petit nombre, elles sont de poids et requièrent beaucoup d’attention : d’où la contenance du magnanime, son air rassis, ses gestes plutôt rares, tout un ensemble qui révèle une Ame sereine, sans passion ni fièvre. A ces traits, on recon­ naît la magnanimité en exercice, on devine même la disposition naturelle qui y prépare. Ibid., a. 3, ad 3,m. Facilement le vulgaire reproche au magnanime des défauts, mais plutôt apparents et qui tiennent A son élévation même. 11 lui fait un grief, par exemple, d’ou­ blier les bienfaits dont il a été l'objet. 11 serait plus exact de dire qu’il n’aime pas recevoir d’un autre, A moins qu’il ne soit A même de rendre au delà de ce qu’il a reçu. 11 tend à exceller en matière de recon­ naissance comme en tout le reste. On entend dire encore qu’il est oisif et lent à l'action; ce n'est pas qu'il néglige d’agir dans les choses qui sont A son niveau, mais il faut penser qu’il n’entre pas volontiers dans les vains soucis du grand nombre. S’il parle, objecte-t-on toujours, il semble que ce soit avec peu de simplicité. Mais c'est seulement dans scs rapports 155.3 avec la foule â qui il ne peut découvrir sa grandeur d’âme. Avec ceux qu’il ne dépasse pas trop, il commu­ nique librement; sa réserve avec l’homme moyen est plutôt prudence que manque de vérité ou de bonté. Il se montre peu familier, si ce n’est avec scs amis; il est plutôt tlislant avec tous les autres, d’aucuns pré­ tendent qu’il n'est pas sociable. La vérité c’est qu’il sait vivre avec tous, petits et grands, dans la mesure convenable; s’il évite de sc mêler indistinctement au commun, c’c.st pour ne point partager scs petitesses d’âme. Enfin, on lui reproche, de négliger ce qui est utile au grand nombre, de ne point servir assez l’inté­ rêt de tous. Il est vrai qu’à l’utile simplement dit, il préfère le bien tout court ou l’honnetc. C’est encore une suite de sa grandeur d’âme. Ibid., a. 3, ad 5U ". V. Conditions de la magnanimité. —Saint Tho­ mas fait observer enfin que la magnanimité requiert pour s’exercer certaines conditions favorables : la confiance, la sécurité, cl même, quoique pas nécessaire­ ment, les biens de la fortune. En premier lieu, le ma­ gnanime a besoin de compter sur Dieu, qui est l’ins­ pirateur et le promoteur de scs grandes œuvres. Mais il faut, en outre, qu’il attende beaucoup de soi et des autres. Il espère donc en sol, parce qu’il sc sait à la hauteur des grandes choses qu’il médite et entre­ prend; il espère aussi dans les autres comme en ses instruments, parce qu’il a éprouvé leur amitié, mesuré les ressources qu’il s’en promet. C’est la confiance dont a besoin le magnanime. II lui faut encore la sécurité ou tranquillité de l’âme du côté de tous les vains soucis que provoque la peur, qui minent l’espoir du succès et d’où pourrait naître le découragement. Les biens de la fortune, tels que la richesse, la puis­ sance, les amitiés, etc., ne sont pas indispensables au magnanime; Ils lui sont pourtant très utiles. Car, la multitude estime et honore plus volontiers ceux que favorise la fortune. Au .surplus, les choses extérieures sont pour la vertu de magnanimité de puissants moyens d’action. Ce n’est pas que la grandeur d’âme ne puisse sc rencontrer privée de ces divers appuis, Isolée et pauvre. Mais ce n’est point la situation nor­ male. Il sufHt au magnanime qu’il garde vis-à-vis des avantages extérieurs son indépendance; qu’il les estime non d’un grand prix, mais simplement utiles. S’il les possède, que ce soit sans en être grisé, s’il les perd, que ce soit sans amère tristesse. Et surtout qu’il ne fasse rien pour les acquérir qui soit indigne de lui. Ibid., a. 6, a. 7, a. 8. Ajoutons, cl ceci par manière de conclusion pra­ tique : la magnanimité n’est pas la vertu du grand nombre, mais seulement de quelques privilégiés. Cependant puisque toutes les vertus sont connexes, et qu’on ne peut avoir l’une sans être en puissance dispositive des autres, il importe d’entretenir en soi la volonté générale du bien, que renferme la vertu de prudence, et le don de la grâce. Ibid., a. 3, ad Suint Thomas, Summa theologica, lin 11«·, q. cxxix ; Bail, La théologie affective, Paris, 1855, t. m, p. 358-301; A.-D. Scrtlllnngcs, /xi philosophie morale de saint Thomas d*Aquin, Paris, 1916. p. 420-127. A. Thovvenix. voir Hypnotisms, t. νπ, col. 357. MAGNI Valérien, frère mineur capucin (1586- 1661).— Ce personnage est, sans conteste, une des figures marquantes de l'histoire religieuse des divers pays qui composaient le Saint-Empire, dans la pre­ mière moitié du xvn· siècle. Son histoire n’a pas été écrite et la tâche serait délicate, à cause de scs démêlés bien connus avec les membres de la Compagnie de Jésus, dont quelques-uns fournirent à Pascal les élé­ ments de sa quinzième Lettre Provinciale. Nous DICT. DE T1IÉOL. CAT1IOU Ι55ί n’avons pas à les discuter id et nous nous bornerons au simple exposé des faits, autant que ce sera néces­ saire. Le P. Magnl eut des torts que nous ne cherchons pas à nier. Scs qualités éminentes étaient gâtées par un sentiment excessif de sa personnalité, qui lui fai­ sait rechercher les éloges et ne lui permettait d’ac­ cepter ni l’insuccès, ni la contradiction. Homme véri­ tablement supérieur, il eut de petits côtés, et si les volumineux dossiers qui le concernent aux archives de la Propagande et du Vatican renferment un grand nombre de belles pages, ils en conservent malheureu­ sement trop d’autres, que l’on voudrait effacer pour l'honneur de sa mémoire. Il a été exalté outre mesure, et rabaissé plus qu’il ne convenait; la vérité serait dans un juste milieu qu’un écrivain im­ partial pourrait seul établir. Le rôle politique du P. Magnl ne rentre pas dans le cadre du Dictionnaire, nous n’avons à nous occuper que du philosophe et du théologien. Il fut surtout un vaillant adversaire des protestants, et les attaques, dont il a été l’objet de leur part, démontrent qu'ils ne le tenaient point pour un adversaire de minime importance. L Vie. — Maximilien Magnl naquit à Milan, le 15 octobre 1586, d’une famille noble, originaire du Erioul. 11 était encore enfant quand son père sc trans­ porta à Prague, où l’appelaient des intérêts de famille. Adolescent, il fréquentait le couvent des capucins, et, deux ans après, le 25 mars 1602, il revêtait l’habit franciscain et prenait le nom de Valérien de Milan. Une fols prêtre, il est envoyé à Vienne, en qualité de lecteur de philosophie et de prédicateur de langue ita­ lienne; bientôt, on en parle à la cour et l’empereur désire l’entendre. En 1616, Sigismond III demande des capucins pour les établir en Pologne. Le P. Valé­ rien est choisi pour cette mission, et le roi en est si satisfait que l’année suivante il l’envoie à Home, pour y traiter en son nom des moyens d’assurer la défense de la foi. par la coopération à la croisade contre le Turc, dont son confrère, le P. Joseph du Tremblay était l’apôtre. La guerre vient contrarier les projets du monarque cl il ne pourra les réaliser que dix ans plus lard; aussi, le Père reprend à Vienne le cours de ses leçons. La question des passages de la Valtcline ne tarde pas a troubler les relations des États qui prétendaient y avoir des droits (1621) et l’empereur députe notre capucin à Paris, pour y négocier cette affaire, dont 1a solution sc fera attendre. A son retour, il est placé à IJnz comme maître des novices, puis a Prague, où il enseigne de nouveau la philosophie. L'archevêque, qui sera bientôt le cardinal d’Harrach, le choisit pour confesseur et en fait son conseiller et son théologien. En 1621, il est élu provincial de son ordre pour la Bohême. l’Autriche et la Moravie, mais, au bout de deux ans, il renonce à sa charge, sur un désir de la Congrégation de la Propagande, qui l’éta­ blit supérieur de la mission contre les protestants en Bohème et l’attache au cardinal de Prague, pour tra­ vailler à la réforme de son immense diocèse. Entre temps, il sc consacre avec ardeur à la prédication et à la conversion des protestants, et c’est dans ce but qu’il publie son premier traité, De acatholicorum regula credendi, Prague. 1628. A celte époque surgit une nouvelle question qui menace la paix de l’Europe, celle de la succession de Mantouc et de la possession du duché de Montferrat. C’est encore le P. Valérien que l’empereur envoie à Pignerol, où il se rencontre, au mois d’avril 1630, avec Bichelieu et le P. Joseph; quelques mois plus lard, les deux religieux sc retrou­ veront nu célèbre congrès de Batisbonne, à la suite duquel Ferdinand aurait dit, en parlant du capucin français, · que tout étroit qu’était son capuchon, il avait su y faire entrer six bonnets électoraux ». Amené par l’un ou l’autre des princes électeurs, le P. Magnl IX. — 50 *Γ ·, 1555 MAGNI reviendra souvent à Batisbonne, au moment des diètes d'Em pire. 11 était à Prague, vers la lin de 1631, quand la ville (ut investie par les troupes protestantes du duc de Saxe, et il s’employait avec succès à main­ tenir le moral des catholiques. L'année suivante, il travaillait à assurer la couronne de Pologne à Ladis­ las IV, ills de Sigismond; aussi, le nouveau roi l'invitait-il aux fêtes de son couronnement et obtenait, .3 juillet 16.34, qu’il vint sc dépenser dans son royaume. En récompense de ses services, Ladislas demandait pour lui au pape le chapeau de cardinal, par une lettre que celui qu'elle concernait cul la petitesse de laisser imprimer (dépêche du nonce a Varsovie, 7 avril 1636, ms. Barber. lai. 6ô96), avec la relation qu'il avait envoyée à la Propagande des événements de Prague pendant l’occupation : Epistola... in qua nar­ ratur status fidei catholica’ in civitate Pragensi, quo tempore occupabatur a Dace Saxonite, in-Ie, s. I., 1636. On veut qu'un peu plus lard, après qu’il eut négocié son mariage avec une fille de l’empereur, 1637, Ladis­ las ail renouvelé sa demande, qu'appuyèrent et l’em­ pereur et le roi d'Espagne; mais sans plus de succsè, le pape 'motivant son refus sur ce que le P. Magni n’était point sujet du roi de Pologne. L’archevêque de Prague l’ayant réclamé, il était revenu dans cette ville en 1636, pour retourner ensuite en Pologne sur les instances du roi, auquel on l’accordait pour un an, nu mois de janvier 1638. Pendant celle année, il va jusqu'à Dantzig, ou il préparc la conversion d’un ministre fameux, Barthélemy Nigrinus, qui se décla­ rera catholique trois ans plus tard, après de nouveaux entretiens avec Valéricn. De retour dans sa province, il profite de son repos pour rédiger les réponses aux ministres, qui ont attaqué son traité sur la règle de foi. Il aurait voulu n’avoir d'autre occupation que celle de la composition de scs ouvrages de philosophie, qui. écrivait-il le 23 mars 1611, causeraient une telle admiration qu’il croîtrait en autorité pour son minis­ tère apostolique. Plusieurs fols déjà il était venu à Borne, et il aurait désiré s'y retirer, mais tout ce qu’il obtenait était d’y faire un séjour d’un an environ, 1642-1613, au bout duquel il devait retourner en Autriche et en Bohême, où nous le voyons qualifié de missionnaire apostolique dans la Saxe Électorale, la liesse, la Marche de Brandebourg et à Dantzig. De 1646 à 1648, il est en Pologne, où il fait Imprimer plu­ sieurs ouvrages. Les années suivantes, on le retrouve à Vienne et c’est de là, vers la fin de 1651, qu’un ordre de la Propagande l'envoie sur les bords du Bhin pour travailler à la conversion du landgrave de Hesse, qui le demandait personnellement. En la fête de l’Épi- I phanie, le landgrave et sa femme faisaient leur abju­ ration publique dans la cathédrale de Cologne. Le Jour même, le prince écrivait au pape, implorant sa bénédiction, cl à la Propagando pour la remercier de lui avoir envoyé le P. Valérien. Celui-ci avait com­ mencé alors un système de controverses par écrit, qu’il jugeait infaillible, et il les continua pendant toute l’année, jusqu'à ce que le nonce lui ordonnât de les interrompre, le pape cl la Propagande ne l’approuvant pas 11 publia encore quelques opuscules, dont un fort malheureux, qui ne fut probablement pas sans inilucnce sur le décret de la S. Congrégation, du 6 dé­ cembre 1655, défendant aux missionnaires de publier quelque ouvrage que ce soit, sans son autorisation. L'ardent polémiste, qui déclarait ne pouvoir se passer de la presse, ego sine usu præli inermis sum, regarda ce décret comme le visant spécialement et il s’estima victime de scs adversaires. Hentré en Autriche et réduit à ne pouvoir sc défendre que par de courts ma­ nuscrits, il finit par ne plus se contenir, et il fait paraître son Apologi i contra imposturas jesuitarum. car, pense-t-il, ce sont eux la cause de tous ses 155G malheurs. Bientôt, elle est à Home, où lui-même l’a envoyée, au mois d'octobre 1660. Le résultat no fui pas celui qu’il attendait peut-être. Au commencement de l'année suivante, il était parti pour Vienne, afin de sc justifier près du nonce. Celui-ci recevait l’ordre de l’arrêter, et, son grand âge ne permettant pas de le transférer à Home, de le faire interner. Le soir du premier février, l’auditeur de la nonciature sc présen­ tait au couvent cl, avec l’aide du bras séculier, le con­ duisait à la prison dite l'IIôpilal de l’Empereur. Scs frères en religion, scs amis intervinrent auprès de l'empereur et du nonce, ses parents se portèrent cau­ tion, et il lui fut permis de se. retirer au couvent de son ordre à Salzbourg. C'est dans la litière impériale qu’il y est transporté; le prince-archevêque lui fait le plus bienveillant accueil, mais la secousse avait été trop violente et la goutte, dont il souffrait depuis des années, remontant au cœur, ne tarda pas ù terrasser l'intrépide jouteur. Après avoir protesté n’avoir de rancune contre qui (pie ce fût, le P. Valérien mourut pieusement en baisant son crucifix, le 29 juillet 1661, dans la soixantc-quinzième année de son ftgc et la soixantième de sa vie religieuse. H. Éciurs. — Malgré cette vie errante et pleine de contrastes, le P. Valéricn a beaucoup écrit. 1° Ouvrages philosophiques. — Dans ses lettres, il parle assez souvent de ses ouvrages philosophiques, auxquels il aurait voulu pouvoir travailler à loisir. En 1641, il écrivait que deux ans auparavant, profitant d’un temps de repos, il avait entrepris un ouvrage paie immenstc difllcultatis : sistema scilicet omnium scientiarum, quæ sub latiore vocabulo philosophie et theologi · numerantur (Judicium de catholicorum regula credendi, p. 4). Le plan était vaste et celui qui l’avait conçu semble avoir été incapable d’en suivre aucun. Dans les premiers écrits où il expose sa philosophie, philosophia Valeriani, il s’attaque à Aristote. Pour lui, le Stagirite est un tyran, tyrannus est, qui premit genus humanum perniciosius ullo heresiarcha, ullove homi­ num quos tulerit udas ulla (De atheismo Aristotelis). Aussi, sc révolte-t-il contre celte tyrannie dont il veut délivrer la philosophie chrétienne. En combattant l’aristotélisme, le P. Magni ne faisait que suivre les traditions de l’école franciscaine, mais il n’appartenait pas pour autant à celle-ci. D’ailleurs, il ne se réclame d'aucune et pose plutôt en autodidacte et en indépen­ dant; il dit toujours ma philosophie. Celle qu’on lui avait enseignée ne satisfaisant pas son esprit curieux, pendant dix ans, il chercha un système, avant d’entre­ voir un peu de lumière et de sc rendre compte que, pour arriver à la vérité, il lui fallait se dégager de l’autorité qu’on lui imposait. Il donna un premier aperçu de cette indépendance dans un petit traité que Wadding, un de ses examinateurs, qualifie magis mys­ ticus quam philosophicus et qu’ailleurs il appelle opus peregrinum et obscurum, haud omnibus peruium. Il avait pour litre : De luce mentium et ejus imagine, in-12, Borne, 1612, Anvers (?)» Vienne, 1615. Nous ne pouvons mieux faire que de le citer : Sentio ac dico Lucem men­ tium, seu lumen rationis esse Deum benedictum... Quod autem lux mentium sc ipsa sit intelligibilis ab homine, ut ego sentio ac dico, id negatur ab omnibus pene theologis; cum enim ponam lucem mentium esse homini per se notam eamque esse Deum, sequitur Deum esse homini per se notum; quod negatur ab omnibus, si paucos excipias theologorum. C. î. -Son opuscule ayant été fortement attaqué, il en publiait un second, De luce mentium et ejus imagine, ex sanctis patribus Augus­ tino el Bonaventura, in-12, Vienne, 1616, où il donne simplement les textes de ces saints docteurs, sur les­ quels il s’appuie, cl qui n’étaient que brièvement . indiqués dans le précédent (’.’est sous ce titre inexact 1557 M AGNI que, dans un 1 ul tendancieux, le De luce mentium était réédité, avec un Appendix, quid sentiendum sit de doctrina Valeriani Magni ’ par un rosmlnicn anonyme, in-8®, Bologne, 1886. Valérien revient souvent sur cc principe dans scs autres écrits philosophiques, où, dit encore \\ adding, multa contra communes peripatetico­ rum opiniones ostentat. Les premiers sont de l’année 1617 et parurent à la suite de scs expériences sur le vide. Sans en avoir entendu parler, affirme-t-il, et nous n’avons pas de motif pour ne pas le croire, il avait renouvelé l'expé­ rience du tube de mercure, déjà faite par Torricelli à Florence et à Koine. Il en prenait occasion pour écrire sa Demonstratio ocularis loci sine locato, corporis succes­ sive moti in vacuo, luminis nulli corpori inha rentis, \n-8°, s. 1., Varsovie, 1617. Il y raconte son expérience, faite en présence de la cour de Pologne, et conclut en l’oppo­ sant Λ la doctrine d’Aristote, car son but en y procé­ dant, était de chercher une preuve de fait contre le péripatétisme On le contredit : il répète son expérience devant une réunion de théologiens et écrit encore quel­ ques pages, A liera pars demonstrationis ocularis de pos­ sibilitate vacui, 12 juillet et 12 septembre. Déjà le pre­ mier opuscule était arrivé à Paris, et Gilles Personne de Boberval accusait le capucin de n’etre qu’un pla­ giaire, De vacuo, narratio ad nobilem virum 1). des Noyers, du 20 septembre. Celui-ci sc Justifia, De inven­ tione artis exhibendi vacuum narratio apologetica, Var­ sovie, 9 novembre. Π répondait encore à un certain Jean Broscius, qui dans le Peripateticus Cracoviensis défendait Aristote. D’autres encore prirent la plume pour combattre les conclusions de Valérien contre les péripatéticiens. Nous citerons un professeur anonyme du Collège romain, Nonnemo, qui réplique : Magno amico experimenta vulgata non vacuum probare, sed plenum et antiperistasim stabilire, Home, 1618; Jean Fanluzzi, professeur au collège de Bologne : Eversio demonstrationis ocularis loci sine locato.., Bologne, 1648; Jacques Plerius, médecin et professeur de phi­ losophie : Ad experientiam nuperam circa vacuum, R. P. Valeriani Magni demonstrationem ocularem... res­ ponsio ex peripatetica philosophic principiis desumpta, Paris, 1648; le P. Koialowicz, S. J., sous le pseu­ donyme de Peripdklicus Vitncnsis : Oculus ratione correcüis, id est demonstratio ocularis cum admi­ randis de vacuo per demonstrationem rationis rejecta, Vilna, 1648. Quant au P. Valérien, il avait réédité scs Opuscules en un volume, Admiranda de vacuo et Aris­ totelis philosophia, in-8°, Varsovie, 1617, en y ajou­ tant quelques pages adresssées au P. Merscnnc, De atheismo Aristotelis, datées du 19 novembre. L'année suivante, il décrivait ses Experimenta de incorrup­ tibilitate aqu ·. 15 mars 1648, et, disait-il, celte seule incorruptibilité de l’eau renverse toute la physique d’Aristote. Tout en se livrant à ces expériences, il surveillait l’impression de son ouvrage Valeriani Magni, fratris capuccini, philosophia ... pars prima, in qua tractatur de peripatu, de logica, de per se nolis, de syllogismo demonstrativo, in-8°, Varsovie, 1648. Ces traités ne sont pas, comme le litre semblerait l'indiquer, réunis en un seul volume, mais ils forment autant de livrets séparés, fort difficiles à rencontrer. Dans les prolégomènes du premier. Il annonçait trois autres parties. Dans la seconde, disait-il contemplabimur Deum ejusque artem ictcrnam in qua cernitur mental iter mundus intelligibilis... Postquam demitto aciem mentis ad considera­ tionem mundi ri intentis instar idea* pr.t intellecti?... Huic parti terti c succedit quarta et postrema, quit exhibet peculiarem Dei providentiam erga genus huma­ num. Hire pars philosophiii’ nuncupatur theologia. Au lieu de suivre ce programme, il publiait ensuite Vale­ riani Magni... principia et specimen philosophia!... in-4®, Cologne, 1652. Dans cc volume, on trouve des traités nouveaux : Axiomata ad universam philoso­ phiam, Ens non /actum, Lux mentium, qui diffère du premier opuscule public sous cc titre; iis sont suivis de la réédition des Admiranda de vacuo, et de la Decas prima Soliloquiorum ad Vladislaum Quartum, déjà imprimée à Varsovie, 1648, Dans la plupart des exemplaires manque une feuille additionnelle, sur laquelle l'auteur proteste contre les fautes insupportables, errores intolerabiles, commises par l'imprimeur, qui a bouleversé l’ordre des traités sur le vide. Il les fait précéder d’une courte réponse à une objection qu'on lui avait peut-être faite, Quaes­ tio ; Utrum lumen productam in vacuo detrahat crea­ tionem Deo et miracula sanctissimo eucharistia sacra­ mento 9 C'était à scs chères études philosophiques que le P. Magni consacrait les loisirs forcés des dernières années de sa vie et qu’il demandait un dérivatif à ses préoccupations de tout genre. En 1655. il avait offert à son neveu, le baron François .Magni, comte de Strasnilz, le manuscrit de sa Logique, que celui-ci fit impri­ mer. Il lui promettait alors d’écrire à son intention sa philosophie, et, en effet, quelques années plus lard, il lui en remettait le manuscrit, dont au moins une bonne moitié a été publiée sous ce litre : Opim philosophicum Valeriani Magni, in-1®, Leitmeritz. 1660. Dans cet ouvrage, inconnu aux bibliographes, comme l’édition de la Logica, il rééditait, mais en les modifiant profondément quant à la forme, les opus­ cules que nous avons indiqués. Il est divisé en deux parties : I. Synopsis philosophise Aristotelis; IL Phi­ losophia Valeriani Magni. La première sc compose de deux traités : 1. Sententia Aristotelis de Deo et mundo; 2. Sententia Valeriani de doctrina Aristotelis. Au com­ mencement du second, il pose cet argument : Philo­ sophia Aristotelis ignorat Deum esse causam efficientem mundi. Eum qui ignorat Deum esse causam efficientem mundi est impossibile habere scientiam de Deo et mundo. Ergo philosophia Aristotelis non habet scientiam de Deo et mundo. C’est le développement de la mineure qui forme le sujet du traité. La seconde partie. Philo­ sophia Valeriani Magni, renferme de nombreuses divisions et subdivisions : Logica, Melaphysica, Rudi­ mentum mathematic r, Physica, Rudimentum Pansophitr, mais le volume ne renferme que la Logique cl la Métaphysique : celle-ci comprend trois parties, Appa­ ratus ad metaphysicam universamque philosophiam. Deus, Ens creatum. Dans cc volume, nous avons en tout vingt-deux des trente-neuf traités, qui dit-on, composaient tout l’ouvrage. Les autres ont-ils paru? Nous pensons qu’il faut voir dans VOpus philosophi­ cum le livre De cognitione Dei in se et in creaturis qu’en 1658 il demandait de pouvoir imprimer. Ce litre, en effet. résume le système philosophique du P. Valérien. Son point de départ est l’idée de l’être parfait qui se présente à nous, dès que nous commen­ çons à réfléchir sur cc qui existe. C’est la connaissance de cet être parfait entHas perfecta, ens qua ens, ens non factum, qui est la lumière, grâce à laquelle notre intelligence arrive à la connaissance de l’être impar­ fait, ens creatum, car, c’est par la connaissance de la perfection que nous avons celle de l’imperfection, comme par celle de la lumière nous arrivons à celle des ténèbres, qui en sont la privation. Il va nous donner l’indication de cc qu'il regarde comme le sujet de la philosophie. Si, Théophile, mentem tuam extendas ad contemplandum id omne quod est, deprehendes Deum et mundum : deprehendes, inquam, unicam cuusain inlelligibilem ex consideratione sui effectus : ita ut Deus sil objectum intelligibile in suo effectu; Deus, inquam, m mundo creato. Porro Deus creando mundum respexit in ideam inlelligibilem, quapropter cognitio mundi idealis 1559 MAGxNI plurimum differt a cognitione mundi existentis realiter. Philosophia consistit in intellectione mundi ideatis, exactior vero cognitio mundi existentis non omnino spectat ad philosophiam sed ad historiam rerum natu­ ralium (Philosophia Valeriani, p. 3). Quelques lignes plus haut, il avait dit : Intcltigebam meum philosophari esse nil aliud quam assequi illum ordinem mediorum in fines natura-, quem noveram pncconccptum a primo intellectu. Si on lui domande quelle est sa méthode, il répondra : Adhibeo methodum compositivam, exorsus mea ratiocinia a per sc notis, et inde progredior ad occulta, occultiora et occultissima, p. 7. Dans les cinq cents pages de ce volume, il ne cite aucun auteur, de peur qu’on ne lui reproche de ne l’avoir pas compris, aussi faut-il cire philosophe soi-même pour voir ses rapports avec les écoles. Contemporain de Descartes, a-t-il lu scs ouvrages et en est-il tributaire? Jean Christian Wolf, dans sa Psychotogia empirica, pars I, sect, n, c. 2, 76. éd. Vérone, 1736, p. 27, écrit que Leibniz qui multum tribuit acumini Valeriani Magni, s’est sen i de l’un et de l’autre. Il est, à n’en pas douter, le Valerianus, que, dans une lettre à Arnauld, le phi­ losophe allemand range parmi < les auteurs chrétiens connus pour avoir écrit avec plus de liberté que les autres * cl qu’il dit avoir lus avec curiosité. Dans Aligne, Démonstrations évangéliques, l. iv, col. 1137, Paris, 1813. Pour autant que nous sachions, la philosophie du P. Magni n’a fait l’objet d'aucune étude spéciale, scs ouvrages sont devenus plus que rares et son nom est tombé dans l’oubli. Il mériterait cependant de tlxcr l’attention de quelque critique. Dans un travail récent, le P. Romuald Bizzarri, capucin de la province de Toscane, sc fondant uniquement sur le traité De hier mentium, le représentait comme un précurseur de Rosmini, Tre cappuccini precursors del Hosmini, dans liasse gna nazionale, Rome, août 1921. 2° Ouvrages théologiques. — Bien qu'à un degré moindre, nous rencontrons la même confusion dans les ouvrages théologiques du P. Valérien, consacrés surtout à la controverse avec les protestants. En 1628, avons-nous déjà dit, il avait fait paraître son premier traité, De acatholicorum credendi regula judicium, dans lequel il établit que, sans l’autorité de l’Êglise, la Bible seule ne peut sulllre pour être la règle de foi des chrétiens. Il y insiste sur ce dilemme : aul redeundum ad romanam Ecclesiam, aut recedendum a Christo. Continuel, son contemporain, qui avait eu l’occasion de le fréquenter à Prague, où il fut vicaire général du cardinal d’Harrach, portait ce jugement sur le livret en question : quem qui legerit esse lutheranum aut eliam calvinianum non possit. Theologia mo­ ralis fundamentalis, fundam. 16., edit. 2», t. n, p. 11, Koine, 1656. In ministre de l’église d’Iéna, .Jean Major, essaya une réfutation que nous n’avons pu rencontrer. Valérien lui répondit par la réédition de son livret, suivi de remarques sur l’écrit qui lui avait etc opposé, De acatholicorum... judicium nec castiga­ tum nec conjutatum a Johanne Majore Jcncnsi super­ intendente, in-12, Prague, 1631. Un Ills de ce pasteur, appelé Jean comme son père, publia pour sa défense un écrit dont nous n’avons retrouvé que le titre, Apologeticus pro parente adversus Valerianum Magnum. Au cours des années suivantes, d'autres ministres et professeurs écrivirent contre le traité de Valérien; ce furent Jacques Martini, de Dresde, Vindicia· Ecclesiulutheram· Dei gratia ab absurdis superstitionis pon­ tificia· opinionibus liberat i, contra absurdas conse­ quentias capuccini Valeriani Magni, et sententiam ejus de regula credendi, in-8°, Wittcmbcrg. 1631; Jean Botsac, d’Herford. Anlivalerianus, sive religio romanopapislica probatur non esse vera, quia regula credendi laisse innititur, contra Valeriani Magni judicium. 1560 I Leipzig, 1631; un des trois frères Slcgmann, proba­ blement Joachim, qui publia sans apposer son nom. Prévis disquisitio, an et quomodo vulgo dicti euangelici pontificios ac nominatim Valeriani Magni de acathoheorum credendi regula judicium solide atque evidenter rejuture queant’ Eicuthcropolis (Amsterdam), 1633, Londres, 1650; enfin Conrad Bergins, doyen de l’église de Brème, Praxis catholica divini canonis contra quas­ vis hareses et schismata, scu de fide catholica et Chris­ tianorum quorumvis circa illud consensu vel dissensu. Dissertationes novem... Brème, 1639. Dans cet ouvrage, Bergins attaque non seulement Valérien, mais Bellarmin et François Véron. A chacun le P. Magni adres­ sait une réponse séparée que l’on trouve dans son volumineux ouvrage Judicium de acatholicorum et catholicorum regula credendi, in-lo, Vienne, 1611. Comme le titre l’indique, il se compose de deux par­ ties; dans la première Valérien répond à scs adver­ saires et, dans la seconde, il établit la règle de foi des catholiques. Il y a malheureusement dans ce traité des arguments de peu de valeur, qui donnèrent prise aux attaques des protestants. Nous savons, par une des lettres du Père, 23 mars 1611, qu’un nouveau con­ verti du Holstein, Théodore Simons, avait publié pour sa défense D. Johann is Dotsacci anlivalerianus anda­ bata, c’est-à-dire,explique-t-il, qui combat à l'aveugle. Nous n'en avons pas trouve d’autre mention. Plus tard, sous le pseudonyme d'Ulric de Neufeld. Jean Comenlus éditait Judicium de judicio Valeriani Magni super catholicorum et acatholicorum credendi regula, sive absurditatum echo, in-8°, Amsterdam, 1611; cl l’année suivante, Judicium Ulrici Neufeldii de fidei catholiav regula catholica ejusque catholico usu. Ad Valerianum Magnum omnesque catholicos. Le P. Valéricn répondit en publiant à son tour Echo absurditatum Ulrici de Neu/etd lUcsa, demonstrante Valeriano... in-8·, Cracovie, 1616. Comcnius réédita, sous son nom, les deux ouvrages avec ce titre : De regula fidei judicium duplex : /. Qualiter a Valeriano Magno constructa juit; II. Qualiter ex intentione Dei et Ecclesiic usu construenda venit, in-8°, Amsterdam, 1658. Le P. Magni est encore pris à partie avec le P. Jossc Kcdd, S. J., dans un écrit de J. Micrael, recteur du collège royal de Stettin : Erorterung des Bekenntnüsses der Wahrheit allgemriner uralten Kirchen, a ber in der That Abjalls uom seligmachendcn Gtauben II. Ehrardts Grajj Truchsess von Wetzhausen. Nebst Anttvort auj seine I Fragstûcke, als auj die 12 propositiones Jod. Kedii, S. J., und Sophismata Valeriani Miigni, in-i°, Alt-Stctlin, 1652, dont il existe une traduction latine du même temps, Diatribe de III. C. Ehrardi... Truchsess de Wetzhausen... recognitione Ecclesiiv universalis antiqua:, Vienna·, anno 1652 facta. (2c comte Truchscss avail fait imprimer celle même année un écrit intitulé Veritas antiquic Ecclesia, que le P. Sommervogel attribue au P. Kcdd. Au même temps, Jean Conrad Dannhaucr, professeur à l'université de Stras­ bourg, faisait paraître son Gorgias Leontinus sophista in Valeriano Magno... redivivus, sive analysis judicii de acatholicorum et catholicorum regula credendi pro­ ducti a Valeriano Magno... in-l°, Strasbourg, 1652. Un de ses élèves, Jean Christophe Artopacus, en fai­ sait le sujet de sa thèse de doctoral, Gorgias sophista in Valeriano Magno capucino redivivus.., ibid. De son côté le P. Magni publiait un opuscule, auquel il don­ nait pour titre : Organum theologicum, scu regulie argumentandi ex humano testimonio, Salzbourg, 1652, puis successivement : Methodus revocandi acutholicos ad Ecclesiam catholicam, in-i°, Batisbonnc, 1653; Lux in tenebris lucens quam tenebra: non comprehendunt, Straubing, 1651. Cette année 1654 fut encore occupée par sa contro­ verse avec Herman C.onringius, professeur à Helm 15G1 ΜAGNI stcdt, esprit universel, qui avail la réputation méritée d’êlro le plus savant homme d'Allemagne* il avait publié un opuscule Fundamentorum fidei pontificia concussio, in-l°, Helmstedt. Prié de donner son juge­ ment sur cet écrit, le P. Magnl publia la Concussio fundamentorum Ecclesia catholica jactata ab II. Conringio examinata et retorta in aculholicos, Straubing. Le professeur répliqua par H. Conringii responsio ad Valerianum Magnum, pro sua concussione fundamen· torum fidei pontificia, Helmstedt. A son tour le capu­ cin écrivit une Epistola ad perillustrem... I). J. C. de Hoineberg... de responsione H. Conringii, Munich, qui amena II. Conringii responsio altera... ad Valeriani Magni epistolam nuperrimam, Helmstedt, 1655. Au mémo temps, Samuel Dcsmarcts, pasteur de l'église française réformée de Groningue, et professeur ù la faculté de cette ville, écrivait contre les deux derniers traités (pie nous venons de dire : Valeriani Magni capuccini Methodus αμέθοδος et ignis fatuus, sioe, I. examen theologicum noua methodi ab ipso nuper pro­ fusa ad retrahendos protestantes sub jugum Pontificis, II. Prévis refutatio libelli alterius quem postea sub titulo Lucis in tenebris lucentis emisit, in-l°, Gro­ ningue, 1654. La grossièreté des attaques du pasteur français dépasse de beaucoup celle de ses coreligion­ naires allemands. Déjà, il avait pris le P. Valérien à partie dans son Munimen orthodoxie: et perseverantia euangelica, contra tcnlationcs et scandalum defectionis illius ad papismum, cujus lugubre exemplum, parario Valeriano Magno capuccino, non ita pridem in prin­ cipe magni nominis Germania vidit, in- Ie, Groningue, 1652. Le prince dont il est question est le landgrave de Hesse, converti, ainsi que nous l’avons dit, Λ la suite de controverses dont il nous reste à parler. Au cours de l’année 1650, ce prince.se trouvante la cour impériale, avait désiré faire la connaissance du P. Magni et s’entretenir avec lui des questions reli­ gieuses, afin d’éclaircir scs doutes sur la confession de foi protestante. A la suite de ces entretiens, il Je con­ viait, l’année suivante, à prendre part à une contro­ verse publique, qui aurait lieu à Francfort, a laquelle il invitait les princes voisins, et dans laquelle il aurait pour opposants trois des plus fameux ministres de la région, Georges Calixte, vice-recteur de ΓAcadémie d’Hclmstcdt, Jean Crocius de Cassel, professeur à Marbourg et Pierre Haberkorn, professeur ù l’aca­ démie de Giessen. Les princes s’excusèrent et, des trois ministres, le premier prétexta de son Age pour ne point se déplacer, promettant de répondre par écrit, le second envoya une lettre insolente au land­ grave, seul, le troisième vint au rendez-vous. Le siège de la conférence avait été transporté au château de Bhelnfels, où se rencontrèrent Haberkorn, assisté de deux ministres, cl le P. Valérien, avec deux de ses confrères. Suivant la méthode imaginée par ce der­ nier, In controverse devait se faire par écrit. Dans sa lettre d’invitation, le prince avait proposé les pre­ mières questions auxquelles devaient répondre les adversaires ; les autres étaient présentées au fur et mesure, sous le titre d9 Actiones. Commencée le 11 décembre 1651, celte controverse finit le 21, les ministres s’étant retirés. On en trouve les actes dans les volumes publiés de part cl d’autre. Le P. Magnl édita les Acta disputationis habita Phein/elsa, apud S. Goarern, inter Valerianum Magnum F. Capuccinum misslonarium apostolicum et magnificum I). Petrum Haberkornium, ss. theologia doctorem et acadcmte Giessensis professorem, cum eorundem collegis... in·4°, Cologne, 1652, dont il existe une traduction alle­ mande, Die Acta der Disputation, Augsbourg, 1652. De son côté, le ministre fil paraître Vera et candida relatio actionum illarum. qua Khein/elsa, in disputa­ tione privata inibi instituta inter D. Petrum Haber­ 1562 kornium. superintendentem et professorem theologia in academia Gissenaet Valerianum Magnum capuccinum, misslonarium pontificium, cum eorundem collegis et aliis occurrerunt, in-4·, Giessen, 1652. Bientôt après, il publiait un Anti-Valerianus, i. e. refutatio duorum tractatuum Valeriani Magni..., papiste, quos vocat Judicium de acatholicorum et catholicorum regula cre­ dendi, in-l°, ibid., que suivit un Appendix actorum Rheinfelsanorum et Anti-Valeriani, id est confutatio offuciarum quas Valerianus Magnus paucissimis illo­ rum scriptorum assertionibus in actionibus nooiter emissis inepte admodum opponere voluit, in-P, ibid., 1652. II est question dans ce titre de nouvelles Actiones éditées par le P. Valérien; c’est que la dicussion continuait par écrit et l’on rencontre de ces thèses imprimées. Theologorum catholicorum ex ordine capuccinofum, actio I!, IU. IV, In-l*, Cologne, 1652, qui sont adressées aux ministres que nous avons nommés. Celles envoyées à Calixte ont été réunies avec ses réponses dans le volume publié par son neveu : Acta inter serenissimum principem... Ernestum Ilasste Landgravi um..., et Georgium Calixlum, in-4·. Helmstedt, 1681. Quant â Crocius, il imprimait : Christiana et sincera responsio ad Ernesti Hass. Landgravit litteras ad theologos Francofurtum ad collo­ quium evocatos iteratas consignata et in lucem edita. Trium hic dominorum capuccinorum ad I V de religione quæstiones, a principe Ernesto landgravio propositas, responsa, quic sub eorum nomine et Aetionis primx titulo in lucem prodiere (anguntur breviter.. , in-4·, Cassel, 1651. 11 en existe une édition allemande. Cro­ cius répondit également à V Actio secunda des capucins, Der papist ischen Theologen,... andere Handlung... ibid., 1652. Un auteur, que nous ne saurions indiquer, prit parti pour les théologiens catholiques et fit paraître un travail que nous n’avons pas retrouvé : Ostensio Croc ianx pravitatis sive vindicte contra defensionem Crocii... Mayence, 1652. Le ministre reprit la plume et écrivit sa Justa defensio chrislianx et smeerx res­ ponsionis. \d calcem ea qua: novellus quidam capucinorum patronus pro actione illorum secunda, contra ejusdem considerationem, ventate invita deblaterat, bre­ viter expenduntur atque confutantur, ibid., 1652. Au commencement de l’année 1653, le P. Valérien voyant l’inutilité de ces discussions, avec des adver­ saires qui se dérobaient aux questions concrètes, les interrompit; d’ailleurs, il avait été averti que Borne ne les approuvait point. Toutefois, pour qu’il en restât autre chose que des cahiers de quelques pages, il réu­ nissait le tout dans un ouvrage qu’il intitulait : Acta disputationis Ilhcinfeldensis continuata ex propria eufusque domo cum DD. Petro Haberkornio, Georgio Calixto et Joanne Crocio. Au volume déjà paru il ajou­ tait les différentes Actiones avec chacun des ministres, en donnant également leurs réponses. La troisième partie concernant Crocius, qui dans la Justa defensio, avait cherché à le tourner en ridicule, à propos de la partie de sa Catholicorum regula credendi, où il rap porte comme miracles des faits singuliers, racontés par Bovcrius, dans ses Annales des mineurs capucins, est intitulée Porcus evangelicus productus in spectaculum Christi fidelibus, car, écrit-il, pour justifier ce titre, Crocius en se moquant de ces miracles, id egit quod Christus vaticinatus est eventurum iis qui mittunt mar­ garitas ante porcos. On voit par là ù quel ton était descendue la polémique. Avant d’autoriser l’impres­ sion du ms., la Propagande voulut en avoir une copie, et c’est ainsi qu’elle existe dans scs archives (Lettere antiche, vol. 331.) Au grand regret de Valérien, l’au­ torisation ne vint pas; d’ailleurs, d’autres faits s’étalent produits et avaient diminué le crédit dont ii avait joui pendant de longues années. Dans une lettre du 8 février 1652 ù Georges Calixte, le landgrave 1563 MAG NI nomme plusieurs ministres qui lui avaient adressé des missives inconvenantes, à la suite de sa conversion et de la publication d’un ouvrage dans laquelle il en donnait les motifs, Motiva conversionis ad fidem... Ernesti landgravii llassiæ..., in-l°, Cologne, 1652. Il en nomme deux en particulier, Guillaume Mulsius et Hermann Ewichius. Un anonyme leur répliquait par le Cibus qiiadragestmalis ex responsionibus H. Ewichii et IV. llulsii..., in- P, Francfort, 1652 : Fusten-Speise H. Eudehii und IV. Hulsii, aux ihren Antivorlcn vorgestetlt, in-4°, Cologne, 1652. Dans son Munimen orthodoxie, p. 59, nous ne savons sur quel fondement, Desmarcts adjuge cet écrit au P. Valéricn; par contre, et avec un bon motif, il lui conteste VEpistota peremp­ toria ad G. Calixtum, in-8°, Cologne, 1651, publiée sous le nom du landgrave, qui lui est attribuée par le neveu de ce même Cnllxtc. Quand elle parut dit-ll, le capucin n'avait plus la faveur du prince qui s’était donné tout entier aux jésuites, et la Parirnesis votiva pro ejusdem anima Calix!i, ne pereat in schismate, qui fait suite à la lettre, P. Rosenthalii pirdagogismiim sapii. Il nous faut expliquer ce revirement auquel le ministre fait allusion. Dans l'actio secunda delà discussion de Rhcinfels, le P. Valéricn avait écrit : candide fatemur non extare argumentum catholicum ex sacro textu, quod inferat hanc thesim (de primatu Pontificis Romani). Quelques lignes plus bas, il corrigeait ce que cette concession pouvait présenter d’excessif : hanc thesim non quimus inferre ex solo sacro textu, siquidem in bibli is nulla fit mentio Ponti ficis Komani. Se bornant au premier pas­ sage, les ministres protestants, Jean Crocius entre au­ tres, en tiraient avantage pour combattre la primauté du pape. Ce que voyant, le nouveau converti pria son confesseur, le P. Rosenthal, S. J., de mettre les choses au point. Il le fit par un opuscule, imprimé à la hâte, sans nom d'auteur, ni lieu d’impression, Zwolf] BeIrachtungen Qber den bestûndigen Baw uuf] den Felsen,und nicht aufl den Sand, nebens ziuolfl Betrachtungen il ber etlithe der Uncatholischen Strophen oder Betrigereyen, Cologne, 1653. Le 1’. Valéricn n’y était point nommé, mais il était facile de le reconnaître. Y vit-il une vengeance des jésuites, dont il avait exigé l’exclusion des conférences de Rhcinfels, sous menace de se retirer lui-même? On peut le supposer. Toujours est-il qu’il s'offensa de cette publication, où il était représenté comme ayant écrit autrement qu'il ne con­ venait. ex ignorantia, vel inconsiderantia, aut alio ex delectu. Il adressa donc une lettre indignée à son con­ frère, le P. Bonaventure de Rüthen, qui déjà avait pris sa défense dans un écrit satirique, aujourd'hui introu­ vable. car tous les exemplaires furent saisis et brûlés en place publique, par ordre du nonce : Zwolfl Bedcncken fines Lchr-Jungen in der Ban Kunst, über zween Meister derselbîgcn Kunst, einen allen Grlechen und einen fungen Crcler, Cologne, 1633. Dans son Epis­ tola Valeriani Magni... ad R. P. Bonaventuram Ruthenum... de questione utrum primatus Komani Pontificis super universam Ecclesiam probari possit ex solo sacro textu, ln-8°, Ratisborme. 1653. dont l’impression faite en dehors de lui. disait-il. n’avait pas été pour lui déplaire, il se plaignait du procédé dont il était vic­ time. et justifiait sa thèse, telle qu’il l’avait établie. L'affaire en serait peut-être restée là si, peu après, un volume n’était paru, sous le pseudonyme de Jocosus Severus Medius, Vcrtaulich Gesprûek zivischen vier Pùpstischcn scribcnlcn als Jodoco Kcdd.rinem Jesuiten, Valeriano Magno, cinem Capucciner, Elia Schillern doctore, und dann Paulo Segero Elandro, in-12, s. 1., 1653. Avec peu de vraisemblance, puisque le P. Kcdd, S J., y était pris à partie. Valéricn accusa le P. Rosen­ thal d’en être l’auteur, tandis que, comme on ne le sut que plus lard, il avait été publié par Jean Sébas­ 1564 tien Mitternacht, recteur du college protestant de Géra. Cette nouvelle attaque renouvela tous ses anciens griefs contre hi Compagnie ; ils remontaient au commencement de sa carrière apostolique, et pour sa défense il composa un opuscule malheureux. Commen­ tarius de homine infami personato, in-12, Vienne, 1653. Deux ans après, il le rééditait à Prague avec un Appen­ dix et une Appendicula non moins regrettables. Ce fut lui qui motiva en grande partie le décret de la Propagande du 6 décembre 1655. Nous avons dit le reste. Son Apologia contra imposturas jesuiturum avait achevé de lui aliéner, ainsi qu’à ses frères, la bienveil­ lance du landgrave, déjà bien diminuée par les précé­ dents écrits, où il était souvent question de lui. Il se crut donc en devoir de se défendre, et, dans ce but, il composa un opuscule Mann muss auch den andern Theil hôren oder Abschrifft fines Schrcibens, welches cine zu Emit unterschriebenc hoch/urstl. Person, dcr Schulz-Schrifft, ivelche Valerianus Magnus... wider die beg sich cingebildetc Betrugcrcijen der Jesuiten aussgehen lussen, eblgegen gesetzt, in-12, s. I., 1661. Bien que l’auteur ail écrit en allemand, il existe en celte langue deux textes complètement différents, dont l’un semble être une traduction de l’édition latine, faite par un secrétaire du prince I lermann Becrnklaw, qui parut en même temps. Audiatur et altera pars, sen copia cujusdam litterarum R. P. Valeriano Magno... contra imaginatas sibi imposturas jesuitarum. A Ia fin est la date du 17 Juin 1661. Dès que l’impression en fut achevée, écrivait peu après le landgrave, il en envoya un exemplaire latin au prince-archevêque de Salzbourg; mais tout fait croire que celui-ci épargna cette peine suprême à son ami, arrivé à la fin de sa carrière, puisqu’il mourait le 29 Juillet. ■ Je ne sais s’il l’a vu », disait ce prince, qui n’exprime d’autre regret. Les éditions ne se comptent pas, car elles furent vraisemblablement multipliées par ceux (pii y trou­ vaient leur avantage. Pascal, dont la lettre est du 25 novembre 1656, n’avait utilisé que le Commentarius in homine infumi : les adversaires de la Compagnie ne tardèrent pas à exploiter les derniers écrits. Sous le pseudonyme de Theophilus paraissait bientôt une Defensio pro Vale­ riano Magno, in qua exponitur Ecclesiiv romanocatholicæ scandalum, id est jesuitarum hwresis seu atheismus... contra librum Audiatur cl altera pars Homo politicus accessit integer, in-12, s. I., 1661. Peu après, Christish Kort oit publiait Valerianus con/cssor, hoc est solida demonstratio quod Ecclesia romana non sit vera Christi Ecclesia, deducta ex Valeriani Magni... apologia, in-16, s. !.. 1662. Ccs publications haineuses ne pouvaient rendre qu’un mauvais service à la mémoire du P. Valéricn, qui méritait cependant une réhabilitation. Elle parut sous le titre Responsio apologetica pro R. P. Valeriano Magno... et sociis ejus capuccinis, ad libellum anno 1661 a celsissimo principe Ernesto It assi a* landgrauio editum... cui titulus erat Audiatur et altera pars, in-12. Monopoli, 1662. L’au­ teur anonyme était le procureur général de l’ordre des mineurs capucins, le 1*. .Marc-Antoine Gallido, qui défendait l’orthodoxie du P. Valéricn dans sa thèse de Rhcinfels, et celle de ses confrères, que le landgrave mettait en suspicion, et, sur d’autres points, il oppo­ sait des documents à scs assertions. A son apologie il ajoutait la Relatio veridica de pio obitu R. P. Valeriani Magni, déjà publiée dans les jours qui avaient suivi sa mort, ainsi que l’inscription fort élogicusc, que, sous le litre d'Epitaphium, lui avait dédiée le princearchevêque de Salzbourg. Le silence se Ht et le Vale­ rianus redivivus, Cologne, 1683. du P. Charles d’Hidclshcim, n’est qu’une explication de la Regula cre­ dendi. wy su‘’Kï «•Λ »L· » v. v w*; 1565 1· Sources, — Archive» du Vatican, Borghêae, I, 99, 942; If, 7, 71, 419; hi. 30. U Urn d< i Prin< ipi, 62, 64, 71; I Pt­ terr del Vcscovl, 36. — Archives de la S, C. de la Propa­ gande, 1, 3-17, 57, 59. 61, 63, 66. 67, 69. 70-72. 74-85, 37. 39. 122, 125. 211-217. 313. 323, 321, 328, 330, 332-336, 338. - Bibliothèque Vaticane, in\. Harb, lut., 6631, 6596, 6660, 6949, 7002, 7052. -- Parte, Bibl. île ΓAr*cnn J, mi. 931. 2· Études, r- Ardinghrlll, Congeminata vox torturis. Appendix, p. 30, Naples, 1633; Argclntl, Bibliotheca scrip­ torum .Mediolanensium, t.n, col. 833,2003, Milan, 1745; Bayle, Dictionnaire historique cl critique, Amsterdam, 1740; Ikriuird de Bologne, Bibliotheca scriptorum ord. f. m. capuccinorum, Venise, 1717; Bullarium ord. min. capuccinarum, t. iv, p. 181-207, Borne, 1716; Caramucl, Primus calamus, t. n, cd. 2', p. 514. Cainpagnn, 1668; The catholic encyclo­ pedia, t. ix, New-York, 1910; B. Duhr, Grsehichte der Jesuiten in den Tandem dcutschrr Zunge, t. n, p. n, Fri­ bourg en Br., 1913; P. !’Teller, Theatrum virorum eruditione clarorum, Nuremberg, 1688; Henri de S. Ignace (Liberius Candidus), Tuba magna mirum clangens sonum, t. π, 3* id., Strasbourg, 1717; Hurter, Nomenclator, 3· éd., t. in, col. 1000; Jcnn dr S.Antoine, Bibliotheca universa franciscana, Madrid, 1732; Kirchcnlexlkon, t. iv, p. 830, t. vm. p. 478; W. Kratz. iMiidgraf Ernst von Hrsscn-Hhein/els und die deutschm Jesuiten, Fribourg-en-B., 1914; Lefèvre Honoré (Fabri), Apologetica» doctrina· moralis Societatis Jesu, 2* éd., Cologne, 1672, t. i, p. 135-186; A. Mansuy, Ix monde slave et les classiques français aux NVp et XVI!· siècles : l>i question Pascal en Pologne, Paris, 1912; Morérl, Le grand dictionnaire historique, Paris, édit, de 1746, t. vi; Pèlerin do Forli, Annuli del fr. min. cappuccini, Milnn, 1483, t.n; Bichard et Giraud, Dictionnaire universel des sciences ecclésiastiques, éd. de Paris, 1825, t. xv; Boch de Ceslnnle, Storia délie missioni dei capuccini. Borne, 1872, I. n. c. xi ; Sommervogd, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, art. Rosenthal, t. vu; F. Strowskl, Pascal ft son temps, Paris, 1907 ; Vladimir de Bcrgamc, / cappuc­ cini Milan esi, Crema, 1898; Waddlng-Sbaraglin, Scrip­ tores ordinis minorum. Home, 1806; Th. White (Albius), Excslasis scientia: requisita- ad censuras in scientiis theolo­ gicis inferendas, s. !.. 1662; Zeumer, Vita· professorum theo­ logia·... qui in academia lencnsi vixerunt..., léna, 1711. P. Édouard d’Alençon. M AGN IN, Jean-Enptiatc (1670-1752), naquit à Bourg-en-Bresse, en 1670; il fit profession dans la règle de saint Benoît à l‘abbaye de Vendôme, le 23 octobre 1692, puis, il étudia la philosophie et la théologie à Saint-Denis sous la direction du P. de (icsvres; il fut un de ceux qui intervinrent dans les fameuses querelles, suscitées par la thèse du jésuite Langlois, en 1699, sous le litre : Tumulus theologitr scholastica· in thesibus Sundionysiants. Mngnin aida son maître, qui mourut en 1705, à rédiger un cours de théologie pour la Congrégation; nommé prieur d’Ainbournay, il lut délégué, en 1733, nu chapitre général, mais il fut exclu de toute délibération, par ordre de la Cour, ù cause de son opposition à la bulle ( nigenitus. Il mourut le 3 avril 1752. Mngnin n’a publié de son vivant (pie trois écrits : Noies critiques, historiques cl morales sur le Nouveau Testament, in-8°, 1719; ces notes, extraites d’auteurs célèbres, ont pour but d’expliquer le texte lui-même; il n édité la Consultation des avocats en faveur de la cause de M, Soancn, évéque de Sent:, in-1°. Genève, 1729 et VAnalyse du livre de saint Augustin : De cor­ reptione et gratta, composée par Arnauld. Les autres écrits de Mngnin sont restés manuscrits cl ils sont signalés par dom Tavsin et dom François. Ce sont : Sen h merits de religion cl de pieté, tirés des liéflexions morales du P. Qucsncl de ['Oratoire sur le Nouveau Testament, 2 vol in I·.— Bibliothèque augustinicnne on Catalogue historique des ouvrages de MM. de Port-Royal cl autres écrivains ecclésiastiques qui ont travaillé comme de concert pour la défense de TÉglise dans le dernier siècle et surtout pour maintenir la doctrine de saint Augustin sur les matières de la predes­ tination et de lagrdcc,où l’on verra J'analyse des prin­ cipaux ouvrages, quelques éclaircissements sur les M AG Y AB IE 1566 matières, .avec des remarques historiques sur les auteurs cl sur dilTércntes éditions, 2 vol. in-P. - Concordan­ tur benedidimr, seu sancti Patris Benedicti regula con­ cordia ad normam concordiarum biblicarum contexta. Panni les antres écrits signalés par Tassin, les plu» Intéressants sont : Réflexions sur les cérémonies de la Messe et sur la manière de les pratiquer avec décence; et la Description abrégée de la magnifique église, de Notre-Dame de Brou, bâtie près de Bourg-en-Bresse en 1532. Ce travail d'archéologie et d’art a été repris et publié par le P. Pacifique HousseJct, augustin réformé de la Congrégation de France, in-12. Parts. 1767. Dom Tassin, Histoire littéraire de ta Congrégation de Saint-Maur, Paris et Bruxelles, 1770, p. 691-694. notice reproduite mot & mot, par dom François, Bibliothèque géné­ rale des écrivains de l'Ordre de Saint-Benoît, 4 vol. in- P; Bouillon, 1777, t. n, p. 111-113. J. Cahkeyre. MAGYARIE, ou pays des Magyars. Le nom de Hongrois étant plus spécialement résené à l’en­ semble des populations qui formaient le royaume de Saint-Étienne, le nom de Magyarie peut s’appliquer à In I longrie qui ne comprend que des éléments magyars, les habitants parlant une autre langue n’étant plus, dans la Hongrie actuelle, qu’une intime minorité. Par l’article consacré à la Hongrie, t. vu, col. 41 sq., on connaît le nombre et la superficie des archevêchés et des évêchés de la Hongrie d'avant-guerre; le traité de Trianon a tracé de nouvelles frontières, arbitraire­ ment fixées, tant au point de vue ethnographique que géographique, politique qu'economique. Pour dési­ gner les parties de la Hongrie attribuées aux États successeurs, on peut considérer que In Slovaquie a été attribuée à la Bohême, la Transylvanie, à In Roumanie, la Croatie-Slavonie, à la Serbie, les comitats de l’ouest, â l’Autriche. Ceci amène pour la Hongrie actuelle les conséquences les plus imprévues et, pres­ que toujours, les plus désastreuses. L’Églisc catholique romaine a perdu complètement I évêchés : Nyitr.i, Bcszterczebanya. Szepes et Gyulafchérvâr. Le plus ancien archevêché, celui d’Esztcrgom. n’a conservé que quelques parties insignifiantes de son ancienne superficie et de ses revenus. Dans 5 évêchés, les paroisses ont, pour la plus grande partie, disparu avec le siège épiscopal. Sur 3310 paroisses que comptait la Hongrie, il lui en reste 1132. L’Église de Hongrie possédait de grands biens fon­ ciers, dont les revenus lui permettaient de subvenir à scs besoins; ces vastes domaines ont été attribués, pour une large part, aux Flats successeurs. La perte en est complète, irrémédiable pour l’Églisc catholique en général, parce que les lois agraires des nouveaux États sont radicales et ne permettent à un proprié­ taire. individu ou association, que la possession de 500 arpents cadastraux (un arpent 5751 ni1), faveur rarement accordée; la partie des biens laissés aux anciens possesseurs étant généralement de 20 à 30 arpents; la partie confisquée est payée iux prix d'avant-guerre et en papier-monnaie déprécié. Il n’en est pas de même en Hongrie, la propriété foncière de l’Eglisc est ménagée, la loi agraire n’en demande que le dixième. De plus, les propriétés appartenant aux Ordres religieux et aux fondations jouissent d’un Irailemenl de faveur, on ne leur demande qu'une légère redevance et seulement en cas d’absolue nécessité. On considère ces biens comme servant utilement les causes désintéressées, et lorsque ces lois lurent discutées au Parlement hongrois, les socialistes eux-mêmes, reconnaissant les services ren­ dus par les religieux, s’associèrent au vole de ces lois. Avant de faire connaître les pertes subies par l’É- 4 ï MAG Y A IU E 1567 glise de Hongrie, il est nécessaire d’indiquer celles du pays tout entier. Le traité de paix a attribué : Sup. en khn· en ·/. Habitants en ·/. 62.937 22,2 3.575.685 19,6 Bohème....... Roumanie... . 102.787 36,4 5J65.444 28,7 7,4 1.199.213 Serbie........... ... 20.956 8,2 5.055 Autriche ... 2,2 1,8 392.431 21 49.806 0,3 Flume ....... Total ... ... 191.756 67.8 10.782.579 59,0 Il reste A la 1 longrie 91.111 32,2 7.481.954 41.0 La population occupant ces territoires sc repartit comme suit, d’après In religion : Bohème Hoiimanic Serbie Autriche Cat bol. rom. . 2.113.149 1.007.603 820.920 315.664 Cnthol. grecs.. GO2.2G8 1.233.749 13.226 150 Grccs-oricn1.999 1.789.776 163.715 taut ........ 82 Calvinistes... 228.181 719.162 52.293 5.910 Luthériens... 396.504 262.732 121.847 62.453 Israélites .... 232.738 178.871 22.619 8.129 Unitaires ... 245 111 68.763 34 Divers.......... 4.188 9 598 3.409 La Hongrie a perdu : Il lu i reste Catholiques romains... 4.257.336 4.707.839 Catholhmes Arecs......... 1 819 393 158 056 L’Église catholique romaine perd à peu près la moitié de ses fidèles; néanmoins la proportion des catholiques a augmenté dans la Hongrie mutilée, elle csl de 63 p. 100 environ. Les biens ecclésiastiques attribués aux États suc­ cesseurs sont répartis ainsi qu’il suit : Biens fonciers, en arpents cadastr. Bien* appartenant Boh. Boum. Serbie Autr. aux Archevêchés ou evèchés...................... 135.749 317.638 15.318 4.863 ■ Chapitres................. G2.289 63.691 2.959 Abbayes ou prévôtés. 1.258 3 7.407 Ordres religieux....... 29.152 86 38G 8.287 — Fondations............... 30.533 58.450 156 258.981 485.173 15.563 8.208 Ces diverses fondations étaient administrées par une Commission mixte, composée de représentants du gouvernement et d’ecclésiastiques; aussi, les États successeurs ont-ils considéré ces biens comme appar­ tenant à i’État et iis les ont sécularisés, d’où perte absolue pour l’Églisc. Les comitats de l’Oucst, faisant maintenant partie de l'Autriche, sont administrés par l'archevêque de Vienne. Pour les autres régions, un administrateur apostolique a été nommé. Avec les territoires que le traité de paix a attri­ bués aux États successeurs, ces derniers sc sont trou­ ves mis en possession d’établissements d'enseignernent de tous les degrés. En considérant In partie la plus élémentaire de l’cn- 1568 scignemcnt, c’est-à-dire les écoles maternelles et les asiles (permanents et temporaires), on volt qu’ils ont été répartis ainsi qu’il suit : Écoles maternelles ■" ■ · 198 519 281 38 12 1.381 818 Bohême........ Roumanie ... Serbie............ Autriche........ Fin me........... Restent à la I longrie dont catholique* • •WW 45 21 16 8 —1 ■ 90 101 Avant la guerre, ces écoles et asiles étaient fré­ quentés par 269 852 enfants dont 1G1 281 étaient des enfants magyars et 108 571 enfants de langue non magyare. Pour les écoles primaires, on trouve les chiffres stilvants : Éc. prim, supér, Éc. pr. dont cath. Garç. Cath. Fil. Cath. Bohême ... Roumanie . Serbie....... Autriche... Piume........ 4.280 4.928 897 402 20 1.685 409 226 736 2 10.527 3.058 43 1 42 — 22 — 2 2 71 78 27 3 0 17 23 6 2 1 181 48 111 Il reste à la 92 1 148 37 Hongrie: f> 402 2 651 Pour les écoles secondaires de garçons, la Hongrie en a perdu 102 dont 12 catholiques; il lui en reste 85 dont 5 catholiques; pour les écoles secondaires de üllcs, elle en a perdu 18 dont 3 catholiques; il lui en reste 25 dont 4 catholiques. Quant aux écoles normales, clics sont ainsi repar­ ties ; Écoles normales Instituteurs dont cath. Institute, d. cath. Bohême.......... Roumanie.... Serbie .......... Autriche .... 11 8 2 1 2 3 ■ » G 11 2 3 G W ■■ 9 19 5 22 17 23 6 Reste à la 1 longrie 18 L’université de Prcsbourg sc trouve maintenant appartenir à la Bohème; la Hongrie en a créé une à Pécs, et pour remplacer celle de Kolozsvàr, devenue roumaine, une université a été fondée à Szeged. Le tableau ci-dessous donne pour les années sco­ laires 1913-1911 et 1923-1921 le nombre des étudiants scion l’objet de leurs études cl selon leur religion. Ce dernier point, sur lequel on n’a plus de chiffres offi­ ciels en France, est intéressant en I longrie où la popu­ lation est répartie entre de nombreuses religions. On constatera également les différences survenues depuis la guerre. 1913-1911 Droit Nombre des étudiants............ 5.759 Pourcentage d’après la religion : 17,7 Catholiques romains.................... 18,6 6,9 18,6 8,2 Médecine Philosophie Sc. êcon. Pharmacie Éc. Polyt. Aut. éc. sup. Total, 3.524 1.377 — 377 2.450 — 27,4 10,4 6,6 46,5 y,i 49,1 16,5 10,6 15,4 8,4 — » — — — 35,8 15,9 10,9 30,5 6,9 40,3 12,1 8,9 33,3 5,4 —— — — — — 13.487 1569 Μ Λ G Y Λ K I Ii 1570 1923-1924 1.829 1.155 3.015 2.101 4.076 376 16.112 Nombre des étudiants.......... .. 3.857 0/ O//Q 0//o or % Religion : % A> % /0 % 62,0 56,0 51,6 59,5 58,6 57.2 62,5 58,2 Catholiques romains....... ..... 18,2 21,6 19,4 19,0 18,7 21,5 20,0 21,8 Calvinistes..................................... 10,9 8,9 7.2 10,9 Luthériens..................................... 8,4 9,1 8,2 7,3 10,6 8,0 2,5 9,9 18,7 8,9 12,0 7,7 Israélites..................................... . 2,6 2,7 2,9 3,0 Divers............................................ 3,1 3,1 5,1 1.6 conservé G maisons en Hongrie. Trois maisons sont Une mesure, le numerus clausus , a été prise pour limiter le nombre des étudiants Israélites aux uni­ passées à la Bohême avec 42 religieux, elles forment, versités; il est proportionnel au chiffre de la popula­ avec les établissements qui s’y trouvaient déjà et ceux détachés de l'Autriche, une vice-province. Une tion, mais sauf dans les écoles spéciales, il dépasse maison est restée en Transylvanie avec H religieux. néanmoins le chiffre de 6 p. 100 fixé par la loi. l.a Hongrie mutilée a conservé 51,2 % des Israé­ La Hongrie a conservé 223 religieux, coadjuteurs, lites-qui y habitaient avant la guerre. novices, etc. I.cs jésuites possédaient une maison à I.cs écoles catholiques dépendant du gouvernement Nagybccskcrck, territoire dépendant de la Serbie, ils sont subventionnées sur le · fonds de religion » pro­ l’ont complètement abandonnée. venant du produit des biens confisqués,en 1773, par I.cs frères des écoles chrétiennes ont été contraints Marie-Thérèse aux jésuites et aux autres ordres reli­ de quitter leur établissement de I.ovattom, relevant gieux, il y a aussi un certain nombre d’écoles indépen­ de l’État, et où ils donnaient l'enseignement aux dantes. I.cs écoles secondaires de filles sont dirigées par enfants abandonnés. I.e gouvernement leur a donne des religieuses. En Slovaquie, les écoles secondaires un autre établissement en Hongrie, où ils ont ainsi ont été laïcisées et les religieux expulsés. En Transyl­ I maisons; leurs autres maisons ont été réparties vanie, les écoles catholiques sont devenues écoles de entre les Étals successeurs : deux a la Bohême, une l'Élal roumain; les anciens maîtres ne peuvent plus a la Roumanie et une à l’Autriche. enseigner, même s’ils ont opté. L’enseignement du Les piaristes forment un ordre enseignant fort im­ catéchisme est obligatoire en Hongrie, dans toutes les portant; à Budapest, où se trouve la maison mère, il y écoles, sans exception. En Slovaquie, il est facultatif. a un établissement pour la formation des maîtres, il En Croatie-Slavonie, il est obligatoire jusqu’à la reste 11 maisons en Hongrie. Les quatre établisse­ 6· classe de l’école secondaire. En Transylvanie, le ments d’enseignement situés en Slovaquie ont etc catéchisme est enseigné. confisqués par l’État tchèque et laïcisés. En Rou­ L'Église catholique-grecque et l'Église grecquemanie, 5 établissements ont été fermés. En Serbie, orientale ont perdu à peu près tout ce qu’elles possé­ l’école secondaire. l’unique école catholique, a été daient en Hongrie. L’évêché catholique grec de transformée en établissement d’Élat; les piarisles Hajdu-Dorog a conservé son siège épiscopal et ont complètement quitté le pays. Sur 326 membres. 79 sont en Slovaquie, 1S en Bohême, et il reste en <83 paroisses, il en a perdu 80. Les évêchés d’Eperjes, de Munkâcs et de Nagyvârad ont conservé 21 pa­ Hongrie 291 piaristes, où ils ont 1.800 élèves, tandis roisses en tout. qu’il y en a 2.438 en Roumanie» L’Église grccquc-orientalc de Buda a conservé Les franciscains exercent une très grande influence 12 paroisses sur 49. Les évêchés d’Arad. de Ternes vùr sur le peuple; les 53 maisons qu’ils possédaient en et de Bâcs ont conservé en tout 27 paroisses; ceux Hongrie sont réparties entre cinq États; de même de Verseez, de Karansebes et de Transylvanie n’ap­ pour les 17 maisons des frères mineurs. partiennent plus à la Hongrie. Des 5 maisons des dominicains, 3 sont restées à la I.es Ordres religieux avaient des maisons réparties Hongrie, une est en Autriche, une en Slovaquie. surtout le territoire de la Hongrie, ce qui explique Les frères de la charité qui se consacrent aux soins que, par l'application du Traité de Trianon, bon des malades dans les hôpitaux, ont conservé deux de nombre de ces maisons situées en Slovaquie, en Tran­ leurs plus importants établissements en Hongrie, un hôpital est en Autriche. 3 en Transylvanie, 3 en Slo­ sylvanie, en Croatie-Slavonie, sont aujourd’hui en territoire étranger. vaquie. Les lazaristes ont un établissement à Buda; ils Les bénédictins ont conservé, en Hongrie, l’archiabbaye de Pannonhalma, avec une faculté de théo­ avaient une maison très prospère à Orsova; ils ont dù logie, plus les abbayes de Bakonybél, Tihùny, Dœ- l’abandonner à la Roumanie; les religieux se sont mœk et Zalaviir. Ils ont neanmoins subi des perles, fixés en I longric et ils vont créer une maison à Buda­ ainsi sur 7 écoles secondaires, 1 située en Slovaquie pest pour y organiser des cours de français. est sous la domination tchèque; 25 paroisses, 3 situées Pour un certain nombre d’ordres moins importants, en Slovaquie sont sous la domination tchèque; les religieux ont subi plus de trouble dans leurs orga­ nisations que de perles importantes; il leur a fallu 18.294 catholiques, 3.000 restés en Slovaquie sont sous la domination tchèque; sur 216 religieux, créer de nouvelles installations, déplacer un grand nombre de religieux, les Étals successeurs n’admet­ 12 restés en Slovaquie sont sous la domination tant pas de « sujets étrangers » dans les établissements tchèque; sur 2 370 élèves, 133 restés en Slovaquie sont qui subsistent encore. Les dommages subis par les sous la domination tchèque. Ar* prémontrés ont perdu leur maison principale de ordres religieux varient selon que leurs maisons lâszô et celle de Lclesz. qui sont passées à la Bohême; étaient plus nombreuses au centre du pays ou à la il en est de même de 2 écoles secondaires, confisquées périphérie. En 1910, on comptait en Hongrie 5.150 religieuses cl laïcisées; 8 paroisses, avec 12.000 fidèles et 31 reli­ gieux sont restées en Slovaquie; 2 paroisses, avec sur lesquelles 2.848 se consacraient à renseignement 3 200 fidèles et 1 I religieux, sont restées en Transyl­ et 1.862 au soin des malades. Pendant le régime de la dictature du prolétariat, vanie, 2 seulement sont en 1 longric, avec 2.900 fidèles les religieuses eurent beaucoup à souffrir, surtout les cl 23 religieux. Les prémontrés ont fondé un nouvel filles de la charité, pourtant fort populaires en Hon­ établissement en I longric, près de Budapest ; il compte grie; elles furent molestées par les bolcheviks, chas­ 298 élèves. Les jésuites dont lu résidence est à Budapest ont sées des hôpitaux et des œuvres de bienfaisance 1571 MAGYABIE — MAHOMET ET MAHOMÉTISME quelles dirigeaient, cl même de leurs couvents. Nom­ breuses furent les religieuses qui sc réfugièrent en Pologne; la tourmente passée. on les rappela» mais beaucoup ne revinrent pas. Les filles de la charité ont une maison mère à Budapest ; elles ont mainte­ nant en Hongrie 89 maisons, avec 1.211 religieuses. Elles ont perdu : En Slovaquie 30 maisons, avec 260 religieuses. En Transylvanie 10 maisons, avec 105 religieuses. En Autriche 2 hôpitaux, avec 20 religieuses. Dans la province de Szatmôr. dont le siège situé en Transylvanie dépend aujourd'hui de la Roumanie, ces religieuses possédaient 57 maisons dont il ne reste en Hongrie qu’une vingtaine. Zzs ursulines ont dû abandonner 3 maisons ù la Bohème dont celle de Prcsbourg qui comprenait une école normale d’institut rices, cl 2 à la Boumanie. Il leur restait 2 maisons en Hongrie; clics viennent d’en fonder une à Budapest, avec école secondaire de jeunes filles; elles y emploient les religieuses expul­ sées des États successeurs. Les dûmes anglaises, consacrées exclusivement à renseignement, avaient 4 maisons; une est restée en Slovaquie, l’enseignement y est donné par des reli­ gieuses tchèques et slovaques. Pour employer les religieuses expulsées, il a été fondé une maison à Kccskemét. Les religieuses du Saint-Sauveur, dont la maison mère est à Sopron. a valent 58 maisons; elles ont dû en abandonner 8 à la Bohême. 2 à la Serbie, fi à l’Autriche. Elles ont fondé 5 nouvelles maisons dont une avec école secondaire; elles ont à Budapest un établissement pour les jeunes filles suivant les cours de Fünlvc nlté* Les religieuses françaises de Notre-Dame de Sion, installées en Hongrie depuis la loi de séparation, ont conservé leur maison à Budapest; elle comprend 35 religieuses, avec 180 pensionnaires environ; elles viennent de fonder une nouvelle maison, consacrée également à renseignement du français, mais par des cours seulement; il y a 5 religieuses pour 300 élèves. Les religieuses du Sacré-Cœur ont 2 maisons à Budapest. Les pelites saurs des pauvres en ont une. D’autres congrégations, dirigeant des écoles, des nôpitnux, des orphelinats, etc., ont également perdu une partie de leurs établissements. Bibliographie.— Statistiques communiquées par le Minis­ tère l'infâme probabilisme » cl le molinisme « ce cancer qui ronge les entrailles de l’Église ·. L’évéquc de Vannes, M. de Dausset, con­ damna l’ouvrage de Mahé comme empreint de jansé­ nisme et les fonctions d’aumônier du collège furent retirées à l’auteur. Mahé ne publia plus que des tra­ vaux d’archéologie locale, panni lesquels il faut citer ici V Essai sur les antiquités du Morbihan, in-8°, Vannes, 1825. La partie la plus intéressante, au point de vue religieux, est consacrée aux superstitions popu­ laires, dans lesquelles les contes de sorciers occupent une place importante. Les études du folklore y trou­ veront des documents capitaux qu’il faudrait d’ail­ leurs critiquer avec soin. Michaud, Biographie universelle, t. xxvi, p. 60-61;. Hœfcr, Nouvelle biographie générale, t. xxxn, col. 719; Ami de la religion, 10 janv. 1821, t. xxvi, p. 257-263 cl du 1 août 1821 t. χχνιυ,ρ. 392-393; Levot, BiographiebrMadlnat-an-nablou plus simplement Madina, dont nous avons fait Médine. C'est ce qu’on a appelé Γ Hégire. Il entreprit aussitôt de combattre ses compatriotes réfractaires à scs doc­ trines et de ramener par la force ceux qu’il n’avait pu conquérir par la persuasion. 11 y réussit, cl quand il mourut en 632, il était maître non seulement de la Mecque et de Médine, mais de toute l’Arabie, et médi­ tait de nouvelles conquêtes que scs successeurs de­ vaient réaliser. 2° Telles sont les données traditionnelles de la bio­ graphie de ce personnage. Mais les orientalistes mo­ dernes en ont fait une sévère critique. Le P. Lain mens a montré comment la sira ou biographie du Prophète avait été fabriquée avec les données, d’ailleurs fort restreintes, que fournit le Coran, livre où sont consi­ gnées les révélations du dieu arabe Allah ù son envoyé, faites par l’intermédiaire de Gabriel. Interprétées, développées et remaniées au gré de la fantaisie orien­ tale, elles ont formé un ensemble imposant en appa­ rence, mais qui s’cITritc rapidement sous les coups delà critique. Ainsi, la date de la naissance de Mahomet est fort suspecte. Il «Ht dans le Coran qu'au moment où il annonce sa doctrine, il a déjà un ûgc 'umur, expres­ sion bien vague que les commentateurs estiment à quarante années. Comme il est moi l dix ans après l’hégire qui partage en deux sa mission, division qu’on retrouve dans scs révélations dont les unes sont dites de la Mecque, donc antérieures à l'hégire, les autres de I. VIE DE MAHOMET. - I 1573 MAHOMET Médine donc postérieures, on n été amené, par esprit de symétrie mais fort arbitrairement, à lui donner 10 ans de mission avant comme après cette époque, ce qui Je fait naître vers 570 ou 57 ί. Ici le est l'origine de cette date, comme I’a bien prouvé Je P. Lamrncns. .l’ajouterai qu'elle a trouve plus tard une corrobo­ ration inattendue quand les astrologues persans se sont avisés d’y voir une coïncidence providentielle avec une conjonction de Jupiter et de Saturne dans certains signes du Zodiaque qui annonçait que la domination (de l’Orient) devait passer des Perses aux Arabes. D'après un astronome moderne, cet événe­ ment stellaire a dû se produire le 28 août 571 ; d’après un autre, le 30 mars de cette même année. En se ser­ vant des indications des historiens arabes, on fait naître Mahomet en avril 571 ou en août 570. En réalité, nous n’en savons rien. Le nom de Mohammed a été contesté. Hirschield pense que c’est la traduction arabe du nom de Bahlra donne parles Arabes Λ un prêtre nestorien qui aurait reconnu le premier la vocation du futur prophète. Pour lui, les versets du Coran oû se trouve ce mot sont interpolés. Le véritable nom aurait été Kutûm. Les traditions musulmanes prêtent au Prophète un grand nombre de noms : d’abord ceux qui se rattachent à la racine arabe hmd louer, glori lier, à savoir : Muham­ mad, Ahmad, Mahmoûd, puis d’autres comme Moustafâ, et des .surnoms comme al Mahî, al Hâchir, Nabi al malhama, Nabi ar rahma, etc. Tout cela est bien étrange. Il serait trop long de poursuivre ici cet te cri tique, elle s'applique à tout ce qui précède l’hégire, seule donnée qu'on doive accepter comme vraiment historique; les événements qui suivent cette époque peuvent être également acceptés comme tels, sauf de légères restric­ tions pour quelques détails tendancieux. IL Jugements sun Mahomet. — Dans ces condi­ tions, il est bien difficile de juger l’hnrnme autrement <(uc par son œuvre, c’est-à-dire l’islam tel qu’il l’a conçu, fondé, et, sauf quelques réserves, tel qu’il s’est comporté immédiatement après lui, avant qu'il n'ait subi les altérations dont nous parlerons plus loin. 1° Sincérité. I ne question se pose : Mahomet fut-il sincère et surtout le fut-il toujours? A la première partie de la question, on répond aujourd’hui : oui et cela, je crois, ne peut faire l’ombre d’un doute. On ne peut, comme autrefois, traiter le prophète arabed’impostcur. A la seconde partie, il est plus malaisé de ré­ pondre avec assurance 11 semble bien que, dans la se­ conde période de sa prédication, vainqueur de scs enne­ mis. sûr de la foi absolue de scs adhérents, il ait pu être tenté d’abuser de leur crédulité. D’après les auteurs musulmans eux-mêmes, certains versets furent des ré­ vélations de circonstance, en réponse à des questions qui lui furent faites, à des object ions qui lui furent sou­ mises. On s’étonne,en particulier, do voir la parole di­ vine intervenir dans ses querelles de ménage, etc. Je ne crois pas cependant qu'il ait jamais, de propos délibéré, inventé une révélation. Je suis convaincu qu’il consi­ dérait le fruit de ses méditations personnelles comme une inspiration d’en haut, et qu'il n’y pouvait voir autre chose puisqu'il se croyait en communication avec l’ange de Dieu. Je conclus à sa sincérité absolue et constante. 2· Équilibre intellectuel. - Eut-il sain d’esprit? Comme nous l’apprend le Coran, ses contemporains virent d’abord en lui un possédé, mad/notin. Les auteurs byzantins en ont fait un épileptique sur le témoignage des musulmans eux-mêmes, qui parlent des crises qui terrassaient le Prophète à l'approche de l’Ange. Mais c’est une interprétation forcée de deux passages du Coran où Mahomet est interpellé par ccs mots : « ô toi qui es enveloppe d’un manteau ». Bien, ailleurs, ne I 1574 fait la moindre allusion à des crises réelles. Sprcnger, médecin et orientaliste, a voulu voir en lui un hysté­ rique et, à l'appui de cette opinion, il raconte l’his­ toire d’une jeune fille qui fit un voyage extraordinaire dans les montagnes du Tyrol. Malheureusement cette jeune fille n’a pas fondé de religion, tandis que c’est là la caractéristique de Mahomet et c’est même proba­ blement la seule dont nous soyons vraiment sûrs. Personnellement, et toujours en le jugeant unique­ ment d’après son œuvre, je le liens pour une très grande et très forte intelligence, pour un caractère exalté mais droit et ferme, sachant allier, ce dont l’his­ toire nous présente plus d’un exemple, l’enthousiasme du mystique a la froide reflexion de l'homme d'action, maniant avec la même aisance les arguties de la con­ troverse cl Je glaive de la bataille, grand séducteur d’hommes, convaincu de la grande mission du peuple arabe dont Dieu a voulu qu’il fût le chef, et faisant de cette poussière de tribus en guerre perpétuelle, gros­ sières, pillardes, à peine teintées de civilisation, une magnifique nation qui a pesé longtemps d’un poids formidable sur les destinées de l’humanité. Tout cela n’a pu être l’œuvre d’un malade. 3° Sources de ses conceptions. — Il est plus difficile de répondre à une autre question, fort intéressante cependant pour qui veut juger ce personnage. Com­ ment est-il arrivé à sa conception et en quoi celle-ci différait-elle des idées admises de son temps? On nous représente généralement son peuple livré au paga­ nisme et sa doctrine comme introduisant le mono­ théisme. inspiré du Judaïsme et du christianisme, certes, mais épuré cl. pour tout dire, remontant à la source primitive : Abraham, ancêtre commun des Hébreux et des Arabes. Telle est, en effet, la thèse (juc le Coran soutient à certains moments, mais est-elle bien primitive? J’en doute. Quand on réunit, comme Wright, par exemple, les différents témoignages, on est frappé de l'extension qu’avait prise le christianisme dans toute l’Arabie peu avant l’arrivée de Mahomet sur la scène du monde. Quelques Ilots de judaïsme comme a Yathr(b, de paganisme comme à la Mecque, subsistaient encore, mais pour les seconds, je me demande si ce n'était pas une régression relativement récente. « Si on leur demande, qui a créé le ciel et la terre, ils répondront que c’est Allah ». dit Mahomet de ses compatriotes, cl, d’après d’autres passages, il semble que leur croyance était qu’à côté d’Allah, Dieu principal, il y avait des divinités secondaires, des sortes de dénions ayant un pouvoir particulier que leurs devins pou­ vaient utiliser. Mahomet lui-même reconnaît cl expli­ que ce pouvoir, mais, dit-il. avec sa mission il disparaît, c’est le seul pouvoir d’Allah qu’il proclame, il l’exerce sans partage, sans associé. De là la célèbre formule : il n’y a de divinité (ilâh) qu'Allah, le dieu principal de la Mecque, qui doit en être désormais l’unique. Mais quel est cet Allah? C’est le Dieu des juifs et des chrétiens; et Mahomet est venu pour donner aux siens une version arabe des saintes Écritures, al Kitab (qu’il est Inexact de traduire par livre), dont on a déjà une version hébraïque, la Tôra. et une version grecque. Γ Évangile. Ici est le veritable point de vue de Mahomet qui a d’abord cru avec une sincérité incontestable que juifs et chrétiens s'empresseraient de le reconnaître. Ce n’est qu’après avoir constaté leur refus formel qu’il a songé à Abraham et qu'il a opposé son sanctuaire (la Ka’ba de la Mecque) au temple de Jérusalem, le masdfid hanlm au masdjid aqsd, l’oratoire sacré à l’oratoire éloigné, proclamant à la fin la déchéance de ce dernier, pour la plus grande gloire des Arabes, deve­ nu désormais le peuple élu. Mhis, puisque l’Arabie était presque toute chré- 1575 MAHOMÉTISME. SOURCES DE LA DOCTRINE 1576 de Dieu vers vous, confirmant ce que vous avez aupa­ ravant reçu de la Tôra et vous annonçant un Envoyé qui viendra après moi, dont le nom est Ahmad — cl quand II leur est venu avec les évidences, bayyinât, ils ont dit : c'est une magic évidente. » Quel rapport y a-t-il entre Ahmad et Paraclct? C'est que le grec Παράκλητος doit être lu Περικλυτός « illustre, glo­ rieux », cl que tel est le sens du mot Ahmad qui se rat­ tache, comme nous l’avons dit, à la racine land « louer, glorifier». Voilà cc qu’a dit Jésus et les adeptes de sa foi n'ont pas voulu reconnaître le Paraclct Ahmad! C’est ainsi que j’interprète la fin du verset, bien que par · il » on entende généralement Jésus et non pal Ahmad. Il y a ambiguïté, mais ce n’est pas le fieu de discuter le texte. Cc qui est hors de doute,c’est que, au dire du Coran, Mohammed ou Ahmad a été prédit par Jésus. On comprend alors que son rôle est de mettre fin à toutes les discussions el d'être, suivant la parole de Daniel, le sceau de la prophétie. Dans le Coran 11 est appelé Je sceau des prophètes, cc qui est II. LE MAHOMÉTISME ET SON DÉVELOPPE­ peut-être une altération postérieure, mais la tradition MENT GÉNÉRAL. — Le mahométisme est In doc­ a conservé le sceau de la prophétie et en a fait assez trine de Mahomet. Mais ce terme est aujourd’hui peu étrangement un signe physique, une caroncule que employé. On dit plutôt islam pour désigner cette doc­ Mahomet portail sur l'épaule et que le moine Bahfra trine en elle-même et islamisme pour l’ensemble des ins­ découvrit sur lui. Dans la tradition Mahomet répète titutions et des écoles théologiques qui s’y rattachent. (pie sa mission coïncide avec Γ heure, c’est-à-dire la Il est également plus correct d’appeler les adhérents fin du monde, el c’est un article de foi qu’on retrouve à cette doctrine des musulmans cl non dcsmahomélans. jusque chez des auteurs du xu® siècle que Mahomet Le mol musulman, à vrai dire, est une forme tardive, est · le Prophète de la fin du monde ». dérivée de l’arabe moustim qui se rattache à la même La fin du monde, la Résurrection, le Jugement der­ racine, qu’islam. Les Persans ont ajouté à l’arabe une nier, voilà cc que ne se lasse pas de répéter le Coran terminaison an qui est celle des adjectifs et non pas, dans toutes les révélations antérieures à l'hégire et, comme on le croit, celle du pluriel et il nous a été dans les autres, il est rare que ces grandes vérités, em­ transmis parles'lures sous celle forme.— On étudiera pruntées au dogme chrétien, ne se retrouvent pas successivement : L Les sources de la doctrine. IL intercalées, quelquefois d'une manière assez inatten­ L’histoire générale du développement théologique dues, au milieu de prescriptions relatives à une foule (col. 1582). 111. L'état actuel de l’Islam (col. 1635). de détails de la vie publique ou privée des musulmans. L Les sources de l’Islam. — La doctrine de C’est, on peut le dire, une véritable obsession: l’islam est contenue dans le Coran. L'islamisme v Mais si la tradition lie si étroitement la mission de ajoute la tradition hadtth et d’autres éléments varia­ Mahomet à la fin du monde, il s’en faut que le Coran bles suivant les écoles. Pour la première source nous soit si explicite, soit que cc livre ait été retouché, soit renverrons à l’article Cohan, l. m, col. 1772-1835 ; nous que Mahomet ait eu scrupule de rien affirmer à ce nous contenterons d’y ajouter quelques précisions sujet. Dieu c’est-à-dire, en somme, « ou obscures quand on ne les éclaire pas à la lumière de ces tu assisteras à la fin du monde, ou nous te ferons mou­ points particulièrement importants. rir. » Ce qui est une naïveté, si cela ne signifie pas que Mahomet mourra comme tout le monde au moment 1® Remarques préliminaires. — 1. Caractère eschatologique de la mission de Mahomet. — Mahomet a été de la grande catastrophe, ou y assistera vivant. Il est profondément déçu et Irrité de voir que les Gens de dit, en effet, qu'au jour où sonnera la trompette, Γ Écriture ne reconnaissaient pas sa mission, malgré ceux (pii seront dans le ciel et ceux qui seront sur la son caractère évident, la bayyina comme il l’appelle. terre seront foudroyés sauf qui Dieu voudra (excep­ C’est de ce jour qu’ils sont devenus coupables et un ter). Mahomet sera-t-il de ceux qui seront exemptés? commentateur explique que les Gens de Γ Écriture C’est sur cc point que Dieu laisse planer l’incertitude. croyaient à un prophète de la fin du monde et que Mais quand viendra ce jour? < Si on t’interroge à cc c’est par mauvaise fol qu’ils ne l’ont pas reconnu en sujet, dit Allah à son prophète, réponds (pie la science Mahomet. Pour les juifs, un tel prophète est le Messie, n’en est qu'à Dieu.» Eaut-il en conclure que Mahomet pour les chrétiens c'est Jésus-Christ, qui doit présider à admettait que cette époque fût retardée indéfiniment? fin du monde. Mais certains de ces derniers ont voulu Je ne crois pas. Il devait l'attendre, et scs fidèles \olr dans le Paraclct annoncé par le Eils de Dieu un comme lui, avec la plus grande Impatience. Scs adver­ personnage humain, un véritable prophète qui vient saires ne manquaient pas de le railler sur cette catas­ achever sa doctrine. Telle fut peut-être l’hérésie de trophe tant annoncée et toujours inexistante. Et on Montan. Or, si Mahomet ne parait avoir que la plus lit dans le Coran l'inquiétude, l’angoisse même du s ague idée du Messie juif, puisqu’il n'hésite pas à Prophète, presque le doute que Dieu lui reproche en donner ce titre à Jésus, fils de Marie, sans d’ailleurs lui rappelant ses bienfaits, en soutenant sa confiance, en soupçonner la valeur et, sans se douter seulement en l’exhortant à la patience Jusqu'à ce (pic le Certain que les Juifs Pont dénié à Jésus — en revanche, II lui arrive. Qu’est-ce que le Certain, al-yaqtn, sinon connaît fort bien le Paraclct el déclare nettement que l’heure < en laquelle il n'y a point de doute », comme il c'est lui-même qui a été désigné par ce nom. Le passa- le répète souvent. sage du Coran doit être rappelé parce qu’il est la clef lout cela reste vague assurément, mais si le Coran mêmr du mahométisme (Sourate lxî. 6) « Quand Jésus témoigne de quelque hésitation à cet égard, il semble fils de Marie dit : O fils d’Israël, je suis un Envoyé que les musulmans avaient leur opinion faite. Aussi tienne et que la Mecque païenne ne reconnut pas tout d'abord la doctrine de Mahomet, comment expliquer son triomphe final? C'est que le christianisme oriental subissait alors une crise terrible : cutychianismc et nestorianisme l’avaient profondément déchiré et scs dissensions devaient lui porter un coup fatal. Ce sont ces dissensions qui ont frappé Mahomet, et c’est dans ses méditations sur ces profondes discordes des sectes chrétiennes cl juives qu’il eut le sentiment de sa mission. Il se crut désigné par Dieu pour mettre un terme à ces funestes divisions et dans une de ses premières révélations, peut-être la première, sa pensée apparaît tout entière. « Sur quoi s’inicrrogcnt-ils? Sur la grande nouvelle, au sujet de laquelle ils dispu­ tent. Oui, ils sauront; puis oui, ils sauront! ». Est-ce bien là l’origine et la signification du mou­ vement déclenché dans l’àmc de cet Arabe du vu· siè­ cle? C’est ce que va peut-être nous démontrer l'examen du Mahométisme. 1577 MAHOMÉTISME. SOURCES DE LA DOCTRINE grande fut leur stupéfaction d’apprendre la mort de leur prophète. Ils refusèrent d'y croire. < Il doit être notre témoin au moment supreme; Une peut avoir dis­ paru. » D’autres prétendirent qu'il avait été enlevé au ciel un moment et qu’il reviendrait. Mais un des principaux disciples de Mahomet, son beau-père* Abort Bakr, intervint et rappela aux musulmans en détresse que le Coran lui-même avait annoncé cette mort. Cc lut une surprise; personne ne se rappelait ce verset; mais on ne pouvait mettre en doute la parole d’Abort Bakr quo le prophète lui-même avait appelé le véri­ dique. Tout Je monde s'inclina. Le fait a paru étrange à certains orientalistes qui ont conclu à une fraude pieuse et nié l'authenticité du verset. Cette authenticité est niée, pour une autre raison, par M. Ulrschfeld; il contient en effet Je nom de Mohammed que cet auteur, nous l’avons vu, con­ sidère comme apocryphe. Sans aller jusqu’à le con­ damner, je crois que son interprétation n'est pas celle que lui a donnée Abort Bakr, cl, en tous cas, il est évi­ dent, par la lecture du Coran tout entier, que jamais Mahomet n’a pu affirmer qu’il mourrait avant la fin du monde, il ne savait pas quand elle arriverait et, par suite, s’il a parlé de sa mort, c’est, soit sous une forme hypothétique, soit comme comprise dans la mort uni­ verselle au moment de la catastrophe suivie immédiateniment de la résurrection universelle. 2. Conséquence. La doctrine du Mahdt — Quoi qu’il en soit, le fait était là, et les musulmans se divisè­ rent en deux camps, ceux qui ne purent se résigner à la disparition de leur prophète de la fin du monde et pensèrent qu’il allait revenir; ceux qui en prirent leur parti et songèrent à organiser le monde puisqu’il con­ tinuait à vivre. Le prophète ne revenant pas, beaucoup des premiers durent renoncer à leur tour, mais les plus obstinés imaginèrent de le remplacer. Mais c’était le dernier prophète, on ne pouvait lui trouver qu’un succédané : cc fut le Λ/α/κ/Γ,οιι plus exactement l’ünd/n mahdt, celui dont l’apparition est liée à la fin du monde et qui viendra après Mahomet, comme celui-ci, sous le nom de Ahmad le Paraclct, était venu après Jésus-Christ. La conception du mahdisme n'est qu'une forme altérée du paraelétisme coranique, une para­ phrase du verset cité plus haut. Voici les paroles que l’on prête à ce sujet à Mahomet dans le hadlth : < I.a lin du monde n’arrivera pas qu’un homme de ma famille, dont le nom sera comme le mien, ne règne sur les Arabes. » Dans quelques variantes, probablement tardives, on ajoute : < le nom de son père sera comme le nom du mien. » Dans d’autres, il est dit qu’il remplira la terre de justice, comme elle est remplie d’iniquité; pour les diverses formes voir Ibn Khaldrtn, Prolégo· mènes (n, 258 et sq.). Nous avons vu que Mahomet, dans l’incertitude où il était s’il assisterait ù Γheure, ne pouvait rien savoir d’événements postérieurs à sa mort; mais je ne crois pas que cette parole qui lui est attribuée soit fausse. Ce n’est que la paraphrase du verset paraelétique sous cette forme : < Il doit y avoir à la lin du monde un personnage de la famille arabe de... qui s’appellera Muhammad (ou Ahmad) etc. » Cc personnage n’est autre que Mahomet luimême; après sa mort, on a voulu y voir un autre portant le même nom cl jouant un rôle, d’abord un peu vague, puis de caractère messianique évident, au moment de la lin du monde. C'est cc personnage, relict ou mieux doublet du prophète mort, qui s'est appelé le Mahdi. Pourquoi ce nom? Il signifie < le conduit (par Dieu) » et il s’est appli­ que à l'origine comme épithète à Mahomet lui-même, puis Λ ses quatre premiers successeurs qu’on appelle les Khalifes râchids < marchant droit » et les imrtms mahdls. On ne trouve pas mahdi dans le Coran, mais seulement la forme correspondante mouhtadl. Je 1578 pense que c'est seulement après Ά1Ι, le quatrième Khalife, que Je terme dimâm mahdi ou mouhtadi a pris sa valeur particulière pour indiquer le vrai khalife par opposition à la dynastie omayyade, qui s’empara du pouvoir aux dépens des descendants de 'AIL Les partisans de ces derniers maintinrent que la souve­ raineté ne pouvait sortir de celte famille, et il s'en­ suivit un schisme politique profond, qui se doublait d'un schisme religieux La la de 'All, c’est-à-dire le parti de 'Ali et de scs descendants, devint la if a par excellence, d’où les noms de Chiisme et Chiites passés dans notre langue. Le chiisme est proprement la forme politique du Mahdisme; la doctrine d’ensemble à la fols politico-religieuse est celle de Vimâmisme, Actuellement le chiisme ne subsiste qu'en Perse et sur quelques points isolés du monde musulman. Partout ailleurs, règne la doctrine opposée dite sounnisme qui prétend à l'orthodoxie. En Europe, on ne connaît guère l'islam que sous la forme sounnite el on considère le chiisme comme une hétérodoxie. C'est un point de vue exclusif qui ne paraît pas répondre à la réalité historique. La première préoccupation des musulmans a été celle de la fin du monde que tout le monde considérait comme imminente. On voulut en déterminer l'époque et on s’attacha passionnément a des prédictions qu'on appelait malhama ou malâhim. Ce mot vient de l'hébreu mithamah et le sens particulier que lui donnèrent les musulmans vient d'un croyance rabbinique, adaptée à l’islam peut-être par Mahomet lui-même. Au Messie Ills de David, les rabbins avaient ajouté un second Messie descendant de Joseph qui joue un rôle important dans les guerres qui précèdent l'arrivée du fils de David. De là, dans les Midrachim son nom de masoûh milhamah, c le messie de la bataille ». Or, nous avons vu, d’une part, que Mahomet, en sa qualité de prophète de la fin du monde, s'identifiait à la fois au Messie juif cl au Paraclct chrétien, cl, d’autre part, qu'il se don­ nait,entre autres noms, celui de nabi-l mail ama « pro­ phète de la malhama ». Il disparaît, mais la malhama musulmane se maintient; elle a désormais le sens d’a­ pocalypse; elle est souvent attribuée à Daniel; plus tard, elle dégénère en prédications politiques ou même purement météorologiques, en vulgaires almanachs. Mais à l’origine, elle a un caractère cschatologique exclusif, cl, à cc titre, elle préoccupe seule les musul­ mans. Cc n’est guère qu’une centaine d’années après l'hégire qu’on abandonne cette élude chimérique, pour s'adonner à la science *«7/n. Parce mol, les musulmans entendent la connaissance de tout ce qui Intéresse l’islam, et pour quoi Ils ont manifesté dès le début une grande ardeur, ardeur qui s’est communiquée aux autres formes de la science. Lorsque Kenan a voulu voir dans l’islamisme un ennemi de la science, il a commis la plus grossière erreur. C'est proprement le contraire. Seulement, cc qui est bien naturel, l’islam considère que la partie essentielle de la science, c’est la théologie, que Renan exclut. Le *i/m ou. dans un sens plus restreint, le fîqh, science du droit musulman, parait avoir été recom­ mandé tout particulièrement par Mahomet. On lui attribue des propos comme celui-ci : · le T7m l'emporte en mérite sur la 'Ibdda (dévotion). On doit rechercher le 'Uni partout, même en Chine. Les savants, oulamâ (d’où noire mol uléma par le lure), sont les héritiers des prophètes, elc. » Pourtant il semble bien que le Ί7/Π n’ait guère été cultivé avant la fin du i«r siècle de l’hégire. C’est l’époque d’une transformation impor­ tante de l’islam. Jusque-là, il a vécu dans une sorte de provisoire, négligeant de se donner un statut tem­ porel. abandonnant à scs sujets non-musulmans les choses de cc monde. Dans leur vaste empire, les musulmans laissent les terres aux peuples comptis et 1579 MAHOMÉTISME. SOURCES DE 1 \ n'occupent que les postes militaires pour le service du djihdd ou guerre religieuse. (Du nom de ccs postes, les ribât, est dérivé le nom demorâbit dont nous avons fait marabout.) La monnaie est grecque, latine ou perse; la comptabilité est entre les mains des Grecs, Coptes ou Perses. Bientôt tout change, tout s'orga­ nise. L'orthographe, sinon le texte du Coran, est fixée; la monnaie devient arabe et musulmane; le hadtth ou tradition est recueilli par écrit, etc. Tout cela parait s'être produit entre 80 et 100 dc l’hégire. L'islam s'organise. Cc n’est pas qu’on ait renoncé tout à fait aux idées apocalyptiques, car à cc moment mène circule une singulière prédiction. C'est que, dit-on, dans le texte même du Coran, le terme de cent ans est formellement indiqué pour le moment si attendu dc la findes temps, de la grande révolution : la dardai. Nous en parlerons plus loin, car elle appar­ tient à l’histoire du Mahdisme. 2· Les sources de (a doctrine islamique, — En tous cas, fi cette époque, le 'ilm ou fiqh est constitué. En quoi consiste-t-ii?— La science del islam se propose dc déterminer les lois religieuses, le licite et l’illicite, toute la législation sociale intimement reliée à la nouvelle religion. Les bases fondamentales vn sont ; 1 lu Coran; 2. le fyadtlh; 3. ridjhhdd. 1. Le Coran. - Nous en connaissons déjà la doctrine; il convient dc dire ici comment le texte s’en est établi, car il semble bien que la forme définitive, telle qu’elle est reconnue aujourd’hui, au moins par les sounnites, est assez tardive. a) Voici d’abord cc qu’en disent les musulmans. Mahomet ne sachant pas écrire, dictait ses révélations au fur cl à mesure à des secrétaires qui les transcri­ virent sur les objets les plus disparates, feuilles de palmier, fragments dc cuir ou dc pierre, os de cha­ meaux. Après sa mort, on ne songea pas à les réunir; on s’en rapportait à la mémoire de quelques-uns, qu’on appelait les porteurs dc Coran. Mais, dans les guerres qui suivirent, beaucoup d’entre eux ayant péri, 'Oumar suggéra au premier successeur dc Mahomet, Aboû Bakr d’en faire une recension écrite, et celui-ci en chargea Zcld ibn ThAbit qui avait été, jeune encore, un des secrétaires dc la révélation. Cc qu’il lit. A vrai dire, d’autres récits alarment que quatre des disciples dc Mahomet avaient déjà fait cette compilation du temps même de celui-ci — cc qui infirme beaucoup l’autorité dc Zcld ibn ThAbit seule source du premier récit; d'autres indices y sont défavorables. Mais cc fut le plus généralement adopté. Le manuscrit dc Zcld resta entre les mains d’Aboû Bakr. puis, après sa mort, passa à son successeur *Oumar, ct enfin à Hafsa. fille dc cc dernier. Sous 'Outhinûn le succes­ seur de Oumar, Il y eut dc nombreuses versions rédigées par d’autres musulmans cl on craignit qu'il ne se produisit dans l’islam des divergences semblables à celles qu’on reprochait tant au christianisme ct au judaïsme. 'Outhmûn intervint ct décida dc confier à une commission de quatre personnages le soin d’éta­ blir un nouveau texte fondé sur la version d’Aboû Bakr, qu’il fit prendre chez. Hafsa. Zeid ibn ThAbit faisait partie de la commission; le texte une fois éta­ bli, on rendit le manuscrit à Hafsa. Sur l’exem­ plaire type, des copies furent exécutées ct ordre fut donné de détruire tout Coran, feuillet ou volume, en dehors deses copies. On ne nous dit pas si cette des­ truction atteignit les fragments divers où les premiers secrétaires dcMahomet avaient,de sa bouche, recueilli les révélations, ni ce que devint le manuscrit dc Hafsa. Tout fut-il Impitoyablement brûlé? Il semble que non, les anciens commentateurs faisant allusion à des variantes de texte dues au manuscrit de Hafsa, ou à celui d’Ibn Mas'oûd. un des plus savants dis­ ciples dc Mahomet, qui, dit-on, refusa dc souscrire à DOCTRINE 1580 la recension do ’Outhinûn. Il y avait aussi des diver­ gences sur la lecture, les voyelles, qui Jouent un rôle important dans la syntaxe arabe, n’étant pas repré­ sentées dans l’alphabet sémitique. I n certain Aboû-I Aswad ad Dou'all (mort en 69 Hég. ou, dit-on, vers 100) inventa les signes-voyelles adoptés depuis, avec quelques variantes, dans l’écriture arabe; on ne nous dit pas comment ils furent appliqués au Coran. Mais les consonnes elles-mêmes pouvaient sc confon­ dre entre elles; il fallut inventer les points dits dia­ critiques pour fixer la prononciation dans beaucoup dc cas douteux. Ce fut environ 10 ans après la recen­ sion de ’Outhinûn qu'on procéda olliciellement à cc nouveau travail. Cc fut sous le khalife ’Abd al Malik (Hég. 65-86) que le gouverneur de la ville dc Koûfa, le fameux Hadjdjûdj y lit procéder. Le texte, ainsi composé est resté ne varietur Les exemplaires les plus anciens (pic l’on connaisse ne remontent pas au delà dc cette époque; 0 n’est même pas certain qu’il en ait survécu d'antérieurs au n· siècle de l’hégire. b) Telles sont les données traditionnelles acceptées par tous les musulmans sounnites et (pic les orien­ talistes, comme Sale, Nôldekc, etc., ont reprises à leur compte. Nous avons déjà indiqué quelques points suspects; il faut ajouter que certains musulmans ont jadis contesté l’authenticité du texte transmis aujourd'hui. Les uns ont déclaré que tel récit était indigne d’un livre sacré et devait en être retranché, d'autres qu'on avait interpolé des allusions favorables à Aboû Bakr, qu'en revanche, on avait supprimé tout un chapitre nettement favorable à ‘Ali. On a rapporté aussi que tel des secrétaires dc Mahomet avait trahi la pensée dc son maître, et même que Satan avait introduit dans la révélation des versets scandaleux en l’honneur de divinités païennes dc la Mecque, versets d’ailleurs enlevés (par qui?) dc la recension actuellement suivie. Mais, cc qui est plus grave, c'est que nous avons sur la façon dont s'est constitué le Coran, un véritable réquisitoire pronon­ cé, Il est vrai, par un Arabe chrétien, mais qui aflirmc ne parler que conformément aux dires des musul­ mans dc son temps. Il s’agit de Ya'qoub al Klndl, qui écrivit, vers 201 dc l’hégire, une réfutation en règle dc la religion musulmane, à laquelle un mahométan dc sesamis voulait le convertir. Volclson récit: Les musulmans, d’après lui, rapportent que le pre­ mier exemplaire était celui qui était chez les Korelchltcs (tribu dc Mahomet) et que ΆΙ1 en ordonna la saisie pour le soustraire à toute addition et suppres­ sion. C’était la copie, conforme η 1 fivangile, que Mahomet avait reçue dc Nestorlus (appelé aussi Sergius) appelé par les musulmans tantôt Gabriel ct tantôt Esprit-Saint.(L'auteur avait dit plus haut que, après Sergius, deux docteurs juifs 'Abd Allah ct Ka'b avaient exercé leur influence sur Mahomet, ct qu’après sa mort, ils s'étalent entendus avec Ά1Ι pour falsifier le Coran. C’est une opinion (pii lui est person­ nelle; mais revenons à cc qu’il rapporte d’après les musulmans eux-mêmes). Il y eut, tout d’abord, des divergences de lectures: il y avait la version de ’All, d’Ibn Mas'oûd, d'Oubay et celle des Korcïcbltes (qui semble être celle de Zeïd ibn ThAbit). 'Outhinûn intervint, mais ne put arriver à supprimer les versions de Ά1Ι ct d'ïbn Mas'oûd. Puis, vint al Hadjdjûdj qui fit une nouvelle recension avec larges suppressions, en particulier celle des noms de contemporains dc Mahomet qui étalent présentés dans le Coran sous de fâcheuses couleurs. Tous les exemplaires non confor­ mes furent plongés dans l’huile bouillante. Ainsi la version courante serait, non pas celle du khalife ’Outhinûn, mais celle, bien plus tardive, d'aï Hadj­ djûdj. 1581 Μ AIIOMÉTISME. HISTOIR Divers indices semblent confirmer cc point dc vue ct donner A l'œuvre de ce dernier personnage une importance capitale. Je ne puis les énumérer ici; je mécontenterai de remarquer que le nom de koulique a été donné A l’écriture des anciens Cornus, ce qui semble bien indiquer la ville de Koûfa comme leur origine. Ajoutons que la lettre de Ya'qoub al Kindt fui connue des chrétiens d’Espagne cl traduite en latin, qu’un résumé en a clé donné par Vincent de Beauvais, dans son Speculum historiale,!. XXIV. Par elle, les auteurs du Moyen Age furent mieux instruits sur quelques points de l'islamisme que nos orienta­ listes modernes. Quoi qu’il en soit de la façon dont fut établi le texte canonique, Host certain qu’il n’a pris sa forme définitive, que vers KO de l’hégire, A Koûfa, ct que les remaniements qu’il a subis ont dû être très profonds. Il ne reflète donc quo très imparfaitement la pensée du prophète arabe. Mais les musulmans l'acceptent comme parfaitement authentique dans toutes ses parties et comme étant la parole de Dieu, kaldm Allah, transmise A Mahomet par l'ange Gabriel. C'est IA qu'ils trouvent les principales règles de leur vie publique et privée. Mais, comme bien des points restent obscurs, comme* bien des questions n’y sont qu’imparfaitement trai­ tées ou même sont passées sous silence, ils ont recours à une autre source écrite, d’une valeur moindre, il est vrai, car elle est d’origine humaine ct non divine, cc qu’ils appellent le hadilh. 2. Le hadilh. — La constitution dc celte seconde source est assez obscure. Si on peut admettre qu’il y eut d’assez bonne heure, des versions écrites, au moins partielles, du Coran, il semble bien qu'il y a eu chez les premiers musulmans la plus grande répu­ gnance à constituer un second livre. On rapporte que, peu de temps avant sa mortr Mahomet voulait rédi­ ger un écrit qui mettrait les musulmans A l’abri de l’erreur. ‘Oumar protesta en s'écriant : « La douleur égare notre prophète: nous avons le livre dc Dieu (le Coran), il nous suffit. » Les assistants sc divisèrent en deux partis; les uns étaient de l’avis dc 'Oumar les autres au contraire, voulaient obéir A Mahomet. Celui-ci, ne voulant pas de dispute on sa présence renvoya tout le monde et le livre ne fut pas écrit. C'est la condamnation formelle du hadtth, non seu­ lement écrit, mais même oral. Ce mot, en effet, désigne l’ensemble des propos attribués au prophète, ct dont il a bien fallu s'autoriser pour combler les lacunes du • livre de Dieu», au fur ct A mesure que ces lacunes devenaient dc plus en plus sensibles. Ceux qu’on interrogeait sur telle ou telle pratique recouraient d’abord au Coran pour répondre ou, tout naturelle­ ment, A cc qu'ils savaient ou ce qu’ils avaient entendu dire dc la façon dont le prophète l'avait exercée; c’était cc qu’on appelait la sounna, la vole, c’est-à-dire la coutume suivie par Mahomet. On y ajoutait plus lard la sounna des compagnons de Mahomet, mais beau­ coup lui contestaient toute autorité. Dc toute façon, pendant longtemps, ces enseignements n’eurent, semble-t-il, aucun caractère officiel ct, comme l’avait prévu Aboû Bakr, l’accord ne devait pas régner sur tous les points. C’est seulement sur l’ordre du khalife 'Oumar II (Hég. 98-101) qu’on sc décida à recueillir, par écrit, tout cc (pii sc racontait entre ‘oulamA cl qui servait de base aux consultations juridiques, ce qu’on appelle les fatwa. Le premier auteur de cette compilation fut Mouhammed ibn ChihAb, connu aussi sous le nom d’nz Zouhrî, mort en 12 t de l’hégire. Il semble que cette première compilation n’ait d’abord contenu que deux à trois cents traditions; mais le nombre ne devait pas tarder A s’en multiplier prodigieusement. Après lui, d’autres distribuèrent le hadtth en chapitres, DU DÉVELOPPEMENT 1582 et c’est, sous cette forme, que sont rédigés, pour la plupart, les recueils connus. Voici les principales matières A ces paroles, ajoute le narrateur, le Prophète me frappa la poitrine en disant :« Louange A Dieu qui a donné à son envoyé un envoyé qui répond si bien A son désir. * il parait bien difficile d’admettre que Mahomet ail lui-même parlé dc sa sounna ; il est plus probable que si le hadtth n’est pas entièrement conlrouvé, les seules parties authentiques sont dans la première cl la troisième solutions ct que la seconde y a été insérée plus tard, quand la sounna dc Mahomet a été officiellement constituée. Mais la théorie est exposée ici avec la plus grande netteté. Il est clair que l'idjtihâd ne pouvant s'exercer qu’en l’absence de texte soit du Coran, soit du hadtth, nul ne peut y prétendre s’il ne possède à fond la connaissance de l’un ct dc l’autre. Mais sous quelle forme cl dans quelles limites peut-il être exerce? Des règles sévères ont été posées plus tard comme pour la critique du hadtth; mais, au début, on peut penser que l'idjtihâd fut exercé avec la plus grande liberté. 11. IIîstoibi: générale i>u développemi st théo­ logique. — Tels sont les éléments primitifs dc la science religieuse des musulmans, du fiqh; pratiqués d’une façon plus ou moins régulière dans les premiers temps, Us n’ont été systématisés cl consolidés que vers la lin du n· siècle de l'hégire. Cependant dc grives dissensions déchiraient l’Islam. Des écoles, A la fols politiques cl religieuses, sc dispu­ taient le pouvoir. On en a compté un très grand nom­ bre : quatre seulement ont survécu, en conservant des caractères distinctifs bien accusés; deux surtout ré­ gnent actuellement ct englobent aujourd’hui la près· (pic totalité du monde musulman; le Chiisme et le Sounnlsmc. Nous les étudierons d’abord en nous réservant d’etre plus bref sur les autres sectes. /. i.K chiisme. — C’est le nom le plus générale­ ment répandu; nous en avons dit la signification pri­ mitive; en réalité, c’est Vlnulmisme ou Mahdisme. L’idée essentielle est l’existence d’un imdm prenant la place du prophète mort; jusqu'au moment de la 1583 MAHOMÉTISME. LE CHIISME 1584 l’islam et tendant à éclipser la Mecque, quo Maho­ fin du monde. SI Vtmâm désigné vient à mourir, sa met avait maintenue au premier rang à cause de fonction sera dévolue Λ un autre. Mais de même qu’à son temple < la maison d’Allah». Les 'alides sc consi­ h mort de Mahomet, certains crurent qu’il n’avait fait que disparaître provisoirement et qu’il allait déraient comme les vrais Croyiu ts, moumintn : par revenir, de m'mc à la mort de chaque imâm il y opposition as ce les Croyants de seconde catégorie, a un parti qui croit à son absence temporaire ghmba les mouslimin ordinaires. Cette classification, faite et attend patiemment son retour, radja. Tout le déjà par le Coran (xux, 15), est probablement l’ori­ mécanisme de l’imâmlsmc est dans cette formule gine du litre connu : Amir al-niouminfn, qui, pour les quasi mathématique. L’imâm disparu est considéré chiites n’appartient qu’à ’AH. La tradition sounnite dit bien que ’Ournar l’avait déjà porté, mais nous comme le Mahdl et son retour lié à la fin du monde. verrons que, bien souvent, les sounnites n'ont fait que Si le procédé avait été constamment appliqué, il y aurait aujourd’hui une quantité prodigieuse de sec­ plagier leurs adversaires. Aux électeurs de 'All, aux tes imâmites; mais, comme nous le verrons, il s’est mouminin, s’opposa le gros des musulmans qui refusa d’accepter une élection aussi restreinte. La guerre arrêté avec le douzième imâm et personne n’a songé a aller au delà. 11 n’y a donc, à tout prendre, qu’une éclata. Vainqueur, ’AH sc vit frustré de sa victoire par l’astuce de ses adversaires et sa propre faiblesse douzaine de sectes imâmites; encore quelques-unes sont-elles mort-nées, mais d’autres, ont donné nais­ de caractère. Il leur accorda un arbitrage pour décider sance à des branches collatérales. Nous allons les de la légitimité de son élection; mais les arbitres l’ayant déposé, il refusa d’accepter leur sentence. étudier successivement. D’autre part, des musulmans trop zélés lui repro­ 1° Les * Alides. — Le premier imâm est ’AH, cousin chèrent d’avoir accepté cet arbitrage, comme contraire et gendre de Mahomet. Les chiites affirment qu’il à la loi coranique, et prirent les armes contre lui. 11 a été expressément désigné par le prophète arabe, et fut vainqueur une fois de plus ; mais un de ces cette désignation expresse est de rigueur pour tout imâm. La nécessité d’un personnage désigné pour fanatiques l’assassina (Hég. 10 =- 661 ap. LC. ).’Abd Allah ibn Sabâ, en apprenant cette mort, répondit maintenir la continuité de la foi est également un comme’Ournar pour Mahomet qu’il n’en était rien et dogme fondamental de l’imâmisme. 11 a donc fallu que ’Ali allait revenir. La secte appelée de son nom que le prophète désignât le chef, ou imâm, digne de lui Sabaïte considéra 'AH comme toujours vivant.» best succéder â la tête de la communauté musulmane. dans les nuages; l’éclair est son fouet, le tonnerre est Lc sens du mot imâm, en arabe, n’est pas douteux; il est tiré de la langue du désert : c’est celui qui marche sa voix; il reviendra à l’heure dite pour rétablir sur la terre la justice et le bonheur universel. · C’est donc en avant, le chef de fdc delà caravane,par extension, bien le premier imâm mahdt. celui que tout le monde fuit, le modèle, mais, dans un Les deuxième et troisième imâms sont scs deux sens général, le chef. Dans le Coran (xviî, 73), il est fils Hasan et Houseïn. Aucune secte spéciale ne parait dit qu’au Jugement dernier chaque peuple y sera avec son imâm c’est donc à Mahomet lui-même que s’appli­ s’être rattachée à eux. Lc premier s’efTaça volontaire­ que ce titre en ce qui concerne la communauté musul­ ment devant l’adversaire de son père; le second, ayant voulu faire valoir scs droits, périt misérablement avec mane, et il contient la plénitude des pouvoirs temporel presque toute sa famille à Kerbéla (Hég. 60=680). et spirituel exercés par Mahomet. J.’imâm conduit C’est le martyr du chiisme; la littérature, surtout dans la bonne voie, c’est-à-dire dans la voie de Dieu; persane, s’est emparée de ce cruel épisode des guerres de lâ le titre complet, d’imâm al houdâ : le chef de la civiles. Lc théâtre persan le reproduit au jour anni­ vole (religieuse). Mais s’il conduit, c’est à condition d’être lui-même dirigé par Dieu, mahdt. Le mot, de la versaire avec une émotion toujours renouvelée. Mais au point de vue historique, le rôle de Houseïn ne même racine que houdâ, sc retrouve encore sous une paraît pas être plus Important que celui de Hasan. forme de même dérivation : mouhladi · qui s’est 2° Les Keïsânites. — Sa mort devait poser un cu­ donné un guide ». Il csl aussi appelé hâdi · guide ». rieux problème. Qui devait lui succéder comme Lc Mahdt est donc à la foi guide, mouhladi et guide, imâm? Ici apparaît une première scission. 11 semblait hâdi. Cette discussion de mots était nécessaire pour que l’imâmat devait passer à un His de Hasan ou de biens comprendre la valeur du terme: imâm mahdl, Houseïn, les seuls descendants de Mahomet par leur à la fois religieux et politique et sa liaison avec la fin du monde. mère Fâtima. Elïcctl veinent les ’alides, du moins ceux qui, ne partageant pas les espérances des sabaïtes, Le titre de mahdl parait avoir été donné pour la première fois a un personnage fort obscur, mort en s’attachaient à un autre imâm, choisirent ’Alt, fils de 101 de l’hégire « qu’on appelait en son temps le Houseïn. Mais d’autres déclarèrent que ce n’était pas Mahdt ». C’est Mousà ibn Tahla que l’on compta aussi la descendance de Mahomet, mais celle de ’All qui parmi les compagnons de Mahomet, et qui est inconnu conférait l’imâmat. En elïet, quelques partisans ultraen dehors de cette mention. Mais c’est à ’Alt qu’il a zélés de ’Ali prétendaient que c’était à lui que Dieu d’abord vraiment appartenu Un nommé 'Abd Allah avait envoyé l’ange Gabriel et que c’était indûment ibn Sabâ en a établi pour lui la théorie. C’est à cet (pie Mahomet s’étalt substitué à lui, ne lui laissant ’Abd Allah qu’on attribue l’origine du chiisme consi­ que le rôle de lieutenant. C’est probablement à cette déré par les sounnites modernes comme une première conception étrange que sc rattachaient plus ou moins atteinte à l’orthodoxie des compagnons de Mahomet, ceux qui décidèrent que l’imâmat devait aller à un À laquelle ils se rattachent. Les chiites, de leur côté, troisième fils de AH, Mohuammad, né d’une autre reprochent à ces compagnons d’avoir méconnu les épouse, Khaoula, esclave de la tribu des Banoû droits de * Ail, le légataire de Mahomet, le ufusi, comme Hanlfa, d'où son surnom de la ! ianallya. Mouhammad ils l’appellent encore, en donnant le pouvoir à d’autres est connu sous le nom de tils de la H anally a. A lui sc que lui, le seul digne. C’est seulement, en clTcl, comme rattache la seconde secte mahdiste, appelée Kcïsànlte, quatrième successeur de Mahomet, après Aboû Bakr, du nom d'un personnage assez obscur qui sc nommait 'Ournar, et ’Outhmân que ‘AU fut proclamé chef de Keïsan. Mais le fauteur de la socle fut Moukhtâr, que la communauté musulmane, non, d'ailleurs, sans sou nous connaissons seulement par la tradition sounnite lever de violentes oppositions. cl, par conséquent, sous les plus tristes couleurs. A leur La parti de ’AH, qui l’avait porté au pouvoir apres dire, le troisième ills de ’Ail, n’aurait Jamais accepté l’assassinat de Outhmân se recrutait spécialement le rôle qu’on voulait lui faire jouer; mais des témoi­ dans la ville de Médine, la seconde capitale de gnages anciens prêtent à ce quatrième imâm un lan- 1585 MAHOMÉTISME, CHIISME gage très caractéristique. Les partisans du quatrième imâm intimide» c'est-à-dire descendant de Eâ|ima, afiirment que le Ills de la Hanafiya entra en compéti­ tion avec cet Imâm qui invoqua le témoignage de la pierre noire, la pierre sacrée enfermée dans le mur de la Ka'aba de la Mecque. La pierre aurait alors déclaré que l’imâmat appartenait à 'Ali, dis de Houseïn et non à Mouhammad Ills de la Hanafiya. La personnalité de ce dernier est donc restée un peu douteuse. Ce qui nous intéresse surtout en lui, c'est qu’il est le premier qui réponde à un des éléments essentiels delà tradition attribuée au prophète Mahomet, à savoir : le nom. 11 est donc vraisemblable que cette tradition a été créée pour hd, de même qu’a été créée probablement contre lui l'addition postérieure sur le père du Mahdl, qui devait s'appeler 'Abd Allah comme le père de Maho­ met. D’ailleurs, pour beaucoup de Mahdis excen­ triques, si je puis dire, leurs partisans ne se sont pas arrêtés au nom, ne songeant en réalité qu’à leur rôle messianique et ne sc préoccupant pas davantage de leur descendance, également stipulée dans la tradition. En ce qui concerne le fils de la Hanafiya, on pourrait sc demander s’il doit être considéré comme de la famille de Mahomet. Non. si dans la tradition relative au Mahdl, il s'agit de famille directe; mais si on prend le mol dans son acception la plus large, par son père ’ Ail, cousin de Mahomet, il appartenait à la tribu des Korcïchiles, branche de 'Abd al Moutallib. S’il répond ainsi ù deux caractéristiques du Mahdl, il lui manque d'avoir gouverné les Arabes. C'est qu’en réalité, il ne fut vraiment mahdl qu’après sa mort. La théorie est énoncée dans des vers fameux attri­ bués au poète Kouthayyir (f 105 --723). Certes, les iinâms de Koreîch, les maîtres de la vérité, sont quatre ensemble : ‘AU et scs trois fils, les descendants incontestés. L'un tout de fol el de piété; l’autre disparu à Kerbéla; un autre que l’œil ne verra qu'au jour où il conduira scs cavaliers, dra­ peau en tête II est caché à tous les regards à Iladivâ; près de lui sont l'eau cl le miel. » Et, ailleurs il dit de lui : « C’est le Mahdl, que nous a annoncé Ka'b, l’homme des traditions dans les temps passés. » Dans celte conception du personnage caché en un lieu mystérieux et dont on attend la réapparition; on a voulu voir une influence perse (Darmsteter). On n’a pas manqué non plus d’évoquer les légendes de Frédéric Barberousse, du roi Arthur et d’autres sem­ blables. Mais, avec Friedlander, H faut y reconnaître une influence purement messianique. L’islamisme pri­ mitif est un christianisme où Jésus et le Paraclct sub­ sistent, mais dépouillés de leur divinité. « Puisque les Musulmans admettent le retour de Jésus, pourquoi n’admeltent-ils pas celui de Mouhammad? » Ainsi, parlait dit-on, ‘Abd Allah ibn Sabâ, et il y cul cer­ tainement pendant quelque temps d’assez nombreux musulmans confiants dans ce retour. Pourquoi celte croyance a-t-elle été abandonnée et ce même person nage a-t-il trouvé un remplaçant dans la personne de Ail, déclenchant ainsi le mécanisme que nous étu­ dions, du mahdisme perpétuel? C’est que le génie arabe, en général plus réafislc que mystique, et que la société musulmane fondée sur la propagande guer­ rière bien plus que sur le prosélytisme spirituel, exi­ geaient un chef plus militaire que dévot, un politique plutôt qu’un apôtre. C’est parce que Mahomet avait su déployer ces qualités qu’il avait imposé sa foi aux Arabes, et que sous des chefs aussi résolus que lui, ceux-ci commencèrent de l’imposer au monde. Les croyants aux rebours ne formèrent jamais qu’un minorité. A l’imâmat, souveraineté plus spirituelle que temporelle s'opposa le moiitk, souv cr.ilnété plus temporelle que spirituelle, ayant même une tendance DICT. DE THÉOU CAT1I. MODÉRÉ 158G à redevenir exclusivement temporelle, comme du temps des anciens Arabes. Mais c'eût été la fin de j’islamisrnc; la société musulmane réagit, grâce a ce petit noyau d’imâmistes auxquels le génie plus mys­ tique des Persans apporta un précieux appoint et qui eurent la bonne fortune d'avoir à leur tête des chefs énergiques et résolus. Je veux parler des 'Abbâssides dont l’apparition el le triomphe transformèrent com­ plètement l’islam. 3° Les 'Abbâssides. — C’est une histoire fort singu­ lière que celle de ce parti. De même que les keïsânites formaient une branche excentrique de l’imâmat 'slide, les ’abbâssides furent une dérivation du kelsanisme. En diet, ceux des keïsânites qui, après la mort de Mouhammad Ills de la 1 lanaflya, abandonnèrent l’es­ poir de son retour, reconnurent pour imâm son fils 'Abd Allah plus connu sous le nom d’Aboû Hâchim d’où celui de hâchimitcs qui leur fut donné. Ce nom, donnait lieu à une étrange confusion, car on désignait ainsi la famille du prophète Mouhammad,descendants de Hâchim, qu’on opposait à une autre branche de KorcTchitcs.les descendants d’Oumayya, maîtres toutpuissants de la Mecque cl, comme tels, ennemis du prophète au début de sa mission. Mais, grâce à leur génie politique, à la plus grande conformité de leur mentalité avec l’âme arabe, ils avaient su reprendre le pouvoir, et c’est eux qui furent accusés par les musul­ mans d’avoir rétabli le moulk et trahi la religion. On opposait les hâchimitcs aux oumayyades et, dans le monde musulman, les non-arabes qui devinrent très vite la majorité se rallièrent aux premiers. Ceux-ci se divisaient en deux familles principales; 1· les Tâllbiles descendants d’Aboû TAlib, oncle de Mahomet cl père de 'All, comprenant par conséquent les descen­ dants de Mahomet par 'AU; 2° les 'Abbâssides descen­ dants de 'Abbâs, également onde de Mahomet. Mais les descendants de 'All en possession de l’imâmat ne témoignaient d’aucune des qualités nécessaires pour arracher aux Oumayyades le pouvoir effectif. C’est la branche des 'Abbâssides qui leur subtilisa l’imâmat si je puis dire, en se déclarant les héritiers d’Aboû Hâchim, el détenteurs de l’imâmat hâchimite. Il semble que ce soit de celte confusion de mots que les descendants de 'Abbâs se sont servis pour détourner sur eux la faveur populaire et entraîner ainsi la masse des musulmans non-arabes, tout en groupant, grâce à leur parenté avec le Prophète un fort parti arabe. Aboû Hâchim ne nous est guère connu que par sa mortvl le fait qu’il légua à un descendant de ‘Abbâs tous scs pouvoirs d’imâm et qu’il lui révéla toute l’or­ ganisation secrète qu’il avait formée pour la destruc­ tion de la dynastie oumayyade, organisation que les 'abbâssides reprirent et perfectionnèrent. Mais il se forma un autre parti autour de son frère Ahmad, soit qu’il eût été reconnu antérieurement en concurrence de 'Abd Allah Aboû Hâchim, soit qu’il eût été dé­ signé comme son succsseur par ceux qui n'admettaient pas le legs fait à l’imâm 'abbâssldc. Ce parti que nous retrouverons plus tard serait celui qu’on a appelé carmalhe. Celui-ci déclarait que A(unad fils de Mou­ hammad fils de la Hanafiya n’était autre que le Messie, qui était Jésus, qui était le Mahdt qui était l’ange Gabriel. Ce parti conseillerait donc la troisième socle mahdisle. Mais revenons aux 'abbâssides. En l’an 97, Aboû I lâchlm, empoisonné sur l’ordre du khalife oumayya­ de, fait appeler Mouhammad ibn 'AU, arrière-petit-fils de 'Abbâs, le constitue son héritier el lui donne ses instructions. 11 termine par cette recommandation : • Quand Γαη/iée de l'âne sera passée, envoie tes émis­ saires avec tes dépêches. — Qu’est-ce que l’année de l’âne? demande le descendant de 'Abbâs? — Cent ans de prophétie ne s’écouleront pas que la puissance de IX. — 51 1587 mahométisme, chiisme modébé 1588 le voir · parce que nous trouvons dans nos livres que i succession a celui qui vaincrait le dernier khalife I mérite. Mais il nous faut d'abord suivre l’’abbâsslsînc uumayyadc. Al Mansoùr ne reconnut pas cette pré­ I dans son évolution. I.e troisième souverain 'abbâsslde tention et, l’ayant vaincu, le fit mettre à mort. malgré son surmon de Mahdl, étant mort et les 'alldes Mais ce n'est pas par hasard qu’ai Mahdl portait ce ayant décidément rompu avec les 'abbâssldcs, ceux-ci titre et il n'était pas purement honorifique. Un patrice abandonnèrent peu à peu les doctrines chiites et, tout byzantin, venu a sa cour, lui expliqua qu’il avait désiré en gardant plus fidèlement l'âme musulmane qui 1589 MAHOMÉTISME, CHIISME Ol THÉ 1590 avec qui 11 avait quelques points communs. Peut-être leurs prédécesseurs oumayyades, parurent décidés a suivre leurs errements et à s'occuper surtout de leur al Ma'moûn obéissait-il encore a des influences mazempire temporel. Il y eut cependant une période de deennes,lorsque, par une décision inattendue, Il déshé transition dans lequclle un nouvel clément s'efforça rita sa propre race et en renia toutes les traditions en proposant à l’imâm ‘alidc du moment sa succession d'exercer une influence prépondérante. Les Persans, qui avaient Joué un rôle capital dans le triomphe de à l’empire (201 « 817). .Mais il se lit un tel mouvement lu nouvelle dynastie, crurent le moment venu de pren­ à Baghdàd contre cet acte extraordinaire, qu’ai dre leur revanche de la défaite que leur avaient Infligée Ma’moûn dut y renoncer; le malheureux imâm mourut jadis les Arabes musulmans. Ils sc bercèrent de l'espoir presque aussitôt, empoisonné dit-on, et la tentative de que leur nation reprendrait la domination de l’Orient réconciliation n’eut pas de suites. Au contraire, le et rétablirait l’ancienne religion de Zoroastre. On fossé se creusa de plus en plus entre 'alldes et 'abhàsattribuait à ce dernier diverses prédictions astrologi­ sldes: ces derniers abandonnèrent de plus en plus ques. On racontait, en effet, que si les Arabes avaient les idées chiites et devinrent au contraire les cham­ triomphé, c’est que leur prophète était né à un moment pions du parti adverse : le sounnlsme. Mais il ne faut horoscopique particulièrement favorable pour son pas oublier leur origine, et le caractère essentielle­ peuple. La conjonction des ddux planètes supérieures ment messianique ou mahdiste de leur triomphe, si Saturne et Jupiter qui se maintient pendant 210 ans bien mis en évidence par Van Vloten. Let esprit est était passée en l’an 571 de notre ère dans la triplidté bien caractérisé dans la secte des rawendltcs, parti­ aquatique, c’est-à-dire dans le groupe des trois signes sans exaltés de T'abbAssisme, qui allèrent Jusqu’à du Zodiaque affectés, au dire des astrologues, de ce adorer al Mansoùr comme une divinité, même de son caractère : Scorpion, Écrevisse et Poissons. Or, en 811 vivant. Déjà, en effet, s’étalent glissées dans l’imûde notre ère, c’est-à-dire vers 191 de l'hégire, sous mlsme des conceptions d’incarnations divines qui le deuxième successeur de l”abbâsside al Mahdl, la l’éloignaient de plus en plus du véritable islam. Nous conjonction devait entrer dans la triplicité des signes en avons vu un exemple; nous allons en retrouver ignés, ce qui signi flail la restauration du culte du feu, d’autres, plus caractérisés, dans les doctrines Ismaé­ donc de l’antique religion perse. Il semble que la liennes, où les éléments musulmans finiront par ne célèbre famille des Barmécides (descendant d’un plus Jouer qu’un rôle infime et plutôt d’apparence que persan Barmak?) qui fournit tant d’habiles vizirs à de réalité. la dynastie 'abbâsslde ait pensé à une restauration 5° Les luna'iliens. Le bàiinisme. — Nous avons vu de ce genre et en ait favorisé sous main les fauteurs. que le sixième Imâm 'allde était Dja’far sumemmé Ce serait l’explication de leur chute si brusque en as ÇAdlk. S’il s’est toujours refusé à revendiquer le 187 (801), donc peu d’années avant le terme prédit pouvoir temporel, il n’en a pas moins conservé dans par les astrologues. Le khalife Ilaroûn ar Kachld le domaine spirituel une influence considérable. C’est devait avoir de graves raisons, et les historiens n’ont après ’AU, le personnage le plus vénéré des chiites, pu encore les déterminer avec certitude. A sa cour, pour scs mérites exceptionnels et les grâces spéciales deux influences contraires régnaient, celle de lu race qu’il reçut. Il avait une connaissance profonde des arabe à laquelle il appartenait et qui était représentée choses et c’est à lui qu’on attribue le fumeux livre des par sa femme Zoubelda, sa parente, et celle de la race prédictions, appelé le dfa/r, qui, d’après d’autres, aurait été révélé à 'AIL 11 en a circulé de tous temps perse à laquelle appartenaient les Barmécides. Partagé entre ces deux élément s const animent en lutte, Ilaroûn des exemplaires plus ou moins authentiques; il devait ar Itachtd avait hésité longtemps; il avait cru les con­ être à l’origine du type de ces malahün si en vogue cilier en proclamant héritiers de l'einplrc ses deux fils, pendant les premiers temps de l’islam. A ce livre on l’un né de Zoubeida, a) Amîn, l’autre al Ma’moûn né joignait la djâmi'a ou somme, dont l’origine est d’une esclave et tout acquis à la cause perse. Cette der­ inconnue et le texte perdu. Le malheureux imâm nière semblait à peu près perdue après la chute des choisi par al Ma’moûn comme héritier présomptif Barmécides et l’avènement d’al Amin. Mais celui-ci avait consulté ces livres avant d'accepter; il n’avait pas, d'ailleurs, obéi a leurs conseils qui était de refu­ lit la faute de provoquer son frère qui fut vainqueur. L’esprit perse % reprenait son influence. On peut sc ser et, comme iis l'avaient prévu, cette erreur lui demander si al Ma'moûn fut vraiment musulman. fut fatale. De tous temps, d’ailleurs, les 'alides pas­ Le poète Hnlausî, le chantre national de la Perse mu­ saient pour avoir des livres my stcrieux.des Instructions sulmane, dans son épopée du ChAh nameh. l’appelle secrètes soit venues de Mahomet, soit même de la divi­ avec éloge un mobed,c’est-à-dire un prêtre de Zoroastre. nité, à laquelle leurs adhérents fanatiques avaient de plus en plus tendance à les identifier. C’est ainsi qu’on Dans le débat qui s’était élevé entre le chrétien Ya*attribuait à 'AII un feuillet, >abi/a, probablement du qoub al Kind! dont il a été question plus haut.col. 1580, et le musulman qui l’incitait à sc convertir, al Ma'­ genre des feuillets, dont parle le Coran, révélés à Abra­ ham et à d’autres prophètes. C’est sur l’imâm Djn’far moûn intervint et blâma le musulman, lui assurant qu’on était pour le moment dans la foi de Zoroastre et sa science mystérieuse que se concentrèrent les et qu’on serait prochainement dans celle de Jésus- légendes. C’est autour de lui que se groupèrent les partisans d’une vaste organisation fondée sur la Christ. Par ces paroles énigmatiques, il semblerait se rallier à la doctrine astrologique qui, depuis 191, met­ croyance en l’omniscience de I imâm et sur un ensei­ tait le monde sous l'influence de Zoroastre, et annon­ gnement ésotérique des plus étranges, qu’on appela In science du caché : le bdluüsme. çait probablement le retour de Jésus-Christ, donc la Tel que m us le connaissons, soils une forme déjà fin du monde, 210 ans après, c’est-à-dire à un nouveau tardive, le bâtlnlsmc repose sur ce principe fond: men­ passage de la conjontion. En même temps qu’il était tal que toutes les religions sont de purs symboles dont plus ou moins secrètement mazdéen, il se déclarait ouvertement pour les 'alides. Une partie de la Perse, la véritable signification échappe nu vulgaire, et en particulier que l’idée de la lin du monde, essence même surtout celle qui avoisine la mer Caspienne, et qui conservait encore quelques restes d’indépendance de l'islam ne répond à rien de réel. Le monde est étemel, s’était déclarée pour eux. Le nationalisme persan donc il ne finit pas; mais il subit certaines révolutions s’attachait aux Imâms ‘alldes parce qu’il les consi­ qui marquent la fin de cycles cosmiques, auxquels d'autres succèdent, et ainsi à l’infini. 11 doit donc y dérait comme les descendants de leurs rois. HouseTn avait épousé une fille de Yazdedjerd, le dernier roi avoir pour la masse un enseignement religieux, sym­ Sassanldc Le mazdéisme (rat émisait avec le mahdisme. bolique ou exolérique et, pour quelques Initiés, une 1591 MAHOMÉTISME, CHIISME OIJTHÉ 1592 doctrine philosophique, abstraite, ésotérique. Coin- I très postérieure, mais l’esprit de la philosophie grecque ment se faisait l’initiation? C'est ce que nous verrons qui les anime et divers autres indices paraissent leur assigner une origind plus lointaine, probablement dans en étudiant l’isma’flismc une fois constitué. Les véritables origines en sont obscures. Il semble le courant du ιι· siècle de l’hégire, époque où les livres que les premiers bâlinlcns aient été les partisans grecs furent connus des Arabes et leur inspirèrent un d’Aboû Mouslirn, ce Persan, qui avait créé la daula vif enthousiasme. On les n définis comme des musul­ 'abbâsside et qui fut mis à mort par al Mansoûr qui mans, convaincus qu’il fallait allier la philosophie cl la religion pour obtenir la vérité parfaite. Leur science lui devait tout, mais redoutait son esprit d’indépen dance et peut-être scs tentatives pour se rapprocher était cachée au vulgaire et réservée aux seuls dignes. Ils avaient, disent-ils, des livres accessibles a tous, des ’alldes. Lui aussi, d’ailleurs, eut des partisans exaltés qui le considérèrent comme mahdi. Les rizA- traitant de Ions sujets, mais aussi un autre livre qui inltes voyaient en lui le successeur légitime d’as SafTàh, leur appartenait en propre, intelligible à eux seuls donc ce second personnage annoncé dans la tradition contenant la science des essences des Ames, leurs dont nous avons déjà parié sous le litre d’al Moun- influences sur tous les corps : .sphères célestes, astres, dhir. Lui-même, en clfcl, prétendait descendre de éléments, minéraux, végétaux, animaux, hommes de toute espèce, prophètes, savants, etc. Par ces livres ' \bbâs. Suivant la formule ordinaire, il n’avait pas été tué, il vivait toujours, il reviendrait pour remplir la accessibles A tous, il faut probablement entendre les terre de Justice. Ces sectaires portaient aussi le nom cinquante traités qu’ils nous ont laissés et par leur livre spécial, le cinquante et unième, la djânü'a, de mouslinntcs, et de khourramites. Ce dernier nom restée secrète et dont une partie n'a été retrouvée que a été également donné aux isma’iliens, ce qui peut dans un manuscrit de la célèbre secte Isina’ilienne, faire penser que ceux-ci leur avaient emprunté tout connue en Europe sous le nom d'Assassins. Cette cir­ ou partie de leurs doctrines. Dans l’entourage de l’imAm Dja'far, c’est un nommé constance prouve bien leur parenté avec la secte. Quel rôle ont-ils joué dans la propagation des doc­ Aboû-1 Khatlâb qui parait avoir inauguré le bAtitrines ésotériques? Ils se présentent à nous comme une nlsmc. Ses partisans considéraient le dja'far comme leur livre personnel; ils adoraient en Dja’far une vaste association de secours mutuel et leurs traités incarnation de la divinité, mais, après sa mort, ils font grand étalage de piété· N’y a-t-il pas là le noyau déclarèrent que l’imAmat était passé à Aboû-1 Khat- de ces sociétés secrètes, qui cachent, sous des appa­ tûb. Les iiAwousllcs, au contraire, déclarèrent qu’il rences humanitaires et plus ou moins religieuses, de tout autres visées, soit qu’elles nient été constituées n’étalt pas mort et qu’il reviendrait, toujours suivant ainsi dès l’origine, soit que sincères au début, elles la même formule. D’autres, au contraire, conféraient l'imâmat A son fils Moûsa; d’autres en lin, qui s’é­ aient été détournées de leur but primitif par des chefs audacieux pour servir d’instruments à leurs ambi­ talent attachés à son fils Isma’il, proclamèrent imAm tions politiques. Peut-être est-ce le cas des < Amh Mou’.iammad, fils d’Isma’il, et c’est de là que leur fidèles » dont l'Ame paraît assez, ingénue si nous nom vint le nom d’isma'iliens. Isma’il avait été proclame par son père comme héritier de l’imAmat, mais il en rapportons à leurs seuls écrits. Cette innocente association aura été transformée par d'autres en un mourut avant lui; d'autres disent qu’il commit une faute qui entraîna sa déchéance; de toutes les façons formidable agent de révolution et même de dissolu­ A la mort de Dja’far, le schisme se produisit entre tion sociale. N'csl-il pas étrange que d’elle se soient moûsawites, donnant A Moûsa et à sa descendance la inspirés les impitoyables Assassins, qui se proposaient certainement bien autre chose que l’union de la reli­ qualité d imAm, et isma’ilites ne la reconnaissant qu'à Isma’il ou plus exactement à Mouhammad qui, gion de Mahomet à la philosophie d’Aristote pour d'ailleurs, devait être le septième et dernier imAm. obtenir la pure vérité. L'Isma’ilisme présente donc, dans ses débuts, une La valeur mystique du nombre sept était en effet un organisation probablement très voisine de celle des des points principaux de la doctrine. L’imAmat’aljde se divise donc à ce moment en deux < Amis fidèles », peut-êl rc identique, mais il dévie étranbranches : I'isma’ilisme qui représentera pour nous gement. Au Heu des candides appels, H étale un cynisme révoltant; mais peut-être le jugeons-nous trop sévè­ la cinquième grande secte mahdiste et l'imAjuisme rement, n’ayant sur scs adeptes que les témoignages duodéelman qui s’arrêtera au douzième ImAm, comme de leurs ennemis déclarés. Leurs doctrines, qu’ils ont l’autre s’est arrêté au septième. voulues mystérieuses et secrètes, n'ont-elles pas été L isma’ilismc comporte deux éléments qui se sont étroitement associés plus tard, mais qu’il faut soigneu­ déformées dans les descriptions qui nous sont parve­ nues? Les textes, qui viennent d’eux, ne nous sont sement distinguer. D’une part l’élément purement mahdiste, qui reste dans la tradition musulmane, connus qu’à l’état de fragments et d’époque tardive. «l'autre part le bAtinisme qui est devenu une sorte Avant de répéter ce que nous en savons, il convient «le conglomérat de toute espèce de conceptions reli­ I de faire ces réserves. Le plan fondamental était de réunir tous les mé­ gieuses, magiques et philosophiques, quelque chose d’assez semblable à la Kabbale Juive, qui en dérive contents du régime établi par les 'abbAssides, et il probablement par certains côtés. Ce second élément y en avait certainement beaucoup. En premier Heu, est devenu la négation même de l’islam, et le chiisme, tous les non-musulmans plus ou moins humiliés et ainsi altéré, a été vraiment une hétérodoxie. foulés par l’islam devenu, avec la nouvelle dynastie, Le mahdisme des Isma* liions ressemble beaucoup moins tolérant et moins facile : Juifs, chrétiens, zoroasA celui des 'abbàssides par son organisation secrète, triens, manichéens, sabéens, etc. Puis ceux «pii avaient mais II semble l’avoir renforcée par un système d’ini­ été évincés par l’audacieuse intrusion de la famille de tiation fort curieux, sur lequel les auteurs arabes nous ’AbbAs : les ‘Alldes, descendants du Prophète, d’a­ ont donné de nombreux détails que nous résumerons bord; puis les ’Alldes KefsAnitcs, devenus plus tard les Cannathes; en lin, les Khourramites , attachés A la ici. Nous parlerons d’abord d’un association spirituelle mémoire d’Aboû Mouslim si cruellement victime de qui ne parait pas avoir eu d’aspirations politiques, l’ingratitude 'abbAssldc. Utilisant, d'une part, 1rs mais qui était certainement affiliée A l’organisation procédés de la propagande secrète que nous avons vus isma’ilite. C’est la Confrérie de la Pureté, Ikhwdn inaugurés par Aboû HAchim cl les associations intel­ a* yi/d, dont le sens véritable est : les · Amis fidèles ». lectuelles qui s’étalent formées sur tout le territoire Nous en connaissons les écrits d’après une rédaction • musulman, perfectionnant I organisation et se don· t i | i 1593 M AHOMETISM E, CHIISME OUTRE nant comme les partisans d'une magnifique synthèse réconciliant toutes les religions connues dans une phi­ losophie éclectique et supérieure, ils attiraient à eux tous les esprits élevés de leur temps parces belles spé­ culations tout en flattant les superstitions de la masse et la séduisant par le mystère. Leur enseignement était de sept degrés; plus tard il fut porté, semble-t-il, à neuf. l)u moins c'est avec ce nombre qu’il nous est présenté en détail dans les textes que nous possédons et que nous allons utiliser, tout en les soumettant aux réserves critiques néces­ saires. Dans le premier degré, le missionnaire ou dd’i (litté­ ralement : l'appelant) s'efforce de gagner la confiance de celui qu’il veut enrôler en faisant parade de connais­ sances mystérieuses, qui piquent la curiosité. Ces connaissances mystérleures sont celles que possèdent les ImAms, de par leur nature privilégiée, et qu'ils transmettent à leurs initiés. C’est faute d'en (Ire instruits, que les hommes commettent tant d'erreurs, (pie tant de calamités fondent sur la société, que le véritable islam est si peu pratiqué. Comme on le voit, ce premier degré s’adresse essen­ tiellement aux musulmans et il en sera de même pour les suivants. Nous ignorons comment les missionnaires appliquaient, au moins dans le détail, leur système (renseignement gradué. Le texte que nous résumons dit que, pour ébranler son auditeur, le missionnaire lui pote des questions captieuses sur certains passages du Coran plus ou moins obscurs, sur certains phénomènes naturels, sur le caractère symbolique des nombres 7 et 12; bref, il lui montre le monde tout entier comme rempli d'énigmes dont il a la clef. Si son auditeur allèche demande à connaître celte clef, le missionnaire pose scs condi­ tions. C.cllc science supérieure ne peut être confiée que sous le sceau du secret, cl pour être initié il faut s'engager par les serments les plus solennels à n’en rien révéler, sans la permission des chefs. D’ailleurs, s’adressant à un musulman, il lui déclare que cet engagement est entièrement conforme à l’islam, que le prosélyte doit continuer à pratiquer fidèlement. Le deuxième degré ne parait pas différer beaucoup du premier; une fois le serment prêté, le prosélyte n’apprend rien de nouveau si ce n’est que Dieu a confié la vérité aux ImAms et qu’il faut s'en remettre aveuglément à eux. Mais cela était déjà compris dans le premier degré, et le prosélyte reste toujours ignorant de la doctrine. C'est avec le troisième degré qu'npparalt l’enseigne­ ment de risma'ilismc proprement dit, à savoir que Dieu, ayant créé les principales choses de ce monde par sept, il est certain qu'il en est ainsi pour les ImAms, qui sont 'Alt, llasan, llouseln, * AH fils du précédent, Mouhammad, Dja’far et enfin le QAïm, le maître des derniers temps, en d’autres termes le Mahdf. Quel est-il? Notre texte dit que les sectaires hésitent entre Isma’il et son fils Mouhammad Mais d’autres indices enlèvent tout doute : dans un écrit rédigé par un auteur isma’ilicn, c'est Mouhammad, qui est appelé le septième parfait. Son père n’a été en somme que le dépositaire provisoire do l’imAmat, et c’est lui «pii l’a exercé véritablement. Iteste a démontrer que Mouhammad a vraiment les qualités requises, qu’il a la science des choses cachées et (pic. seul, il peut pénétrer le sens ésotérique de ce dont le vulgaire ne connaît que l’apparence. C’est par lui que les inities savent l'interprétation allégorique, ta'itdl, des textes sacrés. Ici commence l'exposé du bâtinisme, qui traite le Coran, ainsi que nous l’avons dit, à la façon dont la Kabbale traite la Bible. Si cette explication séduit le prosélyte, on lui fait franchir un degré de plus. 1594 Dans le quatrième, il apprend que le nombre 7 régit non seulement l’imAmat musulman ou ’alide, mais encore le prophétisme universel. 11 y a sept grands pro­ phètes législateurs, créateurs de religions, les < par­ leurs » ou nâtiki, qui sont doublés — et ceci est un élément essentiel de la doctrine, nous verrons pour quoi — d'un second qui est appelé le soûx et transmet la doctrine par six personnages successifs qui tonnent avec lui les sept « silencieux » ou 'dmits. Le premier prophète parleur fut Adam, et Set h son fils fut son 8ûûs. Le second est Noé qui promulgua, disent-ils. une législation abrogeant celle d’Adam. Son soû.s fut Sem. Puis viennent successivement Abraham avec Isma’il son fils; Moïse avec Araon; Jésus avec Pierre; Mouhammad et 'AIL Les sept ‘Amils de ce dernier cycle, le sixième, sont les six ImAms, et Ivna'il en dernier lieu. Enfin, apparaît le septième et dernier parleur, qui est le Mahdf, c’est-à-dire Mouhammad. Au cinquième degré, c’est l'application du nombre 12 qui vient compléter le système. Outre le soûs, chaque imAm doit avoir autour de lui douze auxiliaires nommés houdjdjas, c’est-à-dire « preuves ». Les douze fils de Jacob, les douze apôtres de Jésus, les douze chefs ou naqlbs donnés par Mahomet A scs fidèles en sont des exemples. Le nombre 12 dont Je mission­ naire avait, dès Je début, montré ce rôle dans le monde était le symbole des loudjdjas, comme le nombre 7 celui des ImAms, et ainsi se trouvaient résolues les énigmes proposées à l’auditeur pour le séduire et le faire entrer dans la nouvelle secte. Jusqu’ici, on n'a pas quitté le terrain à l’islam. La succession des prophètes desunt aboutir à Maho­ met est prolongée et systématisée pour aboutir au Mahdl. Cette succession est bien dans l’enseignement de Mahomet, son prolongement ostia conséquence de sa disparition, cl s’il n’appartient pas à cet enseignement. H n’en est pas moins, comme nous l'avons déjà dit. la doctrine de l’islam immédiatement après la mort de son fondateur. Au sixième degré apparaît un nouvel élément : la philosophie grecque. En effet, le bAtinisme a déjà fait naître celte con­ clusion que la religion musulmane, comme toute autre d’ailleurs. est purement symbolique, et que les pratiques en ont été instituées pour le vulgaire, afin d’y maintenir le bon ordre, refréner ses instincts cl assurer la paix sociale. Voilà ce qu’enseigne la philo­ sophie grecque, à laquelle il faut désormais s'attacher en ne croyant plus aux révélations bonnes pour la masse ignorante, mais en y découvrant, avec les esprits supérieurs, la sagesse cachée qui les a dictées aux savants législateurs. Sous cette forme le sixième enseignement parait avoir été dénaturé par les adversaires de la secte. Il est plus probable que celle-ci passait d’abord pur un terme moyen, qui essayait de concilier lu philosophie et la religion. Nous avons vu que tel était le but avoué des IkhwAn as snfû; c’était aussi, nous le savons, celui des philosophes arabes. Avicenne, Averroès et les autres. Les ennemis de ceux-ci les ont accusés d'irréligion; ils s'en sont toujours défendus énergiquement. Il est probable que ce sont leurs théo­ ries qui étaient défendues dans ce sixième stade, cl qu’il n'était pas encore question de l’opposition vio­ lente entre la foi et la raison, mais seulement de leur accord. Le septième degré nous est exposé d’une façon peu claire dans les deux textes que nous résumons ici cl qui, d'ailleurs, ne sont plus d’accord. On y peut démê­ ler la doctrine de l’émanation, empruntée celle fois au gnosticisme et adaptée à l’interprétation du Coran. Cette doctrine a pour but de placer à côté de l’Clre unique un autre qui le suppléera dans la direction du monde. C’est la généralisation de la théorie du soûs. r 1595 MAHOMÉTISME, CHIISME que nous avons vu énoncée plus haut. Les adversaires de la secte ont alïeclé de voir dans cette conception un retour au dualisme zoroastricn, mais cc que nous connaissons des écrits de la secte nous permet d'a ffir­ mer que, s il y a dualisme, il n’y a pas opposition de deux principes, bien au contraire. Le second est le reflet du premier, il lui est intimement uni. Il a été conçu pour expliquer la nécessité du soûs qui accom­ pagnera le prophète parleur et du grand missionnaire, dd'i des dais qui sera l’émanation du Mahdl et trans­ mettra ses ordres. Ce transmetteur ostensible des ordres du Mahdl est absolument nécessaire dans la doctrine, car il peut arriver que le Mahdl se cache; c’est, nous l’avons vu, le sort de tous les Madhls Jusqu'ici, et la ghaï ba ou absence en est arrivée à (aire partie intégrante du Mahdisme. Dans ce cas, il faut un second, dont renseignement réponde exactement à celui du Mahdf absent et, si son absence se prolonge, il y aura une suite de grands dû’is qui parleront en son nom. Par une conséquence inévitable, le grand dâ’i sera tenté de sc substituer au Mahdl et même, comme nous le verrons, de sc présenter lui-même comme le Mahdl. 1JI est l’originalité de la secte, et il est évident qu’elle offrait une véritable prime ti l’imposture. Cette conséquence était tellement fatale, qu’en fait l’isma’ilisme en vint à sc détruire lui-méme et aboutit à une forme toute nouvelle : le fûlimismc qui engendra luiméme d’autres doctrines aberrantes, comme celles des Druzes et des Assassins. Mais reprenons les textes qui nous exposent les divers degrés de l’enseignement; déjà peu d’accord sur le septième, ils sont tout à fait opposes dans l’exposé du huitième. C’est dans cc dernier que figure nettement et sans contestation le rejet des révélations et par suite de l’islam tout entier et en particulier des doctrines eschatologiqucs, donc du mahdisme. Ici, il n’y a plus de succession de prophètes, partant plus d’imâms et d’isma’iilsinc. C’est une doctrine toute nouvelle, qui a dû être ajoutée après coup. C’est, en cITct, celle que l’on doit probablement attribuer aux fauteurs de cc que nous avons appelé le fâtimisme, et voici pour­ quoi. Le huitième degré,après avoirrépété la doctrine de l’émanation contenue dans le septième, cc qui semble indiquer la nécessité d’un raccord entre l’un et l’autre déclare nettement qu’il n’y a ni résurrection, ni récompense, ni châtiment dans l’autre monde. Il y a seulement des cycles cosmiques, réglés par les mou­ vements des étoiles, et aboutissant à des révolutions, à des palingénésies, mais continues et sans terme. Nous voici arrivés à une forme nouvelle, très systé­ matisée, des prédictions astrologiques dont nous avons montré l’apparition à la fin du n· siècle de | I hégire, pour soutenir les prétentions du rationa­ lisme persan. Le neuvième degré achève la ruine de Usina’ ilisme en affirmant que l’imàm n’a aucune réalité, qu’il n’est que le symbole de la vérité suprême, à laquelle on arrive par la pratique des sciences. Quand on parie d’un imûm actuel, on veut dire simplement l’énonce de la doctrine par la voix de ses lieutenants. Nous verrons ces Idées prendre une forme plus arrêtée et plus précise dans les écrits qui nous sont parvenus des Assassins. En réalité, cette doctrine que nous venons d’expo­ ser. est celle du fâtimisme, et non de l’ismailisme pri­ mitif, ou plutôt, d’après les auteurs auxquels nous en avons emprunté l’exposé, c’est celle qui est commune au fà iniismc et au cannathismc. Nous avons déjà parlé du curmathlsme comme avant été, ù son origine, au moins, une sorte de néokêbanhme, se fondant sur l’imAmat d’un fils de Mouhaminad, fils de la Hanufiya, identifié lui-même au OUTRÉ 159«; Messie, à Jésus, au Logos et au Mahdl. Il semble qu’il y ait là une esquisse du système isma’iiien avec cinq personnages, au lieu de sept. Mais la charpente du système était moins symétrique, car ils admettaient la série des sept prophètes principaux, Adam, Noc, Abraham. Moïse, Jésus-Christ. Mahomet, et leur imûm Ahmad. Il est certain que la conception du Mahdf apportant le dernier chaînon à la succession des grands prophètes proclamés par l’islam conte­ nait en elle-même le principe septénaire. Mais, sou* cette forme, elle était en opposition avec l’enseigne­ ment de Mahomet qui s’était déclaré formellement le sceau, donc le dernier, des prophètes. D’ailleurs, le choix des grands prophètes était certainement arbi­ traire. L’islam n’admet que trois livres révélés, celui de Moïse ou Tara, de Jésus-Christ ou Indjll, de Mahomet ou Coran ; celui-ci parle aussi des Psaumes, on aurait donc dû faire aussi une place à David, mais les Psaumes ne peuvent être considérés comme une législation. Or, c’est là le caractère évident de la Tôra et du Coran, et Mahomet qui ne parait pas avoir com­ pris très exactement ce que représentaient les Évan­ giles (les authentiques et les apocryphes) a pu croire que c’était aussi le caractère de la doctrine enseignée par Jésus-Christ. Cc n’est donc pas dans le mahdisme qu’il faut voir l’origine du septénarisme, il y a été adapte par une véritable imposture. Le Mahdl n’est pas un prophète et il n’a pas de nouvelle loi à apporter; il doit seulement préparer les voies à Jésus-Christ, k défendre contre l’Antéchrist; tout autre rôle à lui attribué constitue une hétérodoxie, et. s’il ne lui est attribué que pour être exercé en réalité par son lieu­ tenant, c’est bien la négation de l’islam et une impiété d’où le nom justement mérité de malâhida · Impies » donné aux Ismaéliens cl aux carmathcs. 6° Le /âfimisme. — La liaison de ces deux sectes n été bien mise en évidence par les orientalistes mo­ dernes; elle constitue cc que nous appellerons, faute d’un meilleur terme, le fâ imisme. Comment s’est faite cette liaison, c’est un point encore fort obscur. Au dire des historiens arabes, le carmathisme doit son nom à un initié de l’isma'ilisme appelé Hamdàn Qarma’, qui, le premier, fomenta des révoltes dans la Basse-Mésopotamie et dont les .successeurs sc ren­ dirent redoutables aux khalifes de Baghdûd. Il recon­ naissait le grand dâ’i, mais croyait véritablement à l’imàm. Mais nous avons vu que d’autres doctrine* probablement plus anciennes, sont attribuées à des carmathcs. Ce qu’il y a de certain, c’est que le car­ mathisme fut connu des historiens avant l’Ismn’l· lisme, soit qu’il ail pris l’initiative de faction (vers la lin du nr siècle de l’hégire) et ainsi déclenché le mouvement, ce qui permit à la secte, jusque là con­ finée dans une propagande purement orale, d’agir au grand jour, soit qu’il ail obéi à un ordre du grand dû'i au moment jugé propice pour l’explosion de la mine longtemps préparée dans le silence. La question se complique si on cherche à savoir qui fut l’audacieux promoteur du fûlimismc. On l’attribue à ”Abd Allah ibn Maïmoûn. surnommé al Qaddàh (l’oculiste) qui aurait été grand dû'i de l’isma’ilisine vers le milieu du m· siècle, mais d’autres indices le font naître au début du n· siècle, c’cst-à-dirc au temps de l’imàm Dja’far dont son père Maïmoûn aurait été l’affranchi. D’autre part, un nommé Zcïdûn, Dcîdàn ou Dcndàn aurait, tout en professant des doctrines philosophiques très voisines de celles que nous retrou­ verons dans les écrits des Assassins, annoncé des révo­ lutions cosmiques dues à ces conjonctions de Saturne i et Jupiter qui jouent un si grand rôle dans les doctrines carmathcs. Or, les uns le font vivre au milieu du I in· siècle de l’hégire, mais d’autres en font le contem­ porain de Maïmoûn. père de *Abd Allah, et la con­ 1597 MAHOMÉTISME, CHIISME OUTRÉ jonction qu’il prédit est celle dont nous avons parlé plus haut et qui devait survenir en 191 de l’hégire. 1) parait plus rationnel» d'ailleurs, que, l'isma'ilisme primitif étant né à la mort de DJa’far, en 118 (765), le mouvement qui en dérive n'en ait pas été fort éloigné dans le temps. Pouvait-on vraiment soulever les masses au nom d’Isma* il ou de son ills Mouhammad plus d’un siècle après? Mais nous ne pouvons discu­ ter ici cc problème. Nous nous contenterons donc de présenter les faits suivant le système généralement admis, d’après les historiens arabes. La doctrine aurait été conçue par Maïmoûn, qui porte aussi le surnom de Qaddàh, l’oculiste; mais c'est 5 son fils que serait due l'organisation, l’initia* (ion aux sept ou neuf degrés, etc. Maïmoûn faisait profession de chiisme zélé, mais en réalité, il était :andiqt c'est-à-dire matérialiste. Il était le fils d’un certain Dcïsân, qui lui-méme était un dualiste, c’est-àdire persan zoroastricn, comme il y en avait tant sous le premier régime ’abbâssidc 11 aurait vécu dans la région d’Ispahan où il y avait un fort noyau de partisans 'alidcs. Son ills 'Abd Allah devint, par sa pro­ pagande et son influence, suspect aux autorités qui le pourchassèrent de là dans la Susiane, puis à Bassorah, d’où il dut enfin s’enfuir pour Salnmiya en Syrie. C’est là qu’il eut un ills, Ahmad qui devint, après lui, chef de la doctrine. Il avait avec lui son dâ’i l.louscïn, surnommé al Ahwâzî, qu’Ahmad envoya pour faire la propagande dans la Basse-Mésopotamie. Le dâ*i trouva dans la personne d’un simple paysan Hamdân, surnommé Qarmat, un partisan enthousiaste cl, en mourant, le désigna pour son successeur dans les fonc­ tions de dâ’i. A partir de ce moment, et probablement sous sa vive impulsion, la propagande se développa en Perse et surtout dans le Bahreïn, où les carmathcs parvinrent à fonder un petit état indépendant qui devait durer près de deux siècles. Entre temps, le grand maître Ahmad mourait et ses deux fils héri­ taient de son pouvoir, toujours sous le nom du Mahdl ou imfim absent. Mais peu à peu, sans que nous puis­ sions dire comment, le Mahdl qui devait être le sep­ tième et dernier imâm du sixième cycle cl le septième et*dernier grand prophète, sans successeur puisqu’il devait clore l'histoire du monde, se trouva n’êlre que le premier d'un nouveau cycle d’imâms, qu’on appela les imâms cachés et dans lesquels se trouvèrent com­ pris les grands maîtres de la doctrine. Il y a là un esca­ motage assez singulier qui souleva l'indignation de beaucoup d'’alidcs, mais que n’admettent pas un certain nombre d’historiens. La série des imâms cachés commençant par Mouhammad ibn Isma’il qui perd ainsi sa qualité de Mahdl comprend ensuite son Ills DJa’far, se termine par le fils de celui-ci Mouhammad. Après quoi npparalt un 'Oubeïd Allah qui se donne pour le véritable Mahdl et inaugure la dynastie dite dse Ιύι( imides. Etalt-cû un descendant de Maïmoûn, grand maître des isma’iliens, qui jugea le moment venu de lever le masque cl de réaliser le rêve ambitieux formé parses ancêtres, ou était-ce vraiment un descen­ dant authentique de l'âtima, la fille du Prophète, d'où le nom de lâtimide qui lui est donné? Auteurs arabes cl orientalistes sont fort divisés sur ce point, et une pareille imposture parait inexplicable. Mais nous n’avons pas les moyens de trancher le différend. Tout ce que nous pouvons affirmer c’est qu’à la fin du ni· siècle de l’hégire une dynastie, dite fâ| imide entre dans l'histoire et y tient une place importante pen­ dant près de (rois siècles. L'imâmat fâ( imide avait enfin trouvé les hommes d’action qui lui manquaient et il s’en fallut de bien peu qu’il ne supplantât l’imâmal 'abbassidc sur tous les points de l’empire musul­ man. 'Oubeïd Allah, également appelé Sa* Id, aurait été 1598 fils de Housefn, fils (ou petit-fils) de 'Abd Allah ibn Maïmoûn cl serait devenu grand maître en 280 (893). Un missionnaire habile et dévoué qu’il en­ voya dans l’Afrique du Nord trouva, chez les peu­ plades berbères des Koutâma, un appui enthousiaste et fomenta une révolte contrôles gouverneurs ’abbâssldcs. Quand il sc jugea assez fort, il engagea ’Oubeïd Allah, alors à Salamiyu, à venir sc mettre à la tête de ses troupes. r\près un voyage mouvementé, celui-ci arriva à Sidjilrnasa où il fut arrêté. Mais son dâ’i le délivra et le ramena en triomphateur dans les étals conquis par sa vaillance. Aboû *AJ>d Allah, loi était le nom de ce hardi partisan devait avoir le sort d’Aboû Mouslim. 'Oubeïd Allah avait pris le titre d'al Mahdl, émir des Croyants; il paraît que le dâ’i contesta sa légitimité à ce litre : il fut mis à mort. Ces événements s<‘ passèrent en 297 et en 298 (911) . La dynastie fàtimidc conservait scs relations se­ crètes avec les carmathcs et se servait d'eux pour harceler les ‘Abbâssidcs de Baghdad. Les carmathcs se rendirent les maîtres de la route des pèlerinages vers la Mecque; persécutèrent 1rs pèlerins cl même allèrent jusqu'à profaner le sanctuaire révéré de l’islam. Non seulement la ville sainte fut mise à sac, mais les sec­ taires impies, raillant le culte des musulmans pour la pierre noire encastrée dans la Ka’ba, adorée par les Arabes depuis les temps les plus anciens, respectée par Mahomet, l’enlevèrent pour la transporter dans ta capitale de leur principauté du Bahreïn. C’était un audacieux défi à l’islam tout entier, peut-être une maladresse, car il décelait trop l’impiété foncière de la secte. Aussi, quelques années plus lard, le grand maître fàtimidc la fil restituer (339 =951). Il importait qu’aux yeux de la masse, le fâtimisme restât musul­ man. D’ailleurs, le mahdisme de la dynastie ne dura pas plus que n’avait duré celui delà dynastie ’abbàs­ sidc; les successeurs de 'Oubeïd Allah prirent bien les titres de Qâïm cl de Mansoûr qui appartenaient aussi, d’après les traditions, au .Mahdl, mais ils n’a­ vaient plus qu’une valeur protocolaire et le nouvel Étal paraissait devoir être confiné dans des limites assez étroites, lorsqu’avcc le quatrième Imâm fûtimide, ces limites furent franchies, l'Égypte et une partie de la Syrie furent conquises. En même temps cc quatrième imâm qui portait un litre nouveau : al Mou’izz lidin Allah — c’est-à-dire · celui qui glori tic la religion d’Allah * — semble avoir donné une impulsion nou­ velle à la secte au point de vue doctrinal. Nous avons, en clïct, des écrits qui lui sont attribués et qui jettent une vive lumière .sur les conceptions de cc personnage. S’il s’intéressait tant à la gloire d’Allah, ce n’est pas qu’il fût venu à résipiscence et fût rentré dans le giron de l’islam, mais c’est qu'il se considérait luimême comme l’émanation, la forme visible d’Allah et, au lieu du matérialisme athée et philosophique que nous avons vu enseigne par les isma’iliens, nous nous trouvons en présence d’un mysticisme très parti­ culier, que nous allons résumer. Voici, par exemple, cc que dit al Mou’izz dans un écrit qui lui est attri­ bue par les Assassins, abbâh, s’étant initié à la doctrine, alla se présenter au Caire pour conférer avec l’imâm. Celui-ci ne le reçut pas, mais eut cependant des rela­ tions très suivies avec lui et lui transmit ses instruc­ tions. Entre autres, il lui fit savoir qu’il avait désigne son fils Nizâr comme imâm après lui. Aussi, a la mort d’al Moustanslr (187 «= 1093), soutint-il les droits de Nizâr contre les prétentions d’un autre imâm, qui cependant l’emporta en Égypte. Nizâr ayant succom­ bé, Hasan continua à se présenter comme son dâ'i. probablement suivant l’éternelle fiction mahdiste cl il sc créa une petite principauté indépendante au nord de la Perse, avec Alamoût pour capitale. Ainsi naquit la dynastie nizArite, plus connue sous le nom occidental d'Assassins, lequel est dérivé du pluriel arabe Hachichiyîn, · les fervents du Hachlch ». On rapportait, en effet,que, pour séduire les jeunes gens, Hasan les enivrait de ce stupéfiant (cannabis indica) et les transportait dans un jardin magnifique, leur offrant toutes les délices du paradis de Mahomet. A leur réveil, on leur persuadait qu’ils avaient vraiment pénétré dans le paradis, et que c’était l’avant-goùt des Joies promises à ceux qui se sacrifieraient aveuglé­ ment à l’imAm ou à son représentant Hasan. On appe­ lait ces recrues enthousiastes les fîddwis, c’est-à-dire ceux qui offraient leur vie pour rançon, les dévoués dans le sens étymologique du mot. Sur un signe de leur chef, ils se ruaient à l’ennemi et le frappaient sans crainte, recherchant la mort, loin delà redouter et s’ils en réchappaient, c'était pour eux une tristesse, car une occasion était perdue d’aller au paradis. Ils étaient surtout employé pour les coups de main et pour les meurtres; de là la signification du mot assassin, passe dans notre langue, par les Croisés qui furent longtemps en contact avec eux, et même, dit-on, les utilisèrent. Qu’y a-t-il de vrai dans ces procédés étranges ? Alamoût, vrai nid d’aigle dans une région rocheuse à peu près inaccessible possédait-il vraiment de si beaux jardins et était-il si aisé d'y introduire sans qu’on s’en aperçut, les houris promises aux Croyants par le Coran. C’est bien invraisemblable. On admettra plutôt qu’a­ vant de lancer les fldâwis, on les enivrait de hachlch. Ce que nous savons des conceptions allégoriques de la secte ne se prêle guère à la comédie qu’on lui prête. 1603 MAHOMÉTISME, CHIISME <)l THÉ IfiO', Nous savons pourquoi le salut est dans l'obéissance A I Allah qui tint tête a as Saffah l’abbâsside, mah fut limâm : c’est l'affranchissement définitif du corps, | vaincu et mis à mort, fut un moment considéré coinin' l'obtention du nirvana et il n*y avait pas, dans la doc­ I le Soufyânidc attendu. En 195 (810), peut-être en trine, d’autre paradis. Peut-être cependant vis-à-vis I relation avec la fameuse conjonction astronomique des inities des premiers degrés recourrait-on à des j de 194, eut lieu la sédition d’un autre descendant dt moyens plus brutaux. Le fait certain, c’est que le i Khâlid, qui fut à nouveau considéré comme le Sou grand-maître des Assassins, celui que les Croisés fyânlde; il échoua de même. D’autre part, les Ou appelèrent le Vieux de la Montagne. obtenait de scs mayyades d’Espagne entretinrent ces espérances. adhérents une obéissance aveugle, et sur un signe de .Mais ce ne furent que des tentatives sporadiques. lui le fldâwl se précipitait au bas de la forteresse. 11 convient de remarquer que certains partisans de Hasan et scs successeurs immédiats ne se présen­ cette famille prétendirent que les khalifes syriens taient pas comme imâms, mais comme mandataires avaient porté des titres semblables à ceux des Imâms de l’imâm toujours vivant, Nizâr, auquel ils donnaient I 'abbâssidcs et fâtimides et que l’un d’eux Soulcimân le titre fâtimide d’al Mouslafà lidfn Allah « l'élu pour avait porte le litre d’al Mahdi. Enfin, le successeur de ce dernier, Oiiinar H. fils de 'Abd al’Azlz,revert la religion de Dieu >. Mais le quatrième grand maître par tous les musulmans, même les plus hostiles aux d’Alamoût, Hasan H, se déclara lui-même imâm, c'est-à-dire incarnation de la Divinité. Il alléguait une Oumayyades, est représenté dans beaucoup de récits prétendue descendance de Nizâr comme le premier comme ayant été le Mahdi. Comme aucune doctrine particulière ne sc rattache à cette forme du mahdisme, mahdi fâtimide à l’égard de Mouhammad Ibn Isma’il. Nous ne continuerons pas cette histoire de l'ordre ! plus dynastique que religieuse, nous ne nous y arrê­ terons pas. des Assassins. Nous nous contenterons de dire que la Nous ne ferons aussi que mentionner les croyances dynastie fut détruite par le sultan mongol Houlagou de certains Yéménites qui, ne pouvant supporter la 655 1257) et que la petite dynastie secondaire de domination que s’arrogeaient sur tous les Arabes les Syrie le fut par le sultan d’Égypte, Bcïbars (671 = 1273). tribus descendues d'Abraham, proclamaient que les Quelques sectaires semblent avoir survécu en Syrie. descendants de Kahlân (identifié avec le Yoctân del; On en signale de nos jours encore en Perse et aux Bible) reprendraient la suprématie à la fin du monde Indes, qui vénèrent comme leur imâm Hasan IL Ils sous la bannière du Kahlânide. C'est encore une con­ représentent, avec les Druzes, les derniers débris de ception purement nationaliste, si l’on peut employer risma’ilismc. 8” Iai serte des douze inuirns. — Nous allons étudier cette expression moderne: elle n’a qu’un lien très lâche avec le mahométisme. maintenant la dernière grande secte mahdistc, celle A ces Mahdls nationalistes se rattache le berbère des douze imâms qui, ne reconnaissant pas l’imâmat I d’Isma'il, s’attacha à un autre fils du sixième imâm I Çâlih dont la doctrine fut suivie pendant plusieurs siècles par la tribu des Berghouata, branche de la Dja’far, Moùsâ, qui devint ainsi le septième. Une secte secondaire appelée Moûsawitc, Mamtoùritc ou i grande famille des Masinouda. En l’an 127 de l’hégin Wâkiflte, refusa, à sa mort, de lui reconnaître un ' (745), il se proclama prophète cl prêcha un nouveau Coran de sa composition. Il sc considérait comme celui successeur et attendit son retour; elle ne paraît pas qui est désigné dans le Coran de Mahomet (i.xvi, 6) s’ètrc maintenue. Le huitième imâm fut son fils *A1Î surnommé ar Kidâ, le malheureux choisi par al Ma’- I sous le nom de : Sâlih al Mou’minln. Après 47 ans de moûn, le khalife ‘abbâssidc, pour héritier présomptif ! règne, Il partit pour l’Orient déclarant à scs sectateurs et empoisonné parson ordre;après lui vinrent succes­ ! qu’il reviendrait parmi eux au temps de leur septième sivement Mouhammad. ’Alt, Hasan et enfin Mou­ roi. Il déclara qu'il était le Mahdi annoncé pour In fin du monde, qu’il combattrait l’Antéchrist, que Jésus hammad douzième et dernier. A chacun de ces imâms se rattache, semble-t-il, une secte secondaire de i Christ lui-même serait de ses disciples, etc. Bekrl qui nous apprend ces détails, nous renseigne, aussi sur WAkifites, c'est-à-dire · maintenant > l'imamat en sa personne avec application de la théorie mahdistc, I ccttc religion particulière qui, dans scs pratiques, pre­ nait systématiquement, le contre-pied de l’Islam mais absence et retour; mais une seule a survécu, celle qui s’applique au douzième reconnu le vrai et seul Mahdi. . ne parait pas énoncer sur I)leu et les prophètes de vues originales. Ils donnaient à Dieu le nom de Yakoùch, Aucune secte n’a prolongé la série. Donc, avec lui qui n’est pas berbère et où on a voulu voir le Yacchos finit ou plutôt se cristallise le madhisme. 11 est le des Grecs; leur jour férié était le jeudi; ils s’interdi­ < Pût imide attendu » vraiment descendant de Eâ’.ima saient de manger des poules et des œufs, etc. OHr et vraiment attendu depuis l’année de sa disparition (265 878). En 1502 de notre ère, les $afawides, des- ί petite principauté indépendante défla ainsi l’islam Cendant* du septième imâm Moùsâ, introduisirent jusqu'en 420 (1029), époque où elle fut détruite cl en Perse cette croyance, où elle est restée comme reli­ englobée dans les États musulmans. C'est dans cette même famille berbère des Masgion d'Etat. Nous en reparlerons quand, ayant achevé monda qu'un peu plus tard s’éleva un autre Mahdi l'histoire du mahométisme, nous l’étudierons dans sa forme actuelle. qui fonda une dynastie célèbre destinée à jouer un 9° Les Mahdismes secondaires. — En dehors des rôle historique presque aussi important (pie celle des cinq grandes sectes mahdisles que nous venons de l’âtImides et menaça un moment très gravement la décrire. avec leur cortège de sectes secondaires dérivées chrétienté d'OccIdcnt. Il mérite d’attirer notre atten­ cl aberrantes, il y a eu un certain nombre de mahdismes tion. C'est vers 51 t de l’héglre (1120) que parut l’imâm excentriques, dont quelques-uns ont joué un rôle des Masmoùda, le savant Mouhammad ibn Toûmart historique. fondateurde la sectedes Unitain s(AI Mouwahhidoùn, Le premier est le soufyânisme qui, tout en restant dans la tribu de Mahomet, s’oppose à la branche d'où l'on a fait Almohadcs). Né dans celte peuplade berbère, il était allé de bonne heure s’instruire dans iiâchimidc et prétend établir le mahdisme dans la les écoles d’Orlent. Aux chiites il emprunta la doc­ famille oumayyade. Un fils de Yazld, le second trine de l’imâm ma’soùm « Infaillible » et la croyance khalife de cette famille, nommé Khàlid aurait,dit-on, altéré 1rs iadiths attribuant à un descendant de ’Alt au Mahdi; aux sommités il emprunta la doctrine le caractère de Mahdi et déclaré que ce rôle appar­ rationaliste d'al Ach’nrI que le célèbre Ghazâll apappuyait de tout son génie. Même, on rapporte que tiendrait à un descendant d'Aboù Soufyân, le grandcelui-ci avait lu dans le dfa'fr, le fameux livre deb père de Yazld. Un petit-fils de Yazld, Aboù ’Abd 1605 MAHOMÉTISME, LE ’alhlvs, les hautes destinées du voyageur berbère; mais c’est probablement une légende. Ce qu'il y a de certain, c’est que Mouhammad ibn Toûmart revint avec Λ quoi Ibrahim répondait sur le même ton : • \ eux-tu, quand le chiite blasphème, le faire mourir sur le coup, prie pour le Prophète et scs deux Compa­ gnons (Aboû Bakr et ‘Oumar), scs deux vizirs dont les tombes sont voisines de la sienne. » On pourrait reproduire exactement ce duel poétique aujourd'hui en changeant seulement mourdjltc en sounnite. Sur ce point, au moins, on voit que l'assimilation entre le mourdjlsmc ancien et le sounnisme moderne est légi­ time. Mais quelle est la cause de cette opposition? Il semble bien qu'elle doive être cherchée dans ce qui est la caractéristique du chiisme : la croyance à l'im­ minence de la fin du monde. C'est cette croyance que le mourdjltc devait rejeter et, par conséquent, c'est cette fin du monde qu’il ajournait. Il n'y avait, comme nous l'avons vu, depuis la mort du Prophète, que deux attitudes possibles à prendre pour les musul­ mans : ou bien attendre « l’heure » avec le retour de Mahomet (ou avec l’arrivée du Mahdi son susbtitut). ou bien l'ajourner et se préoccuper davantage de la vie terrestre. Les partisans de celte seconde altitude se trouvaient mêlés tout naturellement aux incré­ dules et surtout à ceux des Arabes qui avaient une tendance naturelle à revenir aux pratiques d’autre­ fois et par suite classés parmi les tiedes. Chez ceux qui redoutaient l’approche du jugement, il y avait nécessairement crainte et ferveur, et chez beaucoup rigorisme farouche. C'est parmi les partisans les plus exaltés de ‘Ali que naquit la secte des khàridjites, dont nous parlerons plus tard. Il n'y a plus aujourd’hui de mourdjisme parce qu’il s’est fondu dans le sounnisme. On a rangé dans cette secte primitive des hommes comme Aboû Hanlfa et comme al Ach'ar! qui appartiennent sans conteste au sounnisme. Quant aux divisions que les auteurs arabes ont voulu y reconnaître, nous verrons combien le caractère en est factice. Une autre forme du sounnisme primitif, d'origine plus politique que religieuse est celle qui, pendant très lontcmps, a porté le nom de 'outhmanisine et qui est opposé à r’altsmc. Tandis que ce dernier maintient les droits exclusifs de * Ail cl de ses descendants à la sou­ veraineté parce qu’ils sont la famille du Prophète et à ce litre doivent en exercer le pouvoir à la fois temporel et spirituel, le parti opposé déclare que la succession de Mahomet appartient non à sa famille immédiate, mais à sa tribu, les Koreïcbilcs et que le souverain y peut être pris a volonté par le libre choix des musul­ mans. L'opposition violente des deux partis se ma­ nifesta, comme nous l’avons déjà vu, à la mort du khalife ’Outhmân. Élu contre ’Alt dans des conditions peut-être peu régulières, il avait soulevé de grandes côlères contre lui et finalement, il avait été assassiné par des fanatiques appartenant au parti de ’All. On accusa ce dernier d'avoir été leur complice, et il s’ensuivit des guerres civiles dont nous avons déjà parle. Ce qui nous intéresse ici, c’est la théorie de la souveraineté musulmane mise en cause dans ces que­ relles cl qui. tout en gardant un caractère spéciale­ ment politique, n'en a pas moins une origine reli­ gieuse. Le fondateur de l'islam ayant exercé à la fois les deux pouvoirs temporel et spirituel, scs successeurs les ont également exercés ensemble, avec des fortunes diverses. En fait, ils ont toujours conservé le second, plus ou moins effectivement, mais ont dû souvent, sous M pression des événements, abandonner le premier entièrement. En théorie, dans l’islam primitif, il ne pouvait y avoir séparation, et il n’y en eut pas. La question se posa sous une tout autre forme. Si la théorie 'alidc a pour elle le mérite de la net leté et de la logique, 1608 la théorie ‘outhmànldc, devenue la sounnite, est beaucoup plus contestable au point de vue musulman pur. Elle a été exposée par le grand historien arabe Ibn Khnldoûn et il convient de s’y arrêter. « L'erreur des imâmiens, dit-il, provient d’un prin­ cipe qu'ils ont adopté comme vrai et qui ne l'est pas; ils prétendent que l'imûmat est une des colonnes de h religion, tandis que, en réalité, c'est un office institué pour l'avantage général et placé sous la surveillance du peuple. S’il était une des colonnes de la religion, le Prophète aurait eu soin d’en déléguer les fonctions à quelqu'un de même qu’il l'avait fait pour la prière publique, dont il confia la présidence à Aboû Bakr; et il aurait ordonné de publier le nom de son suc­ cesseur désigné, ainsi qu’il l'avait déjà fait pour le chef de la prière. Le Prophète, dirent-ils, l’avait choisi pour veiller à nos intérêts spirituels; pourquoi n’en voudrions-nous pas pour nos intérêts mondains' Cela montre que le Prophète n'avait légué l’imàmat à personne et qu'on attachait à cet office et à sa trans­ mission beaucoup moins d'importance que de nos jours. » La conclusion de ce raisonnement est que les musul­ mans peuvent choisir un imàm quelconque, même en dehors des Arabes, même à tout prendre en dehors des musulmans. Quelques-uns allèrent jusqu'à la première partie de celte conclusion; nul, a notre connaissance n'osa aller jusqu'à la seconde. Ibn Khaldoûn défend le point de vue de son temps, appuyé sur une tra­ dition de Mahomet, que le pouvoir devait appartenir à la tribu de Koureïch; un siècle après lui, c’est à la race turque qu’échut la souveraineté. En fait, ni le Coran, ni le Ladtth, qui règlent par un détail souvent très minutieux, non seulement les croyances, mais les mœurs, le droit, le statut familial ne parlent de la succession. Si, dans les traditions chiites, il en est qui attribuent à Mahomet des paroles dans ce sens, d'ailleurs assez vagues, sur la préémi­ nence de ’AH, tout dans les traditions sounnites s’y oppose. Il reste donc établi que Mahomet n’a attaché aucune importance à celle question, pas plus qu’à l'exercice de la souveraineté. On ne cite de lui que quelques paroles sur l'obéissance, venant corroborer le texte du Coran où il est parlé de l’obéissance due à Dieu, au Prophète cl à ceux qui ont le commandement (iv, 62). Mais sounnites cl chiites sont d’accord pour recon­ naître que l’imàmat supplée le prophétisme pour la sauvegarde de la religion et l’administration des inté­ rêts terrestres (Vawerdi). Voilà pourquoi il prend le nom de khalife, khall/a ,qui signifie : suppléant, lieu­ tenant ou vicaire. Les sounnites disent que le titre de khulija(l) Allah, proprement < vicaire de Dieu » fut offert à Aboû Bakr qui le rejeta et ne voulut être que le suppléant du Prophète, que Oumar, à son tour, se déclare le suppléant du suppléant du Prophète cl qu'en fin par abréviation, on appela tous les souverains « suppléants ». Mais, il semble bien que le litre réel fut « vicaire de Dieu , litre qui est donné au Mahdi dans certaines traditions, qui convient fort bien à celui-ci cl en général à l’imârn chiite, mais beaucoup moins bien au souverain sommité. 11 n'en est pas moins resté à ce dernier et renforcé d’une expression plus caractéristique « ombre de Dieu sur la terre ». Donc par la force des choses, même chez les sounnites, l’idée de souveraineté est étroitement liée à celle de Dieu. Son rôle est d’abord de maintenir la religion selon ses principes et l’accord des premiers musulmans, de I s’opposer à toute hérésie, d'appliquer les peines légales prévues par le code musulman, toutes les prescrip­ tions juridiques qui sont dans l’islam d'obligation i religieuse. Voilà pourquoi il n’y a pas de clergé à pro1 prement parier dans l’islam, les affaires de la religion I GOO XI A II Ο Μ I·: T1S M E, SOU N N 1S Μ E se confondant avec celles de l’État. La véritable fonc- I lion du souverain a dû être dans l’origine, celle de chef | de la prière : c’est pour cela, nous dit-on, que l’on* choisit d'abord Aboû Bakr; c’est pour cela que les gouverneurs des pays conquis n’avalent au début pas d’autre litre; voilà pourquoi dans la prière publique du vendredi, celui qui dirige la cérémonie est appelé l'imâm. L''outhrnânisme opposé à l'alisme s'efforçait de rejeter ce caractère exclusif du souverain musulman et à faire passer au premier plan les intérêts temporels, à remplacer le prophétisme par le moulk, c’est-à-dire la royauté, à la façon dont les Arabes l’avaient connue autrefois. 'Outhmân appartenait à la famille oumayyade; celle-ci qui, avant l’islam, exerçait le pouvoir à la Mecque, le revendiqua sur tout l'empire musul­ man et y réussit. Mais nous avons vu que la théorie de plus en plus laïque de la souverainte finit par lui aliéner la majorité des musulmans et les 'Abbàssides rendirent à l’imâmat son caractère piéllstc primitif. Toutefois, ils n’allèrent pas jusqu’à le reconstituer entièrement sur le modèle chiite et, avec l’échec de la réconciliation tentée par la Ma’moûn, commença le compromis qui fut adopté sur ce point par le soun­ nisme. Les quatre premiers souverains sont appelés les khalifes rdchids (orthodoxes) et linànis rnahdis ou mouhtadis, après eux viennent les rois et les tyrans, exception faite pour Oumar IL Le Prophète aurait lui-même prédit cette décadence. Les 'Abbâssidcs sont des khalifes sans épithète; les vertus des premiers leur venant surtout de leur qualité de compagnons du Prophète ne peuvent se retrouver avec le même éclat dans leurs successeurs. c) Un troisième élément du sounnisme est le respect de tous les compagnons du Prophète qui, malgré les querelles ardentes, les guerres, les meurtres, les insultes et anathèmes réciproques sont considérés comme for­ mant un ensemble intangible. Ici, les sounnites ont pris visiblement le contrepied des doctrines chiites. Celles-ci ayant proclamé l’imâm infaillible, ma'*oûm. <>n leur opposa la communauté infaillible al ounimat al ma'wûma. « Mon peuple ne sera jamais d’accord sur une erreur, » aurait dit Mahomet. Conclusion : « l’accord du peuple musulman se fait sur la vérité.» Y a-t-il eu véritablement une doctrine quelconque ayant été acceptée par tous, en dehors de · Limité divine »? Cela est fort douteux pour qui étudie l’islam primitif, mais enfin la théorie est nette. Les anciens, sala/, et leur accord, idjma , voilà ce qui constituera la base de la doctrine sounnite; tout ce qui s’en écar­ tera sera nouveauté bid* «, donc hérésie répréhensible. Le rejet systématique de ces hérésies constituera l’orthodoxie à laquelle prétendent les sounnites. Nous trouvons chez Ibn Khaldoûn un plaidoyer caractéristique en faveur du · bloc ». Après avoir énuméré les principales discordes qui aboutirent à l'assassinat et au massacre d’un si grand nombre de personnages respectés, il veut qu’on juge avec la plus grande indulgence les auteurs des crimes. Et il termine ainsi : · Voilà comment il faut envisager les actes des compagnons cl de leurs disciples, les hommes les plus vertueux de la nation. Si leur bonne réputation était exposée aux traits du dénigrement, qui pourrait conserver la sienne? Au reste, le Prophète a dit : ■ Les hommes les plus vertueux sont ceux de la génération actuelle, puis ceux de la génération suivante; alors la fausseté se répandra partout. » Donc il attribua la vertu, c’est-à-dire l’intégrité à la première génération et à la suivante; aussi, nous ne devons pas nous habi­ tuer à mal penser ou à mal parler des Compagnons, ni admettre dans nos cœurs le moindre doute au sujet de leur conduite. Cherchons, autant que possible, à trouver pour toutes leurs actions une interprétation 1010 favorable; tâchons de toutes les manières cl par toutes les voies de démontrer la rectitude de leurs intentions; personne ne le mérite plus qu’eux. Quand ils se furent mis en désaccord ils avaient de justes motifs pour s’excuser; s’ils tuaient ou s’ils se faisaient tuer, ce fut pour la cause de Dieu et de la vérité. Croyons que la miséricorde divine a voulu offrir l'exemple de leurs dissensions aux générations suivantes, afin que chaque individu puisse choisir parmi eux un modèle de con­ duite, un directeur cl un guide. Quand on comprend cela, on reconnaît avec quelle sagesse Dieu gouverne toutes scs créatures. » La vérité, comme le dit fort bien le traducteur, de Slanc, c’est que les docteurs sounnites dont Ibn Khadoûm reproduit Ici l’enseignement « se voient obligés de justifier, par tous les moyens, la conduite scan­ daleuse des Compagnons pendant ces guerres civiles. En cfTct, s’ils avaient refusé de les reconnaître pour bons musulmans et hommes de bien, ils se seraient vus dans la nécessité de rejeter les traditions que ces per­ sonnages leur avaient transmises. » Nous en conclu­ rons que la théorie est tardive et qu’elle ne date pro­ bablement que de l’époque où la tradition fut écrite, et où l’on commença les discussions d'où devait sortir le fiqh sounnite. C’est pour garantir la sounna consti­ tuée par les traditionnistes, que fut énoncée cette doctrine, cl c'est probablement pour cela que les adver­ saires des chiites se donnèrent le nom de · gens de la sounna ». Les chiites ayant leurs raisons pour exécrer certains Compagnons n’acceptèrent pas le bloc; ils rejetèrent les traditions formées par ceux-là et les remplacèrent par d’autres, reçues, soit des partisans de ’All, soit de leurs imâms. On conçoit, dès lors, pourquoi, dan·» la constitution du hadtlh. les sounnites ne s’inquiètent pas de savoir si la parole prêtée à Mahomet est vraisemblable ou authentique. Il suflit qu’elle ait été rapportée par un Compagnon pour qu’elle soit au-dessus de la critique. La seule question qui les intéresse est donc de savoir si elle a été réellement rapportée par un Compagnon, si \'isnâdt comme nous l’avons vu, répond aux condi­ tions exigées par leurs critiques. Ils ont donc un fondement inébranl ible à leur ortho­ doxie dans un kadith célèbre que nous allons étudier avec quelque détail, parce que, d’une part, il est une partie essentielle du sounnisme et que, d’autre part, il nous permettra de voir comment ils utilisent le / adith. Γη auteur du début du v* siècle de l’hégire le pré­ sente sous les trois formes suivantes. Mahomet dit : Les juifs se sont divisés en soixante cl onze sectes; les chrétiens se divisent en soixante-douze et mon peuple se divisera en soixante-treize. - - 11 arrivera à mon peuple ce qui est arrive aux Israelites : ils se sont divisés en soixante-douze confessions et mon peuple se divisera en soixante-treize, soit une de plus; toutes seront dans l’enfer sauf une. Laquelle, lui demandat-on, y échappera? Celle où je suis, ainsi que mes Com­ pagnons — Les Israélites sont divisés en soixante et onze sectes et mon peuple se divisera en soixantedouze, toutes dans le feu, sauf une qui est celle de lu djamaa. » Ce mot qui signifie : assemblée, réunion a pris, dans le langage sounnite, le sens de * commu­ nauté primitive » donc d’orthodoxie. Nous remarquerons d’abord qu’il y a une légère contradiction entre les trois formes. C’est la première qui est généralement adoptée. On la trouve pour la première fois dans les recueils de hadlths du ni9 siècle de l’hégire qui ne sont pas les plus anciens. Un auteur de la fin du iv· siècle nous apprend qu’il y avait une tradition opposée, où il était question de soixante-treize sectes, toutes dansle paradis, sauf une; il reconnaît que si c’est la premiere forme qui est 1611 MAHOMÉTISME, SOUNNISME, DOCTEURS exacte, c’est la doctrine des docteurs sounnites qui est désignée. Mats il y a une autre tradition fort différente et qui est née d’une explication d’un passage du Coran t lvji,27), cc qui est la carnetérist ique des plus anciennes, el, dans le cas particulier, elle parait fort admissible. La voici, telle qu’elle nous est donnée dans le grand Commentaire du Coran de Tabari (commencement du iv· siècle). C’est à propos du monachisme chrétien, la rahbdniya, pour laquelle Mahomet a toujours pro­ fesse le plus grand respect. Le Prophète aurait dit : • Ceux qui furent avant nous sc sont séparés en soi­ xante et onze sectes, dont trois furent sauvées, toutes les autres ont été damnées. Une de ces trois sectes a fait face aux rois et les a combattus pour défendre la religion d’Allah cl de Jésus, fils de Marie, qu'Allah le bénisse! Les rois l’ont massacrée. Une deuxième secte ne pouvant faire face aux rois est restée au milieu des hommes, les exhortant à la religion d’Allah et de Jésus, ills de Marie, que Dieu le bénisse! Les rois l'ont massacrée et livrée à d’affreux supplices. Une troisième ne pouvant ni faire face aux rois, ni rester au milieu des hommes en les exhortant à la religion d’Allah et de Jésus, que Dieu le bénisse! ont gagné les déserts et les montagnes et y ont pratiqué le mona­ chisme; de là cette parole de Dieu dans le Coran : la rahbdniya. · Cette explication a été reproduite par un commentateur du vn« siècle donc bien postérieur et il l’a légèrement altérée. Il y est question des juifs divisés en soixante-dix sectes dont trois sont sauvées; la description des trois est un peu différente, mais le fond reste Identique. Il n’est donc ici question que de juifs et de chrétiens, nullement de musulmans. Pourquoi soixante-dix ou soixante et onze ? On pourrait penser qu’il y a là une vague réminiscence des Septante; mais il est plus probable qu’il faut y voir une manière de parler pour indiquer un grand nombre non déterminé. Ibn Khaldoûn, à propos d’une tradi­ tion où il est parlé «tes 16, 43, 50 ou 70 parties de la prophétie, nous apprend que les Arabes emploient 70 pour dire beaucoup. Nous employons, nous, le nombre 36 en ce sens, dans le langage de la conversaI ion. Steinschnelder étudiant cette tradition a recher­ ché cc chiffre 70 dans la Bible hébraïque et dans d’au­ tres textes arabes. Il lui assigne, une origine astrono­ mique : c’est le cinquième de l’année lunaire, comme 72 l’est de l’année solaire. C’est possible. Mais le carac­ tère conventionnel du nombre nous parait certain, quelle qu’en soit l’origine, il en est de même d’une autre tradition qui sc trouve dans les plus anciens recueils disant que la fol contient 71 ou 61 branches. Goldzlhcr a proposé de voir dans ces derniers mots mal interprétés l’origine de la tradition des sectes. Mais la forme primitive parait être celle du commen­ taire : elle contient l’élément essentiel : les sectes (ou la secte) sauvées, que ne contient pas la tradition sur la foi, où toutes les branches sont bonnes, quoique de valeur différente. Cette Idée du privilège sc retrouve sous une forme plus vague, il est vrai, dans un vers d’un poète de la fin du Ier siècle de l’hégire. < Au jour de la Résurrection tu verras les hommes en cinq groupes dont quatre sont damnés. » C'est une variante de (’Évangile : < il y aura beau­ coup d’appelés et peu d’élus » et, en somme, dépouillée de son apparence mathématique, c’est à cela que revient la tradition. Telle qu’elle nous est présentée par le sounnisme, nous la jugeons incompatible avec la pensée de Mahomet. Elle semble marquer une hiérarchie des diverses religions et ce caractère est plus accentuée dans une variante qui donne la série complète : mages 70, juifs, 71, chrétiens 72, musul­ mans 73. Or nous avons vu que Mahomet reprochait PRINCIPAUX 1612 tout spécialement aux juifs et aux chrétiens leurs nombreuses divisions, et II n’aurait certes pas songé à y voir un signe de supériorité, à plus forte raison à la conférer, en l’augmentant, à son propre peuple. Il est vrai qu’on lui attribue encore cette parole : < Le désac* cord de mon peuple est une bénédiction. · Mais, s'il en est ainsi, la division en 73 sectes serait aussi une bénédiction et toutes, sans exception, devraient être sauvées. On peut donc dire que l’argument sounnite manque de solidité et que la tradition parait avoir été accom­ modée dans le courant du m0 siècle avec la constitu­ tion du sounnisme. Ajoutons en terminant qu’une autre secte dont nous parlerons après le sounnisme, s’est servi à son profit de la tradition, sans lui donner toutefois une forme aussi tranchante et aussi anathématistc. Celte secte se donne le nom de mou’tazilismc parce que, dit-elle, on attribue à Mahomet ces paroles : « Mon peuple se divisera en sectes dont la meilleure et la plus pieuse sera celle des mou'tazilites. » Il ne nous appar­ tient pas de trancher le débat; il nous suffit d’avoir mis en lumière la véritable physionomie de sounnisme. 2° Les docteurs principaux du sounnisme. — Par quelles doctrines se distingue-t-il? Le premier auteur cité plus haut nous dit qu’il accepte, comme vraies, malgré quelques divergences sur des points secon­ daires ne touchant point au dogme, celles des docteurs suivants : MAllk, ach ChâfTî, al Aouzà’l, ath Thauri, Aboû Hanlfa, Ibn Abl LeflA, les disciples d'Ahmad ibn Hanbal, les partisans du dhdhir (sens extérieur). Nous allons résumer leurs doctrines en insistant sur celles qui ont subsisté jusqu’à nos jours. 1. Mdlik (91-179), le grand jurisconsulte de Médine, l'auteur du Mouwaffd, fondateur du ritc malékitc suivi parles musulmans de l’Afrique du Nord (l'Égypte exceptée) fut l'élève d’az. Zouhrî qui, le premier, fit un recueil écrit des hadtths, et qui fut son prédécesseur à Médine comme traditlonnlstc et comme juriscon­ sulte. Le rôle de Màlik à Médine fut surtout celui de mouflt. c’est-à-dire juriste consultant. C'est une des caractéristiques de l’islam que cette fonction, béné­ vole au début, devenue plus tard une dignité officielle, au moins dans l’Empire ottoman. Elle consiste à se prononcer par sentence généralement écrite ou /alivâ sur les questions de tout ordre, religieuses, juridiques politiques,etc. (pie lui posent des musulmans. Lorsque r'alide Mouhammad se révolta à Médine contre les ’ Abbàssides en se déclarant le Mahdi, beaucoup, avant de le suivre, voulurent avoir l’opinion de Mâlik. < Pou­ vons-nous le suivre, demandèrent-ils, alors que nous avons prêté serment d’obéissance au khalife 'abbûsside? > MAlik leur répondit que le serment, leur ayant été imposé par la force, n’était pas valable. Les Médinois rassurés par ce fatioâ participèrent à la révolte, dont l’issue, nous l'avons vu, fut malheureuse. Le gouverneur de Médine, oncle du khalife, fit saisir Màlik et on lui appliqua soixante-dix coups de fouet. On rapporte que Màlik, à son Ht de mort, déclarait qu’on aurait dû lui Infliger la peine du fouet, toutes les fois qu’il avait prononce un /atiod, en sc fondant sur le jugement naturel, rdi. Cette anecdote parait suspecte; elle a probablement été inventée par l'école mAlikitc, lorsqu’elle se trouva en controverse avec l’école rivale d'Aboû Hanlfa, laquelle fut qualifiée d’école du rdi, par opposition à celle du hadilh, dont Màlik est un des principaux représentants. Si l'on étudie le livre appelé le Moutoalla « l’aplani », œuvre de MAlik, qui nous est parvenue sous la forme de recensions ducs à ses disciples immédiats, il faut reconnaître, avec Goldzlhcr. que le hadlth est loin d’y 1 occuper toute la place. Bien souvent, ce qui est énoncé, 1 c’est une opinion de MAlik, fondée, soit sur un hadlth 1613 MAHOMÉTISME, SOUNNISME, DOCTEURS PRINCIPAUX véritable remontant régulièrement au Prophète, soit sur l'opinion de quelque jurisconsulte antérieur, que Màlik déclare être la meilleure à son sens, soit encore sur l'accord des jurisconsultes de Médine, En défi­ nitive, ce sont des latiuih presque tous dus, directement ou Indirectement, au Jugement personnel, étayés, il est vrai, sur une grande connaissance du droit, et il est peu probable que l’auteur s’en soit si fortement repenti D’ailleurs, ne lui attribue-t-on pas une théorie fort voisine du râi, celle qu’on appelle en arabe ï'istiddh, c’est-a-dire, la préoccupation, dans la solu­ tion des questions, de I7n/?ré/ de la communauté, théo­ rie commode qui peut permettre bien des adoucisse­ ments à la rigueur des principes. En lin, en sa qualité d'hnârn (le mot était pris dans un sens purement religieux et excluant toute idée de pouvoir politique), on lui reconnaît le droit à Vidjtihâd, c'est-à-dire, à l’exercice du jugement personnel, lorsque les res­ sources du Coran et du hadlth sont épuisées. Lors donc qu’on l’oppose à Aboù I lanlfa, comme partisan du hadith à l’exclusion du rdi, on exagère pour la nécessité des classl Beat ions, de la même manière qu’on exagère en attribuant la sounna uniquement à la secte qui en a pris le nom, à l’exclusion du chiisme et des autres sortes. En réalité, comme nous le verrons c'est par réaction contre l'usage illimité du rdi de l’école d’Aboli Hanlfa qu'on lui a opposé les partisans d’un usage plus modéré et, en quelque sorte, plus timide, dont quel­ ques-uns sont allés jusqu’à traiter Aboù Hanlfa de mourdjitc, c'est-à-dire d’hérétique. 2. Le second docteur sounnlte, ach Cbâ/t'i est encore rattaché à l’école du hadith. il fut un disciple direct de Màlik. mais cependant son enseignement fut assez original pour constituer un rite nouveau encore observé presque exclusivement en Égypte et dans l’archipel Indien. Ne en Palestine (150 hég. = 767) d’une famille apparentée à celle du Prophète, Mouhammad ibn Idris ach Châll'I nous est présenté comme un homme 1res remarquable par son intelligence et sa science précoce. Enfant, il s’était adonné à la connaissance de la langue et surtout des poésies arabes, mais on lui conseilla d'étudier le fiqh et, dès l’âge de 15 ans, son maître lui déclara qu’il pouvait émettre des falwâs. Cela sc passait à la Mecque où il était venu à l’âge de 2 ans. Bientôt il alla à Médine où il sc mit à l’école de Màlik qui apprécia vivement scs qualités. Il sc transporta alors à Bagdhâd où il sc rencontra avec les partisans d’Aboù Hanlfa et, à en croire scs biographes, les confondit. Cependant, il ne parvint pas a en triompher, car cette école s’est toujours maintenue au centre de l’empire des khalifes, comme nous le verrons. II quitta Bahgdâd pour Foustât alors capitale de l’Égypte et. là. il Ht triompher définitivement sa doctrine. Il y mourut en 201 (819) et son tombeau pieusement entretenu et enrichi parla piété des musul­ mans est toujours un centre de pèlerinage. C'est, on peut le dire, le véritable apôtre de l'Égypte musulmane. De scs voyages, de ses contacts avec les deux grandes écoles mâlikitc et banalité qui sc disputaient l'in­ fluence, ach Châli'l rapporta le désir de concilier les deux tendances opposées. Tandis qu’Aboù Hanlfa semblait ignorer la plupart des hadtths et que scs disciples les déclaraient obscurs et contradictoires, il en exaltait l’importance et grâce à sa science de la langue en faisait connaître le sens. Il semble, en un mot, qu’il ait réhabilite le hadith. Il alla jusqu'à déclarer qu’en certain cas le (ladtth pouvait prendre le pas sur le Coran. C'est probablement à lui qu'il faut attribuer la théorie de I idjmà', essence du sounnisme, comme nous l’avons vu et conséquence plus ou moins directe de la prépondérance accordée au [.adtth. Màlik n avait pensé qu’à Vidjnuï de Médine; on 1614 rapporte que le khalife Haroùn ar Kachld lui ayant demandé de venir à Baghdàd et d’y enseigner sa doc­ trine, H répondit qu'il valait mieux qu'il y eût une certaine diversité d’opinions dans les dilTércnls lieux de l’Islam. Ach Châfi’I, au contraire, chercha proba­ blement à réaliser l'unité de doctrine et fut amené ainsi à professer que cette unité avait été réalisée par les premiers docteurs, c'est-à-dire les disciples directs de Mahomet. C’était là une forte base pour une conci­ liation générale. Ayant ainsi relevé le [adtth et posé Vidjnuï, il couronne son œuvre en acceptant le qiyd» « raisonnement par analogie » que patronnait l’école banalité, mais en le limitant à la recherche de la cause 77/a, c’est-à-dire de la signification originelle du texte dont on invoque l’autorité pour juger les cas analogues. Il faut voir dans cette préoccupation le goût spécial d’ach Châfi'l pour la philologie et l’exacte appréciation des mots. Ainsi, furent énoncés et consti­ tués les quatre principes, ouwûl, du fiqh sommité. Il y eut chez certains une forte résistance au quatrième, mais elle disparut peu à peu et, aujourd’hui, il n’en subsiste plus rien. C'est ach Châfi’f qui a donné au sounnisme sa première forme dogmatique. 3. Il convient de s'arrêter sur la remarquable person­ nalité de Aboû Hanlfa, créateur de l’école rationa­ liste, fondateur du rite adopté par la dynastie 'abbàsside et, plus tard, par les sultans ottomans, jusqu'à nos jours. Bien que l’auteur sounnlte que nous suivons ne l’ait nommé qu’en cinquième lieu, il est le premier en date des grands docteurs sounnites, et c’est lui qui a donné le branle à In doctrine. An Nou’mân ibn Thâbit, connu sous le nom d’Aboù Hanlfa. naquit d’une famille non-arabe. Il semble s’être posé en champion de la résistance à l'hégémonie que les Arabes prétendaient exercer dans les choses de In religion comme delà politique. Les chiites lui ont amèrement reproché son origine : il est persan, disaient-ils, et il veut rétablir le magisme de scs ancêtres. Son but est de détruire l’islam, et c'est pour cela qu’il a inventé son système rationaliste, rdi. 11 aurait déclaré que la prière pouvait être dite en langue persane ou autre, cc qui scandalisa si fort les musulmans que son école dut abandonner cette aven­ tureuse théorie. Il savait mal la langue arabe, en quoi il différait de ChâH'l comme nous l’avons vu. et même des sounnites le lui ont reproché. Le fait qu’à son école, dite du rdi, on oppose celle du [adtth, semble laisser entendre qu'il ignorait ou méprisait cette source du droit. A vrai dire, ses disciples ont réintégré le [ladtlh dans leur doctrine, et les sounnites modernes, résolus à le considérer comme un de leurs imâins el même comme l'imâm supérieur (al a'dham ou al mou*adMham) affirment qu’il ne l’a pas négligé. Seulement, disent-ils, de son temps, on n'avait pas encore fait les recueils de ladtths cl beaucoup étalent inconnus d’Aboù Hanlfa. Privé de leur secours. Il recourut à l’interprétation personnelle dans beaucoup de cas où les autres docteurs sc sont prononcés dans le sens de [adtths qui leur furent connus. C'est ainsi qu’on l’excuse aujourd'hui; mais il n'en fut pas de même au début. Il est peu probable qu’à cette époque on lui ait reproché de se servir du rai. (’.’était trop légitime et tous les juristes d’alors y recouraient, même Màlik comme nous l’avons vu. Au îv· siècle, on comprenait parmi les partisans du rdi, beaucoup de ceux qui leur ont été ensuite opposés comme partisans du hadlth, et on réservait cc dernier nom à des personnages entièrement oubliés aujour­ d’hui. Il est plus vraisemblable qu’on lui a reproché surtout d’avoir négligé le hadith cl de lui avoir substi­ tué une méthode d’argumentation, qu'on a appelée le qiyds, ou analogie. Aboù Hanlfa fut célèbre par l’habileté et la subtilité 1613 MAHOMÉTISME, SOLNNISME, DOCTEURS PRINCIPAUX 161« de son argumentation. Mâlik disait qu’il aurait pu grossier anthropomorphisme où sc complaît le vulgaire, démontrer avec d’excellentes raisons que tel pilier était tombée, en raffinant à l’extrême dans la négation de tout attribut, le ta'iil. Ibn Hanbal, sans sc soucier de la mosquée était non en pierre, mais en or. On s’est d’être rangé par ses contradicteurs parmi les assimi­ beaucoup moqué de scs déductions analogiques; on lateurs ou anthropoinorphistcs déclara que les attri­ rapporte, entre autres, cette anecdote caractéristique. Kyant demandé à son coiffeur de lui enlever scs che­ buts de Dieu, science, vue, ouïe, etc. tels qu’ils étaient veux blancs, celui-ci allégua que cela aurait pour énoncés dans le texte révélé, ne souffraient aucune effet de blanchir ceux qui restaient. < Alors, dit Aboû discussion. II ne voulut pas même imiter la sagt réserve de Mâlik sur ces points fort délicats de théolo­ Hanifa, enlève les noirs, cela fera noircir les blancs. » gie; mais prit le contre-pied de la doctrine philoso­ Arbitraire et fantaisie, voilà où ce juriste sc laissait phique qui finissait par dépouiller Dieu de tout·· entraîner, et si vraiment il était peu versé dans la langue arabe, il devait donner du texte du Coran, par | réalité et qui le réduisait à une notion purement lui-même très souvent obscur, de singulières interpré­ abstraite, à 1’1 nique inconcevable et ineffable que tations. Il est probable que, sous la réprobation géné­ nous avons vu à la base de la doctrine Isma'ilienne. rale, son école ne lui aurait pas survécu, si son disciple L’exagération d’Ibn Hanbal a nui au succès de sa Aboû Yoûsouf Ya’qoub, dont le nom est inséparable doctrine. Ses partisans, assez nombreux dans les pre­ miers temps à Baghdâd, en Syrie, en Perse, devinrent du sien, n’avait par la souplesse de son esprit, son caractère conciliant et son sens des réalités, corrigé de plus en plus rares lorsque les Turcs ottomans, ses défauts. Il rétablit le hadith dans renseignement très attachés au hani Usine, dominèrent l’islam. Tou­ tefois, le hanbalisme qu’on ne retrouve aujourd’hui et c’est probablement lui qui donna au qiyas l’aspect qu’en quelques points du monde musulman a eu un plus sévère de Vislihsdn ou < recherche du bien. » I. Ibn Hanbal représente dans l’ensemble du soun- regain de force avec la naissance du mouvement wahàbitc qui en est une dérivation. Nous en parlerons nisme une position très éloignée de celle du précédent. C’est chez lui que l‘orthodoxie prend son caractère plus tard, col. 1634. Plus encore que l’école hanbalite, la dhûhiritc se le plus rigide. Il le doit à l’attitude qu’il dut prendre contre les prétentions émises de son temps par la refusa à toute interprétation non littérale. Probable­ *cctc mou’tazllitc à une orthodoxie intolérante et | ment par opposition à la doctrine du bâtin (intérieur) despotique. Cette secte, en effet, avait, comme nous I que nous avons vue naître dans les écoles ‘alides uu le verrons, acquis une grande influence sur les kha­ milieu du n® siècle de l’hégire, elle s’attacha à celle du dhdhir (extérieur). Mais malgré le talent de scs Juris­ lifes ’abbûssides et ceux-ci voulurent imposer par la force un de leurs dogmes. Ils affirmaient que le Coran, consultes, comme DAoûd ibn ’Ail, le fondateur, et l’éminent polémiste espagnol Ibn Hazm, elle ne put révélé par Dieu à son prophète, n’offrait par lui-même sc maintenir et fut assez vite abandonnée. Le qiyfc aucun caractère de perfection et qu’il avait été créé, c’est-à-dire qu’il ne pouvait être identifié à la parole fut maintenu dans l’orhodoxic sounnite comme un élé­ ment fondamental, avec plus ou moins d’extension de Dieu, éternelle comme lui. Le khalife al Ma’moûn, suivant qu’on passe d’Aboû Hanifa qui l’a créé, û non content de sc ranger à cette opinion exigea que tous les jurisconsultes de scs États en fissent profes­ ach Chàfi’I qui l’accepte, puis à Mâlik qui le pratique modérément, enfin à Ibn Hanbal qui ne l’emploie sion et on procéda à une véritable inquisition, la πι//ιηα(219 hég.«=83i). qu'au minimum. 5. Al Ach'ari. — Cette union des quatre grandes Ahmad ibn Mouhammad ibn FJanbal (164-241 = 781doctrines et d’un certain nombre de moins répandues 855) passa presque toute sa vie à Baghdad. 11 y connut paraîtra peut-être un peu artificielle. En réalité, elle ach Chàfi’l dont il suivit la doctrine. Ferme partisan fut créée après la victoire du hanbalisme sur le mou’· du hadith, il ne fait au raisonnement que les concessions tazilisme et en renforcement de cette victoire par le rigoureusement indispensables. Aussi, peut-on lui reprocher de n’êtrc pas toujours assez sévère pour la | grand éclectique de l’islam : le fameux al Ach’arl. validité des traditions qu'il utilise. Son recueil, le I Élevé dans l'école mou’tazililc, il en avait détesté tnzusnad, en contient plus de 30 000 dont les deux l’intolérance dogmatique et, frappé des anathèmes réciproques que sc lançaient toutes les sectes et subdi­ tiers, au moins, sont suspects. Il est résolument opposé visions de sectes qui se multipliaient bien au delà du a toute Innovaton, bld'a. à toute interprétation rachiffre traditionnel de 73, il porta sa sympathie vers ratlonalistc du texte coranique. le groupe des sounnltcs, qui, du moins, dans leurs On comprend que, sommé de professer la doctrine divergences traitaient leurs adversaires en bons musul­ officielle sur la création du Coran, H s’y soit refusé. mans non en infidèles dignes des plus cruels châti­ Conduit enchaîné vers le khalife al Ma’moûn à Tarse, il y arriva après la mort de celui-ci; mais, sous ments. Il abandonna donc sa première doctrine, dé son successeur al Mou’tasim, il fut ramené à Baghdâd, clara sc rallier à celle d’Ibn Hanbal, adopter particu­ emprisonné, puis mis en présence d’un tribunal de lièrement les vues de ce dernier sur les att ributs do Dieu jurisconsultes présidé par le nouveau khalife. Pen­ et reconnaître comme bases de la nouvelle ortho· dant trois Jours, il fut soumis à l’inquisition, il tint doxle celles que préconisaient tous les docteurs soun­ tête et fut condamné ù la peine du fouet; 300 coups nltcs. Il apporta dans la discussion des différents points lui furent infligés, qu’il subit stoïquement. Sa cou­ de sa dogmatique l’argumentation du kalâm9 que scs rageuse attitude le rendit fort populaire ù Baghdâd, maîtres lui avaient apprise et qui s’adjoignit au /iç(i et le khalife n’osa le persécuter davantage. Son suc­ des orthodoxes pour compléter la doctrine. En somme, cesseur, al WAthiq, le troisième khalife mou’tazlllte exaspéré par l’intolérance mou’tazililc, le sounnistnc l’épargna également. Après lui vint al Moutawakkil opposait orthodoxie à orthodoxie et, grâce à l'habile qui rejeta la doctrine, et par scs attentions et sa bien­ transfuge, l’emportait sur le domaine dogmatique veillance, s’efforça de réparer les injures faites au comme sur le domaine Juridique. Ainsi, s’achevait courageux théologien. l’évolution dont nous avons essayé d’analyser les Un autre sujet de controverse où Ibn Hanbal tint éléments successifs. tète aux mou’lazilites qui se contentèrent cette fols 'AH ibn Isma’il al Ach'arî (260-324 = 874-936) est d’arguments philosophiques fut celui des attributs de considéré par beaucoup comme le troisième rénovaDieu. La secte, très friande, comme nous le verrons, de ! tour de l’islam. Bien qu’il se recommande d’Ibn l.lanl'argumentation scolastique, le kaldm, dans le désir bal, il professe en général le châfi’ismc. D’aillcun.il I juable d’épurer l’idée de Dieu et de la dépouiller du » ne se pose pas en fondateur d’une nouvelle école, 1617 MAHOMÉTISME, SOUNNISME, DOCTEURS PRINCIPAUX madhhab, mais bien en fusionnlste des écoles exis­ tantes auxquelles il apporte seulement l'élément dogmatique, qui leur manquait, que quelques-unes, d'ailleurs, ont repoussé. Longtemps contesté, l’ach'arlsinc triompha vers la lin du V· siècle en Orient et gagna l'Occldcnt quand l'appui du célèbre Ghazâll lui lit vaincre la routine des disciples attardés de Mâlik. Chose curieuse I C'est le Mnhdl ahnohade, Mouhammad ibn Toûmart, dont nous avons parlé plus haut, qui l'y implanta au vi· siècle. Nous possédons la 'akida ou catéchisme d’al Ach’arl. En voici le résumé qui nous fera connaître exacte­ ment la doctrine désormais orthodoxe de l’islam : « Nous croyons en Dieu, scs anges, scs livres révélés, scs prophètes. Dieu est unique et éternel; il n'y n nul autre Dieu; il n'a ni épouse, ni ills. Mouhammad est son prophète. Le paradis, l'enfer, la fin du monde, la résurrection sont vérité. Dieu est sur son trône, il a des malus, des yeux, science et pouvoir, vue et ouïe, comme le dit le Coran. Nous l’attestons à l'encontre des mou'tazilitcs et autres sectes. La parole de Dieu n'a pas été créée; il n'a rien créé que par le fiat. Bien n’existe bien et mal que par sa volonté. Rien n’est indépendant de lui; les actes des créatures sont créés et prédestinés par lui; il guide les bons, égare les mauvais. « Le Coran est la parole de Dieu; est infidèle qui le prétend créé. Au Jour de la résurrection nous ver­ rons Dieu de nos yeux, comme nous voyons la pleine lune au 11* jour, et les infidèles seront séparés de lui. Ne peut être considéré comme infidèle le musulman qui a commis un péché grave, ce qu’cnscsgnent les khâridjites. Il ne l'est que s’il nie que son acte soit illicite. L'islam contient plus que la foi (actes et con­ naissance). Dieu n’enverra pas en enfer celui qui confesse son unité et maintient sa propre foi. Ceux à qui le Prophète a promis le paradis y sont sûrement. Nous espérons le paradis pour le pécheur, mais redou­ tons pour lui la possibilité de l'enfer. Nous croyons que sur l’intercession de notre Prophète, Dieu en retirera quelques-uns. Nous croyons qu'il y a une punition dans le tombeau, qu'il y a réellement (dans l’autre monde) le Bassin, la Balance, le Pont (sur Γ Enfer). « La fol consiste dans la pa oie et dans l'acte; elle est susceptible d’augmentation et de diminution. Nous croyons à la vérité du hadtth transmis par des autorités dignes de foi et régulièrement jusqu'à nous depuis le prophète. Nous aimons et respectons les anciens Croyants que Dieu a choisis, pour être les Compagnons du P ophète et c’est d’eux que nous nous réclamons. Le premier imâm fut Aboû Bakr; après lu ’Oumar, Outhmâm dont nous flétrissons les assasins, cl ‘Alt; ce sont les quatre imàms et khalifes légi­ times. Nous croyons tout ce qui nous est rapporté sur Dieu et sur divers points de la religion par la tra­ dition. Nous prenons pour bases le Coran, la Sounna du Prophète, l’accord des musulmans et rejetons toute innovation non sanctionnée par Dieu, ne disant de Dieu rien qu’il ne nous ail lui-même enseigné. • Les vendredis et jours de fête, nous prions derrière tout chef de la prière, quel qu’il soit. Nous nous soumettons à nos imàms et réprouvons toute rébellion Nous croyons à l’appartion du DadjdJAl (l’Antéchrist), aux ang s Mounkar et Nakîr qui interrogent dans le tombeau le mort sur sa fol. Nous déclarons vraie l’ascension de Mahomet au ciel et que les visions de nos rêves peuvent être réelles. Nous croyons à l’ciTlcacité de nos aumônes et de nos prières auprès de Dieu pour le salut des Aines. Nous tenons pour obligation religieuse la prière sur les mo> Ls qui ont été musulmans, quelles qu'aient été leurs opi­ nions. Nous disons que le parad s cl l’enfer ont été créés, que la mort naturelle ou violente n’arrive qu'au DICT4 DE TIILOL. CATII. 1618 Jour fixé par Dieu; que des aliments que nous devons à sa bonté les uns sont licites, les autres défendus, que Satan suggère aux hommes des doutes et de mauvaises pensées, et qu’il peut les posséder. Nous croyons ce que la tradition nous dit sur le sort des enfants des non-musulmans (morts en bas-âge). Dieu sait toul ce que les hommes font et feront, ce qui est et ce qui sera. • Nous répudions tout commerce avec les fauteurs d'innovations et les partisans de l'erreur. · I Ghazâll. — Nous avons vu comment l’orthodoxie musulmane s’était adjoint successivement (jiijds, hadith, idjma , kalâm. Il lui restait à adopter le mysti­ cisme, dont nous parlerons spécialement, et dont nous montrerons l'influence prépondérante sur l’Islam moderne. Cette adjonction est due à Ghazâll. le plus grand, sans conteste, des docteurs musulmans, celui qui a été appelé avec Juste raison loudjdjat al islam « l’argument de l’islam ». De même que l’orthodoxie sounnilc s’était constituée au point de vue politique et Juridique à l'encontre du chiisme, nu point de vue dogmatique à l'encontre du mou'tazilisme, c'est à l’encontre de la philosophie que Ghazâll a constitué la théologie proprement dite. Mouhammad ibn Mouhammad al Ghazâll (450-505 » 1058-1112) est considéré, lui aussi, comme un des rénovateurs de l'islam, suivant la tradition des cent ans. Quelques-uns lui ont bien opposé un concurrent assez peu connu, d’ailleurs; mais la majorité des docteurs musulmans est pour lui, et quelques-uns ont même déclaré que, s'il était possible qu'il y eût un prophète après Mouhammad qui est le dernier nécessairement, ce titre reviendrait à al Ghazâll. H a été fort étudié par les savants modernes. En Allemagne, en France, en Espagne, en Amérique, il a été le sujet de monographies excellentes de la part d'éminents orientalistes. Un d’eux, l’américain Dun­ can Macdonald, n’a pas hésité à le comparer à saint Augustin. Il serait trop long d’analyser ici son œuvre. Heureusement, il a pris soin lui-même de nous faire l’histoire de sa pensée et; en la résumant, nous donne rons une idée suffisamment complète de ce grand esprit. • Vous me demandez comment J’ai pu dégager la vérité perdue dans la contusion des sectes et le désordn des doctrines; comment J'ai pu atteindre au faite de la certitude, passant tour à tour des méthodes du kaldni à celle du ta'lim enseignée par les isma'llicns qui s'ap­ puient sur l'autorité d'un Imâm infaillible pour attein­ dre la vérité, puis à la philosophie, et enfin au soûfisine. Vous me demandez pourquoi, après avoir ensei­ gné à Baghdâd avec un grand succès. J'ai abandonné ma chaire. C’est à quoi je vais répondre. « Frappé de la multitude des opinions et sachant, par la tradition, que le peuple musulman se diviserait en plus de soixante-dix sectes, dont une seule serait sauvée, Je voulus déterminer où était la vérité. Je me suis donc acharné, depuis mon adolescence Jusqu'à l’époque présente où j'ai dépassé 50 ans, ù pénétrer le sens des diverses doctrines, à y reconnaître la part d'erreur et la part de vérité. Je recherchai d’abord les bases de la certitude. Je constatai qu'on ne pouvait accorder de confiance au témoignage des sens. Mais quand je voulus en appeler d'eux à la raison, ils me dirent : tu nous contrôles par la raison; par quoi con­ trôleras-tu la raison? Ses conjectures ne sont que chimères; la vie actuelle n'est peut-être qu'un songe et c'est dans la vie future seulement qu’apparaîtra le réel. Dans celte période de doute absolu. Je tombal en une crise douloureuse qui dura deux mois. Dieu voulut m’en guérir, non par un assemblage de preuves et d’arguments comme ce que Je cherchais, mais par une lumière qu’il fit pénétrer en moi. Oui, faire reposer IX. — 52 1619 MAHOMÉTISME, SOUNNISME, DOCTEURS PRINCIPAUX la certitude sur des arguments, c’est amoindrir l’im­ mense miséricorde dc Dieu. Cette miséricorde se mani­ feste dc temps à outre par des émissions de lumière; il faut en épier si.ns cesse l’apparition. • Ainsi éclairé. Je vis que tous ceux qui sc livrent A la recherche de la vérité sc divisent en quatre groupes : 1° Les scolastiques partisans dc la discussion spécu­ lative; 2® Les bât iniens qui mettent la source dc toute science en leur imAm; 3° Les philosophes qui arguent dc la raison ct de l'argumentation ; 1° Les où lis qui sc disent élus dc Dieu cl possesseurs dc la vérité par l’extase. Convaincu que la vérité, si elle pouvait être trouvée, ne pouvait l’être en dehors de ccs quatre groupes, je concentrai mes recherches sur eux en adop­ tant l’ordre suivant : scolastiques, philosophes, bâliniens, $oûfls. « Les scolastiques ne pouvaient me satisfaire: leur but est de maintenir l’orthodoxie et dc la défendre par l’argumentation. Mais cette discussion s’appuie sur des bases une fois données; elle ne remonte pas aux véri­ tés primordiales, aux principes fondamentaux. Ce n’est pas que cette science soit ù rejeter, mais clic reste dans un plan inférieur et je ne pouvais m’y arrêter. « Je mis deux ans à me pénétrer des doctrines des phi­ losophes; pendant un an encore, je les tournai ct les retournai en tous sens pour en pénétrer les obscurités et les profondeurs. Je vis alors tout cc qu’elles conte­ naient dc mensonges ct de chimères. J’ai fait contre eux un traité intitulé : L'écroulement des philosophes. J’ai montré que la somme de leurs erreurs sc ramenait à vingt propositions dont trois sont impies, contraires à l'islam et dix-sept hérétiques. Je passai ensuite aux ta’limitcs. Ceux-là affirment qu’il faut, pour être guidé, un directeur infaillible. Soit, mais nous l’avons en la personne du Prophète. Son enseignement est parfait comme l’atteste le Coran : < Aujourd’hui J’ai mis le sceau à votre religion » Peu importent quelques dllhcultés de détail que chacun peut résoudre par Vidilihâd. Les croyances fondamen­ tales sont toutes contenues dans le Coran ct la tra­ dition. Quant aux questions qui prêtent à la discus­ sion, on y découvre la vérité en les pesant dans la Balance juste, c’est-à-dire par les règles d’équité dont parle le Coran. Je les ai établies dans mon traité intitulé la Balance juste. > • Je passai enfin au çoûflsme. Je vis qu’il consiste en sentiments plutôt qu’en définitions; cc que je «levais lui demander était non du domaine dc la science, mais dc l’extase ct de l’initiation. J’avais acquis une fol solide sur trois points : Dieu, la prophétie, le jugement; j’y étais arrivé non pas seulement par raisonnements, mais encore par une suite de circonstances dont je ne parlerai pas. Je compris, par le oûflsme, qu’il fallait pour faire son salut, remporter la victoire sur ses mensonges pour sc tourner vers l’éternité ct la médi­ tation en Dieu. Je quittai subrepticement Baghdâd, je me retirai en Syrie, où je vécus deux ans dans la soli­ tude, le recueillement ct les exercices de piété; J’allai ensuite à Jérusalem, à la Mecque, à Médine, partout où je pouvais vivre solitaire ct me recueillir en Dieu. Dix années sc passèrent ainsi, où j’eus la révélation que les soùlis sont les vrais pionniers dc la vole dc Dieu, que rien n’est plus beau que leur vie, de plus louable que leur règle de conduite, dc plus pur que leur morale. Au nombre des convictions que m’apporta la pratique du soûUsine est la connaissance du véri­ table caractère du prophétisme. Pour la bien possé­ der, la raison ne sulllt pas, il faut l’intuition et l’extase. Arrivé a cette connaissance, si l’on étudie sérieuse­ ment le Coran ct la Tradition, on voit dc toute certi­ tude que Mahomet est le plus grand des prophètes. Je connus de même certitude bien d’autres vérités. 1620 • Voyant alors combien autour dc moi les musul­ mans étaient ignorants, la pensée me vint d’aban­ donner ma retraite pour retourner nu milieu d’eux ct les cnseiuncr. Puis j’y renonçai, désespérant de réussir dans une pareille tâche. Mais Dieu me ramena à ma première pensée : inspiré par lui, le souverain d’alors m’intima l’ordre de venir à Nichapoûr, afin dc combattre l’affaiblissement des croyances. En conséquence, je m’y rendis en 499, après onze ans dc retraite. > Le traité dc Ghazàll sc termine par une élude des causes dc l’affaiblissement des croyances, ct par une démonstration de l’éminence du prophète, fondée sur les mystères dc l’astrologie ct de la médecine. Qui croit à l'influence désastres ct aux propriétés des medi­ caments ne doit pas s'étonner que le Prophète ait été doué de qualités supérieures. Sa pensée, dit-il, a pénétré dans une sphère inaccessible à l’intelligence, ct il répète*: · lisez attentivement le Coran, éludiez la Tradition, ct la conviction sc formera dans votre esprit. » On a parlé du scepticisme de Ghazâlî.ll nous semble, par cc court exposé emprunté à lui-même, qu’il n’y a en lui rien dc semblable. On peut y voir bien plutôt un véritable cercle vicieux dogmatique, qui consiste à considérer comme démontrée l’infaillibilité du Prophète, l'excellence de l’islam, dc s’en servir pour réfuter les opinions qui y sont opposées, ct dc con­ clure par une démonstration dc cc qui a été posé en principe. Son scepticisme s’arrête à l’islam ct consiste simplement à déclarer que les choses de la religion sont au-dessus dc la raison. Au fond, toute sa pensée est là. Ce qu’il reproche aux philosophes, c’est dc n’être pas d’accord avec l’islam. Or les philosophes musul­ mans affirmaient résolument le contraire. Pour eux, la raison laissée à elle-même, à son évolution natu­ relle, aboutissait à Dieu et à une vue dc la vérité identique à celle dc la révélation. Celle-ci était le mouvement dc Dieu vers la créature, la philosophie le mouvement dc la créature vers Dieu; le chemin était parcouru en deux sens différents mais restait identique. Un dc ccs philosophes n’avait-il pas émis l’hypothèse hardie d’un enfant né dans une 11c déserte, se développant sans parents, sans aucune influence humaine et arrivant, par degrés, en scs méditations aux vérités fondamentales dc la fol, si bien qu’un solitaire musulman, débarquant un jour dans cette lie, constate avec stupéfaction ce résultat. C’est cc que Ghazâll n’a jamais voulu admettre, et c’est pourquoi, résolu à trouver la vérité, c'cst-à-dirc à démontrer l’excellence dc sa fol musulmane, il déclara que celte démonstration n’appartient pas a la raison, mais au sentiment, c’est-à-dire à la foi elle-même. Seulement pour que le sentiment, qui a un caractère essentielle­ ment personnel, ait la généralité d’une démonstra­ tion, il faut qu’il soit provoqué par une discipline spéciale, par une règle de vie. C’est donc en défini­ tive le renoncement ct la méditation en Dieu qui donnent la vérité. Appliqués suivant les préceptes de l'orthodoxie musulmane, ils donneront la foi musul­ mane. On a mis en doute la sincérité dc Ghazâlf parce que dans l’ensemble de scs écrits, il ne paraît pas avoir toujours la même fermeté dc conviction cl qu’il semble souvent adopter des opinions, qu'il combattra ensuite. C’est que, comme on l*a remarqué, il s’est J toujours efforcé de s’assimiler la pensée dc ses adver I saires et dc la présenter sous son jour le plus favorable pour mieux la combattre. Déjà scs contemporains lui avaient montré le danger dc faire ainsi le jeu dc • ccs adversaire'» ct que le lecteur, séduit par sa trop . habile argumentation, n’nttcndît pas la réfutation ct 1 adoptât tout d’abord la doctrine qu’il fallait détruire. 1621 MAHOMÉTISME, SOUNNISME, DOCTEURS PRINCIPAUX Nous ne discuterons pas ccttc question. Nous nous contenterons de remarquer que, dans les crises doulou­ reuses dc doute ou plus exactement d’inquiétude dog­ matique (car il n’a Jamais douté dc sa toi), il a dû être ballotté entre bien des opinions contraires, s'être arrêté un moment A des solutions qu’il a rejetées ensuite, en un mot être victime lui-même des contra­ dictions qu’il a si éloquemment dénoncées dans les raisonnements humains. Il avoue lui-même qu'il n’a pas trouvé la vérité du premier coup; il a donc passé par des périodes d’erreur et dc palinodies. Cc n'est pas manque dc sincérité, c'est faiblesse humaine. L’cfTort n’en est pas moins admirable, et ccttc magni­ fique aspiration vers Dieu d'un puissant esprit est digne d’inspirer le respect. N'y a-t-il pas, d'ailleurs, une vérité profonde dans celte conclusion que, pour atteindre Dieu, Il faut renoncer au monde, cl, pour recevoir sa lumière, se mettre en étal dc réceptivité? L’islamisme, jusqu'à Ghazâlî, semblait une religion en quelque sorte passive cl indolente, il n secoué son inertie, il l'a rapprochée dc son Dieu, qui semblait s’éloigner dc plus en plus dans l'abstraction. Nous verrons que tel fut le rôle du soûflsmc, une fols qu'il eut été introduit par GhazAll au cœur même de l’islam, alors que, jusqu’à lui, il avait vécu un peu en marge cl éveille chez les docteurs de la loi plus dc méfiance que dc sympathies. Après « l'argument dc l’islam », le sounnlsmc ne subit pour ainsi dire plus dc fluctuations. Le $oûfisme qu'il a admis en son sein, le pénètre progressivement, ct, sans le modifier, l’imprègne et le colore profondé­ ment. D'autre part, les adversaires frappés par GhazAH, disparaissent peu A peu, lui laissant le champ libre. Avec l’avènement dc la dynastie ottomane, ferme appui dc l'orthodoxie, il étend dc plus en plus son rayon d’action. 3° La constitution du hadilh selon le sounnisme. — Avant dc terminer l’histoire du sounnisme, il importe dc dire quelques mots sur la constitution du I adlth tel que l’ont conçu les sounnites. L’importance qu’ils lui ont accordée dans leur doctrine les a amenés à l’organiser, à le systématiser, A lui donner le plus possible son caractère indispensable d’infaillibilité. C’est une œuvre capitale A laquelle beaucoup sc sont attachés ct qui n’a été parachevée qu'assez lard. Nous avons dit, col. 1581, ce qu’était le hadilh, comment il s'élail formé peu A peu. d’abord oralement et, semble-t-il, un peu au hasard, puis vers la fin du i*r siècle dc l’hégire avait été écrit, compilé, puis classé par matières. Mais, dès qu'il devint une arme aux mains des théologiens dans les controverses qui s'élevèrent vers la même époque, la bonne fol qu’on peut présumer chez les premiers disciples ct même chez les premiers compilateurs, dut céder vile à la tentation dc créer des arguments en attribuant au Prophète les propos conformes aux opinions qu’on soutenait. Par voie de conséquence, on suspecta ou on nia tout hadilh allégué par l’adversaire, et, devant la multi­ tude extraordinaire des traditions écloses dc toute part, il fallut bien faire une discrimination. Dc IA la critique du hadtth, science toute musulmane et parti­ culièrement nécessaire au sounnisme qui y voit une base infaillible. Nous avons déjà expliqué pourquoi celle critique ne porte ni sur le texte puisque, venant du Prophète, il participe A son infaillibilité, ni sur l’autorité do celui qui le rapporte, le râud, puisqu'on sa qualité de Compagnon il participe à l'infaillibilité dc ï’idjma, mais sur la transmission A partir du râud. Dans les premiers recueils que nous possédons, comme le Mouwalfd dc MAlik, ou le Djàmf de son disciple Ibn Wahb, celte question parait n’avoir guère préoccupé leurs auteurs. Nous avons déjà 1622 remarqué que chez MAlik, la tradition ne remonte pas toujours au prophète, ni même A un de scs Com­ pagnons, en sorte que la transmission ne vaut Ici que par l’autorité exceptionnelle dc MAlik Mais après lui, les musulmans deviennent plus sévères et, sous l’influence d’ach Chûfl*l, des règles rigoureuses sont imposées aux auteurs de recueil de hadiths. On reconnut trois sortes de hadilhs, le parfait, fahth, le bon ct le faible. Le premier est celui dont Visnâd, ou chaîne de traditionnistes, est continu ct ne renferme que des individus probes, d’information sûre. Le premier ouvrage, consacré uniquement au ladith parfait, est le recueil dc Boukharl, Intitulé précisément os §aAfb. Ensuite vient Mouslim qui adopta le même titre. Les ouvrages dc ccs deux auteurs sont considérés comme les plus parfaits dc tous les livres après le Coran. Le plus parfait est, d’après l’opinion le plus répandue, celui dc BoukharL Ccs deux maîtres n’ont pas épuisé la matière du hadilh parfait et n’y ont jamais prétendu. En y ajou­ tant trois (ou quatre) autres recueils canoniques, intitulés les sounnas (sounan) qui sont d’Aboû Daoûd, at Tarnddhi, NasâT (ct Aboû Mûdja), on a, sauf une très faible quantité, la somme des parfaits. Il y en a dans Boukharl 7275 ou 4000, si on défalque ceux qui y sont répétés, autant environ dans Mouslim. Le reste se trouve dans les autres recueils complé­ mentaires (canoniques ou non). Nous allons donner quelques indications sommaires A cc sujet. Mou! ammad ibn Isma’il al Boukharl (194-256«=810 870) naquit A Boukharâ, d’une famille persane. Il fit dc nombreux voyages pour recueillir des traditions, plus dc 600 000 A cc qu’il rapporte. Son ouvrage dont le titre complet est al Djamf a$ ξα/ifh est composé suivant les matières du droit c» est remarquable par les introductions mises en tête dc chaque livre ct de chaque chapitre, où il expose la doctrine juridique, dont les hadiths seront l’illustration. Aussi cntrc-t-ll souvent dans la discussion des diverses thèses, ct l’ensemble de ces rubriques forme-t-il un véritable compendium de droit musulman. Mouslim ibn al I.ladjdjûdj (202-261 = 817-875) était plus jeune que Boukharl dc quelques années seulement. H le connut, sc lia avec lui et se brouilla à son sujet avec son maître qui prétendait que la pro­ nonciation du Coran avait le même caractère éternel que le texte et n’était pas créée. Son livre, al Mousnad en Sahlh est conçu au même point de vue que celui dc son contemporain, mais sur un autre plan. Pas de sommaire aux rubriques, mais une introduction A l’ouvrage, où il expose son but qui est de présenter le had.th dans toute sa pureté, dégage dc toutes les erreurs qu’y avalent accumulées l’ignorance et la mau­ vaise foi. Mais il ne fait qu’esquisser la critique proprement dite du I adlth. Aboû DAoûd Soulclmân ibn al Ach'ath (202-275 = 817-889) lient la troisième place cl son livre de sommas a un moment balancé la vogue des deux grands recueils précédents, mais fut délaissé peu A peu. Il a présenté sa théorie du hadtth dans un traité spécial; elle est encore incomplète. Mouhammcd ibn'Isâ at Tarmtdhi (f 279) donne A son livre le titre dc : al Djdnu' a* Çu/i/i et inaugure une nouvelle méthode. 11 fait suivre chaque ladith d’une appréciation sur sa valeur intrinsèque et son utilisation juridique; enfin, Il donne A la fin sa propre théorie encore un peu rudimentaire. Nous ne ferons que mentionner les deux autres : Ahmad ibn ’Ali an NasftI (215-302-830-914) ct Moul ammad ibn Yazïd ibn MâdJa(209-273 - 824-886), dont les sounan n'oflrcnl rien dc bien remarquable, surtout celle du dernier qui n’est pas classée par tous les auteurs dans les livres canoniques. 1623 MAHOMÉTISME, LE C’est avec Mouhammad ibn '.Abd Allah al Hâkim (321-405 »933-1011) que la science du hadlth sc constitue II s'attache à mettre en lumière les condi­ tions auxquelles, sans les formuler expressément, al Boukharf et Mouslim ont subordonné la validité des hadtths. Dans scs nombreux ouvrages, il fournit une élude du hâdith parfait, dont quelques points furent contestes dans la suite, mais qui ne fut dépassée ni en subtilité, ni en précision. Il aborda également nombre d’autres questions relatives à la critique, Λ la classification, A la terminologie des traditions, el v affirme sa compétence. Enfin Outhmân Ibn SalA’i (577-613=-1182-1246) clôt le cycle par son traité, classique entre tous, Ouloûm al adtlh < les sciences de la tradition ». Après lui. Il n’y a uère que des commentaires ou des remaniements de son œuvre. Ils sont, d’ailleurs, innombrables, la littérature arabe moderne ayant une tendance à multiplier les gloses, les résumés, les compléments, etc. Qu’il nous suffise d’avoir montré, en raccourci, l’évolution assez lente, comme on le volt, de celte science fondamentale pour les sounnites. ///. ZÆx .1/ /t/' taZIUTXs. — 1 ·> Caractéristique* qcn ’raies. — Leur nom qui signifie: partisans de l’i'lizâl • séparation » a été expliqué par les sounnites comme une sécession par r φρ >rt a l’en .e n >le de la commu­ nauté orthodoxe. Renan cl quelques autres orienta­ listes ont voulu voir en eux des libéraux en lutte ave: l’orthodoxie cl sc sont attristés de leur défaite finale; mais les savants modernes, comme Goldziher, ont fait justice de ce point de vue erroné. Nous avons déjà vu à l’œuvre leur prétendu libéralisme à l'égard des malheureux théologiens qui s'obstinaient à voir dans le Coran la parole incréée de Dieu, col. 1615. Nous verrons que ce sont eux qui se sont attribué l’ort υ> loxlc. Pour eux l’i'tlzâl c’est la séparation du mal; c’est la constitution d’une élite qui sera seule sauvée, en vertu de la tradition que nous avons longuement étudiée plus haut et que les sounnites ont repris à le ir compte, mais uniquement par imitation. Nous savons par des auteurs initiés à leurs doctri­ nes, en particulier par le célébré al Ach’arl qui fut longtemps des leurs, qu’ils professent cinq principes ou bases. Ce sont : 1° l’unité, tau id; 2” la justice, 'adl; 3° les récompenses et peines (de l’autre monde), wa'd et tua*ht; 4· les noms et jugements, asnui et a kûm ou la posit on Intermédiaire, manzala bain al manzalataln; 5· l’injonction du bien cl l’interdiction du mal. amr bid ma roû/ et naht 'an al mounkar. Comme les auteurs auxquels nous empruntons cet exposé fondamental sont tardifs (fin du ni· siècle cl début du tv*), on peut se demander si les cinq élé­ ments sont bien primitifs, et s’ils se sont agglomérés d’un seul coup cl naturellement, ou successivement et artificiellement. Voici ce qu’on rapporte générale­ ment. C’est /Aboû l loudhaifa Wà il ibn Ά à (80-131 =700-719) qui énonça le premier la doctrine de la position intermédiaire qui se définit ainsi :< le pécheur, /ds(qt qui fait partie de la religion musulmane n'est ni croyant, mou min. ni mécréant, kdftr. » C’est là l’i'tlzâl primitif : une question de mots et les mou*tazilites ne démentiront pas leur origine, car ils multi­ plieront les querelles de mois cl seront les initiateurs de la scolastique, dans le mauvais sens du terme. A côté de la question verbale, celle du nom qu’il convient de donner au musulman qui a péché, il y a la question légale, celle du Jugement à porter sur lui. Voyons d’abord à quoi répond la discussion ver­ bale. Nous avons vu, col. 1583, comment, à la mort du kha­ life'Outhmài, deux partis, à la fois politiques et reli­ gieux. s’étalent formés. Celui des parents cl amis de *Outhrnln qui revendiquaient, suivant la coutum · Μ O U’T A ZI L 1S Μ E 1624 arabe, le droit de venger le khalife assassiné, s’appe­ lèrent les 'outhmânides. Ils considéraient comme illégitime la nomination de 'All que les habitants de Médine avaenL proclamé comme successeur de Outhmân et s’opposaient ainsi aux 'alides. Bien que parmi ces derniers, beaucoup jugeassent leun adversaires comme des ennemis de l'Islam, 'All ne voulut encore voir en eux que des musulmans sincè­ res quoique égarés. Du côté des 'outhmânldei, on était assez indifférent à la question religieuse, don était prêt i transiger. Ά1Ι ayant accepté les pro­ positions de transaction qui lui furent faites, ce fui le signe d’une dissidence profonde dans son propre parti. Les intransigeants sortirent du parti, d’où leur nom de khàridjites, cl déclarèrent que les 'outhmâ­ nides devaient être traités non comme musulmans mais comme mécréants, el, par conséquent, subir 1rs impitoyables prescriptions du djiluid (guerre sainte) contre cette espèce de combattants, cl que 'All, en n’appliquant pas ces prescriptions, devenait luimême mécréant. Ces puritains extrêmes représen­ taient le fanatisme et l’intolérance. Il y eut ainsi trois groupes : 'outhmânides indifférents, 'alides tolé­ rants, khàridjites fanatiques. L’indifférence el la tolérance des deux pruniers s'opposaient à l'intransi­ geance des autres. Ainsi se définissaient les deux po­ sitions : al manzalataln. Au point de vue théologique, la première position ou thèse déclarait que la qualité de croyant ne sc perdait pas pour un manquement â la religion (sauf apostasie), la seconde affirmait que tout manquement était incompatible avec le titre de croyant. C’est l i que les mou'tazilitcs intervinrent: en fait, ils étaient d’accord avec les khàridjites; ib n'en différaient que par un mot. C’est pourquoi un auteur sounnite les traite dédaigneusement d’her­ maphrodites du khàridjisme. En effet, ils traitaient légalement le fàsiq exactement comme le kd/ir. La seule différence était que les khàridjites sc faisaient héroïquement massacrer sur les champs de bataille, tandis (pie les mou'tazilitcs ergotaient dans les mosquées et attendaient pour sc défaire de leun adversaires que le bras séculier se mil bénévolement i leur service. Laissant pour le moment les deux premiers prln cipcs de l’unité et de la justice qui paraissent être nés de conceptions plus tardives que Vi'tizdl propre ment dit, voyons ce que sont leurs théories sur lei récompenses et les peines, sur le bien et le mal. « Dieu, disent ils, ne pardonne à celui qui est coupable de péchés mortels que par le repentir; il est véridique dans ses promesses (récompenses; el dans ses menace (pe nés), immuable en scs paroles. » Sur ce point cependant quelques notables mou'tazilitcs étaient moins rigoureux et admettaient (pic Dieu pouvait pardonner sans repentir. Non moins inflexible est la théorie sur le bien elle mal. L’injonction nu bien et l’interdiction du mal sont obligatoires à tous les musulmans par le glaive ou tout autre moyen : elles sont absolument assimi­ lables au d/ihdd, aucune différence n'étant faite entre /dsiq et kdftr. C'est donc bien la même conclusion pratique que dans le khàridjisme. Ce n’est, d’nillcun, que la conséquence extrême d’un principe parfaite­ ment coranique. Le livre sacré dit, en effet (m» IWj < Vous êtes la meilleure des communautés qui ail clé créée parmi les hommes; vous ordonnez ce qui est reconnu bon. et vous emp chez ce qui est condamna­ ble. » En vertu de cette qualité, tout musulman est tenu d’intervenir dès qu’il se trouve en présence dt quelque chose (pii est contraire à la loi religieuse cl d’éloigner auec la main la pierre du scandale. Est-U trop faible, il doit employer la langue, prêcher, tonner, soulever l’agitation; est-il encore trop faible pour 1625 M \I1O.MÉT1SME, LE agir ainsi, il doit protester intérieurement contre le mal triomphant et appeler sur les mauvaises gens et les mauvaises mœurs la punition divine (Gold­ ziher). On peut juger comme on voudra ces principes, mois on ne peut certainement pas voir dans la secte qui les a professés quoi que ce soit qui ressemble A ce que nous appelons le libéralisme ou la tolérance. Λ une faible nuance prés, et avec le courage en moins, la scission mou’tazilite était équivalente à la scission khAridjile. Le mot de inou’tazilismc n'est lui-même qu'un synonyme de khàridjisme, et il n'est pas impossible que le premier soit au second comme le fdsiq du premier au kd/ir du second. Jusqu'Ici, nous remarquerons que les doctrines exposées ont un caractère essentiellement musul­ man et une origine coranique. Les deux autres prin­ cipes sont Inspirés de la philosophie grecque cl sont donc d'époque postérieure. Comment s’est faite la soudure? Par une conception qui, sous sa forme pri­ mitive, a pris le nom de qadarisme et qui, plus tard, dans la langue des mou’tazilitcs, qui ont rejeté le nom de qadaristes que leur infligeaient leurs adversaires, est devenu le principe de 'adl · justice ·. Il y a là une question de mots fort obscure, car le qadarisme est la doctrine de la prédestination cl le mou'tazilisme est résolument opposé à la prédesti­ nation. Essayons de voir clair dans cette confusion. Lc mot qadar, dans le Coran, a le sens de convenance, de répartition conforme à l’ordre des choses, de mesure. Par exemple (n, 237) : après le divorce, il est bon de constituer à la femme répudiée quelque pension, cha­ cun suivant son qadar. c'est-à-dire suivant les conve­ nances de son état. Plus souvent, il est dit que Dieu fait descendre l’eau sur la terre dans une proportion convenable, qadar. De mémo manière, il n créé toute chose. C'est que le plan de l’univers conçu par lui répond à un idéal d'harmonie et aussi de justice. On comprend alors comment le principe du qadar coranique a pu évoluer vers le principe de justice, d'autant que le mot arabe, 'adl invoqué par le mou'­ tazilisme postérieur signifie originairement : charge symétrique et équilibrée des bêtes de sommes. De là l'idée de proportion et d’équilibre si voisine de celle du qadar coranique. Comment alors les adversaires ont-ils voulu voir dans ce dernier un synonyme de qadd, qui signifie « décision » et a pris légitimement dans la langue théologique le sens de prédestination? Et comment le qadarisme cst-il devenu la négation du qadar pris dans ce second sens? Les mou’tazilitcs ont évidemment raison quand il renvoient ce nom à leurs adversaires partisans de la prédestination, donc du qadar tel qu'ils l'entendent. On peut sup­ poser que, quand ils combattirent la prédestination, ils alléguèrent que le sens réel du qadar était non pas prédestination, mais ordre, c’est-; -dire justice. Ils sc posèrent donc en défenseurs de la véritable interpré­ tation et leurs adversaires les traitèrent d'inventeurs d’un autre qadar, lequel conduisait, d’après eux, à un véritable dualisme. De là cette parole qu’ils attri­ buaient au prophète : · Les qadaristes sont les mages de cette communauté. > En elle!, la théorie mou'tazilite, refusant de croire que Dieu fût l’auteur du mal, voulait que l’homme eût une puissance spé­ ciale, qoudra (mot de même racine que qadar) et, par suite la faculté, de s'opposer à la volonté de Dieu. SI l’homme, en faisant le mal, sc sert d’une puissance contraire a celle de Dieu, il y a donc deux puissances opposées : c’est le dualisme des mages. Λ quoi les mou’tazilitcs répondent : · si tous les actes des hommes sont voulus par Dieu, il n'y a plus de responsabilité, cl partant il y a injustice à les récompenser et à les punir. » C'est donc en définitive le libre arbitre que MOL’ I AZILISME 1 6'26 proclament ces sectaires, et c'est ce qui leur a valu la tendresse de certains orientalistes modernes. S'ils s’en étalent tenus là. Ils auraient pu rallier à eux les musulmans; mais, probablement pour se défendre du reproche de dualisme, ils créèrent leur cinquième principe de l'unité absolue qui acheva leur négation de toute réalité divine. Après avoir refusé à Dieu la prédestination, ils en vinrent à lui refuser tout attribut. Ils sc heurtèrent, comme nous l’avons vu, à l’opposition absolue de l’école I anballte cl finirent par avoir le dessous. Telle est,en bref, la doctrinede> cinq principes. Nous avons vu que trois dérivent de conceptions purement musulmanes cl apparentées sinon identiques, à celles des plétisles les plus exaltés. Les deux autres, en opposition avec l'esprit coranique et contenant des spéculations philosophiques nouvelles, s’y rattachent cependant par une interprétation spéciale du qadar coranique. 2° Histoire de la stele. — C'est, nous disent certains auteurs, ’Amrou ibn OubaTd (80-144 = 700-761) qui créa le qadarisme et qui, en sc joignant à WAd par­ tisan de la position Intermédiaire, constitua lemou’tazilismc. Mais il y a d’autres opinions, et il semble bien que, pendant un certain temps, on considéra comme distincts mou’lazilites et çadarilcs. Au dire des docteurs de la secte, l'origine en remon­ terait à ’All, par Aboû IJAchim, le fils de ce Moul ammad, que nous avons vu reconnu comme imâmmahdtparlcs keïsânites. Lc mou* t azilisme sc concilie en effet, fort bien avec le chiisme. C’est pur la secte relditc, qui a encore des adhérents dans le sud de l’Arabie, que nous sont parvenus des écrits mou’­ tazilitcs. Mais ceux-ci sont trop tardifs pour que nous puissions les opposer aux témoignages anciens. Nous en retenons seulement la prétention à l’orthodoxie que nous avons déjà plusieurs fols signalée et leur rattachement à l’islam primitif, vrai ou réel. Après ces deux premiers fondateurs, il semble qu'il y nil une interruption cl que la doctrine ait été reprise et renouvelée, probablement sur ses bases philoso­ phiques, par Aboû Houdhaïl Moul ammad ibn Houdhaïl, surnommé al ’Allûf. La date de sa naissance est inconnue; sur sa mort il y a désaccord (entre 227 et 235= 842 et 850). Les uns Je font mourir à 150 ans, d’autres à 100 ou 105 ans. 11 est séparé des deux fon­ dateurs par plus d’un siècle, et si on lui a attribué un Age si extraordinaire, c'est probablement pour rap­ procher plus étroitement T. ncimne et la nouvelle doctrine. Entre eux il y aurait eu un n< n mé Aboû ’Amrou ‘Outhmân ibn Khûlld surnommé at Tawil, dont le rôle est obscur. Peut-être a-t-il été inventé pour constituer la chaîne orthodoxe ainsi énoncée dans un texte mou’tazilite très tardif ; · Aboû Houdhall a reçu la doctrine de ’Outhmân at Tawil qui Taxait reçue de Wâ il et Aboû ‘Amrou, lesquels la tenaient de ‘Abd Allah (Aboû Hâchim) fils de Mouhnmrnad de qui il l’avait reçue: Moul r.rrmad la tenait de son pire ‘AU qui la tenait du propinte, qui ne professa point d'htHsie. · Ce néo·mou'tazilisme est souvint désigné par un nouveau nom: le kdlani ou parole, dont l’origine est assez controversée et qu’on pourrait traduire par: vcrbalhmc. Lc mou’tazilite devient alors, suivant la langue technique un moulakalllm · celui qui est versé dans l’art du kaldm ·. \ a-t-il entre ce mot kaldm et le raisonnement qu'il représenté une parenté sem­ blable à celle qui unit le Loges 6 la logique? C'est possible. Ce qu’il y a de certain, c’est que les théolo­ giens sounnites empruntèrent plus tard, avec al Ach’arl, le mol et la chose. Mais à l’époque qui nous occupe et qui répond à la lin du règne de llaroûn nr Hachld, le nom ne convient qu'aux rnou’tazilites. 1627 MAHOMÉTISME, LE MOU’TAZILISME Or ce khalife» nous d!t-on, persécuta les moutakallims, tandis que son fils al Ma’moûn devait, nous l’avons déjà vu, soutenir le mou’tazilisme. D’autre part, nous savons, que les barmécldcs qui, jusqu’en 187 (803) époque de leur chute, furent tout-puissants à la cour de ce khalife et auxquels al Ma’moûn fut tout dévoué dans sa jeunesse, aimaient à tenir des conférences où prenaient part la plupart des moutakallims. Aboû Houdhafl y jouait un rôle de premier plan; il n’est pas impossible de voir en lui le créateur du kalâm. Ainsi le mou’tazilisme constitué à la fin du n· siècle de l’hégire nous apparaît composé de trois éléments : l'ftlzdl ou mou’tazilisme primitif, dû à Wâsfl; le qadarisme dû à ‘Amrou; le kalâm dû pro­ bablement à Aboû Houdhall. Une conception particulière à cct auteur est que, en admettant comme attribut de Dieu la puissance et la volonté, l’une et l’autre ne sont pa» distinctes de l’essence de Dieu, mais sont dette essence même. D’autre part, il énonce une théorie fort obscure que la volonté de Dieu n’est pas dans un substratum, lâ /I ma ;allt ou encore qu’elle n’a pas de subslratun ce qui parait signifier qu’elle n’est pas déterminée en Dieu par un objet extérieur à Dieu. Semblablement il dit que la parole de Dieu est de deux sortes : avec ou sans substratum. La première édicte des ordre., des défenses, des exhortations, etc., l’autre e»t le fiat qui a un caractère différent. On peut penser qu’il veut dire par là que le liai a son objet en sol-mème et ne regarde que Dieu, tandis que l’autre forme de la parole divine regarde l’homme à qui clic s’adresse. Mais le terme arabe de ma hall qu'on traduit par substratum, a-t-il vraiment ce sens? Nous inclinerions plutôt à lui donner celui de : déterminant, origine. Dans le kalâm mou’tazilite, les discussions de mots sont très subtiles : nous ne pouvons nous y arrêter. Voici encore d’autres théories qu’on lui prête. La prédestination qu’il nie dans la vie humaine, il l’admet dans l’autre monde. C’est évidemment la conséquence du raisonnement mou’tazilite sur la justice. Pour que peines et récompenses soient justes dans l’autre monde, il faut que sur celte terre, l’hom­ me ait librement obéi ou désobéi; quand peine: et récompenses sont distribuées, cette nécessité disparait Par une conséquence extrême, il aboutit à croire que les actes, dans l’autre monde, n’ayant plus de mo­ biles, finissent par s’arrêter, qu’élus et damné, se figent dans un repos éternel, ce qui équivaut à l’anéan­ tissement du paradis et de l’enfer. Il estime qu’il y a une religion naturelle antérieure à la révélation, qui permet à l'intelligence de connaître toutes les vérités Indépendamment de toute religion. Mats sa conception la plus curieuse, parce qu’elle parait apparentée au ^oûUsine, est celle-ci : · Pour toutes les traditions relatives aux mystères, ce n’est pas une suite continue de témoignages qui constitue l’argument, mais c’est l’attestation de vingt person­ nages parmi lesquels II y en a au moins un qui sera élue. Il ne manquera jamais sur la terre d’êtres privi­ légiés qui seront les saints de Dieu (wâlis d’Allah), les parfaits qui ne mentent jamais, ne commettent aucune faute grave. » Pourquoi ce nombre de 20, qu’un auteur ramène à 5? Parce que dans le Coran (vm, 66) il est dit que · vingt des croyants vaincront deux cents des mécréants ». Nous voyons que les soûlls déclarent qu’il ne manquera jamais sur la terre de personnages privilégiés qu’ils appellent les Abdâl et dont le nombre est, suivant les opinions, de 7, de 40, de 70. Il y a une parenté évidente entre les deux conceptions, et, d’ailleurs, elles sont l’une cl l’autre un reflet de la conception chiite. Il semble cependant que c’est chronologiquement la première forme de cette croyance aux saints, qui Joue un rôle 1628 si considérable dans le mahométisme moderne, k, leur rôle est de fournir l'argument, foud/d/a, sur ce qui est caché, md qhâba, expressions assez obscures. Par la deuxième, i) faut entendre, au dire de certains, tout ce qui échappe aux sens, comme les miracles des prophètes et autres merveilles. G'cst la théorie chiite et particulièrement Isma’ilite qu’il faut pour Inter­ préter les mystères un personnage privilégié, l'imdm mahdl ( qui est aussi appelé le houdjdja}9 et, en son nom, les dâ’is. On ne voit pas le rapport entre celte doctrine et le mou’tazilisme proprement dit. Il con­ viendrait d’y revenir à propos du voûllsme. En même temps qu’Aboû Houdhafl, un autre docteur mou’tazilite apparaît. Ibrahim ibn Sayyâr surnommé an Nadhdhâm (t 231=816) était par sa mère, neveu d’Aboû Houdhafl; il fut aussi son disciple, mais eut plus d’une controverse avec lui. Il eut surtout des vues assez fantaisistes sur des problèmes d'ordre plutôt physique que philosophique. Au point de vue religieux, il accentua le qadarisme en déclarant que non seulement Dieu n’était pas l’auteur du mal. mais qu’il ne pouvait l’être, et qu’il était astreint à ne rien faire qui ne fût conforme au bien de l’humanité. On voit que, si les mou’tazilitcs ont défendu la liberté de l'homme, c'est en limitant celle de Dieu. Il niait aussi que Dieu eût une volonté propre, parce qu’en lui la connaissance et l’exécution de l’acte sont simultanées et n'ont pas besoin d’intermédiaire. 11 niait la valeur de Vidjmd' sounnite, rejetait le qiyâs et n’admettait comme argument que la parole de l’imàm infaillible. Il professait donc le chiisme. A son école se rattache ’Amrou ibn Bahr surnommé al Djûhlr, qui mourut en 255 (869), Agé d’environ 96 ans. Il est surtout connu comme un littérateur plein de verve, d'une langue souple et hardie. En théologie, on lui attribue une s ngullère opinion : le Coran, d’après lui, serait un corps qui peut devenir homme ou animal. Contrairement à son maître, il était anti-’alidc et composa des livres en faveur de l’imâmat des ’Oumayyadcs et des ’Abbassldcs. Il fut un des derniers ’outhmAnldes. On peut le considérer comme un écrivain fantaisiste de beaucoup de talent, mais bien qu'on donne son nom à une des subdivisions de la secte mou’tazilite, il ne paraît pas avoir eu grande influence sur le développement de la doctrine 3° Fixation déftnUioe du mou'tazillsme.— Nous ne nous attarderons pas plus longtemps sur les diverses écoles mou’tazilitcs qui ne différent généralement que par des distinctions plus ou moins subtiles sur h manière de concevoir la liberté des actes et des pensées de l’homme par rapport à Dieu. La plupart des diver­ gences cessent vers la fin du ni· siècle de l’hégire et la doctrine paraît fixée avec la double école d’al Djoub· bâl et de son Ills Aboû HAchim. Le premier, Mouhammad ibn ‘Abd al Wahhâb (235-303 = 819-916), surnommé al DjoubbAT, est surtout célèbre pour avoir été le professeur d’al Ach’àrl, qui se détacha de lui, dit-on, dans les conditions suivantes. Il posa à son maître cette question : J’avais trois frères qui sont morts, le premier croyant, le second infidèle, le troisième en bas Age Quelle est leur desti­ née? — Le premier, répondit le maître, est sur les degrés du paradis; le second sur ceux de l’enfer; le troisième est sauvé. — N’arrivera-t-il pas aux degrés du para lis? — Non, car il n’apporte pas les bonnes actions du premier. — Mais il dira à Dieu : < ce n’est pas ma faute, si, privé par votre volonté de la vie, je n’al pu être apte aux bonnes actions. ■ — Dieu lui répondrait : « Si je t’al privé de la vie, c’est que Je prévoyais que tu serais pécheur et damné: je t’ai préservé du châtiment. » — Mais alors, mon frère l’infidèle protestera. · Pourquoi m’avoir laissé vivre, dira-t-il, puisque je devais être pécheur? » Le mou’· 1G29 MAHOMÉTISME, LE KHAKIDJISME tazilitc ne sut que répondre et l’élève, désabusé, abandonna In secte. Aboû Ilâchim 'Abd as Salârn Ibn Mou ammad (2-17-321 =861-933) est considéré comme le dernier chef d’école indépendante. Il gagna à sa doctrine le célèbre vizir Ibn 'Abhâd et, grâce à cette influence, la secte sc maintint dans la Perse septentrionale. Mais les Turcs Seldjoukidcs rétablirent dans tout rOrient l’orthodoxie sounnitc et la secte disparut. Elle s’est conservée cependant jusqu’à nos jours dans le sud de l’Arabie ou une petite dynastie, chiHe-zcïdilc, sc maintient à >anaâ depuis le xi· siècle de notre ère. Quelques-uns des livres de cette petite secte ont été récemment publiés et nous ont apporté de nouvelles lumières sur la doctrine. Signalons en tin un mouvement tout moderne qui sc rattache plus ou moins arbitrairement au mou’· lazilisme et qui représente le libéralisme musulman. La doctrine a été exposée aux Indes par le Seyyid Amlr’Ali, dans des ouvrages écrits en anglais, et qui paraissent avoir subi l'influence du protestantisme plutôt que du véritable mou’tazilisme. 11 ne semble pas qu’elle soit de nature à gagner les masses, mais elle s’est répandue dans les classes instruites en contact avec les européens. /r. les KHAtunjiTEs. — Nous avons déjà eu l’oc­ casion de parler de cette secte, à laquelle le mou’tazillsmc sc rattachait au début, n’en differant, comme nous l’avons dit, que par une nuance de nom. Col. 1624. 1° Caractéristiques générales, — Leur doctrine et surtout l’exaltation passionnée avec laquelle scs partisans l’ont défendue a profondément troublé les débuts de l’islam. Mais elle n’était guère en harmonie avec une société organisée humainement, et n’a pu subsister que dans quelques groupes Isolés, épars dans l'ensemble du monde musulman. Comme elle n’a eu que fort peu d’influence sur la formation dogma­ tique, juridique ou politique du mahométisme, nous en parlerons assez rapidement. Nous nous elTorcerons surtout d’en démêler les divers éléments, qui nous paraissent avoir été confondus plus tard, et d’en éclaircir les obscurités. Les khâridjitcs ont été appelés à juste titre : » les puritains de l’islam ·. Pour eux, le Coran, le livre de Dieu, doit être la seule source de la religion; il doit être appliqué à la lettre, sans ménagements, sans interprétation arbitraire. Ce fut probablement la conception des premiers musulmans, mais clic ne pouvait tenir contre celle qu’imposaient à la société arabe les nécessités d’un vaste empire, et que la dy­ nastie oumayyadc cul le mérite de voir clairement et la force de faire triompher, peut-être un peu trop brutalement. Aboû Bakr et ’Oumar, par leur vie austère, leurs sentiments piétistes, leur ferme attachement au Coran, répondaient à la première conception. Le conflit s’éleva avec ’Outhmân qui, appartenant luimême à la famille oumayyadc, Jadis ennemie déclarée de Mahomet, inaugurait la réaction contre l’esprit de l’islam, laissant peu à peu la place aux considéra­ tions purement temporelles. La richesse et le luxe succédaient à la pauvreté et à l’austérité; bien des gouverneurs affichaient un profond mépris des pra­ tiques religieuses. Les puritains sc révoltèrent contre le khalife; celui-ci fut assassiné cl remplacé par ’Ali en qui les fidèles musulmans mettaient toute leur confiance. Mais ils furent profondément déçus quand Ils virent celui-ci pactiser avec l’ennemi et ils sc déclarèrent contre lui. On les appela khâridjitcs, du mot arabe khâridf, · qui sort, qui sc révolte, » et nous avons dit que le sens en est très voisin de celui d’i'tlzâl, qui a donné naissance au mou'tazllismc. C’est, en effet, ce dernier mot dont sc sert l’historien Ta­ 1630 bari pour désigner la « sécession ■ des khâridjitcs. 2° Dloerses formes de la secte, — La première forme de la secte est désignée sous le nom de fioukmitr à cause de la formule qui fut leur devise : lâ houkma illâ billuh, · il n’y a de décision qu’à Dieu ·. Ôr ’AH, sur le point d’être vainqueur de scs adversaires du parti oumayyadc avait consenti à suspendre la bataille, donc le jugement de Dieu, et au lieu de poursuivre scs ennemis comme les ennemis de Dieu, suivant les règles coraniques, avait accepté de faire trancher le différend par un arbitrage. Comme le lui dirent les révoltés, vous avez confié la décision à des hommes dans les affaires de Dieu. C’était un crime, et 'Alt fut traité comme ’Outhmàn. Celte première doctrine du I oukm ne laisse pas d’être assez obscure Les auteurs nous ont rapporté la discussion qui s’éleva à ce sujet entre ’AH toujours conciliant et les révoltés toujours intransigeants. Les arguments présentés par les khâridjitcs sont tellement vagues et insuffisants qu’on peut douter qu’ils aient été rapportes d’une façon complète. D’abord la formule qu’on leur prête n’est pas rigoureusement coranique, ce qui est étrange puisqu'on nous les repré­ sente comme des lecteurs du Coran, le sachant par cœur et l’invoquant sans cesse. « Vous m’opposez le livre de Dieu, s’écrie ’AH, mais j’y lis que l’institution d’un arbitre est ordonnée dans certain cas: elle n'est donc pas illicite. Nous savons, d’autre part, que le Prophète a conclu des traités et le Coran dit que les fidèles ont en lui un beau modèle. Au surplus, je vous envoie Ibn ’Abbâs pour discuter avec vous sur le Coran. » Après trois Jours de discussion, la moitié fut convertie, l’autre moitié tint bon cl il y eut bataille. Tel est le plus ancien récit connu, rapporté par Ibn Hanbal. 11 est surprenant que les khâridjites n’aient pas invoqué tel passage du Coran absolument formel, entre autres celui-ci (xlh), 8 : · En quoi que ce soit que vous soyez en désaccord, la décision en est vers Dieu, · ou encore (v, 48) : · quiconque ne décide pas d’après ce que Dieu a révéle (le Coran), est Infidèle ». Ce verset est confirmé par les suivants (49 et 51) où les mêmes mots sont répétés avec les variantes : oppresseur ou prévaricateur au lieu d’infidèles. Il semble, d’ailleurs, que ces variantes sc rattachent à la fameuse querelle soulevée par les mou’tazilitcs sur le cas de l’infidèle, Âd/îr, ou du prévaricateur, fâsiq. En somme, celte question du houkm est fort obscure, et il semble bien que la pensée, nettement formulée par les khâridjitcs et plus ou moins atténuée par les récits sounnites postérieurs, était que la loi du Coran vis-à-vis des infidèles était formelle et qu’en ne s’y conformant pas on était infidèle cl. qui pis est. renégat. Dès lors sc posait la question théologique dont la discussion constitue vraiment la dissidence khâridjlle, laquelle a survécu à l’épisode historique de l’arbitrage admis par ’Ail et rejeté comme hétérodoxe par les intransigeants. C’est à savoir : un croyant qui enfreint la loi du Coran devient-il infidèle, donc apostat et doit-il être traité comme tel, donc mis à mort? Cela s’applique-t-il à toute infraction ou à quelques-unes seulement? A quoi reconnaît-on dans le second cas celles qui entraînent l’infidélité? A la première question les khâridjites répondent oui sans hésiter et s opposent ainsi, comme nous l’avons vu, aux mourdjites plus accommodants. A la seconde ils répondent par la dis­ tinction coranique des péchés graves, kabâlr al ithm. A la troisième il ne semble pas qu'ils aient fait une réponse détaillée, mais un prête ù certains d’entre eux cette formule brutale : quiconque n’est pas avec nous est un incroyant. C’est donc la formule la plus pure de l’orthodoxie la plus étroite Nous dirons quelques mots des deux principales écoles : azraqites cl abâditcs. La première, fondée par 1631 MAHOMÉTISME, LE Nàfl' ibn al Azraq(t65 = 685), énonçait la doctrine dans toute sa rigueur. Scs partisans luttèrent avec une sombre énergie contre les oumayyades. Profitant des troubles suscités par la mort du dernier descendant de Mou'awiya, ils avaient espéré un moment se rendre maîtres de la Mecque, mais ils ne s’entendirent pas avec le maître de celte ville, Ibn Zoubeïr qui préten­ dait au khalifat, et Ils se réfugièrent à Bassorah. Là encore, ils furent repoussés et leur fondateur fut tué dans une rude bataille. Il ne se découragèrent pas cl transportèrent la lutte en quelques points de la Perse. Ils tinrent longtemps en échec les troupes du fameux général des oumayyades, al Hadjdjàdj. Mais enfin Ils furent dispersés en 77 (69G). Nàfl 'ibn al Azraq est célèbre par ce qu’on appelle les questions azraqitcs. On lui prête, en effet, à tort ou à raison, une discussion avec Ibn 'Abbàs sur l’inter­ prétation de certains passages du Coran. Les réponses do ce dernier, dont l’authenticité est douteuse, sont caractéristiques de la façon dont s’est formée l’expli­ cation orthodoxe du texte. Chez les anciens auteurs, questions et réponses sont au nombre de six, mais, avec le temps ellessc sont multipliées et, au xv· siècle, on en comptait près de deux cents I Le fondateur de la secte abâditc est un certain ’ Vbd Allah ibn Abâd (ou Ibàd) sur lequel nous n’avons aucun renseignement précis, mais qui paraît avoir été un contemporain de Nàfl'. Cette secte nous inté­ resse parce qu’elle a survécu. On la trouve dans le Omàn (Arable méridionale), à Zanzibar et sur quel­ ques points de l’Algérie et de la Tunisie. Ses livres nous sont connus, surtout pour ceux de l’Afrique du Mord, par des savants français comme Masqueray, Basset, de Motylinskl. Nous résumerons l’article de ce dernier dans ΓEncyclopédie musulmane (1908). « Vers la fin du vu· siècle de notre ère, le khâridjlsmc, sous la forme abàdile, pénétra dans le Maghrib sc développa chez les Berbères dont il devint la doctrine nationale. Il eut la plus grande influence sur le soulè­ vement qui faillit arracher l’Afrique aux Arabes. A Tahert, la petite dynastie khàridjlte des Bostemides se maintint jusqu’au début du x® siècle de notre ère, où elle fut détruite par les premiers Fâtimides. On trouve de ces sectaires, aujourd’hui en groupes assez compacts, à Wargla, dans l’oasis du Mzàb (d’où le nom de Mzàbltcs ou Mozabllcs, bien connus* en Algé­ rie), au Djebel Nefousa, dans Plie de Djerba. Les com­ munautés sont en rapport constant entre elles, et ont des relations fréquentes avec les abàdites du 'Oumàn et de Zanzibar. t Les abàdites s’élèvent avec énergie contre le titre d’hérétiques que leur donnent les autres musul­ mans. Ils sc disent les seuls conservateurs de la pure doctrine islamique et soutiennent que parmi les soi­ xante-treize sectes nusulmancs la leur, seule, sera sauvée. • Comme tous les khàridjitcs, ils condamnent le khalife 'Outhmân; ils reconnaissent la nécessité d’un imâm qui peut être un musulman quelconque; s’il ne se conforme pas aux prescriptions du Coran et de la s )unna. il doit être déposé. Le Coran est la parole de Dieu créée par lui; Dieu pardonne les péchés véniels, mais les péchés graves ne peuvent être pardonnés qu’après résipiscence. 11 y a entre tous les musulmans des devoirs étroits de solidarité; mais qui enfreint les prescriptions de la loi religieuse est rigoureusement excommunié, et traité en ennemi jusqu’à ce qu’il fasse acte de repentir. • Les abàdites algériens affectent une grande austé­ rité de mœurs, du moins dans les villages du Mzàb où ils sont sévèrement surveillés par leurs (oulbd (chefs religieux). Mais dans les villes de la côte, où ils j(Huent pour faire du commerce, la pratique n’est pas K H AK 1 DJ ISM E 1632 toujours d’accord avec la théorie. Ils n’en consonent pas moins jalousement leurs croyances, et sc tiennent à l’écart des autres musulmans. Leur groupe homo­ gène et compact se distingue très nettement par son allure, son caractère et scs tendances au milieu des Arabes ou des autres Berbères. · Nous ajouterons que les abàdites modernes répon­ dent bien a ce que nous savons des premiers kharidjites, sauf cependant sur un point : l’acceptation de la sounna. De par leur origine, ils devraient s’en tenir uniquement au Coran. Ils ont donc fait une impor­ tante concession à leurs adversaires sounnites. v. AUTRES SECTES. — Nous n’énumérerons pas les nombreuses sectes secondaires dont beaucoup ont été créées un peu artificiellement par les auteurs sounnites, comme les djabarites, opposés aux qadarites parce qu’ils nient absolument le libre arbitre, les sifâtites partisans des attributs de Dieu en opposi­ tion à l’école des mou'tazilitcs qui les supprime, etc. Nous dirons seulement quelques mots de certaines qui subsistent encore à l’état sporadique dans le monde musulman ou qui, étant nées à une époque rapprochée de nous, peuvent exercer une influence sur le développement actuel du mahométisme. 1° En Syrie, il existe un petit groupe, de doctrine assez énigmatique, appelé : les Nousalris. Leur nom sc trouve déjà dans Pline : Nazareni. Leurs croyan­ ces, qu’ils s’efforcent de tenir secrètes, semblent con­ tenir un bizarre syncrétisme d’éléments païens, chré­ tiens et musulmans. Ils ont certainement subi l’in­ fluence Ismaïlienne probablement dès le temps, où 'Abd Allah ibn Maïmoûn s’installait en Syrie. Ils furent cependant combattus par les Druzes leurs voisins et par les Assassins quand ils vinrent s’éta­ blir dans cette région. Au point de vue musulman, ils appartenaient au chiïsinc outré, celui qui tient 'Alt, pour une divinité, et lui subordonne Mahomet. En y ajoutant Salmàn le persan, un des compagnons de Mahomet que la tradition chiite vénère le plus, ils ont constitue une véritable trinlté, caricature de la trinlté chrétienne. Ils y joignent encore cinq person­ nages qui paraissent répondre, de façon plus ou moins allégorique, aux cinq principes des Ismaïliens. Mais ils sc sont affranchis des principales pratiques de l’islam, comme la prière, le jeûne ou le pèlerinage, ou plutôt, suivant le système cher aux Ismaïliens, ils Interprètent les prescriptions coraniques d’une façon toute allégorique. Comme ces derniers, ils ont une initiation à trois degrés. Ils adorent le vin, où ils voient une émanation de la lumière qui est aussi la divinité —ce qui semble indi­ quer quelque influence manichéenne. Ils croient à la métempsycose, l’àmc devant sc purifier en revenant dans des corps de plus en plus parfaits pour revêtir enfin l’enveloppe lumineuse et demeurer parmi les étoiles. On les connaît encore sous le nom de ‘Alaouites et, dans la Syrie libérée du joug turc, ce petit peuple parait tout dévoué à la Erance. 2° Plus étranges encore sont les Yézidis ou Adora­ teurs du Diable, qui prétendent sc rattacher à Yazld, fils de Mou’awiya, le meurtrier de llouseïn fils de 'Alî, le personnage le plus exécré des chiites. Mais en réalité, cette secte paraît une dérivation, d’ailleurs aberrante, de celle des ’adawites, partisans du kurde *Adl ibn Mousàflr qui mourut en 557 (1162), laissant une réputation exceptionnelle de sainteté. C’est à sa doctrine que sc rallièrent les yézidis, mais celle qu’ils professent aujourd’hui est si peu musulmane qu’il est impossible de la rattacher à ce saint person­ nage, dont les biographes sounnites font un grand éloge. Peut-être faut-il voir dans les yézidis antérieu­ rement à 'Ad! une secte khàridjlte appelée yaztdlte, du nom de leur fondateur Yazld ibn Aboû Avisa, 1G33 MAHOMETISME, d'époque incertaine, qui était primitivement abâditc et dont renseignement peut être appelé antimahométan, car il annonçait un prophète persan qui abo­ lirait lu loi de Mahomet pour y substituer la sienne. En considérant *Adl comme le prophète annoncé, en mêlant ensuite Λ ce compromis musulman d'autres éléments païens, comme les Nousalris en Syrie, les Kurdes do la région de Mossoul constituèrent ce groupe qui sc déclare lui-même non musulman. 11 a pour symbole un véritable fétiche : l’angv paon qui est constitue par une sorte de fût de chandelier surmonté d’un coq doré. Ils ont l’horreur de la couleur bleue; on ignore pourquoi. Ils ont une organisation qui rappelle celle des confréries de soûfls. Leur khalife est le descendant de ‘Adi. Le tombeau de ce dernier est un but de pèlerinage : on entretient tout autour des feux perpétuels de naphtc et de bitume. Leur culte se rattache très probablement au culte du feu de la Perso antique, avec survivance de quelques souvenirs du polythéisme assyrien (Huart). 3° La Perse a vu naître au siècle dernier une secte célèbre le Bâbisme, qui s'est de notre temps propagée jusqu'en Europe et en Amérique sous la forme nou­ velle du Béhâïsme, Nous ne pouvons la passer sous silence. Nous avons vu, col. 1G03, que le mahdisme s'était en quelque sorte cristallisé dans le douzième imâm disparu vers 265 de l’hégire (879). Or, il y avait en Perse une sorte de millénarisme qui annonçait le retour de cet imâm aux environs de l’an 1265 (1819). C’est sous la forme de Mirzâ ’Ali Mohammed, né en 1812, qui sc donna le titre de Bâb « porte » en vertu de celle parole de Mahomet : « Je suis la ville de la science et ‘AH en est la porte. » Depuis, chaque imâm avait été cette porte cl ce nouveau personnage, incarnant le dernier, l’était à son tour. Sa doctrine, énoncée en termes assez obscurs dans son Bayàn (le Coran bâbi) est fortement teintée d’ismaïlisme; elle en diffère en ce que le chiffre fatidique y est remplacé par 19, c’est-à-dire par 124-7. Ceci semble bien indiquer que le Bâb sc proposait de fondre en­ semble les deux mahdismes, le sepliman et le duo­ decimam Par son austérité, ses allures étranges, il acquit une influence prodigieuse sur le peuple persan et, par scs propos séditieux, inquiéta le clergé chiite ainsi que le gouvernement. Emprisonné pendant de longues années, il fut exécuté en 1849 avec quelquesuns de scs disciples. Mais la secte était fondée et lui survécut. La doctrine, d’ailleurs, avait évolué et abouti à une sorte de syncrétisme humanitaire. Le disciple qu’il avait désigné pour son successeur, Mirzâ Yaiyâ surnommé Soubh-i-Ézel · Matin de l'Élcrnilé ·, était un contemplatif; la direction effec­ tive passa à son frère Mirzâ l.louscïn ’All, surnommé Bahâ Allah,· splendeur de Dieu », et celui-ci transforma la bâbisme qui prit alors de son nom celui de béhâïsme. Malgré l’opposltlôn des partisans de l'ancien Bâb, la doctrine nouvelle prévalut, et, après la mort de Bahâ Allah, sc maintint sous la direction de son Ills 'Abbâs, qui prit le titre de Abdoulbahâ, « adorateur du Bâhâ » ce qui semble indiquer que Bahâ Allah fut considéré comme une divinité. En effet, l’usage musulman est de réserver, dans les noms propres de ce type, la seconde place uniquement â une des désignations de Dieu soit Allah (’Abdallah), al Qâdir, · le puissant · (’Abdalqâdir); ar Bahmân, · le miséricordieux » (‘Abd ar rahmân) etc. Mais les béhaïstes contemporains sc défendent contre celte interprétation, cl nous devons nous en rapporter à eux. Voici comment M. Montet expose la doctrine. « Le béhâïsme n'est pas mystique, et les problèmes métaphysiques ne sont pas l’objet de ses principales préoccupations. C’est une tendance religieuse essen­ LE BABISME 1634 tiellement pratique, et les questions morales sont celles auxquelles il porte le plus vif Intérêt. Un autre trait frappant est qu’il s’adresse à tous les hommes. Bahâ Oullali écrivit non seulement au chah de Perse, mais à la reine Victoria, au czar, ù Napoléon III, au pape. Il demandait aux puissants de ce monde de renoncer ù l’injustice, d'abolir la guerre, d’établir l'arbitrage international, de travailler à l’union de tous les peu­ ples. Il est un apôtre de la paix, de la fraternité, du rapprochement de toutes les races. Sa réforme qui laisse loin derrière elle le bâbisme avec son mysti­ cisme panthéiste et scs théories sur les nombres sacrés, est essentiellement une religion humanitaire et uni­ verselle. » Dans les déclaçations et les écrits de son héritier spirituel, ’Abdoul Bahâ, nous retrouvons les mêmes idées, plus larges encore si possible (émanci­ pation de la femme, monogamie, négation du sur­ nature), etc.). Dans scs Moujâwadhâl, · entretiens intimes », qui ont paru presque simultanément en persan, en anglais et en français, le béhâïsme sc mon­ tre essentiellement éclectique. Sur le caractère de cet apôtre, en particulier le charme de sa personne et de sa conversation, tous ceux qui le connaissent et ont eu des relations étroites avec lui, ne tarissent pas d’élo­ ges cl d’admiration. C'est précisément ce caractère mondial et humanitaire du I éhaïsme qui explique les succès étonnants de la propagande béhalc en Europe et surtout aux États-Unis, succès qui consti­ tuent l’un des traits les plus frappants de cette rcli- gion. Nous voila certes bien loin de l’islamisme et de l’ismaïlisme qui en était lui-même déjà fort éloigné. 11 est assez piquant de voir cette dernière secte qui a produit la féroce doctrine des Assassins s’édulcorer en ce pacifisme éthéré. On a vu dans le bâbisme des influences chrétiennes; on peut y retrouver, en effet bien des idées du protestantisme dit liberal, mais aussi de la franc-maçonnerie anglaise, auquel le béhâïsme n’est peut-être pas étranger. 4° 11 en est tout autrement delà dernière secte dont nous allons parler et qui est un vigoureux effort pour revenir à l’islam primitif dans sa patrie d’origine : l’Arabie. Nous y avons fait allusion quand nous avons parlé de la socle hanballte, col. 1616. C'est à cette secte que sc rattache indirectement ce qu'on appelle le H'ahhdbisme du nom de Mouhammad ibn ‘Abd al Wahhâb (f 1787). Ce personnage s’était particulière­ ment adonné à la lecture des livres du fameux I an· baîlte Al mud ibn Taïmlya (661-728«= 1263-1328) lequel s'était fait remarquer par son attachement intransigeant à In plus stricte orthodoxie, ce qui lui attira quelques persécutions. Sans aller jusqu’au dhâhlrismc, il réprouvait toutes les innovations et combattait l’influence grandissante du $oûfismc. Son disciple tardif poussa Ja néophobie à l’extrême cl adopta le puritanisme des premiers khâridjites. Π rejeta tout ce qui n’était pas le Coran; il s’insurgea contre les pratiques répandues de plus en plus dans l’islam, comme le culte rendu à Mahomet cl aux saints personnages. Ainsi que les khâridjites, il considérait comme idolâtre méritant la mort tout musulman qui n’abandonnait pas ces pratiques. Sont aussi interdits les cérémonies funéraires, le luxe des mosquées, des tombeaux, de l’habillement, le tabac (nouveauté in­ connue du Coran), le jeu. La stricte observation du jeûne, des cinq prières quotidiennes (qui ne sont cependant pas énoncées explicitement dans le Coran), la communauté des biens, sont imposées. Ses premières tentatives à la Mecque échouèrent; mais il trouva un appui au centre de l’Arabie, dans la région du Nadjd où, avec son disciple et successeur Mou) amnmd ibn Sa’oùd, la nouvelle puissance se constitua. La petite dynastie étendit bientôt ses conquîtes jusqu’à Mcdinc, 1635 MAHOMÉTISME. ÉTAT ACTUEL à la Mecque et sur les bords du golfe Persique; elle tint longtemps en échec les Turcs ottomans, mais enfin fut vaincue et détruite en 1818. Mais elle s’est re­ constituée, et maintenant que l’Arabie est libérée, elle peut être appelée à jouer un rôle politique, déjà elle n tenu tête à la dynastie rivale du Hidjâz et l’a vaincue. Scs adhérents se sont répandus dans l’Inde. Des idées analogues à celle des wahhlbitcs paraissent avoir gagné plusieurs points du monde mu­ sulman en Afrique, en Afghanistan, en Chine, etc. FL lh MUF18MX. — On désigne sous ce nom non pas une secte, mais une organisation particulière qui a peu à peu transformé l’islam et lui a donné un caractère si différent qu’on peut et qu’on doit, à notre avis, l’étudier comme une religion distincte. Il est, toutes proportions gardées, à l’islam ce que le boud­ dhisme est au brahmamisme. Il introduit des concep­ tions et des pratiques fort éloignées de l’islam : une mystique affective extraordinaire et une hiérarchie de s dots thaumaturges d’une part, de l’autre, un réseau de confréries qui couvre tout le monde musul­ man moderne, toutes choses dont qu ne trouve aucune trace dans l’islam primitif et qu’on pourrait même considérer comme lui étant profondément contraires, ainsi que le jugèrent les wahhàbitcs. On a déjà relevé en lui des influences isma'iliennes très nettes; mais, sauf exception, il n’a aucune tendance politique et il n’est pas l’instrument de chefs audacieux comme les Grands Maîtres de l’isma’Hisme. Il suffirait cependant qu’il se levât quelque part un ambitieux du genre de ‘Abd Allah ibn Maimoùn pour que se fasse un grou­ pement de toutes les confréries. Celles-ci, jusqu’ici, paraissent être peu ou point susceptibles de se prêter, du moins ouvertement, à un pareil mouvement, bien que, dans l’Afrique du Nord particulièrement, le chef (les Sanoûsls semble vouloir les diriger. Elles se sentent impuissantes à lutter militairement contre les forces de la chrétienté. On doit les surveiller attentivement, mais, pour le moment, on n’a pas à les craindre. Comment, dans le ca Ire du mahométisme, s’est constituée cette nouvelle religion qui s’est trouvée répondre admirablement à l’âme orientale et lui donner un aliment plus substantiel que la sèche dogmatique du Coran, c’est ce qu’il conviendrait d’étudier dans un article spécial. On marquerait bien ainsi son originalité, et l’on mettrait en évidence ce fait encore- peu connu, qu’aujourd’hui ce n’est pas le mahométisme lui-même, mais le soûfisinc qui est la religion de l’Oricnt. Encore enveloppe de scs langes musulmans, si je puis dire, celui-ci a une tendance à s’en dégager; dans son évolution future peut-être finira-t-il. comme le bâbisme, par briser les derniers liens qui l’y rattachent. De même que l’isma'liisme, dont il est la forme mystique, il accueille volontiers des idées chrétiennes, bouddhiques et autres, ancien­ nes, ou modernes. Certainement.si Mahomet revenait au monde, il ne reconnaîtrait pas scs sectateurs dans les derviches de Perse et de Turquie, les faqirs de l’Inde, les khouâns de l’Afrique. Et cependant, pres­ que tous les rnahornétans modernes appartiennent à quelqu'une de ses associations par affiliation ou Ini­ tiation. C’est par elles et par leurs pratiques, bien plus que par les cérémonies rituelles du Coran ou de la Sounna, qu’ils connaissent la vie religieuse intense et profonde. Il est donc nécessaire de bien les com­ prendre. III. Le Mahométisme moderne. — Après l’exposé historique si complexe de cette religion, voyons son aspect actuel. Dans le monde sounnite, comme dans le monde chiite, il y a des éléments de foi et des obligations rituelles fidèlement observées par les croyants. Nous parlerons d’abord de la vie religieuse des tounnltes qui constituent aujourd’hui la grande 1636 majorité, et indiquerons ensuite les quelques caracté­ ristiques du chiisme, plus marquées en réalité au point de vue politique que religieux. 1° Chez les sounnites. — Le mahométisme consiste essentiellement dans la formule des < deux témoi­ gnages » : < il n’y a de divinité qu’Allah et Mahomet est son prophète. * Quiconque croit et affirme cela est mahométan sans autre cérémonie. Il est tenu ensuite à cinq obligations fondamentales: 1. la prière; 2. l’impôt appelé zaka·. 3. le jeûne; I. le pèlerinage; 5. le djihâd ou guerre sainte. Nous allons dire quelques mots de chacune de ces obligations dont la théorie a été constituée, ainsi que nous le savons par le Coran, le hadith et les interprétations à la fois Juridiques et théologiques des chefs de rites, dont aujourd’hui quatre seulement sont pratiqués par les sommités. On admet que les divergences de ces rites ne portent que sur des détails de pratique cl laissent intacte l’unité dogmatique. 1. La prière. — Elle doit se faire cinq fois par jour, au lever du soleil, à midi, à l’heure dite de ’flsr(cntre midi et le coucher du soleil), au coucher du soleil, à la nuit. On a voulu voir dans cette ordonnance une influence chrétienne : c’est possible. Toutefois elle n’apparatt pas dans le Coran, bien que l’observance de la prière y soit fréquemment mentionnée comme le premier devoir du fidèle. Il semble aussi que le Coran ait prescrit des prières nocturnes; elles sont considé­ rées aujourd’hui comme surérogatoircs. Pour prier, le fidèle doit être en état de pureté légale et procéder à diverses ablutions; sur ce point, le Coran n’est pas toujours explicite et il y a quelques différences de détail suivant les rites. Après quoi 11 se tourne dans la direction de la Mecque, et en quelque endroit qu’il se trouve, commence les rakâ' régle­ mentaires, deux, trois ou quatre suivant les heures. Une raka* se compose des mouvements suivants : d’abord station debout, les bras le long du corps et recueillement, puis le fidèle élève les deux mains à la hauteur des oreilles et dit : Allah akbar. Dieu est très grand. C’est le takblr. Abaissant scs mains et plaçant la gauche dans la droite, il récite le fâtll a, premier chapitre du Coran de sept versets, que quelques orien­ talistes considèrent comme ayant été composé à l'imitation du Pater Noster. Il peut y ajouter quelques autres versets du Coran s’il en connaît. Il s’incline ensuite, les mains appuyées sur les genoux prononçant d’abord un second takblr, puis d’autres formules. Puis, il s'agenouille et se prosterne en touchant le sol de son front, les mains également posées sur le sol. Se relevant, il s’accroupit sur les talons, les mains sur les genoux, se prosterne une seconde fols et se relève, non sans avoir prononcé quelques takblrs et autres formules. A la fin, il doit saluer à droite et à gauche les deux anges qui accom­ pagnent partout le musulman et inscrivent l’un les bonnes actions, l’autre les mauvaises. Tout cela a été réglé minutieusement par la tradi­ tion, car aucune de ces indications ne figure avec précision dans le Coran. L’appel à la prière est lait régulièrement par le mou'adhdhin (muezzin) qui pro­ nonce également des formules réglementaires, légè­ rement différentes chez les chiites. Cet appel ou adhân remplace les cloches des chrétiens, pour les­ quelles les musulmans ont généralement une grande horreur. Le musulman, nous l’avons vu, prie là où il se trouve isolément ou en groupe. Cependant, il est plus méri­ toire d’assister à la prière en commun dans l’édifice spécial appelé masdjtd (mosquée) ou Heu de l’age­ nouillement. Un des assistants, quel qu’il soit, prend l’initiative des mouvements et les autres se modèlent sur lui, c’est l’imâm. Chaque mosquée a un Irnâm 1637 MAHOMÉTISME, ÉTAT ACTUEL appointé pour cct olllcc, mais il ne faut pas voir en lui un prêtre A proprement parier. La mosquée n'a aucun caractère architectural particulier. Ce peut être une simple cour fermée de murs avec bassin d’ablutions et une partie couverte où s’élève le mt'irdb, sorte de niche dans le mur, qui est tournée vers la .Mecque. C'est à celte niche que l'iinôm fait face quand il conduit la prière. C’est le seul élément Indispensable. Il faut y ajouter, dans les grandes mosquées appelées djdmi ’(cathédrales) une chaire ou min bar où, dans les prières solennelles du vendredi, monte le prédicateur ou khatib qui pro­ nonce la khoutba, sorte de prône qui débute par des invocations en faveur des chefs de l’islamisme, kha­ life, sultan, gouverneurs de province, et se termine par des exhortations aux fidèles. Le minaret est la tour où monte le muezzin pour se faire entendre de loin. Certaines dJAml's en ont plusieurs cl c’est généralement la partie architecturale la plus soignée et la plus élé­ gante. On l’appelle en arabe ma'dhna « le lieu de l’appel »; le terme de minaret, plus exactement mand­ ra, slgûilie « le lieu du feu > et désignerait plutôt un phare, mais il est aussi employé par extension dans le sens de ma'dhna. Certaines grandes mosquées sont connues sous le nom de madrasa, lieu d'enseignement Elles sont alors établies sur un plan cruciforme, qui leur donne une ressemblance, d’ailleurs toute fortuite, avec les églises grecques. La conception est tout autre; elle dérive de l'éclectisme ach’arile qui admet sur le pied d’égalité renseignement des quatre rites sounnites. L’édifice carré ou rectangulaire réserve aux quatre angles des salles pour cct enseignement, ainsi que des habitations pour les étudiants. Ces coins ou zdiuiyat forment autant de chapelles, de là le nom, donné A quelques édifices religieux secondaires, qui sont de petites madrasas, et qu’on rencontre surtout dans l'Afrique du Nord, et le plus souvent en relations avec quelques couvent de soûfis. Il y a aussi quelques prières exceptionnelles, comme celle qui doit être prononcée sur le mort au cimetière. L’officiant est un musulman quelconque choisi d'or­ dinaire pour sa piété. Dans les nuits du jeûne, il y a , il est formellement interdit de boire ou de manger. Mais, pendant la nuit, chacun peut s’alimen­ ter et s'abreuver à son aise. C'est le célèbre Bamadân, le mois où le Coran a été révélé au Prophète, celui où a lieu la nuit delà décision ou, comme on l'interprète aujourd’hui, du Destin. En cette nuit qu'on ne peut déterminer, mais que l’usage est de célébrer le 26, Dieu fixe irrévocablement tous les événements pour un an. Aujourd’hui, chaque malin, l'ouverture du jeûne est annoncée dans les grandes villes par un coup de canon, de même la rupture du soir, saluée par un cri général de soulagement. Celle du dernier soir inau­ gure la petite fêle dont nous avons déjà parlé : après une prière en commun, chacun va de son côté se livrer aux divertissements d'usage. Les riches sont tenus de contribuer à i’.dlégrcssc générale par de généreuses aumônes qui assurent aux pauvres les moyens de fêter cette solennité. C’est pour ces derniers, pour ceux qui sont obligés de travailler toute la journée, que le jeûne est particulièrement pénible. Ceux qui peuvent se reposer le jour n’en souffrent guère, et les plaisirs de In nuit leur donnent d'amples compen­ sations. •L Le pèlerinage au sanctuaire de la Mecque, A une époque fixée, avec les cérémonies réglementaires, n'est pas une institution musulmane : elle remonte, en effet, à une époque antérieure à Mahomet. L’origine en est mystérieuse. D’après les légendes arabes, lorsqu'Abraham cul chassé Agar avec son fils Ismael, c’est sur le territoire actuel de la .Mecque qu’elle se trouvait quand une source miraculeuse apparut qui les sauva delà soif.elle et son enfant. C’est le fameux puits de Zcmzem qui, dans la suite des temps, se combla et fut découvert à nouveau par un ancêtre de Mahomet. Des Arabes qui passaient par là. voyant cette source, demandèrent A Agar la permission de s’installer auprès et ainsi se constitua le premier noyau de la future cité. Ismael parvenu A l’àgc d'homme, prit femme parmi eux. Son père vint le trouver à plusieurs reprises et, sur l’ordre de Dieu, construisit avec lui le temple de la Ka’ba. L’ange Gabriel leur apporta la pierre noire qui fut encastrée dans un des angles et sert de point de départ aux tournées rituelles qui se font autour de ce cube de maçonnerie, situé aujourd’hui au même lieu de la grande mosquée. L’ange leur apprit aussi les prières et les pratiques désormais suivies dans le pèlerinage, le vêtement spécial appelé ihrtirn. les stations en divers points, le jet des cailloux, l’immolation des victimes, etc. Le Coran lésa rigoureusement maintenues,et la tradition les a réglementées avec le plus grand soin. Tout autour du temple, A une distance assez grande, le territoire est sacré, harâm. Lorsque le pèlerin y pénètre, il se dépouille de tous scs vêtements pour se couvrir de l'ihrÂm, double pièce d’étoffe neuve qui ne lui couvre qu’une partie du corps. Il ne doit plus le quitter Jusqu’A la fin du pèlerinage cl s'abstenir désormais de tout rapport sexuel, des parfums, de la chasse, de se raser ou couper barbe, cheveux et ongles, de cueillir de l’herbe ou des branches d’arbre, le tout sous peine de sacrifices supplémentaires. Il peut cependant tuer certaines bêtes nuisibles. Le pèlerinage se fait dans le courant du douzième 1639 MAHOMÉTISME, ÉTAT ACTUEL l’/iO mois qui en porte le nom dhoû-J hidjdjat, mais les sociétés barbares. Mais il n dù lutter contre les mœurs actes préparatoires, c’est-à-dire la prise de l’ihràm de ses compatriotes qui, sur bien des points, ont réagi cl quelques autres peuvent être faits Isolément pen­ cl détruit quelques-unes des garanties qu’il avait dant les deux mois qui précèdent. Arrivé à la Mecque, établies. Cc qui l’avait le plus frappé était l’absolue le pèlerin va faire ses ablutions à la mosquée et baiser dépendance de la femme; il exigea, et cela a toujours la pierre noire, puis fait le tour de la Ka’ba de droite été observé, que le mari lui constituât un douaire Λ gauche, trois fols en courant, quatre fois en mar­ dont elle aurait la pleine propriété. En même temps chant lentement, il se rend ensuite à la hauteur appelée cc douaire est une garantie, insuffisante il est vrai, $nfa d’où il court Jusqu’A une nuire hauteur appelée contre le divorce, parce que le mari n’en verse avant MauvA, cela sept fois de suite, en accompagnant le mariage qu’une partie, mais est tenu de payer le ces diverses cérémonies de prières appropriées. complément en cas de répudiation. Cette institution Le huitième jour du mois, il va avec tous les pèle­ est louable cl assure souvent à la femme des avantages rins à Alina, à quelque distance de la Mecque; le matériels qui manquent dans nos sociétés chrétiennes. lendemain, au mont ’Arafa et à un autre lieu appelé Mais ils sont largement compensés par l’abaissement Mouzdaiifa. Le dixième jour, il assiste A la grande fête moral que lui infligent la polygamie et le concubinat, du sacrifice, qui est également célébrée ce jour-là ainsi que la liberté illimitée du divorce qui est accordée dans tout le monde musulman (Qourbàn B aTram des au mari. La polygamie légitime permet quatre femmes; Turcs). Il jette des pierres à Mina sur trois piliers qui il est vrai qu’elles ont droit à un traitement rigoureu­ symbolisent le démon, sept pierres par pilier, puis, sement égal, et comme tous les frais d’entretien sont Il égorge une victime, mouton, chèvre, vache ou cha­ à la charge exclusive de l’époux, il y a là un frein salu­ meau. Ici finit le pèlerinage; il quitte l’ihràm, mais taire. En fait, seuls, les possesseurs de grandes for­ reste encore trois jours à la Mecque, où il va faire une tunes, de plus en plus rares, peuvent avoir en mime tournée rituelle a la Ka’ba et boire l’eau du puits temps plusieurs femmes. Cc qui est plus grave est zemzcm. Il a alors le titre de hâdjdj ou liàdjdjî. le concubinat, la possibilité sans restriction d'user de Entre temps, il y a eu diverses prières et des toutes les esclaves. Grâce, il est vrai, à l’action chré­ sermons. La Ka’ba est revêtue d’une grande étoffe; tienne, l'esclavage disparaît aujourd’hui de la société celle de l’année précédente est enlevée et découpée musulmane. Grâce aussi à celle influence, la femme en morceaux qui sont donnés ou vendus aux fidèles. revendique de plus en plus une légitime indépendance, Celle étoile est fabriquée au Caire, où les Européens impose la monogamie, et son émancipation progrèsrappellent inexactement « le tapis ». Son nom arabe sivc peut entrainer de sérieuses modifications dans est klswa, < manteau». Une coutume qui date,dit-on, la société musulmane et partant sur la religion elledu xm* siècle, mais qui doit remonter plus haut, est même. Reste le divorce. Le Coran, disons-nous, tout en le celle du mahmal, sorte de tabernacle de forme pyrami­ reconnaissant au mari ad libitum y apportait des dale, placé sur un chameau, qu’on envoie officiellement avec les caravanes de pèlerins qui s’organisent en restrictions. Six mois sont nécessaires pour que le Égypte, en Syrie ou ailleurs. Après un court séjour à la mariage soit dissous et, dans cet intervalle, il faut Mecque cl à Médine, il est ramené à son pays d’ori­ formuler par trois fois l’intention irrévocable de la répudiation. La troisième fois, seule, est décisive, et gine. Son départ donne lieu à de grandes fêles; son les époux ne peuvent plus se remarier entre eux à retour est salué par de moindres cérémonies. 5, Le djihûd ou guerre sainte. — C’est une prescrip­ moins que la femme n’ait contracté un second mariage qui aura été dissous. Mais la traditicn a innové et à tion du Coran qui ne vise en réalité que les luttes de supprimé celte faible barrière des six mois. Du jour Mahomet contre ses compatriotes. Elle a été étendue au lendemain, en prononçant la triple foimulc ou plus tard aux guerres de conquête entreprises par les même une autre formule d’énergie équivalente, l’é­ Arabes. Aujourd’hui, elle est purement théorique, et on a vainement tenté de la remettre en vigueur poux peut renvoyer l’épouse. Il est vrai que, si elle est mère, surtout si elle a des fils, il aura généralement dans les luttes entre musulmans et chrétiens. Si la quelque pudeur et redoutera la réprobation de l’opi­ guerre sainte était déclarée offensivement, il suffirait qu’un nombre suffisant de combattants y prissent nion publique, le ressentiment des siens, mais son droit reste entier et, si la passion l’aveugle, il l'exer­ part; les autres musulmans n’y seraient pas tenus. En cera impitoyablement. revanche, si elle avait un caractère défensif, nul ne La femme, de son coté peut obtenir, par I’lnlcivinpourrait être exemple du service. En fait, on n’y a, et I lion du kûdi, la dissolution du mariage; elle peut aussi probablement on n'y aura jamais recours cl, dans l’état actuel des choses, on peut la considérer comme faire avec son mari tous arragcmenls amiables, mais Irréalisable. elle n’en reste pas moins très inférieure moralement. En dehors de ces obligations fondamentales, le On allègue que jusqu’ici elle ne s’est pas plainte de musulman doit encore régler presque tous les actes de celle infériorité et que, dans beaucoup de cas, elle n su sa vie sur les prescriptions religieuses. Pour l’enfant prendre une influence prépondérante. Mais le mouxemâle, c’est d’abord la circoncision, dont il n’y a pas ment d'émancipation s'accentue et, en se comparant de trace dans le Coran, mais que la tradition a établie. avec la femme chrétienne, en s’instruisant davantage, Plus tard, qu’il s’agisse de vente, de contrat, de procès elle sentira de plus en plus son infériorité pour ne quelconque, c’est la loi religieuse, le chart', qui déci­ pns dire son abaissement. La suppression de l'escla­ dera. Le magistrat ou kûdl jugera d’après le Coran, vage la délivrera des deux plaies du harem : la concu­ le luidlth et la doctrine de l'imam, Mâlik, Chàfi’l, bine et l’eunuque. Bientôt elle aura un foyer. Aboù llnnlfa ou Ibn llanbat. Le statut familial est Une autre transformation s’accomplit de nos jours régi de même. Mariages, héritages, testaments, funé­ qui aura peut-être, si elle se maintient, une grande railles, rien n’a échappé au législateur musulman. influence sur le mahométisme de demain. Dans le Nous dirons quelques mots du mariage, à cause de son monde sounnitc, le pouvoir temporel se sépare du importance sociale et aussi de l'évolution de plus en spirituel. Le sultan ottoman qui, depuis 1517, sc pré­ plus marquée qu’il subit aujourd’hui. tendait héritier du khalifat 'abbâssidc,laisse mainte­ Mahomet, probablement sous des influences chré­ nant entre les mains de ses sujets la puissance poli­ tiennes, s’est efforcé d’adoucir la condition de la femme tique (mars 1921). Cette séparation n’est pas sans qui n’était de son temps qu’une pauvre esclave, livrée I exemple dans l'histoire du mahométisme. Après ta au caprice du maître, comme dans la plupart des prise de Baghdàd par les Mongols en 1258, la dynastie ne 1641 M All (J Μ E 1 1 S M E, BIBLI O G B Λ P H 1 E 1642 ’abbâssidc avait disparu. Lev sultans mamlouks * demanderont peut-être si I on doit espérer qu’un Jour l’islam, dont le domaine politique est de plus en plus d’Egypte et de Syrie avaient recueilli un membre de cette famille et l’avaient proclamé khalife, mais en J réduit depuis deux siècles par les conquêtes des puis­ conservant pour eux tout le pouvoir temporel. C’est sances chrétiennes, disparaîtra comme religion, et si les le descendant de cc khalife purement spirituel qui populations qu’il a jadis arrachées au christianisme en avait cédé scs droits ù Sellm lorsqu’il lit la conquête Afrique et en Asie y retourneront. Il est dlllicllc de sc de l’Égypte en 1517. Mais, de nos jours, la séparation prononcer. Ordinairement, la réponse a cette question est faite incontestablement sous l’influence des idées est négative : on allègue que les conversions de musul­ occidentales et peut avoir de tout autres conséquen­ mans sont extrêmement rares, que la religion de ces. C’est le secret de l’avenir. Mahomet, loin de reculer s’étend, qu’elle s’c*t avancée 2· Particularités du chiisme, —Le chihmc moderne, profondément dans le centre de l’Afrique, qu’elle qui ne dépasse guère les frontières de la Perse concorde fait d’extraordinaires progrès en Chine. Gn sait qu’elle en une foule de points avec le sounnisme. Il n'accepte a gagné quelques adeptes en France et en Angleterre, pas toutes les traditions, ne considérant pas comme et même, sous la forme un peu aberrante du béhaTsme, infaillibles tous les Compagnons du Prophète dont atteint les États-Unis d’Amérique. Tout cela est vrai; elles émanent et rejetant particulièrement l’autorité mais il ne faut pas oublier que le christianisme n des trois premiers khalifes, considérés commodes usur­ exercé une influence, Indirecte mais profonde sur le pateurs au détriment de 'AU. Les chiites ont une fêle, mahométisme moderne, car c’est lui qui a imposé In ditedoGhadû « l’clang », cn’sou venir de la désignation suppression de l’esclavage et Incité la musulmane â faite en cc lieu par le prophète de ’Alt comme son l’émancipation. Peut-être y a-t-il là le germe d’une successeur. En lin, comme nous l’avons vu, ils vénèrent transformation profonde. On a dit, non sans quelque spécialement les descendants de ’Alt, les Imâms dont raison, que l’islam était une religion d’hommes ; Il le dernier doit revenir en qualité de Mahdl. Ils rejettent n’est pas Impossible que la femme musulmane, une également l’autorité des fondateurs de rites sommités. fois complètement libérée, sc sente attirée vers la Les Persans font le pèlerinages de la Mecque, mais douce religion où l’on peut prier Marie. ils y sont mal vus; ils préfèrent aller visiter les tom­ Biuuor.nAPim^ — Nous ne pouvons songer Λ donner beaux de leurs iinûins : de 'All à Mcschhed 'All, de Houscîn à Kerbéla, de Bizâ à Mcschhed du Kho- Ici toute In bibliographie du sujet : elle remplirait un volume cc dictionnaire. Elle n été commencée par V. Chauvin, rassan. Ils ont surtout une fête très caractéristique de dans sa Bibliographie des ou orages arabes nu n lait fs am en souvenir de la mort de Houscîn, pendant les dix Arabes, Jdége et Leipzig, 12 vol. in-x·, t. x, 190". Coran premiers jours de l’année. C’est une commémoration et Tradition; t. xi, 1000, Mahomet, et t. xn 11 gr. 1913funéraire, suivie d'une représentation théâtrale ; le 1922 (publié par M. Pilain), Mahomettsmc, Nous y renver­ peuple persan en suit les diverses péripéties, toujours rons le lecteur, en ajoutant ici un court supplément de cc* trois volumes. D'ailleurs, en cc qui tourbe In vie et la doc les mêmes avec une passion toujours renouvelée. trine de Mahomet, on trouvera, dan* l'article ('on an, t. ni, Un amour idolâtre de Houscîn, une haine farouche col. 1772, l'essentiel de la bibliographie jusqu’en 190X. pour Yazîd, son meurtrier, qui n'a d’égale que celle Nous nous étendrons plus particuliérement sur les sectes, qu’il ressent surtout contre Aboû Bakr et 'Oumar, nous bornant toutefois a celles dont Π n été parlé dan* notre voilà le sentiment profond du chiite. A nous il peut article. Bien que le droit musulman fasse en réalité partie sembler être rétrospectif et sans intérêt actuel, niais de la théologie, nous ne signalerons que ce qui concerne lu c’est qu’en réalité il est l’expression musulmane d’une dogmatique. Un astérisque indiquera le* principaux ou­ haine de race el de nation. La Perse a accepté l’Islam, vrages ou mémoires. Com pli mi ms de Chauvin. — Freund (S.), De rebut mais a toujours conservé la rancœur de la conquête dieI.resurrectionis rfenturis (tiré de Ibn al Wardl). Breslau, arabe. Elle n donc voulu façonner un islam à elle et 1K53, 1 vol. ln-Xe; Maimonide, Le ouidt des Qar^s, êd. cl s’est donnée au chiisme pour marquer son indépen­ trud. S. Munk, Ports, ISSO. 1S61, 3 soi. in-S·. t. i, dance qu’elle n’a pu réaliser qu’assez tard. p.332-159 de la traduction; llusan ' Idwt, Kddbtn chàriq ut En dehors de certaines divergences dans quelques amvdr (traité d'eschatologie). Bouhik. 1273 hég» ( 1X57), détails de pratique pour les ablutions, la prière, etc., ln-4·, nombreuses édition* subséquente* ; Ibn al Word!. KttAb khartdat al ad/àlb. Le Caire. 1270(1859), I vol. In-1 . les Persans sc distinguent des sounnltcs par l’usage du vin. Interdit par le Coran, il n’a jamais complète­ nombreuse* éditions subséquente*, sc termine par un cha­ pitre Important sur Γeschatologie musulmane, cf. Freund; ment disparu de la société musulmane; mais 11 a Akhirl zamAn kftâbf, Kazan. ISGO, ln-^· (l,r et 2’ êd.), toujours été combattu par les rigoristes du sounnisme; 3·, 1X02, In-X·; Krchl (L·), Gescldchte der tnahonitnciL Bell· il reste en honneur chez les chiites de Perse. Ceux-ci gton mid Philosophie, dan* Prute Deubehts Muifiim, 1X61, n’acceptent pas non plus les traditions contraires à la n. 11 ; 1 loutsma (Th.), Strljd oner lut dogma in den IslAm lol représentation îles êtres animés en peinture ou en op cl·Azh art. Le* de, 1X75, ίη-Χ·; Krchl (L·), Zur Chara· sculpture. Le Coran ne les condamne pas et même des kterlsiik der Lchre aon Glaubrn tn Islam, Leipzig. 1X77. in-X·; Gautier (L.), La perle prMeuse de Glmzûtt. Traitt sounnltcs, comme Mahomet II. le conquérant de Cons­ <Γ eschatologie musulman·, Genève, 1X7X. 1 vol. Ιη-8· ; tantinople, lirent exécuter par des peintres et des Dugnt (G.). Histoire des philosophes et des théologiens musul­ médailllstcs chrétiens leurs portraits. Le khédive mans, Paris, 1X7X, 1 vol. ln-8·; Sprvngcr (A.). Die Schul· d’Égypte, Mehémet Ali, ainsi que son fils Ibrahim /ùchcr und die Scholastik der Muslime, dans Zeitschr. d, ont leurs statues, l’un à Alexandrie, l’autre au Caire. dtuslch. morgcnl. Gtsclhch., t. xxxil, 187X, p. 1. Guyard(S.)« 'Abii ar-Hazzdq et son traite de la prédestination et du libre C’est une erreur assez répandue en Occident que ces arbitre, dans Journal asiatique, 1X73, \ I· série, t. i. p. 125; représentations sont réprouvées par la loi; ce n’est Traite de la predestination.,, par A bd ar-ftanâq, trad., qu’une répugnance populaire, un préjugé supersti­ Paris, 1X75, ln-X·; texte, Paris, 1X79, ln-x·; Snouck llurtieux qui remonte probablement à une époque très gronje, Het Mekkaansche Feest, Lryde. 18X0. (Tien (A.)|. reculée. Il cède peu à peu devant l’envahissement de 'IlisAlal 'Abd Allah ibn Isma II al HAchÎml lia Abd al la photographie; mais, en fait, ce n’est guère qu’en Masih Ishaq al Kind/, Londre*. IXX0, ln-x·; Muir. Apology Perse qu’on trouve aujourd’hui des artistes, peintres, of al Kindy, Londres, 1HX2V ln-X· (cf. nrtlrlr du même graveurs, sculpteurs, n’ayant aucun scrupule de repro­ auteur, dans Indian female evangelist, Londres, avril 1XX1, art. I); Brockelmann (Cari), Geschlchlc der arabisclun Litte· duire des ligures d’hommes ou d’animaux. 2 vol. In-X-, Welninr. IX9X; Berlin, 1902 . S Fi h, t. i. Sommités et chiites sc réconcilient dans le $oûflsinc, ratur, p. I6X-161; Dogmattk. t.l, p. 192-197; G azûltA.i.p. I19--126; dont les cérémonies particulières seront décrites dans Ibn Ha:m, t. I, p. 399- hM); Ibn Tatmiyyn, t. il, p. 100-105; l’article spécial. Muhammad ibn l ûmarl, 1.1, p. 400; Juynbol), Uct ImAmaat Conclusion. — Les lecteurs de ce dictionnaire sj dans Indisùh G ids, mal 1895, p. 517; Huart (Cl.) Ix livre de 1643 MAHOMÉTISME, BIBLIOGRAPHIE la Création et de l'histoire, M. et trad, dans Publications de Γ Fraie des langues orientales, 1899-1910» IV· série, t. xvixvm et t. xxi, xxn (Eschatologie, t. n, p. 142; Vie de Mahomet, t. n, p. 123; I. v, init.; sa doctrine, t. v, p. 47); Schreiner (M.). Zur Geschlchte der theologischen Bewcgungen in Islam, dans ZctBchr.der drulsch- morgenland. Gcscllsch., t. ιλ, 1898, p. 403; t. un, 1899, p. 51; Hunrl (Clément), Sur les variations de certains dogmes de. Γ islamisme aux tmis premiers siècles de l'héglrr, dans Revue de l'histoire des religions, t. xun, 1901, p. 355, cl Actes du P· Congrès •ΓHistoire des religions. II* partie, 1902, p. 37; Tabari, IkhtilAf al fouqahA, éd. Kern, Le Caire, 1320 hég. 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C.) dans Coll. univ. oriental studies, L xv. 1920; Moslem schisms and sects, part. I. Vient de paraître tout récemment : · Carra de Vaux, Les penseurs de l'Islam, t. in, L'exégèse, la tradition cl la jurisprudence; t. iv, La scolastique, la théologie et la mystique, Paris, 1923 (1924); Casanova. Un manuscrit d'al Ach'ari sur les sectes musul­ manes, dans Journal asiatique, 1912, X· série, t. XIX, p.416 U.CIIUSMK.— 1· Chiisme modéré. — Silvestre de Sacy La régie des schiis, dans Notices et extraits des manuscrite. t jv, Paris, an VH, p. 700; Anonyme, Histoire des AHdu, dans Journ. asiat., t. vni, 1S26, p. 169; Hancbcrg, Verthrung der XII ImAmc bel den Schiiten, dans Zeitschr. j. dtutsch. morgenl, Gcscllsch., t. n, 1847, p. 74; ’ Sprenger(A.) et Mawlawy Abd al-Haqq, Tusys list of shy ah books, Calcutta, 1853-1855, 4 fasc. in-8·; ’Golâribcr (L), Zur Litcraturgeschichte der St A, dans Sitzungsberlchtcn d. phihl.hist. Cl. d. k. Akademic d. Wissensch., t. i.xx, fol. 8, 1874. 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G (M.), Civilisation urbaine du Mzab, Paris, 1922, In-8"; monde musulm., t. xiv. 1911. p. 357; Socln (C.), W»·· Rescher (O.), Khâridschitenkaptlel aus dem kâmll [d’ci BchAi, PoUdam, 1912, ln-8®; Rœnicr (IL), Die BAbl-Bdd» MAHOMÉTISME — MAI 1649 die junsgtc mohammedunischr Scktc, Poltdnm, 1912; Abdul Bahn, Divine Civilization, dans Asiatic Quanlcrly Brulew, new scries, t. i, 1913, p. 225 ; Nicolas (A.), fx- Béyan Per· son [Bûblimc], Paris, 1913.191 I, 3 vol. ln-16; Wilson (S.), Bahaism and religious assassination, dnns The Moslem World, t. iv, 191 I, p. 231 ; Bahaism and religious deception, ildd,, t. x, 1915, p. 160; Bahaism, its failure in moral con­ duci, ibid., ρ. 263; •Browne (E.), Materials for the study o/ the Dabi religion, Cambridge, 1918, ln-8*; ’Dreyfus (IL), L'auurc de BahAou'llah, Paris, 1923, in-8·; VHI. WAHIlAlHSME.— •(Cornnccz) (L. A.), Histoire des Wahabis, Paris, 1810; Wiesner (A.), Gcschichle des Islam, Leipzig, 1823, ln-8· (sur les Wahabite*); Chodzko, Lc déisme des Wahhabis, dnns Journ. as., 1818, IV· série, t. XI, p. 168; Fleischer, Brirfincchscl Zwischcn den An/uhrern der Wahabite nund dem Pasa von Damascus, clans Zeitsehr. d. deutsch. morgcnl. Gcsellsch., t. xi, 1857, p. 127, 711; •Bchntsek, History of the Wahhâbys, dans Journal Bombay Branch royal asiat. Soc., 1. xiv, 1878-1880, p. 27-1; *Massignon (L.), Origines dogmatiques du Wahhabisme, dans Bev. du mande musulman, t. xxxvi, 1918-1919, p. 230; Chclkho (L.), Wahabltcs, dans Machriq, 1920, p. 107. IX. NOSAUHSJJE. — Dupont (F.), Mœurs ct cérémonies religieuses des .Xessérié, dans Journ, as., t. v, 1821. p. 129; Guys, Observations... aux mœurs et cérémonies des Xessérié, dnns Journ. as., t. ix. 1826, p. 306 ; Silvestre de Sacy, Lettre (sur les Nosalricns] dnns Journal asiatique, 1827, t. x, p. 127; CntnfngO (.L), Die drd Mrsscn der Nossairier, dans Zeitsehr. d. deutsch. morgcnl. Gtscllsch, t. il, 1847, p. 388; •Catafago, Notice sur les Ansérirns, dnns Journal asiat., 1848, IV· série, t. xi, p. 1 19, cf. ibid., t. xii, p. 72 ct 185; •Wolff, Kalcchismus der Nossairler, dnns Zeitsehr. d. deutsch. morgcnl. Gcsellsch., t. m, 1849, p. 302; Huart (C.), La poésie religieuse des Nosalris, dans Journ. asiat., 1879, VIP série, t. xiv, p. 190; Ixinuncns (IL), Les Nosalris, dans Études religieuses, t. lxxx, 1899, p. 161 ; •Dussaud (K.), Influence de la religion nosairt sur la doc­ trine de SinAn, dans Journ. as., 1900, IX· série, t. χνι; Histoire cl religion des Nosalris (Biblioth. des Hautes Études, fnsc. 129), 1900; Lammcns (IL), Au pays des Nosalris, dans Heu. de ΓOrient chrét., t. IV, 1900, p. 572; Laminons (I L) Visite au saih des Nosalris, dnns Journ. asiat., 1924, XP série, t. v, p. 139 ; M(asslgnon) (L.), Les Nosciris de Syrie, dnns Brune du monde musulman, t. xxxvni, 1920, p. 271; ’Nicgcr (Colonel), Le territoire des Alaouitrs (pays des Nosciris) dans Brune du monde musulman, t. xijx, 1922, p. 1; SolaimAn Efendi al Adhanl, KitAb al bûkoura al solalmaniyya (sur la secte des Nosa iris), Beyrouth, s. d., 1 vol. ln-8·. .1. YÊZIDISKE.— Layard(IL), Nineveh and its remains... the Yczidis, Londres, 1849, 2 vol. in-8· (t. 1, c. IX. Feast of the Yézidis); •Badger (G.), The Nestorians... and an inquiry into the religious tenets of the Yczecdcs, Londres, 1852, 2 vol. ln-8· (Yézidis, 1.1, p. 105); ·5ΙοαίΠ (N.), Conversation awe le chef des Yézidis ou adorateurs du diable, dans Journ. asiat., 1880, VIP série, t. XV, p. 78; Secte des Yézidls, ibid., 1882, VIP série, t. xx, p. 252; Le chéikh Adi el la secte des Yézidis, ibid., 1885, VHP série, t. v. p. 78; •Cha­ bot (J.-B.) Iss Yézidis, dans Journ, asiat., 1896, VII· série, t. vn, p. 100; Parry (O.), Six Months in a Syrian monastery some account of the Yazidis, Londres, 1895, ln-8·; Dingehtedt (V.), The Yezids (sic] dans Scottish geograph, magazin, t. xiv, 1898, p. 295; ^Ménant (J.), Les Yézidis, Paris, 1892 (Biblioth. de vulgarisation du Musée Guimct, n. 5); •/Knastnse-Mnric (le P.). .41 Yaztdiya, dans Machriq, t. n, 1899, p. 32, 151. 309, 395, 517, 651. 731, 840; Oppen­ heim (M. von), Vbm Mittclmecr zum Pcrsischen Golf, Berlin, 1900, 2 vol. ln-8· (Yézidis, t. 11, p. 1471; Spiro (J.). Les Yézidis ou les adorateurs du Diable dans Bull, de la Soc. neuchateloise de géographie, t. xn, 1900; •Giarnil (S.), MonteSingar (Catéchisme des Yézidis], Borne, 1900, in-16, cf. Mader dans Bcuuc de rhistoirc des religions, t. xlv, 1902, p. 426; Mukas (IL), Kurdische Sludicn. Jczidcngcbete, i IcidcllH'rg 1900, ln-8·; Pcrdrizct (P.), Documents... rela­ tifs aux Yézidis, dans Société dr Géographie de VEsl, Bull. Irimeslr., Noua. série, t. xxiv, 1903, p. 281, 429; *Guéri· not (A.), I^s Yézidis, dans Bcuuc du monde musulman, I. v, 1908, p. 581 ; ·Jacob (G.), Uber die Jeztdls, dans Beitragc zur Kcnntnis des Orients, t. vn, 1909, p. 30; ’Bittner (M.), Die beiden hriliyen Bucher der Jcziden,dnn\ Anthropos, t. vi, 1911, p. 628; I'rank (B.), Schcich Adi, der grosse Heilige der Jcztdt dans Turkischt B/M/ol/icA, Berlin, ln-16,t. xiv, 1911 ; ’Anastase .Marie (le I*.), Deux livres sacrés des Yézidis, DICT. DE T1IÉOL. CAT1L 1650 dans Anthropos, t. vj, 1911, p. 1; MassJgnon (U), Livres sacrés des Yézidis, dans Bruue de Yhisl. des religions, t. i.xni1911, p.245, et t.i xiv, 1911. p. 264; Menzel (Th.), Zur Kcnntniss der Jesidrn, Leipzig, 1911, dans Grote (IL), McineVor, dcraslcn-cxpedillon, t. 1, 1'· part.; Strothmnnn (IL), Ana­ lecta hirretica, 1. Die Yczidtn, dans Islam, 1.1 v, 1913, p. 72; •Nau, Cheikh 'Adi chef des Yézidis, dans Beu. de VOr. chrét., IP série, t. ix, 1914, p. 105; ’Bittner (M.), Die heiligen Bûcher der Jrzidcn, dans Denkschr. d. k.Akad. d. Wlsscnsch, in Wien, Philos, hist. Kl., t. lv, 1913, Abhandl., 4 et 5; •Nnu (F.), et Tfînkdjl (J.), Textes et documents sur les Yézidis, dans Hevue de ΓOrient chrétien, t. xx, 1915-1917, p. 142, 225; Mingana (A.), Devilmorshippers, dnns Journ. of roy. asiat. Soc., 1916, p. 505. „ P. Casanova. MAI Angelo, célèbre philologue italien, c.irdii et bibliothécaire de FÉglisc romaine (1782-1854). — Né à Schilpano, (province de Bcrgamc), le 7 mars 1782 il eut pour premier maître le P. Mozzi dc'Capitani, ancien membre de la Compagnie de Jésus, longtemps professeur à Milan, ct retiré à Bergame, sa ville natale, depuis la suppression de la Compagnie; il le suivit à Colorno ou ce religieux tentait de reconsti­ tuer un noviciat; envoyé à Naples en 1804, où la Compagnie sc reformait, Il y fit ses humanités, com­ mença la théologie Λ Home, puis â Orvielo, où il reçut la prêtrise. C’est Ui qu’il fut initié par deux jésuites espagnols, les PP. Montero cl Afenchoca aux arcanes de la paléographie. Bentré à Rome en 1808, il fut contraint après l’occupation française de retourner dans le royaume d’Italie, son lieu d’origine; par l’in­ termédiaire du P. Mozzi, il obtint un emploi de scritlore pour les langues orientales à la Bibliothèque ainbrosienne de Milan, dont il deviendra préfet en 1813. C’est ù Milan que sa vocation se dessine; il s’attache à l’étude des nombreux manuscrits inédits de l’admi­ rable dépôt milanais. Son attention sc porte surtout sur les palimpsestes, et il est assez heureux pour faire dès le début quelques décou\cries intéressantes qui attirent sur lui l’attention du monde savant, il axait été rappelé à Rome en 1814, après le rétablissement de la Compagnie de Jésus; mais les cardinaux Lilta et Consalvi, jugeant qu’il rendrait plus de services en exploitant la veine qu’il venait d’ouvrir qu’en rentrant dans la Société, proposèrent à Pie VII de lui rendre sa pleine liberté. Ainsi fut fait de l’agrément du R. P. Général. Mal retourna donc à l'Aml rosienne jusqu’en 1819 Λ cette date, il fut appelé a Rome comme préfet de la Bibliothèque vaticane qu’il ne quittera plus que pour devenir cardinal le 12 février 1838; encore sera-t-il, en 1853, nommé bibliothécaire de l’Églisc romaine. Cardinal, il fut préfet de la Congré­ gation pour la correction des livres de l’Églisc orien­ tale (1844), membre de la Congrégation du Concile, ct de la Propagande. Il mourut ù Castel-Gandolfo où il prenait ses vacances, dans la nuit du 8 au 9 sep­ tembre 1854. L’activité de Mal, qui fut extrêmement considé­ rable, s’est tournée ù peu près exclusivement vers la publication des auteurs anciens, profanes ou sacrés, que lui faisait rencontrer son travail de bibliothé­ caire. Durant près de quarante ans, il fut l’infati­ gable éditeur qui mil au jour nombre de textes incon­ nus, ou mal connus, appartenant au domaine de l’an­ tiquité classique ou ecclésiastique, du Moyen Age et des premiers siècles des temps modernes. Son travail original a consisté â étudier, identifier, annoter, commenter, mais toujours sommairement, les textes découverts par lui. On peut seulement regretter que la hôte un peu fébrile avec laquelle il a fait ses publi­ cations n’ait pas permis à cet heureux chercheur de mettre un peu d’ordre dans les volumes présentés au public. L’œuvre considérable laissée par Mal laisse l’impression d'un entassement formidable de maté­ riaux dont il n ‘est pas toujours facile de faire l’inventaire. IX — 53 1651 •· M A1 Nous no nous étendrons pas sur les publications de Mai relatives aux auteurs classiques, bien que ce soient •Iles principalement qui ratent désigné dès l’abord à l'attention des philologues de tous pays. La decou­ verte la plus sensationnelle en ce domaine fut celle des six livres De ta République de Cicéron, perdus depuis le xw· siècle, et publiés en 1822, C’est, d’ailleurs, sur­ tout pendant le séjour à Milan, que se placent les dé­ couvertes et publications relatives Λ l'antiquité clas­ sique. Toutefois, dès 1816, Mai publie la Chronique d’Eusèbe (textearménien traduit en latin), plusieurs truités inédits de Philon; en 1817, le XIV· des Livres Sibyllins (reproduit dans le t. in de la Noua collectio scriptorum); en 1818, deux nouveaux traités de Philon, et des fragments Inédits d’Ulphilas. La Vaticane, où il arrive en 1819, lui fournira abondamment auteurs sacrés et auteurs profanes. Les premières publications de Mal sont dispersées , en un certains nombre de petits opuscules. A partir de 1825, Il fait paraître scs découvertes en de volumi­ neuses collections dont les volumes se succèdent ù de très brefs intervalles. La première en date est intitulée : Scriptorum vete­ rum nova collectio, dix gros volumes in-4* qui parais­ sent de 1825 à 1838. A signaler parlicullèremct : l. i (Il n eu deux éditions 1825 et 1831 assez ditTérentes l’une de l'autre), fragments d’Eusèbe de Césarée, Qurestiones ad Amphilochium de Photius; t. n, 1827, historiens grecs, surtout profanes; t. m, l828,Éphrem le chronographe (xiv· siècle) ; fragmcnisimporlants de Marius Victorinas; les quatre derniers livres sibyllins, \I-\IV; t.ivct v, 1831, catalogues des mss. orientaux de la Vaticane; recueil d’inscriptions chrétiennes; au t. v A, p. 171-237, une importante dissertation de J-S. Assemani sur les ordinations coptes et leur validité (en italien); t. vi, 1832, Théodore de Mopsueste, com­ mentaires sur les petits prophètes; Théoricn (théolo­ gien byzantin du xn® siècle), discussions avec Narsès, catholicos des Arméniens; écrivains latins du Moyen Age : \tton de Verccil, Itemi d’Auxerre, Pierre Da­ mien ; t. vu, 1833, Patrum doctrina de Verbi incarnatione; Léonce de Byzance, Anastase le Sinaïte, Eustathe le Moine (vi· siècle), Justinien, Tractatus contra monophysitas, Nicétas d’Aquiléc; t. vm,1833,l’un des plus importants, au point de vue de l’ancienne littérature chrétienne, il renferme la Chronique d’Eusèbe. plu· sleursopuseulcs dogmatiques de saint Cyrille d’Alexan­ drie; t. ix, 1837. suite des Quiçstioncs ad Amphilo­ chium de PhOtlus; traités du haut Moyen Age (Sedu I llus Scot us. Alcuin), en Un Léonce de Byzance; t. x, 1838, Ebed-Jcsu, Collectio canonum synodicorum (syriaque et latin), Xomocanon de l’Église syrienne d’Antioche (dans la traduction latine de J.-À. Assu­ mant). Parallèlement à celte collection, de contenu sur­ tout ecclesiastique, paraissait le recueil intitulé Classicorum auctorum collectio, dix volumes in-8n, s'échelonnant de 1828 à 1838. Comme le litre l’in­ dique, ce recueil était plus spécialement destiné à grouper les découvertes de Mal dans le domaine de la littérature profane. Les premiers volumes répondent très exactement à ce dessein; signaler toutefois au t. tu un De origine idololatria? attribué à saint Martin de Braga. Mais dès le t. v, 1833, les écrivains chré­ tiens voisinent avec les païens : Carmina vetera Chris­ tianorum (Paulin de Noie, Victoria de Marseille, poèmes carolingiens). Le t. vi, 1831, est réservé à dis commentateurs scripturaires (Procope de Gaza; scholles anonymes sur saint Matthieu), qui reparais­ sent dans le t. ix, 1837; enfin le t. x, 1838, publie les grands commentaires sur saint Luc de Cyrille d'A­ lexandrie et de Sévère d’Antioche. A partir de 1839, commence une nouvelle série de 1G52 i dix volumes ln-8« assez compacts qui se succéderont jusqu'en 1811; elle est intitulée : Spicilegium romanum et ce sont bien des glanures qu'elle contient; il I est donc beaucoup plus difficile d’en donner une idée que des collections précédentes. Tour a tour y défilent des auteurs du xv· siècle, des écrivains du Moyen Age, des Pères de l’Église, grecs ou latins; les auteurs païens y sont très rares. Signalons au l. n, 1839, le traité du cardinal Sadolct, De Christiana Ecclesia ; les commentaires de Cosmas de Jérusalem (vin· siècle) sur les poèmes de Grégoire de Nazianze; au t. iv, 1810, de nombreux fragments patrisliques de Sérapion. Jean Chrysostomc, Sophrone de Jérusalem, Nicétas Choniatcs, Théodore de Mopsueste (le célèbre commentaire sur l'Épître aux Komains d’après Ici Chaînes); au t. v, 1811, outre quelques fragments de Cyrille d’Alexandrie, un long commentaire d’Eustatlie de Thcssaloniipic (xn· siècle) sur une hymne de Jean Damascène; au t. vi, 18H. un grand nombre de vie de papes du Moyen Age; au t. vn, 1812, le De hœrcsibus et synodis de Germain 1er de Constantinople et surtout le Syntagma canonum de Photius; au t. x, 18-13, plusieurs sermons d’Eusèbe d’Alexandrie, (v· siècle), des fragments de l’époque carolingienne, les Canones Priscilliani ad S. Pauli epistolas, au t. x, 1841. outre des fragments de Sévère d’Antioche, plusieurs traités importants de Léonce de Byzance. La Xova Patrum bibliotheca dont un volume (celui qui porte aujourdhui le n° 2) est imprimé en 1844 et qui alignera jusqu’en 1854 sept gros volumes in-4uest, comme son nom l’indique, plus spécialement patristique : le t. i, 1852, fournit une imposante série de sermons inédits attribués ù saint Augustin et le Sjxculurn du même Père (probablement Inauthentique); quelques pièces attribuées à saint Hilaire, à saint Eulgence et des fragments d’origine médiévale; le t.n, 184 1, fournit dans sa premirc partie une impor­ tante contribution à l’histoire littéraire de saint Cyrille d’Alexandrie, bien que l’authenticité de toutes les pièces publiées ne soit pas hors de conteste; autant faut-il en dire du t. ni, 1845, entièrement consacré â l’œuvre exégélique du grand patriarche; le t. iv, 1817, donne d’important s inédits de Grégoire de Nyssc, lùisèbe de Césarée (surtout la Théophanie); la seconde partie est réservée à Nicétas de Byzance (ιχ· siècle). Con/utatio /alsi libri quem scripsit Mnhamedcs Arabs, traité de polémique contre l’Islam; la troisième aux œuvres anti-manichéennes de Pierre de Sicile, aux­ quelles s’ajoutent des fragments de Didyme d’Alexan­ drie et de saint Jean Chrysostomc; le t. v, 1849, fournit les traités de Nicéphore de Constantinople (νπι·-ιχ* siècle) contre l’hérésie iconoclaste et com­ mence l'édition de Théodore le Studite (vhimx· siècle); le t. vi, 1853, public la version syriaque des Lettres festales de saint Athanase(avec une traduction latine), trois importantes dissertations n trouvera une analyse détaillée de toutes les publications «le Maï dans de Backer, Uibtiothéquc des écrivains de la Compagnie de Jésus, t. vi, p. 290-316 (Sonimcrgovel n’a reproduit que 1rs travaux de Mal antérieurs à sa sortie de la Compagnie), et dans une série d’articles publiés par G. CozZA-Luzi, / grandi favori de card. A. Mat, dans h» Hessariane, tasc. 8U. p. 103-133; fasc. 82. p. 59-74; fnsc. 87, p. 308-317; fasc. 89, p. 169-182 (année·» 1901-1906). Il n’y a pas «le tables alpha­ bétiques générales comprenant toute l’œuvre de Mal, ce qui rend les consultations dinicile* : on peut y suppléer partiellement par un art. publié pur Bonnet ty en 1850, dans V Université catholique et reproduit en tiré ù pnrt : Table alphabétique, analytique et raisonnée de tous les auteurs sacrés et profanes qui ont été découverts et édités par le card. Mal, Paris, 1850. É. Amann, MAIGNAN Emmanuel, savant et théologien français du l’ordre des minimes(1601-1676).- Né à Toulouse, le 17 Juillet 1601, il sc distingua de très bonne heure par son goût prononcé pour les sciences mathématiques. Entré à dix-huit ans dans l'ordre des minimes, il fut envoyé ù Home, en 1036 pour y pro­ fesser les mathématiques ù la Trinilé-dcs-Monls. 1654 Henlré ù Toulouse, en 1650,11 y enseigna jusqu’à sa mort. 29 octobre 167G. Ses travaux de mathématiques et de physique lui avaient acquis une réelle célébrité. Louis XIV, de passage à Toulouse en 1660, voulut le voir, et l’invita, vainement d’ailleurs, à venir à Paris. Maignan ne s’est pas cantonné dansks travaux pure­ ment scientifiques : il appartient fi la génération des grands savants du xvu· siècle, qui, ayant reconnu au contact de l'expérience, les insuflisanccs de la philo­ sophie pseudo-aristotélicienne professée jusque-là, tentèrent des voies nouvelles, essayèrent des systèmes do philosophie et pensèrent expliquer en fonction même deces idées les dogmes ecclésiastiques. En 1652, il public à Toulouse un Cursus philosophicus en I vol.; 2· édit., Lyon, 1673. in-fol., revue et augmentée de quelques petits traités. En 1703,1e P. J. Sagucno, reli­ gieux du même ordre et disciple de Maignan, donna du Cursus une adaptation plus accessible aux étudiants : Philosophia Maignam scholastica, sive in formam concinniorem et auctiorem scholasticam digestu el coor­ dinate!, Toulouse, I vol. in-4·. Le Cursus philosophicus ayant été attaqué au nom des principes théologiques, Maignan, pour le défendre lit paraître un volumineux traité : Sacra philosophia sive entis tum supernaturalis tum incre.ati, 2 vol. in-fol., Toulouse, 1662 et 1672. En 1673, parut aussi une Dissertatio theologica de usu licito pecunia*, in-12, où l'auteur soutenait, sur le prêt à intérêt, la doctrine qui a depuis prévalu panni les moralistes. Esprit hardi et vigoureux, Maignan méri­ terait plus qu’une simple mention; il y aurait intérêt pour l'histoire de la théologie au xvn* siècle à étudier de près les explications scientifiques proposées par lui de divers points de dogme et particulièrement de la transsubstantiation. Le P. Sugurno, déjà nommé, a publié : Dr tu la, mort bin rt scriptU E. Maignani, Toulouse, 1697; un autre confrère anonyme a aussi écrit un Projet pour Γhistoire du P. Mai· gnan, rt apologie de la doctrine de ce philosophe, en forme de trttrc d tous tes savants particulièrement d ceux de Tordre des minimes, Toulouse, 1703. Voir aussi Nlcéron, Mémoires pour servir d Thistoire des hommes illustris, t. xxxi, Paris 1735, p. 346-353; Journal des Savants, année 1793, p. 589591; llœfer. Nouvelle biographie générale, t. xxxn, col. S6I; Hurler, Nomenclator, 3· édit., t. iv, col. 172, 173. I. \V\W. MAILLARD Jean, jésuite français, né ù Nevers en 1618, admis nu noviciat en 1639, enseigna quelque temps les humanltésct la rhétorique et s’adonna ensuite à l’élude de la théologie ascétique nu collège Louis-lcGrand où, pendant vingt-cinq ans, il exerça les fonctlons de Père spirituel. Il mourut le 7 Juin 1702, en corrigeant ses dernières œuvres. On a de lui : Le triomphe de la miséricorde de Dieu sur un coeur endurcy, Paris, 1683, réimprimé comme inédit, d'après un manuscrit du prince de Dahlberg, sous ce titre: L'Augustin de France, Mayence. 1766; Les occupa­ tions intérieures de Tdme chrétienne, Paris, 1683, 2 vol. in-12: Ladirection des âmes qui aspirent dans le monde à la perfection, Paris, 1687; Les dei*oirs des prêtres, Paris, 169 I : itetraitc pour les religieux et les religieuses, Paris, 1691. Le P. Jean Maillard donna une excellente t nul uct ion des (Euvrcs spirituelles du bienheureux Jean de la Croix , Paris 1695 et des Œuvres de sainte Thérèse, de saint Pierre d'Alcantarn, du bienheureux Jean «l’Aviln. publiées par l’abbé Migne, Paris, 18401851, I vol. in-4°; Méditations sur chaque verset de TÉvangile, Paris, 1701-1702, I vol. in-12; Détruite pour se préparer à prendre l'habit religieux, Paris, 1705. Tous ces ouvrages portent la marque d’une science solide, d’un esprit droit cl pénétrant, d’une âme rem­ plie de charité. Sommervogel, Bibhol/iè<|iir de ta Compagnie de Jésus, l. v, col. 336-340. P. Bkhnahd. 1655 M A IIJ. Y MAILLY (François de). (1658-1721) naquit Λ Nesles on Picardie, le t mars 1658, d’une très ancienne famille. Il fut licencie en Sorbonne et aumônier du roi, puis abbé commendatnire de Flavigny, diocèse d’Au- I tun. le 21 décembre 1693, et de Saint-Martin, diocèse | de Bourges, le 8 septembre 1695. Nommé par le roi archevêque d’Aix, le 25 décembre 1697, il fut sacré le 2 mai 1698 par le cardinal de Forbin-Janson, évêque de Beauvais; transféré à Reims le 12 juillet 1710, il prit possession de son nouveau siège le 25 mars 1711 et sc montra toujours, à Kcims comme Λ Aix, défenseur zélé du Saint-Siège. Il assista aux Assemblées du clergé de 1705, 1707, 1711 et 1713. A Kcims, il eut ù lutter plusieurs fois contre les partisans de Qucsnel et son zèle pour la bulle Unigenitus lui valut le chapeau do cardinal (29 novembre 1719). Le Régent lui défen­ dit d’abord de porter les insignes de sa nouvelle digni­ té, mais il sc calma bientôt et, par une lettre du 10 mars 1720, il permit au cardinal de prendre la calotte, s’il joignait son suffrage à celui des autres évêques pour la signature de l’accommodement de 1720. En fait, le roi lui remit la calotte le 28 mai et le nouveau cardinal reçut en commendo, le l*r décembre 1720, l’abbaye de Saint-Étienne de Caen. La maladie empêcha Mailly de se rendre ù Rome après la mort de Clément X let lui-même, frappé d’apoplcxiectde para­ lysie, mourut le 13 septembre 1721, à l’abbaye de Saint-Thierry. Presque tous les écrits de Mailly se rattachent aux polémiques suscitées par la bulle Unigenitus, Parmi les plus importants, il faut citer : Mandement pour Taccrptalion de ta bulle, 18 avril 1715; Mandement portant condamnation d'un livre intitulé : Le témoi­ gnage de la vérité dans T Église, Kcims, 1716; ce mande­ ment» daté du 5 octobre 1716, lut suivi de nombreux autres écrits contre les partisans de Qucsnel : Lettre à MM. les cardinaux, archevêques et évêques assemblés à Paris, 4 décembre 1716. contre les appelants qui l'empêchent de quitter son diocèse; Instruction aux fidèles de son diocèse, pour leur faire connaître les démarches qu'il a dû faire contre les rebelles de son diocèse et la condamnation de plusieurs ouvrages publiés par ordre de la Faculté de théologie de Paris, I janvier 1717: Ordonnance contre les curés rebelles, 20 mars 1717. Ces divers écrits de Mailly furent vive­ ment attaqués, en particulier, dans des Mémoires pour le Chapitre et pour la Faculté de théologie de Reims, contre les mandements des 5 octobre et 9 décembre 1716. et 20 mars 1717, in-1°, Keims. 1717 et aussi dans l’Apologie des curés de Paris contre Vordonnance, de Mgr l'archevêque de Reims du t janvier 1717, Paris, 1717. Le manuscrit de la Bibliothèque Sainte-Gene­ viève. n° 1171, (° 197-203, contient une Protestation de la Faculté de théologie de Reims. Mailly publia alors quelques lettres qui lui valurent de violentes récriminations de la part du Kégent : Lettre au Régent sur la Déclaration, 20 janvier 1718, (Archives des Aj(aires étrangères. Core, avec Rome, t. dlxxxx, f° 1 ΙΟ­ Ι 22) et une Lettre circulaire aux doyens ruraux de son dioc'se, 21 mars 1718, dans laquelle Mailly sc félicite de l’arrêt du Parlement du 19 mars. On peut en lin citer le Mandement contre les appelants, daté du 10 sep­ tembre 1718, cl une Lettre à Γ Assemblée du clergé sur les prélats appelants et sur I admission qu’on a faite de leurs députés à la participation aux prières, 13 juillet 1720. Ms. de la coll. Tarbé. carton xvi, à la Bibliothèque de Reims. Michaud, Ihographie universelle, t. xxvi, p. 127, 128; Chnlippe (Frère Candide). Oraison funèbre du cardinal de Malllg, Pari», 1722; Mémoires de Legendre, édit. Roux, Pari», 1863, p. 357-364; Nouvelles ecclésiastiques, du 20 février 1731, p. 33-35; du 16 octobre, 1747, p. 167,168; du 30 janvier, 1753, p. 18-20, et du 17 décembre 1756, MAI MBOUKG 1656 p. 205,206 (très partiales contre .Mallly); FLqurt, La France pontificale, Métropole de Reims, Paris, s. d., p. 181-195; Jean, Iss évêques et les archevêques de France dcpuii I6U fusqu'd 1801, Paris, 1891, p. 35,36, 306; Saint-Simon, Mé­ moires, édit. Bohlillc cl Leccslre, t. m, p. 305,350, t. xm. p. 106, 107, t. xxîi, p. 335-338; Albert Le Roy, La France cl Rome de 1700 d 1715. Histoire diplomatique de la bulk Unigenitus, Paris, 1892, p. 517-522 (suit toutes les appré­ ciations injustes de Saint-Simon). On peut ajouter quelque* manuscrits de la Bibliothèque de Reims, en particulier, les ms. 634, p. 6 et sulv·, et le m%. 664, pièces 4, 6, 7,8, et 9 et surtout à la Bibliothèque muni­ cipale de Sens, la Collection Langue!, t. ι-v, vm. x. XI, XII. xiv. J. CAltnEYHE. MAIMBOURQ Louis, célèbre érudit et ecclé­ siastique français (1610-1686).— Il naquit à Nancy,le 10 janvier 1610, cl fut admis, le 20 mal 1626, dans la Compagnie de Jésus qui l’envoya ù Rome pour faire sa théologie. Après avoir achevé ses études, il enseigna les humanités au Collège de Rouen, puis il s’adonna à la prédication cl enfin aux recherches historiques. 11 prit la défense des libertés de l’ÉgUse gallicane, dans son Traité historique de Vétablissement cl des préro­ gatives de l’Êglise de Rome, cl. pour ce fait, il fut, par ordre du pape, obligé de quitter la Compagnie (1682). Le roi lui accorda une pension, et Mairnbourg sc retira à l’abbaye de Saint-Victor de Paris où il poursuivit ses études historiques. Il y mourut le 13 août 1686. Les écrits de Mairnbourg sont très nombreux et sc rapportent presque tous à l’histoire ecclésiastique, et spécialement Λ l’histoire des schismes qui ont déchiré l’Églisc. Il fut toujours un adversaire ardent du jan­ sénisme. 1° Polémiques contre le jansénisme. — Le premier écrit de Mairnbourg a pour titre : De Galliue regum excellentia... Panegyricus in solemnibus RothomagensU gymnasii comitiis dictus XII kal. dec. anni ISIO, in-8°, Rouen, 1611. Mais le Père sc fit connaître sur­ tout par sa Lettre d'un docteur en théologie à un de ses amis sur la traduction du Nouveau 'Testament imprimée ά Mons, s. L s. d., (10 novembre 1667), et Seconde Lettre sur le même sujet.Dans les Œuvres d’Arnould, t. ix, p. 41-94, on trouve une Réponse à la lettre d'un docteur en théologie, et, cette Réponse, si elle n’csl pas l’œuvre d’Arnauld lui-même, a certainement été faite sous ses yeux. Le P. Mairnbourg avait déjà atta­ qué cette traduction dans les Sermons qu’il lit à l’église des jésuites de la rue Saint-Antoine à Paris, les 28 août et 4 septembre 1667. Arnauld cl Nicole, qui avaient eu connaissance de ces sermons, en firent la critique dans la Défense de la traduction du N. T. imprimée à Mons contre les sermons du P. Mairnbourg, in-4®, s. 1. s. d. Une autre Défense a été composée par Nicole, Cologne, 1668, et elle a été réimprimée plu­ sieurs fols. D’autre part, ii parui une Défense des ser­ mons du P. Mairnbourg, imprimée à Mons par L. D. S. F., théologien (Louis de Sainte-Foy), Paris, 1668. Au fonds français de la Bibliothèque nationale, n° 9363, f° 110, il y a une Lettre du P. Mairnbourg sur ses sermons, 20 septembre 1667. Les polémiques contre les jansénistes se poursul' virent. Les évêques d’Aleth, de Panders, de Beauvais cl d’Angers avalent envoyé, le 25 avril 1668, une Lettre circulaire aux archevêques et évêques de France au sujet du Rrcf obtenu contre leur mandement ; ils y expli­ quent les raisons pour lesquelles ils ne voulaient pas recevoir le Formulaire d’Alexandre Vil contre la doc­ trine de Jansénius. Le P. Mairnbourg, sous le pseudo­ nyme de François Romain, entreprit de réfuter celle lettre circulaire, par les écrits suivants : Réponse d'un I théologien, domestique d’un grand prélat, à M. d'Aleth, I sur la lettre circulaire signée de quatre évêques, s. 1. s. d. J <25 juin 1668); d’autres lettres suivirent,le21 juillet, le 1er septembre et le 4 octobre 1668. Un exemplaire de 1G57 -»1 A IM B 0 U KG In Bibliothèque nationale renferme un manuscrit inti­ tule : Le supplément de lu cinquième lettre de Fr. Homain sur les droits du pape et du roi, et de l'épiscopat pour le jugement des causes criminelles des évêques, par le P. L. M. Il faut ajouter qu'Arnauld entreprit de réfuter la première lettre du P. Mairnbourg dans une Défense de la lettre circulaire des quatre évêques, Œuvres, t. xxiv, p. 367-465; par là, Arnauld sc défendait luimême. car la Lettre circulaire des quatre évêques était son œuvre personnelle. Ibid., t. xxiv, p. 549-567. Voir, cl-dcssus, art. Jansénisme, l. vin, col. 520. 2° Controverse avec les protestants. — Un peu plus tard, le P. Mairnbourg aborda la controverse avec les protestants dans trois écrits qui curent beaucoup de succès. Ce sont : 1. La méthode pacifique pour rame­ ner sans dispute les protestants à la vraie foi sur le point de Γeucharistie, au sujet de la contestation tou­ chant la perpétuité de la foi du même mystère, Paris, 1070, 1672, 1678. Dans cet écrit, Mairnbourg montre qu'en matière de religion, on avance peu par les dis­ putes; le mieux est de prendre un principe dont on convienne : cette maxime est que l’Églisc peut décider les différends et qu’on doit suivre ses décisions, sous peine d'être schismatique; il applique ce principe à l'eucharistie et en tire les conséquences; dans la diversité des sens qu’on donne à l’Écriture, Il faut que l’Églisc décide en dernier ressort. Cet écrit, dédié à Hardouin de Péréfixe, archevêque de Paris, fut tra­ duit en anglais, en 1671 et 1678. Théodore Mairnbourg, qui avait embrassé le protestantisme et devait mourir socinlen attaqua l’ouvrage du jésuite, son parent, dans ΓExamen du premier traité de controverse du P. Λ. Mairnbourg, intitulé : Méthode pacifique, Cologne, 1683. — 2. Traité de la vraie Église de Jésus-Christ pour ramener les enfants égarés à leur mère, Paris, 1671 et 1676; dans cet écrit Mairnbourg réduit tous les différends entre protestants et catholiques ù un seul : quelle est la vraie Église? et il indique en détail quels sont les caractères auxquels on peut recon­ naître cette véritable Église, d'après saint Augustin dans scs polémiques contre les donatistes, puis 11 examine longuement l’autorité des conciles qui doi­ vent consulter la tradition. — Enfin 3. Traité de la vraie parole (te Dieu, pour ramener toutes les sociétés chrétiennes dans la créance catholique, aussi la réfu­ tation de ce que M. Claude a écrit sur ce sujet dans sa réponse au dernier ouvrage de M. Arnauld, Paris 1671 et 1673; dans cet écrit, dédié au cardinal de Bouillon, Mairnbourg montre que la seule cause des divisions est la diversité des sentiments sur ce que Dieu a dit ou n’a pas dit ; il faut avoir une connaissance certaine­ ment infaillible de ce que Dieu a dit, et donc, il faut une autorité suprême et infaillible qui soit capable d’indiquer à tous la vraie parole de Dieu. L'Écri­ ture sainte ne peut être cette autorité, car elle ne peut juger de son véritable sens et l'abominable héré­ sie des socinicns est née de cette erreur. L'esprit par­ ticulier et la persuasion intérieure ne peuvent être davantage une règle infaillible pour discerner le vrai sens de la parole de Dieu. Seule, l’Églisc établie par Jésus-Christ peut former celte règle et celte autorité infaillible. Ces trois ouvrages furent réunis sous un titre général : Traités de controverse, 3· édit., in-12, Paris, 1682. On a encore du P. Mairnbourg, des Sermons pour le carême où toutes les parties de chaque Évangile sont comprises et rapportées ù un point principal, 2 vol., Paris, 1672, 1677, et en 2 vol., Paris, 1690; ces sermons ont été réimprimés dans la collection des Orateurs sacrés de Mignc, t. x, col. 9-504 : Godefroi Herman! dans ses Mémoires, édit. Gazier, t. iv, p. 316-323 et 318-350, parle des «sermons scandaleux » du P. Malmbourg, à l’église Saint-Louis, rue Saint-Antoine. 1658 3rt Travaux historiques. — Mais c'est surtout par scs travaux sur l'histoire religieuse que le P. Mairnbourg acquit, en son temps, une grande réputation. Nous allons les citer, par ordre de date, et indiquer en quelques mots leur contenu et les controverses que beaucoup d’entre eux suscitèrent durant les dernières années du xvn* siècle. — 1. Histoire de l’arianisme depuis sa naissance jusqu'à sa fin, avec l'origine et le progrès de l'hérésie des socinicns, 2 vol. in-î® ou In-12. Paris, 1673, 1675, 1678, 1682, 1683, 1688; une tra­ duction italienne parut, 2 vol. in-12, en 1688 et une traduction anglaise, 2 vol. ln-4®, 1728-1729. Dans la grande édition des Histoires du sieur Mairnbourg cy devant jésuite, en 14 vol. ln-4®, Paris, 1686, V Histoire de l’arianisme occupe les deux premiers volumes. Cette Histoire raconte, en douze livres, les faits rela­ tifs à l’arianisme de l'an 300 à l’an 774, les invasions d'Alarie en Italie, d’Attila, et les persécutions des Wisigoths, des Lombards et enfin le rétablissement de l’arianisme par Michel Servet et les socinicns. — 2. Histoire de l'hérésie des iconoclastes et de la transla­ tion de ΓEmpire aux Français, ln-4·, Paris, 1674, 3 vol. in-12, 1675, 1678, 1679, 1683; t. m de la grande édition de 1686. Une traduction italienne parut à Venise, 2 vol. in-12, 1686 et une traduction polonaise, in-12, 1711. Celte histoire fut attaquée par Jacques Lefèvre, docteur de Sorbonne, dans deux écrits intitulés : Premier entretien d'Eudoxe et d’Euchanste pour servir de défense à la thèse d'un bachelier de Sorbonne contre le P. Mairnbourg, dans l'avertissement qu'il donne à son Histoire des iconoclastes, in-4°, s. L, 1674 et Second entretien. Les deux Entretiens furent réimprimes à Cologne en 1683, et le premier fut condamne par le Châtelet, tandis que l'auteur était enfermé à la Bastille. Un autre écrit reproduit les thèses de Lefèvre cl a pour titre : Entretiens d'Eudoxe et d'Euchariste... avec une lettre apologétique pour la religion chrétienne contre les eitsébicns de ce temps, in-12, s. I. s. d. — 3. Histoire du schisme des Grecs, 2 vol. in-12, Paris, 1677, 1678, 1679, 1682 et t. iv, de la grande édition de 1686; le P. Mairnbourg montre, en six livres, l’état déplorable de l’Églisc en Orient de 851 à 1453; c’est le schisme le plus funeste, qui amena la perte de l’empire de Constantinople et le honteux esclavage de l’Églisc grecque sous la tyrannie des Turcs; à propos du pape Jean VIII, Mairnbourg expose et réfute la fable de la papesse Jeanne : le pape sc montra si faible et sc laissa tromper si aisément qu’on le regarda comme une pauvre femme, et qu’on lui donna le nom de Jeanne (Journal des Savants du 24 mai 1677, p. 68-70). — 4. Histoire des croisades pour lu délivrance de la Terre Sainte, 2 vol. in-4®, Paris 1675, réédité en 4 vol. in-12. Paris, 1682, et 1684, et t. v, vi de la grande édition de 1686 (Journal des Savants du 20 janvier et du 6 juillet 1676, p. 15-17, 82-84). Mairnbourg raconte, en douze livres, toute l'histoire des Croisades et des difficultés dont il fallut triompher de 1093 ù 1336. Cet écrit eut de nombreuses traductions, en hollandais, in-4®, Amsterdam, 1684; en Italien, 4 vol. in-12, Venise, 1684; en anglais, in-fol., Londres 1685; en polonais, 4 vol. in-8°, Cracovic, 1707 et 1768-1769; en allemand, 2 vol. in-8®, Augsbourg, 1776-1777. Enfin, une Histoire universelle des croisades d’après les principaux historiens, texte du P. Mairnbourg et dessins de Nanteuil... a paru plus récemment, in-4·, Paris, 1868 cl 2 xol. in-4°, Paris, 1876. — 5. Histoire de la décadence de ΓEmpire depuis Charlemagne et des différends des empereurs avec les papes, au sujet des investitures cl de l'indépendance, depuis lu mort de Charlemagne en 811 jusqu'en IMG, ln-4°, Paris, 1679 avec des rééditions, 2 vol. in-12, Paris. 1681, 1682, 1686. 1710. 1713, et t. vu de l’édi­ tion de 1686; cet ouvrage fut mis à l’index le 23 mai 1659 MAIMBOURG 1680, traduit en italien, 2 vol. in-12, s. L, 1082 ct 1083, ct in-8®, Venise, 1760 et en allemand, 2 vol. in-4°, Um, 1768. D’après Maimbourg, les démêlés des papes ct des empereurs au sujet des Investitures furent la principale cause dc la ruine dc l'Empire, ct l’origine dc ccs démêlés remonte au pontificat dc Grégoire VII (Journal des Savants du 11 septembre 1679, p. 141113). L'ouvrage dc Maimbourg fut attaqué par P. (λ Preudhomme, dans un écrit intitulé : Nouveau bou­ clier d'élat et de justice, où l'un découvre le peu dc fondement qu'ont les rois de France dans leurs prétentions à l'Empire et aux royaumes de Charlemagne et ou l'on combat les paradoxes avancés par le P. Maimbourg, dans son Histoire de la décadence de l'Empire après Charlemagne, in-12. Amsterdam, 1696; il faut aussi signaler, l'écrit italien intitulé : /storia dette investiture delta dignita ecclesiastische scrilla dal Padre Em. Noris, contra Luigi Maimbourg, in-fol., Mantouc, 1711, ct un ms. conservé dans un Recueil dc la Bibliothèque Corsini à Rome, Miscellanea sopra varie materie (J-î1). 7), 707, fol. 3-166. — 6. Histoire du grand schisme d'Occident ou des antipapes, depuis 137S jusqu'en N29, in-·1°, Paris, 1678, avec des rééditions nombreu­ ses, 2 vol. in-12, Paris, 1670, 1681, et deux éditions revues, s. 1. s. d., ct enfin 2 vol. in-12, Bruxelles, 1723 ct t. vm defodit ion de 1686 t Journal des Savants du 18 juillet 1678, p. 155-157). Cet écrit, en six livres, raconte longuement les pontificals d'Urbain VI et dc ■es successeurs, en particulier, la vie d'Alexandre V avec l'histoire de Wiclcf, de Jean Hus et de Jérôme de Prague; Maimbourg réfute l’opinion qui prétend que cc sont les rois dc France qui ont fomenté le schisme, ct il raconte l'histoire du concile dc Constance. L'ouvrage fut mis â l’index par décret du 23 mal 1680. A partir dc 1680, le P. Maimbourg aborde l’histoire des hérésies modernes. 11 public d'abord 7. une His­ toire du luthéranisme, in-l®, Paris. 1680, rééditée en 2 vol., in-12, Paris, 1681. 1688. 1723, ct Bruxelles, 1723, cl t. ix, de l'édition de 1686 (Journal des Savants du 16 septembre 1680, p, 156, 157). Gettc histoire pré­ sente d'une manière vivante les diverses péripéties du luthéranisme dc 1517 à 1680, et trace le portrait des papes avec ceux dc Luther, de Mélanchthon et d'Êrasrne; il fut mis à l'index par un décret du 12 dé­ cembre 1680, ct il parut en Allemagne plusieurs ou­ vrages qui ne sont que des adaptations de l'Histoirc de Maimbourg : le plus célèbre est celui de Seckendorf (Journal des Savants. du 1 I juillet 1692, p. 242, 2431. Mats l’écrit du P. Maimbourg qui souleva les polé­ miques les plus vives, ce fut 8. l'Histoire, du calvi­ nisme, in-4®, Paris, 1682, qui eut un très grand nombre d’éditions: 2 vol. in-12. Paris, 1682; La Haye, 1681 (épuisée en quelques jours, écrit Bayle); in-4* Paris, 1686 ct 2 vol. in-12. Bruxelles, 1686; t. x dc l’édition de 1686( Journal des Savants du 30 mars 1682, p. 6567). Maimbourg rattache l’origine de cette hérésie aux vaudols; il fait l’histoire de Calvin, raconte les révoltes des huguenots en Prance ct en Écosse, leur Insolence après le Colloque dc Pohsy, le massacre de la Saint-Barthélemy qu’il critique très vivement. L'ouvrage du P Maimbourg suscita une véritable levée de boucliers : un arrêt des Requêtes do l’IIôtcl du Roi (31 mars 1683) bannit dc Lyon pour six mois les libraires ct imprimeurs de Sardaigne, c’est-à-dire, garde des sceaux, sans le litre. Il se consola de celte maigre récompense en publiant quelque-uns de ses manuscrits. Il mourut à Turin le 26 février 1821. IL (Euvres. — De Maistre appartient à l'histoire de la pensée religieuse par la plupart de scs œuvres d'abord, puis par la tournure générale de son esprit. Après les ouvrages indiqués, furent publiés, en 1851, par le comte de Maistre des Lettres cl opuscules inédits de Joseph de Maistre, 2 ln-8°; par A. Blanc, en 1858, Mémoires politiques et Correspondance diplomatique.,., ln-8°; en 1861, Correspondance diplomatique, 2 in-8°; en 1870 par le comte Charles de Maistre, des Œuvres inédites, in-8°. De 1881 à 1886, parut à Lyon l’édi­ tion définitive des œuvres déjà publiées de Joseph de Maistre, sous cc titre : (Euvres complètes. Nouvelle édition contenant scs oeuvres posthumes et toute sa corres­ pondance inédite, 1 I ln-8®, dont les G derniers sont consacrés à la Correspondance. Depuis ont encore été publiées des Lettres inédites, en particulier, E. Daudet, Joseph de Maistre et Plaças leur correspondance inédite et l'histoire de leur amitié, in-8®, 1908. II restait encore des manuscrits inédits; cf. Goyau, op. cit., i, loc. I cil., 1er mars 1921, p. 139; récemment, le comte Xavier de Maistre en a publié une partie, sous cette désignation : Les carnets du comte Joseph de Maistre, in-8°, 1923. Ie Considérations générales sur la France, in-8°, I Londres (Lausanne), 1796; 3éditions parurent en 1797, 16G5 MAISTRE (JOSEPH DE) in-8% Londres (Paris, Lyon, Bâle). En 1811, une nou­ velle edition fut donnée à Paris, niais sans l'assenti­ ment de l'auteur et avec des modifications qui lui déplurent. Le texte dans les Œuvres complètes est celui de 1797, t. ι, p. 1 181. Sont la préface ou le pro­ longement de cet ouvrage, des Fragments sur la France, ibid., p. 187-220; ΓEssai sur le principe gêné· râleur des constitutions, ibid, p. 221-308 cl des Études sur la souveraineté, composées en 1791, p. 331-509. En face de la Révolution triomphante, de Maistre, comme nombre d'émigrés intellectuels, chercha ά s’expliquer la Révolution française et son succès, et à pénétrer le secret de l'avenir. Cf. F. Baldenspcrger, I.e mouvement des idées dans rémigration, t. n. Pro­ phètes du passé. Théories de l'avenir, ln-12, Paris, s. d. (1925). Il avait conçu la plan d’un vaste ouvrage où il eût examiné les conditions de l’ordre social idéal, c’est-à-dire les origines et l’exercice du pouvoir, puis le droit à l’insurrection! enfin, dans une quatrième partie, il eût applique scs théories à la France, pour lui donner la consécration de l’expérience. Cf. Lettre à M. le baron Vignet des Etotes, du 22 août 1791, t. ix, p. 73-76 et Lettre à M. le vicomte de Donald, 20 avril (2 mai) 1812, t. xn, p. 121-126. Il ne réalisa pas cc vaste dessein, mais de là sortirent ses Études sur la souve­ raineté qu’il n’acheva pas et ne publia paset les Consi­ dérations. — Une chose frappe de Maistre dans la Révo­ lution : c’est « cette force entraînante qui courbe tous les obstacles; et qucla Révolution mène les hommes plus que les hommes ne la mènent. » Considérations, c. i. Abandonnant cette explication de la Révolution, que les émigrés avançaient volontiers d’une conspi­ ration antichrétienne et antimonarchique, Il revient à la grande Idée chrétienne, déjà donnée par Bossuet comme explication à l'histoire du monde, la Provi­ dence. La Providence seule rend la Révolution Intel­ ligible. Si les chefs, des hommes inférieurs d’intelli­ gence et de moralité, ont fort bien conduit le char révolutionnaire · c’est qu’ils n’étalent que les instru­ ments d’une force qui en savait plus qu’eux... Jamais la divinité ne s’était montrée d’une manière si claire dans aucun événement humain ». Considération, c. i. Mais pourquoi? « SI elle emploie les instruments les plus vils, c’est qu’elle punit pour régénérer. » Ibid. « Chaque nation, comme chaque Individu, a reçu une mission qu’elle doit remplir.» La France exerce sur l’Europe une véritable magistrature. Elle était surtout à la tête du système religieux. · Mais la France a été infidèle à sa mission. Elle s’est servie de son influence pour contredire sa vocation et démoraliser l’Europe. » Considérations, c. n, Cf. Fragments sur la France, t. iv. 1. La France a commis « l’un des plus grands crimes que l’on puisse commettre, l’attentat contre la souve­ raineté. SI la souveraineté réside sur une tête et que cette tète tombe victime de l’attentat, le crime aug­ mente d’atrocité. Mais si le souverain n’a mérité la mort par aucun crime, si ses vertus mêmes ont armé contre lui, le crime n’a plus de nom. A ces traits on reconnaît la mort de Louis XVI ; mais ce qu’il Importe de remarquer, c’est que jamais un plus grand crime n'eut plus de complices. Or. tous les crimes nationaux contre In souveraineté sont punis sans délai d’une manière terrible. » Considérations, c. II. Toutes les théories de Rousseau sont fausses, en effet; théories du Contrat social, de la souveraineté du peuple el que la loi est l’expression de la volonté générale. Ibid, c. tv, et Examen d’un écrit de J.-J. Rousseau. Œuvres, t. vu, p. 503-569. La souveraineté— qu’il ne faut pas confondre avec la forme de gouverne­ ment — vient de Dieu comitio la société. Par nature, l'homme est un être social; mais cet être social est mauvais; Il doit donc être gouverné; ainsi toute société 1666 suppose un pouvoir souverain qui décide sans appel. Quant ά la forme de celte souveraineté et à ses rap­ ports avec scs subordonnés, en d’autres termes, quant aux constitutions, · une des grandes erreurs du siècle qui les professe toutes fut de croire qu’une constitu­ tion politique pourrait être écrite et créée à priori; la raison cl l’expérience sc réunissent pour établir qu’une constitution est une œuvre divine ». Essai sur le principe générateur 5 1. Dieu la fait pour ainsi dire germer comme une plante, par le concours d’une Infi­ nité de circonstances »,ou bien, plus souvent, il charge de la créer des hommes rares, de véritables ♦ élus » qu'il investit d’une puissance extraordinaire » et qui ont · cc caractère distinctif qu’il sont rois ou éminemment nobles ». Étude sur la souverainté, c. vu; Considérations, c. vi. Y a-t-il donc une forme naturelle de gouvernement? · Le meilleur gouverne­ ment pour chaque nation est celui qui, dans l’espace de terrain occupé par cette nation, est capable de produire la plus grande somme de bonheur cl deforce possible, au plus grand nombre d’hommes possible, pendant le plus longtemps possible. * Étude, p. 494. Ainsi, la forme républicaine conviendra ù de très petits étals, mais non à de plus grands. Au fond, la monarchie est le meilleur, le plus durable des gou vernements et le plus naturel à l’homme ». Du pape· 1. IV, c. vi. Pour la France, cela ne fait aucun doute et les Français doivent travailler au rétablissement de la monarchie. Considérations, c. vm. 2. Mais le grand crime de la France, ce fut la guerre au christianisme : Qu’on nie les idées religieuses ou qu'on les vénère, n'importe : elles n’en forment pas moins, vraies ou fausses, la base unique de toutes les institutions durables. > Considérations, c. v. Deux choses sont démontrées, dit-il encore, Essai sur le principe générateur, § 66 : « d'un côté, le principe religieux préside à toutes les créations politiques, el de l'autre, tout disparaît,dès qu’il se relire. » Or, e l’Eu­ rope entière a été civilisée parle christianisme, et l’on pouvait dire de tous ses États cc que Gibbon a dit de la France que ce royaume avait été fait par des évêques. » Ibid, § 65. Mais, le xvm· siècle fil une guerre à mort au christianisme : · les philosophes le poursuivirent comme un ennemi capital, » et ils s’élevèrent même de la haine du christianisme jusqu'à la haine person­ nelle contre son divin auteur. » Ibid, § 64. Cf. Frag­ ments sur la France, t. ni. Dès lors, il y a dans la Révolution un caractère satanique : Qu’on sc rappelle les lois, les mesures officielles, « tout cela sort du cercle ordinaire des âmes. » El maintenant, ajoute-t-il que les grands excès ont disparu... les législateurs n’ont-ils pas prononcé ce mot isolé dans l'histoire : La nation ne salarie aucun culte. » Considérations, c. v. Ainsi s’explique la Révolution. Elle est d’abord le châtiment de la France infidèle à sa mission. Mais en même temps la protection de Dieu est visible sur elle. Dieu a, sans contredit, donné à la France le succès des armes; il veut donc la sauver. S’il la châtie, c’est pour la guérir. C’est du reste une loi générale de sa providence: « Tout châtiment a une vertu rédemptrice, et où le sang coule l’âme humaine a des chances de sc retremper. Ibid., c. m. · Combien donc les puis­ sances de l’Europe sc sont trompées sur la France! combien clics ont médité des choses vaines. » Ibid., c. n. Quel est exactement le décret divin sur la France, sur l’Europe? Nul ne le peut dire avec certitude. Cependant tout annonce que l’ordre de choses établi en France ne peut durer, cl que l’invincible nature doit ramener la monarchie. · Ibid., c. vm. La République ne peut durer. Elle est une folle dans son principe, et scs succès extérieurs ne doivent pas faire illusion sur sa durée. Ibid., c. iv. Toutes les raisons imaginables se réunissent pour établir que le sceau divin n'est pas 1667 MAISTRE (JOSEPH DE) sur cet ouvrage », qu'est la constitution de 1795 ». Ibid., c. vi. Les · prétendus dangers d’une contrerévolution sont créés par l’imagination des coupables » qu’elle menacerait et, en réalité, · le rétablissement de la monarchie qu’on appelle contre révolution, ne sera point un révolution contraire, mais le contraire d’une révolution. » ibid., c. x. 2® Les Soirées de Saint-Pétersbourg ou entretiens sur le gouvernement temporel de la Providence, 2 in-8°. 1821. Œuvres, t. iv et v, auxquelles se rattachent deux écrits de moindre étendue : Éclaircissements sur les sacrifices, t. v, p. 283-362, et Sur les délais de la justice divine, traduction d’un traité de Plutarque,in-8®, 1816, Œuvres, t. v, p. 382-170. Ces ouvrages, qui tous trai­ tent du gouvernement de la Providence se relient par là aux Considérations. Les Soirées sont une suite de 11 entretiens entre le comte, Joseph de Maistre, le sénateur, un Russe illu­ miné, M. Tamara, et le chevalier, un jeune émigré français sceptique, de Bray, devenu représentant de Bavière à Pétersbourg. Cf. abbé J. Loth, Le Che­ valier des Soirées de Saint-Pétersbourg, dans Mémoires de l'Académie de Rouen, 1883-1881. Ces entretiens touchent a de nombreuses questions, mais toutes sc ramènent au gouvernement de la Providence, à l’ordre quelle assure dans le monde, aux rapports de l’homme avec Dieu, du libre arbitre avec la puis­ sance divine. Sur ces points de Maistre contredit les solutions rationnelles du xvm® siècle par les solutions traditionnelles. Une belle nuit d’été sur les bords de la Neva, les trois amis sont amenés à discuter * le grand scandale de la raison Humaine, savoir, le bonheur des méchants et le malheur des justes » et par là « à sonder, autant du moins qu’il est permis à la faiblesse humaine, iensemble des voies de la Providence dans le gouvernement du monde moral ». L’autre vie assurera le triomphe de la justice, disent habituellement les défenseurs de la Providence. De Maistre va plus loin : il est faux, dit-il, évidemment faux que le crime soit en général heureux cl la vertu, malheureuse en ce monde... Les biens et les maux sont une espece de loterie où chacun sans dis­ tinction, peut tirer un billet blanc ou noir. Il faudrait donc changer la question et demander, pourquoi, dans l’ordre temporel, le juste n'est pas exempt des maux qui peuvent affliger le coupable, et pourquoi le méchant n’est pas privé des biens dont le juste peut jouir? » Ier entretien. Œuvres, t. iv, p. 15. Mais une toi géné­ rale, si elle n'est Injuste pour tous, ne saurait l’étre pour P individu. Une loi juste n’est point celle qui a son elïcl pour tous, mais celle qui est faite pour tous ». Or, le mal physique, la souffrance, n’existe dans le monde que comme remède ou expiation du mal moral qui est le péché. Il est ainsi une loi générale. Ibid., p. 22-25. L'homme de bien soutire donc, non’ parce qu’il est homme de bien, et le méchant prospère, non parce qu’il est méchant, mais parce qu’ils sont hommes l’un cl l’autre. Et même, à bien examiner les choses, si «le plus grand bonheur temporel n’est nullement promis et ne saurait l’être à l’homme vertueux », du moins « la loi visible et visiblement juste est que la plus grande masse de bonheur, même temporel, appar­ tient à la vertu ». Imaginez un autre ordre «le choses comme serait, par exemple, la récompense immé­ diate de l’action vertueuse ou le châtiment Immédiat de l’action coupable; aura-t-il seulement · une appa­ rence de raison et de justice»? Ier et VIII· entretiens, passim. Que le châtiment soit un rouage nécessaire du monde, c’est une des croyances les plus anciennes de l’humanité « Le châtiment gouverne l’humanité entière, le châtiment la préserve » disent les lois de Manou, et, dans notre société, · toute grandeur, toute 1668 puissance, toute subordination repose » sur le bour­ reau; · ôtez du monde cct agent incompréhensible ; dans l’instant même l’ordre fait place au chaos ». Ainsi « il y a sur la terre un ordre universel et visible pour la punition temporelle des crimes, et du vice», I*r entretien, passim. Mais tout homme est criminel ou de sang criminel. « Le péché originel, qui explique tout.et sans lequel on n’explique rien», est la première affirmation de la solidarité par a race et le sang. Il u entraîné en chacun de nous » la capacité de tous les maux » parce qu'il est, abtraction faite de l’impu­ tation, la capacité de commetire tous les crimes ». Et « il y a des prévarications originelles de second ordre », c’est-à-dire, qui pèsent sur une descendance. De là viennent ces sauvages qui sont des dégénérés et leur dégradation sc manifeste dans leur langue. IIe entretien. Si l’homme se plaint sans cesse de la Providence, c’est qu’il ignore leé vrais biens, ses propres vices cl cique valent ses tristes vertus. Le vrai juste opprimé ne sc plaint jamais. I H® entretien. D’ailleurs, la Provi­ dence permet à l’homme de lutter contre les maux qui le frappent et même, puisque ces maux sont des châ­ timents, de les prévenir par la prière. L’humanité l’a toujours cru. Sans doute · une philosophie aveugle ou coupable ne voyant dans le mal physique qu’un résultat inévitable des lois de la nature », nie la puis­ sance de la prière, mais aucune objection ne peut tenir contre les faits. * Les fléaux dont nous sommes frappés et qu’on nomme très justement fléaux du ciel sont des lois de la nature, comme les supplices sont des lois de la société », donc · d'une nécessité puremcnl secondaire qui doit enflammer notre prière au lieu de la décourager ». IV®, Ve, VI® entretiens et VIII®, p. 82, 83. De ces fléaux, châtiments du vice, la guerre, si contraire à l’instinct de sociabilité, avec cette gloire qu’elle apporte au soldât, tandis que le bourreau, t l’exécuteur des arrêts de la justice souveraine, occupe Poutre extrémité de l’échelle sociale », la guerre mystérieuse est une loi du monde. Elle est un anneau de cette longue chaîne des expiations par le sang qui font de la terre ■ un autel immense oà tout ce qui vit doit être immole sans fin... jusqu’à la consommation des choses, jusqu’à la fin du mal ». De quelque côté qu’on la regarde, la guerre apparaît comme divine. VII® entretien. Enfin les souffrances du juste lui sont utiles cl glorieuses; « elles le perfectionnent et accumulent ses mérites». VIII· entrât. v, p. 85; elles sont pour lui un moyen d’expier sur terre, avant ce Purgatoire dont l’existence est si compréhensible. Ibid., t.v.p. 89. Dr plus «le juste en souffrant volontairement ne satisfait pas seulement pour lui, mais pour le coupable par voir de réversibilité ». Ibid, p. 90. et IX® entretien. Dieu n’a-t-il pas accepté « les souffrances du Christ comme une expiation «les péchés du genre humain »? IX· en­ tretien, t. v p. 121. Le dogme des Indulgences n’est qu’une application du dogme universel de solidarité et de réversibilité ainsi prouvé. X® cnlretien. Les Éclaircissements sur les sacrifices développent ees idées: 1° On a toujours cru qu’il y avait dans l’elhislon du sang une vertu rédemptrice; 2° qu’une vie pouvait être o fierté pour une autre plus précieuse. Ce dogme de la substitution enfanta même les sacri­ fices humains; 3° il n’y a pas de religion entièrement fausse. Le paganisme, en affirmant universellement la rédemption par le sang, ne pouvait sc tromper. Le christianisme a simplement notifié » cette · idée universelle » qui lui avait rendu d’avance le témoi­ gnage le plus décisif ». Le tralléSur les délais de la justice divine, traduction libre d’un traité de Plutarque, justifie la Providence de ne point punir toutes fautes immédiatement. De 1669 MAISTRE (JOSEPH DE) Maistre, Soirées, III· entretien, t. iv, p. 160, avail dll : < Si elle (hi justice divine) parati quelquefois ne pas apercevoir les crimes, elle ne suspend ses coups que par des motifs adorables.» Ayant trouvé ces motifs admirablement exposés dans l’écrit de Plutarque, il crut bon de le traduire. 3° Du Pape, 2 in-8°, Lyon, 1819, Œuvres, t. n et De Γ Église gallicane, in-8% Paris, 1821, ibid., I. ni. 1. Du Pape, a pour épigraphe les paroles de Γ Iliade, II, 201, είς κυίρανος έστω; c'est une exaltation de la papauté, de scs droits, de son rôle cl de son action. En l’écrivant, cct homme du monde » voulut tra­ vailler pour l’Églisc à laquelle « son ordre », la noblesse, avait nui au siècle précédent, et dont les ministres avaient une si lourde tâche. Il fut, sans doute, amené à choisir ce sujet par scs méditations sur les rapports de l’ordre social et de la religion, cl sur les conditions d'influence de In religion, d’où il avait conclu: Sans la pape, il n'y a plus de christianisme, et, par une suite inévitable, l'ordre social est blessé au cœur. · Préface de la première édition (par G. M. Déplacé). 11 visera surtout la France. Gf. Discours préliminaire. Mais il aura aussi la préoccupation de la Russie. Il l’avait vue un peu lasse de son isolement religieux, désirer d’abord se rapporchcr de Borne, puis caresser le rêve d’un christianisme universel tendant à un protestantisme large par l’illuminisme, et il voulait lui proposer la seule forme d’unité que révèle féconde l’expérience sociale cl politique. Son livre lui parut arriver à une heure propice. Un jeune Moldave, Slourdza, annonçait et, en 1816, fai­ sait paraître une apologie de l'orthodoxie russe et un ardent réquisitoire contre l’Églisc romaine, de ten­ dance marlinisle sous ce titre : Considérations sur la doctrine et l'esprit de Γ Église orf/wdoxe.in-S^StullgardWeimar-Paris. Cf. Lettres du 11 (23) février 1817 au cardinal Scverolc, Œuvres, t. xiv, p. 56-59, d’avril 1817 à M. le comte de Vallaise, ibid. p. 82-8 L · Borne tient beaucoup ù la réfutation de cct ouvrage », écrira, le 28 septembre 1818, de Maistre à Déplacé, ibid., p. 151, mais ù ce moment, son livre était presque terminé cl, quand il parut, ce livre n'eut de Home aucune approbation officielle. Rome n’en est donc responsable à aucun titre. De Maistre n’est pas le seul responsable cependant. Désireux de ne blesser Home à aucun prix, il avait cherché un censeur. Il finit par trouver un homme de lettres lyonnais, Guy-Marie Déplace. Ce fut un correcteur attentif, dont il semble bien que le nom doive être inséparable désormais de celui de Joseph de Maistre ». Brunetière. Joseph de Maistre et son livre Du pape, dans Revue des Deux Mondes, 1906, t. ni, p. 221. Cf. Lettres inédites de J. de Maistre à M. Déplacé et Xotice sur les différentes édi­ tions Du Pape et sur M. Déplace, en tête de la 21· édi­ tion de l’ouvrage, in-8°, Paris, 1871. La préface de la première édition, anonyme, est l’œuvre de Déplacé. En 1820, de Maistre publia, à Paris, une seconde édition, revue et corrigée, édition définitive, à laquelle il mit une préface. Le livre est précédé d’un Discours préliminaire, où l’auteur justifie son dessein et dit s’être particulièrement occupé de la France ». Du pape comprend I livres. Le premier intitulé : Du pape dans scs rapports avec ΓÉglise catholique, démontre comment l’Églisc universelle, appelle la suprématie pontificale cl celle-ci l’infaillibilité du souverain pontife. Pas d’Église universelle sans un chef (pic l’on ne puisse soupçonner d'erreur. Pas n’est besoin de la théologie pour démontrer cela, invoquer • la nature des choses suffit ». L’ordre naturel, c’est que l’Églisc, société, soit gouvernée » comme toute autre association », (pic son gouvernement soit une monarchie, vu le nombre des sujets et l’étendue géo­ graphique de l’empire ». Qui dit suprématie dit infail­ 1670 libilité. Ne faut-il pas que toute souveraineté soit absolue et que ses décisions ne pulssel être attaquées comme erronées? Il y a la un postulat de la vie sociale. » Goyau, loc. cil., i, p.619. Dans ta pratique « l'erreur ne saurait donc être opposée nu souverain pontife », pas plus qu’aux souverains temporels. C. i, cl. Étude sur la souveraineté. Mais l’infaillibilité du pape n'est pas seulement présupposée comme une nécessité de l’ordre social elle est réelle, divinement promise elle est «invinci­ blement démontrée » par toute l'histoire, par bs témoignages des catholiques, c. vr, d s dissidents eux-mêmes, gallicans, c. vu, jansenist* s, c. vm, pro­ testants, c. ix, cl orthodoxes, c. x. J. de Maistre s’appliquait à réfuter « la célèbre et vain* distinction» de Bossuet · du siège et de la personne c. xi et l’objec­ tion qui devait revivre au concile du Vatican « de celte fameuse session iv, où le concit» (1* cons* il) d’­ Const ance sc déclare supérieur au Pap» ». xu. Rien dans l’histoire de la papauté ne permet de l'accuser d’erreur, c. xv; rien non plus n justifie le préjugé protestant contre l'infaillibilité «représentée comme un despotisme épouvantable». Une chose, en parti­ culier, prouve pour Joseph de Maislr · qu» la supré­ matie pontificale a une source divine c'est qu'elle « n’a point été dans son origine ce qu'elle fut qu Iques siècles après; mais c'est en cela précisément qu elfe sc montre divine : car, tout ce qui existe légitimcnb ni et pour des siècles existe d'abord en germe et v développe successivement. » C. vr. Le livre II , Du pape dans ses rapports avec les souverainetés temporelles,pislittc contre la Déclaration de 1682 qui la repousse absolument, contre les philo­ sophes qui l’ont attaquée comme funeste, l’autorité que les papes exercèrent, au Moyen Age et après, sur les rois et sur les peuples. Il ne s'occupe de justifier ni le pouvoir direct ni le pouvoir indirect; il prend les faits ; ces faits ne sont que l’application des lois natu­ relles. C. J.x, Justification de ce pouvoir. — Si la souve­ raineté est nécessaire et en quelque manière absolue, c. i, U, ni, cependant « il n'y n point de gouvernement qui puisse tout. En vertu d’un loi divine il y a tou­ jours, à côté de toute souveraineté, une force quel­ conque qui lui sert de frein, une loi, une coutume, la conscience, une tiare, un poignard». < .ix.cf.c. ni ctiv Or, «l’autorité des papes fut la puissance choisie et constituée dans le Moyen Age pour faire équilibre à la souveraineté temporelle et la rendre supportable aux hommes ·. C. ix. *11 n’arriva là que ce qui devait arriver. Les papes « étaient supérieur» par la sagesse et par la science; Ils commandaient à toute la science de ce temps-là »; ils eurent aussi pour eux le prin­ cipe très vrai que toute souveraineté vient de Dieu ». C’est pourquoi, « la force des choses les investit, d’rlle même et sans contradiction, de cette supériorité dont on ne pouvait sc passer alors. ♦ C. x. Et la chrétienté n’eut pas à s'en plaindre. Les papes ont lutte quel­ quefois avec les souverains jamais avec la souveraineté. L'acte même par lequel ils déliaient les sujets du serment de fidelité, déclarait la souveraineté invio­ lable » C. v. L’ordre social n’était donc pas troublé Ln souveraineté sortait même grandie de cette inter­ vention du représentant de Dieu. Ibid. D’ailleurs, c'est seulement quand il y avait grand abus, grand crime ou grand doute, que le souverain pontife interposait son autorité. G. x. Les papes ne luttèrent jamais que pour ce triple but : la sainteté du mariage, le maintien des lois ecclésiastiques, la liberté de l’Italie, c. vu, et, dans tout cela, ils n’ont jamais prétendu exercer qu’une puissance purement spirituelle. G. vm. ■ L'hypothèse de toutes les souverainetés chré­ tiennes, réunies par la fraternité religieuse, en une sorte de république universelle sous la suprématie 1671 MAISTRE JOSEPH DE) mesurée du pouvoir spirituel suprême, n’avait rien de choquant », conclut de Maistre, et il ajoute « je ne vois pas que les temps modernes aient imaginé rien de meilleur ni même d’aussi bien ». C. x. « Une fièvre constitutionnelle s’est emparée de toutes les têtes, et Ton ne sait encore ce qu'elle produira... Qu’est-ce donc que les souverains ont gagne à ces lumières tant vantées et toutes dirigées contre eux? J’aime mieux le pape. » C. xi. Lc livre ΙΠ traite bu pape dans ses rapports avec la civilisation et le bonheur des peuples. Tout bienfait du christianisme est un bienfait du pape. · Sans le pape, l’institution divine perd sa puissance et sa force convertissante, sans le pape, ce n’est plus qu’un sys­ tème, une croyance humaine, incapable d’entrer dans les cœurs el de les modifier. » Résumé et conclusion. Aux papes revient l’honneur de la civilisation uni­ verselle : ’ A peine le Saint-Siège est affermi que la sollicitude universelle transporte les souverains pon­ tifes. et les missions se multiplient efficacement », c. i; l’honneur aussi d’avoir éteint la servitude, c. m (cf. Quatre chapitres sur la Russie, c. i. De ta liberté, t. vm, p. 279-297); l’honneur d’avoir grandi l’humanité par l’institution du sacerdoce, c. ni cl surtout d’avoir créé « ce miracle », la monarchie européenne. C. iv. Le livre IV, Du pape dans son rapport avec les Églises nommées schismatiques, expose combien la suprématie du pape manque à l’église gréco-russe qu’il appelle photienne. Elle mérite de porter ce nom, puisque Photius l’a séparée de Koine « comme celle de Genève est calviniste, celle de Wittenberg est luthérienne » et, on le sait, toute religion qui porte le nom d'un homme ou d'un peuple est nécessairement fausse. C. iv. Les motifs que cette Église ou plutôt ces lises invoquent pour justifier leur sécession d’avec Borne, cachent mal les mobiles qui les ont poussées. C. iv-xi. Et, parce qu’elles sont en insurrection contre l'unité souveraine, et séparées de celui à qui « appartiennent les pro­ messes, ·« elles sont stériles, » et elles sont protestantes. il y a entre elles cl les formes diverses du potestantisinc une sympathie qui s’explique par la haine du pape; mais elles connaîtront aussi < toutes les phases de dissolution que le protestantisme luthérien et cal­ viniste a déjà mises sous nos yeux. » Qu’elles soient encore comme des cadavres gelés dont le temps a conservé les formes, c’est possible, mais * le vent de la science qui est chaud va souiller sur elles : il arrivera ce qui doit arriver selon les lois de la nature. ■ · Aucune religion, excepté une, ne peut supporter l’épreuve de la science. » C. v et n. La conclusion de l’ouvrage est d’abord un pressant appel à l’unité adressé aux protestants < qui ont par­ couru le cercle entier de l’erreur, » et plus encore aux anglicans : ceux-ci semblent destinés en effet « à donner le branle au grand mouvement religieux qui se prépare. » f L Que les Français, « qui ont sans doute de grands préjugés à vaincre, » ne laissent pas échapper cette occasion · de s’employer efficacement et en première ligne à la reconstruction du saint édi­ fice. » Qu'ils cessent d’être gallicans : le gallicanisme est une espèce de protestantisme, § 11, de ce protes­ tantisme qui a préparé les philosophes du xvm· siècle et par eux la Révolution. § 13 et 14. Que tous les ennemis du Saint-Siège, qui avaient annoncé sa chute définitive, en voyant le pape, « chassé, exilé, privé de scs Étals par une puissance prépondérante et presque surnaturelle devant qui lu terre sc taisait, · contemplent aujourd’hui sa résurrection. La main de Dieu n’est-ellc pas là? $ 16 et 17. Pub, H termine par un acte de foi el d’amour, inspiré de Bossuet et de Fénelon en « la sainte Église romaine ». 2. De ΓÉglise gallicane dans son rapport avec le souverain pontife, pour servir de suite à l'ouvrage 1672 intitulé Du pape, par l'auteur des Considérations sur la France. Dès son apparition le livre Du pape avait été attaqué par des ultramontains qui lui reprochaient la manière dont il envisageait l’infaillibilité : Préface de la 2· édition. Cf. Études du 5 octobre 1897, p. 5-32, Amica collatio ou échange d'observations sur le livre français intitulé : Du pape, manuscrit de J. de Maistre, publié par le P. de Maistre ; Goyau toc. cit., n, р. G18. Il avait été attaqué aussi par les gallicans, Préface. El à ce sujet, de Maistre disait dans cette même préface, datée du 30 juillet 1820 : < l’auteur avoue n’avoir pas un fort grand respect pour les maximes gallicanes. » Il les avait même attaquées dv front dans un V· livre de son ouvrage, intitulé : Du pape, dans son rapport avec ΓÉglise gallicane; mais il a supprimé ce V· livre, parce qu’il sc trouvait hors de proportion avec les autres, et encore « parce qu’il avail une couleur polémique, peu en harmonie avec le reste de l’ouvrage ». La préface de ΓÉglise gallicane rappelait ces indications. Cet ouvrage qui comprend 2 livres : L De l'esprit d'opposition nourri en France contre le Saint-Siège et de scs causes; IL Système gallican,Déclaration de 1682, est une charge contre le gallicanisme, scs inspirateurs et défenseurs. De Maistre avait dit dans le Pape, с. iv : · Toute religion qui porte le nom d’un peuple est nécessairement fausse, » et la première phrase de son Église gallicane est celle-ci : · Pourquoi dit-on VÉglise gallicane comme on dit VÉglise anglicane ? et pourquoi ne dit-on pas VÉglise espagnole...Ί » Il conclut de là et de cette parole de Gibbon : « L'Église gallicane, placée entre les ultramontains et les protes­ tants reçoit les coups des deux partis, » non pas qu’elle soit sortie de l’unité en dehors de laquelle on n’est plus dans la vérité, mais clic a eu l’air « en sc contem­ plant trop de ne pas sc rappeler assez qu'elle n'était qu'une province de l'empire catholique. » L. Ier, c. i. A qui dolt-on la malheureuse opposition à Rome « qui causa tant de maux au christianisme »? A l’Églisc gallicane seule? Non. Que l’on considère < les difficultés que l’on éleva en France contre l’admis­ sion pure et simple du concile de Trente »! Aux États généraux de 1615, le clergé la voulait, mais l’esprit calviniste survivait dans le tiers-état et plus encore dans le parlement, et les prélats sont obligés de céder. » Protestant dans le xv· siècle, frondeur et jansé­ niste dans le xvu·, philosophe enfin et républicain dans les dernières années de sa vie, » le parlement de Paris a pour trait distinctif < son opposition constante au Saint-Siège ». Le mal fut grand, surtout à partir du jour où l’esprit janséniste se répandit dans toute la magistrature. « Alors le parlement devint en totalité anticatholique, et tel que, sans l’instinct royal de la maison de Bourbon et sans l’in fluence aristocratique du clergé, la France eût été conduite infailliblement à un schisme absolu. » Ibid., c. n. Mais l’animosité de l’auteur s’affirme surtout contre le jansénisme, « une secte, ennemie, comme sa mère, de toute hiérarchie, de toute subordination, » contre « scs dogmes atroces, son caractère odieux, sa filiation et sa paternité également déshonorantes, ses menées, scs Intrigues et son insolente obstination, » c. xn; cf. c. m-vt contre Port Royal qui l’incarna. L’Influence de Port-Royal a été funeste. Port-Royal divisa l’Église; il créa un foyer de discorde, de défiance cl d’opposition au Saint-Siège; il aigrit les esprits et les accoutuma à la résistance...» C. v. On peut vanter < la piété, les mœurs, la vie austère, des gens de ce parti. Tout ce rigosrisme ne peut être en général qu’une mascarade de l’orgueil. » G. vi. < La réputation litté­ raire d Port-Royal > elle-même est usurpée. C.vi-vm. • Pascal est le seul écrivain de génie qu'ait, je ne dis pas produit, mais logé pendant quelques moments la 1673 MAISTRE (.JOSEPH DE) trop fameuse maison. » C. v. Mais, il n’a ni la valeur morale, ni la valeur littéraire qu’on lui prête. « L’Église ne doit rien à Pascal pour scs ouvrages dont elle sc passerait fort aisément. » C. n. Cf. Sainte-Beuve, PortRoyal, principalement, livre III, p. 229-259, qui s’efforce de réfuter les assertions de Joseph de Maistre. Dans le livre II, de Maistre, étudie d’abord les causes prochaines de la Declaration de 1682 : l'affaire de la Bégaie et surtout la caractère de Louis XIV. Autant il a loue ce roi d’avoir agi vigoureusement, mais non cruellement, contre la secte Janséniste, au­ tant il blâme son * inflexible hauteur· dans ses conflits avec Rome, principalement le conflit de la Régale. C. i, n. Puis, il étudie cette assemblée de 1682 dont Colbert fut « le premier moteur », où les prélats les plus influents «vinrent avec le désir de mortifier le pape »; et où Bossuet lui-mème ne sut pas être indé­ pendant. C. m. Enfin il juge les quatre articles « l’un des plus tristes monuments de l’histoire ecclésiastique, l’ouvrage de l’orgueil, du ressentiment, de l'esprit de parti, et par-dessus tout de la faiblesse ». Prenant à partie deux apologies qui viennent de paraître des maximes de l’Église gallicane : Défense des libertés de VÉglise gallicane, par feu M. Louis Mathias de Bonal, archevêque de Tours, in-1°, Paris, 1818, et Exposition de la doctrine de. VÉglise gallicane, par rapport aux prétentions de la cour de Rome par Dumarsais... avec un discours préliminaire par M. Clavier, in-8®, Paris 1817, il montre ces quatre articles propres seulement < à rendre le gouvernement de l’Église difficile ou impossible, » et, « aussi viciés pour la forme que pour le fond. Ils ne présentent, en effet, que des énigmes perfides dont chaque mot prête ù des discussions inter­ minables...; il n’y a pas de rebelle qui ne les porte dans scs drapeaux. · C. ni, v. Les nations catholiques pro­ testèrent contre la Déclaration dont quelques-uns avaient la prétention de faire une loi de l’Église univer­ selle, et les papes la condamnèrent. Mais il y a mieux. Louis XIV, qui déjà avait arrêté le zèle schismatique de l’assemblée, reconnut le vice des quatre articles; toutefois il n’eut pas · la force de les révoquer d’une manière également solennelle »; leurs auteurs mêmes les condamnèrent et si Bossuet, « le rédacteur mais non le promoteur des quatre articles » et qui dans l’assem­ blée s’était rendu « infiniment utile à l’Église en s’op­ posant â des hommes emportés, et surtout en faisant avorter, une rédaction entièrement schismatique », tenta une Défense de la Déclaration, soit sur l’ordre de Louis XIV, soit « par le mouvement même de ses idées, » tout prouve qu’il n’en fut pas content et qu’elle fut publiée « au mépris des volontés les plus sacrées de l’auteur. » C. vi-x. Cf. nrt. Bossuet, l. n, col. 10631066, et Déclaration de 1682, t. m, col. 185-205. Et de Maistre pressait · le Ills de saint Louis » qui avait retrouvé le trône de son ancêtre de ne pas main­ tenir, en les signant, les fameux articles. Enfin, après avoir dénoncé « l’afllnité théologique entre les quatre propositions et le Jansénisme, » il montre que les liber­ tés de l’Église gallicane, telles surtout que les expo­ sent les Pierre Pit hou el les Dupuis, assurent l’asser­ vissement de l’Église même au pouvoir civil. Sur un seul point, et cz’esl un malheur, celte Église « est parfaitement libre; » entre elle et le Saint-Siège « les quatre articles ont produit une véritable scission qui ne différait de celle d’Angleterre, par exemple, que, parce que, d'un côté, elle était avouée, et que, de l’autre elle ne l’était pas; cl qu’on refusait en France de Hier les conséquences des principes qu’on avait posés. » C. xv. Si l’on cherche les raisons de ce fait, c’est d’abord la modération du Saint-Siège; c’est aussi l'esprit vraiment royal de l’auguste maison qui gouverne la France. La troisième enfin · c’est Je caractère droit et noble, c’est la conscience savante, 1674 c’est le tact sûr du sacerdoce français. » De Maistre termine son ouvrage par « un appel au clergé français. » 11 manque à la gloire de ce clergé, si grande après la révolution, · une victoire sur Je préjugé ». Qu’il renonce au préjugé gallican cl que tous les hommes sages trou­ vent dans les choses celle leçon qu’elles apportent : « la nécessité, c’est-à-dire, Vrxistence d’un pouvoir supreme, unique, indéfectible, établi par Celui qui ne nous aurait rien appris s'il nous avait laissé le doute, établi pour épargner aux enfants de la vérité, l'infor­ tune et la honte de diverger comme l’erreur. · C. xvm. 4® Examen de ta philosophie de Bacon, achevé en 1815, publié seulement en 1826,2 in-8®; Œuvres, t. vr, < J'ai un grand ouvrage par les mains, écrivait de Maistre à Bonaid, le 1er (13) juillet 1811, Œuvres, t. xn, p. 428; il s’agirait entre autres petites choses, d’ôter le sceptre de la philosophie rationnelle aux Anglais et de le rendre à notre langue. » En effet, c’est des Anglais que la secte philosophique a pris « ce système absurde qui voudrait, pour ainsi dire, matérialiser l’origine de nos idées. » Soirées, II· entretien, Œuvres, l. iv, p. 109 Il s'en prend donc durement à Locke. De VEssai sur l'entendement humain, l’on peut demander : Montre:· moi le défaut qui ne s'y trouve pas. Quant â l’auteur, ce qui le caractérise, c’est l’hostilité à l’égard de toute autorité morale, des idées reçues qui ne h· Joseph de Maistre est d’être religieuse cl même mys­ pouvait tromper. Ibid., p. 79. Son catholicisme est donc intolérant. Il approuve tique. Cela tient d’abord à sa théorie de la Providence, sa philosophie de l'histoire est celle de Bossuet. Il croit à non seulement la révocation de l'édit de Nantes, mais la Providence générale: le monde traduit des intentions l’inquisition et il donne comme préface à des Lettres d'ordre et d’harmonie et de Maistre ne pardonne pas sur Vinquisition d'Espagne, qu’il écrit à Moscou en 1815, Œuvres, t.m, p. 211 sq., ces paroles de Grimm, a Bacon d’écarter les causes finales. Il n’y a point de Correspondance, (· part., t. n, p. 212,213 « Tous les hasard. Cela est vrai du monde physique; cela est vrai du monde moral; l’homme est ordonné par exem­ grands hommes ont été intolérants et il /aut Hire, ple, a vivre en société; toute nation a sa constitution Si l’on rencontre sur son chemin un prince débonnaire, naturelle, c’est-à-dire, une constitution à laquelle elle il faut lui prêcher la tolérance, afin qu'il donne dans est ordonnée et son bonheur attaché; l’histoire < lui le piège, et que le parti écrasé ait le temps de se rele­ apparaît comme l’allure de la volonté divine che­ ver par la tolérance qu’on lui accorde et d'écraser son minant à travers les siècles humains. > Goyau, La adversaire à son tour. C’est que souveraineté et rellrcderntlé de Joseph de Maistre dans Catholicisme et I gion, par conséquent, christianisme et Église sont 1677 MAISTRE (JOSEPH DE) solidaires, tout ce qui attaque ou défend l'une, attaque ou défend l'autre. » Son catholicisme enfin est ultramontain. L’Église universelle a la forme d’une monarchic. Le pape l'incarne, la couronne lui donne l'unité nécessaire. « L'Église et le pape, c'est tout un. » Du pape, L III, c. n. Son ultramontanisme fut une des raisons pour lesquelles il ne fut pas populaire en France, Il y heur­ tait tant de préjugés que Pie VII, lui-même, à qui de Maistre avait dédié la seconde édition Du Pape, n'osa lui répondre. 4· II aspire et travaille à l’unité des Églises chré­ tiennes, mais Λ l’unité parfaite, dans le catholicisme et dans la soumission au pape qui l'incarne. Dés 1788, il propose dans un long mémoire au duc de Brunswick que la maçonnerie, en qui il ne voyait aucune hostilité à l'égard de l’Églisc, ni aucun danger pour l’ordre social existant, travaille à la réunion des Églises. Il fut préoccupé surtout de la réunion des Églises ortho­ doxes, particuliérement de la Russie, où le tsar «peut tout ce qu'il veut » et où l'inquiétent des infil­ trations protestantes. Cf. son écrit en latin : Viri christiani Russia: amantlssimi animadversiones in librum Methodii, daté du 1er mars 1812, où il répondait à un livre de Méthode, archevêque de Twcr, intitulé : Des choses accomplies dans la primitive Église et inspiré d’idées protestantes, Œuvres, t. vni, p. 361—101; et surtout, Lettres ii une dame russe sur la nature du schisme, ibid., p. 139, le IV· livre. Du pape, et la Lettre sur Létal du chritianisme en Europe, que de Maistre écrivit à Turin, en 1819. Œuvres, t. vm, p. 485-519. {{appelant que « il est impossible de vouloir le chris­ tianisme, si l’on ne veut le principe catholique », il déplore l'appui donné par l’empereur Alexandre à tous les ennemis du catholicisme, protestantset autres, l’ignorance où est cet empereur de l’importance reli­ gieuse du catholicisme, la persécution dont il le pour­ suit, l’erreur où il s'est perdu, celle de la Sainte-Al­ liance. de l’unité chrétienne par l'acceptation com­ mune des seuls dogmes fondamentaux. Cf. Martin Juglc, Joseph de Maistre et ΓÉglise gréco-russe, in-16. Paris, s. d. (1922). Il ne perd pas de vue non plus la rentrée des protestants dans l’Eglisc, mais à la faveur de leur indifférentisme pour leurs propres dogmes de leurs décomposition et de la vie que le catholicisme vient au contraire de manifester. L’Angleterre surtout lui parait en roule vers Home. Et son imagination lui montre cette grande révolution sortant de la première : « La Franco prêchant la religion à Γ Europe; » l’éman­ cipation des catholiques prononcée en Angleterre et le catholicisme parlant en Europe anglais et français et dans le courant du siècle, peut-être, « la messe dite à Saint-Pierre de Genève, et à Sainte-Sophie de Cons­ tantinople ». Cf. Réflexions sur le protestantisme. Œuvres, t. vm, p. 91, et Lettre à M. le chevalier d'Orly, du 3 mars 1819, Œuvres. t. xiv, p. 517. Ce catholicisme est -il senti? N’est-il pas simplement de commande en vue d’une restauration sociale et monarchique? On se l'est demandé. Mais si do sa vingt cl unième à sa trente-sixième année, de Maistre à été un ardent franc-maçon, il n’en fut pas moins et lotitcsavie un fervent catholique. Cf. Goyau. La pensée religieuse,,,, î. p. 1 13 sq S’il rêva pour la France, la restauration du trône cl de son antique alliance avec l'autel, c’est avec la conviction qu’il travaillait â l’accomplissement des pians divins. D’ailleurs, c’était une alliance nouvelle qu’il rêvait entre les Bourbons et l’Églisc, dans l’abandon des traditions gallicanes. Cf. Lettre à M. le comte de Blacas, 22 mai 1814, Œuvres, I. xn, p. 127-137, et De ΓÉglise gallicane, Ballanchc l’a appelé « prophète du passé », mais il n’a été nullement l’aveugle admirateur du passé; il en dit les fautes; il n’a pas davantage tenté de faire MA K AS 1678 revenir en arrière l'humanité : il sait la chose Impos­ sible cl que la Révolution, loin d’être un mouvement sans lendemain, commence nu conlrairc une époque. Mais dans l’avenir comme dans le passé, les mîmes lois doivent s'appliquer. On a allirmé que res lois. Il les détermine, ά priori ; c'est un visionnaire. Mais il a entendu s'appuyer sur des faits: il a eu, autant que qui que ce soit,le sentiment des réalités, et la plupart des principes d'après lesquels II interprète ces réalités et ccs faits lui ont été fournis par sa foi. Avec le Chateaubriand du Génie du christianisme, avec Bonald, dont il diffère par tant de nuances, mais dont il sc rapproche par tant de vues premières, de Mahtrc est l'un de ces penseurs théocratiques et traditionnalistes qui, dans le premier quart du xix· siècle, travaillèrent, â l’encontre des Idéologues, cette « queue des Encyclopédistes ». h restaurer dans l'opi­ nion la monarchie cl la religion. Sa renommée auprès de scs contemporains est effacée par celle de Bonald. plus semblable â eux. Mais scs idées religieuses et ul­ tramontaines, acceptées par Lamennais, passionné­ ment exaltées par lui, sc répandent en France pour n’en plus sortir. Joseph de Maistre est en son temps le grand prophète de langue française qui réclame pour l’Églisc la liberté ou plus clairement la pleine indé­ pendance en face des gouvernements, et pour son chef une véritable suprématie. Le concile du Vatican lui donnera raison. Les 6 volumes de In Correspondance, t. ix-xiv des Œuvres et les Lettres publiées depuis; Notice biographique, par le comte Hodolphe de Maistre en tête des Œuvres. t. i; A. de Margerie, Le comte Joseph de Maistre, Ports. 1882; de Le*cure Le comte Joseph de Maistre, Paris, 1893; Cogordau. Joseph de Maistre, dans la collection des Grands écrivains fran­ çais. Paris, 1894; Goyau. pensée religieuse de Joseph de Maistre, in-12. Paris, 1922; F. Descastes, Joseph de Maistre avant la Révolution, 2 ln-8*. Mouticr*. 1894 ; Joseph de Maistre pendant la Révolution, in-8·» Tours, 1895; Joseph de Maistre orateur, in-8·, Chambéry, 1896; F. Vernale» Notes sur Joseph de Maistre inconnu, in-18. Chambéry, 1921 ; Roger de Srrcval, Joseph de Maistre, ses doctrines.son gentc, 1865. réimprimé en 1879 par L. Moreau sous ce titre : Joseph de Maistre; Rocheblavc, Éludes sur Joseph de Maistre, Stmsbourg-Pnris, 1922; Pnulhau. Joseph de Maistre et sa philosophie, in-8*. Paris, 1893; Louis Arnould. La l'rovl· denec et le bonheur, d?après Bossuet et Joseph de Maistre. Paris, 1917; luitrellle, Joseph de Maistre et la papauté. in-16, Pari*. 1906; C. BousMint. Joseph de Maistre et Vidée de l'ordre, in-8*. Paris, 1921 ; L. Mnndoul. Joseph de Maistre et la politique de la maison de Savoie, ln-8·, Paris, 1899; E. Dcrmenghem, Joseph de Matstrr mystique, in-8·, Paris, 1923; E. Daudet, Joseph de Maistre et lllacas. In-8·. Paris. 1908; Sainte-Beuve, Port-Royal, t. in. c. !V, 1837-1839; Por­ tails littéraires, t. n. 1813; Causeries du lundi, t. iv, 1851. et t. XV. I860; Fllguct, Polifiqurs et moralistes au A /A sfêcle. I. î, Paris. 1891 ; \ latte, l.e catholicisme chez les roman­ tiques, in-16, Paris, 1922; F. llahlcnspcrgrr. Le mouvement des idées dans rémigration française, J7S9-1SI5, t. il. 1923; dix ers articles de In R«vue des Deux Mandes, du Corrcsmm· dont, et en général les historiens de lu littérature française sous le premier Empire et la Itcstuuration. C. Constantin. MAKAS ou MACASIUS François, jésuite tchè­ que, nven 1686 a Joachimsthnl. reçu dans la Compagnie de Jésus en 1703, enseigna d’abord les humanités, puis la philosophie, la théologie monde et le droit canon aux Universités de Breslau et de Prague. Il a laissé d’importants ouvrages où le moraliste s'associe au canoniste dans une mesure heureuse : Manuale Ihcologieo-canonicum de Matrimonio. Olmulz, 1730: Manuale theologico-canonicum de Sponsalibus, ΟΙrnutz, 1730 et 1731, Prague, 1715; surtout son grand traité de droit canonique : Jus ccelcsiasticum commen­ tariis in \ libros decretalium Gregorii IN P. M. illus­ tratum, Prague, 1749, 4 vol. in-8”, ibid., 1749, 2 vol. 1679 M AK AS — MAL in-fol. Le P. François Mak a s mourut au collège SaintClément de Prague, le 10 mai 1753· SomOcrvogal, llibliothéquc de la Compagnie de Jésus, t. v, col. 238; Hurter, Nomenclator, 3* édit·, t. iv, col. 1608. P. Bernard. MAL (Le). — I. Notions préliminaires. — II. Pé­ riode philosophique (col. 1680). — III. Période patristique (col. 1686). — IV. Période scolastique (col. 1696). — V. Décisions canoniques qui ont fixé la doctrine, avant et après saint Thomas (col. 1703). — VL Conclusion. L Notions préliminaires. — L’étude du mal est très étroitement liée à celle du bien. La mal, en effet apparaît immédiatement comme l’opposé du bien. Or comme l’enseigne saint Thomas : unum opposito­ rum cognoscitur per alterum, sicut per lucem tenebra·. Un ie et gui l sit malum oportet ex ratione boni accipere. Sum. theot., I·, q. xlvii, a. 1. Nous supposons donc la doctrine du bien préalablement établie CL art. Bfis.l n, col. 823 813. Le langage philosophique reconnaît trois accep­ tions au mot mal : il distingue : le mal métaphysi­ que, la mal physique et le mal moral. La mal métaphysique, imaginé par Leibniz (du moins en tant qu’cspècc diclincte du mal), et admis depuis par de nombreux philosophes, n’est que la limite pure et simple c’est-à-dire la négation d’une perfection ultérieure. Mais ce n’est pas là un mal pro­ prement dit. Toute créature, en tant que telle, est limitée dans sa perfection, est essentiellement impar­ faite. Admettre que cette imperfection est mal, c’est admettre que toutes les créatures, doivent être dites essentiellement mauvaises ; ce qui est faux. « Si l’absence pure et simple d’un bien était un mal, ce qui n’est pas serait un mal, et aussi toutes choses seraient mauvaises, par le fait que chacune ne possède point ce qui fait la bonté d’une autre. » q. XLvni, a. 3. Nous écartons donc cette première acception. Le mal, c’est la negatio perfectionis débita de l’Ecole. Il est une privation, la privation de quelque bien convenable à la nature d’un être, et plus ou moins exigé par elle. C’est ce mal qui a, dans la langue philo­ sophique et théologique, les deux acceptions de mal physique et de mal moral. La niai physique, le malum natura de saint Thomas, désigne, c i général, tout ce qui manque à une nature de ce à quoi elle a droit, de ce qu’elle devrait avoir. l Cf. Petau. Dogm. theol., De Deo, L VI, c. iv, édit. Vivis, t. i, i». 517. Aristote, dans l’Éthique, ramène aussi le mal à la privation. Le mal consiste dans un excès ou dans un défaut, c’est-à-dire dans un écart de la mesure; donc dans une privation. Ethic., I. Il, c. v. Pour Plotin «le mal est l’opposé de la forme, con­ trarium forma », parlant privation. Or, une privation réside toujours in alio, elle ne subsiste pas en ellemême. Si donc le mal consiste dans une privation, il y aura mal quand il y aura privation de forme.· Le mal, dit-il encore, est boni absentia. » 1. Enn., I. VIII, c. n et d ins VEnn. III., I. 111, c. v, il développe une doctrine analogue. Le philosophe Sallustc, un des correspondants de Julien ('Apostat, sc demande, dans un petit opuscule Intitulé : Περί θεών καί κόσμου : « Puisque les dieux sont bons et qu’il font toutes choses, comment se falt-il qu’il y ait du mal dans le monde? Mais, ne convient-il pas de dire d’abord que, puisque les dieux sont bons, et qu’il font toutes choses, c’est qu’il n y a pas de nature mauvaise, mais que le mai provient de l’absence du bien: comme les ténèbres ne sont pas d’cllcs-mêmes, mais ont pour origine l’absence de lumière. · Op. cil., c. xn. 2° L'origine du mal retient plus longuement les recherches des philosophes. Constatant la dualité tout au moins apparente du monde, le fait, auprès du bien, de l’existence du mal, qui pèse sur l’homme comme une fatalité, comme une puissance souveraine, dynamique, à l’étreinte de laquelle on ne peut échap­ per, la pensée venait d’cllc-même d’en rechercher l’ori­ gine. D’ou vient-il? — La doctrine de la création ex nihilo aurait rendu la réponse facile, mais dans l’an­ tiquité, aucun philosphc. pas même Aristote, ne s’élève jusque-là. Dès lors, il ne restait que deux solutions possibles : le panthéisme émanatlstc et le dualisme. L’une et l’autre a scs représentants. La première ne nous Intéresse guère Ici; d’autant moins que l’on peut dire que la réponse presque générale de l’antiquité à la question de l’origine du mal est un dualisme plus ou moins prononcé. « Il est une opinion qui remonte à la plus haute antiquité, écrit Plutarque. Elle nous enseigne que l’univers ne Hotte pas au hasard, sans être gouverné par une puissance Intelligente; que ce n’est pas une raison unique qui le conserve et le dirige... Mais il faut admettre deux principes contraires, deux puis­ sances rivales... De là ce mélange de bien et de mal dans le vie humaine comme dans le monde physique, sinon dans Γ univers entier, au moins dans ce monde sublunaire, qui, plein d’irrégularités et de vicissitudes, éprouve des changements continuels. Car si rien ne se fait sans cause et qu’un être bon ne puisse produire rien de mauvais, il faut qu’il y ait dans la nature un principe particulier qui soit l’auteur du mal, comme t6Sl MAL, DOCTRINES ANTIQUES il y en a un pour Je bien... Presque tous les peuples, et surtout les plus sages, ont fait profession de cette doctrine, » Plutarque, De Istde et Osiride, c. xlv, -ht. Didot, t.b p. ΐ·Ί· Cette dernière assertion est assez exacte, si l'on ajoute que le dualisme de tous ces peuples, ou mieux de leurs philosophes, est loin d'atteindre aux formules retranchées de Plutarque. I Chez les peuples orientaux. Signalons en Chine, (surtout Lao-Tscu), une timide tentative de dualisme, avec les deux principes féminin (yin) et masculin (gang). L'Un produit Deux, en se partageant en yin et yang. Deux produit Trois... L'ordre, l’évolution et les relations de l’univers et de scs parties répondent à l’ordre, au développement et aux relations des nombres. Comme ceux-ci se divisent en impairs et en pairs, ainsi les substances cosmiques se divisent en célestes et en terrestres : le nombre impair, comme plus parfait, répond aux premières; Je nombre pair, moins parfait, répond aux secondes. Les Perses nous donnent un dualisme radical d’où sortira plus* tard le dualisme théologique des mani­ chéens. Zoroastre en est le père; sa doctrine est exposée dans les livres sacrés de VAvesta. Qu'cst-cc que le monde? Un mélange de bien cl de mal, de pensée et de matière, de vérité et de fausseté, de lumière cl de té­ nèbres. Ce mélange suppose l'existence de deux prin­ cipes, en lutte dans l'univers : l’un bon, principe de vérité et de lumière, Orrnudz; l'autre mauvais, prin­ cipe de mensonge et de ténèbres, Ahriman. · Il existe deux génies, le bon et le mauvais; ils sont également libres, et ils régnent sur la pensée, sur la parole et sur l’action. Par suite de leur opposition, ces deux génies produisent toutes les actions humaines : l’être et le non-être, le premier et le dernier sont les effets qui répondent à ces génies ou dieux. · • Les Chaldéens supposaient que les planètes étaient autant de dieux, dont deux opéraient le bien, deux étalent malfaisants, et les trois autres participaient des qualités opposées de ces quatre premiers. » Plu­ tarque, De /side et Osiride, c. xlvi et xi.vm, ibid., p. 452. 2. Chez (es Grecs. — Bien que Plutarque prétende que «la doctrine des Grecs et connue de tout le inonde», ibid., p. 153, l'on doit avancer ici avec précaution et prendre garde aux nuances. Pour le peuple, le dualisme est une explication facile et satisfaisante. ■ Ils regardent Jupiter Olym­ pien comme l’auteur de tout le bien qui se fait, et Pluton comme la cause du mal. Ils disent que l’har­ monie est née de Mars et de Vénus. La première de tes divinités est cruelle et farouche, l’autre est douce et sensible. » Plutarque, loc. cil. Quant aux philosophes voici ce qu'en dit Plutarque. « Les systèmes des philosophes sont conformes Λ cette doctrine. Pour Hérudite, le combat est le père et roi de lout; tousles êtres ne naissent que de l’opposition eide la contrariété. Empédode donne au principe du bien le nom d’nmour, d'amitié, souvent celui d’har­ monie; le principe du mal, il le nomme la discorde cl In rixe. Les Pythagoriciens appellent le principe du bien : unité, défini,stable, droit, impair, lumineux .. ; le principe du mal : dyade, indéfini, mù, courbe, pair, ténébreux... Toutes ces qualités, disent-ils, sont les principes des êtres. Anaxagore appelle le principe bon intelligence, le principe mauvais infini...·De /s., Ibid., p. 153. II parait en effet certain, qu’à quelques exceptions près, tous les philosophes antérieurs à Platon abou­ tissent au dualisme dans leurs essais d'explication du monde. Ils admettent auprès de l’intelligence ou de Dieu, une Matière éternelle et chaotique à laquelle Dieu communique le mouvement, l'ordre et la vie, mer. de riiÉoL. catii. 1682 « Comme on vit qu’il y avait, dans la nature, des choses contraires aux choses bonnes, qu’il n'y avait pas seulement de l'ordre et du beau, mais aussi du désordre et du laid, que même les choses mauvaises étaient plus nombreuses que les bonnes, et les laides plus nombreuses que les belles, il se ht que quelqu’un introduisit l’amitié et la discorde comme causes res­ pectives de ces deux classes d'êtres. Car, si l'on veut suivre ce que dit Empedocle et le comprendre selon sa pensée, non selon les bégaiements de ses discours, on découvrira que l'amitié est la cause des choses bonnes, et la discorde la cause des choses mauvaises. Si donc l’on disait qu’en un certain sens Empédocle a dit, et même a dit Je premier, que le mal et le bien sont des principes, on parlerait peut-être assez jus­ tement, s'il est vrai que la cause de toutes les choses bonnes soit le bien en soi, |ct que la cause des choses mauvaises soit le mal) » (l'authenticité de ces der­ niers mots est douteuse). Aristote., Mdaph., 1. L c. iv. Aristote constate encore que Parménide aboutit aussi nu dualisme. · Parmênidc admet comme causes, non seulement un, mais en outre, dans un certain sens, deux principes». Mdaph., i. I, c. in. «Forcé de se mettre d’accord avec les faits, et, en admettant l’unité par la raison, d’admettre aussi la pluralité par les sens, Par· ménidc en revint à faire deux les causes, et deux les principes, chaud cl froid, savoir feu et terre : le chaud qu’il rapporte à l’être, et le froid qu’il rapporte au non-être. » Mdaph., 1. I, c. v. En est-il de même de Platon?— A en croire Plu­ tarque, il serait nettement dualiste. « Platon qui ordinairement aime à voiler, à envelopper sa doc­ trine, donne souvent au principe du bien le nom de T Etre toujours le même, et à celui du mal le nom de VElre changeant. Mais dans son livre des Lois, qu’il composa dans un âge plus avancé, il dit en termes formels, sans énigme et sans allégorie, que le monde n'est pas dirigé par une seule âme, qu’il en a peut-être un grand nombre, mais au moins deux, dont l'une produit le bien, et l'autre, qui est opposée à celle-ci, est la cause du mal. » De Is., ibid., p. 153. Cf. Symposiaques, I. VIII, q. n, t. n, p. 877. Beaucoup d’auteurs, même modernes, souscrivent à ce juge­ ment. < f. Pclau, Dogm. theot.. t. i, p. 519. D’autres marquent quelque hésitation. « Pour Platon, Dieu est l'F.lrc et le sempiternel présent, parce que seul il est αγέννητος et immuable, Timée, 27 sq.; 37 sq., édit., Didot., t ir, p. 204, 209, cl l'on discute cepen­ dant, non sans de graves raisons, sur le dualisme de ce philosophe. » Art. Curation, t. m. col. 2046. Si l’authenticité des Lettres était moins douteuse, l'on pourrait s’appuyer sur la lettre n, pour insinuer que Platon n'a pas voulu résoudre la question du mal. < Comment répondre, ύ ills de Denys et de Doris, à la question, quelle est la cause du mal en général?... Pour loi, lu m’as dit dans les jardins, sous les lauriers, qu’apn s y avoir réfléchi, tu avais seul la solution de ce problème. El moi Je t'ai répondu que, si lu avais réussi à le satisfaire, c'étaient bien des discours que tu m'épargnerais. Jamais je n’avais rencontré personne qui eût fait cette découverte, ai-je dit encore, cl elle m'avait coûté force recherches. ■ Epist., n, à Denys, édit. Didot, t. ji, p. 519. Les résultats de ces recherches sont épars dans l’œuvre platonicienne, on peut les résumer ainsi. Pour Platon, Dieu est l'Élre absolu, le Bien suprême, l’idée créatrice des choses; il est l’origine et la raison suffisante du monde intelligible des idées et du monde sensible. Néanmoins, il y a deux choses qui échappent à la causalité de Dieu : la matière cl le mal. Le mal car « Dieu est essentiellement bon, et rien de ce qui est bon n’est porté à nuire. Ce qui n’est pas IX. — 54 1683 MAL, DOCTRINES ANTIQUES Ki8'i lité de la matière, c'est-à-dire de la puissance qui porté à nuire ne saurait nuire en effet, ni faire du mal, ni être b cause d’aucun mal. Ce qui est bon n’est donc enveloppe l’imperfection et l’impuissance. » Hist, de pas cause de toutes choses : il est cause du bien, mais la philosophie, p. 127. Mais qu’est exactement cette matière ou puissance il n’est pas cause du mal. Ainsi, Dieu étant essentiel­ lement bon, il n’est pas cause de toutes choses, comme d’où dérive le mal? — Kemnrquons d’abord qu’elle on le dit communément. Et si les biens et les maux occupe dans la nature un domaine immense. Il y en sont tellement partagés entre les hommes, que le mal a dans les choses sensibles, elle pénètre jusque dans y domine, Dieu n’est cause que d’une petite partie de l’intelligible... Seul l’Actc pur — s’il en est un — ce qui arrive aux hommes, et il ne l’est point de tout y échappe entièrement. En outre, la matière est spé­ le reste. On doit n’attribuer les biens qu'à lui; quant cifiquement multiple ou numériquement une, sui­ aux maux, il en faut chercher une autre cause que vant l’aspect sous lequel on la considère. Au sens le plus obvie du mot, elle est le principe d’où sort immé­ Dieu. » République, I. II, 379, édit. Didot, t. n, diatement une forme donnée. Or, prise A cc point de р. 37. Cette cause, c’est la matière, éternelle, indépen­ vue, elle a une certaine plasticité qui la rend suscep­ dante de Dieu. « La cause de cela (du trouble de l’agi­ tible «le plusieurs formes. Mais cette plasticité a des tation du monde) c’était 17/Zmenf matériel de sa consti­ limites : Si bien qu’en un sens, il y a diverses sortes de tution. lequel a son origine dans l’antique nature, matières, et chacune d’elles peut être considérée livrée longtemps à la confusion avant de parvenir à comme un genre à l’égard des formes qui lui revien­ nent. Mais l’on doit remonter de cette pluralité des l’ordre actuel. C’est, en effet, de celui qui l’a composé matières à un principe plus profond, principe uni­ que le monde tient tout ce qu’il n de beau; et c'est de son état antérieur qu’il reçoit, pour le transmettre que, et qui perd tout vestige de spécification. Quel aux animaux, tout cc qui arrive de mauvais et d’in­ est ce principe? — Pas l’un des quatre éléments, pas davantage les atomes de Democrite, ou les lignes et les juste dans l’étendue du ciel. » Politique, c. xvi, 276, plans de l’école de Platon, ni même l’intini d'Anaedit. Didot, t. i, p. 586. ximandre. Le principe que nous cherchons, d’où sort Dans le dialogue des Lois auquel fait allusion le texte cité de Plutarque, la même doctrine s’affirme l’inépuisable multiplicité des êtres n’a qu’une caracté­ sans détours : « .X'est-ce* pas une nécessité d'avouer ristique, qui est de n’en pas avoir Ce n’est qu’à celle que Pâme est le principe du bien et du mal.. et de condition qu’il peut être la mère du monde, la nour­ tous les contraires, si nous la reconnaissons comme la rice de l’univers. C’est la matière première » qui n’a plus ni essence ni quantité, ni aucun des autres carac­ cause de tout cc qui existe? Cette Ame est-elle unique, tères qui différencient l’être ·. Or, cette matière pre ou y en a-t-il plusieurs? Je réponds qu’il y en a plus d’une ; n’en mettons pas moins de deux, l’une bien­ mière doit être éternelle, elle n’a ni commencement, ni faisante, l’autre qui a le pouvoir de faire le mal. » Les lin; car, en tant (pie puissance, elle est la condition Lois,l. \,896, édit. Didot, t. n, p. 450. Et dans ΓΕρίpréalable de toute génération. nornis ou le Philosophe, 988 : < Dans notre sentiment, A la matière répond la forme : la matière est puis­ sance, la forme est acte, l’acte de la matière; parlant, l’âme étant la cause première de cet univers, et tous elle ne fait avec elle qu’un seul et même tout, une seule les biens étant d’une certaine nature, cl tous les maux et même réalité, elle lui est immanente. d'une nature différente, il n’y a rien de surprenant que De ces concepts de matière et de forme dérivent les l’ânie soit le principe de toute tendance, de tout rapports quo soutiennent entre eux ces deux prin­ mouvement; que la tendance et le mouvement vers cipes de la substance. — La forme, sous la poussée du le bien viennent de la bonne Ame, et le mouvement désir qui anime la nature, devient un principe d’action, vert le mal de la mauvaise. » Ibid., t. n. p. 513. elle s’imprime dans la matière, la pétrit du dedans, la Cette Ame mauvaise, principe du mal, est-ce autre façonne à la manière d’un architecte intérieur. Si chose que la matière primitive, éternelle, nécessaire, dont le monde a été fait, qui façonnée par Dieu, et sous son œuvre organisatrice n'y rencontrait aucun obsta­ scs ordres, par l'Ame universelle qui anime toute la cle, elle en épuiserait la puissance et arriverait ù la plénitude de son acte. Dès lors toute imperfection, tout nature, a servi ensuite a composer les différents êtres? désordre aurait à jamais disparu; « le monde serait Il semble donc bien difficile d’innocenter Platon de dualisme ou, tout au moins, de tendance caracté­ immobilisé dans une extase éternelle ». Mais la matière risée au dualisme. C'est l’avis d'Aristote qui ne craint est hi, dont l’inffucnce a quelque chose d’essentielle pas de rapprocher son maître d’Empédoclo et d'Ana- ment limitatif. Elle entraîne à sa suite, un cortège de xagore. · Platon, dit-il, admet deux éléments... 11 nécessités qui sont autant d’imperfections plus ou assigne a l’un la cause du bien, et à l’autre celle du mal. moins graves... Toute forme exige, pour se réaliser, Cc qu’avaient déjà en vue quelques-uns des philoso­ un ensemble de conditions à la fois difficile et complexe phes antérieurs, par exemple, Empédocle et Anaxa- qui lient à la passivité de la matière. Et l’être une foi* gore. » Métaptu, 1. I, c. vi, in fin. Cf. art. Bien, t. n, constitué, cc principe est loin d'abdiquer tous scs col. 827. droits : la matière conserve, sous l'empire de la forme, Aristote, qui met ainsi en relief l’erreur de ses pré­ des superfluités où la finalité ne trouve pas son compte. décesseurs, n’échappe pas lui-même à toute critique. De plus, elle s’y révèle comme une source permanente Plutarque le range parmi les dualistes : « Aristote de véritables anomalies, de déviations qui proviennent nomme le premier principe (principe bon) la forme, en dernière analyse, de la résistance (pic fait la matlèreau et l’autre (le mauvais) la privation. De Is., développement de la forme. Voilà pour le mal physique. с. XLVil, édit. Didot. t. t, p. 453. L’existence du mal moral s’explique de même. Bien D après Fouillée, sa doctrine sur le mal se ramène n’est fort comme la raison; là où elle s’implante, elle a ceci : « Le mal n’existe pas par lui-même, et il Unit toujours à la longue par avoir le dessus. Par conn'existe pas non plus par Dieu. Dieu est la raison uni­ séquent, si l’homme glisse si facilement vers le désor­ que de tout ce qu’il y a de bien en tout être. Chaque dre, si parfois même il arrive à s’y fixer, il n’en faut pas être reçoit de Dieu selon son pouvoir < l'être avec la chercher d’autres motifs que les bornes de son esprit. vie : το tint τε κχ. ζην ·, De culo, I. ix, et par consé­ C’est la claire vue, c’est la science intime et adéquate quent le bien. Mais celte participation nu bien est Iné­ des choses qui lui fait défaut; la forme, en lui, n’a pas gale. « plus faible chez les uns, plus complète chez les encore entièrement pénétré de sa lumière purifica­ trice l’aveugle et indocile matière. Cf. Cl. Plat, Am· autres >. Phys , VIII, vu; De gener, et corrupt., H, x; et b raison en est dans la nécessité invincible ou fata­ I tôle, Paris, 1903, p. 35 sq. 1G85 MAL, DOCTRIM·: DES PÈRES 1686 Plotin, nous trouvons celte doctrine que les Pères Ainsi, en definitive, la métaphysique d'Aristote aboutit à une sorte de dualisme. Tout s’y ramène â opposeront plus lard aux hérétiques et qui voit dans la limite, dans le caractère fini des êtres, la raison deux principes : la matière et la forme, la puissance cl première de l'imperfection et du mal. — Elle est plus l’acte. Plutarque a raison : Aristote nomme bien le précise encore chez Proclus, a qui l'empruntera le premier principe la forme, et l’autre la privation, c’est-à-dire, la matière principe et cause de la priva­ pseudo Denys, puisque, comme l’a établile P. J. Sligl tion ou du mal. Sous le premier moteur immobile, mayr, sur cette question si importante, Denys n’a fait qu’introduire dans son texte De divin, nomin., fin vers laquelle tout le reste gravite, l'âme ou la forme du monde et la matière à qui elle est Immanente c. iv, n. 18-34, un extrait du De malorum subsistentia sont en lutte constante, l’âme étant animée d’un désir de Proclus. Cf. art. Chéation, t. m, col. 2075. En se éternel de vaincre la matière et de diminuer son em­ reportant à l’art Bien, t.n, col. 832, on verra comment pire, pour promouvoir sous ses modes divers le règne Proclus, au traité des Causes, établit que Dieu com­ de la bonté et de la beauté. munique sa bonté par la création, et comment la pro­ Pour qualifier ce dualisme il resterait à déterminer duction des choses par un agent inférieur n'empêche si, dans la pensée d’Aristote, la causalité de la première pas la causation directe de ces choses selon un mode cause efficiente (ou du premier moteur immobile, supérieur < par la cause première ». Le premier Bien première cause elliciente par rapport au monde) identique à l’Èlrc et créateur de l'Etre en toutes s’étend à la matière première, ou si elle est limitée aux choses, t· Ile est la notion que la philosophie néopla­ trans/ormations substantielles, c’est-à-dire, à réduc­ tonicienne livre dans son dernier effort, le traité des tion de la forme substantielle de la potentialité de la causes, à la théologie traditionnelle. Celle-ci saura matière. Mais il y a là un problème obscur, qu’il est en tirer parti. impossible de résoudre avec certitude. Dans le premier Pour être complet. Il resterait à dire un mot de la cas, le Stugyrite sc serait élevé à Vidée de ta création, position de Pluton sur la question présente. Elle a été tout au moins l’aurait entrevue; dans le second cas, suffisamment déterminée dans I article Création, au contraire, sa théorie du monde — et du mal — t. m, col. 2053. serait peu différente du dualime platonicien. M. E. LasCette élude des doctrines de la philosophie ancienne bax, Le probl me du πιαί,ρ, 1|. adopte cette seconde est évidemment très rapide et par là Incomplète. Telle hypothèse. Pour lui, le principe du mal se réduit, chez quelle, elle nous permet de constater la quasi-una­ Aristote, à n’être que la matière qui résistera à l'idée, nimité de l'antiquité sur le problème qui nous occupe. comme la puissance en quelque sorte virtuelle à l’effec­ Dieu, essentiellement bon, ne peut être auteur ou tive actualisation. Cf. Gonzalez. Hist, de la philos., cause du mal. Cette cause doit être recherchée en trad, de Pascal, t. i, p. 310. dehors de lui. Qu'elle soit discorde, dualité, matière Avec les stoïciens, nous retrouvons le monisme à éternelle..., elle échappe, en tant que principe du mal, peine perfectionné des Éléatcs. Dans cc système, le à la causalité de l’L’n, du Bien, de Dieu. Et cela devait mal est nécessaire et inévitable dans la monde. Non être, dès lors que l’on excluait la création ex nihito seulement les maux physiques, mais encore le mal de l'explication de l'origine du monde. moral sont des manifestations ou, si l’on veut des Ici, comme sur beaucoup d’autres terrains de la évolutions nécessaires et fatales de la Divinité. Sans philosophie, l’influence de Platon est tenace et péné­ doute, Dieu ne veut pas le mal, mais celui-ci est trante, si pénétrante que les stoïciens eux-mêmes n'y inévitable; il est même nécessaire pour que le bien échapperont pas complètement. existe, soit dans l’ordre physique, soit dans l’ordre 111. Péhiode PATiusTiQVE. — De ce qui précède on moral. Qu’importent les souffrances et les fautes a pu conclure que, dans l'ensemble, la solution dualiste individuelles, si le momie est plus heureux et plus avait dominé la philosophie antique, il était inévitable parfait! Dès lors, le problème du mal se résout de que, du Jour où le christianisme commencerait à lui-même : tout désordre disparaît de la grande harmo­ philosopher, le dualisme ne pénétrât chez les chré­ nie du monde; tout conspire à sa perfection. Cléanthc, tiens; cc sera un des plus graves devoirs de l'Église Hym., vers 19 sq.; Chrysippe dans Plutarque, De de répondre à cette erreur. comm, not., c. xiv, édit. Didot, t. n, p. 1303. 1° L'erreur.— l.Le gnosticisme. — L’hérésie gnosliquc date du temps même des Apôtres. Or, l'idée Quant au néo·platonisme, il est nettement dualiste à scs débuts; il le restera presque jusqu'à la lin. Xéno­ essentielle de celte erreur, le problème fondamental craie accentue le dualisme de Platon; aux premiers qu'elle cherche à résoudre, c'est le problème de l’ori­ siècles de notre ère, néo-pythagoriciens et néo-pla­ gine du mal, auquel se trouve intimement lié le toniciens (Plutarque, Maxime de Tyr, Apulée.·») problème de l’origine du monde, c’est-à-dire, du pas­ sc rencontrent sur un terrain commun dont le dua­ sage de l’in Uni au Uni. A négliger les différences de lisme plus ou moins platonisant constitue l’une des détail qui distinguent les systèmes gnostiques les thèses essentielles. Plot in s’efforce d’y échapper, uns des autres, et à ne tenir compte que de leur fond puisqu’il rattache le mal au bien. « Plotin, après avoir commun, une théorie générale se dégage, qui a pour point de départ la conciliation de l’existence de Dieu fait quelques concessions au dualisme, dirige bientôt avec l’existence de la matière. Dieu ne peut être que contre les gnostiques tous les traits de sa dialectique. E. Lashax, Le problème du mal, p. 11. Tout aspire I parfait ; et la matière passait aux yeux des gnostiques au Bien, et par celte aspiration l'âme reçoit de l'intel­ comme d’essence mauvaise et comme le siège du mal; ligence les raisons séminales ou formes auxquelles elle ne pouvait donc pas être l’œuvre immédiate de Dieu. » Art. Gnosiigisme, t. vi, col. 1459. sous son influence démlurglque, la matière participe, Telle est la position du gnosticisme. L’existence constituant ainsi le monde. V· Ennéad., 1. IX, c. m. de Dieu ne fait plus de doute; et même, pour la plu­ La matière par elle-même est le non-être, l’informe, part des gnostiques, Dieu est unique en principe. Mais //· Ennéad., I. IV, c. x, le mal, ibid., c. xvi, dont l’existence pro èdc cependant du bien par l'intermé­ cc Dieu suprême n'a pu créer la matière : il y a Incom­ diaire de l’âme : elle marque le dernier degré possible patibilité absolue entre Lui. qui est bon, et elle qui de l’éloignement du bien. Zr" Ennéad , I. VIII. c. vin. est mauvaise. D’où entre ce Dieu cl la matière, sc Quant au monde, il est bon, suspendu au bien. ///· place un créateur : ce créateur c’est le démiurge Ennéad., 1. Il, c. m. Voir art. Bien, col. 830-831, pour son inférieur, dont la nature a été viciée par la faute le rattachement du point particulier qui nous occupe (qui l’a fait chasser du plérôme), cl dont l'œuvre, par Λ la théorie générale du Bien, chez Plotin. Déjà chez conséquent, ne peut être que viciée. Ainsi s’explique 1687 MAL, DOCTRINE DES PÈRES 1688 l’imperfection de cc monde cl la présence du mal ici- est le Dieu suprême, ineffable, absolument pur, qui exclut toute communication avec la nature : Dieu bas. On le volt, les gnostiques empruntent largement de bonté, de paix et d’amour. Le second est un Dieu à Platon, mais c’est pour déformer l’enseignement de imparfait et inférieur, organisateur de la matière l’Écriturc et tomber dans le dualisme, ou, pour et du monde ; Il n’est pas Dieu véritable, mais quelques-uns, dans l’émanatisme panthéiste. En démiurge. — De là vient la seconde opposition. La effet, une fois qu'on a rejeté la solution chrétienne matière est éternelle et elle est l’origine du mal. fondée sur la création ex nihilo, on ne peut aboutir qu’à L’impuissance relative du démiurge, jointe à l’imper­ la solution panthéiste ou à la solution dualiste. Les fection essentielle de la matière est la double cause de gnostiques subissaient le même sort que les philo­ l’imperfection du monde visible, particulièrement de l’imperfection de l’homme. En sortant des mains du sophes. Bien des systèmes sc greffent sur cc thème général. démiurge, l’homme est soumis à l'empire du mrtl et des Nous nous contenterons de signaler à grands traits esprits mauvais sans pouvoir leur résister. Son impuis­ sance à cet égard est telle qu’il ne peut s'élever à la les parties qui sc rapportent à notre sujet. Valentin emprunte les éléments principaux de son connaissance du Dieu suprême et véritable, ni même système au platonisme et au judaïsme. Sa doctrine soupçonner son existence. Si aujourd’hui il peut opérer trahit une idée essentiellement panthéiste. Pour expli­ le bien et s’élever à la connaissance de la vérité, en quer, sans avoir recours à la création ex nihilo, la entrant dans l’ordre divin, il le doit à la révélation et production du monde, le passage de l’in fini au fini, à l'action de Jésus-Christ en qui s’est manifesté le Dieu bon. il imagine toute une série d'évolutions par lesquelles 2. Le dualisme IMologique de Manès. — Sur Manès le Père, c'cst-à-dire le Dieu Principe, l'Un, donne nais­ sance, avec ou sans l’aide de Σιγή, au plérôme de et les origines historiques du manichéisme, voir l’art. Manichéisme. Le fondement du système est le 28 éons. Le mal sort de la curiosité du dernier éon, dualisme. l’éon femelle σοφία, qui produit un être informe, De toute éternité, enseigne Manès, il y a deux choses έκτρωμα, fruit de son péché d’orgueil et d’ignorance. essentielles, deux principes ou plutôt deux royaumes Saturnin est nettement dualiste. Deux royaumes existent : celui de la Lumière et celui des Ténèbres. essentiellement opposés : celui de la Lumière et celui Au sommet du royaume de la Lumière, et comme ori­ des Ténèbres. La Lumière est le bien à la fois physique gine première des êtres qu'il contient, se trouve le et moral; les Ténèbres sont le mal. Dans le premier Dieu suprême, caché en lui-même, incompréhensible royaume règne le Roi du Paradis de Lumière, le Dieu dans son essence, et d’où procèdent les êtres qui suprême; le royaume des Ténèbres n’a pas d’abord de chef, il est sans ciel, mais avec une terre et de ses composent le monde des esprits. Ce processus sc réalise éléments sort bientôt Satan, le diable primitif. Ces a per/ectiori ad minus perlectum, et le dernier degré deux royaumes simplement juxtaposés par leurs correspond aux sept anges ou esprits inférieurs chargés parties supérieure et inférieure ne se mêlent pas. de former et d’organiser le monde visible. Mais ils La guerre entre eux vient de Satan qui, un jour, sc heurtent à la matière, essentiellement opposée à l’esprit, et particulièrement au principe et à l’auteur attaque et parvient à envahir le royaume de la Lumière. Dieu alors produit un éon, la Mère de vie et, avec elle, du monde des esprits et de la lumière. Ainsi la matière 1’1 lomme primitif qu'il lance contre Satan. L’Homme est l’origine, ou mieux, l’essence du mal dont Satan primitif vaincu est fait prisonnier; il est délivré par est la personnification. De là vient la prédominance Dieu lui-même. Mais, dans les étreintes de Satan, il du mal dans le monde visible où abonde la matière, a perdu des parcelles lumineuses. De là un mélange et l’antagonisme perpétuel et permanent entre Dieu et Satan, entre la matière et l’esprit, les hommes bons des éléments lumineux et ténébreux qui commence à se ou pneumatiques et les hommes mauvais ou hyli- propager par la génération. Ainsi entre la Lumière cl les Ténèbres est apparue une matière mixte. ques et charnels. Le dualisme de Saturnin est déjà C’est avec cette matière mixte, c’est-à-dire avec les théologlquc. Le manichéisme n'aura plus qu'à dramatiser l’antagonisme que nous trouvons ici entre éléments complexes formés de la sorte, que Dieu fait le monde actuel, mélange de bien et de mal, les deux royaumes du bien et du mal. Le système de Bas Hide, essentiellement dualiste dont il s’efforce peu à peu de dégager les éléments comme celui de Saturnin (tous deux sc rattacheraient lumineux pour les ramener finalement dans le a Simon le magicien par leur maître Ménandre), ne royaume de la Lumière. L’homme doit préparer celte délivrance. En effet, tandis que le monde est l’œuvre s’en distingue que par quelques points de plus ou moins d’importance. Ici le royaume de la Lumière de Dieu opérant, il est vrai,sur des éléments imparfaits, et k royaume des Ténèbres et du mal sont deux l’homme, lui, est une créature de Satan et de scs anges royaumes également éternels, existant par eux-mêmes qui ont concentré et comme emprisonné dans son et indépendants l’un de l’autre. Le désordre est dû corps tout ce qu'ils on pu dérober d’éléments lumi­ a l’union de certains principes mauvais à des principes neux. Auprès de lui, ils ont placé la femme, composée bons. De là est sorti le monde visible, œuvre Immédiate 1I comme l’homme, mais avec beaucoup moins de par­ des anges Inférieurs. Leur impuissance, jointe aux celles lumineuses; c’est la tentatrice, la séduction efforts des esprits mauvais du monde ténébreux sensuelle incarnée, l’instrument de perdition qui pour s’unir a eux, voilà la raison du mélange en cc perpétuera, par la génération, l'emprisonnement des monde du bien et du mal. Aussi le mal suit le bien, éléments lumineux. Comme le monde, l’homme est comme l’ombre la lumière, et le principe divin qui donc composé de bien et de mal et de sa conduite entre dans l’ûmc humaine est entouré et comme dépend la délivrance plus ou moins prompte, plus opprime par les vices et les passions qui sont les ou moins complète de ce qu’il y a en lui, et même dam esprits procédant du royaume des ténèbres. le monde, de pur et de saint. Chez Man ion qui se débarrasse résolument de tout Aussi l’homme, c’est-.ι-dire l’humanité, est-il con­ le fatras où se perdaient les gnostiques, le dualisme est tinuellement en proie à la lutte des deux éléments, encore, s'il est possible, plus prononcé. La conception inégalement combinés dans les deux sexes. La lumière dualiste lui sert de base philosophique pour arriver captive tend à sc dégager; les démons cherchent a la à l’antithèse thcologlque et un double antagonisme retenir par les passions, l’erreur, les fausses religions, caractérise son système. Voir l’art Maroon. Le Di u tandis que les esprits lumineux ou les anges favorisent de l'Evangile est opposé au Dieu des Juifs. Le premier son émancipation par l’envol des prophètes, Noé, I 1689 MAL, DOCTRINE DES Abraham, Zoroastre, Bouddha, Jésus, surtout Mûnl < le Guide, l'Ambasaadcur de In Lumière, le Paraclct ». A mesure que les éléments lumineux sc dégagent de l'humanité, ils sc rendent par le zodiaque et la lune jusque dans le soleil, de là, après une dernière puri­ fication, ils atteignent enfin le royaume lumineux lui-méme. Quant aux coqis —et avec eux les Ames — des non-cius, ils demeurent dans le royaume des Ténèbres. Le monde finira quand toute la lumière dégngeable sera revenue à sa source. On trouvera dans Duchesne, Hist. anc. de ΓÉglise, t. i, p. 559; Douais, Saint Augustin contre le manichéisme de son temps; surtout Taxeront, Hist, des dogmes, 7· édit., t. î, p. 467, l’indication des sources; voir aussi, Petau, Dogm. theol., 1.1, p. 518, 519. Telles sont les grandes lignes de cc que l’on pourrait appeler la métaphysique du manichéisme. Si nous en dégageons les idées centrales, il reste ceci. Le manichéisme est essentiellement dualiste. 11 nie l'unité de l’être divin; pour lui, deux principes, coétcrncls et infinis, éternellement en lutte, sc disputent l’empire souverain : ils sont ennemis. Et cc ne sont pas là deux abstractions, deux principes de raison, mais bien deux êtres, indépendants l’un de l’autre, qui n’existent pas l’un par l’autre. Chacun d’eux a sa sphère, comme son royaume. Dans la sphère de la Lumière règne le principe bon, qui la remplit; dans la sphère des Ténè­ bres domine le principe mauvais du mal, qui n’est que matière, division et perversité. Le manichéisme reste donc fidèle au dualisme le plus pur; nous avons ici le dualisme proprement théologique. 2° La doctrine catholique. — Telle est l’erreur. 11 nous reste, à voir les efforts de l’Église et de scs docteurs surtout, contre ces survivances et ces renfor­ cements du dualisme primitif. Ce sera là l’une des tâches, non la moins importante, des Pères, dont les enseignements d’abord timides, incertains, acquerront bientôt netteté et précision, préparant la forte et lumineuse doctrine de saint Augustin dont saint Thomas, plus tard, établira la définitive synthèse. 1. Avant saint Augustin. - En face des sectes hérétiques l’Église ne resta ni muette ni indifférente On s'efforça d’établir la vérité et l’autorité de la doctrine catholique à l'exclusion de toute autre. Il s’agissait, avant tout, de défendre les dogmes les plus menacés ou les plus contestés par l’hérésie, contre les gnostiques, par conséquent la foi au Dieu unique. » Bardenhewer, Les Pères de Γ Église, trad. Godet el Vcrschaffel, 2· édit.. 1905, L i, p. 225. Effectivement, avant saint Augustin, les efforts des Pères, surtout grecs, visent particulièrement le gnosticisme. « 11 y eut toute une littérature antignostique. Il est certain, par exemple, que saint Justin dans son ouvrage perdu contre les hérétiques, réfutait la distinction gnostique, Apol., I, xxvi, P. G., t. vi, col. 369; Irénée, Cont. tueres., IV, vi, 2, P. G., t. vu, col. 987. Les écrits de Miltiade, de Méliton et de Théophile d'Antioche ont également péri, et la grande masse de la littérature antignoslique n’a pas eu un meilleur sort. Glanons quelques restes. a) Chez les Grecs. — Tatien affirme que < Dieu n’a rien fait de mal; c’est nous qui avons produit toute improbité », par le dérèglement de notre volonté libre. Oratio ad Gnccos, P. G., t. vi, col. 829. Dans cc qui nous est resté de Théophile d'Antioche cl de Méliton de Sardes, nous trouvons encore quelques affirmations semblables. « Les bêtes sont dites féroces et sauvages, écrit Théophile, non qu’elles aient été dès le commencement venimeuses, car rien de mal n’a été au commencement fait par Dieu; au contraire, toutes choses étaient bonnes et Irès bonnes; c’est le péché de l’homme qui les a tournées au mal. » Ad Auto· PÈRES 1690 Igcum, 1. III, n. 17, P. G., t. vj, col. 1080. PieudoMéliton met cette question dans la bouche d’un contradicteur : · Pourquoi Dieu ne m'a-t-ll pas fait de telle sorte que je l'honorc lui et non les idoles? » — Il répond : · On voit bien, à ta manière de parler, que tu aimais mieux être une pure machine qu’un homme vivant; car. Dieu t’a fait bon autant que cela lui a plu. et t’a donné le libre arbitre. 11 a mis devant loi les choses les plus hautes, pour que lu choisisses cc qui est bon. » Ex apol. Aielil. ad Anton., P. G., t. v, col. 1229 B. Ces quelques extraits, remarque Mgr Douais, op. cil., contiennent toute la doctrine des apologistes grecs sur le mal. Dieu n'est pas Couleur du mal soit physique, soit moral, qui n'a d’autre origine que l’abus du libre arbitre; le mal n’est que la dépravation du bien. Celte doctrine est énoncée simplement; les apo­ logistes ne se préoccupent pas de la preuve : elle leur parait évidente. Ils ne disent même pas contre qui ils l'affirment; mais ils ne pouvaient avoir en vue que le gnosticisme alors dans toute sa jeunsesc. Au ιν· siècle, deux docteurs grecs nous donnent quelque chose de plus précis et de plus important. Le manichéisme s'est étendu, fait des ravages; ils l'attaquent. Titus de Bostra écrit près de cent ans après Man. s. Son ouvrage : Adversus man icturos libri 1res, comprend un exposé du manichéisme, i. I, exposé qui est suivi d’une réfutation. Toutefois il ne consacre guère à la doctrine du mal que quelques lignes au début du livre II; mais elles sont significatives < Les mani­ chéens demandent : d'où viennent les maux? Nous, nous répondons avec une entière confiance : comme il n’y a qu'un seul Dieu qui a tout fait, il n'y a rien qui soit mauvais quant à la substance. Toutes choses sont bonnes quoique diversement bonnes, car elles sont faites pour des usages divers. Bien de cc qui a été fait n’a été fait sans motif. Tous les êtres ont en eux-mêmes la raison de leur essence, et c'est la sagesse ineffable de Dieu qui a établi cet univers, comme un corps entier , dans l'unité de son tout el la diversité des parties et des membres; de telle sorte que, si vous retranchez, comme étant superfine et Inutile, une part quelconque de la raison de ces êtres, le corps est mutilé.... Dans les êtres donc rien n'est mauvais quant ά la substance ; bien plus, tous ceux que Dieu a établis et qu'il gouverne dans le monde, il les a établis d’après les conseils de sa sagesse, et il les gouverne pour l’utilité de ceux pour qui il les a faits. » L. II, c. i, n, P. G., t. xvm, col. 1132, 1133. Ces idées reviennent en plusieurs autres endroits; mais nous avons ici la doctrine et le procédé de Titus. A une affirmation, il oppose une affirmation. Les manichéens enseignent la dualité des principes et l’existence du mal dans la substance même des êtres; il répond par le double principe de l’imité de Dieu el de l'intégrité des êtres. Saint Basile, contemporain de Titus de Bostra, a encore mieux parlé sur la délicate question du ma). 11 n’est pas permis de dire que le mal a été engendré par Dieu, par la raison que le contraire ne peut être engendré par le contraire. La vie n’engendre pas la mort, ni la lumière, les ténèbres; la maladie n’est pas l’ouvrière de la santé. · Nous disons, (il combat les manichéens et les gnostiques) que le mal n'est pas une substance vivante ou animée, c’est un étal d’âme contraire à la vertu. » in Hexam., hom. n. 1, P. G., t. xxix, col. 37. Dans l’homélie intitulée Quod Deus non est auctor malorum, nous trouvons encore ce passage caractéristique, qui résume toute la pensée de Basile : · Gardez-vous de voir en Dieu l'auteur de la substance du mal! car n’allez pas vous figurer que le mal a une subsistance propre. La difformité 1691 MAL, DOCTRINE DE SAINT AUGUSTIN ne subsiste pas, comme subsiste un animal quelcon­ que; et on ne mettra jamais sous les yeux son exis­ tence existant vraiment. Car le mal est la privation du bien. · Ibid., col. 310 sq. Le progrès est sensible en netteté et en précision. Au point de départ un essai de preuve, par le simple énoncé de ce principe évident en lui-même, que le contraire ne peut engendrer le contraire. Il s’ensuit que Dieu, étant bon, le mal ne vient pas de lui; comme rien ne tient que de lui seul la subsistance, il s’ensuit encore que le mal n’a pas de subsistance. Il n’est pas une essence. Simple accident des substances, il est la privation du bien. Il semble que ce soit là le dernier mot de la théologie grecque sur la nature du mal. Chez saint Jean Chrijsostome nous ne retrouvons que l'affirmation pure et simple, l’appel à l'autorité. « D’où vient le mal? me direz-vous. Et moi, je vous réponds que vous ne devez pas, pour en expliquer l’existence, admettre un principe mauvais. Vous blasphémez en soutenant que le mal existe par lui-même. C’est un blasphème que d'affirmer l’éternité d'un principe mauvais, de lui attribuer le pouvoir divin et de le mettre sur le même rang que la vertu. Le mal. dites-vous, existe par luimême; mais vous avez oublié cette parole de l'apôtre : • Les perfections invisibles de Dieu sont devenues visibles depuis la création du monde, par tout ce qui a été fait. · Boni., v, 20. /n Act. A post., hom. n, n. L P. G., I. i.x. col. 31. C'est vraisemblablement à la même date qu’il faut placer divers traités faussement attribués à Justin. On y relève des sentences comme celles-ci : < Tout ce qui est sur la terre est bon, comme ayant pour auteur le Souverain Bien; le souverain mal. quant à la substance, n'atteint pas les créatures, ni par l’opé­ ration de ce qui est le mal par la substance. » Queut. Christian, ad gentiles, n. 5, P. G., t. vi, col. 1412. « Le souverain mal n’existe pas; le supposer, c’est poser un principe contraire à Dieu. » Ibid., n. 1,2, col. 1105. · Bien d’essentiellement mauvais n’est adjoint à notre vie. » Quiest. d respons. ad orthodoxos, -16, id., col. 1292. «Le mal n’est que la perversion », « la dépravation du bien ». Ibid., 73» col. 1313. La liste des auteurs et des citations pourrait s'al­ longer; nous en avons rapporté assez pour pouvoir conclure que partout, en Orient, au iv· siècle, les docteurs chrétiens avaient le sentiment très vif que Dieu ne saurait être regardé comme l’auteur du mal. b) Chez les Latins. — En Occident, le seul auteur qui mérite une mention spéciale est Tertullien. Il a dit sa pensée sur la question du mal tout spécialement dans son traité contre Hcnnogène, mais aussi, à l’occasion, dans le volumineux traité contre Marcion. L’africain Hermogène, philosophe stoïcien passé au christianisme, troublé par la question de la créa­ tion, s’était mis à enseigner que la création ex nihilo ne sc comprend pas, que Dieu ne peut créer une chose de rien. Γη tel principe conduisait nécessairement à l’une ou à l’autre des deux doctrines que nous avons signalées : le inonde émanation de Dieu, ou bien la matière existant éternellement. Hcnnogène s’était arrêté à cette seconde conséquence, et prétendait que Dieu avait tout fait avec une matière incrééc qui lui était coétemelle. C'est a cette matière première, incrééc, coéternelle à Dieu qu’il attribuait le mal. Hcnnogène aboutissait donc, comme le gnosticisme, à un véritable dualisme « Admettre une Matière étemelle, répond Tertullien, c'est introduire deux dieux, puisque c'est faire la Matière l’égale de Dieu. Prétendre que Dieu a tout créé avec cette Matière incrééc qui lui était coétcmelle, c'est faire la Mati rc supérieure à Dieu, puisqu’elle lui 1692 fournit les éléments de son œuvre, et que Dieu est soumis à la Matière, dont il a eu besoin.» Ado. Hermog., c. IV, vin, /·. L., t. n, col. 200. Mais passons. Dieu a donc tout fait avec la matière. Par conséquent le bien et le mal qui provient de la matière, doivent être néces­ sairement attribués à Dieu, ou le bien seul à Dieu et le mal ù la matière, ou l’un et l'autre simultanément à Dieu et à la matière. Mais Dieu qui est bon ne peut être l’auteur du mal! d’autre part, une matière tota­ lement mauvaise ne peut engendrer le bien. Si donc Dieu ne peut être l’auteur du mal, on doit, ou admet­ tre, l’existence de deux principes coéternels, ce qui est absurde (iv, vin), ou revenir à la notion chrétienne de la création ex nihilo : superest uti Deum omnia ex nihilo fecisse constet. Op. cil., c. xvi, col. 211,212. Le principe est excellent, et Tertullien en tire ici un bon parti : mais il n'y est plus revenu, ce qui prouve qu’il n’avait pas approfondi la question de l'origine du mal. Après Tertullien, les auteurs latins gardent le silence, ou ù peu près. Saint Ambroise a bien combattu les manichéens (sermons sur la Genèse), mais en sc plaçant au point de vue de leurs attaques contre l'Ancien Testament. 11 n’y a guère que Laclancc, qui, dans son De ira Dei, traitant au 1. I, de la Providence de Dieu et de la création, indique d'un mot que le mal ne lui est pas imputable : Est cnirn disconveniens Deo, ut ejusmodi potestate sil pra’ditus, qua noceal et obsit, prodesse nero, ac benefacere nequeat. Qiue igitur ratio, qua* spes salutis hominibus proposita est si malorum tantummodo audor est Deus? C. in, P. L.. t. vu, coi. 84. Sur le dualisme réel ou apparent de Lactancc, voir Lactance, t. vni. col. 2140. 2. Intervention de saint Augustin.— Il faut arri­ ver à saint Augustin pour trouver, en Occident, une doctrine du mal. Le premier, il a abordé le pro­ blème par son côté métaphysique. Le grand docteur a élaboré cette doctrine au cours de sa lutte contre les manichéns. Ancien manichéen lui-même, nul plus que lui n'était apte à mettre en relief les erreurs de la secte. Il employa à les réfuter toutes les ressources de son génie philosophique et théologique. Sur les conditions historiques de sa lutte, cf. Douais, Saint Augustin contre te manichéisme de son temps. La polémique commence avec le traité De moribus Eccles iir catholica· et de moribus nianichirorum. (an. 388 d’après Porlalié, Martin; lin de 387, d’après Douais) et se termine avec le chap, χιλί du traité De hœresibus (428). Entre ces ouvrages, sans parler des sermons et de la correspondance de saint Augustin, s’en placent quinze autres. Cf. Douais, op. cit. De cette polémique et de ces ouvrages, nous ne retiendrons que ce qui a trait aux deux questions qui nous occupent : nature et origine du mal. Du reste, ces questions dominent tout Je débat ouvert entre Augustin et les manichéens. « Pour saint Augustin, là était le véritable débat entre lui et les manichéens. Aussi 11 est trois points auxquels il revient sans cesse, au sujet desquels il argumente et qu’il veut prouver: la nature du mal, son origine, la nature des êtres. · (Douais) Seuls, les deux premiers nous intéressent. a) Nature du mal.— Les manichéens commencent i toujours par demander : D’où vient le mal ? Mais comment répondre si l'on ne sait pas d'abord ce qu'il est? De mor. manich., 1. H, 2, P. L., t. xxxn, col. 1345. Or, d’après les manichéens, le mal pour une chose est ce qui est contraire à sa nature : cuique generi malum else, quod contra ejus naturam est. Ibid. C'est encore ecqui nuit :quod nocet, 5, enfin, I disaient-ils, le mal c’est la corruption, 7. I Mais ces définitions ne sont pas recevables : ou elles manquent d’exactitude ou elles n’atteignent 1693 MAL, DOCTRINE DE SAINT AUGUSTIN pus le fond du sujet. Il fuut donc idler plus loin pour déterminer la nature du mal. Et d’abord, question préniable : le mal est-il une substance ? Les manichéens l’affirment : Dicunt manichiri malam carnis naturam. Op. imp. c. Julian., I. (II, 189, t. xlv, col. 1330. ( c qui est faux:*lc mal n’est pas une substance. ► Tout ce qui est, est bon. Et ce mol dont Je cherchais partout l'origine, n’est pas une substance; s’il étuitsubslancc, il serait bon. » Con/es., I. VII, 1«, t. xxxn, col 713. Cf. De nwrib. manich., I. II, 10, ibid., col. 1349; De clü, Dei, XII, v, t. xu, col. 352. Sic ergo, discite, nun substantiam malum esse. Contra episl, manich. quam vocant Fun­ damenti. XXVII, 29, t. xuj, coi. 193. Le mal n'est qu’un accident d'une substance placée dans un milieu qui ne lui convient plus, ou qui ne lui convient pas. (L’est un état d’inconvenance ou de désordre, lequel produit la souffrance, la corruption et les autres effets nuisibles. La possibilité pour une substance d’être précipitée dans cet état vient, en principe, de ce qu’elle n’est pas l’être suprême, souverain et absolu; c’est sa condition nécessaire d’infériorité par rapport à l’être incréé, infini. Quant au fait même du désordre, du mal, il provient de ce que celle substance est placée dans des conditions qui, non seulement ne lui per­ mettent pas de sc maintenir dans toute son intégrité, mais encore l’atteignent et l’affaiblissent : elle a |M*rdu une part de son être propre. Le mal n’est donc pas toute absence, toute négation de bien, mais une privation, la privation d’un bien que l’on devrait avoir cl qui convient à la substance ou nature qui en est privée: Je ne savais pas que le mal n’est que la privation du bien, privation dont le dernier terme est le néant. · Con/., 1. III, 12, t. xxxn,col. 688; cf. De natura boni, 3, 16, 23, t. xui, col. 553, 556, 558; Enchirid.. 11. t. XL, col. 236. Cette privation peut avoir pour objet un bien phy­ sique ou un bien moral. Dans le premier cas, nous savons qu’elle est la conséquence du caractère impar­ fait de la créature qui vient du néant et qui tend ù y retourner. De natura boni, 10, t. xlii, col. 554; Contra Secundinum, 8. ibid., col. 581 ; Enchirid , 12, 1. xi., col. 236. Dans le second cas, la privation n’a pas sa source dans une malice essentielle de la créa­ ture, mais dans la volonté libre; elle provient d’une déviation de la liberté. Or. la liberté est une faculté de l'homme. Le mal moral · - ou le péché — n'est «loue pas non plus une substance; c'est un accident dans l’être libre; el il ne faut y voir qu’un désordre, qu’un défaut de convenance entre l’exercice légitime de cette faculté cl l’homme lui-même. Detract., I. I, 2, t. xxxn, col. 595; De libero arbitrio, L I, c. I, ibid,, col. 1223; De civil. Det, XII. vi. t. xu, col. 353. De là découlent les relations du mal et du bien. Corruption d’un bien, le mal le suppose; il ne peut exister que dans une nature qui, en tant que libre, est bonne, donc un bien. X’n/Zc enim natura, in quantum natura est. malum est; sed prorsus bonum, sine quo bono ullum esse non potest malum : quia nisi in aliqua natura ullum esse non potest vitium ; quamvis sine vitio potest esse natura. Op, imp. contra Julian., I. Ill, 206, t. xlv. col. 1331. Cf. Enchirid.. 12, t. XL, col. 236; De civil Dei, II. vt, t. xu, coi. 353, surtout, XIV, xi, col. IIS, 119. En ce dernier endroit saint Augustin nous donne un superbe résumé de celte doc­ trine, que les scolastiques n’auront garde de laisser tomber : La bonne volonté est l’œuvre de Dieu : car l’homme l’a reçue avec la vie. Et la première mauvaise volonté, celle qui, dans l'homme, a précédé toutes les mauvaises œuvres, est moins une œuvre qu’un éloignement des œuvres de Dieu pour celles de l’homme. Or, ces œuvres sont mauvaises en tant 1694 qu’elles n’ont pas Dieu pour fin, mais la volonté propre; et ne peut-on pas dire que l'arbre mauvais de ces mauvais fruits, c’est la volonté, ou l'homme même, l'homme de mauvaise volonté ? Toi tefols bien que la mauvaise volonté ne soit pas selon la nature, mais contre la nature, puisqu'elle est un vice, elle est de même nature que le vice, qui ne peut être que dans une nature que le Créateur tire du néant. Aussi le bien peut exister sans le mal, tandis que le mai ne peut exister sans le bien, caries na­ tures en qui il réside sont bonnes en tant que natures. » b) Origine du mal. — Le mal défini, il est aisé d'en déterminer l’origine. Et d'abord, puisque, de l'aveu drs manichéens, le mai est, pour une chose,ce qui est contraire a sa nature, aucune nature n'est le mal, c'est-à-dire mau­ vaise, car, dès lors qu'elle subsiste, elle est le con­ traire du non-être. Or, Dieu est l'auteur de toute nature, de toute substance. On doit donc conclure, avec raison, que Dieu n'est pas l'auteur du mal: ce qui est la cause créatrice de l'être pour tout ce qui existe ne peut, en même temps, être la cause du non-tire. — Quant a imaginer, hors de Dieu, et opposé à Dieu, un principe positif mauvais, un summum malum, cela est contradictoire : être et mal se contre­ disent autant que être et ne pas être. On ne peut donc pas dire que ce qui est une substance soit le souverain mal. De nwrib. manich., II, 2-5, t xxxn, col. 1345; De diversis quarst. LXXXH1, q. vi, t. xi col. 13. La prétendue lutte entre les deux principes, telle que l'ont imaginée les manichéens, aboutit à d'innombrables absurdités. De natura boni. 41-43, t. xm, col. 563 sq. Mais le mal moral, le péché ? — L’homme a la liberté de pécher; ne faut-il pas en conclure que Dieu est l’auteur du péché ? — Le De libero arbitrio donne la réponse. Dieu existe, et tous les biens viennent de lui. Or, la volonté doit être regardée comme un bien, car le libre arbitre appartient à l’Ainc, qui. elle, est certai­ nement un bien. Le libre arbitre vient donc de Dieu. Mais Dieu ne l’a donné que pour le bien; il l’a orienté vers lui. Il n’est donc pas l'auteur, l’origine du mal inoral. — Ce mal vient uniquement du libre arbitre. Le péché n’est ni nécessaire, ni voulu de Dieu. Il n’est que voluntas retinendi vel consequendi quod justitia vetat et unde liberum est abstinere. De duabus animis, 22. t. xlii, coi. 109. Seule, donc, la volonté commet le péché, ibid., qui n’est pas appetitio natu­ rarum malarum, sed desertio meliorum, qui consiste à préférer un bien inférieur â un bien supérieur. De natura boni, 34, t. XUî, col. 562, et n’a pas de cause proprement efficiente mais déficiente. Saint Augustin a repris - et longuement — cette question nu livre XII de la Cité de Dieu, particulière­ ment aux c.nt, vi, vu, vin, ix, t. xu, col. 349 sq.,où l’on trouve un exposé aussi clair qu’allirmatif. ♦ Le vice — donc le mal moral — qu’une longue habitude a pour ainsi dire greffé sur la nature, a sa source primi­ tive dans la volonté. > ni.— «Recherchez la cause effi­ ciente de la mauvaise volonté, vous ne la trouverez pas. Celle cause n’est pas efficiente, mais déficiente; elle n’est pas effectivement, mais défectivement. Car déchoir de ce qui est souverainement à moins d’être (c’est ce que le péché est en définitive), c’est commencer d’avoir une volonté mauvaise. C’est quand elle descend d’un objet supérieur à un objet inférieur que la volonté devient mauvaise, non que l’objet dont elle se détourne soit un mal, mais le mal est ce détournement même. Ce n’est donc pas l’objet inférieur qui a fait la volonté mauvaise, mais elle même qui s’est corrompue pur lu recherche 1695 MAL, DOCTRINE SCOLASTIQUE déréglée el coupable de l’objet inférieur. » m et vu.— Même doctrineau c. vnt : «Je sais que la volonté mau­ vaise n’est en celui où elle réside que parce qu’il veut ainsi : el qu’il en serait autrement s’il voulait autrement. Il n’y a pas déchéance vers le mal, vers une nature mauvaise; le mal est dans la déchéance. » Et ce dernier passage qui résume tout le c. ix : « La mauvaise volonté n’ayant pas de cause efficiente, ou. en d’autres termes, de cause essentielle, elle est donc la source du mal des esprits muablcs, ce mal qui diminue et déprave le bien de la nature. El la volonté ne devient telle que par défaillance, défaillance qui abandonne Dieu, et dont la cause est également défaillante· » Telle est, dans ses grandes lignes, la doctrine augustinienne : le mal s’explique sans recours à une dua­ lité de principes, et sans qu’on ait besoin d'en faire retomber la responsabilité sur Dieu. A la vérité, Dieu a tout créé, les natures spirituelles aussi bien que les natures corporelles, sans que d’ailleurs son immutabilité ail subi la moindre atteinte. Mais ce Dieu est Souverain Bien, Summum Bonum. Toute espèce de bien ne peut être que par lui, c’est-à-dire par le bien suprême. Dénatura boni, c. n. Et si l’on admet que Dieu, Souverain Bien, a tout créé, toute nature est bonne en tant que nature. — Et par là même, Je système manichéen s’écroulait par la base. Ce qui frappe ici, c’est le progrès considérable que saint Augustin fait faire à l’exposé de la doctrine philosophique et théologique du mal. Avant lui, la doctrine traditionnelle n’existe qu’en deux points : I) Dieu n’est pas l’auteur du mal, el le mal provient d’un mésusage du libre arbitre. — 2) De plus, il a trouvé dans la circulation des idées celte donnée que le mal n’est pas une substance. Mais il a fait singulièrement avancer la pensée philosophique en établissant : a. que le mal n’est que la privation du bien; b. que cette privation résulte d’un éloignement de Dieu qui est le Souverain Bien. Saint Basile, il est vrai, avait dit que le mal est la privation du bien; mais saint Augustin ne connut ses ouvrages que tard. Il est d'ailleurs allé plus avant que lui, en mon- I Irani que celle privatio boni, ou perle de l’être, est, dans la créature raisonnable, un cfTcl de l’acte libre pcccamlneux el, dans la créature brute, un effet de la dissociation de scs éléments constitutifs. II est allé plus loin aussi que les apologistes du n· siècle, qui sc bornaient à dire que le souverain mal n’existe pas, que Dieu ne peut être l’auteur du mal. 11 a eu la vue très nette de cette vérité philosophique, réponse directe el de fond au manichéisme, que, étant posé le Souverain Bien ou Être, le mal existe nécessai­ rement. Il s’est bien rencontré Ici avec Plot In : neces­ sario malum consequi posito bono. ΙΓ· Bnnead., I. VII, c. vu, mais cet axiome n’était pas sorti de l’Ecole. Saint Augustin le ht entrer dans la masse des esprits. Nous pouvons donc conclure, avec Mgr. Douais, que la doctrine de saint Augustin sur la nature du mal est vraiment la sienne, lui appartient en propre. 3. Après saint Augustin.—Ceux qui viendront après lui ajouteront peu à son enseignement. Cassien (t 433), son contemporain, intitule le c. vi de sa VIII· conférence : * Que Dieu n’a rien créé de mau­ vais · — · Dieu nous garde de professer jamais qu'il ail rien créé de substantiellement mauvais lorsque l’Écriture nous dit : « Tout ce que Dieu avait fait était très bon. » Gen., t, 3 C’est la pure tradition théologique. P. L., t. xux. col. 730. Saint L/οί le Grand (t 161) qui a fréquemment combattu.les manichéens est cependant resté muet sur la question de la nature du mal. — Dans les Moralia de saint Grégoire le Grand (t 601) nous pouvons relever ce passage : Neque enim mala,gux nulla su i 1696 natura subsistunt, a Domino creantur. /.. III, c. rx. P. L., t. lxxv, coi. 607. Saint Isidore de Seville (f 636) consacre le chap ιχ du liv. I de ses Sentences à la question du mal : Unde malum ? Onze points, plutôt exposés que traités. P. L·., t. lxxxhi, col. 552 sq. Voir le résumé dans Douais, op. cil. Il est permis de voir Là un enseigne­ ment d’école; mais ce n’est encore qu’une entrée timide. Pour toute cette période, on consultera avec fruit: Pclau, Dogm. theol., De Deo, 1. VI, c. iv, v, vi, édit. Vivès, t. r, p. 510 sq. ;'fixeront. Hist, des dogmes, lf· édit.» t. n, p. 368; IV. Période scolastique. — La renaissance du manichéisme au xi· siècle, coïncidant avec L’organi­ sation de l’enseignement théologique, va attirer plus sérieusement l’attention des philosophes et des théo­ logiens sur la nature du mal. 1° A nant saint Thomas. — Seuls deux auteurs valent la peine d’être signalés ; saint Anselme et itupert. Saint Anselme (t 1109) a parié de la nature du mal en deux endroits de ses écrits : Dialog, de casu dia­ boli, c. xi. P. L., t. ci.viit, col. 311, et Liber de con­ ceptu virginali, c. v, col. 139 : Le mal n'existe pas comme être. De plus — etc’cst ici que saint Anselme introduit une précision dans la doctrine et la langue de saint Augustin le mal doit se définir non pas seulement privatio boni, mais plus exactement : privatio boni debiti. Il ne peut y avoir de mal que là où manque le bien qui est dû. Quant au bien ou être qui n’fcst pas dû, son absence ne peut en rien déprimer ou affaiblir la nature. Dans ce cas, le mal n’existe pas. Lib. de cone. virgin., c. v. Cette précision pouvait avoir une importance pratique et était appelée à rester dans l’enseignement. Rupert (mort abbé de Deutsch en 1155), touche éga­ lement à la question du mal, dans son court traité De voluntate Dei. P. L., t. ci.xx, col. 437-451. Si le mal est In privation du bien qui est dû, il est clair que Dieu qui créa chaque nature intègre ne peut être regardé comme l’auteur du mal. Quant au péché, il a sa source el sa racine dans les choses créées, par cela seul qu’elles sont faites de rien. Cité par l’étau, t I. p. 528. Ce qui veut dire : Dès lors que le Souverain Bien est, le mal se produit nécessairement; la priva­ tion de l’être est attachée à l'infirmité de In nature. On le volt, la doctrine de saint Augustin tendait à sc fixer dans les écoles et dans l’enseignement. Ce fut l’œuvre de saint Thomas de l’y établir à demeure. Il nous reste à voir comment il condensa, synthétisa et ordonna la doctrine que lui avaient léguée les doc­ teurs qui l’avaient précédé. Nous aurons là le mot définitif de la philosophie cl de la théologie catho­ liques sur la question, si obscure cl si angoissante par certains côtés, de la nature et de l’origine du mal. 2°. Saint Thomas. La synthèse thomiste. — Saint Thomas a traité la question du mal rx professo dans les commentaires sur les Sentences, I. 11, dist. XXXIV ctXXXV;dans la Somme théologique, Ιχ q. xlviii et xux; dans les premiers chapitres du livre 111 de la Somme contre les Gentils, et dans la question De malo, surtout q. i. Mais il y touche encore en de multiples endroits de son œuvre philosophique, el nous ne pouvons prétendre les mentionner tous. Pour permettre de sc faire une idée d’ensemble nous donnerons, en tête de chaque titre, les princi­ paux textes se référant à la question particulière examinée. Quant aux documents, utilisés par le saint docteur, il est facile de les retrouver en consul­ tant les textes, surtout ceux de la Somme. Nous ne les indiquerons pas. Les solutions seront données en suivant d’aussi près que possible les expressions mêmes du Maître. 1697 MAL, DOCTRINE SCOLASTIQUE Dans l’aperçu historique qui précède, nous avons envisagé successivement les deux questions de lu nature et de l’origine du mal. Nous les retrouverons ici, niais fondues en quelque sorte en un exposé unique que nous pouvons appeler la doctrine générale du mal. Pour saint Thomas, comme pour saint Augus­ tin, la question de l’origine est dominée entièrement par celle de In nature, et s’en déduit logiquement; elle n’est qu’un des aspects du problème — non le plus important - qui sc présente en sont crops, à sa place, et dont la solution découle des principes posés. Nous avons vu, tout au début, que le mal ne pou­ vait être que physique ou moral; physique, c’est le malum naturœ, que nous appellerons encore malum in genere: moral, c’est le mal considéré dans la créa­ ture raisonnable, ou dans l’action humaine. Nous ramènerons toute la doctrine de saint Thomas à ces deux chefs. 1. Le mal in genere. — a) sa nature. — Textes : 11 Sent., (list. XXXIV, a. 1 et 2; Sum. theol., I*, q. xi.vm. a. 1 et 3; C. Gent., 1. Ill, c. vi et vu; De main, q. j, a. 1. Solution. — ujel qui le supporte n*esl jamais tel, que le mal puisse consumer el comme épuiser totalement le bien. Malum non consumit omne bonum; autrement le mal se consumerait cl s’épuiserait totalement soimême. c. Cause du mal. — Textes : II Sent., (list. N N N IV, a. 3. in fine: Sum. theol., I*, q. xux; C. Gent,]. HI, c. x, m fine; De malo, q. i, a. 3. Solution. — a) Il est nécessaire d affirmer que tout mal a, dans une certaine mesure, une cause. » I·, q. xux, a. 1. Tout ce qui subsiste en quelque autre chose comme en son sujet doit, en effet, avoir une cause, que celle cause sc ramène aux principes du sujet lui-même ou ù quelque cause extrinsèque. Or, le mal subsiste dans le bien comme dans son sujet naturel; Il a donc nécessairement une cause. β) La cause du mal ne peut être que le bien · Lc fait d'être cause ne peut convenir qu’au bien; car rien ne peut être cause que dans la mesure où il est; et tout ce qui est, en tant que tel est un bien. » I», q. xux, a. 1. γ) Tout d’abord le bien est cause du mal, en tant (pic cause matérielle. Ceci ressort des principes pré­ cédemment posés. En ce qui concerne la cause for­ melle, on doit reconnaître que le mal n’en a pas, car il se ramène plutôt à une simple privation deforme. Il en est de même en ce (pii concerne la cause finale, car le mal est une simple privation d’ordre dans la disposition des moyens en vue de leur fin. δ) Au contraire on peut affirmer que le mal com­ porte fréquemment une cause efficiente ou par mode d’agent. c) Mais cette causalité est accidentelle : Par mode de cause efficiente, le bien n’est pas cause du mal directement ou de sol, il ne l'est qu’indirccteincnt ou accidentellement; car bien et mal sont opposés, 1699 MAL, DOCTRINE SCOLASTIQUE et un contraire ne peut être cause de son contraire que par accident.» C. Gent., L III, c. x; I*, q. xijx, a. 1. ζ) Le bien cause accidentellement le mal en cau­ sant un bien auquel adhère un mal, quelle que soit par ailleurs, la raison prochaine de celte adhérence : qu’elle soit la déficience du bien cause principale, ou le défaut de l’instrument par lequel cette cause opère, ou l'indisposition de la matière sur laquelle elle agit, ou le particularisme exelusiviste delà forme qu’elle opère; η) Autre cependant est la manière dont le mal est causé dans l’action et autre la manière dont il est causé dans l’effet. Dans l'action, « le mal est causé par le défaut de l’un quelconque des principes qui sont l’origine de cette action, soit du côté de l’agent principal, soit du côté de la cause instrumentale »; dans Vefjct, < le mal peut provenir ou de la vertu active elle-même (de la cause efficiente), s’il ne s'agit pas de l’effet propre de cette cause (c'est le parti­ cularisme exelusiviste de la forme opérée), ou du défaut de la matière. Ces principes établis, nous sommes naturellement amenés A nous poser la question de l’origine en quelque sorte « historique » du mal. Vient-il du souverain Bien ou du souverain Mal ? 0) Le mal et le souverain Bien, — La réponse appar­ tient aux articles Providence, Prédestination... Énonçons simplement le principe : La cause du mal réside toujours dans un bien, et cependant. Dieu qui est la cause première de tout bien, n’est pas la cause du mal. Le mal, effet de la cause seconde déficiente peut-être imputé A Dieu, cause première quant A ce que cet effet contu nt d’etre et de peifection mais non quant A ce qu'il contient de mauvais et de défectueux; 0 Le souverain Mal ; Y a-t-il un souverain Mal cause de tout mal ? Textes ; 11 Sent., dist. I, q. i, a. 1, ad lom; dist. XXXIV, a. 1, ad 4<«n; a. 2; Sum. theol., 1«, q. xijx, a. 3; II*-llæ, q. clxxiî, a. 6; C. Gent., I. Ill, c. χιπ. ai. 15. Solution. — Le souverain Mal n’existe pas : il n'y a pas un premier principe pour le mal, comme il y a un premier principe, pour le bien. — Les trois raisons qu’apporte saint Thomas A l’appui, découlent de la doctrine déjà exposée : Le souverain Bien, il est vrai, est bien par essence, I», q. vi, a. 2; mais il n’est pas possible que quelque chose soit mal par essence, car tout ce qui est, en tant que tel, est bien, et le mal ne peut exister que dans le bien comme dans un sujet; le mal ne peut jamais détruire totalement le bien, par suite il ne se peut pas qu’il y ait un mal qui soit totalement et Intégralement mal; tout mal ayant pour cause le bien, la raison de mal répugne a la raison de premier principe. d) Finalité du mal. — Textes : Sum. theol., I», q. xix. a. 9; q. xlviiî, a. 2; C. Gent., c. iv et vi; De malo, q. r, a. 3. Solution. — a. Le mal ne peut jamais être objet direct d'intention : · Le mal, en tant que tel, ne peut être objet d’intention, ni voulu ni désiré de quelque façon; car tout ce qui est nppétlble a raison de bien, auquel s’oppose le mal en tant que tel. · De malo, q I. a 3. Cette doctrine repose sur les deux axiomes connus : Bonum est quod omnia appetunt (Aristote, Ethic., I. i); Omnia bonum et optimum concupiscunt (Pseudo-Den , De diu. nom., c. νι). b. Mais il peut être objet indirect d’intention. Il sc pourra qu'un mal termine accidentellement l’appétit, en tant qu’il sera joint à un bien (que l’ap­ pétit désire ou peut désirer). Et ceci se remarque en chacun des trois appétits. » 1% q. XIX, a. 9. Le 1700 lion qui tue un cerf, cherche sa nourriture (donc un bien pour lui) qu’il ne peut se procurer qu'en égor­ geant cet animal. c. Partant le mal peut être volontaire, voulu, non per se, mais per accidens. C'est le cas du capitaine qui jette à l’eau les marchandises pour sauver le navire. Son intention porte sur In lin, un bien, le salut du navire; mais il veut se débarrasser des mar­ chandises, non simpliciter, mais causa salutis. Cf. C. Gent.. 1. Ill, c xi, n. 2 d. Le mal ne concourt pas per se au bien de l’uni­ vers, mais seulement per accidens. Principaux textes : I Sent., dist. XLVI, q. i, a. 2 cl 3 ; Sum. theol., I·, q. xxn, a. 2, ad2«»rn; q. χι.νιπ, a. 2. ad 2»m; C. Gent., 1. Ill, c. xxi et xciv. — Voir article Providence. 2. Le mal dans la créature raisonnable. — La créa­ ture raisonnable étant, seule parmi toutes les créa­ tures, faite pour le bonheur proprement dit, son mal, parmi tous les autres maux, mérite une considéra­ tion toute spéciale. Ce sera le mal moral. CL I·, q. xlviiî, a. 5. Le mal de la créature raisonnable est double : le mal de la coulpe et le mal de la peine. « La peine et la coulpe ne divisent pas le mal pris d’une façon pure et simple; il s’agit du mal dans les choses volon­ taires. » I», q. xi.vm, a. 5, ad 2um. d) Le mal de la coulpe. — Textes : En plus des textes qui seront signalés pour chacun des points particuliers, Sum. theol., Ia-IIæ, q. î.xxii et suivantes. a. Son sujet. — Textes : Sum. theol.. b», q. xlviiî, a. 5; P-IIæ, q. lxxii, a. 6; De Malo, q. i, a. I;q. il, a. 7; II Sent., dist. XXXV, a. 1. Solution. — Le mal de la coulpe, c’est le mal de l'action de la créature raisonnable, c'est-à-dire la faute ou le péché « qui n’est pas autre chose qu’un acte humain mauvais. Or, le fait d’être, en tant qu’actc humain, lui vient de ce qu’il est volontaire ». 1*-II®, q. lxxi, a. 6. Le sujet de la coulpe c’est donc l'opération volontaire. a) A parler en général, toute action est bonne, comme, à parier en général, tout être est bon : l’être et le bien coïncident, et l’action est êlre. Mais la nature même du bien requiert la plénitude de l’être, et toute nature créée prête à déficience : l’action créée peut donc déchoir. β) De même qu’on appelle mauvaise la chose qui manque de ce qu’elle devrait avoir, de même on appelle mauvaise l'action déchue de sa rectitude. Cf, Ι·-ΙΙ«·, q. xvm, a. 1. γ) Celte déchéance ne peut être que le fait de la volonté (voir infra : cause de la coulpe); d’où, culpa non potest esse nisi in his quu per voluntatem sunt. II Sent., (list. XXXV. a. 1. b Sa nature. - - Textes : les mêmes que plus haut, ajouter C. Gent.,I. Ill, c.ix; Sum.theol., 1·-| I®, q.LXXl. a. 6; q. lxxii, n. 1. < Solution : a) C'est l’insubordination de l’opération à la lin à laquelle elle aurait dû être subordonnée. Peccatum est in his quæ nata sunt finem consequi cum non consequuntur. Il Sent., dist. XXXV, a. 1. B) Cette insubordination prive l’acte de la mesure qu’il devrait avoir, privation qui constitue l'élément «acte mauvais». Ι·-ΙΙ®, q. lxxi, a. 6. · D’autre part, la mesure, pour toute chose, sc prend en raison d’une certaine règle qui, si elle n'est pas appliquée, fait que la chose n’a pas de mesure. » Ibid. γ) Or, il y a pour la volonté une double règle, l’une immédiate et homogène, qui est la raison humaine; l'autre qui est la première règle, et qui est la Loi éternelle, ou la raison même de Dieu. Ibid. 8) En définitive, l’insubordination atteint donc A travers la raison, le principe dernier lui-même qui impose la fin dernière. 1701 MAL, DOCTRINE SCOLASTIQUE 1702 c) Celle insubordination provient de la subordina- » pernas non comprehendunt nisi eorporaiex, vel quit lion de l’acte coupable à une fin exclusive de la fin afjlldlonem sensui ingerunt... sed etiam privatio gratiic et gloriir perrue qiurdam sunt,.. Ipsa autem tub· légitime. stractio boni increati. vel cuiuscumque alterius ab eo r. Sa cause subjective, la seule qui ^olt décisive. Tales : II Sent., dist. XXXIV, a. 3, ad 4®*; Sum. qui Indignus est, rationem perna habet. De rnalo, q. i, theol., P-IIr, q. lxxv, π. 1, in fine, cl a. 2; De malo, a. 5. c. Sa cause. — Textes : Ajouter aux textes précé­ q. I, a. 3; C. Gent., 1 III. c. x. dents : Sum. theol., I*-Il·* , q. Lxxxvn, a. 1. Solution. — C'est la volonté défaillante de celui Solution : — œ) La cause de la peine est le principe qui opère. a) Le mal de la coulpe est dans l'acte désordonné. de l'ordre violé (celui qui Impose la fin cl l’ordre Considéré du côté de l’acte, il peut avoir une cause de l’opération a la fin). Or, « il est trois ordres sous lesquels la volonté humaine se trouve contenue : par soi, connue tout autre acte; considéré du côté l'ordre de la raison, l’ordre de ceux qui gouvernent du désordre, il a une cause efficiente accidentelle, extérieurement, enfin l’ordre universel du gouverne­ (car il n'est pas simple négation, mais privation) β) Toute cause accidentelle sc ramène à une cause ment divin. Chacun de ces ordres est troublé par le par soi. Le désordre de la coulpe sort donc de la péché, car celui qui pèche agit et contre la raison, et contre la loi humaine, et contre la loi divine. Il cause mémo de l'acte γ) La cause de l'acte est la volonté. La cause du encourt donc une triple peine : l’une de la part de lui-même, c’est le remords de la conscience, désordre ou le défaut de l'acte provient donc aussi de la volonté; mais de la volonté défaillant actuel­ l’autre des hommes, la troisième de Dieu ·. b-II*. q. Lxxxvn, a. I. Mais de même que la coulpe est lement, en ce sens qu’actuellement elle ne sc soumet pas à sa règle. La coulpe résulte de cc que l'on pose en définitive, l’insubordination de l'opération au l’acte avec un tel défaut. Cf. U, q. xux, a. 1, ad principe suprême qui impose la fin dernière, de même 3um. la cause de la peine est en définitive. Dieu, principe ô) La cause du mal moral qu'est la coulpe ne doit dernier de l’ordre violé. Drus est auctor pœn , De malo, donc pas se rechercher ailleurs que dans l’agent, q. i, a. 5, sans préjudice d’ailleurs du droit de l’homme, c'est-à-dire, en dehors de la volonté insoumise à car » la peine Juste peut être infligée et par Dieu et sa règle, la raison. par l’homme ». I»-Ib, ibid. c) Parlant. Dieu n'est pas cause du mal moral : β) Le péché n'est donc pas directement la cause c'est la volonté toute seule, préalablement mise en de la peine, il l’est cependant au sens de disposition. acte par Dieu, relativement à la volition du bien en « Il est une chose que le péché cause directement, c'est général ou de tel vrai bien particulier, qui sc déter­ de constituer l’homme digne de peine. Ibid. mine à ne pas suivre sa règle, détermination en d. Son efjct. — Textes : les mêmes que plus haut. laquelle consiste la coulpe (sur la causalité divine, Solution. — a) la cause subjective du péché est la b-II»·, <|. lxxix, a. 1 et 2; cf. De malo, q. i, a. 3). volonté défaillante; la peine devra donc atteindre là. Saint Thomas étudie les causes objectives du péché, Effectivement, il est de l'essence de la peine qu'elle dont nous n’avons pas à nous occuper ici, dans la soit contraire à la volonté; elle a pour effet de con­ h-IIæ, q. Lxxv et suivantes. trarier la volonté de l’opérateur. Est de ratione porn τ b) Le mal de la peine,— Textes : Sum. theol,, I®-II», quod voluntati repugnet. De malo, q. I, a. 4; ut sit q. lxxxvii. On peut consulter aussi les deux ques­ contraria voluntati, Ι·-ΙΙ*, q. xlvi. a. 6; q. lxxxvii. tions xii et xm du Suppl, consacrées à la Satisfactio. a. 6. Difjcrt parna a culpa per hoc quod est secundum La raison de peine consiste en une sorte de revanche voluntatem et contra voluntatem esse. De malo, q. i, Juste et nécessaire prise par l’ordre que la faute .i 1 avait troublé contre le désordre qui est l’essence β) Tous les maux qui atteignent l’opérateur, lors même de la coulpe. Il suit que toute coulpe entraîne même qu’ils ne siégeraient pas dans la volonté» ne nécessairement et fatalement l’obligation ù la peine. Fnttelgncnt qu’en fonction de la volonté. « Tout cc qui est contenu sous un certain ordre forme γ) Celle opposition ou contrariété peut être une sorte de tout par rapport au principe de cet ou à la volonté actuelle, ou à la volonté simplement ordre, il suit de là (pie tout cc qui s’élève contre un habituelle, ou enfin à l’inclination naturelle de la certain ordre, doit être déprimé par cet ordre même, volonté. De malo, q. i, n. 4. — D’où : Incommoda vcl ou par le principe de cet ordre. Le péché étant un damna quit quis nesciens patitur, licet non sint contra acte désordonné, il est manifeste que quiconque voluntatem actualem sunt tamen contra voluntatem pèche agit contre un certain ordre. Par suite, il naturalem vel habitualem, ut dictum est. Ibid., ad 11»». c. Son but. — Textes : Sum. theol.,\*·\ I », q. lxxxvii. faudra qu’il soit déprimé par cet ordre (contre lequel il agit). Cette dépression est cela même qui constitue a. 1 et G; INK, q. lxi. a. 4. a) L’a te du péché rend l’homme obligé à la peine, la peine. » h-II·»· , q. lxxxvii, a. 1. a. Sujet de la peine. — Textes : S tini, theol., I», en tant qu’il constitue une transgressioon de l’ordre q. xlviii, n. 5; De malo, q. i, n. 4; de la justice divine, ordre auquel l’homme ne revient Solution. — Le mal de la coulpe consistant dans que par la réparation de la peine qui ramène l’éga­ l’opération, le sujet de la peine ne sera pas cette lité de la justice; en cc sens que celui qui a plus opération mauvaise elle-même, mais le sujet de accorde Λ sa volonté qu’il ne le devait, doit, selon l’opération, celui qui agit. Culpa est malum ipsius l’ordre de la justice divine, souffrir, de gré ou de force, quelque chose qui soit contre ce qu’il voudrait. actionis, pa na autem est malum agentis. De malo, I*-II®, q. lxxxvii, n. 6. Le but de la peine est q i, a. 4. b. Sa nature. — Textes : Les mêmes que précédem­ donc essentiellement de compenser par celte con­ trariété la contrariété dont la volonté de l’agent ment; y ajouter De malo, q. i. a. 5. Solution, — Bien que l’opération ne soit pas le s’est rendue coupable à l’egard du Principe ordon­ sujet de la peine, la depression qu'est la peine devra nateur, en se révoltant contre lui cl contre la fin cependant l’atteindre. Aussi consiste-t-elle dans la légitime imposée par lui. β) Il existe des buts accessoires de la peine, que soustraction des biens nécessaires ù l'opération : biens de l’âme, biens du corps, biens extérieurs : signale saint Thomas, ibid., ad 3um : le rétablissement Malum panic est privatio ejus quo voluntas potest uti de l’ordre de la justice viole par le péché, la gué­ quocumque modo ad bonam operationem... Multi rison des puissances de l’Amc, volonté et autres facul- 1703 MAL — MALABARES (RITES) tés que la coulpc précédente avait désordonnées; l'éloignement et la réparation du scandale causé, « les peines sont encore requises pour rétablir l’éga­ lité de la justice et pour éloigner le scandale des autres, afin qu’ils soient édifiés par la peine comme ils avaient été scandalisés par la faute ». Pour une exposition plus complète, voir articles : Péché, Pénitence, Satisfaction. V. Décisions canoniques qui ont fixé la doc­ trine, avant et APRÈS saint Thomas. — 1° Signa­ lons d’abord les symboles et les professions de foi qui affirment expressément la fol en Dieu, Créateur de tontes choses, des visibles et des invisibles : sym­ boles de Nicéc, de Constantinople, de Léon IX, Dcnzlnger-Bannwart, n. 313 ; la profession de Michel Paléologuc au concile de Lyon en 1271, n. 461 ; la profession de foi du concile de Trente, n. 994; la constitution De fide catholica du Concile du Vatican, c. i : De Deo rerum omnium creatore, n. 1782, 1783, et le canon 1 correspondant, n. 1801. 2· Toutes les formules de symboles et les condam­ nations relatives au dualisme des deux principes. Le 9· des anathèmes annexés au Libellus in modum symboli, Denziger-B., n. 29; les anathèmes 7·, 8e, 12· et 13· du concile de Braga contre les erreurs des priscillianistcs, n. 237. 238,242, 243; la profession de foi prescrite par Innocent III aux vaudois repentants, n. 421; le premier chapitre du IVe concile du La­ trari (1215), contre les albigeois et les vaudois, IL 428. < Ces diverses décisions établissent l’unité et la bonté de la cause créatrice de la nature spirituelle cl corporelle, la création sans intermédiaire de l’une et de l’autre, la bonté naturelle originelle des anges, des âmes humaines, des choses corporelles et du démon lui-même, qui s’est rendu mauvais par sa faute. » .Art. Bien, t. n, col. 835. 836. 3° La bulle Cantate Domino (4 février 1441) pour les Jacobites, où Eugène IV condamne les mani­ chéens et leur doctrine des deux principes. DenzigerB.. n. 707. - Elle définit comme profession de foi de l'Église catholique : 1) que Dieu a créé toutes les créatures, spirituelles et corporelles, par pure bonté : qui quando voluit, bonitate sua, universas tam spirituâtes quam corporales condidit creaturas; — 2) que les créatures sont bonnes, étant l’œuvre du souverain Bien, bonas quidem, quia de nihilo /actœ sunt; mais déficientes, parce que tirées du néant, sed mutabiles quia de nihilo facite sunt , — 3) que le mal n’a pas de nature, vu que toute nature, en tant que nature, est bonne, nullamque mali asserit esse naturam, quia omnis natura, in quantum natura est, bona est ; — 4) que le Dieu de l’Ancien Testament et celui du Nouveau sont un seul et même Dieu, auteur de la Loi et de l’Evangile, Unum atque cumdcm Deum Veteris et Sovi Testamenti, hoc est Legis et Prophe­ tarum atque Euangelii pro/itetur auctorem. — DenzigcrI annwarl, n. 706. VI. Conclusion. — En arrêtant cette étude à saint Thomas, nous ne voulons pas signifier que la pensée humaine soit restée, depuis lors, indifférente à la question du mal. Le problème qu’elle pose est trop angoissant pour qu’il soit possible de s’en désin­ téresser. La philosophie scolastique cependant, et la théologie catholique avec elle, ont cru trouver dans la synthèse thomiste un corps de doctrine suffisamment solide et complet et n’ont pas voulu s’en écarter. Les siècles qui ont suivi n’ont rien appor­ té qui mérite une mention particulière. Signalons simplement, en ces dernières années, quelques études d’ensemble sur le mal : J. de Bonniot.S. J., Le pro­ blème du mat, Paris 1888; Xavier Moisant, Le pro­ blème du mal, Paris, 1907; et, chez les protestants, 1704 E. Naville, Le problème du mal, Paris, 2· édit., 18G9. — Ces auteurs sc placent Λ un point de vue quelque peu différent du nôtre. Quant aux philosophes étrangers à l’influence de l’Ecole, il serait trop long d’indiquer tous ceux qui sc sont essayés à la solution de l’énigme posée par la coexistence, dans le monde, du bien et du mal. L’étude de M. E. Lasbax, Le problème du mal, Paris, Alcan, 1919, donnera une vue d’ensemble des grands systèmes modernes cl contemporains. L’on remar­ quera la conclusion à laquelle aboutit l’auteur; l’origine qu’elle assigne au mal n’est pas très éloignée de celle que nous lui avons assignée nous-mêine à la suite de saint Augustin et de saint Thomas : < Ce n’est pas, écrit AL Lasbax, à une sorte de mani­ chéisme déguisé que nous aboutissons, c’est-à-dire â une interprétation plus ou moins grossière du dua­ lisme radical où les deux Principes, placés sur le même plan, auraient même degré de réalité. Des deux principes, un seul possède à proprement parler l’existence, puisqu’il est l’expression intégrale de la Vie, et que dès lors Lout ce qui au monde possède de réalité ou d’être ne saurait procéder que de lui; l’autre consiste simplement en une volonté de haine et de mort, infini négatif si l’on veut, dans le sens où négatif implique un néant de nie, et par suite d’exis­ tence. Mais il ne saurait, par cela même, constituer en dehors des êtres créés, un Principe réel, effective­ ment réalise en soi. » Qu’on ramène cette « volonté de haine et de mort » aux limites de la simple priva­ tion, cl nous pourrons souscrire aux conclusions de AL E. Lasbax. E. AIasson. MALABARES (Rites). — On désigne sous ce nom un ensemble de pratiques qui sc sont introduites au cours du xvn· siècle dans les missions catholiques du sud de l’Hindoustan. Propagées- par de zélés missionnaires, ou tolérées par eux dans le très louable dessein d*< accommoder » la vie chrétienne aux mœurs d’un pays tout différent des nôtres, ces pratiques n’ont pas lardé à éveiller des scrupules chez d’autres ouvriers évangéliques, et parmi ceux-là mêmes qui en usaient. Plusieurs d’entre elles n’étaient-elles pas entachées de superstition ? Dans les missions des débats s'élevèrent, où Borne dut bientôt intervenir. Une série de décisions pontificales parurent. Elles précisaient quels étaient parmi les rites malabam ceux qu'il fallait incontinent supprimer, ceux que l’on pouvait tolérer provisoirement, quitte à prendre des moyens efficaces pour les faire peu à peu dispa­ raître, quitte surtout à lutter contre l’esprit qui les avait fait naître. La bulle de Benoit XIV, Omnium sollicitudinum, le dernier en date de ces actes ponti­ ficaux solennels, règle aujourd’hui encore la rie religieuse des missions de l’Inde, et son application n'a pas laissé de soulever, jusque dans la seconde moitié du xix· siècle, un certain nombre de contro­ verses. — Par ce que l'on vient de dire, il est aise de voir la parenté qui unit ces disputes, théoriques et pratiques, à celles qui furent soulevées autour des rites chinois. Voir t.n, col. 2364 sq. Elles intéressent le théologien moraliste tout autant que l'historien; on les exposera Ici en suivant l’ordre chronologique et en marquant avec précision, au besoin à l’aide d’un bref commentaire, les décisions pontificales qui ont entendu les dirimor. Systématiquement, on évi­ tera tout ce qui pourrait être polémique; il n’y a aucun intérêt à enveminer à nouveau des querelles désormais éteintes. De Phistoire même on ne donnera que l’essentiel, ce qui est Indispensable pour com­ prendre les documents pontificaux. I. Le Père de Nobili et l’accommodation. Pre­ mière Intervention pontificale. IL La querelle des 1705 MALABARES (RITES), INITIATIVES DE NOBILI rites (col. 1719). III. Derniers échos de la querelle des rites au xix· siècle (col. 1737). I. Le Père ni. Nomu ητ l’accommodation. pHLMliiHi: INTERVENTION ΙΌΝ ΤΙ II CA LE.— G'CSt Ù UU missionnaire jésuite, le P. Bobert de Nobili, que l’on fait remonter l’idée ingénieuse d’une accommodation aussi large que possible de la pratique chrétienne aux habitudes de l’Inde. Nobili, du moins, en posa claire­ ment le principe, s’efforça de le Justifier, en déduisit les principales applications. Mais plusieurs de ces applications mêmes soulevèrent dès l’abord un débat, qui, porté â Home, ne reçut pas à ce moment de solu­ tion définitive. La bulle de Grégoire XV, /(ornante sedis antistes maintint, si l’on peut dire, une sorte de statu quo, favorable au développement des missions. !· Robert de Nobili et la première mission du Maduré. — En mal 1605, débarquait a Goa un jeune jésuite, italien d’origine et de noble famille. Né en 1577 à Montepulciano (Toscane), entré au noviciat en 1597, il avait, après de brillantes éludes au Col­ lège romain demandé avec instances la mission des Indes. Λ peine arrivé à Goa, il est envoyé au collège de Cochin, pour sc mettre au courant de la langue du pays; après un court séjour à la Côte de la Pêcherie, théâtre des premiers exploits de François-Xavier, le jeune missionnaire est envoyé dans la ville de Maduré, à l'intérieur des terres, capitale d’un petit royaume, placé comme les royaumes voisins du Tanjorc et du Carnate sous la suzeraineté médiale du Mogol. Ainsi, abandonnant les côtes plus ou moins européanisées, Nobili allait entrer en contact avec des populations encore vierges et pourrait méditer à loisir sur les causes qui, auprès d’elles, rendaient Λ peu près stérile l’apostolat chrétien. 1. Difficultés présentées par la conversion des Hin­ dous. — L'opposition était manifeste, en effet, entre les résultats qu’un siècle d’évangélisation avait pro­ duits sur la côte et l’échec lamentable auquel semblait vouée à l’intérieur toute action évangélique. — Si l’on fait abstraction des missions catholiques qui, au début du xiv· siècle, s’étalent établies dans l’Inde, mais n’avaient eu qu’une existence éphémère, l’on peut dire que l’évangélisation du pays a commencé en 1198. C’est l’année où Vasco de Gaina, ayant doublé le cap de Bonne-Espérance, arrive à Calicut, capitale du Malabare. Il est accompagné du trlnitairc Pedro de Cavelham; dès 1500, abordent des prêtres séculiers et des franciscains; en 1503, les dominicains s’établissent ù Cochin, en 1510, à Goa, étendant bientôt leurs œuvres à Bombay, Madras, Ceylan, Méliapourc. En 1531, le pape Paul III crée l’arche­ vêché de Goa, qui aura plus tard trois évêchés sut· fraganls, Cochin (1557), Cran gan ore (1600) Méliapourc (1606) et nlffrmc le droit de « Patronat > de Sa Majesté Très Fidèle, le roi de Portugal, sur toutes les chré­ tientés des Indes Orientales. De Surate au cap Como­ rin, du, cap Comorin aux bouches du Gange, la côte voit se développer des missions assez serrées à partir de Goa sur le rivage occidental, plus clairsemées à l’Orient. L'arrivée des jésuites, en 1511, avec saint François Xavier, donne une nouvelle et puissante impulsion ù l’œuvre évangélique. C’est par dizaine de milliers (pie sc comptent les baptêmes d’adultes administrés parle grand apôtre des Indes. L'apostolat de Xavier prépare le terrain, où d’autres pourront travailler à loisir. Sur la Côte de la Pêcherie se fonde une chrétienté stable qui comptera, vers 1600, qua­ rante-cinq mille fidèles. Or. quand il sc transporte ù quelque vingt-cinq lieues à l’intérieur, dans la ville de Maduré, le P. Nobili constate qu’il est presque impossible de gagner un prosélyte. Un Espagnol de scs confrères, le P. Gonzalvc Fernandez, installé dans la ville depuis quelque 1706 temps, groupe péniblement autour de sa petite cha­ pelle un petit troupeau de chrétiens. Ce sont tous gens baptisés sur la côte, et que le trafic amène â Maduré. Isolé au milieu d’une population qui le repousse et le méprise, le P. Fernandez ne peut faire de recrues. Λ quoi peut tenir cet insuccès notoire ? Tout simplement ù la différence des conditions où s’exerce l'apostolat. Sur la côte, le prestige portu­ gais ajoute un argument de valeur â ceux dont dispose le missionnaire, la perspective d'avantages matériels accordés aux convertis, la crainte de sérieux désagréments réservés aux récalcitrants, les mesures violentes prises contre les cultes idolâtres ont été pour beaucoup dans un certain nombre de conversions : le competle intrare est un argument auquel ne résiste guère un peuple habitué depuis des siècles a subir des Jougs successifs. D'ailleurs, â y regarder de près, dans quelles classes de la population les conversions sc sont-elles faites ? A coup sûr ce n’est pas chez les brahmes, dans cette caste supérieure dépositaire des doctrines et des règles traditionnelles, éducalricenéc des Hindous, investie de temps immémorial d’une sorte de sacerdoce. Ce n’est pas, en général, dans les castes inférieures à celles des brahmes, ksatrias (ou guerriers), veissias (ou commerçants); la caste même des soudras (on écrit aussi chou très), qui, à cette époque, comporte surtout des personnes de condition senile, est ù peine entamée. C'est sur­ tout parmi les parias et parmi les gens sans caste que le christianisme s’est répandu; et celte propagation même semble automatiquement limiter aux classes les plus infimes de la population les bienfaits de de l'enseignement chrétien. Car, étant données les lois minutieuses qui régissent les rapports des castes, le contact obligatoire qu’entretient le missionnaire catholique avec le paria converti l’empêche, de manière â peu près absolue, de fréquenter les autres castes. Un choutrc même sc croit déshonoré s’il a contact avec le paria ou celui qui fréquente le paria; s’il est obligé de subir ce contact, il devra laver la faute ainsi commise par diverses purifica­ tions; s’il persiste en cette fréquentation, il peut s’exposer aux pénalités les plus sévères créées par le régime de l’Inde, finalement à la plus grave de toutes, l'exclusion de la caste. On voit dès lors a quel obstacle presque invincible sc heurte l’évangélisa­ tion d’un peuple ainsi constitué. Sur la côte, la diffi­ culté s’est peu à peu atténuée par la coutume qu’ont prise bien vite les missionnaires portugais de dena tionaliscr les convertis. Ceux qui se sont rangés au christianisme ont dû adopter le costume, la coiflure. la manière de vivre des Européens, des Pranguis (corruption du mot Franc, qui dans tout le Lésant désignait depuis longtemps les occidentaux). H en est résulté dans les possessions portugaises l’etablis­ sement de trois classes de population : les Européens» les Indiens plus ou moins européanisés (désignés encore aujourd’hui sous le nom de topas), chrétiens au moins par le baptême, enfin les indigènes purs, de plus en plus impénétrables au christianisme. Que si l’on pénètre Λ l’intérieur des terres, on sc trouvera exclusivement en présence des indigènes purs; l'existence de topas y est pratiquement impos­ sible. Or, ces indigènes seront tenus ù l’écart du mis­ sionnaire, et par les préjuges de caste et par ceux qui sévissent contre les Européens, les Pranguis. Tout éloignés qu’ils soient des possessions portugaises, ils ne sont pas sans avoir entendu parler de ce qui se passe sur la côte; ils savent que les Pranguis se sont ravalés, par leur contact avec les parias, au niveau de cette classe méprisée, au niveau des gens sans caste. Bien, au point de vue du régime des castes, ne peut laver les Européens de celte souillure indélébile» 1707 MALABABES (BITES), Pour de longs siècles. Portugais, Européens, Pranguis. ce sera tout un; et ces gens-là sont des parias; ne mangent-ils pas, comme ceux-ci, la viande dc bœuf ou dc vache; ne vont-ils pas jusqu'à tuer bœufs ct vaches, les animaux sacrés, acte audacieux qui, dans l’intérieur, coûterait la vie à quiconque l’at­ tenterait ? Qu’on ajoute à ccs préjugés, les rancunes nationales, le souvenir, malheureusement trop exact, des cruautés inséparables de toute colonisation, et l'on comprendra la barrière presque infranchissable qui sc dresse entre le missionnaire ct les gens de caste. A coup sûr il pourra peut-être réussir auprès des parias, en s’y prenant convenablement, mais ce succès même sera le plus réel empêchement à toute péné­ tration dans les zones supérieures. 2 La pratique de « l'accommodation — Telles étaient les réflexions qui, dès le début dc son séjour à Madurc, frappèrent Nobili. Le christianisme ne forcerait rentrée de l’Inde qu’en quittant son allure européenne, qu’en s’accommodant aux usages, aux Idées, aux préjugés même du pays. Le jour où, malgré sa couleur qui le désigne d’abord comme iTangui, le missionnaire saura montrer qu’il connaît ct respecte les* usages -, les · rites ·, il ne sera pas loin de conqué­ rir droit de cité; cc jour-là aussi la conquête chrétienne aura fait un grand pas. Mais les usages sont affaires de caste. A quelle caste sc rallier ? Il n’y a pas à hésiter, pense Nobili. Le brahmanisme, religion do toute l’Inde a fait,comme dc juste, à la caste des brahmes une situation pri­ vilégiée. Un brahme, en prenant les précautions rituelles pour éviter les souillures, peut avoir accès auprès dc toutes les autres castes, les parias exceptés. Il faut que le missionnaire se fasse passer pour brahme, qu’il se conforme très strictement à tous les usages de la caste. Et s’il est dans la caste même telle situa­ tion particulièrement honorée, il faut que le mission­ naire l’embrasse. Or. entre les diverses conditions où peut vivre un brahme, il en est une qui vaut, à qui s’y rallie, la plus grande vénération, c’est celle fie saniassy. Pénitent volontairement consacré au -célibat par de véritables vœux, s'imposant au point de vue alimentaire toutes sortes de restrictions, vivant dans la prière, la méditation et la retraite, distingué par un costume spécial, le saniassy est, en quelque sorte, le religieux mendiant du brahma­ nisme. C’est en s’imposant le genre dc vie, d’ailleurs très pénible, supposé par cette profession, que le missionnaire a le plus dc chances de s’imposer à l’attention ct au respect non seulement des brahmes, mais des autres castes. Il n’y a donc pas à hésiter, Nobili sera saniassy. C’est en celte cpunlitc qu’il se présente à l’univer­ sité brahmanique installée à Maduré, après avoir rompu tout contact avec son ancien compagnon, le P. G. Hernandez, après s’être efforcé dc brouiller le plus possible, toutes les traces dc son passage. Il est, dit-il, un rajah romain, venu de lointaines réglons, pour faire pénitence dans l’Inde ct pour s’initier à la langue, à la littérature, aux usages de pays. N’était le teint trop pâle dc son visage, on pour­ rait le prendre pour un véritable saniassy; il en a tout l’accoutrement, depuis les socques dc bois Jus­ qu'au turban et (il faut l'ajouter dès maintenant) jusqu’aux signes tracés sur le Iront avec un mélange dc cendres dc bouse de vache cl de santal. Il porte «enfin le cordon rituel qui est censé marquer son Inili ition à la caste brahmanique. — Doué d’une remar­ quable facilité pour les langues. Nobili a tôt fait non seulement de se rendre maître du parler vulgaire, mais dc s’assimiler l’ancienne littérature hindoue dont les brahmes se réservent jalousement la science; /ii étonnera bientôt ses interlocuteurs par l'à-propos INITIATIVES DE NOBILI 1708 dc ses citations ct l'ampleur de scs connaissance*. Mais, au début, il affecte plutôt dc vivre en une sorte de retraite, ne consentant qu’avec peine à recevoir des visites, s’enveloppant d’un mystère bien propre à piquer la curiosité. Le serviteur dc caste brahma­ nique qu’il a réussi à s’attacher, et qui lui sert eu même temps de précepteur, s’entend à merveille a (aire connaître, avec la plus mystérieuse indiscré­ tion. et le genre dc vie ct les occupations dc son maître. Celte tactique réussit. Au bout de quelque temps, quelques conversions se produisirent; la pre­ mière fut celle d’un gourou (maître spirituel ou direc­ teur dc conscience); elle en entraîna quelques autres, pour l’ordinaire parmi des gens de haute naissance ct de grande capacité. On notera que les lettres dc Nobili donnent rarement des chiffres précis. Les Lettres annuelles dc la mission signalent 10 baptêmes en 1607, 53 en 1609, 8 en 1610 avec 18 apostasies et 9 retours; c’est seulement en 1629 que l’on constate un vrai mouvement. Les brahmes vinrent plus difïicilcmcnt, et il ne semble pas (pie le nombre des recrues faites dans cette caste ait jamais été consi­ dérable. Quand on lit attentivement les lettres dc Nobili et celles des missionnaires qui lui ont succédé, on s’aperçoit vite que les brahmes chrétiens sont en tout petit nombre. En 16*1*1, quand la mission aura atteint le chiffre de près de 4 000 chrétiens, les brahmes ne figureront dans cc total que pour 26, contre 1 300 personnes de castes. Cf. Lettres édifiante, t. vi, p. 200. On n’est pas très au clair sur la manière dont Nobili se comporta à l’égard de scs premiers convertis. Observa-t-il dans l’administration du baptême toutes les cérémonies du rituel, y compris l’imposition du sel, les Insufflations et le rite de ΓΕfleta qui devaient produire chez les gens dc caste les plus grandes répugnances, nous ne pouvons le dire. On sait qu’en Chine les missionnaires jésuites avaient pris sur cc point certaines libertés; Nobili, qui n’était pas sans quelque connaissance des rites chinois, aura pu sup­ primer, ou tout au moins atténuer, certaines prescrip­ tions du rituel. Par ailleurs, un concile de Diamper, en 1599, légiférant pour les Syro-Malabars, avait ac­ cepté certaines tolérances qui subsistaient depuis long­ temps. Cf. Mansi, ConciL, t. xxxv, col. 1 38, 1339. Plus important serait-il de déterminer d’une ma­ nière exacte quelles furent les concessions faites par Nobili aux usages des castes. Il semble que, sur cc point, il ait eu quelque hésitation. Mais à en juger par la conduite de Nobili lui-même ct parles discus­ sions qui ne vont pas tarder à surgir, on peut penser que le missionnaire s’est montré à l’égard de ses néo­ phytes d’une assez large tolérance, comme on l’était à l’ouest des Ghates pour les Syro-Malabars. Les pre­ miers chrétiens de caste continuèrent done, comme par le passé, à porter, s’ils étaient brahmes, le cordon distinctif, à pratiquer les ablutions en usage dans les castes, à s’orner le front des cendres symboliques, etc. Des précautions fort sérieuses étaient prises pour christianiser ces usages. Mais, pour l’extérieur, les néophytes s’efforçaient de se distinguer le. moins possible des membres de leur caste. A condition que soient observé les « usages », l’Indien est relativement tolérant: l'élasticité de la doctrine brahmanique lui permet de recevoir sans peine les concepts les plus divers, les plus contradictoires. In point, d’ailleurs, était acquis. Le christianisme, moyennant certaines précautions, moyennant surtout des concessions au principes des castes, pouvait forcer la barrière qui jusque-là s’élevait entre lui et les Indiens. 2® Principes directeurs dc NobiU. Il ne faudrait pas s’imaginer Nobili parlant à la conquête des haute* castes avec un plan tout fait et des principes défini- 1709 MALABARES (RITES), INITIATIVES BE NOBILI livement arrêtés. Esprit très souple, très curieux, très observateur, il a pris d'abord conseil dc l’expé­ rience, sans vouloir mettre .sur pied un système. Sur plusieurs points, il a varié, ne serait-ce que sur la question du port, pour lui-même, du cordon brahma­ nique. Voir Bertrand, Lu mission du Maduré, t. n, p. 110. Ι/étude du passé, l'observation du présent lui ont inspiré plusieurs fois des changements. En particulier il a dû, pour sc livrer à un apostolat plus efficace, renoncer à partir d’un certain moment au genre de vie des saniassis Du jour pourtant ou scs méthodes d'apostolat seront contestées, il va être amené à présenter sous forme de théorie ou de système ses vues relatives au meilleur mode d’évan­ gélisation de. l’Inde. Il vu sans dire qu'avant de sc concrétiser sous la forme du Mémoire dont nous allons parler, les principes généraux du système s'étalent plus ou moins consciemment élaborés dans l’esprit du missionnaire. En réponse à diverses accusations sur l’histoire desquelles nous aurons à revenir. Nobili envoya a Borne un Mémoire justificatif. Celui-ci n'est malheu­ reusement pas publié au complet ct dans l'original latin. L’essentiel se trouve, avec des coupures, dans la traduction française donnée par J. Bertrand. La mission du Maduré,U IL P· 151 sq.:qu< lqu< s fragments du latin dans P. Dahmen, Un jésuite brahme, p. 43. On a conjecturé, non sans raison, que Nobili avait déjà lu, quand il le composa, l'ouvrage dc Mathieu Ricci, qui avait fixé en Chine, depuis quelques années, la doctrine dc « l’accommodation ». Inspirés par des circonstances analogues, les deux écrits ont en tout cas un air de parenté. Celui de Nobili par sa vigueur dialectique fait dès l'abord une profonde impression. 1. Le point de départ est excellent : christianiser cc n'est pas européaniser; le plus grave ennemi dc l'apostolat chrétien, c’est la tendance si naturelle au missionnaire dc ne concevoir le christianisme que sous la forme qu’il a revêtue dans son pays d’origine, dc vouloir dès lors imposer à d’autres contrées toutes les habitudes de l’Europe chrétienne cl dc rejeter toutes les coutumes indigènes qui ne s’y peuvent raccorder. De ccs coutumes, au contraire, le veritable apôtre devra, pour réussir dans sa tâche, conserver tout l’essentiel. Il ne s’agit pas de faire du néophyte indigène un individu isolé dans son monde, incapable d’y exercer aucune action, en marge dc la vie sociale. H ne faut couper aucune des racines qui unissent profondément le converti à la société d’où il sort. — Mais cette société est toute païenne. Ne risque-t-on pas en laissant le néophyte pratiquer, comme avant son baptême, tous les usages dc son monde de l’ex­ poser à la superstition ? Son christianisme ne risquel il pas de devenir un amalgame où sc retrouveront, à doses plus moins variables, les idées et les coutumes du paganisme voisinant avec les doctrines cl les pratiques chrétiennes ? 2. Distinctions ct précisions. — Il est trop évident que dc toutes les habitudes anciennes on ne peut permettre la conservation. Il en est qui, de toute nécessité, doivent être supprimées; d’autres qu’il sera peut-être possible dc maintenir. Pour celte discri­ mination, on se réglera par le principe sui\ ant : Ne rien interdire aux néophytes qui ne soit certainement défendu; ne rien leur imposer qui ne soit certainement exigé. — Cela posé, on établira la fameuse distinction entre . Voir dans les Lettres édifiantes, t. vi, p. 23-80 : la lettre est du P. Martin, un des jésuites français de Pondichéry, lequel n’a pas encore mis le pied dans l’intérieur (1699). De rudes combats pourtant so préparaient qui allaient amener dans les pratiques jusque-là suivies au Maduré des modifications considéra­ bles II La querelle des rites.— Les premières diffi­ cultés faites à Nobili lui étaient venues de confrères; dans les dernières années du xvn· siècle, des questions personnelles vont amener des religieux d’un autre ordre à regarder d’un peu plus près ce qui sc passe au Maduré. A des yeux prévenus, les pratiques de l’accommodation vont révéler de graves abus, qui seront signalés à Rome. Le Saint-Siège envoie sur place un délégué apostolique, chargé de porter en pleine connaissance de cause un jugement équitable. Mais la sentence de Tournon est contestée ct tenue pour non-avenue. Des discussions s'engagent où Rome est obligée d’intervenir à plusieurs reprises; finalement Benoit XIV mettra dans sa décision tant de netteté ct un si péremptoire appel à l’obéis­ sance que tout le monde s’inclinera. Tels sont les événements auxquels on a donné le nom de querelle des rites matabarcs. 1· Dénonciations ά Home et légation de Tournon. — 1. Discussions entre jésuites et capucins. — Il n’entre pas dans notre plan d’étudier par le détail les circons­ tances qui amenèrent les capucins français de Pondi­ chéry, à signaler à Rome les abus, prétendus ou réels, dont les missions Jésuites du Maduré étaient le théâtre. Les capucins étalent arrivés à Pondichéry vers 1610, ct, depuis cette époque, ils donnaient leur soin tant à la population blanche qu’aux Indigènes. Arrivés dans la même ville en 1688, les jésuites avaient d’abord exercé leur ministère dans l’église des capucins ct avec leur agrément, Finalement, vers 1693, ils obtinrent de l’évêque de San-Thomé (Méllapourc) la cure des Malabarcs, en d autres termes le soin de la population Indigène, les capucins ne gardant que la ville blanche. Cette division de Juridiction (qui s’eit d’ailleurs perpétuée sous une autre forme jusqu’au dernier tiers du xix* siècle), amena, comme il est assez naturel, des tiraillements entre les deux ordres religieux. C’était le moment où les jésuites 1720 français projetaient de fonder dans l'arrière-pays (royaume du Carnate) une mission conçue sur le type de celle du Maduré. Il est inévitable qu’on ait beaucoup parlé à Pondichéry des anciens succès de Nobili, des grands espoirs quo l’on fondait sur la mise en œuvre de scs idées. Les Lettres édifiantes, qui débutent justement à celte époque, sont pleines d’enthousiasme pour la méthode d’accommodation, d’un dédain mal dissimulé pour les vieux errements des missionnaires de la côte. Plusieurs jésuites fran­ çais s'en allèrent au Maduré pour étudier sur place l’apostolat qui s’y pratiquait. On les voit très bien rentrant à Pondichéry ct ne ménageant pas les critiques à leurs frères rivaux. Un jour devait venir où ceux-ci, piqués au vif, voudraient sc rendre un compte exact des pratiques de l'accommodation. Celles-ci, forcément, allaient refluer de l'intérieur vers la côte; ce n’était plus seulement par ouï-dire qu’on en pourrait juger. Insuffisamment renseignés peut-être, vivant en des milieux où la raison d'être des pratiques apparaissait moins clairement, les capucins se scandalisèrent. La constitution de Gré­ goire XV ne semble leur avoir été connue qu’assez tard; quand ils l'eurent en main, ils ne purent s'em­ pêcher de penser que la bonne foi du Saint-Siège avait été surprise. Des rapports partirent pour Rome, récriminant sans beaucoup de justice sur les conces­ sions provisoires qui avaient été faites, en signalant les dangers, insistant enfin sur le fait que l’esprit de la constitution n'était pas respecté. Finalement, un des pères fut, en 1703, envoyé à Rome pour y poser la question en toute netteté. Au moment où il y arrivait, Mgr de Tournon, patriarche d’Antioche, venait de partir chargé par le Saint-Siège d'une inspection dans les Indes orientales ct la Chine. 2. Légation de Tournon. — Le patriarche d’An­ tioche, Mgr de Tournon, qui sera plus tard élevé au cardinalat, n’avait pas pour mission principale de s'occuper de l’Inde. La querelle des rites chinois, bien autrement grave, préoccupait surtout le SaintSiège. Toutefois, légat a latere, muni de pleins pou­ voirs, Tournon avait été prié de voir, en passant, aux affaires de l’Inde. 11 jouissait, pour les trancher, des facultés les plus étendues, de celle, en particulier, de modérer ou de révoquer les privilèges de quelque nature qu’ils fussent, jadis accordés par le SaintSiège. Texte de ces pouvoirs dans Platel, Mémoires, t. i, p. 82-102. Parti de Rome en février 1703, le légat arrivait à Pondichéry le 6 novembre de la môme année; il y séjournerait jusqu'en juillet 1701, où il s'embarquerait pour la Chine. Ce séjour de huit mois fut fertile en incidents divers ct en conflits de Juridiction sur lesquels nous n'avons pas à insister. Notons seulement que l'évêque de San-Thomé, Alvarez, S. J., prévenu par le P. Général, ne suivit pas l'archevêque de Goa dans son refus d'obéir au légat, ct, par circulaire, ordonna de le reconnaître. Celui-ci, d’ailleurs, à Pondichéry, alla loger chez les jésuites. La querelle des rites se greffait sur les conflits de juridiction. Tournon fit son enquête, du mieux qu’il put, mais en d’assez mauvaises conditions. Retenu nu lit par la maladie, il lui fut impossible de rien voir par scs yeux: il fil surtout causer les pères jésuites qui l’approchaient, et spécialement les PP. Bouchet ct Bartold; il obtint d’eux des rengeignements qui le surprirent; par ailleurs, il interro­ gea des Indiens qu'on lui avait amenés : en recueillant les divers témoignages, il se fit une conviction. L’enquête, sans aucun doute, aurait gagné à être contradictoire. Quoi qu’il en soit, le 23 juin 17(M. 11 signait un décret qu'il publiera quinze jours plus tard. Comme ce décret, après bien des débats, a i l I i | i 1721 MAJ,AB ARES (BITES), DÉCRET DE TOURNON été confirme pour l'essentiel pur Benoît XIV, il est indispensable d’en donner le détail. 3. Le décret de Tournon, 1701. — Le décret vise expressément les missions du Maduré, du Muïssour ct du Carnate, évangélisées par les jésuites portugais et français. a) Administration des sacrements. - I.cs premiers alinéas regardent l'administration des sacrements et d’abord celle du baptême : Défense d’omettre en le conférant l'imposition du sel, le rite de VEffeta, ct les insufflations; l’usage de ces sacramcntaux devra être repris, ct en public : omnia palam adhi­ beantur ; cette ordonnance s’observera nonobstant le décret de l'inquisition de 1656 qui fut fait pour la Chine ct pour des raisons différentes. On donnera aux néophytes des noms de saints inscrits au martyro­ loge, à l’exclusion de tout nom, soit d’idoles, soit de pénitents païens. En passant, Tournon fait la remarque qu’il faut traduire avec précaution les noms de saints, de la croix, des choses saintes, de manière que la traduction hindoue réponde exacte­ ment aux mots latins : ce passage a été obscurci plus tard par les discussions, mais il paraît clair; il ne signifie nullement que l’on doive maintenir les noms en question sous une forme latine : Nec liceat crucis, sanctorum et rerum sacrarum nomina per translata immutare, nec ea alio idiomate explicare, nisi latino, vel saltem indico, quatenus voces indicte regionis latina significationi liquido et adamussim respondeant. On se rappellera l'importance qu’avait prise en Chine la question des noms à donner à Dieu; cette difficulté était moins grave aux Indes. Reve­ nant au baptême, le légat insistait pour qu’il fût conféré aux enfants le plus tôt possible, nonobs­ tant les répugnances (pic les indigènes chrétiens sem­ blaient avoir pour les baptêmes prématurés. Les dispositions suivantes visaient le mariage; et d’abord le légat interdisait formellement les mariages contractés entre impubères, par consen­ tement des parents et par l'imposition au cou de l’épouse du laly. Ces mariages prématurés sont encore fréquents aujourd’hui dans l’Inde; il faut ajouter d'ailleurs que la petite épouse reste chez scs parents jusqu’à l’ûgc de la puberté. Le décret du légat interdit en tout cas la cohabitation des jeunes époux : donec completa legitima n tate ct explorato eorum con­ sensu in faciem Ecclesia'... verum ct canonicum matri­ monium contraxerint. - L'imposition du tahj ou joyau nuptial (correspondant en somme à notre alliance de mariage) est très minutieusement réglementée. Ce joyau, pendu au cou de l’épouse par le mari dans la cérémonie du mariage, représente fréquem­ ment, dans les usages hindous, une figure obscène, stylisée mais reconnaissable. Il est indécent, dit le légat, (pie des chrétiennes portent cet impur orne­ ment; elles pourront user de quelque joyau repré­ sentant, soit la croix, soit une image de Jésus-Christ ou de la Vierge; elles éviteront dans la composition du cordon qui le soutient tout ce qui sent la supers­ tition : nombre des fils, teinture avec du safran. C’est surtout dans les cérémonies du mariage que sc mêlent le plus de superstitions; il faudrait pouvoir les interdire totalement. Que les missionnaires, du moins, se livrent à leur sujet à un examen plus exact et proscrivent de ces rites tout ce qui est supersti­ tieux. · Outre les abus qui ont déjà été réformés sur cette matière, comme nous l’avons appris, nous ordonnons de supprimer l’usage d’un certain rameau de V Aresciomara, de faire changer le nombre et la qualité de certains mets, la forme des vases où on les porle; qu'on supprime aussi les couronnes que l’on met sur la tête des mariés pour chasser les malé­ fices. > Le légat demandait aussi hi suppression de 1722 la divination par la rupture d’une noix de coco, qui servait à prédire l’avenir du nouveau ménage. Tout au moins, si l’on ne peut supprimer cette pratique, qu’on la laisse s'accomplir seulement en secret : non publice sed secreto el extra solemnitatem aperiatur (fructus) ab iis qui euangelica luce edocti ab hujusmo
  • contenues, était voue à l’indignation du Dieu tout-puissant el des bienheu­ toute la mission les parias cl les hautes castes for­ reux apôtres Pierre et Paul. Texte de la bulle dans mèrent deux églises complètement distinctes, sépa­ llenedicii XIV Jfiillarium. Prati, t. i, 1815. p. 121- rément administrées par leurs pasteurs, qui n’avaient 115; nous avons conservé la division en paragraphes entre eux aucuns rapports visibles et avoués; or, de celte édition; la division donnée dans le texte pour les Indiens, deux églises équivalaient à deux religions distinctes. On affaiblissait donc par ce fait édité par le Jus pontificium, part. I. t. m, p.< 166-182. dans les esprits le principe fondamental de l’unité ne correspond pas à celle-là. 1° Mise à exécution des décrets du Saint-Siège. — de la religion .. Une autre conséquence non moins fâcheuse de celle mesure, c'est qu’elle semblait Ainsi, après quarante ans de lutte, on en revenait imaginée tout exprès pour confirmer les hautes sensiblement au point où l’on en était après le décret de Tournon; tant de débats n’avaient guère servi castes dans leur orgueil el dans l'idée de leur excel- 1735 MALABARES (RITES), E? ÉCUTION DES DÉCRETS lencc et de la bassesse des parias. Kite rétablissait ainsi dans toute sa force celte répulsion des diverses castes, que les missionnaires s’efforçaient de détruire insensiblement par l’esprit du christianisme. On vit, en effet, de nobles Indiens tressaillir de joie à la lec­ ture de cette prescription, proclamer qu’elle avait été faite en leur faveur, qu’on avait enfin reconnu les prérogatives de leur noblesse, qu'on les délivrait de l'humiliation que leur causaient les rapports et les points de contact avec les parias qu’ils avaient jusqu’alors subis dans les choses de la religion. ► Ixi mission du Maduré, t. îv, p. 411-1-13. La combi­ naison imaginée par le général des jésuites, acceptée comme un pis-aller par Benoit XIV, se révéla fina­ lement grosse d’inconvénients sérieux. La distinc­ tion entre missionnaires parias et missionnaires nrahmes finit par s'atténuer; elle disparut complè­ tement avec la suppression de la Compagnie. 2. Les résultats de Γexécution des décrets. — 11 était naturel que la publication et la mise en pratique de la constitution de Benoit XIV rencontrât dans les populations de l’Inde une certaine résistance. Si l'on songe qu’â la fin du xix· siècle, après un long siècle de pénétration européenne, les moindres atteintes portées aux privilèges ou aux usages des castes ont amené, même dans des chrétientés anciennes, de véritables rébellions contre les missionnaires, on ne s'étonnera pas que, se produisant dans les cir­ constances que nous essayions tout à l’heure de définir, les graves innovations de la bulle Omnium sollicitudinum n'aient engendré çâ et lâ de très graves et très réelles difficultés. Ces difficultés sont-elles allées jusqu’à provoquer de nombreuses défections parmi les chrétiens de l’Inde ? On l'a prétendu. Sc faisant l’écho de traditions plus ou moins sûres, Bertrand écrit : « Le nombre des défections fut incalculable, surtout dans la mis­ sion du Carnate, plus récente et, par conséquent, moins consolidée dans les principes de la foi. A notre arrivée dans l’Inde (en 1837, quand la mission du Maduré fut de nouveau confiée aux jésuites), les missionnaires successeurs des jésuites dans ces mis­ sions, et témoins des anciennes traditions, nous disaient que dans cette seule partie le nombre des apostasies, occasionnées par la publication du décret, s'éleva à 50 000.» Loc. cit., p. -117. Ceci s'écrivait en 1851. Plus récemment, le B. P. Jean, S. J., dans un livre sur le Maduré, cite un extrait d'une lettre contemporaine de la mise en pratique de la bulle, écrite par un jésuite portugais, le P. Lichelta : • Depuis douze ans, écrivait ce missionnaire, nous vi­ vons dans une guerre continuelle avec nos néophytes. C'est une tempête qui secoue et bouleverse toutes nos chrétientés. C’est aux missionnaires qu'ils s’en prennent. Ils les accusent d’avoir apporté ces brefs pour les tourmenter. Ils sont soutenus dans leur rébellion par quelques prêtres venus de Goa, lesquels n'admettent pas les brefs, et proclament partout que l'on peut sans scrupule observer les pratiques qu'ils condamnent. » Et le P. Jean fait suivre cette cita­ tion de réflexions pathétiques sur les sacrifices que l’Églisc crut devoir faire pour conserver Intacte ta doctrine. * Plutôt que de sacrifier un iota du dépôt divin, l’Églisc verra avec des déchirements ineffables des nations entières s'éloigner d’elle, mais elle gardera le dépôt intact jusqu’au jour où elle le rendra â son céleste Époux, tel qu'il lui a été commis. » Le .Maduré, t. i, p. 215-217, cité par A. Launay, Histoire des missions de l'Inde. t. i. p. αχ, ex. Or. une élude très consciencieuse de Mgr Laouënan, premier archevêque de Pondichéry, esprit très ouvert et largement favorable à tous les principes de l'accommodation, remet toutes choses au point, 1736 en essayant une comparaison entre le nombre des chrétiens dans les missions visées par la bulle, d’une part, au moment de la publication de celle-ci, d’autre part, cent ans après. La diminution, prétend cette étude, est à peine sensible. Vers 1710, les trois mis­ sions visées par le décret, Maduré, Malssour, Car­ nate, comptaient entre trois cent cl quatre cent mille chrétiens; « le total des chrétiens, cent ans après la bulle contre les rites, était de trois cent quarante mille ». Il faut ajouter immédiatement que, si l’on tient compte de l’accroissement naturel de­ là population chrétienne et des conversions qui auraient dû normalement se produire, ces chiffres stationnaires ne laissent pas de donner l'impression d’un recul très sérieux dans l’évangélisation de l'Inde méridionale. A suivre la courbe qui retraçait les progrès du christianisme dans cette région au début du xvm· siècle, on aurait dû arriver, au début du xixe, à un chiffre d’adeptes beaucoup plus considé­ rable. Mais quelles sont les causes qui amenèrent au dernier tiers du xvm· siècle un fléchissement très accusé de celte courbe ? Avec beaucoup de modé­ ration, Mgr Laouênan reconnaît qu’il y eut dos défections, et il ajoute : « Nous n’avons jamais eu la pensée de prétendre que la publication définitive des décrets du cardinal de Toumon a été sans inllucncc sur ces défections. 11 est dans l’ordre naturel des choses qu’un christianisme plus ou moins brahmanlsé. comme l'était devenu celui des chrétientés du Maduré. du Tanjore et du Carnate, du jour où il ne pouvait plus garder ses livrées, cessât également de retenir scs adeptes : c'est principalement pour plaire aux brahmes, pour donner satisfaction à leurs prétentions, (pic leur avaient été faites la plupart des concessions blâmées par le Saint-Siège. Aussi, pensons-nous que les nouveaux brahmes chrétiens, sauf un certain nombre d'exceptions, voyant qu’on supprimait ces pratiques, auxquelles ils attachaient peut-être plus d’importance qu’â la doctrine elle-même, sc soient hâtés de quitter une religion qui ne rendait pas une justice suffisante à leur vanité, et qu’ils aient entraîné après eux une partie de ceux qui dépendaient de leur influence... Cependant, il ne parait pas que les défections causées parmi les brahmes chrétiens euxmêmes par la condamnation des rites aient produit immédiatement les effets désastreux que l’on pré­ tend. Bien, panni les documents qui nous restent de cette époque, n’indique que des défections consi­ dérables aient eu Heu pendant que les missionnaire* jésuites demeurèrent au milieu de leurs néophytes. Cité par Launay, op. laud.t p. cxin-cxvi. Non seulement, faut-il ajouter, il n’y eut pas de défections en masse, mais, dans les années qui sui­ virent la bulle, le mouvement de conversion continua de manière satisfaisante. C'est ce qui résulte des statistiques établies par le P. Castcts, S. J. Selon lui, de 1732 à 1744, la moyenne des conversions est au Maduré de 1 000 à 1 500 par an; or, en 1745, au lendemain de la bulle, le chiffre est de 1745 supé­ rieur â la moyenne; de 1746 à 1748, on compte 4.098 conversions, c'est-à-dire que l’on reste très approxi­ mativement dans la moyenne antérieure. Il est bien vrai encore que ces chiffres bruts n’expriment que très imparfaitement la réalité : il faudrait savoir encore si ces conversions sont de parias ou de gens des castes préciser l'influence qu'a pu avoir l’augmentation du nombre des missionnaires. Tout cela est impossible à réaliser; il faut donc sc contenter de cette conclusion approximative : la diminution du nombre des chré­ tiens dans l’Hindoustan méridional n’a pas eu pour cause immédiate la promulgation et la mise en pra­ tique de la bulle sur les rites. | 1737 MALABARES (RITES), DERNIERES DIFFICULTÉS Pour expliquer celle diminution, qui va s'accentuer très vile dans la seconde moitié du xvm· siècle, il faut faire état d’un grand nombre de causes exté­ rieures. De terribles épidémies, des famines analogues à celles qui tout récemment encore ont fait aux Indes tant de victimes, des guerres longues et meur­ trières avec leur cortège d’incendies, de pillages, de transplantation des indigènes, rendent déjà compte de l'affaiblissement des chrétientés indiennes. Mais le coup le plus rude qui leur ail élé porté, c'est assu­ rément la suppression de la Compagnie de Jésus. Quinze ans après la bulle Omnium sollicitudinum, la Compagnie est dissoute au Portugal : tous les ressortissants portugais qui sont dans les établisse­ ments de la côte sont embarqués pour l'Europe; beaucoup des missionnaires du Maduré, bien qu’à l’abri des atteintes gouvernementales, croient devoir rallier le Portugal, abandonnant ainsi leurs chré­ tientés. Cinq ans plus tard, la suppression de la Com­ pagnie en France porte un coup analogue à la mission du Carnate. Moins de dix ans après, le 21 Juillet 1773, le pape Clément XIV signe le bref Dominus ac Redemptor qui supprime la Société de Jésus dans toute ('Église. On ne saurait exagérer les conséquences funestes qu’entraîna, pour les missions en général et pour celles de l’Inde en particulier, l’acte pontifical. Nous n’avons pas à l’étudier ici, ni dans scs causes, ni dans ses effets. Du moins faut-il marquer le lien historique qui le rattache à la querelle des rites. — il est entendu que la suppression de la Compagnie fut arrachée à la faiblesse de Clément XIV par l’in­ qualifiable politique des cours bourboniennes. Mais il faut rappeler néanmoins que plusieurs des papes précédents s’étalent déjà montrés fort sévères aux jésuites. De ce mécontentement pontifical, l’altitude de certains membres de l’ordre dans la question des rites (malabares ou chinois), pour ne point parler ici d'autres affaires relatives aux missions, fournit une explication partielle. A lire d'affilée les documents romains qui s’y rapportent, on échappe difficilement à l’impression que la patience de la Curie se lassait. Pour désintéressés que fussent les motifs qui pous­ saient certains membres de la Compagnie à défendre les anciens errements, pour excellentes que fussent les raisons apportées sur nombre de points de détail, pour sincères que fussent les protestations d’obéis­ sance, l’impression sc formait en Curie que les jésuites ne savaient plus obéir. Savamment entretenue par les nombreux adversaires de la Compagnie, ren­ forcée par des accusations calomnieuses ou tout au moins par des exagérations mensongères, cette impres­ sion est-elle absolument étrangère à la publication du bref Dominus ac Redemptor ’ — Et si ce point de vue est exact, voilà en quoi la querelle des rites cul quelque influence sur la ruine des missions de l'Inde. III. D1 HN1EUS ÉCHOS DK 1.Λ QUENELLE DES JUTES w MX* siècle. — La bulle Omnium sollicitudinum a mis un terme définitif aux querelles envenimées sur la question des rites. Toutefois la situation particulière faites au chris­ tianisme dans l'Hindoustan par les mœurs du pays et le régime des castes ne laissera pas de poser au cours de xix* siècle, un certain nombre de questions que Rome tranchera invariablement dans le même sens epic nous avons vu. Par ailleurs, les missionnaires, liés par les serments dont nous avons parlé, sc trouveront exposés parfois à diverses inquiétudes de conscience. Deux catégories d’esprits se rencontrent ici comme ailleurs : les timorés ou les scrupuleux sc demandant si, en sc pliant à telle coutume hindoue, ils n'ont pas violé leur serment cl ne sont pas tombés sous le coup des 1738 censures prévues; ce sont en général les Jeunes mis­ sionnaires fraîchement débarqués, et qui s'étonnent de trouver aux Indes un christianisme si différent, en apparence, de celui qui sc pratique en Europe. En face d’eux les esprits larges, d’une largeur allant parfois Jusqu'au laxisme, qui ne s’inquiètent guère des principes, regardent avant tout aux applications, se préoccupent des résultats; ce sont, pour la plupart, des missionnaires anciens dans Je métier, ayant pris leur parti de coutumes auxquelles ils ne peuvent remédier, s'étant formé la conscience et assez enclins à sc dire que, du moment que · cela > s’est toujours fuit, · cela · peut toujours se faire. A diverses reprises le conflit entre ces deux tendances n pris un caractère plus ou moins aigu; les supérieurs hiérarchiques ont toujours réussi à ramener le calme. D’ailleurs, l'eu­ ropéanisation lente, mais progressive de l’Inde, abou­ tira peu à peu à rendre le débat sans objet. 1° La transition. — Au lendemain de la dissolu­ tion de la Compagnie de Jésus, ce fut la Société des Missions Étrangères de Paris qui fut investie du soin des chrétientés jusque-là administrées par les jésuites, par un accord entre le pape Pie VI et le roi de France Louis XVI, conclu en 1776. La situa­ tion des missions était loin d’être brillante. Depuis onze ans que la Compagnie était supprimée en France, rétablissement de Pondichéry avait offi­ ciellement disparu; les missions de l’intérieur avaient cessé de recevoir b s renforts et le·» subsides néces­ saires; plusieurs missionnaires avaient quitté leur poste. Par ailleurs, les missions du Maduré avaient élé envahies par le clergé goanais, médiocre à tous égards, plus préoccupé de bénéfices matériels que du salut des âmes. L’absence de clergé indigène régulièrement formé (les goanais ne pouvaient certes passer pour formés) se faisait cruellement sentir. Pour des raisons diverses, auxquelles la question des rites n’était pas absolument étrangère, les jésuites avaient toujours négligé d’en recruter; leur brusque départ laissait maintenant les églises sans pasteur. Les Missions Étrangères eurent pour­ tant la bonne fortune de pouvoir conserver un cer­ tain nombre des anciens missionnaires jésuites, d’ori­ gine française, qui assurèrent la transition entre l’ancien cl le nouveau régime. Cette circonstance contribua beaucoup à garder aux missions de l’IIindoustan méridional le caractère spécial que leur avait imprimé la Compagnie de Jésus. Pendant longtemps, les méthodes d’administration restèrent sensiblement les mêmes, à celle différence près, que, fidèle à l’un de scs principes directeurs, la Société des Missions sc préoccupa, dès l’abord, du recrute­ ment d’un clergé indigène. Mais pour tout le reste, il n’y eut pas grand changement; en particulier la séparation des castes continua de demeurer un des articles fondamentaux. Cette manière de faire sc heurta pourtant, dès l’abord, aux scrupules de plusieurs parmi les nouveaux arrivants. Dès avant la promulgation du décret de Benoit XIV, on avait fait beaucoup pour amener une fusion des castes au moins dans les églises. Dans l’intérieur des terres, on était arrivé à construire des types d’église où les parias occupaient un? chapelle ou un transept compris sous le même toit que l’ensemble de la construction. A Pondichéry on était allé plus loin; les parias occupaient un de bas côtés de la nef cl n'étaient séparés des chou 1res que par un petit mur d’un pied et demi de haut; la table de communion était commune, le saint ciboire aussi, le baptistère également, bien que certaines précautions fussent prises pour empêcher les protes­ tations des gens des castes. Malgré tout, plusieurs missionnaires se sentaient encore la conscience mal à M 1739 MALABABES HITES), DERNIÈRES DIFFICULTÉS l'aise; MgrBrigot, le nouveau vicaire apostolique, finit par consulter la Propagande. Lc cardinal Antonelli répondit le 9 avril 1783 : Il distinguait entre les motifs qui guident les chou très dans leur conduite envers les parias; certains de ces motifs étaient condamnés par la bulle de Benoit XIV; les autres ne l’étaient pas, mais étaient contraires à l'humilité chrétienne; pour éviter toutefois de plus grands maux on tolé­ rerait la séparation dans les églises; mais < la SacrécCongrcgation, disait le cardinal, en permettant pour le présent de tolérer la division, montre assez par cette réserve combien elle est loin d’approuver une distinction semblable et désire que... cet abus déplo­ rable disparaisse entièrement ». Collectanea S. Cong. de P l·'., n. 1787, p. 731 ; cf. Jus pontificium, part. I L p. 372. La même lettre Autorisait les missionnaires à porter des vêlements de couleur autre que le noir, qui choquait les païens, · pourvu toutefois qu’il n'y entre ricn de contraire à la gravité et à la modestie de leur état, et qu’il n’y ait aucun danger de super­ stition apparente, ni aucune marque distinctive d’une fausse religion . Collect., n. 318, p. 107. Les prescrip­ tions font encore loi aujourd'hui; le blanc est resté in couleur des missionnaires de l’Inde, au moins à l’intérieur; pendant quelque temps encore, les prêtres indigènes continueront à porter le costume des saniassys; on finira, au milieu du xix· siècle par renoncer à cet usage. D'autres questions furent encore posées à Borne dans les années suivantes ; elles portaient sur le thaly, les bains, les marques que les femmes se font nu front (pottou). La Propagande répondit Je 15 février 1790; elle permettait l’onction des fils du thaly avec le safran; autorisait les femmes, mariées ou non. à mettre le potion, cl prescrivait de s’en tenir pour les bains à ce qui était réglé par Grégoire XV. A ces réponses de détail la Congréga­ tion joignait une directive générale de la plus grande sagesse : laisser courir un usage lorsque tous les mis­ sionnaires s’accordent à le regarder comme licite. Elle exprimait en même temps le désir que les mis­ sionnaires sc concertassent avec leurs supérieurs et décidassent eux-mêmes de ce qui était licite ou ne l’était pas. Visiblement, on se rendait compte à Borne qu’il existait dans les missions assez de diver­ gences d'opinions pour qu'on pût avoir confiance dans l’impartialité des décisions qui y seraient prises. Texte de la lettre dans Collect., n. 1789, p. 735. 2° Le dernier grand débat sur les rites au -WA’·* siècle. — Les décisions pleines de sagesse réglèrent pendant toute la première moitié du xix* siècle l’attitude des missionnaires dans l’Inde. Gc n’est pas â dire que les scrupules aient jamais complète­ ment cessé. Vers 1830, certains missionnaires se préoc­ cupent encore des infractions A la bulle qu'ils croient remarquer dans les bains que prennent leurs chrétiens après avoir assisté a un enterrement, dans les signes sur le front qui persistent en bien des régions, mais surtout dans les fêtes qui sc célèbrent toujours, même à Pondichéry, â l’occasion de la puberté des jeunes filles. Voir le détail dans Launay, op. cil., t. i, p. 302308. La question des parias reste toujours une ques­ tion difficile. La pénétration dans les Indes, surtout dans les possessions européennes, des idées d'égalité civile et politique amène chez les parias une réelle impatience des vieilles règles qu'ils subissaient jusquelà sans trop récriminer. On les voit à Pondichéry, en 1831, réclamer une église pour eux, tandis que, par représailles, les choutrvs ne veulent plus recevoir les parias dans leur église. Launay, ibid., p. 381 sq. Mais il ne semble pas que ces diverses questions aient donné lieu à des crises tant soit peu importantes. I* svnodc réuni par Mgr Bonnand. à Pondichéry 1740 en janvier 1811, fut l’occasion pour les missions (1rs Indes d’un véritable examen de conscience. Lc moment était favorable. Bédull en étendue par le retour des jésuites au Maduré en 1837, le territoire cou lié aux Missions Etrangères avait pu recevoir un nombre plus considérable d’ouvriers évangéliques, le nombre des chrétiens y avait beaucoup augmenté, et surtout la vie religieuse y avait gagné en profon­ deur. Le vicaire apostolique, dans l'enquête qu’il lit faire préalablement A la réunion du synode, deman­ dait, entre autres : · Quels sont les points de la bulle de Benoit XIV, (pie l’on viole encore le plus ordinai­ rement ? Quelles sont les genlilités que l’on pratique dans les differents districts ? Chaque missionnaire devait s’informer, tant auprès des chrétiens que artial a été mis ù l’index par ordre M. Van lloonacker écrit dans le même sens. Les douze petits prophètes, p. 711 : * D'après l’interprétation consignée dans le Nouveau Testament, l’annonce du prophète Élie comme précurseur du Messie n’était pas à entendre au sens strict et littéral de la personne même de l'ancien prophète de Samaric, mais d’un prophète qui, par la grandeur de sa mission, devait être en quelque sorte une incarnation nouvelle de l'esprit et de la puissance d’Élie >. 1757 MALACIIIE Cependant, malgré l’application de la prophétie de Malachic ïi Jean-Baptiste, la plupart des Pères, des théologiens et dos exégètes catholiques (parmi les modernes, Ailloli, Arndt, billion, Klcsslcr, Isopcscul, Knabenbauer, etc.) ont maintenu sa signi­ fication eschatulogique et ont cru à un retour per­ sonnel d’Élie à la lin des temps. Lu question de la venue d’Élie est souvent jointe A celle du retour d'Enoch. Il conviendrait pourtant de distinguer les deux cas. qui ne sc présentent pas dans les mêmes conditions, ni avec les mêmes garanties. Sur le retour d’Énoch, voir E. Tobac, Le panégyrique des Pères dans ΓEcclésiastique, dans Hullctin du diocèse de Matines, juillet 1911. p. 355-358. Bellarmin et Suarez sont très catégoriques ct exagèrent certainement en décrétant : Sententiam verissimum, Henoch et Eliam in suis personis venturos et contrarium vel esse luere· sim vel errorem luvrcsi proximum. De Horn, ponti/., in, 6; De controversiis, t i, p. 719. Paris, 1608. Eliam et Henoch, futuros esse prneursores secundi adventus Christi : Huc assertio est aut de fide, aut fide i valde proxima (In //bmS, Thonuv, q. lix. disp, LV,secLn). Comment ces auteurs expliquent-ils donc les textes du Nouveau Testament qui nous invitent à voir dans l'apparition et la mission de Jean-Baptiste Γaccom­ plissement de la prophétie de Malachic relative au retour et à 1’œuvrc d’Élie? Quelques-uns sont ten­ tés d’admettre une sorte d accommodation chez les évangélistes. Ils auraient attribué à une situation analogue une prophétie qui, dans un sens direct ct littéral, sc rapportait à la personne d’Élie ct au grand avènement du Seigneur. D’autres semblent dire que ces textes du Nouveau Testament nous donnent plu­ tôt le sens typique de la prophétie de Malachic qui, dans son se s littéral, \iscrait la venue personnelle d’Élie avant le grand jugement. Nous avons plutôt l’impression qu’aux endroits cités le Nouveau Tes­ tament ne fait ni de l’accommodation, ni de la typologie, mais applique purement ct simplement à Jean-Baptiste le texte de Malachic concernant Élie. 11 ne se contente pas, en effet, de décrire la mission de Jean-Baptiste dans les tenues qu’emploie Malachic pour décrire celle d’Élie. Luc.» t, 17, mais il dit catégoriquement que c’est de Jean que Malachic a écrit : · λ old que j’envoie mon messager devant toi, afin qu’il prépare la voie devant toi. » Matth., xi, 10. Il dit clairement que · c’est lui qui est Élie qui doit venir ». Matth., xi, 1 I. Aussi, Bossuet parait-il admettre un double sens littéral à la prophétie de Malachic : clic viserait à la fols le premier avènement du Messie avec l'appa­ rition d’Élie in spiritu ct virtute en la personne du Bimtlstc, ct le grand avènement final avec le retour d’Elie en chair ct en os. Préface ά l'explication de ΓApo­ calypse. Mais la théorie du double sens littéral des Écritures a depuis longtemps vécu, malgré les efforts du P. Assouad pour la ressusciter, Polysema sunt sacra Ihblia, 1917 et 1920. Sur quoi s’appuie donc la tradition du retour d’Élie à la lin du monde ? Elle s’appuie avant tout sur le texte de Malachic, m, 1-23. Nous avons vu que ce texte pris isolément est obscur.’ Le prophète parle d’un messager qui précédera la venue du Jour de Jahvé. et dans un épilogue du livre, ce messager est nommé Élie cl sa mission est décrite. Mais il ne nous dit pas si ce Jour de Jahvé csl le Jour du Messie, ct il ne connaît qu’un jour de Jahvé. Quoi qu’il en soit de l’idée personnelle de Malachic, probablement très confuse, le Nouveau Testament nous apprend comment il tant interpréter sa prophétie : elle s’est accomplie par la venue de Jésus de Nazareth et par la mission de Jean-Baptiste. Elle s’appuie aussi sur un texte de l’Ecclésinstiquc 175H faisant l’éloge d’Élie, xi.viii, 1-12 : Qui seriptus est in judiciis temporum lenire iracundiam Domini : Conciliare cor patris ad filium et restituere tribus Jacob. — Mais l’Ecclesiastique, lorsqu’il parle du retour d’Élie, s’inspire manifestement du proplute Malachic; il ne constitue pas un argument nouveau, ct son témoignage doit être interprété comme celui de Malachic. H ajoute un trait cependant, au moins dans les versions grecque et latine et probablement aussi dans le texte hébreu du Siracidc : Élie aura aussi pour mission de rétablir les tribus d’Israël. Elle invoque encore le sentiment du judaïsme pos­ térieur, sentiment inspiré par l’Ancien Testament. Les rabbins parient fréquemment d’un retour d’Élie a la fin des temps. Cf. Voir. Jüdische Eschatologie, 1903, p. 192, 193. Mais d’abord, ils ne s’entendent plus sur le rôle à faire jouer au vieux prophète. Selon les uns, Élie viendra prêcher la paix et opérer la réconciliation entre 1rs Juifs, comme dans Malachic. Selon d’autres, il viendra rassembler les Israélites dispersés, comme dans T Ecclésiastique. Pour d’autres enfin, il viendra préciser le nombre de ceux qui feront partie de la communauté des sauvés, ou encore tran­ cher les multiples cas de conscience qui divisent 1rs rabbins. En second lieu, le judaïsme postérieur, con­ naît plusieurs précurseurs de l’avènement du Sei­ gneur : d’abord Élie, puis Moïse, parfois David, Ézéchias, etc. Faut-Il le suivre dans cette voie ? Notons enfin que les rabbins n’avaient pas le secours du Nouveau Testament pour les guider dans leurs interprétations. Et la tradition chrétienne sur le retour d’Élie aurait peut-être pu davantage sc déta­ cher du judaïsme ct se rattacher plus intimement au Nouveau Testament. Elle allègue parfois aussi le chapitre xi de l’Apo­ calypse relatif aux deux témoins du Messie dans les­ quels beaucoup de Pères ont voulu voir Élie et Enoch. Mais un autre courant d’interprétation, qui remonte au moins Λ Tyconius et qui a été suivi par l’école d’Alcazar-Bossuet, y voit des forces collec­ tives de l’Églisc. Cf. Allô, I.’apocalypse, Paris, 1921, p 131, 139 sq. Il est donc préférable de ne pas cher­ cher à connaître ces deux témoins. S’il fallait cepen­ dant les nommer, ce serait au y. 6, Élie ct Moïse, cnr ils sont décrits avec des trails empruntés à l’his­ toire de ces deux prophètes; ct au ÿ. L ce serait Zorobabcl cl Josué, car ils sont déf>clnts au moyen d’images qui, dans Zacharie, iv, 3, 11-14, s’appli­ quent à ces deux personnages. Enfin, on croit pouvoir s’appuyer sur renseigne­ ment de Notrc-Seigneur lui-même pour affirmer le retour d’Élie avant le jugement dernier. Apres la Transfiguration, après la disparition de Moïse et d’Élie. lorsque les disciples ne virent plus que Jésus seul. Ils Tintcrrogèrent au sujet de la mission d’Elie : < Pourquoi donc les scribes disent-ils qu’il faut qu’Elie vienne auparavant ? · H leur répondit : « Élie doit venir, en effet, ct rétablir toutes choses. » Matth., xvn. 11. Donc, Noire-Seigneur a formellement pré­ dit la réapparition d’Elie. — Mais il nous semble clair que ce f. 11 doit sc comprendre en fonction du >\ 12 : « Mais je vous le dis, Élie est déjà venu; ils ne l’ont pas connu cl ils l’ont traite comme ils ont voulu. » Le sens du f. 11 sera alors le suivant : • Les scribes ont raison de dire, conformement a ΓÉcriture. qu’Élie doit venir avant le Messie pour rétablir toutes choses, mais cct Élie dont parie l’Ecriturc, est déjà venu dans la personne de Jean-Baptiste, et ils n’ont pas voulu l’écouter «; il n’y a donc aucune raison de croire que l’heure de l’avèncmcnt messiani­ que n’ait pas sonné. Cf. Lagrange, Évangile selon saint Marc.p. 222,223. Et. ainsi, cette parole du Seigneur, loin de const It lier un argument nouveau en faveur 1759 MALACHIE du retour d'Éiic, con Armerait encore l'accomplisse­ ment de la prophétie de Malachie relative au pré­ curseur dans la personne et dans l'œuvre de saint Jean-Baptiste. L Le prophète Malachie et la Loi. — On constate d’étroites relations entre Malachie et le Deutéro­ nome. dans la façon de caractériser les animaux impropres au sacrifice. Mal., i, 8 et Deut., xv, 21; dans la manière de parler du divorce causé par la haine ou l’aversion. Mal., n, 16 et Deut., xxiv, 3; dans la façon d’envisager la tribu de Lévi comme la tribu sacerdotale, sans distinguer entre tils d’Anron et simples lévites. Mal., n, I, 5 sq.: ut, 3 sq.; dans la façon de parler des dîmes, Mal., m, 8-10; dans l’invi­ tation Anale Λ se souvenir de la loi de Moïse, des préceptes et des règlements donnés à Iloreb pour lout Israël. Mal., m. 22 cl Deut., iv, 10-15, etc. D’autre part, on ne trouve chez Malachie aucune référence certaine au Code sacerdotal. On en conclut qu'il écrivit sa prophétie avant la promulgation du Code sacerdotal cl l’on croit avoir trouvé un argu­ ment nouveau pour ailïrmcr que celte promulga­ tion fut faite la première fois par Esdras, lors du premier séjour de Néhémic à Jérusalem, et que c’est d’elle qu’il s’agit au c. vm du livre de Néhémic. il arrive aussi qu’on utilise ces données pour dater le ministère de Malachie. On considère comme un fait établi la promulgation du Code sacerdotal par Esdras lors de la première mission de Néhémic. Malachie ne faisant aucune allusion à ce code aura dû exercer son ministère avant sa promulgation, donc avant la première mission de Néhémic. Ces constructions sont bien fragiles. Peut-on vraiment conclure du silence de Malachie touchant le Code sacerdotal à la non-existence de celui-ci ? Supposons qu’il ait été promulgué pour le première fois sous Néhémic. vers 410. Il n’est pas apparu alors subitement et tout .fait. Celte promul­ gation ne marque que le terme d’une longue période d'élaboration. On admet d'ailleurs qu’Ezéchiel en aurait jeté les bases dans sa fameuse thora dès le commencement de la captivité. Dès lors, comment expliquer qu’un prophète écrivant vers 450-115, et traduisant si bien les préoccupations de son temps, ne fasse aucune allusion à ce code qui va être lu cl interprété solennellement quelques années plus tard ? On pourrait peut-être répondre que Malachie écri­ vait à Jérusalem et que le Code sacerdotal s’élaborait lentement dans les milieux juifs de In captivité d’où il fut rapporté par Esdras. Mais, en vérité, rien n’in­ dique que le c. vm de Néhémic contienne Je récit de la promulgation du Code sacerdotal ou d’un code législatif quelconque; c’est tout simplement la rela­ tion d’une lecture solennelle de la Loi, comme II s’en faisait dans les assemblées juives. D’autre part, l’étude d’Ezéchie! montre que le prophète de l’exil, loin do jeter les bases d’une législation nouvelle, supposait déjà en maints endroits l’existence de dispositions contenues dans le Code sacerdotal. I. Travaux i/onnnr γΛ.νΓ.πλι.. — la Parmi tes anciens, 1rs commentaires de saint Cyrille d’Alexandrie, de saint Ephrcm. de saint Jérôme sur les Petits prophètes. 2 Parmi les modernes. — 1. Catholiques. — Maldonnt, Commentarius tn XII prophetas minores. Cologne, 1611; Calmct, Commentarius litteratis in omnes libros V. 7*.. t. xi: In XII minores prophetas, Wurzbourg. 1793; Ackermann, Propheta- minores perpetua annotatione illustrati, Vienne, 1Χ3ί»; I iaghebarrt, I)c klcine Profeten vertaald en uitgclegd, Bniges. 1890; Knnbcnbuuer, Commentarius in prophetas mineres, t. u, Paris, 1880; Lelmbnch Die Wclssagungm er Propheten Joel, Abdlhas, Jonas, Nahum, Habakuk, Saphontas. Agyarus, Zacharias und Malachias, ùbcrselzt und kurz erklart, Fulda, 1908; Blender. Die Heinen Prophet en oder das Zwol/prophetenbuch nach dem - MALADES 1760 Urtcxt ubcrsctzl und erklart, Boltcnburg. 1911; Scbegg, Die kteinen propheten ubcrsctzl und erklart, Bnthbonnc, 1862; Tobac, Les prophètes d'Israel, t. n, Malines, 1921; Trochon, Les petits prophètes, Paris, 1883; Van Boonacker, Les douze petits prophètes traduits et commentés, Paris, 1908. 2. Non-catholiques. — Budde, Zum Text der drel letrtcn Heinen Propheten, dans Zeilschrif fur .4. T. W Isscnschaft, 1906, t. XXVI, p. 1-28 ; Cheyne, Critica biblica or Critical notes ont hr text o/ the Old Testament Writings, n. Ezechlcl and the minor Prophets, Londres. 1903; Cornill, Das Tar­ gum zu den Propheten, dans Ze Usch. fur. A. T. Wiss., 1887, t. vu. p. 191-202; Deane, Minor Prophets (The Pulpit Commentari/}, Londres, 1893; Driver. The minor Prophets Nah. Hab. Zcph. Hag. Zech. Mai. (The Century Bible), Edimbourg, 1901»; Duhm, Die Zuolf Propheten m dai Vcrsmassen der Urschrift ubcrsctzl.Tubingue, 1910;du mime Anmcrkungenzu den Zwidf Propheten, dans Zeil.f. A. TAX'(si , 1911, t. XXXI, p. 1-13, 81-110, 161-201; Ewald. Die Pro­ pheten des Allen Bundes, Gœtthigue, 1867-1868; Henderson, Commentary on the minor Prophets, Londres, 1858; Hirsch, Dic 12 Propheten ubersetzt und erlüuterl (in dcutschcr und hebr. Sprnche), Frnncfort-sur-lc-Mnin, 1907; Hitzig. Die 12 Heinen Propheten, Leipzig. 1881; Kirkpntrik, The doctrim of the Prophets, Londres, 1901; Maclaren, The Hooks of Ezechict, Daniel and the minor Prophets, Londres, 1908; Marti. Das Dodckaprophchn erklart, Tubingue, 1901 ; Muller, Die Propheten in threr ursprunglichen Form, Vienne, 1896; Nownek, Die Heinen Propheten ubcrsctzl und erklart, Gttttlnguc, 1903 ; Sellin, Das Zwolfprophcntenbuch ubersetzt und erklart, Leipzig, 1922; Von Orclli, Die 12 Heinen Pro­ pheten, Munich, 1908 ; Wellhausen, Die Heinen Propheten ubcrsctzl mit Notcn, dans Skizzen und Vorarbelten, fuse. 5, Berlin, 1898. IL Travaux spéciaux sun Maiacihi . - Ie Catholiques. — Ermoni.art. Malachie, dans Vigoiiroux, Diet, de la Bible, t. IV, col. 601-610; Isopescul, Dec Prophet Malachias, Czcrnowitz, 1908; Ijignmgc, Notes sur les prophéties messia­ niques des derniers prophètes, dans Kcvuc biblique, 1906, p.78 sq.; Müller, Discours de Malachie sur tes rites des sacri­ fices, dans Iteifue biblique, 1896, p. 535-539; Patrizi, De interpretatione oraculorum ad Christum pertinentium prole­ gomenon deque Christo Zacharltc rl Malachite ixiltcinib pra-nunciato, Borno, 1852; Reinke, Der Prophet Malachi, Giessen, 1856; Hembold, Die cucharislischc Weissagungdes Propheten Malachias, dans Schepcns. Theol. und Glaube, 1921, p. 58-70; Schepcns, Le prophète Malachie ( Mala­ chias)· dans Recherches de science religieuse, 1921, t. xn, p. 362 sq.; Tobac, Vaticinium Malachin-, 1, II, dans Vie diocésaine. Documenta, mai, 1911. 2° Non-cal/ioliqurj. — Bôhme, In Malachi und Haggai, dans Zeit f. A. T. Wiss., 1887, t. vu, p. 210-217; Cameron Duncan, A message from Malachi (Mal., Ill, 16 sq.). Voir surtout 1. 1 et 11. Celui-ci dans une Lettre a M. Pabbéde Foresta-Colonyue, vicaire général de Mar­ seille, Marseille, 1695, sc défendit d'être partisan de Molinos, mais celte lettre fut mise à l’index le 17 jan­ vier 1703. — Malaval avait laissé plusieurs ouvrages manuscrits: Truité des usages de la doctrine chrétienne ; Traité de l obligation de sanctifier tr dimanche; Delicia· ubi explicatione quorumdam articulorum symboli fides stabilitur adversus de istas, gentiles et aliquot hw reti cos; Arts pour la conduite des grands ; Hecueil de lettres de MALA VAL François, historien cl canoniste grec du xvi· siècle. — Originaire de Nauplie en Morce. il abandonna sa patrie lors de la prise «le la ville par les Turcs en 1529; il était en 1560 à Thèbes en Béotie où il remplissait auprès du métropolite Joasaph les fonc­ tions de notaire. En 1577, on le retrouve à Constan­ tinople, et Étienne Gerlach, «pii lui achetait parfois des manuscrits, en trace à celte date ce pittoresque portrait : Est is admodum senex; pueros et adolescen· tulos grircos sub patriarcheio in parvula et misera cusa docet, pisces siccatos in ea suspensos habet, quibus vescitur ipse coquens; libros precio deseribit; vino quicquid lucratur insumit; pinguis et robustus est. Crusius, Turcogrœciu, Bâle, 1581, p. 185. Le même Crusius assure avoir appris, en 1581, la mort de Manuel. Panni les œuvres historiques de notre auteur, il faut citer en premier lieu le Βιβλίον χρονογραφικίν, sorte de manuel d’histoire depuis l’origine du inonde jusqu’au règne du sultan Mourad IV. On en possède un 1res grand nombre de mss., la plupart anonymes; aussi avait-on pris l’habitude de désigner cet ouvrage par le titre de Chronique de Pan 1570, en raison de la date de sa composition. Mais il n’est plus possible de révoquer en doute la paternité de Malaxos sur celle œuvre depuis les remarquables articles de Th. Prcger. Die Chronik von Jahre 1570, dans la Byzantlnische Zeitschrift, t. xi, p. 15 sq., el de Chrysostoinc Papado­ poulos,! Icpi τής εκκλησιαστικής χρονογραφίας του ιστ’ αϊώνος, dans ΓΕκκλησιαστικός Φάρος, Alexandrie, tax, ρ. 410-454. Elle a été imprimée pour la premiere fois à Venise sous le nom erroné de Dorothée de Moncm· basic, et cette erreur est reproduite dans toutes les éditions fort nombreuses parues depuis. ()n a encore de Malaxos la Πατριαρχική Ιστορία Κωνσταντινουπό­ λεως allant de 1 15 I à 1578. Écrite en grec moderne comme le Βιολίον χρονογραφικόν, dont elle n’est sou­ vent qu’un simple extrait, celle histoire a été publiée pour la première fois, avec une traduction latine, par Martin Crusius dans sa Turcogrirciu, cl réimprimée dans le Corpus des historiens byzantins de Bonn en 1819. - Sur la foi de Nicolas Cotnnènc Papadopoli, Fabricius et plusieurs autres après lui, même de nos jours, attribuent encore a Malaxos des Mémoires sur le Péloponése, el un Opuscule sur les fautes des clercs. Mais ces litres sont de pures inventions de l’ex-jêsultc crclois, le plus audacieux des faussaires. Inutile de nous y arrêter davantage. Si l’œuvre historique de Manuel Malaxos est impor­ tante malgré la partialité qui s’y manifeste trop sou­ vent, son œuvre canoni<|ue l’est davantage encore, en raison de l’immense popularité dont elle a joui durant trois siècles. Nous ne parlons pas des Scholies sur les canons pénitenticls de saint Basile, qui sont encore une invention de Papadopoli, mais du Nomocanon, dont les manuscrits ne sc comptent plus. A elle seule, la bibliothèque patriarcale de Jérusalem en possède vingt-neuf. Le litre varie, car on lit Ici Ναμοκάνων, l.i Νομοκάνονον, ailleurs Βιδλίον νομικόν,ou νομοκρίτης, mais ces noms divers ne désignent bien qu’un seul et même livre. Seulement, le nombre des chapitre* n’est pas toujours le même, et, pour retrouver dans MALAXOS Manuel, 1765 MALAXOS — MALDERUS son intégrité première l’œuvre de Maluxos, il faut naturellement remonter aux plus anciens. C’est ce que vient de faire C. I. Dyobouniotès, professeur â Γ Uni­ versité d’Athènes, et les résultats de son enquête mo­ difient considérablement l'opinion reçue jusqu’à ce jour. En exanimant le ms. a de la bibliothèque de feu Alexis Colybas, le docte professeur s’aperçut bien vite qu’il se trouvait en présence ou de l’autogrnphe même de Malaxos. nu tout au moins d'un exemplaire écrit sur cet autographe, au mois de mal 1561, pour le métropo­ lite de Thèbes Joasaph. Chose plus remarquable encore, au lieu d’être écrit en grec moderne, comme presque tous les autres manuscrits examinés jusqu’ici par les savants, l'exemplaire en question est en grec ancien. A la différence des premiers, les manuscrits de ce genre sont très rares, et l’on n’en connaît (pie deux ou trois exemplaires, dont l’un vient d’entrer par nos soins à la bibliothèque Vaticane. Dans celte réduction, l’ou­ vrage contient 580 chapitres. Mais notre compilateur n’avait pas tardé à se rendre compte de la difficulté epic présentait pour ses lecteurs le grec savant dont il s’était servi, et. dès l’année suivante, il donna une nouvelle édition de son manuel en grec moderne; c'est celle que l’on rencontre d’habitude, plus ou moins défigurée, il est vrai, par l’arbitraire des copistes, qui ne sc sont pas fait faute d’ajouter et de retrancher ù leur gré. Aussi, est-il impossible d’indiquer pour cette seconde édition le nombre total des chapitres. En com­ parant l’une à l’autre les deux recensions, on constate que, dans la première, Malaxos transcrit simplement le texte original de ses sources, tandis (pic, dans la seconde, il abrège considérablement ce texte sans prendre toujours la peine d'indiquer les références. Souvent même, il supprime des chapitres entiers, et bien des pages de la première rédaction n’ont pas leur pendant dans la seconde. Aussi, quelle que soit la faveur dont ait joui auprès du public la seconde édi­ tion. il serait important de publier intégralement la première. Elle montrerait en Malaxos, sinon un cano­ niste de grande envergure, du moins un honnête com­ pilateur qui a mis à la portée du lecteur pressé tout ce qu’il y a de réellement important dans les recueils antérieurs de Zonaras, de Balsamon, de Blastarès et d’Harménopoule, pour ne point parler des auteurs secondaires. On y rencontrerait aussi quelques iné­ dits. dont le nombre, il faut l’avouer, diminue de jour en jour, grâce au zèle des chercheurs. L. Sgoutfis, dans lu Him:. Athènes, 1856, t. Ml, p. 165621, a publié h» table générale des chapitres de lu seconde recension et le texte des chapitres ι-x et ext vin.ccx xvni. Zflchariæ de I Jugent haï, dans sa dissertation. Die llandbûcher drs ueDtHchcn Redites nus . Thoma\ parut â Anvers, chez Plantin, en 1616. Il s’arrête à la question a de la II*-Il». I.e t. n. qui n pour objet la P-Il , parut en 1623 sous le titre In com­ mentaria de fine et beatitudine hominis, de actibus humanis, de. virtutibus. Ditiis et peccatis, de legibus, de gratia, de justificatione et mentis. Lc l. m. Commen­ taria de S. Trinitate, creatione in genere, cl de angelis, ad /·“ partem Divi Thomor se rapporte à la I». Il fut publié seulement en 1631. après la mort de l’au­ teur. Indépendamment même des idées qui y sont exprimées, cet ouvrage ne manque pas d'intérêt pour l’histoire de renseignement théologique. Malderus semble avoir hésité sur la manière de comprendre sa tâche de commentateur et sur les libertés à prendre â l’égard du texte de saint Thomas. Dans le t. i. à propos des vertus théologales, il imite manifestement Bellarmin. qui a commenté saint Thomas au collège des jésuites de Louvain de 1570 â 1576. Cf. l’art. Bellarmin, t. n, col. 586, 587. Il suit exactement l’ordre des questions et des articles de la Somme, en les entrecoupant de Dubia et de Disputationes qu’il développe d’une manière toute personnelle et parfois tris longuement. C’est ainsi qu’il traite du souverain pontife, p. 25-51; de l’Église, p. 51-61; des conciles, p. 61-80; des traditions, p. 80-83. Passant ensuite â l’étude des vertus de justice et de religion, il change brusquement de méthode. « Pour être plus bref », il laissera là. dit-il, le texte de la Somme, et résumera en quelques traités les questions qui y sont étudiées (p, 277). Ces traités, au nombre de dix, se subdivisent en chapitres cl en questions Les préoccupations d’ac­ tualité y sont manifestes. On comprendra, par exem­ ple. qu’il consacre de longues pages à la magie, p. 763801. si l’on se rappelle l'ordonnance, publiée par Phi­ lippe II, en 1592, contre la sorcellerie, les multiples procès qui s’ensuivirent, le développement extraor­ dinaire que prirent les pratiques de magie dans le dio­ cèse d’Anvers pendant le premier quart du xvir siècle et le cri d’alarme adressé à Malderus lui-même, le 5 février 1621, par des curés et des supérieurs de cou­ vents. Cf. Laencn, Heksen-Drocesscn, Anvers, 1911, p. 36; De Ham, Synodicon, t. m, p. 172 sq. Le même souci d’actualité et la meme liberté d’al­ lures se manifestent dans les commentaires sur la P-1I'. Tout en suivant l’ordre des articles de la Somme et en les expliquant brièvement, Malderus expose, en cent Disputationes, sa pensée sur la matière des 21 premières qucslions.il fait ainsi une étude très fouillée de l’acte humain et insère entre les art. 6 et 7 de la q. xix tout un traité de la conscience, p. 118165. Pour les questions suivantes, il sc contente d’une explication, â laquelle il mêle, çà et là, des Dubia. Malgré quelques théories qui lui sont tout à fait per­ sonnelles (voir l’article Mi sse), sa pensée souple et nuancée reflète, dans l’ensemble, la doctrine et l’esprit de saint Thomas,qu'il défend à l’occasion contre saint Bonaventure, Scot, Pierre d'Ailly, Gabriel Bid, et surtout contre les protestants. Dis 1602, l'archevêque de Malines avait proposé Malderus, concurremment avec Jean Lemire (M incus) pour occuper le siège épiscopal d’Anvers. Cf. Anafccfrs pour servir à Thist. ccd. de la Belgique, 1861, t. i, p 215. Lemire fut choisi; mais après sa mort l’archiduc \ibcrt s’empressa de nommer Malderus, 10 févr. 1611. Lc diocese d’Anvers, qui s’étendait entre Meuse et lisc.iut, n'avait eu, depuis su fondation en 1559, que !7G8 des évêques remarquables : Sonnius, Torrentius. Mineus l’avaient organisé, au milieu de difllcultés’snn» cesse renaissantes. Le successeur de Miræus, pénétré de l’importance, de l'excellence, du mérite du ministère pastoral, va continuer les traditions de zèle de ses prédécesseurs, malgré toutes les difficultés d’une situa­ tion que la trêve d’Anvers, en 1605, n’a pas complète­ ment pacifiée. Contre les entreprises des sectes protestantes, il ne sc contente pas de faire appel aux moyens de con­ trainte : lui-même veille â la défense directe de son troupeau par son action sur le clergé et sur les fidèles, ou par ses écrits qu’il multiplie selon les besoins. Si la prédication lui est interdite, en raison de sa faiblesse de poitrine, Malderus prend du moins toutes mesures utiles pour que le peuple soit solidement éclairé et défendu dans sa foi. Le premier écrit remis par lui à son ami Plantin pour être imprime est un petit catéchisme en langue vulgaire qu'il rendit obli­ gatoire dans son diocèse : Calholijck ondenvys toi versterkinge der crancken in l'gcloovc, Anvers, 1613, in-12. Quand l’assemblée épiscopale de la province eut décidé de remplacer le catéchisme de 1609, long, obscur et incomplet, cc fut lui qui révisa la rédaction du catéchisme en fl leçons du jésuite Guillaume de Prcterc, dont l’édition flamande parut en 1623, et la française en 1628; ci. Glaesscns, Hist, des archevêques de Malines, 1.1, 239. En même temps, il s’occupe de la construction des écoles et de l’entretien des maîtres, tandis que les évêques de la province supplient l’ar­ chiduc de contraindre, sous peine d’amende, les en­ fants à la fréquentation des catéchismes. Synodicon, t. i, p. 457 sq. Scs lettres pastorales révèlent aussi l’intérêt qu’il porte à l'instruction du peuple, car il ne se borne pas à porter des décrets contre les blasphémateurs (1616) et contre ceux qui ne com­ munient pas à Pâques ou n'observent pas le précepte dominical, il fait à tous une obligation grave d’en­ tendre les prédications (1622). Il se préoccupe du reste de la manière dont celles-ci seront faites, té­ moin la surveillance qu’il exerce sur les études et la formation spirituelle de scs séminaristes, l’ordre qu’il donne avec ses confrères île la province à tous les clercs dans les ordres sacrés de posséder V Instructio sacerdotum d’Antoine Molina (1627), les modifications qu’il propose au projet d’instruction pour les prédica­ teurs rédigé par l’évêquc d’Yprcs (1629). Synodicon belg., t. i, p. 489, 495, 502. Mais lui-même prend la plume à diverses reprises pour défendre son troupeau contre les erreurs pro­ testantes. Il déplore le manque de fermeté dont on a fait preuve envers Luther à l’origine de ses erreurs : si les renards démolissent aujourd’hui la vigne, écrit-il, c’est qu’on ne les a pas pris quand ils étaient petits; il faut s’en emparer et les exterminer ». Cc sont là, toutefois, menaces de professeur et non de guerrier. · On les prend, poursuit-il, quand on les réfute bien, cc qui est facile aux savants. Les renards, au dire des anciens, ont des tanières à deux issues; il faut donc enfermer les hérétiques dans des dilemmes.· In cantic. canticor., c. n, 15. C'est en ce sens qu’il tire parti de la querelle entre remontrants et contrercmontranls. On connaît cette affaire. Malgré la mort de leur chef, les arminiens persistaient à soutenir qu’il était opportun d’adoucir la doctrine rigide de Calvin sur la prédestination et de faire dépendre le salut de la volonté des hommes. Ils réclamaient une révision du catéchisme de l’Église réformée de Belgique. Les gomaristes, par contre, se cantonnaient avec obstina­ tion dans leur règle de fol approuvée comme conforme aux Écritures. Après l’insuccès des colloques de La Haye en 1611 et de Délit en 1613, le goinariste Maurice de Nassau ht convoquer enfin à Dordrecht.cn 1769 M A LDI.H US novembre 1618, les calvinistes de tous les pays; mais les arminiens ne comparurent à cc synode qu’en accu­ sés, et bientôt leur chef, Episcopiui, dépose, banni, vint se retirer à Anvers, tandis que les gomarlstcs triom­ phants poursuivaient leur synode Jusqu'en mai 1619. La modération des idées d'Episcoplus, la douceur de son caractère, la dure injustice avec laquelle il avait été traité par ses coréligionnaires le rendaient sym­ pathique; il était â craindre qu'a la faveur de cc sen­ timent ses doctrines ne sc répandissent dans les milieux catholiques du diocèse, d’autant que le vaincu de Dordrecht écrivait pour sa défense deux ouvrages (pii certainement trouveraient beaucoup de lecteurs : ΓAntidotum continens pressiorem declarationem pro­ pria· et genuine sentent lie quit in synodo national! Dordracena adserla est et stabilita, et la Confessio seu decla­ ratio sententiœ pastorum, qui in foederato Belgio remonstran les vocantur, super pnecipuis articulis religionis Christiana·. Malderus, sachant que « les personnes non averties se laissent facilement tromper cl ne remar­ quent pas toujours assez que ce qui est opposé â l’er­ reur n’est pas toujours vrai », entreprit de renvoyer dos Ados les deux partis qui s’étaient trouvés aux prises a Dordrecht cl publia à cet effet son Antisynodica, sive animadversiones in decreta conventus Dordraceni, quam vocant synodum nationalem, de quin­ que doctrina· capitibus inter remonstrantes et conlraremonstrantes controversis. Anvers, 1620, in-8°. Tirant argument de leur opposition même, il s’élève contre ces docteurs dont chacun interprète à sa guise les Écri­ tures; puis, sur chacun des cinq points contestés entre eux, il expose clairement les idées des remontrants, celles des contrc-remont rants et les siennes propres qu’il appuie sur l’enseignement de l’Église et des Pères. Après cette réfutation d’ensemble, il examine en détail, dans les chapitres suivants, les principales propositions admises par le synode de Dordrecht, pour en montrer la fausseté : les fidèles doivent croire que leurs enfants défunts sont élus par le fait même qu’ils sont nés de parents fidèles; on peut avoir ici-bas la certitude de son propre salut; seuls, les élus reçoivent la grâce justifiante; la conversion est irrésistible; les justes persévèrent nécessairement et sont assurés de leur persévérance. Œuvre de circonstance, VAntisynodica a toute la solidité d’un ouvrage longuement mûri, et les protestants eux-mêmes ont reconnu sa parfaite objectivité. Non content de réfuter les hérétiques. Malderus avait à cœur de leur arracher leurs armes. Il songeait à eux quand il publia son Tractatus de restrictionum mentalium abusu, Anvers, 1625, in-12, et son Tracta­ tus de. sigillo confessionis sacramentalis, Anvers. 1626, in-8®. Les protestants sc répandaient en calomnies à propos des restrictions mentales; beaucoup de catho­ liques usaient de ces restrictions, < au grand détriment des consciences», et d’âpres discussions les divisaient entre eux à ce sujet; voilà pourquoi l’évêque crut devoir intervenir. Son traité sur l’abus des restric­ tions mentales est établi sur la base d’une vaste enquête historique. Il étudie successivement les textes de l’Écrilure, la doctrine des Pères, les opinions des théologiens scolastiques, puis, avec une grande clarté, il fait le départ entre cc qui est certain et ce qui reste douteux en ces matières. Pour lui, il prend une posi­ tion moyenne conforme, csllinc-t-il, à celle des Pères et des anciens scolastiques : < Mes préférences vont à l’opinion de ceux d’après lesquels la restriction men­ tale n’est permise que si elle est manifestée extérieu­ rement, soit par des paroles, soit par les circonstances ou les usages », p. 2G. H donne en conséquence des règles très précises pour l’emploi de la restriction men­ tale; mais II ne cache pas que le silence est toujours préférable et que mieux vaudrait s’y tenir toujours. soit par amour de la perfection, suit pour ne pa* s'ex­ poser au danger de pécher ou de donner le scandale. La confession aussi était l'objet des sarcasmes des cal­ vinistes et, trop souvent, prêtres cl religieux prêtaient le liane à la critique dans l’administration du sacre­ ment de pénitence. On sait que Grégoire XV publia, en 1622, des bulles disciplinaires sur ce sujet. Cf. art. Grégoire XV. t. n, col. 1818; mais elles étaient loin d’etre suffisantes, puisque, le Pr novembre 1624, Mal­ derus priait l’archevêque de Malines de signaler a Home vingt abus non relevés par le pape! Lettre publiée dans Synodicon brlg., 1.1, p. 171 sq. C'est pour réagir contre ces abus que l’évèque écrivit, en 1626, son traité sur le sceau de la confession; et sa main se reconnaît aisément dans V Instructio danda confessoriis in provincia melchiniensi qui fut approuvée deux ans plus tard par les évêques de la province réunis à Anvers. Texte dans Synodicon, t. i. p. 491-497. Les dernières publications de Malderus sont des œuvres de spiritualité. Méditant le Cantique des can­ tiques, il y a trouvé « des avertissements si utiles aux pasteurs cl aux Hdcles » qu’il a entrepris de le com­ menter dans un in-8® intitulé : In Canticum Canticorum Salomonis commentarius, Anvers, 1628. Il s'y place à un point de vue exclusivement mystique et pratique. • Salomon, écrit-il dans sa préface, veut recommander non seulement la vie contemplative mais la vie active, car le vrai Salomon est venu exercer la charge pasto* raie et mourir pour ses brebis. » Π adopte en cnoséquencc la division du P. Arnold Cathius : état de* débutants, état des parfait* qui vivent dans la dou­ ceur de la vie contemplative, état des parfaits qui vaquent au soin des Ames, et il termine par des conseils sur la manière de se préparer à la mort. Son œuvre est érudite : on y voit citer des Pères cl des théologiens, parmi lesquels Bède, saint Anselme, saint Bernard, saint Thomas, tiennent le premier rang; mais elle vise surtout il être utile par de nombreuses applications a la vie spirituelle cl aux devoirs d’état. Du commentaire sur le Cantique, il faut rapprocher les Meditationes theologies, universe theologia· sum­ mam compétentes, tribus partibus distinclæ et in 21 dies distributee, Anvers, 1630, in-8°, et une œuvre posthume, le Judicium de ecstasi perpetua, sive partis spiritualis ab animali abstraction? et id genus anago­ gicis exercitiis, Pharus spiritualis, que Liberi Fromond, doyen de la collégiale de Saint-Pierre cl profes­ seur â l’université publia â Louvain, en 1632, à la suite de son Brevis commentarius in Canticum Can­ ticorum, Une 2· édition du Brevis commentarius, parue vn 1660, contient sous la même pagination le Pharus spiritualis daté de 1659. Celui-ci est en réalité un rapport sur un livre traitant de l’extase. Malderus s'y montre en principe indulgent pour les mystiques : « On ne peut» dit-il, les peser avec la même rigueur que les scolastiques; c’est parce qu’ils Pont fait que Jean Evck cl Gerson ont condamné l’un, Tailler, l’autre. Buysbrocck. Mais la tolérance a vu de fâcheux effets : elle a favorisé la diffusion, sous le couvert du langage mystique, d'inexcusables erreurs, comme celles des Béganis allemands, de la secte dite du · Libre Esprit », de la Théologie germanique, des Illuminés que con­ damna l’inquisition espagnole, en 1623; aussi convientil de suivre, en pratique, les conseils de la prudence. » En meme temps qu’un pasteur vigilant et un homme Assurément, des formules du genre de celle-ci sont admirablement placées dans la bouche du Christ. Mais, il y en a aussi d'autres qui paraissent moins convenables ù la dignité infinie d’un tel maître. On ne peut manquer d’etre parfois choqué de voir Noire-Seigneur abaissé au rôle de professeur de philo­ sophie cartésienne. La comparaison inévitable avec Γimitation est loin d’être toujours Λ l’avantage de Malebranche. 5» fl ne saurait être question de présenter une ana­ lyse, même sommaire, du Traité de. morale. La densité de ce Traité est extrême. Il touche, non seulement à tous les sujets qui sont logiquement impliqués dans le titre, mais encore â des sujets (pii dépassent la portée du titre. Dans une première partie, l’auteur traite de l’essence et de la genèse de la vertu. Dans une seconde partie, il définit tous les devoirs que l’homme a a remplir envers Dieu, envers son prochain et envers lui-même. Une courte formule résume toute cette morale : « respect de l’ordre ». L’effort tenté par .Male­ branche est intéressant cl original, en ce qu’il vise à établir qu’il n’y a qu’une seule morale et que cette morale elle-même peut être ramenée à une parfaite unité. Nous sommes Ici en présence d’une entreprise de caractère rationnel el scientifique qui est, par cer­ tains côtés, une anticipation du Fondement de la métaphysique des mœurs lequel verra le jour un siècle plus tard. Mais, pour Malebranche, la seule morale vralo et digne de l’homme est la morale chrétienne. Il condamne el exclut toutes les autres, y compris le stoïcisme et le jansénisme. G® Les Entretiens sur la métaphysique sont au nombre de quatorze. Il est impossible d’en détailler le contenu. Ils renferment, sous une forme condensée cl définitive, toute la philosophie el toute la théologie de Male­ branche. Il n'y a rien à retirer de cc que nous avons dit sur l’intérêt exceptionnel de la Recherche. Mais ceux qui veulent prendre le chemin le plus court et le plus sûr pour connaître notre philosophe doivent aller tout droit aux Entretiens sur la métaphysique : c’est son chef-d’œuvre. 7e Le Traité de la communication des mouvements est une œuvre de pure science. Il relève uniquement de la compétence des mathématiciens. 8® Le Traité de rumour de Dieu, avec les trois Lettres a dom Bernard Lamy, bénédictin, est une mise au point extrêmement remarquable de la question du désintéressement possible cl convenable dans l’exer­ cice de l’amour de Dieu. Malebranche accorde aux partisans du pur amour tout ce qu'ils peuvent légiti­ mement réclamer. Mais il ne supporte pas qu'on méconnaisse les exigences de l'aspiration fondamentale au bonheur qui fait l’essence même de la volonté humaine. Dans ce groupe d écrits (Traité et Lettres annexées), il a montré beaucoup de bon sens, beaucoup d'équilibre philosophique, et beaucoup de sûreté théo­ logique. N’oublions pas que Bossuet en fut charmé et en resta conquis pour toujours. 9· L'Entretien d'un philosophe chrétien avec un phi­ losophe chinois est essentiellement une reprise de l’ar­ 1780 gument ontologique, une protestation contre leTconccptions anthropomorphiques cl mie nouvelle alllrmation du principe de la simplicité des voies. » 10° En 1713, Boursier avait publié un livre qui por­ tait comme litre : L'action de Dieu sur les créatures ou de la prémotion physique, C'est pour répondre À cc livre que Malebranche écrivit ses Réflexions sur la prémo­ tion physique. Au fond, il reprend sa thèse sur l’accord de la liberté el de la grâce (pii ligure dans le troisième discours du Traité de la nature et de la grâce. En effet, la promotion physique de Boursier n’était pas autre chose qu’une interprétation janséniste de la théorie thomiste de la grâce prévenante et efficace par ellemême. En combattant cette thèse, Malebranche émet des vues profondes sur le mécanisme de la volonté el sur le caractère foncièrement immanent (le mot est de lui) de l’acte libre. De plus, on retrouve, vers la fin de cet ouvrage, une dissertation très complète sur la raison dernière de l'incarnation. Il y a là des pages admirables qui doivent être comptées, pensons-nous, parmi les plus chrétiennes, les plus théologiques, clics plus orthodoxes du grand penseur à la veille de mourir III. Système philosophique. — Si l’on en croit Malebranche, c’est avec la physique de Descartes et la métaphysique de saint Augustin qu’il a construit son système. En réalité, ce système a d’autres origines encore. Mais, laissant de côté les sources, prenons-le pour le moment tel qu'il est. 1° Théorie de la connaissance. — Considérons en premier lieu la connaissance des objets distincts de nous. Ici, la faculté générale d’apercevoir qui appar­ tient à l’âme s’exerce de trois manières différentes : par les sens, par l’imagination et par l’entendement. 1. A l’égard des sens, la défiance de Malebranche est extrême. Pourquoi? Parce qu’on est enclin à attribuer à leurs informations une portée qu’elles ne sauraient avoir. Les renseignements qui nous viennent d’eux ne nous fournissent pas de connaissances proprement dites et spéculativement valables. Dans l’ordre du véritable savoir, ils sont non avenus. El, dans la mesure où l’on se île à eux à cet égard, ils deviennent de /aux témoins. Cependant, remis ù leur place, ils ont un rôle utile. Ce sont des moniteurs fidèles el des auxi­ liaires précieux pour tout ce qui concerne le bien du corps. C’est pour la conservation et la commodité de la vie qu’il faut les consulter. Pour cet ordre de choses, on doit faire appel à eux. Interrogés dans cc domaine limité de leur compétence indiscutable, ils instruisent par des preuves courtes et sûres. Démarquons l’élé­ ment d’empirisme et de positivisme impliqué dans cette doctrine. La position ainsi prise par Malebranche résulte de sa critique de la perception sensible. Pour lui, comme pour Descaries, seules les qualités premières sont objec­ tives.' Quant aux qualités secondes, ce sont de pures modalités de notre âme. Nous les rapportons spontané­ ment aux objets, mais elles ne leur appartiennent pas. Et les qualités premières se réduisent finalement à l'étendue, aux figures et aux mouvements. C’est bien la physique de Descartes. Ce dernier avait déjà dénoncé, de son point de vue, la subjectivité des sensa­ tions de chaleur, de couleur, de son, d’odeur, de saveur II ne laissait ù la matière comme essence que retendue avec la géométrie des dessins (pii s'y ins­ crivent et la mécanique des déplacements qui s’y opèrent. Cependant, chez Malebranche. celle doctrine commune et fondamentale accuse des traits particu­ liers. Elle est soulignée par une analyse d’une richesse plus grande, d une finesse plus subtile. Elle manifeste plus de hardiesse agressive contre les tendances qui portent l’homme ù admettre que les modifications sen­ sibles (pi*il éprouve représentent exactement les choses. Enfin, dans le procès qu’il fait â la perception 1781 SYSTEME 1’HlLOSOI‘HIQt E sensible, notre philosophe est Influencé par la considé­ ration des conséquences du péché originel. En résumé, la théorie des sens de Malebranche sc ramène â deux points : 1. les sens ne nous trompent pas dans la sphère de leur compétence: 2. c’est nous qui nous trompons en croyant sans réflexion que notre sensa­ tion est représentative du réel. 2. La seconde faculté qui permet a l’âme de regarder hors d’eJle-inêmo est l'imagination. Ce terme prend, chez Malebranche, une signification très étendue. Sans doute, il est la traduction de la φαντασία d’Aris­ tote. Mais il embrasse un objet plus vaste que chez Aristote el chez les scolastiques. Ici, le rôle de l’ima­ gination apparaît comme coextensif de la fonction des organes des sens. Seulement, les organes des sens n’entrent en activité qu’à l’occasion de la présence des objets. Au contraire, l’imagination intervient en l’absence des objets pour prolonger, reproduire ou sus­ citer des perceptions de même nature quoique de moindre intensité. H est impossible de comprendre cette théorie de l’imagination sans sc faire une idée de la physiologie du système nerveux qui en est le principe inspirateur et que Malebranche a empruntée a Descartes. Selon Descartes, les nerfs sont semblables ù de petits tuyaux répandus dans tous les membres comme les veines et les artères. Ces tuyaux ont une gaine qui ren­ ferme des filets très tenus. Ces filets vont du cerveau jusqu’aux extrémités des membres. Ils forment ainsi comme des chemins qui sont parcourus par les esprits animaux. Ceux-ci, comparables â un air ou à un vent très subtil, né du sang et échauffé par le cœur, rendent le cerveau propre à recevoir les impressions des objets extérieurs et aussi celles de l’âme. D’où un mouvement de va-et-vient des extrémités au cerveau et du cerveau aux extrémités. Dans le premier trajet, les esprits ani­ maux sont porteurs des impressions sensibles; dans le second, ils coulent dans les muscles pour donner du mouvement aux membres. Laissons de côté le tenue suranné d’r.spn/s animaux, cependant bien choisi, car il traduit le πνεύμα des grecs et le spiritus des latins, «pii veut dire souffle et qui indique ce qu’il y n de plus subtil et de plus immatériel dans la matière même. Oublions les mots pour ne retenir que les choses. A cette dénomination près, les physiologistes contempo­ rains professent la même doctrine que Descartes et Malebranche. Ils admettent, comme eux, qu’il existe une force ou un influx nerveux; que les nerfs ne sont que des filets conducteurs conduisant aux centres où s’accomplissent les operations principales, et enfin qu’un double courant transmet les sensations de la périphérie au centre et les excitations motrices du centre à la périphérie. Gardons-nous donc bien de con­ sidérer comme périmée la physiologie nerveuse que .Malebranche a empruntée à Descartes. Malheureusement cette physiologie est liée Λ une conception de l’unie qui,sous prétexte (l’en exalter la nature, en amoindrit singulièrement le rôle. Le double courant qui traverse en deux sens contraires le réseau nerveux est déterminé par un mécanisme (fui joue sans aucune intervention directe de l’âme. Le corps est placé d’un côté avec l’étendue; l’âinc est mise de l’autre avec la pensée. C’est un dualisme radical. A parler rigoureusement, le terme même d’dsne est ici impropre. C’est esprit qu’il faudrait dire. Car la 4’υχή des Grecs cl l'anima des scolastiques sont essentielle­ ment un principe de vie. Bien de tel chez Descartes cl Malebranche. Pour eux, l’âme est simplement le siège de hi pensée : elle n’a aucunement pour fonction de donner la vie au corps el de le mouvoir, inverse­ ment. le corps n’est qu'une machine merveilleusement accordée à l’âme, mais nullement informée par elle. Citons Miilehraiichc : Toute l’alliance de l’esprit et du corps qui nous est connue consiste dans une corres­ 1782 pondance naturelle et mutuelle de» pensées de l’âme avec les traces du cerveau, et des émotions de l’âme avec les mouvements des esprits animaux. · Et celte correspondance réciproque a lieu < en conséquence de quelques lois naturelles que Dieu a établies et qu’il suit constamment ; c’est cc qui fait l’union de l’âme et du corps ». Ainsi, pas de passage de l’âme au corps; pas de passage du corps â l’âme. C’est le plus pur parallé­ lisme qu’on puisse imaginer. On vient de voir que Malebranche parle des traces du cerveau. Sa théorie des traces n une très grande importance. Les traces sont déterminées par le pas­ sage des esprits animaux. Elles sont d’autant plus profondes que cc passage est plus fréquent pour une même impression. Chaque fois que les objets produi­ sent de nouvelles traces, l âmc reçoit de nouvelles idées correspondante». C’est Dieu qui produit ces idées en nous à l’occasion de ce qui se passe dans notre corps. 11 y a donc un rapport mutuel entre les idées de l’es­ prit et les traces du cerveau. Il y a aussi, dans le cer­ veau même, un rapport mutuel entre les trares. L’étude que fait Malebranche de cette double liaison est extrêmement suggestive. Π devance l’explication physiologique de l’association des idées qui a prévalu dans certaines doctrines contemporaines. Et, en même temps, il échappe à l’empirisme des associalionnistes ù raison des causes qu’il assigne aux liaisons. Chez lui, cc n’est pas de la seule expérience que les liaisons tirent leur origine et leur force. Nous voyons donc clairement apparaître cc qu’est l’imagination pour notre philosophe. Elle est cons­ tituée par les idées que Dieu produit en nous à Γocca­ sion des traces du cerveau. Dans son acception stricte, elle est la faculté, en l'absence des objets, de reproduire les traces et par conséquent de ressusciter les idées qui y correspondent. De cc qui précède sur les premiers moyens dont nous disposons pour nous mettre en rapport avec les choses, nous tirerons une conclusion qui sera com­ mune aux sens et à l'imagination. Ni les sens, ni l'ima­ gination ne fournissent réellement d’objets à la con­ naissance proprement dite. Les sensations ou les images (pii s’y élaborent sont des modifications de notre âme et non des propriétés du réel. Par les sens et par l'imagination, nous ne faisons que sentir : nous ne connaissons pas. 3. Quelle sera donc la faculté qui nous mettra en face de véritables objets de connaissance? Ce sera Fentendement, ou, pour mieux dire. l'entendement pur : car, à certains égards, les sens et l’imagination font déjà partie de l’entendement. L’entendement est une faculté entièrement passive; mais c’est une faculté — Pour conserver notre foi dans les matières décidées, nous avons l’autorité de l’Église : cela suffit. * — « Je demeure soumis à l'autorité, plein de respect pour la raison, convaincu seulement do la faiblesse de mon esprit et dans une perpétuelle défiance de moi-même... Je sens toujours, de mieux en mieux, la petitesse de mon esprit, la profondeur de nos m\stères, et le besoin extreme que nous axons tons d’une autorité qui nous conduise. » — D’autre part, nous lisons dans l’Avertissement des Médita­ tions chrétiennes : · Je soumets toutes mes réflexions à l’autorité de l’Église qui conserve le sacré dépôt de la tradition. ■ — En Un. voici deux extraits du Truité de la nature cl de la grâce (Avertissement el premier éclaircissement) : < Je ne suis point assez téméraire pour révoquer en doute ce qui passe pour certain dans l’Église et ce que la religion nous oblige â croire. » — « Je soumets toutes mes pensées à la censure de l’Église qui a droit de me les faire quitter par une autorité à laquelle je serai toujours prêt a déférer » — Il n’est pas possible d’accuser une inten­ tion plus ferme cl plus louable d’orthodoxie. On voit par là ce qu’il a voulu être pour son compte. Et voici ce qu’il a eu dessein de faire pour les autres. Son respect de renseignement de l’Eglise s’est accom­ pagné d’un véritable zèle pour justifier la xérité chrétienne. Il a dit dans l’avertissement du Traite de la nature cl de lu grâce : «Je n’ai point d’autre dessein que de prouver en toutes les manières possibles les ventes que la foi nous enseigne. » Croyant sincère el docile pour sa part, il a voulu cire pour scs contem­ porains un apologiste et un apôtre. Voilà pourquoi il s'est efforcé de proposer en faveur du dogme catho­ lique des arguments qui fussent en harmonie avec la science cl la philosophie Cette autorité, nécessaire pour nous livrer la vérité, les protestants ont la prétention de la trouver dans l’Écrilure sainte. Or, Malcbranchc fait observer très justement que la valeur transcen­ dante des Livres sacrés repose sur le fait de l'inspira­ tion. Mais ce fait, il faut le connaître pour s’y appuyer. Il faut en avoir, non pas un sentiment vague, mais une certitude inébranlable. 11 a donc besoin d’être attesté par une affirmation compétente. Dès lors, faudra-t-il que le Saint-Esprit le révèle à chaque parti­ culier ? C’est là une prétention insoutenable. Com­ bien il est plus naturel et plus sensé que l’EspritSaint révèle le fait de l’inspiration à l’Églisc considérée comme collectivité, comme société, afin que tous les particuliers puissent ensuite bénéficier, en toute sécurité, de cette attestation générale ! Une telle attestation, dont on peut contrôler les origines, est beaucoup plus justifiée et beaucoup plus autorisée. C’est ici que Malcbranchc fait intervenir la notion de société avec une pénétration qu’on n’a pas assez relevée. Il oppose, avec finesse et avec force, le carac­ tère raisonnable et réglé de l’organisation catholique au caractère irrationnel et anarchique de l’individua­ lisme protestant. Il trouve illogique et contradictoire l'attitude des hérétiques. En effet, ces derniers admettent sans sourciller que l’Esprit-Saint inspire les particuliers. Et. en même temps, ils trouvent Invraisemblable et Inconvenant qu’il assiste l’Églisc! En vérité, de telles conceptions sont contraires au bon sens. Les décisions d’un concile ne peuvent pas ne pas être préférées, non seulement aux sentiments des particuliers, mais encore aux opinions dé quelque secte que ce soit. Aussi, pour notre apologiste, les meilleures preuves des vérités nécessaires au salut sont celles qui se tirent de l’autorité de l’Églisc. Car, cette autorité est infaillible. L’infaillibilité de la société religieuse est renfermée dans l’idée même d’une religion divine. La prérogative essentielle de l’Églisc est donc impli­ quée dans la seule notion de révélation authentique. Le tout est de comprendre qu’il n’y a qu’un orga­ nisme social régulièrement constitué qui puisse rai­ sonnablement et légitimement être le dépositaire de ce privilège de l’infaillibilité. Mais l’appel que Malcbranche fait à l’autorité enseignante de l’Églisc ne l’empêche pas d’attribuer en même temps une grande valeur a des réalités concretes qui fondent précisément en partie cette autorité même et qui sont loin de constituer des t 1793 M AI.EBR ANCHE, VIES TIIÉOEOGIQUES mlère des créatures» est clle-rnâmc une créature, faite par une volonté libre de Dieu, cl non point engendrée de sa substance par la nécessité de son être. Mais ce sentiment ébranle tous les fondements de la morale en ôtant à l'ordre et aux lois éternelles qui en dépendent leur immutabilité, et il renverse tout l’édifice de la religion chrétienne. · Recherche, XIII· éclaircissement* Bien ne peut mieux mettre en lu­ mière la divinité du Verbe que la nature divine des idées elles-mêmes qu’il porte en lui. - - Quant nu Saint-Esprit, aux yeux de Malcbranchc comme nu regard de toute la tradition, il est en Dieu ce qui représente l’Amour infini. Et c’est lui qui répand dans les cœurs cet amour surnaturel dont il est le principe. 2. Anthropologie. — Pour être bien comprise, la théologie des trois étals de l’homme dans .Malc­ branchc demande à être rapportée â son Anthropo­ logie particulière. Or, celte anthropologie est résumée par lui-même dans la formule décisive que voici : « L’homme est un composé de deux substances, esprit et corps dont les modalités sont réciproques en conséquence des lois générales qui sont cause de l’union de ces deux natures. » Entretiens sur la métaphysique, XIP. Dans cette définition, il y a un élément qui restera toujours invariable parce qu’il sert de fondement â la réciprocité : c’est la loi même du parallélisme. Mais il y a un autre élément qui peut varier considé­ rablement. Et celle variation peut aller jusqu’à l'interversion complète du rapport des deux termes en présence, en sorte que, des deux conditions pos­ sibles pour l’homme, la seconde prent c la place de la première. En cfTct, l’élément variable dont nous parlons, c’est la relation de l’esprit au corps. Norma­ lement. l'esprit doit avoir la prédominance. Mais la prevalence peut être transférée au corps Ainsi les deux substances dont nous sommes composés peuvent sc disputer l’empire du tout qu’elles cons­ tituent. Et la loi de la réciprocité Jouera en faveur de celle des deux qui aura pris le dessus sur l’autre. Dans l’état de justice originelle, c’est l’âme qui tient les rênes du gouvernement. Elle est la maîtresse de tous les mouvements du composé humain. Et Mulebranche va Jusqu’à dire qu’il est pratiquement incon­ cevable que Dieu eût pu primitivement soustraire l’élément matériel â la parfaite domination de l’élé­ ment spirituel. Dans celle première situation où les facteurs sont disposés l’un par rapport à l’autre selon une hiérarchie conforme à l’ordre, l’homme n’éprou­ vait aucune dillicullé à agir en toutes circonstances selon sa nature et sa destinée. 11 suffisait pour cela qu’il reçût une grâce de lumière. En effet, l’illumi­ nation de l’esprit entraînait l’adhésion spontanée au bien d’une volonté gagnée d’avance à Dieu. Cette grâce de pure lumière est ce que Malcbranche appelle la grâce du Créateur. 11 la distingue avec soin de la grâce de sentiment ou grâce du Rédempteur, laquelle, selon lui, n’a rien à voir ici. Il prétend que, en matière de grâce, saint Augustin a lui-même distingué entre la lumière et le sentiment. Et il cite à l'appui de sa thèse un texte du grand Docteur où apparaît, en effet, très nettement la distinction en question. Mais il est fort douteux (pie saint Augustin l’ait entendue dans le sens que lui donne Malcbranche. Le texte Invoqué ne semble pas suggérer l’idée de deux grâces distinctes, ni surtout séparables: il parait simplement opérer le discernement de deux éléments indivisibles en fait d’une seule cl même grâce. Toujours est-il que Malcbranchc met, d’un côté, la grâce de lumière sous le nom de grâce du Créateur, et, de l’autre, la grâce de sentiment sous le nom de grâce du Kédcmpleur. Il a même, sur l’état du premier homme, une 1794 formule inquiétante et suspecte. Il dit quelque part que · la lumière, dans son origine, n’était que la nature . Proposition ruineuse, si on la prend à la lettre. I Icurcuscment, on peut cl même on doit l’interpréter dans un sens satisfaisant. En effet, un examen attentif de l’ensemble des textes de notre auteur amène a faire In double constatation suivante : a) la grâce de lumière vient du Verbe incarné tout comme l’autre : car, au regard de l’oratorien, la grâce d’Adam procède du Christ; — b) h grâce de lumière n’est qualifiée de naturelle que parce que, maintenant encore, les causes occasion­ nelles 179G des voies simples, générales, uniformes cl constantes. H y a lâ une épure dont le tracé géométrique est l'œu­ vre du grand Architecte et dont la pureté dc lignes exclut Jusqu'à la possibilité d’une bavure on d’un trait hors cadre. On en voit les conséquences. Jésus Christ seul pouxant fournir à Dieu les occasions ou les lois générales entrent en action pour (pic la grâce tombe sur les hommes comme une eau salutaire, il arrivera pour ccttc rosée céleste ce qui arrive pour ht pluie terrestre qui descend sur les sables du désert ou sur la surface de l’océan, aussi bien que sur les prairies ou sur les terres cultivées. Si le Hédempteur pense ù un certain moment à une certaine catégorie dc pécheurs, les avares par exemple, tous les avares recevront à ce moment là une grâce de conversion, qu’ils soient d’ailleurs prêts ou non â en faire un bon usage. H y aura donc fatalement des pécheurs impe nitent s dans l’ordre surnaturel, comme il y a des monstres dans l’ordre naturel. C’est le résultat du jeu des lois générales 1 fait intervenir une distinction juste ct opportune entre l’ordre des décrets divins cl l’ordre des évé­ nements visibles, entre l’ordre dc la finalité ct l’ordre de l'exécution. Du point de vue de la concep­ tion ct dc la décision souveraine» du Créateur, I incar­ nation apparaît dans un relief qui la place au premier plan; du point dc vue de la manifestation du dessein dc Dieu dans les faits accomplis sous nos yeux, la rédemption tient le premier rang ct s’impose a notre attention comme si elle était le premier article du programme divin. C'est pourquoi Malebranche se borne finalement à dire que la rédemption n'est sans doute pas la cause unique de l'incarnation. Le Verbe incarné est quelque chose de plus qu'un pur Hédempteur. (le sont la d’utiles ct louables réserves de doctrine et précautions de langage. Mais enfin, quand il suit le mouvement naturel et l'inspiration surnaturelle dc sa pensée, le grand religieux dc l'Oraloirc, le fidèh disciple de Bcrullcre trouve, sans le savoir,les idéesde Duns Scot cl en revient toujours a sa vision magnifique d’une incarnation qui est au principe cl qui subsiste au centre de tout. C’est ccttc incarnation domina­ trice qui sert de clef de voûte Λ l'immense architec­ ture de l’univers. Si la chose était possible, nous pourrions multiplier les citations qui mettent cette thèse en évidence et qui la soutiennent dans des termes d’une rare élévation. Produisons du moins un texte emprunté au V· entretien des Convert at ion s chré­ tiennes. · Le premier dessein de Dieu, écrit Molebranche, a été l’incarnation de son Fils. C'est pour lui que nous sommes faits, quoiqu’il sc soit incarne pour nous. Nous sommes faits à son image, car il est homme dans le dessein dc Dieu avant qu'il y eût des hommes. Dieu nous a élus en lui avant la création du monde. Comme Dieu a tout fait par lui, Il a aussi tout fait pour lui. Car. Jésus-Christ est cet homme pour lequel Dieu a tout fail- Il a été prédestine pour être le chef des anges ct des saints, des anges qui sont avant les saints. Mais il était avant tous dans le dessein de Dieu, car les membres sont faits pour le chef cl non le chef pour les membres. » Voilà, dans toute son ampleur, la pensée profonde de notre philosophe sur Γ Incarnation. Quel jugement en doit-on porter ? Derrière' la thèse dc Malebranche, Il y a les idées que voici. Le plan divin· qui préside à tout le déve­ loppement de l’œuvre creatrice, ne peut pas être un composé de pièces et de morceaux. Cc plan ne peut pas comporter des surprises qui nécessitent des reprises. Dieu ne saurait être assimilé à un architecte qui, ayant manque son coup, restaure son édifice par des expédients où les délicatesses dc l’amour ne suffisent pas à masquer les défaillances de la sagesse. On peut les ramener aux deux énoncé'· suivants : t· Tout a été prévu de toute éternité cl tout fait partie d’un plan unique, simple et concor­ dant; 2e Le principe détcnninatcur de toutes les lignes tracées dans ce plan et de tous les événement'' Isus do cet archétype est l'incarnation du Fils de Dieu. - - Au-dessus de toutes les contingences dt l’histoire, il faut donc envisager· le décret étemel par lequel Dieu a résolu dc réunir toutes choses dans notre divin Chef, l’Homme-Dieu, prédestine avant tous les temps pour être le fondement. I architecte, la victime ct le souverain prêtre du temple spirituel que la majesté divine habitera éternellement >. Ccs vues peuvent se réclamer de très hautes auto­ rités. Malebranche a probablement pour lui saint Jean. Il a certainement pour lui saint Paul. Il a pour lui certains Pères cjui ont combat tu plus directement 1799 MALEBRANCHE, LA PHILOSOPHIE ET LA RELIGION l'arianisme. Il a pour lui, à partir de Duns Scot toute l’école franciscaine, la théologie snléslenne, et même Suarez. Et on pourrait revendiquer en sa faveur bien d’autres témoignages. La doctrine qui a retenu les préférences de .Malcbranchc est librement discutée dans l’Églisc, ainsi que l’observait déjà saint Bonaventure. El si notre auteur y a adhéré pour des motifs plus philosophiques que mystiques, en ceci encore il semble couvert par l’autorité du Docteur séraphique qui a écrit de la conception qu’il préconise : Magis consonat fudi· do rationis. La conclusion très nette est que .Malebranche ne doit pas être incriminé pour scs vues sur l'incarna­ tion. .Mais, comme nous l'avons insinué plus haut, il mérite d’etre repris pour avoir, à certains égards, diminué le Christ dans sa fonction de rédempteur. Sans doutc.il mettra très haut le rôle du réparateur. Il le mettra si haut, qu’il semblera presque se con­ tredire lui-même en disant que le Verbe ne s’est rendu sensible et visible que pour rendre la vérité accessible aux hommes. .Mais, quand il s'agit de montrer en lui la cause occasionnelle de la distribu­ tion de la grâce, il semble que c'en soit fait des gran­ deurs du Verbe incarné. Celui-ci apparaît surtout | comme impuissant à égaler scs secours à tous les besoins des âmes prises individuellement. SainteBeuve n'a pas eu tout à fait tort de dire que, en cela, Malebranche a exalté ly Père aux dépens du Eils. Et il est bien regrettable, en effet, que, après avoir élevé un si beau monument à la gloire du .Médiateur universel, il ail abaissé plus que de raison le Sauveur des hommes cl le divin .Médecin des âmes. La théologie de l’incarnation de .Malebranche a comme un prolongement dans sa conception de l’Églisc. — C'est l’Églisc qui continue sur la terre l’œuvre d’enseignement et de réparation du Christ. Nous lisons dans le V· Entretien sur la métaphysique : • Les hommes ont vu de leurs yeux la Sagesse éternelle... Il ont louché de leurs mains le Verbe qui donne la vie. La Vérité intérieure a paru hors de nous... afin de nous apprendre d’une manière sensible et palpable les commandements de la loi divine... Ces grandes vérités que la foi nous enseigne sont en dépôt dans l’Églisc... Nous ne pouvons les apprendre ((uc par une autorité visible émanée de la Sagesse incarnée. > On ne saurait mieux dire ni être plus catholique. Néanmoins, pour les raisons que nous avons dites, l'œuvre du philosophe oraloricn n’a pas entièrement échappé aux censures de l’Églisc. Un décret du 21 novembre 1G89 a mis à l’index le Traité de la nature et de la grâce. Plus tard. La recherche de la vérité, les Entretiens sur la métaphysique et le Traité de morale ont etc également prohibés. Cependant, plusieurs écrits très importants de .Malebranche, écrits où il développe notamment sa doctrine de l’incarnation et de l'amour de Dieu, n’ont été touchés par aucune condamnation. V. Kappohts de la philosophie et de la heugion. — On sait que Descartes avait posé le principe de la philosophie séparée. Il mettait, d’un côté, les vérités de l’ordre religieux comme relevant du seul critère de l’autorité, et, de l’autre côté, les vérités de l’ordre rationnel comme relevant du seul critère de l’évidence. Ces deux catégories de vérités ne sont pas seulement distinctes l’une de l’autre; elles sont de plus isolées l’une de l’autre par une cloison étanche. De l’une à l’autre, il n’y a pas de passage possible. Les vérités rationnelles constituent l’unique domaine de la philosophie Ici. la libre recherche doit s’exercer sam contrainte et aussi sans contrôle, car la tradi­ tion ne vaut pas dans les matières justiciables de 1800 • l'évidence. Inversement*, le jugement humain cl l'esprit critique n'ont rien à voir dans les vérités révélées. Ces dernières ne sont pas à comprendre comme des objets intelligibles, mais u accepter comme des données impénétrables. Elles ne sont pas perçues par l'esprit; elles sont reçues par la loi. C'ûst l’autorité compétente qui les propose ct qui en quelque sorte les impose. Le grand, le très grand mérite du cartésien Malebranche a été de résister nettement sur ce point à l’in fluence de celui qu’il admirait tant et qu’il a tant loué. Il n’a jamais admis telle quelle la sépara­ tion préconisée par Descaries, bien qu'elle ne procé­ dât pas d’un mauvais dessein contre la religion ct qu’elle prétendit, au contraire, la mettre en sûreté. Il n’a pas davantage voulu d’un régime de juxtapo­ sition où la philosophie, tout cri faisant étal des données de la foi, s’interdirait d’en faire usage. Et il a abouti ainsi à la conception d’une véritable synthèse des éléments empruntés à la foi et pulsés dans la philosophie, synthèse dont les éléments com­ posants jouent un rôle effectif ct efficace les uns par rapport aux autres. Nous disons qu’il a abouti à celte conception d’une intime alliance ct d’une mutuelle assistance de la raison et de la foi. En effet, c’est là une ques­ tion où sa pensée a évolué d'une façon notable cl toujours dans le sens du progrès le plus heureux. Comme nous l’avons dit, il n. dès le début, refusé de sc plier au séparatisme de Descaries. .Mais il a pour­ tant commencé par en subir l’influence. Dans une première phase de sa vie de penseur, il sc préoccupe surtout de prévenir les empiétements de la fol sur la raison ct de la raison sur la foi. Il insiste alors sur le rôle de la tradition dans la religion, ct sur la néces­ sité de l’autonomie dans la spéculation philosophique. Cependant, il ne les met pas à part l’une de l'autre par un isolement radical. Puis, à mesure qu’il avance dans sa carrière, il prend davantage conscience de l'utilité, de la convenance ct même de la nécessité d’une collaboration proprement dite de la religion ct de la philosophie. A ce moment, deux propositions résument l’état de sa pensée. D’une part, les dogmes révélés rendent compte de certains faits. Ils peuvent être des principes d’explication métaphysique. Il leur reconnaît donc une intelligibilité qu’on pourrait qualifier d’uc/mc. D’autre part, sans découvrir ces mêmes dogmes comme faits donnés cl sans les sup­ primer comme mystères, notre raison peut néanmoins s’y appliquer utilement pour les éclairer en quelque mesure. El il admet de la sorte qu’ils ont une seconde intelligibilité, celle-ci de caractère passi/. — Mais il ira plus loin encore. Le jour viendra où il procla­ mera que « la vraie philosophie, c'est la religion ». Par celte formule il s’apparente à Orlgènc, à Augus­ tin, à Bonaventure. Pour ces grands hommes, le christianisme était bel cl bien notre philosophie à nous croyants. Mais ils entendaient celle communion de la raison cl de la foi d’une sorte de mariage in concreto. Dans leur pensée, il y a simplement absorption de fait de toutes les vérités partielles cl subor­ données dans la vérité totale ct supérieure du mys­ tère du Verbe incarne. Malebranche tend à faire prévaloir la conception d’une sorte d’unité de droit des deux ordres. Il incline, en effet, à identifier le Verbe ct la liaison. C’est précisément sur ce point que son altitude, d’ailleurs si louable, appelle sans doute des réserves ct demande en tout cas des explications. 11 ne natu­ ralise pas le surnaturel : aucun doute là-dessus. Mais il n’est pas aussi certain qu’il ne lui arrive jamais de surnaturallser le naturel. La position qu'il occupe dans celle matière si délicate est plus d’une 1801 MALEBRANCHE, LA PHILOSOPHIE ET i- A RELIGION fols équivoque. Citons un exemple II déclare quelque part que · c’est la même Sagesse qui parle immédia­ tement par elle-même à ceux qui découvrent la vérité dans l'évidence des raisonnements, et qui parle par les suintes Écritures à ceux qui en prennent bien le sens ». Comment ne pas redouter qu'il y ait ici une confusion des deux ordres, par une secrète exal­ tation de la nature jusqu'au niveau de la grâce ? Toutefois, le malaise qu'on éprouve A lire de pareils textes est corrigé par la bonne impression (pie laissent d’autres déclarations de l’auteur. Car, il revient à des formules d’où il semble résulter qu’il n’est pas réel lenient tombé dans l'erreur qu'on serait parfois tenté de lui imputer. Mais nulle part, il n'a proposé des rapports de la nature cl de la .surnature une expli­ cation exempte de toute ambiguïté·. Et si, de temps à antre, il exalte trop la nature, dans d’autres cas, il diminue l’ordre surnaturel. Nous revenons ici, pour l’envisager sous un autre aspect, à un point déjà touché précédemment, celui de la distribution de la grâce. La théorie que Male· branche professe à cet égard n'amoindrit pas seule­ ment le Christ comme rédempteur : elle porte encore atteinte à toute l'économie de la religion ct, par consé­ quent, à Dieu lui-même. Oui, en principe, la bien­ veillance divine ne refuse le .salut A aucun être de bonne volonté. (L'est fort bien. Mais les déficiences de l’exécution rendent pratiquement inefficace, pour un grand nombre, la volonté salvi flque de Dieu le Père. La dispensation des grâces actuelles affecte un caractère non seulement limité, mais encore arbi­ traire; non seulement contingent, mais encore for­ tuit. Le nombre des élus est inévitablement ct, disonsle, injustement restreint. Car, il est réduit pour des raisons extrinsèques. Ce sont des causes étrangères à la responsabilité véritable des Individus qui y met­ tent des bornes. De telles vues ne sont pas d’un bon théologien. Elles ne sont pas davantage d’un vrai philosophe. Elles vont à l'encontre du succès de la tentative de rapprochement entre la foi et la raison opérée par Malebranche. Nous l’aimons mieux quand, parlant du fond de son âme, il écrit des phrases comme celle-ci : · Je ne croirai jamais que la vraie philosophie soit opposée à la fol ct que les bons philosophes puissent avoir des sentiments différents des vrais chrétiens ·. VE Entretien sur ta métaphysique. C'est par la convie lion qui a dicté ces lignes qu’il a rendu un immense service. Les intentions de Descartes n’étaient pas mauvaises; la sincérité de sa foi personnelle ne semble pas discutable. Mais, objectivement, son entreprise allait â ruiner le crédit intellectuel de la Révélation. Elle en détruisait de fond en comble la valeur spécu­ lative. Elle coupait le monde de la foi de sa relation nécessaire avec le monde de la science ou même de la simple intelligibilité. El, par là, elle exposait la pensée chrétienne au péril très grave d’une sorte de naufrage philosophique. Encore une fois, c’est Male­ branche qui, au lendemain même de la mort de Des­ cartes, a paré le premier à ce danger. Il a essayé de faire servir la philosophie au bien de la religion, cl In religion au profit de la philosophie. Dans la réali­ sation de ce programme, il a commis plus d’une faute. Mais il a néanmoins rendu des services et il en rend encore. Il reste un témoin du Christ ct de l’Églisc dans des milieux de haute spéculation où des œuvres doctrinalement plus sûres, mais rationnellement moins séduisantes que la sienne, n’ont pas d’accès. Et sur­ tout il a tracé le programme d’une collaboration proprement dite de la raison et de la foi. Il a montré que le mystère du Verbe incarné pouvait devenir un point de convergence pour la philosophie bien com­ prise cl la religion bien expliquée. Sachons lui gré 1802 de cette conception qui est à retenir ct à reprendre. Appliquée dans des conditions meilleures, elle a l’avenir pour elle. Car, s’il y a une foi qui cherche a comprendre, il y a aussi une raison qui a besoin de croire. Cet aveu d’un déficit de la nature qu* l’in­ croyance hésite à faire, les successeurs de Male­ branche contribueront a Je lui arracher. Alors, la foi qui cherche l'intelligence verra venir au devant d’elle l’intclligcncr qui cherche la foi. L*intellectus qunrens [idem viendra rejoindre la fides qu i ren* intellectum. C’est de celte rencontre que sortira une philosophie vraie ct enrichie de nouveaux apports. Quant au séparatisme, il est condamné par son impuissance même : il n’a produit que des fruits de mort. Longtemps avant qu’il étale sous nos yeux ses conséquences néfastes, Malebranche avait clairement aperçu qu'il ne pouvait pas aboutir. VL Vue d'ensemulu sun l’œuvre et le hôle di Malebranche. — Nous connaissons déjà le premier caractère de la philosophie de Malebranche qui csl la complexité. Nous avons vu qu'elle emprunte les éléments qu’elle utilise à des sources multiples et diverses. De ces emprunts, le plus souvent, l’auteur n’a pas conscience, car il a le sentiment justifié d'être à certains égards autodidacte. Et, en effet, systéma­ tique au plus haut degré, il construit pour son compte une synthèse qui apparaît tout d'abord comme une resultante irréductible à scs composantes. Mais la philosophie que nous venons d’étudier a cependant un troisième caractère : complexe ct systématique, clic reste foncièrement hétérogène. Elle n’est pas seu­ lement complexe, elle est encore composite, ct le caractère systématique qu’elle revêt ne saurait mas­ quer le défaut d'homogénéité dont elle souffre. Lu belle unité qu’elle présente csl beaucoup plus appa­ rente que réelle. Elle laisse subsister la nature dispa­ rate des fadeurs auxquels elle fait appel. Et les artifices combinés d’une rigueur géométrique ct d'un art subtil ne sauraient cacher l'imperfection de cer­ taines soudures aux esprits dont les exigences con crêtes refusent de se laisser prendre aux mirages d'une idéologie abstraite. — Tel nous apparaît le male· branchismc. Trois mots le résument : complexité, systéinatisution, hétérogénéité. En présence d’une telle œuvre, un travail d'ana­ lyse historique s’impose pour assigner a chaque ingré­ dient philosophique, si nous osons dire, l’origine qui lui est propre. On verrait alors que, dans cette élabo­ ration savante, il y a bien autre chose que de l’augus­ tinisme et du cartésianisme. Nous nous sommes déjà expliqué nettement là-dessus : nous n’avons pas à y revenir. Un autre point doit présentement attirer notre attention : c’est la transformation profonde que le grand métaphysicien de l’Oraloire fait subir aux éléments doctrinaux qu il utilise. Ce n'est pas seu­ lement à propos de ses prédécesseurs méconnus, c’est encore à propos de ses inspirateurs reconnus qu’il opère une transposition décisive des pensées. Nous ne nous arrêterons pas au fait qu’il accommode à su façon le platonisme d’Augustin. Mais nous voudrions signaler tout spécialement la dénaturation, d'ailleurs fort heureuse, qu'il fait subir à la métaphysique de Descartes. Légitimement classe dans l’école carté­ sienne, il est cependant évident qu’il tourne le dos à son maître après lui avoir donné la main. De l’au­ teur du Discours de la méthode, il reçoit le principe des idées claires et distinctes, l'affirmation du dua­ lisme radical de l’ctcndue ct de la pensée, les données essentielles de la physique mécaniste, la conviction de la subjectivité des qualités secondes, la preuve de l’existence de Dieu par l'idée même de Dieu. Mais tout cela, il le transforme ct il en fait usage dans un LS03 MALEBHANCHE — MALEVILLE tout autre esprit C’est ainsi qu'on a pu, avec des preuves décisives Λ l’appui de ce paradoxe apparent, parler de Vanti-cartésianisme de Malebranche. D’ail­ leurs, sur des questions fondamentales, il sc sépare tout à fait de Descartes : il refuse d’admettre que les vérités premières soient des créatures: il professe que la recherche des causes finales est permise et mime nécessaire; enfin il soutient que, loin de consti­ tuer un absolu indivisible, la liberté ne comporte pas de commune mesure d’un homme à un autre. Ainsi, tout en relevant de Descartes, il le modifie profon­ dément, niais toujours dans un bon sens et pour orienter sa propre philosophie vers des fins reli­ gieuses. Cependant, sur certains points, il a subi l’in Hu­ mer de son initiateur d’une façon excessive et fâcheuse. Le premier tort qu’il a eu et que nous avons indiqué déjà est d’avoir cru que, dans ses traits essen­ tiels, In métaphysique cartésienne était irréformable et par conséquent définitive. Singulière méprise de la part d’un homme qui répudiait avec sérénité la tradition et l’autorité en matière de philosophie ! Ensuite, nous tenons à répéter combien est regrettable et de grande conséquence l’erreur qu’il a commise en canonisant l’étendue. C’est cette erreur qui l’a amené a nous proposer comme le modèle suprême de la connaissance adéquate celle que nous avons de la matière, c’est-à-dire de ce qui, pris en soi, est l’inintclligibilité même. Enfin, lu forme de doctrine reli­ gieuse qu’il a fait prévaloir se ressent en mal du cartésianisme. Libéré du laïcisme de Descartes, il demeure tributaire de son rationalisme. Son mysti­ cisme est en réalité un pseudo-mysticisme. Chez lui la superstition de l’idée fait tort à la piété du cœur. La ferveur qui l’élève vers Dieu est surtout de nature intellectuelle. Ni pour lui, ni pour d’autres, elle n’est capable à elle seule d’installer Dieu au centre de la vie humaine comme un principe actif d’amour. Dans son système, tout est construit en vue de natures intelligibles, non en fonction d’êtres concrets. Et son Dieu lui-même n’est pas celui qui « parle au cœur ». On a dit du Dieu de Descartes qu’il est avant tout un ingénieur : on peut dire du Dieu de Malc­ branche qu’il est principalement un artiste. Car ce Dieu s’admire, il veut qu’on l’admire, et, retiré dans un égoïsme transcendant, il fait plus de cas de la beauté de ses créations que du bonheur de scs créa­ tures. Mais cette critique n’est pas le dernier mol que nous avons à dire de Malebranche. Pour l'ensemble de son œuvre, il mérite un meilleur témoignage. Il a été pour son compte un philosophe chrétien. Il nous n laissé des écrits qui, tout pleins de vues sugges­ tives, contiennent le programme d’une philosophie chrétienne. Enfin, il a dressé devant nous, dans une lumière aveuglante, cette Vérité trop oubliée par les hommes, que des êtres qui ne peuvent être que par Dieu ne doivent être que pour Dieu. 1· Éditions. — Dans le numéro de janvier 1916 de la Hrvue de métaphysique rt de morale, M. Désiré Boustan, dont le témoignage procède d’une compétence exception­ nelle, a déclaré sans ambages que « non* ne possédons aucune édition moderne, correcte et complète de Mulebranche ·. En attendant (pie soit publiée l’édition qui sc prépare sous les auspices de ΓAcadémie des Sciences morales et politiques, voici quelques indications utiles pour guider les recherches. — Les éditions partielles, contem­ poraines de l'auteur, qui sont recommandées comme les meilleures pur Malebranche lui-même, sont les suivantes : Dr la recherche dr la lérlté, Paris, David, 1712, I vol. tn-12; Co/uvrOlio/u chrétiennes, Paris, Anhson, 1702. I vol. in-12; Truité de la nature rt dr la grâce, Hotterdum, Printer Leers, 1712, 1 vol. in-12; Traité de morale (avec le Iraité de l’amour de Dira), Lyon, Plaignard, 1707. 2 vol. 1804 in-12; Entretiens mit la métaphysique et la religion, Paris David. 1711. 2 vol. in-12; Heriieil de toutes les réponses à M. Arnould, Paris, David, 1709, 1 vol. in-12. — Parmi les éditions modernes, il faut citer surtout : lEuvrrs dr Malt· branche, publiées par MM, dr (irnnudr rt de Lourdoiietx, Paris, de Sapin. 1837, 2 vol. In- i”; Œuvra dr Malebranche, publiées par Jules Simon, Paris, Charpentier, 1812, 2 vol. in-12. Il est à noter que l’édit ion de Jules Simon ne renferme que des œuvres choisies, avec de singulières lacunes. I.‘édi­ tion de Genoude et de Lourdoueix. bien qu’incomplète et assez médiocre, n’en reste pus moins jusqu’il ce jour celle h laquelle on peut recourir nsec le plus de profit. 2° Travaux. - Pour la bibliographie complète, se repor­ ter au livre de M. Joseph Vidgniin. indiqué ci-après. Les principaux livres à consulter sur Malebranche sont les sui­ vants : Fontenelle, Éloge du Père Malebranche, dans Éloges historiques des académiciens, Paris, 1712, ln-8·; SninleBeuvc, Port-Hayal, 1. VI, c. v et vr; AbbéBlnmpignon. Élude sur Malcbranche, Paris, 1862; P. Bouillier, Histoire de la philosophiccarlésirnnr,Vi\rl>,\Ht»S,2 vol.; Léon Ollé-Diprune, La philosophie de Malebranche, Paris. 1870, 2 vol; Père Xndré. Vie du H. P. Malebranche, publier par le P. Ingold, Paris, Poussielguc. 1886; Henri Joly. Malcbranche, Paris, 1901 ; Maurice Blondel, l/anli-carlésianismc de Malebranche, dans Jlevue de métaphysique rt de morale, janvier 1910; Joseph Vidgrnin, /.<· christianisme dans la phih sophle dr Malcbranche, Paris, 1923; Victor Delhos, Élude de lu philosophie de Malebranche, Paris, 1921 ; G ou hier, La phi­ losophie de Malcbranche rt son expérience religieuses, Paris, 1926. En pratique, si l’on veut aller nu plus court pour connaître Malcbranche, on peut simplifier beaucoup lu liste qui précède. La lecture de l/-on Ollé-14iprune est très utile et très recommandable. Pour l’exposé proprement philoso­ phique, le livre de Delhos est décisif et ne laisse rien ù désirer. Pour la partie (héologlqueet religieuse du système, Maurice Blondel et Joseph Vidgrnin fournissent tous 1rs renseignements nécessaires. J. Wl-JIIU.f. MALÉDICTION Voir Imprécation, t. vm, col. 1125, 1126. MALEVILLE (Guillaume do), né à Domine près de Sariat, en 1699, fut curé de sa paroisse natale jusqu’en 1756; il mourut à une époque qu'il est dillicole de préciser. Malcvillc composa de nombreux écrits dans lesquels les idées jansénistes sc cachent presque toujours cl où on ne trouve que les thèses les plus rigides, il a publié les Lettres sur l'adminiitrillion du sacrement de pénitence où Ton montre les abus des absolutions précipitées, cl où Ton donne des principes pour sc conduire dans les plus grandes diffieuItés qui sc rencontrent dans tr tribunal, 2 vol. In-12, Bruxelles, 1710. Le P. Colonia, dans le Dictionnaire des livres jansénistes, t. n, p. 511-517, critique longue­ ment cct écrit et cite de nombreux passages empreints d’un rigorisme outre et dont les idées essentielles sont certainement empruntées au jansénisme. L'Ency­ clopédie théologique de Migne, t. xn, col. 619-651, a reproduit cct article. Maleville, d'ailleurs, répondit à Colonia par une Dé/ensc des lettres sur la pénitence, Toulouse, 1760. Malcvillc publih encore : Les deooin des chrétiens, i vol. in-12, Toulouse, 1750; Prières d bons propos pour les prêtres et spécialement pour les pasteurs, in-12, Toulouse, 1752; La religion naturelle et la révélée établie sur les principes de la vraie philoso­ phie et sur la divinité des Écritures de Dieu, ou Disser­ tations philosophiques, théologiques et critiques contre 1rs Incrédules, 6 vol. in-12. Paris, 1756-1758 (Μάηο/m de Tréooui d’octobrc-novembre 1756, p. 2503-2517, 2693-2712. et d’avril 1759. p. 773-805); Histoire critique de l'éclectisme ou des nouveaux platoniciens, 2 vol. in-12, Londres, 1766 (Mémoires de TréSOUS de juin 1766, p. 1100-1107); Doutes proposés aux théo­ logiens sur des opinions qui paraissent fortifier lo difficultés des incrédules contre quelques dogmes calholiques, in-12, Paris, 1768; Examen approfondi des difficultés de l'auteur de l'Émile contre la religion I I I 1805 MALES ILLI­ chrétienne, Paris, 1769. Tous ces écrits parurent sous le voile de l'anonymat, et c’est probablement Male· ville qui publia un JMémoin sur ta présente défense de la tradition orale, 1769, en réponse à la Défense de la tradition orale, thèse que l'abbé Glssun, du diocèse de Sarlat, avait soutenue chez les jésuites de Toulouse Quérard,Lu Enmer littéraire, t. v. p. 163; Peller-Pérrnnés, IHogniphie univcrtelte, t. vm, p. 81,82. .1. Carrbyre. MALEVANSKII Sylvestre, théologien russe du xjx· siècle, né le 9 janvier 1828, dans le diocèse de Volhynie, mort à Kiev, le 12 novembre 1908. -- Sté­ phane Vassilievitch Malevanskii, qui prit le nom de Sylvestre en embrassant la vie monastique, était fils d’un curé de village du diocèse de Volhynie Ses études terminées nu séminaire diocésain, Il se marin, et fut placé à la tele d’une paroisse rurale dès 1818. Devenu veuf peu de temps après, il entra comme élève à l’Académie ecclésiastique de Kiev, se lit moine en 1856, et resta attaché au service de l’Académie de 1857 à 1898, successivement bachelier (1857-1862), inspecteur (1862-1881), recleur (1883-1898) et en même temps, Λ partir de 1862, professeur de théologie. En 1883, il fut élevé Λ la dignité d’archimandrite, et le 20 janvier 1885, consacré évêque-vicaire du diocèse de Kiev. En 1898, il cessa d'être recteur de l’Académie, mais garda son poste d’évêque-vicaire. Bien que d’une santé délicate et presque toujours malade, Sylvestre (ut un travailleur acharné, un admi­ nistrateur remarquable, un supérieur affable. On fait aussi l’éloge de sa piété et de sa charité envers les pauvres. Il s'est illustré surtout par son Essai de théologie dogmatique avec exposé historique des dogmes en 5 volumes qui furent publiés ù Kiev de 1878 à 1889. Quelques-uns ont eu plusieurs éditions. Comme le titre l’indique, l’ouvrage est un cours de théologie positive rédige d'après les principes de la méthode historique. A la différence de .Macaire Bulgakov, qui aligne un peu â l'a venture scs citations patriotiques pour étayer une thèse énoncée d’avance. Sylvestre essaie de reconstituer les étapes du développement dogmatique, en suivant l’ordre chronologique. 11 ne dépasse guère l’âge d’or de l’époque patriotique, et l’on chercherait vainement chez lui l'histoire de la théologie dissidente après 1’holius. Cct essai d’histoire des dogmes est d’ailleurs fort incomplet et inégal pour les divers traités. Bien qu’il ne soit pas sans mérite, on est un peu étonné des grands éloges qu’en font les écrivains russes. IK ont cependant raison de le placer au-dessus de Macaire, pour ce qui regarde l’exposé de la doctrine patrlstique. En dehors de cet ouvrage. Sylvestre a publié les éludes suivantes : 1° Enseignement sur l'Église dans les trois premiers siècles du christianisme, dissertation présentée en 1873 pour obtenir le titre de maître en théologie; 2° trois brochures publiées â Kiev, en 1875. et rédigées sous formes de Réponses aux schémas de* Vieux Catholiques sur les bonnes oeuvres, sur la sainte Vierge et sur la procession du Saint-Esprit, ('.’est un écho des polémiques soulevées par les fameuses confé­ rences de Bonn (1871-1875); 3° lire/ aperçu historique du rationalisme dans scs rapports avec la /oi, Kiev. 1862; 1° Développement historique du panthéisme con­ temporain comme preuve de sa fausseté, Kiev, 1865; 5· Eaitlitc du panthéisme contemporain pour résoudre les questions fondamentales qui intéressent l'humanité, Kiev, 1867. Bien qu’il ne brillât pas par les talents oratoires, Sylvestre a laissé aussi quelques sermons. Th. Titov, L'évêque Sylvestre Malevanskii, nrt. nécrolo­ gique, publié duns le 1terkovnyl Vtrstnik, organe de ('Aca­ démie ecclésiastique de Pét ers bourg. t. XXXIV (1908), n. 48, roi. 1500-1503; numéro de janvier 1009 des Trudy dr l'Acadénile de Kiev, o(i l’on trouvera une série d’articles MA LLET 1806 sur notre théologien, dont un du même Th. Titov, et un autre dr M. Sknballnnoviteh, L'éiEque Sylvestre comme dog­ mati fie, p 175-201. Sur son cours de théologie comparé h In Théologie dogmatique orthodoxe d< Macaire Bulgakov, soir Λ. J. Wédenskll, Comparai ton des eystemn lheologiques dr Macaire et dr l'archimandrite Sylvestre, dan·* les Lectures dr la Société des amateurs de la culture etcléi leu tique, n·· «le février. mar« et avril 1866. M. JCGIE. MALLET Charte· (1608 1680) naquit ι Montdidier en 1G08; il fit ses études â l’université de Paris et fut docteur de Sorbonne en 1619. Il était chanoine de Rouen depuis le 11 août 1619, et François de Harluy, archevêque de Rouen, dont il avait été le précepteur, le choisit comme vicaire général, le 21 mai 1671. Mallet fonda le petit séminaire dont il fut le premier supérieur. Adversaire résolu du jansénisme, il attaqua souvent Amauld. Il mourut à Rouen le 20 août 1680. Les écrits de Mallet ont pour objet la théologie scripturaire et furent provoqués par la Version du Nouveau Testament, dite Version de Mons, si chère aux jansénistes. Il faut citer : Examen de quelques passages de la traduction française du Nouveau Tes­ tament, imprimée à Mons, in-12, Rouen, 1676. L'ou­ vrage est divisé en plusieurs recueils, selon la diver­ sité des matières, et il donne les censures qui con­ damnent cette traduction et l’arrêt de Sa Majesté qui défend de le vendre et de l’imprimer; une seconde édition, revue, corrigée et augmentée de l’examen de vingt passages et de la réponse au libelle intitulé ! Seconde lettre d'un ecclésiastique à une dame de qualité, fut imprimée en 1677. Mallet critique les traductions de 129 passages se rapportant à la chasteté en géné­ ral et â In chasteté des évêques, des prêtres, des diacres, au vœu de chasteté, à la virginité de la sainte Vierge, â l'eucharistie, â la prédestination cl a la réproba­ tion, à la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes, à la grâce et à la liberté, à la justification, à la divi­ nité de Jésus-Christ, à l’Lglisc, à 1 intercession des saints, à la douceur et à l’humilité Amauld qui avait pris part â cette traduction du Nouveau Tes­ tament entreprit de défendre cette œuvre; il adressa une Requête au roi pour lui demander la permission de répondre à Mallet (Œuvres d‘Arnauld, t. vu, p. 51-61 et Lettres d’Amauld servant d’introduction à son Apologie de la version du Nouveau Testament de Mons contre le Dr Mallet. Bibl. Nat , fonds fr. 13.900), et il publia une Nouvelle défense dr la. traduction du Nouveau Testament imprimée à Mons contre le livre de M. Mallet docteur dr Sorbonne et archidiacre dr Houen, où 1rs passages qu'il attaque sont justifiés, ses raljmnies confondues et ses erreurs contre la foi réfu­ tées, in-12. Cologne, 1682, et il ajouta bientôt la Con­ tinuation de. la nouvelle défense..., in-12, Cologne. 1582 (Œuvres, t. vu. p. 69-901). - Mallet publia peu après son premier écrit, un Traité de la lecture de ΓÉcriture sainte en langue vulgaire, in-12. Rouen, 1679; contrairement ù l’opinion des jansé­ nistes. Mallet déclare qu’on ne doit permettre au peuple cette lecture en langue vulgaire qu'apnès avoir pris de sages précautions; en soi, la lecture en langue vulgaire du Nouveau Testament est avantageuse, mais elle présente quelques inconvénients ; il y a des passages dont les ignorants et les esprits mal préparés ou mal disposés peuvent abuser; il faut donc recourir â la prudence et â la circonspection des pasteurs d’âmes. Dès le 15 décembre 1679. Arnauld écrivait à Necrcassel pour lui demander do dénoncer à Home le livre de Mallet (Œuvres, t. n, p 68 71), et il composa lui-même un écrit pour le réfuter : De la lecture de ΓÉcriture suinte contre les paradoxes extravagants et impies dr M. Mallet... ((Euvres, t vm, p. 1-251). 11 s'appliqua a montrer que les thèses de Mallet sont 1, I \u,p 1l’-!2··. 7 11-7 12; D. Cclllivi, Histoire dev auteurs ecclésiastiques, 2· édit.» I. x, p. 310356, analyse très complète du traite; Histoire littéraire de la France. I. n, 1735, p. 112-153. — Parmi les nombreux travaux modernes : \. C. Grnnam. De Mamerti Claudiani scriptis et phUasoplua. Montpellier, 1810 (thèse); M. Schulze, Die Schrip des Claudianus Mamrrtus... ûber dus Wesen der Set le, Dresde, 1883 (thèse); A. Engelbrecht, Untersuchungm ûber die Sproche drs C. Mumertus. dans les .S'ïl:ung*btrich(e de ΓAcadémie de Vienne, t. ex, 1885. p. 423512; llcrm. Bônsch, Zur Kritik und Erklaruug des Cl. Mamrrtut, dans Zeitschrift fur udssmschaft. Théologie, 1887, t. XXX. p 180-187; mais surtout l’excellent travail du P. B. de la Droite, Mamerti Claudiani Oita efusque doctrina de anima homini s. Paris, 18 30 (thèse). É. Amans. MANDÉE NS 1812 MANDÉENS ou chrétiens de saint Jean, secte religieuse qui subsiste encore en Mésopotamie. — I. Sources. - IL Nom et histoire (col. 1812). — HL Doc­ trines (col. 1815). —· IV. Vie religieuse (col. 1821). L Sources. — La source la plus importante pour l’étude de la religion mandéenne est le livre sacré des mandéens, connu sous le nom de Ginza (Trésor) ou de Sidra rabba (Le grand livre). (Jet ouvrage a été publié d'abord par le suédois Matthieu Norberg : Codex Nasarœus, liber Adami appellatus syriace Iran scriptus lalineque redditus..., a .Mat th. Norberg, t. iiî-iii, Copenhague, Fridcr-Brumntcr, s. d.; I. iv, Lexidion codicis nasanri, id.; L v, Onomasticon codicis nasanri. Lund (Su de) 1817. L’édition de Norberg, très remarquable pour la date de sa publication, est pourtant loin d'être suffisante. Elle doit être pratique­ ment délaissée pour celle de IL Pctermann, Thesau­ rus sine liber magnus, vulgo liber Adami appellatus, opus Mandæorum summi ponderis, t. i, Berlin, 1867. t. ii. lectiones codd. additamenta et corrigenda continens. Leipzig, 1867. Le livre de W. Brandt, Mandàischr Schri/ten ans der grossen Sammlung hciliger Biïchrr genannt Gcn:u oder Sidra Habba ubrrsctzt, crlûuterl, (îœttingue, 1893, donne la traduction allemande d'un quart environ du Ginza avec d'importantes remarques et de précieux excursus. Le Ginza n’est pas l'œuvre d’un seul auteur ni d’une seule époque; mais il renferme un mélange de traités et de pièces provenant de différents écrivains; il est même assez, vraisemblable que quelques-unes de ses parties ne sont pas proprement mandécnnvs et exposent les doctrines de sectes assez voisines, telles que les kantéens, les manichéens, etc. Tel quel, le Ginza sc divise en deux parties : la partie droite qui contient 61 traités assez longs, el la partie gauche qui est un conglomérat d’environ cent traités plus courts. A coté du Ginza, les mandéens possèdent d’autres livres religieux : — 1. Le Kolasta, ou chants et enseigne­ ments sur le baptême el le départ de l’âme, édité sous le litre de Qolasta, oder Gcsangc, etc. als mandûischer Text mit sûmtlichen Variantm nach Pariser und Londiner Manuskripten autographicrl und herausgcgebcn, von DrJ.E ling,Stuttgart, 1867. -2. Le livre de Jean. Sidra dè Jahfa, ouvrage assez récent, qui n’a pas encore trouvé d’éditeur. Un aperçu général du livre cl une traduction d’un passage - un entretien de Jésus avec Jcan-Baptistc - sont dus â G. \V. Lorsbach, dans les Heitrage zur Philosophie und Gcschichle de E.-F. Slaudlin, t. v, 1799, p. 1- i L 3. Le Ditvdn, édité par J. Euling, Mandaische Ditnan, Strasbourg, 1901. I. Le Hure des signes du Zodiaque, écrit astrologique conserve entre autres dans un manuscrit de Berlin. A ces livres il faut ajouter un certain nombre d’ins­ criptions, (pii donnent des renseignements intéres­ sants sur la foi el les superstitions populaires. On trouvera les plus importantes de ces inscriptions étudiées dans les ouvrages suivants; IL Pognon, Une incantation contre les génies malfaisants en mandaite, Extrail des Mémoires de la Société lingim tique de Paris, l. vm, Paris, 1892; IL Pognon, Im criplions mandatiez des coupes de Khouabir, texte, traduction et commentaire philologique avec quatre appendices, Paris, 1898-1899; M. Lidzbarski, Ephe­ meris für semislische Epigraphik, t. i a, Giessen. 1900, p. 89-106. On doit enfin signaler la notice consacrée au\ mandéens, désignés sous le nom de dosithéens, pur Théodore Bar-Khôni au XI· livre de scs Scholia. Cette notice, éditée et traduite par IL Pognon, Mscriplions mandai tes, p. 151, 155, 221-227, emprunte ù des écrits mandéens bien des données originales l L Nom et histoire. - Ce fut un canne déchausse, le P. Ignace de Jésus, qui, nu milieu du xvu· sièdt. 1SI3 découvrit en quelque sorte les mandéens et les révéla au monde occidental. Il était alors missionnaire à Bassorah (Mésopotamie), et parmi les habitants de la région du Chalt-el-Arab, il fut tout étonné de rencontrer un certain nombre de baptisés qui sc réclamaient de saint Jean-Baptiste, ou, tout nu moins, racontaient de nombreuses légendes relatives au Précurseur. Bien vile, il fit connaître la doctrine cl les usages de ces gens dans un écrit intitulé : Nar­ ratio originis rituum, cl errorum Christianorum sancti loannis. Cui adiungilur discursus per modum dia­ logi... auctore P. I'. Ignat io n Icsu, carmclita dis­ calceato misslonnrio... in Bassora Mesopotamia·, Honue, typ. Sacr. Congreg. Propag. Fidei, 1652. in-16 de 192 p. Le P. Ignace s'imaginait donc avoir trouve des chrétiens, parce qu’il avait en face de lui les adeptes d'une religion qui pratiquait le rite baptis­ mal, et plus précisément des disciples de saint Jean, parce qu’il était souvent question du Baptiste dans leurs livres et dans leurs récits. Il estimait leur nombre à 20 ou 25 000 familles, chiffre probablement très exagéré, et il pensait que leur doctrine était répandue non seulement dans la Basse-Babylonic, mais encore en l’erse et dans les Indes : il rattachait, en effet, les chrétiens de saint Jean aux chrétiens de saint Tho­ mas qui vivaient ù Goa el ù Ccylan. Ces derniers étaient en fait des neslorlens : il ne fut pas difiicilc de dénoncer sur ce point l'erreur du Père Ignace. On eut bientôt en Europe de nouveaux renseigne­ ments sur ces soi-disant chrétiens de saint Jean, l.e maronite Abraham Ecchcllcnsis en parla, sous le nom de Sabiei, dans un ouvrage Eutychius patriar­ cha Alexandrinus vindicatus, Home, 1660, part. Il: Je origuic nominis pap r, p. 310-336; puis le missionnaire Ange de saint Joseph put se procurer les manuscrits des livres sacrés des chrétiens de saint Jean et les envoya à Paris. Les voyageurs complétèrent les données fournies par les missionnaires. Jean Thévenol, Voyage au levant, Paris, 1661 ; Pietro della Valle, llciscbcschreibung, IV· part., Genève, 1671; Chardin, Voyage en Perse, 1686; Kampfle, A man dates cxoticec, Lemgo. 1722, eurent tour ù tour l'occasion de parler des chrétiens de saint Jean. Au «x· siècle, deux savants qui avaient reside en Mésopotamie achevèrent de faire connaître les mandéens. II.-J. Petermann passa plusieurs mois, de janvier à mars 1851, à Suk Essijuh sur l’Euphrate, au milieu d’eux, et il put faire d’intéressantes obser­ vations sur leurs croyances, leurs coutumes, leurs mœurs; de ses recherches, il publia le résultat dans scs Heisen un Orient, t. n, Leipzig, 1861, p. 82-137; 117-165. M. N. Sioufll, vice-consul de France ù Mos- i soul, prolongea davantage encore scs études; son ouvrage, Études sur la religion des Soubbas ou Sa béens, leurs dogmes, leurs moeurs, Paris. 1880, est extrême­ ment important pour nous donner la connaissance des mandéens, tels qu’ils étaient. Il y a une cinquan­ taine d'années. A ce moment déjà, leur nombre avait beaucoup diminué depuis le xvn· siècle. Il doit être aujourd’hui beaucoup plus restreint, si tant est que le mandaïsme fasse encore figure de religion indé­ pendante. La persistance, pendant un si grand nombre de siècles, au milieu de toutes les vicissitudes qu’a con­ nues la Mésopotamie, de la secte mandéenne n’en est pas moins un fait du plus haut intérêt pour l'his­ toire des religions, el spécialement pour l’histoire îles anciennes hérésies auxquelles elle semble bien sc rattacher. Le nom de « Mandéens », sous lequel nous désignons plus habituellement les fidèles de cette secte, vient de l'araméen · mandé », connaissance; il signifie donc I HISTOIRE 1814 les gnosllques; cl nous savons par Théodore BarKhôni que les habitants de la Mésène donnaient déjà ce titre â leurs ancêtres, tandis que les gens de Bcth-Armajc les appelaient plutôt nazoréens, et que d’autres les connaissaient sous les nom de Maskenajè ou de dosithéens;c’est le dernier rnot qu’adopte Théodore lul-inémc pour les décrire. Théodore, Scholics, I. XI, édit. Pognon, op. cit., p. 154. Tous ces noms sont significatifs. Celui de dosithéens rappelle un des ancêtres le plus souvent cités par les hérésiologucs de la gnose samaritaine Celui de naza­ réens est peut-être la désignation primitive des chré­ tiens, disciples de Jésus de Nazareth; celui de man­ déens fait naturellement penser aux gnosliques des premiers siècles chrétiens et à leur prétention de connaître seuls le secret du monde invisible. Les mandéens eux-mêmes portent dans le Ginza l’une ou l’autre de ces deux dernières dénominations, bien que le titre de nazaréens y soit le plus fréquent. Très caractéristiqüo également est le nom de sabéens, sous lequel le Coran désigne les mandéens, et les mentionne entre les juifs et les chrétiens, parmi les «hommes du livre », qui ont une fol authentiquée par des Écritures et qui, ù ce titre, ne doivent pas cire inquiétés. Coran, Sur. n, 59; v, 33; xxn, 17. Ce terme de « Sabécns » signifie proprement bopllseurs; il rap­ pelle donc un des principaux rites de la secte. Il évoque le souvenir des Σζβουχόκ signales par saint Éplphane, l Erres, xi, comme une hérésie samaritaine antérieure au christianisme. Ceux-ci* s'identifient sans doute avec les hémérobaptlstes, ou baptiseurs quoti­ diens, que divers autres auteurs surtout de langue grecque font aussi apparaître avant Je Christ dans les régions voisines du Jourdain; Hégêsippcdans Eusèbe, //. E., îv, 22, 5; Const. A post., vi, 6; Pseudo-Jérôme. Jndic. Hicres., Éplphane, Hicres., xvni fait·, xix, 5, cf. Justin, Dialog., 50; et que la tradition talmudique mentionne également, en les qualifiant aussi de baptiseurs matinaux. Berachoth. χχιια; Tosephta ladal ni, n. Ils doivent de même sc confondre avec les niasbothéens, qui sont signalés parfois avec les précédents, et dont le nom hébreu, dérivé de tsaba, veut dire encore baptiseurs : Ilégêsippe dans Eusèbe, II. E., îv, 22,5; Const. Apost., \i, 6; Pseudo-Jérômc, indic. Hares. (Marbonei I); Éphreni. Euangelii concordantis expositio, Venise. 1876, p. 287 (Mazbuthazi). Ce sont toujours eux qu’il faut voir dans les moughlasilas, qui, d’après un historien, étaient installés vers l'an 200 en Mésopotamie, cl dont l’appellation arabe offre le même sens. An Xadlm. dans l lügel, Mani, j). 83 et 132-135. Ces derniers, nous dit-on, se don­ naient comme les disciples d’un certain Elchasai. An Nadim. dans Flûgel. op. cil., p. 133, 131. Ils apparte­ naient donc nu groupe des clchasaîtes, dont déjà Hippolyte expose les doctrines en les rattachant à un certain SobiaL personnage sans doute légendaire, ancêtre éponyme des sabéens, Philosopha ix, 1,13-17. · P. Alfaric, l^s Écritures manichéennes, t. i, Paris, l‘Jl s, p. 2, 3. Nous sommes ainsi reportés aux tout premiers siè­ cles du christianisme, et peut-être même à l’époque préchréticnnc, si les Σεβουαίοι de saint Êpiphailc ont véritablement existé. On comprend dès lors l’intérêt que présente la doctrine des mandéens, puisqu’elle est, tout au moins par hypothèse, l'héritière des anciennes théories gnosliques, non plus figées dans les secs résumés des hérésiologucs, mais développées selon les lois propres de leur évolution. A vrai dire, il y aurait, avant tout, à faire la preuve de celte origine, et les débuts du mandaïsme nous sont mal connus. Théodore Bar-Khoiii rapporte â ce sujet le récit suivant : · Ado était, dit-on, de l’Adiabène, et vint comme mendiant, avec sa famille, dans ISIS MANDÉENS, DOCTRINE le pays de Mésène. Son père sc nommait Dabda, sa mère Em-Kouchta, scs frères ChimlaT, Nidbaï, BarIliyé, Abizkha, KouchtaT et ChitaTI. Lorsqu'ils arri­ vèrent au fleuve Karoun, ils trouvèrent un homme nommé Papa. Ills de Tinis, lui demandèrent l'aurnûne selon leur habitude, et lui persuadèrent de recevoir auprès de lui le paresseux Ado, parce qu’il ne pouvait pas mendier par suite de sa maladie. Papa le remit à des gardiens de palmiers. Mais ceux-ci s'étant plaints de lui, en disant:* Il ne nous est d’aucune utilité», Papa lui construisit un abri sur le bord de la route, afin qu’il demandât de la nourriture aux passants. A la Un, scs compagnons se réunirent et vinrent auprès de lui, cl Us sonnaient de la clochette en cct endroit, selon l'usage des mendiants. On les appelle dans la Mésène Mandéens, Machknéens, sectateurs de celui qui accomplit de bonnes actions... mais le nom qui leur conviendrait serait celui d’Adonéens. Leur enseignement est emprunté aux imircionites, aux manichéens et aux kantéens. » Théodore BarKhôni, Scholies, 1. XI, dans IL Pognon, op. ci/., p. 221, 22 V Celte histoire est absolument invraisemblable. Non seulement il est déjà bien extraordinaire que les mandéens aient perdu le souvenir de leurs origines et que le nom de leur fondateur ne figure dans aucun de leurs livres sacrés, mais encore les noms donnés â quatre des frères d’Ado ressemblent beaucoup â à ceux de quatre personnages célestes de la religion mandéenne, et il est fort possible que Théodore ait pris des divinités ou des génies pour des personnages historiques. Toutefois, la réalité historique du personnage d’Ado pourrait être sauvegardée. « Théodore Bar-Khôni vivait au vm· siècle; il était né dans le pays de Kachkar; il avait lu des ouvrages aujourd’hui perdus; ce qu’il dit des manichéens, des kantéens et de plusieurs autres sectes orientales que nous connaissons ù peine parait bien être exact, et je ne vois pas pourquoi il aurait supposé l’existence d’un personnage imagi­ naire nommé Ado. » A. Pognon, op. cil., p. 215,246. Cct Ado, s’il a réellement existé n’a pas dû vivre avant la tin de la domination persane ou le début do la domination arabe. Théodore, en effet, nous apprend que les mandéens ont emprunté leurs croyances aux manichéens, aux kantéens et aux inarclonitcs. Et les kantéens auraient eu pour fonda­ teur, ou tout au moins pour réformateur, un certain Battaî qui vivait sous les rois de Perse Yezdgcrd II et Firouz, c'est-à-dire au v· siècle. Ado aurait pu être d’un certain nombre d’années postérieur à ce Bal lai. Il est toutefois à noter que la Chronique de Michel le Syrien place sous le règne de l’empereur Zénon, entre 480 et 485, l’apparition en Perse de la misérable secte des kantéens et des dosithéens. Chonic., ix, 6; il semble donc identifier les deux reli­ gions. Somme toute, la date de l’apparition des mandéens, comme secte autonome, reste impossible à préciser. Le plus vraisemblable est qu’ils étaient d’abord une faction hérétique de la secte des kantéens. Si celle-ci n’est pas antérieure au v· siècle, les mandéens ne sc seront séparés qu’après la conquête de l’Irak par les Arabes. Cf. 11. Pognon, op. eit., p. 254, 255. III. Doctrine. — La doctrine des mandéens a subi, au cours des siècles, de nombreuses transfor­ mations. L'étude des divers livres qui composent le Ginza sufllt à montrer que nous n’avons pas affaire avec un développement homogène, mais avec de véritables changements, qui s'expliquent, au moins en partie, par les influences étrangères exercées sur Je mandalsme. Le meilleur spécialiste contemporain de la religion mandéenne, W. Brandt, a rendu le 181G grand service de démêler, autant que possible, les différentes phases de cette longue évolution. Avec lui, et avec K. Kessler, art. Mandüer dans la Protest. Realencycl., 3· édit., t. xu, 1903, p. 162, on peut dis­ tinguer les grandes périodes suivantes : 1. Forme primitive, païenne, d’origine babylo­ nienne et araméenne, avec des influences indiennes; 2. Forme à demi chrétienne, où la doctrine primi­ tive est mélangée au Nouveau Testament, et où la nomenclature des êtres mythologiques s’enrichit de nombreux noms bibliques; 3. l'orme contaminée par les influences persanes et le parsisme; 4. Doctrine du Boi de lumière : c’est l’orthodoxie canonisée dans les grands traités du Ginza; 5. Monothéisme, avec Allaha comme Dieu suprême; c'est la forme actuelle du mandaïsme. Le nom d’Allaha a sans doute élé fourni par l’Islam. Nous décrirons surtout Ici la forme primitive, et la doctrine du Koi de Lumière. Encore devrons-nous nous en tenir aux traits les plus importants de ren­ seignement des mandéens. La forme la plus ancienne de la doctrine ne com­ prend guère autre chose qu’une théogonie et une cosmogonie. Les problèmes relatifs à l’origine des dieux et du monde reçoivent d’ailleurs une solution compliquée dont le détail est loin d’être aussi clair qu’on le souhaiterait. 1° Forme la plus ancienne de la doctrine. — Au commencement de tout suivant le Ginza, Pira était en Pira et Ajar en Ajar, Ginza Dextra, édit. Petcmmnn, p. 68,1. 21, c’est-à-dire qu’il n’y avait rien autre que Pira et Ajar. Pira Babba, le grand Pira, est le tout, l’univers qui crée tout en sot-mémo et n’est limité que par soi-même. Le nom de Pira est d’ailleurs difficile à interpréter. On l’a tour à tour expliqué par l’hébreu -jnd • · , éclat, rayonnement; par le persan pir, l’ancien; par le syriaque percha, oiseau. K. Kessler, art. cil., p. 163, adopte l’étymologie rc fruit, et croit que Pira Babba pourrait être le grand fruit, quelque chose comme l'œuf d’or de la cosmo­ gonie brahmanique. Quant à Ajar, ou plus complète­ ment Ajar Ziva Babba, il n’est autre que l’air, ou l’éther brillant. Dans un passage du Ginza Dexl., p. 69,10-70, 5, on voit encore apparaître à côté de Pira et d’Ajar une troisième substance, Jora Babba. la grande splendeur, qui donne naissance au grand Jourdain de l’eau vive. Le grand Jourdain, comme le nom l’indique déjà, appartient à une date postérieure de l’évolution; il représente l’eau céleste. La manifestation personnelle de Pira cl d’Ajar porte le nom de Mana Babba de ekara, le Grand Esprit de la seigneurie, ou plus simplement de Mana Babba. A ce (lender on associe souvent, p. ex. Ginza Dext., p. 134,1. 15, une pulsance féminine appelée Demutha. la copie ou l’image de Mana. Jusqu’ici, nous sommes restés dans le domaine des transcendantaux. Nous commençons à en sortir lorsque nous voyons Mana produire, ou évoquer, ou appeler, ce qui revient au même, la première vie, llajjê Kadmajè. Cette première vie est d’ailleurs si étroitement unie à Mana qu'elle en reçoit tous les attributs, et qu'elle est invoquée la première dans les formules de piété. La théogonie, que nous venons de rappeler, est exposée dans le VP traité du Ginza dexl., p. 68-175; il peut-être utile de rappeler qu’elle n’est pas la seule que l’on rencontre dans les livres saints du mandaïsme. Elle semble, toutefois, la plus ancienne, et avait à ce titre des droits spéciaux. La cosmogonie, développée dans le même traité, est beaucoup plus complexe. De Mana Babba pro­ cèdent d’abord d’innombrables Manas, nommés 1817 MANDÉENS, DOCTRINE aussi Piras, cl pins habituellement Ulras, c’est-à-dlrc puissances ou forces. La Première vie, issue également de Mann Babba, sc dresse aussitôt qu'elle est produite et prie pour demander un compagnon. Λ celte prière est évoque Utra mokajjcma, l'Utra créateur que la vie nomme Seconde vie, toc. cit.t p. 70,1.3, mais que de nombreux textes font connaître sous le titre de Josamim, Jahvé des deux, titre biblique qui n'appar­ tient pas à la plus ancienne tradition. La seconde vie évoque à son tour des L’Iras nom­ breux. Trois de ceux-ci expriment à leur père le désir de créer un monde. La Seconde vie est prèle à y consentir; mais ce désir ne plaît pas à la Première vie qui se tourne vers Mana Babba - lequel réside en Pira ·. Celui-ci évoque Kcbar Babba, qui est aussi Kcbar Z.iva, et il lui dit : « Sois élevé au-dessus des Utras, et regarde ce qu'lie font, et comment ils disent : Nous voulons créer un monde, comme les Utras les fils de la Lumière... » Et ensuite, il lui dit encore : < Toi, Manda de llajjê, c'est-à-dire connaissance de la vie, cela te plaît-il? » Id., p. 70, 1. 21 sq. Mandé de llajjê, la γνώσής τής ζωής personnifiée, est à certains égards la figure centrale dans les expli­ cations complexes et touffues de la théologie mandaïte. Il est le Christ préexistant du mandaïsme, et on lui identifie le personnage de Ililil Ziva. Mais il n’a aucun caractère chrétien, et ne dépend même pas de la gnose juive. Il est une création païenne, et K. Kessler le rapproche, non sans raison du Marduk babylonien, qui joue, comme lui, le rôle d’intermé­ diaire entre la lumière et les ténèbres, de créateur du monde et de sauveur. Nous voyons, en effet, dans la suite du récit cosmo­ gonique, Mandé de Hajjô partir en guerre contre les Utras inférieurs et ténébreux. Mana l'encourage dans son expédition; des Utras bienveillants l’accom­ pagnent. Après avoir triomphé de plusieurs puissances ténébreuses, Mandà de llajjê se trouve en face de la grande diablesse, qui personnifie les Ténèbres, cl qui porte le nom de Buha — sans doute en souvenir de l'Esprit de In Genèse — ou encore deNamrus. Le tils de cette dernière est le grand diable, Ur, le roi des ténèbres, qui habite l’eau noire, opposée à l'eau blanche, c’est-à-dire à l’éther et à la matière bril­ lante où trône Mana Babba. l’r est vaincu, il est rejeté dans l’eau noire et enchaîné. Loc. ci/.. p.87,1. IL A la suite de celte victoire, la première vie et Manda de llajjê décident à leur tour de créer; toc. cil., p. 92, 1. 18 sq. Ils évoquent pour cela deux puis­ sances Gabriel et Abatur. Mais la seconde vie n’a pas renoncé à son projet; elle donne à scs anges de son éclat cl de sa lumière, ib.,p. 93. 1.5, ceux-ci montent du lieu des ténèbres et évoquent Petahil, le démiurge. Pctahil essaie de créer; il veut épaissir l’eau et en faire de la terre, mais il n'y parvient pas. C’est alors qu'interviennent Buha et Ur. Ils donnent d’abord naissance à sept fils, les Sept, qui sont vraisembla­ blement les sept planètes, puis à douze (les signes du zodiaque), puis à cinq. Mais leur aspect ne ré­ pond pas à l'attente de Kuhn, car ils rappellent plutôt le monde lumineux. Pctahil obtient cependant delà vicie vêtement de feu vivant : au souille de ce feu, aussitôt que Pctahil est descendu dans l’eau noire, la matière solide apparaît; la terre sèche est ainsi créée; le firmament lui aussi se forme, et la construc­ tion du monde peut s'achever. Buha et ses fils parais­ sent devant Petahil et lui offrent leurs services pour le gouvernement du monde; ce dernier accepte pour aussi longtemps que ces auxiliaires inattendus ne feront que de bon travail; il commence même par demander aux Sept de créer le corps du premier homme, Adam. Mais les Sept ne peuvent faire tenir debout ce corps inanimé. Il faut que Pctahil 1 1818 remonte au lieu de la lumière, et demande au Père des Utras le grand vêlement, le manteau des corps qui éclaire tout. Celui-ci le lui remet, et en même temps la vie évoque, sans doute pour participer aussi à la création de l’homme, les trois grands auxi­ liaires Hibil, Sitll cl Anos. Loc. r//„ p. 101. Ces derniers ont comme charge de veiller sur les âmes, toc. cit.9 p. 102, car Pctahil ne doit pas savoir comment l'àmc vivifiante est apportée dans le corps. Manda de HaJJê cependant, et scs trois frères, Hibil, Sitil et Anos donnent Êve comme épouse à Adam; les Sept apportent toute espèce de présents pour séduire le premier couple humain, mais Manda et scs compagnons les repoussent. Buha et scs fils inter­ viennent alors pour tuer Adam. Ils opèrent des charmes magiques dans la création; ils secouent Je ciel et la terre si fort qu’Adam, effrayé, s'éveille de son sommeil. Mandà de llajjê lui apparaît et le ras­ sure. Toutefois les mauvais esprits conservent leur influence sur le monde : les Douze sc partagent le temps, les Sept inventent les fausses religions; vis\imus, t. n h, p. 491, B-C i s'adressant ou técullcr. le régulier lui dit ; /xge librum a nostri claustri quondam decano Mantgeddo contra Gregarii Vil laerratorex campa* IInm, et Invente■ in to for­ tissimis auctoritatibus probatum quod rt nor probare conten­ dimus; suit une description très complète du Uber ad Gebe­ hardum; or, Gerhoch a fait parile du couvent de Raiten­ buch. Pour le séjour dr Mancgold à Marbach, outre la bulle pontificale citée plus haut, Jaffé, n. 5919, voir Annales Marborelises, dan» Manum. Germ. hist.. Script., 1. xm, p. 137 : Anno 1090... fundata est Marbacensis Ecclesia sancti Augustini a militari et illustri vira, Burchardn de Gebclestrllre. cujus adjutor et cooperator fidelissimus magister .Manegoldus de Lunt in bach extiiit ; le Chrvnicun Bertholdi. an. 1094, ibtd., I. v, p. 459; an. 1098, p. 460; 2. lx .Magister leu funicus. — Yves de Chartres, Eplst.. xi., J*. L.. t. CI.XH, col. 51, 52- — Presque contemporain. Baudry de Bourgucli signale dans l'épitaphe de Gérard de Laon qu’il a été Félêve de Mancgnld : Uberibus. Manegaude, tuis lactatus abunde, etc., Du Cheyne, Itohr. Franc, scriptores, t.iv, p. 269.— Otton de Frlrslngen, vers 1150, préface du L V de sa Chronique, dans Monum. Germ, hist.. Script., t. XX, p. 213,214 : la sagesse venue d’Orfent s’est répandue en Occident, id est ad Gallias et Hispanius, nuper­ rime diebus illustrium doctorum, Brrengarii, Managaldi, Anshelmi. translatam apparet. — I-a Chronique de Fleury, dan.» Du Chesne, 1 iislnr. Franc, scriptores, Liv. p.89C.— La Chronique de Richard de Cluny, dans Mnratori, Antiqui­ tates italien-, t. iv, col. 1085 C (In notice de Tolomée de Lucqurs, dans Muratori, Script, rtr. ital., t. xr, col. 1060, en dépend et ne forme pas témoignage Indépendant). 3. Confusion des deux Mancgold : Auonymus Mellicensis, De scriptoribus ecclesiasticis, c. cv, />. t. cxxm.col. 981, 982.— Henri de Gand, Liber de scriptoribus illustribus, c.x win ·. ingemi sui monumenta in expositione Psalmorum ct epistolarum Pauli posteris reliquit. 3· Noffces hUèniircs et fratxittr· — Fabricius» Ribtlotheca latina medier et infirme irtatis, t. v, Hambourg. 1736, p. 3336; Histoire littéraire de la France, t. ix, 1750, p. 280-200, donne un rclcsr extrêmement minutieux de tou·» Je» témoi­ gnages connus Λ l’époque; D. Cclfiicr, Histoire des auteurs sacres et ecclésiastiques (1757), 2* êslit.. t. xm, p. 583-586, donne l'analyse détaillée du labcr ad Wolfclmum; Per, Thés, anredot. novissimus, t. H b, p. .xxix sq.; W. Glcscbrecht. Magister Mancgold non Ixiutenbach dans Sihungsberichtc der Bay. Akndcmie zu München, 1868, t. n, p. 297330; P. EwaM, Chronologie der Schriflrn Manegolds non Lautenbach, dans J orschungrn zur deustch. Ge^ch.. 1876, t. xvi, p. 383-385; N. Paulus, Etudes nouvelles sur Manegold dt iMiitfiibcch, dan» Itrvue catholique d'Alsace, 1886, t. v, p. 209-220, 279-289. 337-315; k. Mirbt. Die Pubiizistik im Zcitallcr Gregors Vil, Leipzig, 1S94; Entires, Mancgold oon Lautenbach magister magistrorum datis Ilistorisches Jahrbtich, 1901, t. xxii, p. 168-176; Λ. Fllche. Les théories germaniques de hi MHiorruinciê ù la fin du XD siècle, dans Kcrur historique, 1917, t. uxxv, p. 1-67; du même une leçon publiée dans la Jtrvur des cours ct confè­ re nets, mai 1923, XXIV» année, p. 1128-1135. É. Amann. MANGE ART Thomas. Né A Metz en 1695, il entra chez les bénédictins de Saint-Vanne (diocèse de Verdun) en 1713. devint un prédicateur célèbre pour l'époque rt s’occupa en même temps ù de savantes recherches sur la numismatique de Lanliquitê. Charles de Lorraine le manda a \ icnne, en 1742, pour organiser un musée, ct remmena ensuite à Bruxelles où il lui donna le titre d*antiquaire-biblio­ thécaire. En 1761, dom Mangeart se retira A l’abbaye de Saint-Léopold de Nancy, où il mourut en 1762. Il n laissé divers ouvrages : le seul qui intéresse les théologiens est son Octave de sermons pour les morts, suivie d'un truité de théologie dogmatique sur le purgaluire. 2 in-12, Nancy. 1739. Ikefcr, Biographie générale, t. xxxm, col. 199. J. Baudot MANQENOT. Joseph Eugène, exégète fran­ çais et directeur pendant 22 ans (1901-1922) de ce dictionnaire (I8.»t»-1922). - l. Vn . Né à Gémon» ville (Meurthc) d’une honnête famille de cultivateurs, il fil scs études classiques au petit séminaire de Pont-à- 1831 MANGENOT Mousson, où il entra dans la classe de sixième en octobre 1869. Il tint continuellement une place fort honorable dans les classements de lin d’année, et sc fit aussi remarquer par son excellent esprit. En 1875 il entrait en philosophie au grand sémi­ naire de Nancy. Celui-ci ne présentait pas à cc moment la brillante équipe de professeurs qui fera sa renommée quelque vingt-cinq ans plus tard. Seul, à cette date, l’abbé Léopold Chevallier, voir ci-dessus, t. n, col. 2362. y donnait quelque éclat à son enseigne­ ment. En 1877 l’arrivée d’A. Vacant allait commu­ niquer à la vie intellectuelle de la maison une impul­ sion qui ne s’arrêterait plus de longtemps. Cc fut A. Vacant qui remarquâtes solides qualités d’E.Mangenot, la sûreté de son Jugement, sa ténacité au tra­ vail. l'attention méticuleuse apportée au détail de toutes les questions traitées par lui. Seule la santé du jeune séminariste laissait à désirer; pour le reposer, en cours d’études, on lui lit exercer les modestes fonc­ tions de surveillant au collège ecclésiastique de Lunéville durant une partie de l'année scolaire 18781879; il passa dans sa famille le reste du temps. Ce repos relatif permit à E. Mangenol d’achever bril­ lamment ses études;il était ordonné prêtre le 17 juillet 1881, et, sur la proposition d’A. Vacant, désigné pour aller préparer à l’Écolc supérieure de théologie, qui venait de s’ouvrir à l'institut catholique de Paris, les grades théologiques. Il y eut pour maîtres le P. Jovenc, S..L, qui l’initia à la haute métaphysIque.Paulin Martin le célèbre syriacisant, trop tôt ravi à l’Église de France. qui lui donna le goût des recherches pa­ tientes dans le domaine scripturaire, Louis Duchesne qui lui inculqua l’absolu respect pour la vérité histo­ rique, le souci de l'exactitude et des méthodes rigou­ reuses. Deces trois maîtres, c’est P. Martin qui sans doute a le plus influé sur lui. Bachelier en théologie en 1882, licencié en juillet 1883, E. Mangenol, était nommé professeur au grand séminaire de Nancy; il y entrait à l'automne de cette même année 1883; on lui confia l’enseignement de l’Écriture sainte et une partie du cours de philoso­ phie, dont il fut d’ailleurs déchargé en 1888. Il est vrai que. l'année suivante, il assumait à la place les fonctions d’ailleurs toutes pratiques de professeur d'éloquence. En fait c’était l’exégèse surtout qui devait le retenir. E. Mangenol arrivait a Nancy au bon moment. L'ardeur communicative d’A. Vacant faisait revivre la maison, un peu endormie jusque-là. A. Vacant lui-même venait de passer fort brillam­ ment le doctorat en théologie ù la nouvelle Faculté de Lille, 1879, et voulant s’imposer la discipline de rt.’niversilé, la licence de lettres en Sorbonne, 1881; il suggérait à L. Chevallier l'idée de conquérir à Lille les grades théologiques; il donnait aux conférences ecclésiastiques du diocèse, dont il était bientôt nommé rapporteur général, une très vive impulsion. Bref il encourageait de toutes manières le goût du travail intellectuel dans le domaine des sciences ec­ clésiastiques. E. Mangenol fut conquis lui aussi: entre lui et son ancien maître, devenu son collègue, sc forma une étroite amitié qui sc renforça d’une collaboration intellectuelle toujours entretenue. Pour ses débuts E. Mangenot ne pouvait encore songer «à publier; le plus pressant était d’organiser au séminaire renseignement de l’Écriture sainte,qui se traînait quelque peu. Dès l'abord le jeune professeur mit sur pied le programme qu’il devait suivre durant son enseignement. En même temps qu’il instituait pour les élèves de première année le cours d'introduction générale, il s'arrangeait pour que, dans les quatre années suivantes, les étu­ diants prissent une connaissance sommaire de l’en­ semble de la Bible. Le Manuel biblique de Vigoureux, 1832 récemment Introduit, permettait de faire rapidement ce premier travail. Mais l’essentiel, aux yeux du nouveau professeur, était d’initier les élèves à l’exé­ gèse proprement dite; aussi consacrait-il la majeure partie du temps des leçons à un cours très personnel où il passait en revue les principales questions exégétiques de l'Ancien et du Nouveau Testament, Ne pouvant en quaire années parcourir les deux Tes­ taments, il s'arrêtait aux livres les plus importants: la Genèse, les Psaumes, Isaïe, les Évangiles et quelques épîlrcs de saint Paul. Ce fut une révéla­ tion pour ses auditeurs; tous ceux qui ont connu E. Mangenot à Nancy rendent hommage au soin méticuleux avec lequel il préparait scs cours, à l'abondance, parfois un peu loufïue, des détails dont il les remplissait, à la bonne humeur avec laquelle il savait, dans les questions les plus délicates, réveiller l'attention de ses auditeurs. Bientôt ce labeur professoral ne lui suffit plus, et voici que commence pour lui l’èrc de la production. L'amitié d’A. Vacant l'introduit û diverses revues lil­ loises, telle la Revue des sciences ecclésiastiques, à la­ quelle il restera fidèle Jusqu’au moment de sa dispa­ rition, et même au delà, puisqu’il écrira encore aux Questions ecclésiastiques qui succèdent à la Revue en 1909. Scs premiers articles, parus en juin, juillet, août 1888, et relatifs aux Travaux des bénédictins sur les an­ ciennes versions latines de la Bible, attirent sur E. Mangenot l’attention des spécialistes. Quand, en 1891, F. Vigoureux lance son Dictionnaire de la Bible, le professeur de Nancy, figure sur la première liste dcscollaboratcurs et s’y fait très vite une place importante ; tout naturellement aussi A. Vacant l’associe à la mise en train du Dictionnaire de théologie catholique, et c'est E. Mangenot, qui signe le premier article, Aaron, du premier fascicule paru en mai 1899. Au même moment la Revue du clergé français, qui débute fort brillam­ ment, demande la collaboration du professeur de Nancy; mais il ne commencera à y écrire qu en 1902 : Une recension de la Vulgate en Italie aux v· et vi· siècles. Au fait de lourdes obligations étalent venues, entre temps, s’imposer à E. Mangenot. Trop peu ménager de scs forces, A. Vacant, à l’été de 1898, tombait malade d’une affection dont il ne guérirait Jamais complètement. Le professeur d’exégèse dut suppléer dans la chaire de théologie dogmatique son collègue défaillant, durant le semestre d’été, en attendant la venue du successeur définitif d’A. Vacant. Trois ans plus tard, en avril 1901, cc n'était plus seulement d'une suppléance tju’il s’agissait. Succombant dans toute la force de l’âge (il n’avait pas cinquante ans) à un labeur acharné, A. Vacant laissait â pied d'œuvre la gigantesque entreprise qu’il venait de commencer. E. Mangenol recueillait ainsi la lourde tâche de diriger le Dictionnaire de théologie catholique, et le fasc. 6 paraissait sous sa signature en juin 1901. Désormais il consacrera a celte grande œuvre le majeure partie de son temps, et une somme de labeur dont il est presque impossible de sc rendre compte. De modestes honneurs ecclésiastiques étaient venus récompenser scs premiers travaux. Le 18 mars 1895, il était nommé chanoine honoraire de la cathédrale de Nancy. Le 26 janvier 1903. le pape Léon XIII le nommait consultcur de la Commission biblique récem­ ment instituée. Au même moment F. Vigoureux, pour lors professeur d’exégèse à l’institut catholique de Paris, était appelé à Borne pour y remplir les fonctions de secrétaire de ladite commission. Aussi, dans la première quinzaine de mars 1903, le cardinal Richard, chancelier de l'institut catholique, demandait-il E. Mangenot pour remplacer à Paris F. Vigoureux. C'est ainsi qu’en novembre 1903, l’ancien professeur de Nancy commençait a la Faculté de théologie son 1833 Μ Λ Nil KNOT enseignement exégétique, d'abord dans la chaire d’Anclcn Testament; puis, en 1905, après la retraite deM.A· Fillion et l'arrivée de M. J.Touzard, il échangea, pour des raisons de convenance personnelle, cette chaire contre celle du Nouveau Testament. De même qu’à Nancy, son arrivée à Paris fit sensation dans le monde des étudiants ecclésiastiques. Professeur d’exé­ gèse depuis vingt ans dans un séminaire qui jouissait .dors d’une excellente réputation, E. Mangenot aurait pu, sans aucun doute, vivre sur son acquis. 11 n’en fit rien, et il arriva à Paris avec le dessein bien arrêté de réviser à fond toutes ses connaissances antérieures, de soumettre à de nouvelles enquêtes, menées encore plus impartialement, si possible, les questions qu’il avait jadis considérées comme réso­ lues. Ce fut vrai surtout dans les deux années qu’il professa l’exégèse de ΓAncien Testament. Pour ce qui concerne en particulier le Pentaleuque, E. Mangenot avait adopté jusque-là l’ensemble des positions que F. Vigouroux avait rendues classiques dans le monde ecclesiastique. L’attention sc portail beaucoup moins sur les problèmes littéraires soulevés par la composi­ tion des livres mosaïques que sur l’accord à réaliser entre la narration biblique, prise comme un tout, et les données soit de la science, soit de l’histoire. F. Vigouroux avait fait du concordismc, entendu dans le sens le plus large du mol, le dernier mot de la cri­ tique biblique. E. Mangenot s’inscrivit en très vive réaction contre cette manière de présenter les choses. Il comprit que la question littéraire primait toutes les autres, et qu’il ne suffisait pas d’écarter par une fin de non-recevoir, les solutions présentées par la critique indépendante. L’essentiel était de les étudier de près et d’apprécier dès lors en toute sécurité la valeur des matériaux fournis par un travail immense et qui n’a pu être entièrement stérile. Les premiers auditeurs d’E. Mangenot conservèrent toujours le souvenir de l’enquête impartiale, un peu fatigante parfois par la multiplicité du détail, qu’il leur fil mener sur les sour­ ces du Pcntatcuquc; ils en furent émerveillés. L’année suivante l’étude d’Amos et des origines du prophétisme en Israël devait leur procurer de non moins agréables surprises. Si les cours sur le Nouveau Testament qui commencèrent en 1905 piquèrent moins vivement l’attention, ils ne laissèrent pas de procurer à ceux qui les suivirent avec diligence des satisfactions analo­ gues. Il faut regretter néanmoins que le goût très vif pour le détail ail parfois fait oublier au professeur le souci de l’ensemble. L’exégèse, comme il est naturel, se perdait souvent en des minuties; mais les introduc­ tions elles-mêmes auraient singulièrement gagné à être débroussaillées. Du moins E. Mangenot a-t-il su apprendre à ses disciples à travailler en profondeur, â ne pas se contenter de l’à peu près, à partir à la recherche des solutions sans préjugé d’aucune sorte, surtout à vérifier avec soin toutes les affirmations cl û contrôler toutes les sources. Cet enseignement des cours fermés ne fut pas le seul auquel se consacra E. Mangenot. Pendant le trimestre d’été 1910, il donna dans la chaire d’apologétique de l’institut catholique de Paris, une série de conférences sur les ï-ÀHirujilcs synoptiques, où il discutait les posi­ tions prises par A. Loisy dans le volumineux commen­ taire sur les mêmes évangiles paru au cours de 1908. A vrai dire pourtant, il n’était pas conférencier, et ses conférences sentaient trop la dissertation. Où il excellait, c’était dans les causeries sur les matières scripturaires qu’il donnait de temps ù autre dans l’in­ timité à un groupe d’élèves de Normale supérieure qu’avait su réunir l’abbé F. Portai. C’est en ces cause­ ries que perçaient son immense érudit ion et sa connais­ sance approfondie des disciplines les plus diverses, que s'affinait son don naturel de la répart le. Scs inter­ 183 i locuteurs en furent plus d'une fois stupéfaits, et luimême ne -cachait pas le plaisir que lui causait la fré­ quentation de cette brillante Jeunesse. La guerre interrompit celte activité. H en passa la pre­ mière année à la cure de Vont rot (Meurthe-et-Moselle), suppléant avec un inlassable dévouement les confrères mobilisés, reprenant sans hâte quelques travaux d’érudition locale qui furent toujours son passe-temps favori. A la rentrée de 1915, il recommençait son ensei­ gnement à Paris, mais il ne retrouvait plus la Faculté de théologie qu’il avait connue jadis; le recrutement ordinaire était tari, et la Faculté n’étaft plus guère qu’un séminaire où sc rencontraient de tout jeunes gens, attendant la levée, et quelques réformés. 11 fallut en revenir aux méthodes élémentaires de Nancy; ce n'était plus l’enseignement supérieur. La paix amena sans doute une résurrection de la Faculté, mais jamais elle ne reprit complètement le caractère qu’E. Mangenot lui avait connu lors de son arrivée. 11 s’en consolait difficilement. Les infirmités d’une vieillesse précoce commençaient à sc faire sentir. Lui qui n’avait jamais connu la fatigue, il commençait à trouver lourdes ses multiples tâches. Plusieurs petites attaques sc succédèrent; un avertissement plus sérieux lui faisait prendre en janvier 1922 une double résolu­ tion : il donnerait sa démission de professeur, n’assurant plus les cours que jusqu’à la fin de l’année scolaire, cl il s’adjoindrait pour la direction du Dictionnaire un coadjuteur à qui il passerait graduellement la main. Ces deux questions étaient à peine réglées, au début de février, qu’il était atteint d’une grippe infectieuse qui le mit vile en danger. II sc rétablit néanmoins en apparence, assez pour aller chercher chez son neveu, au presbyte re de Mont rot v un peu de repos et de calme. Bientôt cc prodigieux travailleur sc remettait à l’ouvrage, s’occupant de régler les ques­ tions de tous ordres que soulevait le transfert du Dictionnaire en de nouvelles mains. Il travaillerait ainsi littéralement jusqu’à la dernière minute. Le 19 mars il avait consacré sa journée à écrire des répon­ ses urgentes et à faire diverses recherches; en se levant de sa table de travail, pour aller prendre son repas. Il mourait subitement. Ses obsèques furent célébrées à Mou trot le 22 mars, avant que son corps fût transporté à Gcmonville, auprès de ceux de scs parepts. Elles furent très simples, très modestes, comme avait été toute sa vie. Cc fut un travailleur acharné, un savant d’une raie conscience; mais ce fut aussi un prêtre modèle. A tous ceux qui l’ont approché, ne fût-ce qu’en passant, il a laissé le souvenir d’un homme d’Église d’une exem­ plaire régularité, d’une foi sincère, profonde, tran­ quille, d’un zèle sans agitation, mais toujours prêt à se mettre au service de la vérité, des âmes, de Dieu. Ceux qui l’ont connu de plus près ont pu apprécier davantage la loyauté et la droiture de son âme, la sûreté de son amitié, la générosité sans calcul de scs gestes, l’exquise bonté de son cœur, l’infatigable dévouement cl la complaisance inlassable qu’il té­ moignait à tous les travailleurs. 11 laisse au clergé de France undes plus beaux exemples (pic je connaisse en notre temps de la plus scrupuleuse honnêteté in­ tellectuelle alliée a la plus parfaite soumission â rÉgiisc. II. Travaux. — La production littéraire d’E. Man­ genot fut extrêmement considerable. Si l’on excepte toutefois les six premiers volumes de ce Dictionnaire parus sous son exclusive responsabilité (il en fut seul chargé du fnsc. fi au fuse. 53), le nombre des livres portant son nom est relativement peu élevé. Son activité, par contre, s’est dépensée en une foule d’ar­ ticles parus, soit dans les revues, soit dans les divers dictionnaires. Beaucoup de ces articles dont quelques- 1835 M ANGENOT uns assez volumineux, ont été tirés à part, en pla­ quettes qu’il n’est pas toujours facile de se procurer en librairie. Nous ne pouvons songer à faire de tous ce*» articles une énumération exhaustive. I.e mieux nous semble de grouper autour des divers sujets abordés par E. Mangenol les principales études, soit publiées, soit inédites. On se fera ainsi quelque idée de sa production littéraire. Encore laisserons-nous de côté les simples comptes rendus d’ouvrages; du moins faut-il rappeler que E. Mangenol fut l’un des infa­ tigables recenseurs du Polybiblion, organe de la Société de bibliographie, 1· Histoire locale, — Toute sa vie E. Mangenol eut un faible pour le dépouillement des archives et pour l’inédit. Son premier article relatif aux Travaux des bénédictins de Saint-Maur, de Saint-Vanne et SaintHydulphe sur les anciennes versions latines de la Bible lui avait été partiellement inspiré par la découverte à la bibliothèque du grand séminaire de Nancy de quel­ ques lettres adressées à dom Calrnet par scs confrères de France. Des circonstances analogues l’amenèrent Λ écrire son premier livre : Monseigneur Jacquemin, évéque de Saint-Dié (1750- M2), ln-8®, 272 p.. Nancy, 1892. Ce personnage ayant été mêlé de très près aux événements de la Révolution à Nancy, E. Mangenot fut entraîné à des recherches sur l’attitude du clergé de la Meurthc durant celte période troublée. Outre plusieurs notices de détail qui parurent à diverses dates dans la Semaine religieuse de Nancy, ces études four­ nirent un volumineux ouvrage : Les ecclésiastiques de la Meurthe martyrs et confesseurs de la foi pendant la Involution française, in-8®. 521 p.. Nancy, 1895. Jamais plus il ne perdra de vue la question des martyrs de l’époque révolutionnaire, et plusieurs fois il fut amené a déposer dans le procès (pii devait aboutir ù la béati­ fication des victimes de septembre 1792. Scs enquêtes sur le sujet s’élargissant, il écrivait dans la Itevue du Clergé français, en 1916, t. î.xxxvm, p. 289 cl 409, un article sur La première déportation ecclésiastique à Hocheforl, en 1917, t. xc. p. 5 et 552 une élude sur La cause du martyre des victimes de septembre, et en 1918 une série de sept articles sur La législation du serment de liberté-égalité, qui, au risque de blesser certaines sus­ ceptibilités cl de remettre en cause certaines questions de personnes qui paraissaient résolues, établissaient d’une manière qui semble définitive, la nature exacte de l’acte qui avait valu la mort aux massacrés de (’Abbaye et des Cannes. A la même question se rapportent une série d’art, sur L'intervention de Pie VI au sujet du serment de la liberté etdeTéyatité, parus dans la itevue pratique d’apologétique, juin, juillet, août, septembre et décembre 1917, t. x.xiv, p. 257, 342, •16, · 19, 726. En 1900 la béatification des martyrs du Tonkin, parmi lesquels ligure le bienheureux Augustin Schœffler, originaire de l'ancien département de la Meurthc et ancien élève de Nancy, lui donne l’occasion d’écrire sur ce personnage un charmant opuscule in-8® de 105 p., Nancy, 1Q00. — L'apparition du roman de Barres» La colline inspirée, Paris, 1913, l’amène à étudier de plus près l'histoire des trois frères Balllard, à laquelle le romancier avait fait dans son œuvre une très large place. Connaissant à fond les tenants cl aboutissants d’une aventure dont 11 avait encore fréquenté les derniers témoins, le professeur de Paris, ne put s’em­ pêcher de relever les libertés que l’académicien avait prises avec l’histoire et il le lui dit, un peu rudement, dans La coltine inspirée. Un peu d'histoire à propos d’un roman, in-8® de 88 p., Paris 1913 (paru en majeure partie dans la itevue d’histoire de T Église de Prance, mai et juillet 1913bCelte histoire des Baillard devait d'ailleurs l’entraîner beaucoup plus loin qu'il ne pen­ sait d'abord; elle l’amenait d’une part a fouiller les 1836 archives de cette même colline inspirée, cl il donnait ainsi : Sion, son sanctuaire, son pèlerinage, ln-8’ de 704 p., Nancy, 1919, d’a itrc parlé suivre en toutes se* péripéties l’activité des Baillard. Des recherches entre­ prises par lui aux endroits les plus divers sortait un énorme manuscrit, actuellement conservé au sémi­ naire de Nancy, où les érudits de l’avenir trouveront les renseignements les plus intéressants el les plus Inédits sur le mouvement illuminisle de Michel Vintras auquel avaient adhéré les frères Baillard. Il conviendrait de signaler aussi les nombreuses notices nécrologiques consacrées dans la Semaine reli­ gieuse de Nancy aux célébrités locales. Mentionnons au moins l’article consacré à L'abbé Alfred Vacant, (tiré ù part, in-8·, 45 pages, Nancy, 1901), où s’exprime au mieux l’admiration d'E. Mangenol à l’égard de son confrère et ami. — L'Académie de Stanislas, de Nancy, admit l’auteur en 1912, en qua­ lité de membre associé-correspondant. 2® Questions proprement théologiques ou scripturaires, — L’histoire locale ne fut jamais pour E. Mangenol qu’un dérivatif cl un passe-temps. Lc plus clair de son labeur a été consacré à des questions plus strictement ecclésiastiques et tout naturellement à celles que ses devoirs professionnels l’obligeaient à étudier. En ce domaine je ne vois à signaler que trois livres proprement dits : IAauthenticité mosaïque du Pentateuque, in-8®,331 p., Paris, 1907, qui reproduit, jusqu’à un certain point, les leçons professées par l’auteur durant sa première année de professorat à Paris; La résurrection de Jésus, suivie de deux appendices sur la crucifixion el l’ascension, in-8°, 404 p.» Paris, 1910, (parue d'abord en articles détachés dans la itevue pratique d'apologétique au cours des années 1907, 1908 et 1909); et Les évangiles synoptiques, conférences apologétiques faites à l’institut catholique de Paris, in-8®, 572 p., Paris, 1911. Ces deux derniers ouvrages sont inspirés par le même esprit; il s’agit de répondre aux difficultés soulevées par A. Loisy tant contre la véracité des évangiles en général, que contre le fait de la résurrection de Jésus en particulier. E. Mangenol s’est livré, comme il aimait toujours à le faire, à une enquête minutieuse sur la littérature du sujet, et l’on peut dire, sans exagérer, que ces deux volume* représentent aussi exactement qu'il est possible · l’étnt de la question » au moment où ils furent écrits. Lc reste de sa production littéraire est disperse d’abord dans les colonnes fort compactes du Diction­ naire de la Bible, et du Dictionnaire de théologie catho­ lique ( il y a aussi un article, Canon catholique, 20 col., dans le Dictionnaire apologétique). Mises bout à bout ces colon nés représenteraient un ensemble considérable, â tout le moins la valeur d’un des volumes de ce dic­ tionnaire. A coup sûr nombre de ces articles sont d’im­ portance secondaire. Lc directeur de semblables publications est journellement appelé ù suppléer à la carence d’un collaborateur, à improviser des articles dont l’absence sc constate au dernier moment. Abs­ traction faite de tous ccs hors-d'œuvre, il reste dans les deux encyclopédies signalées un ensemble d’articles de haute valeur, où E. Mangcnot a donné la mesure de ce qu’il savait faire. Je grouperai les principaux sous un certain nombre de litres, et compléterai celle énu­ mération par les articles de revue sc rapportant au même sujet. Suivant les habitudes de notre publica lion, les articles du Dictionnaire de théologie figureront en petites capitales; ceux du Dictionnaire de la Bible en italiques; les articles de revue ayant quelque impor­ tance seront indiqués avec la référence exacte. L Autour du texte biblique. Comme nous l’avons dit. l’attention d'E. Mangcnot avait été attirée de bonne heure sur l’histoire du texte biblique et spécia­ lement du texte latin. Ses deux premiers travaux, 1837 MANGENOT parus dans la Revue des sciences ecclésiastiques, sc rapportent ù l'étude de l'ancienne version latine : Travaux des bénédictins... sur les anciennes versions latines de la Bible, 1888, VI* série, t. vu, p. 181. I vm, p. 31 et 97; Joseph Bianehini et les anciennes versions latines de la Bible, 1892, V11· série, t. v, p. 150.—L'ap­ parition en 1893 du livre fameux de Samuel Bergersur l'histoire de la Vulgate, pendant les premiers siècles du Moyen Age, dont II donne un volumineux compte rendu critique dans la Rev. sc. cccl., 1893, Vil* .série, t. vin, p. 41 et 193, l'oriente définitivement vers l'his­ toire de la Vulgate En plusieurs travaux de détail il étudie l.a patrie et la date de la première version latine du N. T, dans les Questions ecclésiastiques, juillet 1911, t. n, p. 1 sq.; Les mss. grecs des évangiles employés par saint Jérôme, dans Rev. sc. cccl., 1900, IX· série, t. 1, p. 56; Λα version Inline des Actes des apôtres, ibid., 1905, X· série. 1.1, p. 385 (ces deux art. à propos de la publi­ cation de Wordsworth et White); Une recension de la Vulgate en Italie au I · ou >7* siècle, dans Revue du clergé français, décembre 1901, t. xxx, p. 29; Saint Jérôme ou Pétage éditeur des épi très de S. Paul dans la Vulgate, ibid., avril et mai 1916, t. lxxxvi, p. 5 cl 193; l.a Vulgate de Sixte-Quint, dans Les questions cccl., septembre, octobre, novembre 1913. t n, p. 122, 193, 289. En même temps il écrivait dans le Diet. de la Bible, les art. Alcuin, Concordances, Correctoircs, Leclionnaires, Textes de ΓΑ. T. et du .V. T., (Versions) françaises, provençales, romanchcs, vaudoises, et ici l’art. IIuuues de Saint-Cher. Tout ceci n’était que travaux préparatoires ù l’art. Vulgate; celui-ci n’étant lui-même qu’un abrégé d'un très volumineux travail, demeuré en ms. et inachevé, sur l'histoire de la Vulgate. Au même genre de travaux se rattacheraient les art. Polyglottes (cf. trois copieux articles sur la Polyglotte d’Alcala dans Rev. Cl. fr., 15 Janvier, l*r et 15 février 1920,1. ci.p. 102. 180, 251), Septante, Targoums, Utfilas, dans D. B., cl ici l’art. Aorapha. C’est dans tous les travaux que nous venons d'énu­ mérer qu'il faut chercher la vraie manière d’E. Mangc­ not, son goût pour les détails les plus minutieux, son recours continuel aux sources, son information abon­ dante sur la · littérature · du sujet. Sur bien des points les articles en question complètent la documen­ tation de Samuel Berger, cl préparent les travaux en cours des bénédictins appliqués à l’édition de la Vulgate hiéronymicnnc. 2. Questions théologiques relatives ù la sainte Écri­ ture. - Trois grandes questions générales sc posent sur Γ Ecrit lire : celle du Canon des Livres saints, celle de l'inspiration, celle de l'interprétation. E. Mangenol les a toutes trois abordées. L’art. Canon publié ici inêmc.el dont l’art, de même litre publié dans le Diet apologétique n’est qu'un résumé, csl une contribution très personnelle, ù l’étude de celte question assez com­ plexe; il fut complété par un art. des Questions ecclé­ siastiques, septembre 1909, sur Une période (ΙΊΡ.Π· siècle) de Γ histoire du canon dd* A. T. dans l Eglise grecque. Cf., année 1910, t. i, p. 66, une Réponse sur quelques points de l'histoire du canon dans l’Église grecque. L'art. Inspiration du Diet. Bible csl un premier crayon delà très volumineuse étude parue ici sous le même litre cl qui n’était point complètement achevée à la mort de l’auleur. Entre deux se placent deux articles très intéressants de ta Revue des sciences ecclésiastiques. Lc premier paru en 1901, IX· série t. x, p. 158, est une critique, parfois assez rude, des opinions avancées par F von 1 Iiimmelauer, S. J., dans une brochure intitulée : Excgetisches zur Inspirations!rage. Cet auteur cherchait par divers moyens ù se donner du large, el pensait trouver dans la distinction des genres !838 littéraires dan* la Bible, dans l'accentuation du rôle humain de l'écrivain Inspiré, une réponse a plusieurs difficultés, surtout d’ordre historique, que soulèvent certains des Livres saints. E. Mangcnot qui. pour lors étudiait de près les hypothèses de la critique indépen­ dante relative à l’origine des livres mosaïques, n’hési­ tait pas à écrire : · S’il était nécessaire d'abandonner en quelque chose la vérité historique de la Genèse, noth préférerions, pour notre compte, la position prise par les partisans de la critique documentaire du Penta­ teuque ·, que de recourir aux hypothèses imaginée* par le savant exégète. Mais celle timide indication qui faisait une place â l’histoire littéraire dans l'élude de l’inspiration resta sans résultat immédiat. L’art, sur L'inspiration de ta sainte Écriture, paru dans la Revue des sciences eccl. et la Science catholique, en mai 19U7, 1.1, p. 173, sous forme de compte rendu du De inspira­ tione S. Script une de Ch. Pesch, S. .L, se contentait de retracer le» grandes lignes de Γ histoire du dogme. C’est â quoi se réduit en somme l’art. Inspiration publié Ici. On aimerait qu’ù l'exposé analytique des multiples opinions qui se sont fait jour sur la question depuis les époques les plus reculées jusqu'à ces toute* dernières années succédât une vigoureuse synthèse, où l'auteur aurait marqué ce que, personnellement, il pensait du problème et quel concept de l’inspiration suggèrent les modernes études sur la composition, si diversifiée, des diÎTérenls livres de la Bible. Sur l’interprétation de l’Écriture, E. Mangcnot a eu l’occasion d’exprimer scs idées dans un bon nombre d’articles du Diet, de la Bible : Accomodatice (sens). Allégorique (cf. ici Allégories), Anagogique, Mysti­ que. Sens de ΓÉcriture, mais surtout Herméneutique. Une bonne partie de tout cela est repris ici dans l’art. Interprétation de l'écriture demeuré malheu­ reusement inachevé. Signalons, dans le même ordre d'idées, les deux art. Antilogies des deux dictionnaires, où l’auteur exprime cette idée, qui, a l'époque, pouvait passer pour hardie, que certaines antilogies bibliques sc résolvent aisément si Ton admet l’évolution du dogme, le développement de la législation, etc. Faute de meilleure place, mentionnons ici l’art, sur Les erreurs de mémoires des Evangélistes d'apri* Érasme paru dans La Science c dhohque. 1893. t. vu. p. 193, cl l’art. Chronologie biblique du D. B., où, avec une simplicité fort méritoire à cette date, l’auteur si­ gnale, sans esquisser aucun geste de surprise, les opi­ nions scientifiques qui vieillissent considérablement l’apparition de l'homme sur la terre. 3. Introduction aux divers livres de la Bible. H faut citer en tête le livre signalé plus haut sur L'authcnlicilt mosaïque du Pentateuque, qu’il y aurait grand interet â comparer d’une part aux art. Moise el Pentateuque du Diet. Bible, d’autre part aux art. Delteiionomi., Exode cl Genèse, parus ici. De la consciencieuse enquête à laquelle il s'était livre au début de son pro­ fessorat parisien, l’auteur avait ganté l’impression que tout n’est pas chimère dans les résultats auxquels est arrivée la critique littéraire du Pentateuque. Sans élaborer personnellement de théorie où s’intégreraient les parties les plus recevables de l’hypothèse documen­ taire et les données de renseignement traditionnel (peut-être la date où il écrivait ne le lui permettaitelle pas), il a tenu ù mettre les catholiques moyens au courant de l’étal de lu question, et Λ leur faire entendre que certaines réponses vieillottes faites jadis a kl • haute critique » sont aujourd’hui périmées. Il s’ellorçalt également de déterminer au plus juste dans un votum adressé à la Commission biblique et imprimé par les soins de celle-ci la Xote (héologique à donner ù la thèse de l'authenticité mosaïque du Pentateuque ,in-4·, 61 p., Home, 1905, dont les conclusions sont reprodui­ tes substantiellement dans /.'authenticité mosaïque. 1839 MANGENOI p. 267 sq.— Comme autres introductions aux livres de Ι’Λ. T., signalons les art. Josué. Esdras, Néhémie, ParaUpomènes, Prophètes, Prophétisme,du Diclion.de la Bible. Cantonné depuis 1905 dans renseignement du N. T. E. Mangenot n etc amené à étudier â ses cours la plupart des livres qui le composent. La substance de cet enseignement csl passé dans les art. Matthieu, Marc, Luc (cf. L9évangile de S. Luc, dans Rev. cl. /r., 15 septembre, 15 octobre 1910, l. lxih, p. 641, t. lxiv, p. 172), Jean du Did. Bible, et dans les art. Apo­ calypse, Éphésiens, Hébreux, parus ici. Mais il faut tenir compte également de plusieurs articles de revue. L’art, intitulé Les sources de l'histoire évangélique, dans Rev. sc. ccd., 1898, VIII· série, t. vn, p. 146, compte rendu critique du Jésus de Nazareth d'A. Béville, représente ses anciennes positions. Celles-ci ont été sensiblement élargies dans La composition des Evan­ giles, de la Rev. cl. fr., 15 mars 1908, t. un, p. 717; Les éléments secondaires d rédactionnels du discours des paraboles (Marc., /I', 1-34), ibid., 15 avril 1909, t. i.vhi, p. 129 ct dans/.e f aulinisrnc de Marc, ibid., 15 août, 15 octobre, 1er novembre 1909, t. ux, p. 385, t. lx, p. 129 ct 275 (ce dernier reproduit en appendice dans Les Evangiles synoptiques, p. 363 sq.). A l’endroit de certains catholiques trop timorés, l’auteur y main­ tient le droit qu’a tout exégète de parler d’éléments « rédactionnels» ou «secondaires·; et il reconnaît que le paulinisme de Marc n’est pas à rejeter a priori, qu’il est légitime d’en parler, à condition, bien entendu, de le présenter avec modération. Même attitude dans les deux vota adressés à la Commission biblique sur L'authenticité johannique du 1 V· Evangile d'après la tradition ecclésiastique, Home, 1906, et sur L'auteur et la date du livre des Actes des Apôlres, Ttome, 1912, comme aussi dans un article sur le verset des trois témoins célestes : Le Comma Joanneum, dans la Rev. sc. ccd. et Science cath., mars 1907,1.1, p. 331. 4. Exégèse proprement dite. — Dans l'œuvre d’E. Mangenot l’exégèse est représentée d’abord par une série d’articles publiés dans Le Prêtre sur Les Psaumes du bréviaire, 1890, et sur Les prophéties messianiques, 1894; ensuite par de nombreux art. du Did. de la Bible sur des personnages de ΓΑ. T., Abraham, David. Elie, Elisée, etc.;par les art. Arbres de vie et de la science. Arche de Noé, Déluge du même recueil. On y Joindra, pour apprécier la position ancienne de l’auteur, un art. de La Science catholique, sur L'universalité restreinte du déluge à la fin du XVII· siècle, 1890, t. iv, p. 148 ct 227 ; trois art. de la Rev. sc. ecd. : Le déluge devant la critique historique, 1895, VIII· série, t. H, p. 97; Le caractère naturel du déluge 1896, VIII· série, t. iv, p. 412; La théorie sismique du déluge, 1897, VIII· série, t. v, p. 116 ct 193. Toute cette production est encore inspirée du concordlsme le plus strict; on ne semble pas encore avoir entrevu que les solutions aux dilllcultés soulevées par la question du déluge sont à chercher dans la critique littéraire du texte biblique et non point au dehors. Si ce point de vue n'est pas encore nettement adopté dans les art. Ève cl IIexamêron parus ici, du moins il y est indiqué et le concordisme y est visiblement en recul. Une très grande prudence se manifeste aussi dans les art. Almah. Emmanuel du Did. de la Bible. — Signa­ lons encore plusieurs remarquables séries d’art. : Saint Paul d tes mystères païens, dans la Revue peut. d'Apol., t. xvi, p. 176, 211 ct 339; La doctrine de S. Paul et les mystères païens, dans Rev. cl. (r., 1er avril, 1er mai, 15 juillet 1913, t. lxxiv, p. 5 ct 257, t. lxxv, p. 129; ct aussi Iss deux généalogies de Notre-Seigncur, ibid., 1911, t. lxvi, p. 129. On trouverait aussi d’excellentes choses A glaner dans une série d'articles critiques sur M. Guigncbert et le Nouveau Testament, dans Rev. prat. d'Apol., t. vi, p. 34, 105, 181. 1840’ 5. Théologie biblique. · Cette discipline était fort mal représentée au Dictionnaire de la Bible; c’est avec beaucoup de circonspection qu'on lui cntr’ouvrlt la porte ici. On finit cependant par en saisir le concept exact, et à ce point de vue les deux art. Dieu d’après i.\ Huile, ct Démon d’après la i ibi.i dus à la plu­ me d’E. Mangenot doivent être remarqués. Signalons dans le même ordre d’idées : L'eucharistie dans saint Paul, publié dans Rev. prat. d'Apol., t. xin, p. 33, 203, 253; La conception virginale de Jésus, paru dans la/tawe de l'Institut catholique de Paris, mai-juin 1907, p. 197-230, ct surtout Jésus, Messie et l'ils de Dieu, d'après les Actes des apôtres, ibid., novembre-décem­ bre 1907, p. 385-423, (paru en 2· édit., Paris, Bloud, 1908). Ce dernier article exprime très nettement l’objet de la théologie biblique, ct s'applique à déterminer la pensée de l’auteur des Actes sur le sujet étudié. 6. Théologie proprement dite. — Directeur de ce dictionnaire, E. Mangenot fut obligé à plusieurs reprises de rédiger des articles de théologie. Citons au moins : Assistance du Saint-Esprit, Baptême (dans l'Eglise anglicane, d chez les protestants), Baptême par le feu, Baptême pour les morts, Blasphème con­ tre le Saint-Esprit, Eucharistie (du χιπ· au AF· siècle), Fin du monde. On n’y cherchera point de haute métaphysique. L'auteur ne s'aventurait pas volon­ tiers dnns la spéculation; son domaine était plutôt celui des faits historiques, ct l’on trouvera dans les articles signalés le même souci d'énumération exhaus­ tive des témoignages que nous avons déjà fait remar­ quer, la même préoccupation de grouper les textes par époques, dans un ordre chronologique parfois un peu décevant. 7. Erudition ecclésiastique. — A plus forte raison ces mêmes qualités, se retrouvent-elles dans des articles comme Catéchisme, France (Publications théologi­ ques). C'est ici qu’éclate tout spécialement l’immense érudition qui était le propre de l’auteur. Ayant lu de scs yeux une masse d’ouvrages dont on sc fait dllïlcileinent idée, servi par une mémoire d’une ténacité prodigieuse ct qui le dispensait bien souvent de pren­ dre des notes, il avait accumulé une quantité vraiment extraordinaire de connaissances, (’.’est dans des tra­ vaux comme ceux que nous venons de signaler ct qui ont été exécutés avec une rapidité relative que de tels dons trouvent naturellement leur emploi. — Comme exemple de recherche érudite sur un point de détail signalons l’art, sur Un soi-disant antécédent jui/ de l'eucharistie, dans Rev. cl. (r., 15 février 1909, t. lvîi, p. 385 (reproduit en appendice dans les Evangiles synoptiques), où fut signifié un congé définitif à l’hypothèse qui voulait voir dans la cérémonie juive du Kiddùsch un antécédent de l'eucharistie. Un autre travail, que nous nous reprocherions de ne pas signaler, donne la mesure de la probité littéraire d’E. Mangenot; c’est la série de trois articles sur Les miracles d'Esculape parus dans la Rcvuedu clergé français, 15 août, 1er septembre, 15 septembre 1917, t. xa, p. 289, 421, 495. Un publiciste catholique trai­ tant dans un journal religieux la question du miracle ct de scs contrefaçons avait cru pouvoir avancer, après une cncpiête approfondie, disait-il, dans la littérature classique, que le paganisme ne saurait montrer aucun fait matériel de guérison qui ressemblât, même de loin, aux miracles de Lourdes. Amené par son étude sur les miracles évangéliques à discuter la question des pro­ diges du paganisme, E. Mangenot n’eut pas de peine à se convaincre que l’enquête dudit publiciste avait été bien légèrement conduite. · 11 nous semble prouvé, ccrivait-H ù la suite de scs recherches, qu’11 y a eu nu cours de près de dix siècles un nombre considérable de guérisons attribuées à l’intervention <ΓEsculape. Il nous apparaît que c’est une mauvaise lactique MANGENOT 1841 d’apologétique que de nier l’évidence même Son, ce n’est pas sans fondement historique que les ennemis de notre foi... parlent couramment de nombreuses cures merveilleuses attribuées à la toute-puissante bonté des dieux de la médecine. * A ceux qui lui firent remarquer que de telles alllrmations pouvaient mettre l’apolo­ giste catholique en mauvaise posture, E. Mangenot riposta sans doute par la même phrase sur laquelle il termina la polémique passablement discourtoise que son contradicteur avait engagée : .le l’ai fait par amour de la vérité complète d’abord, et aussi un peu pour l’honneur de renseignement supérieur auquel nous appartenons tous deux. · — Nulle parole ne saurait mieux caractériser l’ensemble de l’œuvre scienti lique fournie par l'abbé Joseph-Eugène Mangenot. É. Amann. MANICHÉISME, secte religieuse fondée au ni· siècle par Manès ou Mani. — I. Sources. — il. Vie de Mani (col. 1858). — III. Expansion du manichéisme (col. 1861). — IV. Les doctrines mani­ chéennes (col. 1872). — V. Origines du manichéisme (col. 1888). 1. Soutiens. — Le manichéisme est encore pour l’historien une sorte d’énigme. Apparu brusquement, vers le milieu du ni· siècle, en Babylonie, c’est-à-dire dans un pays de syncrétisme religieux intense dans lequel sc rencontraient ct sc mélangeaient les in­ fluences les plus diverses : celles du christianisme, du judaïsme, du mithraïsme, des vieilles religions locales de la Chaldée, il s’est répandu avec rapidité jusqu’en Espagne ct en Afrique du Nord d’une part, ct de l’autre jusqu’aux extrémités de la Mongolie ct de la Chine. Pendant près d’un millier d’années, il a su conserver sa vitalité,en butte à l’hostilité des pouvoirs établis aussi bien qu’à la contradiction des systèmes qu’il prétendait remplacer. Les combats qu’il a été obligé de livreront parfois semblé accroître sa force. Mais, après ce rude effort de conquêtes ct de luttes, le manichéisme a presque entièrement disparu. Les docu­ ments de l’activité littéraire de scs membres ont péri, victimes de l’usure du temps ct surtout de l'hostilité des hommes. Il est aujourd’hui difficile de faire un tableau exact du manichéisme ct beaucoup de ceux qui s’y sont essayés ont finalement échoué dans leurs efforts. Naturellement, les sources les mieux assurées pour connaître la doctrine et l’histoire du manichéisme seraient les écrits mêmes de Mani ct de scs disciples. Nous savons que les ouvrages du maître ct ceux de ses principaux disciples formaient une sorte de livre sacré, de Bible, à laquelle on attribuait la plus haute autorité. En dehors de fragments ct d’analyses, plus ou moins considérables, ces ouvrages sont aujourd’hui perdus. Il n’en faut pas moins les citer en première ligne, au début de cette étude, avec l’indication des auteurs qui nous renseignent sur eux. En second Heu, nous aurons à mentionner un cer­ tain nombre d’écrits manichéens, récemment retrou­ vés dans l’Asie Centrale. Ces écrits sont d'autant plus précieux qu'ils proviennent de cercles qui conser­ vaient les traditions de Mani. Ils ne suffisent pourtant pas à satisfaire toutes les curiosités : rédigés dans des langues dllflcllcs à comprendre, composés à des dates inal connues ct peut-être assez récentes, conservés souvent à l’état de fragments, ils ont besoin d’être complétés ct contrôlés par les témoignages des sources Indirectes. Celles-ci sont elles-mêmes de deux sortes : les sources orientales ct les sources latines ct grecques. Les sources orientales les plus importantes sont d'origine musul­ mane. Ahoul Farad] Mohammed ben Ishaq, plus connu sous le nom d’\n-Nadim (vers 980), ct Sharasiani (xi!· siècle) surtout ont eu l’occasion de s’intéDICT. DE THÉOL. CATIIOI.· MANICHÉISME 1842 rester au manichéisme. Ils ont eu l’un ct l’autre en main des ouvrages authentiques de Mani et de ses pre­ miers disciples : les extraits ct les analyses qu’ils nous fournissent sont de la première importance. Parmi les écrivains chrétiens de langue syriaque, saint Éphrcin au iv· siècle, ct Théodore Bar-Khôni nu vin· siècle sont spécialement bien renseignés, ct leur témoignage doit être pris en sérieuse considération. Quant aux sources latines cl grecques, il suffit pour l’instant de signaler les Ada Archelai d’Hégémonius ouvrage du iv· siècle, qui met en scène Mani lui-même ct un de scs principaux disciples Turbo, ct les traités antimanichéens de saint Augustin : celui-ci, avant sa conversion, avait passé plusieurs années dans la secte ct avait eu l’occasion de lire de nombreux ouvrages manichéens, de recueillir un certain nombre de tra­ ditions : par lui, nous sommes bien renseignés sur le manichéisme africain de la fin du iv« siècle. /. .S0QÎICE3 MANtCHÊENXES. — 1· Ouvrages de Mani. — L'historien arabe An-Nadim, parlant de l’activité littéraire de Mani, écrit : < Mani composa sept livre*, un en persan ct six en langue syriaque. Panni eux sc présentent : d’abord le livre des Mystères..., seconde­ ment le livre des Géants..., troisièmement le livre des Préceptes pour les Auditeurs, avec un appendice dr*> Préceptes pour les Élus..., quatrièmement le livre inti­ tulé : Shâpurakân..., cinquièmement le livre de la Vinification..., sixièmement le livre intitulé : Farakmatija... · G. Flûgcl, Mani, seine Lehre und seine Schri/ten..., Leipzig, 1862, p. 102, 103. Le texte d’AnNadlm, qui a ici une lacune, ne donne pas le titre du septième livre annoncé. Birûni (vers 1000) donne une liste qui reproduit à peu près celle d'An-Nadim. Il a trouvé, dit-il, à Hawarizim un volume de livres manichéens, qui con­ tenait les écrits suivants : la Farakmatija; le livre des Géants; le Trésor de la vinification; le Soleil de la cer­ titude et du fondement; V Évangile; le Shâpurakân; une quantité d'Épitres de Mani; enfin le livre des Mystères. Birûni, Chronologie orientalischer Vôlker, édit. Sachau, Leipzig, 1898, p. xxxvni. Ces listes sont les plus complètes et les plus vraisem­ blables des écrits authentiques de Mani. Les six pre­ miers du catalogue d’An-Nadim auraient été rédigés en syriaque, par où il faut entendre non pas le syriaque classique, la langue parlée à Édesse, mais i’ararnéen de Babylone, ct plus précisément la langue du Sûristan, c’est-à-dire de la région du Tigre ct de l’Euphrate inférieurs. D’après An-Nadim, Mani aurait inventé, pour transcrire ses œuvres une écriture spéciale, dérivée du syriaque et du persan, ct plus riche en caractères que l’arabe. G. Flûgcl, op. cil., p. 167, 168. Après lui, les manichéens auraient conservé ce sys tème d’écriture dans la copie de leurs livres saints. Que savons-nous de chacun des livres de Mani? 1. Le livre des Mystères. —Cet ouvrage csl cité par Hégémonius, Acta Archet., 62, édit. Beeson, p. 91, par Titus de Bostra, Contra Man., i, 5, P. G., I. xvm. col. 1076, cl par saint Épiphanc, Hares., lxvi, 13, P. G., t. xuî, col. 48 C. L’analyse soi-disant fournie par ce dernier est empruntée à Titus qui, en réalité, no semble pas avoir connu l’œuvre de l’hérésiarque. Photius, Contra Man., i, 12, P. G., t. ai, col. 36 A, ct la seconde formule grecque d’abjuration, P. G., t. î, col. 1165, assurent que dans le livre des Mystères, les manichéens s'efforcent de détruire la Loi cl les Pro­ phètes. L’analyse donnée par An-Nadim, édit. Flûgcl, op. cil., p. 102, 103, confirme cette assertion. D’après An-Nadim, les Mystères étaient divisés en 18 chapi­ tres. dont le 17· traitait des prophètes, tandis que d’autres (4, 5, 10) étaient consacrés à Jésus. Plusieurs chapitres. 1,12 ct 13, s’occupaient des Deisanitcs, qui sc rattachaient à Bardcsane. Dans l’ensemble, le livre IX. _ 59 1843 MANICHÉISME, SOURCES MANICHÉENNES de*» Jipj/ères s'occupait donc des relations entre le judahme ct le christianisme; et il s’intéressait spécia­ lement aux rapports entre l'Ame ct le corps. Cc livre est perdu. Perdu également le résumé qu’en avait rédigé Birûni· Par cc dernier auteur, nous en connaissons pourtant quelques fragments qu'il a insé­ rés dans son India. Cf. P. Alfaric, Les écritures mani­ chéennes, t. π, étude analytique, p. 17-21. 2. Le livre des Géants. — Mentionné par An-Nadim ct par Birûni, le livre des Géants est également signalé par Timothée dc Constantinople, Dc. recept. hxretic., P. G., t. lxxxvt. col. 21 ct par Photius, Hiblioth., cod. 85, P. G., t. an, col. 288. D'après le titre, il devait s’occuper surtout de la légende des Géants fondée sur les récits dc la Genèse ct déjà exploitée dans les milieux gnostiques. Une hypothèse assez vraisemblable de P. Alfaric. op. rit., p. 31, veut que ce livre soit le même ouvrage que le Liber capitulorum (livre des principes) mentionné par Archélaûs, Acta Hegem , 62, édit. Beeson, p. 91; ct aussi qu’il ait été cite par Alexandre de Lycopolis, Titus de Bostra, saint Épiphane, Théodoret de Cyr. Sévère d'Antioche, comme renfermant les doctrines essentielles, les κεφάλαια, du m inlchéismc. De fait, Alexandre dc Lycopolis. en terminant son exposé des κεφάλαια manichéens, note que les hérétiques invo­ quaient la glgantomachic des anciens poètes pour montrer comment ccs derniers avaient connu la lutte engagée par la matière contre Dieu. Les κεφάλαια, tels qu’ils sont connus par les analyses d’Alexandre dc Lycopolis. dc Titus dc Bostra, dc Théodoret et de Sévère, contenaient un exposé dc la comosgonie manichéenne. Ils racontaient l’origine du inonde, l’apparition dc l’homme sur la terre, ct la lutte acharnée que sc livrent les deux principes jusqu’au triomphe définitif du Bien. Le livre des Principes semble avoir été particu­ lièrement répandu en Chine : un fou-to-tan, c'est-àdire un haut dignitaire manichéen, venu de Perse, l’apporta en 691 dans l'empire du Milieu; il y prit le nom de Livre des deux Principes, ou des deux Racines. Les textes dc Toucn-houang y font dc fréquentes allusions. Cf. P. Alfaric. op. cil., p. 32-34. 3. Le livre des Préceptes pour les auditeurs, avec un chapitre additionnel des préceptes pour les Élus : c’est ainsi qu’ Xn-Nadim désigne le troisième des écrits dc M ini, il semble que cc ne soit pas là un titre à pro­ prement parler; mais plutôt une analyse rapide d’un ouvrage anépigraphe. A sa place. Birûni mentionne le Soleil de la certitude et du fondement : peut-être avonsnous dans cette formule un peu mystérieuse le titre original du livre des Préceptes. En tout cas, nous savons fort peu dc choses dc cet ouvrage, dont I identification a donné lieu à beaucoup dc difficultés. Suivant K. Kessler, art. Mani. ManicMer. dans la Protest. RealcncgcL, 3* édit., t. xn, p. 220, le livre des Préceptes serait à identifier d’une part aux κεφάλαια dont parlent les auteurs grecs, cf. supra, ct d’autre part, à la célèbre Épttre du fonde­ ment que nous connaissons bien par l’ouvrage de saint Augustin, Contra epistolam Manichaei quam vocant fundamenti liber unus. P. Alfaric, quia déjà identifié les κεφάλαια au livre des Géants, volt dans le livre des Préceptes, un ouvrage mentionné par saint Augustin dans le De moribus munirhicorum. 19 sq., P. L., I. xxxn, col. 1353 sq., ct analysé en partie par lui : c’est dans cet ouvrage que sont étudiés les trois sceaux de la bouche, de la main et du sein, imposés aux élus II ajoute que les textes de l’Asie Centrale ct spécialement le Khouastouanifl font allusion à la pre­ miere partie du traité de Mani. lorsqu’ils parlent des Trois Moments» que doit comprendre l’homme décidé h entrer en religion. P. Alfaric. op. cit., p. 51-58. 1844 Tout cela est assez Incertain. Il reste que le livre des Préceptes était un traité de morale, ct qu'il se divisait en deux parties ; l’une destinée à tous les fidèles mani­ chéens, aux auditeurs; l’autre réservée aux élus, c’està-dire aux parfaits. I. Le Shâpurakdn. — Selon Birûni, Chronologie, trad. Sachau, p. 189, Mani aurait composé cet ouvrage, peut-être le plus ancien deses écrits, pour le grand roi des Perses, Sapor I*r. le fils d’Adraschir, afin de l'ins­ truire et dc le gagner à scs doctrines. Le litre de Shâpurakdn, appartenant à Sapor, continue ce récit. Vrai­ semblablement, cet ouvrage était rédigé en persan, selon les renseignements d‘An-Nadim qui connaît un livre dc Mani écrit en cette langue. C’était un écrit eschatologique : An-Nadim nous apprend qu'il se divisait en trois parties, dont une décrivait la fin de auditeurs, une autre celle des élus, la troisième celle dc pécheurs. Flûgel, Mani, p. 103. Peut-être un résumé assez long en est-il donné dans un passage du même auteur intitulé : Doctrines des mani­ chéens sur la idc future, et où apparaissent successive­ ment les trois classes d’hommes. b’Iügel, Muni, p. 100, loi. Le Shdpurakûn a été connu en Orient : deux feuil­ lets d’un manuscrit dc Tourfan portent encore le titre dc l’ouvrage ct en donnent des fragments, malheureu­ sement illisibles ou inintelligibles. Par contre, les occi­ dentaux n’ont jamais connu cet écrit, et ne le citent pas, du moins sous son titre original. P. Alfaric, op. cit., p. 49. croit que c'est peut-être lui que vise la formule grecque d’abjuration lorsqu’elle cite le livre des Secrets. P. G., t. i. col. 1 168. 5. Le livre de lu vivification, appelé le· Trésor de la vivification par Birûni, est intitulé plus simplement le Trésor par Hégémonlus, Acta Archet., 62. ct par saint Épiphane. Hicres., lxvi, 13. Timothée dc Constanti­ nople, Pierre dc Sicile, Photius, les deux formules grecques d’abjuration, donnent le titre complet, θησαυρός ζωής. Cc titre est d'autant plus remarquable qu’il sc retrouve chez les mandéens, où il désigne une écriture très importante. Saint Augustin a connu lui aussi le Trésor : il en cite deux fragments, l’un provenant du second livre, Con­ tra Felic., n, 5, P. L., t. xi.ii, col. 538, l’autre prove­ nant du septième livre, Dr natura boni, IL ibid., col. 568. Les deux fragments sont également cités par Évodius, De fide conl. Man., 5 ct 1 1-16, ibid., col. 1111, 1111. Avec un troisième passage, signalé par Birûni, India, trad. Sachau, t. i, p. 39, ils constituent tout ce qui nous reste dc cc traité qui devait être fort impor­ tant. puisqu’il avait au moins sept livres. Nous savons qu'il y était question dc la lutte (les deux royaumes des Ténèbres et dc la Lumière, ct du rôle joué par le Troi­ sième messager et par la Vierge de Lumière dans In délivrance des éléments divins tenus en captivité par les démons aériens. Saint Épiphane. après avoir mentionné le Trésor, ajoute que Mani a associé à ce livre, celui qu'on appelle le Petit Trésor, IDrrcs., lxvi, 13. On a cm souvent que c'était là un simple résumé du Trésor. Il est fort pos­ sible qu’il s'agisse, en réalité de deux écrits différents; et de fait saint Cyrille de Jérusalem signale les Trésors au pluriel, parmi les ouvrages importants dc Mani. Catech., vi, 22, P, G., t. xxxm, col. 577. 6. La Farakmatifa d’An-Nadim et dc Birûni semble avoir été un traité de morale. Le titre lui-même doit être lu Πραγματεία, ce mot désignant précisément un livre ayant une partie pratique, et se trouvant em­ ployé par Photius à propos du livre dos Géants qu’il nomme ή των γιγάντων πραγματεία. Selon Kessler, art. cit., p. 221, nous ne connaissons rien dc cet ouvrage. P. Alfaric, op. cit., p. 58-68, pense, au contraire, quo 18'ι5 M AMCIIÉ1S.ME, SOIREES Μ \ X IC II ÉE X’X ES la Pragmateia, n'est antre que 1'Epistola /undamenti, déjà rappelée tout a l'heure. Celle lettre, adressée â un certain Pallicius - peut être le père de Mani luimémo est un résume de toute hi doctrine mani­ chéenne; et c'est un des écrits (pie nous connaissons le mieux, grâce à saint Augustin qui en a composé une réfutation en régie, non sans en transcrire des passages importants. On y trouve la description des deux prin­ cipes étemels, la narration do la lutte originelle entre le bien et le mal, l'histoire de l'homme, la rédemption apportée par le Christ; bref un exposé systématique des enseignements du Maître. Peut-être VÈpttre du Fondement est-elle le même ouvrage que les sources orientales mentionnent sous le nom dc livre des Trois moments. La lettre, en effet, sc présente comme renfermant initium, medium et finem. c'est-à-dire comme faisant connaître toute l’histoire du monde. Les trois moments, antérieur, médian et postérieur, sont également ceux entre lesquels sc par­ tage toute l’évolution des choses Comme cependant le livre des Trois moments a déjà clé identifié par P. Alfaric au livre des Préceptes, il vaut mieux ne pas multiplier les hypothèses, plus ou moins hasardeuses au sujet de ces textes. 7.L'Évangile est signalé par les Acta Archelai d’IIégémonlus; cl c’est un des ouvrages de Mani qui sont le plus fréquemment cités. Tour à tour Cyrille de Jérusalem, Catcch., vi, 22, /*. G., t. xxxm, col. 576. Pierre de Sicile, Jtist. Man., i, 11. t. αν, col. 1257; Photius, Cont. Man., i. 12, I. at, col. 3G, les deux for­ mules grecques d’abjuration les mentionnent en tête de la liste des écrits manichéens. Plusieurs textes lui don­ nent le nom Évangile Dînant, το ζών εύαγγέλιον. Kessler pense <|ti’il était rédigé en persan; il semble que, comme les autres écrits de Mani, à l’exception du Shdpurakdn, il ait été composé en syriaque. Ce que nous savons de plus précis sur l’Évangilc dc Mani, c’est la notice de Birûni ; · Chacun des adeptes de Marcion et de Bardesano se sert d’un évangile qui contredit en partie les Évangiles véritables. Mais les adeptes de Mani en ont un qui, du commencement jusqu’à la tin, renferme le contraire de la croyance des chrétiens. Ils en professent la doctrine, ils le présentent comme le seul véritable; ils disent qu'on lui est enseignée la vraie foi de Mani et qu’en dehors de lui. on ne trouve que vanité et mensonge. » Birûni. Chro­ nologie, trad. Sachau. p. 23. Birûni ajoute, id., p. 207. que Mani avait divisé son Évangile en 22 sections d’après les 22 lettres de Palphabcl, et ce renseigne­ ment est confirmé par tin catalogue d’écrits mani­ chéens trouvé à Tourfan. P. Alfaric, op. cit., P 36, 37. Nous savons peu de choses sur le contenu de l’Evan­ gile de Mani. Les auteurs occidentaux évitent d’en parler; et les manichéens avec lesquels discute saint Augustin ne sc servent que des Évangiles canoniques. Quelques phrases décousues et peu intelligibles, retrouvées dans les manuscrits de Tourfan, quelques indications fournies par l’historien arabe Ibn-al* Mouninda, ne nous permettent pas de nous faire une idée précise de l’ouvrage, ni de décider avec certi­ tude s’il était un évangile proprement dit ou seule­ ment un commentaire des récits évangéliques. Peut-être V Évangile de Muni est-il ia même chose qu’un ouvrage important dont parlent, avec le plus grand éloge, plusieurs autours persans du Moyen Age. ct auquel ils donnent le nom d'Ertcnk de Mani. Le mot perse rrtenk, ou plus exactement crzeng ou crischetig, signifierait discours remarquable, parole sainte, ct serait par suite le synonymo approximatif du terme évangile. Uertenk portail encore le nom de Destour Mani, cc qui veut dire Loi ou canon dc Mani. Il faut avouer que de tels litres sont bien vagues ct ne 180G renseignent guère sur le contenu d'un ouvrage. Les écrivains qui parlent dc VErtenk signalent sur­ tout les miniatures remarquables dont l’auteur avait orné son ouvrage, ct qui devaient servir à démontrer Sa mission prophétique. Le récit le plus complet est fourni par Mirchond : < On raconte, dit cc dernier, que Mani. voyageant dans les contrées d’Oricnt, arriva a une montagne qui contenait une grotte possédant l'agrément désirable avec son air rafraîchissant et scs sources d’eau. Ccttc grotte n’avait qu’ui é seul entrée. Sans qu’on s’en aperçut, il y amassa de la nourriture pour un an. Puis, il dit à scs partisans ; « Je vais mon­ ter nu ciel et j'y prolongerai mon séjour pendant une année. Après quoi, je reviendrai sur la terre sous apporter un message de Dieu. · 11 ajouta : « Au début de la seconde année, trouvez-vous a tel et tel endroit, dans le voisinage dc la grotte, ct donnez-moi votre attention.. Après cet avertissement.11 sc déroba aux regards des hommes, entra dans la grotte, ct s’y occupa pendant une année de peintures. 11 traça de merveilleux dessins sur une tablette qu’il appela VErtenk Mani Puis, au bout d’une année, il se montra à ses gens, dans le voisinage dc la caverne, tenant â la main une tablette couverte de peintures merveilleuses dc dessins variés. A cette vue. chacun disait : Le monde nous offre des milliers dc dessins, mais nous n’avons encore rencontré aucune peinture dc cc genre. Comme tous étalent pétri liés d’admiration, il leur dit : J’ai apporté du ciel cette tablette pour établir mon caractère prophétique. > Hist, unio., Bombay, 1854, t. i, p. 223. Cf. P. Alfaric. op. cit., p. 11, 12. Les sept traités, dont nous venons de parler, sont les ouvrages capitaux dc Mani. En dehors d’eux, on connaissait encore un certain nombre de lettres dc Mani, qui semblent avoir été assez répandues et qu’on lisait, au temps de saint Augustin, dans les assem­ blées religieuses. Augustin, Cont. epist. Man., 7; Cont. Faust., xm, I, P. L., I. xui, col. 177,284. An-Nadim donne le catalogue de ces lettres : il en compte 76. parmi lesquelles il paraît avoir directement connu les 52 premières; des 21 autres il n’aurait pas eu le texte entre les mains. Elûgel, Mani, p. 103,101. Panni ces lettres, les unes étaient adressées à un pays ou à une ville, ainsi la3· à l’Inde, la 6· à Kashkar, la 8· à l’Arménie, la 10· à Clcsiphon, la 23· à Babel; d’autres avaient un destinataire individuel : Koutlak (n. 7), Amoulija l’incroyant (n. 9; lire sans doute ici le nom romain d’.Emllius ou .lùniüanus), Alrahija l’incroyant (n. 47 ct 19), la persane Mcnak (n. 60, 61. 63) : celle dernière peut être la vierge Menoch que saint Augustin connaît comme la destinataire d’une lettre de Mani. Nous connaissons par An-Nadim le sujet d’un grand nombre de ces lettres : les matières traitées étaient des plus variées. Mani s’occupait, par exem­ ple, du sceau dc lu bouche (n. 13). dc la bonne odeur (n. 17), de la propriété (n. 66), de hi dime (n. 27. 14, 52, 62), des relations sociales (n. 12), des donations religieuses (n. 40), de l’administration dc l'aumône (n. 55), de l’amour (n. 32», dc l’explication des songes (n. 59), de l'habillement (n. 76). La lettre 71 dc Mani sur le crucifiement pouvait se rapporter à la passion du Christ. roules ces lettres sont perdues, à l'exception dc quelques fragments insignifiants retrouves dans les manuscrits de l’Asie centrale. P. Alfaric, op. cil., p. 72. Quelques citations des lettres de Mani sc trouvent dans les auteurs chrétiens, llcgcmonius donne le texte d’une lettre que Mani aurait adressée à Marcellus pour le convertir à la foi nouvelle. Acta Archet., 5· édit. Beeson, p. 5-8. Celle lettre, selon Kessler, art. cit.. p. 222 sq. serait l’œuvre, sinon de Mani lui-même, du moins d’un manichéen influent; P. Alfaric, op. cit.. 1847 MANICHÉISME, SOURCES MANICHÉENNES 1808 p. 73 sq., y voit, au contraire, une composition arti­ vres authentiques de Mani, et relatifs à celte question : la nature primitive du corps charnel est-elle simple ou ficielle d’Hégémonius. Saint Augustin reproduit, d’après Julien d'Eclanc, double? Il a été édité, traduit et commenté par qui l’avait apportée dans la controverse, une lettre de MM. Chavannes et Pclliot dans le Journal asiatique, X^sér., t. xvm, p. 199-618 ; cf. XP sér , t. i, p, 99-101 Manichée â la vierge Mcnoch, Contra Julian, op. et 378-383. P. Alfaric, op. cit., p. 99-103. imper/.. ni, 166, 172, iv, 109, P. L., t. xlv, col. 316, Suivant saint Augustin, Addas était aussi connu 131 S, 1101. Bien que le nom de Mcnoch apparaisse sous le nom d’Adimante, que les manichéens de son dans le catalogue d'An-Nadim et que le style de cette lettre soit tissé d'expressions manichéennes nous temps vénéraient comme le seul auquel on doive s’at­ tacher après Mani, et comme le plus grand docteur de devons tenir compte de l’attitude réservée de saint la secte. Cont. advers. Leg. et proph., n, 12; Conl. Augustin â son endroit : l’authenticité en est donc Faust., i, 2; Conl. Adirn., xn, 2, P. L., t. xui, col. 666, douteuse. Cinq fragments de soi-disant lettres de Mani adres­ 207, 111. \dunantc était l’auteur de traités qui com­ sées à Scythianus, à Addas ou Odda, à Koudaros le battaient la loi et les prophètes et qui leur opposaient Sarrasin, â Zcbenas, sc trouvent dans les traités de l’ÉvaJiglle et ΓApôtre : de ccs traités Augustin a donné Nicéphore de Constantinople contre Eusèbc, contre une critique vigoureuse dans son Contra Adimantum Manichxi discipulum, ibid., col. 129-172. Les mêmes Épiphanidc et contre le grand concile iconoclaste, dans Photius résumant les discours d’Eulogc, et dans ouvrages sont signalés par la seconde formule grecque la Doctrina Patrum de incarnatione Dei Verbi. Ces d’abjuration, P. G., I. j, col. 1 168. Saint Augustin a cinq fragments ne sont pas authentiques ; ils pro­ connu aussi le début d’un ouvrage d’Adimante, dis­ fessent la doctrine monophysitc en des termes que ciple de Manichée ; cet écrit était destiné à montrer Mani ne pouvait pas employer et ils ne sauraient être que la chair n’a point été faite par Dieu. Cont. adoers. retenus. On trouvera un recueil des fragments do Mani Leg. et proph., n, 12, P. L., t. xlii, col. 666. en grec dans Eabricius-Haricss, Bibliotheca gncca, I. Photius a lu et donné l’analyse détaillée de deux 2e édit., t. vn, p. 315 sq. ouvrages d’un certain Agapius, l’un en 23 livres,l'autre 2· Ecrits perdus des manichéens. — L'activité litté­ en 102 chapitres, et dédiés ù une femme du nom raire des disciples de Afa ii a été considérable. Pendant d’Uranie. Biblioth., cod. 179, P. G., t. an, col. 521. Les doctrines professées par Agapius se rattachent à les mille années environ que dura la propagande de la secte, un nombre très grand d’ouvrages, apparte­ celles de Mani ; mais elles sont beaucoup plus péné­ nant aux genres les plus divers, dut être publié. Tous trées d’hellénisme que les enseignements authentiques ccs livres nous seraient précieux pour connaître l'his­ du Maître. Agapius empruntait beaucoup aux super­ toire du manichéisme, et surtout pour étudier les stitions des Grecs ; Platon était le philosophe qu’il pré­ développements doctrinaux qui ne purent manquer férait entre tous. On peut regarder ses œuvres comme de s’y produire. De la plupart de ceux dont nous con­ des essais de syncrétisme. naissons les auteurs et les titres, nous n’avons rien Timothée de Constantinople, De recepi, lueret., P. G., t. lxxxvi, col. 21, et les deux formules grecques d’abju­ conservé, sinon parfois quelques fragments. Nous devons tout au moins rappeler quelques-uns des noms ration signalent un Heptalogus d’Agapius, sur lequel on n’a aucun renseignement. les plus importants de la littérature manichéenne. 5. A la suite de V Jicptalogus d’Agapius, la seconde 1. La formule grecque d’abjuration, P. G., t. i, col. 1 168, mentionne un livre des Mémorables, βίβλος formule grecque d’abjuration mentionne « le livre d’Aristocrite intitulé Théosophie ·. P. G., 1.1, col. 116X. των απομνημονευμάτων, qui devait raconter la vie deMani ; les détails qu’elle connaît de celte vie pour­ Elle donne de ce livre le résumé suivant : · Dans ccl raient provenir de cc livre des Mémoires. An-Nadim écrit, l'auteur s’efforce de montrer que le judaïsme, a lu également une vie de Mani qui est probablement l'hellénisme, le christianisme et le manichéisme pro­ la même que celle de la formule d’abjuration. FlQgel, fessent une seule et même doctrine. Et, afin d’avoir Mani, p. 81, 8.5 ; P. Alfaric, op. cil., p. 80. Mais l'air de dire la vérité, il s'attaque â Manès lui-même l’historien arabe sait qu’il existe des traditions diver­ comme à un homme pervers. · 6. Alfaric, op. cil., p. .108 sq., a cru pouvoir identifier gentes. et que l'on raconte de diverses manières la l'œuvre d’Aristocrite avec la Théosophie en quatre biographie du Maître. 2. An-Nadiin semble avoir connu une histoire des livres, citée et analysée par l’opuscule intitulé : Oracles imans de Babylone, qui racontait les faits et gestes des dieux helléniques. Il suppose même qu’Aristocrite des successeurs de Mani ; Elügel, Mani, p. 97-99. Cet était un pseudonyme, tout de même qu’Agapius, ouvrage historique se plaçait au point de vue de l'auteur supposé de VHeptalngus, et il attribue les deux l’orthodoxie manichéenne et montrait la continuité ouvrages ù un seul écrivain, inconnu par ailleurs, et vivant vers la fin du v· siècle. Les hypothèses sont plau­ de la tradition parmi les imans de Babylone. 3. Lc plus ancien peut-être, et en tout cas le plus sibles. Mais elles n'emportent pas avec elles un assentiment décisif. importants des écrivains manichéens est un certain 7. Parmi les disciples de Mani figurent, dans les deux Addas que les Acta Archelai, 13, p. 22, représentent comme le premier missionnaire de Mani. Cet Addas formules grecques d’abjuration aussi bien que chez Photius et Pierre de Sicile, Iliérakas, Heraclide et avait beaucoup écrit. Photius, Biblioth., cod. 85, Aphthonius, < les commentateurs et exégètes de scs P. G., t. au, col. 288, rapporte qu’Héraclien de Chalécrits ». P. G., t. !, col. 1168. cédolnc a connu des ouvrages d'Addas qui exposaient 1 liérakas nous est connu par saint Éplphanc, qui lui le manichéisme, et qui avaient été réfutés par Titus de Bostra et par Diodore de Tarse. En particulier, Dio­ consacre une longue notice, Hirres., i.xvn, P. G., dore avait copieusement répondu à un ouvrage inti­ i t. xï.h, col. 172-18L C'était un ascète égyptien auquel tulé le Boisseau, qui, peut-être, étudiait la vie du l’hérésiologue attribue plusieurs ouvrages écrits en grec et en copte, spécialement un Hcxaméron, divers com­ Christ et scs enseignements. Sous le nom d’Ato, que Chavanncs et Pclliot ont mentaires de l’Ecriture et des psaumes. Toutefois, identifié avec Addas, Journal asiat., X*sér., t. xvm. saint Epiphane ne le range pas parmi les manichéens p. 501, n. 2, on a retrouvé à Toucn-hounng un traité bien que certaines des idées qu’il lui attribue puissent manichéen qui est actuellement conservé au Musée de I être rapprochées de celles de Mani. Un certain Héraclido est mentionné dans VHistoin· Pékin. Ce traité se présente comme un recueil de morceaux choisis, extraits vraisemblablement d’œu­ Lauslaque de Palladius, comme l’auteur d'un recueil 1849 MANICHÉISME, SOURCES MANICHÉENNES de sentences et de vies des Pères du desert, P. G., t. xxxiv, col. 13-15. On n'oserait affirmer que ce fût le même personnage que celui qui est visé par les auteurs antimanichéens. Aphthonius vivait en Égypte nu iv· siècle. Selon Philostorge, //. /?., ni, 15, édit. Bidez, p. -16-47, Aèce d’Antioche alla un jour ù Alexandrie pour engager avec lui une conférence contradictoire. Nous ne savons rien des commentaires que ces exé­ gètes auraient composés des écrits de Mani; et il est pennis de se demander si véritablement nous avons ici affaire avec des manichéens, ou si plutôt les auteurs grecs qui les mentionnent ne sc sont pas trompés à leur sujet. 8. D’autres disciples de Mani, Sisinnhis, son succes­ seur, Zarouas, Gabriabius, Hilarius, Olympius, Salinaius, Innaius, Paapis, Baraias, sont également men­ tionnes dans la seconde formule grecque d’abjuration; il n’y a pas lieu d'insister ici sur ces personnages qui ne sont pas connus autrement. On peut identifier Sisinnhis avec Sis dont parle An-Nadim, Flûgel. Mani, p. 103 ; Zarouas avec Zakouas que signale saint Épiphnne, Sahnaius avec Salam, le destinataire delà i.xix· lettre do Mani, Flügcl, Mani, p. 105, etc. . Ces identifications ne dépassent pas les bornes de la simple possibilité. Cf. P. Alfaric, op. cit., p. 115-118. 9. Nous retrouvons un témoin plus solide en arri­ vant à Fauste de Mileve. Celui-ci, originaire de Milève en Numidic, était un contemporain un peu plus Agé de saint Augustin; et il jouissait à la fin du iv· siècle d’une solide réputation parmi les manichéens d’Afri­ que. Il avait écrit un ouvrage important que saint Augustin sc crut obligé de réfuter par le détail aussi­ tôt qu’il en eut pris connaissance. Lc Contra Faustum manichœum, P. L., I. i.xn, col. 209-518, édit Zycha, dans le Corpus de Vienne, t. xxv. 1891, comprend 33 livres, et il reproduit l’ouvrage à peu près entier de Fauste, au fur et à mesure qu’il avance dans sa réfutation. Cf. A. Bruckner, Faustus von Mileve, Ein Beitrag :ur Geschichte des abendlûndischen Manichâismus, Bâle, 1901; P. Monceaux, Le manichéen Faustus de Mi lev; restitution de ses capitula, Paris, 1924. 10. Il faut également rappeler pour mémoire Sccundinus, un manichéen de Borne, dont nous connaissons par la réponse de saint Augustin, Contra Secundinum manichtcum, P. L., t. xi.u, col. 571-602, une lettre adressée à l’évêque d’IIippone en 405. On voit par la liste précédente combien nous sommes mal renseignés sur la littérature manichéenne par les auteurs occidentaux. De l’abondante produc­ tion de cette littérature, c’est à peine si quelques noms ont survécu A l’oubli. Les seules œuvres authen­ tiques que nous en possédions ont été transmises dans les réfutations de saint Augustin à qui nous devons la lettre do Secundinus, les opuscula de Fauste, les disputationes d’Adimante, pour ne plus parler de VEptslola fundamenti de Muni lui-même. 3· Les manuscrits découverts en Mongolie. - Mais nous avons déjà dû signaler certains fragments de cette littérature qui nous ont été rendus récemment par des trouvailles faites dans l’Asie centrale. Il faut maintenant revenir sur ccs importantes découvertes. Cf. IL Cordier, Les fouilles en Asie centrale, dans le Journal des Savants, 1910, p. 210-221, 241-252. A la fin du xix* siècle, des voyageurs qui passaient parla région deTourfan avaient été frappés de l’abon­ dance des vieux papiers qui y sortaient de terre. On savait d’autre part que, au nord de Tourfan, s’était élevée jadis la ville de Kao-Tschang, ou Kouchnn, capitale d’un royaume ouigour. On décida d’y entre­ prendre des fouilles. Les travaux furent commencés de 1893 A 1895 au nom de la Société de géographie de 1850 Saint-Pétersbourg; ils furent continués en 1898 par les soins de l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, puis, a partir de 1902, par une Association interna­ tionale pour l’exploration historique, archéologique linguistique et ethnographique de l’Asie centrale et de l'Extrême-Orient. En même temps, l’Académie des Sciences de Munich (1902-1903), puis celle de Berlin (1904-1905; 1905-1907) envoyèrent à Tourfan des missions dirigées par Grûnwcdel et von Lc Coq. Vers le même temps, des fouilles considérables étaient entreprises A Touen-houang, dans le Turkestan chinois. A 20 kilomètres environ au S.-E. de cette ville sc trouvent de très nombreuses grottes, appelées en chinois les grottes des mille Bouddhas. Un moine taoïste découvrit, par hasard, en 1900, dans une de ccs grottes une cachette qui contenait un nombre considérable de manuscrits anciens. Un savant anglais, M. Aurel Stein, ayant appris cette decouverte, alla ie premier à Touen-houang et y acheta environ 5 000 manuscrits qu’il fit envoyer à Londres. En 1908, M. P. Pclliot fut envoyé â son tour par le gouverne­ ment français, en Asie centrale ; il parvint a se faire céder un grand nombre de manuscrits qui furent déposés à la Bibliothèque nationale de Pans. Les ma­ nuscrits restants furent envoyés â Pékin. Cf. P. Pelllot. Une bibliothèque médiévale retrouvée au Kan-sou, dans le Bulletin de Γ école française d* Extrême-Orient, t. vm, 1908, p. 501-529, Rapport de M. P. Pclliot sur sa mission au Turkestan chinois (1906-1909), dans les Comptes rendus de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres, 1910, p. 58-68; P. Pclliot, Les grottes de Touen-Iiouang, 6 atlas. Paris, 1914. V' Toutes ccs fouilles ont abouti à d'importants résul­ tats. Un bon nombre parmi les manuscrits retrouvés, renferment des œuvres manichéennes. Nous sommes ainsi entrés en possession de documents précieux pour la connaissance de l’histoire, de la doctrine, de la liturgie manichéennes. Toutefois, il ne faudrait pas s’exagérer la valeur des documents en question. < La plupart, écrit P. Alfaric, sont très incomplets, cl consistent en feuillets épars, plus ou moins déchirée cl à peine lisibles. Ils sc trouvent cents en langues peu connues que les philologues ont peine â déchiffrer, et ils sont d’une intelligence d’autant plus difficile qu’ils se présentent comme de simples versions très littérales et peu adaptées à l’esprit de la langue, faites d’ailleurs, en certains cas, sur d’autres versions égale­ ment défectueuses. Aussi leurs récents éditeurs ontils soin de faire remarquer que la traduction qu’ils en donnent est, sur bien des points, hypothétique et pro­ visoire. D’ailleurs, les textes les plus clairs cl les mieux conservés demeurent encore sujets A caution. Leur origine est peu connue, et on peut se demander avec inquiétude si tous sont authentiques. P. Al­ faric, op. cit., 1.1, p. 137. Somme toute, ccs documents orientaux confirment cl complètent cc que nous savons par ailleurs du manichéisme, ce que nous en apprennent les autres témoignages; ils ne remplacent pas ces témoignages. Sous ces réserves, les plus impor­ tants des textes orientaux sont les suivants : L Le Koùastouani/t est un formulaire de confession manichéenne, rédigé en vieux turc. Cet ouvrage a été retrouvé presque complet dans un manuscrit de Touen-houang; des fragments importants, et en par­ ticulier le début qui fait défaut dans le ms. de Touenhouang, ont encore été découverts A Tourfan. Cf. W. Badloff : Chuastuanit, Das Bussgebet der Manichûer, Saint-Pétersbourg, 1909; NachtrQge :um Chuas­ tuanit, dans les Comptes rendus de Γ Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, 1911, p. 867-896; A. von Lc Coq, Chuastuani/t, eine Sûnderbekenntnis dermanichdischen Auditores, gefunden in Turfan, dans les Abhandlungen de l’Académie des Sciences de Berlin, 1S51 MANICHÉISME, SOUHCES Μ A NICHÉE N NES 1910; Ici., Dr. Stein's turkish Khuastuani/t from Tuenhuanq, being a confession prayer of the manichaean Auiitores, dans le Journal of the royal asiatic Society, 1911, p. 277-311. Le document sc divise en 15 sections numérotées, dont chacune concerne un genre spécial de fautes. Les disciples de Mani s’accusent des péchés qu’ils ont commis : · 1. en reniant Zervan. le bien suprême, ou son fils Khormutza. l'adversaire de Sinnu ou du démon; 2. en offensant le Dieu du soleil et de la lune, dont la vigilance recueille les bons éléments tombés au pouvoir des puissances mauvaises; 3. en s'attaquant à ces débris de la substance spirituelle qui animent les diverses parties du monde matériel; L en mécon­ naissant les Bourkhans ou envoyés du ciel et les Élus, chargés de continuer ici-bas leur œuvre salutaire; 5. en torturant les cinq genres d'êtres vivants, hommes, quadrupèdes, volatiles, poissons ou reptiles, dans les­ quels l'Être divin demeure emprisonné; 6. en commet­ tant un des dix genres de péchés auxquels on peut se laisser entrainer par pensées, paroles ou actions; 7. en adoptant de fausses croyances ou en pratiquant des rites diaboliques; 8. en négligeant les deux prin­ cipes, les trois moments ou les quatre* sceaux; 9. en enfreignant les dix commandements qui règlent l'usage de la bouche, du cœur, de la main ou de l’en­ semble des organes; 10. en ne s'acquittant pas, comme il convient de la louange qui est duc à Zervan, aux dieu du soleil et de la lune, à l'esprit puissant et aux Bourkhans; 11. en ne distribuant pas aux Élus les sept aumônes prescrites par la loi pour la libération des cléments divins; 12. en n’observant pas fidèlement les cinquante* jeûnes annuels; 13. en n’assistant pas aux oraisons du hindi où se fait la confession des péchés; 1 L en ne sanctifiant pas les mois de la péni­ tence par de bonnes œuvres; 15. enfin, en se laissant aller à toutes sortes de négligences quotidiennes, dans les pensées, dans les paroles, ou dans les actes. · P. Alfaric, op. cil., I. n, p. 131,135. | 2. Hymnes. — Nous savons que les manichéens pos­ sédaient des recueils d’hymnes : saint Augustin parle à plusieurs reprises d’hymnes, de psaumes et de can­ tiques qu’il a connus du temps où il était lui-même manichéen, et qu’il chantait dans les assemblées, De mor. mm , 55; Enarr. in Psilm. 1 10,12; Cont. Faust.. xni, 18; Cnn/., m. 1 1, P. /.., t. xxxn. col. 1369; | t. xxxvn, col. 1823; t. xi.ii, col. 293; t. xxxn, col. 689. Deux feuillets d’un recueil ouïgour d’hymnes mani­ chéennes ont élé retrouvés à Tourfan Le premier de ces feuillets est une sorte de préface, qui raconte coin ment fut entreprise la collection des hymnes, et com­ ment elle (ut poursuivie après une longue interrup­ tion; le second, intitulé : Commencement des chants, donne les litres d’environ 200 hymnes liturgiques réparties en quatre séries : prières pour les morts, invocations pour les vivants, chants de louange, psaumes de pénitence (?). Cf. F. W, K. Müller, Ein Doppclblatt ans cinern manichaischen Hymnenbuch, (M ihrnamag), dans les Abhandlungen de l’Académie des Sciences de Berlin, 1913; P. Alfaric, op. ri/., t. u, p. 126-132. D’autres fragments d’hymnes, plus ou moins importants, mais qui semblent d'origine assez récente, ont encore été retrouvés à Tourfan, et publiés surtout par F. W. K. Müller, liandschri/ten Reste in Estr mghclo Schrift aus Turfan, Chineslsch-Turkistan, dans les Abhandlungen de l’Acad. des Sciences de Berlin, 1901. 3. Le traité de Touen-houang. — On a déjà signalé ce traité dogmatique, retrouvé naguère dans la grotte de Touen-houang et aujourd'hui conservé à Pékin. Cf. supra, col. 1859. Ce traité sc présente comme Pieuvre commune d’z\to, qu’il faut probablement idcitiüer a Addas, et de Mani. 1852 L Fragments historiques. — I n certain nombre des· morceaux retrouvés en Asie Centrale doivent provenir d’ouvrages historiques. Deux fragments de Tourfan. F. W. K. Muller, Handschriften Reste, p. 89 sq., racontent des épisodes de la vie de Mani. Sans doute était-ce à lu vie de Mani qu’était aussi consacré FArdavift, dont le titre se retrouve sur un catalogue d’écrits manichéens prove­ nant aussi de Tourfan. C. Saleman, Ein Rruchstück manichaischen Schnfltums ini asiatischen Muscum, dans les Comptes rendus dr l {cadémie des Sciences de Saint-Pétersbourg, 1991. Peut-être quelques fragments publiés par F. \V. K, Müller, op. cil., p. 86-92, proviennent-ils de VArdari/t. P. Alfaric, op. cit., t. n, p. 86, 87. D’autres morceaux racontent l’apostolat d’un cer­ tain Mar-Amou dans les régions de l’Oxus; ils fai­ saient partie d’un livre historique relatif à l’une des principales sectes manichéennes. Ces morceaux ont été publiés par F. \V. K. Muller, op. cit., p. 30, et par A. von Le Coq, Tilrkische Manichaicu aus CMscho, i. dans les Abhandlungen de l’Académie de Berlin, 1912; cf. P. Alfaric, op. cit., t. i, p. 33; l. n, p. 88, 89. Nous achevons ainsi l’énumération des sources pro­ prement manichéennes. Écrits authentiques de Mani et œuvres des fidèles manichéens ont constitué une importante littérature qui exposait les doctrines de la secte, faisait connaître sa liturgie et racontait son histoire. De toute cette production, nous ne possé­ dons plus que de rares fragments. Les mesures de per­ sécution dont les livres manichéens ont de bonne heure été la victime n’expliquent que trop cette disparition presque complète. Il suffira ici de marquer les princi­ pales de ces mesures. En Occident, dès 287, une loi de l’empereur Dioclé­ tien, portée â la requête du proconsul d’Afrique, Julien, condamnait au feu les organisateurs et chefs du manichéisme, avec leurs abominables Écritures. Cod. gregor., \. XIV. tlt.iv. Durant tout le iv· siècle, le manichéisme ne cessa d’êt re poursuivi parles empereurs chrétiens. Au v« siècle, le pape saint Léon fil brûler les manuscrits des manichéens, dont de grandes masses avaient été saisies. Prosper, Chronicon, P. L., t. i.r, col. 600. Sous le pape Gélase (192-496), on brûla l lügcl, loc. cil. On a remarqué les rapports qui unissent la légende de Mani à l’histoire de Bardesane; cf. P. Alfaric, op. cil . t. n. p. 80, n. 3, p. 81 η. 1 et t ; F. Nau, U/ie à/ographie inédite de liardesane. On a également signalé certaines ressemblances entre l’enfance de Mani et les récits de saint Luc sur l'enfance de Noire-Seigneur. Ces rapprochements montrent du moins que la légende de Mani a été en partie construite d’après des récits antérieurs cl qu’on ne saurait prendre à la lettre les formules d’An-Nadim. >- Les Acta Archelai racontent d’une manière toute dif­ férente les débuts de Mani. Suivant Hégémonius. leur auteur, le chef cl l’inventeur de la secte manichéenne aurait été un certain Scythlanus, contemporain des apôtres. Scythlanus était de la race des Sarrasins; il épousa une captive de la Haute-Thébaide qui le décida à habiter en Égypte : il y apprit la sagesse des Égyptiens et s’attacha un disciple du nom de Térébinthe, qui, lui, écrivit quatre livres : les Mystères, les Principes, ŸÊoanglU et le Trésor. Après la mort de Scythlanus, Térébinthc commença à prêcher sa doc­ trine en Babylonie, sous le nom de Buddha. Mais ren­ seignement du nouveau prophète suscita de nombreux 1860 contradicteurs, et Ί erébinlhe ne put faire d’autres dis­ ciples qu’une vieille femme veuve chez qui II sc relira. Un beau Jour. Térébinthc se tua, en tombant de la terrasse sur laquelle il était monté pour prier. La femme recueillit son héritage, avec les quatre livres de Scythlanus. Or celle femme vint à acheter un Jeune garçon de sept ans comme serviteur, Cnllclus. Cc fut ce Calidus qui, cinq ans après, hérita des livres de Scythlanus, passa en Perse où il prit le nom de .Mânes, acquit une grande sagesse dans sa nouvelle patrie, et sc mil à prêcher la doctrine de Scythlanus, non sans avoir considérablement augmenté scs ouvrages qu’il publia sous son propre nom. Acta Archet., 62-65, p. 90-95. Kessler, art. Mani, dans la Protest, RealencycL, t. xn. p. 20, a essayé de démêler un fond historique dans le récit d'Hégémonlus. (’.’est là une entreprise assez vaine. Les noms mêmes de Scythlanus et de Terebinthus sont imaginaires, et la chronologie qui fait remonter au temps des apôtres la première origine du manichéisme dépasse les bornes de la fantaisie. Du récit des Acta, on ne retiendra guère que les titres des grands ouvrages de Mani, et de plus cette idée juste que la doctrine manichéenne a dû beaucoup d’éléments aux sagesses étrangères, en particulier aux théories gnostiques et aux traditions persanes. A cet égard, le rationalisme d*Hégémonius remplace avantageusement les apparitions de l'ange Eltawan dont parlait An-Nadim. De nombreuses Influences humaines se sont exercées sur Mani, qui a été toute sa vie le lecteur attentif de toutes sortes d’ouvrnges, l'habile metteur en œuvre d’une multitude d'idées acquises du dehors. De très bonne heure, les auteurs chrétiens qui l’ont réfuté ont mis en relief la ressem­ blance de ses théories avec celles des grands gnosti­ ques. Saint Éphrem le rapproche de Marcion et de Bardesane. D’autres, comme Hégémonius, saint Cy­ rille de Jérusalem, Scrapion de Thmuis, le mettent en parallèle avec Basilide et Valentin. Il y a en cela une part de littérature : c’est un procédé de la polémique contre les hérésies que d’établir une sorte de succes­ sion entre les docteurs de mensonge et d’attribuer à la gnose l’origine de toutes les erreurs. Mais il y a aussi là une très grande part de réalité. La ressemblance du dualisme «le Mani avec le dualisme de Marcion n'est pas douteuse; les historiens arabes qui. Ici, ne sont pas des témoins suspects n'ont pourtant pas hésité à pro­ noncer les mêmes noms que les hérésiologues chrétiens. D’après Sharastani, Mani dépend de Bardesane sur tous les points sauf en ce qui concerne le médiateur, l-hlgcl, Mani, p. 165. Mâsoudi voit en Mani le disciple de Cerdon, dont les premiers polémistes chrétiens font souvent le maître de Marcion. Nous savons d'ailleurs, par Mani lui-même, qu’il connaissait les écrits gnos­ tiques cl s’intéressait à leurs spéculations. Trois cha­ pitres du livre des Mystères étalent consacrés aux Dels anites, qui sont des disciples de Bardesane (c. î, xn et xm), et Birùni cite, de l’un de ces chapitres, le passage suivant : Les partisans de Bardesane pensent que l’aine vivante s’élève et se purl Ile dans la carcasse. Ils ne savent pas /> Paulicianer im byzantin. Καίsrrreiche, Leipzig. 1893. Nous achevons ainsi le tour de l’ancien Empire romain. Le manichéisme, réfuté par les docteurs chré­ tiens, condamné par le pouvoir séculier, sut résister à toutes les attaques. Sans doute, en tant que secte organisée, il disparut de ('Occident après le νι· siècle, de ('Orient après le vm* ou le ix·. Mais il laissa des traces profondes dans l’histoire. Les cathares de la France méridionale, au xi*, et au xn· siècle, se ratta­ chent d’une manière très étroite au manichéisme, dont ils professent les dogmes fondamentaux, et dont ils reproduisent, au moins en partie, l’organisation ecclé­ siastique. Il en est de même en Orient où les bogomlles du xi· siècle, conservent les traditions mani­ chéennes. Nous n’avons à nous occuper ici ni des cathares ni des bogomiles : il fallait tout au moins signaler les rapports étroits qui les unissent au mani­ chéisme primitif. 2° Dans l'empire perse. - I/expansion du mani­ chéisme n’est pas limitée au bassin de la Méditer­ ranée. Il semble, au contraire, que la religion de Mani ait trouvé en \sle sa véritable terre d’élection : en tout cas. c’est en Asie qu'elle a connu scs plus grands triomphes. Il va de soi que le manichéisme ait fait une longue et brill mtc carrière en Babylonie, dans le pays même où il avait pris naissance. An-Nadim raconte que lorsque Mani s’éleva dans le paradis de Lumière, il laissa Sis après lui en qualité d’iman. Le disciple garda la religion de Dieu dans sa pureté jusqu’à sa mort. Puis, les autres Imans sc la transmirent l’un à l’autre. \ueune diversité d’opinions ne se lit jour parmi eux jusqu'à ce que parut une secte schismatique, connue sous le nom de Dên.lvarsquisc donna son propre iman et lui voua l’obéissance. Flûgel, Muni, p. 97. En fait, le résumé d’An-Nadim est trop optimiste: et les manichéens de Perse n’avaient pas attendu aussi longtemps pour se diviser en sectes rivales. D’après Théodore Bar Khonl, sous le rêgnc de Firou ( 158181), un certain Baltaï, élevé dans le groupe gnostique des kantéens, passa chez les disciples de Manès où il recueillit et mit en ordre quelques-uns de leurs dis­ cours et quelques bribes de leur» mystères magiques 1868 Puis, il enseigna une nouvelle religion, faite d’em­ prunts au manichéisme orthodoxe et nu gnosticisme qu'il avait abandonné. Vers le même temps, un mendiant de l’Adlabène, nommé Ado, s’étant établi dans la Méstnc, près du lleuve Karoun, y prêcha une doctrine ou se mélan­ geaient des éléments manichéens, kantéens et marcionites. Cf. IL Pognon, Inscriptions mandattes des coupes de Khouabir, p. 221-227. Toutefois, ce fut bien, comme le rapporte AnNadim, au vm· siècle qu’un Élu, nommé Zadhomniouz, fonda, à MadaTn, une secte qui se glorifiait de rétablir dans toute leur pureté les observances primi­ tives de Mani et qui fit officiellement schisme avec l’Églisc établie. Après Zadhommouzjc groupe eut une série d'imans, dont la succession est indiquée par AnNadim : Miklas, Bouzourmihr. lazdanbacht, Abou-Ali Said, Nan ben I lommouz de Samarkand, el AboulHasan de Damas. Flûgel, Mani, p. 97-99, Malgré le schisme, le manichéisme orthodoxe ne cessa pas d’être florissant. Les imam» orthodoxes de Babylone jouissaient d’une telle autorité qu'entre 721 et 738, l’un d’entre eux, nommé Mihr, reçut les distinctions les plus flatteuses de l’émir de l’Irak, Challd ben Abdallah al-Kasri... Les mihriles eurent ensuite d’autres chefs éminents, par exemple, AbouHilal ad-Delhouri, qui, sous le califat de Mansour (751-775) s'appliqua à réparer le schisme de Miklas, cl Abou-Saïd Bahn, qui combattit un peu plus tard celui de Bouzourmihr. > P. Alfaric. Les écritures mani­ chéennes, t. i, p. 73, 71. Cf. An-Nadim, dans FIQgel, Mani, p. 98, 99. Le règne de Mehdi (775-785) fut surtout marqué par la traduction en arabe des ouvrages de Mani. Le traducteur, Abdallah ibn al-Moqaffa, était l’un des plus savants hommes de ce temps, cl il avait acquis la réputation d’un élégant écrivain. D’autres auteurs, plus originaux, exposèrent à la même épofpie la fol manichéenne : An-Nadim écrit à ce sujet : « Parmi les chefs manichéens, adonnés à la scolastique, qui sc convertirent extérieurement à l’islam, mais adhé­ rèrent intérieurement à l’incroyance, les principaux sont ibn Talout, Abou Shakir, Ibn Achi Abi Shakir, Ibn al-Ada al-Harizi, Nou'man, Ibn Abl’I’audja, Snlih ben ' Abdal Qaddous. Tous ces gens-là écrivirent des livres pour la défense des deux principes. ·· I lügcl, Wo/ii. p. 107. La traduction arabe des livres de Mani put contribuer à l’expansion de sa doctrine dans le pays des deux fleuves. Mais, c’est au delà de la Mésopotamie que le manichéisme eut la plus brillante fortune : « Déjà à la mort de Mani, beaucoup d’adeptes du novateur, pour­ chassés par Bahram, s'étalent réfugiés vers la fron­ tière orientale du royaume persan. Ils s’étalent établis en grand nombre dans les contrées relativement paisi­ bles du Khorassan, et ils y avalent formé un groupe très actif. Les émigrés, qui avaient tout quitté pour conserver leur foi tenaient à la garder en sa forme cl sa vigueur premières. Bientôt, ils reprochèrent à leurs coreligionnaires, qui étaient restés sous la domination hostile des Sassanides et qui avaient dû recourir à cer­ tains compromis, de ne plus pratiquer la vraie doc­ trine du maître. Ils refusèrent de reconnaître l'iman de Babylone, et ils constituèrent une secte nouvelle, celle des Dênàvars qui eut son propre chef. C’est d’une ville du Khorassan. de NIshabour, que vint Mazdak dont la doctrine n'était guère qu’une interprétation particulièrement étroite et rigoureuse de quelques théories esquissées par Mani. C’est de là aussi que semble être parti le mouvement de renaissance dua­ liste qui sc produisit dans le inonde islamique, au temps des premiers Abbâssldcs. · P. Alfaric, op. cit.. p. 78, 79. C’est là encore que vinrent se réfugier sous 1869 Μ Λ NIC II E ISM E. E XP A NSI O N le régné de .Mouktadir (928-932) les manichéens chas­ ses de l’Irak. Ils s’installèrent particuliérement A Samarkand, où l'iman orthodoxe de Babylone établit sa résidence. Vers l'an 1000,1a masse de In population de cette ville adhérait aux dogmes dualistes. Et dans la seconde moitié du xn· siècle, un écrivain de la même région Abou’J b al h Mohammed ach Sharastani, ne à Sharistan, petite ville du Khorassan, savait que des Mazdakitcs,ou disciples de Mazdak résidaient dans le pays d'Ahwaz, puis plus à l est dans les régions de Fars et de Shahrozour. et finalement aux environs de Snrnarcand (Transoxiane). Dès le temps des Sassanidcs, les 'J ures occidentaux s’étalent installés dans les mêmes contrées. A la lin du vi· siècle, ils établirent leur suprématie au sud et il l’ouest de l'Oxus. Sans doute, un grand nombre d’entre eux adoptèrent-ils le manichéisme. En tout cas, au début du vm· siècle, un de leurs chefs, Ti-cho ou Tes le Borgne devait contribuer à répandre en Chine la religion de Mani. 3® /hms Γ empire chinois. A ce moment, le mani­ chéisme n’était pas inconnu dans le Céleste Empire, si l’on peut ajouter fol au témoignage d’un compilateur chinois du xm· siècle, suivant qui le premier livre de Mani fut introduit en Chine en 691. En 719, un mani­ chéen de marque fut envoyé au souverain de la Chine par le chef turc Ti-cho: «Cet homme est d'une sagesse profonde, écrivait ce dernier au sujet de son ambas­ sadeur. H n’est aucune question à laquelle il ne sache répondre. J’espère humblement que l'empereur, dans sa bonté, le fera appeler auprès de lui et l’interrogera en personne sur l'état des choses chez votre sujet, ainsi que sur nos doctrines religieuses. L'empereur reconnaîtra que cet homme a bien de réelles capa­ cités. Je souhaite et je demande que, par ordre de l'empereur, il soit subvenu à son entretien et en même temps qu'on établisse une église pour qu’il s'y acquitte du culte prescrit par sa religion.«Chavannes el Pclliot, dans le Journal asiat., 1913, N 1e sér., 1.i, p. 152-153. En 732, un édit impérial autorisait la pratique du manichéisme tout en réprouvant scs doctrines. U Dans l'Asie centrale. De la Chine, le mani­ chéisme pénétra jusque chez les Turcs septentrionaux. Certains de ces derniers, les Ouîgours, venaient de fonder en Mongolie un grand empire qui s'étendait de rili au Fleuve Jaune, et des rives de l’Orkhon aux montagnes du Thibet. Le 20 novembre 762, leur sou­ verain ou qaghan, mettant à profit des intrigues de palais auxquelles venait de donner lieu la brusque disparition de l’empereur 1 liuan-tsong et de son Ills Sou-Tsong, traversa le Hoang-ho, s’empara de l.o-Yang, et s’y installa durant plusieurs mois. Or, il rencontra dans cette ville des missionnaires mani­ chéens qui l’initièrent à leur fol et qui lui tirent con­ naître leurs livres saints.» P. Alfaric, op. cit.,p. 81. Une inscription découverte à Karabalgasoun, en Mongolie et rédigée en chinois, en turc et en soghdicn, nous apprend ce que furent les résultats de la prédi­ cation manichéenne dans le royaume des Ouîgours. I n édit du souverain, raconte cette Inscription, publia la proclamation sulvantc:«Ccttc religion est subtile et merveilleuse. Il est difliclle de hi recevoir et de l'ob­ server. Par deux fois et par trois fols, avec sincérité, (Je l’ai étudiée). Autrefois j’étais Ignorant cl j’appelais Buddha des démons; maintenant j’ai compris le vrai et Je ne veux plus servir (ces faux dieux)... que toutes les images du démon, sculptées ou peintes, soient entièrement détruites par le feu... cl qu’on reçoive le religion de la lumière. · Cf. E. Chavnnnes et P. Pelllot, dans le Journal asiat; lac. cit., p. 193; G. Schlegel, Die chinesische Inschri/t au/ dent uigurischcn Denkmal in Kara ifalgassun, dans les Mémoires de la Société flnno-ongrienne, I lelsingsfors, 1896; F. W. K. Millier, 1870 Ein ironisehes Spraehdenkmal aus der nordliehen Mongolie, dans les Sitzungsberiehte de l'Académie des Sciences de Berlin, 1909, p. 726-730. En peu de temps, tout le royaume miïgour se trouva converti A la religion de .Mani. Mais ce royaume manichéen n’eut qu'une durée éphémère. En 810, les Kirghiz en détruisirent la capi­ tale cl s'emparèrent de son souverain. Les tribus tur­ ques qui le constituaient sc dispersèrent el reprirent leur existence indépendante. Le manichéisme ne dis­ parut pourtant pas de la région. Parmi les Etats qui sc constituèrent sur les ruines de l’empire oufgour, un certain nombre restèrent fidèles aux doctrines de Mani : < En 951, ceux de Kan-tchéou, envoyaient en ambassade auprès du gouvernement chinois un groupe d'Élus chargés de divers présents. Dix ans plus tard, ils faisaient également parvenir à l'empereur tout un stock d'objets précieux, dont plusieurs avaient été offerts par des maîtres manichéens. Vers le meme temps, ceux de Kao-Tchang, les Toqouz-Oghouz ou Toghouzgouz, qui étaient de tousles plus puissants et les mieux organisés, gardaient dans l'ensemble la doc­ trine de Mani... En 981 et 984, un envoyé chinois, visitant leur royaume, y signalait la présence de tem­ ples manichéens. Plus tard encore, un voyageur arabe faisait observer que les disciples de Mani y subsis­ taient toujours, et que, dans la capitale, ils formaient même la majorité. » P. Alfaric, op. cit.9 p. 86. C’est précisément dans la région habitée par les Turcs Ouigours. à Tourfan, à Cholso (KhoUeho), à Toucnhouang, qu’ont été retrouvés les textes manichéens dont nous avons déjà parlé, et qui témoignent de l’influence exercée par la religion de Mani sur les habitants du pays. 5· Régression, puis disparition progressire du mani­ chéisme. — Les conquêtes du manichéisme en Chine et chez les Ouîgours marquent le terme de celte prodi­ gieuse expansion. La religion de Mani, après s'être répandue dans toute l’Asie centrale, ne devait pas s'y maintenir. De bonne heure, elle fut persécutée par les autorités civiles et contredite par les théologiens ou les philosophes : en face d'attaques menées avec vigueur cl persévérance, elle se montra Impuissante à résister. En Perse d’abord, les muzdéens ne cessèrent jamais de poursuivre de leur haine un culte qu'ils avaient déjà condamne en la personne de son fondateur. Sous le règne de Chosroès Fr (531-570) 80 000 manichéens dit-on, furent mis Amort: le roi rétablit dans ses Etats le culte du feu. et proscrivit les discussions, les contro­ verses el les querelles religieuses. Les musulmans ne se montrèrent pas plus fax ombles aux théories dualistes. La plupart des califes ordon­ nèrent des poursuites contre le manichéisme, ou tout au moins ne laissèrent A ses adeptes qu’une existence des phis précaires. I levant çcs attaques, les manichéens perdirent très vile du terrain : vers la tin du x· siècle, An-Nadim écris ait : · Dans les pays de l'Islam, ils sont peu nombreux. Dans la ville du salut (Bagdad), sous le gouvernement de Mu'izz-ad-L'aula, j’en ai connu environ 300. Actuellement, on en trouverait dans l’en­ droit à peine plus de cinq. Ces manichéens s’appellent les Adschari. ils vivent dans les bourgs de Samnrcand. de Sogd, et surtout A Xounkat. · l-’lûgel, Mani. p. 106 Un peu plus tard. Birûni écrivait de même au sujet des manichéens : · Il ne reste que quelques petits débris de ses partisans, qui se réclament de lui. lis sont dispersés en divers endroits. On ne trouve pas un seul lieu dans le pays de ΓIslam, où ils forment l’ensemble de la population, en dehors de la communauté de Snrnarcand où Ils sont connus comme sabcens. Bi­ rûni. Chronologie, trad. Sachau, p. 191. En Chine, la campagne antimanichéenne a com­ mencé plus tard que dans les pays soumis à l’Islam. 1871 Μ Λ NIC HÉISM Ε, DOG M AT IQ U E 1872 Mais elle n'a pas etc moins violente. L’cdit de 732 une longue période, si florissante. Elle conserva un qui autorisait la religion de Mani déclarait en mémo certain nombre de sectateurs fidèles. Du moins, son temps qu’elle était singulièrement perverse : une telle rôle historique fut-il achevé à partir du xi· siècle : à réserve ne faisait rien prévoir de bon pour l’avenir. cette époque, en 1035 d’après une tradition, furent Lorsqii’cut disparu l’empire des Ou Igours, qui était cachés dans la grotte des mille Bouddhas les manus­ le plus puissant soutien du manichéisme, les autorités crits manichéens do Touen-houang. Il était réservé à chinoises prirent une attitude foncièrement hostile. notre siècle de retrouver ces manuscrits et de rendre, * Les manichéens furent aussitôt en butte aux pires par l’intérêt momentané qu'y portent les savants, vexations. Dès 812, leurs temples du Yang-tseu furent une vie illusoire et factice aux idées dont ils renfer­ fermés, et leurs religieux ramenés vers le Nord. L'an­ ment l’expression. née suivante, un nouvel édit, applicable ù tout IV. Les doctrines manichéennes. — Quelles 1’cmpire, proscrivit leur religion, et ordonna la con­ étaient donc ces idées, enseignées d'abord par Mani, fiscation de leurs biens et la fermeture de tous leurs et propagées avec le succès que nous avons dit, de sanctuaires. D’après l'ordonnance impériale, dont un l’Espagne jusqu’aux extrémités de la Chine? Il texte plus tardif nous donne le résumé, les fonction­ semble bien que Mani lui-même, dans scs ouvrages naires que cela concernait devaient recueillir les livres et dans ses lettres, ait exposé un corps complet de et les images des manichéens et les brûler sur la place doctrine, et que les prédicateurs manichéens se soient publique Condamnés par la loi, les disciples de Mani efforcés de transmettre intégralement l'enseignement ne purent plus subsister qu’en se dissimulant. Mais le du maître sans y rien changer. En fait, un système mystère même dont ils s'enveloppaient se retourna aussi compliqué que celui de Mani devait fatalement contre eux. On leur reprocha de s’adonner en secret recevoir, selon les pays et par l'usure du temps, cer­ à toutes sortes de maléfices et de désordres. A propos taines modifications : le manichéisme dont parle saint d’une révolte qui se produisit en 920 dans le Mo-nan, Augustin diffère par un certain nombre de détails et dans laquelle ils furent impliqués, un texte les de celui des traités découverts dans le Turkestan chi­ accuse de se rassembler la nuit pour sc livrer à des nois. débauches obscènes. Un autre les montre vers le Dans l’ensemble pourtant, nous sommes assurés milieu du x® siècle» dans le Fou-Kien,sc vouant ù des de connaître assez exactement la doctrine de Mani: pratiques ténébreuses, et allant de nuit, avec leurs nos documents, si variés par leur origine comme par livres saints, exorciser un possédé qui meurt dans leur date, sont d’accord sur les traits essentiels. Leurs l’année. P. Alfaric, op. cit., 1.1, p. 106. Cf. Chavannes divergences ne portent que sur des détails souvent im­ ct’Pelliot, dans le Journal asial., loc. cil., p. 289-325. portants, il est vrai, mais qui ne sont après tout que Les manichéens ne disparurent pas tout de suite des détails. de la Chine. Au début du xi· siècle, ils retrouvèrent Il est même remarquable que l’accord des textes même un dernier éclat, et leurs livres saints furent soit poussé aussi loin qu’il l'est. Dans bien des cas. introduits dans un Canon taoïque entrepris par l’ordre certains documents retrouvés dans le Turkestan chi­ de T.shcn-lsong. Mais ce canon ne rencontra aucune nois sont venus confirmer de la manière la plus faveur. Les persécutions reprirent leur cours. En inattendue, des renseignements fournis par saint 1166, un lettré» Lou-Yéou, adressa une supplique à Augustin et que l’on croyait particuliers au mani­ l'empereur pour lui demander, entre autres choses, de chéisme occidental. Sans doute tout n'est pas éclairci prendre des mesures sévères contre les adeptes de dans le fatras des textes obscurs que nous possédons; la religion de la lumière : car, tel était le nom sous et notre esprit a quelque peine à s’accommoder aux lequel étaient alors connus les manichéens. Nous con­ complications et aux aventures qui forment le centre naissons mal la suite donnée à la supplique de Loude la cosmologie manichéenne. Mais cela n’a aucune importance; nous n'avons pas à apprécier; il s'agit Yéou. Du moins dans la première partie du xni· siècle, savons-nous que le manichéisme était interdit dans seulement d’exposer avec autant de précision que tout l'empire chinois; le bonze Tsong-Kien écrit en possible un système assez embrouillé par lui-même. Nous traiterons successivement de la dogmatique, efTet : Selon les lois de la dynastie actuelle, ceux qui de la morale, de l'eschatologie et de l’eccléslologie trompent le peuple par la transmission et la pratique du livre saint des Deux Hacincs, et du texte de livres manichéennes. 1° Dogmatique manichéenne. — La base du système saints sans fondement que les canons ne contiennent pas, seront condamnés du chef des doctrines hétéro­ manichéen, c'est le dualisme. Il y a de toute éternité deux principes opposés : le Bien et le Mal, la Lumière doxes. · A la fin du xiv· siècle, un article du code des Ming condamne une dernière fois la religion du véné­ et les Ténèbres. < Chacun d'eux, déclare Mani, est rable de la lumière. Son éclat était dès lors bien amoin­ incréé et sans commencement, soit le Bien qui est dri. Cf E. Chavannes et P. Pclliot. dans le Journal la lumière, soit le Mal qui est à la fols les ténèbres et la matière. Et ils n'ont rien de commun l’un avec asiaL, loc. cil., p. 353-368. Dans l’Asie centrale, le manichéisme ne fut pas l’autre... La différence qui sépare les deux principes l’objet des mêmes persécutions Mais il rencontra d’au­ est aussi grande qu’entre un roi et un porc, L'un est tres obstacles. L’un des plus redoutables fut le boud­ dans les lieux qui lui sont propres comme dans un palais royal. L’autre, à la façon d’un porc, sc vautre dhisme, dont la propagande sc poursuivait sans cesse. Déjà les manichéens n’avalent pu s’installer qu'en pré­ dans la fange, sc nourrit et se délecte dans la pourri­ sentant leur maître comme un nouveau Bouddha. A ture, ou comme un serpent est blotti en son repaire. · pratiquer un tel syncrétisme, ils couraient grand risque Sévère d’Antioche, Horn., cxxin, trad, de Cumonl, de perdre leur originalité et de voir leur doctrine sc Recherches sur le manichéisme, fasc. 2, p. 91, 92, 97. dissoudre (Lins les enseignements bouddhistes. Dans son essence, la Lumière primitive est la même D'autre part, la fragilité des principautés turques, chose que Dieu. L'Êptlre du fondement en donne la les perpétuelles invasions qui transformaient sans cesse description suivante : ■ Sur l'empire de la lumière l'état du pays, furent pour le manichéisme une cause dominait Dieu le Père, perpétuellement vivant dans de faiblesse. La chute de l’empire oulgour, dont les dans sa souche sainte, magnifique dans sa puissance, souverains lui étalent tout dévoués, l’ébranla profon­ vrai par son essence même, toujours heureux dans dément. Les invasions mongoles complétèrent sa SR propre éternité. Il contenait en lui la Sagesse cl ruine. Sans doute, la religion de Mani ne disparut pas les sens vitaux. Par eux, il comprenait aussi les douze entièrement de ces régions où elle avait été, pendant membres de sa lumière, qui sont les richesses affluentes 1S73 Μ Λ N IC II É ISM E, DOG Μ ATI ο U Ε 1874 de son royaume, et en chacun desquels sont cachés sa propre voix; cl ils voyaient (seulement) cc qui était des milliers de trésors incalculables et immenses. Le devant leurs yeux. Lorsque quelqu’un criait. Ils enten­ Père, souverain en sn gloire et incomprehensible en sa daient. Ils percevaient cela et s'élançaient avec impé­ grandeur, possédait encore unis à lui les bienheureux tuosité vers In voix. Ils ne connaissaient rien d’autre. el glorieux eons dont on ne peut apprécier le nombre Ils furent ainsi excités cl intrigués les uns par 1rs ni l’étendue. Le générateur saint el illustre vivait autres a sc rendre jusqu'aux frontières de la terre donc avec eux sans qu'aucun indigent ou aucun infirme glorieuse de la Lumière. Quand ils virent le spec­ se trouvât dans son insigne royaume. Le royaume luitacle (de la Lumière) admirable et splendide qui est même, infiniment splendide, a été si bien fondé sur bien supérieure à la leur, ils se réunirent et ils complo­ la terre lucide et bienheureuse qu'il ne peut être tèrent contre la Lumière en suc de s'j mélanger. Ils ébranlé ni renversé pat personne.· S. Augustin, Contra ne savaient pas, à cause de leur folie, qu’un Dieu epid. Man , b». /' / . I XI il, col. 182. puissant et fort y habitait. Ils cherchèrent donc a Éternels comme le Père de la lumière sont l'air et la monter cl à s'élever, parce qu'ils n’avaient Jamais terre, Acr ingenitus et terni ingenita, lucida, beata, illus­ remarqué qui était Dieu. Mais ils jetèrent un regard tris, sancta, S. Augustin, Acta cum Felice,l, 1«, ibid., insensé, par suite du désir du spectacle de ce monde col. 532 : les membres de Pair sont au nombre de cinq : béni, et ils pensèrent qu’il allait devenir le leur. ■ la douceur, le savoir, l'intelligence, la discrétion. Je Sévère, dans F. Cumont, op. cit., p. 122-125. sentiment. Les membres de la terre sont pareillement Telle fut l’origine de la lutte entre les deux mondes. au nombre de cinq : la brise légère, le vent, la lumière Satan et les siens, arrivés aux confins du royaume l’eau et le feu. Les dix membres de l’air cl de la terre de la Lumière, y produisirent un grand tumulte. Dieu du royaume de lumière forment ensemble la splen­ le sentit et en fui effrayé. H décida d'envoyer aussitôt deur. des secours à ceux qui étaient en danger. Il évoqua la Il est ù peine besoin d’ajouter que cc royaume de Mère de vie, et la Mère de vie à son tour évoqua la Lumière est purement spirituel. Non seulement l’Homme primitif; Théodore Bar-Khoni, dans F. Dieu est un être incorporel, mais il en est de même Cumont, Recherches, fasc. 1, p. I L L Homme primitif de l’air cl de la terre incréés. D’ailleurs · le Bienheu­ sc cuirassa alors avec les cinq genres qui sont 1rs reux Père s’identifie avec ses vertus; il les emploie cinq dieux, le souille léger, le vent, la lumière, l'eau comme des armes appropriées pour accomplir sa el le feu. · Le premier dont il sc revêtit fut le souille, volonté. » S. Augustin, De nat. boni, I I, ibid., col. puis il mit la lumière, puis l'eau, puis il se couvrit avec 568. le vent. Puis, il prit le feu comme bouclier et comme A l’opposé de la Lumière sc trouvent les Ténèbres lance, et il descendit rapidement Jusqu’à la frontière, primitives. Ccllcs-ci touchent la lumière et la limitent. dans le voisinage du champ de bataille. An-Nadim, Entre les deux mondes, il n’y a donc pas un abîme, dans Flûgcl, Mani, p. 87. l’un commence à l’endroit précis où sc tern inc l’autre, Mais l’Hommc primitif était impuissant à triompher ils sont juxtaposés sans se confondre. L'opposition de de haute lutte du démon. Il eut recours à une ruse leurs natures suilli à les séparer. Voici comment pour affaiblir son adversaire. Il sc livra à scs ennemis Mani se plaisait ù décrire les ténèbres : ■ D’un côté comme une brebis au milieu des loups : ceux-ci se et sur un liane de cette terre illustre et sainte se trou­ précipitèrent sur lui et le dévorèrent. Les portions vait la terre des ténèbres, profonde et immensément de l’ànic, subitement plongées dans la matière, per­ grande, qu'habitaient des corps ignés, race pestiférée. dirent avec l’intelligence le souvenir de leur condition Là se trouvaient des ténèbres infinies, émanées du première. Mais leur déchéance n'etait que provisoire. mémo principe et viles comme lui, avec leurs rejetons. Elle devait servir à préparer le triomphe du Père Au delà venaient des eaux fangeuses et troubles avec des Lumières. leurs habitants. A l’intérieur souillaient des vents Celui-ci, en effet, évoqua une seconde création, terribles el violents avec leur prince et leurs pères. l’Aml des Lumières. L’Ami des Lumières évoqua le Puis sc présentait la région corruptrice du feu avec grand Ban; le grand Ban évoqua l’Esprit visant. scs chefs et ses nations. Enfin au centre, s’étendait Théodore Bar-Khoni. loc. cil., p. 20. L’Esprit vivant un pays plein d’obscurité el de fumée, où demeurait était destiné à libérer les éléments spirituels dévorés le souverain terrible de tout ce monde, entouré d’un par les démons. Un premier effort lui permit de nombre incalculable d’autres princes, dont il était délivrer l’Homme primitif. Pour achever de dégager comme la tête el l’organe unique. Telles étaient les la lumière qu’avaient engloutie les ténèbres, l’Esprit cinq natures de cette terre pestiférée. · S. Augustin, sc fil démiurge : il commença à organiser la matière, Contra epist. Manicluri, 19, 31. col. 181, 191. Cc der­ de façon à séparer les éléments lumineux de leur nier chef, le prince des Ûipides, est l’antithèse vivante gahgue obscure. du Bol de la Lumière : il ne fait jamais rien de bon, Le mélange qu’il avait à sa disposition comprenait mais il est divisé contre lui-même, et chacune de scs les principes dont allait sortir le monde. Le souille parties corrrompl ce qui est proche d’elle. Sévère, léger uni à la vapeur épaisse devait donner notre air; Hom., exxm, dans Γ. Cumont. op. cit., p. 117, 118. le feu céleste, mélangé à la flamme, notre feu; In Le prince des ténèbres n’est pus un second Dieu lumière, combinée avec des éléments obscurs, tous puisqu'il est par essence l’opposé de Dieu. Son nom les objets brillants et clairs, l’or, l’argent ; et le vent propre c’est la matière, Ihfli; c’est aussi, selon le céleste Joint au vent chaud, notre vent, cl l'eau accor­ langage de la foule, le diable ou le démon. Aux cinq dée avec les nuées, notre eau. Si, dans I univers créé, membres de la terre lumineuse s’opposent ceux de tout à un double aspect, bon et mauvais, obscur et la terre ténébreuse ; ténèbres, eaux fangeuses, vent lumineux, c’est en souvenir de son origine, el parce de tempête, feu cl fumée. Ce sont là les armes avec (pie les éléments purs n’ont pas encore retrouvé lesquelles le démon combattra, le moment venu, le leur véritable place. prince de la Lumière. L'Esprit créa donc dix deux el huit terres, aux Car la paix qui régnait entre les deux mondes (picks il assigna des places plus ou moins élevées, était une paix précaire : elle provenait surtout de selon la quantité de lumière qu’ils possédaient Avec l’ignorance dans laquelle était le monde ténébreux le feu le plus pur, il fit le soleil; avec l’eau la plus à l’égard de son voisin. · Chacun des membres de limpide, la lune. Il plaça l’Homme primitif dans In la matière, explique Sévère d’Antioche en citant sa région des deux grands luminaires : mais lorsque source manichéenne, ne connaissait rien de plus que celui-ci aperçut les esprits qui étaient encore retenus DI CT. DE Tlll'oi.. CATIIOL. IX. — 60 1875 MANICHÉISME, DOGMATIQl E captifs par la matière, il se voila la face de tristesse. Lc geste renouvelé est encore actuellement la cause des éclipses. Des éléments les meilleurs qui restaient après la création du soleil cl de la lune, Γ Esprit puissant forma les cinq autres planètes chargées de présider aux Jours et aux semaines. Les étoiles lixes par contre ne sont pas autre chose que des dénions enchaînés dans les airs : elles passent aux regards des maniché­ ens pour exercer une influence néfaste: et tandis que le soleil et la lune, voire les cinq planètes, sont l'objet d’un culte, les étoiles excitent la défiance légi­ time des sectateurs de Muni. Certains archontes ténébreux avaient été tués par le démiurge. Leur peau, préalablement desséchée et habilement tendue par la Mère de vie, donna nais­ sance au firmament; leurs chairs constituèrent la terre et leurs os les montagnes et les pierres. De leur chevelure naquirent les légumes, et de leur fiel sc forme le vin. Divers collaborateurs vinrent compléter l’œuvre de ΓEsprit puissant. Ce dernier lit sortir de son intel­ ligence lOrncment de splendeur : de sa raison, le grand Boi d’honneur, de sa pensée Adamas Lumière, de su réflexion le Boi de gloire, et de sa volonté le Porteur. Théodore Bar-Khoni, loccil., p.22. Lcscinq auxiliaires, ainsi créés, aident l’Esprit à gouverner la terre... Lc premier, lOrncment de splendeur, pourvu de six visages et étincelant de lumière, était établi dans la région de l’étoile polaire, au sommet de la machine ronde, el il la maintenait d'une main vigou­ reuse. Le second, le grand Boi d’honneur, trônait au milieu des airs, près des deux luminaires, veillant sur eux et dirigeant leurs rayons Ici-bas, jusque dans les plus vils cloaques pour éclairer les âmes. Un troisième, le lumineux Adamas, tenant en sa main droite un glaive, en sa gauche un bouclier, luttait sur le continent et Λ travers les mers contre la sur­ vivance des démons. Un quatrième, le Boi de gloire, installé dans les entrailles de la terre, entre la partie haute et les régions inférieures, mettait en mouve­ ment les trois roues des feux, des vents et des eaux. Enfin, le cinquième, Atlas, agenouillé vers le Sud, au bas de cette lourde masse, la retenait avec ses bras sur scs robustes épaules. Partout le mal sc trou­ vait ordonné par le bien. · P Alfaric, op. cil, t. i, p. 38. Le soleil el la lune Jouent un rôle de premier ordre dans la délivrance des parcelles lumineuses encore emprisonnées par les ténèbres. Les âmes qui ont le bonheur d’échapper aux liens de la matière sc mêlent a Pair très pur. Elles s y purifient complètement. Puis elles montent dans les navires lumineux qui ont été préparés pour les cinbarqucr et les conduire à la patrie. S. Augustin, De nat. boni, 11. /*. L., t. xi.it. col. 368. Ces navires ne sont autres que le soleil et la lune. Les âmes passent d’abord par la barque lunaire : celle-ci se remplit durant 1 I Jours, et augmente de volume et d'éclat. Puis, elle déverse sa charge dans le soleil et revient peu à peu â sa forme première. Lc soleil lui-même sort chaque matin par la fenêtre triangulaire qui lui appartient; il traverse l’océan du ciel· et le soir, il disparaît ù l’occident. La succession des saisons et des années s’explique, comme celle des jours et des lunaisons, par les exigences des voyages que doivent accomplir les grands luminaires à In recherche de la substance divine. Au premier Homme et à l’Esprit puissant s’ad­ joignent le troisième Messager el la Vierge de lumière, qui résident l'un dans le soleil et l’autre dans la lune. Avec eux sont des vertus androgynes, dont le rôle propre est d’exciter la concupiscence des puissances adverses et de dégager ainsi tous les éléments lumi­ 1876 neux qu’elles peuvent encore conserver. S. Augustin. Ile nul. boni, 11. Le soleil dégage ainsi la lumière qui était mêlée avec les diables ardents, et la lune, la lumière qui était mêlée avec les diables froids. Elügel. Muni, p. 89. Lc même mythe explique l’apparition des divers phénomènes cosmiques : C’est ainsi que les éclairs proviennent de l’apparition soudaine des vertus androgynes. Lc tonnerre est le cri de rage des archontes qui ne peuvent satisfaire leur passion; l’averse résulte d'un relâchement soudain survenu dans leurs organes génitaux. Jusqu’à présent, nous n’avons pas encore vu appa­ raître sur la terre les êtres vivants; et surtout nous n’avons pas été mis en présence de l’humanité. Nous y arrivons maintenant, après une longue attente. Les végétaux apparaissent les premiers sur la terre, qui ne les produit qu’après avoir été fécondée par la semence impure des démons célestes. La végé­ tation est aussi l’œuvre du mauvais principe; ce qui n'empêche pas qu’elle renferme, comme tout le reste, un certain nombre de parcelles lumineuses. Sous l’action vivifiante de l’Esprit puissant, la sub­ stance divine répandue à travers ie sol, s’engage dans les racines et dans le tronc: puis elle atteint les branches, et elle va s’accumuler dans les fleurs et dans les fruits, en quantité d’autant plus grande que ces fleurs ont une couleur plus belle cl ces fruits une pulpe plus savoureuse. 1*. Alfaric, L'évolution intel­ lectuelle de saint Augustin, p. 113. Les animaux ont une origine analogue à celle des végétaux. Un certain nombre d’entre eux. les plus petits et les plus vils, tels les poux, les puces et les punaises, naissent spontanément de la matière. Les autres proviennent des puissances ténébreuses enchaî­ nées dans les airs. «Les filles des ténèbres étaient grosses antérieurement, de leur propre nature. Par suite de la beauté des formes du Messager qu’elles avaient vues, elles avortèrent. Leurs fœtus tombèrent sur la terre el mangèrent les bourgeons des arbres. ■ Théodore Bar-Khôni. dans l7. Cumont. op. cil., p. 10, II. Les animaux ne sont autre chose que les descendants de ces avortons, qui, une fois arrives sur la terre, s’accouplèrent cl produisirent â leur tour des rejetons. Ils se divisent en cinq catégories : bipèdes, quadrupèdes, oiseaux, poissons et reptiles. Nés de la concupiscence, les animaux sont encore plus mauvais que les végétaux. Toutefois, comme ils font des plantes leur nourriture ordinaire, ils leur doivent un certain nombre d’éléments lumineux qu’il s’agit de délivrer. Cette délivrance est rendue parti­ culièrement difficile parce que les vertus sidérales continuent â vriller sur les descendants de leurs avor­ tons et poursuivent d’une haine farouche tous ceux qui essaient de leur donner la chasse. Cf. Augustin. Ile mor. manich., GO, P. !... t. xxxii, col. 1370. L’origine de l’homme est expliquée d’une manière assez complexe. Elle sc rattache â une conjuration des puissances mauvaises <|iii reproduit, dans une certaine mesure, la première tentative du royaume ténébreux contre la Lumière. « Un jour, rapportait Manf, le chef de la gent démoniaque, Saches, réunit les principaux démons el leur proposa de former un homme nouveau, qui rivaliserait sur la terre avec l’Homme primitif, et concentrerait en sa personne tous les éléments lumineux restés en ce monde. Dans ce dessein pervers, il dit à ceux qui l’entouraient : Que pensez-vous de cette grande lumière qui sc lève ? Voyez comme elle ébranle le ciel, comme elle renverse la plupart des puissances ! Dans ces con­ ditions, il vaut mieux que vous me donniez la part « de lumière que vous avez en votre pouvoir. Avec < elle, Je produirai une image de ce grand être qui I « nous est apparu plein de gloire. Ainsi la royauté 1878 1877 DOG M AT IQ UE nous appartiendra, et nous serons enfin delivres de « la vie des ténèbres. » Après l'avoir entendu cl s’être longuement concertés, tous jugèrent très juste d’ac­ céder Λ sa demande. Comme Ils n'avaient aucun espoir de garder toujours leur lumière avec eux, ils trouvèrent préférable de l'offrir à leur prince, avec qui il ne désespéraient pas de régner, grâce a cet expédient... Gomme la foule des assistants était composée de môles cl de femelles, leur chef les poussa A s’accoupler. Dans cet accouplement, les môles com­ muniquèrent leur semence, les femelles furent fécon­ dées par elle. Les produits se trouvèrent en tout semblables à leurs auteurs, ils reçurent en qualité de premiers-nés la plus grande partie des forces de leurs parents. Lc prince les prit, comme un tribut royal, avec contentement... Il les mangea, el il puisa beaucoup Traité manichéen, publié par i*. Chavannes ct P. Pelliot, dans le Journal asiatique, 1911, Xe sér., t. xvm, p. 561, 565. Pratiquement on sc lirait d’affaire en admettant que les préceptes n’obligeaient d’une manière rigou­ reuse que les Élus, c’est-à-dire les véritables fidèles, consacrés tout entiers à la religion de Mani. Ceux-ci •étaient le petit nombre, et Ils vivaient à la façon des religieux. On trouvait, parmi eux jusqu'à des femmes et des enfants; la plupart étaient des hommes. Les élus manichéens pratiquaient avant tout la continence : < Pour ce qui est des femmes, écrit le •traité manichéen (pie nous citions tout à l’heure. ils peuvent les considérer comme des apparences vides et trompeuses; ils ne sont pas arrêtés ct embarrassés par les charmes sensuels : tel l'oiseau qui, volant haut, ne périt dans les filets. · E. Chavannes et P. Pelliot. dans le Journal asiatique, loc. cil., p. 583. Ils observaient le sceau de la main avec tant de fidélité qu'ils évitaient de tuer quoi que ce fût de vivant. Ils n’avaient pas le droit de cueillir des fruits dans leur jardin, ni de couper un épi dans leur champ. Aussi auraient-ils couru le risque de mourir de faim s’ils n’aient été nourris par les aumônes des autres hommes : < Avec une dignité parfaite Ils attendent les aumônes, dit un fragment manichéen de Touenhounng; si personne ne leur fait l’aumône, Ils vont mendier pour subvenir A leurs besoins. · Journal asiatique, ΧΓ sér., I. i. 1913» p 111, 112. Encore avant de prendre la nourriture qu’on leur apportait, les élus devaient-ils sc purifier par la prière : Quand ils veulent manger du pain, Ils commencent par prier et par dire A ce pain : ce n’est pas mol qui t'al semé, moulu, pétri et mis au four; c’est un autre qui l’a fait et t’a porté à moi; je le mange innocem­ ment. Ayant dit cela en soi-même chacun d’eux répond A celui qui lui a porté du pain : J'ai prié pour toi. Et ΙΑ-dessus ce dernier se retire. » .Aet. Archet., 10, p. 16, 17. Seuls, les aliments végétaux étaient acceptés par ces saintes gens, qui repoussaient avec horreur toute nourriture animale. Les légumes ct les fruits leur communiquaient une part plus abon­ ESCll VIROLOGIE 18&2 dante de vie divine, et ils s'appliquaient avec soin A ne rien perdre de ces éléments précieux. Λ un degré inférieur se trouvaient les Auditeurs. Ceux-ci constituaient la masse, le peuple, ou encore les catéchumènes, car II semble bien que les élus seuls aient reçu le baptême S. Augustin, Contra liti. Petii., m, 20, P. Λ., t. xml, col. 357. Ils entendaient la parole de vie, mais i) ne la mettaient pas en pratique. Ce fut dans le rang des auditeurs que resta saint Augustin pendant les années de sa foi manichéenne. I.es auditeurs avaient pourtant une règle de vie assez précise, 'f out d’abord. Ils faisaient profession de la vraie foi. Us rendaient leurs hommages au Père de la lumière, au Dieu du soleil ct de la lune et au Dieu puissant. Ils prenaient part aux assemblées liturgiques ct chantaient les hymnes et les cantiques en usage dans la secte. Puis ils gardaient certaines observances ; c’est ainsi que, s’ils sc mariaient comme les autres hommes, ils sc contentaient d’une seule femme, ct ils évitaient autant que possible d’en avoir des enfants. S'ils acceptaient de sc nourrir de x lande et de boire du vin. ils jeûnaient fidèlement tous les dimanches en l’honneur du Seigneur. S’ils violaient enfin le sceau de la main, en s’occupant de toutes sortes de choses défendues aux élus, même en exer­ çant le profession de boucher, leurs fautes trouvaient une compensation dans les aumônes qu’ils faisaient aux élus. L’aumône lient, en effet, une grande place dans la vie de l’auditeur manichéen. Plusieurs des lettres de Mani portaient sur la dime ct les différentes sortes d'aumônes. L'auditeur du Rouastouani/t, xi, 222. s’accuse de n’avoir pas donné exactement les sept sortes d’aumônes pour la loi pure. Ce sont, nous l’avons vu, les aumônes des auditeurs qui entretiennent les élus : ceux-ci en retour prient pour leurs bien­ faiteurs dont les péchés sont ainsi remis. S. Augustin, De mor. manich., 60, 61. t. xxxn, col. 1370, 1371. Par contre ces aumônes doivent être réservées exclu­ sivement aux élus : l’auditeur du Kouastonanilt, xi, 231-213, s’accuse encore d’avoir peut-être donné la substance lumineuse des cinq bons éléments à des hommes de mauvaise penser cl de mauvaise vie, el de l’avoir ainsi dispersée ct dissipée, et envoyée dans un mauvais lieu. El le traité manichéen, publié par E. Chavannes ct P. Pelliot, dit aussi en parlant de ceux (pii sont arrivés au terme de leur progrès spirituel : « S’ils voient que des laïques qui ne sont pas des adeptes de la religion subissent quelque dom­ mage ou éprouvent des chagrins, leur cœur ne s’en afflige pas. Joumalasiat., 1911. Xr sér., t. xviu.p. 583. Élus et auditeurs sont les disciples de Mani. En dehors d’eux, il y a les pécheurs dont la morale mani­ chéenne n’a pas A s’occuper, sinon pour s’efforcer de les convertir en leur faisant connaître la voie de la Lumière. Car en dehors de cette voie, il n y a pas de salut possible. Seuls, seront sauvés ceux qui auront cru A la doctrine de Mani, cl (pii auront pratiqué ses commandements. Comment s’opère ce salut ? C’est le problème que résoud l’eschatologie mani­ chéenne. 3° Eschatologie manichéenne, — Les doctrines de Mani sur la fin dernière des hommes devaient cire exposées surtout dans le Shâpurakân, dont \n-.\adim semble donner un résumé sous ce titre : Doctrines des Manichéens sur la vie future. Il faut citer en entier ce résumé. < Quand la mort, dit Mani, s’approche d'un véri­ dique, c’est-à-dire d’un élu. l’Hoinmc primitif envoie un Dieu lumineux sous la forme du sage Conducteur, qu’escorte trois autres dieux avec le vase d’eau, l’habit, le bandeau, hi couronne, le nimbe, el qu’accompagne aussi la Vierge, semblable à l'âme de ce I 1883 \l \MCHEISME. ESCHATOLOGIE juste. En même temps apparaît le Démon de la convoitise et de la concupiscence avec d’autres dé­ mons. Dès que le véridique les aperçoit, il appelle à son secours les dieux qui ont l’aspect du sage Conduc­ teur cl les trois autres dieux. Ceux-ci s’approchent de lui. Dès que les démons s’en aperçoivent, ils se retournent pour fuir. Eux prennent le véridique, le revêtent de la couronne (du bandeau ?), du nimbe et de l’habit, mettent dans sa main le vase d’eau et montent avec lui sur la colonne de louange à la sphère de la lune, vers l’Homme primitif, et vers Nahnaha, la mère des vivants, jusqu'au Heu où il sc trouvait «l’abord dans le Paradis de la lumière. Pendant ce temps, son corps reste gisant, pour que le soleil, la lune et 1rs «lieux lumineux lui arrachent les forces, c’est-à-dire l’eau, le feu cl le vent léger, qu’il s’élève ainsi jusqu'au soleil cl devienne un Dieu. I.e reste de son corps, n’étant plus que ténèbres, est jeté dans l’enfer. « Quand la mort s’approche de l’homme militant, bien disposé pour la religion et la justice, qui protège l’une et l’autre, ainsi que les justes, les «lieux déjà mentionnés lui apparaissent et aussi les démons. Il appelle à son secours et cherche une médiation pro­ pice en récompense des bonnes œuvres qu’il a accom­ plies cl de la défense qu’il a donnée à la religion cl aux véridiques. Lui aussi est délivre des démons. Mais il reste dans le monde comme un homme qui voit en rêve des spectres, et qui tombe dans l’ordure cl dans la boue. Il demeure en cet état jusqu'à ce que son esprit soit délivré, qu’il parvienne nu rendezvous des véridiques et qu’il revête leur habit après une longue série d’égarements. Quand la mort apparaît à l’homme pécheur, sur qui la convoitise et la concupiscence ont mis la main, les démons s’approchent de lui, l’empoignent, le torturent et lui font voir les spectres. Les «lieux aussi sont là, ainsi que l’habit mentionné. L’homme pécheur croit qu’ils sont venus pour le sauver. Mais ils ne sont là que pour l’accabler «le reproches, pour lui remettre en mémoire ses actions cl le convaincre de la faute qu’il a commise en négligeant de soutenir les véridiques. Alors, il erre sans cesse dans le monde, affligé de tourments, Jusqu’au Jouroùcet état cessera, et ou il sera jeté avec ce monde dans l’enfer. Telles sont, dit Mani. les trois voies par rapport auxquelles les Ames «les hommes sont partagées. Une d’elles conduit au paradis : c’est la voie des véridiques; une autre va dans le monde et ses terreurs : c’est la vole «le gardiens de la religion, des bienfaiteurs des véridi­ ques; la troisième mène à l’enfer : c’est la voie des hommes pécheurs. · Flügel, Mani, p. 100, 101. I n passage «le V ÉpUre du fondement, conserve par Pscudo-Auguslin renferme quelques données nou­ velles sur le sort des âmes pécheresses : · Celles qui. par amour du monde, se sont laissé écarter de leur première vie lumineuse, qui sont devenues ennemies de la sainte Lumière, qui sc sont armées ouvertement |M>ur la ruine des saints éléments, «pd se sont soumises a l’Esprit du Ecu, qui ont en «mire, par leurs persécu­ tions, alHigé la sainte Eglise et ses Elus, observateurs «les préceptes célestes, seront exclues de la béatitude et de la gloire «lu saint Koyaume. Parce qu’elles sc sont laissé dominer par le mal, elles persévéreront dans celte même racine du mal; elles seront exclues «le la terre pacifique et des régions Immortelles. Voilà ce qui leur adviendra pour s’être si fort attachées aux œuvres mauvaises qu’elles se sont éloignées de la vie et de la liberté «le la sainte lumière. Elles ne pourront donc pas être reçues dans ces royaumes pacifiques, mais elles seront clouées sur ce globe horrible auquel H faut donner une garde. Ainsi ces âmes seront attachées â ce qu'elles auront aimé. 1880 Elles resteront abandonnées sur ce globe ténébreux. Et elles so seront attiré ce châtiment par leur faute, pour avoir négligé de s’instruire sur la destinée qui leur était réservée et de la détourner lorsque l’occa­ sion leur en était offerte. » Ps.-Augustin, De /idc contra manich., 5, P. L., t. xiji, col. 1111. On volt ainsi combien sera différent le sort des Ames, suivant la manière dont elles se seront conduites ici-bas. Les élus entreront immédiatement après leur mort «lans le Paradis de Lumière. Hecueillis au sortir «le ce monde par les anges «le lumière, ils passent d’abord dans la bar<(uc lunaire; puis ils sont conduits sur le vaisseau solaire jusqu’aux régions habitées par le Père; et c’est là qu’ils demeurent pour l'éternité. Le sort «les auditeurs est moins heureux : ils sont condamnés à rester en ce monde; et sans doute passent-ils «l’un corps «lans l’autre Jusqu'à ce qu’ils arrivent dans le corps d’un élu, ce qui est pour eux la dernière étape avant le salut définitif. D'après Birûni, Mani lui-même a enseigné cette doctrine de la métempsycose après l’avoir apprise des Hindous; India, trad. Sachau, t. i, p. 51,55. El de fait, on la trouve exposée non seulement dans les Acta Archelai et dans les textes chrétiens «pii en dépendent, mais aussi dans le traité chinois de Touen-houang, Jour· nul asiat, X° sér., I. xvm, p. 532, 533. Quant aux pécheurs, c’est l’enfer qui les attend, avec ses soufrances éternelles et sans espoir. Toutefois, la séparation définitive des bons et des méchants ne s’accomplira qu’après un temps très long. Il faut d’incommensurables périodes pour permettre aux éléments lumineux tombés dans ce monde de sc dégager de la matière et de retourner â leur source première. Les élus eux-mêmes ne peuvent empêcher certaines parcelles lumineuses de leur échap­ per, et de reprendre une existence errante. Peu â peu cependant s’accomplit la discrimination néces­ saire. Les parcelles de lumière remontent à leur principe; et la matière, de plus en plus abandonnée à elle-même, reste isolée. Au dentier jour, se produit un immense incendie, qui doit, selon An-Nadim, dans Flügel, Mani, p. 90 et le fragment manichéen de Tourfan, dans F. \V. K. Müller, ilandachrift. Reste, p. 19, durer 1 168 ans. « L’ange chargé de porter la terre sc dirige vers la hauteur, et l’autre ange cesse de tirer le ciel après lui; alors ce qu’il y a de supérieur sc mélange à ce qu’il y a «l’inférieur; un feu éclate et sc répand «lans ces matières jusqu’à ce «pie la lumière «pd y est répandue soit rendue à la liberté. · An-Nadim, dans Flügel. Muni. p. 90 C’est alors la tin. La séparation s’opère pour tou­ jours entre les justes et les pécheurs, et. plus exacte­ ment entre le monde de la lumière et le monde des ténèbres. Suivant An-Nadim ■ l’Homme primitif vient alors, dit Muni, du monde «le l’étoile polaire; le Mes­ sager du salut de l’Est. le grand architecte du Sud. l’Esprit vivant «le l’Oucsl. Ils observent le nouvel édifice «pii est le nouveau Paradis. En même temps. Ils tournent autour de cet enfer et regardent en ses profondeurs. Alors les Justes viennent du Paradis vers cette lumière pour se Jeter en elle. Ils se pressent au rendez-vous «les «lieux, et se rangent autour dr cet enfer. Puis, ils jettent leurs regards sur les pécheurs «pii se tournent et se retournent, errant çà cl la cl s’enfonçant toujours «le plus en plus en cet enfer Incapable de nuire Jamais aux véridiques. Quand les pécheurs voient les véridiques, ils intercèdent auprès d'eux, cl se Jettent humblement à leurs pieds. Mais eux ne leur répondent qu'en termes accusateurs qui ne leur servent de rien. Les pécheurs n’y gagnent que d’accroître leur regret, leur chagrin et leur accablement Tel sera leur lot éternel. · Flügel, Mani, p. 101, 102. ISS5 Μ A X IC II É ISM E, OHG AMSATIOX ECCLÉSIASTIQl E 1880 Et It* royaume de Dieu s'étend brillant comme à les grandes souillures. Cf. S. Augustin. Contra Faust., l’origine, sans avoir plus a redouter aucune invasion v, 3; Contra Felic., i, 10, JL L., t. xm, col. 221, des cohortes du Diable. L’ordre premier est rétabli col. 533; traité deTouen-houang, dans le Journalasiut., entièrement et pour toujours. X’ sér., t xvm, p. 587. Turribius d’Astorga. JL L., p L'Église manichéenne. Suivant une tradition t. tiv, roi. 694, prétend que les manichéens sc ser­ que connaît saint Augustin, et que rapportent d’autres vaient d’huile pour administrer le baptême, et de auteurs, par exemple Agapius, Phot lus, Pierre de fait nous savons qu’ils regardaient l'huile comme une Sicile, Mani avait vu douze apôtres, comme le Christ. substance purifiante. S. Augustin, Jn mor. man., 39, Ces derniers écrivains donnent mémo les noms de JL L., I. xxxn, col. 1362. Il semble pourtant probable ces douze apôtres de Mani ; Slslnnius cl Ί bornas, que le baptême manichéen était donné dans l’eau. Bouddas et Hermas, Adamas ou Ados et Adlmanlc, L’eucharistie, clic aussi, est réservée aux élus. Iliérax, Heraclide cl Aphllumius. Agapius, Zarouas S. Augustin, Contra Fortunat.,3. L xlii, col. 11 L Mais et (iabriabius. Photius, Contra man., i. 1 1, P. G., nous avons fort peu de renseignements sur scs élé­ I. ai, col. il; Pierre de Sicile. Hist, num., 16, P. G., ments et sur lu manière dont ils étaient consacrés. t. av, col. 1265. Ces noms semblent très peu sûrs; La formule grecque d'abjuration, qui est un docu­ et leur enumeration, en trois séries binaires suivie ment tardif, anathématise les gens · qui rejettent la de deux séries ternaires, est fort suspecte. Comme conversion du précieux sang et du corps du Christ, les Ada Archelai, 13, p.22, mentionnent seulement tout en faisant semblant de l’accepter, et lui substi­ trois disciples de Mani, Addas, Thomas et Hennas. tuent mentalement les discours doctrinaux du Christ, Il est vraisemblable que la liste primitive compre­ sur la seule communication desquels il aurait dit. nait quatre séries de trois noms chacune. Ainsi Mani d’après eux. aux Apôtres : Prenez, mangez et buvez. » reproduisait-il l’exemple du Père de la lumière, P. G., t. i, col. 1469. Mais le reproche ici adressé entouré dès l’origine de douze éons répartis en quatre aux manichéens d’entendre l'cuchanslic dans un triades, cl celui du troisième messager assisté lui sens purement symbolique est peu vraisemblable. On aussi par ses douze vertus. a supposé qu’à côté du pain*, les manichéens consa­ A l’exemple de Mani, la religion manichéenne craient de l’eau, par laquelle Ils remplaçaient le vin, avait à sa tête douze Maîtres soumis eux-mêmes â regardé comme particulièrement impur. P. Alfaric, un premier chef. D’après An-Nadim la religion L'évolution intellectuelle de saint Augustin, p. 133, sainte comprend cinq degrés : celui des Maîtres, ce n. 2. Cette hypothèse est du moins probable, mais on sont les fils de la douceur; celui des Illuminés du aimerait la voir confirmée par des textes précis. Au soleil, ce sont les dis de la science; celui des Prêtres, témoignage d’Augustin, à l’cucharistic manichéenne se ce sont les fils de l’intelligence; celui des Véridiques, mêlaient parfois d’ignobles pratiques : le saint docteur ce sont les tils du secret; celui des Auditeurs, ce sont rappelle que les catholiques reprochaient a leurs les fils de l’examen. » FlÛgcl, Mani, p. 95. adversaires de manger en guise d’eucharistie un pain Le chef suprême du manichéisme est l’iman, qui immonde, une niasse de farine aspergée d’un liquide en principe, réside à Babylone. Nous avons vu qu’a impur. De hures., 16, t. xi.ii, col. 36. Les manichéens, une certaine date, l’iman fut obligé de transférer il est vrai, niaient les faits allégués, et récemment sa résidence à Samarcand. An-Nadim nous fait con­ on a essayé de diminuer la valeur des témoignages naître les noms de plusieurs Imans, et dans la liste rapportés par saint Augustin; P. Alfaric. op. cil., qu’il donne des épltres de .Mani sont insérés les p. 165, n. 1. H semble pourtant difficile de n’en tenir titres de nombreuses lettres d’imans. Le traité mani­ aucun compte. chéen do Touen-houang signale de la même manière Si nous ne possédons que |m*u de details sur les un chef de la religion, E.Chavanncs et P. Pclliol.dans sacrements du manichéisme, du moins connaissonsle Journal asiat., Xe sér., t. xvm, p. 581, et η. I; et un nous davantage scs prières et ses cérémonies. Suivant autre texte chinois nous fait voir le roi de la religion An-Nadim, Mani lui-même inspira à scs fidèles le complimentant lesOuïgoiirs. Ibid., XI· sér., L i. p. 195. commandement des quatre ou sept prières : voici, Sur les douze maîtres, qui remplaçaient les douze d’après l’historien arabe, comment doivent s’accom­ apôtres de Mani, S. Augustin, De hares., 46, P, L.. plir ces prières : < Le fidèle sc tient droit; il sc fric­ t. xi.ii, col. 38. nous avons fort peu de renseignements; tionne avec de l’eau ou une autre substance, et il nous savons surtout qu’ils étaient les chefs des se tourne vers la grande lumière. Puis, il se prosterne, évêques, nu nombre de 72. Ce chiffre lui-même rap­ et. cela fait, il dit : « Béni soit noire guide, le Paracict, pelle celui des disciples du Christ. Les évêques mani­ » l’envoyé de la Lumière. Bénis soient ses anges les chéens — hauste de Milève était l’un d'eux à la • veilleurs; et louées soient ses armées lumineuses. > fin du iv· siècle - avaient la charge d'ordonner les Ensuite, il sc relève promptement... Dans une seconde prêtres et les diacres. Les textes chinois nous font prostration, il dit : « Glorieux et lumineux Mani, toi «notre guide, la racine de notre illumination.le rameau connaître de hauts dignitaires de l’Églisc manichéenne auxquels ils donnent les noms de moucho et de fou· « de l’honnêteté, le grand arbre, tu es notre unique to-tan. On pourrait identifier les premiers avec les « salut. · Dans une troisième prostration, il dit : « Je « me prosterne et je loue avec un cœurpurct une langue maîtres et les seconds avec les évêques. Au-dessous des évêques, il y a des prêtres et des «sincère le grand Dieu, le Père des lumières... ► Dans diacres. Fortunat. le contradicteur malheureux d’Au­ une quatrième prostration, il dit : · Je loue et invoque gustin, était un prêtre manichéen établi ù Hippone. « tous les dieux, tous les anges lumineux, toutes les Somme toute, celle hiérarchie, où l’on retrouve les « lumières cl tonies les années qui sont devant le souvenirs de l’Évangile, est manifestement calquée «grand Dieu. Dans une, cinquième prostration, il sur la hiérarchie catholique. Elle constitue un des dit : < J'invoque et je loue les armées et les dieux points par lesquels les manichéens sc rapprochaient «lumineux, qui. avec leur Sagesse, foncent sur les < ténèbres, les rejettent cl les domptent. » Dans une le plus du christianisme. I n autre trait de ressemblance se trouve dans les sixième prostration, il dit : « J’invoque et je loue le sacrements manichéens. Ceux-ci sont au nombre de « Père delà grandcur.lv sublime elle brillant qui est venu des deux sciences. 11 continue ainsi jusqu'à deux, le baptême cl l’eucharistie. Le baptême est réservé aux élus. Les auditeurs sont donc, dans l’Églisc la douzième prostration. Après avoir achevé les manichéenne, regardés seulement comme des caté­ dix (douze ?) prostrations, il passe à une autre prière, où il formule des louanges que nous n'avons pas n chumènes. Par le baptême sont remis les péchés et 1S87 MANICHÉISME, ORIGINES reproduire. La première prière a lieu quand le soleil a dépassé son plein midi, la seconde entre ce moment et celui où il sc couche, la troisième le soir après le coucher du soleil, la quatrième dans le milieu de la nuit trois heures après le coucher du soleil. A chacune, dans scs prostrations, le fidèle sc comporte comme dans la première, dite au Messager du Salut. » blûgcl, .Won/, p. 99, 97. Nous ne possédons plus ce livre des Prières, dont parle Timothée dc Constantinople, De. reccpt. turret., P. 6’., L i.xxxvr, col. 21, ct qui devait contenir les principales formules dc la liturgie manichéenne; mais nous avons encore, dans des manuscrits de Tourfan, des fragments ct des titres d’hymnes du plus haut intérêt. Nous savions, depuis longtemps, et particulièrement par saint Augustin, que les mani­ chéens aimaient beaucoup la musique dans laquelle ils voyaient comme un écho venu du ciel. Les textes récemment découverts nous permettent désormais dc nous faire une idée plus exacte dc ccs hymnes ct de ccs cantiques : Une longue table des matières nous donne les premiers mots de près dc deux cents dc ces morceaux. Voici un fragment de cette table : Sou viens-toi des bienfaiteurs... Je veux te louer Yn'.d Bag Mani... Je veux te louer ct t’invoquer... Je veux te louer, lumière inviolée... Je veux t'invoquer, Dieu, lumière... Je veux t'invoquer, toi «pii m’as... Je veux t'invoquer, ô mon Dieu, sauve-moi... Je veux t’invoquer, ô mon Dieu, toi... Je veux te louer, ô mon Dieu... Gloire Λ toi, ô mon Dieu, par... Bienfaiteurs, élus, nous voulons te bénir... E. \\. K. Müller, Ein Doppelbtatl ans einem maniehûisehen Hymnenbuch (Mahrnamag),dnnsi les .1 bhandItingen dc l’Académie des sciences de Berlin, 1913, p. 20. Cf. \V Bang, Manichaisch- Hymnen, dans le Museon, l. xxxvm, 1925, p. 1-55. D’autres manuscrits de Tourfan complètent cette table des matières. « Ils contiennent des fragments nombreux ct parfois importants d’hymnes mani­ chéennes... Plusieurs se rapportent aux derniers temps, au départ, à la séparation du corps ct de Pâme. D’autres formulent des vœux pour de grands person­ nages. La plupart adressent des louanges variées au Père dc la lumière, aux grandeurs qui entourent son tronc, aux Esprits qui l’assistent, aux deux luminaires, aux anges qui recueillent les Aines sur les barques célestes, et surtout au sage, au brillant, au divin Mani. En lin, quelques-unes demandent pardon à Dieu pour les péchés commis. « Certains de ccs textes liturgiques portent encore leur notation musicale. Ils étaient destinés à être chantés. Sans doute, le chant se faisait-il avec accom­ pagnement. D’après l’historien Ibn Shinah, Mani aurait inventé le luth.· P. Alfaric, Les écritures mani­ chéennes, t. n, p. 133. Aux prières et aux hymnes, il faut joindre certaines pratiques de confession des péchés sur lesquelles nous n’avons que des renseignements incomplets. Une lettre de saint Augustin nous montre les audi­ teurs s’agenouillant devant les élus, dans l’attitude de la prière, pour recevoir l'imposition des mains, signe sensible du pardon de leurs fautes. Epist., ccxxxvi. 2. P. L., t. xxxm. col. 1033; cf. Acta Archet., 10, p. 16,1. 15. Mais nous ignorons quelle était au juste la valeur de ccttc absolution. Un texte retrouvé à Tourfan et à Touen-houang, le Kouastouanift, est une sorte de pvnitenticl : on y voit l’auditeur mani­ chéen plisser ses fautes en revue, et finalement en demander pardon à Dieu; nous avons déjà indique les qu’nre catégories entre lesquelles sont réparties. 1888 d’une manière qui semble d’ailleurs assez arbitraire, les fautes commises et accusées. Voir col 1851. Les jeûnes des manichéens sont une dc leurs pra­ tiques de pénitence les plus caractéristiques. Nous n’avons plus à y revenir, ayant déjà eu l’occasion dc les mentionner. (Loi. 1880. Il suillt de rappeler que le plus long et le plus Important d’entre eux pré­ cédait la grande fête de la secte, celle du Béma. Cette fête était célébrée chaque années au printemps, pour commémorer l'anniversaire dc la mort dc Mani. Elle tombait donc à peu près à la même époque que Pâques, et le jeûne qui en était la préparation pou­ vait être plus ou moins confondu avec le carême. Lorsqu’était arrivé le jour dc la solennité, on dressait en évidence une estrade funéraire, munie de cinq degrés, ct ornée de linges précieux : c’était à cette estrade, qui rappelait le souvenir du Malin que s’adressaient les prières des fidèles. S. Augustin, Contra epist. Man., 9, t. xi.ii, col. 178. A côté dc la fête du Béma, les manichéens durent adopter l’une ou l’autre des solennités chrétiennes. C’est ainsi qu’au temps de saint Léon le Grand les adeptes de la secte célébraient à Home le jour de Noël, mais le pape leur reproche d’honorcr beaucoup plutôt le sol noms que Notre-Scignciir lui-même. Sernio xxn, 6, P. L., t. i.iv, col. 198. Il est évident que dc telles fêtes sont sans signification pour l’intel­ ligence du manichéisme. Il est possible qu’à l'origine les manichéens n’aient eu ni temples, ni images, ni autels; ct Fauste de Milève expliquait, dans son ouvrage, que le seul temple de ses coreligionnaires est l’âme du juste, leur seul autel un esprit cultivé ; S. Augustin. Contra l'aust., XX, 3, P. L.. t. xi.iî. col. 370. Cependant cette absence dc temples, de représentations figurées cl d’encens liturgique, dont se glorifiait Fauste, doit tenir simplement aux conditions très dures faites au manichéisme africain par les autorités civiles. Nous savons l’importance que Mani donnait au dessin ct à la peinture, et qu’il avait cherché, par la décoration deses ouvrages, à attirer les yeux autant que les esprits. Les manichéens Ada Archet., 59, p. 8G $q. Les récits relatifs à la passion n’étaient pas moins violemment attoqués par les manichéens. Car Mani ne pouvait admettre (pie Jésus fut véritablement mort sur la croix. I n passage dc VÉpitre du fondement, cité par Évode, affirme que ce ne fût pas le Fils de Dieu, mais un suppôt du diable qui fut crucifié : » L’ennemi écrit Mani. espérait bien avoir mis vn 1S9! MANICHÉISME, ORIGINES croix le Sauveur, Père des justes. Mais cc fut lui qui se trouva cruci lié. En cette circonstance, la réalité fut tout autre que l'apparence. Lc prince des ténèbres sc vit donc attache a la croix; il porta avec ses compa­ gnons la couronne d’épines et il fut revêtu du vête­ ment de pourpre. Il but le iiel et le vinaigre, qui, d’après certains, auraient abreuvé le Sauveur routes les souflranccs que celui-ci parut endurer furent réservées aux archontes ténébreux. Eux seuls furent atteints par les clous cl par la lance. > Évode, /V fide contra man., 28, P. L., t. xi.ii, col. 1117. Il est facile de comprendre les principes selon les­ quels étalent ainsi disséqués les récits du Nouveau •Testament, Gomme Mani estime que la matière est essentiellement mauvaise, il ne peut admettre que le Sauveur ait eu un corps véritable. De la chair. Jésus a pris l’apparence, il a été trouvé en toutes choses semblable ά un homme; mais il n’a pas eu la réalité de cc corps mortel et passible. Il n’a pas eu a naître ni â mourir. Celle doctrine n’est pas parti­ culière au manichéisme. De nouveau, nous retrou­ vons ici le souvenir des gnostlques, qui condamnaient impitoyablement la chair comme la source de tous 1rs maux : c’est en suivant l'exemple des maîtres gnostlques que Mani aboutissait au docétisme. Xvecles évangiles corrigés et mutiles, Mani accep­ tait encore les épltres de saint Paul. Marcion avait agi de même; et son canon du Nouveau Testament ne contenait que l'Apôtre â côté de ('Évangile de saint Luc. Naturellement V Apostoticum de Mani avait été lui aussi l’objet d’une correction sévère, qui avait eu pour résultat d’en retrancher tous les pas­ sages favorables aux Juifs. Mais comme, tout compte fait, saint Paul restait celui qui avait le mieux compris l’opposition foncière de la chair et de l’esprit de la loi et de la foi, du vieil homme cl de l’homme nouveau, ses lettres restaient l’arsenal incomparable où les manichéens cherchaient les arguments qu’ils pouvaient faire valoir dans leurs discussions avec les catholiques. Les écrits d’Adimante, de Fauste, de Secundinus, que nous connaissons par les réfu­ tations de saint Augustin, sont remplis de textes empruntés aux épltres de saint Paul. On n’aurait pas une idée complète de la position prise par Mani et scs disciples à l’égard du christia­ nisme, si l’on ne rappelait le rôle joué chez eux par les livres apocryphes. Récemment, M. P. Alfaric a essayé de dresser un inventaire complet des Écri­ ture* manichéennes : peut-être tel ou tel des ouvrages qu’il mentionne n’avait-ll pas réellement droit de cité dans la bibliothèque religieuse des manichéens; son inventaire permet du moins de se faire une idée de quelques-unes des sources de la pensée mani­ chéenne. Nous savons déjà que Mani lui-même avait composé un ouvrage auquel il avait donné le nom d'Évangile rivant. Peut-être ce livre n’élait-il pas autre chose qu’un commentaire des récits évangéliques, assez, ana­ logue aux vingt-quatre livres des Commentaires évan­ géliques rédigés par Basilide. C’est du moins ce qu’on serait tenté de conclure d’un témoignage de Ί héodore Abou-Kourra. selon qui les zandiques ou mani­ chéens parlent ainsi aux gens qu’ils veulent convertir : • lu dois t’adjoindre aux chrétiens, et écouler les paroles de leur évangile. Et le véritable est celui que nous possédons, celui qu’ont écrit les Douze apôtres... Et personne n’en possède l’explication en dehors de Mani notre maître. Traktat fiber tien Schôp/er und die tvahre Religion, trad. G. Graf, Munster, 1913, p. 27. Dans ccs conditions. Mani aurait commenté l’Arongile des Douze apôtres·, et c’est cc commentaire qui aurait pris le titre iï'Évangile vivant. L’Évangile des 1892 Douze, mentionné par Origcnc. Horn. 1 In Luc., P. G’., t. xm. col. 1803, nous est d’ailleurs mal connu. P. Alfaric, op. cil., t. lî, p. 173-173, l'identifie à l’Évangilc éblonite que cite Épipliûnc, livres,, x.xx, 3. P. G., t. xi.i, col. 109. Deux citations, faites par Birûni, pourraient provenir de l’Évangilc éblonite : la première est donnée sans référence : · Les Apôtres interrogèrent Jésus sur la vie de la nature inanimée; sur quoi il leur dit : < Si ce qui est inanimé est séparé « de l'élément vivant qui lui est mélangé et apparaît • seul avec soi-même, il est de nouveau inanimé et « n'est pas capable de vivre, tandis que l’élément vivant • qui l’a abandonné, retenant son énergie vitale Inal• léréc, ne meurt Jamais. * India, trad. Sachau, l. !, p. 48. La seconde est empruntée au livre des Mys­ tères ; « Comme les Apôtres savaient que les âmes sont immortelles cl que, dans leurs migrations, elles revêtent toutes les apparences, prennent la forme de tous les animaux et sont moulées dans le moule de tontes les figures, ils demandèrent au Messie quelle serait la fin de ces âmes qui n’auraient pas reçu la vérité ou appris l’origine de leur existence. El il leur répondit : « Toute âme faible qui n’a pas reçu lout t ce qui lui appartient de vérité périt sans aucun repos ou bonheur. » India, t, i, p, 51, 55. Somme toute, nous sommes mal renseignés sur l’Évangilc des Douze; nous ne le sommes pas beau­ coup mieux sur celui des Soixante-dix, dont park Birûni, et qu'il présente comme une copie du premier, faite par un certain Balamis. Chronology, trad. Sachau, p. 27; cf. P. Alfaric, op. cil., t. n, p. 177-180. Timothée de Constantinople, De recept. turret., P. G., t. lxxxvi, col.21 .signale VÉvangile de Philippe et l’Évangile de Thomas dans la liste des Écritures manichéennes. Lc second de ces ouvrages est égale­ ment signalé par saint Cyrille de Jérusalem qui ne veut pas le recevoir; « car. dit-il. Il ne vient pas d’un des douze apôtres, mais de l’un des trois mauvais disciples de Mani. » Cateeh., VI. 31. P. G., t., xxxm, col. 593. Ccs deux livres n’ont pas une origine mani­ chéenne, mais gnostique. L’Évangile de Philippe est cité par saint Épiphane, ! livres., xxvi, 13, P. G., I. xu. col. 352, et sans doute aussi par la Pislis Sophia, 12-44. édit. Schmidt, p. 4 1, 15. L’Evangile de Thomas est signalé par Orlgènc, et par saint Hippolyte, Phi­ los., v, 7, P. G., t. xvi c, col. 3314, qui en fait un livre sacré des Naasséniens. Saint Augustin nous apprend d’autre part que les Manichéens regardent les Actes de Thomas comme des écritures tout ù fait pures et véridiques. Contra Faust,. xxn, 79 ; Contra Adim.. xvn,2. P. /. , l. xui,col. 152, 158. Cf. Bousset, Manichaische in den Thomasakten, dans la Zeitschri/l /iïr N T. Wissensch., 1917, p. 1 sq. Il dit également que les manichéens ont en haute estime les Actes de Pierre, Contra Adim., xvn, 5.1. xui. col. 161. Évode d’tTzalls reproche aux manichéens d’admettre la doctrine des Actes d'André, De fide ad man., 38, ibid., col. 1150, que Fllastrlus de Brescia regarde comme le premier des apocryphes admis par la socle, H erres., lxxxviii (60). Los Actes de Jean sont encore nommés par Fllnstrius parmi les écriture mani­ chéennes, loc. cit. Les Actes de Paul enfin étaient cités par Fauste de Mileve. Tous ces livres nous sont bien connus; car ils ont été maintes fois cités par l’antiquité chrétienne. Les uns. surtout les Actes de Jean, et ceux de Thomas ont une couleur gnostique et docète très accentuée. Les antres sont plus ortho­ doxes : encore cst-ll qu’ils devaient plaire aux mani­ chéens par les discours qu’ils renferment en faveur de la chasteté, par le mépris qu’ils affichent de la chair et de la matière. Cc n’est pas sans raison que les manichéens, sinon Mani hii-mème, s’inspiraient des ouvrages apocryphes plus volontiers que des textes 1893 MANICHÉISME, ORIGINES canoniques. Ils y retrouvaient certaines de leurs doc trines. Ces doctrines d'ailleurs n’avaient pas clé ensei­ gnées par l.i grande Église: elles étaient celles de In gnose, et on les rencontre déjà chez les niait res gnos­ tiques du second siècle, Basilide, Valentin cl Marcion. C’est encore le nom de Marcion qui s’impose avant tous les autres lorsqu'on ne se contente plus d’exa­ miner les livres rejetés ou acceptés par le manichéisme, et qu’on se met en face de la doctrine de Mani. Le fond de cette doctrine est l’antagonisme entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres. Marcion axait résolu cet antagonisme en admettant l’exis­ tence d’un Dieu bon à côté d’un Dieu Juste. Justice et bonté étaient, pour lui, les deux attributs, «lisons si l’on veut, les deux vertus opposées. Mani est, en certain sens, plus logique que Marcion, car la justice en soi n’est pas un mal. et elle n’est pas contradic­ toire de la bonté, (’.’est le mal qui s'oppose au bien: la matière qui s’oppose à la chair, l’obscurité qui s’op­ pose à la lumière. Mani n’héslle pas à faire de celte opposition quelque chose d'étemel, de nécessaire, d'immuable. La lumière a toujours existé en face des ténèbres, cl rien ne peut supprimer l’un de ccs deux principes. La guerre qu'ils se font l’un à l’autre, qui se poursuit depuis l’origine de ce monde jusqu'à la consommation des choses, n’est qu’un épisode. Avant elle, les deux royaumes coexistaient l’un a côté de l’autre. Après elle, ils recommenceront à coexister, sans se mélanger cl sans sc connaître. Le meme dualisme se retrouve, plus ou moins accentué, exprimé de diverses manières dans toutes les sectes gnostiques. Lc manichéisme apparaît donc comme une sorte de gnose, plus complète, plus logique et môme, dans son ensemble, plus simple que la plupart de celles qui l'ont précédé. Mani lui-même est apôtre de Jésus-Christ. Acta Archet., 5 et 15. p. 5 et 23; Augustin, Contra ephd. Man., 9; Contra Fetic., i, 11, P. L., t. XLiî, col. 178, 529. Il est aussi le Paraclcl annoncé par le Christ. Acta Archet., 15. p. 21. I. 3; cf. An-Nadim, dans h’Iügcl, Mani, p. 85; Birûni dans Kessler. Mani, p. 318. 11 enseigne le com­ mencement, le milieu et la lin. Il montre comment le monde s’est formé, pourquoi les jours y succèdent aux nuits, quel but poursuivent le soleil et la lune dans leurs courses lointaines. Augustin. Contra Fetic.. i, 9, t. xi.li, col. 525. C'est qu'il est le dernier des messagers divins, et qu'en lui se réalisent toutes les promesses faites par Jésus à ses Apôtres. En cc sens, le manichéisme dépend du christianisme. Il n’aurait pas étécc qu’il est, si Mani avait enseigné avant le Christ, et s’il n'avait pas connu les doctrines chrétiennes. Les textes orientaux récemment décou­ verts ont apporté ici de précieuses confirmations. Telles ou telles doctrines que l'on connaissait surtout par saint Augustin, et qui rendaient un son particu­ lièrement chrétien, celle de la Trinité, par exemple, celles qui regardent le rôle du Christ dans le salut. pouvaient sembler particulières aux manichéens d’A­ frique et avoir été influencées, à une date récente, par un contact prolonge avec le catholicisme. Lc fait que ces doctrines figurent également dans les textes de Touen-houang sullit à prouver leur caractère authentique et original. Mais le dualisme, en tant que système, n’a rien de chrétien, (l’est plutôt en Orient qu’il faut en chercher 1rs expressions les plus complètes. Le manichéisme, écrit K, Kessler, est la gnose la plus achevée, d’une part, parce qu’il emprunte à la source primitive de toutes les gnoses de l’Asie antérieure, à la religion nssyro-babylonienne. la matière mythologique la plus riche, sans aucun intermédiaire; d’autre part, parce que son fondateur Mani a travaillé cl systé­ matisé cette matière d’une façon plus conséquente 1896 que tous Ica gnostiques en en faisant un corps de doctrine. Félix dit, dnns Augustin, Contra Fetic. n, 1. P, L., t. xijî, col. 536. de V Epistola fundamenti, qu’en elle Mani a résumé Je commencement, le milieu et ia fin. En fait, sur tous les problèmes qui excitent l'intérêt religieux au sujet du passé, du présent et de l'avenir, sur tous les problèmes relatifs a la véri­ table nature de Dieu cl de l'homme, et des devoirs qui s’ensuivent de l’homme par rapport à Dieu, Mani a apporté des solutions non seulement détail­ lées. mais encore ordonnées et systématisées. Voila ce qui, jusqu’à lui, avait manqué à la gnose. Le mani­ chéisme devait ainsi, pendant le premier millénaire de Père chrétienne, exercer une profonde influence. Les anciens systèmes de l.i gnose dualiste, ceux dont Mani lui-même parle souvent, des rnarcionitcs. des bardesanites, des basilidiens, appelaient en quelque manière par leurs inconséquences mêmes la nais­ sance d’un système plus conséquent, dans lequel ils viendraient historiquement s'achever. Mani donne à l’énigme la plus troublante pour la pensée, à celle des rapports entre la nécessité dans le cours de l’univers et la libre volonté de l’homme, une solution tout à fait radicale, entièrement maté­ rialiste, quand il dit : « Il y a un bien primitif et un mal primitif, l’un et l’autre substantiels et tout s’é­ claire par le mélange de l’un cl de l’autre. » Mani est ainsi un philosophe, mais il revêt ses idées d’une foule d’images mythologiques.CcIlcs-ci, il les emprunte tout comme les anciens gnostiques, non pas à sa fantaisie personnelle, mais à un matériel préexistant, à une tradition ancienne. El celle-ci est la religion assyro-babylonienne. Toul s’explique par les rela­ tions de Mani avec Babylone et la Babylonie, dans sa vie comme dans son enseignement, aussi bien que lui-même, dans ses expressions cl scs disposi­ tions. C’est en Babylonie, dans le voisinage de Kutha qu’il est né, c’est à la Babylonie que. d’après scs propres déclarations, il a été envoyé comme prophète: c’est en Babylonie que devait résider après sa mort le chef de l’Église manichéenne. · K. Kessler, art Mani, Manichâer, dans la Protest. Hraiencyclop., 3· edit., t. xu. p. 226. Par suite, selon Kessler, tousles details delà mytho­ logie manichéenne seraient à expliquer par des sur­ vivances de l’ancienne religion babylonienne. Il doil y avoir, dans cc système absolu, une grande part d’exagération. Il est sans doute utile de rappeler que le père de Mani et Mani lui-même ont clé agrégés a la secte des moughtasilns ou baptist es, cl que le prophète a trouvé dans cette socle quelques éléments de sa propre doctrine. Peut-être sc bome-t-on à reculer le problème sans le résoudre. Et il faut bien reconnaître qu’un aveu d’ignorance reste sans doute la plus sage des positions dans l’état actuel de nos connaissances. Nous pouvons saisir sans trop de peine les rapports du manichéisme avec la gnose. Mais le problème de la gnose n’est pas encore résolu et c’est un de ceux qui méritent de retenir le plus l’attention des chercheurs. I ’Asie orientale, dans les siècles qui précèdent I ère chrétienne, et dans ceux qui la suivent immédiatement, est le creuset où sc fondent, où se mélangent, où s’éprouvent toutes sortes de systèmes cl de théories. Le manichéisme, s’il est l’œuvre propre d’un fondateur connu, s'il porte les marques de la personnalité puissante qui l’a conçu et organisé, résume aussi le travail obscur de tout un monde. Il faut croire seulement que cc système était puissant, puisque, pendant près d’un millier d’années, H est resté vivant cl cfllcace et qu’il a réussi, malgré les persécutions dont il a été l’objet, à se répandre de l’Extrême-Occidenl jusqu’à l’Ex­ trême-Orient. 1895 .MANICHÉISME MANNING 1896 lors à devenir César. Le succès répondit à scs efforts. La part prépondérante qu’il prit aux discussions de VOxjord Union lui ouvrit la perspective d’une carrière politique; ses qualités lui auraient certainement acquis à la Chambre des Communes une place de premier rang. La ruine de son père lui enleva tout espoir de CO Côté (1830-1831). Il avait alors vingt-deux ans; où diriger sa vie ? Sa famille le pressait d’entrer dans l’état ecclésias­ tique; lui-même ressentait un vague attrait, mais demeurait irrésolu. Ce ne fut qu’en 1832 qu’il se décida. L’influence de miss Bcvan. appartenant à l’évangé­ lisme, ne fut pas étrangère à sa décision; il l’appel­ lera sa mère spirituelle. Sa résolution prise, il entra, comme jclloty, au collège de Merton, à Oxford, et sc prépara aux ordres, par une élude plus sérieuse de la théologie. Son but, en renonçant au monde est de « vivre pour Dieu ct pour les Ames ». « Je doutais seu­ lement, dit-il, de l’appel divin. Je craignais de m’a­ vancer sans vocation. Mais c’était bien ct uniquement un appel de Dieu... C’était un appel ad veritatem et ad scipsum. Je l’ai éprouvé comme tel ct je l’ai suivi. > Purcell, Life oj card. Manning, 1.1, p. 93. 2° Lc prêtre anglican (1832-1851). — Ordonné le 23 décembre 1832. Manning partit le 3 janvier suivant à Lavington, où il fut suffragant du rév. John Sargent, fervent de l’évangélisme. Quelques mois après, il devenait, par suite de la mort du titulaire, curé de Lavington (mai 1832); le 7 novembre 1832, il épousait la fille de son prédécesseur, Caroline Sargent. Lorsque cette union fut brisée par la mort (21 juillet 1833), Manning se renferma dans une douleur muette, et ne chercha de consolation que dans son zèle pour le service de sa paroisse. La même année, il était nommé doyen rural et, quatre ans après, le nouvel évêque de Chichester, Shuttleworth, le nommait à l’archldlaconé de Chichester. Il conserva ce poste jusqu’à sa conver­ sion (1841-1856). il remplit ces diverses fonctions avec le plus grand zèle. Dans l’oraison funèbre qu’il prononça du cardinal, l’évêque Hedley caractérise ainsi son attitude envers l’anglicanisme : « aussi longtemps que Manning cnit reconnaître dans l’anglicanisme une partie de l’Église du Christ, il l’aima et le vénéra avec un respect tout filial, ct le servit avec succès et fidélité.» Hcinmcr, Vie du cardinal Manning, p. 31, 35. MANNING Henry-Édouard, anglican converti, L'attention de l’archidiacre sc porta particuliè­ archevêque de Westminster et cardinal (1808-1892). rement sur les missions : aidé de Gladstone, Il réalisa L Biographie.— IL Manning et les problèmes religieux la constitution d’un fonds permanent pour le déve­ de son temps (col. 1902).— HL Ses œuvres(col. 1911). L Βιοοκαριπε. - · 1° Sa jeunesse (1808-1832). — loppement de la hiérarchie anglicane dans les colonies, Henry-Edward Manning naquit à Totteridgc, le 15 et obtint la création de nouveaux évêchés; sur les juillet 1808, d’une famille très honorable : son père enfants, il entreprend une campagne, qu’il poursuivra William Manning était membre de la Chambre des comme catholique, pour l’éducation chrétienne de Communes et directeur à la Banque d’Angleterre; sa la jeunesse (1819); sur la situation de l’Église angli­ mère, Mary Hunter, était sœur du lord-maire de cane en Irlande, pour en sauvegarder les intérêts, il Londres. Ses premières années sc passèrent dans un soutient le projet accordant une dotation à l’Église romaine dans ce pays (1815). Son inlluencc était telle milieu appartenant à la High Church; les évêques de que le rév. F. Denison Maurice, libéral ct rationaliste, Londres ct de Lincoln, amis de son père, fréquentaient volontiers la maison de campagne de Totteridgc. Ce disait de lui en 1819 : · il n’y a qu’un homme... capa­ furent des idées différentes qu’il trouva à Harrow ble. s’il le veut, de sauver l’Église de la confusion où School, où il étudia jusqu’àl’âge de dix-huit ans; les elle se débat. G’est Manning. » Purcell, op. cit., t. 1. p. 131. On le disait destiné à l’épiscopal. tendances Int itudi naris tes de cette école sont bien 3° Sa conversion (1851). — La crise de conscience, connues, cf Patrick O'Byme, Lives o/ the cardinals, Londres, 1879, p. 39; il y montra plus de goût pour qui amena Manning de l’anglicanisme au catholicisme, la lecture et les exercices corporels, que pour le travail. dura de 1815 à 1859. Jusipfen 1815, rien ne pouvait Son peu de succès dans les études, et surtout les faire supposer, ni dans sa vie extérieure, ni dans les difficultés financières de son père, décidèrent celui-ci pensées qu’il jetait sur son journal Intime, qu’il sc tournerait un jour vers Home. Par sa famille cl ses a le retirer de I larrow, pour le lancer dans les affaires; Il fut sauvé par son beau-frère, John Andcrdon, qui premières relations, il appartenait à la High Church; la fréquentation de son condisciple d’Oxford, Robert s’offrit à payer scs études à Oxford, 1827. Bcvan et de la sœur de ce dernier, à Trent Park, Au collège de Balliol, il commença à faire montre de l’énergie qu’il devait manifester plus tard : aut pendant les vacances, sa collaboration avec Sargent Cxsar. aut nihil, telle fut sa devise, et il chercha dès à Lavington, en firent un fervent de l’évangélisme, (’.hr. Wolf, Manlch/rismus ante Manichaeos. Hambourg. 1707; h. de Bcnusobre, Histoire critique de ManicJtéc et du manichéisme, 2 vol. in-1% Amsterdam, 173 1 cl 1739; Mosheim. Commentar. de rebus christtanis ante Constantinum Magnum. Helmstadt, 1753, p. 728 sq. ; Chr. Baur, Dax manichaischc Rcligionssystem. Tubingue, 1831; C. Trechsel, Ueber Kannn, Kritik und Excqesc der Mani· charr, Berne. 1832; G. FlÛgel, Mani. seine Lehre und seine Schriften, Leipzig. 1862; II. von Zltlwltz, Acta disputa· tionis Archelai et Manetis untcrsucht, dans In Zeitschrift fur hislorische Théologie lieronsg. von Knhnls, 1873, p. 167-528; Obïazinskl. Acta disputationts Archelai cum Manete. Dissert., I^lpzlg, 1871; A. Geyler, Das System des Manlchdtsmus und *ein Vcrhaltnis zuin Ruddhixmus, I6nn. 1875; K. Kessler, Unlcrsuchungen zur Genesis des manichaischcn Religions· systems, 1876; A. Newman, .tn introductory Essay on the manichiran heresy. 1887; K. Kessler, Mani. Forschungen uber dir manichaische Religion, t. i. Vorunlcrsuchunqcn und Queltrn. Berlin, 1889; voir les recensions suivantes de cct important ouvrage : Th. Nôldcko. dans la Zeitschrift der deulsch. m >rqenldnd. Gesellschaft, t. xi.m. 1889, p. 535 sq.; A. Bahlfs dans 1rs Gutting. gclehrtc Anzcigrn, 1889, n. 2-3; A. Muller, dans la Theolog ischf Litrraturzcitung, 1890. η. I ; E» Rochat, Essai sur Mani et sa doctrine. Genève, 1897 ; A. Diifourcq, De manicJurismo apud latinos, Paris, 1900; A. Bruckner, Faustus von Mileur. Ein Rcilrag zur Ge· schichte des abcndlandischcn Manichdlsmus, Bille, 1901; It. Kessler, nrt. Mani. Manichaer. dans In Protest. Realm· cyclop., 3* edit., t. xii. 1903. p. 193-228; A. Diifourcq, Le néomanichélsmc et la légende chrétienne. Études sur les Gesta martyrum romains, t. iv, Paris, 1910; W. Boussct. Hauptproblcmr der Gnosis, Gœttingue, 1907; I·’. Cumont, Recherches sur le manichéisme. Bruxelles, 1908 cl 1912, fascicules 1 cl 2; A. E. de Stoop, Essai sur la diffusion du manichéisme dans l'empire romain, Gand, 1909; P. Alfaric, Les Écritures manichéennes, i. Vue générale; il. Étude analy­ tique, 2vo|., Paris, 1918; du même L'évolution intellectuelle de saint Augustin, t. i. Du manichéisme au néoplatonisme, Paris 1918, p. 65-225; P. Monceaux, l~r manichéen Faustus dt Milev, restitution de ses capitula, Paris, 1921; F. Burkitt, The religion ot the Manidurans. Donnellan lectures for 1925, Cambridge. 1925. Cct ouvrage < si très important.Son intérêt est de montrer que. depuis la décoin crie des documents de Tourfan et de Toucn-hounng, on n’a plus le droit de regarder Ie> éléments chrétiens du manichéisme comme une addition tardive h la pure doctrine primitive. Le manichéisme est une doctrine dont le christianisme n fourni quelques-unes des solutions fondamentales; .1. Schcftelowitz, Die Ent· stehung der manichdlschen Religion und des Erlôsungsmys· lcriums, 1922. G. Bakdy. 1897 MANNING dont il s’efforça, en 1835, contre l’archevêque de Can­ terbury, de maintenir l'in fluence dans la Société pour la propagation dr Γ instruction chrétienne. L'évangé­ lisme, recruté dans la Basse Église, issu d'un certain enthousiasme religieux, sans aucune base doctrinale, l’éloignait du catholicisme. Il avait quitté Oxford, lorsque Keble prononça en 1833 le sermon sur V Apostasie nationale, (pii devait avoir un si profond retentissement, et donner naissance au « mouvement d’Oxford ». Manning resta Λ l’écart du mouvement jusqu’en 1835, Il entre alors en rela­ tion avec Newman, lit les Tracts for the time, s’y inté­ resse, promet sa collaboration. Son attention commence â être attirée vers certaines idées, qui auront une influence considérable sur sa conversion : la notion d’autorité et la nécessité de la tradition. Le premier résultat fut de l’éloigner de l'évangélisme et de le rapprocher de la High Church; dans son sermon de Chichester sur la Règle de la foi (juin 1838), Il rejette le libre examen, pour lui opposer la fol de l’Église pri­ mitive ct la tradition. Il a foi en l’Église anglicane; il est persuadé de la légitimité de sa hiérarchie; elle est pour lui la véritable Église. Il lui est très attaché, bien qu’elle ne lui paraisse pas ce qu’elle devrait être; il la voudrait affranchie de l’État, indépendante dans sa hiérarchie et sa doctrine, sc gouvernant elle-même, réglant les affaires ecclésiastiques, surtout les ques­ tions doctrinales, dans des synodes provinciaux; il la voudrait plus zélée, plus attachée aux dogmes chrétiens. C’est dans cet état d’esprit qu’en 1836 il vote la condamnation du rationaliste Hampden, pro­ posé pour une chaire de théologie à Oxford, qu'en 1838 il s’élève contre les prétentions de l’État sur les biens ecclésiastiques, The principle of the ecclesias­ tical Commission examined in a letter to the bishop of Chichester, qu’il défend en 1840 l’existence des cha­ pitres diocésains menacés au Parlement. Son ministère se ressent du changement qui s’opère en ses idées; Il emprunte au catholicisme certaines pratiques. En 1838, il s’adonne à la direction spiri­ tuelle des âmes pieuses, puis, quelque temps après, entend les confessions â Lavington, â Chichester, à Oxford. Il se confesse, voyant dans la confession le* • propre précepte de la pénitence. Ce n’est que lors­ qu’on parle de confession fréquente, qu’il peut être question de simple conseil. » Lettre à IL Wilberforce, dans Purcell, op. cit., t. i, p. 496. Il est loin cependant des anglo-catholiques, et c’est â tort qu’on l’a rangé dans le parti d’Oxford. De Pressensé, Rev. des Deux Mondes, Pr mai 1896, p. 26. Il sc sépare des tractariens par son aversion pour Borne, et son attachement xi l’œuvre des réfor­ mateurs du xv!· siècle; Il reproche â Newman · cer­ taines expressions sur la suprématie pontificale dont les romanistes pourraient prendre avantage >. Lettre à Newman, 23 octobre 1839, dans Purcell, op. cit., t. t, p. 231, 232; il ne veut pas de conciliation avec l’Église catholique, conciliation tentée dans le tract 90. Après la démission de Newman de sa cure de Sainte-Marie (1813), il attaque dans un sermon d’ap­ parat, à l’université d’Oxford, l’Église romaine de façon si violente que, le lendemain. Newman refuse de le recevoir. La conversion de Newman (9 oct. 1815) le trouva toujours aussi attaché à l’anglicanisme. Il écrivait à B. Wilberforce, deux Jours avant cette conversion : < Bien ne peut ébranler ma foi en la présence du Christ dans l’Église anglicane et dans scs sacrements. Je me sens incapable d’en douter. » Purcell, op. cil., t., i, p. 504, 505. Cependant allait venir pour lui le commencement des douleurs qu’il avait annoncé à Gladstone, lorsque William Ward avait publié son Idéal d'une Église chrétienne, inconciliable avec les trente-neuf articles. 189S • Newman avait composé, au moment de son abjura­ tion un Essai sur le développement de la doctrine chré· tienne. Celle publication, les conversions nombreuses qui suivirent celle de l’ancien curé de Sainte-Marie, manifestèrent le grave danger que courait l'anglica­ nisme. On pria Manning de réfuter l’ouvrage. 11 s'y refusa; mais la lecture qu'il en fit l'obligea à reporter son attention sur deux points qui l’avaient déjà préoc­ cupé : l’unité et l’infaillibilité de l’Église. Ces deux caractères, la véritable Église devait les posséder. D’autres pensaient comme lui; beaucoup d'âmes inquiètes, prêtes à suivre les nouveaux convertis, s’adressaient à lui. Il sc vit obligé de scruter davan­ tage ces graves questions. Dès 1816, on constate sur son journal intime les premiers doutes. < L’Église d’Angleterre souffre dans sa constitution, séparée de l’Église loto orbe difjusa cl de la chaire de Pierre, assujettie au pouvoir civil; ...clic souffre dans son fonctionnement, par manque de discipline, d’unité, de vie sacerdotale chez les évêques. » Purccll. op. cil., t. i, p. 183. La maladie, l’arrachant en 1847 â scs occupations extérieure·, lui laissa plus de temps pour la réflexion; il s’étudie, scs doutes sc précisent; ils sont exclusivement d'ordre intellectuel, produits par ces deux questions : l'unité ct l’infaillibilité de l’Eglise. 11 se croit encore dans In bonne voie. Tout le rattache à l'anglicanisme, y renoncer équivaudrait à mourir. » A I.aprimaudaye, Purccll. op. cil., t. i, p. 172. Mais il ne peut vivre avec scs doutes; il veut étudier de pris les usages catho­ liques, et va passer sa convalescence â Home. l’n premier voyage, en 1838. l’avait laissé indifférent, sinon hostile; cette fois, il fréquente les églises, est reçu â deux reprises par Pic IX, rend visite a Newman qui se préparait aux ordres. Mais il rentre à Lavington, sans (pic la lumière soit faite en lui, juin 1848. I) fallut que deux faits vinssent lui montrer avec clarté l’incapacité radicale de l’Église anglicane de conserver en elle l’unité ct la pureté de la doctrine. Lord J. Bussell avait nommé à l’évêché d’Hercsford Hampden, professeur à Oxford. L'élu était rationa­ liste. Malgré de vives protestations, il fut sacré par l’archevêque de Cantorbéry. Qu’on pût sacrer évêque un incroyant, fut pour l’archidiacre de Chichester une preuve que l’Église anglicane n’avait pas l’assis­ tance du Saint-Esprit D’où viendra la foi des fidèles * Non plus de l’Église. mais du jugement privé. Pour que les évêques laissent faire, c’est qu’il n’y a pas unité doctrinale dans l’anglicanisme, qu’il n’y a plus de théologie anglicane. < Je ne puis dire que je rejette la théologie anglicane; je ne la connais plus, tout simplement, je n’y crois plus. » Purcell, op. cit., t. î, p. 161. L’abaissement ct l’incapacité de l’Église anglicane lui parurent encore plus sensibles dans l’affaire Gorham. L’évêque d Exeter avait refusé de donner l’institution pour un bénéfice à Gorham, qui niait la régénération spirituelle dans le baptême, et qui fut. pour ce fait, condamné comme hérétique par le tribunal ecclésiastique de Cantorbéry. Le Comité Judiciaire du Conseil privé, tribunal laïque, contrai­ gnit l’évêque d’Exeler Λ donner l’institution : nou­ velle preuve de l’asservissement de 1 Église anglicane au pouvoir civil, de son caractère plus politique que religieux L’archidiacre de Chichester essaya de pro­ tester, The Appellate Jurisdiction of the Crown in matters spiritual. A letter to Ashurst Turner, bishop of Chichester, Londres 1850 Mais sa voix ne rencontra que peu d’écho. Manning n’avait plus confiance dans l’anglica­ nisme : Jusque-là, il avait encore pu répondre au trouble et aux inquiétudes des âmes (pii se confiaient à lui, et les arrêter sur la pente qui les entraînait au 1899 MANNING catholicisme, en leur donnant des motifs d’ordre moral. Désormais, il s’en reconnaît incapable. Il est convaincu que l’Église est infaillible, par l’assistance du Saint-Esprit, et que celte infaillibilité ne se trouve pas dans l'anglicanisme, qui ne donne aucune Impor­ tance aux questions doctrinales. Dans ces conditions, il ne pouvait plus demeurer archidiacre de Chichester. Son évêque, Gilbert, lui ayant demandé de convoquer son clergé, le 17 nov.. pour protester contre le bref du 29 septembre 1850. par lequel Ple IX rétablissait la hiérarchie en Angle­ terre, il lui exposa son état d’âme et lui offrit sa démis­ sion. Sur les Instances de son évêque, il présida encore cette réunion de son clergé, aminci il déclara ne pouvoir, pour la première fois de sa vie, se trouver en communion d’idées avec lui. Le 8 décembre, il sc relirait de Lavington, · désolé de quitter les fidèles auxquels il avait consacré les dix-huit années de sa vie d’homme. · Purcell, op. cit., I. f, p. 598. Le 6 avril, avec sun ami Hope Scott, il abjura entre les mains du jésuite Brown bill cl, le 13, il recevait la confirma­ tion cl la communion des mains du cardinal Wiseman. On a attribué la conversion de Manning à l’ambi­ tion déçue. « Une mitre l’eût sauvé », aurait dit le princc-consort Albert. Des historiens ont repris le mot et l’accusation: IL Buddcnsicg. Manning, dans Healeneyklopü tie. 3r rd., I. xn, p. 233. Or, l'avenir pour Manning semblait bien être dans l’anglicanisme. Scs qualités, ses relations faisaient de lui un person­ nage en vue, appelé aux plus hantes fonctions. Converti, que dcvlcndmit-il ? Pouvait-il seulement espérer prendre place dans la hiérarchie catholique ? Son journal Intime nous fait comprendre quel courage il lui fallut, pour briser avec son passé et compro­ mettre son avenir. Sa conversion n’est pas due à un calcul d’ambition, elle est bien, comme il l’a dit, • une conclusion de la raison,... une conviction intime de l’âme. Une conception de la vérité, basée sur une certitude surnaturelle el vraiment divine, avait telle­ ment rempli mon cœur cl mon âme, qu’il ne s’éleva plus un seul instant l’ombre même d’un doute dans mon espril cl dans ma conscience ». Hedley, Oraison /unibre, Tablet, 1892. I. i, p. 121, cité par Hcmmer, « Thureau-Dangin. op. cil., t. m, p. 307. IL Manning it iis piiobiJmix hijjgiia.x it sociaux ni: son temps. I® Le pouvoir temporel. 2· Le concile du Vatican. 3° idées théologiques de Manning. t° L’union des Églises. 5° La question sco­ laire. 6° La question sociale. 7° Conclusion. Ie Le pouvoir temporel. — La guerre, entreprise en 1859 par le Piémont aidé de la France, avait eu pour 1903 M A X N I NG consequence l'annexion d’une partie des provinces pontificales aux États de Victor-Emmanuel (décret du 18 mars I860). Aux protestations qui s'élevèrent de toutes parts contre cette spoliation, Manning joignit la sienne, dans plusieurs conférences données à Londres, en 1860-1861. Ces conférences furent réunies en un volume, The temporal power of the Vicar o/ Jesus-Christ, Londres. 3· édit.. 1880, tra­ duction française par Chambellan, Conférences per­ chées à Londres sur le pouvoir temporel du Vicaire de Jésus-Christ, 1863. Manning considère le pouvoir temporel comme providentiellement établi pour sau­ vegarder l'autorité spirituelle du chef de l’Église, pour faciliter sa mission civilisatrice. Il combat l’argu­ ment que l’on pouvait invoquer en faveur de l’unité italienne : le principe de la distinction des peuples par nationalités. Dans d’autres conférences, en 1866 et 1867. il traita de la souveraineté temporelle des papes dans scs conséquences politiques, de Home, de la révolution. Sermons on ecclesiastical Subjects, t. in, p. 1-76. Il est convaincu que le pouvoir temporel est abso­ lument indispensable à l’exercice régulier de l’auto­ rité spirituelle. Apres la réa isalion définitive de l’unité italienne, avec Home pour capitale, on sent cette conviction s'affaiblir, et ses idées sur ce point sc modifier. Dans The fourfold Sovereignty of God, Londres, 1871. donnant comme fondement à l’intépcndancc du Souverain Pontife, le fait qu’il est le représentant du Christ, roi par excellence, et qu’il ne saurait ainsi être soumis à aucun prince, il semble admettre que cette souveraineté et cette indépen­ dance ne sont pas nécessairement attachées à un lambeau de territoire, mais qu’elles résident essen­ tiellement dans l’indépendance pleine et entière visà-vis de tout souverain séculier. « Aussi longtemps que le monde sera chrétien, le pasteur suprême demeu­ rera cc qu’il est et no sera soumis à aucune autorité humaine. C’est en quoi consiste le principe essentiel de son pouvoir temporel. * P. 169. Cependant, en 1877, The Independence of the Holy Sec, il regarde encore le pouvoir temporel comme un fait providen­ tiel. comme étant sinon absolument, du moins rela­ tivement nécessaire, pour le libre exercice de l’auto­ rité spirituelle. Il le justifie historiquement : Koine appartient plus à la catholicité qu'à l’Italie. Il invoque le témoignage d’hommes d’Étal anglais, à la Chambre des Lords, celui de lord Ellenborough (12 juin 1819), et celui de lord Brougham (20 juillet 1819). Quelques années plus tard, dans les notes manuscrites publiées par Purcell, t. n, p. 571-581. il émet «les idées tout autres sur le pouvoir temporel. Il doute qu’il soit opportun que le Saint-Siège continue à revendiquer un pouvoir qu’il ne serait plus capable d’exercer, qui tournerait contre lui la nation italienne. Une inter­ vention étrangère serait Impossible, périlleuse; une restauration «le ce genre ne peut sc faire que mediante populi italici voluntate. Quelle solution pourrait-on trouver qui donnât satisfaction à 1* Italie et à I Église, «lurlles garanties offrir à l’indépendance «lu SaintSiège ? Manning s’est abstenu «le donner ces préci­ sions. 2’ Le concile du Vatican. — Manning devait appor­ ter .i la revendication des prérogatives spirituelles «lu Saint-Siège autant d’ardeur qu’à la défense du pou­ voir temporel. On est surpris, à première vue. «le voir cet anglais cl cet anglican converti s’écarter aussi radicalement de l’altitude «le ses compatriotes et de ses anciens coreligionnaires, chez qui la méfiance envers l’étranger et l’antipathie pour la papauté étaient si fortement ancrées. Si Manning a pu passer pour le type de l’ultramontain en Angleterre, il le doit en partie à son tempérament autoritaire. Homme 1904 d’action et de volonté forte, il était tout naturellement porté à vouloir â la tête «le l’Église une autorité puissante et indiscutable. Il ne faut pas oublier sur­ tout «pie la raison déterminante de sa conversion fut l’impuissance do l’Église établie à maintenir intacts les dogmes chrétiens, par défaut d’autorité. Trouvant celte autorité dans l’Église romaine, il l’accepte et s’y soumet, comme étant le seul moyen «le sauvegarder la foi; il la revendique dans sa plus forte expression, l’infaillibilité pontificale, < plus préoccupé «le l’étendre que d’en fixer les limites ». Thureau-Dangin, op. cil., t. m, p. 118. Tout cc «pii peut affermir et augmenter le pouvoir pontifical, lui parait juste et devoir s’imposer. Dès le premier synode, qu’il réunit après sa nomi­ nation au siège «le Westminster, il publie sans aucune restriction le Syllabus et l’encyclique Quanta cura, qui avaient été promulgués l’année précédente. Dans une conférence de 1868, The Syllabus, Sermons on ecclesiastical Subjects, l. m, p. 77-101, il donne aux condamnations portées par le Syllabus une valeur nettement dogmatique : erreurs relatives à la foi cl aux mœurs, dans lesquelles l’Église et son chef jouissent du privilège «le l’infaillibilité. En 1867, il commence une campagne très active pour la définition du dogme de l’infaillibilité ponti­ ficale. Sc trouvant à Home, pour les fêles du dix-hui­ tième centenaire «lu martyre des saints Apôtres Pierre et Paul, il fait vœu avec l’évêque de Katisbonne, de travailler à faire définir cc dogme au prochain concile. Il prenait place dans le parti extrême, « qui voulait une infaillibilité à peu près illimitée, l’attribuant aux moindres directions du pape; refusait aux théolo­ giens le droit de discuter et d'interpréter le sens et la portée «le chaque acte pontifical ·. Thureau-Dan­ gin, op. cil., t. m, p. 117. Il se mit immédiatement à l’œuvre. Dans une lettre pastorale du 8 septembre 1867, The Centenary of St Peler, traduction française, Le centenaire de saint Pierre et le. concile général, Lettre pastorale à son clergé, suivie de trois bulles de Sa Sainteté le pape Pie /X, relatives au con­ cile, 1869, il démontre l’infaillibilité par les preuves classiques : plénitude du pouvoir spirituel donné à saint Pierre, indépendamment «les autres apôtres, avec mission et grâce pour enseigner et expliquer les vérités de la foi ; permanence de cc pouvoir dans scs successeurs. Dans une seconde lettre pastorale The (ecumenical Council and the Infallibility of the Roman Pontiff, traduction française. Le concile reçu· ménique et l'infaillibilité du Pontife romain. Lettre pastorale, 1870, il s’attache surtout à montrer l’op­ portunité de sa définition, et à exposer les faits sur lesquels s'appuie la croyance de l’Église, choisis­ sant ses preuves. «le préférence parmi les scolastiques anglais, comme Thomas Bradwardinc et Anselme de Cantorbéry. La même année, il prononce un sermon pour réfuter les objections populaires, Popular objec­ tions to the Vatican Council, Sermons on ecclesias­ tical Subjects, t. m, p. 101-127.En plus des objections populaires, Manning travaille à repousser les attaques «les théologiens : dans un appendice à sa sccontk lettre pastorale, il réfute l’ouvrage de Mgr Marot, Du concile général cl de la paix religieuse, remet au point une mauvaise Interprétation que Mgr Dupanloup, dans ses Observations sur la controverse soulevée relativement à la définition de T infaillibilité au pro­ chain concile, avait faite de sa lettre pastorale; Il poursuit énergiquement le livre de Janus, Du pape et du concile. Son ardeur le poussait à accepter une discussion publique avec un presbytérien John Cum­ ming, qui l'en avait prié, itomc y fil opposition, offrant toutefois dé désigner une commission de théo­ logiens, qui discuteraient avec John Cumming cl 1905 résoudraient les objections soulevées par les protes­ tants contre l'infaillibilité. Collectio Lacensis, t. vif, col. H 11-11 16. Ces préliminaires laissent supposer la part très grande (pie devait prendre Manning au concile. Il lit partie de deux commisions, de la commission chargée d’examiner les propositions étrangères à l’initiative du souverain pontife (l'infaillibilité en faisait partie); et de la députation de fide; il fut choisi pour cette commission par les évêques ita­ liens; scs compatriotes lui avaient préféré Grant, de Southwark. L'influence de l’archevêque de West­ minster fut prépondérante dans la décision prise par la commission de postulatis, de prier le souverain pontife de soumettre au concile la pétition relative à la définition de l’infaillibilité; l'assemblée reçut la requête, signée de quatre cents évêques, le 20 jan­ vier 1870. Collectio Lacens,, t. vu, col. 921. Les discussions cependant n’étaient pas closes : la minorité s'efforçait par toutes sortes de manœuvres, de mesures dilatoires, d’empêcher la définition. L’intervention des puissances surtout était à craindre. Pour agir efficacement auprès du gouvernement anglais, Manning obtint d’être relevé du serment de discrétion. Il put ainsi renseigner, par lettre, Glad­ stone, agir sur l'agent diplomatique anglais â Rome, Odo Russell, qui tenait au courant le ministère des affaires étrangères, contrarier l’influence néfaste de lord Acton qui, de Rome, envoyait des rapports défa­ vorables. Il parvint ainsi à faire repousser par le cabinet anglais les propositions du prince de Hohenlohc, président du cabinet bavarois, qui avait sollicité le gouvernement anglais de prendre l'initiative d’une intervention des puissances européennes, dans le but de défendre les droits des États ayant des sujets catholiques, contre les empiétements du concile. Les actes du concile ne signalent qu’une interven­ tion de Manning, au cours de la discussion. Collect. Lacens., t. vu, col. 7*16; son action s'exerçait surtout sur les membres de la minorité. Il donna son placet au vote solennel. 18 juillet 1870. Le concile terminé, il explique et défend la définition. Le 13 octobre 1870, il publie une lettre pastorale, The Vatican Council and ils definitions, où il expose le véritable sens de la formule conciliaire, porte des censures contre les négateurs, explique l’altitude des opposants au concile, gardant toute sa sévérité pour les prin­ cipes théologiques de Janus. Cette lettre pastorale fut réunie à celles de 1868 et 1869, en un volume intitule : Pétri Privilegium, Three pastoral letters to the Clergy o/ the diocese, 1871. Après le concile, la lidélité des sujets catholiques anglais avait été mise en doute par Gladstone, qui la croyait incom­ patible avec les décisions prises au Vatican. Il les sommait d’avoir â se justifier : The Vatican decrees in their bearing on cioil allegiance. .1 poli­ tical exposition, Londres, 1871. Cette attaque four­ nit â Manning l’occasion d'éclairer la nation anglaise. Dans une lettre au Times, le 7 novembre 1871, il affirme (pie · les décrets du Vatican n’ont pas changé un iota aux obligations et aux conditions de l'allé­ geance civile. · Il développe cette idée dans : The Vatican decrees in their bearing on civil allegiance, Londres, 1875. Il ne lui fut pas difficile de mettre au défi l’ancien ministre d’appuyer ses attaques sur un seul fait précis, ni de montrer que les catholiques, attachés A leur foi, .seraient les plus fidèles des sujets. Gladstone finit par le comprendre, puisqu'on 1890 il proposa de rendre accessibles aux catholique les charges de lord-chancelier d’Angleterre et de viceroi d’Irlande. Pour parfaire son œuvre, il ne resta plus Λ Manning qu’a écrire une histoire du concile du Vatican. Il · DI CT. DE TlUtOL, CATIIOL. 1906 le fit sur les instances de scs amis, désireux de voir replacer dans leur vrai jour les faits dénaturés par les adversaires : The true story of the Vatican Council. 2· édition, Londres, 1878, traduction française, Nothomb, L'histoire vraie du Concile du Vatican, Paris, 1877, ouvrage composé surtout Λ l’aide de scs souvenirs personnels cl du · carnet de notes d’un éminent et savant évêque du concile ». L’attitude de Manning dans la question romaine et au concile du Vatican lui a valu d’étre considéré comme < le type de l’ultramontanisme anglais·. R. Buddcnslcg, dans Protest. Ilealencyklopâdie,3·édit., t. xu, p. 230 et 233. Cela est exact pour les premiers temps de son épiscopat, et nous en avons donné plus haut l’explication. Cependant on soit, à un certain moment, Manning supporter difficilement l'interven­ tion de Rome dans les affaires d'Irlande et d'Angle­ terre. Il semble bien que ses idées sur l’exercice du pouvoir pontifical aient subi la même évolution vers une conception plus modérée, comme nous l’avons vu faire pour la question du pouvoir temporel. De certaines difficultés personnelles avec le Saint-Office, (affaire de Mgr Cap I), des directions, données par Léon Xlii aux catholiques irlandais, condamnant le fénianisme, alors que lui-même était partisan du Home raie, et favorable au < Plan de campagne » de Parnell, il conclut que Rome n’a pas toujours été bien renseignée et éclairée et a manqué parfois de prudence. Notes autobiographiques, dans Purcell, op, cit„ t. n, p. 625, 626. C’est pourquoi il voit avec mé­ fiance la mission de Mgr Persico en Irlande, celle de Mgr Ruflo Scilla, envoyé par Léon XIII, en 1887, pour apporter les compliments du pape A la reine, à l’occasion de son jubilé. Surtout.il sc montre oppose à l’envoi d’un nonce en Angleterre : la présence per­ manente d’un représentant du Saint-Siège en Angle­ terre serait inutile et nuisible. « Quel bien pourrait faire un légat, que ne pourrait faire infiniment mieux un évêque, avec plus d’efficacité et sans provoquer de suspicion et d’antagonisme populaire ? » Envoyer un nonce en Angleterre, cc serait mettre fin à l’indu pendance de l’Église vis-à-vis de l’État, mettre la nomination des évêques sous la dépendance du pou­ voir civil, ruiner l’influence que l’Église tient de sa liberté. Rome d’ailleurs sera mieux renseignée par les évêques anglais, que par un représentant officiel qui ne fera que présenter les vues du gouvernement. • Le peuple anglais peut supporter un envoyé spé­ cial pendant un jour ou deux; mais la présence perma­ nente d’un légat serait la ruine de toute mon œuvre en Angleterre, durant les trente dernières années. · Purcell, op. cit„ t n, p. 711. < Nous lâcherions la proie pour l’ombre, écrit-il dans une note du 10 juil­ let 1887,si nous risquions la liberté fondée sur l’éga­ lité devant la loi, pour l’avantage de quelques rela­ tions diplomatiques. » Ibid., p. 712, 713. Tout cela n’est pas faux. .Mais ne peut-on pas voir, sous l’ex­ pression d’idées justes, un peu le mécontentement du primai d’Angleterre, de l’homme autoritaire, qui craint de voir son importance et son autorité diminuées par la présence à Londres d’un représentant direct du Saint-Siège ? Ce changement dans les idées du cardinal, bien qu’il ne se manifestât pas publique­ ment. déplut à la curie. Manning raconte lui-même que le directeur d’une publication éditée par les jésuites a reçu pour consigne ■ de ne pas prononcer avec éloge le nom du cardinal Manning ». ThureauDangin, op. cit., t. m, p. 258. 3° Idées théologiques de Manning. — Son premier ouvrage est formé de quatre conférences prononcées, en 1856, à l’église cathédrale de Saint-Georges, a Southwark, devant un auditoire composé en grande partie d’anglicans. The grounds o/ Faith, traduction IX. — 61 1907 Μ Λ N Nί NG française, Les fondements de la foi, Tournai, 1859. On y rencontre, exposées avec soin, les idées qui ont provoqué la conversion de l'auteur.Lu vérité religieuse doit être définie et certaine. Aucune doctrine n'oflrc ces caractères, si cc n’est · la doctrine intégrale, gravée, non parla main de I homme, mais par l’Esprit de Dieu, dans la raison illuminée de l’Église, et venue jusqu’à nous, parfaite et entière ». Fondements de lu foi, p. 23. il n’y a qu'un témoin autorisé de la Tradition, qui est l’Église : l'Écrilurc, interprétée par le fidèle, est insuffisante! elle n’a de valeur qu'ex­ posée par l’Église, par l’Église universelle, incarnée dans l’Église de Home. L’Église est un témoin divin et infaillible; et c'est parce qu’il s’est trouvé dans l’Église anglicane des théologiens qui se sont appuyés < sur la règle de Vincent de Lérins, c'est-à-dire sur cc qui fut cru de tout temps, en tous lieux, par tous les hommes. ...qu’ils ont pu entretenir l'illusion que celte Église faisait encore partie réellement du grand empire catholique, reposant sur l’unité et l’infailli­ bilité de l’Église de Dieu... illusion qui cul un cITct providentiel... mettre obstacle à la licence protes­ tante, remener les hommes à l’autorité et leur mettre entre les mains un moyen d’épreuve. » Fond, de lu foi, p. 65-67. L'Église universelle a seule autorité pour décider du vrai sens de la vérité révélée, pour terminer les controverses doctrinales. L'absence de cette autorité, le libre examen, ont pour conséquences inévitables d’obscurcir la révélation, de dissoudre l'unité de l’Église, d’enlever à l'Écrilurc son carac­ tère surnaturel. Des Fondements de lu foi, il faut rapprocher une brochure publiée à la fin de sa vie, Religio viatoris, Londres 1888. petite apologie populaire, où il expose les quatre motifs de la foi : l'existence de Dieu, prou­ vée par la raison; la foi en une révélation, réclamée par le sens moral et la conscience; la présence de cette révélation dans le christianisme; le véritable christianisme, démontré par la raison et l’histoire dans le catholicisme. La meilleure preuve du catholicisme est l’Église elle-même : elle sc rend témoignage à elle-même. « Enlevez du monde l’Église catholique romaine, et II se fera un vide que l’on ne pourra plus combler. · Relig, viat., p. 76. Cette dernière idée est développée dans une autre élude apologétique de la mémo année. The Church, its own witness, dans Misai., t. m, p. 131 sq. L'autorité de l’Église, ses prérogatives, sou action surnaturelle s’expliquent par la présence en elle du Saint-Esprit. The temporal mission of Holy Ghost, Londres. 1865, traduction française par .L Gondou, La mission temporelle, du Saint-Esprit, ou liaison et Révélation, Paris, 1867. Le Saint-Esprit exerce dans l’Église la mission qu’il a reçue du Père et du Fils, il complète la révélation, il est la véritable cause de l’unité de l’Église. Manning examine, sous scs diffé­ rents aspects, la mission du Saint-Esprit : son action dans ΓÉglise, les rapports de In raison et de la révé­ lation, I Écriture dont l’inerrance est garantie par le Saint-Esprit, el qui est interprétée infailliblement par l’Église enseignante, la transmission par l’Église de la doctrine révélée, doctrine toujours vivante. • Fixe et permanente dans tous les dogmes fonda­ mentaux. qui expriment l’ordre éternel et immuable des vérités divines et des faits divins, la théologie . dogmatique est progressive dans toutes scs opéra­ tions secondaires de définitions el de déductions. » Mission of H. G., p. 299. Le Saint-Esprit agit tout particulièrement dans le chef de l’Église. Le Christ « enrichit le pontife de grâces extraordinaires et lui procuro l’assistance du Saint-Esprit, dont il est l’or­ gane dans l’Église cl dans le monde. Toutes les preuves divines et humaines, toutes les lumières naturelles 1908 et surnaturelles qui illustrent et éclairent la révéla­ tion divine, qui en défendent et en conservent la lettre cl l'esprit, se trouvent par un don spécial réunies dans le chef visible de l’Église. » Mission of IL G . p. 191· te L'union des Cytises. Les idées de .Manning sur la réunion de l’anglicanisme au catholicisme sont exposées dans England and Christendom, Londres, 1867. Cet ouvrage contient, après une introduction, où il expose les principes qui le guident dans cette question, deux lettres à un anglican sur l’attitude de la couronne envers les auteurs d'Essays and Rewievs et envers Γ Xssemblée du clergé et de la pro­ vince. The Crown in Council on the Essays and Re­ views, The Convocation und the Crown in Council, p. 1-81; une lettre de 1861 à Puscy, sur l'action du Saint-Esprit dans l’Église d’Angleterre, The Workings of the Holy Spirit in the Church of England, p. 81-137; et une lettre pastorale (1866) sur la réunion des Églises de la chrétienté. The reu­ nion of Christendom, p. 137-227. Le principe auquel Manning sera toujours lidèle, est qu’il ne saurait être quest ion de pourparlers entraînant des conces­ sions, des transactions doctrinales de la part de l’Église romaine : l’Église catholique, infaillible, ne saurait abandonner aucune parcelle de la vérité révélée: cc n’est que par l'acceptation intégrale de la doctrine romaine que l’union peut se faire. Aussi n’a-t-il aucune confiance dans les tentatives faites par les anglicans dans Γ Association pour procurer la réunion drs diverses parties de la chrétienté, fondée en 1861, et condamnée d’ailleurs par Home, ni dans la démarche faite, après cette condamnation, par 198 clergymen, auprès du cardinal Patrizi. L’Église anglicane qui a tant varié depuis le xvp siècle, qui admet les opinions les plus extrêmes, ne peut prétendre être un rameau légitime de la véritable Église; la réunion en corps est une chimère. Il ne faut pas oublier que « l’Église d’An­ gleterre représente seulement une. moitié du peuple anglais, que l’école anglicane représente seulement une portion de l’Église d’Angleterre; que le mouve­ ment anglo-catholique représente seulement une sec­ tion de l’école anglicane, et que le mouvement unio­ niste représente seulement une fraction de celte section... » The reunion of Christendom, p. 18 sq. Les tentatives faites pour mettre les· trente-neuf ar­ ticles * d’accord avec le concile de Trente ont échoué; le ritualisme met le libre examen sous la protection des cérémonies religieuses, .le ne puis comprendre l’attitude passive de ces hommes qui sont indiiTércnts a la négation d’articles de foi tels que la grâce du baptême, mais qui étalent, en revanche, un zèle exa­ géré pour l’ornementation extérieure du culte cl pour les vêlements ecclésiastiques. » Lilly, Charac­ teristics of Manning's writings, p. 211. Le zèle des catholicpies doit donc se porter sur les individus, de façon à atteindre tous les dissidents rt à sauvegarder l’intégrité de la doctrine catholique. « Nous ne pouvons offrir l’unité qu'à la seule condition sous laquelle nous en sommes les possesseurs : sous la condition d’une soumission absolue, non condition­ nelle. à la voix vivante et perpétuelle de l’Église de Dieu. Si celte condition est repoussée, ce n’est pas nous cpii mettons obstacle à l’unité, car ce n'est pas nous qui avons imposé cette condition : relui qui l'impose, c’est l’Esprit de vérité, qui réside dans l’Église ù toujours. > Lettre pastorale sur la réunion des diverses parties de la chrétienté, trad. Falchnagnc, p. 23. Pour obtenir ces conversions d'anglicans à la vraie fol, Manning préconise l’exposé de la vérité; il rejette les discussions, comme étant plus aptes à détruire qu’a édifier; en fait de controverses, Il n’ad­ met que celles qui sont nécessaires pour défendre 1909 Μ \NNINC. la doctrine attaquée ou défigurée, souvent de bonne foirf par les dissidents. Celle lactique réussit A Manning. 5· La question scolaire, 1 Les écoles élémentairt i, La question se posa n partir de 1870, Jusque-là, les écoles étaient facultatives et confessionnelles; la loi scolaire de 1870 établit l’école obligatoire et laïque. L’fitat fonde des hoard schools, écoles officielles laïques OÙ n'est donnée aucune notion de religion positive : la seule lecture de la Bible y est autorisée. Lo nouvel état de choses établissait une inégalité choquante entre les écoles officielles et les écoles libres. Les pre­ mières. grassement rétribuées, étaient facilement acceptées par les dissidents, unitariens, presbyté­ riens, luthériens, non conformistes, qui formaient la minorité de la nation et appartenaient h la classe riche; tandis que les anglicans, les méthodistes et les catholiques, majorité de la nation, et, en général, de situation plus modeste, ne pouvaient, pour des raisons de principe impérieuses, accepter celle neutralité scolaire, dangereuse pour la foi; les écoles libres sc trouvaient dans l'impossibilité de lutter à ar­ mes égales avec les écoles officielles. Cf. Catholics and Hoard Schools, dans Dublin Review, îll’scr.. l.i, p. 126. Cette situation ne pouvait laisser Manning indif­ férent. « Γη enfant chrétien a droit â une éducation chrétienne, un enfant catholique à une éducation catholique. » Lemire, Manning cl son action sociale, p. 139. Ce principe, il le défendra dans plusieurs articles, en janvier 1883. dans \c Month: The Future / Reviews. _ _. L. MaRCHAL. MANSI Joan Dominique, prélat cl érudit italien (IG92-1769). — Il naquit à Lucques, le 16 février 1692, d’une famille patricienne; jeune encore, il entra dans la Congrégation des Clercs de la Mère de Dieu et fut professeur de théologie à Naples. L’archevêque «le Lucques le rappela près de lui, mais, savant déjà connu, Mansi voyagea beaucoup en Italie, en France et en Allemagne pour des recherches historiques, et, à Lucques même, il fonda une Académie consacrée spécialement à l’étude de la liturgie et à l’histoire ecclésiastique. Ses travaux attirèrent l’attention de Clément XIII, qui. en 1765, le nomma archevêque de Lucques. Il mourut dans cette ville le 27 septembre 1769. Les ouvrages de Mansi sont très nombreux et sup­ posent tous une grande érudition. 11 a traduit en latin le Dictionnaire de la Bible, les Dissertations pré­ liminaires et le Commentaire sur Γ \ncicn et le Nou­ veau Testament de dom Calmct; il a édité, avec des notes et des préfaces, le Traité de la discipline de l'Eglise de Thomassin. les Annales ecclésiastiques de Baronins, avec les notes de Baluze et des critiques, V Histoire ecclésiastique de Noël Alexandre et celle de Graveson, la Théologie mantle du Γ. Anaclct RciiTcnstuel et celle du jésuite Layman, le Martyrologe hicronymien, les Miscellanea de Baluze et la Bibliotheca mediae cl infima: latinitatis de .1. Alb. Fabricius, il a ajouté des Notie tumultuaria: (ainsi appelées, parce qu’il les avait rédigées à la hâte) ù la Ie édition d’un ouvrage de Mencke, intitulé : De charlatancrta eruditorum declamationes dita·, cum notis variorum; accessit epistola Sebastian i Stadelii (Christ. Ange Hettmanii), ac tandem, supplementi loco, in hac edi­ tione adjecta: sunt N. (Joannis Dominici Mansi) notte tumultuaria:, I· édit., in-12, Lucques, 1726. Enfin, Mansi a publié : Tractatus de casibus ct excom­ municationibus episcopis reservatis, in-l°, Lucques, 17*21 et 1739: De epochis conciliorum Sardiccnsium ct Sirmiensium, in-8”, Lucques, 1716 (d’après Mansi, le concile de Sardique se tint en 311; le P. Mamachi soutint, avec l’opinion commune de cette époque, que ce concile n’eut lieu qu'en 317, mais Mansi main­ tint sa première thèse dans une seconde dissertation. Lucques. 1719); Epitome doctrinae moralis ex operibus Benedicti XI V deprompta, Venise, 1770; en Un. Mansi avait publié, en 1752, Pii II orationes polilicir ct ecclesiastica’. Livourne, 1752, où l’on trouve beau­ coup de pièces alors inédites. .Niais l’œuvre capitale de Mansi est la grande (’oi­ led ion «les conciles dont les derniers volumes ne parurent qu'après sa mort. On possédait déjà plusieurs collections de conciles, en particulier, celle de Labbc et celle du P. llardouin. L’édition Colcti. 23 vol. Μ Λ XSIÉTI ι>ι: 1916 in-fol., Venise, 1728-1733, reproduit l'édition de Lnbbc, avec quelques légères additions. Mansi ajouta d’abord un Supplement en 6 vol., 1718-1752, sous le litre : Ad Concilia Veneto l.abbuana supplementum; puis, un peu plus tard, un second Supplément. Mais alors Mansi entreprit une refonte complète de la collection. Le premier volume parut à Florence en 1759 el la collection comprit 31 volumes in-folio, parus de 1759 à 1798, sous un titre un peu long, mais qui en indique nettement le caractère : Sacrorum Conciliorum nova et Amplissima collectio, in qud, pricier ta qua: Philipp, Lab bonis et Gabr. Cossartius, S. J, el novissime Nicolaus Colcti, in lucem edidere, ea omnia insuper, suis in locis, optime disposita exhi­ bentur, qtuc Joannes Dominicus Mansi Lucensis, Congregationis Matris Dei, evulgavit. Editio novis­ sima ab eadem Patre Mansi, potissimum favorem etiam ct opus pnvstantc Emmo Cardinati Dominico Passionet, Sanctic Sedis apostolica· bibliolhccario, aliisque diam eruditissimis viris manus auxiliatrices teren­ tibus curata, novorum Conciliorum, novorumque docu­ mentorum additionibus locupletata, ad mss. codices Vaticanos, Lucenses, aliosquc recensita et perfecta \cccdunt nota: ct dissertationes quamplurinux, quw in reteris editionibus desiderantur, 31 vol. in-fol., Florence, 1759-1798. Cette œuvre, malgré ses belles promesses, n été sévèrement jugée par dom Quentin. Jean Domi­ nique Mansi et tes grandes collections conciliaires, in-8®, Paris, 1900, p. 77-186. Dom Leclercq, dans son édition de ΓHistoire des Conciles de Hcfcle, t. i. ρ. 112. écrit : « œuvre manquée, VAmplissima cons­ titue. dans le domaine de l’érudition, une véritable mystification scientifique. Elle reproduit toutes les éditions anterieures et ne les supplée pas. Les erreurs fourmillent et l’énorme masse est d’un maniement presqu’Impossible, faute de tables. Le sens critique est absent d’un bout à l’autre. C'est une œuvre à refaire. ■ Tout récemment, en 1900, une nouvelle publica­ tion a été entreprise, qui reproduit, en fac-similé, par les procédés anastatiques, les 31 volumes de VAmplissima Collectio de Mansi et poursuit, do 1129 à nos jours, le recueil des conciles; cette œuvre, inter­ rompue en 191 I. reprise depuis 1921. comprend aujour­ d’hui 47 volumes in-folio dont quelques-uns sont dédoublés. Elle doit s’achever tout prochainement. Michaud, Biographie universelle, t. xxvi, p. 371,375; Hœfcr, Nouvelle biographie générale, t. xxxm, col. 259; l’rllcr-Pérennés, Biographie universelle, t. vm, p. 115; Picot, Méinnirt-s pour servir à l'histoire ecclésiastique /ten­ dant le XVI II siècle, 3^ MIL, Pari-». 1853-1857, t.iv, p. 163, 164; AntoineZntta, Commrntarla de vita et scriptis Joannis Dominici Mansi, in-fol., Venise, 1772; lUchurd et Giraud, Bibliothèque sacrée, t. xvi. j>. 6 I, 65; IL Quentin, .Iran Domi­ nique Mansi r( Its grandes collections conciliaires, Ihirh, 1900; Leclercq, Histoire des conciles d'Ilcfrlr, t. i, Paris, 1907, p. 111-11 I; Kirchcnlcxicon, L vm. col. 626, 627. J. Carri yhl. L Notion. IL Mansuétude et clémence. III. Excellence de la mansuétude. IV. Pratique de la mansuétude. L Notion. - On considère La mansuétude ou dou­ ceur sous les traits tout â tour d’une vertu, d’une béati­ tude ou d'un fruit de ΓEsprit-Saint. Nous l’envisageons ici comme la vertu morale qui nous aide à contenir la colère ct ses mouvements impétueux, qui étoufie rn son germe le désir de la vengeance. La mansuétude est une annexe de la vertu cardinale de tempérance, dont elle imite le rôle modérateur. Au trouble qu’engendre la passion de la colère clic oppose le calme de la raison ct la maîtrise de sol. Elle a. par conséquent, pour elïet de produire au dedans de nous l’apaisement ct de faire régner au dehors dans les rapports avec le pro­ chain. une charitable entente. MANSUÉTUDE. 1917 MANSU ETUDE II. Mansulti m i.t < u.miaci:. - On rapproche assez souvent la mansuétude de la démence; cepen­ dant elles ne coïncident pas, leur matière étant dis­ parate. SI parfois elles se rencontrent, ce n’est qu’in· directement et par une convergence d'effets. Au lieu que l’une réprime au dedans la colère, l’autre a pour objet de diminuer les peines ct les sanctions extérieures qu'une faute a fait encourir. La mansuétude convient à tous les individus sans distinction, aux particuliers autant qu'aux hommes publics, la clémence est l’apa­ nage des princes ct des magistrats, ou de ceux qui exercent la justice vindicative, auxquels appartient le droit de punir. La règle observée par chacune est la raison, la mansuétude empêchant que l’homme se laisse entraîner par la colère ù quelque action désor­ donnée, contraire â son devoir, la clémence s'appliquant à corriger les sévérités excessives de la loi. à ne punir que dans la mesure nécessaire, inclinant plutôt à lindulgcnce dans les limites d’une juste répression. Comme la vertu, par définition, sc règle, d’après la raison, ni la mansuétude ni la clémence ne sont opposées à une sévérité raisonnable. La douceur calme les colères irréfléchies, mais sans intervenir dans les peines à infliger; quant à la clémence, pourvu qu’elle ne verse pas dans son contraire, qui est la dureté, la cruauté ou l’inhumanité, elle peut être sévère, par souci de In Justice, en vue d’amender un coupable ou par une exigence du bien général. III. Excellence de la mansuétude. Selon saint Thomas, la mansuétude ct la clémence ne sont pas les plus excellentes des vertus, mais elles occupent un rang do choix entre celles qui domptent les mau­ vais instincts. La passion de. la colère, si rien ne conte­ nait ses emportements, ne brisait ses violences, ferait perdre à l’âme sa contenance intérieure, lui ôterait le Jugement. La douceur domine précisément les orages ct les troubles du dedans; elle permet à la raison de sc conserver calme et maîtresse d'elle-même. Quant à la clémence, dont c’est le propre de diminuer les sanc­ tions cl les peines, elle paraît tenir de la charité, elle y accède. La mansuétude, dit saint Thomas, favorise d’une double façon la connaissance de Dieu, non seulement parce qu’elle donne à l’homme de se posséder lui el toutes les ressources de son esprit, mais encore parce qu’elle ne contredit pas la vérité. « Bienheureux les doux, parce qu’ils posséderont la terre », a prodamé de mémo le divin Sauveur. Au point de vue social, rien n’égale le charme et la bienfaisance de la vertu de mansuétude. C'est une force suave, qui non seulement aide chacun a se vaincre, mais qui sc répand au dehors en œuvres bénies, qui sentent le bon cœur, l’esprit bon, la bonne humeur. IV. Pratique de la mansuétude. Grâce a la mansuétude, la colère ne so déchaîne que quand il faut, qu’autanl qu’il le faut, pourquoi il le faut, et contre qui il lu faut. Toutes les industries propres â assurer ce résultat sont dignes d’être notées. En voici quelques-unes. C'est justice ct sagesse de ne sc point mettre en colère pour des choses petites et de peu d’importance, â plus forte raison pour des choses qui ne sont point avérées, reconnues, combien davan­ tage contre des choses bonnes et louables. 11 importe souverainement de ne point s’irriter contre Dieu, â cause do son infinie majesté el par crainte do scs redoutables châtiments, non plus contre les grands de la terre dont il faut appréhender ct révérer la puis­ sance, ni contre ses parents auxquels la piété liliale assure tout respect. Il serait honteux de se courroucer contre des enfants, à qui le jugement fait défaut, contre des femmes dont il est sage de supporter la faiblesse, de mépriser les injures et les paroles conten­ tieuses. Ce serait dureté de cœur de se fâcher contre MANTOUE 1918 des misérables plutôt dignes de commisération, vice de charretier de s'emporter contre les créatures sans raison, défaut de. tout sens évangélique de corriger amèrement des pénitents qui s’humilient et qu’il im­ porte de ne pas jeter dans le désespoir. Une règle encore à la faveur de laquelle la colère s’eteint peu â peu, consiste à réprimer nu dedans les mouvements du cœur, sans les laisser paraître par aucune plainte, injure ou menace. Enfin, l’apôtre saint Paul recom­ mande aux chrétiens de ne jamais s’endormir dans la colère : · Que le soleil, dit-il, ne sc couche pas sur votre colère. · Eph., iv, 26. Autrement, après l’examen de conscience du soir, regrettons tout au moins de nous être troublés ct passionnés pendant le jour. Saint Tlioums, Summn Ihrolnglca, III·, q. rj.vn; Cajétnn, Sanctt Thorrw Aquinatis opera omnni jussu l^mnis XIII 1*. M. édita, rum commentariis Thoma* dr Vio Cafetani ordinis praedicatorum, cardinalis, Rome, 1809; K Bail, Iai théologie a/Jrctiuf, Paris, t. m, p. 402-405; Sertillange·*, Jm philosophie morale de saint Thomas d*Aquin, Paris, 191 G, c. xv, p. 496-503. A. Thouvenin. MANTELS Jean, désigne sous le nom de Man- telius, historien et écrivain ecclésiastique belge (15991676). — Né â Hassclt (Llinbourg belge), il entra, en 1617, chez les auguslins, où il occupera des charges importantes. A partir de 1631, il sc livre tout particu­ lièrement â la prédication, où il connut de beaux succès, il se retira dans sa vieillesse au monastère de sa ville natale où il mourut le 23 février 167G. — Outre quelques ouvrages de dévotion ct do piété. Mantels a laissé plusieurs traités qui intéressent le théologien : 1. Ars artium sive de regimine sanctimo­ nialium diatribe, Anvers, 1610. — 2. De officio pasto­ rali libri duo, ad eorum pruri pue instructionem qui ores Christi ruri pascunt, Anvers, 1643. 3. D. Augus­ tinus de venerabili eucharistia, sive de augustissimo corporis cl sanguinis Domini mysterio, qua sacrifi­ cium et sacramentum est, quid catholicus sanctu Ecclesia* doctor senserit libri duo, Liège, 1655. — Les autres travaux de Mantels sont relatifs à l'histoire locale, celle de sa ville natale. Hassell, cl celle du comté de Looz. monographies fort estimées par les historiens belges. Foppciu. Bibliotheca Belgica, Bruxclk*. 1739. t. I, p. 686,687; Valèrc André, Bibliotheca Belgica, 2· édit.» Louvain. 1713. p. 532; Paquet, Mémoire* pour servir û l'histoire littéraire des Pays-Bas, t. ix, Louvain, 1767, p. 27S290; J. J. Thonisscn. art. Mantels dans la Biographie natio­ nale de Belgique, l. Mil, Bruxelles, 1891-1895, col. 403-407. É. Amann. ΜΑΝΤΟ UE (Le bienheureux Baptiste de) gé­ néral dos carmes, philosophe, théologien ct poète insigne de la Renaissance (1117-1516). - L Vie. IL Œuvres. L Vu:. - Le bienheureux Baptiste Spagnuli, dit le Mantoiian. Mantuanus, naquit à Mantoue le 17 avril 1 117, d'après Bale (ms. llarlcy 1819, fol. 123* ct ail­ leurs) el le K. P. Benedict Zimmerman, en 1118 d’après d’autres. Il était le fils aîné de Pierre .Modover, surnommé Spognoll, noble espagnol au service de la cour des ducs de Mantoue, ct de Constance de Maggi de Brescia. Il ne reste plus de doute possible de nos jours nu sujet de la légitimité de sa naissance (cf. Analecta Ord, Carmet., I. iv, p. 6-9 cl 104). Il étudia hi grammaire à Mantouc sous la direction du savant pro­ fesseur Gregoire Tifernate, puis la philosophie à l’univcrsilé de Pavlc à l’école de Paul Bagclardi. Après une jeunesse passablement dissipée, il entra en 1451 au couvent des carmes de Eerrarc, lequel avait déjà embrassé la réforme dite de Mantoue, dès avant 1 159. 11 continua ses études d’abord à Ferraro même, puis à Bologne, où il fut ordonné prêtre. Le chapitre général d’Astl, t 172. le nomma lecteur hache- 1919 r MANTOUE Hcr extraordinaire Λ Bologne pour l’année 1173; le 4 avril 1175, il acquit le grade de docteur en théologie à l'université de la même ville. Né poète, scs prédilections allaient vers les belleslettres, et les études sacrées ne lui inspiraient que du dégoût. Un jour cependant les poésies de saint Paulin de Noie lui tombèrent entre les mains. Il fut si touché de la suavité de cette belle poésie, qu'il s'ap­ pliqua davantage et avec un zèle plus ardent aux études sacrées. Ses études achevées, et ne sachant s’il consacrerait les loisirs que lui laissait renseignement à la culture de la poésie ou à l'art oratoire, il prit con­ seil do J. B. Kefrigeri, personnage le plus remarqua­ ble de Mantouc. Celui-ci lui conseilla do composer un poème où il exposerait son propre point de vue. C'est alors quo Baptiste Spagnoli composa le beau poème De prwsidentia oratoris et porta-, où il donne franche­ ment la préséance au poète. Co fut donc â cet art (pie Baptiste consacra de préférence les loisirs que lui laissaient les nombreuses charges qu'il remplit dans son ordre. Néanmoins il prêcha quasi journellement et fut fort goûté par les nombreux auditeurs c Nardi, Scoperta di un'ultra opera dtl B. Battistu Spagnoli, Mantouc, 1892, in-8· de 14 p.; Analecta Bollandiana, 1891, t. xin, p.69.70, 1895, t.xiv, p.230; P. i'..dans Chronique* du Carmel, t. XIV. Solgnics, 1902, p. 273-27S. 301-308; 372-377; l lyssc Chevalier, Répertoire des source* du Moyen Age, Bio-bibliographie, Paris, 1907, 1.1, col. 421. 122; Benedict Zimmerman. C. D., dans Chroniques du Carmel, t. xvni, 1906. p. 114-12!» Monumenta historica carmeltlana. Lérins, 1907,1.1. p. 261.262.350. 408, 483-504, 51G. 517, 519-521; dans 77ir catholic encyclopedia, NewYork, t. n. p. 276; dans Acta capit, gener. Ord. B. V. Μ. de M. Carmelo, Borne. 1912. t. !, p. 195. 234, 255, 266, 299. 339 sq.; dans El Monte Carmelo, Burgos, t. vi, 1905, p. 685694; Il Carmelo, Milan, I. iv, 1905. p. 82-86; t. v. 1906. 1923 MANT01T. MANUEL DE COBINTHE 1924 A. Papûdopoulos-Kénuncus. ΈπετηρΙς του ΙΙαρνασσου, Athènes, 1002, L vi, p. 80-89. Mais quelques-uns lui ont été attribués par erreur, â moins que Manuel lui-même, par un procédé assez commun chez les écri­ vains grecs, no se soit approprié le bien d’autrui. D’au­ tres, et c'est le plus grand nombre, consistent en de courtes pièces liturgiques dépourvues de toute origi­ nalité; il est rare, même quand le sujet est historique, d’y rencontrer le moindre renseignement. Nous noies signalerons donc pas ici, nous bornant à renvoyer ceux qui y prendraient quelque intérêt à l'excellent tra­ vail de Papadopoulos Kérameus. Par contre, nous 1. MANUEL DE LA CONCEPTION, théolo­ devons mentionner en détail celles des œuvres do gien espagnol du xvm· siècle, né à Agagra. Il embrassa la Manuel qui intéressent plus directement la controverse vie religieuse dans l'ordre des trinitaires, enseigna religieuse. la théologie au couvent de Salamanque, fut nommé 1° Traité du Purgatoire, contenu dans le Ponsnun définitcur général de son ordre, el mourut à Panipclune 1293,1° 254-263, cl dans quelque ms. du Vatican, d’où en 1700, à l'âge de 70 ans. Il édita les œuvres théolo­ Allatius en a tiré un court fragment dans son livre. giques du P. Léandrc du Saint-Sacrement, général De ulriusque Ecclesia? occidentalis et orientalis perpetua des trinitaires ct grand théologien, publia un Cursus in dogmate de purgatorio consensione. Koine, 1655. philosophia* trinllarius, et les ouvrages théologiques p. 83. Dans cet opuscule. Manuel ne parle pas seule­ suivants : 1° De sacrosancto pœnitentiœ sacramento ment du purgatoire, dont il nie l’existence, mats encore tractatus moralis, etsi scholastica methodo elaboratus; des observances de l’Ancienne Loi, que l’on peut gar­ in quo succincte propositiones a summis pontificibus der, assure-t-il, sans encourir pour cela le reproche de Alexandro VIII cl S. D. A’. Innocent to XI damnatœ judaïsme. 2° Sur lu procession du Saint-Esprit. exponuntur, declarantur et elucidantur, Panipclune, L’auteur y réfute deux syllogismes en faveur de la 1687; 2° Tractatus de scientia Dei, Bayonne, 1699; doctrine des Latins que lui avait présentés un certain 3° Tractatus de ineffabili mysterio Trinitatis, PamGérasime. Çet opuscule nous a été conservé dans pclunc, 1700. les inss. suivants : n. dis du métochion du SaintSépulcre à Constantinople, f° 6 sq.; n. 42 du fond* Alexandrc-de-la-Mère-de-Dleu, Cronlca de los Descalsos Selden à Oxford, f° 110; n. 112 du monastère d’iviron de tu Santtsstma 7rinitad, Alcala, 170G, t. n, p. 475; au mont Athos, sans compter trois autres manuscrits Melchior du Saint-Esprit, Diamante Trinitario, Madrid, de Moscou et de Pétrograd devenus peu accessibles. 1713, p. 481; Michel-de-Saint-Joseph, Bibliographia critica - - 3· Réponse au Père Francesco, religieux dominicain, sacra ct prophana, Madrid, 1740, t. n, p. 216, 217; Antoninqui lui avait écrit au sujet de dix points de divergence dc-rAssoinptiun, Diccionario de cscritorcs trinitario* de Espaha g Portugal, Home, 1898, t. i, p. 195-198. entre les deux Églises. Ces points regardent, comme A. Palmieri. presque toujours, la procession du Saint-Esprit, les 2 MANUEL DE CORINTHE ou le Grand azymes, le purgatoire, la primauté du pape, le rite du baptême, le divorce, etc. Publié d’une façon incom­ Rhéteur, théologien grec de la première moitié du plète dans les Varia sacra de Le Moyne, Leydc, 1685. xvi· siècle. — Il appartenait à la famille des Galésiotes, t. i, p. 268-293, et P. G., t. cxl, col. Î69 sq., ce traité ct il est très probablement le fils de Georges Galésiotes, qui servit de secrétaire à Georges Scholarios lors du con­ a été édité intégralement presque en même temps par M. Gédéon, ’ Εκκλησιαστική ’ χλήΟεια. t. ix. p.237 sq., cile de Florence ct qui devait, après la prise de Constan­ el par I'archlmandnle Arsénij, Moscou, 1889. Voir tinople par les Turcs, jouer un rôle considérable mais Byzantinischc Zeitschrift, t. iv, p. 371. Parmi les nus. peu glorieux dans les affaires du patriarcatgrcc. Manuel doit être né vers 1160, car en 1482, à la mort du pa­ qui nous l’ont conservé, citons les suivants : Crom* wel 10, f°89, Selden i2, f° 157, Métochion ltd, F552. triarche Maxime, c’est lui qui prononça, au nom du clergé do la capitale, l’éloge du défunt publié dans — 4° Contre le livre de Plélhon, contenu dans le n. 318 du Métochion, F 11 et dans le n. 123 de Moscou, Γ Εκκλησιαστική * Αλήθεια, t. xx, 1900, p. 4-6. Ni précoce qu’on puisse le supposer, il devait avoir f° 105. Dans cet opuscule, Manuel a dû, suivant son habitude, s'approprier sans scrupule l’ouvrage ana­ alors une vingtaine d’années. Peu après, à la mort du logue de Georges Scholarios. — 5° Sur le carpi du patriarche Syméon, il fut jeté en prison pour avoir Christ, sous forme de lettre à un ami qui avait deman­ détourné à son profit, disait-on, l’héritage du prélat. dé au Grand Rhéteur a quel moment la chair du Sei­ Il est encore question de lui, en 1502, à la mort du gneur avait été divinisée el glorifiée. Cet opuscule a été patriarche Joachim, dans la Chronique de Manuel publié par l’archimandrite Arsenij en supplément aux Maluxos, Crusius, Turco-gnecia, Bâle, 1581, p. 116. Lectures de la société de formation religieuse, l. xxvii, Il portait déjà le titre honorifique de Grand Rhéteur, qu'il devait garder durant un demi-siècle. Il vivait Moscou, 1889, et en tirage à part. — 6· Sur Man encore en 1547. car sa signature figure à cette date d'Éphèse et le concile de Florence, diatribe dirigée sur au bas d’une pièce synodale. É. Legrand, Notice bio­ tout contre Pléthon el Bessarion. Publiée d’abord par l’archimandrite Arsénij dans les Lectures chrétiennes graphique sur Jean ct Théodose Zygomata*, Paris, 1889, de l’Académie théologtquc de Saint-Pétersbourg, p. 86-90. En plaçant sa mort en 1551, le patriarche 1886, Lu, p. 102-163, nous en avons donné une édition Conslantios Ff ne doit pas être loin de la vérité, bien qu’il ne nous dise pas à quelle source il a pulsé ce nouvelle accompagnée d’une traduction latine dans renseignement, Κωνσταντίου A ' βιογραφία καί έγγρα­ la Putrologia orientalis de Il.Grafiln, t, χνπι,ρ. 491-522. φοί αί ελασσόνες. Constantinople, 1866, p. 348. Il est Sur la vie ct les autres ouvrages de Manuel, voir l'article impossible, en tout cas, de descendre au-dessous de cité de A. Papadopoulos-Kérameus, p. 71-102; notre intro­ 1555, puisque le titre de Grand Rhéteur était déjà au volume cité de In Palrofogia Orientalis, p. 331porté, a cette dernière date, par Jean Zygomalns. duction 335, et pour les notices plus anciennes mais toutes tré^ È. Legrand, op. cil., p. 13, 14. incomplètes, Ph. Meyer, Dit thcologischc Litleratur def cs ouvrages de Manuel sont assez nombreux, ct I. Qrirehischeti Kircht im \rchzchntrn Jahrhundcrl, Leiprig. leur liste ne comprend pas moins de 54 numéros dans 1899, p. 35-37. t L. PJCTIT. l’inventaire qu’en a dressé avec beaucoup de soin p. 66-69; t. vnr, 1909, p. 235-238; t. xvr, 1917, p. 86-89; Analecta Ord. Carmel., Home, t. i, 1909. p. 457-461; 482186; 550-554; 583-588; t. iv, 1917. p. 1-105; 125-157; no y trouvera la réfutation des article* de Ferdinand Gubotto et de Dnvari; P. André-de-Salntc-Mnrie, <’. D., L'ordre de \’.-D. du Mont Carmel, Bruges, 1910, p. 64-66; Il Monte Carmelo, t. î. 1915. p. 70; I. n. 1916, p. 73, 107. 238 ct 294; (. m, 1917, Particle du P. Paul Caioli. O. Carm., Il H. Bat­ tista Spagnoli r la sua opera; Vladimir Zabugtun, Un Ikato poêla, dans Analecta Ord, carmel., Home, 1917, t. iv, p. 125157 et ù part; P. Redemptus vom Krcuz Weningcr, C. D., .4 u/ Karmels Hôhcn, Rat is bon ne, 1922, p. 119, 120. P. Anastase de Saint-Paul. 1925 M A NUE I. H PALÉOLOGUE I 1926 janvier 1 103 à Gênes, où il est l’hôte du maréchal un des plus remarquables écrivains des derniers temps Bouclcaut, cl il rentre a Constantinople par Venise. de l’empire byzantin (1350 1425). I. Vie. 11 Œuvres. Modem ct Mislra. Pendant les dix années qui suivent, avec une dextérité peu commune, il se fait l'arbitre i. Vm. Né a Constantinople en 1360, il était h fils de Jean lrr Paléologue cl d'Hélène Cantaeuzène. et le médiateur çntrr les cinq fils de Bajazet qui se lean Paléologue, dans le dessein de se ménager l'appui disputent la succession de leur père, assurant par de l'Occident contre les Turcs toujours plus menaçants, d'habiles manœuvres quelque·» années de tranquillité n’hésita pas, par une lettre du 15 décembre 1355, Λ â l'empire agonisant. En 1 113, comme Mahomet Pr proposer au pape Innocent VI de lui confier comme reste le seul maître par la victoire qu’il remporte sur caution son Jeune Ills Manuel qui recevrait ainsi une ses rivaux dans les plaines de Tchamoriou près de éducation entièrement catholique. Kaynaldi, Anno/es, Sofia, Manuel, sans perdre de temps, conclut avec le an. 1355, n. 31. 35. L’honnête Spondanus observe nouveau sultan une étroite alliance, qui lui permet, à ce propos : Qua* huita putamus magis a necessitate en mars 1 115, de se rendre à Mistra, la capitale du et fide greeea, quam ex pietate et adimplendi animo pro­ Péloponèse, où la mort do son frère Théodore avait posita /uissc. Annat. eccles., Lyon, 1678, 1.1, p. 532. Le amené depuis 1 f07 la plus complète anarchie. Par ses pape (ut sans doute du meme avis, car il ne fit qu’une soins, l’isthme de Corinthe est fortifié par la construc­ réponse évasive. Quoi qu’il en soit, le projet n’eut tion d’un nouveau mur, rt toute i Achaic reconnaît aucune suite, ct Manuel reçut â Byzance une éducation bientôt sa suzeraineté. Malheureusement, Mahomet i*f des plus soignées. La situation devenant de plus en meurt en 1421, ct Manuel, mal conseillé par son fils plus critique, Jean Paléologue s’était rendu â Home Jean, associé à l’empire depuis 1117, commet la faute auprès d’Urbain V cl y avait fait le 18 octobre 1369 de prendre parti pour Moustafa contre Murat H, le profession de foi catholique. Raynaldi, an. 1369, jeune fils de Mahomet. Murat s’empare de Moustafa et n. II. Mais au retour, il avait été retenu à Venise, le fait pendre à Andrinoplc en 1422, puis, dès le mois faute d’argent pour désintéresser ses créanciers des de juin de la même année, pour se venger de l'empe­ sommes considérables qu’ils lui avaient avancées; reur, il lance 80 000 hommes contre Constantinople. Manuel vint délivrer le malheureux souverain. En L’assaut est repoussé, mais, le 8 octobre suivant. .Ma­ reconnaissance de e bienfait, Jean, écartant du trône nuel, frappé d’hémiplégie, abdique en faveur de son son Ills aîné Andronic, associa Manuel â l’empire le fils Jean et revêt le froc sous le nom do Matthieu. Fina­ 25 septembre 1373. Ce fut l’origine d’une rivalité dont lement, après deux ans et demi de pénibles souffrances, les Vénitiens, les Génois ct les Turcs furent les seuls il meurt le 21 juillet 1425 ct est enseveli au monastère bénéficiaires. En 1377, Andronic, aidé des Génois, sort du Pantocrntor. Bessarinn prononça sur son tombeau delà prison où il était enfermé, s’empare de la capitale une oraison funèbre, que Nicolas Perolti traduisit en ct fait incarcérer l’empereur Jean ct ses deux fils latin; elle se trouve dans Bzovlus, Annat, ecetesiast. Manuel et Théodore. Au bout de trois ans, les augustes t. xvm, p. 72, sq.; P. G., I. clxt, col. 615-620. Durant l’automne de 1422, le défunt avait entame, prisonniers, délivrés, vont â Brousse demander des pour la centième fois peut-être, des pourparlers avec secours au sultan Bajazcl. Lc 17 septembre 1381, Manuel rentre avec son père â Constantinople, et les ambassadeurs du pape en vue de l’union, tout en donnant â son fils Jean, déjà empereur, le conseil c’est maintenant au tour d’Andronic de prendre le chemin de Brousse. Grâce à l’appui de Bajazet. Andro­ suivant : < Nous servir utilement du projet de réunion nic reçoit en guise de compensation la ville de Silivri, pour nous concilier les Latins, lorsqu'on a besoin cl quand il meurt, le 28 juin 1385, son fils Jean lui de leur appui, mais n'en venir jamais â essayer cette succède dans la possession de cette ville, d’où il lui meme réindon, que les divisions des esprits et la dépra­ est facile de surveiller la capitale. Épuisé par ces luttes vation des âmes rendent aujourd’hui impossible. · Phrantzes, Chron., t.n.c. 13, P. G., t. clvi, coi. 784. intestines, Jean 1er meurt le 15 février 1391, et Manuel, L’aveu est bon â enregistrer. A défaut de sincérité. qui se trouvait alors â la cour de Bajazet, s’en échappe Manuel avait d’autres qualités qui firent «le lui un des pour venir a Constantinople recueillir la succession de souverains les plus sympathiques ct les plus accomplis son père. Pous s’assurer un héritier, il épouse aussitôt Irène, fille de Constantin Dragasès, el se fait couron­ de Byzance : extérieur agréable, profonde érudition ner avec elle par le patriarche Antoine, fe 11 février ecclésiastique, connaissance étendue de l'ancienne littérature grecque; avec cela bel esprit, sachant revê­ 1393. Sommé par Bajazet de lui livrer la capitale. tir de formes agréables une impeccable urbanité, un Manuel fait appel au red de Hongrie, qui vient, en ton de familiarité gracieux, voire badin, même dans sa effet, â son secours secondé par la chevalerie française. Mais la défaite de Nicopolis, survenue le 28 septembre détresse financière, facilité d’élocution, vivacité du débit, chaleur cl mouvement de l’éloquence, réalisant 1396, réduit l’empire aux abois. Manuel multipliant les démarches s’adresse à la fois au pape et au roi de â la perfection l’ambition du Grec de tous les temps, France. Un premier contingent, commandé par le είδέναι λέγειν, savoir parler, ou comme il s’exprime lui-même en tète de son premier discours moral : maréchal Bouclcaut, réussit â débloquer la capitale, et Manuel, sur les conseils de Bouclcaut. sc rend lui- Του καλώς έπίστασΟαι λέγειν ούδέν άν γένοιτο λυσιτελίστερον άρχουσιν έθέλουσιν άγαΟοϊς είναι. Ρ. (»., même en Europe pour en ramener des renforts. Parti do Constantinople le 10 décembre 1399, il visite tour t. clvi, col. 385 A. Il était au demeurant doue a tour Venise, Padouc, Vicenco, Pavie, el le 3 juin 1 100 d’une aptitude peu commune au travail; aussi a-t-il il arrive â Paris. Il entame aussitôt les négociations trouvé le loisir, au milieu des soucis du pouvoir, de avec le roi; mais Charles V I ayant eu au bout de quel­ composer beaucoup d’ouvrages, dont plusieurs sont ques mois de nouveaux accès de folie, Manuel passe absolument remarquables ct dignes des plus beaux temps do l’hellénisme. en Angleterre; débarquant à Douvres, il fait son entrée 11. (El vues. - 1° Lettres el rhétorique. - A ranger par solennelle à Londres en compagnie du roi Henri, le 21 decembre 1 100, en février 1401, il rvsiml .· P.iris catégories les ou\rages de Manuel, il faut citer: 1. ses pour y faire un long séjour, qui se serait peut-être lettres, d’une formo littéraire achevée. U a pris soin indéfiniment prolongé, si la bataille d’Ancyre, rempor­ deles réunir lui-mêmo dans un manuscrit autographe, l’actuel Paristnus 30-tl. Au total 62 lettres, conser­ tée par Tamerlan sur Bajazet. le 21 juillet 1 102. ne lui avait permis, en le débarrassant de son plus redou­ vées dans un ordre uniforme dans le Paristnus 30 tf ct dans le Barberinus 210 (11. 40), (pii csl sans doute table ennemi, de reprendre le chemin de sa capitale. Parti de Paris, le 21 novembre 1402, il arrive le 23 I1 celui qu’avait vu Mont faucon el que Émile Legrand 3 MANUEL II PALÉOLOQUE, enipcirur, 1927 MANUEL II PALÉOLOGUE avait fait rechercher en vain a la Vaticane, De plus. Théodore Abramlotis possède deux mss. contenant les mêmes lettres, Γύο au complet, l'autre au nombre de 12 seulement, les 12 premières. Le Coislin J//, f° 356361, contient aussi 10 lettres que la catalogue imprimé attribue Λ un anonyme, mais qui sont de Manu··! Palcologiie ; le texte s’arrête au milieu du n° 9 de l’édition suivante, la seule que nous possédions de ce recueil : Émile Legrand, Lettres de i’empereur Manuel Patéologue, in-8°, Paris, 1893, xn-112 p. Colle édition compte 6-1 numéros, parce que l’éditeur a com­ pris parmi les lettres VEpilogus epistolaris, qui sert do conclusion aux sept discours de Manuel â son Ills dont il sera question plus loin, et un morceau de pure rhétorique : deux pièces étrangères ù la correspondance proprement dite. Ceci nous amène à parler des exercices de rhétorique, si fréquents dans toute éducation littéraire à Byzance. A cette catégorie appartiennent : 2. quatre lettres inti­ tulées : Έπιστολαί έ; ύποθέσεως είρημέναι; elles sont contenues dans le Barberinus 219, 1° 89, 90, où clics continuent la série précédente sous les numéros 63-66, tout en laissant bien voir par le litre qu’il s’agit d’une œuvre toute différente. En voici l'incipit : ςγ*. Συκοφάντας μέν. ξδ'. Διπλώς έ’^εύσω καλοκαγαθίαν; ςε'. Τί σε τό πεΐθον; ξς*. ’Εγώ καί ότι σου τά πρίν. — 3. Vient ensuite, fol. 90ro un morceau qu'aucun biblio­ graphe ne signale, mais dont le sujet fournit une excellente matière ù amplification. En voici le titre : ’Άτινα συντομίαν άγει καί ειρήνην έν ταϊς βουλαΐς. Inc. α'. Μή άνακίπτειν άρςάμενον,--- I. Le morceau suivant est un simple exercice de style : ΙΙροοίμιον Άντήνορος πρός Όδυσσέα πρεσβεύοντα μετά Μενε­ λάου υπέρ της ‘Ελένης. Inc. Άντήνωρ. Τό μέν πρόε Μενέλεων. Publié par Boissonade, Anecdota gneca, 1830, t. ιι, p. 308,309. — 5. Μελέτη πρός μέθυσον: di­ vertissante amplification dont voici le sujet. Un père, ami du vin, renvoie son fils qui n’aime que l’eau, puis il accuse sa femme d’adultère et annonce qu’il va so donner la mort. Édité dans Boissonade. toc. cit., p. 27-1-309. Cet érudit a rassemblé, ibid., p. 297 sq., sur la προσαγγελία ou droit de suicide motivé, de curieux passages d’auteurs anciens montrant que cette singulière coutume n’était pas une pure inven­ tion des rhéteurs, mais créait un droit prévu par les lois comme constituant une exception à la confis­ cation qui frappait les biens des suicidés. — G. Dia­ logus moralis ad matrem de matrimonio. Dans cette pièce, écrite probablement vers 1390, Manuel exa­ mine les raisons qui. dans la situation actuelle de l’empire, peuvent être invoquées pour ou contre son mariage. Inédite, on la trouve dans le Parlsinus 3041, f® 89. - 7. Declamatio de imagine veris in auteo tex­ tili picta, élégante page, dans laquelle Manuel, durant son séjour à Paris, s’est amusé à décrire une tapisserie du Louvre qui représentait les charmes du printemps. Publié par Jean Loevcnklau (Leunclavius) à la suite des Proreepia educationisregiœ du même Manuel Paléologuc, Bâle, 1578, p. 4 12, et reproduite dans /’. G., t (xvi, col. 577-580. — 8. Ethopoeia Tamerlanis ad Bajazctum Turearum tyrannum, vigoureuse prosopopéc, où le mauvais goût se fait malheureusement sentir, dans laquelle le roi tartare insulte à son enne­ mi vaincu, après la bataille d’Ancyrc. Publiée par Leunclavius, op.cit., p. LIG, dans P. G., ibid., col. 579582, et parE. Legrand, op. al., p. 103, 101. — 9. Ora­ tio propitii principis ad benevolos subditos qui udatis in {lore sunt. Leunclavius, p. 138; P. G., col. 561564 ;É. Legrand, p. 88,89, où le morceau constitue, a tort assurément, le n° 59 des lettres, alors qu'il n'a rien d épistolairv. — 10. Πρός τινα πάνυ αμαθή καί πλείσταφληνχφούντα. Inc.'Ακριτόμυθε Θερσίτα.Pièce de 15 ven «nacréonliques publiée par Matranga. 1928 Anecdota, t. n, p. G82, d’après le Barberinus 219, f·» 92, et reproduite dans P. G., col. 575, 57G, en note. 2° Œuvres oratoires, - A côté de ces exercices de style, l'héritage littéraire de Manuel comprend de véri­ tables œuvres oratoires, des discours qui ont été réelle­ ment prononcés devant un public, et non plus seule­ ment, comme les précédents, dans le cercio étroit de quelques amateurs. En voici la liste : 1. Funebris oratio in proprium eius fratrem despotam Porphyrogennetem dominum Theodorum Pateo logum. Despote de Lacédémone et frère puîné de Manuel, Théodoro était mort en 1107, après avoir vendu sa principauté aux chevaliers do Hhodes ù l’insu de ses sujets, qui firent annuler le contrat; aussi fallut-il à Manuel un certain courage pour venir pro­ noncer devant ces mêmes sujets l'éloge du défunt. Le morceau, il faut l'avouer, est gâté par le mauvais goût et d'une longueur démesurée; il ne fallut pas moins de trois séances pour le débiter. Combeüs l’a publié dans son Auctarium novum, Paris, 1648, t. n, p. 1015-1220, avec la προΟεωρία. p. 1037-1045, com­ posée par Gémiste Pléthon. Une autre προΟεωρία, œuvre de Manuel lui-même, est demeurée inédite. Inc. ’ΊΙκω πενθήσων. C’est le n° 109 de la liste de Berger de Xivrey, qui a tenu cette προΟεωρία pour un mor­ ceau indépendant, alors qu’elle n’est en réalité qu’un simple préambule au discours qui va suivre. Manuel avait en effet pris l’habitude de placer ainsi en tête de ses ouvrages un résumé qui en indique le sujet et les divisions. — 2. Oratio consolatoria in mortem /rutris Joannis, indiquée dans les mss. sous ce titre un peu vague : ’ Από συναλγούντος παραμυθητικός ή περί θανάτου. Inc. ’Ιού Ιού* οία πρόϊγμαι φιλοσοφεϊν των θρήνων άφέμενος* άραγε ύπαρ έστί. Conservé dans le Vaticanus 1107, i° 200-219, d’après lequel Allatius en a fait une simple mention. De octava synodo Photianu, Borne, 1662, p. 512. — 3. Laudatio in sanctos patres nostros et universales doctorcs, qui in septem sanctis el universalibus synodis interfuerunt. Inc. Των b/ όσιότητι διαλαμψάντων καί εύσεόεία καί λόγων λαμπρότητά καί έργων δυνάμει, ibid., ί° 219-236. — L Laudatio in sanctissimum patrem nostrum et archiepiscopum Thessalonicensem Gabrielem. Inc. Θαυμαστόν μέν olov καί χαρίεν έν ώρα χειμώνας. Ibid., 253 '°-272 ·— 5. Laudatio in sanctum patrem nostrum David Thessa­ lonicensem. Inc. Θεΐόν τι χρήμα ή άρετη καί του παντός ώς άλ.ηΟώς άξιον. Ibid., Ρ272-288. — 6 Commentarius tn aliquot prodigia et in inventionem et translationem reliquiarum sandur martyris Euphemia*. Inc. Ά/Αάπώς άν τις μάλλον εύφημον σχείη γλώτταν. Ibid., ί° 288297™. — 7. Oratio in dormitionem beatæ Marte virginis. Inc. ΤΩ θεού μήτερ, καλόν γάρ οίμαι καί μάλα χαρίε*^ από της κρείττονος προσηγορίας. Conte­ nue dans le Vaticanus 1619, ί° 1-14, sur lequel elle a été publiée par le P. M Jugie, Homélies mariales byzantines, dans Patrol, orient., t. xvi, p. 543-566; elle n’était connue auparavant que par la traduction latine d’Hippolyte Maracci, reproduite par Mignc, t. cit., col. 91-108, cl sans le prologue. —8. Oratio in nativitatem Christi. Inc. Ούδ άν Év δήπου γένοιτο χείρον του τον ύπό τού θεού πεπλασμένον. En ms. dans le Marcianus dans le Vaticanus 1619, f°29'°-47. — 9. Laudatio in sanctum .loannrm Baptistam. Inc. Χρεών έστιν άπαντας τιμάν τούς τον θεόν έσπουδακότας τιμάν. Contenue dans le Vaticanus 1619, f° 47-51'° . — 10. Oratio in sanctam Mariam Ægyptiacam. Inc. ‘Ο λόγος ούτος ό τής όσιας ήμίν τόν βίον άριστα διαζωγραφήσας. Contenu dans le Vaticanus 1619, f® 15-29, c’est un discours tout moral; le sujet en est assez bien indiqué par le titre complet ainsi· conçu : Λόγος ότι ή μέν άμαρτία τό πάντων χείριστον* δει δέ μηδένα άπογινώσκειν μήτε εαυτόν μήτε έτερον κρίνειν δε εαυτόν καίούχ έτερον, καί τούς ήμαρτηκότας 1929 H PALÉOLOGUE ού μισεΐν, άλλ ’έλεεϊν καί περί μετανοίας καί τής τού θεού προνοίας καί άγάπης καί φιλανθρωπίας. — 11. Suasoria ad Thessatoniccnsrs cum obsiderentur. Inc. Εδει μέν, ώ παρόντες, et την Φιλίππου οίκεΐτε. Ce discours très élégant, quo le catalogue de Paris attri­ bue, avec un signe dubitatif, à Démétrius Cydonès, est certainement l'œuvre de .Manuel, comme l'indique \e Barberinus 219, f° 9-11 ; on le trouve encore dans le Parlsinus 3041, f° 47-51. — 12. Oratio gratulatoria pro restituta imperatoris et patris salute. Inc. Χοίρων χαίρουσιν ύμΐν, ώ άνδρες ‘Ρωμαίοι. Contenu dans le Barberinus 219, p> 29 '“-36 et dans le Parisians 3011, ί· 66, sur lequel la pièce a été publiée par Boissonade, Anecdota noua, Paris, 1841, p. 223. 3° Œuvres morales. Un grand nombre de traites de Manuel ont pour but la formation de l'esprit et du cœur. En tête de celte série doit se placer le plus popu­ laire de ces ouvrages, le seul connu des savants durant longtemps. 11 est intitulé : 1. Pracepta educationis regiir ad /ilium doanncm, capita centum. C'est un choix de règles de conduite, où abondent les vues éle­ vées, les observations utiles à un prince, les sentiments vraiment chrétiens, le tout revêtu de la forme la plus élégante et rehaussé par un heureux mélange de cita­ tions profanes ou sacrées. Publié pour la première fois avec la traduction latine par Jean Leunclavius, lmp. Cks. Manuelis Palteologi Aug. pncccpta educationis regur ad Joannem /ilium. Bille, 1578, p. 12-133, il est reproduit dans P. G., col. 313-384. — 2. A la suite de ce cours d’instruction impériale, viennent sept morceaux de morale oratoire, sur l'éloquence, la vertu cl les qualités d’un bon prince; sur l’amour du bien; sur le libre arbitre; sur les dangers de la volupté, et sur les avantages de la volupté comme contre-partie du discours précédent; sur le caractère du péché; sur l’humilité. Ce sont moins des règles de conduite que des exemples d'amplification, des discours écrits pour être réellement prononcés. Aussi seraient-ils plus à leur place dans le chapitre relatif aux exercices de rhétorique. Les sept discours se terminent par une conclusion générale sous forme de lettre adressée par le souverain à son fils. On les trouve Imprimés dans Leunclavius, op. cit., p. 134-119, et dans Aligne, t. cil., col. 385-562. L’épithète d’cthico-politica, que l’on donne depuis Lambecius, Bibliotheca Vindoboncnsis, t. vn, p. 337, à ces discours, n'est nullement justifiée : ce sont des considérations de morale religieuse, où la politique n'a absolument aucune part. — 3. Nous pouvons rattacher ù cette catégorie une dissertation philosophique sur la nature des songes publiée d’après le Parisians 3041 par Boissonade, Anecdota nova, Paris, 1811, p. 237, et reproduite dans P. G., t. cit., col. 87-92, en note. Intitulée Περί ύνειράτων, de insomniis, clic se trouve encore dans le Barberinus 219, P50 "’-53. P Ouvrages apologétiques. — .Manuel s'est place au premier rang des apologistes do la religion chrétienne contre les musulmans par un grand ouvrage, reste malheureusement en majeure partie inédit ; il est intitulé: l. Manuelis Pahcologi imperatoris ad/ratrem suum Theodorum dialogus quem habuit cum quodam Persa, dignitate muterizer, in Ancyra Galatia', ou plus brièvement, ainsi qu’a traduit C.-B. Hase, Entretiens avec un professeur mahomélan. Ces entretiens sont au nombre de vingt-six; les deux premiers ont seuls paru par les soins de 1 Lise dans les Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque royale, 1810, t. vm, 2· part., p. 309-382; ils ont été réimprimés dans P. G., t. cit., col. 126-173. L'ouvrage date très probablement de l’année 1390, époque où Manuel sc trouvait con­ traint do suivre Bajazct dans une expédition contre l’émir de Pamphylie. Manuel ayant eu l’occasion, durant son séjour à Ancyre, de lier connaissance avec son hôte, un professeur de l'endroit, il eut avec lui 1930 sur differents points de la religion chrétienne une suite d’entretiens dont il rendit compte a son frère, le despote du Péloponèse. Écrites en un style vif et animé, en un grec très pur, ces vingt-six conférences fourmillent de traits curieux, soit sur la cour de Baja­ zct, soit sur les mœurs des Turcs à cette époque. Com­ me dans toute conversation, elles ne suivent aucun plan méthodique. Le Irf entretien roule sur les anges, sur l’àmc, sur le ciel et la terre, et sur la chute d’Adam. La discussion sur le paradis de Mahomet occupe le II· et le III· dialogue; il est question, dans le IV·,des animaux, dont l’àrne, au dire de certains mahornétans, diffère peu de celle des hommes. Dans le V· on voit les Turcs tirer de leur prospérité matérielle un argu­ ment en faveur de leur religion ; prétention vivement réfutée par Manuel, qui va plus loin encore; dans le VI·, il met en parallèle Moïse avec Mahomet et montre qu'il lui est très supérieur. Dans le VH· dialogue. Manuel accuse la religion mahométane d’avoir hérité de son fondateur cet esprit d’intolérance cl de persé­ cution qui la distingue. Les autres discussions ont pour objet la providence, la prescience divine et la prédestination. Le X· dialogue est marqué par une digression intéressante sur les pèlerinages au saintsépulcre et l’adoration de la croix. Manuel commence, dès le XI Ie. à établir par ΓÉcriture la divinité de JésusChrist, et il examine, dans le XIII·, quelques questions relatives à l’incarnation. 11 explique, au XIV· dialogue, le mystère de la Trinité, et dans les six suivants, il justifie les chrétiens d’adorer trois personnes divines au lieu d’une. Dans le XX·, il défend le culte des images, tout en leur refusant une adoration qui n’est duc qu’à Dieu. Le mystère de la rédemption et do la satisfaction est traite assez longuement dans les quatre dialogues suivants. Dans le XXV·, Manuel parle de la mission des apôtres, et dans le XXVI· et dernier, de l’institution de l’eucharistie et de la présence réelle C’est par cette conférence que se termine l’ouvrage dans tous les mss. qui nous en sont parvenus : Parisinus 1233, Coislin 130, Supplément grec 139, Ambrosianus 437 L. 74 sup Ce donner ms. contient bien les 26 dialogues, et non pas seulement les 6 premiers, comme l’alHnne Hase, P. G., ibid., col. 117. L’ou­ vrage mériterait assurément une édition complète. 2. Peut être rangé parmi les œuvres apologétiques un poème de Manuel en 812 vers politiques intitulé : Quomodo quis impium ad Dei cognitionem et pietatem possit adducere. Inc. ’ Τποληπτέυν αναρχον φύσιν τοις εύφρονούσι. Encore inédit, ce poème sc trouve dans le Parisinus 3041, f° 39-46, et dans le Barberinus 219, f° 1-8. —3. Dans un autre opuscule, Manuel prend vigoureusement la défense du célibat, ou. comme il s’exprime, de la sainte virginité : Συνηγορίχ της ίερχς παρθενίας. Inc. Τάς μέν £λλας ημών πρός τάς των ΙΙωεμίων δυσσευείς δόςας δια τριβάς έσαύΟ.ς έκθήσομαι. τίμιε πάτερ. Vaticanus 1107, ί° 236 "*-253. — L Dans un autre ouvrage, composé de I discours. Manuel s’explique sur le scandale qui résulte pour les bons de la prospérité des méchants. Ces discours sont anonymes, mais comme ils se trouvent au milieu d’autres œuvres de Manuel, il semble bien qu’ils doi­ vent lui appartenir. Aussi croyons-nous devoir en donner intégralement les titres, afin de permettre au lecteur de vérifier, le cas échéant, l’exactitude de notre hypothèse. Ces morceaux se lisent dans le Vaticanus 1107, P 168-199 "’sous les titres suivants ; Πρός τούς σκανδαλιζομένους έπΐ τή εύπραγία των ασεβών. Λόγος α*. “Οτι δεϊ έμμένειν τη ευσεβείς στερρώς, καί μήτε τοϊς Ολιδούσιν ένδιδόνα·. μήτε ναυνούσΟαι τοις τέρπουσιν, έν ω κατ’έπιδρομήν διαβολή της τε δόςης καί τού βίου των Τούρκων, καί τίνες οί κατ’άλήΟειαν ευσεβείς, καί δτι άρχαΐος ούτος ό νόμος καί ήλικιώτης σχεδόν τού των ανθρώπων L 1931 MANUEL II PALÊOLOGUE — MAB \CCI **ίνους τούς μέν αγίους ένταύΟα ΟλίόεσΟαι, τούς δέ ασεβείς κχΟηδυπαΟείν καί δτι ούτε αγαθόν απλώς ό πλούτος, ούτε τά πλουτεΐν τοις άσεβέσι παρά Θεού, foc ‘Αδελφοί άγιο»., κλήσεως έπουρανίου μέτοχοι. £δει μ& ή μας άληΟώς έφ’ούς το μακάριον καί θειον όνομα τού σωτήρος ημών Χριστού έπικέκληται. — ΙΤρός τούς σκανδαλισμένους λόγος β*. Τις ό λόγος -ού τούς μέν αγίους ενταύθα ΟλίόεσΟαι, τούς δ’άσεόείς εύπαΟείν’ καί ότι καν μή τάς αίτίας «ίδωμεν, προσηκε τούτων μέν παραχωρεΐν τω Θεω, ημάς δέ τούς αγίους ,‘ηλ.ούντας μέχρι θανάτου έμμένειν tq ευσεβείς καί αρετή, hic. Άλλ’δτι μέν ούχ οι τοις παρούσιν άγαΟοίς εύΟηνούμενΟί — ΙΙρός τούς σκαν­ δαλισμένους λόγος γ'. Τίνα των άγιων έντεύΟεν τά άθλα, ε! πονειν αύτοϊς συγκεκλήρωται διά βίου, καί ότι κάυ δοκώσι ΟλίόεσΟαι. ήδιον ζώσι των ασεβών χόνοι ταΐς άληΟείαις καί άνθρωποι καί εύδαίμονες δντες, καί σύγκρισις ακολάστου καί παρΟενεύοντος καί ολως σπουδαίου καί φαύλου. Inc. ΙΙερί μέν ούν των αίτιων δι’Ας οί μέν εύσεβεϊς εύλόγως δοκούντα·. ΟλίόεσΟαι. — ΙΙρόε τούς σκανδαλιζομένους λόγος δ*. Ότι άρρητα τά έν έλπίσιν αγαθά των αγίων καί παρά­ κλησής καί προτροπή προς την ύπέρ Χριστού μαρτυ­ ρίαν. Inc. ”Λ μέν ούν έχρήν είπείν περί των μακαρίων άνδρων. ώς συγκεκλήρωταΐ σφισι. Nous placerons encore dans ccttc catégorie : 5. l’n opuscule sur la Providence adressé sous forme dc lettre a Nicolas Cabasilas, dans le Parisinus 3041, i° 60 65 et dans le Barberinus 219, p 21-29. Inc. Θέρους ακμή· καί ημείς b/ Αέσβω ήναγζάσμεΟα. — 6. I ne assez longue dissertation théologique également sous forme épistolaire adressée â Alexis lagoupès, Parisinus ΙΟΠ, P 72 '°-85'°ct Barberinus 219, p 36 '°-50. Inc. Χθες η πρότριτά μοι προσελΟών ίφης. — 7. Un traité des sept conciles œcuméniques, suivi dc la décision relative à l’hérésie de Paul dc Samosale, Parisinus 3041. i- 131 134. 5e Controverse. — Il nous reste de Manuel un grand ouvrage dc controverse, dont l’origine se rattache à son voyage en France. Pendant qu’il séjournait a Paris, un théologien, probablement un moine de l'ab­ baye dc Saint-Denys, lui présenta sous forme dc syllo­ gisme un résumé dc la doctrine catholique sur la pro­ cession du Saint-Esprit. Manuel prit aussitôt la plume et réfuta la dissertation de deux pages du professeur parisien en un volumineux traité de 156 chapitres, resté malheureusement inédit. En voici le titre et les incipit d’après le Vaticanus 1107, P 1-130. Suivant son habitude, Manuel a mis en tête do son ouvrage un prologue pour en expliquer l’origine ct le plan, n) ΠροΟεωρία συντομωτάτη. Inc. Τόδε τό σύγγραμμα ού κατ’άντικρυς κατά Λατίνων ύφάνΟη. b) Λατίνου τίνος ασκούντο; έν τοϊς προαστείοις τού ΙΙαρυσίου, προς τύν αύτοζράτορα’ Ρωμαίων Μανουήλ, τον 1 ίαλαιολόγσν άποίημούντα έν ταΐς Ι’αλ.ίαις έν σχήματι συλ λογισμού κεφαλαιώδης έπιτομή περί τής τού αγίου πνεύματος έκπορεύσεως. c) Τού αύτοκράτορος των ’Ρωμαίων Μανουήλ, τού Παλαιολόγου πρύς ταύτα λόγος απολογητικός· καί πρώτον τού λόγου κεφαλαίου, ότι ό συλλογισμός αυτού σοφιστικός καί τής τάςεως άπάδων. ή χρώνται οί θεολόγοι. Inc. Κρεϊττον άν ήν σο». ταύθ’ά σοι πρός ήμας. Ccs 156 chapitres sont suivis dans le même ms., Γ 130*M33, d’un petit traité sous forme d'appen­ dice, que Léon Allatlus, à tort sans doute, a regardé comme le c. clvii*. En voici le titre ct l’inclpit ; Ότι ύπέρ τάξιν ή τριάς καί τό θείο*/ άσχημάτιστον καί ούκ έκ των ήμετέρων ή έν αυτή τάςις δείζνυτα». πραγμάτων τε καί παραδειγμάτων. Inc. Ευθύς των /ύν αγώνων άπαλλαγέντι μοι βίύλ.ω τής χρυσής τώ όντι καί διανοίας καί γλώττης συνέπεσε*/ έντυχείν. I e grand traité dont nous venons de parler ainsi que II jictitc dissertation supplémentaire qui le suit sc 1932 trouvent également dans le Barberinus 219 (//, 40) frt 93-180. entièrement rempli par les œuvres dc Ma­ nuel. C'est sans doute l'exemplaire vu par Allatius, De Ecctesitr occidentalis atque Orientalis perpetua conseil sionc, Cologne, 1618, p. 851. Voir Ibid., p. 306 ct 191, la citation du c c. G* Liturgie. — Nous signalerons sous ce litre non seulement les morceaux liturgiques proprement dits, mais encore les prières composées par Manuel dans certaines circonstances : 1. Psalmus cucharisticus de /ulnüne Agareno Bajazcto exstincto : Prière, sous forme de psaume, pour remercier Dieu de la défaite de Bajazet ά la bataille d’Ancyre. Publiée dans Lcunclavius, op. cit.. p. 118-451, dans P. (7.,col. 581,582, et dans É. Legrand, op cit., p. KM. —· 2. Canon deprecatorius ad sanctissimam dominam Deiparam pro pnnsentibus periculis, en latin, d'après l'édition de Maracci, dans P. G., col. 107-110, et en grec, d'après le Parisinus •1041, dans Legrand, op. cil., p. 9 1-102. — 3. Oralio gtorificatoria ad Deum cum confessione ct gratiarum actione, dans Lcunclavius, op. cil., p. 422-137, P. G., col. 563-571. — I. Alue preces matutina;, Lcuncla­ vius, op. cit., p. 138; P. G., col. 573-576. —5. Capita compunctionis versibus exposita, Lcunclavius, op. cit., p. 438-142; P. G., col. 575, 576. — 6. Δέησις κλυδονιζομένων ή καί άπλώς Οαλαττιόντων συντεΟεϊσα έκ των τής δαυιτικής βίβλου ψαλ.μών. Inc. Κύριε ό Θεός τής σωτηρίας μου. Dans le Parisinus 3011, Ρ 127 r<>131, ct dans le Barberinus 219, f° 91. —7. Μεγαλυνάρια pour Pofllce du samedi saint au tombeau du Christ, suivis des lamentations, θρήνος, dc la sainte Vierge, dans le Parisinus 30 H, p 134 'υ. Fabricius, Bibliotheca graeca,éù. Maries, t. xi, p. 617620, notice reproduite dans /’. (i., t. ci.vi, col. 83-92.1. Berger de Xlvrcy, Mémoire sur ta vit et les autres de l'empereur Manuel PaPologur, dans Mémoires de PAcadé­ mie des inscriptions et belles-lettres, 1853, t. xix b, p. I, 2<>1; K. Krumbachcr, Geschtchte der butantintschen Lilleratnr, Munich, 1897, p. 111,112, 189-492; Emile Legrand, Lettres dr l'empereur Manuel Paléolpgue, Paris, 1893, xii-112 p.; M. Jugic, Le nouage de l'empereur Manuel PaléologU' en Occident ( 1399-110$), dans Échos d'Orlc/il, 1912, t. xv, p. 322-332; A. Monfermtos, Διπ/ωματιζί: ινιργείΛ’. Μανουήλ B' τού ΙΙα/α ο/ο'ου r/ Ευρώπη xil ’Ασία· ’Ιστορικά! σημιιώσΐις, Athènes, 1913, 66 ρ’.; G. Schlumberger, Un empereur dr Bij-anrr d Paris ct ά Ixm decs, Paris, 1916, 38 p.; du même, Jean de Chateuumorand, Paris, 1919, 32 ρ.; 'Ακολουθία ct; τον ιύσεόιστατον καί 9u0:xto^ βασιλέα ήμώ# κυρ Μανουήλ οιά τού Οζιου καί άγγίλικου σ/ήαατο: αετονομασΟέντα Ματθαίον μοναχόν, éditée par Sp. Lam pros. Νέος ’ Κλληνομνήμων, 1917, t.xiv, ρ. 318-311. f L. Petit. MARACCI ou MARRACCI Hippolyte, reli­ gieux italien du xvn* siècle, — Né à Lucqucs le 17 Janvier 160 1, il entra dans la congrégation des clercs de la .Mère dc Dieu et passa toute sa vie à Home, au monastère dc Sainte-Marie in Campitrllo, où II mou­ rut le 18 mai 1675. Son frère Louis, membre du même ordre et orientaliste de valeur a écrit sur lui une bio­ graphie inédite. Malgré une santé délicate, Hippolyte fut d’une activité débordante, toute consacrée à In gloire de Marie. Sans parler de scs prédications il composa, au dire de son frère, 115 ouvrages. Snrtcschl,De scriptoribus congregationis Matris Dei,p. 1351 15, en décrit 7 I, dont 31 imprimés. A vrai dire, la plu­ part de ceux-ci sont des recueils de notices sur les personnages qui se sont signalés par leur dévotion a Marie ou sur les auteurs qui ont célébré les perfection* dc la Vierge. Voici, par ordre de dates, les principaux titres : 1° Apostoli Mariani, ln-8°, Home, 1643. — 2° Funda· tores Mariani, in-8°, Rome, 1613. - 3° Bibliotheca i Mariana, 2 vol. in-8°, Rome, 1618. contient les notices biographiques et bibliographiques dc plus do 3000 1933 MAH \CCI auteur'» classés pur ordre ulplinbélique. - Ie Ponti» fiers maximt Mariani, in-8®, Koine, 1612. 5® Lilia Mariana, Home, 1651. 6® Purpura Mariana, in-8®, Home, 1651. 7° Ileges Mariani, in-8®, Home, 1651 8° Breve compendia della vita di S. Raimondo Non· nulo, dell'ordine della Madonna della Mcrccde, In-8®, Home, 1655. -— 9° hides Ca/etana in controversia conceptionis IL At. V. ad libram veritatis appensa et nulla inventa, in-8®, Florence, 1655, critique de Cajétan, qui lut réimprimée à Païenne, Lyon, Bruxelles, Messine, Vienne, Cordoue, Avignon, Valence, etc. 1(W Antistites Mariani, in-8", Home, 1656.— \ \° He­ roides Mariana·, in-8®, Home. 1659. — 12® Principes Mariani, in-8® Home, 1660. 13° Trutina Mariana, in-8® Plaisance, 1660, réimprimé a Bruxelles, 1662 et a Vienne, 1663. — 14® Vindicatio Chrysostom ica, in-8®, Home, 1661. -15® Polyanthea Mariana, Cologne, 1683, suivi d’un appendice à la Bibliotheca Mariana riche de plus de 100Ü noms, réimprimé à Home, 1694, 1710 1727, in-fol., ct à Cologne, 1721, in-1°. — Maracci a publié aussi : 16° Conceptio immaculata Deipara· virginis Mariœ celebrata MCA V anagrammatibus prorsus puris ex hoc Salutationis angelica- program­ nude deductis: Ave Maria, gratia plena. Dominus tecum, a J.-B. Agnensi Cymeo Culvcnsi cardinalis Julii Ros» pigliosi aulico accot in-8®, Home, 1665, précédé d’une notice sur l'auteur. — Parjni les inédits, signalons : Bullarium Marianum, 2 vol. in-f®; Idea bibliothcac magna· Mariana·, 16 vol. ; Bibliotheca purpurea Mariana 2 vol. ; Catalogus immaculatus Marianus, collection de plus de 500 citations en faveur de I Immaculée Conception. Sancti atque illustres doetores antiqui pro immaculata I). V. conceptione objecti cuidam pseudo» Cajetano, in-4° Sartcsclii De scriptoribus congregationis Matris Dei, p. 135-116; Mémoires de Trévoux, 171 L t. n. p. ! 102 sq.; Ifafcr, Nouvelle biographie générale, t. xxxm, col. 715; Setlen, Selectorum litterarie rum specimen X guo Hippolyti Marraeei bibliothecam Marianam recenset, in-P, Lubeck, 1723; Ant. Bidlcrini, S. J., Syllogc monumentorum ad mys­ terium conceptionis immaculata· Virginis Deipara· illustran­ dum, in-S°. Paris. 1857, t. n, p. 1 17; F. 11. Schütz. Summa Mariana, t.m, Paderborn, 1913. in-81', p. 624-627; Hurter, Nomenclator, 3* édit., t. iv. coi 27-29. E. VaXSU 1 XÜEKÎillli. MARAN Prudent, * bénédictin de la Congréga­ tion dc Saint-Maur (1683-1762). I. Vn:. — Né à Sezanne en Brie, le 1 I octobre 1683. il fit d'excellentes humanités au collège des QuatreNaltons, â Paris. Voulant entrer en religion, il ren­ contra dans sa famille de vives oppositions; il parvint a en triompher et lit profession dans l’abbaye béné­ dictine de Saint-Faron dc Meaux, le 30 janvier 1703. De Saint-Denis où il résida quelque temps, il fut appelé à Sainl-Gcrmain-des-Prés, y étudia les langues orien­ tales sous le savant abbé Henaudot. On le chargea ensuite d’aider dom ’l'ontlée dans l'édition de saint Cyrille de Jérusalem. Suivant scs goûts personnels, il étudia la religion dans ses sources. Écriture sainte ct Pères de l’Églisc. Sa grande ardeur au travail n’al­ térait en rien sa gallé naturelle et sa piété fervente. Sa dévotion particulière était d’enseigner le catéchisme aux enfants de la paroisse. Contraint de quitter SainlGennain-dcs-Pres, à cause de son opposition à la bulle Unigenitus, il partit avec joie pour la petite abbaye d’Orbals. son lieu d’exil (1734). L’année sui­ vante,il fut transféré à Saint-Martin-dc-Pontoise, d’où il fut rappelé à Paris dans la maison des B lanes-Man­ teaux, en 1737. Lii. il vécut durant vingt-cinq ans, faisant les délices de la communauté par soa caractère aimable, l'édi lient ion du public par sa vertu, l’hon neur de la congrégation de Saint-Maur par ses ou­ vrages. Charitable envers les pauvres, excellent direc­ MAH A X 1935 teur dc conscience, il mourut le 2 avril 1762, airné et regretté dc tous. JL Œuvres. — 1° Dans l’édition de saint Cyrille de Jérusalem, .S’. Cyril li Hierosolymitani opera quitextant.., cura ct studio A. Touttéc, in-fol., Paris, 1720, dom Maran, a fait l’éloge dc dom A. Touttéc, mort en 1718 avant la publication. -2° L’œuvre ayant été attaquée par les Mémoires de Trévoux, en 1721, dom Maran publia pour sa défense une Dissertation sur les semi-ariens, in-12, Paris, 1722. Sans vouloir entière­ ment justifier les semi-anens, fauteurs dc Basile d’Ancyrccn 358, il montre dans cet écrit que leur refus dc recevoir le tenue dc Consubstantiel a été regardé comme une faiblesse excusable. Si Ton parcourt leurs écrits, on voit qu’ils regardent comme un sentiment étranger à la véritable doctrine celui qui admet dc la métaphore en usant du terme dc Fils : « cc n’est pas ainsi, disent-ils, (pi’il faut juger du Fils unique; il est proprement Fils, engendré seul par le seul Père, sem­ blable quant à la substance à celui dont on dit qu'il est Fils ct dont on reconnaît qu’il a été engendre. Quant à saint Cyrille, sa liaison avec les semi-arien s n’a rien qui puisse rendre sa foi suspecte. Ceux-ci furent toujours unis de sentiment avec les catholiques, ne difiérant d’eux que dans leur refus d’admettre le terme de Consubstantiel; ils comptaient dans leur parti plusieurs évêques très recommandables par la sainteté dc leur vie. Que si Cyrille, admettant le mot Consubstantiel cl chassé dc son siège par Acacc de Césaréc en 358, se réfugia près de Sylvain, évêque de Tarse engagé dans le parti des semi-ariens. il ne pou­ vait prendre d’autre mesure dans les circonstances ou étalent alors les afin ires dc l’Églisc (le pape Libère était en exil, un hérétique occupait le siège d’Alexandrie. Antioche n’avait point d’évêque); d’ailleurs il demeura toujours uni dc sentiments avec les évûqucs catholi­ ques. Avec les adversaires du P. Touttéc. dom Marnn convient que saint Jean Chrysostomc n’a point prêché à Antioche sous Mchce, mais bien sous Flavicn, que de plus ce saint était prêtre cl non simple diacre; mats il établit que le P. Touttéc ne s’est pas contenté de copier Tillemont. qu’il a éclairci, par des observations très judicieuses, toutes les accusations intentées n saint Cyrille... Voir Le Cerf. Hibliothéque historique, p. 291 29S. 3° Dom Maran est le moine de Saint-Maur indiqué dans ce titre des œuvres dc saint Cypricn. Sancti Ca·cilii Cypriani ep. Carth. et martyris opera ad mss. codi» ces recognita et illustrata studio... St. Haluzii Tutclensis, absolvit post Baluzium... unus emonachis Sancti Mauri, in-fol., Paris, 1726. La préface, est en effet, de dom Maran qui parle, en historien et en critique, des édi­ tions antérieures des œuvres de saint Cypricn, discute lu doctrine du saint évêque, le venge des calomnies dont les hérétiques des derniers temps I ont voulu noircir pour s’abriter sous son autorité. La vie de saint Cypricn, également dc dom Maran. ne laisse rien â désirer pour le nombre, la discussion, l'éclaircisse­ ment des faits. 4° Chargé d’éditer le t. iu des Œuvres de saint Basile contenant les Lettres, notre bénédictin commence pai une savante préface sur la doctrine de saint Basile dont il donne une V7e tirée des écrits. Il s’est cru ensuite obligé de refaire presque en entier la traduc­ tion des 365 lettres de saint Basile. A la lin du volume, il a mis un grand nombre de remarques et de correc­ tions sur divers endroits du texte grec des deux pre­ miers volumes, et il a ajouté deux bonnes tables. Cette édition est la meilleure, sans conteste, de celles (pi on a données des œuvres dc saint Basile. 5° On doit encore à dom Maran : S. P. A*. Justini philosophi ct martyris opera quie extant omnia, neenon Tatiani adversus Gcocos oratio, Athenagoras legatio 1935 MARAN pro Christianis, S. Thtophili anliochcni tres ad Auto­ lycum libri, Hermite irrisio gentilium philosophorum (gr. et tat.) cummss. codicibus colluta... opera et studio unius ex monachis Congr. S. Mauri, in-fol., Paris, 1742. La préface de dom Maran donne en trois par­ ties : I. une notice exacte des précédentes éditions grec­ ques et latines des ouvrages de Justin, Talion, Athénagorc, Théophile d’Antioche. Hormias; 2. tout ce qui concerne la doctrine de ces apologistes de la religion chrétienne; 3. la vie et les ouvrages de ces mêmes apologistes. 6· Divinitas D. .V. Jestt Christi manifesta in Scriptu­ ris et Traditione : opus in quatuor partes distributum, opera cl studio unius ex monachis congr. S. Mauri, in-fol., Paris, 1716; ouvrage dont il parut une adap­ tation française: Λα divinité. de X.-S. Jésus-Christ prou­ vée contre, les hérétiques et les déistes par les Écritures... T unanimité de la primitive Église, la manière dont on a combattu les incrédules pendant les trois premiers siècles, par les principes de la morale chrétienne... par un béné­ dictin de la Congr. de Saint-Maur, 3 in-12. Paris, 1751. Ces deux ouvrages de l’Apologétique au X VIII9 siècle sont a peu près identiques, les deux premiers volumes de l’édition française sont la traduction du traité en latin : le troisième volume (nouveau) considère ce que Jésus-Christ a fait pour nous, cc qu’il fait en nous, ce que nous sommes obligés de faire pour lui. Dom Maran se propose de prouver la divinité de Jésus-Christ à ceux qui reconnaissent l’autorité des Livres saints, de réfu­ ter les socinicns qui en niant cette divinité se sont unis aux incrédules pour combattre la religion chrétienne. D’après le Journal des Savants de l’époque (a. 17161717), l’ouvrage dénote une vaste érudition, présente une doctrine pure, enseignée avec force et justesse de raisonnement, dans un style clair, élégant, correct. Il a. d'ailleurs, été loué par Benoit XIV. 7® C’est le même caractère que présente La doctrine de T Écriture et des Pères sur (es guérisons miraculeuses, par un religieux bénédictin de la Congr. de Saint-Maur, in-12, Paris, 1751. Dom Maran y fait un simple exposé, sans recherches philosophiques, en vue de confondre les calvinistes, les luthériens, les déistes et spéciale­ ment l’abbé de Pradcs; l’ouvrage reçut aussi l’appro­ bation de Benoit XIV auquel il fut présenté. Dom Maran avait composé un ouvrage en latin sur les miracles le manuscrit envoyé en Hollande pour y être imprimé fut égaré et ne put être retrouvé. 8® Les grandeurs de Jésus-Christ et la défense de sa Divinité, contre les PP. Ilardouin cl Berruger, S. J., in-12, Paris, 1756; œuvre d’une théologie sublime et lumineuse dans l’exposé de la P· partie. La seconde partie réfute les PP. qui ont éludé les passages de l’An­ cien Testament cités par Jésus-Christ et les apôtres, ont expliqué ensuite les textes du Nouveau Tes­ tament sur les mystères de la Trinité et de l’incar­ nation selon les principes et la méthode des socinicns. L’ouvrage fut traduit en italien et parut à Home en 1757. Dom Maran fut amené à sc prononcer sur V Indis­ solubilité du mariage dans les circonstances suivantes. Un juif de naissance ayant épousé à llagucnau une Hile juive, sc convertit et fut baptisé le 10 août 1752. Par deux (ois, il fit sommer son épouse de le rejoindre sous cette condition qu’elle se ferait chrétienne. Celle-ci refusa et demanda des lettres de séparation. A une troisième sommation dans laquelle on ne lui deman­ dait plus l’abjuration du judaïsme, elle opposa le même refus. Le juif converti obtint de l’oflicialité de Strasbourg une sentence qui le déclarait libre de pou­ voir sc marier devant l’Église avec une chrétienne. Le cure de Villeneuve, au diocèse de Solssons, refusa de m irier cc juif avec une jeune fille de sa paroisse, allé­ guant I existence du premier mariage. L'oflicialité de MARA NDÉ 1936 Solssons donna raison au curé, mais le juif en appela comme d’abus devant le Parlement. Consulté par l’évêque de Solssons, appelé à comparaître comme ayant pris fait et cause pour son olllclal, dom Maran rédigea un Mémoire dans lequel il prouvait qu’un nou­ veau mariage du juif, dans ces conditions était Illi­ cite. La cause fut pluidée au Parlement ; pour donner raison au juif, on se fondait sur le passage de saint Paul, ICor., vu. 12-15,et en même temps sur une Décré­ tale que Gratien a mise sous le nom de saint Grégoire le Grand, dans laquelle on autorise le converti à con­ tracter un nouveau mariage, si la femme épousée avant la conversion se sépare de lui. Dom Maran sou­ tint que l’indissolubilité du premier mariage ne pou­ vait pas être détruite par le passage allégué, nonobstant cc qu’ont écrit dans ce sens saint Thomas et à sa suite une foule de scolastiques et de canonistes : car l'apôtre ne dit pas que le Adèle délaissé de son épouse pre­ mière puisse épouser une autre personne; s’il le fait il commet un adultère. Sur ces données, l’arrêt du Parlement, rendu en 1758, confirma la sentence de l’oflicialité de Solssons. La mort empêcha dom Maran de donner l’édition de Saint Grégoire de Xazianzx, œuvre que dom Louvard avait dû laisser inachevée : il avait cependant tra­ duit en latin le grand poème du saint, composé de deux mille vers, puis recueilli de bonnes variantes tirées de manuscrits importants. Dom Tasshi, Histoire littéraire de la Congrégation de Saint-Maur, ln-4% Bruxelles. Parii, 1770, p. 711 et 713; IA Le Cerf, Bibliothèque historique et critique des auteurs de la Congrégation de Saint-Maur, in-12. lui Haye, 1726, p. 293-298; Ch. de Linnn, Bibliothèque des écrivains de la congrégation de Saint-Maur, ln-8®, Munich-Paris, 1882, n. 513-550; ILefcr, La nouvelle biographie générale, Paris, t. xxxnr, col. 351 ; B. I fmiréau, Histoire littéraire du Maine. t. n, p. 57. J. Baudot. (Léonard do) ecclésiastique fran­ çais (xvn· siècle). — Il appartient à une famille origi­ naire du Berry et naquit dans les premières années du xvii® siècle. D'abord commis au grefle do la Cour des aides, il entra dans l’état ecclésiastique et devint plus tard conseiller et aumônier de Louis XIII et de Louis XIV. Il attaqua le livre De la fréquente com­ munion: c'est pourquoi les jansénistes le jugent tou­ jours avec une sévérité excessive. Presque tous les ouvrages de Léonard de Maraudé sc rapportent à la controverse religieuse, et il a pris nettement position contre le jansénisme. Ces écrits nombreux, sont ordinairement diffus, mais ils pré­ sentent encore un véritable intérêt. Il faut citer : d'abord Le théologien français, 3 vol. in- l°, Paris, 1611, « dans lequel, selon l’ordre de l'École, il est traite des principes et propriétés de la théologie, des attributs, de la vision, science et prédestination et volonté de Dieu, de la Trinité,des Anges et des lois». Tel est le titre du premier volume, dédié ù Jésus-Christ; le se­ cond,dédié A la très sainte Vierge, étudie l’incarnation, la grâce, le péché et les vertus théologales: enfin, le troisième volume étudie les sacrements en général et en particulier. Dans cet ouvrage de théologie, cha­ que livre est divisé en · traités · et chaque traité est subdivisé en < discours ». — Les Morales chrétiennes du théologien français, I vol. in-fol., Paris, 1613, sont divi­ sées en sept parties et suivent à peu près le plan de saint Thomas; au début du Lu, il est fait untrèsgrand éloge de saint Thomas et de ses écrits. — Le Jugement des actions humaines, revu, corrigé et de nouveau augmenté des discours du mouvement de la terre et de I l’astrologie judiciaire, in-1°, Paris, 1635, est beaucoup [ plus personnel; dans ccL écrit, dédié au cardinal duc de Richelieu, on trouve des études assez curieuses sur 1 la vanité, les sens, l’opinion, les passions, la félicité MARANDÉ Μ ΛK Λ NDÉ 1937 la vertu morale, l'auteur parle du mouvement de la terre et de Γastrologie judiciaire, parce que « la vanité et la faiblesse de l'homme ne paraissent nulle part plus nettement que dans l'ordre de nos raisonnements que nous appelons science ». Citons en lin La clef des philosophes ou abrégé curieux cl /ami lier de toute la philosophie, in-16, Lyon, 1617, Paris, 1(158 et Lyon, 1669. Λ partir de 1652, Maraudé aborde la question Jan· sénistc, et désormais, tous ses écrits viseront plus ou moins directement celte controverse. Le premier écrit, Antiquités de T Église touchant l'ancien usage des sacrements, In-12, Paris, 1652, semble avoir pour but de répondre à La fréquente communion d’Arnauld; puis c’est la Pénitence publique d'un illustre janséniste, adressée â M. Arnould, in-12, Park, 1653, et Incon­ vénients du jansénisme, adressés à M. Arnauld, in-12, Paris, 1653. Les Inconvénients d'Élat procédant du jansénisme avec la ré/utation du Mars français de M. Jansénius, in-F, Paris, 1651, sont dédiés au roi et â la France. Maraudé montre que la nouveauté du jansénisme est dangereuse pour l’Etat, plus encore que pour la religion, car la fausseté pervertit les sujets et corrompt les mœurs; le jansénisme est une secte d’Élat plus qu une secte de religion; dans la réfutation du .Mars français, il dit, quo la raison principale pour laquelle le roi doit proscrire le jansénisme est que son auteur, Jansénius, a été un des plus grands ennemis de la France et de ses monarques. Pascal parle de cet écrit dans sa A' V· lettre provinciale, au sujet des Monita secreta des jansénistes (cf. Gazier, Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses origines jusqu'à nos jours, 2 vol. in-8°, Paris, 1922, 1.i, p. 95,96 et Mémoires de G. Donnant, t. n, p. 351,606). Maraudé publia, peu après, une Réponse à la pre­ mière lettre de M. Arnauld (il s’agit do la Lettre d'un docteur de Sorbonne à une personne de condition), Ïn-V3, Paris, 1653; elle est suivie d'une Réponse à la seconde lettre de M. Arnauld; ensemble les cinq propositions censurées, extraites du Hure de Jansénius par les jansé­ nistes eux-mêmes, in-F, Paris, 1655. Maraudé, pour répondre aux jansénistes qui prétendent que les cinq propositions condamnées par Borne ne sc trouvent pas dans 1’Augustinus, leur rappelle que les docteurs Jan­ sénistes et tout particulièrement Arnauld, avant la condamnation de cés propositions, avaient soutenu que ccs propositions étaient dans Jansénius et qu’elles étaient catholiques. Maraudé réplique encore ù Ar­ nauld dans une Réponse à l'écrit que M. Arnauld a jail présenter aux docteurs assemblés en Sorbonne pour la censure de la seconde lettre, in-1°, Paris, 1655 (il s'agit des Réflexions sur la censure que les docteurs de la sacrée Faculté de théologie assemblés en Sorbonne ont faite de la seconde lettre de M. Arnauld). Maraudé attaqua de nou­ veau lo jansénisme dans les Considérations sur un li­ belle de Port-Royal intitulé : Défrnse de la Constitution d'innocent .V.., sur la retraite des docteurs jansénistes, sur la protestation de M. Arnauld et sur les lettres qu'il a /ait courir dans Paris, depuis la censure de la Sor­ bonne, in-F, Paris, 1656 (les lettres dont il est ques­ tion sont les Provinciales); Maraudé dans cet écrit, examine successivement la conduite des jansénistes et critique les quatre premières Lettres provinciales. L'auteur reprend l'étude de ces controverses à leur principe même, dans les Règles de saint Augustin pour l'intelligence de sa doctrine, avec la réjuiation des prin­ cipes de Jansénius par eux-mêmes cl par saint Augustin, in-4% Paris, 1656. Maraudé y montre les dangers du jansénisme cl lui conteste Je droit de faire appel ù l'au­ torité de saint Augustin; pour prouver sa thèse, il examine les règles posées par le saint Docteur luiméme : a) tout ce qui est contenu dans les écrits des Pères n'a pas lu même autorité; b) il faut distinguer ce DJCT, DE IHICOJ.. CATHOL. 1938 qui est proprement un dogme; c) les sentiments parti­ culiers d’un Père ne forment pas loi dans l’Église; et aucun Père n'est infaillible dans scs sentiments parti­ culiers; d) seule, l’Église ou la Chaire do Pierre peut déterminer cc qu'il y a de fol dans les écrits des Pères; e) tout ce que saint Augustin n’a pas rétracté dans scs œuvres doit servir de règle pour montrer les vrais sentiments de ce Père; /) il faut lire saint Augustin, comme II voulait être lu et entendu. Dans une seconde partie, Maraudé réfute les principes de Jansénius, au sujet de la grâce en général et de la grâce suffisante en particulier, de la possibilité des commandements de Dieu, du libre arbitre et de la mort de Jésus-Christ pour tous les hommes; il s'appuie sur un travail, paru quelques années auparavant. Recueil des seules auto­ rités de S, Augustin contre la nouvelle théologie de ce temps, in-12, Poitiers, 1652. Maraudé poursuit le jansénisme dans ses diverses positions : en 1661, il public La question de /ait tou­ chant Jansénius, traitée par le droit et par le /ait, avec la réponse à tous les libelles de Port-Royal qui ont paru depuis deux ans, in-F, Paris, 1661. L’écrit est divisé en trois parties : a) la question de fait est traitée par le droit, avec une analyse de nombreux documents anciens; b) la question de fait est traitée par le fait : de l'aveu des jansénistes eux-mêmes avant la condamnation, les cinq propositions sc trouvent dans Jansénius et Marandé indique les endroits où elles se trouvent; c) réponse à un libelle de Port-Hoyal inti­ tulé : Éclaircissement du jail et du sens de Jansénius et d’un autre écrit intitulé : De l'hérésie et du schisme. Marandé répond encore ù Port-Royal dans la Défense de l’Église contre un écrit de Port-Royal inti­ tulé : Lettre sur la constance et le courage qu'on doit avoir pour la vérité, où l'on démontre aussi que les cinq propositions sont dans Jansénius, qu'elles ont été condamnées au sens propre de cet auteur et quel est le sens condamné, in-F, Paris, 1663. Dans une pre­ mière partie, Marandé montre que les saints Pères qui ont sollicité les fidèles à soulfrir le martyre pour la défense de la foi ne favorisent nullement les desseins de M. Arnauld et de tous scs sectateurs, lesquels ne manifestent que l’orgueil de l’hérésie; dans la seconde partie, l'auteur réfute la thèse des jansénistes qui pré­ tendent qu’on peut ne pas obéir au roi et au pape en matière de fol; enfin, dans la troisième partie, il montre quels sont les prétendus persécutes qui sc plai­ gnent dans la Lettre sur la constance et «fuels sont les persécuteurs qu'on appelle charitablement « coupa­ bles incorrigibles, infidèles, juifs, hérétiques, démons, serpents... » A la fin de cet écrit, sc trouve la Réponse à deux libelles de MM. de Port-Royal contre les Réflexions sur la lettre de M. l'évéque d'Angers au roi. Ces deux libelles ont pour titre : Avis sur un libelle contre iu lettre de Mgr l'évéque d’Angers cl Éclaircissement sur le différend d’entre Jean d'Antioche et saint Cyrille dont il est parlé dans la lettre de Mgr l’évéque d'Angers (Œuvres d’Arnauld, t. xxi, p. 399, 400). Le dernier écrit de Marandé revient à saint Thomas; certaines parties de ce travail sont assez anciennes puisqu'on trouve une approbation, datée du 22 mars 1614. L'écrit a pour litre : La théologie de saint Tho­ mas contenue dans sa Somme, ou La clef de saint Tho­ mas sur toute sa Somme, 10 vol. in-12, Paris, 166S1670. L’auteur suit les thèses de saint Thomas, mais il a modifié parfois l'ordre des matières, pour mieux s’adapter ù l'esprit et au goût français. Michaud, biographie universelle, t. xxvi, p. 113: Moreri, Lr grand dictionnaire historique, édit, de 1759. t. vu, p. 1X9; Feller, biographie universelle, édit. Prrennès, 1X12, t. vm. p. 123; lllchard et Giraud, blbliolh^qur uicnr, t. xvi, p. XI. I farter. Nomenclator, 3 <·«!.!., t iv, col. 6X. J. CAiiKi;yiii;. IX. 62 1939 MARBODE — MARC (SAINT) L’ÉVANGÉLISTE MARBODE, évêque de Bennes »χη· siè< le}.— Né è Angers vers 1035, il devint écolâtrc puis nrchidincrc de celte ville; en 1090, lors du concile tenu à Tours par Urbain II, il est fait évêque de Bennes, dont il occupera le siège pendant plus de vingt ans; sur la fin de sa vie il prit l’habit bénédictin ά Saint-Aubin d'Angers où il n.oui ut le 11 septembre 1123. > on nom figure A cette date nu Marlyrologium galliconum d'André du Saussaie. — La production de Marbode, assez considérable, intéresse davantage l’historien de la littérature que le théologien. Versificateur habile, il a surtout laissé des poèmes sur toute espèce, de sujets, depuis les vies de saints et les passions de martyrs, jusqu’aux épignimmcs, aux!fables et à la description des pirn es précieuses. Les hagiographis lui sont recon­ naissants de la composition de[ plusieurs vies de saints en prose : vies de rain ’ Lezin, de saint Robert, de saint Mnimbœuf (Magnobodus),'de saint. Gautier. Les théologiens retiendront surtout scs lettres, et parmi elles: Epist, n. Quod improbitas ministri non impedit veritatem sacramenti: m, Sacerdotes mali non sunt nisi post canonicum judicium /ugiendi, et v, lettre de direc­ tion à une religieuse. On a discuté sur l’authenticité de la lettre vr à Robert d’Arbrisscl, qui contient une critique fort vive des méthodes d'apostolat du célèbre réformateur; nous croyons pourtant avec les auteurs de VHistoire littéraire de la France qu'il n’y a pas lieu de la révoquer en doute. Au contraire il faut rejeter un commentaire en vers sur le Cantique des < antiques dont les mêmes auteurs ont montré qu'il était l’œuvre de Villeramc, scolastique de Bamberg, puis religieux de Fulda et abbé de Mersebourg. Les diverses éditions anciennes dont la plus importante est celle de Rennes, 152-1, sont primées parcelle d’A. Beaugendre, O. S. B., qui publie les œuvres de Mari ode avec celles d’illkfcbcrt du Mans, Paris. 170-8 (le commentaire sur le Cantique en appendice); cette édition est reprise et com­ plétée par J.-J. Bourassé, duns P. t. clxxi (1S54), col. 1457-17X1 (ne donne pas le comment, sur le Cantique); — Notice iitliruin très complète dans Γ Histoire littéraire de la France, t. x, 1756, p. 343-392; moins bonne dans dom Géli­ fier, Histoire générait dts aulmrs iccl., 2* édit., t. xrv «, p. 225-230. — Iraient? rirents ; C. Ferry, De Marlcdi JUic· donc ru ii episcopi vita tl carminibus (thèse), Nîmes, 1X77; L. Frr.ault, Marled· étique de Bennes, sa oie, us auvrts, Rennes, 1890. É. Amann. 1. MARC (SAINT), personnage de l’ûgê apostoli­ que, & qui la tradition ecclésiastique attribue la com­ position du second évangile. De cet évangile nous étudierons dnns le présent article : L L’origine et la composition. IL Les caracté­ ristiques doctrinales (col. 1950). L ORIGINE ET COMPOSITION DV SECOND ÉVANGILE. — 1° L’origine du second évangile d’après la tra­ dition ecclésiastique. 2° Lc second évangile et la cri­ tique. 3· La composition du second évangile d’après scs caractères intrins< ques. /.Z/ AECO2TP i vas ut U et LA TitAbiTtos.— ^Don­ nées traditionnelles sur le second évangile dans son en­ semble. — 1 Citations et allusions chez les écrivains du II· siècle. — La matière de l’évangile de saint Marc sc trouvant presqu’intégralement dans les deux autres synoptiques, Il n’est pas facile de déterminer sûrement dans les écrits des Pères et des anciens écri­ vains ecclésiastiques les citations ou allusions qui attesteraient de leur part la connaissance et l’usage de cet évangile. De fait, les quelques rapprochements que l'on a établis entre des passages de l'épltre de saint Clément aux Corinthiens ou du Pasteur d’I fermas et des textes du second évangile, ci. Funk, Patres apostolict, t. i, p 640 sq., ne sont pas décisifs. On a des Indices plus certains de l’usage du second évangile par les hérétiques des deux premiers siècles : I960 saint Iréncc, Cent, hares., III, xr, 7, G., t. vn» col. 884, témoigne que les dociles employaient de préférence l'évangile de saint Marc; il mentionne, Jbid., I. m, 3, col. 472, une parole de Jésus qui ne se trouve que dnns le second évangile, v, 31 et que rap­ portaient les Valentiniens. Saint Justin semble bien faire allusion à la finale actuelle du second évangile, Apo/., i, 45, P. G., t. vi, col. 397. De plus, il désigne Jésus» Dial. cum. Tryph., 88, col. 688, par le nom de τίκτων, comme dans Marc, vi, 3. Il cite enfin le nom de fils du tonnerre donné aux fils de Zébédée (détail qui ne se trouve actuellement que dans Marc., m, 17) d’après les Mé­ moires de Pierre, Dial. cum. Tryph., 106. col. 724; si, comme i) est probable, ccs άπομνχμονεύματα Πέτρου désignent notre second évangile, et non, comme le pensent quelques critiques, l'évangile apocryphe de Pierre, le témoignage de saint Justin corroborerait la tradition qui rattache l'évangile de saint Marc à la catéchèse de saint Pierre. 2. Données biographiques sur saint Marc. — a). D'a­ près les Actes des Apôtres. — Au c. xu des Actes, >. 12 et 25, est mentionne un personnage, appelé Jean de son nom d'Israélite, et surnommé Marc (Μάρκος, forme grecque du nom latin Marcus), fils de Marie, dans la maison de qui les chrétiens de Jérusalem étaient rassembles pendant que saint Pierre était en prison. Cc Jean, surnommé Marc, est emmené par Paul cl Barnabe, lorsque ceux-ci, ayant rempli la mission que les chrétiens d'Antioche leur avaient confiée pour la communauté de Jérusalem, retournent en Asie Mineure. C’est évidemment le même person­ nage. bien qu’il soit désigné sous le seul nom de Jean, qui est indiqué comme auxiliaire de Paul et de Barnabe (ύπηρέτης signifie qu’il était à leur service, chargé sans doute des affaires matérielles de la mission ondes fonctions extérieures de l'apostolat), durant leur pre­ mière course apostolique en Crète, xm, 5, et qui, pour des raisons qui ne sont pas précisées, quitte les deux apôtres ù leur arrivée en Pamphylie et retourne à Jérusalem, xm, 13. C’est lui encore, que, au début de la seconde mlssidn apostolique de Paul cl Barnabe, celui-ci veut prendre comme compagnon, xv, 37 : Il en résulte un conflit entre les deux apôtres cl leur séparation, saint Paul n’ayant pas oublié la pré­ cédente défection de Marc; tandis que Paul continue son voyage avec Silas, Bamabé, accompagné de Marc (désigné ici par son seul surnom) retourne à Chypre, xv, 39. b) D'après les I pitres. — C’est sûrement le même Marc, cousiii de Barnabe, dont saint Paul fait men­ tion dans l'Épitre aux Colosslens, iv, 10, 11 et dans l’Épltre à Philémon, 24, écrites au début de la capti­ vité de l’apôtre à Rome. Marc est nommé avec Ari.slarque et Jésus, dit le Juste, parmi les Juifs d'ori­ gine qui sont alors les compagnons et les collabora­ teurs de Paul, et l'apôtre semble avoir la pensée de l'envoyer aux Coiossiens qui devront le bien recevoir. Dans la IIe Épltre à Timothée, écrite sans doute durant la second captivité de saint Paul à Rome, l’apôtre demande ù Timothée, qui est alors à Éphèse, de lui amener Marc ■ toujours utile en vue du minis­ tère >. II 'fini., iv, 11. La dernière mention de saint Marc dans le Nouveau Testament sc trouve dans la Prima Petri. Saint Pierre, écrivant de Rome aux chrétiens d'Asie Mineure, les salue au nom de Marc, qu’il appelle son ills. 1 Petr., v, 13. Bien qu’il n’y ait aucune preuve positive de l’iden­ tité de cc compagnon de Pierre avec le Marc des Actes et des épltres de Paul, il n’y a rien que de vraisemblable à supposer que Pierre ait eu pour collaborateur un disciple qu'il devait connaître particulièrement, puisque c'est dans sa maison de Jérusalem, qu’il se 1941 MARC (SAINT). LE SECOND ÉVANGILE ET LA TRADITION rendit, après sa délivrance miraculeuse; c'est ainsi d'ailleurs que l'a compris l'ancienne tradition ecclé­ siastique, qui identifie unanimement le compagnon de saint Paul, l’auxiliaire de saint Pierre cl l'auteur du second évangile. c) D'après l'ancienne tradition ecclésiastique. — Le texte le plus ancien et le plus précis est un frag­ ment de Paplas, rapporté par Eusèbe, //. E., I I, XXXIX, P. G„ t. xx, col. 300, dans lequel l’évêque de Hlérapolls rapporte une tradition du presbytre Jean, il y est dit que Marc avait été l'interprète, έρμηνευτής, de Pierre, et qu’il écrivit cc que le Sei­ gneur avait dit ou fait, d'après ce qu'enseignait l'apô­ tre, On a entendu parfois le terme d'interprète en ce sens que Marc aurait été le secrétaire de saint Pierre, mais ce mol s'explique suffisamment, si l'évangile de saint Marc fut rédigé d’après la prédication de saint Pierre. La même tradition rapportée par Papias Indique que Marc n'avait pas été disciple du Seigneur cl ne l’avait pas entendu. Celte donnée, qu’on retrouve également dans plusieurs écrivains postérieurs, en particulier saint Jérôme, s’opposerait, si elle est tenue pour valable, ù l'hypothèse d'un certain nombre d’exégètes modernes qui pensent que le jeune homme, mentionne dans le second évangile seul, Marc., xiv, 51,52, qui ù Gelhscmani laissa entre les mains des soldats le vêlement de nuit dont 11 était couvert cl s'enfuit nu, était Marc lui-même, l'auteur de l'évangile. Il n’y a pas lieu d’insister sur une donnée traditionnulle de peu d'autorité qui attribue à saint Marc une origine lévitique cl lui applique l'épithète de · homme au doigt coupé >. Beaucoup plus importante et plus généralement attestée, quoique par des documents relativement récents, est la tradition qui fait de saint Marc le fondateur do l’Église d'Alexandrie. Elle est rapportée par Eusèbe, //. E„ II, xvi, P. G., t. xx, col. 173, adoptée avec des précisions chronologiques discutables par saint Jérôme et complétée par lu men­ tion du martyre de saint Marc dans le Chronicon Pascale, et les Actes apocryphes de saint Marc. La conciliation de ces données de la tradition avec cc (pie nous apprend le Nouveau Testament des rapports de saint Marc avec saint Pierre et saint Paul n’est ' pas sans difficultés. 3. Traditions anciennes sur la composition du second évangile, — Le témoignage ancien le plus précis qui attribue la composition du second évangile à saint Marc et le rattache ù la prédication de saint Pierre, est le texte de Papias, cité par Eusèbe, donl il a été déjà question. Sur l’identité du presbytre Jean, donl Papias rapporte les dires, et de l’apôtre saint Jean, cf. art. Jean, l. vm, col. 517. · Jean le Presbytre di­ sait: «Marc, Interprète de Pierre, écrivit exactement • tout ce dont il se souvint, mais non dnns l'ordre de cc • que le Seigneur avail dit ou fait. » On sc demande si la suite du texte appartient encore aux dires du presbytre ou ne serait pas plutôt un commentaire de Papias lui-même : < Car Marc n’avait pas entendu le Seigneur, cl n'avait pas été son disciple, mais bien plus tard, comme Je l'ai dit, celui de Pierre. Celui-ci donnait son enseignement selon les besoins, sans se pro­ poser de mettre en ordre les discours du Seigneur. De sorte que Marc ne fut pas en faute, ayant écrit certaines choses selon qu'il sc les rappelait, car il s’appliquait uniquement à ne rien omettre de cc qu'il avait entendu, et à ne rien rapporter que de véri­ table. » Quelles que soient les dillicultés de détail que présente l’interprétation de ce texte, il en résulte que, dès la fin du ier siècle, on attribuait à Marc, disciple de Pierre, un évangile qui reproduisait la catéchèse du chef des apôtres. La façon donl est caractérisé cet écrit n’oblige pas à le distinguer de 1942 notre second évangile actuel, comme l'ont pensé les tenants de l'hypothèse d’un Proto-Marc, car le défaut d’ordre qui lui est attribué ne veut pas dire,sans doute, que c'était un recueil d’anecdotes et de discours sans aucune suite, mais plutôt que l'ordre chronologique n'y était pas suivi rigoureusement : peut-être Papias vou­ lait il établir un contraste à ce point de vue entre l'évangile de Marc cl celui de Jean, dont l’ordonnance chronologique lui paraissait supérieure. Saint Irénéc, Contra h/rres., III, i, I, P. G., t. vn, col. 845, dit quo Marc, disciple et interprète de Pierre, transmit par écrit cc qui avait été prêché par Pierre. Il ajoute que Marc écrivit « après le départ de Pierre et de Paul », μετά τήν τούτων : cette indi­ cation est importante pour la fixation de la date de composition de l’évangile, mais elle est interprétée différemment. Lc sens naturel de (ςοοος est celui d» mort : dans cc cas, s'il faut sc fier au témoignage d’Irénéc, Marc n’aurait rédigé son évangile qu'après la mort de Pierre et de Paul. Mais il y a une difficulté provenant de l’antériorité certaine du second évan­ gile par rapport au troisième : si l’on admet que saint Luc a écrit scs deux ouvrages du vivant de saint Paul, il faut interpréter Γέςοδος de saint Irénéc dans un autre sens que celui de mort, ou bien supposer qu* Irenée s’est trompé sur cc point. Cf. article Luc, t. ix, col. 974. Il n’y a pas Heu d’insister sur le Canon de Muratori, donl la notice, en ce qui concerne le deuxieme évan­ gile, est trop mutilée pour qu’on en puisse tirer des indications précises. Mais TertulUen fixe de la même façon que saint Irénéc les rapports entre l’évangile de Marc cl saint Pierre : licet et Marcus quod edidit Petri aflirmatur, cujus interpres Marcus, Ado. Marcionem, iv, 5, P. L., t. n, col. 367 La tradition de l’Église d’Alexandrie sur le second évangile nous est connue par Origine qui dit simplement que le second évangile est celui de Marc, · composé selon que Pierre lui avait enseigné », Eusèbe, //. E., VI, xxv, /< G., I. xx, col. 581, cl par Clément d’Alexandrie dont le témoignage nous est parvenu sous trois formes diffé­ rentes, dans deux textes conservés par Eusèbe, H. E.. II. xv. et VI,xiv,col. 172 et 552. et dans un texte que nous ne possédons plus qu’en latin. Adumbratio in cp Petri primam catholicam, édit. Stàhlin, t. nr, p. 206. Ces trois textes sont d'accord pour affirmer que Marc, disciple de Pierre, écrivit l’évangile qui porte son nom du vivant de col apôtre, à la sollicitation des auditeurs de Pierre, désireux de posséder par écrit l’enseignement qui leur avait été donné de vive voixi Dans un des textes cités par Eusèbe. il est dit que Pierre ne voulut intervenir ni pour empêcher Marc, ni pour le pousser, tandis que dnns l’autre texte il est dit que Pierre, ayant appris par révélation cc qu’avait tait Marc, fut satisfait du zèle de son disciple et con­ dona l’évangile de son autorité : ccs derniers détails semblent bien être une amplification légendaire de la tradition primitive, avec laquelle concorde en ses traits essentiels le témoignage de Clément. Saint Jérôme, dans le Commentaire sur saint Matthieu, Pnemium, P. L,, l. xxvi, col. 78. résume très exactement les données traditionnelles sur l’évan­ gile de saint Marc : Secundus Marcus interpres apos­ toli Petri et Alexandrina Ecclesia primus episcopus, qui Dominum quidem Salvatorem ipse non vidit, sed ea quæ magistrum audierat privdicanlem, juxta fidem magis gestorum narravit quam ordinem. Il avait écrit déj.i dans le De viris illustr., 8, P, L., I.*xxin.col.ti21 : Marcus discipulus et interpres Petri juxta quod Pt Irum reIerentem audierat, rogatus Romir a fratribus breve scripsit Evangelium; dans l’épltre à llédlbln, Epist., exx, 11, P. L„ l. xxn, col. 1002. il semble réduire le rôle de saint Marc à celui d’un simple secre- 1943 MARC (SAINT). LE SECOND ÉVANGILE ET LA CRITIQUE taire, écrivant sods la dictée de saint Pierre: Habebat ergo (Paulus) Titum interpretem, sicut et beatus Petrus Marcum, cujus Evangelium Petro narrante et illo scri­ bente compositum est. 2e Données traditionnelles sur la finale du second évangile, — En raison des doutes soulevés sur la canonîclté et l'authenticité de la finale actuelle du second évangile, xvi, 9-20, il y a lieu de relever d’une façon spéciale les données traditionnelles qui ont rapport ù ce passage. On a signalé d'abord des rapprochements assez significatifs entre Marc, xvi, 19, 20 et l’Épitre aux Hébreux, r,3; π,3, L Cf.J.-P. van Kastcrcn, Rev. bibl, 1902, p. 210-255; dom Chapman, Revue bénédictine, 1905 p. 50-61. On trouve ensuite des allusions très pro­ bables à cette finale, ou même des citations explicites dans saint Justin, Apol., i, 2, 39, 46, P. G., t. vi. col. 329, 388, 397; saint Irenée, Cont. lucres., Ill, x, 6, P. G., t. vn, col. 879; peut-être dans saint I lippolyte et les Constituions apostoliques; elle figurait dans le Dlalessaron de Tatien; clic est citée encore par Did)me, De Trin., n, 13, P. G., t. xxxïx, col. 688, S. Epiphane, ILcres., lxii, 6. P. G., t. xu, col. 1057, S. Jean Chrysostome, P. G., t. iji, col. 781, 782, 783, et en Occident par S. Ambroise, In llexam., VI, vi, 38, P. L., t. xiv, col. 25G et ailleurs, par S. Au­ gustin, P. L., t. xxxvm, col. 1101, 1112, 1127, et par tous les latins après eux. Par contre, on n'y trouve aucune allusion dans Origènc, Clément d’Ale­ xandrie, saint Athanase, saint Cyrille de Jérusalem, saint Basile, saint Grégoire de Nysse, ni dans Tertullicn et saint Cyprien, ce qui est plus étonnant, étant donné que ces deux écrivains ont traité du baptême. il faut mentionner à part le témoignage d'Eusèbe et celui de saint Jérôme qui s'y rattache. Dans ses Questions à Marinus, P. G., t. XXII, cul. 937-910, Eusèbc se demande comment lever la contradiction apparente entre Matth., xxvm, 1, et Marc., xvi, 9 sur l’heure de la résurrection de Jésus. Une première réponse consiste â rejeter l’authenticité de ce passage de saint Marc, qui, d'après Eusèbc, ne se trouve pas dans tous les exemplaires, et ne figure pas dans les plus exacts. Une autre réponse, d'ordre cxégétlque, est proposée ensuite pour ceux qui n'osent rejeter l’autorité d’un texte qui appartient â la tradition écrite des évangiles. De ce texte il semble bien ressortir qu'Eusèbe, tout en ne sc prononçant pas expressément contre l’authenticité de la finale de Marc, ne lui était pas favorable, et que, en tous cas, ce passage ne figu­ rait pas dans les manuscrits que l’évêque de Césarée estimait les plus corrects. Le témoignage de Jérôme EpPL, exx, ad Hedibiam,3, P. L., t. xxn, col. 987, 988, s’inspire du sentiment d'Eusèbe pour répondre â la même dlfiiculté, mais, d’autre part, Jérôme a maintenu Ια finale de Marc dans sa revision de la Vlilg de. 3® Décisions delà Commission biblique pontificale — C'est l'ensemble des données traditionnelles sur le second évangile que la Commission biblique pontifi­ cale a sanctionné dans un décret du 26 juin 1912, complétant une decision du 19 juin 1911 D’après ces décisions, on doit affirmer que Marc, disciple et interprète de Pierre, est bien l'auteur de l'évangile qui porte son nom. En ce qui concerne les douze derniers versets de cet évangile, on n'a pas le droit d'affirmer qu’lis ne sont pas canoniques et inspi­ rés, et on doit Juger que les raisons alléguées contre leur authenticité ne démontrent même pas que Marc n'en est pas fauteur. Il faut maintenir l’ordre chron >logique traditionnel des évangiles, Matthieu ayant écrit le premier dans sa langue nationale, Marc le second, Luc le troisième. On ne peut pas dliTércr jusqu'à la ruine de Jérusalem la composition des évan­ 1944 giles de Marc et do Luc. En ce qui concerne les sources du second évangile, on ne peut mettre en doute que Marc ait écrit d’après la prédication «le Pierre, quoi­ qu'il ait pu avoir d'autres sources orales ou même écrites. Enfin on ne peut douter de la pleine valeur historique des faits et des paroles quo Marc rapporte accurate, el quasi graphice, d’après la prédication de Pierre. Texte dans Cavallera, Thésaurus, n. 112. //. /./; sBCOsn fiVASGtu: F.r la CRtrtQUK. — Dans la seconde moitié du xix· siècle, il s'était établiparmi les critiques et exégètes non-catholiqucs une opi­ nion spécialement favorable â l’évangile de saint Marc. D’une part, la critique littéraire des synoptiques avait abouti â la théorie dite «les deux sources, d’après laquelle notre second évangile serait le premier en date, el aurait servi de source, avec les Logia araméens de saint Matthieu, à notre premier et à notre troisième évangile. D'autre part cette antériorité de Marc apparaissait en harmonie avec les caractères distinctifs qu'on relevait dans le second évangile : une tendance moindre à l'idéalisation, des traits d’humanité fortement accentués dans la figure du Christ, la simplicité et le réalisme de la narration y faisaient reconnaître le témoin d’une tradition plus primitive, qui permettait de reconstituer avec une précision suffisante, estimait-on, pourvu qu'on éli­ minât certains éléments surnaturels tenus pour lé­ gendaires, la physionomie historique de Jésus. Telle était, avec des nuances, la position des maîtres de l’école libérale : Weizsâcker, Wenilc, Dousset, B. et J. Weiss, Holtzmann, Jülicher. Deux questions de critique littéraire étaient con­ troversées. Comme il sc trouve dans le second évangile beaucoup de traits de détail et même plusieurs péricopes entières qui ne figurent pas dans le premier et le troisième, plusieurs critiques estimèrent que Matthieu et Luc avaient eu entre les mains un Marc primitif (Ur-Markus), dont notre second évangile serait une recension complétée et amplifiée. D'autre part, on se demandait si Marc avait connu les Logia el les avait utilisés. Sur ce dernier point l'accord ne s'est pas fait. Quant à la théorie du Proto-Marc, elle est complète­ ment abandonnée, en tant qu'elle supposait un Marc original où ne devait rien figurer qui ne se retrouvât dans Luc et Matthieu ou au moins dans l'un de ces évangiles. C’était se faire, on l’a reconnu, une idée tout à fait Inexacte du travail rédactionnel auquel sc sont livrés les évangélistes que de supposer qu’ils devaient reproduire mécaniquement et sans en rien omettre les sources dont ils disposaient. Mais l’idée d’étapes successives de rédaction dans la formation du texte actuel du second évangile a été reprise sous des formes moins simples, en même temps que la croyance ù la primitivité de Marc était battue en brèche par une concejMion toute nouvelle de l'esprit général de cet évangile. La réaction â cc point «le vue a été déclenchée par Wrede, Das Messiasgehcimnis in den Evangelien, Gœttlngue, 1901, «pii présentait le second évangile comme un écrit â tendance dogmatique presque aussi accusée que le quatrième évangile : Marc aurait forgé la thèse du secret messianique pour maintenir que Jésus était, «lès sa vie terrestre, Messie et fils de Dieu, bien que la tradition primitive sût qu’il n'avalt été regardé comme tel qu’après la Hésurrcction. Celte théorie particulière de Wrede n’a pas eu do succès, mais, depuis lors, beaucoup de critiques ont affirmé le caractère dogmatique du second évangile, supposant par exemple — c’est l’hypothèse la plus en faveur — que le rédacteur qui lui a donné sa forme actuelle en a modifié la physionomie pour y introduire la théologie de saint Paul. Dans ces conditions l’évan­ gile de saint Marc, bien qu'on le tienne toujours pour 1945 MARC (SAINT). ORIGINE DU SECOND ÉVANGILE l’une des sources des deux outres synoptiques, ne peut plus être considéré comme un écrit homogène, il doit être le résultat d’un travail rédactionnel complexe, où sc reflètent les développements successifs de la tradition chrétienne, cl on n cherché A élucider le problème de sa composition en s'appuyant non seule­ ment sur les* constatations de In critique littéraire, mais aussi sur les tendances dominantes qu'on croit remarquer en ses diverses parties. Sur cette question des sources du second évangile, sur la distinction des éléments primitifs et secondaires dans In tradition, l’accord est d’ailleurs loin d'être fait entre les critiques. Pour prendre un exemple, voici les grandes lignes du système de M. Lolsy, L'Évangile selon Mare, Paris, 1912. L’écrit primitif n’était qu’une · humble notice », sur Jésus de Nazareth où étaient consignés seulement les faits essentiels de la prédication galilécnne et la tentative messianique sur Jérusalem, avec son dénouaient au Golgotha, notice qui représentait bien le christianisme primitif de Pierre cl des apôtres goliléens, pour qui Jésus n’était rien de plus que le Messie attendu parles Juifs, cl nulle­ ment le fondateur d’une religion nouvelle, ( ne pre­ mière série de compléments est formée par des grou­ pes de sentences et de paraboles, empruntées Λ un recueil de discours, qui était, lui aussi, un écho des souvenirs apostoliques. Une seconde série de complé­ ments est constituée par des récits de miracles et de prophéties, où l'on doit reconnaître des amplifications légendaires, de pieuses fictions attribuables A des chrétiens de la seconde génération, dont la foi ne pouvait .sc satisfaire des simples traditions primitives. Enfin, d’autres additions et retouches doivent être le fait du dernier rédacteur, qui a donne au second évangile sa forme actuelle, en l'adaptant â l’Evangile paulinien, par lequel le christianisme primitif étail transformé en une religion de mystère fondée sur la mort rédemptrice d’un être divin et concrétisée dans des rites d’initiation et d’union mystique, les sacre­ ments du baptême et de l'eucharistie. Ces conclusions très radicales n'ont pas cependant prévalu d'une façon universelle parmi les critiques nnn-calholiqucs; il en est encore un bon nombre, spécialement parmi les savants de langue anglaise, qui, tout en acceptant certains résultats de la criti­ que littéraire sur la composition et les sources du se­ cond évangile, lui reconnaissent une réelle unité el une solide valeur historique, et qui en placent la rédaction ή une date relativement ancienne (avant 70). Un point sur lequel s'accordent tous les critiques non-catholiques, même les plus conservateurs. Zahn par exemple, est la non-authenticité de la finale actuelle du second évangile, xvi, 9-20, finale qui manque dans doux mss. importants, le Vaticanus et le Sinaiticus, qui dans certains autres est remplacée par une finale plus courte, et (pii, d’autre pari, tranche fortement par sa facture sur le reste de l’évangile avec lequel elle parait assez gauchement raccordée. Parmi les exégètes catholiques, un assez grand nombre (le P. Lagrange, Mgr Hattiffol, M. Cimierlynck, dom Chnpman, M. Sickcnbergcr, etc.), sans sc rallier entièrement ù la théorie des deux sources, admettent que l’évangile de saint Luc et celui de saint Matthieu, sous sa forme grcçquc, dépendent littérai­ rement de celui de saint Marc. La question des rap­ ports de Marc avec les Logia, dans lesquels ces auteurs voient généralement non pas un simple recueil de discours, mais un véritable évangile, l’évangile aramécn de saint Matthieu, reste discutée. Sur la finale actuelle du second évangile, dont tous les savants catholiques sont unanimes A reconnaître la canonicllé, la tendance générale serait A y voir une addition étrangère au texte original de l’évangile, et à l'attri­ 194G buer A une autre main que celle de saint Marc. Les décisions de la Commission biblique pontificale rap­ portées plus haut sont venues cependant influer sur l'évolution de la critique catholique, en fixant rensei­ gnement ecclésiastique officiel concernant les évan­ giles synoptiques sur des positions plus étroitement conformes à la tradition. Cf. ù cc sujet la préface de la 2' édition (1920) du Commentaire de saint Marc, par le P. Lagrange. ///. L'aM07.VA· hü WCOXl· ÎVASaiLS' b'APKÈ* SAM calm — 1· Units du second Soangile. — L L'évangile de saint Marc pris dans son ensemble apparaît comme l'œuvre d’un seul auteur, si l'on en considère le plan, la langue, le style et la méthode de composition. n) Plan. — Le second évangile n'est point unelhèsc. où tout serait savamment disposé en vue d'une démons­ tration, cc n'est pas non plus une histoire composée avec des préoccupations artistiques : ce n'est autre chose que la simple narration de la vie publique de Jésus, telle que l'avait enregistrée In tradition aposto­ lique, dans un cadre fixé, lui aussi, par la tradition* et qu'on retrouve identique, bien que modifié davantage par des préoccupations d'ordre didactique ou litté­ raire, dans saint Matthieu et dans saint Luc. On peut dire que le programme du second évangile est tout tracé dans le discours de saint Pierre chez le centurion Corneille. Act., x, 37-43. Il y a un cadre chronologique général, déterminant deux grandes périodes dans le ministère du Sauveur : la prédication en Galilée, Marc., i, 1 1-vn, 23, et le ministère à Jérusalem avec la Passion cl la Résurrection, xi, 1-xm, 37; la première partie est précédée d’un préambule consacré à la mission de saint Jean-Baptiste qui prépare le ministère du Sauveur, î. 1-13; entre les deux grandis périodes est intercalée une section plus courte consacrée aux voyages de Jésus hors de Galilée et A la montée a Jéru­ salem. vu, 24-x, 52. La disposition des épisodes et des discours dans ce cadre général n’est pas réglée par le souci d’un ordre chronologique précis. Il y a des groupements certai­ nement voulus par l’évangéliste, ou déjà établis dans la tradition qu’il suivait : par νχ.,ιι, l-ni,35, une série de conflits avec les scribeset les pharisiens; iv, 1-31. le groupe des paraboles. On distingue moins aisément le principe d’après lequel ont été choisis et n’uni·» les miracles cl épisodes divers qui constituent la fin du ministère galilecn. iv, 35-vu, 23. Mais, là mime où certains critiques ne voient qu’incohérencc due à des phases successives de rédaction, on découvre, en regar­ dant de près, un ordre intérieur cl un progrès logique dans le récit, qui témoignent au contraire en faveur de l’unité d’auteur : non sans doute qu’ils aient été délibérément cherchés, mais c’est simplement le résul­ tat de la fidélité de l'évangéliste A reproduire la réalité historique dans le tableau qu’il trace de l’action de Jésus, de scs rapports avec ses adversaires et avec ses disciples. Celte progression est très marquée dans renseigne­ ment de Jésus. Le Sauveur s’adresse d’abord à tous, soit devant un auditoire restreint, à la synagogue, i, 21, soit devant les foules, u, 2; m, 7. etc., auxquelles il fait connaître les conditions générales de rétablisse­ ment du royaume de Dieu; il donne ensuite un ensei­ gnement particulier aux disciples qu'il s’est choisis, auxquels il révèle son rôle messianique et hi véritable nature de sa mission (confession de saint Pierre, transfiguration, annonce de la passion), cl qu’il ins­ truit en vue de l'avenir. La progression n’est pas moins nette dans l’atti­ tude des pharisiens et des docteurs, A l’égard de Jésus. On a justement noté, Lagrange, op. cit., p. exxu, que · les relations de Jésus avec ses ennemis et avec 1947 MARC (SAINT). ORIGINE DU SECOND ÉVANGILE scs disciples suivent une marche ascendante avec des points tournants qui marquent les époques ». Ainsi il y n dans l’histoire de Jésus, telle que la rap­ porte le second évangile, un caractère de logique cl de vraisemblance qu’un critique anglais, M. Burkitt, The Gospel history, p. 6G, cité par Lagrange, op. cil., p. exxm, n exprimé par le mot self-consistent, et qui est un sérieux argument en faveur à la fois do l'unité d’auteur ct de la véracité historique du récit. b) De l’examen du vocabulaire cl de la syntaxe du second évangile on ne peut tirer à proprement parler une démonstration de l'unité d’auteur. Cependant,le fait que des expressions et constructions caractéristi­ ques sc retrouvent egalement réparties dans toutes les parties de l'évangile constitue à tout le moins une probabilité dans ce sens. On peut citer parmi ces traits caractéristiques certains mots chers ù Marc : έρχεται ou έρχονται, 21 fois dans Marc, 3 fois dans Mat th., 1 fois dans Luc; surtout ευθύς, 12 fois dans Marc, 18 fols dans Matth., 7 fois dans Luc; l'emploi du présent historique « presque spécial Λ Marc, du moins à ce degré · (Lagrange), et très également réparti dans toutes les parties narratives de l’évangile; la préférence donnée à καί sur oi (on a compté 196 oc dans Matth., 508 dans Luc, 150 seulement dans Marc). Cf Hawkins, Horæ synopttex. c) Le style ct la méthode de composition dans le second évangile sont caractérisés par l’uniformité, allant jusqu'à la monotonie, des formules ct des pro­ cédés de narration, mais en même temps par la mul­ tiplicité des détails concrets, des notations pittoresques. Le schématisme dans le plan des tableaux dont le P. Lagrange cite comme exemples le parallélisme entre la guérison du sourd-bègue, vu, 32-36, ct celle de l’a­ veugle de Bcthsafda, vm, 22-26, entre le commande­ ment de Jésus aux esprits impurs, i, 25-27, et à la tempête, iv, 39-11, entre la mission des disciples char­ gés d'amener une monture à Jésus pour son entrée à Jérusalem, xi, l-G, et celle des disciples qui doivent préparer la salle pour la Pâque, xiv, 13-16, ainsi que l'emploi de formules stéréotypées, telles que la men­ tion du regard que Jésus promène autour de lui ou fixe sur scs Interlocuteurs, m, 5, 31; v, 32; x, 21, 23; xi, 11, ou encore les explications données sous forme de parenthèses sont des caractéristiques littéraires qui sont nettement favorables à l’unité d'auteur. D’autre part, la vie que donne à la narration l’abon­ dance de détails circonstanciés ne saurait être le résul­ tat d’un laborieux travail de compilation comme celui que supposent les théories critiques sur la composition du second évangile : on a l’impression d’un récit spon­ tané, émanant d’un témoin oculaire, bien plutôt que do l'œuvre d’un rédacteur assemblant des élé­ ments empruntés à des sources écrites. Ce caractère du second évangile s’explique au mieux, si nous avons dans ce livre, comme le suppose la tradition ecclé­ siastique, l’écho de la catéchèse de saint Pierre < telle que Marc l’a recueillie des lèvres de l’Apôtrc dans sa spontanéité ct son jaillissement originels, avant que le temps ne l’ait décolorée ct refroidie ». ! luby, Éoangile selon saint Mire, p. xvn. d) Est-ce â dire que saint Marc n'ait pas utilise des sources écrites? Non, sans doute; et l’emploi de documents de ce genre est une supposition vraisem­ blable, bien qu'on n’en puisse faire la preuve. Il y aurait des raisons de le croire pour le discours apo­ calyptique, xm, 1-37, le seul grand discours rapporté dan» le second évangile. Les Logia, c'est-à-dire l'évan­ gile araméen de saint Matthieu ont pu être connus de saint Marc. La conclusion du P. Lagrange sur ce point est plutôt négative. « Ce qui demeure le plus probable, dit-il, c’est que Marc ne dépend pas des Log ta. Mais, s'il en dépend, ce n’est assurément pas 1948 comme un compilateur ou un Imitateur servile, ct c’est, selon toute apparence, comme un autour qui n ses sources à lui. » Op. cit., p. cjx. 2. La finale du second évangile, Mare., xvi, 9-20, faisait-elle partie du texte original du livre et a-t-elle le même auteur? On n déjà vu qu'il y a eu dans la tradition patrioti­ que certaines hésitations sur l’origine de ce passage du second évangile. Eusèbe ct saint Jérôme en particulier paraissent ne pas avoir été très assurés de son authen­ ticité, soit pour des motifs intrinsèques, soit parce que cette finale ne figurait pas dans les mss. qu’ils esti­ maient les plus corrects. De fait, dans deux des plus anciens manuscrits grecs, le Sinalticus et le Vaticanus, l'évangile sc termine à xvi, 8. Il en est de même dans le ms. syriaquc-sinaltiquc ct quelques mss. arméniens. D’autre part, il existe une Anale brève, comprenant deux versets seulement, qui remplace la finale cano­ nique dans un ms. de l’ancienne version latine, ct qui figure en même temps que la finale ordinaire dans quelques autres manuscrits, dont quatre onciaux. Mais les principaux arguments contre l’authenticité de la finale sont d’ordre intrinsèque. Il n’est pas douteux qu’après le >\ 8 il y a une coupure très nette. A un récit détaillé succède une sorte de résumé, un aperçu schématique des diverses apparitions du Sau­ veur jusqu’à l'Ascension, et la seule partie plus large­ ment développée est le discours de Jésus aux Apôtres, xvi, 11-18, contrairement aux habitudes de saint Marc qui insiste plus sur les détails narratifs que sur les paroles du Sauveur. De plus, t. 9, 10, l'histoire de l’ap­ parition à Marie de Magdala (qui est d’ailleurs pré­ sentée, comme s'il n’avait pas été question d’elle quelques lignes plus haut) est reprise, sans tenir compte des versets précédents où l’apparition aux saintes femmes était racontée en détail. A n’envisager que les raisons de critique interne, on inclinerait donc à croire que la finale actuelle du se­ cond évangile est d'une autre main que celle de saint Marc, ct qu’elle a été ajoutée pour remplacer la con­ clusion primitive qui aurait disparu. Ces raisons ne sont point cependant décisives : si elles démontrent bien que la finale actuelle n’est pas la conclusion normale de l’évangile, on peut supposer d’autre part qu’elle a été ajoutée par saint Marc lui-même, qui, pour une cause à nous inconnue, aurait interrompu la rédaction de son évangile sans avoir pu l’achever, ct l’aurait repris un peu plus tard pour le compléter parce résumé rapide des faits qui suivirent la résurrection. Cette hypothèse, défendue en particulier par Boiser. Einhilling in das N T , p. 95-103, expliquerait en même temps l'omîsslon de la finale dans certains mss qui auraient pour origine des copies du texte primitif incomplet de l’évangile. Mieux que l'hypothèse d’un second rédacteur, tel que le presbytre Aristion auquel ou a pensé parce que le nom d’Aristion figure en suscrlption dans un manuscrit arménien du x· siècle, elle explique le témoignage de la tradition patristlque, favorable dans son ensemble et dès l’origine, à l’au­ thenticité du morceau. Dans ces conditions, on ne s’étonne pas que la Commission biblique ait déclaré que l’inauthcntlcilé n’était pas démontrée. «C’est là, remarque le P. Huby, op. cit., p. 402, une conclusion plutôt négative ct qui ne sc donne pas pour Indéformable, ■ et la Commission biblique s’est bien gardée de mettre sur le même pied, au point de vue de la certitude, la thèse de l'authen­ ticité littéraire de la finale et celle de sa canonlclté Sur ce dernier point, il ne peut guère y avoir d’hésltatlon pour les catholiques, car la finale de saint Marc, sans avoir été désignée expressément par le Concile de Trente dans le décret sur la Vulgate, semble bien être une de ces parties des livres du Canon, qui, d’après ce 1949 MARC SKINT). C AR ACTÉK ISTIQUES DU SECOND ÉVANGILE décret, doivent 01 re tenues pour inspirées. En effet, depuis les lout premiers siècles, on Γη vu, ce morceau a figuré dans le texte reçu du second évangile, bien que son absence dans un petit nombre de mss. et le témoignage de quelques écrivains montrent qu'il a dû y avoir, ù un moment donné, certains doutes bientôt résolus en faveur de l'authenticité. Quant à la valeur historique de la finale, elle n’est, pas plus que la canonlcité, liée à sa composition par saint Marc. Même si l'attribution â l’auteur de l’évan­ gile ne paraissait pas assurée, la finale canonique n'en resterait pas moins un fragment très ancien, dont l’autorité est attestée par le fait même de son inser­ tion dès l'origine à la tin d'un des textes sacrés offi­ ciels de l’Église primitive. 2° Auteur du second évangile. — La critique interne ne fournil aucune Indication précise sur l’auteur du second évangile. Mais, d’autre part, elle ne relève aucun trait qui soit en opposition avec l’attribution tra­ ditionnelle ù saint Marc. On a dit, il est vrai, que cer­ taines caractéristiques doctrinales paraissent peu en harmonie avec celte attribution : ce point sera discuté plus loin. On peut signaler par contre des particula­ rités qui concordent parfaitement avec les données traditionnelles. U y a d'abord le caractère sémitique très accusé du second évangile, qui suppose un auteur d’origine sémitique, s’inspirant d’une tradition qui était marquée elle-même d’une forte empreinte sémi­ tique. La place faite à saint Pierre dans cct évangile s’explique aussi très bien si saint Marc n’est que l’écho de la catéchèse du chef des Apôtres. < Pierre, ayant été la source principale du second évangile, est aussi celui dont saint Marc a le mieux dégagé la figure. On peut même dire que c’est la seule personnalité du collège apostolique dont les traits apparaissent nette­ ment accusés. Il sc montre plein d’initiative ct d’entrain, primcsautlcr même ct exubérant. Dans un élan de foi, il confesse que Jésus est le Christ, vm, 29, cl, l’instant d’après, lui reproche la prophétie de sa passion vm, 32. Quand il y a une question à poser, un sentiment Λ manifester, il sc fait l’interprète de scs compagnons, i.x, 5; x, 28. Appelé le premier avec son frère André» i, 16, il est aussi le premier nommé dans la liste des Apôtres, m, 16. Il a le privilège d’être associé, avec les deux fils de Zébédéc, Jacques ct Jean, à trois circonstances plus solennelles de la vie du Seigneur : la résurrection de la fille de JaTre, v, 27, la transfiguration, ix, 2 et l’agonie à Gethsémani, xiv, 33. Le portrait n’est pourtant pas idéalisé. Et même le second évangile, qui raconte la chute ct le repentir de Pierre, ne dit pas tout ce qui est à sa gloire. Il n’a pas rapporté la fameuse promesse de Jésus à son disciple. < Tu es Pierre ct sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. » Dans sa prédication, le chef des Apôtres ne se vantait pas d’un honneur que la tradition et la pratique de l’Église faisaient assez con­ naître. Marc, son « fils > et son interprète, a respecté cette humilité. · Huby, op. cit., p. xvui. On a voulu interpréter sans doute (Lolsy en parti­ culier) l’insistance avec laquelle Marc souligne l’inin­ telligence des Douze en face des enseignements cl des prédictions de leur Maître comme une marque de pau­ linisme, l'auteur du second évangile s’étant proposé de la sorte, suppose-t-on, de rabaisser les premiers apôtres au profil de Paul. Mais rien n’indique vrai­ ment celle intention polémique, cl ce paulinisme de partisan », comme l’appelle le P. Lagrange, op. cil., p. cxlviii, est encore moins apparent dans l’évangile de saint Marc (pic le paulinisme doctrinal Car nulle part on ne volt paraître, même derrière un voile, la silhouette de Paul ·; et, par ailleurs, la lenteur â com­ prendre cl à croire des pêcheurs galilécns dont Jésus fil scs premiers disciples est si peu invraisemblable 1950 que, au lieu de voir dans les passages du second évan­ gile qui la mettent en lumière une intention systéma­ tique de dénigrement. Il est beaucoup plus naturel d’y reconnaître une marque de l'exactitude historique de l'évangéliste. 3· Destinataires du second évangile, — D’après la tradition ecclésiastique, le second évangile a été écrit â Borne â l’intention de chrétiens d’origine païenne. Cela ressort également de certaines particularités de cet évangile. Saint Marc n’insiste pas comme saint Mat­ thieu sur l’accomplissement dans la personne et la vie de Jésus des prophéties de l’Ancien Testamerit, dont il ne cite que deux : i, 2-3 — Is., xl, 3 ct Mal . m, 1 De plus il traduit en grec les mots araméens qu’il cite par exemple, βοχνηργές, m, 17; ταλ·.0χ κούι, v, 41, aussi vn, 11, 34; x, 46; xiv, 36; xv, 31. fi explique également les usages juifs auxquels II fait allusion, par exemple les lustrations avant le repas, au retour du marché, le lavage des coupes et des vases, vu, 3-4; voir aussi, xî, 13; xin, 3; xiv, 12; xv, 42. Enfin, on remarque dans le second évangile, plus que dans les autres, des mots latins gréclsés ct des latinismes qui laissent supposer qu’il a été écrit pour des lecteurs latins : par exemple, χεντυρίων, 39, 44, 45 σπεκουλάτω?, vr. 27; dqvxpiov, vr, 37; xn, 15; xiv, 5; ξέστης, vn, 4; κράβχττος, n, 4, 9,11, 12; vr, 55; βδον πο·.ε~ν, π, 23 = iter/acere; τά Uzvta ποιςσχ·., XV, 15, satisfacere. Il est surtout remarquable que, xn, 42, Marc ait cru devoir expliquer le nom d’une monnaie grecque λεπτά par l’équivalent en monnaie romaine κοδρχντης = quadrans. 4® Date du second évangile. — On a vu plus haut que la tradition n’est pas très ferme sur la date à la­ quelle a été écrit l'évangile de saint Marc, puisque saint Irénée le fait rédiger, semble-t-il, après la mort de saint Pierre. Le texte de l’évangile ne fournit sur ce point aucune donnée précise. On y peut chercher seulement quelques indices permettant de détermi­ ner si la rédaction en est antérieure ou postérieure à la ruine de Jérusalem, en 70. A ce point de vue, cer­ tains critiques jugent que, avant 70, la très transpa­ rente parabole des vignerons, xn, 1-11, n’aurait pu recevoir une aussi explicite conclusion que celle-ci : • Il viendra (aire périr ces meurtriers, et donnera la vigne ù d’autres. » Gogucl, op. cil., p. 374 Mais les termes de la prophétie n’ont rien qui suppose une con­ naissance précise des modalités de son accomplisse­ ment. Par contre, d’autres critiques, avec plus de rai­ sons, estiment que le discours cschatologlque du c. xm aurait été rédigé en termes dllTércnts, si la ruine de Jérusalem avait été dès lors un fait accompli. Les allusions au Temple, xin, 14, le vague de la perspective, les avertissements au lecteur de l’évangile, semblent plutôt Indiquer que les faits annoncés par Jésus ne s’étalent pas encore produits, quand saint Marc écri­ vait. IL C\HKCTÉKlSrîQUES DOCTRINALES DU SECOND — 1® Dut cl idée centrale du second évangile. — Ce qui a été dit plus haut de l’origine de cet évan­ gile indique déjà qu’on n’y doit point chercher le déve­ loppement d’une thèse dogmatique, puisque saint Marc semble avoir eu pour intention principale de fixer par écrit la prédication de saint Pierre. Il n’en est pas moins vrai que son œuvre n’est pas une simple chro­ nique. qu'elle vise, comme les autres évangiles, un but doctrinal, cl que le récit des faits tend à mettre en lumière une idée centrale Celte Idée, formulée en tète du livre : Évangile de Jésus-Christ, Fils de Dieu, est celle de la filiation divine de Jésus. Proclamée au baptême et ù la transfiguration par une voix celeste, objet du témoignage des démons que Jésus chasse du corps des possédés, celte filiation divine est affirmée encore dans la déclaration du centurion qui est presque évangile. 1951 MARC (SAINT). CHRISTOLOGIE la conclusion de l’évangile : « En vérité cet homme était Fils de Dieu. > xv, 39. Λ l'appui de cette affir­ mation saint Marc apporte surtout le récit des mira­ cles de Jésus et des bienfaits répandus autour de lui, comme dans la catéchèse de saint Pierre chez le cen­ turion Corneille : · Vous savez... comment Dieu a oint du Saint Esprit et de foret Jésus de Nazareth, qui s'en allait de lieu en lieu, faisant du bien et guérissant tous ceux qui étalent sous la tyrannie du diable, car Dieu était avec lui » Act., x. 37,38. C’est bien là aussi le thème essentiel et comme Je programme du second évangile, où les miracles et particulièrement les gué­ risons de possédés mettent en lumière la puissance du Fils de Dieu, maître de la nature et vainqueur des démons. Quelques critiques ont prêté ù l’auteur du second évangile un autre but : sa préoccupation dominante, qui est aussi, remarque-t-on, une des préoccupations de saint Paul, aurait été d’expliquer l'incrédulité des Juifs qui se sont refusés à reconnaître en Jésus le Messie, et tout son évangile tendrait ù montrer que c’est Jésus lui-même qui fut la cause de cette incrédulité, en cachant délibérément au peuple sa qualité de Messie. It n'est pas douteux, en effet, que saint Marc souligne, beaucoup plus que les autres évangélistes, la consigne de silence imposée par Jésus au sujet de sa personnalité et de sa dignité messianique soit aux démons qu’il chasse, soit aux malades qu’il guérit, soit à scs apôtres. Cf. en particulier: i, 24-25, 3-1, 43; in, 11-12; v, 13; vn, 36; vin, 2G, 30; ix, 8. Mais il serait tout a fait excessif de transformer avec rede cette idée du « secret messianique » en une thèse théologique, et d'en faire comme l’armature doctrinale du second évangile. Rien n'y manifeste nettement l'in­ tention qu'aurait eue l’auteur d'expliquer l’incrédu­ lité des Juifs. D’autre part, cette consigne de silence apparaît surtout dans la première partie de l'évangile, où elle s’explique très naturellement; on ne saurait s'étonner, quand on songe Λ ce que les Juifs attendaient | de leur Messie, que Jésus n'ait pas voulu risquer d’en­ courager par une révélation prématurée de sa qualité messianique des espérances dont le caractère natio­ naliste et d’ordre surtout temporel était nettement oppose au véritable sens de sa mission. Dès lors, on ne voit pas pourquoi l’attitude prêtée ù Jésus serait une conception artificielle de l’évangéliste plutôt qu'ui e réalité d'histoire, et on peut croire que saint Marc y a s était proprement le Fils de Dieu, paru sur terre avant l'incarnation. C’était, à vrai dire, une théophanlc du Λόγος άσαρκος, comparable à tant d’autres que l’ancienne tradition patristique avait découvertes dans l’Ancicn Testament. Éplphane con­ naît lui aussi une opinion analogue. Hares., lv, 7, P. G., t. xu, col. 985 B. Marc la réfute au nom de l’exégèse ct de la théologie. — 10. Le traité que nous nommons, pour abréger, le Contra nestonanos est désigné dans le ms. de Jerusalem et celui de GrottaFerrata de la manière suivante qui indique bien le contenu : ΙΙρδς τούς λέγοντας μή ήνώσΟαι την άγίαν σάρκα τού κυρίου μετά τού Λόγου, άλλ* ώς (μά­ τι* ν μονομερώς περικεισΟαι, καί διά τούτο άλλως μέν εχειν περί τύν φορούντα, άλλως δέ περί τδν φορούμενον, ήγουν τά Νεστορίου φρονούντας : Contre ceux qui disent que la sainte chair du Seigneur n’est pas unie au Verbe, mais l’enveloppe simple­ ment comme un vêtement, ct que, dès lors, il y a lieu de distinguer, d’une part, celui qui porte, d’autre part, celui qui est porté ; en d’autres termes, contre ceux 1VG7 MARC L’ERMITE - qui pensent comme Ncstorius, · En opposition à cette erreur. Mure, d’accord avec les expressions cyrilllcnncs, soutient qu’il y a entre le Verbe ct la chair (l'humanité) du Sauveur une ενωις καΟ 'ύπόστασ’.ν. Voir début du c x, Kunze, p. 13. Quand elle parle de Jésus, l’Écrilure, pas plu* que le symbole baptismal, ne dis­ tingue entre le Logo* cl Je Christ; elle parie toujours d'un sculctmême sujet. LTtomme-Dieu n’est ni γυμνός θεός, ni ψιλός άνθρωπος. Si, comme le pense J. Kunze, la rédaction de cet opuscule csl postérieure à la publication des anathémalismes cyrillic»*, il est bien extraordinaire qu’il n’y soit pas question du terme Θεοτόκος. Marc affirme, il est vrai, à diverses reprises que la chair du Christ a été unie au Verbe dés le sein maternel III. La doctrine. - Telle qu’elle s’exprime en ces divers opuscules, la doctrine de Mure ne s’écarte pas sensiblement de ce que l’on rencontrerait chez ses con­ temporains, chez un saint Nil, par exemple. Son ascé­ tisme, nous l’avons noté au passage, est sobre cl de bon aloi; les principes sur lesquels il se fonde n’ont rien qui contredise les données de la doctrine tradition­ nelle. Il csl assez piquant de voirie protestant l’ickcr rééditer, en 1868, le cont csens déjà fait par Bcllarxnin ct trouver aux afllrmations de Marc sur la justi­ fication par la foi une saveur toute luthérienne. C’est un pur mirage. Comme saint Paul, l’Ennile insiste sur le caractère tout gratuit de la grâce et de la justi­ fication. Comme saint Augustin (qu’il ne connaît pas d’ailleurs), il tire de ce principe une leçon d’humilité; mais il ne verse pas, pour autant, dans le quiétisme; comme tous les auteurs ascétiques^ il s'élève contre la lâcheté de la liédeur, il prêche l’exercice des vertus même difficiles ct la pratique du renoncement. Il serait non moins injuste de le taxer de pélagianisme; sans doute, ses sentences n’ont rien du pessimisme august inien; il ne veut pas que le pécheur cherche des excuses dans la corruption même de sa nature, ou dans les embûches de Satan. Voir surtout la fin du De baptismo et la Consultatio intellectus. Il ne nie pas, pour autant, la faute originelle; mais, comme presque tous les Orientaux, comme Jean Chrysostome qui fut peut-être son maître, il ne peut se résigner à dire que, depuis la faute d’Adam, le libre arbitre ait fait un irréparable naufrage. Bref, sa doctrine morale sc tient dans une via media qui semble fort sage. Pour ce qui est de sa christologie, Photius déclare a propos du traité contre les melchisédéciens qu’il s’y découvre une erreur assez importante, αίρέσεως ένοχος ού μετρ’.ωτέρας. On a pensé que Photius vou­ lait parler de monophysisme; c’est possible, après tout, mais l'accusation ne semble guère fondée. Marc est nettement dyophysitc, et sa pensée sur ce point csl plus claire que celle de saint Cyrille. S’il emploie le terme d’union hyposlalique (De Mclch., c. v, P. G., t. i.xv.col. 1121 B; cî. Cont. nesl., c. x, Kunze, p. 13), il ne connaît pas celui iTunion physique qui figure au III· ana thématisme cyrillicn. Comme le Tome à Flavien, Il précise que la chair du Sauveur (disons la nature humaine) n'a pas eu d’existence en soi avant l'incarnation . ού δ’.ηρημένον (σώμα ύ Λόγος) άνέλαόεν* ού γάρ προΟπέστησεν αύτό καί τότε ήνώΟη, άλλ' αδιαίρετον έκ μήτρας έποιήσατο την ενωσ·.ν. Toute­ fois, il ne sait pas suffisamment distinguer, comme le fait ce document, cl comme l’avait déjà fait Jean Chrysostorne, les Ιδιώματα des deux natures. On remar­ quera aussi l’insistance à employer σαρξ ou même σώμα pour désigner la nature humaine, ce qui donne aux affirmations de Marc un relent d'apollinarisme. Telle quelle, sa christologie est intéressante à étudier, contint l'expression archaïque d’une doctrine qui se cherche encore elle-même cl qui n’a pas trouvé son vocabulaire définitif. MARC EUGÉNICOS 1968 I. Éditions des textes. — Le* traités 1 et 2 sont publiés pour h· première fols, grec ct latin, par Vincent Obwpcus, Ifogucnnu, 1531 (réédité* soin une forme tré* différente par Jean de l‘noble, 1 Ici nitadt, 1617). En 1563, Jean Picot (Johannes Pieu·»), publie en une traduction latine l’en­ semble des ouvrages de Marc n l’exception du De jejunio cl du In Mrlchiscdtch : Marci Eremit.r, Nicolai cujusdam el Hesychli opera, Paris, ln-8·. De ces éditions séparées, Ici textes passent dnns les diverses collections, le* traités 1 et 2 seuls dans le Micropresbutlcon, Baie, 1550, ct dans les Orthodoxographa de Herold, Bâle, 1555; l’ensemble des traités parus dans In Bibliotheca sanctarum Patrum de Mnrgucrin de InBlgnc, P édit.. 1575, l.ni ; 2·édit., 1589. t. v. En 1621,Fronton du Duedonne, avec la traductionlatincde Picot, le texte grec de tous les traités connus dans Γ .-hirtarium Bibliotheca· Patrum, 1.1, p. 861 sq.; le grec figurera doré­ navant dans les diverses Bibliothèques de Paris, de Cologne, de Lyon. En 1718, B. M. Keinond ni donne N. Morel monachi... sermones de Jejunio et dr Metchis. dec qui deper­ diti putabantur, Home, in- 4·. Ainsi complété le Corpus de Marc passe dans la Bibliotheca ucterum Patrum de Gallandi, t. vin, 1772. de là dans G., t. i.w, col. 005-1110, En 1891, Papndopoulos-Kérameus publie le texte grec du Contra neslorianos, dans les V/ t ςοτολυμι ιχή; σ-Λ/yu'fo-·α;, t. I, Saint-Pétersbourg, p. 89-113; c’est ce texte que donne J. Kunze, dans son étude, p. 6-39; en 1905 enfin, J. Cozza-Luzzi, sans paraître avoir connaissance de cette première édition, public le Contra Nestorium avec traduction latine dans In Nona Patrum Bibliotheca de Mal, t. x, p. 195-252, d’après un ms. de Grot ta-Ferrata. Pour l'établissement d’une édition critique, Il faudrait également tenir compte des traductions syriaques qui ont été faites d’assez bonne heure de tout oj partie des œuvres de Marc et «les commentaires syriaques qui ont été donnés des deux premiers traités. Sur les mss. de la Vaticane, voir Ass mani. Bibliotheca orientalis, t. m a, p. 45; sur ceux du British Museum, W. Wright, Catalogue o/ syriac nus. in the B. .M., t. in, p. 1306 a, sur un ms. de Berlin, Snchuudam llandschri/ten-Vcrzeichnlsse der hgl. Bibllothek :u Berlin, l. xxm. p. 102-109; sur les commentaires syriaques, Assémani, loc. cil., p. 96. 191; Wright, op. cit., t. n, p. 482. II. SouncES i:r iitti'ÊRENCEs. — Elles ont été rassemblées nu mieux par J. Kunze, op. cit., ni. Gcschichle und Kritik der Ucbcrlie/erung uber Marcus Eremita, p. 31-40; voici les plus importantes : Dorothée de Jérusalem, Doctrina, i, 9; vi», 2, P. G., t. i.xxxvm, col. 1628, 1708; Anastase le Sinaltc, Qurestio /, P. G., t. lxxxix, col. 342 D; S. Jean Damascene, De octo spirit., P, G., t. xcv, col. 89; Jean Mos­ chus. Pratum, c. xin. P. G., t. t.xxxvn c, col. 2861; Théo­ don; le Studitv, Testam., P. G., t. xeix, col. 1816 B; Nicé­ phore Calliste, //. E., XIV, xxx, un, uv, P. G., t. cxlvi, col. 1157, 1252 A. 1256, III. Notices urréiiAinEs et travaux. — Bcllarmln, De scriptor, cedes., Lyon., 1663, p. 257, 258; E. du Pin, Nouvelle bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, Paris, 1693, t. m, p, 2-1 ; C. Oudin, Supplementum de scriptoribusicrks., Paris, 1686, p. 56,57; du même, Commentarius dr scripto­ ribus reel., Leipzig, 1722, t. t, col. 902-908; Tillcniont, Mémoires, 1705. t. x, p. 156, 801; dom Celli 1er, Histoire dts auteurs sacrés, 2· édit., t. xi, p. 636-643; b'csslcr, Institut, patrotogiir, 1851, t. », p. 631 ; t f. Fesilcr-Jungmann, l. n b. 1896, p. 1 13-146. — '1 h. I’lcker, Der Munch Markus, eine re/orrnaturlsche Stimme ans dem V Jahrh., dans Zeitsfh. /ur hist. Théologie, 1868, t. xxxvni, p. 402 sq., 128sq.; J, Kunze, Marcus Errmita, cm neuer Z.euqe far dus aitkirchliche Tau/bekenntnls, Li’lpzig, 1895; du môme l’art. Marcus En nuta, dans Prates anlische Bealem yclopddte, 3· édit., t. xn, 1903, p. 2SO-287 (comparer ce qui était <111 dans lft el 2· édit, de la meme encyclopédie, par Wangenmann, 1» édit., t. xx, p. 85 sq.; 2' édit., I. ix. p. 286); O. Bardenhewer, Geschlelite der altkirchl. Littera ., t. iv, 1921. p. 178-186 (se montre réservé sur l’attribution à Marc du Contra Nwtoruinoi). É. Amann. 7. MARC EUGÉNICOS, arclwvCquc d’Ê· phèse, théologien grec de la première moitié du xv· siècle. — L Vie. IL Œuvres. L Vie. — Né en 1391-1392 à Constantinople, ou son père Georges Eugénicos remplissait les fonctions de sakkélion du patriarcal el de maître d’école. Manuel (c'est le nom qu'avait reçu au baptême le futur Mure) n’eut d’abord d'autre professeur que · MARC EUGÉNICOS 1969 1970 son propre père. Orphelin à l'âge de treize ans, c’est-à- cusslon sur la procession du Saint-Esprit, ou plutôt dire vers l'an 1105, il étudia la rhétorique sous Jean sur l'addition du Filioque au symbole. A la séance du Chorlasménos, ct la philosophie sous Georges Gé16 octobre, Marc Inaugura, par la lecture, ct l'interinislc, si fameux depuis sous h· nom de Pléthon. Nous minable explication des décrets des premiers conciles devons ces renseignements à un synaxnirc encore œcuméniques, le procédé d’obstruction dont il ne inédit, mais (pie nous niions publier prochainement, devait plus sc départir. Dans son remarquable dis­ dû à la plume de Jean Eugénicos, h· propre frère de cours du 11 novembre, le cardinal Julien Césarini Marc. Au bout de quelques années, l'élève devint voulut en Unir avec celte irritante chicane de l'addi­ maître a son tour, cl il vit sc grouper autour de sa tion pour porter le débat sur le terrain de la doctrine chaire de nombreux disciples, dont quelques-uns ont elle-même. Marc s’y opposa de toutes scs forces; mais laissé un grand nom dans l’histoire. Tels sont, pour les Grecs, lassés à la fin aussi bien que les Latins de ces ne nommer que les deux plus illustres, Théodore stériles discussions, sc décidèrent a passer outre. Agaliianos cl Georges Scholarios; ils témoignent tous Sur ces entrefaites, le concile fut transféré & Flo­ les deux avoir suivi les leçons d'Eugénicos, le premier rence, où les séances reprirent le 26 février 1139. Le dans une auloapologie encore inédite, mais que nous 2 mars, Marc voulant répondre au dominicain Jean publierons bientôt, le second dans une lettre écrite vers de Monte Nigro, sc mit à discuter un a un les textes I 1 11 à son ancien maître, P. G., t. clx, col. 7 16 A. Au allégués en faveur de la thèse latine, et ces escarmou­ rapport d’Agallianos. le futur archevêque d’Ephèse ches de textes ne durèrent pas moins de cinq séances portait alors le titre de βήτωρ, dont les fonctions con­ consécutives. C'était de nouveau le piétinement sur sistaient à expliquer les saintes lettres à l’église pa­ place. Pour sortir de cette impasse, l’empereur invita triarcale. En 1 116, à hi mort du patriarche Euthyme, Marc à exposer simplement et clairement la doctrine Manuel Eugénicos était devenu νοτάριος των ρητόρων: grecque. Marc s’exécuta dans la séance du 17 mars, et c’est ainsi qu'il sc désigne lui-même, en tête du canon c'est alors qu’il prononça le plus important peut-être qu’il écrivit à celte date à la louange du prélat défunt, de ses discours dogmatiques. Gela fait, il refusa de son bienfaiteur. reparaître au concile, tout en poursuivant, dans les A l’âge de vingt-six ans, par conséquent vers 1118, reunions privées de scs compatriotes, son irréductible Eugénicos, abandonnant ct scs fonctions ct ses litres, opposition. Quand arriva enfin le moment de signer le alla se faire moine, sous le nom de Marc, dans l’ile décret d'union, il s’y refusa obstinément, prouvant d’Antlgonl, à l’entrée du golfe de Nicomédic. Il y ainsi aux Grecs, sans le vouloir sans doute, que la vécut deux ans sous la direction d’un certain Syméon. liberté à Florence n'avait pas été enchaînée par les sur lequel on voudrait être plus amplement renseigné. Latins. Mais les incursions turques devenant de plus en plus Rentré à Constantinople avec scs collègues, le l 55, le Canonicianus 50,f·2, VIbc ritlcus 288, f° 219v‘»-229, les Parisini 1218, P 455 v- 1973 M ABC E L’G il X ICOS 166.et Ι“290·310, !<· Mosqucnsis·2 ! ί (\'hidiinir), ί· 5-12, clk a etc éditée pour la première fols par le patriarche Dosithéc en appendice aux œuvres de hyinéon de Thcssalonlquo, In-fol ., Jassy, 1683, et réimprimée dans a,, L clx, col. 1161 sq. Certains chapitres de ce traite sc rencontrent parfois isolés dans les manuscrits; c’est le cas pour les morceaux contenus dans Vlberi (eus 388t (° 8 12. et dans leCosttiilzensh /·*>-, f® 133v·; ce sont là de simples extraits, et non des opuscules indépendants, comme l’ont cru certains bibliographes. Ainsi le morceau du Cosinitzensis se trouve dans P. G., ibid., col. 1192. Par contre on ne trouve pas dans Aligne un court chapitre sur les fêtes de l’Epiphanie ou le Dodecaemeron que nous ont con­ servé plusieurs mss., comme le llcginensis J7, f° 16, Vlbcriticus 296, f· 269. le Hierosolymitanus patriarcliaiis 324, f® 68; mais peut-être l’édition de Dositlice est-elle incomplète. On a encore de Marc un commen­ taire purement littéraire ou mieux littéral sur les trois canons inmblques do saint Jean Damascènc pour l'Epiphanie et la Pentecôte; on le rencontre dans le Vaticanus 952, f® 18-33, et dans VAmbrosianus 506 (.U 15 sup.), (° 18 lv®-210. C’est l’opuscule si malencon­ treusement dénommé Paraphrasis in Pentecostarlum par Allatius, Dissertatio de libris ecclesiasticis Grtceorum, p. 280. et. après lui, par Fabricius-Maries, Bibliotheca graica, t. xi, p. 676, P. G., t. eux,col. 1075. 2° Êpigrammes. — Comme tous les Byzantins. Marc Eugénicos cultiva aussi l’épigramme, et il nous a laisse en ce genre une vingtaine de compositions, dont quelques-unes ne manquent pas de piquant, mais leur sujet ne rentre pas dans le cadre de ce dic­ tionnaire. Tous ces morceaux ont été publiés, d'après le manuscrit de Coslnitza, par A. Papadopoulos-Kéra­ meus. dans ’ A νέκδοτα Ελληνικά, Constantinople, 1881. p. 102-105. Voir sur celle publication le Δέλτιον τής ιστορικής καί έΟνολογικής έταιρείας, t. π, ρ. 679-681, et ’Αρχαιολογική έφημερίς, 1886, p. 238-211. Bien que très courtes, ces modestes pièces présentent un grand intérêt historique et réclameraient, pour être mises en valeur, un ample commentaire qui ne serait pas ici à sa place. 3° Lettres et opuscules scientifiques. — Renvoyant le lecteur aux paragraphes spéciaux pour celles des lettres de Marc qui roulent sur un sujet déterminé, comme la philosophie ou la controverse, nous men­ tionnerons ici, les f® 385-393, attribue cc commentaire à Jean Eugénicos, le frère de Marc, et ce dernier ms. étant auto­ graphe, il est de toute évidence que la pièce en question doit être exclue du catalogue des œuvres de l'archevêque d’Éphèse. Une conclusion semblable s’impose pour le Commentaire sur le symbole, qui vient, dans le même ms. de Vienne, immédiatement apres Ι’Όμιλία sur le Pater, f° 190v°-219v°. Cc com­ mentaire, quoi qu'en dise le catalogue, n’est pas di Marc, mais de son frère, qui se l’attribue formelle­ ment dans le susdit Parisinus 2075, où il a lui-méme transcrit son œuvre aux f® 363-383. 6® Exégèse. — Parmi les opuscules de Marc, il en est plusieurs consacrés à élucider certaines difficultés scripturaires; aussi croyons-nous devoir les signalera part, bien qu’ils ne constituent pas un commentaire proprement dit, mais plutôt une considération d’ordre 1977 M A KG K UGÉNICOS moral, dans le genre des Élévations sur les mystères de Bossuet. En voici l'énumération : 1. /n illud Apos· toll : Exinanivit semelipsuni formam send accipiens, in similitudinem hominum /actus et habitu inventus ut homo. Inc. Τρεις έμφαίνει τάς άτοπίαςτά άποστολικύν τούτο ^ητδν. Le morceau est conservé dans le Parisinus 1292, f» 62 v°-67, et dans le Vatopedinus 478, f® 77, d’après lequel II a été publié par le moine Jason dans la revue athénienne Σωτήρ, 1890, t. Mit, p. 65-71. — 2. In numerum talentorum in euangelica parabola con· sideratio. Inc. *0 τά πέντε τάλαντα πεπιστβυμένος ού τη ποσότητν μόνον τά πλείω. Cosinilzensis 192, f· 9-12, Ibcriticus 388, f® 911, Mosquensis 245, f® 83, Am bro· sianus 205, f® 27 v°, Parisinus 1292, f® 75 V°-78, Pan· teleemonensis 339, f® 107 v°-l 12 v®. Après avoir examiné cc que signifie le nombre respectif des divers talents, Marc se demande, pour Unir, s’il est possible, non seule­ ment de cacher le talent reçu, mais encore de le dé­ truire. — 3. In illud euangelii : Si in Tyro et Sidone factæ essent virtutes, quir. factæ sunt in vobis, olim in cilicio et cinere pænitenliam egissent. Puisque les villes susdites auraient mieux profilé que les Juifs de la présence du Sauveur, pourquoi celui-ci ne s'cst-il pas rendu chez clics? N’y a-t-il pas dans cctlc abstention quelque injustice? Telle est la question résolue par Marc dans un court opuscule que nous ont conservé le Cosinilzensis 192, f® 119, V Ibcriticus 388, f® 813, le Parisinus 1292, f® 82-81.--- 1. Sur l’apparente con­ tradiction qu’il y a entre certains conseils évangéliques cl la nécessité de maintenir l’ordre social et de punir les coupables. S’il faut abandonner sa tunique à qui vous prend le manteau, présenter la seconde joue à qui vous a frappé sur la première, donner ù tout sollici­ teur, pardonner soixante-dix-sept fois sept fois à qui vous a offensé ; à quoi bon garder des tribunaux et promulguer des lois? Et si la même chose appartient a tous et à chacun, comment l'État pourra-t-il subsis­ ter? Tel est le problème que Marc examine dans un opuscule qu’ont gardé le Cosinilzensis 192, f® 120 v®, le Parisinus 1292, f® 8-1-88, le Panteleemoncnsis 319, f® 75 v®. — 5. Si une foi aussi mince que le grain de sénevé est capable de transporter les montagnes, d’où vient que ni les apôtres ni les autres grands saints n’ont accompli un tel prodige? et comment, d’autre part, saint Paul a-t-il pu dire : Si habuero omnem /Idem ita ut montes transferam? S’il faut avoir toute la fol, omnem, que devient cctlc fol pareille au grain de sénevé de l’évangile? et si la fol pareille au grain de sénevé suffit, pourquoi l’Apôtrc sc sert-il du mot omnis? La réponse que donne Marc â ce petit problème sc trouve dans le Cosinilzensis 192, i° 71-73, dans le Mosquensis 215 (Vladimir), f°81, et dans le Parisinus 1292, f® 87 v°-92. —6. De fructibus Spiritus. Inc. Οί καρποί του πνεύματος είρηνται μέν διάτά δηλωτικόν. Courte considération conservée dans le Parisinus 1292, f® 98, dans ΓIbcriticus 388, f® 91-1, dans le Pantelee­ monensis 339, f® 105 v°-107 v®, et dans le Vatopedinus 478, f® 108, sur lequel a été faite l’édition de cc mor­ ceau parue dans le Σωτήρ, 1889, t. xn, p. 311,312. 7e Questions philosophicodhéolngiques. —Semblables comme procédé littéraire aux questions d’exégèse qui viennent d’être signalées, les problèmes exami­ nés dans les opuscules que nous allons mentionner en sont bien distincts par leur objet ; ils roulent le plus souvent sur un point d’ordre purement moral, tout en partant d’une difficulté, soit de philosophie, soit de théologie. Nous les grouperons donc sous un même titre, l’auteur ne s’étant point soucié dans ses développements de respecter scrupuleusement luimême les domaines respectifs de l’une et de l’autre science. 1. De angelis contra Argyroputi sententiam. Inc. *0 Θεάς φως ών άχρότατον καί άδιάδοχον. Dans cc I 1978 « traité, Marc a voulu prouver contre Argyropoulos, que, si Lucifer est tombé, ce n’est point pour n'avoir pas imploré de Dieu la lumière ( ou la grâce), mais sim­ plement par négligence et par lâcheté, car tous les anges, indistinctement, assure Marc, ont participé dès l’origine À la lumière divine. Le texte sc trouve dans V Ambrosianus 663,1*7-9, le Cosinilzensis 192, f® 29 v®33, V Ibcriticus 388, f® 917, le Parisinus 1292, f® 58-62; lia été publié comme une œuvre de Georges Scholarios, par Sp. Lampros dans Άργυροπούλεια, Athènes, 1908, p. ρκ'-ρκε*. 2. Ad reverendum hieromonachum Isidorum de vitae termino. Inc. Ουτ’αύτάς ήπόρεις, ώ μακάριε δέσποτα. Les limites de la vie humaine sont-elles fixées d'avance par Dieu, ou dépendent-elles simplement des lois de la nature, sans aucune intervention de la prédéter­ mination divine? Telle est la question qu'Isidore avait posée à Marc. Celui-ci lui répond par une distinction entre la prescience divine, dont le caractère est absolu, et la prédétermination, qui n’a qu’une valeur rela­ tive. Tandis que rien n’échappe ù la prescience divine. Dieu ne détermine que cc qui est bon. Par suite, il n’y a que la vie cl la mort des justes qui soient déter­ minées par Dieu, et c’est d’eux seuls qu’il est écrit que pas un cheveu ne tombera de la tète sans la volon­ té divine. Assertion erronée qu'un contemporain de Marc, Georges Scholarios, n'a pas hésité à réfuter assez vivement, dans son troisième traite de la Providence, où il nous fournit par surcroît d’intéressants détails sur la conférence tenue à ce propos en présence de l’em­ pereur. P. G., t. clx, col. 1127. Voir la réfutation d'un autre contemporain, Théophanc de Médéc, dans S. Euslratiadès, Κατάλογος των κωδίκων της μεγίστης Λαύρας της έν τω άγίω άρει, Paris, 1925, ρ. 129, -130. De nombreux mss. nous ont conservé le texte de ce traité de Marc; tels sont : ΓAtheniensis de la Chambre des députés 229, f® 1, le Cosinitzensis 192, f® 33, le Monacensis 29, f® 160 v®-165, le Mosquensis 245, f® 1-15, le Matritcnsis 77, le Philippicus 1483, (° 80-85, les Parisini 963, f® 313 v®, et 2075, f® 237, le Scorialensis 1ΙΙ.Ω. 2, f® 130 v°-13l v®. Nous ne mentionnons pas ceux de l'Athos. Publié par Boissonadc dans les Anecdota nova, Paris, 1811, p. 319-362, le traité a été reproduit par P. G., I. clx, col. 1193-1200. 3. De resurrectione. Inc. Τά της άναστάσεως δόγμα παρά μέν Έλλησιν ούδενός ήςίωτο λόγου. Après avoir affirmé contre les païens et quelques sectes juives le dogme de la résurrection, Marc examine les difficultés que cc dogme soulève au double point de vue de la raison cl de la foi, tant par rapport au com­ posé humain qu’en considération de l’étal d’immorta­ lité dans lequel Dieu a créé le premier homme. D’autre part, comment concilier la vérité du dogme delà résurrection avec le fait de la décomposition totale du corps survenant après la mort? Le traité ne manque pas d’intérêt; on le trouve dans les mss. : Cosinitzensis 192, f® 47, Monacensis 29, f® 165-176 v®, Parisinus 1292, f® 67-75, Scorialensis III. Ω. 2, f® 127-130. •1. Ad reverendissimum Dionysium hieromonachum de dominico et divino sanguine. Ιηο,Έζητημένονήδητφ μεγάλίο πατρί Γρηγορίφ τφ Οεολόγψ. Marc étudie dans cel opuscule le problème de la rédemption; il sc demande à qui le sang du Sauveur a été directement offert et comment cc même sang est devenu la rançon du genre humain? Mss. : Cosinitzensis 192, f® 12-15, Cyprius 34, f® 183-185, Iberiticus 388, f® 902, Pari­ sinus 1292, f® 78-82. 5. De anima brutorum qinrstio cl responsio. Dans cet opuscule, Marc sc pose la question suivante : Si l’âme humaine est immortelle parce qu’elle se meut d’ellc-même, pourquoi les âmes des bêtes, qui sc meu­ vent aussi d’clles-mêmes, ne sont-elles pas également immortelles? C’est que, répond Marc, l'âme humaine, 1979 MARC EUGE NICOS substance douée d'intelligence, a pour naturelle des­ tinée dc vivre séparée du corps; sc mouvant d’cllemême, elle peut toujours sc mouvoir, et partant elle est immortelle, tandis que chez les bel es l’âme, loin d'étre une substance séparée, ne constitue qu’une activité (έντελέχεια), qu'une puissance agissante dc son propre corps; elle peut bien mouvoir celui-ci, mais sans sc mouvoir elle-même. On ne saurait donc la regarder comme une substance en perpétuelle acti­ vité, cl dès lors comme naturellement immortelle. Conservé dans les mss. Cosinitzensis Jv2, P73v<’-75, Parisinus 1292, f°, 92-91. cc petit traité a été publié par Marg. Evangclidts dans les Mélanges C. Kontos, \tlu nrs, 1893, p. 395-397. 6. Γη autre opuscule est intitulé; Εις τόν βασιλέα ’Ιωάνναν τδν Παλαιο/.όγον άτζορήσαντα. Certains mss. ajoutent : πρό του λατινισμού, c’est-à-dire opus­ cule composé avant le concile dc Florence, et non. comme l’a entendu Fabricius, dubitantem de Latino· rum ritu, en faisant dc l’expression πρό τού λατινισμού un complément ά'απορήσαντα. Cc dernier mot doit être suivi d'une forte ponctuation. Inc. Σύ μέν, ώ Οειότατε βασιλεύ. ού δια/ε'πεις. Marc y examine une question que lui avait posée l’empereur : Pour­ quoi Dieu a-t-il créé l’homme si faible, sans attrait pour le bien ct fort enclin au mal, au point que sa vie ne forme qu’une suite presque ininterrompue de péchés? Il semble que le Créateur aurait dû ou aftranchlr l'homme de ses passions, ou lui donner la force de se porter au bien, ou tout au moins ne pas le tenir, en le condamnant ù l’enfer, pour responsable d’actes qu’il n'était pas en mesure d'éviter. C’est, on le voit, le grave problème du mal ct du libre arbitre. La réponse de Marc est relativement longue ct nullement dépour­ vue d’intérêt. Mss. : Atheniensis 12o2, f° 73-89 v°, Cosinitzensis 192, f° 15, Ibcriticus 131, f·» 150v°-168, Mosquensis 211, f» 1-5, Parisinus 963, f« 300-313, Pantcleemonens is 339, f* 81 vM05 v®, S coria lens is ///. Ω. f, f° 131 vM 12, Valopedinus 509, f<> l.Sp. Lampros en a publié le début, Παλαιολόγεια, 1.1, Athènes, 1912, p. 135, d’après le n. G02 de Γ Académie roumaine: il n’a pas su quo tout le traité, moins le début, avait déjà été édité par A. Jahn. Zeitschrift lûr die historische Théologie, 1815. t. xv, fasc. -I, p. 46-73, d’après le Monacensis 195, f« 9-21, incomplet du commence­ ment. Marc s’est manifestement inspiré de Nicolas Cabasllas; il emprunte à cc dernier, non seulement les idées, mais des passages textuels, comme l’a noté \V. Ga&s, Die Mystik des Nikolaus Ka basi las vont Le ben in Christo, Greifswald, 1819, p. 83-86. Nous ne signalerons Ici que pour mémoire les trois fragments qui se lisent, chacun sous un titre spécial, dans l'A/nbrosianus A6 (IL JJ sup.) f° 162 v®, 167, 167 v®, et dans les mss. 329, n. 175. et 678, n. 29, du monastère d'Iviron au mont Athos; ce sont de simples extraits de l’opb seule dont nous venons de parler. 7. Le traité suivant est exclusivement théologique; il a pour but d'élucider cette question : Διατί ή Οεύτης μονας και τριάς έστι, καί πρόεισι μέν αχρι τριάδος, ού μην δέ περαιτέρω, καί διατί μή έστι δυας. Inc. ΙΙρος μέν την τοιαύτην έρώτησιν ούκ εστιν άπόκρισις. Marc commence par faire observer que conçue en ccs termes, la question est mal posée; si nous ignorons le pourquoi de tant dc choses qui nous tiennent pourtant dc près, comment prétendre sonder Je pourquoi «les mystères divins? Il eût fallu dire : De quelle façon Dieu est-Il â la fois un et trine, ou plutôt, une fois posé le principe de l'unité dc Dieu, comment concilier cette unité avec la trlnité des per­ sonnes? et sachant, d’autre part, que la trinité est une vérité dc foi, comment l'accorder avec runite? En guise dc réponse. Marc développe les propositions suivantes : I. L’unité dc Dieu en trois personnes n’est I9S0 pas chose impossible; 2. il est convenable que Dieu étant un, soit en même temps trine; 3. il est nécessaire qu'il en soit ainsi; L il esl non moins nécessaire que Dieu étant trine soit en même temps un. Mss. : Co/i*tanlinopolilanus scholtv nationalis 36, f° 103, Cosinitzensis 192, f° 113. Laurcntianus, plut. 71, cod. 1 -. fo 262 v°-26 l, Mega S pela ion 15, f<* 101 v«, Vatopcdlnus (■ 59 62. 8. Solutiones dubiorum quorumdam ipsi u auodani satrapa propositorum. Inc. ΙΙοίου σχήματος έστίν ύ Θεός. Dans cet opuscule, qui présente avec le précé­ dent une certaine analogie pour le procédé littéraire, Marc répond à toute une série de questions assez dis­ parates ; 1. sur l’aspect de Dieu; 2. sur l’unité ou lu pluralité des cicux; 3. sur le ciel; I. sur les régions d’en bas de la terre; 5. la divinité s’est-elle incarnée toute entière au sein de la Vierge Marie? G. le démon existaitil avant la création du monde? 7. que voulait le démon quand il disait au Sauveur : .S’i cadens adoraveris me, dabo tibi omnia regna? 8. le paradis est-il au ciel ou sur la terre? 9. l’enfer est-il éternel ou non? 10. les quadrupèdes et les oiseaux ont-ils ou non du discer­ nement? 11. Iccorpsdans ses actions bonnes ou mau­ vaises suit-H la direction de l’âme? 12. de combien d’éléments l’homme est-il composé ct quels sont-ils? 13. les morts qui surviennent par accident, sont-elles prévues et prédestinées par Dieu? 1 L les infirmités corporelles sont-elles causées par le démon ou par Dieu? 15. pourquoi les bons ont-ils tant dc ces deux livres sont ensuite condensés en une série dc 73 propositions ou chapitres, que Ton ren­ contre parfois Isolés dans les mss., mais qui forment le complément naturel des deux livres précédents, dont ils résument brièvement la doctrine. Ces cha­ pitres sont intitules : Κεφάλαια συ>.λογιστικά κατα τής αυτής αίρεσεως τών 'Λκινδυνιστών καί προ: Λατίνους περί ουσίας καί ένεργείας. Iis ont élt publiés, d’abord par Séraphin de Pisidie en supplé­ ment a son édition en trois langues du pamphlet d’Eustratios Argentis intitulé : Βιβλίον καλούμενου ’Ραντ.σμού στηλίτευα ς. in- l°, Leipzig. 1758, ρ. 221227, puis comme Inédits par \V Gass, Die Mystik du Xikolaus Cabasitas. Grcifsuald, 18(9, p. 217-232 Gass s’est servi pour sa publication du Vindobon. theotog. yr. 171 (Ncsscl), fu 1-11; il n’a pas connu le n, JSS d’iviron» f· 61 1-621, ni le n. 268 de Boussicn, f® 77-81. ni le n. o'ôdu Métochion du Saint-Sépulcre a Constantinople, ni surtout les trois mss. suivants qui contiennent, avant les Capita syllogistica, les deux grands livres contre Calécas : Canon. 49, fe 10v«-9l v . Mega Spelaion 48, f° 2-65. Iviron / ’. hi 12. 1662, mais J1 mourut avant de prendre possession de A Rome, on désapprouva les thèses de Marca, qui son nouveau siège, le 29 juin 1062, le Jour même où il furent mises à l’index; les deux écrits suivants atté­ recevait scs bulles, â la grande Joie des amis de Portnuent ces thèses ; Dissertatio de primatu Lugdunensi Royal. Les ouvrages de Marca sont nombreux cl très impor­ el aliis primatibus, in- P. Lyon, 1611, et surtout le Libellus quo editionis librorum de concordia sacerdotii tants nu point de vue religieux; beaucoup n'ont été publiés qu’apres sa mort, par son secrétaire Baluze, et imperii consilium exponit, opus Apostolica: Sedis censurir submittit et reges canonum custodes, non vero ou sont restés encore manuscrits. — Le premier cn date, celui qui est demeure le plus célèbre, a pour auctores esse docet Petrus de Marca, in- f”. Barcelone. titre De concordia sacerdotii et imperii seu de liber­ 1616; â Ia suite de cet écrit, sc trouve une lettre au tatibus Ecclesia galticaniv dissertationum libri quatuor, cardinal Barberini sur la doctrine de son livre. 2 vol in 1% Paris, 1611; l’ouvrage fut réédité, cn Libellas a été ajouté, dès la seconde édition du D< 1663 et 1669, avec de nombreuses additions, mais concordia, et il obtint de Rome les bulles (pic Marca attendait depuis. 1612. l’édition la plus complète comprend huit livres cn D’autre part, Marca publia des ouvrages d’histoire 2 vol. in-fol , Paris, 1701 et 1705, et fut publiée par On a «in P. Galizfo : Summa (otitis dialectics ad mentem S, Bonanentur.r doct, seraph, ex e/usdcm scriptis majori qua peri potuit diligentia excerpta' et in quatuor libros distributee, i n-Ie, Rome, 1631; Summa totius philoso­ pher Arislntrlirir ad mentem S. Bonaventurir... et tn 1res partes distributor, 2 in-1®, Rome, 1635; Novum de Immaculata virginis Conceptione encomium. Opus universis Dei pr/rconibus perquam utile et jucundum, in—i®. Bresria, 1636. En sa qualité de procureur géné­ ral, il avait essayé de sauver les Annales de son ordre écrites par Bovêrhis, de la condamnation <|ui les attei­ gnit le 18 juillet 1651; il gagna seulement qu’elles ne fussent mises Λ l’index que donec corrigantur; l’année suivante, 19 novembre, il obtenait le retrait de la con­ damnation. A peine voilé sous le nom d’Antoine Marie Gnllzio, il les défendait encore dans la Di lucidatm speculi apologetici, in-1°, Anvers, 1653, des attaques du P. Jacques de Riddcrc, mineur observant. Le P. Galizio laissait de nombreux manuscrits, que les occupa­ tions de sa charge ne lui avaient pas permis de publier ; en particulier des Commentaires sur les quatre livres des Sentences de saint Bonaventure. Après sa mort on tira de ses papiers une œuvre de sa jeunesse religieuse, La filomela overo del canto spirituale, in-1°, Milan, 1691, dans laquelle sous la métaphore du chant il enseigne les moyens de de venir parfait et saint A la fin sc trouve une Breve e succinia narrazione delta vita, attioni c morte del M. H. P. Marc*Antonio Gallicio, écrite par ses secrétaires, les PP. François de Dcscnzano et Angélique de Carpcncdolo, ainsi que son oraison fu­ nèbre par le P. Amateur de Pccelto, provincial de Piémont. 1989 M \HC \ locale : Histoire dr Notre-Dame de Beth Aram. dans It Warn, diocèse dr Lescar, in-8·, Beth-Aram, 16J8, et Traité des merveilles opérées en la chapelle de NotreDame du Calvaire de Beth- Aram. Marca raconte l'his­ toire do cette chapelle, très fréquentée par les pèle­ rins, et les nombreux miracles authentiques qui s’y sont produits; une seconde édition ajoute les miracles onds ou (pii sont arrives depuis, recueillis par les prêtres de la Congrégation de ce lieu *, in-12, Beth-Aram, 1618. En 1650, Marca publia un travail, encore au­ jourd’hui très apprécié : Histoire du Béarn, contenant l'origine des rois de Navarre, des ducs de Gascogne, marquis de Gothic, princes de Béarn, comtes de Car cassonnc, de Foix, de Bigorrc, avec diverses obser­ vations géographiques et historiques, in-fol., Paris, 1650. L’abbé Dubarat a donné une nouvelle édition decet ouvrage, in-1°, Pau, 1889, avec une longue notice decccv pages sur Pierre de Marca; de l’écrit de Marca. on peut rapprocher les Antiquités du Béarn, manus­ crit inédit de la Bibliothèque nationale, publié cl précédé d’une notice sur la vie de l’auteur, par M. G. Basclc de Lagrèze, in-8°, Pau, 1816. Marca aborda la question janséniste dans l’écrit suivant : Relution des délibérations du Clergé de France sur les constitutions de nos SS. PP. les papes inno­ cent X et Alexandre VU, par lesquelles sont déclarées et définies les cinq propositions en matière de foi, avec les Bre/s et Lettres des papes aux cardinaux et évêques de cc royaume; ensemble les Déclarations de S. M. et les lettres des cardinaux et évêques au pape et aux évêques du royaume avec celles de rassemblée de 1661 à S. S. sur te sujet desdites propositions cl des délibérations, arrêts du Conseil, cl généralement tout ce qui s'est passi sur le sujet des traductions du Missel romain en français, in-1°, Paris, 1661. Déjà auparavant, Marca avait publié à part la Relation de cc qui s'est fait depuis 1651 dans les assemblées des évêques au sujet des cinq propositions de Jansénius, in-1°, Paris, 1657; cette Bclation se trouve dans la Collection des Procès-verbaux des assem­ blées du Clergé, t. iv, pièces justificatives, p. 29-68; elle fut vivement attaquée par Nicole, dans le Belga percentator, in-1°, Paris, 1657, et dans le 6· Mémoire sur la cause des quatre évêques, (Euvres d’Arnauld. t. xxiv, p. 263-266. Arnould, lui aussi, critique Marca et lo met en contradiction avec lui-même, en plu­ sieurs passages. Cf. Les justes plaintes des théologiens, c. x-xm, dans les (Euvres d’Arnauld. t. xxn, p. 119169: Défense de la lettre circulaire des quatre évêques, ibid., t. xxiv, p. 130-135; Histoire du For­ mulaire, ibid., t. xxv, p. 152-160. Dans sa relation, Marca montre quo la paix ne peut subsister dans le royaume que par l’obéissance sincère aux décisions de l’Eglise et aux ordres desa Majesté pour leur exécution; pour procurer cette obéissance si nécessaire, on publia, cn 1677, une nouvelle édition qui donnera une con­ naissance véritable et assurée de tout ce (pii a été fait au sujet des cinq propositions, tirées du livre de Jansénius ». M. Gazier a peint tout à fait cn noir le rôle de Marca dans les allaircs du jansénisme el. en particulier, dans la question du Formulaire, Histoire générale du mouvement janséniste depuis ses ori­ gines jusqu*ii nos jours, 2 vol. ln-8°, Paris, 1922, t. î, p. 113-136. Les autres écrits de Marca n’ont paru qu’après sa mort, ou du moins ont été recueillis dans des écrits posthumes. Il faut citer d’abord. Dissertationes /msthunur sacra: et ecclesiastien* quarum quirdam lingua gallica.... Accesserim! epistola* D. Baluzii, occasione harum dissertationum scriptir, cum res pansis F. Fuget, ad easdem, in-12, s. !.. 1669; cet ouvrage est édité par l'abbé Paul Fagct qui eut des polémiques vio­ lentes avec Baluze, au sujet de cet écrit. Fagct donne d'abord une longue notice en latin sur la vie do Marca, 1990 puis quatre dissertations latines sur l'cuchunstic, le sacrifice do la messe, l'institution du patriarcat do Constantinople et en lin l’origine du ciel et de la terre, puis trois dissertations françaises sur les sacre­ ments de l'eucharistie (distinct du précédent), de ht pénitence cl du mariage dans lequel .Marca soutient que le prêtre est le ministre du mariage; la matière est constituée par les actes de mutuel consentement don­ nés par les époux, et la forme consiste dans les paroles pleines de prières et de bénédictions prononcées par le prêtre. A la suite sont placées les lettres de Baluze qui accuse Faget, d’avoir massacré les dissertations imprimées â la sourdine cl d’avoir fait des altérations apres coup », el d’avoir si mal éxrit sa vie et mis « tant de niaiseries et de fautes contre le bon sens et tant d’ab­ surdités qu'il est fâcheux qu’un si grand homme ait rencontré un si mauvais écrivain ». Baluze lui-même publia plusieurs ouvrages de Marca, dans l'écrit inti­ tulé : Opuscula Petri de Marca, archiepiscopi Pansiensis, nunc primum edita, in-12, Paris, 1681. H y a treize opuscules dont les plus intéressants sont les suivants : De stemmate Christi, de adventu Magorum ad Christum et an reges fuerinl? (les Mages venaient d’Arabie et ils étaient rois), de singulari Petri primatu, de discrimine flericorum et laicorum juris divini et de forma regiminis a Christo in Ecclesia instituti, de vete­ ribus collectionibus canonum, de origine et progressu cultus Beati? Marior Virginis in Monlc/crrato exhibiti, de theca reliquiarum sancti Joannis Baptista: quir servantur in ecclesia dominicariorum Perpiniancnsium. Déjà, cn 1669, Baluze avait réédité, avec des notes, quelques écrits de Marca, sous le titre : Illus­ trissimi viri Pétri de Marca archiepiscopi Parisicnsis dissertationes 1res Stephanas Baluzius Tutclensis in unum collegit, emendavit, notis illustravit et appendicem adjecit actorum veterum, in-12, Paris, 1669; les trois dissertations annotées sont celles du pape Vigile, du Primat de l’Église de Lyon, dont nous avons déjà parlé cl Epistola ad clarissimum virum llenricum Vales iuni de tempore quo primum in Calli is suscepta est Christi fides, que Marca avait lui-même publiée, cn août 1658, pour montrer quo les apôtres avaient envoyé cn Gaule Lucas et Crescens, que saint Paul était peutêtre passé en Gaule cn allant en Espagne, et que par suite, la Gaule avait été évangélisée dès le rf siècle. Outre ces écrits publiés par lui ou par Faget et Baluze. Marca a laisse un grand nombre de manuscrits qu’on trouve cn divers dépôts. A la Bibliothèque nationale, il y a, au fonds Baluze, n. //L un Recueil touchant les affaires du jansénisme, tiré des Mémoires de Pierre de Marca: n. 119, f® 3Π sq. : Traité de Vautorilé ecclésiastique et séculière sur 1rs mariages : n. HI : Opuscules de Pierre de Marca. Aux Manuscrits du fonds français, 10.563; Traité de l'origine de la régale; ir.OVî, et nouv. acq. 2095 ; Trailt de M. de Marca sur tes empêchements dirimants de mariage: n. tr 611 : Mémoires sur une thèse soutenue en 1661, au Collège de Clermont, touchant l'infaillibilité du pape; n. 17.623: Papiers de Pierre de Marca. dont quelques-uns, auto graphes, sur les Conciles nationaux el provinciaux, l'origine de la Bégaie, lc> induits de la Cour de Borne, sur les libertés de l’Église gallicane, sur le li\re de la Fréquente communion, sur la nullité des mariages des princes contractés sans le consentement du roi...; n. 17.730: Mémoires divers. A la Bibliothèque del’Arsenal. ms. 221$: Traité de l'autorité ecclesiastique et séculière. D 1-17; ms. 1113: Trois arguments /x>ur concilier la nullité des mariages des princes du sang faits sans le consentement du roi, F 173-665. A la Biblio­ thèque Sainte-Geneviève ms. 36o : Remarques sur le livre de M. de Marca intitulé : De concordia ms. '71 : Écrit de M. de Marca sur le libelle intitulé : Optatus Gallus de carendo schismate; ms. VJ7 : De l'autorité 1991 M ABC A ecclésiastique ft séculière sur tes mariages (à l’occasion du second mariage de Monsieur· frère unique do Louis XIII, avec la Princesse de Lorraine); ms. 1593 : Papiers de Pierre de Marea sur tes sacrements de ma­ riage et de pénitence A la Bibliothèque Mazarine, ms. 1120 : M/moire contenant l'examen d'une thèse sur Γinfaillibilité du pape; ms. 2/.;5 et 4392: Mémoire de Marca concernant la nullité du mariage du duc d'Or­ léans, 1631; m*·. 1246 : Harangue au roi, au nom de Γ Assemblée du clergé, touchant la détention du cardinal de Bel:, 9 janvier 1653. Micbnnd, Biographie universelle, t. xxvi, p. 145, 446; Hœfcr, Nouvelle biographie générale, t. xxxm, col. 376-378; Moréri, Is grand dictionnaire historique, édit, de 1759, t. vn, p. 101-195; Feller, Biographic universelle, édit. Pcrcnnês. 1842, t. vin, p. 131, 135; Richard ct Girnud. Biblio­ thèque sacrée, t. xvi, p. 06-100; Chnudon ct Delandlne, Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique, 5· édit., 1810, t. xi, p. 89-91; Barrai, Dictionnaire histo­ rique littéraire ct critique, 4 t. en 6 vol. ln-8% Avignon. 1758-1762, t. ni, p. 329,330; Lad vocat, Dictionnaire histo­ rique et bibliographique portatif, t. n, p. 208, 209; Niccron, Mémoires [tour servir d l*histoire des hommes illustres, t. xn, p. 313-351 ; Rnpin, Mémoires, édit. Aublncau, 3 vol. in-8·, Lyon cl Paris 1863, t. n. p. 205-212, 491-505 ct t. in, p. 112. 120, 176-182; abbé Fngrt, Vie de Marca, en tète des Opus­ cules; Baluze, Vfr de Marca, en ti'tc des dissertations post­ hume*. rt dans Epistola ad Samuclcm Sorberium, 1663; abbé Born par t. Plage de M, de Marca, in-8®, Paris, 1768; J. Doujnt, De Pétri de Marca moribus cl rebus gcstls, ln-4·, Paris, 1661; nbbé Dubnrat, Notice sur Pierre de Marca, en tête dr la nouvelle édition dr VHistoire du Béarn, in-l°, Pau, 1889; E.dn Pin, Bibliothèque ecclésiastique des auteurs du XVIh siècle, II· part., p. 1-105; Ffoquct, Isi France pontificale, Paris, p. 411-119; Biographie toulousaine, 2 vol. in-8·, Paris, 1823, t. n, p. 18-20; Kirchen lex icon, t. vin. col. 612-618; Encyclopédie des sciences religieuses (prot. ). t. vm. p. 651, 655. J. Carreyre. 1. MARCEL I* (SAINT), pape (308-309). — Les données chronologiques relatives û son pontificat, fort embrouillées dans les deux éditions du Liber Ponti­ ficalis, ont été tirées au clair par L. Duchesne. Entre Marcel ct son prédécesseur Marcellin, il y cul une vacance de trois ans ct sept mois, causée par la persé­ cution d’abord, puis par l’incertitude de la situation politique. Quand le · tyran > Maxcncc eut consolidé son pouvoir et que l’on crut pouvoir compter sur sa tolérance, l’Église de Borne élut comme pape le prêtre Marcel, qui semble avoir Joué quelque rôle soit durant le pontificat de Marcellin, soit pendant l’interrègne. Marcel cul pour tâche essentielle de réorganiser l’Église romaine, profondément troublée par les événements antérieurs. Le Liber Pontificalis lui attribue la division de la ville de Borne en vingt-cinq titres ou paroisses, ct il ajoute, embrouillant un peu toutes les idées : propter baptismum et pernitentium mullorum qui conver­ tebantur ex payants cl propter sepulturas martyrum. On entendra que les divers · titres » devaient s’occuper de la préparation au baptême des païens qui sc convertis­ saient, de la préparation à la pénitence des fidèles qui avaient failli dans la persécution,ct enfin de la sépul­ ture non seulement des martyrs, mais de tous les membres de l’Église. La réconciliation des nombreux lapsi dut cire en effet, une des préoccupations princi­ pales du pape. Λ en juger par l’épitaphe que, soixante ans plus tard, le pape Darnase consacrera à son pré­ décesseur, celte réconciliation n’alla pas sans difficulté. On revit a Borne des troubles analogues à ceux qui avaient suivi la persécution de Dècc. L’agitation descendit dans la rue, il y eut des bagarres sanglantes. Le gouvernement, à la suite de la dénonciation d’un apostat plus coupable que les autres, intervint ct exila le pape Marcel ; celte mesure ne mit pas fin aux troubles, qui continuèrent sous le successeur de Marcel, le pape Eusêbe. — Dans sa deuxième édition, le Liber MARCEL II 1992 pontificalis donne des malheurs du pape Marcel un récit tout différent; l'église où il officiait est changée, par ordre de Maxcncc, en écurie, où le pape lui-même doit servir comme palefrenier; il y meurt de fatigue. Une narration analogue se retrouve dans des Gesta Martyrum postérieurs. Pas plus que In précédente, clic n’a de garantie d’authenticité. L’une ct l’autre sont l’explication légendaire des origines du titulus Marcelli. Il faut au moins mentionner l’hypothèse qu’a suggé­ rée en 1896 ù Th. Mommsen, relativement à Marcel, l’étude des données chronologiques que fournissent, d’une part, le catalogue libérien, d’autre part VIndex des évêques romains qui est â la base des catalogues pontificaux échelonnés du v· au vu® siècle ct publiés par L. Duchesne, Liber Pontif., t. i, p. 14-34. Le cata­ logue libérien distingue un pape Marcellin ct un pape Marcel; entre deux, il indique une vacance de 8 ans (7 ans dans l’édit. Duchesne, ibid,, p. 6), 3 mois et 25 jours, qui mettrait l’accession de Marcel en 312 (ou 311), date qui correspond sensiblement â l’élection du pape Eusêbe (successeur de Marcel d’après le comput ordinaire). Tout s’arrangerait au mieux, dit Mommsen, si l’on supprimait Marcel. Or, ce n’est point ici une hypothèse désespérée, car juste­ ment V Index ci-dessus mentionné ne connaît pas de pape Marcel, mais passe directement de Marcellin a Eusèbc. (Notons qu'en fait il serait non moins exact de dire que V Index ne mentionne pas de Marcellin ct ne connaît que Marcel ; voir ci-dessous art. Marcelun). Mommsen suppose donc une vacance de plus de 7 ans entre Marcellin et Eusèbc. Pour expliquer cependant l’épitaphe damasienne relative à Marcel, il suppose que celui-ci, simple prêtre, avait gouverné en celte qualité la communauté romaine, parce que Maxcncc, empereur de fait ù Borne, depuis 306, n’avait pas autorisé d’élection épiscopale. Cette hypo­ thèse n’a été favorablement accueillie ni par A. Har­ nack (art. Marcellinus de la Bcalcncyclopüdie pro­ testante), ni par L. Duchesne, qui l’écarte par simple prétérit ion dans son Histoire ancienne de l'Église, t. π. p. 92-95. Le pape saint Marcel figure comme martyr au mar­ tyrologe et au bréviaire romains, le 16 janvier, qui est la date fournie par le martyrologe hiéronymien et aussi par la Depositio episcoporum du Chronographe de 353 (en corrigeant, il est vrai, Marcellin! en Mar­ celU, comme tout semble y inviter; cf. art. Marcellin). S’il est mort en exil, ce qui est fort possible, son corps aura été ramené à Borne ct enseveli à la date susdite. Le Liber Pontificalis, édit. Duchesne, t. i, p. xax-c, 6, 7, 72, 75, 161-166; Jaffé, Begesta pontificum romanorum, 2· édit., t. 1, p. 26, relève trois lettres attribuées â Marcel, d’évidente innuthentlclté, leur texte dans P. L., t. vn, col. 1091-1100; l’inscription damasienne dans Rossi» /nscriplfonrs dirfstfanæ urbis Borner, t. II, p. 62, 103, 138; h légende de Marcel dans Acta Sanctorum, Janvier, t. n, Anvers, 1643, p. 3-11. — Tiliemont, Mémoires, t. v, p. 9599, 627-G30; Th. Mommsen, Ordo ct spatia episcoporum romanorum, dans Neues Archiu, 1896, t. xxî, p. 335-357. É. Amann. 2. MARCEL 11, pape du 9 avril au 1er mai 1555. — Marcello Cervini degli Spannocchi naquit le G mai 1501 à Monte l’ano. Scs talents littéraires — il traduisit en italien le traité De amicitia de Cicéron — le firent apprécier du cardinal Alexandre Famèsc qui l’introduisit à la cour pontificale. Les honneur» ecclésiastiques ne tardèrent point ù lui être attribués ; il fut nommé successivement évêque de Nicastro en 1539, cardinal-prêtre du titre de Sainte-Croix de Jérusalem le 18 décembre 1539, administrateur de l’évêché de Bcggio en 1540, puis de celui deGubbiocn 1511. Sous Jules IH il reçut le titre de bibliothécaire apostolique ct ouvrit ainsi l’èrc des cardinaux biblio- 1993 MARCEL II MARCEL D’ANCYRE Ihccaires. Toutefois scs mérites littéraires ne suffi­ rent pas ù le mettre en évidence. Il montra sa valeur comme légal a latere en 1510 près de Charles-Qulnt, comme président du concile de Trente en 1515 ct comme légat à Bologne, à Kavenne et à Plaisance. A la mort de Jules 111. l'intégrité de sa vie, sa piété ct surtout scs désirs de réforme ecclésiastique le désignèrent aux suffrages des cardinaux : le 9 avril 1555, il était élu pape, mais une attaque d'apoplexie foudroyante occasionna sa fin prématurée, le l de lin : ίσται γάρ καΟεζόμενος έν δεςία τού 1 Ιατρός ού μόνου έυ τώαίώυι τούτω αλλά καί έυ τω μέλλοντι. Toutes ces formules dans Hahn, IMblÎothek der SymMr, 3· edit., $ î 155, 156, \insi le conflit tendait à se concentrer, et comme â .sc symboliser, en un désaccord très net sur cette per­ sonnalité marquante, qui par le commentaire unila­ téral cl la spéculation aventureuse dont il entourait \'homt>ousios nlcécn, semblait légitimer l’accusation de sabellianisme portée par les Orientaux : la divinité absolue du Logos était sauve, mais non plus évidem­ ment la personnalité du Christ préexistant et la tFinite des hypostases. Sur la commune instance des deux empereurs d'OccIdent et d’Orient. un nouvel effort d’union fut tenté au concile convoqué à Sardique, l’actuelle Sofia, en 312 ou 313. Voir l’article Aiuanlsme, 1.1, col. 1813, 1811. Il échoua, les Orientaux refusant d’accueillir dans l’assemblée, sans enquête préalable. Athanase et Marcel, jadis déposés par eux. Siégeant à part, à Sar­ dique d’abord, puis ù Philippopoli, ils exposèrent leurs griefs et professèrent ù nouveau leur foi, selon les termes de la quatrième formule d’Antioche, protestant à nouveau, en tête même de leur encydiquc, contre l’hérésie de Marcel. Cc texte fort long est conservée dans les Fragments historiques de saint Hilaire. Frag­ ment ur. P. L., t. x, col. 059 sq.; édit. Fedcr du Corpus de Vienne, t. i.x, p. 19 sq. Les Orientaux essaient d’y préciser l’hérésie de l’évêque d’Ancyre. D’après lui le règne du Christ n’aurait commencé qu’ù l’incarnation et sc terminerait à la fin des temps: (Vult) Christi Domini regnum per­ petuum, irternum et sine tempore disterminare; initium regnandi accepisse Dominum dicens ante quadringentos annos, finemque ei venturam simul cum mund{ occasu. C’est quand il a pris un corps que le Christ est devenu l’image du Dieu invisible. Ces idées Marcel les a sou­ tenues dans un livre rempli de blasphèmes, où sc mêlent les faussetés de Sabcllius, la malice de Paul de Sarnosate, les blasphèmes de Montan. Or malgré ce livre et la condamnation qui en a été faite d'abord à Constantinople, les Occidentaux n’ont pas laissé d’admettre l’évêque d’Ancyre à leur communion. Il semble que, pour les Occidentaux, sc posa alors vraiment le cas de Marcel; et si, sans difficulté, ils refu­ sèrent de ratifier la déposition d’Athanase, ils jugèrent opportun de reprendre soigneusement l’examen du dossier de Marcel. Une fols encore, l’indulgence l’em­ porta : après lecture de son livre et une souple défense de l’accusé, on estima sa foi correcte, abandonnant au domaine des réflexions personnelles les éléments sus­ pects de sa théologie. Voir S. Hilaire, Fragment n, • ne yclique du concile de Sardique, n. 6, /’. /.., t. x, col. 636, Fedcr, p. 117 ; Lectus est autem et liber garni conscripsit Irater et coepiscopus noster Marcellus; et inventa est Eusebii cl gui cum ipso luerant exquisita malitia. Quae enim ut proponens Marcellus posuit, turc eadem quasi jam comprobans proferret, adsimularunt. En relisant tres exactement Io contexte des passages incriminés, les Pères du concile ont vu que sa foi était orthodoxe : neque enim a sancta virgine Maria, sicut ipst confingebant, initium dabat Deo Verbo; neque finem habere regnum ejus, sed regnum ejus sine principio ac 1996 sine fine esse conscripsit. Les Pères cependant sc ren­ dirent compte de lu bonne part de malentendu qui chargeait la discussion; et, tout en étant sévères pour les Orientaux, ils eurent, au point de vue doctrinal, l'heureuse sagesse d’éliminer un projet de nouveau symbole, qui, en énonçant l’unité d’hypostase. mena­ çait de rendre décidément inintelligible à ces derniers l’orthodoxie de Niece. Cette modération semble avoir dès lors gagné du terrain. En 315 une nouvelle formule, élaborée par les Orientaux et mise en avant par l’empereur Constance, connue ù cause de sa longueur, sous le nom de formule macrostiche. pouvait préparer un terrain d’entente : si le terme d'homoousios n’y était pas encore introduit, elle ne contenait par contre aucune formule hétéro­ doxe. Marcel cependant, en compagnie de Paul de Sarnosate el de Photin, était formellement et longue­ ment condamné. Photin, qui apparaît ici pour la pre­ mière fois, était, quoique Gatalc d'origine, évêque de Sirmium; disciple de Marcel, il poussait ù l’extrême cl sans précaution les tendances inodallstcs de son maître, si bien qu’il rejoignait presque le monarchianisme rigide de Paul de Sarnosate. Ainsi sc composait un trio qu’il sera difficile de dissocier entièrement. La formule macrostiche est extrêmement explicite (piant ù l’erreur reprochée à Marcel. Voir surtout n. 6 : Les disciples de Marcel et de Photin, tous deux d’Ancyro de Galatie, repoussent la subsistence éternelle, τήυ προαιώνιου ύπαρςιυ. du Christ, sa divinité et son règne éternel, ατελεύτητου, semblables en cela aux Juifs, et sous prétexte de sauvegarder l’unité divine, τη μοναρχία. Pour nous, nous savons que le Christ n’est pas seulement une pensée exprimée ou imma­ nente de Dieu, λόγου προφορικόν ή ενδιάθετον τού θεού, mais un Verbe-Dieu, vivant et subsistant, άλλά ζώυτα θεόν λόγον καθ’εαυτόν ύπάρχοντα, Fils de Dieu et Christ; cc n’est pas seulement par pre­ science qu'il vit avec son Père avant tous les siècles, et qu’il l’a assisté dans l’œuvre de la création des êtres visibles ou invisibles. C’est lui en effet ù qui le Père a dit : « Faisons l’homme ù notre image et ressem» blance, » c’est lui (pii est apparu en personne aux patriarches, qui a donné la Loi, qui a parlé par les prophètes, et qui finalement s’est incarné, a manifesté son Père à tous les hommes cl qui désormais règne pour les siècles des siècles. · 1 lahn, op. cit., § 159, n. 6, p. 191. Le texte est précieux tant parce qu’il dit de la doctrine de Marcel que par les concepts qu'il lui oppose et qui, par contraste, font saisir la première. La formule macrostiche fut présentée au synode que tenaient alors les orthodoxes à Milan. L’union, là encore, ne put sc faire. Le concile néanmoins condamnait ù son tour Photin; quant ù Marcel, Athanase renonçait à le soutenir plus longtemps. Saint Hilaire, Frag­ ment il, 21, /... t. x. col. 650, Fedcr, p. 1 16; cf. Sulpice-Sévèrc, Hist, sacra, H, xxxvn, P. L., t. xx. côl. 119. Lorsque saint Athanase, l’année suivante, 21 octo­ bre 316, rentra ù Alexandrie, l’apaisement, sinon la paix dans l’unité, semblait se faire; en tout cas, on ne parla plus de Marcel d’Ancyre. Il mourut vers 371. peu apres saint Athanase lui-même; mais on ne sait rien des trente dernières années de sa vie. Sa réputa­ tion fut loin de s’améliorer. Saint Basile, écrivant quelques années plus tard ù Athanase, lui demandera instamment de faire condamner < sa doctrine perni­ cieuse et hors de la vraie foi ·, Izpist., i.xix, 2, P. G., t. xxxn. col. 132; et saint Épiphane l’insérera dans son catalogue d’hérétiques, tia res., i.xxn, 2,3, P. G., l.XLH, col. 383sq. ; il notera même (pi'Alhanase, quand on lui parlait de Marcel, sc contentait de répondre par un sourire qui en disait long. Ibid., n. 4, col. 388. Tel est, en bref, le cadre historique dans lequel on 1997 M\BCEL D’ANCYBE peut suivre dans ses fluctuation* la fortune de Marcel d’Ancyre. Quelle fut en réalité sa doctrine? Fnut-H, confiant en In décision de Sardique rt en l'amitié temporaire d’Alhnmisc, défendre son orthodoxie,toute attachée ù r/iomootisfos nicécn, quoique maladroite dans scs essais d'explication de la vie trinltalrc ? Ou bien faut-il accepter le verdict précis et tenace des Orientaux,auquel implicitement Athanase lui-même s’est rallié apres l’incident de Photin, confirmé par Basile un peu plus tard, cl voir en Marcel un disciple de Paul de Sarnosate, qui, sous couleur d’aflirmer la monarchie divine, n’a pas compris le mystère du Logos personnel cl de son incarnation ? Une chose est cer­ taine en tout cas, c’est (pic la religion d’Athanase a été éclairée, sur le compte de Marcel, par les enseigne­ ments de Photin. C'est ce cpie note l’auteur du frag­ ment historique, n. 21, P, L., l. x, col. 650, Fedcr, p. 116. Scd idem Athanasius Marcellum..., ubi giurdarn alia nona miscere sensit et ambiguis prédication ibus ejus, in quam Pholinus erupit, doctrinæ viam gurrrere, a communione sua separat anteriore tempore quam Photinus arguitur, pnvventam judicio meditationem corrupté voluntatis ostendens et non ex libri editione condemnans. Cette dernière phrase est obscure; d’après les explications (pii suivent, l’auteur veut dire, sernIdc-t-il, que le livre de Marcel était en somme orthodoxe, mais qu’Athanase a eu l’esprit prévenu par les juge­ ments fâcheux portés sur Photin. Et, à un autre point de vue, ce nicécn farouche a-t-il bien saisi et interprété Vhomoousios ? ou bien donne-til, sinon raison, du moins prétexte, aux cusébicns qui voyaient dans le mol de Nicéc la formule du sabellia­ nisme ? La question prend toute son acuité, si on la replace dans l'interprétation (pie certains critiques, comme L. Loofs, dans son Paulus von Samosata, Leipzig, 1921, donnent de l’orthodoxie nicécnnc. Comme jadis Eusèbc et Basile, ils rapprochent Marcel de Paul de Sarnosate; puis ils montrent en eux les représentants de la vieille doctrine chrétienne primitive, manière de monarchianlsme adoptianistc, que les origenistes, avec leur goût hellénique pour les spéculations sur le Logos, avaient fait condamner en Paul de Sarnosate avec Vhomoousios en 268. La revanche était venue, a Nicéc. avec le triomphe de Vhomoousios; et si Marcel, (pii avait l'authentique intelligence du mol et de la chose, a été peu à peu vaincu, c’est (pic les nicécns purs se laissèrent peu à peu pervertir, abandonnant le champ libre à ceux qui, néo-nicéens, comme on les appelle, canonisèrent, à partir de 360, une doctrine origénlsle, hellénique d’origine et non chrétienne. Un examen rapide de la doctrine de Marcel, pour autant qu’il est possible de la reconstituer, montrera qu’on ne peut lui reconnaître une juste intelligence de Vhomoousios de Nicée : Marcel, orthodoxe d’intention, a versé dans l’hérésie par une incompréhension réelle el obstinée de la pluralité des hypostases et de la per­ sonnalité du Logos·, tout occupé de la consubstantia­ lité, il néglige les autres éléments de la tradition chré­ tienne, el, résultat de l’exclusivisme de son point de vue unilatéral, il élabore, en une spéculation suspecte, une théologie qui met en lumière l’imperfection objec­ tive de sa foi. Athanase eut raison d’abandonner un partenaire compromettant; el, tout en insistant sur les differences qu'Eusèbe lui-même, son adversaire, mar­ quait déjà dans son rapprochement entre Marcel, Paul cl Sabcllius, De eccl. theol., m, G, on ne peut nier la parenté de sa doctrine avec les formes diverses du niodalismc monarchicn. Dieu est une monade, absolument une, indivisible, c'est de là qu’il faut partir, cl non d’une pluralité divine, selon les opinions propres d’Origène. Ce n’est pas qu’en Dieu il n'y ait un Logos, mais il est όμουύσιος MARCEL DE B1EZ 1998 c'est-à-dire qu'il est en Dieu et Dieu en lui sans divi­ sion, résidant en lui en puissance active, non seule­ ment δυνάμει, mais ίνεργεία. Cette énergie s'extériorise. προέρχεται, sans cepen­ dant sortir de Dieu, par une dilatation, πλατυνομένη. qui n'inlrodull pas de dualité ni ne compose d’hypos­ tase distincte. Celte extension est double : dans \a création d’abord, puisque le Logos est créateur, puis dans l'incarnation. Par celte économie, le Verbe ainsi Incarné devient Fih, mais non par une génération Inté­ rieure en Dieu, car il n'est engendré que dans la chair par la Merge; cl, dans cet te chair, Γένεργεία divine est active, et principe de toutes 1rs opérations du ChrisL Ainsi est contractée une union très intime cl perma­ nente. d’un ordre très supérieur a relie qui animait jadis les prophètes. Celle union cependant cessera un jour, autant qu’on en peut Juger, car la chair, même immortalisée, ne convient pas a Dieu. Ε’ένεργεία sc rcploirra alors en Dieu. D’ou sans doute l’accusation portée par les Orientaux contre Marcel de ne confes­ ser pas le cujus regni non erit finis. C’est par une dilatation analogue que la monade s’épanouit en Trinité : l’Esprit esl dans le Père et dans le Logos, mais il s’extériorise pour remplir l’âme des apôtres. Si l’on ne doit pas retrouver ici le rationalisme radi­ cal de Paul de Sarnosate, il est du moins impossible de n’y pas voir une méconnaissance grave de la vie divine en son économie intérieure, telle que l’ensei­ gnait la tradition. L Soi rces. — < )n a depuis longtemps groupé* cl édité le* fragments de l’écrit de Marcel d’Ancyre contre Astéries, que fournit Eusébe dans m» double réfutation, Contai Mar· crllum, et De ecclesiastica theologia, P. G'., t. xxiv, reprodui­ sant le texte de Nolte, Paris, 1757. et dans Dit grleschhchen chrisUichen Schriliste lier de Berlin, /ùnrèfus Werke, t. iv. juir E. Klostrnnnnn, Leipzig. 1906; Bcttberg publiait ainsi des Marcelliana, Gœttingue, !794, que Migné a reproduits /·. G’., t. win, col. 1299. KlostcnnanD a rassemblé de meme les textes de Marcel, a la fin de son edition do traités d’Eusèbe, loc, rit., p. 183-215, avec une table lexicographique très précieuse. Pour l’histoire de l’incident lui-même, c’est tout le dos­ sier de l’arianisme pendant cette période qu’il faut suivre. Voir l’article \iuamsmi . Notons en particulier le Dr .sgnodis test. ItralencykloiHidie,^ édit., Leipzig, 1903, t. Xil, p. 259-265; son étude sur Der Bcgrtfj des .\ic.i noms, dans l'estgabr von Eachgrnassen und Ertmden Karl Muller zum 70. Geburlstag dargcbracht, luhinguc, 1922; enfin son récent Paulus iMHi Siunasatu, dans les Texte und Untersuchiingen zur Geschichtr dtr alfchrfsUichcn Litrrutur, Leipzig, 1921, I. xi iv, fuse. 5. On le contrôlera par G. Hardy, Paul de Sarnosate, Louvain, 1923. M.-l). Chenu. 5. MARCEL DE RIEZ, do son num Claude Grenon, frère mineur capucin de la province de Pro­ vence, né en 1609, entra en religion le 13 Janvier 1626, el mourut ù Marseille le 23 août 1682, après une carrière bien remplie. Il avait été lecteur en théo­ logie, gardien do divers couvents, délinitcur de sa province religieuse, directeur des capucines de 1999 MARCEL DE RIEZ — MARCELLIN Marseille, après s’être dévoué pendant plusieurs années à In conversion des protestants dans le Languedoc et les Cévennes. Le P. Marcel avait fait une étude approfondie des œuvres de saint Bonaven­ ture, le docteur préféré dans son ordre. Afin d’en rendre l’enseignement plus facile, il entreprit de coor­ donner la doctrine du docteur Séraphique, éparse dans scs Commentaires des Livres des Sentences, et publia la Summa seraphica in qua S. Bonaveniune doctoris seraphici seraphica theologia per ejus in Magistrum Sententiarum libros dispersa dilucide est enodala, et accurate redacta in Scholar methodum, Marseille, 1669, 2 vol. in-fol. II divise son ouvrage en trois parties : 1° de Deo, non solum in se spectato, sed etiam ut est effector rerum creatarum; 2° de mediis internis per quiv ad Deum lanquam ad finem ultimum perducitur homo; 3® de mediis externis. Dans cette troisième partie, 2.1.1, p. lxxii; I lurtcr, Nomenclator. Inspruck, 1910. t. iv. col. 33. P. Édouabd d'Alençon. 1. MARCELLIN (SAINT), pape (296-31 1). — D'après le catalogue libérien, Marcellin succéda. le 30 juin 29G, au pape Caïus. De son pontificat l’on ne sait rien; les deux décrétales que lui attribue Pseudo-Isidore sont des faux évidents. Mais ce pape est au moins célèbre par les questions qu’a soulevées son attitude au moment de la grande persécution qui éclata en 303. Comment s’y est-il comporté? Eusèbe, le témoin le plus rapproché des événements, parait mal renseigné sur les destinées de l'Occldcnt à cette époque. Au début de son récit de la persécu­ tion, il place une énumération des papes romains de la fin du m· siècle : Félix, Eutychien, Caïus, Marcellin, et il ajoute à propos de ce dernier : δν καί αύτδν ύ δ’.ωγμός χατείληφε. 11. E., VII, xxxn, 1, P. G., t. χχ, col. 721. La phrase est obscure : < que la persécution enleva > ou · que la persécution trouva en place ». Même dans le premier cas, on ne saurait conclure qu’Eusèbe parle du martyre de Marcellin. Il s'exprime tout autrement sur les papes martyrs Télcsphore et Fabien. //. E , IV, x ; VI, xxxix, 1 ; col. 328, 600. On doit ajouter néanmoins que Théodoret, en lisant Eusèbe, a compris que Marcellin s’était illustré pen­ dant la persécution : τδν ht διωγμό διαπρέψαντα. //. E., I, π, P. G., t. Lxxxir, col. 885. Mais ce n'est la qu’une conjecture personnelle de l’évêque de Cyr; elk ne peut compter pour un témoignage. En Occident, au cours du iv· siècle, non seulement on ne connaît pas le martyre de Marcellin, mais il cir­ cule, dans les milieux donatistes, des bruits fâcheux sur le compte de ce pape. On y prétend qu’il aurait livre ks Écritures el même offert l'encens, el on accuse de la même faiblesse ses prêtres, Miltiade, Mar­ cel, Sylvestre (qui tous trois passeront sur le siège apostolique). L’accusation contre Marcellin, est avan­ cée dans la fameuse lettre pastorale de l’évêque donaliste Pélilicn. Cf. S. Augustin, Cont. litt. Petit., II, χαι, 202, P. L., t. xun, col. 323. Saint Augustin 2000 Γ l’exprime plus clairement encore, Dr unico baptismo, 27, ibid., col. 610. Il sc contente d’ailleurs de répondre que cette accusation, avancée sans preuve, doit être rejetée Sans autre discussion : Quid laborem probare defensionem meam, cum ille ( Peliliunus) nec tenuiter probare conatus sit accusationem suam. Ainsi Augustin rejette l’accusation de défaillance portée contre Mar­ cellin, mais il ne fait pas la moindre allusion au mar­ tyre du pape incriminé. * Chose plus étrange, le nom de Marcellin est omis en divers documents où l’on devrait normalement le rencontrer. Alors qu'il figurait dans le catalogue libé­ rien, entre Caïus et Marcel, il a disparu de la plupart des catalogues pontificaux qui s'échelonnent duv*au vu® siècle. Voir ci-dessus art. Marcel, â la fin. Il paraît sans doute au 16 janvier dans la Depositio episcoporum (romanorum) du Chronographe de 353 mais on a prouvé solidement que c’est par corruption du nom de Marcel, dont le 16 janvier est la date obituairc; et le Martyrologe hiéronymien porte bien, au 16 janvier, Marcellus et non Marccllinus. Ainsi, le nom de Marcellin ne figurait pas vraiment dans la Depositio, et c’est une omission voulue. Celte omis­ sion sc produit au même temps où circulent dans les milieux donalisles les bruits fâcheux sur la mémoire de Marcellin. .N'y aurait-il pas quelque rapport entre ces deux faits? A la fin du v· siècle, ces bruits ont pris consistance dans une Passio Murccllini aujourd’hui perdue, mais dont la trace sc retrouve dans le Liber pontificalis, La persécution de Dioclétien fait rage à Home et dans les provinces; Marcellin est amené pour sacrifier; il le fait. Mais quelques jours après il se repent de sa faiblesse; par ordre de Dioclétien, il est décapite avec trois autres chrétiens, dont les corps restent sans sépulture pendant vingt-cinq jours. Il sont finalement ensevelis par le prêtre Marcel, dans le cimetière de Priscille sur la voie Salaria. L’auteur du Liber ajoute quelques précisions sur la tombe du pape, qui, de toute évidence, était bien connue à l’époque où il écrit. Cette donnée de la défaillance de Marcellin est reprise et développée dans une pièce qui, malgré son inauthenticité flagrante, n’a pas laissé d’en imposera la sagacité même d’un Baronius, les Actes du concile de Sinucsse. Ces actes, qui ont trouvé place dans les grandes collections conciliaires, appartiennent â une série de pièces fausses fabriquées au début du vi· siècle lors de la contestation entre le pape Symmaquc cl l'antipape Laurent. Ils ont pour but évident de mon­ trer que le pape ne peut être jugé par personne, et que. s’il s’est rendu coupable de quelque faute très grave, c’est â hii-mêmb à prononcer sa propre condamnation. Bref, c’est ici qu’apparait pour la première fois en un texte écrit la formule : Prima sedes a nemine judicatur. qui était destinée a une si haute fortune. Texte dans ZJ. L., t. vi, col. 11-20. La narration suppose que le pape Marcellin a élé amené, par un entretien avec le grand prêtre de Jupiter en présence de Dioclétien, à offrir l’encens aux idoles; aussitôt un synode de trois ccnh évêques se rassemble ù Sinuesse, devant lequel Mar­ cellin est contraint de se justifier. Après plusieurs détours, il finit par reconnaître sa faute el se con­ damne lui-même à la déposition : Peccavi coram vobis et non possum in ordine esse sacerdotum... Et dum subscripsissent omnes, ipse omnium primus manu sua propria Marccllinus conclusit in suum anathe­ mati subscribens. Loc. cit., coi. 19, 20. Le récit se termine brusquement, sans que l'on dise si un suc­ cesseur fut donné à Marcellin, ni ce qu’est devenu celui-ci. Il n’est pas question de son martyre. Tillemont n’a pas de peine à montrer, contre Baro­ nius, cpie ce médiocre récit est dépourvu de tout 2001 M UICELLIN MARCELLIN caractère d’authenticité; en fait, fauteur des Annules ecclésiastiques, (pii n’est pas sans hésitation, s’est décidé à l’accepter, à cause du témoignage qu'il fournit à la célèbre maxime : Prima sedes a nemine judicatur. C'est une bien mauvaise raison. Comme la défaillance du pape Marcellin n'est pas davantage prouvée que son martyre, il vaut mieux avec L. Du­ chesne se tenir sur la réserve II n’y a rien d’invrai· semblable à ce que Marcellin ait pu, comme les évê­ ques de Carthage, d’Alexandrie, d’Antioche, échapper aux premières rigueurs; il a pu mourir de mort natu­ relle le 21 octobre 301. 11 n’est pas impossible non plus qu’au cours de l'année 303 Marcellin ait auto­ rise les clercs de son entourage A sc prêter aux inqui­ sitions et aux exigences de l’administration romaine. A la grande conférence de Carthage en 111, les donalistcs produisirent des actes par lesquels il paraissait que certains clercs romains avaient livré aux païens beaucoup de choses (pii appartenaient aux églises, et que cela s’était passé sous le pape dont Melchiade avait été le troisième successeur ». Saint Augustin, Breviculus collutionis, 31. P, L.. t. xuu, col. 615. il ne peut s’agir (pie du pape Marcellin, lit l’on comprend assez, quand l’on sc souvient qu’il y eut de bonne heure à Home une petite communauté donatiste, comment la mémoire du pape a pu souffrir de la pu­ blicité donnée, parles soins de ces schismatiques, aux procès-verbaux de saisie de 303. Des accusations plus graves se sont développées sur ce premier fond qui ont amené et la suppression du nom de Marcellin dans la Depositio episcoporum, et la formation de la légende ci-dessus rapportée. La défaillance du pape une fois admise, il a fallu expliquer comment son tombeau était néanmoins honore; ainsi s’est formée la tradition relative a son martyre ou à sa pénitence. Tout ceci, bien entendu, reste hypothétique; il fallait seulement rappeler Ici les origines des faux actes de Sinuesse, si intimement liés au souvenir du pape Marcellin. Le martyrologe et le bréviaire romains célèbrent sa mémoire au 26 avril. L Sources. - Le Liber Pontificalis, édit. Duchesne» t. i; on y trouvera : p. 6, 7. le texte du catalogue libérien; p. 10, la Repositio episcoporum; p. 11-33, les dis cr» catalogues pontificaux; p. 72-73, le texte du Liber Pontificalis, Ie* édit., et p. 162-163 celui i M.\naos. — Sur la doctrine de Marcion les documents ne manquent pas. Mais s’ils permettent de reconstituer en gros le sy stème, ils ne laissent pas de présenter sur des points de détail plus d’une obscurité et d’une incohérence. Surtout Ils ris­ quent de fausser la perspective, en présentant sous un faux jour les rapports entre le marcionisme et la gnose, (.’est ce point qu’il convient d’abord d'éclaircir avant d’aborder le détail (le la doctrine. 2019 MARCION. DOCTRINE 1· Μarcion (sme ft gnosticisme. —- En reléguant â hi lin de son premier livre, où il expose la · prétendue gnose . le système de Marcion, après avoir abondam­ ment décrit ceux de Valentin, Marc, Saturnin, Bnsliidc, Carpocrnles, en sériant plusieurs de ces hétéro­ doxes d’après la date de leur arrivée à Home, III, iv, 3. /< G., t. vji, col. 856 C, Irénéc a, sans le vouloir, grandement contribue à désorienter les hérésiologues et les écrivains postérieurs. Il a donné l’impression que l'hérésiarque du Pont était un épigone par rap­ port aux grands gnostiques et que ses doctrines déri­ vaient en quelque manière de leurs systèmes. Celte impression est tout à fait inexacte, et il n’est | as sûr qu’elle corresponde à la pensée d’Irénéc. De l'ancienneté de Marcion, Clément avait une autre idée, puisqu’il écrit : Μαρκίων κατά τήν αυτήν αύτοίς (Basilldc, Valentin) ηλικίαν γενόμενος ώς πρεσ­ βύτης νεωτέροις συνεγένετο. Strom., VII, χνπ, P. 6’., t. rx, col. 519. On conclura que Marcion. s’il cher­ chait encore l'expression définitive de ses idées, avait déjà, quand il débarquait à Home, une vue assez nette de l’essentiel de sa doctrine. SI la fréquentation d’un Cerdon, d’un Valentin peut-être, n pu influer sur le développement de sa pensée, celle-ci n'en reste pas moins originale; et d'ailleurs nous ne savons à peu près rien de Cerdon, que l’on donne comme le maître de Marcion; rien, sinon que scs idées ne s'apparentent pas avec celles de la gnose Valentinienne. Au fait la véritable gnose, c'est bien celle de Valen­ tin, abouti cernent de tout un mouvement d’idées qui dure depuis un siècle, et qui, malgré de multiples déviations, conserve neanmoins une même direction générale. C’est, en bref, un essai de solution des pro­ blèmes métaphysiques, religieux et moraux par un appel aussi large que possible aux traditions les plus diverses en même temps qu’à la spéculation ration­ nelle On insistera dans la définition précédente sur le syncrélUme bien oriental qui fait le fond de la gnose, sur le fait que l’on s’adresse aux religions les plus hétéroclites, aussi bien qu’aux systèmes philosophi­ ques les plus disparates. De là vient, à coup sûr, l’impression d’incohérence que donne l’exposé des grands systèmes gnostiques, le sentiment de fatigue que l’on éprouve à tenter de les restituer. Le marcionisnic frappe au contraire par sa grande simplicité. Si le problème qu’il cherche à résoudre est le même que celui auquel s’est attachée la gnose 'au fond c’est le problème de toutes les religions). la méthode employée par lui diffère profondément de celle qui est en honneur dans toutes les écoles gnos­ tiques; point d'appel au syncrétisme religieux, point d’appel aux fantaisies délirantes de l’imagination, aux spéculations désordonnée* de la raison raisonnante. Cc n’est donc pas le même esprit qui circule dans les écoles gnostiques cl dans l’Église marcionlte. Si des solutions analogues sc rencontrent de part et d’autre, elles sont obtenues par des moyens différents. 11 semble donc qu’il faille trancher le lien factice que la tradition a établi entre la gnose et le marcionisnic. ?· /.c système marcionite. — Il est absolument ori­ ginal, que l’on considère son point de départ ou ses «ihoutissenicnts dans les divers domaines. 1. Point de départ. — Marcion est d’abord un chré­ tien. c’cst-A-dlrc un disciple du Christ, persuadé que le Sauveur est venu donner aux hommes la réponse aux grandes questions d’origine et de fin. C’est l’Evan­ gile qu'il faut scruter avant tout, message tout nouveau apporté au monde, et qui constitue par rapport à tout cc qui précède un phénomène extraordinaire. Paul, k premier a eu cette intuition; il n compris que le christianisme était une religion nouvelle. Avec une extraordinaire audace, il a déclaré que la vieille loi juive, avec laquelle les premiers apôtres hésitaient â 2020 rompre, était périmée en droit comme en fait, et que Jésus était venu fonder une économie nouvelle du salut. Mais Paul s’est encore montré trop timide; il n’a pas osé couper les liens historiques qui attachaient l’économie chrétienne à la religion judaïque. Il a maintenu celle-ci comme une préparation divine de celle-là. Par une exégèse subtile, où l’allégorie joue le rôle essentiel, il a montré dans l’Ancien Testament les pierres d'attente de la construction nouvelle. Bien plus audacieux que Paul, Marcion n’hésite pas à tran­ cher dans le vif. Entre les deux économies du salut, l’ancienne et la nouvelle, il n’est absolument aucun lien. Judaïsme et christianisme sont deux entités absolument irréductibles, qui se succèdent dans le temps, mais sans qu’il y ait aucun parsage de l’une à l’autre. De cc dualisme historique, auquel il est arrivé par la méditation de l’Evangile, par la comparaison de son contenu avec celui de la Loi, Marcion arrive au dualisme métaphysique le plus absolu. Les deux religions n’ont pas le même contenu; clics n’ont pas la même fin; elles n’ont pas le même auteur. Repre­ nons, dans l’ordre inverse, chacun de ces points. 2. Théologie : le Dieu juste et le Dieu bon. — Avec le plus profond mépris pour la métaphysique, le plus absolu dédain pour la tradition ecclésiastique, Mar­ cion donne comme fondement à son système l’exis­ tence de deux dieux : celui qui paraît dans l’Ancien Testament, celui qui se révèle dans le Nouveau. Les Antithèses exprimaient au mieux les différences qui les séparent. Le plus anciennement connu est le Dieu de l’Anclenne Loi, celui que. depuis Abraham, les Juifs onl adoré, et dont les manifestations remplissent les pages de la Bible Israélite. C’est le créateur ou plutôt l’organisateur de l’univers, et les multiples imperfec­ tions de son œuvre ne peuvent laisser de doute sur son caractère imparfait et limité. Et d’abord la ma­ tière préexistante dont il a formé le monde est par elle-même un principe d’imperfection et de mal. Inca­ pable de lui imposer entièrement ses volontés, le démiurge n’a su produire qu’une œuvre manquée; cela éclate tout spécialement dans la création de l’homme. Et plus encore dans sa chute. Chargé de préceptes despotiques qu’expliquent seules la jalousie et la fai­ blesse du démiurge, l'homme pèche: il en est rudement puni. Tout l’Ancien Testament n'est-il pas rempli du récit des terribles vengeances exercées sur sa créature par le Dieu créateur? Ne disons pas qu’il est mauvais par essence : reconnaissons qu’il est juste, mais d’une justice qui va jusqu’à la méchanceté. Cette justice bornée, agissant para-coups, sujette aux repen­ tirs et aux reprises, incapable de rien prévoir ni de rien empêcher, où la saisit-on mieux que dans la longue histoire du peuple d’Israël? Eût-il même réussi à s’assurer un petit noyau d’adorateurs fidèles, que le Dieu créateur aurait pourtant échoué, puisqu’on fait il demeure Ignoré de la plus grande partie des hommes. Au delà (les limites de ce monde, dans ce troisième ciel où pénétra un instant l’apôtre Paul, vil et règne un autre Dieu, le Dieu tout-puissant, le Père infini­ ment bon. Pour I humanité, pour le monde, pour le Dieu créateur même, ce Dieu bon est l'inconnu par excellence, le Dieu étranger, puisqu’nvec tout cela il n’a rien de commun. De lui nous ne saurions rien, si un jour n'était apparu sur terre, dans des conditions que nous aurons à préciser ultérieurement, Jésus qui vient le révéler. Car le joyeux message apporté par le Sauveur, c’est avant tout l’existence de ce Père qui est dans les deux. Cc Père est infiniment bon et c’est là son essence; pour emprunter le mot de Paul, il est le Père de miséricorde et le Dieu de toute conso­ lation ». Tandis que le Créateur est sévère jusqu’à la dureté, lui ne juge ni ne s’irrite; tandis que le Créateur 2021 MARCION. DOCTRINE est borné dans sn puissance comme dans son savoir, lui est tout-puissant et omniscient; il scrute en parti­ culier tout le détail de cette création, œuvre de son collègue inférieur; il en connaît les imperfections et les misères; il connaît surtout le cœur des hommes, ce mélange de faiblesse, de corruption et aussi de bons désirs qui fait le fond de leur nature. A chacune di s pages de l’Evangile où s’énoncent les attributs du Père céleste, Marcion dans les Antithèses opposait les passages de la Bible Juive qui présentent du Dieu d’Israël un portrait tout opposé. Pour le détail et la justification, voir la reconstitution des Antithèses dans Harnack, p. 25G*-313% et aussi p. «7-92. 3. Sotériologie : le Messie fui/ et te Christ rédempteur. a} A de multiples endroits de la Bible d'Israël se lit la promesse d un Messie qui viendra remettre en étal les allaires de Dieu, compromises par la malice nu la sottise des hommes. Malgré scs multiples infi­ délités, le peuple juif, maintenu sous le Joug par la terreur des châtiments divins, a conservé dans le monde le souvenir, le culte, les lois du Créateur; il devra prêcher aux nations l’idéal de justice qu’il essaie de pratiquer lui-même; et son Dieu lui fait espérer qu’un jour viendra où le Messie accomplira, par force ou par amour, le grand ouvrage de la con­ version de tous les peuples au Dieu des patriarches et des prophètes. Cc Messie, au dire de Marcion n’est pas encore venu, mais il viendra, à n’en pas douter, car le Dieu créateur ne semble pas sc rendre compte de l'inutilité de scs efforts, et de la vanité de son plan. A vrai dire, ni ce Dieu, ni son Messie, ne peuvent assurer h personne le salut, c’est à savoir l'immorta­ lité bienheureuse et définitive, à peine peuvent-ils procurer quelque félicité temporelle. b} Du plus profond de son ciel, le Père omnipotent suit les pauvres efforts faits par le Créateur pour remettre quelque ordre dans le monde et donner un peu de bonheur aux créatures qui lui sont fidèles. Sans doute il aurait pu sc désintéresser de cet univers (pii ne lui est rien: mais son ineffable bonté le pousse à intervenir dans ce domaine inférieur. Pris de com­ passion à l’endroit des pauvres créatures humaines, il veut les retirer de la misérable condition où elles vivent, où elles meurent. Et Jésus vient sur la terre, manifestation humaine du Dieu souverainement bon. Qu'est-il par rapport à cc Dieu suprême ? Son Elis ? Oui certes; mais souvent à peine distingué du Père. Tout pénétré de ce modalisme latent qui fut la pierre d’achoppement de toutes les christologi es populaires, Marcion fait à peine la différence entre le Dieu bon cl Jésus son Ι-ils. Jésus c’est le Dieu bon, homme par l'apparence, comme le Dieu bon est Jésus dépouillé de son vêtement d’emprunt et revenu à son premier état. Cc modalisme ne va pas non plus sans le docé­ tisme qui accompagne d’ordinaire toute christologie modaliste. La quinzième année du règne de Tibère, Jésus apparaît dans la synagogue de Tibériade, homme fait qui n’a connu ni les humiliations de la naissance, ni les lenteurs de la croissance humaine, et le voici qui commence ses prédications et ses miracles. Son œuvre essentielle consiste à défaire celle du Créateur, à ruiner ses institutions. Λ remplacer scs commande­ ments par d’autres, ù lui arracher les hommes. Il est vraiment Γ’.σ/υρότερος de la parabole évangélique, Lue., xi, 21.22, qui survient ù i’improvlsle, έπελΟών, έπερχόμενος, terrasse la sentinelle bleu armée en fac­ tion dans l'atrium et met au pillage la maison. (Cf. Terlulllcn, Adv. Mart , IV, xxm. col. 116 C, qui a maintenu le mot grec. Quisquis es, cperchomene; cf. xxv. col. 122 I) : si eperchômenos itle). Marcion se plaît a opposer, dans les Antithèses, ses préceptes et ses actes aux gestes et aux commandements du Créa­ teur. 2022 La rédemption pourtant consiste en quelque chose de plus, cl la passion de Jésus en constitue, aux yeux de Marcion, comme à ceux de la tradition catholique, l’événement essentiel. Poursuivi par la haine des repré­ sentants du Judaïsme, séides du Créateur, Jésus souffrs et meurt sur la croix. Marcion recule, en effet, devant le docétisme absolu, qui imaginait de supprimer let souffrances et la mort du Christ. La passion est aussi réelle, ni plus, ni moins, que les autres actions humaines du Sauveur. De même qu’il mangeait et buvait, de même il a pu endurer les supplices et finalement mourir. Mort, il descend aux enfers, comme le voulait l'an­ cienne Eglise. C'est ici que va s'accomplir le premier acte de la rédemption, le plus Important à coup sûr. car l’avènement du Sauveur sur la terre est, somme toute, proche de la fin des temps; la grande partie des hommes a déjà terminé sa carrière; elle est aux lieux souterrains où le Créateur tient enfermés, en des séjours distincts, d’une part 1rs Justes à qui 11 a promis un bonheur ultérieur sur In terre, d’autre part les maudits déjà torturés par lui, en attendant de plus durs châtiments. Aux enfers. Jésus sc présente en libérateur. Γ1 est reconnu comme tel par les maudits de l’Ancienne Loi. gens de Sodome et d'Égypte, païens de toute nationalité. Et cet acte de fol leur vaut le salut; à sa suite il les entraîne pour les faire péné­ trer dans le rovaume de son Père. Au contraire les Justes du passé qui ont mis leur confiance aux pro­ messes du Créateur ne veulent point reconnaître Jésus et se sauver par la fol en lui. Il ne reste nu Christ qu'à les abandonner à leur sort, en attendant le reglement final. Un scrupule pourtant arrête Marcion : l’acte du Christ arrachant au Créateur des êtres qui appar­ tiennent de plein droit à celui-ci. et sur lesquels il n’a lui-même aucun pouvoir, ne constituerait-il pas un acte de violence, incompatible avec le caractère souverainement bon qui lui est attribué? Non, dit .Marcion. Car ces hommes Jésus ne les arrache pas violemment à leur légitime propriétaire; tout au contraire, il les lui achète par un contrat en bonne forme; les souffrances de sa passion sont le prix dont il les paie. Le marclonisme postérieur a développé en une véritable scène mythologique l’entrevue entre Jésus victorieux et le Créateur vaincu, où sc conclut le marché. Voir surtout Eznik. 1. IV. c i, n. 8. 9, et cf. J. Blvierv. Un exposé marcionite de la rédemption, dans Hevue des sciences religieuses, t. 1. 1921. p. 185207; 297-323. L'on ne trouve pas trace de pareille mise en scène dans les premiers témoins du marcionisme. Mais l’idée d’un achat (Marcion ne dit pas un rachat} de l'humanité par le Christ, soldé par les souffrances de la croix, s’y trouve clairement indiquée, et transparaît jusque dans les modifications que l’héré­ siarque a fait subir à des textes paulinlens. (Sur cc point important pour l'histoire du dogme de la rédemption, voir Terlullien, De carne Christi, I; S’r (Christus) ab alia Dco est, magis adamavit (hominem) quando ahi num redemit. P. t. ιι. coi. 759 A; Orlgène. In Exod., hom. vi. 9 : I livretici dicunt de Salvatore quia non erant sui quos acqi isivit; datu enim pretio mercatus est homines quos creator /ecerat et certum est, aiunt, unumquemque illud emere, quod suum non est; apostolus enim ait: Pretio i.mpti estis, P. (r., I. xn. coi. 3.58; Epiphane, Ihcres, xlii. 8, ποίημα γάρ ήμεν ίτέρου, καί διά τούτο ήμδς αυτός ήγόραζεν etc έαυτου ζωήν. P. G., t. xu. col. 705. Par ailleurs, dans Gai., il, 20. au lieu de lire : Le fils de Dieu m’a aimé, etc., Marcion lit : έν πίστε». ζώ του υΙου τού θεού τού άγοράσαντός με : le fils de Dieu m’a acheté et s'est livré pour mol.) Ce ne sont pas seulement les hommes ayant achevé 2023 MARCION. DOCTRINE kur carrière terrestre que h· Christ a achetés; des droits lui sont acquis sur tous ceux qui passeront encore ici-bas. Mais, naturellement, ceux-là seuls auront part au salut qui accepteront le message du Christ cl mettront en lui leur confiance. C’est le petit nombre, semble-t-il, car il ne parait pas à Marcion que la révélation de Jésus ait eu un succès triomphal. \près quelques timides essais pour échapper à l’em­ prise de la loi juive, les premiers fidèles sont retombés sous le Joug. C’est alors que le Christ ressuscité s’est adressé à Paul et, Payant ravi au troisième ciel, lui a révélé le véritable Évangile, c’est à savoir l’annonce de la Justification par la foi sans les œuvres de la Loi. Quiconque croit vraiment au Christ sera sauvé; et la foi suffit, cc qui ne veut pas dire que l'on doive l’autoriser de cette maxime pour sc livrer au désordre. Avec indignation, Marcion répudie toute conclusion immorale du principe qu’il pose à la suite de Paul. 11 ne laisse pas d’insister néanmoins sur l’inutilité d’exciter dans les Ames la crainte des jugements du Dieu bon; Dieu ne juge personne. f. Eschatologie. — Un jour pourtant, qui sera la consommation des siècles, le bon Dieu fera le partage de ceux qui lui appartiennent par la foi cl de ceux qui n’ont pas su mettre leur espérance en la croix du Sauveur. Pour les premiers c’est le salut éternel cl définitif, salut de leurs âmes seules, bien entendu, car il ne saurait y avoir résurrection des corps; celle-ci n’a pu être promise que par le Créateur, tout rivé .ή la matière. Sans doute la résurrection était clairement indiquée dans I Cor., xv. maintenu par Marcion; mais une exégèse énergique donnait aux paroles de Pau) un sens compatible avec la doctrine; cl plus tard, dans l’Église inarconite, on modifiera le y. 38, qu'on lira; άθεος δίδωσιν αύτω πχεΐμα καθώς ήΟέληffcv. Restent les adhérents impénitents du Créateur, avec tous ceux qui, pour des raisons diverses, n'ont pas adhéré â Jésus; ils retombent sous l’empire du Dieu juste, dont le feu les consume et les anéantit définitivement. Celle besogne terminée, il ne reste plus au Dieu créateur qu’à disparaître lui aussi. Venu l’on ne sait d’où, il replonge l’on ne sait où. au vrai il n’était Dieu qu’en apparence et non dans la réalité. 5. Morale, La loi de justice et la loi de charité. — Toute cette dogmatique prépare une morale qui sera aux antipodes de la morale Juive. Marcion ne cherche pas à dissimuler son antinomisme; mais il faut bien s'entendre sur cc que l'on désigne par là. A l’Ancicnne J.oi il reproche son point de départ et son principe aussi bien que ses règles. Elle est tout entière domi­ née par le sentiment de la terreur; aux commande­ ments du Créateur l’on doit se soumettre par la crainte des châtiments donl il menace les transgres­ seurs en celte vie et dans l’autre. L’obéissance, au contraire, garantit le bonheur ici-bas et par delà la tombe. L’Ancien Testament est tout plein de ccs pro­ messes de bonheur terrestre et de ces menaces de châtiments temporels. Par ailleurs les préceptes qu’il promulgue sont inspirés par le sentiment de la jus­ tice au sens le plus strict du mol. Ne fais pas à autrui ce que tu ne veux pas qui te soit fait à toi même. (Eil pour œil; tient pour dent, > telles sont les maximes qui dominent sa loi. Quant à l’attirail com­ pliqué des prescriptions cérémonielles et des interdits légaux. >1 constitue pour les âmes un insupportable fardeau. Comme le Dieu bon dont elle émane, la Loi nou­ velle sont réservées aux pauvres, à ceux qui ont faim, qui pleurent, qui sont persécutés. Celle loi, donl l’observai ion se fonde sur l’amour, fait rejaillir sur le prochain une partie de l’affection que le fidèle rapporte à Dieu; la miséricorde, la compassion, la bonté, c’en est le premier et le dernier mot. Tout ceci ne serait pas très nouveau, et l’Église catholique avait perçu dès longtemps la supériorité des préceptes de Jésus sur les prescriptions Judaïques. Voir surtout en cc sens la Lettre de Barnabé. Elle avait préconisé également la pratique des « conseils > évan­ géliques; l’ascétisme était chose courante à l’époque de Marcion. Cf. Justin, .tpo/., i, 29 : ή την αρχήν ούζ έγαμούμεν cl μή έπΐ παίδων ανατροφή, ή παραιτούμενο·, το γήμασθαι τέλεον ένεγκρατευόμΛα, voir aussi la lin de ce même chapitre. P. G., t. vi, col. 373. L’origina­ lité de l’hérésiarque consiste à imposera tous, comme précepte, cc que le Christ avait conseillé à quelquesuns, ce <(uc Paul avait aussi regardé comme facul­ tatif. I Cor., vu, 25 sq Marcion lisait en effet dans cc meme chapitre, y. 1 ; Bonurn est homini mulierem non tangere*, t. 7 : Volo omnes dos esse sicut meipsum; et surtout y\ 29: Quia tempus breve est, reliquum est ut et qui habmt uxores tanquam non habentes sint. Insistant sur ces passages, sans tenir compte de tout ce qui les expliquait, il faisait de la continence absolue un devoir pour tous les fidèles. En quoi il est guide beaucoup moins par la considération des textes évan­ géliques ou pauliniens que par ces considérations d’ordre métaphysique, qu’il semblait s’être appliqué à bannir de son système. La matière préexistante est, pour lui, le principe de tout mal :cf. ci-dessus, col. 2020; la chair est mauvaise et source de tout péché. Cc qui la multiplie ne saurait être bon; et l’œuvre de chair ne sert qu'à perpétuer le monde mauvais du démiurge. S’abstenir du mariage, c'est mettre celui-ci en échec. Voir l’argument expressément indiqué, dans Hippo­ lyte. Philos., x, 19, P. G.,t. xvic. col. 3138; dans Cle­ ment d'Alexandrie, Strom., HI,in, t. vm, col. 1113. Le mariage est un viol et une fornication, φθορά καί πορνεία, cl dans 1 Église marcionitc on ne confère le baptême qu’aux célibataires ou aux personnes mariées séparées de leurs conjoints. Voir le détail des textes dans Harnack, p. 277*. Au point de vue alimentaire, Marcion prescrivait l'abstinence perpé­ tuelle; la viande était interdite, mais non le poisson, Cf. TertulL, Adu. Marc., I, xiv. P. L., t. n, col. 262 IL Beprobas et marc, sed usque ad copias ejus, quas sanctiorem cibum deputas. L’on jeûnait absolument le samedi. Ainsi le marcionisme aboutit à ce que l’on est convenu d'appeler l’encratisme absolu: son Influence à cc point de vue sera très considérable dans tout le monde chrétien dès la fin du n· siècle. 6. L'Église marcionite.- -Ce dogme, cette morale se perpétuent dans une communauté qui semble bien s’être attachée à imiter de très près la grande Église. Alors ((ne les gnostiques de tonies nuances * n’abou­ tissaient, comme dit L. Duchesne, qu’à fonder des loges d’initiés, de haut ou de bas étage, il sc trouva un homme qui entreprit de dégager de tout ce fatras quelques idées simples..., de fonder là-dessus une reli­ gion, et de lui donner comme expression non plus une confrérie secrète, mais une Église. Histoire ancienne de I-Église, t. i, 3* édit., p. 182. Ici encore il va au plus pressé, sans s’embarrasser de relier autrement l’établissement ecclésiastique qu'il fonde avec l'institution inaugurée par Jésus, conti­ nuée par les premiers apôtres, reprise en sous-œuvre par saint Paul. Qu’est devenue ensuite cette Église 2025 histoire de Jésus cl de Paul, jusqu'au Jour où Marcion s'est avisé de retourner â la pureté primitive, le novateur ne sc le demande pas; et scs contradicteurs auront le triomphe facile quand ils le sommeront d'exhiber ses titres â succéder à l’Apôlre. De ccs discussions juridiques, qui tout aussitôt vont remplir l’œuvre des controversis!es catholiques, Marcion se soucie peu. La légitimité de son Église i! la prouve par son établisse­ ment même, par le souci d’y faire enseigner la pure doctrine de Jésus et de Paul. Nous avons vu, col. 2012, (pi’il la dote d’un Instrument uni qui doit faire fol et constituer la règle suprême de la doctrine. 11 serait bien embarrassé d’ailleurs «l’établir les principes au nom desquels il choisit les Livres saints qu’il veut conserver, abrège, mutile, interprète le texte sacré. Sur quelle autorité sc fonde-t-il pour entreprendre cc tra­ vail? Il ne semble pas qu’il ait fait appel comme d’au­ tres novateurs, un Montan, un Mani, un Mahomet, â quelque révélation particulière. 11 part tout simple­ ment de la persuasion que l’Évangilc remis par Jésus a Paul a été contaminé par Γ usage, que les lettres de l’Apôlre ont été adultérées. Là-dessus il taille, coupe, ajuste. C’est le triomphé du libre examen et de l’in­ terprétation privée. L’œuvre d’adaptation, d’ajus­ tement continuera après lui, et jamais les disciples de Marcion ne considéreront le texte établi par le maître comme la leçon nr varietur. Telle quelle, simplement fondée sur l’autorité de Marcion, la nouvelle communauté ne laisse pas de se présenter comme « la sainte Église, notre mère . Le réformateur en trouve la claire mention dans un pas­ sage de l’Épltrc aux Galatcs, qu’il lit comme suit, Gai. tv, 21-26 : «(Les deux ills d’Abraham) cc sont les deux testaments : l’un parti du Sinnï aboutissant â la syna­ gogue des Juifs, engendrant la servitude selon la loi; l’autre aboutissant à quelque chose qui est au-dessus de toute autorité, de tout pouvoir, de toute puissance, de tout nom, à ce que nous proclamons la sainte Église qui est notre mère. » (Texte grec restitué par Harnack, p. 76·, d'après Tertullicn, Adu. Marc., V, iv, c<»l. 478 « : άλλη δέ ύπεράνω πάσης άρχής γεννώσα, καί δυνάμεως, καί εξουσίας, καί παντός ονόματος... τ.ς ήν έπηγγειλάμεΟα αγίαν εκκλησίαν, ήτις έστίν μήτήρ ημών). Dans cette Église on entre par les mêmes rites d’ini­ tiation que dans la grande Église; baptême dans l’eau, onction d’huile, présentation aux néophytes d’un mélange de lait et de miel, enfin célébration de l’eu­ charistie. Tertullicn, Adu. Marc., L xiv, col. 262 A. Au début tout au moins, on ne rebaptisait pas les catholiques (pii venaient au marcionisme : c’est la raison qu'invoque le pape Étienne I” pour interdire de rebaptiser ceux des hérétiques <(ui viennent au catholicisme : cum ipsi hœrctici proprie alterutrum ad penientes non baptizent sed communicent tantum. P. A.., t. m, col. 1010. Pour l’curharisite, il y a consécra­ tion du pain par des paroles d’action de grâces; quant au calice, il ne contenait que de l’eau. Épiphanc, Ilivres, xi.ii, 3, P. G., t. xu, col. 700. L’évêque de Salamine déclare également que les marcionites qu’il connaît pratiquent plusieurs baptêmes successifs, le deuxième et le troisième étant réservés â l’expiation des fautes commises après le premier, et constituant en somme un rite pénitent ici. Il ajoute cette remarque que tous ces mystères se célèbrent sans aucun secret et devant les catéchumènes, ce que Tertullicn avait déjà fait observer; les païens mêmes étaient admis dans l’assemblée. Cf. De pnvscriptionc. Il, /’. I. il, col. 56 IL Cette grande simplicité, cette sorte de laisser-aller qui scandalisait les catholiques, accou­ tumés à la discipline de l’nrcane, n’empêchait pus l’Église marcionitc de maintenir la distinction entre clergé et laïques. Le clergé lui-même comptait des 2026 diacres, des prêtres et des évêques, et dans un texte qui vise les hérétiques en général, mais qui doit s'ap­ pliquer aux marcionites, Tertullicn parle de lecteurs. 11 est vrai que, d'après cc même texte, la distinction entre les divers ofllccs n'était pas aussi clairement marquée que chez les catholiques, De praeripi., 41 : Ordinationes eorum temeraria, leves, inconstantes; nunc neophytos collocant, nunc saculo obstrictos, nunc apos­ tatas nostros, ut gloria eos obligent quia veritate non possunt. Nusquam facilius proficitur quam in castris rebellium, ubi ipsum esse illic, promereri est. Itaque alius hodie episcopus, cras alius; hodie diaconus, qui cras lector; hodie presbyter, qui cras laicus; nam et laids sacerdotalia munera injungunt. M. Harnack fait observer, p. 1 17. qu’il ne faudrait pas prendre au pied de la lettre les pandes de Tertullicn; il y avait, a coup sûr, chez les marcionites une hiérarchie véri­ table; elle avait néanmoins une apparence moins rigide que chez les catholiques. On notera en lin que, d'après Tertullicn et Épiphane, les femmes remplis­ saient certaines fonctions liturgiques, y compris l’ad­ ministration du baptême, l’n dernier trait achèvera de caractériser les communautés marcionites, c’est la prédominance vraisemblable des catéchumènes sur les fidèles complètement initiés. Nous avons Ici un phénomène analogue â celui qui se rencontrera plus tard chez les manichéens. Cf. ci-dessus, col. 1881. La profession du marcionisme intégral n’allait pas sans des renoncements particulièrement pénibles, qu’il était diflicile d’exiger de la grande masse des conver­ tis; on ne pouvait recevoir le baptême sans faire vœu de continence, Tertullicn ledit expressément: Adu. Marc., IV, xxxiv, col. 142 C : A’ec alibi conjunctos ad sacramentum baptismatis et eucharistia admittens, nisi inter se conjuraverint adversus fructum nuptiarum. Bon nombre de personnes devaient donc rester dans les rangs du catéchumcnat, où les prescriptions ascétiques n’avaient pas la même rigidité. Notons d’ailleurs qu’un phénomène analogue, quoique de moindre envergure, sc passait dans l’Église catholique. Telle est l’Église marcionitc, présentant extérieu­ rement une physionomie analogue à celle de sa rivale. C’est de celte Église qu’il faut étudier le développement ultérieur. IV. Développement historique du marcionisme. — 1· Histoire extérieure. — Né ù Home, le marcio­ nisme n’a pas tardé â sc répandre dans les diverses régions de l’Empirc. En l’absence de renseignements précis sur les moyens de propagande employés par lui et sur leur succès, on peut suivre son extension en relevant dans les écrivains catholiques les cris d’alarme que leur arrachent les progrès de la secte. Entre le milieu et la fin du il· siècle c’est lâ qu’est l’immense danger pour la grande Église. On en jugera par les nombreuses réfutations que suscite l’hérésie, depuis celle de Justin, vers 150, jusqu’aux polémiques de Tertullicn dans les dernières années de la période. Voir ci-dessus, col 1009. L’on remarquera que la lutte est menée aussi bien en Occident (Justin, Irénéc, Tertullicn, un peu plus lard Hippolyte) qu’en Orient, â Corinthe, Gorlync (Crète), Antioche, Sardes, un peu plus lard Alexandrie. Il est vraisemblable que. dans presque toutes les villes de quelque importance, une Église marcionitc se dressait en face de la communauté catholique. Comme on l’a déjà indiqué, l’âpreté de la polémique manifeste assez la conscience qu’ont les nul eues ecclésiastiques de la grandeur du danger; cc n’est pas seulement chez Tertullicn qu’on la constate, mais chez Clément, chez Orlgène si accueillants d’or­ dinaire pour Imites les formes de lu spéculation. On notera d’ailleurs que cette polémique donna l’occasion aux défenseurs de la tradition catholique d’approfon­ dir les arguments de droit et de fuit sur quoi reposaient 2027 MARCION. HISTOIRE DU MARCIONISME les vérités enseignées par l’Églisc. S’il est paradoxal nu dernier point dc prétendre, avec nombre dc cri­ tiques libéraux, que les principes généraux du catho­ licisme. autorité dc l'Écriturc ct dc la tradition, suc­ cession apostolique, dépôt de la foi, valeur de l’Églisc, se sont formés, par une sorte de génération spontanée, en réaction contre le marcionlime, il est clair néan­ moins que de ccs principes les écrivains catholiques nnt été amenés Λ prendre une conscience de plus en plus nette en face des outrances marcionitcs. Quoi qu’il en soit d’ailleurs des motifs qui ont amené ce développement extraordinaire dc la secte, il semble que. pour ('Occident du moins, le péril soit conjuré vers le milieu du m· siècle. Les gains très importants que fit alors le catholicisme dans les diverses régions Unirent sans doute par lui donner la prépondérance sur le marcionismc. Les premiers polé­ mistes avaient fait remarquer, avec beaucoup d’hu­ meur, que la propagande marcionitc, assez peu sou­ cieuse dc convertir les païens, cherchait surtout scs recrues au sein dc la grande Église. Celle-ci se forti­ fiant, prenant plus nette conscience de sa mission ct dc scs devoirs, moins tracassée par l’autorité romaine, semble avoir mieux résisté aux tentatives de débau­ chage. En tout cas. vers 250. le danger marcionitc semble, en Afrique, beaucoup moins inquiétant qu’un demi-siècle plus tôt; saint Cypricn, lors dc la querelle sur le baptême des hérétiques, ne parle guère dc la secte que par ouï-dire, cl ne semble pas avoir dc la doctrine marcionitc une connaissance personnelle. A Rome, la façon dont Novation polémique à l’occasion contre elle n’indique pas non plus une animosité particulière. Los textes sont relevés dans Harnack, p. 335* n. 5. Les allusions qu’y fait le pape Denys dans sa lettre à Denys d'Alexandrie n’impliquent pas davantage une préoccupation spéciale, /ip. ado. Subtil., dans Athanasc, De decret. Nie., c. 26, /*. G., t. xxv, col. 461 A. Au milieu du iv· siècle, il n’y n plus de montanistes en Occident; si l’on en parle, c'est à l’occasion de la polémique antimanichéenne et antipriscillanistc, ct parce que l’on a remarqué, en lisant les vieux hérésiologues, la parenté extérieure qui unit les sectes nouvelles à l'ancienne. Il en est autrement vn Orient, où l’Églisc marcio­ nitc conserva longtemps une belle vitalité. Elle avait connu, comme l’Églisc catholique, la persécution au temps dc Valérien puis dc Dioclétien, ct pouvait se faire gloire dc quelques martyrs; elle profita comme sa rivale dc la tolérance accordée par l’édit de Milan. On sait que cet édit proclamait la liberté presqu'absoluc des cultes. Les marcionitcs en bénéficièrent comme toutes les autres confessions religieuses; leurs lieux dc culte purent sc montrer au grand jour et il s’est retrouvé a Dcïr-Ali, à 5 kilomètres au sud dc Damas, une inscription qui figurait sur la façade dc l’église marcionite du lieu : συναγωγή μακριωνιστων; «die est datée dc l’an 630 des Séleucldcs 318-319 de notre ère. Sur ccttc inscription, voir Harnack, p. 341 •-344·, qui renvoie à d’autres travaux publiés par lui sur le sujet. Au fait c’est surtout dans la Syrie méridionale ct en Palestine que prospérait le marcionismc. Cyrille dc Jérusalem y insiste plusieurs fois dans ses caté­ chèse*. vi. 16; xvi, 3; xvm, 26, P, G., t. xxxm, col. 564, 921. 1018. Λ Laodicéc de Syrie, le symbole baptismal dirige expressément son premier article contre le marcionismc : ΙΙιστεύ υμεν είς ένα θεόν, του· τεσττνείς μίανάρχήν, τόν θεόν του νόμου καί ευαγγελίου, όίχαιον καί αγαθόν. Cf. Caspdri, Alte und neue Quelien zir Geschichte des Tau/symbob, Christiania. 1879, p. 20, cf. p. 138 sq. En Chypre, Ia ville dc Salamine, au dire de Jean Chrysostomc, était littéralement assiéger par l’hérésie marcionite. Epbt., ccxxi. P. G., t ui, col. 733. Antioche, à en juger par les nombreuses 2028 allusions du même saint, ne devait pas être en bien meilleure posture. Mais surtout la densité du march»· nisme ct son influence croissaient quand on pénétrait dans les régions de langue syriaque. A la lin du ιν· siècle, il constitue, dc concert avec le manichéisme, le grand rival de l’Églisc catholique. Saint Éphrcm en est fort préoccupé et multiplie contre lui les attaques; un demi-siècle plus tard, Théodoret évêque dc Cyr, dans la Syrie euphratéslennc, luttait encore contre lui, ct obtenait, parmi scs adeptes dc nombreuses conver­ sions. Epist., lxxxi, c.xiii, cxlv, P G., t. j.xxxiii, col. 1261 C, 1316 C, 1384 C. La place que fait aux marcionitcs dans son De sectis J'héréslologuc Eznik dc Kolb témoigne qu’en Arménie, vers 150, il y avait encore lieu de se préoccuper du danger. Ce n’est pas que l’autorité civile eût négligé les moyens de coercition. On sait que la tolérance reli­ gieuse universelle proclamée en 313 avait duré fort peu dc temps : ayant adopté le christianisme comme religion d'Etat. l'Empire romain ne tarda pas a mener la vie dure ù quiconque ne se conformait pas à l’orthodoxie officielle. Bien qu'ils ne soient pas spé­ cialement visés par la législation dirigée contre les hérétiques, les marcionitcs, on n'en peut douter, furent atteints par elle : défense dc nommer Églises leurs communautés, défense à leurs dignitaires de prendre les titres d'évêque, prêtre ou diacre; ordre dc détruire leurs livres. Voir Code thfodosien, I. XVI, tit. i. n. 2 (de 380); lit. v. n. 5 (dc 379); n. 34 (de 398). On comprend dès lors que, dans les grandes villes, ou l’administration tenait la main ù l’exécution des lois, les marcionitcs aient fini par disparaître; les deux his­ toriens Socrates ct Sozomène, tous deux de Constan­ tinople, n’en prononcent même pas le nom; à Alexan­ drie on n on entend plus parler. Dans les régions mêmes où les marcionitcs sont plus nombreux, c’est plutôt dans les campagnes reculées qu’il faut les cher­ cher, où ils sc sentent à l’abri des investigations des évêques catholiques et des magistrats impériaux. Ils y persévérèrent longtemps, puisque, au x· siècle, l’ency­ clopédiste arabe z\n-Nadlm, voir col. 1853, fait encore une place aux marcionitcs dans le Fihrist; An-Nadim les distingue nettement des manichéens, décrit d’une manière assez exacte leurs doctrines, connaît l’Évangile rédigé par .Marcion, et sait que leur culte est public. A son dire. Ils seraient surtout nombreux dans le Khorassan. G. EIDgcl, Mani, p. 160. Par contre les données fournies au xi* siècle par Sharastùnl, au xn· par Barhebræus semblent purement livresques. S’il existait encore à leur époque, dans les contrées pas­ sées sous la domination dc l'Islam, des flots marclonites, ils ne les ont pas connus. Dans l’empire byzan­ tin ils avaient disparu depuis bien plus longtemps, â moins que l'on ne veuille retrouver leurs descendants dans les mystérieux pauliciens du vu· siècle, sur les­ quels il s'en faut que le dernier mot soit dit. Faisons seulement remarquer, en terminant, que les contacts assez nombreux qui existent entre manichéisme et marcionismc ont bien pu amener, en divers endroits, des rapprochements ou même des fusions entre les sectateurs dc Mani ct les fidèles dc Marcion, si bien qu’il n'est pas toujours facile dc distinguer les deux courants. 2· Histoire intérieure. — La doctrine de Marcion s’était constituée à peu près exclusivement par l’étude, la méditation, la critique des données dc la Bible. Mais vouloir édifier un enseignement cohérent sans faire appel ù autre chose qu’à la Bible, cc ne peut être qu’une gageure; il y a un minimum de métaphysique qui s’impose ù tous les exégètes ct que l’on ne saurait mettre dc côté sans péril; ct, s’il est facile de médire dc la spéculation théologique, il est plus difficile de s'en passer. Au fait, la doctrine, telle qu elle sortait 2029 MARCION. HISTOIRE DU MARCIONISME C’est une attaque violente contre la duplicité des jésuites, tout particulièrement dans un ouvrage anonyme intitulé : Gazette des men­ songes des jansénistes. Enfin, dans une Troisième lettre au R. P. Lallemant, l'abbé Margon reprend scs criti­ ques contre les jésuites qu’il accuse d’être les auteurs de la bulle Unigenitus et de vouloir accaparer toute l’autorité spirituelle, après avoir supprimé leurs concurrents, en particulier, l'Oratoirc. Le ms. 2054 de la Bibliothèque de l’Arsenal, p. 590-595, donne un Extrait d'une lettre de M. de Margon sur les jésuites, 1716, qui reproduit les mêmes idées. Ces écrits de Margon contre les jésuites ont été réédités récemment sous le pseudonyme J. de Kécalde, dans un pamphlet, intitulé : Lettres sur le con/essorat du P. Le Tellier avec une introduction et des notes sur la politique des jésuites cl l'Oratoirc, in-12, Paris, 1922. Les autres écrits de Margon, en dépit de leurs titres, ne sont guère que des romans, ou, au moins, des histoires romanesques cpii ne sont pas de notre ressort. Ajoutons en lin quo Margon s’exerça aussi a la poésie satirique, badine et parfois libertine. Michaud, Biographie universelle, t. xxvr, p. 512. 513; H Offer, Nouvelle biographie générale, t. xxxm, col. 553-535; Quénird, Iai Trance littéraire, t. v, p. 529; Chaudon et Dclnndlnc, Dictionnaire universel, historique, critique et bibliographique, 5· édit., 1810, t. XI, p. 127, 128; Fellcr, Biographie universelle, édit. Pérennès, 1842, t. vin, p. 160; Desessarts, 1st siècles littéraires de la France, Ί vol., in-12, Paris, 1800-1803, t. iv, p. 275, 276; Itavaisson, Archives de la Bastille, t. xiv, p. 77-95; Poitevin-Pcituvi, Not ice sur Jean de Plantavit de la Paine, évêque de Lodève et sur l'abbé de Margon, Guillaume de Plantavit, son petit neveu, in-8·, Béziers, 1817, p. 27-48. J. CaIUIEYHE. théologien grec de la On du xvi· siècle. — Né ù Candie, capitale de Plie de Crète, en 1519, il reçut au baptême le nom de Manuel ou Emmanuel, qu’il changea en celui de Maxime en entrant dans le clergé. Il sc rendit vers 1568 â l’Univcrslté de Padoue et s’y consacra durant huit ans à l’élude de la littérature, de la philosophie, de la théo­ logie et de la médecine, mais sans jamais prendre le bonnet de docteur pour ne pas avoir à faire une pro­ fession de fol catholique. Ses études achevées, il fut appelé à Constantinople par le patriarche .Jérémie II qui désirait s’assurer son concours pour une réforme générale du clergé; mais, au lieu de répondre â cette Invitation, Margounlos retourne en Crète en 1578, y reçoit la prêtrise et se fixe au métochion de SainteCatherine qui dépendait du monastère du Sinaï. Au bout de cinq ans, il quitte la Crète pour se rendre à Venise; c’était vers la fin de l’année 1583. Appelé une seconde fois à Constantinople par Jérémie II, il y va MARGO U N IOS Maxime, M \ HGO U NI OS 2040 et est sacré évêque de Cythèro ou Cérlgo, le 15 avril 1581. Au mois de juillet suivant, il s'embarque pour la Crète dans l’intention de gagner son évêché; mais le gouvernement de Venise, désireux de garder à sa discrétion un prélat in Huent, refuse à Margounlos l’autorisation de passer à Cérlgo, tout en lui offrant une résidence gratuite à Venise avec une pension annuelle de cinquante ducats. Margounlos accepte, et devenu ainsi évêque in partibus de Cérlgo, il va désormais consacrer son existence et scs ressources A la recherche de manuscrits grecs et à l'édition de scs propres ouvrages. La jalousie d’un autre prélat grec de Venise, Gabriel Sévère, métropolite de Philadel­ phie, le dénonce bientôt comme hérétique à Constan­ tinople, mais sans résultat. Une demi-réconciliation entre les deux rivaux a lieu en 1590, le jour de Pâques, mais elle dure peu. La publication en 1591 de VEn­ chiridion sur la procession du Saint-Esprit, dans lequel Margounlos regardait comme plausible l'addi­ tion du Filioquc au symbole, fournit à Sévère une nouvelle occasion de reprendre )a querelle, et Margounios, contraint de quitter momentanément Venise, va s’établir à Padoue. Le Saint-Synode de Constan­ tinople, saisi de la question, délivre â Margounlos un brevet d'orthodoxie, et le prévenu rentre à Venise durant l’été de 1593; mais déjà sa santé était ébranlée, et il mourut le 1er juillet 1602. 11 avait, avant de mou­ rir, envoyé sa riche bibliothèque aux moines crétols de Sainte-Catherine. Margounlos laissait un héritage littéraire considé­ rable. Pour plus de clarté, nous le diviserons en diverses catégories : 1· Ouvrages dogmatiques. La plupart de scs œuvres dogmatiques sont demeurées inédites, mais pour beaucoup on en possède encore les mss. Ce sont : 1. Trois livres sur la procession du Saint-Esprit. Chacun de ces livres est divisé en 9 chapitres, soit un total de 27 chapitres, dont on trouvera les titres dans A. Démétracopoulos. ΙΙροσΟήκαι καί διορθώσεις είς την νεοελληνικήν φιλολογίαν Κ. ΣάΟα, Leipzig, 1871, ρ. 22-26. Composé en Crète vers 1583 ou peu de temps auparavant, l'ouvrage est dédié au patriarche Jérémie. Tout en soutenant l’opinion traditionnelle des Grecs, l’auteur se montre sur certains points assez favorable à renseignement de l’Églisc catho­ lique. Il n’en fallut pas davantage pour le faire accuser d’hérésie. On possède de cet ouvrage les mss. suivants : 78, 203 et 216 du patriarcat de Jérusalem; 105 et 2 49 du métochion du Saint-Sépulcre à Cons­ tantinople; 243 de Bucarest. Le n. 105 du métochion est l’autographe de Margounlos. — 2. Deux autres livres sur la procession du Saint-Esprit. Cet ouvrage, contenu dans les manuscrits 208 et 393 de la biblio­ thèque synodale de Moscou, 348 du patriarcal de Jérusalem et 614 de Bucarest, a été écrit en 1581 à Constantinople; il est dédié à Jean Pierre, prince de Valachie, par une lettre qu’a éditée A. Démétra­ copoulos, ΌρΟόδνξος Ελλάς, Leipzig, 1872, p. 138110, et qu’a reproduite É. Legrand, Bibliographie hellénique... des XV· et XVP siècles, t. t, p. xxxm. Le L I comprend 7 chapitres, et le second I; on en trouvera les titres dans A. Démétracopoulos. ίΙροσΟηκαι, etc., p. 27-29. Si, comme hypostase, le SaintEsprit ne procède que du Père seul, par contre,comme auteur des dons surnaturels, il procède à la fols du Père et du b’ils. — 3. Sur la procession du SainlEsprit, sous forme de lettre. Écrit en 1587, cct opuscule ne vit le Jour qu’en 1591, à LTancfort, par les soins de David Hoschei, ami et correspondant de l’auteur, sous le litre assez vague de Μαξίμου του Μαργουνίου Κυθήρων επισκόπου έπιστολαΐ δύ*), ρ. 21-30. 11 a été réimprimé vers 1627 à Constantinople dans le ra­ rissime recueil de Nicodème Métaxas en appendice 2041 MARGOUNIOS au Syntagma de George s Schtdurlos, ρ. 1-0, mais le Dialogue qui fait suite à cette lettre dans l’édition de Métaxas, p. 7-75, et qui est attribué par l'éditeur ù Margounlos, n’est certainement pas de lui. (/est cct opuscule de quelques pages qui provoqua, comme nous l’avons dit, les acerbes critiques de Gabriel Sévère, et même celles de Mélétius Pégns, patriarche d’A­ lexandrie : aux yeux de ces prélats, c'est trahir la vérité que d’essayer d'expliquer favorablement la doctrine latine. Bien que le Saint-Esprit, assure Mar­ gounlos, ne procède que du Père, néanmoins c’est le Père cl le Fils, ou le Père par le Fils, qui le commu­ nique aux créatures. — I. Sur la façon dont Dira permet le mat dans 1rs créatures. Imprimé par Hdschcl dans le même volume que le précédent, p. 1-21, cct opuscule offre un grand intérêt, car on y trouve très exactement formulée la doctrine des scolastiques latins sur la volonté divine antécédente cl consé­ quente. — 5. Brevis tractatus de consiliis atque pro·ceptis evangelicis, Venise, 1602. Composé en latin, ce petit traité fut ensuite traduit en grec par l’auteur lui-même, et le texte de celle traduction est contenu dans le manuscrit 418 du patriarcat de Jérusalem. Il est dirigé contre ceux qui estiment que le salut est impossible sans l’accomplissement non seulement des préceptes, mais encore des conseils évangéliques. C’est à peu près en ces termes que Margounlos indique le but de son opuscule dans une lettre à Hôschel datée du 6 juillet 1601; il s’y est évidemment inspiré du traité analogue de Bellarmin. — G. Scolia anasceuastica ou réfutation des observations faites par Jac­ ques Grelser sur la réponse du patriarche Jérémie II aux docteurs de Tubinguc ù propos du mystère de la Sainte-Trinité. Provoquées par la publication à Ingol­ stadt en 1598 de l’opuscule de Grelser, Disputatio de sacrosancta· Trinitatis mysterio pro more schola·, ces scollcs de Margounlos furent publiées et réfutées par le meme Grelser dans une seconde édilion de sa Disputatio de sacrosancta· Trinitatis mysterio, in quo potissimum de processione sancti Spiritus contra Gntcos disseritur, ejusque defensio, dans Jacobi Gretscri opera omnia, Katisbonne, 1737, t. ix, p. 18 sq. Fidèle ά la doctrine déjà exposée dans ses traités précédents sur la procession du Saint-Esprit, Mar­ gounlos distingue les deux processions éternelle et temporelle en ces termes, toc, cit,, p. 53 E : lllam processionem esse ad intra et originis, istam ad extra, et ut ita dicam, dispensatoriam; illam absolute intel­ lectam, hanc, propter aliquid, ad sanctificandam sci­ licet creaturum, — 7. Le ms. 1803 du fonds Harley au British Muscum contient un opuscule de Margounlos intitulé : ‘Ανασκευή τών κυριωτέρων έπιχειρτμάτων τής γεν^μένης πρδς τό αύτού έγχειρίδιον άπολογίας, C. Dyobouniotès pense pouvoir i‘identifier avec les Scolies, Γρηγόρ’.οςό ΙΙαλαμάς, Salonique, 1920, t. iv, p. 122. Nous croyons plutôt qu’il s'agit d'un ouvrage distinct analogue ou identique à la lettre au SaintSynode, dont il sera question plus loin. —8. Examen des livres de saint Augustin sur la Trinité, Dans ce traité, dont le ms. 63 du patriarcal de Jérusalem contient l'original, Margounlos s’occupe spécialement de la procession du Saint-Esprit et essaie d’ajuster sur ce point renseignement des Pères grecs et latins. - 9. Trots lettres sur la procession du Saint Esprit. L'une est adressée â Nicolas Strldoni, de l’ordre des Croclferi, devenu en 1583 évêque de Mylopolamo, l’autre au franciscain Pierre Davila, le futur évêque de Bélhymno, la troisième à Antoine Timoni, méde­ cin chlolc; écrites en latin, elles sont toutes rela­ tives à la procession du Saint-Esprit. La seconde a élé ensuite traduite en grec par Margounlos lui-même et se trouve dans VAlhous 3790, — 10. Deux traités sur la Providence, dont l’original se conserve dans le ms. 328 2042 du métochion du Saint-Sépulcre â Constantinople; Margounlos, selon son habitude, a dû sans doute y mettre largement â contribution le traité analogue de Georges Scholarlos. — 11. Lettre au saint-synode de Constantinople. Écrite en 1502,cette lettre a été publiée par Jean Laml, Deliehr eruditorum, Florence, 1710, en grec p. 4-23, et en latin p. 312-335. L'auteur n'a pas de peine à sc laver des accusations portées contre sa doctrine sur la procession du Saint-Esprit. Il pré­ tend (pic la querelle séculaire entre Latins et Grecs provient d’une simple équivoque; au fond, les uns et les autres avalent a l’origne la même doctrine; ce sont les théologiens récents qui ont tout embrouillé. Quand les anciens Pères disent du Saint-Esprit procedit ex Pâtre, ils parlent de la procession étemelle; quand ils «lisent procedit ex Paire l'iliaque, ils enten­ dent la procession temporelle, l’e fluxion sur les créa­ tures «les dons surnaturels. Malheureusement les modernes n’ont pas compris ou n'ont pas voulu comprende cette distinction, et ont ainsi créé une regret­ table confusion. 2· Discours et homélies. 1. Margounlos avait long­ temps travaillé à un Becucil de discours tirés des Pères et d’autres auteurs ecclésiastiques, cl il en est sou­ vent question dans sa correspondance avec Hdschcl durant les années 1597-1599; mais il ne réussit pas â les faire imprimer, — 2 De scs discours personnels sept ont vu le jour après sa mort dans le recueil de Cyrille Lucar. Contre les jésuites, publié à Constanti­ nople en 1627 ; les six premiers sont destinés à chacune des six semaines du carême, el le septième, au vendredi saint. — 3. On a encore de lui Deux oraisons funèbres de Mélétios Pégas, patriarche d’Alexandrie, publiées d’après le ms. 449 d'Athènes par Jean A. Papadopou­ los, dans l Εκκλησιαστικός Φάρος, Alexandrie, t. vu, p. 107-521.--- L Une Homélie prononcée le jour de Pâques 1591 à l'occasion de la réconciliation appa­ rente de l’auteur avec Gabriel Sévère; elle a été publiée par C. Dyobouniotès, dans Γρηγύριος ό Παλαμάς. t. ιν, ρ. 166-168 et 209, d'après le n. 1126 d’Athènes. — 5. Oraison funèbre d'haie Pisani, con­ servée dans le n. 328 du métochion du Saint-Sépulcre ù Constantinople.— 6. Deux discours pour la fête de l'Épiphanie publics par le même d'après 1’Atheniensis 1126, t. cil., p. 722-728. - 7. Un discours pour la fête de Noel est encore inédit. 3· Lettres, — La correspondance de Margounios est assez considérable et mériterait d’être recueillie. Une partie a été publiée par David Hôschel dans scs éditions de divers opuscules patrlstiques, dont on trouvera les titres dans É. Legrand, Bibliographie hellénique,,, des A V· et XVI· siècles, p. 90-92, 98-100, 101-106, 135, 139, 167, 168, 227; une nutre partie sc trouve dans Jean Land, Delicia· eruditorum, Florence. 1710, p. 1-61; dans les éditions fort nombreuses des Τύποι έπχστολών de Théophile Cory dallée; dans C. Salhas, Βιογραφικόν σχεδίασμα περίτού πατριάρχου Ίερεμίου Β , Athènes, 1870; dans Matthieu Paranlkas, Σαβδατιαία έπιθεώρησις, Constantinople, 1878, ρ.311 sq.; dans A. Papadopoulos-Kérameus. Mémoires du Syllogue littéraire de Constantinople, l. xvn, p. 50 sq.; dans B. Myslakklès, ΕΙκοσιπενταετηρΙς τού καΟηγητού Κωνσταντίνου Σ. Κοντού, Athènes, 1893, ρ. 160-177; dans D. Kambouroglou, Μνημεία της ιστορίας των ‘Αθηνών, Athènes, 1890; dans É. Legrand, Bibliographie hellénique,,, des XV· et XVp siècles passim, et Bibliographie hellénique du A V//· siècle, t. iv, p. 175 sq. En lin C. Dyobouniotès a donné les adresses et Vincipit de 178 lettres ù l’aide des nùs. suivants, 1126 de l’Unlvcrsité d'Athènes, 79 cl 101 du Parlement hellénique, 652 de Bucarest, dans la revue Γρηγόριος ό Ιίαλαμάς, t. cit., p. 781-85, t. v, 1921, p. 269 280, 390-396. Sur le testament de Mar- 20 43 Μ \RGOl NIOS — Μ \ K IAG Ε go unios, voir É. Legrand, op, cit., t. n, p. 391, et By· zanlinische Zeitschrift, t. iv, p. 203. I· /Wum. — Les compositions poétiques de Margounios ont été en partie publiées, par David IlÔschel dans les deux volumes suivants : 1. Maximi Mar· garni episcopi Cytherensis poemata aliquot sacra gnvee. nunc primum publicata, Augsbourg, 1592; 2. Maximi Marquai i episcopi Cytherorum hymni unacrcontici cum interpretatione latina Conradi lUtthenhusii, \ugsbourg, 1601. Ces dernières pièces, nu nombre de neuf, ont été reproduites dans le t. n du Corpus veterum poetarum gracorum.—-3. Ses épi gram mes sont énumérées et en partie publiées par E. Legrand, op, cit . t. i, p. l.xvi sq. 5· Traductions, — Margounios a traduit du grec en latin les ouvrages suivants : 1. Dialogue de .Jean Da­ mascene contre les manichéens, Padoue, 1572; 2. Meta­ phrase de Michel Psellus du second livre des derniers Analytiques d’Aristote, Venise, 1571; 3. Le livre De coloribus d’Aristote avec le commentaire sur ce traité de Michel d’Éphèsc, Padoue, 1575; L Le commentaire sur les Psaumes de Grégoire de Nysse, Venise, 1585; 5. Opuscules du même Grégoire de Nysse sur la per­ fection chrétienne à Olympius, sur le nom chrétien à Haemonius, sur les remèdes aux' péchés â Letoius, Venise, 1585. Nous ne parlerons pas à la suite de Fabricius de la traduction latine du panégyrique de saint Basile par Jean Cantacuzène : c’est un morceau inexistant, dont le faussaire Nicolas Comnène Papadopoli a Inventé le titre, comme pour tant d’autres pièces, que le érudits ont vainement cherchées depuis plus de deux siècles. Margounios traduisit du latin en grec : 1. le traité du P. Laurent capucin sur les nombres qui sc ren­ contrent le plus souvent dans la sainte Écriture; cette version nous a été conservés dans le Tunrinensis 291 ; elle y est précédée d’une dédicace à Gabriel Sévère datée du 16 mars 1586, que É. Legrand n publiée, t. cit., p. 72 ; 2. Les Mirabilia de Cicéron contenus dans V Allions 6257. Enfin il traduisit du grec ancien en grec moderne: I. //Échelle de S. Jean Climaque, Venise, 1590, pré­ cédée d’une dédicace au patriarche Jérémie H; 2. Les Synaxaircs ou vies des saints de l’année, Venise, 1603, fréquemment réimprimés depuis. 6· Éditions, — Margounios a surveillé l'impression d’un certain nombre de livres liturgiques. Nous cite­ rons : t. Le Psautier, Venise, 1586; 2. V Anthologion, Venise, 1587; 3. V Apostolos ou livre des Épftres, Ve­ nise, 1596; 4. une série des Ménées. Venise, 1599. En outre il donna une édition de la Φιλόθεος ιστορία de Théodoret. Quant aux éditions des trois traités de Psellus, De anima. De quinque vocibus, De decem categoriis, que Margounios avait préparées, elles n’ont pas vu le jour, mais on trouve les deux dernières dans le Parisinus 525 du Supplément grec. Gomme on le voit par l'énumération qui précède, Margounios est assurément un fécond écrivain, l'un des plus remarquables du xvi· siècle. Tout en restant profondément attaché ù son Église, il fit de louables efforts pour se rapprocher, au moins théoriquement, du catholicisme, et son exposé de la procession du SaintEsprit mérite d'autant plus d’être signalé qu’il con­ tinue à deux siècles de distance la théorie de Georges Scholarlos, un des auteurs que Margounios semble avoir le plus fréquenté el imité, même dans le choix d< > sujets. 11 y a loin pourtant de sa théorie à la vraie doctrine catholique : s’il admet, comme on l'a vu, le Pittoque pour la procession ad extra, pour la mission MinetiBeatrice du Saint-Esprit, il le nie catégorique­ ment pour la procession éternelle ou ad intra. Et c’est pourtant un rapprochement aussi lointain qui le fit 2044 traiter d’hérétique par certains de ses coreligionnaires et lui attira les ennuis que l’on sait. En dehors de Piinclenne littérature mentionnée par Fabricius, Bibliotheca gneca, éd. Mariés, t. xi. p. 693 sq., voir sur Margounios cl son œuvre, É. Legrand, lilbliugrnphie hellénique,,, des XV* et XVJ* tiéclca, t. u, p. xxm et passim; B. Mystakldês, '() itpô; κλήρος κατά τόν ιστ' αιώνα.dans Ί λ κατά την ίορτην τής ιίκσσιπινταιτηρίδος του κα&ηγητοΰ Κωνσταντίνου X Κόντου, Athènes, 1893, ρ. 123177; Ph. .Meyer, Die lheologische l.ittrratur der griechltchen Klrche Ini serhzehnten Jahrhundcrl. Leipzig, 189*.), p.6978 et passim; C. Dyobounlotès, Μαςιμος 4 Μαργούνιος, duns Γέηγόριος ο ΙΙα/αμί;» Satanique, 1920, t. iv. p. 155168,209-10,321-21» 380-88, 118-25, 071-73, 722-30, 78185; t. v, 1921, p. 269-80, 390-96, 181-92. J L. Pktitj MARGUARIN DE LA BIGNE ou de la Vigne, l'un des plus savants prêtres de son temps, naquit vers 1516, d'une famille noble, à Bernièrcs-lcPatry en Basse-Normandie. 11 commença ses éludes à Caen, mais les poursuivit, à partir de 1565.cn Sor­ bonne, où il reçut le doctorat en 1572. La commu­ nauté de Sorbonne, qui l’avait élu prieur cinq ans auparavant, l’assista dans scs immenses publications. Dans le but d'opposer aux nouveautés protestantes la doctrine traditionnelle et de combattre notamment les Centuriateurs de Magdebourg, il entreprit, le premier» de réunir en un vaste Corps l’ensemble d'écrits des Pères. Cc fut la Bibliotheca Sanctorum Patrum supra ducentos, distincta in tomos octo, 8 vol. in-fol., Paris, 1575-1578. Il y ajouta en 1579 un appendice ou 9· volume. Bien qu’il laissât beaucoup à faire à ses successeurs el qu'il ne donnât les ouvrages grecs que dans une version latine, on ne peut qu’admirer le zèle et la patience du savant sorbonnlste, qui fut un initiateur; nombre d'écrits lui doivent leur première impression el son travail fut la base de toutes les éditions subséquentes. Il fit lui-même une nouvelle édition en 9 volumes in-fol., Paris, 1589. Entre les mains des Fronton du Duc, des Morel, des Combells, d’édition en édition el de supplément en supplément, la collection s’élargit au point de devenir la Maxima Bibliotheca veterum Patrum de Lyon. La Bigne publia aussi : Statuta synodal ia Parisiensium episcoporum Gulonis, Adonis cl Willielmi; item decreta Petri d Gaiterii Senonensium episcoporum, in-8®, Paris, 1578, el S. Isidori Hispalensis Opera, in-fol., Paris, 1580. Nommé chanoine et théologal de l’Église de Bayeux, puis à la mort de son oncle maternel, François du Parc, doyen de l’Église du Mans, il fut député parle chapitre de Bayeux aux États de Blois de 1576, et cinq ans plus lard au concile provincial de Rouen, où il soutint contre l’évêque de Bajeux les droits de scs commettants. Cité par l’évêque devant le théologal, comme le procès engagé menaçait de s’éterniser, la Bigne se démit de son canonical et sc retira à Paris; il y mourut vers 1590. Nlcéron, ytémoires pour servir à Thistolre des hommes illustres, t. xxxn. VL P (λ VEnSCHAFFRL. Zle mot peut être pris dans plusieurs sens. 11 désigne soit l'état des personnes mariées, soit Pacte initial qui crée cet étal el qui est simple contrai chez les non-baptisés. contrat-sacre­ ment chez les baptisés. La définition donnée par le Code justinicn, reprise par Pierre Lombard, L IV, dist. NNV1I, n. 2,cl par le catéchisme du concile de Trente, De matrimonii sa· cramento, c. vin, n. 3, s’applique plutôt â l’étal de mariage : Viri et mulieris maritalis conjunctio, inter legitimas personas individuam idtæ consuetudinem reti­ nens. L acte qui constitue l'état de mariage peut sc définir, pour les non-baptlsés : un contrat par lequel un homme et une femme se donnent légitimement l’un MARIAGE. 2045 MARIAGE DANS L’ÉCRITTRE. L'INSTITUTION PRIMITIVE 4 à l'autre le droit d’accomplir les actes nécessaires A la procréation et à l'éducation des enfants, et s'obligent a la vie commune. Peseta, Pneleclione* dogmaticir, de sacramentis, part. Il, n. 682, Eribourg-en-B., 1920, p. 311. — Pour les baptisés, c’est cc même contrat élevé par le Christ ù la dignité de sacrement rt pro­ duisant la grâce. Dans toute étude sur la mariage, la distinction entre ces trois sens, même si elle n'est pas exprimée dans les mots, doit toujours être présente à l’esprit; elle se fait d'ailleurs d’ellc-même pour peu qu'on réfléchisse à la signi beat ion précise de chaque ques­ tion qu'on sc pose. Quand on parle du but du mariage, par exemple, il est clair qu’on se demande pourquoi un homme et une femme vivent ensemble et ont entre eux des rapports conjugaux : il s’agit de l’état; et par contre, lorsqu'on traite de l'indissolubilité du mariage, il s'agit principalement du contrat cl du lien qu’il crée entre les deux époux, lien que la mort seule peut rompre. Beaucoup de questions relatives au mariage ont clé ou seront traitées dans des articles spéciaux. 11 est nécessaire de sc reporter aux articles Adultère, Bigamie, Dispense, Divorce, Empêchements, Pro­ pre cubé, etc., ou encore aux articles qui étudient chacun des empêchements en particulier, par exemple Affinité, ( rime, Disparité dl culte, Parenté naturelle, ou à celui qui étudie les Devoirs des époux; etc. — On voudrait ici, suivant la méthode et l’esprit adoptés pour les autres sacrements, se placer au point de vue de l'iilstoire en même temps — 11. Le mariage d’après les Pères (col. 2077).— III. Le mariage d’après les théologiens de l’Église latine (col. 2123). IV. Le mariage dans l’Église gréco-russe (col. 2317). — V. Le mariage dans les Églises oriei taies (col. 2331). 1. LE MARIAGE D'APRÈS LA SAINTE ÉCRI­ TURE. On l'étudiera successivement dans l'Ancicn et dans le Nouveau Testament (col. 2056), en mar­ quant les progrès réalisés de l'un ù l’autre. L Ancien Testament. Aux premières pager de la Bible se présente du mariage une définition de la plus haute valeur; mais l’idéal ainsi exposé est très loin de se montrer réalisé partout. C’est ce que l’on étudiera successivement. I· L'institution primitive rt la loi naturelle. -La Genèse donne deux récits de l'institution du ma­ riage; le premier contenu dans le chapitre i que la critique attribue au document sacerdotal (P), est un résumé succinct; nu contraire le récit jnhvlslc du c. n sc présente avec d’amples développements. (ien., i, 27. 28 : t Dieu créa l’homme ù son image; il le créa à l’image de Dieu; il les créa mâle et femelle. Et Dieu les bénit et il leur dit : r Soyez féconds, mul­ tipliez, remplissez la terre et soumettcz-la. · — (ien., π. 18-21 : « Jahvé dit : ■ Il n’est pas bon que l’homme soit seul; Je lui ferai une aide semblable ù lui... > Mors Jahvé fil tomber un profond sommeil sur l’hom­ me qui s’endormit, et il prit une de scs côtes et referma la chair à sa place. I )e la côte qu’il avait prise de l’hom­ me, Jahvé forma une femme cl il l’amena ù l’homme, lit l’homme dit : « Celle-ci celte fois est os de mes os rt chair de ma chair; celle-ci sera appelée femme Çisschah) parce qu’elle a été prise de l’homme fisch). » « C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera ù sa femme, et ils deviendront une seule chair. » Cette dernière phrase est attribuée à Dieu par Jésus. Matth., XIX, ‘1, 5. Elle peut être de l’auteur inspiré qui commente le récit et en lire une conclusion 2046 morale; c’est ainsi que quelques traducteurs la comprennent, par exemple Crampon. Plus vraisem­ blablement clic est mise par l’auteur dans la bouche d’Adam lui-même, et saint Augustin entend qu'Adam parlait ainsi sous l’inspiration divine. De Genesi ad litteram, L IX. n. 36, /< /,., t. xxxiv, col. 108. Au point de vue dogmatique, cette diflércncc de traduc­ tion n'entraîne aucune diflércncc de sens. Dans sa brièveté» cc double récit a un contenu dogmatique très riche, puisqu’il nous montre cc qu'est le mariage dans la pensée et le plan de Dieu; les enseignements que nous en allons tirer s'éclaireront dans la suite ù la lumière de la révélation plus com­ plète et surtout ù celle de l'Évangile; mais la plupart sont déjà par eux-mêmes d'une suffisante clarté. 1. Le mariage a Dieu pour auteur. — Créateur du premier couple humain, Dieu est l'auteur de la famille et par conséquent du mariage qui la constitue. C’est en cflet la loi naturelle qui exige le mariage, c'est-àdire une union qui jouisse au moins d’une certaine fixité entre l’homme cl la femme, et le récit de la Genèse ajoute aux exigences de la loi naturelle l’ex­ pression positive de la volonté divine. Si l’on exclut le mariage, on n'a plus entre l’homme et la femme que l'union libre, cl c'est elle en eflcl que prônent, au nom de la liberté et des droits de l'amour, certains écrivains qui se disent moralistes. Celte pré­ tendue réforme serait A tous points de vue une effroya­ ble dégradation.— Dégradation de la dignité hu­ maine : les rapports entre homme et femme seraient abaissés au-dessous même des rapports entre ani­ maux. car l'animal ne connaît le plaisir sexuel que pour hi propagation de l’espèce, tandis que l'union libre n'est autre chose en somme que la liberté de la débauche; c'est le mariage qui sauvegarde la dignité de l'homme el sa vraie liberté, en le forçant à dompter ses instincts les plus brutaux cl les plus tyranniques et A les soumettre à la discipline du desoir. - Dégra­ dation de Vamour : car c'est singulièrement avilir l’amour que de le réduire A la satisfaction des seuls instincts sexuels; bien d’autres besoins, bien d’autres sentiments, el ceux-là vraiment humains, composent l'amour dans l’ûme des époux : besoin de dévouement et de tendresse, besoin d’une affect ion durable et totale, besoin de se donner tout entier A un autre être qui se donne aussi sans réserve, désir surtout de sc perpétuer dans des enfants, ce sont lâ des sentiments autrement profonds et de nature bien plus relevée que le besoin physiologique auquel on voudrait ramener l'amour. Mais 11 s'agit surtout des enfants, de leur procréa­ tion el de leur éducation, le mariage étant principa­ lement ordonné comme nous le verrons, nu recrute­ ment de la race. El la procréation des enfants exige le mariage cl exclut l’union libre. Les liaisons instables cl passagères, ou bien demeureront stériles et ne seront que la recherche égoïste du plaisir; ou bien lais­ seront l'enfant qui naîtra par hasard à la charge de la mère seule, l’homme étant celui qui Jouit sans charge et sc désintéresse des conséquences les plus graves de scs actes; A moins qu’on ne prétende que l’État se chargera des enfants pour qu'ils ne soient pas une gêne à la mère elle-même, cl alors que sera cette huma­ nité nouvelle qui ne connaîtra même plus le plus doux et le plus fort des sentiments, celui qui ennoblit les animaux eux-mêmes, l’amour maternel? — Et tout autant que la naissance des enfants, leur éducation sera en péril avec l’union libre. Cc n'est pas sans raison que Dieu a voulu (pie l’enfant fût, plus que les petits des animaux, lent à se développer assez pour sc suffire à lui-même. S'il faut des années pour qu’il atteigne son développement physique et intellectuel, c’est que, dans les desseins de Dieu, il doit y avoir auprès de lui k 2007 MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. L’INSTITUTION PRIMITIVE 20Î8 père ct la mère, protecteurs naturels de sa faiblesse ordinaires que la volonté des contract unis peut dé­ physique, éducateurs naturels de son esprit ct de sa faire comme elle les a faits; car en lui sont engagés des conscience morale, associés dans une union durable intérêts d’une gravité telle qu’ils dépassent les varia pour accomplir ccttc grande œuvre qu’est la forma­ lions de la volonté humaine. L Le mariage est de sa nature indissoluble. ·— Au tion d’un homme. Ces arguments cl d’autres sont développés par témoignage de Jésus, le mariage primitif fut indis G. Fonsegrive, Mariage et union libre, Paris, 1901. On soluble. Malt h., xix, 8. El en effet, le récit île la Genèse nous fait connaître la volonté divine : l’homme aban­ en trouvera un résumé très substantiel ct convaincant dans les Conférences de Mgr d'IIulst, Carême 1891, donnera tout, même la famille où il a été élevé, pour lr* conf., ou du P. Coulct, IA Église ct le problème de ta former une nouvelle famille; et le principe sur lequel famille, II, P· conférence, Paris, 1925, p. 11-51. est fondé son nouveau foyer, c’est le lien étroit qui existe entre les deux époux, lien total qui unit sans 2. Le but principal du mariage est la transmission de réserve leurs corps el leurs cœurs (adlurrcbil) ct qui la vie. —La raison suffirait â le découvrir, rien qu’en constatant le plan divin visible dans la distinction des de deux êtres n’en fail plus qu’un. Gen., ir, 21. sexes ct dans l’aboutissement naturel des actes propres ■ L’homme ct la femme, dit saint Jean Clirysoslomc, ne forment qu’un seul corps. G’esl pourquoi ils au mariage. Mais Dieu, dans le récit de la Genèse, ne veut pas laisser de doute. Λ vrai dire, il ne condamne ne sont pas deux, mais une seule chair. Et de même qu’il est criminel de mutiler l’homme, c’est un crime pas d’autres buts secondaires que les époux peuvent sc proposer; et par exemple le mot assez vague dW- de séparer de l’homme la femme qui lui est unie. · jutorium simile sibi, π, 18, peut comprendre les avan­ Hom. ι.χιι in Matth., 2, P. G., t. i.vm, col. 597. Celte tages ct les douceurs de la vie commune. Le but pre­ propriété du mariage est trop importante pour que nous ne l’étudiions pas avec quelque détail pour déter­ mier et essentiel n’en reste pas moins la propagation miner sa nature ct son extension. de la race, ct c’est le mol d’ordre que Dieu donne â nos a) Sa nature. — La loi d’indissolubilité appartient premiers parents : « Soyez féconds, multipliez, rem­ plissez la terre. » Et donc tout acte conjugal où les certainement au droit divin positif. Indépendamment époux ne rechercheraient que la jouissance sensuelle même de l’Évangilc qui a rétabli dans son intégrité le mariage primitif, la volonté de Dieu s’est mani­ égoïste, el duquel ils excluraient positivement la festée assez clairement par les paroles rapportées possibilité de procréer serait un abus criminel du mariage, violant la loi de la nature ct la volonté posi­ dans le livre inspiré. Le divorce proprement dit est donc défendu par la volonté de Dieu, créateur du tive du Créateur. Le péché ct la punition d’Onan sont premier mariage et législateur de ses conditions; il racontés, Gen., xxxvjh, 9, 10. 3. Le contrat de mariage est saint de sa nature. — n’a pu devenir légitime que par une dispense formelle Le mariage suppose à son origine un véritable con­ ou équivalente de Dieu. Elle appartient aussi à la loi naturelle. C’est Dieu, trat par lequel les époux sc donnent ct s’acceptent, auteur de la famille, qui a voulu le mariage indisso­ cl s’engagent aux devoirs nouveaux qui leur sont luble; el il l’a voulu tel parce que l’intérêt de la imposés. Adam accepte ainsi la femme que Dieu lui présente : < Celle-ci est os de mes os el chair de ma famille humaine l’exige. Léon XIII énumère ainsi chair. » Mais c’est un contrat d’une nature différente les funestes conséquences du divorce : ■ Il est â peine besoin de dire tout cc que le divorce renferme de des autres contrats, tant par son objet qui est le don total de soi, que par son but qui est la propagation de conséquences funestes. Par le divorce, les engagements du mariage deviennent inconstants; l’affection réci­ l’espèce humaine. El c’est pour souligner cc caractère proque est affaiblie; l’infidélité reçoit des encoura­ transcendant ct sacré du contrat matrimonial que gements pernicieux; la protection ct l’éducation des Dieu intervient di cclemcnl pour l’instituer. Voulant enfants sont compromises. 11 fournit l’occasion de témoigner l’estime qu’il a de l’homme ct de scs hautes destinées, il le crée autrement qu’il n’avait créé dissoudre les unions domestiques; il sème des germes de discorde entre les familles; la dignité de la femme les animaux; il agit de même dans la création de la femme, la formant par une action personnelle el est amoindrie et abaissée, car elle court le danger symbolique et non par un simple acte de volonté. d’être abandonnée après avoir servi â la passion de Puis quand le premier couple humain est ainsi l’homme. Et comme rien ne contribue davantage a constitué, il présente lui-même Eve à Adam comme ruiner les familles ct à affaiblir les États que la cor­ pour bénir le premier mariage. Ainsi la conduite même ruption des mœurs, il est facile de reconnaître que le divorce, qui est la conséquence de mœurs dépravées, de Dieu telle que la décrit le livre sacré nous invite â voir dans le mariage un contrat sua vi, sua natura, ouvre le chemin, l’expérience le démontre, à une sua sponte sacrum. Leon XIII, Encyc. Arcanum, dépravation encore plus profonde des habitudes privées ct publiques. » Encyc. Arcanum, § At vero. El 10 fév. 1880, § Attamen naturalistæ. De fait, pouvait-il en être autrement, étant donné le pape fait appel à l’histoire pour montrer cc quo l’éminente dignité de l’enfant, en vue duquel le devient la famille quand on y laisse pénétrer le mariage sc conclut? Il est l’homme de demain, destiné divorce. par son intelligence cl sa volonté à connaître ct à C’est pourquoi l’Églisc, tout en affirmant que l'in aimer Dieu pendant sa vie, mais surtout, par son dissolubilité a été proclamée par le Christ, surtout du âme immortelle et par son élévation à l’ordre sur­ mariage entre chrétiens, du mariage sacrement de naturel, fait pour devenir un élu du ciel. L’union de la Nouvelle Loi, enseigne aussi qu’elle appartient l’homme et de la femme procure la naissance ct l’édu­ déjà au mariage quatenus natura· est officium, Catech. cation de l'enfant; c’est par la collaboration du père ronianus, part. II, c. vm, n. 11. Le Syllabus a con­ el de la mère que reniant est mis dans la voie de damné la proposition suivante : Jure natura matri­ rectitude morale par laquelle il atteindra sa lin; celle monii vinculum non est indissolubile ct in variis casibus union, du fait même de son but, est revêtue d’une divortium proprie dictum auctoritate civili sanciri sainteté qui la place incomparablement au-dessus de potest. Prop. 67, Dcnzinger-Bannwart, n. 1767. tous les autres contrats par lesquels un homme peut El cependant, quelles (pie solent les funestes con­ sc lier. Cc fait a été reconnu par tous les peuples. séquences du divorce pour les familles et les sociétés, Léon XIII. loc. cit.’, Lemaire, Le mariage civil, Paris, il est impossible de faire abstraction d’un double s. d. (1901), p. 3-15. Dès lors, contrat sacré, le ma­ fait qui doit conditionner tous les raisonnements : le riage pourra échapper aux conditions des contrats premier, c’csl la généralité des répudiations acceptées 2009 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. L’INSTITUTION PRIMITIVE par les religions anciennes, réglementées par les légis­ lations* considérées comme légitimes par les con­ sciences les plus éclairées; le second, c'est la tolérance de la répudiation dans la loi mosaïque elle-même, ct bien que cc soit ad duritiam cordi» que Moïse ait donné cette permission, selon la parole de NotrcScigncur, .Matth., xix, 8, toujours est-il qu'elle faisait partie d’une loi donnée au nom de Dieu. Cer­ tains théologiens n’ont pas hésité à déclarer coupables tous ceux, païens ou juifs, qui avaient usé de cette permission; saint Thomas, Suppl., q. i.xvn, a. 3, nous apprend que c'était de son temps l’opinion la plus commune. D'autres ont pensé que les permis­ sions accordées, en particulier par la loi mosaïque, ne regardaient que les effets civils du mariage, laissant intact le lien lui-même. De telles opinions font trop manifestement violence aux faits qu'elles veulent plier de force pour les rendre conformes au principe de l'indissolubilité absolue du mariage. En réalité, et c’est l’opinion généralement admise par les théolo­ giens ct par les Pères, la loi de l’indissolubilité inscrite en tête de la Genèse, exprime plutôt l’idéal divin que la règle pratiquement suivie, ct ccl Idéal n'a été vraiment mis en vigueur que par Jésus-Christ. On peut dire qu’une dispense divine, non pas expressé­ ment formulée, mais donnée équivalcmment surtout par la loi mosaïque, l’avait suspendue. El comme Dieu ne peut, même ad duritiam cordis, permettre une chose essentiellement mauvaise, on doit, de toute évidence, conclure que l’indissolubilité du mariage n’est pas tellement requise par la loi naturelle que le contraire doive toujours être mauvais. Elle n’appar­ tient pas aux principes premiers et essentiels de la loi naturelle, mais à scs principes secondaires. Elle n’est pas absolument nécessaire pour que la famille existe et atteigne son but; elle est utile pour que la famille soit plus parfaite cl que son but soit plus faci­ lement, plus sûrement et plus complètement procuré. .Malgré le divorce, en effet, il est possible d’atteindre le but essentiel du mariage. Dans les civilisations anciennes où le divorce était permis ct presque nor­ mal, il n’a empêché ni la société de vivre, ni les fa­ milles de se perpétuer ct de remplir vaille que vaille, mais pourtant d'une manière suffisante, les deux fonc­ tions essentielles du mariage, à savoir la procréation et l’éducation des enfants. Le divorce n'est donc pas absolument opposé ù l’existence ou au but essentiel de la famille, mais à sa perfection; il n’est pas con­ damné par la loi naturelle essentielle, mais par ses exigences secondaires. Telle est la doctrine de saint Thomas. Suppl., q. ι,χνιι, a. 2; In I Vum Sent., disl. XXXIII, q. π, a. 2. Ceci d'ailleurs ne légitime pas le divorce, ct Jésus-Christ n’en reste pas moins un des grands bienfaiteurs de la famille, parce qu’il l’a voulue plus parfaite en rétablissant la loi de l’indis­ solubilité. b) Son extension. En tant qu'elle est exigée par le droit naturel, l'indissolubilité appartient à tous les mariages sans exception, c’est-à-dire qu’il n’est pas un cas dans lequel les époux, de leur seule autorité privée ou par suite d'une loi humaine, même en invo­ quant les plus graves inconvénients personnels, puis­ sent rompre leur mariage légitime et reprendre la liberté de contracte r une nouvelle union, (’.‘est du moins l’opinion de la plupart des théologiens, qui sc rallient Λ la pensée de saint Thomas, In 1 Vum Sent,, disl. XX\1 L q. il, a. l.ad -|um; Suppl., q. rxvn,a. 1, ad ·|ιιηι. Le saint docteur suppose le cas où un mariage ne pourrait donner naissance ù des enfants : ne de­ vrait-on pas dire alors (pie la loi naturelle, pour le bien même de la famille, exige le divorce, loin de l’in­ terdire? Et saint Thomas répond :<· Dans les lois du mariage, on considère davantage le bien commun 2050 que les cas particulier*, (/est pourquoi, quand bien même l'indissolubilité du mariage serait exceptionnel­ lement contraire au bien des enfant* dan* un cas donné, elle demeure en général favorable au bien de* enfant*. » Il n'y a donc pas à tenir compte des ca* exceptionnel*. Quelques théologien* résolvent le doute dans un sens contraire : pour eux, a suivre la loi natu­ relle, les époux ne peuvent rompre leur mariage que dans les circonstances ou la fin même du mariage ne pourrait être atteinte. « Si on regarde le mariage comme une fonction de nature destinée à perpétuer la race humaine, il est difficile de prétendre que, quand une femme est stérile, il n'est pas permis de la répudier pour en prendre une autre. Si on le considère comme institué pour être un frein aux passions chamelles, pourquoi le mari ne pourrait-ll pas renvoyer sa femme malade sans espoir de guérison, puisque dans ce cas Il ne trouve plus les satisfactions qu'il cherchait dans le mariage? · Sanchez, De matrimonio, 1. II, disp. XIII, n. 7. Cette opinion, extrêmement large, n'a pas pour elle l'approbation de l'Église. Celle-ci déclare au contraire que l’autorité civile n’a pas le droit de prononcer les divorces, même quand il s'agit de mariages entre non-chrétiens. Syllabus, prop. 67; elle rappelle que celte autorité, instituée en vue du bien commun, doit éviter de compromettre ce bien en permettant au divorce de s’introduire dans les moeurs, même avec de sérieuses garanties ct à l'état d’exception, car la brèche par laquelle on lui per­ mettrait d’entrer s’élargirait sans qu'aucune force pût s’y opposer. Léon XIH, Encyc. Arcanum, § Here certe. L’Église croit donc qu’aucune autorité humaine n’a le droit d’introduire le divorce, ni aucune raison le pouvoir de le justifier : l’indissolubilité est une prérogative qui appartient à tout mariage, en vertu de la loi naturelle. 5. Le mariage est un. — Tel qu’il a été institue par Dieu, le mariage fut l’union d'un seul homme ct d'une seule femme. Est-ce seulement un fait et la consé­ quence de ce qu’il n’existait pas d’autre homme ou d’autre femme? Les termes du récit suggèrent plutôt qu’il y avait là une volonté positive de Dieu; les paroles du texte sacré : < l'homme s’attachera à sa femme et ils deviendront une seule chair » ne s'accor­ dent que difficilement avec la polygamie, tandis qu’elles sc réalisent parfaitement dans l imité de mariage. Quoi qu’il en soit de la loi divine positive, cette unité est certainement réclamée par la loi naturelle qui repousse la polygamie comme moins favorable à la perfection de la famille. De l’unité du mariage nous disons donc, comme de son indissolubilité, qu’elle est demandée, non par les préceptes essentiels de la loi naturelle, mais par ses préceptes secondaires, qu’elle est nécessaire, non à l'existence même de la famille, mais à son mieux-être. Évidemment nous n’envisageons pas cette mons­ truosité morale que l’on a appelée la polyandrie, qui consiste en ce qu’une seule femme ait à la fols plu­ sieurs maris. Vn pareil désordre ne peut se présenter que dans des cas exceptionnels ou dans des sociétés corrompues. Il ne s'explique que par une lubricité sans retenue ct n’a que de très graves inconvénients au point de vue familial; loin d’aider à la procréation des enfants, il ne peut que l’entraver. Il y a entre la polyandrie cl la polygamie proprement dite une différence essentielle que saint Augustin a résumée dans celle phrase : Plurcs /eminar ab uno homine /atari possunt, una vero a pluribus non potest. De bono conjugali, xvn, 20, P. L., t. xi., coi. 387. La polygamie, qui consiste en ce qu’un homme ait à la fois plusieurs femmes n'est pas absolument contraire à la loi naturelle. Celte pratique a pu sc 2051 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. LA LOI MOSAÏQUE Justifier dans certains cas rl n'est pas absolument opposée aux exigences fondamentales de la famille. Elle peut avoir quelquefois pour origine une passion qui ne sait pas se régler ou un désir d’ostentation et de faste; mais d'autres fois elle s’expliquera par le seul désir d’avoir un plus grand nombre d’enfants. Et c’est sans doute, expliquent en général les théologiens, pour ccttc raison très louable que Dieu la permit inx patriarches : ne fallait-il pas que le peuple élu se fortifiât par scs familles nombreuses contre les enne­ mis qui l’auraient absorbé ou anéanti? C'est aussi un des motifs pour lesquels les rois ou les puissants, ayant besoin de rendre plus ferme leur situation, cherchaient â multiplier le nombre de leurs enfants en qui ils devaient trouver le plus sûr appui pour euxmêmes et pour l’avenir de leur famille? L'historien des civilisations ferait valoir aussi des considérations d'ordre réel que nous n’avons pas à déduire ici; le moraliste enfin ne manque pas de faire remarquer que la pluralité des femmes ne va pas directement contre la procréation des enfants. Mais si elle n’est pas contraire â l’essence meme de la famille, la pluralité des femmes s’oppose à ce que la perfection de la famille soit réalisée, et par suite elle est condamnée par les préceptes secondaires de la loi naturelle. Elle est contraire à l’égalité des deux époux, le mari unique devenant pour ses femmes le maître et le tyran, el celles-ci se trouvant ravalées au rang d’esclaves dont la seule loi est le bon plaisir du maître : apud viros habentes piares uxores, uxores quasi ancilla habentur, remarque saint Thomas, Con­ tra gentes, L III, c. 124, et ce ne sont pas les consta­ tations des modernes sociologues qui infirment celle assertion. La polygamie est contraire â la bonne édu cation des enfants, le père laissant à chaque mère le soin d'élever les enfants qu’elle a mis au monde, alors que la nature a voulu que l'éducation fût l’œuvre con­ juguée de la fermeté du père et de la tendresse de la mère. Elle est contraire à l'égalité qui doit exister entre les enfants du même père, celui-ci réservant toutes scs prédilections aux enfants de la femme préférée. Elle est contraire à la paix des familles : l'histoire d’Agar el de Sara, celle d'Anne et de Phenenna ne sont pas des cas isolés; la polygamie engen­ dre inévitablement des rivalités de femmes ou des jalousies d'enfants : ex hoc consequitur discordia in domestica familia, disait encore saint Thomas, /or. cil. Le Docteur Angélique résume et complète â la fois ces réflexions en distinguant les divers buts du mariage. In 1 Vom Sent., (list. XXX111. q. i, a. 1. Il y en a trois principaux, dil-ll : le premier est la pro­ création et l’éducation des enfants; un second est la communauté de vie; et chez les fidèles un troisième est la représentation de l’union du Christ avec son Église. La pluralité des femmes n’empêche pas totalement d’atteindre le premier but et meme n’en détourne pas : un seul homme peut rendre fécondes plusieurs femmes et élever les enfants qui naissent d’elles. Pour le second but, si elle n’en détourne pas absolument, elle rend au moins plus difficile d’y par­ venir; car il n’est pas aisé de maintenir la paix dans une famille Où plusieurs femmes appartiennent â un seul homme... Le troisième but n’est plus du tout atteint là où il y a plusieurs femmes; car il n’y a qu’un Christ el qu’une Église. Donc la pluralité des femmes est dans un certain sens contraire à la loi natu­ relle et dans un autre sens ne lui est pas contraire. » 2· Les deformations et la permanence de Γidéal du mariage. Nous bornons notre enquête â la Bible et nous laissons donc de côté les sociétés païennes. C’est parmi elles surtout que nous constaterions l’oubli de l'institution primitive du mariage, qui, malgré de très nobles exceptions, n’échappe pas à la cor­ 2052 ruption générale. .Mais chez les ancêtres du peuple juif et dans le peuple juif lui-même, l’ascension vers l'idéal à réaliser fut lente, plus lente qu'on ne s’at­ tendrait à la trouver dans une nation spécialement choisie el gardée par Dieu; à mesurer ces délais, nous verrons combien fut bienfaisante, mais aussi combien peu préparée la restauration du mariage par Jésusi hrist. 1. Les déformations de l'idéal. Elles étaient iné­ vitables après la faute originelle. Bien qu’à lire la sentence prononcée par Dieu contre la femme cou­ pable, on y découvrirait d'abord cette idée que l’éga­ lité est rompue entre les deux époux : · 'l’on désir se portera vers ton mari et il dominera sur toi. » Gen., m, 16. L’homme sera plus qu'auparavant le maître quelquefois tyrannique, et il lui arrivera fatalement d'abuser de sa suprématie. C'est la femme qui sera le plus souvent victime dans les cas de poly­ gamie ou de divorce. Car ce sont là les plus Impor­ tantes déformations que subit le mariage primitif : il perd son unité par la polygamie et son indisso­ lubilité par le divorce. a) La polygamie. — Le premier cas de polygamie mentionné dans la Bible est celui de Lantech, Gen., iv, 19-21; le Livre sacré ne formule d’ailleurs aucun blâme contre lui. Avant Abraham, la Bible ne mentionne plus aucun cas de polygamie : mais.de toute évidence, ce silence est uniquement dû à l’excessive sobriété des renseigne­ ments qui sont donnés sur les patriarches. Genuit filios et filias : c’est le refrain qui revient à propos de chacun d’eux, et de leur vie nous ne savons rien de plus. En réalité les ancêtres d’Abraham ont été poly­ games ou du moins ont vécu dans un milieu où la polygamie était en usage. A vrai dire, c’était plutôt un régime intermédiaire entre la monogamie et la polygamie. L'épouse était unique en principe; mais à côté d’elle, l’homme pou­ vait prendre une concubine, c'est-à-dire une épouse de second rang, ou encore une esclave qui lui était donnée par l’épouse principale. Lc Code d’Hammurabi contient à cet égard des dispositions très curieuses qui nous expliquent parfaitement la conduite d'Abraham : « § 144 : Si un homme a épousé une femme et si ccttc femme a donné à son mari une esclave qui a procréé des enfants, si cet homme sc dispose à prendre une concubine, on n'y autorise pas cet homme et il ne prendra pas une concubine. - § 1 15 : Si un homme a pris une épouse et si elle ne lui a pas donné d’en­ fants, et s’il se dispose à prendre une concubine, il peut prendre une concubine et l’introduire dans sa maison. Il ne rendra pas cette concubine l’égale de l'épouse. » Édit. Schcil, Paris, 1901, p. 27. 28. On pense d’ailleurs que cette législation restrictive ne s'appliquait pas aux grands à qui il était permis d’entretenir des harems plus ou moins nombreux. Abraham suivait donc les habitudes de ses ancêtres et la législation sous laquelle il avait vécu lorsque, sur les instances de Sara demeurée stérile, il prend pour femme de second rang une servante de sa femme,dont les enfants seront censés nés de l’épouse proprement dite : - Voici que Jahvé m’a rendue stérile; viens, Je te prie, vers ma servante; peut-être aurai-je d’elle des fils. · Gen., xvi, 2. Lc rôle d’Agar est bien déterminé : elle donnera des enfants au foyer qui sans clic mena­ çait de rester vide; mais elle n’est pas une épouse au même titre (pie Sara; et son Ills Ismael, devenu luimême un enfant de second rang après la naissance d’Isaac, ne peut prétendre à partager avec lui l’héri­ tage. Gen., xxi. 10. Sara demeure la seule épouse véri­ table et Isaac le seul vrai fils, héritier des promesses. Gen., xvi!, 19-21. — Dans la suite Abraham, devenu puissant chef de clan, se conforma sans doute aux 2053 M \K IAGE habitudes des princes chuldéens, puisqu'il eut pour autres épouses Cétura cl d'autres concubines ou femines de second rang; mais la Bible a soin de faire remarquer que les fils qu’il en eut ne devaient pas plus qu’Ismael partager l'héritage : Quant aux fils Gen., xxx. 3. Et de fait les douze fils de Jacob sont égaux, sans distinction de mère, dans les droits éventuels à la possession de la Terre promise. A partir de ce moment, à suivre la narration biblique. Inut principe monogamique semble disparaître; il peut y avoir encore des épouses de second rang, mais les femmes de premier rang sont elles-mêmes nom­ breuses, chez ceux du moins à qui leur situation de fortune permet ce luxe. El les droits des enfants ne dépendent pas de la mère de laquelle ils sont nés : la Loi défend à un homme qui a plusieurs femmes de conférer les privilèges de l’aînesse nu fils de l’épouse préférée; il doit respecter les droits du véritable aîné. Dent., xxi. 15-17. Il serait sans intérêt de parcourir tous les exemples de polygamie consignés dans la Bible. Certains chiffres toutefois ont leur éloquence, el ce n’est pas sans raison qu'on a assimilé les chefs hébreux, juges ou rois, à ces princes orientaux qui mettent leur faste à avoir un nombre considérable de femmes. Gédéon par exemple a 70 fils, Jud., vin, 30; un autre juge, Abcsan compte 30 fils et autant de filles, ibid., xn. 8; Abdon. 40 fils, ibid., xn, 14. De David, nous con­ naissons 9 femmes, sans compter les concubines et des femmes de Jérusalem ». H Reg., n. 2; m, 2-5. 13 sq., v, 13-16; xi, 27; HI Reg., i. 1 sq. Salomon, le plus fastueux des rois, a 700 femmes cl 300 concu­ bines, III Reg., xi, 1-8; Roboam, 18 femmes et 60con­ cubines, II Par., xi. 18-23; Joram, de Judo, a 42 fils sans compter Ochozias qui lui succède, IV Reg., x, 12-14; Jéhu le fait périr ainsi que les 70 fils du roi d'Israël, Achab. Il semble que la captivité mit fin à ces extrava­ gances de polygamie, peut-être simplement parce qu'elle ruina les grandes fortunes d’Israël. De fait on n’en trouve plus un seul cas dans In Bible. Aucune loi juive n’ordonna cependant l’unité du mariage et certains faits extra-bibliques montrent que la poly­ gamie n'avait pas disparu complètement. Voir Il Lcsêtre, art. Polygamie, dans le Dictionnaire de la Hible, t. v, col. 511-512. Mais les cas étalent assez Hires pour que ni Jésus, ni les Apôtres n’aient cru Λ propos de la réprouver explicitement. b) Le divorce. — - Avec la polygamie, le divorce fut la plaie de toutes les civilisations antiques. Nous disons divorce : il serait plus juste de dire répudiation; car dans l'antiquité, la répudiation est le seul mode de rupture reconnu cl pratiqué; le mari seul a le droit de répudier sa femme; il faut arriver à une conception LA LOI MOSAÏQUE 205'. plus égalitaire des époux pour que le droit de rompre le mariage soit accordé à la femme. Quand la Bible consigne des cas de répudiation, ce qui est rare, ils apparaissent dès le début, comme un usage accepté, pratiqué, réglementé, dont per­ sonne ne songe â discuter la valeur. Ce que la Bible contient surtout à ce sujet, c'est une législation qui prévoit les cas, règle les formalités, essaie d'empêcher les abus. Lc seul cas certain de répudiation que contienne l’Anclcn Testament est celui d’Abraham chassant Agar et son Ills sur l’injonction de Sara. Gen., xxi, 9-14. C’était une application de la législation chai· deenne qui autorisait la répudiation moyennant cer­ taines conditions. Voir Code d'Hammurabi, § 137141, éd. Schell, Paris, 1904, p. 25-27. - 11. Lettre cite également le cas de David, art. Divorce, dans Dictionn. de la Hiblc, t. n, col. 1150. David avait pris pour femme Mlchol, fille de Saûl. I Reg., xvni, 27. Celui-ci, dans sa haine pour celui que Dieu avait choisi comme son remplaçant, enlève Michol, ftmme de David », à son époux, pour la donner à Phalli ou Phalliel, I Reg., xxv, 44. c’est seulement lorsque Saûl est mort que David reprend sa femme, et la Bible nous montre Phaltiel suivant, en larmes, les gens qui emmènent celle qu’il considérait comme sienne. Il Reg.,in. 16. Mais en réalité on n’aperçoit ici aucun divorce; la méchanceté et la tyrannie de Saûl ont pu séparer par force David et Michel, le lien de leur ma­ riage n’en était pas brisé et il sc renoue dès que le tyran est mort. — On pourrait plus justement invo­ quer ce que saint Matthieu nous rapporte de saint Joseph, i, 19; car bien que le récit appartienne au Nouveau Testament, l’intention dont 11 nous fait la confidence semble être une application de la lé­ gislation mosaïque sur le libelle de répudiation. Et pourtant ce cas aussi est douteux. Si plusieurs Pères et commentateurs ont pensé que Joseph et Marie étaient déjà unis par le mariage, la plupart des exé­ gètes, surtout plus récents et connaissant mieux les usages juifs, supposent avec vraisemblance qu’il n’y avait encore entre eux d’autre lien que celui des fiançailles. Voir M -J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 9-13. Mais à defaut d’exem­ ples, la législation donne une suffisante lumière sur la répudiation chez les juifs. Cette législation. Moïse ne l’a point créée de toutes pièces; il n’a fait que régle­ menter les usages en vigueur, exiger des condi­ tions et établir des formalités pour empêcher les abus trop criants. C’est peut-être même dans la fréquence relative des divorces qu'il faut chercher la raison pour laquelle l’histoire nous en a conservé si peu d’exemples : c’était un fait trop peu important pour qu’il parût digne d’être signalé. La législation de la répudiation est contenue dans le Deutéronome. En voici les principales dispositions. Le mari seul a le droit de répudier sa femme. Aucun texte ne suppose que la femme ait un droit analogue. Il fallut attendre le début de notre ère pour que cer­ tains rabbins permissent à la femme de demander le divorce. Dans certains cas. la mari perd tout droit de répudiation : s’il a faussement accusé sa femme de n’êlrv plus vierge quand il l’a épousée, Dent., xxh. 13-19. « il ne pourra la renvoyer tant qu’il vivra »; si un homme a déshonoré une jeune fille non fiancée, il devra la prendre pour femme et « il ne pourra la renvoyer tant qu’il vivra ». xxh. 23, 29. — En dehors de ces exceptions, le mari a le droit de répudier sa femme moyennant certaines conditions a.· Il faut un motif. Moïse l’énonce d’un mot assez vague : quelque chose de repoussant, une 'croâh, probable­ ment une grave infirmité physique Inspirant le dégoût. On sait les discussions sans issue auxquelles cette 2055 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. LA LOI ÉVANGÉLIQUE Imprécision a donné lieu entre les rabbins, particuliè­ rement entre les écoles d’Hillel el de Schammaï. Lcsêtrc, art. Divorce. Didionn. de la liible, t. n, col. 1451. — b. - Une formalité est requise, le billet de répudiation que le mari remettait a sa femme pour attester qu’elle était désormais libre de contracter un nouveau mariage. Suivant une formule conservée par le Talmud et reproduite par Lesêlrc, toc. ci/., col. 1449, cette remise du billet de répudiation sc faisait devant des témoins qui y apposaient leur signature. — c.L’cflet de la répudiation était de rompre le mariage ct de permettre à la femme de sc remarier. 11 n’est évi­ demment pas fait mention d’un droit semblable pour le mari, puisque celui-ci avait en toute hypo­ thèse le droit d’avoir plusieurs femmes. Mais le ma­ riage ainsi rompu l’était définitivement ct sans retour, dès que la femme avait trouvé un second mari; si celui-ci vient à mourir, « le premier mari, qui l’a renvoyée ne pourra pas la reprendre pour femme après qu’elle a été souillée, car c’est une abomina­ tion devant Jahvé. » Dent., xxiv, 1-4. Ainsi semblait endiguée la tolérance du divorce. Mais on n'arrête pas aisément les passions humaines quand on leur a donné une issue. Les extravagances exégéllqucs de certains rabbins qui admettaient le divorce pour les motifs les plus futiles, un plat mal prépare, un rôti brûlé, etc., ou même simplement si le mari avait trouvé une femme plus belle que la sienne, montrent que le mariage juif tendait ù perdre sa di­ gnité ct â se ravaler au niveau des mariages païens. Il était temps que Jésus vint restaurer dans sa pureté l’idéal voulu par Dieu â l’origine. 2. La permanence de Γidéal dans la famille juive. — Quelle que fût la corruption, ct si large qu’on eût dû faire la tolérance, la plupart des familles Juives sem­ blent cependant avoir gardé du mariage une très haute Idée. Il en est, ù cet égard, du mariage juif comme du mariage païen : les mœurs, dans les milieux modestes, valaient mieux que ne le feraient croire la législa­ tion cl surtout les commentaires des rabbins, de même qu’on jugerait mal de la société moyenne des provinces romaines d'après divers articles de lois a partir d’une certaine époque, ou d'après les peintures des satiriques. La polygamie juive parait avoir été restreinte aux grandes familles, sauf des cas excep­ tionnels; ct la possibilité de divorcer avait son remède naturel dans l’amour réciproque des époux cl dans leur commun amour pour les enfants. Aussi, malgré la sobriété des détails que contient la Bible sur les familles de condition moyenne, en savons-nous assez pour nous assurer que l’idéal primitif n’avait pas disparu. Quelques exemples suffiront. D'après le livre de Ruth, Élimélcch n'a qu'une femme, Noémi, et scs deux fils sont de même mono­ games. Et quand Élimélcch cl scs fils sont morts, la conduite des deux brus, surtout de Ruth, envers leur belle-mère, est un signe évident du lien d'amour très profond qui les unissait à leurs maris. Urie, l’oflicier de David, n'avait pour femme que Bethsabéc. Les reproches que Nathan fait au roi sur sa conduite criminelle en sont la preuve, en même temps qu'fis montrent combien le ménage était ten­ drement uni. On connaît la touchante allégorie dont se sert le prophète ; Uric, c'est le pauvre qui « n’avait rien, si ce n’est une petite brebis qu’il avait achetée; il l'élevait ct clic grandissait chez lui avec scs enfants, mangeant de son pain, buvant de sa coupe, dormant sur son sein, ct elle était pour lui comme une fille ». Il Rcg.· vu, 3. II ne faut d’ailleurs pas perdre de vue qu’t rie était Hittite ct non Israélite. Mais c'est surtout au livre de Tobie, ce ravissant tableau de vie familiale, que l’on trouve l'idéal du 2051 i mariage chez les juifs pieux à une époque d'ailleurs assez rapprochée de nous. Cet idéal n’a pas été surpassé, au point qu'il mérite de rester comme un modèle, même pour les époux chrétiens. Tout y respire la fraîcheur et la pureté; ct dans celle idyllique peinture, le mariage est considéré comme un sacer­ doce, comme l'accomplissement d'un devoir sacré·, sans aucun mélange de passion sensuelle. Voici d'a­ bord la prière de la jeune Sara, avant de connaître encore celui que Dieu lui destine pour époux : «Vous savez. Seigneur, que je n’ai jamais désiré un mari ct que j’ai conservé mon âme pure de toute concupis­ cence... C'est dans votre crainte ct non pour suivre ma passion que j’ai consenti ù prendre un mari. · m, 16-18. Tel est le thème que chacun des acteurs va reprendre ct qui reviendra comme un leit-motiv. L'ange Raphaël donne â son jeune compagnon des conseils au sujet de son futur mariage; il lui recom­ mande de passer les trois premières nuits dans la continence el la prière, afin de ne pas ressembler à ceux « qui entrent dans le mariage en bannissant Dieu de leur cœur el de leur pensée pour so livrer à leur passion, comme le cheval cl le mulet qui n'ont pas de raison », vi, 17; puis il ajoute : · La troisième nuit passée, tu prendras la jeune fille dans la crainte du Seigneur, guidé bien plus par le désir d'avoir des enfants que par la passion, afin que tu obtiennes dans les enfants la bénédiction promise à la race d'Abraham. » vi, 22. Tobie, en effet, ayant reçu Sara pour femme, lui propose de suivre le conseil de l'ange ct il lui en donne ce motif qui place le mariage & une hau­ teur sublime : · Car nous sommes les enfants des saints cl nous ne pouvons nous unir comme les païens qui ne connaissent pas Dieu. » vm, 5. Les deux époux prient alors ensemble, ct leur prière maintient leurs sentiments à la même élévation : » Vous savez, Sei­ gneur, dit Tobie, que ce n'est point pour satisfaire ma passion que je prends ma sœur pour épouse, mais dans le seul désir d’avoir des enfants qui bénissent votre nom dans tous les siècles. » vin, 9. — De tels accents sont absolument uniques dans toute l’an­ tiquité ct montrent quel abîme existait entre le mariage juif ct le mariage païen. Quoi qu’il en soit du caractère même du livre, poésie ou vérité, le fait seul que l'auteur inspiré ait pu exprimer des senti­ ments aussi nobles prouve que les lecteurs étalent capables de les comprendre; il laisse supposer que cer­ taines Ûincs particulièrement élevées pouvaient s’en inspirer. Le mariage se retrouve ù la hauteur même où les desseins de Dieu l’avaient placé, institution religieuse ct sainte, destinée à augmenter le nombre des enfants de Dieu sur terre et des élus dans le ciel. IL Nouveau Τι stamint. — L'œuvre de Jésus fut de restaurer dans toute son intégrité l'idéal primitif, en Insistant sur l'unité cl l’indissolubilité du mariage. Le Christ fit davantage : il sanctifia l’union conjugal» en faisant du mariage un des sacrements de la Nou­ velle Loi. C’est ce (pic nous verrons en étudiant ren­ seignement de Jésus lui-même et celui de saint Paul qui le complète. Jésus n’eut pas souvent à exprimer sa pensée au sujet du mariage, et les devoirs des époux ou les caractères de leur union tiennent une place très restreinte dans sa prédication. Il n'y n pas lieu de s’en étonner. Jésus vivait dans une société que la Loi avait garantie des excès d’immoralité qui sévissaient dans le paganisme; dans son auditoire de pauvres gens, les mœurs familiales étaient en général demeurées pures. Il suffisait donc à son but de faire remarquer les imper­ fections de la Loi pour les corriger, et déplacer ainsi le mariage chrétien à une hauteur de sainteté que le mariage juif ne connaissait pas. Il le fait surtout a deux reprises : d'abord dans le Discours sur la mon· 2057 lagne, où il oppose, sur ce point comme sur d’autres, la perfection de sa loi â l’imperfection de celle de Moïse, Matth., v, 31, 32, cf. Luc., xvi, 18; puis d’une manière plus explicite à l’occasion d’une question insidieuse des Pharisiens. Matth., xix, 1-9; Marc., x, 2-12. Saint Paul, en raison même de la situation des fidèles auxquels il écrit, devait Insister davantage. X’c fallait-il pas prémunir les nouveaux convertis contre les habitudes contractées dans le paganisme, ou au moins contre les entraînements de l’exemple et défendre la pureté de la famille chrétienne contre la corruption qui avait envahi les familles païennes? Les circonstances rendaient nécessaires des enseignements plus répétés et plus explicites. Aussi saislt-il toutes les occasions pour rappeler aux époux chrétiens leurs devoirs mutuels, la fidé­ lité qu’lis doivent sc garder, la hiérarchie qui règle leur place respective dans la famille, par exemple, Horn., vu, 1-3; I Cor., xi, 3; Col., ni, 18, 19; I Tim., n, 11-15; Hebr., xm, I L Bien plus, â deux reprises» il traite plus à fond le sujet. C'est d’abord au c. vu de la P· aux Corinthiens, en réponse à une question ou a une série de questions qui lui avalent été posées. Ce chapitre est extrêmement riche en enseignements; c’est tout un traité dogma­ tique ct moral du mariage el les idées qui y sont exposées n'ont plus eu à progresser» ni au contact de la vie, ni sous l’action de l'étude des théologiens, tant le clair génie de l'Apôtrc les a définies avec précision ct plénitude. Paul traite encore du mariage, mais à un autre point de vue, dans l’ÉpItre aux Éphésiens» v, 22-33. L'idée dominante de celte épllre est « l’union des fidèles avec le Christ, ct dans le Christ comme membres du corps mystique ». Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 19 4, t. i, p. 335. Les conseils qu’il donne aux personnes mariées ne le détournent pas de son idée; au contraire elle lui sert pour présenter le mariage sous un aspect nouveau où il se revêt d’une dignité ct d’une sainteté plus hautes encore. L’Apôtre, ayant développé les relations qui existent entre le Christ et l’Églisc, relations qui se résument dans cette for­ mule : « (Dieu) a fait |le Christ) tête de l’Eglisc entière, qui est son corps, » I, 22, 23, y volt l'idéal que doivent reproduire les familles chrétiennes : le mari est ce qu'est le Christ dans l’Églisc, lia le droit de diriger et de commander, il a le devoir d’aimer cl de protéger ; le rôle de la femme comme celui de l’Églisc, csl de soumission, de respect et de reconnaissante tendresse. Dans l'analyse doctrinale de ces textes, il est impos­ sible de séparer l’enseignement de Jésus et celui de saint Paul, sous peine de se condamner à des redites : la doctrine de l'Apôtrc n’est pas autre que celle du Maître, sauf en certains points où il y ajoute, de son propre aveu, quelques précisions et quelques complé­ ments. Mieux vaut les étudier ensemble pour en déga­ ger les principaux enseignements sur l’indissolubilité, l’unité, la sainteté du mariage chrétien, sur les droits ct devoirs mutuels des époux chrétiens. Et comme plusieurs de ces questions trouvent dans saint Paul leur solution définitive, à laquelle la tradition patristique ou les travaux des théologiens n’ajouteront aucun élément vraiment nouveau, nous les traiterons de façon à n’y plus revenir, sinon afin de signaler la continuité de la doctrine. /. /xhiasoLViuLt;L du UKK matmmomal, — !· La loi proclamée par Jésus cl rappelée par sain Paul. — Jésus exprime en deux circonstances sa volonté sur ce point. On la trouve une première fois dans le Dis­ cours sur la montagne, Matth., v, 31-32 : « Il a été dit : Quiconque renvoie sa femme, qu’il lui donne un acte de répudiation. Et moi, je vous dis que quiconque 2058 renvoie sa femme, en dehors du motif d'impudicité l'expose à l'adultère; ct quiconque épouse une femme répudiée commet l’adultère. > La même sentence, sauf la fameuse incise sur le cas d’impudicité, sc re­ trouve dans Luc.» xvi, 18, mais le contexte l’amène moins naturellement que celui de Matthieu. —- Une seconde fols, Jésus reprend la même formule, presque dans les mêmes termes, à l'occasion d’une question des pharisiens, Matth., xix, 1-9. Ceux-ci lui demandent si un homme peut renvoyer sa femme < pour n’im­ porte quelle raison · : c’était en somme ’ui demander de prendre parti entre Hillel ct Schammaï. Jésus sc dégage de l’alternative dans laquelle ils veulent l’en­ fermer, ct sc reportant au récit biblique de l'institu­ tion primitive du mariage, il conclut en rejetant le droit de répudiation : < Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni. » Et comme scs interrogateurs lui objectent l’autorisation accordée par Moïse» il reprend avec plus de netteté que cette autorisation, inconnue au début, il n’en veut plus dans la Loi nou­ velle : · C’est â cause de votre dureté de cœur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes; mats au commencement il n'en fut pas ainsi. Or je vous dis que celui qui répudie sa femme, si ce n’est pour mau­ vaise conduite, ct qui en épouse une autre, commet un adultère, · Le passage parallèle de Marc., x, 2-12, ne contient pas l’incise relative à la mauvaise conduite de la femme. On connaît les difficultés soulevées par les textes de saint Matthieu; les textes eux-mêmes ont été discutés dans les art. Adultère (l*) et le uen du MARIAGE D’APRÈS L’ÉCRITURE SAINTE. t. î, COL 468 sq. ct Divorce, t. îv, col. 1160 sq. Il sera utile, même après ces articles, de consulter M.-J. I.agrangc, Ærangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 103-106 ct 366-370. En tout cas, quelles que puissent être les difficultés d’interprétation, elles ne peuvent jeter le moindre doute sur la pensée de Jésus. — 1. Les passages paral­ lèles affirment l’indissolubilité sans restriction; et, comme ils sont absolument formels, si par impos­ sible les textes de saint Matthieu ne pouvaient être interprétés en harmonie avec le reste du N. T.» il faudrait dire avec Cajétan, Comm. in Evang. Matth., v, 32 : Nec hinc sequitur quod lex Nod Testamenti concedat viro propter uxoris fornicationem dimittere illam totaliter, quoniam textus iste non est tota lex Xovi Testamenti. — 2. Mats, même d’après le texte de saint Matthieu, l’indissolubilité absolue s’impose Car il ne faut pas sc laisser hypnotiser par les deux passages qui font difficulté; il faut voir l’ensemble ct le con­ texte. Que veut Jésus? placer sa loi à une hauteur que n’a pas atteinte celle de Moïse, et cela au sujet du mariage en particulier : « il a été dit... ct moi, je vous dis... »; il veut supprimer la tolérance accordée par Moïse à cause de la dureté de cœur des juifs, rétablir l’idéal primitif du mariage, empêcher que l’homme sépare ce que Dieu a uni. Tout cela signifie que le mariage sera complètement Indissoluble. Λ supposer que Jésus ait excepté le cas d’adultère de la femme, il n’aurail fait alors que renouveler la loi de Moïse en l’interprétant comme les rabbins les plus sévères; ct sa solennelle réprobation du libellus repudii, su promesse de donner une loi plus parfaite, sa volonté de remonter par delà les tolérances mosaïques jusqu’à l’intégrité primitive, tout cela eût abouti à celte mes­ quine declaration : dans les démêlés qui séparent les deux écoles de Hillel ct de Schammaï, c’est Schammaï qui a raison. X’est-ce pas faire au texte la plus invrai­ semblable violence? —3. C’est d’ailleurs dans ce sens que l’on a compris la pensée de Jésus. Saint Paul, qui attribue « au Seigneur· la loi du mariage indissoluble, ne connaît pas de restriction ; et la primitive Église, 2059 MARIAGE DANS L'ÉCRITURE. LA LOI ÉVANGÉLIQUE si elle accordait au mari le droit de renvoyer son épouse adultère, ne lui reconnaissait pas le droit de contracter un nouveau mariage. Voir le Pasteur d*l fermas, Mand., iv, 6, édit. Lclong, Paris, 1912, p. 83; Tcrlullien, Adi>. Marelonem, iv, 31, P. L., t. n, col. 112. Il faut donc de toute nécessité, non seule­ ment pour concilier les textes de Matthieu avec l’en­ semble du Nouveau Testament, mais pour ne pas mettre d’incohérence dans ces textes eux-mêmes, soit dénier toute authenticité aux deux incises qui sem­ blent faire une exception, procédé par trop commode, rejeté par la grande majorité des commentateurs; soit les expliquer en les pliant au sens général de l’indisso­ lubilité absolue du mariage. C’est ce que font les auteurs des travaux que nous avons cités : il ne semble pas utile de reproduire une fois de plus leurs explications. L’enseignement de saint Paul reproduit celui de Jésus. — Boni., vu, 1-3, il parle incidemment du mariage pour illustrer sa pensée. Il développe l’idée de la délivrance apportée par le Christ à ceux qui étaient sous la servitude de la Loi; celte servitude, il la com­ pare au lien qui unit les époux et dont la mort seule les délivre : « C’est ainsi qu'une femme mariée est liée par la loi à son mari aussi longtemps qu’il vit. .Mais si le mari meurt, elle est dégagée de la loi qui la liait à son mari. Ainsi donc, du vivant de son mari, elle sera réputée adultère, si elle s’unit à un autre. Mais son mari mort, elle est affranchie de la loi de manière à n’étre point adultère si elle s’unit à un autre homme. » - Il revient ex professa sur la même doctrine dans la P· Êpltre aux Corinthiens, vir, 10, 11, et ce n’est pas sa doctrine à lui, c’est celle du Seigneur : « Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande, ou plutôt cc que le Seigneur lui-même leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si ce­ pendant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » 11 revient sur la même affirmation après un long déve­ loppement sur le mariage et la virginité, en disant au t. 39 : « Pour la femme mariée, elle est liée aussi longtemps que son mari est vivant. SI le mari vient à mourir, elle est libre d'épouser qui elle veut; dans le Seigneur, bien entendu. » Sur un point cependant, Γ Apôtre met une restric­ tion à la loi d'indissolubilité et ici il avoue expressé­ ment qu’il donne, non plus renseignement du maître, mais le sien propre : · Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. » I Cor., vu, 12. C'est le casus Apostoli, ou privilège paulin, dont nous allons parler. 2· Extension de la loi d'indissolubilité. — 1. En général, d'après la loi évangélique. —· Si, d'après la loi naturelle, certains doutes pouvaient subsister, ils disparaissent devant la parfaite clarté de ('Évangile. Il s’agit évidemment du mariage tel «pie Notre-Seigneur l'a sanctifié, du mariage élevé h la dignité de sacrement, donc du mariage entre chrétiens : la loi de douceur de l’Évangilc n’a pas chargé d’un joug nouveau les mariages des in fidèles. De plus, la pratique de l’Église, interprète officielle de la volonté du Christ, oblige à ajouter une précision nouvelle : il s’agit du mariage consommé, c’est-à-dire complété par l'accom­ plissement de l’acte conjugal. Un tel mariage est absolument indissoluble; aucune raison d’intérêt ou de sentiment, si grave soit-elle, ne peut légitimer un divorce dans aucun cas; aucune autorité, pas plus celle de l’État que celle de 1 Église, ne peut le pro­ noncer. Telle est la volonté formelle du Christ. Quand, en cfïet. il rétablit le mariage dans son indissolubilité primitive et défendit de briser un lien formé par Dieu lui-même. Matt h., xix, 6, les apôtres, habitués aux 20(0 tolérances de la loi de Moïse, lui objectèrent les diffi­ cultés, parfois très douloureuses, auxquelles ccttc loi sans souplesse ne manquerait pas d’exposer les gens mariés, ces mêmes difficultés devant lesquelles Moïse avait dû permettre la répudiation : « Si telle est la condition de l’homme vis-à-vis de sa femme, lui dirent-ils, il vaut mieux ne pas se marier. » ils son­ geaient à tous les inconvénients possibles, aux décep­ tions, aux incompatibilités d’humeur, aux Infidélités, aux impasses extrêmement pénibles dans lesquelles les époux pouvaient être engagés sans issue possible, et raisonnant en disciples de Moïse, ne songeant pas assez aux secours divins qui peuvent rendre sup­ portable le joug le plus lourd, ils concluaient : mieux vaut ne pas se marier. C'est donc qu’ils avaient bien compris que la règle posée par le Maître était absolue et ne comportait pas d’exception. Et Jésus le con­ firme en effet dans sa réponse; car il ne dit pas : dans des cas trop douloureux, la loi pourra céder; mais seulement : tous n’ont pas reçu de Dieu le don spécial pour rester dans le célibat. Mat th., xix. 10-12. Pour Jésus donc, pas d exception. 2. Le privilège paulin. On désigne ainsi une excep­ tion apportée par saint Paul à la loi naturelle de l’in­ dissolubilité matrimoniale. Cette exception a pour but de protéger la foi du conjoint chrétien que pourrait menacer l'intransigeance du conjoint resté païen. D'autre part c’est une exception à la loi naturelle et non à la loi évangélique, puisque le mariage dont il s'agit a été conclu dans Pin fidélité et n’est donc pas sacrement. Voici le texte de l'Apôtrc : Pour les autres, je leur dis ceci, non pas le Seigneur, mais moi. Si quelque frère a une femme païenne, et qu’elle consente à vivre avec lui, qu'il ne la répudie pas. Si une femme a un mari païen, et qu’il consente à vivre avec elle, qu’elle ne répudie pas son mari. Le mari païen est sanctifié par sa femme et la femme païenne est sanctifiée par son mari. S’il en était autrement, vos enfants seraient impurs, tandis qu’en réalité ils sont saints. Si la partie païenne veut sc séparer, qu'elle sc sépare. Dans ces sortes de cas, le frère et la sœur ne sont pas enchaînés. » I Cor., vu, 12-15. Cc n’est donc plus le Seigneur qui a porté cc décret comme II a porté la loi de l’indissolubilité, ibid., 10. C'est Paul lui-même, mais avec l’autorité qu’il pos­ sède de par Dieu comme apôtre, comme fondateur d’Égliscs, comme interprète autorisé de la loi du Christ, comme inspiré par ΓEsprit du Seigneur. C’e.st pour­ quoi le Saint-Oillcc, dans une déclaration du 11 juil­ let 1886, a pu dire que cc privilège « a été accordé par le Christ Notre-Seigncur en faveur de hi foi et promulgué par l’apôtre Paul ». Paul s’adresse « aux autres ». Il vient de proclamer le précepte du Seigneur - aux gens mariés ». Les « autres · dont il s’agit ici sont donc ceux qui, vivant dans le mariage, ne sont pas mariés au sens complet et chrétien du mot. ceux donc qui ont conclu leur mariage étant encore païens; car, comme le fait remarquer le P. Lcmonnycr, ΓApôtre ne suppose pas qu un chrétien ou une chrétienne puissent épou­ ser un ou une infidèle, fcpl1res de saint Paul, Paris, 1906, t. I, p. 121. Le cas visé ici est donc celui du mariage conclu entre deux infidèles dont l’un l’est ensuite converti, l’autre demeurant dans son erreur. C’est ainsi que l’Église a toujours appliqué le privi­ lège accordé par l’apôtre. Voir le texte qui fait loi en la matière, à savoir la lettre d’innocent III à Hugues, évêque de Ecrrnre, 1·' mai 1199, P. L.< t. ccxiv, col. 588. et Denzlnger-Bannwart, n. 405-106. Quel est dans cc cas le devoir absolu de l’époux devenu fidèle? Il doit avant tout respecter In loi générale de l’indissolubilité. Son mariage est valide 20G1 MARIAGE DANS L'ÉCRITI KE. LA LOI ÉVANGÉLIQUE et (le lui-même le mariage est perpétuel. Aussi Paul défend-il eu principe de répudier le conjoint infidèle, et II apporte à sa défense une raison qui nous semble assez mystérieuse : Le mari païen est sanctifié par sa femme, etc. » Quel que soit le sens de cette sancti­ fication, l’idée est nette. Cc n’est pas un simple con­ seil qu'il donne ou une recommandation qu’il for­ mule, c’est un ordre : les époux doivent demeurer en­ semble. le fidèle ne doit pas répudier l'infidèle, μή άφιέτω. Des inconvénients très graves peuvent ce­ pendant résulter de la différence de religion: l’indis­ solubilité du mariage prime tout, sauf le péril sérieux où sc trouverait en certains cas la foi de l’époux fidèle; plutôt que d’accepter que la foi se perde, l’Apôtre énonce une exception ù la loi de l'indisso­ lubilité. Les mots par lesquels il la formule sont assez va­ gues : Si la partie païenne veut sc séparer, qu'elle sc sépare. » Mais depuis très longtemps l’Église par sa doctrine et sa pratique en a précisé le sens. 11 s'agit de tout cc qui serait une menace directe à la foi de l’époux converti, non seulement rupture de la vie commune et refus formel de cohabiter, mais encore vexations ou violences ayant pour motif la conver­ sion, entreprises de perversion, etc., tout cc qui équi­ vaut, au point de vue de la foi, à un refus de pacifice cohabitare. Saint Jean Chrysostoine, par exemple, commente ainsi ce passage : · Que veut dire cette expression : si l’infidèle se sépare? par exemple, s’il veut que tu sacrifies, que tu sols la compagne de son impiété parce que tu es son épouse, ou que tu t'en ailles. Mieux vaut rompre le mariage que de perdre la vraie religion. » In Epist. I ad Corinth., hom. xix, n. 3, P. G., t. lxî, col. 155; Kouet de Journci, Enchi­ ridion patristlcum, η. 1190. Voir aussi saint .Augustin, De fide et operibus, n. 28. P. L., t. xt, col. 216. Dans ces cas. si la fol du converti est réellement en péril prochain, la loi naturelle hd fait une obligation de s’en aller plutôt que de perdre son Ame. Mais alors même que le danger de perversion ne serait pas aussi manifeste. l’Apôtre. sans lui donner d'ordre, lui con­ cède la permission de quitter l’époux opiniâtre et vio­ lent. C’est donc, un vrai privilège qu’il accorde et c’est le mol que cette concession a gardé dans la théologie : on l’appelle le privilège de Paul ou privi­ lège paulin. · Paid permet; tout au plus conseille-t-il; il ne commande pas. Mais il ôte â la pari le chrétienne tout regret et tout scrupule en lui rappelant que Dieu nous Invite à la paix, et que l’espoir lointain et aléa­ toire de convertir un jour son conjoint resté infi­ dèle ne saurait lui imposer le sacrifice de la paix, de la joie et de la liberté. Il faut seulement que l’époux non chrétien s’éloigne le premier, soit en refusant de cohabiter, soit en rendant la cohabitation dangereuse ou moralement impossible par des blasphèmes, des sévices ou des menaces, qui apporteraient le scandale ou la guerre au foyer conjugal. · E. Prat. La théologie de saint Paul. Pans, 1921. I. i. p 131. De quelle nature sera cette séparation? Paul ré­ pond : ■ Dans ces sortes de cas. le frère et la sœur ne sont pas enchaînés. > Ces paroles ont été interprétées par l’Église dans leur sens le plus favorable, comme une rupture du lien conjugal qui rend à l'époux fidèle sa complète liberté et hd donne droit de contracter un nouveau mariage. I.' Ambrosiaster s’exprime ainsi : .Si infidelis odia Dei discedit, fidelis non erit reus dissoluti matrimonii : major enim causa Dei est quam matrimonii... Xon est peccatum ei qui dimittitur propter Deum, st alii se junxerit. In Epist. I ad Co­ rinth.. vu, 15. P. L„ t. XVII. coi. 219. Voir le texte d’innocent III, loc. ctt. L’Apôtre se mettrait-il donc en contradiction avec le Madré, et quand celui-ci a le proclamé mariage indissoluble sans restriction, sc 20G2 croirait-il permis de le dissoudre? Non pas; car le mariage que Jésus a déclaré absolument indissoluble, c’est celui cju'il a sanctifié en en faisant un sacrement, celui qui représente son indéfectible union avec son Église; c’est le mariage chrétien; tandis que Paul envi­ sage le cas du mariage entre infidèles, et de celui-ci meme il proclame l'indissolubilité sans que puisse prévaloir contre elle aucun intérêt, sauf celui de la foi. Cette distinction était déjà signalée par saint Ambroise : « En disant ; si l’infidèle..., l’Apôtre montre d'une manière admirable, et que chez les chrétiens il n’y a aucun motif qui légitime le divorce, et qu’il y a des mariages qui ne sont pas de Dieu. » Expositio Euangelii sec. Lucam, vin, 2, P. L., t. xv, col. 1765, Il faut évidemment, avant d’user de ce privilège que l’on ail la certitude de la mauvaise volonté de l’époux infidèle. C'est pourquoi l’Église exige en géné­ ral certaines formalités qui permettent de s’en assurer, en particulier l'interpellation. Les détails pratiques en sont donnés par tous les moralistes, ils seront indi­ qués à l’art. Privilège pavux, //. UMTÏ bü XaRIagR. -Nous étudierons à la lumière des enseignements du Christ et de l’Apôtre deux cas : celui de la pluralité des femmes ou poly­ gamie simultanée, et celui des secondes noces ou polygamie successive, quand le mari ou la femme sont affranchis par la mort du précédent mariage. 1· Polygamie simultanée. — Elle est contraire à la loi chrétienne. Au temps de Noire-Seigneur, la pluralité des femmes avait cessé d’être en usage dans le monde proprement juif. 11 n’y a donc pas lieu de s’étonner que Jésus n’en ait pas parlé exprojesso; il n’a vu aucune utilité â opposer sur ce point sa loi ù une pratique abandonnée, pas plus qu’il n’a eu l’occasion de ré­ pondre ù des questions la concernant. Sa pensée tou­ tefois est nette : ce qu’il affirme de l’indissolubilité ne se comprend que dans l’hypothèse de l’unité absolue du mariage. Quand il déclare, Matth., v,31. 32, que l’époux n’a pas le droit de répudier sa femme, que la femme renvoyée commet l'adultère si elle se remarie, sa déclaration suppose évidemment que la femme continue à appartenir à son premier mari cl qu’elle ne peut en avoir deux. Et ce qu’il a dit de la femme, il le dit du mari, Matth., xix, 9 : Quiconque renvoie sa femme... et en prend une autre, commet un adultère »; c’est donc que l'homme continue â appartenir â sa première femme et qu’il ne peut en avoir deux à la fois sans se rendre coupable d’adultère. C’est le raisonnement que tient le Catéchisme du concile de Trente, part. II, De matrimonio, n. 26 : s’il était permis ù l'homme d’avoir plusieurs femmes, on ne soit pas pour quelle raison on regarderait comme adultère celui qui renvoie sa première femme et en prend une seconde, plutôt que celui qui épou­ serait une seconde femme en gardant la première. On peut donc, si l’on veut, dire avec Cajétan, In Marcum, x, 11. que la loi de l'unité du mariage n’est écrite à aucun endroit des livres canoniques. Celte remarque avait été faite déjà par saint Thomas. In / Vutn .SrnL. disl. XXX Π L q. !, a ’2 : Lex de unitate uxoris non est humanitus, sed divinitus instituta, nec unquam verbo aut litteris tradita. Mais si elle n’est pas formulée en termes exprès, bien qu elle semble assez explicite dans la parole du Créateur que le Christ reprend ù son compte : erunt duo m carne una. elle l’est équivaleinment, comme fondement né­ cessaire d’une loi formelle, celle de l’indissolubilité. Le même raisonnement s’impose si l’on étudie les enseignements de saint Paul. Comme Jésus, c’est â propos de l’indissolubilité du mariage qu’il parle indirectement de son unité. Nous retrouverons donc les textes cités plus haut. Dans le passage de l’Épltrc aux Domains, vu, 2. 3. il ne parle que de la feiniue 2063 mariage dans l’écriture, la loi évangélique et il déclare formellement qu’elle est adultère si, du vivant de son mari, elle vit avec un autre homme. Mais à ce point de vue, les époux sont égaux en droits et en devoirs; subordonnés l’un ù l’autre dans leurs relations et dans la vie de famille, ils sont soumis l’un envers l'autre aux mémos obligations de fidélité; ils sc sont donnés l’un à l’autre et leur donation est irré­ vocable et exclusive; le mari ne peut pas plus que la femme se reprendre. C’est le grand principe qu'énonce l'Apôtre· I Cor., vu. I : « La femme n'est pas la maî­ tresse de son corps : il est à son mari. Le mari n’est pas davantage le maître de son corps : il est à sa femme. » Aussi quand il édicte ensuite à nouveau la loi d'in­ dissolubilité et par suite d’unité, il dit formellement que les deux époux sont en cela sur le pied d’égalité : «Quant aux gens mariés, voici ce que Je leur com­ mande, ou plutôt ce que le Seigneur leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si ce­ pendant elle s’en trouve séparée, qu’elle vive dans le célibat ou bien qu’elle sc réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. · (vn, 10,11.) La pensée de saint Paul est évidente; il laisse aux lecteurs le soin de compléter : si le mari a renvoyé sa femme, qu’il vive dans le célibat ou qu’il sc réconcilie avec sa femme. Ainsi la loi de l’unité du mariage appartient au droit divin rétabli dans son intégrité par le Christ. Voulue par Dieu quand il a fondé la première famille humaine et qu'il l’a composée d’un seul homme et d’une seule femme, elle est portée de nouveau par Jésus. Duas tempore uno habere uxores nec ipsa origo humante conditionis admittit, nec lex Christianorum ulla prrmiltit. Nicolas P\ Kesp, ad consulta Bulgarorum, 51. P. L., t. cxix, coi. 999. 2· Les secondes noces — Notre Seigneur n'a pas dit sa pensée sur les secondes noces. De son silence meme on peut conclure qu’il ne les condamnait pas. Dans le Sermon sur la montagne, énumérant les divers points de morale sur lesquels il voulait que sa loi fût plus parfaite que l’ancienne, il n'aurait pas manque, semble-t-il, de signaler le remariage de l’epoux ou de l’épouse restés veufs. Bien plus, une occasion lui a été fournie où il eût dû formuler une condamnation si elle avait été dans sa pensée : lorsqu’il est interrogé sur la loi du lévirat, et qu'on lui pose le singulier cas de conscience auquel elle donnait lieu, Mat th,· xxii, 23 sq.,11 lui était facile de dire qu’il y avait là une imperfection qui devait disparaître : il ne le dit pas et laisse entendre par conséquent qu’il ne condamne pas les secondes noces. Saint Paul exprime formellement celte licéité des secondes noces. Pour lui, 1. La mort d’un des époux affranchit le survivant du lien du mariage et rend légitime une nouvelle union. Boni., vu, 3; I Cor., vu, 39. 2. Évidemment il serait plus parfait de demeurer dans l'état de veuvage que de sc remarier, de même que la virginité gardée pour Dieu est supérieure nu mariage; mais c’est un renoncement que l’on ne saurait que conseiller, non imposer, I Cor., vu, 7, 8; la grâce de Dieu n’est pas la même pour tous et cha­ cun doit sc conformer à la vocation qu’il a reçue. 3. Bien plus, il est des cas où, pour le bien de son âme, l’époux survivant fera mieux de contracter un nouveau mariage; et les secondes noces deviennent alors, non seulement permises, mais louables : « S’ils ne peuvent garder la continence, dit Paul des veufs comme des célibataires, qu’ils se marient. Mieux vaut sc marier que de brûler |de convoitise]. » 1 ('.or., vu, 9. — Il va plus loin encore dans les directives qu’il donne à Timothée pour son ministère. 11 lui recommande d’avoir pour les veuves respect et charité, mais à condition qu’il s'agisse de veuves 2064 dignes de ce nom, qui aient fait preuvede vertu et d’énergie. Des veuves trop jeunes, au contraire. Il convient de se défier, car elles pourraient être une source de désagréments pour ΓÉglise. · Je désire, ajoute-t-il, que les jeunes veuves se marient, qu'elles aient des enfants, qu'elles tiennent une maison et qu'ainsi elles ne donnent pas à l’adversaire une occa­ sion de mal parler. > l Tim., v, I L Si claire que soit la doctrine de l’Apôtre pour qui­ conque lit son texte avec le sincère désir de voir la vérité, des rigoristes plus ou moins hétérodoxes ont prétendu représenter sa vraie pensée en condamnant les secondes noces. Les Pères ont eu à combattre ces erreurs et ces exagérations et à affirmer à nouveau la doctrine. Nous retrouverons, en étudiant leurs écrits, le prolongement de la pensée de saint Paul. III.SA1 XTETÜ DU j/JA/.tGA’. — La morale de Jésus est à base de renoncement et de sacrifice; elle tend à élever l’homme au-dessus de lui-même pour le mener à Dieu. Jésus, le premier, a donné l'exemple du plus complet renoncement et en particulier du renon­ cement aux joies de la famille : docteur et sauveur du monde, il ne pouvait limiter son cœur au cercle étroit d’un foyer humain. Va-t-il pour cela condamner le mariage, ou au moins le représenter comme un état imparfait que Dieu tolère mais n’estime pas, comme un mal nécessaire qu’il ne laisse subsister que par impos­ sibilité de le supprimer? Tout au contraire. Si la morale de Jésus vise à un idéal très élevé, elle n’en est pas moins très humaine; si elle offre à certaines âmes d’élite un état de perfection au-dessus de ce que peuvent porter les âmes communes, elle ne jette aucun discrédit sur la voie plus humble où marche le grand nombre; si elle propose à certains privilégiés de la grâce une fécondité d'ordre supérieur, elle ne diminue en rien la noblesse de la fécondité promise par la parole du Créateur : · Croissez et multipliez-vous. » Et, ù ne prendre les choses que du simple point de vue humain, cette attitude du Christ est infiniment raisonnable, comparée à celle d’autres fondateurs de religion, Marcion pur exemple ou Mani. Un des épisodes de la vie du Christ a été interprété à juste titre par les Pères comme une marque d’hon­ neur accordée par lui au mariage : il s’agit de sa pré­ sence aux noces de Cana et du miracle qu’il y accom­ plit. Joa., il, 1-11. Les Pères y ont vu d’abord une approbation de l’état commun des hommes. Jésus vient de quitter la vie de famille pour commencer son ministère; mais celte vie, il tient à montrer qu’il ne la condamne pas, et c’est pourquoi il veut sanctifier par sa présence la fondation d’une nouvelle famille. On connaît le beau texte de saint Augustin, In Joan., tract, ix, η. 1, P. L., t. xxxv, col. 1 158 : Quod Dominus invitatus venit ad nuptias, etiam excepta mystica signi· /icattone, confirmare noluit quod ipse fecit nuptias. Puturi enim erant, de quibus dixit Apostolus, prohi. bentes nubere et dicentes quod malum essent nuptire, etc Saint Cyrille d’Alexandrie rapproche de la malédiction prononcée contre Ève coupable la bénédiction appor­ tée par Jésus : · il avait été dit à la femme : tu enfan­ teras dans la douleur. Il semblait que l’on dût éviter ccs noces qui avalent encouru une telle malédiction. Mais le Sauveur, l’ami des hommes, enlève cette crainte. Par sa présence, il a glorifié les noces; lui, la joie et le charme de toutes choses, il a voulu ôter à l’enfantement la tristesse ancienne. » In Joan., Π, P. G., t. i.xxiii, col. 226. Et un traité, Dr l'in· carnation du Seigneur, mis parmi les œuvres du même saint Cyrille, mais qui en réalité est de Théodore!» Batiffol, Anciennes littératures chrétiennes, i, Paris, 1901. p. 316, répète très explicitement la même pen­ sée : « Celui qui est né d’une vierge, qui par scs paroles et par toute sa vie a exalté la virginité, voulut honorer 2065 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. SACRAMENTUM MAGNUM le mariage de sa présence et lui apporter un riche cadeau, afin que l’on ne vil plus dans le mariage une satisfaction donnée aux passions, afin que personne ne déclarât le mariage illicite. · C. xxv, P. G., t i.xxv, col. 1463. — Les Pères y ont vu un gage de tout ce que Jésus voulait faire pour sanctifier la source de la vie : restauration du mariage dans sa pureté, sanctiMention des époux, grâces et devoirs attachés au mariage. Ainsi saint Cyrille d’Alexandrie, dans son même Commentaire sur saint Jean, n, P. G., loc. cit.: « 11 convenait que celui qui venait restaurer la nature humaine et la ramener h un état meilleur apportât la bénédiction non seulement ù ceux qui étalent déjà nés, mais à tous ceux qui devaient naître, et qu'il sanctifiât leur naissance. · — lis y ont vu la figure des noces spirituelles que le Christ devait célébrer avec son Église et avec chaque âme : < Les vierges, dit saint Augustin, appelées dans l’Églisc â un plus grand honneur et à une plus haute sainteté, sont invitées à ccs noces; elles sont elles-mêmes participantes aux noces avec l’Églisc tout entière qui est l’épouse, tandis que Jésus-Christ est l’époux. » In Joan., tract. IX, n. 2, Λ t. .WW, col. 1459. Toutefois, si l’histoire des noces de Cana u paru aux Pères une indication de la pensée de Jésus, c’est ailleurs qu’il faut en chercher l’expression. On la trouvera dans ce que le Maître lui-même et saint Paul disent du but du mariage, de son symbolisme sacré et de la compa­ raison qu’ils instituent entre le mariage et la virginité. 1· But du mariage. — C’est avant tout la propa­ gation de la race humaine, donc la procréation et l’édu­ cation des enfants. But très élevé et très saint, puis­ qu’il assure non seulement la continuation de l’œuvre du Créateur, mais la perpétuité et l’extension de la grande famille des enfants de Dieu. Ni Jésus, ni saint Paul n’ont souligné la grandeur du mariage à ce point de vue. Un mot de i’Apôtre nous laisse toutefois entrevoir sa pensée : il rappelle aux femmes qu’elles doivent garder dans les assemblés religieuses une altitude modeste et recueillie et en particulier qu’elles ne doivent pas y prendre la parole, cl ayant Justifié sa loi en rappelant la faute de la première femme, il ajoute : · La femme sc sauvera toutefois par la ma­ ternité, à la condition de persévérer dans la foi, la charité, la sainteté, avec modestie, » 1 Tim., il, 15. Saint Paul n’avait donc qu’estime cl respect pour la fonction créatrice des époux chrétiens. Le mariage a eu ce grand but dans l’intention du Créateur. Dans l’esprit de ceux qui se marient, il peut y en avoir un autre, a satisfaction du cœur ou même des sens, but évidemment très inférieur au premier. Et pourtant, même pour ceux qui envisagent surtout dans le mariage ce côté inférieur, ni Jésus ni saint Paul ne les condamnent. Quand Jésus eut proclamé l’indissolubilité du mariage, les Apôtres expriment leur étonnement d’une pareille rigueur : mieux vaut alors ne pas se marier. Et Jésus de répondre en distinguant diverses classes d’hommes qui ne goûtent pas au plaisir des sens, iVeunuques selon le texte de l’Evangile. Les plus parfaits sont ceux qui y ont renoncé volontairement en vue du royaume des ci eux. Mais cela n’est pas donné à tout le monde, et pour opérer ce renoncement Il faut un don spécial. Matth., xix, 11. Dans la pensée du Christ, il est donc plus parfait de demeurer dans la virginité; mais la loi commune, normale, sauf pri­ vilège et appel particulier de la grâce, c’est le mariage. Même si l’on sc marie parce qu’on sc sent incapable de rester vierge, parce que l'on ne peut ni ne veut sc priver des satisfactions «pie permet le mariage, il n’y a aucune faute. Le même raisonnement s’impose à propos des textes où saint Paul compare les mérites respectifs du nier. ni ni roi., catiî. 20GG mariage et de la virginité ou du veuvage, I Cor., vu, H, 9 et 25-40; 1 îIni., v, 9-16. Tout en vantant les mérites et,la gloire que l'acquièrent les âmes assez généreuses pour appartenir à 1 )ieu seul, il donne avant tout un conseil de prudence : ne s’engager dans la voie plus parfaite qu’après avoir consulté scs forces. Dico autem non nuptis et viduis : Bonam est tills si sic permaneant sicut et ego; quod si non sc continent, nubant; melius est enim nubere quam uri. I Cor., vu, 8-9. 2· Symbolisme sacré du mariage chrétien. Le sacre­ ment. — L Le mariage, symbole. —Ce que nous venons de dire est vrai de tout mariage. Mais il y a une sainteté d'ordre plus élevé qui appartient au mariage chrétien; il est une représentation de l’union du Christ et de FÉglUc. Ce symbolisme a été exposé par saint Paul dans un texte d’une souveraine importance, Eph., v, 22-33 : • Que les femmes sc soumettent a leurs nutris comme au Christ. Le mari est le chef de la femme, comme le Christ lui-même est le chef de {'Église cl le Sauveur du corps. Or l’Églisc se tient dans la soumission au Christ; les femmes de même doivent sc soumettre en tout à leurs maris. — Vous, les hommes, aimez vos femmes, de même que le Christ a aimé l’Églisc et s’est livré pour elle, afin de la sanctifier en la purifiant par le bain d'eau que la parole accompagne. Il la voulait faire paraître devant lui, cette Église, glo­ rieuse et donc nette de toute souillure, ride et autres choses semblables; il voulait qu’elle fût sainte et irré­ prochable. Ainsi les hommes doivent-ils aimer leurs femmes comme leur propre corps. En aimant sa femme, c’est soi-même qu’on aime. Jamais personne n’a haT sa propre chair. On la nourrit au contraire et on l’entoure de soins, comme le Christ lui-même fait pour l’Églisc, pulsqu’aussi nous sommes les mem­ bres de son corps. Voilà pourquoi l'homme laisse père et mère pour s*attacher à sa femme et ne plus faire à eux deux qu’une seule chair. C’est là un grand mystère : je parle, moi, du Christ et de l’Église. Cependant chacun de vous aussi doit aimer sa femme comme soi-même; la femme, elle, doit h révérence à son mari.» L’idée de l’Églisc, corps mystique du Christ, est une de celles qui reviennent le plus volontiers sous In plume de saint Paul dans les épîtres de la captivité, cl de cette idée il tirc les plus magnifiques conclusions soit sur la prééminence du Christ, soit sur son rôle de sauveur et de sanctificateur, soit suries relations entre les chrétiens cl leur chef ou leurs rapports entre eux. Voir F. ITat, La théologie de saint Paul, l. i, p. 359370. L’Épitrc aux Éphêsicns sc termine par une série de conseils moraux qui semblent sc rattacher à l’idée générale par la seule règle de sainteté exprimée v, 1 : • Soyez donc les imitateurs de Dieu, comme des enfants bien-aimés. » Mais les conseils que donne I’Apôtre aux personnes mariées lui fournissent l’occasion d’y reve­ nir d’une manière plus explicite. Dans la société familiale comme dans toute autre il y a une hiérarchie. A la tête sc trouve le mari : à lui le rôle du chef qui dirige et protège. Mats parce que la famille est une union des âmes plus encore que des corps, c’est au chef qu’il appartient d’assurer le grand lien des âmes qui est l’amour. Le rôle de la femme esl plus modeste. Saint Paul ne parle pas de la ten­ dresse reconnaissante par laquelle elle répondra â l’amour et à la protection qu'elle reçoit; il lui rappelle seulement son devoir d’obéir. De semblables conseils ne seraient pas spéciaux aux mariages chrétiens. Mais I’Apôtre donne aux époux un idéal sublime qui, d'un coup, élève l’union entre fidèles infiniment au-dessus de toute autre union; ce n’est rien de moins que l’union entre le Christ et l’Églisc. Le mari, ce sera Jésus protégeant et sanctifiant son Église, IX. — 66 2067 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. SACBAMENTUM MAGNUM 1 aimant jusqu’à sc sacrifier afin qu'elle soit plus belle. El la femme, cc sera l’Église recevant du Christ la vie et la direction et lui obéissant en toutes choses. • Modèle sublime pour l’un et pour l’autre des époux chrétiensI L'Ancien Testament employait volontiers l’allégorie du mariage pour rendre sensible l’union intime, unique en son genre, qui existait entre Jého­ vah cl la race élue; saint Paul, lui, veut que l’union encore plus étroite du Christ avec son Église serve de règle et de mesure ù l'intimité du lien conjugal. » E. Prat. La théologie de saint Paul, t. n, p. 398, 399, Γ.ΙΓΗ, 1925. Lc but de saint Paul n’est pas directement d'affir­ mer le caractère symbolique du mariage; cc qu'il veut, c’est proposer aux époux un modèle A réaliser. 11 ne part pas du mariage comme d’une chose connue qui l’élève A la contemplation d'une chose inconnue dont le mariage serait le signe; il invite les époux â fixer les yeux sur une réalité supérieure qu’ils con­ naissent, bien qu’elle soit mystérieuse, pour la repro­ duire dans leur vie. Cc n’est pas une allégorie qu'il développe; c'est une exhortation morale à réaliser, un idéal surnaturel. Les Pères sc sont-ils donc trompés quand ils ont vu dans le texte de l'Êpîtrc aux Éphéslcns l'affirmation du caractère symbolique du ma­ riage? Nullement. Car la pensée de l'Apôtre y con­ duit. Du fait que l’union mystique du Christ avec l’Église est le modèle des mariages chrétiens, il ré­ sulte que ceux-ci doivent reproduire celle-là : et donc le mariage, compris et pratiqué comme il doit l’être par des fidèles, sera la représentation de l’union du Christ avec son Église. L’interprétation tradition­ nelle n'ajoute rien A la pensée de saint Paul : elle la complète; elle lui donne la conclusion A la­ quelle logiquement cette pensée même se termine. On ne peut nier en tout cas que, dans tout cc passage, l’Apôlre affirme la sainteté du mariage et nous en donne la plus haute idée qui soit possible. Loin de discréditer l’union conjugale, il l’ennoblit à l’infini en lui trouvant une ressemblance avec cette union sainte et sanctifiante du Christ avec l’Église. 2. Lc mariage, sacrement. - Le symbolisme sacré du mariage est à la base de la doctrine de l’Église qui place le mariage au nombre des sept sacrements insti­ tués par Notrc-Seigneur Jésus-Christ. De son insti­ tution, on ne trouve aucune trace dans l’Évangilc, aucune preuve convaincante dans les Épltres. Le concile de Trente a reconnu cette absence de preuves scripturaires quand, dans son court exposé de la doc­ trine du mariage, après avoir affirmé que le Christ en a rétabli l'unité et l’indissolubilité, il ajoute : Gratiam oero, g au naturalem illum amorem per/Iceret et indis­ solubilem unitatem confirmaret conjugesgue sancti­ ficaret, ipse Christus venerabilium sacramentorum insti­ tutor algue perfector sua nobis passione promeruit. Quod Paulus Apostolus innuit, dicens : « Viri, dili­ gite morgue subjungens : · Sacramentum hoc magnum est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. » Sess. XXIV, Doctrina de sacramento matrimonii DenzingerBnnnwart, n.969. Pour le concile les preuves de l’élé­ vation du mariage ù la dignité de sacrement sc trou­ vent donc ailleurs que dans l’Écriture : saint Paul n’a donne à ce sujet qu'une insinuation, innuit. Cette pénurie des preuves scripturaires déconcerte au premier abord, surtout quand on songe aux rensei­ gnements précis et abondants qui existent sur d’autres x icremcnts. Elle ne saurait étonner quiconque con­ naît le caractère fragmentaire des Évangiles, ou se souvient que les Épltres sont des écrits d’occasion et non un exposé complet du dogme chrétien, quiconque surtout sait le rôle de la Tradition comme source de la révélation. Par la Tradition, l’Église vivante conserve des vérités directement enseignées par Jésus ou les 2068 apôtres, développe ce qui n'était qu’implicite dans 1'Écrlture, explique et complète ce qui y était obscur ou incomplet, accroche, aux pierres d’attente que lui offre l’Écriture, un édifice doctrinal où sc retrouve intégralement l’enseignement divin : Jésus continue ù vivre dans son Église cl l'assiste de son Esprit pour que, dans cc travail d’élaboration, elle demeure l’in­ terprète fidèle et infaillible de sa pensée. Cette con­ ception du rôle doctrinal de l’Église et de la valeur de la Tradition comme source de révélation au même litre que l’Écriture immobile est une des choses qui distinguent le catholique du protestant. A cette raison générale s’en ajoute une autre, spé­ ciale au sacrement de mariage. Ce sacrement a, en effet, ceci de particulier qu’extérieurcment il n'est autre chose que ce qui a été accompli de tout temps, sans qu'aucun rite spécial au christianisme vienne le modifier. Les autres sacrements, au contraire, étaient nouveaux de tous points; Joui réception était une marque extérieure caractérisant la vie chrétienne; et parce qu'ils étaient une nouveauté, il fallait que Jésus et les Apôtres les fissent connaître avec plus ou moins de détails. Pour le mariage, ce qui importait à la vie des fidèles, c'était l'obligation de sainteté qui s’imposait à eux, et c'étaient aussi les lois d’unité et d’indissolubilité que Jésus-Christ avait rétablies; en face de ces devoirs nouveaux et spéciaux au ma­ riage chrétien, ils savaient que les grâces de Dieu ne leur manqueraient pas. Mais que ces grâces leur soient données par l’intermédiaire d'un sacrement qui les produisit ex opere operato, c'était une doctrine qui avait peu d'importance pratique, qu'ils auraient com­ prise difficilement, sur laquelle par conséquent il n'est pas étonnant que ni Jésus ni saint Paul n’aient attiré spécialement leur attention. Est-ce à dire que l’Écriture ne nous donne aucune indication sur cette doctrine? Nullement. Elle ne la formule pas ex professo; elle ne contient aucun texte duquel nous puissions conclure avec certitude que Jésus ait institué le sacrement de mariage ou que Paul l'ait connu; mais nous y trouverons des indica­ tions, et comme des pierres d’attente; et en constatant leur présence, nous pourrons légitimement conclure que l’Église, en enseignant cette doctrine, non seule­ ment ne dit rien qui contredise l'enseignement du Christ, mais au contraire l'achève en pleine confor­ mité avec les données incomplètement transmises par l’Ecriture. Ces pierres d’attente, cc sont d’abord les textes ou Jésus et saint Paul imposent aux époux chrétiens des obligations pénibles que d'autres n’ont pu supporter. Lorsque Jésus veut rendre au mariage son unité et son indissolubilité, il place le mariage chrétien ù une hauteur où n’ont atteint ni les païens ni les juifs; et il en résulte des devoirs qui paraissent au-dessus des forces humaines. La preuve en est que les apôtres concluent ; mieux vaut ne pas sc marier. Matth., xix, 10. Il faudra donc aux époux des grâces spéciales pour porter un joug humainement intolérable. Et sans doute Jésus ne dit pas que ccs grâces seront données par un sacrement; mais puisqu’elles seront nécessaires dans tout mariage, et non seulement en des cas excep­ tionnels, puisqu’il s'agit non d’un état de choix réservé à certaines âmes, mais d’un état qui est la condition commune et normale des Ames sans voca­ tion spéciale, on n’est pas étonné d'entendre l’Église nous apprendre que Jésus a attaché ccs grâces au mariage lui-même dont il a fait un sacrement. Mais c’est surtout le texte que nous avons cité de l’ÉpItre aux Éphésiens, v, 22, 33, qui forme la plus évidente des pierres d’attente auxquelles l’Église accrochera le dogme du sacrement de mariage. Lc concile de Trente ne cite que ce texte comme indication 2'>('»9 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. SACHAMESTl .W MAG.XTM 2070 scripturaire. Quelle en est la valeur démonstrative? ments fût complètement édifiée, pr. 51. BenzingerExactement celle que le concile a exprimée par le mot B an n wart, n. 2051; dès que l’Église avait conscience innuit, une Indication, une insinuation; celle que nous de la valeur sanctificatrice du mariage, elle le mettait avons indiquée par cette autre formule qui a le mémo par là au rang des sacrements, avant même que la notion de sacrement fût précisée ou que fût fixé le sens : une pierre d'attente. Deux choses peuvent être considérées danser texte : nombre des sacrements institués par Jésus-Christ. d’une part, le symbolisme sacré que saint Paul voit Ainsi, pour reprendre les diverses formules dont nous dans le mariage, et d'autre part le mot sacramentum nous sommes servis» l’Église répondait à l’invitation hoc. implicite que lui adressait le texte de saint Paul; a) Le symbolisme du mariage. — L'argument que en achevant la pensée de l’Apôtre, elle attachait à la l’on en peut tirer a clé singulièrement exagéré par pierre d’attente posée par lui la construction doctrinale certains théologiens qui, voulant être plus sages que que cette pensée amorçait; elle remplaçait par une l’Église, ont prétendu y trouver une vraie preuve et conception nette et complète l'indication (innuit) non pas seulement une insinuation, ou plutôt argu­ que lui fournissait l’Épître aux Éphésiens. mentent comme s'il s’agissait d'aboutir à une preuve. b) Ix mot sacramentum. — Tout le développement Il ne faut pas oublier que, si saint Paul voit dans le de saint Paul sur la comparaison entre le mariage mariage un signe d’une chose sacrée, cc n’est pas au chrétien et l’union du Christ avec son Église se sens où un sacrement est signe. Il est essentiel au sa­ termine par celte phrase : τό μυστήριον τούτο μέγα crement de signifier la grâce produite; tandis qu'à έστίν, ίγω δέ λέγω εις Χριστόν καί είς τήν έκζλησίαν, ne voir que le texte de Paul, le mariage signifie l’u­ que la Vulgate a traduite : Sacramentum hoc magnum nion du Christ avec l’Église, union qu'il ne produit est, ego autem dico in Christo et in Ecclesia. Eph., v, 32. pas; il signifie une chose et en produit une autre. Pour les rédacteurs de la Doctrina de sacramento Saint Thomas a fait expressément celle remarque : matrimonii au concile de Trente, il semble bien que ce l'nio Christi ad Ecclesiam non est rc contenta tn hoc passage et en particulier le mol sacramentum étaient sacramento, sed res significata et non contenta; et talem la principale indication qu'ils trouvaient dnns saint rem nullum sacramentum efficit. Sed habet aliam con­ Paul. Avant la rédaction definitivement adoptée, tentam ac significatam quam efficit. In /V“ra Serit., en effet, une nuire avait été proposée, le 5 septem­ dist. XXVI, q. n, a. 1, ad lnm. On a pensé rétablir bre 1563, moins complète sur d’autres points, plus la valeur démonstrative de la preuve en disant que le détaillée sur la valeur de cc texte. Elle s’exprimait mariage, symbolisant l’union du Christ et de l’Église, ainsi : Sanctitatem vero huic (matrimonio) lege euangelica symbolise par là même la grâce» puisque c’est par la uberius infusam, naturalis illius caritatis perfec­ grâce que Jésus sanctifie l’Église; c'est la grâce, cette tricem. docuit in hnc verba Paulus : Viri, diligite vie divine qui. de la tête qui est le Christ, se répand uxores vestras, sicut et Christus di texit Ecclesiam; et dans tout le corps mystique qui est l’Église. C'est mox subdidit : Sacramentum hoc magnum est, ego très vrai; mais pour peu que l’on pousse le symbole, autem dico : in Christo et Ecclesia, id se. innuens, et qu'on essaie de le réaliser, on arrivera à cette quod mutua viri et mulieris conjunctio non solum Christi conclusion inattendue, quo c’est le mari qui sanctifie ct Ecclesiir conjunctionem reprwsentet, sed et non otio­ la femme comme le Christ sanctifie l’Église: que le sam Christi ipsos conjuges jungentis referat gratiam, mariage n’est pas source de grâce pour le mari, mais pnesentemque (estetur et sufficiat. Theincr, Acta pour la femme seulement, pas plus que l’union avec concilii Tridentini, t. n, p. 387; Concilium Tridenti· l’Église n’est source de sainteté pour le Christ. num, Erlbourg-en-lL, 192L t. ix» p. 761. Cette for­ Ce n'est pas que nous refusions toute valeur au mule n'a pas été conservée telle quelle; mais, dans les texte; mais encore une fois cc n’est qu’une valeur d’in­ discussions, elle n’a été l’objet d’aucune critique, et dication. Lc 1». Prat, après avoir étudié le texte et on peut donc y trouver la pensée des Pères et des passé à la critique les thèses exagérées de certains théologiens du concile. Or. à In lire attentivement, théologiens, conclut ainsi : Quand on sait d’avance elle montre dans le texte : Vin, diligite, etc., l'affir­ que le mariage est un sacrement, on peut bien trouver mation du caractère symbolique du mariage; cl c’est dans cc texte une allusion plus ou moins claire au dans les mots sacramentum hoc, etc., qu'elle voit rite sacramentel: autrement, on ne s’aviserait peut- l’indication de sa dignité sacramentelle, de sa valeur être pas de l’y chercher. Op. cit,, t. n, p. 330. On sanctificatrice. ne saurait mieux dire. En réalité, il n’y a aucune preuve ou même aucune En définitive, sans forcer ni le sens ni la valeur du indication nouvelle à tirer du mol sacramentum. Il texte de saint Paul, il nous semble qu’il contient une traduit simplement le grec μυστήριον, et n’a pas du indication cl une invitation. Une indication : le tout la signification de rite symbolisant et produisant mariage n'est plus seulement un état qui impose des la grâce. Le μυστήριον dont parle saint Paul dans devoirs difficiles en certains cas et qui exige des grâces ses épltres de la captivité, c’est le dessein conçu spéciales; ces devoirs reçoivent par le fait seul de leur par Dieu dès l’éternité. mais révélé seulement dans assimilation aux rapports entre le Christ et l’Église, l’Évangilc, de sauver tous les hommes sans distinc­ non pas une difficulté de plus, mais une élévation tion de race, en les identifiant avec son Eils blen-aimé qui les place vn plein surnaturel; c’est un nouveau dans l'unité du corps mystique. Prat. La théologie de titre pour qu'au mariage soit attachée la grâce de Dieu. saint Paul, t. i, p. 369. Ce grand mystère, Paul en I ne invitation aussi, qui s'adresse â l’Église cl l’ex­ indique les principales phases dans un passage où il cite à compléter la pensée exprimée par saint Paul l’appelle, comme dans le présent texte, μυστήριον par la doctrine du mariage-sacrement, à voir dans le μέγα. et où la Vulgate emploie comme ici l’expres­ mariage sanctifié pur le Christ, non plus seulement sion sacramentum magnum : < Sans contredit, il est un symbole représentatif d’une chose sainte et sanc­ grand, le mystère de la piété, cc mystère qui a été tifiante, mais un symbole et une source de la grâce. manifesté dans la chair. Justifié dans l'Esprit, révélé De fait, c’est surtout en partant de l’idée de symbole aux anges, prêché parmi les nations, cru dans le de l’union du Christ cl de son Église que les Pères monde, exalté dans la gloire. » I Tini.,in, 16. Le mys­ aboutirent à l’idée de sacrement. El la transition se tère dont l’Apôtre parle à propos du mariage est fit assez rapidement. Il n’était pas nécessaire, comme quelque chose d’approchant. Saint Paul voit dans les le prétend une proposition condamnée par le décret devoirs réciproques des époux une ressemblance avec Lamentabili, que la théologie de la grâce et des sacre­ les relations du Christ et de l’Église qui, unis par un 2071 MARIAGE DANS L’ÉCRITURE. MARIAGE ET VIRGINITÉ vrai mariage mystique, ne forment plus qu'un seul corps. · Ce mystère, ajoute-t-il, est grand; mais moi je dis : par rapport au Christ ct â l’Eglisc. » Le mys­ tère, cc ne peut être le mariage dc l’homme et dc la femme : rien de mystérieux dans cette union. Cc qui est mystérieux, c’est le lien mystique qui unit l’Églisc à son Époux divin; c’est le plan par lequel Dieu veut sauver les hommes dans cc mariage invisible; c’est aussi le symbolisme profond qui permet dc voir, dans l’union dc l’homme ct C’est d’ailleurs ainsi que toute l’antiquité chrétienne a entendu ce texte, même Origène qui cependant, selon le récit d’Eusèbe, IL E., VI, vin, P. G., t. XX. col. 535, l’avait pratiqué â In lettre, puisqu’il s’était mutilé pour ne pas laisser prise au soupçon d’inconduite. Non seulement Ori· gène condamne comme un crime un tel attentat contre soi-même, Comm. sur saint Matthieu, torn. xv. n. 3, P. G., t. xm, col. 1258; il interprète même au sens moral les deux premières espèces d’eunuques : les premiers sont ceux qui par nature ne sont pas portés aux plaisirs de la chair; les deuxièmes sont ceux qui y renoncent par suite d’exhortations pure­ ment humaines ou de doctrines hérétiques condam­ nant le mariage ; les troisièmes, ceux (pii font pro­ fession de virginité pour le royaume des deux. Ccs derniers seuls sont les vrais vertueux, d’après Ori· gène. Ibid., n. -1, P. G., t. xm, col. 1203, 1261. Per­ sonne d’ailleurs ne songe sérieusement â interpréter autrement qu’au sens moral le conseil donné par le Christ. C’est donc la continence dans la virginité qu’il envisage comme un idéal dc perfection. Mais il s'agit d’une continence voulue pour P royaume des deux. Le célibat égoïste ou hypocrite pas plus que le célibat forcé ne sont un idéal moral. Celui que prône Jésus et que l’Églisc a réalisé comme institution, c’est le célibat librement choisi, dans un but religieux, personnel, apostolique ou charitable. Garder la virginité pour arriver plus facilement ou plus sûrement au royaume, la garder pour sc consacrer plus entièrement et sans partage à l'extension du royaume ou aux œuvres de charité, tels sont les buts que Jésus propose, les seuls qui placent la vir­ ginité et le célibat au-dessus du mariage. Ainsi entendue, en elfel, la virginité est présentée comme un idéal réservé aux âmes qui en ont reçu de Dieu le don et ont entendu l’appel spécial. Tous ne peuvent y prétendre, et le mariage reste le sort commun. Il faudra donc s’éprouver, consulter scs forces et ses attraits avant de s'engager dans ccttc voie privilégiée, mais pénible pour la nature. Impru­ dent et présomptueux serait quiconque prétendrait y entrer sans avoir été appelé dc Dieu et sans compter sur les grâces dc choix dont la vocation spéciale est la promesse : la déchéance serait d’autant plus lourde qu'on aurait voulu s’élever plus haut. Le conseil dc prudence par lequel Jésus conclut, souligne davan­ tage encore la beauté et la noblesse surhumaines dc la vie chaste. Saint Jérôme en donne ce magnifique commentaire : Unusquisque consideret vires suas, utrum possit virginalia et pudicitiœ implere prœccpta. Per se enim castitas blanda est et quemlibet ad se alliciens. Sed consideranda· sunt vires ut qui potest capere capiat. Quasi hortantis vox Domini est ct milites suos ad pudi­ citia: priemium concitantis. Qui potest capere, capiat; qui potest pugnare, pugnet, superet ac triumphet. In Maith., I. Ill, in h. 1., P. L., t. xxvi, coi. 136. Ccs paroles doucement encourageantes, pourrepren· dre l'expression dc saint Jérôme, ont été entendues. De l’idéal proposé, le divin Maître a donné le premier l’exemple, lui qui, pour se consacrer tout entier à sa mission de docteur et de sauveur, a renoncé â tout ce qui aurait pu rétrécir son cœur ou encombrer sa vie Aux apôtres qu'il a appelés â sa suite et dont il vou­ lait faire les continuateurs de son œuvre, il a fait entendre la même vocation de renoncement cl de déta­ chement: eux aussi devaient sc donner entièrement, sans qu’aucune affection familiale les gênât dans 2073 MARIAGE DANS I.’ÉCHITI KE. MABIAGE ET VIBGIN1TÉ l’accomplissement dc leur mission. Λ Jésus cl aux Douze s’appliquent d'abord les éloges décernés à ceux qui setpios castraverunt propter regnum cattorum; mais leur exemple autant que les invitations du Maître allaient être l’aimant auquel sc laisserait prendre l'innombrable phalange des âmes vierges par amour de Dieu ou par amour du prochain. 2. //enseignement de saint Paul. - 11 est identique à celui dc Jésus. L'Apôtre lui donne seulement des développements plus complets, une plus grande pré­ cision ct une allure plus pratique; ce qui sc com­ prend, puisqu'il lui laut s’occuper de l'organisation des Églises. Dans la deuxième partie de la 1" aux Corinthiens, il répond, comme il le dit lui-même, vn, 1, â diverses questions (pic lui ont posées les fidèles; ct la première (le ces questions concerne précisément les avantages respectifs du mariage ct du célibat. En exposant sa pensée â cc sujet, saint Paul ajoute ù l’enseignement dc Jésus une application nouvelle ct intéressante : Il y a des âmes qui sc sont trouvées engagées dans les liens du mariage cl ont recouvré leur liberté par la mort de leur époux ou épouse; ΓApôtre ne les dis­ tingue pas des âmes qui n’ont jamais perdu leur liberté. La question est, en effet, la même dans les deux cas : est-il préférable dc sc marier ou dc demeurer dans le célibat? cl pour les personnes mariées d’abord, puis redevenues libres, est-il meilleur de se remarier ou dc rester dans le veuvage? C’est pourquoi saint Paul étend aux veuves les conseils qu'il donne aux non-mariés, I Cor., vu, 8; il reprendra scs conseils relatifs aux veuves, inspires des mêmes principes dans la P· Épltrc à Timothée, v, 9-16. Il est à peine besoin de faire remarquer que, dans ccs deux passages, l’enseignement de saint Paul, tout en ne s’adressant expressément qu’aux veuves, ταΐς χήραις, pour lesquelles sans doute les conseils dc prudence s’imposaient davantage et qui formèrent de lionne heure une Institution dans l’Eglisc, s'appli­ que aussi bien aux veufs. Les mêmes principes sont vrais pour les uns et pour les autres. De même donc que, lorsqu’il parle de la virginité, c'est aux jeunes hommes comme aux jeunes Hiles qu’il s’adresse, I Cor., vu, 8 (τοΐς άγάμοις), 26-28, 29. 32, 33. de même scs conseils et ses directions s’étendent â tous ceux qui ont recouvré leur liberté apres le mariage, hommes nu femmes. Aux uns comme aux autres, l’Apôtre fait briller In beauté ct la splendeur dc la continence; il In leur montre désirable ct la propose comme idéal â tous ceux qui en sont capables. Pour exhorter les fidèles n s’élever â cette hauteur, il multiplie les arguments. Il fait appel à l’exemple qu’il donne lui-même : · Je souhaiterais que tout le monde fût comme moi. » ibid., vn, 7; ■ il vous est bon dc demeurer dans ma situation. · 8. Il invoque la brièveté du temps cl l’approche du Jour du Seigneur, pour y trouver une leçon dc détachement des biens ct des plaisirs dc In terre : · (.'c que je veux dire, frères, c’est que le temps est court. Alors ceux qui sont maries doivent vivre comme s’ils ne Pétaient pas... Car elle passe, la figure de cc monde. ■ 29-31. Mais surtout il montre les avan­ tages de la continence ct du célibat pour la vie reli­ gieuse et le service dc Dieu. Déjà aux personnes mariées, il avait recommandé lu continence passagère dans un but religieux : Ne vous refusez pas l’un â l’autre, sauf tout au plus d’un com­ mun accord, pour un temps et en vue de vous livrer l\ la prière. · 5. Bien qui sente dans cc conseil l’égoïsme où la crainte d’une famille nombreuse : de semblables préoccupations ne pouvaient effleurer l’âme dc l’Apôtre. Dc même, quand il recommande le célibat, il s’élève bien au-dessus des visées utilitaires ou égoïs­ 2074 tes qui ne sauraient entrer en ligne de compte pour des chrétiens; cc n’est pas pour fuir les embarras dc la vie dc famille ou pour sc procurer une existence tranquille cl exempte de soucis qu'il engage les fidèles a regarder plus haut que le mariage; · quiconque se Datte dc connaître (saint Paul) ne se persuadera jamais qu’il obéisse a des préoccupations si terrestres, a des sentiments si vils. » Prat, La théologie de taint Paul, 1.1, p. 131. Ce qu'il voudrait, c'est conduire les Ames à un étal où elles puissent sans partage sc donner au service du Seigneur. Il le dit aussi nettement que possible : · Celui qui n’est pas marié se préoccupe dc cc qui regarde le Seigneur. 11 recherche de quelle manière il pourra plaire au Seigneur. Celui qui est marié a le souci des choses du monde. Il s'inquiète dc plaire à sa femme. C'est dire qu'il est divisé. Dc même pour la femme qui n’est point mariée et la vierge. Elles sont occupées de cc qui peut plaire au Seigneur pour être saintes de corps et d'esprit... Je ne veux nullement Jeter le filet sur vous. Je n’ai en vue que dc promouvoir ce qui est bien et propre â vous attacher au Seigneur, sans qu'il y ail rien qui vous en vienne détourner. * 32-35. Le célibat vraiment méritoire, c'est donc celui auquel on sc consacre pour mieux servir Dieu, cl nous pouvons ajouter : pour mieux sc dévouer au prochain. C’est en effet aux œuvres dc dévouement que saint Paul demande aux veuves dc s’adonner; la condition pour que l’Égllse accepte une femme au rang des veuves, c’est qu'elle ait « exercé l’hospitalité, lavé les pieds des saints, secouru les malheureux, accompli tout l'ensemble des bonnes œuvres. » I Tim., v, 10. Ainsi compris, le célibat est nettement supérieur au mariage en lui-même. Saint Paul, dont nous venons de voir les raisons, l'affirme sans hésiter et à plus d’une reprise. · Il est avantageux pour l’homme de ne pas toucher dc femme. » I Cor., vu. 2. « Je dis aux non-mariés et aux veuves : il est bon de demeurer dans ma situation. » 8. « Celui qui marie sa fille fait bien; celui qui ne la marie pas fait mieux. » 38. • (La femme veuve) est plus heureuse si elle demeure comme elle est. Or je crois avoir, moi aussi, l’esprit de Dieu. · 40. Est-ce donc que saint Paul condamne le mariage? Loin de là. Vers la fin de sa carrière. Il rencontrera de ccs hommes qui « interdisent le mariage ». Il les traitera d’ « esprits séducteurs », d’ · hvpocriles imposteurs ». I Tlm., iv. 1-3. .Mais dès maintenant, même quand il donne les plus grands éloges â la virginité, même quand il y pousse ardemment les âmes capables de s’élever jusqu’à ccttc hauteur, sa pensée reste judicieuse et pratique, très éloignée des rêveries d’un ascétisme exagéré ct des erreurs où tomberont plus tard les encrât îles des diverses écoles. Il ne condamne pas le mariage; il a pour lui la plus haute estime; il le dit toujours permis, toujours saint, quelquefois obligatoire ; mais au-dessus du mariage il place la virginité, l'étal dc ceux qui, par souci dc perfection plus grande cl pour obéir à un appel dc choix, renoncent au mariage. Cela ressort ct dc scs affirmations formelles, ct des règles dc prudence qui doivent présider à la décision par laquelle une âme s’enrôlera définitivement parmi les vierges. a) Les affirmations /ormelies.- Saint Paul avoue qu’il n’y a sur ce point aucun précepte du Seigneur; c’est un simple conseil de perfection qu'il donne en recom­ mandant la virginité, l Cor., vn, 25. 11 dit ct répète que, pour tous, le mariage est licite : · Si tu te maries, tu ne commets aucun péché. Dc même la vierge qui sc marie ne commet aucun péché. · 28. « Si quelqu’un estime... qu’il est dc son devoir de marier sa fille, qu’il fasse cc qu’il veut ; il n’y a point dc péché. » 36. 2075 MARIAGE DANS I.’ÉCR ITERE. « Celui qui marie sa fille fait bien. » 38. Il n’y a qu'un cas où le mariage est interdit, c’est lorsqu’on s’est engagé à ne pas sc marier; la veuve, qui a pris rang parmi les personnes consacrées à Dieu, n’a plus le droit de contracter mariage, sinon « elle s’attire le reproche d’avoir répudié la foi donnée. » I Tim., v. 12. b) Hègtes de prudence qui s’imposent. — C’est pourquoi la plus grande prudence s’impose avant de s’engager définitivement dans un état pénible à la nature. Le lot commun, c’est que < chaque homme ait sa femme et chaque femme son mari *. I Cor., vn. 2. Et on ne peut prétendre à sortir de la règle commune sans une grâce spéciale de Dieu : • chacun a reçu de Dieu son don particulier, l’un d’une manière, l’autre d’une autre. * 7. On ne s’engagera donc dans le célibat qu’apres mûre réflexion, après avoir examine l’appel de Dieu el consulté scs forces; et si on ne se sent pas assuré de persévérer dans la continence. « qu’on sc marie; mieux vaut se marier que de sc consumer |de convoitise]. » 9. De tels conseils où la prudence s’allie aux appels ardents vers le renoncement et la chasteté, où l’idéal propose â certaines âmes est déclaré impraticable au grand nombre, donnent la plus haute idée de l’esprit de mesure qui caractérise la spiritualité de saint Paul. En tout cas, c’est n’avoir rien compris Λ sa pensée que de vouloir faire du grand apôtre un des adversaires du mariage. Si, comme oa I · verra, les cncratites pré­ tendirent s’appuyer sur son enseignement pour condamner le mariage comme un péché, c’est pour n’avoir retenu qu’une partie de scs paroles et avoir volontairement fermé les yeux sur les correctifs formels qu’il y apporte. < Les textes de saint Paul sont fort clairs. Sa distinction expressive entre le καλόν el le κρείττον, I Cor., vn, 8, 9, fut comprise de la plupart des interprètes et n’échappa qu’ù ceux qui. comme Tertulllen, s’attardaient â des préjugés rigoristes. > Moulard, Saint Jean Chrysostome. le défen­ seur du mariage et l’apôtre de la virginité. Paris. 1923, p. 138. note 91. Et AL Moulard cite, de saint Jean Chrysostome, celui des Pères qui a sans doute le plus aimé et le mieux compris saint Paul, le passage suivant qui résume admirablement la doctrine de I Apôtre : « (Paul) n’interdit point le mariage, de peur de surcharger les faibles; il n’en fait point non plus une obligation, afin de ne point priver de leurs futures couronnes ceux qui préfèrent garder leur virginité; mais d’un côté il établit que le mariage est une bonne chose, et de l’autre il fait voir que la virginité est préférable. be libello repudii, π, 4, /< G., t. Li, col. 223. IV. DROITS ET DEVOIRS RÉCIPROQUES DES EPOUX. — Il n’est pas sans intérêt, à la lin de cette élude, de déterminer, d’après les épllres de saint Paul, la situa­ tion réciproque où le mariage place l’homme cl la femme, et les devoirs qu’il impose à l’un et à l’autre. On jugera par là de l’immense progrès que la religion chrétienne a fait faire à la famille, en libérant la femme de la condition humiliée et dépendante où la tenaient souvent les civilisations païennes; on se convaincra de l'absolue vérité de l’aflirmation d'un commentateur de saint Paul : « Le chef-d'œuvre moral du christianisme est d’avoir sanctifié le ma­ riage. Prat. La théologie de suint Paul, t. n. p. 401. On peut résumer la pensée de saint Paul sur ce point en deux mots : égalité des droits, hiérarchie des rôles. 1· Egalité des droits. — La femme n’est plus la chose de l’homme, son esclave, mais sa compagne : elle lui est égale dans tous les droits essentiels, il a envers elle les mêmes devoirs qu’elle a envers lui, et cela en vertu de la donation irrévocable qui les unit l’un a l’autre. Chacun d’eux ne s’appartient plus | DROITS ET DEVOIRS 2076 i â lui-même, il appartient à celui à qui il s’est donné. Ce principe est afllrmé par l’Apôtrc à propos des rapports conjugaux. Les deux epoux ont les mêmes droits d’en user ou de les demander, les mêmes devoirs de ne pas les refuser, à tel point que l’un d'entre eux ne peut même alléguer un motif religieux pour s’en dis­ penser. sans le consentement de son conjoint. A ce point de vue déjà, la plus parfaite égaillé règne entre les époux. < Le mari doit rendre à sa femme ce qu’il lui doit; la femme de même à son mari. La femme n’est pas la maîtresse de son corps : il est à son mari. Le mari, pas davantage, n'est le maître de son corps : il appartient à sa femme. Ne vous refusez donc pas l’un à l’autre, sauf tout au plus d’un commun accord, pour un temps el en vue de vous livrer à la prière. I Cor., vn, 3-5. A plus forte raison la femme est-elle l’égale de l’homme pour tout ce qui touche à l’unité et à l’in­ dissolubilité du mariage. L’homme sc contentera de sa femme, comme la femme de son mari, puisque ni l’un ni l’autre ne s’appartiennent plus, mais sc sont donnés; et c'est la loi de la fidélité mutuelle qui s’im­ pose â tous deux. Et pareillement, la donation étant irrévocable de part et d’autre, ils perdent tous deux le droit de se reprendre, et le mari n’a pas plus le droit de répudier sa femme que celle-ci ne peut rompre le lien qui l’unit à son mari ; · Quant aux gens mariés, voici ce que je leur commande ou plutôt ce que Je Seigneur lui-même leur commande. La femme ne doit pas se séparer de son mari. Si cependant elle s'en trouve séparée, qu elle vive dans le célibat ou bien qu’elle se réconcilie avec son mari. Le mari non plus ne doit pas répudier sa femme. » I Cor., vu, 10, IL Bien plus, l’égalité est telle que, quand saint Paul fait à la loi de l’indissolubilité cette unique exception que l'on appelle le privilège paulin, il la fait en faveur de l’époux chrétien sans distinction, que ce soit l’homme ou la femme. Ibid.. 12, 16. 2· Hiérarchie des rôles. - Toutefois égalité ne veut pas dire anarchie: la famille est une société où chacun a son rôle et sa place. La place de l’homme est la première et son rôle celui de chef; la femme doit lui être subordonnée comme le corps obéit â la direction de la tête, comme ('Église obéit aux impulsions du Christ. Eph., v, 22-33. Saint Paul justifie par des arguments scripturaires celte place qu'il assigne à la femme. C’est d’abord l’histoire de la création de la femme qui la montre inférieure à l’homme puisqu’elle est faite de lui el pour lui : L’homme... est l’image cl la gloire de Dieu; la femme, c’est de l’homme qu’elle est la gloire. L’homme, en eflct. n’a pas clé tiré de la femme, mais la femme de l’homme. Ce n’est pas l’homme qui a été créé pour la femme, mais bien la femme pour l’homme. » I Cor., xt, 7-9. Et c’est aussi l’histoire de la chute de nos premiers parents : la femme s’étant laissé séduire cl avant entraîné l’homme dans sa faute expie sa faiblesse par la subordination qu’elle doit accepter. I Jim., n. 13. 11. De celte inégalité dans la famille naissent des devoirs nouveaux, di fièrent s pour l’homme et pour la femme. L’homme, en tant que chef, dirige cl commande; mais ses ordres seront tempérés par l'amour et le respect. L'amour, c'est le grand devoir du mari envers sa femme: et il était d’autant phis nécessaire de le lui rappeler que, avant le christia­ nisme, l’homme était trop uniquement le maître C’est pourquoi dans le beau passage de l'ÉpIlrc aux Éphésiens que nous avons commenté, v. 22. 23, saint Paul revient avec tant d’insistance sur ce devoir ; • Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé son Église... Ainsi les hommes doivent aimer leurs femmes comme leur propre corps. En aimant sa 2077 MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR femme, c’est soi-même que l’on aime. Jamais per­ sonne n’a haï sa propre chair.. Cf. Col., ni, 19. La femme, de son côté, doit à son mari n sped d soumission. Eph., v, 22-24, 33; Col., m, 18. Un passage de la l·· Épltrc de saint Pierre montre comment les femmes chrétiennes savaient dans celte subordination garder une belle dignité d même y trouver un puissant moyen de gagner l’âme de leur mari. Bien ne saurait nous donner une Image plus saisissante de ce que doit être un foyer chrétien où la femme apporte sa grâce el ses vertus, son obéissance et sa puissance de persuasion pour le bien, où le mari n’use de son pouvoir que pour protéger, aimer cl respecter sa compagne : · Voua, femmes, soyez sou­ mises à vos maris, a tin que, s’il en est qui n’obéissent pas à la prédication, ils soient gagnes, sans la prédi­ cation, par la conduite de leurs femmes, rien qu’en voyant votre vie chaste cl pleine de respect. Que votre parure ne soit pas celle du dehors, les cheveux tressés avec art. les ornements d’or et l’ajustement des habits; mais parez, l’homme caché du cœur par la pureté incorruptible d’un esprit doux et paisible: telle est la vraie richesse devant Dieu. C’est ainsi qu’aulrefois sc paraient les saintes femmes qui espé­ raient en Dieu, étant soumises â leurs maris... Vous de votre côté, maris, conduisez-vous avec sagesse à l’égard de vos femmes, comme avec des êtres plus faibles, les traitant avec honneur, puisqu’elles sont avec vous héritières de la grâce qui donne la vie. · I Petr.» m, 1-7. L. Godefroy. II. — LE MARIAGE AU TEMPS DES PÈRES — Il convient de distinguer : L La période qui va jusqu’à saint Augustin. IL Celle qui va de saint Augustin à la renaissance carolingienne (coÎ,2ïï5), L Jusqu’à saint Augustin. — Les questions mo­ rales sur le mariage sont d’ordre tellement pratique que les Pères ont dû nécessairement y revenir avec insis­ tance. A propos de son unité et de son indissolubilité, des devoirs réciproques des époux, de la chasteté qu’ils ont â garder même dans les relations conjugales, de la vie religieuse qu’ils doivent mener pour obtenir les grâces de Dieu, etc., les fidèles avaient besoin d’être fréquemment instruits et exhortés. Mais à côté de ces idées où, en somme, les Pères n’ont rien dit de plus (pic Jésus et les apôtres, il y a trois sujets sur lesquels leur doctrine semble mériter une étude plus attentive : 1. la valeur monde du mariage comparé à la virginité, ou des secondes noces comparées au veuvage, une des questions qui ont le plus préoccupé les esprits aux premiers siècles; 2. la doctrine sacramentaire du mariage qui marque un progrès sensible sur les indications scripturaires; 3. les premiers élé­ ments de la législation ecclésiastique qui aboutiront â l'affirmation du pouvoir de l’Eglisc en matière matrimoniale. Nous arrêtons à saint Augustin la première partie de noire enquête parce que, sur bien des points. Il donne la solution la plus exacte el la plus complète, en attendant les nouveaux progrès que la théologie scolastique rendra possibles. /. Ij/.ATT? J/ΟΛ.ΙΛΛ hU .\tAi:lACL, MAMACK K T νικαι.χιτκ. secoxîmhs ai ieui ace. - Avant toutes les autres, cette question s’est imposée â l'attention des Pères et elle est demeurée à l’ordre, du jour jusqu'à saint Augustin. Les solutions ont été diverses : c’est un des côtés du grand problème moral qui sépare les esprits scion leurs tendances à la sévérité ou â l’indulgence. Mais à travers les réponses extrêmes, l’Eglisc a toujours gardé le juste milieu. II est nécessaire de le prouver avec quelque détail afin de just Hier les Pères du reproche de rigorisme MORALE 2078 exagéré; car trop nombreux sont ceux qui, par une généralisation hâtive, les représentent sans nuances comme les ennemis du mariage ou, au moins, des secondes noces. L’Evangile et les épllres de saint Paul avaient fait entrevoir, au-dessus de la condition commune, une voie plus parfaite, offerte aux âmes d’élite capables de la suivre, voie de renoncement aux divers biens terrestres que l’homme souhaite normalement. Parmi ces biens, les joies de la vie de famille, le plaisir des sens tiennent le premier rang, et c’est pourquoi le renoncement chrétien s’offre d’ordinaire sous la forme de la continence, du célibat, de la virginité. Les invi­ tations chrétiennes à la vie parfaite devaient d’autant plus tenter les âme» nobles qu’elles contrastaient plus violemment avec la vie ou loi aspirations du paga­ nisme. Mais, d’autre part, pour que l’idéal évangélique ne fût pas effacé par la contagion païenne chez 1rs fidèles encore insuffisamment Imprégnés de christia­ nisme cl vivant au milieu des païens.ll était nécessaire que les pasteurs de l’Églisc le présentassent dans toute sq beauté, et y revinssent avec insistance. Que, dans cet effort de réaction, il dût sc produire quelques exagérations de parole ou même de pensée, qu’à force de vanter la virginité ou le veuvage acceptés pour Dieu on en vint parfois à paraître sous-estimer le mariage et à le représenter comme un étal imparfait, peu conforme à l'idéal chrétien, au-dessus duquel un vrai disciple du Christ devait s’élever, c’était inévi­ table. Mais par delà ces exagérations, dans les rares cas ou elles sc produisent. Il s’agit de rechercher la vraie pensée des Pères; et on la trouve là où Ils ne songent plus à la polémique, ou bien quand ils doivent eux-mêmes se défendre de l’accusation de rigorisme qu’ils avaient encourue. — Et ces exagérations mêmes.’ doit-on les leur reprocher sans indulgence? C’est grâce à leurs efforts que l’esprit chrétien s’est conservé dans toute son élévation, que les moeurs sc sont puri­ fiées et que s’est produite celle admirable floraison d’âmes vierges et dévouées qui ont été le plus bel ornement de l’Églisc. En regard de ce résultat, les quelques outrances d’expression que nous pourrons relever pèsent bien peu. Pour bien comprendre la pensée des Pères, il faut étudier d’abord les erreurs qu’ils eurent à combattre. Elles sc ramènent en somme à deux tendances exces­ sives nu sujet du mariage : la tendance rigoriste qui considérait l’état de mariage comme un état de pèche et l’acte du mariage comme une faute, qui imposait donc aux chrétiens de ne pas se marier, de rester dans la continence s’ils étaient mariés, ou dans le veuvage quand leur mariage était rompu: la tendance laxiste. plus tardive que la première, qui méconnaissait au contraire la grandeur el la perfection de la continence et ne mettait aucune différence de valeur entre le mariage cl la virginité. 1· Les erreurs. — 1. Erreurs rigoristes, exaltant la continence au détriment du mariage, — Elles sont le fail.cn général, d’hérétiques plus ou moins qualifiés, passés en revue ailleurs, mais dont on notera ici les tendances particulières sur la question qui nous occupe. u) Les encratites. — Voir l. v, col. 4 sq. On désigne du nom d’encratisme, non pas une hérésie constituée en société religieuse séparée de l’Eglisc, mais plutôt une tendance pratique qui portait certains chrétiens à un rigorisme exagéré. D’après eux, les règles de renoncement énoncées dans (’Évangile, s’adressant à tous et non seulement à une élite, doivent être enten­ dues comme des lois et non seulement comme des conseils. Tout chrétien est nécessairement un ascète et garde la continence, την έγχράτειαν. Celte tendance, déjà signalée et réprouvée par saint Paul, Col., n, 21 ; J Tlm., n. 3, s’exprime dans un cor- 2079 MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE tain nombre d’apocryphes qui ont ce Irait commun qu’ils condamnent le mariage. Les Ac/cx de Paul appartiennent à cette classe d’apocryphes à tendance encratite. L’auteur connaît les exhortations de l'Apôtrc en faveur de lu chasteté cl de la continence; mais il défigure la pensée de Paul en insistant lourde­ ment sur ces conseils jusqu’à leur donner l’apparence d’ordres, ct en laissant dfths l’ombre d’autres passages qui aideraient à les ramener à leur véritable valeur. L. Vouaux, Les Actes de Paul, Paris, 1913, p. 123, 121. Dans cct apocryphe, en clïct, la prédication de Paul porte presque uniquement sur la pureté, la continence, le renoncement, par exemple n. 5 ct 6, p. 155-157, ct c'cst bien ainsi que scs ennemis résu­ ment sa doctrine : < Ce séducteur trompe les âmes des jeunes gens et des vierges afin qu’ils ne se marient pas. · n. 11, p. 169. « Il écarte les jeunes gens des femmes ct les vierges des hommes en disant : il ne peut y avoir pour vous de résurrection que si vous restez chastes ct si, loin de souiller votre chair, vous la conservez pure, » n. 12, p. 171. Nous savons par Tcrlulllcn, De baptismo, c. xvn, P. L., t. i, col. 1219, que l’Église condamna comme faussaire le prêtre reconnu coupable d’avoir composé cet ouvrage sous le nom de ΓApôtre: ct sans doute, cette condamnation n’atteignait pas directement la doctrine qui y est enseignée; mais elle montre du moins que l’Église ne retrouvait pas dans cct aprocryphe la vraie pensée de saint Paul. — Les mêmes tendances encraliles sc retrouvent, plus accentuées encore, dans' les autres Actes apocryphes, de Pierre, d’André, surtout de Jean ct de Thomas. On a voulu trouver une saveur d’encratisme à certains passages du Pasteur d'Hermas. En réalité ce sont des conseils de continence cl rien de plus. Quand il dit, par exemple : « Crains Dieu et que sa crainte l'inspire la continence, » Aland, i, 2, édit. Lclon g, Paris, 1912. p. 72. 73,11 donne un conseil qui ne dépasse pas la pensée de Paul. Quand il ordonne de garder la fidélité à son épouse, Aland, iv, 1, p. 80, 81. c'est une loi naturelle qu’il exprime; et quand il permet expressément les secondes noces, Aland, iv, 1. p. 88, 89, il sc place aussi loin que possible de l'encratisme. La tendance encratite est plus marquée dans l'ho­ mélie du π* siècle connue sous le nom de II* Clement is. Elle se réfère à un passage de V Évangile selon les Égyptiens ct le commente ainsi : « Dans la rencontre de l'homme avec la femme, « ni homme ni femme ■ signifie qu’un frère à la vue d’une sœur ne pense point au sexe féminin à son propos, ct qu’elle, à son tour, ne pense pas au masculin. Si vous agissez ainsi, veut-il dire, le royaume de mon Père viendra. » Édit. Hcmmer, Paris, 1909, p. 154-155. .Mais dès lors l'encratisme pur ne sc retrouve plus guère; presque toujours il sc joint à quelque hérésie à laquelle il emprunte scs principes dogmatiques. Ces accointances fâcheuses de l'cncratismc, selon le mot de Mgr Duchesne, Hist. anc. de Γ Église, t. i, Paris, 1906, p. 514, prouvent nettement combien cette poussée était éloignée de la pensée de l’Église; si la morale du renoncement n’avait été si fortement conseillée dans l'Évangilc, elles auraient pu jeter des soupçons défavorables sur l'ascétisme le plus ortho­ doxe. b) Les gnostiques. — La conception gnoslique de la matière, issue du principe mauvais ct source de souil­ lure pour l'âme, donnait à l’cncratismc une base dogmatique trop naturelle pour qu'une alliance étroite ne s’établit pas entre ce qui n'était que ten­ dance morale exagérée ct ce qui était erreur philoso­ phique ct théologique. De fait, pendant tout le !· siècle, les cncratltcs sont, à peu près tous, plus ou 2080 moins entachés de gnosticisme, soit que des cncratltcs, d'abord chrétiens, eussent voulu légitimer leurs con­ ceptions excessives de pureté en les rattachant à une métaphysique de la matière, soit que les gnostiques aboutissent logiquement à la condamnation du mariage, œuvre de chair, condition de la propagation de la chair. Basilide, voir t. n, col. 465 sq., conseille de s'abstenir du mariage; il le permet seulement comme un moindre mal, pour sc débarrasser des tentations qui entrave­ raient la prière. Clément d'Alexandrie, Strom., I. Ill, c. i, P. G., t. vm, col. 1099-1102. Le même résultat pouvant être obtenu par toute satisfaction des appétits charnels, même en dehors du mariage, il n’est pas étonnant que plusieurs Pères lui aient reproché sa doctrine Immorale, bien que ce reproche atteigne sans doute plus directement ses sectateurs que lui-même. Cf. Irénée, Contra hures., I, xxiv, 5, P. G., t. vn, col. 678; Épiphane, Hveres., xxiv, 3, t. xli, col. 312 313; Jérôme, Adv. Jovin., n, 37, P. Λ., t. xxm, col. 335. Marcion est le plus connu des représentants de l'cnC!alisme gnostique, sans doute parce que son influence fut profonde et durable, sans doute aussi parce qu'il eut la bonne fortune d'être réfuté par Tertullicn. Pour Afarcion la continence est, comme pour les divers gnostiques, une conséquence de sa doctrine. C’est bien, en clfct, la pensée de Afarcion, d’après Tertul­ licn : Non Unguitur apud illum caro, nisi virgo, nisi vidua, nisi coelebs, nisi divortio baptisma mercata... Sine dubio ex damnatione conjugii institutio ista con­ stabit. Adv. Marc., I. I, c. xxix, P. L., t. n, coi. 280. Nega te nunc dementissimum. Marcion... (Deus tuus) nuptias non conjungit, conjunctas non admittit, nemi­ nem tinguit nisi coeli bem aut spadonem, morti aut repu­ dio baptisma servat. Ibid., L IV’, c. XI, coi. 382; cf. c. xxxiv, coi. 442. Voir ci-dessus coi. 2024. On connaît, par le même Tertullicn, un autre gnostique, Apelle : Marcion et A p*lies ejus secutor, De perscriptionibus, n. 33, P. L., t. n, col. 46, qui aurait été l’ennemi du mariage. D’ailleurs cette position fut certainement celle de tout le gnosticisme. Talion, d'abord disciple de saint Justin, sc sépara, dit-on, de l’Église après le martyre de son maître ct s'attacha au gnosticisme. Saint Irénée. Cont. hftrts., I, xxvm, 1, P. G., t. vu, col. 690, 691, dit que, comme Marcion ct Saturnin, · il appela les noces une corrup­ tion ct une débauche », ct qu'à la doctrine de scs maîtres il ajouta cette idée qui lui était personnelle, qu'Adam était damné. Saint Jérôme le qualifie de prince des encraliles, sans doute pour sa notoriété plutôt qu'en raison d'une autorité qu’il aurait eue dans l’Eglise gnostique, ct donne comme idée géné­ rale de son erreur qu'il considérait comme une débau­ che tout commerce sexuel : Neque nos Marcionis et Manichict dogma sectantes nuptiis detrahimus. Nec Tatiani principis cncralitarum errore decepti omnem coitum spurcum putamus. Adn. Jovin., i, 3, P. L., t. xxm, coi. 213. Saint Jérôme nous renseigne sur un autre héré­ tique, Jules Cassien, voir t. u, col. 1829, 1830, qui fut un des chefs du docétisme; il l’appelle encratitarum vel acerrimus lueres (arches. Comm, in epist. ad Galatas, 1. Ill, c. vi, P. L.. t. xxvi, col. 431. S’appuyant sur un texte de l’Épilrc aux Galatcs dont il tronquait les mots, Cassien raisonnait ainsi : Si quis seminat in carne, de carne metet corruptionem. In carne autem seminat qui mulieri jungitur; ergo et is qui uxore utitur et seminal in carne ejus metet corruptionem. Ibid. C’était donc, conformément à la doctrine gnostique, la condamnation du mariage, ou plutôt de l'acte conjugal. c) Les montanistes. Tt rlullicn — l ne des caracté ristiques du mouvement montaniste était un ascétisme 2081 MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR rigoureux qui portail les Adeptes du Paraclet ù rompre leurs mariages, A vivre dans la continence et dans le détachement des biens en attendant le der­ nier jour. Ce n'était plus, comme dans le gnosticisme, une idée métaphysique qui aboutissait A la réproba­ tion de la chair ct du mariage; c'était un souci de perfection, rendu plus aigu par l’attente de la pro­ chaine lin du monde, qui portait h considérer comme des lois rigoureuses 1rs consciis d’ascèse donnés par saint Paul. Tel est bien le montanisme, d'après Ter­ tullicn. son plus ardent défenseur, son interprète le plus éloquent ct le plus autorisé. Même pendant sa période catholique, Tertullicn, avec son tempérament violent et porté aux extrêmes, laissait entrevoir des tendances à l’encratisme. Sans doute II ne condamne pas le mariage. Luimême était marié, ct dans le II· livre de son traité Ad uxorem, il fait du mariage chrétien les plus magnitlqucs éloges : Il montre dans la protection que Dieu accorde aux époux une garantie contre l'adversité; il brosse de la félicité du mariage chrétien un tableau d’une douceur qui contraste avec l'Apreté ordinaire de sa pensée et de son style : Unde sufficiamus ad enarrandam felicitatem ejus matrimonii quod Ecclesia conciliat, ct confirmat oblatio, et obsignat benedictio, angeli renunciant. Eater rato habet?... Quale jugum duorum unius spei, unius disciplina·, ejusdem servitutis f Ambo fratres, ambo conserui, nulla spiritus carnisve discretio. Atquin vere duo in carne una ubi una caro, unus et spiritus. Simul orant, simul volutantur ct simul jejunia transigunt... In Ecclesia Dei pariter utrique, pariter in convivio Dei. pariter in angustiis, in persecutionibus, in refrigeriis; neuter alterum celat, neuter alterum vitat, neuter alteri gravis est... Talia Christus videns et audiens gaudet, his pacem suam mittit; ubi duo, ibi ct ipse; ubi et ipse, ibi ct malus non est. Ad uxorem, ii, 9, P. L., t. i, coi. 1302-1304. Ce texte est de toute première valeur: étant donné le caractère de Tertullicn ct les erreurs dans lesquelles il tomba dans la suite, aucun témoignage ne peut être plus formel de l’estime dans laquelle l’Église tenait le mariage; car il ne contient aucune restriction : bon­ heur humain, bénédictions divines, vie chrétienne ct surnaturelle des deux époux sous le regard de Dieu ct en union avec le Christ, rien de plus beau n’a été dit du mariage chrétien. Le mariage n’est donc pas con­ damnable. Béni par Dieu dès le début. Ad uxorem, i, 2. col. 1277. restauré par le Christ, ibid., n. 2 et 3, col. 1277, 1278, on ne peut le réprouver sans se mettre en contradiction avec la doctrine chiêticnnc. On trouvera un exposé complet de la pensée de Ter­ tullicn sur le mariage dans A. d’Alès, l.a théologie de Tertullicn, Parie, 1905, p. 370-377. Et cependant, par une véritable contradiction, quand il oppose au mariage qui est le lot des Ames communes, la virginité Λ laquelle sont appelées seule­ ment les Ames plus hautes, il le fait avec tant de vigueur (pic certaines de ses expressions laissent voir une sorte de mépris et de défaveur pour la vie conju­ gale. Le mariage n'a été, dit-il, que permis par l’Apôtrc, et seulement pour ceux qui ne peuvent autrement échapper aux tentations, Ad uxorem, i. 3, col. 1278; et ce mot de permission revient souvent sous sa plume, surtout pendant la période montnnistc. avec un sens de plus en plus accentué de tolérance d’un mal qu'on ne peut empêcher. Aussi rappelle-t-il avec com­ plaisance à sa femme l’exemple des chrétiens qui, dès leur baptême, sc vouent A la chasteté, ou des gens mariés qui vivent dans la continence : Quot enim sunt qui statirn a lavacro carnem suam obsignant' Quot item pii consensu pari inter sc matrimonii debi­ tum tollunt, voluntarii spadones pro cupiditate regni cadestis! Ibid., i, 6, coi. 1283. A plus forte raison MORALE 2032 lui cltc-t-ll l’exemple des veuves qui ne se remarient pas. Tout le premier livre du traité Ad uxorem tend A détourner sa femme de sc remarier s’il vient à mourir avant elle. « Le veuvage accepté pour Dieu, dit-il, vaut presque la virginité; » il établit entre la veuve et Dieu une intimité semblable à celle dont jouissent les Ames vierge*. De telles femmes malunt Deo nubere, Deo spedostr, Deo sunt pueller; cum illo vivunt, cum illo sermocinantur, illum diebus et nodi bus tractant, arattones suas vdut dotes Deo assignant. Ibid., r, 4, coi. 1280. Et insensiblement le traité devient une diatribe contre les secondes noces. Elles sont un indice de faiblesse d'âme, car on sc remarie surtout sous la pression de la concupiscence. Ibid. On le fait quelque­ fois aussi pour avoir des enfants, cl c'est de Γirré­ flexion; car comment peut-on désirer des enfants alors que le malheur des temps ferait plutôt souhaiter la mort de ceux que i'on a, alors que l’approche du Juge­ ment les devrait faire regarder comme un embarras? Ibid., t, 5, col. 1282. D'ailleurs ('Église montre bien ce qu'elle pense des secondes noces, quand elle écarte du sacerdoce les bigames. Aussi, puisque la femme mariée ne peut plus être mise au rang honorable des vierges, qu’elle soit heureuse de rester veuve ct de retrouver la liberté que la ITovidence divine lui accorde de nouveau. Amplectenda occasio est. gust adimit quod necessitas imperabat. Ibid.. î, 7. col. 1285. Voir A. d’Alès, op. at., p. 293-295. Après son passage au montanisme. Tertullicn. donnera à ses idées une forme beaucoup plus véhé­ mente et plus acerbe. Sans doute, il ne sc range pas à la suite de ceux qui condamnent le mariage : au contraire il prend nettement sa défense contre Marcion ct les gnostiques. Dans son ouvrage contre Mardon il exprime sa propre pensée dans une formule qui joint A la plus vigoureuse concision l’orthodoxie la plus parfaite : Nous préférons, dit-il, la virginité au mariage non ut malo bonum, sed ut bono melius. Χοη enim projicimus, sed deponimus nuptias; nec proscri­ bimus, sed suademus sanctitatem. Ado. Marc., I, xxix. P. L.. t. n, coi. 280. Dans le De monogamia, qui est franchement de la période montaniste, il refuse encore de condamner le mariage; il oppose aux doctrines extrêmes des hérétiques et des psychiques le juste milieu qui est d’accepter le mariage ct de réprouver les secondes noces : hxrdici nuptias auferunt, psychici ingerunt : illi ncc semel, isti non semel nubunt... Unum matrimonium novimus, sicut unum Deum, i, P. I., t. n, coi. 930, 931. Et pourtant, la comparaison qu’il établit entre la continence et le mariage laisserait entendre qu'il n’a pour ce dernier état que du mépris, qu’il le considère comme une faiblesse et une imper­ fection. bien plus, qu’il y volt une faute tolérée seule­ ment par crainte de fautes plus graves. C’est ce qui apparaît surtout dans sa condamna­ tion des secondes noces; car, pour peu que l'on pousse son argumentation, elle va directement à condamner le mariage lui-même. Il aperçoit d’ailleurs cette consé­ quence et ne la repousse pas. Ainsi dans le Dr exhor­ tatione castitatis, il traite expressément les secondes noces de species stupri, 9, P. L., t. n, col. 924. Cepen­ dant. s’objccte-t-il, les lois font une différence entre le stupre et le remariage; et il répond : sans doute, il y a une différence de degré, non d’essence; dans le stupre, tout comme dans l’acte conjugal, qu’y a-t-il? commixtio carnis, cujus concupiscentiam Dominus stu­ pro adtrquavit. Matth . v, 28. Mais alors, dira-t-on, tu supprimes même le mariage? Ergo jam et primas id est unas nuptias destruis? Il ne nie pas. A'ec imme­ rito, quoniam J ipsa? ex eo constant quo ct stuprum. Ideo optimum est homini mulierem non attingere. Dieu a néanmoins bien voulu permetire (indulgere) le mariage ; il faut l’en remercier, non en abuser, et ce 2083 MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MORALE serait en abuser que d’en user sans retenue. Ne serait-ce pas le cas si on tolérait les secondes noces? Ne serait-ce pas ouvrir la voie à une corruption sem­ blable à celle de Sodonie ct de Gomorrhe? Car on ne s’arrête pas en pareil chemin; après avoir accepté les secondes noces, on se trouvera forcé d’accepter les troisièmes ct davantage. Nubamus igitur quotidie, et nubentes ab ultimo die deprehendamur tamquam Sodoma et Gomorrha... Et quando finis nubendi ■ credo post finem vivendi. De exhortatione castitatis, 9, t. n, coi. 925. La pensée de Tertullien s’écarte donc sensiblement des déclarations orthodoxes qu’il avait proclamées : s’il réprouve absolument les secondes noces comme une preuve d’incontinence et une véritable débauche, il n’est pas loin d'englober dans la même réprobation le mariage lui-même; il n'est retenu que par la tolérance expresse de Dieu pro­ mulguée par saint Paul. Encore faut-il bien voir cn quoi consiste cette tolérance. Tertullien la réduit à fort peu de chose. Dans son De monogamia, tout entier consacré à argumenter contre les secondes noces, il explique quelle est, à son avis, la pensée de l’ApÔtre. Avant tout, saint Paul voudrait que tous fussent comme lui. Salvo, inquis, jure nubendi. Plane salvo, et videbimus quousque, nihilominus jam ex ea parte destructo qua continentiam pnejert. Bonum, inquit, homini mulierem non contingere. Ergo malum est contingere. Nihil enim bono contrarium, nisi malum, m. t. n, coi. 932. Ce mal, pourtant, Paul le permet; c'est vrai, mais non mere bonum est quod permittitur, ibid. H le per­ met, ou piutôt il est forcé de le permettre; mais c’est malgré lui, sa volonté est toute différente : si aliud quam quod votuit permittit, non voluntate sed necessitate permittens, non mere bonum ostendit quod invitus induisit. Ibid. — Saint Paul a dit également : il vaut mieux sc marier que brûler. Tertullien interprète cc dernier mot du feu éternel de l'enfer et la pensée dc l'apôtre se réduit donc à ceci : plutôt que de tomber dans la débauche et d'encourir par une vie criminelle les peines de l'enfer, mieux vaut encore sc marier. Mais cc n’est pas faire un grand éloge du mariage que de le déclarer moins mauvais que le mal le plus grave qui soit. Et pour mieux faire comprendre sa pensée, Tertullien prend une comparaison : melius est union oculum amittere quam duos; si tamen discedas a com· paratione malt iitriusque, non erit nrlius unum oculum habere, quia nec bonum. Ibid., col. 933. — 11 n'est pas moins sévère dans le De pudicitia. Il y répète à plu­ sieurs reprises que saint Paul a simplement permis le mariage et qu'en vertu de cette tolérance, le mariage a cessé d’être un crime, mais qu’il n'en reste pas moins une tache. De pudie., 16, l. u, col. 1012. S’il est quelque peu gêné dans l'appréciation sévère qu'il porte sur le mariage, Tertullien montaniste ne garde aucune mesure et ne veut faire aucune concession quand il s’agit des secondes noces. Tout mariage est indissoluble; ni la répudiation ni la mort ne le peuvent rompre; tout époux qui se remarie commet donc un adultère. Matrimonium est cum Deus jungit duos in unam carnem, aut junctos deprehendens in eadem carne conjunctionem signavit. Adulterium est cum, quoquo modo disjunctis duobus, alia caro, immo aliena miscetur... Adeo non interest vivo an mortuo viro nubat (mulier). Dc monog., 9, t. n. coi. 941. Cette indis­ solubilité. même après la mort, est d’ailleurs une propriété réservée au mariage chrétien, le seul que Dieu scelle pour jamais, c'est-à-dire au mariage conclu entre chrétiens, ou, s’il a été conclu dans l'infidélité, ratifié après la conversion. Si le mariage a été rompu avant Je baptême, l’époux survivant et converti est libre dc sc remarier : ante fidem soluto ab uxore, non numerabitur post fidem secunda uxor quit 1 2081 post fidem prima est. A fide enim ipsa vita nostra cense· tur. Ibid., 11. CO1. 915 La pensée de Tertullien a donc nettement progressé dans le sens dc la sévérité, conformément à l'essence même du montanisme (pii prétendait inaugurer la société plus parfaite des pneumatiques ct supprimer l’excessive indulgence dont usait la société des p.q/chiques. Catholique, il mettait sa femme cn garde contre un second mariage; mais c’était de sa part moins un précepte qu’un conseil; s’il se servait du mol proripio, il parlait du consilium viduitatis, Ad uxorem, i, 1,1.1, col. 1275, 1276, de l’exhortation faite par saint Paul, ibid., n, 1, col. 1289; mont anisic, il ne fait plus de distinction entre les secondes noces et la débauche. Catholique, il considérait le mariage comme une faiblesse; montanistc, il se défend encore de le réprou­ ver absolument, puisque l’ApÔtre a jugé bon d'user d’indulgence, mais il n’a pour lui que du mépris ct y voit une faute ; ce n’est plus une sordes, mais c’est une macula. De pudie,, 16. t. n. col. 1012. On trouvera dans A. d’Alès, op. cit., p. 460-474, un exposé plus détaille de la pensée de Tertullien montanistc. d) Les novatiens. — Le schisme de Novaticn, au milieu du ni· siècle, fut également caractérisé par une discipline rigoureuse en réaction contre l’indul­ gence dont usait l’Église. Cette rigueur se manifesta surtout dans le refus d'admettre au pardon les lapsi. Mais le même esprit, si nous en croyons des renseigne­ ments dignes dc foi, porta les schismatiques à con­ damner les secondes noces. C'est cc que nous apprend saint Épiphane, J Erres., ux, 3, P. G., t. xu, col. 1021. 1022: < Ils refusent, dit-il, de garder la communion avec les bigames. Si quelqu’un sc remarie après son baptême, ils le rejettent, cc qui est absolument déraisonnable. » Le même renseignement est donné avec plus de détails par Socrates, H. E., V. xxn, P. G., t. ï.xvn, col. 641. Le 8· canon du concile dc Nicéc, Mansi. Concit., t. n, col. 671. G72, fut porté contre les novatiens, I Icfele-Lcclercq, Histoire des conciles, t. i, p. 577-587; il exige, avant qu’on les reçoive dans l’Eglise, qu'ils communiquent avec ceux qui sc sont mariés en secondes noces. c) Les ascètes. — L’ascétisme qui trouvait sa source dans les enseignements et les exemples du Christ ct des Apôtres fut de tout temps cn honneur dans l’Église; mais c'est surtout à partir du ni’ siècle qu’il prit un magnifique élan avec les anachorètes des déserts d’Égypte et dc Palestine, avec les monastères qui se fondaient un peu partout en Orient. II était inévitable que des exagérations se produisissent ; ces âmes qui volaient à une vie austère pour éviter la corruption du monde étaient forcément tentées dc »c croire dans la seule vraie voie du salut, ct de penser que la masse des chrétiens demeurait dans la voie large qui conduit à la perdition. Dc là à conclure que la vie ascétique ct continente était obligatoire, la pente était glissante. Ce fut l’erreur d’EusIathc, probablement cct Eustathe qui fut un des chefs du semi-arianisme cl devint évêque dc Sébasle vers 356. Cf. Eustathe de S>> baste, t. v, col. 1565-1571; Duchesne, Hist, anc, de VEgL, t. π, Paris, 1907, p. 381-387 el 519; IlefcliLcclcrcq, t. I, p. 1044. Cette identification est attestée surtout par Socrates, II. E., II, xun, P. G„ I. lxxii. col. 351 sq., et par Sozomène, //. E., Ill, xiv, ibid., col. 1079. Nous connaissons ses erreurs ou celles dc ses disciples par le concile de Gangrcs qui condamna les custathicns vers 340. Le concile rappelle dans son Libellus synodieus que les custathicns réprouvaient le mariage ct ne laissaient aux gens mariés aucun espoir en Dieu. Ces erreurs sont repoussées par les canons 1, 9, 10 ct 1 L Ainsi can. 1 : « Si quelqu'un blâme le mariage et condamne la femme fidèle cl rcll· 2085 MARIAGE DANS LES PÈRES. VALEUR MOR\LE glcuse qui dort avec son mari, affirmant qu'elle ne peut entrer dans le royaume de Dieu, qu'il soit anathème. > Can. 9 : · Si quelqu’un garde In continence ou la virginité, non à cause de In beauté et de la sainteté de celte vertu, mais parce qu’il s'écarte du mariage comme d’une chose abominable, qu’il soit anathème. » Mansl, Concil.. t n, col. 1098-1102; 1 Icfclc-Leclcrcq, t.i, p. 1032. A ces erreurs, h concile oppoie, dam un Épilogue la doctrine de l’Eglise : - Nous aussi, nous éprouvons dc l'admiration pour la virginité unie a l’humilité; nous louons In continence Jointe â la piété ct a la dignité... Nous honorons aussi le chaste lien du mariage. » Avant Eustathe, I lléracas du Lcontopolis cn Égypte, voir cc mot, t. vi, col. 2359-2361; Duchesne, t. n, p. 187, note 2. avait fonde une secte dont les membres devaient renoncer au mariage ut â l’usage dc la viande. D’après lui. lu mariage, permis dans ('Ancien Testament, avait été supprime par le Nouveau qui, autre­ ment, n'aurait pas été plus parfait. S. Épiphane, JAr/rs., i.xvn, P. G., t. xi.ii. col. 171 sq. Il ne semble pas que de telles exagérations sc soient produites cn Occident. Nous verrons pourtant saint Jérôme, dans son admiration pour l'ascétisme cl son ardeur à Je vanter, se laisser aller à mépriser la vie des gens mariés, tout cn sc défendant bien dc condamner le mariage. /) Les priscillianistes. — Quoi qu’on pense du person­ nage assez énigmatique de Priscillien, quelques-uns de scs partisans, peut-être influencés par des doctrines gnostiques ou manichéennes, réprouvaient le mariage. C'est du moins ce qui ressort de la condamnation prononcée contre eux par un concile espagnol, réuni probablement ά Tolède en 447. I.c canon IG est ainsi conçu : Si quis dixerit vel crediderit confugia hominum, quœ secundum legem divinam licita habentur, exsecra­ bilia esse, anathema sit. Mansi, Concil., t. ni, coi. 1001; Hcfcle-Lcclcrcq, t. ii. p. 187. 2. Erreurs laxistes, exaltant le mariage au detriment de la virginité. - Vers la fin du iv· siècle se produisit un courant de laxhine qui déniait toute valeur spéciale à l'observation des conseils de perfection ut mettait sur le même pied la virginité ct le mariage. On ne connaît que peu d’écrivains qui aient osé mettre en formules une doctrine qui justifiait le relâchement des mœurs, mais qui était si manifeste­ ment contraire â l’idéal évangélique, (’.eux qui l’ont fait ont voulu, ou excuser leur propre conduite, ou protester contre certains abus qui jetaient du discrédit sur la vie religieuse. Duchesne, op. cit.. t. il, p. 559, 560. Mais c’était un mouvement dc doctrine qui ne pouvait avoir de lendemain. Après les jours héroïques des persécutions, qu'une reaction de relâchement sc soit fait sentir, c’est trop naturel; mais dès que de la conduite on prétendait tirer une doctrine, on abou­ tissait A des propositions qui froissaient tout esprit chrétien; et saint Jérôme eut beau jeu quand II prit ή parti, avec sa fougue habituelle, les malheureux qui avalent osé les avancer. Le saint docteur fut d’abord sollicité par les fidèles de Home du répondre Λ Helvidius. Homme dc culture médiocre, celui-ci avait enseigné que la sainte Vierge, après avoir mis au monde Jésus, son premier-né, avait eu d’autres enfants; et pour décorer d’un sem­ blant de raison cette hypothèse historique, il affirmait que le mariage l’emportait en valeur sur la virginité. Saint Jérôme le fustige dans son livre De perpetua virginitate beata· Marin- adversus Helvidium, composé vers 380. Après avoir prouvé la perpétuelle virginité dc Marie, il expose les prérogatives de la virginité cn général, ut avec quelque exagération, la maintient au rang auquel elle a droit, bien au-dessus du mariage. Quant à l'argument Invoqué par son adversaire qui 2086 mettait en parallèle la vie peu édifiante de certaines vierges avec In vie trê* digne et méritoire des honnêtes mères dc famille, il cn fait justice cn quelques mots : Numquid virginitatis est culpa, si simulator virginitatis in crimine est? 21, P. L.. t, xxrn, col. 266, Le second adversaire dc «oint Jérôme fut Jovinfcn. Cf. 1 faller, Jovinianus, die Fragment™ seiner Sehriften, dans Texte und Untersuchungen, Neue Fotge, t. n. Leipzig, 1897 Jovinlcn avait longtemps etc moine et vécu en moine; puis, après une vie qui parait avoir été exemplaire, il s'étalt jeté dans une existence de luxe ct dc plaisir. Le tableau que trace de ce contraste son redoutable contradicteur est d’une vigueur qui égale les plus durs portraits de Juvenal, Adversus Jootniunum, i, 40, P. A., t. xxin.coL 268 Est-ce pour justifier son changement dc vie que Jovinlcn se mit à inventer une théorie? toujours est-il que celle-ci, telle que la résumé saint Jérôme, ressemble bien ù une justification personnelle. Elle tient ct cela ne veut pas dire que ce soit un bien; puis, prenant â partie I’Apôtrc lui-même, il le somme de s’expliquer : si perse nuplin surit bonté, noli eas incendio comparare, sed dic sim­ pliciter : bonum est nubere. Suspecta est mihi bonitas ejus rei quam magnitudo alterius mati malum esse cogit inferius. Ego autem non levius mulum, sed sim­ plex per se bonum volo. Ibid., n. 9, coi. 222, 223. Comment en effet le mariage serait-il bon? 11 écarte de la prière, De pc.rpct. virgin... adv. Helvid., n. 20. P. L., t. xxiii, col. 201; Adv. Jovin., i, 7, col. 220. Il ne permet pas la sainteté; car s’il y a des saints parmi les gens mariés, c’est seulement à condition que dans le mariage ils aient imité la vie des vierges. Adv. Helvid., 21, col. 201 ; et les prêtres, parce qu’ils doivent être saints, sont obligés de s'abstenir du mariage. Adv. Jovin., ι, 31, col. 257. Ces textes semblent absolument formels, ct à les parcourir, on serait tenté de ranger saint Jérôme parmi les adversaires les plus déclarés du mariage. Et pourtant au milieu même de ses polémiques, il s'en défend. Dans son traité contre Helvidius, il supplie ses lecteurs de ne pas prendre pour une condamna­ tion du mariage les éloges qu’il fait de la virginité, n. 21. col. 201. En tête de sa réfutation de Jovinien, il fait cette déclaration : Ncque nos, Marcionis et Muniduc i dogma sectantes, nuptiis detrahimus; nec Tatiani principis encratitarum errore decepti omnem coitum spurcum putamus... Scimus in domo magna non solum vasa esse aurea et argentea, sed et lignea ct fictilia... Non ignoramus honorabiles nuptias et (orum immacu­ latum. i, 3, coi. 213. Il y revient encore vers la Un : Nunc autem cum hæreticorum sit damnare conjugia... Ecclesia matrimonia non damnat, sed subjicit; nec abjicit, sed dispensat, sciens in domo magna non solum esse..., etc., r, 10, coi. 270. Malgré ces mises au point. Jérôme avait tellement dépassé la mesure ct abaissé le mariage, ct dans un langage si peu chaste, que scs opuscules firent scandale à Rome, surtout son traité contre Jovinien. Deux amis, Pammachius et Domnion, l’avertirent des inter­ prétations fâcheuses auxquelles il donnait prise. En leur répondant, le vigoureux controversis! e revient en arrière et essaie d’atténuer les exagérations que la lutte lui avait fait commettre. II se plaint, particu­ lièrement dans sa lettre à Pammachius» Epist., XLvm, P. L., t. xxn, col. 493 sq., qu’on veuille le regarder comme un ennemi du mariage. Soldat com­ battant sur la brèche, voulant vaincre pour défendre son poste, peut-on exiger que scs coups soient telle­ ment bien mesures qu'ils ne portent jamais trop loin? Et comment peut-on le supposer assez peu versé dans l’Ècrilurc sainte pour ignorer les passages qui font l’éloge du mariage. On aurait dû comprendre que son but étant de défendre la virginité, c’est Vers ce but à l’exclusion de tout autre que portait son argumenta­ tion. Après ces explications, il reprend les principales de scs afllrmations, soit pour en montrer l’ortho­ doxie, soit pour en diminuer la rigueur. Il maintient encore (pic l’accomplissement de l’acte conjugal doit écarter de la communion un jour ou deux, n. 15, col. 506; mais, sauf cette sévérité, il se défend bien d’avoir le moindre sentiment de blâme contre le mariage, et en effet c’est la pure doctrine de l’Églisc qu’il énonce : via regia |est] ita appetere virginitatem, nr nuptiic condemnentur, η. 8, col. 498. Igitur hoc extrema voce protestor me nec damnasse nuptias, nec damnarc... Virginitatem autem in caelum fero, n. 20. coi. 509. Auparavant déjà il avait exposé la même doctrine orthodoxe dans sa fameuse lettre à Eustochium, De 2093 MARIAGE DANS LES PERES. VALEUR MORALE custodia virginitatis, Epist., xxn. P. I,., I. xxn, col. 391 sq. 11 y disait que toute son estime pour la virginité ne doit pas être traduite en blâme pour le mariage; car c’est déjà une grande gloire pour les personnes mariées que de venir après les vierges, n. 19, col. 105. Il y expliquait pourquoi I’Apôtrc a donné seulement le conseil, ct non pas l’ordre, de garder la virginité; c’est que, pour la majorité des hommes, il eût été trop dur de lutter contre les tendances naturelles el de mener une vie angélique; mais le fait de n’être pas obligatoire rend plus belle la condition des vierges, n. 20, col. 407. C’est admettre sans restriction que le mariage n’est pas condamné. Avec saint Augustin, nous allons trouver l'exposé définitif de la doctrine du mariage, au point de vue de sa valeur morale. Dans ses ouvrages De continentia. De bono conjugali. De sancta virginitate, De bono viduitatis. De nuptiis et concupiscentia, le saint docteur a condensé tout le résultat de l'élaboration qui s’était faite au cours de l’âge patristique. il connaît divers hérétiques qui ont réprouvé le mariage, par exemple Taticn et scs fauteurs. De lucres., 25. P. L., t. xlii, col. 30. ct les manichéens, ibid., 46, col. 37; il sait aussi que, pour avoir trop véhémente­ ment répondu à Jovinien, Jérôme s'est fait regarder comme un adversaire du mariage. Retractat., n, 18, t. xxxn, col. 639. A l’opposé, il établit nettement la doctrine catholique: le mariage n’est pas condamnable, Contra Julian., V. 66, t. xliv, col. 820; il a été institué ct béni par Dieu dès l’origine du monde, puis élevé par Jésus au rôle sublime de représenter sa propre union avec l’Églisc, De nupt. ct concup.. Il, xxxn, t. xliv, col. 468; par conséquent, quand Augustin loue la virginité, il prétend bien ne pas considerer le mariage comme blâmable. De sancta virginitate, 18, t. XL, col. 401; ct c’est même faire un plus bel éloge de l’état des vierges que de le placer au-dessus d’un autre état qui est bon de soi. J bid., 21, col. 406. Le mariage est bon parce qu’il est constitué par trois choses bonnes : Hire omnia bona sunt propter quic nuptiæ bonir sunt, proles, fides, sacramentum. De bono conjug., 32, t. xl, coi. 394; ou encore generandi ordinatio, fides pudicitia·, connubil sacramentum. De pecc. origin., 39. t. xliv, coi. 404, c’est-à-dire la procréation des enfants par l'acte conjugal. la chasteté dans la fidélité réciproque et l’indissoluble engage­ ment des epoux. C’est surtout à propos de la valeur morale de l’acte conjugal que la pensée de saint Augustin marque un progrès notable sur celle des autres Pères. Avant lui, cette question, très pratique pour des époux consciencieux, n’avait reçu que des solutions hâtives ct sans nuances. Tcrtullicn, qui semble considérer comme répugnantes les relations conjugales. De exhor­ tatione caditutis, 9, P. 1. . t. n, col 924» 925. 1rs accepte cependant comme nécessaires à la conserva­ tion ct à la propagation de la race humaine. Les Pères qui suivent, se souvenant de la volonté de Dieu, manifestée dans la création par la distinction des sexes et d’une manière positive par l’ordre donné au premier couple humain : Crescite et multiplicamini, ne font pas difficulté à considérer ces relations comme normales el parfaitement légitimes. Il n’y a guère que saint Jérôme à montrer quelque sévérité : il exclut de la communion pendant quelques jours les époux qui ont usé du mariage; 11 exige par conséquent quel­ ques jours de continence comme préparation obliga­ toire à la communion, Epist., xlviii, 15, P. L., t. xxii, col. 506; pour lui, l’usage du mariage n’est pas une faute, maïs plutôt, il le dit lui-même, un empêche­ ment à la prière, conformément à l’indication qu’il prétend trouver dans saint Paul. 1 Cor., vu, 5. Mais, en déclarant licite l’acte conjugal, les Pères 2O9'i supposent toujours que les époux auront en vue ce qui en est le but direct ct la raison d’être, qu’ils se proposeront d’avoir des enfants. Les moralistes païens aux-mêmes essayaient d’élever ù ce but l’esprit des époux, cf. Eustcl de Coulanges, La cité antique, p. 52; textes dans Moulard, op. cil., p. 50 sq. A plus forte raison les moralistes chrétiens étaient-ils for­ mels. Si les chrétiens sc marient, dit saint Justin, c’est dans l’intention d’avoir des enfants, et il compare cc but très chaste des chrétiens avec la conduite des païens qui cherchent surtout dans l'usage du mariage la satisfaction des sens. Λ pal., i. 29, P. G., t. vi, col. 373. Tcrtullicn est sévère pour le mariage, parce qu’il y voit surtout une concession faite par Dieu à l’infirmité de la chair cl un moyen de la satisfaire à l’usage de ceux qui ne veulent ou ne peuvent garder la continence. Ad uxor., n, 3, P. 1.., t. i, col. 1278. 11 semble inutile de faire une énumération de textes qui tous seraient identiques dans leur sens. Mais presque toujours cc sont des affirmations trop rapides ct tranchantes. Les Pères ne sc demandent pasce que vaudra, au point de vue moral, la conduite d’époux qui mêleraient plus ou moins abondamment d'autres buts moins nobles à cc but essentiel, qui chercheraient leur satisfaction sensuelle en même temps que l’ac­ croissement de la famille, ou même qui ne songeraient qu’à leur satisfaction sans cependant rien faire pour empêcher la naissance des enfants. Saint Jean Chrysostome, en vertu de sa conception particulière du mariage, est condamné à croire que le but principal des époux est la satisfaction de l’ins­ tinct sexuel. · Le mariage n'a qu'une fin, empêcher la fornication; el c'est pour cela qu’a été institué ce remède. » In illud : Propter fornicationes uxorem..,, r, 33, P. G., t. Li. coi. 213. Il croit d’ailleurs cc but légi­ time et ne blâme pas pour autant l’acte conjugal. Moulard. op, cil., p. 72 sq. Saint Augustin est plus Juste dans sa conception théorique et plus sévère dans scs applications prati­ ques. Le péché, selon lui, en ôtant à l’homme son intégrité primitive, lui a fait ressentir la concupiscence qui. depuis lors, est toujours mêlée à l’acte du mariage. Cette concupiscence désordonnée est un mal. mais non pas l’acte conjugal lui-même : nunc ergo sine isto malo esse non potest (copula nuptiarum), sed non ideo malum est. Cont. Julian., 111,53, P, L., I. xliv, coi. 730. Même entaché par la concupiscence, l’acte conjugal n’est pas un péché; il est mêle à un mal, mais ce mal, le mariage le tourne à bon usage. Parce que dans cet acte il y a un désordre, l'homme en rougit; mais parce que ce désordre n’est voulu que pour une lin honnête, l’homme accomplit cet acte sans péché : atque ita nuptiic sinuntur exercere quod licet, ut non negligant occultare quod dedecet. De peccato originali, 42, t. xliv. col. 406. Il est nécessaire cependant que les époux se propo­ sent pour but la procréation des enfants. Alors Pacte conjugal est sans péché. De bono conjugali, 11,1. XL, col. 381 ; il est légitime. De conjugiis adulterinis, π. 12, ibid., col. 179; il est un devoir. Contra Secundinum manichaum, xxn, l. xui, col. 598; il est honorable. Opus imperfect,, VI, 23,1. xt.v, col. 1557. Au contraire, sc proposer la volupté charnelle, c’est faire cc que I’Apôtrc déclare seulement tolérer, c’est donc une faute, c’est transformer un bien en mal. Contra Julian., Il, 20, t. xi.iv, col 687è Ces idées, saint Augustin les développe avec une merveilleuse précision dans son opuscule De bono conjugali, t. xl.coI. 373-396, antérieur de dix ans, il convie, t de le remarquer, â la controverse pela· gienne; si les moralistes actuels sont moins sévères, on ne peut nier cependant que les conclusions du saint docteur sont nettement déduites, ct c’est en cela 2095 MVKIAGE DANS LES l’ÈKES. LES SECONDES NOCES surtout qu’il a fait progresser la doctrine de la valeur morale de l’acte conjugal. Certaines choses, dit-il, sont bonnes par elles-mêmes, par exemple la sagesse, la santé, etc., et d’autres sont bonnes en tant que moyens d’obtenir les pre­ mières, par exemple l’élude, la nourriture, le som­ meil, etc. Du nombre de ces moyens est le concubitus. l’acte conjugal. La moralité de ces moyens dépend du but que i’on a en vue quand on les emploie. Si l’on s’en sert pour le but auquel ils sont naturellement ordonnés, on agit bien; si on sc prive de leur usage alors qu’il n’est pas nécessaire· on agit mieux; si on les emploie en les détournant de leur but, on pèche plus ou moins gravement : his bonis... qui non ad hoc utitur propter quod instituta sunt peccat, alias veniahter. alias damnabiliter, n. 9, coi. 380. Les principes ainsi posés, il n’y a qu’à les appliquer à l’acte conjugal. Si les époux y renoncent, c’est une preuve de vertu supérieure; car l’acte conjugal n’est nullement nécessaire; rares seront toujours les conti­ nents el le genre humain ne risque pas de finir par leur abstention; d’ailleurs, ajoute saint Augustin, même si le monde devait cesser de vivre par excès de vertu, ce serait seulement l’avènement plus rapide de la cité parfaite de Dieu au ciel, n. 10, col. 381. Si, nu contraire, les époux usent du mariage, ils peuvent le faire pour avoir des enfants; ils sc confor­ ment alors aux Indications de la nature et à l’ordre positif de Dieu, ils ne pèchent pas. Mais ils peuvent aussi mêler à ce but légitime une intention voluptueuse ou même oublier le vrai but pour ne chercher que la volupté : ils se trouvent alors dans le cas où l’apô­ tre déclare concéder le mariage secundum veniam; ils pèchent dans la mesure où une intention mauvaise sc mêlera à l’intention légitime ; Concubitus necessa­ rius causa generandi, inculpabilis et solus ipse nup­ tialis est. Ille autem qui ultra istam necessitatem pro­ greditur. jam non rationi, sed libidini obsequitur, n. 11, coi. 381. Decus ergo conjugale est castitas procreandi et reddendi carnalis debiti fides; hoc est opus nuptiarum, hoc ab omni crimine defendit Apostolus ... Exigendi autem debiti ab alterutro sexu immoderatior progressio... conjugibus secundum veniam conceditur, n. 12, coi. 382. L’epoux consciencieux pourra satisfaire aux exigences immodérées de son conjoint, ne fornicando damnabiliter peccet; mais si tous deux sont complices dans l’inten­ tion voluptueuse, leur dérèglement est un péché, péché véniel toutefois, pourvu que le but honnête soit voulu davantage et qu’ils n’écartent pas la miséricorde de Dieu, vel non abstinendo quibusdam diebus ut oratio­ nibus vacent... vel immutanda naturalem usum in cum usum qui est contra naturam, quod damnabilius fit in confuge, n. 11. coi. 382. Car il y n une double diffé­ rence entre les relations légitimes dans le mariage et les relations illégitimes en dehors du mariage : ille naturalis usus, quando prolabitur ultra pacta nuptialia, id est ultra propagandi necessitatem, venialis est in uxore, in meretrice damnabilis; iste qui est contra natu­ ram. exsecrabiliter fit in meretrice, sed exsecrabilius in uxore, n. 12, coi. 382. Saint Augustin ne se fait d’ailleurs aucune illusion. Cette pureté de vue est rare et difficile; il y a même, dit-il, des époux qui trouvent plus aisé de garder la continence toute leur vie que de n’avoir que des intentions parfaitement pures en usant de leur ma­ riage, n. 15, col. 381 Il y a donc une chasteté pour les époux comme il y en a une pour les continents, cette dernière d’ailleurs plus élevée en elle-même parce qu’elle exige et suppose un renoncement plus absolu. Celte supériorité de la virginité, il la proclame contre Jovinien, tout en maintenant la bonté morale du mariage : nullo modo dubitandum est meliorem esse castitatem continentur 2006 quam castitatem nuptiarum, cum tamen utrumque sil bonum, n. 28, coi. 392. Et ainsi, à la fin de celle étude morale si remarquable à plus d’un titre, saint Augustin nous ramène à l’idée qui a dominé tout l’en­ seignement des Pères sur la valeur comparée du ma­ riage et de la virginité. 2. Comparaison entre les secondes noces et le veuvage. — Au fond, c’est toujours la même question. L’appel à la perfection qui pousse les âmes d’élite à consacrer à Dieu leur virginité peut se faire entendre seulement après un premier mariage. L’époux rendu à la liberte par la mort de son conjoint a certainement le droit de se consacrer dans le veuvage au service de Dieu ou du prochain; en a-t-il le devoir? La question se compli­ quait cependant pour les Pères par la doctrine de l’unité du mariage : les époux se sont donnés l’un a l’autre; leur engagement est indissoluble; celui qui sc remarie ne maiiquc-L-il pas à la fidélité duc à l’époux défunt? Celle considération fut la principale raison pour laquelle les Pères se divisèrent au sujet des secondes noces plus qu’au sujet du mariage lui-même. a) Pères grecs. — Alhénagore dépeint ainsi les mœurs chrétiennes au sujet du mariage ; « Parmi nous chacun demeure comme il est né, ou ne se marie qu’une fois. Un second mariage, en effet, est un adultère décent, εύπρεπής μοιχεία... Celui qui se sépare de sa première femme, même si elle est morte, est en secret adultère; il transgresse la création de Dieu qui n’a fait qu’un homme cl qu’une femme; il rompt le lien qui liait son corps à un autre corps en une unité parfaite. > Legal., 31, P. G., t. vi, col. 967, 968. Celte sévérité sans ménagement est exceptionnelle. Clément d Alexandrie ne condamne pas les secondes noces, tout en conseillant de demeurer dans le veu­ vage. Sa doctrine est, en somme, celle de saint Paul dont il cite les paroles sous celte forme : « Si lu brûles, marie-toi. » Strom., Ill, i, P. G., t. vm, col. 1103, 110 1: cf. xn, col. 1183, 1181. Origcne a parlé des secondes noces d’une manière qui peut être mal comprise; il semble dire que ceux qui se remarient n’appartiennent pas à l’Eglise de Dieu, au royaume de Dieu; mais si on recourt au contexte immédiat, il est manifeste que le sens est différent : ■ Celui qui est bigame, dit-il, alors même qu’il mènerait une vie digne cl vertueuse, n’est pas de l’Église de Dieu, ni du nombre de ceux qui n’ont ni ride, ni tache, ni quoi que ce soit de semblable. Il est du second degré, de ceux qui invoquent le nom du Seigneur et qui sont sauvés au nom de Jésus-Christ, mais qui ne sont pas couronnés par lui. · In Lucam. hom. xvxi, P. G., t. xm, col. 18-17. Évidemment il oppose le salut de ceux qui sc sont remariés à la cou­ ronne de gloire plus resplendissante que recevront les parfaits, ceux qui ont gardé la virginité ou au moins le veuvage; mais il ne les condamne pas, puisqu’il dit expressément qu’ils seront sauvés. Ailleurs il admet qu'on laisse croire aux veuves qu’elles pécheraient on sc remariant; c’est une tromperie, mais qui leur est utile, puisque les secondes noces les feraient déchoir. In Jercmiam, hom. xix, 1, P. G., t. xm, col. 507-508. Les conciles grecs du ιν· siècle sc placent plus au point de vue de la discipline extérieure qu'à celui de la conscience. Ils donnent l’impression de chercher ù tenir le juste milieu entre deux tendances opposée* dont nous ne connaissons pas les manifestations; et c’est pourquoi, tout en soumettant â une pénitence modérée ceux qui se remarient, ils évitent de laisser entendre qu'ils sont coupables en conscience ou même ils disent formellement le contraire. Lc concile de Néocésarée (un peu après 315) défend aux prêtres d’assister au repas de noces de ceux qui se marient pour la seconde fois, can. 7; et rappelle que ceux qui contractent mariage plusieurs fois sont soumis à 2097 MAlliAGE DANS LES l’ÈKES. LES SECONDES NOCES une pénitence,can. 3, Mansi, Concil., t. il,col. 539sq.; i 1 Icicle-Lcclcrcq, Histoire des conciles, t. i, p. 328 cl 330. Au concile de Nicée, 325, furent prises des me­ sures pour réconcilier les cathares, c'est-à-dire les novations qui condamnaient les secondes noces; on leur ordonna de renoncer à leur rigorisme et, en par­ ticulier, de communiquer avec les remaries, can. 8. Mansi, t. n, col. 671,672; Hefele-Leclercq, 1.1, p. 577. Le même droit aux secondes noces est reconnu par les canons attribués nu concile de Laodlcéc (vers 380?); ils prescrivent d’admettre à la communion de l’Église « après un certain temps ceux qui ont contracté un second mariage d'une manière régulière cl conjormeaux canons», Mansi, t. n, col. 563,561 ; Hefele-Leclercq, t.i, p. 996; on suppose donc qu'aucune loi ecclesiastique ou divine ne prohibe les secondes noces, et si on soumet les bigames à une pénitence de quelque durée, il semble plutôt que ce soit pour sauvegarder une cer­ taine convenance extérieure ou pour donner quelque satisfaction à ceux qui auraient voulu être plus sévères. La tendance rigoriste existait en effet, et elle cul à ce moment deux représentants particulièrement autorisés, saint Basile et saint Grégoire de Nazianze. Saint Basile se place au double point de vue de la discipline pénitentiellc et de la conscience. 11 propor­ tionne la durée de la pénitence au nombre de mariages que l’on a conclus après le premier : les bigames sont soumis à une pénitence d'un an; les trigames ou les polygames ù une pénitence plus longue; pour lui, la faiblesse de ces derniers est une fornication modérée, πορνεία κεκολασμένη ; il ne les exclut cependant pas de la communion de l’Église. Epist., clxxxviii, 4, P. G., t. xxxii, col. 673, 674. Ailleurs il les appelle des souillures de l’Église, avouant pourtant qu’il vaut encore mieux sc marier plusieurs fois que de sc livrer à l’incondultc. Epist., cxcix, 50, ibid., col. 731, 732. C’est surtout la polygamie qui excite son indignation, c'est-à-dire, comme on interprète d’ordinaire ce mot, les quatrièmes noces; ce sont là, dit-il, des mœurs de bête et non d’homme, dont les Pères n'ont mémo pas osé parler; c’est un péché plus grand que la fornication; il place les coupables parmi les pleu­ rants el les prosternés pour une période de trois ans. Epist., cc.xvn. 80, col. 805, 806. Saint Grégoire de Nazianze n’est pas moins sévère que son and. Il ne se place plus nu point de vue de la discipline, mais seulement de la conscience. Il fait la même distinction entre les secondes noces el les ma­ riages ultérieurs. Tout en déplorant les premières, il les déclare tolérées, mais il ne veut pas que l’on aille plus loin : · S’il y a deux Christs, qu’il y ail aussi deux hommes ou deux femmes; mais il n’y a qu’un Christ, une seule tète de l’Église, et il ne doit donc y avoir qu’une chair. Puisqu'une seconde épouse est défendue, que dire d’une troisième? Une première, c'est la loi; une seconde, c’est tolérance et indulgence; urc troi­ sième, c’est iniquité. Quant à celui qui dépasserait ce nombre, il serait χοφώδης (porcinus). Orat., XXXVII, 8, P G., t. xxxvi, col. 291, 292. 11 rappelle ailleurs que saint Paul n permis aux Jeunes veuves de sc remarier. Oral , xxxix, 18, col. 357, 358. H convient toutefois de ne pas exagérer. Ccttc recrudescence de rigorisme semble particulière aux Pères cappndocicns et sans doute elle ne se prolongea pas au delà du iv· siècle pour ce qui concerne les secondes noces (la trlgnmle et à plus forte raison la tétrugamie furent par la suite regardées comme illi­ cites). Ce serait aller au delà de ce que donnent les textes que d’attribuer à toute l’Église grecque ce qui fut au contraire très limité dans le temps cl dans l’espace. Quelques années plus tard, en effet, saint Épiphane cl saint Jean Chrysostom? exposent une doctrine autrement large. nier, ni tiiéol. catiiou 2098 Saint Épiphane veut réfuter l'erreur des novatlens et particulièrement leur rigorisme. Sa pensée est Intéressante surtout a propos des secondes noces; car pour la première fois en Orient se retrouve dans toute sa largeur le principe posé par saint Paul* I Cor., vu, 39, et pour la première fols il est appli­ qué sans restriction. 11 n’y a aucune raison, dit le saint docteur, pour limiter ce que l’Apôlre ne. limite pas cl pour restreindre le droit qu’il reconnaît à la veuve. Quand son mari est mort, clic peut se rema­ rier; c’est vrai chaque fois qu'elle redevient veuve, et scs mariages successifs seront dans le Seigneur, si elle observe dans sa conduite les préceptes du Sei­ gneur et les vertus de son état. H erres.r ux, θ· P. G., L xi.i, col. 1027, 1028. La même position est prise par saint Jean Chrysoslomc. De même qu'il a vanté les grandeuis de la virginité, il engage, par esprit de renoncement et de continence, les veuves à ne pas sc remarier; mais il n’en fait pas une obligation. « Autre chose est exhor­ ter, autre chose commander... Or en cette matière l’Église n'ordonne pas, elle exhorte seulement, et avec raison, puisque Paul a permis les secondes noces... Lc mariage est bon, meilleure est la virginité; de même un second mariage est bon, mais meilleur est de s'en tenir à un premier. Nous ne rejetons pas le second mariage; nous exhortons quiconque peut sc garder en chasteté à sc contenter du premier. » El il continue en décrivant quelques-uns des inconvénients qu’en­ traîne le second mariage : la veuve pleurant devant son nouveau mari quand clic sc souvient du premier, la jalousie qui s'élève dans le cœur du remplaçant contre celui dont le souvenir subsiste, les divisions inévitables entre les enfants des deux pères, etc. In illud : Vidua eligatur, 5, 6, P. G., t. li, col. 325, 326. 11 garde la même justesse de vues dans un traité qu’il adresse à une jeune veuve pour l’exhorter à ne pas sc remarier. Celles qui sc remarient, dit-il, peu­ vent avoir diverses raisons pour le faire, ne serait-ce que leur répugnance à se priver du mariage : Il ne peut les condamner sans être plus sévère que saint Paul et que l’Esprit-Salnt. 11 supplie donc que l'on veuille bien ne pas prendre pour un blâme contre les secondes noces les éloges qu'il va donner au veuvage gardé pour Dieu. De non iterando conjugio, 1,1 xlviii, col. 610, 611. De fait, dans ces éloges, il est visible que Jean n’approuve pas les veuves qui sc remarient : elles font preuve de bien peu d’esprit chrétien, si elles ne peuvent porter le joug de la continence, ibid., 2, col. 612; elles manquent de fidélité à la mémoire de l’époux qu'elles ont aimé et pleuré. De virginitate* 37, t. xlviii, col. 559, 560; elles montrent peu de sagesse, puisque, après avoir connu par expérience I< s tracas et les amertumes du mariage, elles ne savent pas profiter de la liberté que Dieu leur axait rendue. JDe non iterando conj., 1, ibid., col. 609. Dans tout cela, il n’y a pas un mot contre la licéité morale des secondes noces : elks ne sont pas une faute. Ainsi, à part quelques exceptions, l’Église grecque elle-même dtmcuia fidèle â la doctrine de saint Paul, doctrine à la fois très élevée dans son idéal et très humaine dans sis exigences. Aux vierges, clic propose de garder leur virginité pour le Christ, sans leur en faire une obligation; aux veuves, elle demande de sc garder dans la continence pour le Christ, sans cepen­ dant les condamner si elles se remarient. C’est la même conception que nous allons retrouver, avec plus de constance encore, dans l’Église latine. b) Pères latins. — La tradition occidentale sur les secondes noces commence nu Pasteur d’Hermns, et ses paroles rendent le même son que celles de saint Paul:· Seigneur, demande Heimns, si un homme ou une femme vient à mourir et que l’autre sc remarie, IX. — 67 2099 MARIAGE DANS LES PÈRES. LES SECONDES NOCES celui-ci pèche-t-il en convolant à de secondes noces ? » Le Pasteur répond : · Non, il ne pêche pas; mais en demeurant seul, il s’acquiert auprès du Seigneur plus de considération et plus de gloire; cependant il ne pèche pas en sc remariant.» Aland. IV, îv, 1-2, éd. Lclong, p. 88, 89. Cette justification des secondes noces devait déplaire à la rigueur de Tertullien; devenu montanislc, il parle de cette Écriture du Pasteur, quæ moe­ chos amat> ct il la met en opposition avec l’Écriture du vrai Pasteur, de celui dont les paroles ne peuvent être révoquées. De pudicitia, x, P. L·., t. n, col. 1000; ct bien que cette allusion au Pasteur ne soit pas directement faite A propos des secondes noces, nous savons suffisamment ce qu'il en pensait pour conclure â l’opposition irréductible qui existait entre sa doctrine et celle d’Hernias. Mais Tertullien à ce moment n’est plus de l’Église; avant sa défection, alors qu’on peut voir en lui un témoin de la croyance, il n’est certes pas tendre pour les secondes noces contre lesquelles il prémunit sa femme; pourtant il ne les regarde pas comme une faute. Sa pensée se résumerait assez juste­ ment dans le commentaire qu’il fait de deux paroles de saint Paul : Apostolus de viduis et innuptis ut ita permaneant suadet cum dicit : cupio autem omnes meo exempto perseverare (I Cor., vn, 7). Dc nubendo vero (n Domino, cum dicit : tantum in Domino, jam non suadet, sed exserte jubet. Ad uxorem, n, 1, t. i. col. 12X9, 1290. La sévérité de Tertullien ne se retrouvera plus que chez saint Jérôme. Car on ne saurait faire état de certains textes, parfois invoqués, qui ne vont pas ad rem, ni d’un passage dc Minucius Félix, Octavius. xxiv, P. L·., t. m, col. 315, qui s’applique aux femmes divorcées de Home païenne; ni d’une allusion que fait saint Irénéc A la Samaritaine et à son inconduite, Contra hæres., III, xvn, 2, P. G., t. vu, col. 930; ni d’un texte de saint Justin qui, scion toute vrai­ semblance, a trait A la polygamie simultanée, Apolog., i, 15. P. G., t. vi, col. 349, 350. Saint Ambroise n’aime pas les secondes noces. Dans son Hexaemeron, I. V, 02, 03, P. L., t. xiv, col. 232, 233, il propose à la veuve chrétienne l’exem­ ple de la tourterelle qui garde la fidélité au compa­ gnon qu’elle a perdu et il rappelle à cette occasion le conseil de saint Paul : Optat Paulus in mulieribus quod in turturibus perseverat. C’est donc un désir, une exhortation, non un ordre. Il est plus net encore dans son opuscule De viduis, composé pour exalter la noblesse des veuves qui restent telles pour le ser­ vice de Dieu; il ne fait que reproduire les paroles de l’Apôtrc et les commenter : quod tamen pro consilio dicimus, non pro praecepto imperamus, provocantes potius viduam quam ligantes; neque enim prohibemus secun­ das nuptias, sed non suademus... Plus dico : non pro­ hibemus secundas nuptias, sed non probamus siepe repetitas; neque enim expedii quiquid licet. 08, t. xvi, coi. 254. De telles formules sont pleines dc sens : il est plus parfait de garder la virginité, mais le mariage est cependant permis; il est plus parfait de demeurer dans le veuvage, ct pourtant les secondes noces ne sont pas défendues; et des mariages ultérieurs encore, même souvent répétés ù la suite de veuvages multi­ pliés, sont toujours permis, quoiqu’ils ne soient pas A approuver. Aucun doute n’existe dans l’esprit d’Ambroise sur la licéité morale dc ces mariages successifs. Avec saint Jérôme, nous devons nous attendre à retrouver la tendance à la sévérité, étant donnée la manière dont il parle du mariage lui-même. Il sait pourtant que saint Paul a permis aux veuves dc sc remarier; c’est vrai, dit-il, mais ce n’est pas dc son plein gré qu’il a accordé cette permission, ct n'cst-il 2100 pas à craindre qu’on n’en abuse pour multiplier les remariages? Et sans doute ces mariages, même nom­ breux, ne sont pas condamnables, Jérôme le sait bien; pourtant il emploie pour les permettre une comparaison insultante qui semble bien indiquer qu’il voudrait bien pouvoir les condamner : Verum /ac ut concessent Paulus secunda matrimonia; eadem lege ct tertia concedit, et quarta, d quotiescumque vir moritur. Multa compellitur Apostolus velle quit non vult... Non damno digamos, imo nec trigamos et, si dici potest, octogamos; plus aliquid in/eram, etiam scor­ tatorem recipio pienitentem. Quidquid aequaliter licet, œquali lance pensandum est. Adv. Jovin., i, 15, P. L., t. xxiii, coi. 234. Cf. Epist., xi.vin, ad Pammachium, 9, t. xxii, coi. 499. Comparer ces mariages répétés Λ la pire débauche, n'est-ce pas les condamner? Quand saint Jérôme dit qu’il ne les repousse pas, pas plus qu’il ne rejette le débauché repentant, à ne voir que ce texte, on sc croira autorisé à conclure qu’il y trouve une faute morale. Mais avec cc terrible homme, il faut y regarder â deux fols avant dc prendre A la lettre un texte, surtout quand Jérôme écrit sous l’influence de la passion; on n’est sûr de sa pensée que quand il ne bataille plus. Au moment du combat il ne mesure pas plus scs expressions qu'il ne pèse la valeur de ses arguments : peu lui importe où il frappe. Et par exemple, il prétend trouver, dans le nombre des animaux admis dans l’arche ct sauvés du déluge, un blâme pour les secondes noces : In duplici numero ostenditur aliud sacramentum, quod ne in bestiis quidem et in immundis avibus digamia comprobata sil. Adv. Jovin., i, 16, coi. 236. Prendre à la lettre des affirmations aussi paradoxales serait sc méprendre sur la pensée dc Jérôme. Cc qu’il veut, c'csl anéantir les objections que l’on a osé élever contre la sainte vir­ ginité; c'cst relever dans les Ames l'estime dc celte belle vertu ct maintenir leurs aspirations vers l’idéal du renoncement évangélique; c’est convaincre les chrétiens qu’ils doivent chercher cc qui plaît A Dieu et que, dans cette recherche, il ne convient pas qu’ils mesurent avec parcimonie leur bonne volonté. Vou­ loir le plus parfait, telle est la disposition que Jérôme voudrait créer dans les Ames qui en sont capables. Et en 'somme, sa doctrine reste la même, au sujet des secondes noces, que celle dc Paul. C'est le sens évident de ce passage très important du même traité contre Jovinien : Concedit quidem Deus nuptias, concedit digamiam el, si nccessc /ucrit, fornicationi et adulterio praefert etiam trigamiam. Sed nos qui corpora nostra exhibere debemus hostiam vivam, sanctam, placentem Deo..,, non quid concedat Deus, sed quid velit conside­ remus... Quod concedit, nec bonum, nec beneplacens est, nec per/cetum... Aliud est voluntas Del, aliud indul­ gentia, n. 37, coi. 262, 263. Il revient sur ces mêmes considérations dans une lettre qu'il écrit vers 409 à la veuve Agcruchia pour la déterminer à persévérer dans le veuvage : Du:v sunt Apostoli voluntates, una qua priecipit,,., altera qua indulge!... Primum quid velit, deinde quid cogatur velle demonstrat. Vult nos permanere post nuptias sicut seipsum... Sin autem nos viderit notie quod ipse vult, incontinentia: nostra tribuit indulgentiam. Quam e duabus eligimus volun­ tatem? quod magis vult ct quod per se bonum est? an quod mali comparatione fit levius et quodam modo nec bonum est quia prmfcrtur malo? Ergo si eligimus quod Apostolus non vult, sed velle compellitur,... non Apostoli, sed nostram facimus voluntatem. Epist., cxxm, 7, t. xxii, coi. 1050. Plus nette est la pensée dc saint Augustin. Dans le De bono viduitatis, il félicite « la religieuse servante de Dieu Juliana » d'avoir persévéré dans le veuvage, mais pour l'éclairer sur la valeur de son état, il ajoute : Hoc primum oportet ut noveris bono quod cie· 2101 MARIAGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT gisti non damnari secundas nuptias, sed Injerlus honorart, Nam sicut bonum sanctœ virginitatis quod elegit filia tua non damnat unas nuptias, sic nec viduitas tua cujusquam secundas, n. 6, P, L,, t. xl, coi. 433. Il s’appuie sur la doctrine dc saint Paul; ct pour­ suivant le raisonnement dc l'Apôtrc, il ne veut même pas condamner les troisièmes noces, les quatrièmes, ni les suivantes, puisque Paul a dit simplement : la femme est libre quand son mari est mort, qu’elle sc marie à qui elle veut : quis sum qui putem definiendum quod nec Apostolum video definisse? n. 15, coi. 439. C’est pourquoi, tout en respectant le sentiment de convenance qui pourra empêcher la veuve de sc remarier sans limite, il n’ose pas pour cela la con­ damner ct élever son opinion contre l’autorité de l'Écriturc· Reste pourtant l’appel au plus parfait : Quod autem dico univira viduie, hoc dico omni vlduæ : beatior cris si sic permanseris, η. 15, col. 440. Dans cette longue enquête sur une question morale qui a passionné les esprits dans les cinq premiers siècles, nous n’avons pas relevé tous les témoignages, ni cité tous les documents. La conclusion qui s’en dégage, très nette ct très certaine, c’est qu’il faut sc tenir en garde contre des généralisations hâtives qui attribuent à l’Églisc dans son ensemble des préventions défavorables au mariage, ou la condamnation for­ melle des secondes noces. L’Églisc, au contraire, en dehors des rares exceptions que nous avons relevées, est restée fidèle à la doctrine dc Jésus ct de saint Paul. Si clic a toujours convié les âmes â s’élever aux sommets par la continence dans la virginité ou le veuvage choisis pour Dieu, elle n’a jamais eu de sévérité pour les âmes plus humbles qui n’ont pas entendu l’appel des privilégiés ou moins courageuses qui n’ont pas osé le suivre. il. LE S ACRE Si EST DE MARiAüE. — Celte question a incomparablement moins préoccupé les Pères que la précédente. Ils ne pouvaient pas sc demander s’il convenait dc placer le mariage dans la liste des sacrements, ct c’est seulement en recueillant les éléments épars dans leurs œuvres que l'on peut sc rendre compte de leur pensée ct des progrès dc la doctrine. Et pourtant l’importance dc celte question n’échappe à personne, puisqu’il .s’agit dc retracer, autant que possible, la marche qu’a suivie l’Églisc pour faire sortir dc la simple Indication de l’Écriturc la formule très nette du dogme, telle que l’ont éla­ borée les scolastiques ct définie les conciles. Dans cc travail dc recherche, il y a deux écueils également Λ craindre : le premier est dc laisser perdre les moindres parcelles dc vérité, parcelles d’autant plus précieuses qu’elles sont plus rares; le second serait de prêter aux Pères nos pensées ct d’interpréter leurs expressions forcément imprécises d’après ce que nous apprennent les définitions de l’Églisc. Cc qui importe, c’est desavoir ce qu’ils ont pensé afin dc noter les pro­ grès qu’ils ont fait faire ù la connaissance du dogme. Or, sur le point dont il s’agit, l’Évangllc ct saint Paul fournissaient les données suivantes : L Institué par Dieu pour conserver ct propager la race humaine, le mariage a été relevé dc la déchéance qu’il avait subie par Jésus-Christ qui l’a sanctifié ct restauré, en lui rendant son unité ct son Indissolubilité primi­ tives. — 2. Cette restauration impose aux époux chrétiens des devoirs que l’expérience des siècles passés a'montrés trop lourds pour la nature humaine laissée à scs propres forces. Elle suppose donc que Dieu donnera aux époux les grâces sans lesquelles le mariage serait un Joug insupportable. — 3. Le mariage chré­ tien trouve son Idéal dans l’union mystique dc Jésus avec son Église; cc symbolisme porte au divin la sublime dignité du mariage cl fait pressentir son efficacité sancti liante. 2102 Les Pères vont développer ces trois Idées. Nous trouverons une lumière de plus dans le fait que PÉglise veut Intervenir pour bénir le mariage de ses enfants; ct II sera Intéressant dc voir si le sens de plus en plus complexe du mot sacramentum appliqué au mariage ne peut pas nous fournir un renseignement, 1· Le mariage sanctifié par Jésus-Christ. — Les Pères en trouvent une preuve surtout dans le fait que Jésus a voulu, dès le début de sa vie publique, assister aux noces de Cana et y accomplir son premier miracle. Cc fait prend, aux yeux des Pères, une importance dc premier ordre; car ils volent dans la démarche du Christ non pas seulement l’intention de manifester sa sympathie aux deux époux de Cana, mais celle de montrer aux époux dc tous les siècles la haute estime dans laquelle il tenait le mariage, de leur enseigner avec quelle élévation d’âme ils devaient le célébrer et de sanctifier avec le mariage lui-même la nais­ sance des enfants. Ainsi, parmi dc nombreux textes, saint Éplphanc, Hæres., u, 30, P. G., t. xu, col. 942 : « Il me semble que Jésus fut invité pour deux raisons : d’abord afin d’entourer de chasteté ct d’honnêteté les noces dans lesquelles la passion des hommes débordait comme une eau furieuse, et aussi pour en adoucir les peines futures par la suavité du vin qui enlève les chagrins et par la grâce. » Saint Augustin, In Joan., tr. ix, 2. P. L., t. xxxv, col. 1459 : Ad hoc ergo Dominus venit ad nuptias ut conjugalis castitas firmaretur et ostenderetur sacramentum nuptiarum. Saint Cyrille d’Alexandrie, In Joan., Π, t, 2, P. G., t. Ι.ΧΧ1Π, col. 223, 224 : · Comme on célébrait les noces en toute chasteté ct honneur, la mère du Sau­ veur était présente. Il vint lui aussi avec scs disci­ ples,· non pas tant pour prendre part au festin, que pour faire un miracle ct sanctifier le principe de la génération chamelle de l'homme. Il convenait en effet que celui qui devait renouveler la nature hu­ maine ct l’élever à un état plus parfait, non seulement accordât sa bénédiction à ceux qui étalent déjà au monde, mais préparât sa grâce à ceux-là mêmes qui devaient naître dans la suite et sanctifiât d’avance leur naissance. > Les Pères volent une autre preuve de la volonté dc Jésus dans la restauration par laquelle 11 rendit au mariage scs deux propriétés primitives. Cette idée, sur laquelle ils ont moins insisté, a été parfois affirmée, par exemple dans la lettre écrite au pape Slrlcc par saint Ambroise ct le concile dc Milan, vers 389; le concile remercie le pape d’avoir défendu les préro­ gatives dc la virginité, tout en ne condamnant pas le mariage : Neque nos negamus sanctificatum a Christo esse conjugium, divina voce dicente : Erunt ambo in carne una et in uno spiritu. S. Ambroise, Epist., xlh, 3, P, L„ t. xvi. col. 1121. 2· Le mariage chrétien, garantie de la grâce divine pour les époux. — On serait heureux dc trouver sous la plume des Pères une dc ces formules très nettes auxquelles la théologie nous a habitués. Ce qui, pour nous, caractérise un sacrement, c’est qu’il produit la grâce qu’il signifie. Les Pères ne pouvaient avoir une pareille précision dc langage cl on ne peut sans ana­ chronisme s’attendre à la trouver chez eux. Du moins ils ont cru cl enseigné que la grâce est donnée aux époux, qu’elle fonde leur union ct en assure la fer­ meté, qu'elle est la réponse dc Dieu à la confiance dc ceux qui se marient en lui. Au fond, qu'avaient-ils à dire de plus? N’csl-cc pas cc qui Importe aux époux chrétiens? Dieu présidant à leur union. Dieu la bénis­ sant pour la rendre indissoluble, Dieu assurant aux conjoints pour l’avenir les grâces dont Ils auront besoin pour rester fidèles, celte conception du mariage chrétien représente peut-être le progrès le plus notable 2103 MARIAGE DANS LES PÈRES. LE sur les données scripturaires où l’idée de grâce n’était qu’inipllcitemcnt contenue. De la pensée des Pères â la doctrine des théologiens, il n’y a qu’un pas â faire, important pour nous, mais sans portée pratique pour les époux qu’ils voulaient surtout instruire de leurs devoirs, â savoir l'affirmation que la grâce de Dieu est produite par le mariage lui-même et non seulement donnée à son occasion. Ici encore les textes seraient nombreux et concor­ dants. Qu'il suffise de citer les suivants comme parti­ culièrement intéressants. Tertullien voit dans la grâce divine une garantie contre les malheurs qui menaceraient les époux : Si ratum est apud Daim matrimonium hujusmodi, cur non prospere cedat, ut et a pressuris et angustiis ct impedimentis et inquinamentis non ita lacessatur, jam habens ex parte divina: gratia patrocinium. Ad uxorem, n, 7, P. L., t. i, coi. 1299. Il revient sur la même idée avec plus de détails encore : Unde sufficiamus ad enarrandam felicitatem ejus matri­ monii. quod Ecclesia conciliat, et confirmat oblatio, ct obsignat benedictio, angeli renunciant, Pater rato habet? Puis, après avoir décrit la vie pieuse ct unie des deux époux, il continue en montrant ce qui en est la raison ct le couronnement, la présence du Christ, c’est-à-dire en réalité sa grâce : talia Christus videns ct audiens gaudet, his pacem suam mittit; ubi duo. ibi ct ipse; ubi et ipse, ibi et malus non est 9, coi. 1302 sq. — Origine enseigne que c’est Dieu lui-même qui unit les deux époux et qu’à cause de cela · la grâce est en eux ». Comm. in Matth., xiv, IG, P. G., t. xin, col. 1230. — Saint Athanasc, dans sa lettre au moine Amoun, compare mariage et virginité; celui qui sc marie, dit-il, < ne recevra pas autant de grâces; il en recevra pourtant; c’est le grain qui rapporte trente pour un. » P. G., t. xxvi, col. 1173, 1171. — Saint Ambroise rappelle aux chrétiens maries qu’ils doivent rester fidèles à leurs épouses; et il en donne cette raison : Cognoscimus velut præsulem custodemque conjugii esse Deum qui non patiatur alienum torum pollui; et si quis jecerit, peccare eum in Deum cujus legem violet, gratiam solvat. Et ideo, quia in Deum peccat, sacra­ menti coelestis amittit consortium. De Abraham, I, vn, t. XIV. coi. 4 12. Malgré l'imprécision des formules, il y a donc un fait dont les Pères ne doutent pas, c’est que le mariage chrétien assure aux époux des grâces afin qu’ils restent fidèles ù leur devoir. 3° Le mariage chrétien, symbole de l'union du Christ avec son Église. — Ce symbolisme mystérieux a élé très souvent rappelé par les Pères; mais ils n’en ont pas tiré les conséquences auxquelles on aurait pu s’attendre. D’ordinaire ils ne creusent pas cette idée plus que ne l’avait fait saint Paul; iis sc contentent de faire une allusion au texte de I’Apôtre ou tout au plus de citer ses expressions, sans en déduire autre chose que la sublimité du mariage chrétien. Cette remarque a déjà élé faite par P. Pourrai, La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 20. Elle est exacte tout spécialement pour Tertullien, un des Pères qui sc réfère le plus fréquemment au texte de l'ÉpItrc aux Éphéslens : des passages qu’a relevés chez lui le P. de Packer, dans le bel ouvrage qu’a publié le P. de Ghcllinck, Pour Γhistoire du mot sacramentum. /, Les anténicécns, Louvain, 1921, p. 125 sq., il n’en est pas un qui essaie de creuser l’affirmation de saint Paul dans le sens qui nous intéresse. Le très beau commentaire de saint Jean Chrysoslome, In epist. ad Ephes., c. v, hom. xx, P. G., t. lxii, col. 135 sq., commentaire un peu prolixe, selon l’habitude du grand orateur, aboutit simplement à des conséquences morales, aux vertus que doivent pratiquer les époux, aux devoirs qui leur incombent, à la place respective qui leur revient au foyer. Aucune préoccu­ SACREMENT 2101 pation dogmatique ne transparaît non plus, du moins relativement au mariage, dans VAmbrosiaster. P. L·, t. xv!, col. 398, 399. Saint Jérôme insiste à plusieurs reprises sur la sainteté du mariage qui a pu être comparé à cette divine union; saintes doivent être les relations entre époux. puisque sainte est l’union du Christ avec son Eglise; la passion ne doit pas les dominer; la prière doit les purifier, ci. Comrn, in epist. ad Ephes., I. Ill, C· v, P. L., I. xxvi, col. 530-537. De tous les Pères, c’est sans doute saint Augustin qui a davantage développé le caractère symbolique du mariage, cl scs aperçus furent très féconds pour le progrès de la doctrine de ce sacrement; il en est le principal artisan à l’époque patrislique; l’élude de sa pensée viendra mieux à sa place quand nous expose­ rons l’emploi qu'il a fait du mol sacramentum appli­ qué au mariage. 1° Le mariage célébré devant ΓÉglise. — SI évident était le caractère sacré du mariage, que, de très bonne heure, l’Églisc voulut Intervenir ct intervint de fait dans sa célébration. La bénédiction qu'elle accordait aux époux, les cérémonies dont elle accompagnait leur union était un gage des grâces accordées par Dieu. Il n’est sans doute pas besoin de souligner que la question du ministre du mariage était en dehors des préoccupations : le prêtre bénissait les époux, il appe­ lait sur eux la grâce de Dieu ct la grâce leur était donnée : c'est ce qu’affirmaient les Pères, ce que signi­ fiaient les formules rituelles, ce que les fidèles croyaient et espéraient. Le premier témoignage de l'intervention de l’Églisc dans le mariage est celui de saint Ignace : « Il serait bon, dit-il, que ceux qui sc marient, tant hommes que femmes, ne contractassent leur union qu’avec l’approbation de l'évêque; car c’est la pensée de Dieu qui doit présider aux mariages ct non la passion. Tout pour la gloire de Dieu. » Ad Polycarp., v, 2, édit. Lclong, Paris, 1910, p. 102, 103. Le saint évêque exprime un désir; la pratique qu’il recommande était sans doute déjà en usage chez les chrétiens fervents; il voudrait qu'elle devînt générale. De fait clic ne larda pas à sc répandre. — Tertullien, en effet, s’ex­ prime comme s’il était de règle que les mariages chrétiens fussent conclus devant le prêtre et bénits par lui. Ce qui, pour lui, caractérise le mariage que Dieu protège, c'est que l’Églisc le noue, et que la bénédiction sacerdotale le scelle sur la terre en même temps que le Père le rail île au ciel : Ecclesia conciliat,.,, obsignat benedictio. Ad uxor., ιι, 9, P. L., 1.r, coi. 1302. Dans son traité De monogamia, un des arguments par lesquels il veut persuader à sa femme de ne pas sc remarier est celui-ci : comment pourrait-elle demander ce mariage, quand ceux à qui elle le deman­ derait (a quibus postulas) ne peuvent, d'après saint Paul, avoir été mariés qu’une fols? C’est donc que les époux vont demander le mariage aux prêtres; ct ceux-ci le donnent : · Les ministres donneront donc des hommes ct des femmes comme on donne des bouchées de pain? Ils vous marieront, vous, dans l’Églisc vierge, unique épouse du Christ unique? · C. xi, P. L., t. π, col. 943. En quoi consistait cette intervention de l’Églhc cl quelles étaient les cérémonies dont elle entourait le mariage? Le rituel en fut assez vite fixé, du moins dans ses parties essentielles. Saint Ambroise parle de la velatio cl de la benedictio; écrivant à Vigilius pour lui indiquer les devoirs qu'il devra remplir comme évêque, il lui recommande de veiller à ce que les chrétiens ne se marient pas avec des païennes, ou inversement, ct 11 donne cette raison : nam cum ipsum conjugium velamine sacerdotali ct benedictione sancti­ ficari oportet, quomodo potest conjugium dici ubi non est fidei concordia? Epist , xix, 7, P. L., t. xvi, coi. 981. 2105 Μ ΛΗ1 AGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT C’est donc une règle désormais fixée (oportet)·, le mariage est sanctifié par l’Églisc au moyen de deux cérémonies, l'imposition du voile cl la bénédiction, toutes deux accomplies par le prêtre. De ce uclamen il donne ailleurs une interprétation symbolique : faisant venir le mot nuptiic de nubes, il flit que le voile nuptial indique les nuages quelquefois très lourds qui viendront obscurcir le foyer. Exhortatio virginitatis, 31, t. xvj, col. 316. — A la même époque, le pape saint Siricc mentionne les deux niâmes céré­ monies, ct conclut que celui qui viole rengagement du mariage ainsi sanctifié sc rend coupable de sacri­ lège. Epist., i,ad Hinicrium, P. L., t. xi», col. 113G. — Les Statuta Ecclesia antigua qui semblent avoir été rédigés à Arles, peut-être par saint Césalre, mais repro­ duisent une législation plus ancienne, Hcfcle-Lcclercq, Histoire des conciles, t. n, p. 103 sq., veulent que les liancés soient conduits a la bénédiction du prêtre par leurs parents ou par les paranymphos, can. 13, ibid., p. 113. — Dans l’Églisc grecque, saint Grégoire de Nazian/.c mentionne la Jonction des mains des époux par le prêtre ; ne pouvant assister au mariage d’OIympias, il écrit au tuteur de la jeune fille. Procopios : < Par le désir Je suis présent; je célèbre la fêle avec vous; je joins l’une à l’autre la main droite des deux jeunes gens et loutes deux à celle de Dieu. » Epist., cxcin, P. G., t. xxxvii, col. 315, 31G. — Saint Jean Chrysoslome suppose que le prêtre pourra assister à toute la fête nuptiale, même aux réjouis­ sances qui suivent la cérémonie. Il met en garde les fidèles contre les joies immodérées, les danses, les chansons immodestes qui trop souvent accompagnent les mariages. Ne vaut-il pas mieux faire comme les époux de Cana · qui curent le Christ assis au milieu d’eux? Comment cela se fera-t-il? demandera-t-on... Par les prêtres eux-mêmes... Si tu fais entrer les ser­ viteurs du Christ, le Christ par eux sera présent avec sa mère cl scs frères. » In illud : Propter fornicationes uxoretn etc., hom. i, 2» P. G., t. u, col. 210. Aucun document ne nous renseigne sur l’ensemble des cérémonies du mariage. Le sacramenlalrc léonicn contient les prières de la messe cl de la bénédiction nuptiale, P. L., t. lv, col. 130, 131. C’est seulement le pape Nicolas I·', en 866, qui donne une description complète des rits suivis dans l’Églisc latine. Responsa ad consulta Rulgarorum, c. m, P. L., t. exix, col. 980; Duchesne, Origines du culte chrétien, Paris, 1925, p. 419 sq. 5° Le mot sacramentum appliqué au mariage. — Cette partie de notre étude se restreint évidemment aux Pères latins : le mol μυστήριον n’ayant pas suivi la même évolution qui a modifié et précisé le sens du mol sacramentum. La traduction latine qui a rendu par sacramentum Ime magnum est le μυστήριον μέγχ du texte grec est certainement très ancienne, puisque Tertullien en fait un usage relativement frequent. Les Pères postérieurs continuent à citer le texte latin, ou au moins à y faire allusion. Puis il arrive que le mot sacramentum est appliqué au mariage sans qu’il y ail une relation certaine avec le texte de l’Épllre aux Éphéslens. 11 faut essayer de préciser le sens de ce mot dans les diverses circonstances où il est employé. Il n’est sans doute plus nécessaire de rappeler que, dans la lang c des Pères, le termo sacramentum n’a pas le sens précis que lui a donné In théologie. Sa signifi­ cation était nu contraire très élastique ù cause des liens qui Punissaient Λ la langue juridique ou mili­ taire d’une pari, à la langue des mystères de l’autre. Et en raison de sa signification imprécise, chaque auteur peut en l’employant avoir en vue un sens plutôt qu’un autre, chaque passage peut présenter un sens différent des autres. · Parmi les mots qu’affectionne 2106 la littérature chrétienne antique, dit le P. de Ghellinck· surtout chez les Africains ct chez saint Hilaire, il n’en est peut-être pas qui doive davantage a l’étude minutieuse du contexte la détermination du sens qu’il affecte, particularisé ou étendu, simplifié, enrichi ou transformé, au point qu’à lire certaines pages de ccs auteurs, on serait tenté de croire qu'il n’est pas de limites assignables à Ια variété des notions susceptibles d’entrer dans un seul mot. L’élasticité de la significa­ tion occasionnelle de sacramentum rend cette déter­ mination extrêmement délicate et malaisée en certains cas, et 11 faut humblement reconnaître qu’il échappe plus d’une fols À tout essai de précision. » Pour Γhis­ toire du mot sacramentum, Introd., p. 11. C’est pour essayer de mettre un peu de lumière dans cette com­ plexité que le P. de Ghellinck, avec ses confrères les PP. de Backer, Poukens ct Lebacqz, ont recensé chez les Pères anténicécns tous les passages où se retrouve ce mol en essayant de déterminer pour chacun le sens précis. Déjà le P. d’Alès avait fait celte même élude plus brièvement pour les textes de Tertullien, La théologie de Tertullien, Paris, 1905, p. 321-323, ct de saint Cyprien, La théologie de saint Cyprien, Paris, 1922, p. 84-89. Antérieurement avaient paru des études analogues dont plusieurs sont appré­ ciées par le P. de Ghellinck, op. cit., p. 13 sq. Et, avant tous, Vasquez en 1588 avait étudié en détail les divers textes où saint Augustin applique au mariage le mot de sacramentum, pour essayer d’en préciser le sens Comment, ac disputat, in //Z·® part. S. Thomae, De matrimonii sacramento, disp. II, c. v, n. 30. Ce n’est pas sans raison que Vasquez s’était limité à approfondir les textes de saint Augustin. Les Pères antérieurs, en effet, ne fournissent ù peu près rien qui puisse être de quelque utilité. Dans la période anténicécnne, la seule qui ait été encore étudiée par le P. de Ghellinck ct ses collabo­ rateurs, il n’y a que Tertullien et Lactance qui aient appliqué au mariage le mot sacramentum. Tertullien le fait en six endroits, ct toujours il cite ou utilise le texte de saint Paul aux Éphéslens : Ado. Marc., V, xvi», P. L., t. », col. 518; Exhortatio castitatis, 5, ibid., col. 920; De monogamia, 5, ibid., col. 93G; De jejunio, 3, col. 958; De anima, 11 et 21, ibid., col. 665 cl 681. Or, dans tous ccs passages, la pensée de Tertullien ne dépasse pas celle de saint Paul; il voit dans le mariage primitif d’Adam ct d’Èvc ou dans le mariage actuel, un symbole, une allégorie, une figure, annonçant ou rappelant l’union mystique du Christ et de l’Églisc. Cf. de Backer, dans l'ouvrage cité, p. 125 sq.; d’Alès, op. cit., p. 322, 323; ct sans doute cette pensée a pu mener dans la suite ù la doctrine théologique du sacrement de mariage, mais elle ne marque aucun progrès sur les paroles de saint Paul. — Le sens du mol sacramentum est tout différent chez Lactance, Epitome, 61, P. L., t. vi, col. 1080. Il dit que celui qui est marié doit sc contenter de sa femme ct garder casti et inviolabilis cubiculi sacramenta; autrement il serait adultère devant Dieu. Le sens est évident : sacramentum désigne rengagement sacré qui unit les epoux ct les oblige à se garder une Invio­ lable fidelité; et ainsi Lactance sc rapproche du sens primitif du mot, le sacramentum était le serment ct en particulier le serment militaire. Lebacqz, dans l’ou­ vrage cité, p. 264. — De Lactance à saint Augustin, les Pères ne font que citer le texte de saint Paul, comme avait fait Tertullien, sans y rien ajouter qui précise le sens du mol; ainsi, par exemple, salut Am­ broise ct saint Jérôme. Pour saint Augustin, il n’en est plus de même. Sans doute quand il parle de sacramentum à nropos du mariage, il fait quelquefois allusion à l’Épltrc aux Éphéslens; mais le sens du mol se précise ct prend des 2107 MARIAGE DANS LES PÈRES. LE SACREMENT nuances nouvelles. Pour plus de clarté, nous diviserons en trois classes les passages où nous trouvons cc mot : d’abord ceux où il sc contente d’énumérer les bona nuptialia, parmi lesquels il place le sacramentum; puis ceux où il expose avec quelque détail ces bona nuptialia; enfin ceux où il parle de sacramentum sans rapport avec les bona nuptialia. Nous ne prétendons d’ailleurs pas relever tous les passages; mais du moins signaler les principaux. 1. Les bona nuptialia sont au nombre de trois, selon saint Augustin, et leur énumération, sous des termes différents, reste toujours identique; par exemple, generandi ordinatio, fides pudicitia, connubii sacramentum. De pccc. origin., 39, P. L., t. xliv, col. 404; proles, pudicitia, sacramentum, ibid., 42, col. 406; in castitatis fide, in confunctionis foedere, in propaginis germine. Contra Julian., 11I,57, col. 732. Si on compare ces trois passages, on est frappé de la concordance qui existe entre les trois bona nuptialia; cc sont bien les mémos; or, celui qui en deux endroits, est appelé sacramentum ou connubii sacramentum est désigné dans le troisième par in conjunctionis foedere. Il s’agit donc du lien sacré et Inviolable qui unit les époux. 2. Dans d’autres passages, les mêmes bona nuptialia sont exposés avec plus de détails. — De nuptiis et concupiscentia, l, 11, t. xliv, col. 420. Pour prouver l'existence du sacramentum, saint Augustin fait appel au texte de saint Paul; et ce même texte l’aide à expliquer ce qu’il entend par là : le sacramentum, c'est encore l’indissoluble engagement qui unit les époux : hu/us procul dubio sacramenti res est ut mas et femina connublo copulati, quamdiu vivunt, insepa­ rabiliter perseverent; mais la raison profonde de cette Indissolubilité, c'est précisément le rapport de sym­ bole qui existe entre le mariage et l’union du Christ avec l’Église; cette dernière ne pouvant être rompue par le divorce, le mariage non plus ne doit pas être rompu. Si pourtant les époux prétendaient sc séparer, le lien, extérieurement brise, subsisterait toujours pour leur condamnation, comme subsiste dans l’apos­ tat le caractère du baptême, sicul apostat æ anima, velut de conjugio Christi recedens, etiam fide perdita, sacramentum fidei non amittit, quod lavacro regene­ rationis accepit. Deux idées nouvelles complètent donc le sens premier du mot sacramentum : c'est un engagement sacré, d'autant plus inviolable qu’il est l’image du lien éternel entre le Christ et l’Église; un engagement dont la perpétuité rappelle le caractère ineffaçable produit par un autre sacramentum, par le baptême. — Ibid., n. 13, col. 121. Saint Augustin trouve un vrai mariage dans l'union de la Vierge avec Joseph; et dans cc mariage existent les trois bona nuptialia : proles, fides, sacramentum. Prolem cognos­ cimus ipsum Dominum Jesum; fidem, quia nullum adulterium; sacramentum, quia nullum divortium. II s'agit d’un engagement Indissoluble.— Ibid., η. 19, col. 421. La pensée est la même : le sacramentum est l'engagement que l'on ne peut rompre et qui subsiste même quand on y manque : sacramentum, quod nec separati nec adulterati amittunt, conjuges concorditer casteque custodiant. — Ibid., n. 23, coi. 427. Il explique le sacramentum en falsant appel au texte de la Genèse : relinquet homo... et adhwrebit... et Λ l'union du Christ avec l’Église : entre l’homme cl la femme, comme entre le Christ et l’Église, il y a conjunctionis insepa­ rabilis sacramentum. — De bono conjugali, 32, t. xl, coi. 394. Dans tous les mariages, même païens, il y a deux des bona nuptialia; mais la sanctitas sacramenti est spéciale aux mariages chrétiens. En quoi conslstct-elle? per quam nefas est etiam repudio discedentem alteri nubere, dum vir ejus vivit. On ne sc marie que pour avoir des enfants; cependant, même si le mariage 2108 est stérile, on ne peut le rompre, le sacramentum demeure. Saint Augustin l'explique par une compa­ raison qui Intéresse vivement la question : Quemad­ modum si fiat ordinatio cleri ad plebem congregandam, etiamsi plebis congregatio non subsequatur, manet tamen in illis ordinatis sacramentum ordinationis; et si aliqua culpa quisquam ab officio removeatur, sacramento Domini semel imposito non carebit, quamvis ad judicium permanente. Quelques lignes plus loin, Il explique le sacramentum du mariage par le texte de saint Paul : Uxorem a viro non discedere.., I Cor., vu, 10. 11. La comparaison employée ici est analogue à celle que nous avons rencontrée plus haut : le sacra­ mentum du mariage, déjà comparé au sacramentum fidei du baptême, est maintenant comparé au sacra· mentum ordinationis; mais c'est toujours au même point de vue, celui de sa fermeté et de son inviola­ bilité : comme on est chrétien pour toujours, comme on est prêtre pour toujours, on est marié pour tou­ jours. 3. Dans un passage, saint Augustin parle du sacra­ mentum nuptiarum sans le faire entrer dans une liste de bona nuptialia. De bono conjugali, 21, t. xl, coi. 387, 388. Il compare le sacramentum nuptiarum singularum, le mariage monogame des chrétiens, au sacramentum pluralium nuptiarum, au mariage polygame des patriarches. Dans un cas comme dans l'autre, il y a un symbolisme mystérieux : les anciens mariages préfiguraient l’Église, où toutes les nations se soumettraient à Dieu; le mariage unique est une figure du ciel où l’Église elle-même sera consommée dans l'unité. Qu'il ne s’agisse pas dans cc texte de sacrement au sens actuel du mot, le P. de Smedt’Je démontre facilement par le seul fait que les mariages Juifs sont dits sacramentum au même titre quelles mariages chrétiens. Principes de la critique historique, Paris, 1883, p. 112-114. Mais la pensée du saint doc­ teur semble plus complexe que dans les autres passages. Son attention sc porte surtout sur l’unité du mariage chrétien, tellement nécessaire au sacra· mentum temporis nostri que l’Église n’ordonne pas ceux qui ont été mariés deux fols, non qu’ils aient commis une faute, mais parce qu’ils n'ont plus l'inté­ grité du sacrement. Et en même temps l’idée du lien indissoluble reste également présente à l’esprit de saint Augustin, et ce lien indissoluble est toujours essentiel au sacramentum : aposlaslcr et violer l’enga­ gement du baptême ou violer 1 engagement du mariage sont des péchés semblables; les anciens ne pouvaient sans péché rompre leurs mariages; Λ plus forte raison ne le peut-on pas maintenant, pas même pour remédier ù la stérilité du foyer : in nostrarum quippe nuptiis plus valet sanctitas sacramenti quam fecunditas uteri. On ne peut donc sc ranger complètement à ΓορΙnlon de Vasquez, d’après laquelle le mot sacramentum, pour saint Augustin, signifie seulement que le mariage chrétien est une image de l’union du Christ avec son Église, opinion adoptée également par le P. de Smcdt, op. cil., p. 112. Encore moins peut-on admettre l'affirmation d'autres théologiens, qui veulent y trouver le sens précis que la théologie et l’Église ont ensuite donné au mot sacrement, par exemple, pour ne pas citer de théologiens plus récents, Perrone, De matrimonio chrisliano, Liège, 1861, t. i, p. 17,18 et p. 45, n. 121. La vérité est autrement nuancée. Le mariage est sacramentum, d’après saint Augustin, en ce sens qu'il est un engagement Indissoluble entre les deux époux; mais aussi parce que l’indissoluble fermeté de cet engagement a pour raison, fondement et idéal l'indissoluble union du Christ avec son Église; parce que l'unité essentielle à cet engagement dans le mariage chrétien est un symbole, de l'unité de l’Église 2109 MARIAGE DANS LES PÈRES. LA LEGISLATION qui sc consommera dans le ciel; parce que. malgré toutes les violations extérieures que l’on peut tenter, on ne rompt pus (lavantange cet engagement que l’on ne perd son caractère de chrétien, si Ton est baptisé» ou de prêtre, si l’on est ordonné; et celte assi­ milation du sacramentum nuptiarum nu sacramentum fidei et au sacramentum ordinationis indique peut-être autre chose de plus, mais que le saint docteur n’ex­ prime pas. Aller plus loin serait dépasser les paroles de saint Augustin. Elle seront dépassées ; c'est naturel, car les progrès qu’il a imprimés à la doctrine du mariage-sacrement sont de telle sorte qu ils doivent sc continuer et aboutir à la formule très nette qui sera trouvée plus lard. C’est pourquoi nous avons pu dire que saint Augustin a été un des principaux artisans de cette doctrine; mais il ne l’a pas exprimée lui-même. G0 Conclusion. — D’ailleurs sommes-nous encore bien loin de I idée théologique de sacre ment? Il ne faut pas isoler saint Augustin des autres Pères : Il a connu leurs doctrines et accepté leurs enseignements; et il ne faut pas davantage borner notre vue aux textes où apparaît le mot sacramentum : ils font partie de tout un ensemble et c’est l’ensemble qu’il faut regarder pour savoir où en est la connaissance expli­ cite de la doctrine sacrament aire du mariage. Les points suivants sont d’ores et déjà connus : 1. le mariage a été vraiment institué par Jésus-Christ, puisque l’institution primitive avait été corrompue par les mœurs païennes ou par les tolerances consen­ ties aux Juifs, et c’est Jésus qui a restauré le mariage dans sa pureté. — 2. Le mariage assure aux époux des grâces qui leur permettront d’en remplir les devoirs et d’en respecter les exigences. — 3. De ces grâces la vraie source est la sanctification que Jésus a donnée au mariage et dont la première manifestation fut sa présence et son premier miracle aux noces de Cana. Cette sanctification se renouvelle à chaque mariage et le signe sensible en est la bénédiction et les autres cérémonies dont l’Église l’accompagne. — 4. Le mariage chrétien s’élève infiniment au-dessus des unions des païens parce qu’il est l’image et le symbole de l’union du Christ avec son Église; c’est pour en être une representation plus parfaite qu’il doit être saint, un, indissoluble; dans ce symbolisme mystérieux, les Pères aiment à trouver la raison et le fondement de tout cc qu'il y a de grand dans le mariage chrétien. — 5. L’engagement contracté par les époux chrétiens a quelque chose de sacré cl de pci manent qui rappelle l’engagement du chrétien au service de Dieu, l’engagement du prêtre au service des autels; de là une assimilation entre le mariage d’une part et, de l’autre, le baptême et l’ordina­ tion. Un grand progrès a donc été parcouru; il ne reste que peu d’éléments ù conquérir pour que la notion du mariage-sacrement soit complètement formée. L’Église achèvera cc dernier pas, avec l’assistance de l’Esprit-Saint qui garantit contre l’erreur les con­ quêtes qu’elle accomplit dans la connaissance plus parfaite du dogme révélé. Quant aux Pères, repétonsle, ils ont connu et exposé cette doctrine autant qu’il était utile à leurs fidèles de la connaître; car ils étaient, non des théologiens, soucieux principalement de creuser et d’approfondir la vérité révélée, mais des pasteurs, désireux de la garder sans corruption et surtout d’y trouver pour leur troupeau des directions de vie et des leçons de perfection. 1/1. 1.Λ LflG/SL.lÎ/OX KCCL^/ASTIQUK DU ΜΛΚ/AGK. — Le mariage chrétien étant une chose sainte, il appartient à l’Église d’en faire respecter la sainteté; et puisque Jésus-Christ a rétabli les lois primitives de l’indissolubilité et de l’unité, c’est encore à l’Église 2110 qu’il incombe de les faire respecter, même à l’encontre des tolérances de la loi civile. L'Église n’a Jamais pu ignorer ses droits et ses devoirs en pareille matière; mais il y a loin des pre­ mières et très timides interventions qui ont inauguré sa législation matrimoniale au code complet de lois qui la composent actuellement; c’est surtout en pareille matlire que sc vérifie la loi du progrès lent et insensible par lequel passent les sociétés comme les individus. Saint Ignace posait un premier principe d’interven­ tion quand il recommandait de ne point conclure de mariage sans l'avis de l’évêque. Ad Polycarp., v, 2, éd. Lelong, p. 102. 103. Le rôle de l'évéque ne pouvait être que de contrôler si le mariage projeté était conforme aux lois de ΓÉvangile et aux règles de la prudence. Tel fut. scmblc-t-Π, le domaine auquel se limita d’abord 1 Église dans ses Interventions. L’Évan­ gile ne permettait pas le remariage des divorcés; et d’autre part la prudence défendait aux chrétiens d’exposer leur fol ou celle de leurs enfants par des mariages avec des païens. Pour l’observation des lois évangéliques, l’Église n’avalt pas â légiférer elle-même, mais seulement à instruire les fidèles. Qu’elle l’ait fait, on n’en peut douter; les commentaires des Pères sur les prescrip­ tions très claires de Jésus ou de saint Paul en sont la preuve. L’Église allumait ainsi la valeur absolue de la loi chrétienne, même quand celle-ci contredit la loi civile; elle revendiquait en matière matrimoniale une véritable autonomie. C'est cc qui ressort avec évidence de l’nttitudc du pape Calliste dans la question des mariages clandestins des patriciennes. Avec son acrimonieuse injustice. Hippolyte en fait grand repro­ che au pape : ■ Aux femmes non mariées, écrit-il, que l’ardeur de l’ôgc porte vers un homme de condition inférieure qu’elles ne peuvent épouser sans déroger, il permit de vivre avec qui bon leur semblerait, esclave ou libre, et de considerer ces unions comme légales. » Philosophcum., I. IX. n. 12, P. G., t. xvi c. col. 3386. Sous les accusations du pamphlétaire, il est aisé de discerner la mesure prise par Calliste. Elle est en somme à son honneur. Aux femmes de rang sénatorial qui ne pouvaient trouver à épouser un clarissime, la loi civile ne laissait le choix qu’entre la dérogation cl le concubinage secret. Calliste déclare que l’union d'une patricienne avec un homme de condition inferieure peut être considérée par l’Église comme un mariage véritable, quoi qu’en ordonnât la loi civile. Comme le fait remarquer fort justement L. Duchesne, « la conduite du pape est la preuve de la conscience où était le pouvoir ecclésiastique chré­ tien de son autorité sur le mariage, autorité indépen­ dante de celle de l’Élat ». Les origines chrétiennes, cours lithographié, p. 329.— Plus tard saint Jérôme, en face de certaines tolérances de la législation romaine, proclamera le même principe en rappelant le devoir de fidélité mutuelle qui s’impose aux époux chrétiens : Alia* sunt leges Casarum, alter Christi; aliud Papinianus, aliud Paulus noster prarcipit. Epist., lxxvii, ad Oceanum, 3. P. /.., t. xxu, coi. 691. Quant ù la loi de prudence qui interdisait aux chré­ tiens les mariages avec les païens, nous n’avons aucun texte législatif de la primitive Église. Mais Terlullicn témoigne que c'était la discipline générale : Coronant et nuptia* sponsos, et ideo non nubimus ethnicis, ne nos ad idololatriam usque deducant, a qua apud illos nupti/c incipiunt. De corona militis, c. xni. P. t. ii. coi. 96. Et ailleurs, en reprenant avec véhémence les chrétiens qui sc permettaient de pareilles alliances, il semble faire allusion à une sanction qui les atteignait : Fidèles gmt ilium matri· monta subeuntes, stupri reos esse constat et arcendos 2111 MARIAGE DANS LES PÈRES. LA LEGISLATION ab omni communicatione fraternitatis. Ad uxorem, ri, 3, P. £., t. i, col. 1202. Il n’y a aucune preuve que la législation ecclé­ siastique du mariage ait contenu d’autres dispositions tant que dura l’époque des persécutions. Et cepen­ dant nous avons le droit de croire à l’existe kc d’un rudiment de code matrimo liai. En effet, dès que la paix fut rendue à l’Église, diverses mesures furent prises pour réglementer les mariages des fidèles; cl en les voyant assez semblables dans des régions très différentes, on a l’impression qu’elles ne faisaient que traduire en textes de lois des usages universel­ lement adoptés. C’est le concile d’Elvirc qui édicte le premier code du mariage, ct tout de suite il apparaît déjà assez complet. Les canons 8 ct 9 prononcent des peines contre les femmes qui abandonnent leur mari, meme pour cause d’adultère, ct en prennent un autre; les canons 10 cl 11, contre la femme (jui se marie avec un homme qui a répudié sa première femme; le canon 15 blâme les mariages entre les femmes chré­ tiennes cl les païens, ne alas in flore tumens in adulte­ rium anima resolvatur; les canons 16 ct 17 sont plus sévères encore pour les chrétiennes qui sc marient à un hérétique, à un juif, à un prêtre païen; l’adultère de l’homme ou de la femme est sévèrement puni, surtout si le coupable est retombé dans son péché ct ne s’amende pas malgré ses promesses, can. 17 et 69; les parents ne doivent pas rompre les fiançailles de leurs enfants, sauf le cas de faute très grave, can. 51; un chrétien n'a pas le droit d’épouser sa belle-sœur, sous peine d’une pénitence de cinq ans; moins encore peut-11 épouser sa belle-fille : c’est un inceste qui entraîne l’excommunication dont on ne peut le relever, même à la mort, can. 01 ct 66. Mansi, Concit., t. n, col. 8 sq.; IIcfcle-Lcclcrcq, 1.i, p. 226 sq. Tel est le premier essai de législation ecclésiastique en matière matrimoniale. Il est certainement antérieur à l'édit de Milan; peut-être même doit-on le faire remonter avant 300; en tout cas, il correspondrait à une période de paix assez prolongée pour l’Église d'Espagne. Or, dès que Constantin eut assuré la liberté au christianisme, les conciles d'Orlent et d'Occidcnt ou les évêques organisent officiellement la législation; parmi les canons qu’ils promulguent, quelques-uns concernent le mariage; ct partout se retrouvent, au moins partiellement, certaines des règles édictées par le concile d’Elvirc, cc qui laisse penser que les uns ct les autres ne font que codifier des lois vécues avant d'être écrites. Il y aura cepen­ dant quelques éléments nouveaux, en particulier l'interdiction du mariage à tous ceux qui ont consacré leur vie à Dieu. Le concile d'Arles, 311, rappelle aux hommes qui ont dû se séparer de leur femme coupable d'adultère, qu’ils ne peuvent sc remarier, can. 10, cf. can. 9 du concile d’Elvirc. Il défend aux jeunes chrétiennes d’épouser des païens, sous peine d’être séparées de la communion pendant quelque temps,can. 1 l.cf. can. 15 du concile d’Elvirc. I Icfele-Lcclercq, t. 1, p. 287 sq. Le concile d'Ancyrc· 311, ordonne à celui qui a enlevé une Jeune fille déjà fiancée de la rendre à son fiancé, can. 11. Il condamne à la pénitence l'homme ou la femme qui sc rendraient coupables d’adultère, can. 20. Ifofele-Leclcrcq, t. i, p. 313 ct 322. Au concile de Néocésaréc, entre 311 ct 325, can. 2, une excommunication est prononcée contre la femme qui épouserait son beau-frère; on ne lui laisse pas d’espoir de réconciliation, sinon au moment de la mort, à condition qu’elle promette, en cas de guérison, de rompre cette union illégitime. Hefelc-Leclcrcq, t.r. p. 328. Il y avait aussi une excommunication portée contre 2112 les veuves consacrées au Seigneur qui oseraient sc remarier, ainsi qu’en témoignent les Statuta Ecclesite antiqua, can. 101. Ibid., t. n, p. 120. Saint Basile, dans scs Épltres canoniques, nous a laissé le recueil complet des lois ecclésiastiques qui régissaient le mariage en Orient, ou plutôt dans toute l’Eglise, puisque les documents qui nous renseignent sur i’Occident sont absolument concordants. La P· épllre canonique, Epist., clxxxvhi, à Amphlloque, contient un canon contre les personnes consacrées à Dieu (των κανονικών) infidèles à leurs promesses; le sens n'en est pas évident; il semble viser le cas où ccs personnes prétendraient sc marier, déclare que ces mariages ne sont que débauche et qu’il faut prendre tous les moyens de les rompre. P. G., t. xxxn, col. 673, 674. Dans la IP canonique, Epist,, cxcix, à Amphiloquc, plusieurs canons concernent le mariage. Le can. 18 semble être la Justification du règlement porté dans la première contre les personnes consacrées à Dieu qui viendraient à être infidèles. Il convient, dit saint Basile, maintenant que l’Église en sc fortifiant devient plus capable de sainteté, d'être plus sévère qu’on ne l’était. Jusqu'ici on condamnait seulement ccs per­ sonnes à la pénitence. 11 faut désormais les traiter comme des adultères ct exiger qu’elles cessent de pécher avant de les admettre à la communion; cl de fait ne sont-elles pas infidèles à Jésus-Christ dont elles étaient les épouses? ibid., col. 717 sq. Lc canon 22 ordonne à celui qui a enlevé une jeune fille fiancée à un autre de la rendre à son fiancé, col. 721 ; le canon 23 exclut de la communion celui (jui a épousé sa bellesœur, jusqu’à ce qu'il s'en soit séparé, col. 723; le canon 32 prescrit de considérer comme adultère une femme dont le mari est disparu ct qui sc remarie, tant qu'on n'est pas certain de la mort du premier, col. 727. Si nous comprenons bien la pensée de saint Basile, il Innove dans le sens de la sévérité à propos du mariage des vierges ou des veuves consacrées à Dieu : il exige qu’on les sépare de leur prétendu mari avant de les admettre à la communion; nous dirions aujourd’hui qu’il déclare leur mariage, non seulement illicite, mais invalide. Sur les autres points, il ne fait que se conformer à la discipline générale déjà ancienne. Il le déclare particulièrement au sujet du mariage d’une femme avec son beau-frère. Un certain Diodore, ou peut-être, comme il le suppose lui-même, un anonyme qui sc cachait sous cc nom, invoquait contre lui la fameuse loi mosaïque du lêulrat, Levit.· xvm, 18. Basile lui répond en s'appuyant sur la coutume, coutume qui a force de loi parce qu’elle vient des saints qui nous l’ont transmise; cette cou­ tume est qu’une semblable union n’est pas considérée comme mariage, ct qu'on n’admet pas les époux à la communion tant qu’ils ne sc sont pas séparés. Epist., clx, P. G., t. xxxn, col. 623, 621. En dehors de saint Basile ct après lui, nous ne trou­ vons de législation qu’à l’état fragmentaire. Dans l’Église latine, c’est le pape Sirlce qui ordonne de respecter rengagement des fiançailles ct condamne le mariage des prêtres et des diacres, Epist., i, ad lUmerium, n. 5 ct 8, P. L., t. xm, col. 1136 sq.; c’est saint Ambroise, ou plutôt l’auteur anonyme du De lapsu otrglnls consecratae, inséré parmi ses œuvres, voir AmüRoisr (Saint), 1. i, col. 915, qui condamne comme un adultère le mariage d’une vierge consacrée, déjà épouse du Christ, n. 21. P. L„ t. xvi, col. 373; c'est le pape Innocent Ier, qui, pour la même raison, défend d'admettre ccs personnes à la communion, tant qu’elles n'ont pas rompu leur union illégitime, comme on le fait pour les adultères. Epist., n, ad Victricium, n. 15, P. L·, t. xx, col. 178. 179. Dans l’Église grecque, c'est le concile de Chalcé- 2113 MARIAGE DANS LES PÈRES. CONCLUSION dolnc (151), rc de suivre sa passion. Le pape le lui interdit, P. L., col. 1138, cl il le redit au. roi : elle ne peut sc retirer dans un monastère à moins que le roi lui-même ne promette de garder la continence. Et avec un peu d’ironie, le pape insiste : Si ergo hoc modo ois, nos grato permittimus animo ccleremque prae­ bemus assensum... Si utrisgue conveniat continentem ft 2121 MARIAGE vitam ducere, hoc quis audiat accusare? P Λ., l. exix, col. 1149. 1. Quant aux accusations de détail que Lolhaire formulait contre la reine, clics ne font rien à la validité du mariage. — Theutberge est stérile? Il y a eu bien des épouses stériles, par exemple Anne et Elisabeth. — Elle a des vices nombreux? peu importe; · serait-elle portée â l’ivrognerie ou à la violence, de mauvaises mœurs, débauchée, gourmande, coureuse, médisante, ou querelleuse, bon gré, mal gré, il faudrait encore la supporter.» Ibid. Le pape concluait sa lettre à Lothaire en faisant appel à scs sentiments de chrétien, qui doit recon­ naître l’autorité du pape, et de fils, qui doit se sou­ mettre aux remontrances affectueuses de son père; il le suppliait d’avoir plus d’énergie pour réfréner scs passions et d’oublier à jamais Waldrade; sinon, Il pourrait comme elle être frappé d’excommunication et, pour une satisfaction d’un temps, être condamné ad sul/ureos /adores et Λ la perte éternelle. 2· Hincmar de Helms et le divorce de Lothaire. — Sans avoir été aussi actif que celui du pape» Je rôle de l’archevêque de Helms ne laissa pas d’avoir son importance. Hincmar ne fut pas seulement le cano­ niste dont on demandait les avis. Il fut l'évêque in­ fluent que les partisans de Lothaire auraient voulu avoir dans leur camp et qui, rien qu'en prenant parti pour Theutberge, fit pencher la balance en sa faveur. Dès avant le II· concile d'Aix-la-Chapelle, 860, Hincmar fut sollicité de sc déclarer pour Lothaire. L'évêque Advcntius de Metz alla lui demander d’être un des deux évêques du royaume de Charles le Chauve qui devaient y prendre part. Hincmar refusa, prétex­ tant l'état de sa santé, mais aussi parce qu’une affaire de cette importance était du ressort d’un concile géné­ ral. Ce refus jeta les partisans de Lothaire dans une grande perplexité; on s'en tira en laissant croire que Hincmar avait déclaré approuver le concile et s’y était même fait représenter par deux autres évêques français. De divortio Lotharii et Tetbergæ, interrog. î, P. L., t. exxv, col. G30. — C'était déjà assez pour justifier une protestation d’Hincmar. Une démarche directe fut faite auprès de lui par des sujets de Lo­ thaire pour provoquer une déclaration publique de sa pensée. On lui posait un certain nombre de questions, il y répondit par son traité De divortio Lotharii régis el Telbergae régime, P. L., t. exxv, col. 619-772. Dans ce traité mal compose, où se suivent presque sans ordre les réponses à vingt-trois interrogation'·, puis à sept questions, où chacune des idées énoncées est accompagnée de ses justifications, textes de Pères ou de conciles cités in extenso, les discussions juridi­ ques tiennent la plus grande place : quelle était la procédure à suivre? quelle était la valeur de telle preuve, par exemple de l'épreuve de l’eau bouillante? que fallait-il penser du monstrueux inceste dont on accusait la reine et des suites invraisemblables qu’on lui attribuait? telles sont surtout les idées vers lesquelles se portent les préoccupations d’Hincmar.— Toutefois les affirmations d’ordre théologlquc ne manquent pas, et il convient de relever surtout les suivantes : 1. L’indissolubilité du mariage. — Hincmar affirme à maintes reprises l'indissolubilité du mariage : il le devait en face des évêques courtisans qui ne sem­ blaient pas croire à la rigueur de la loi évangélique. On alléguait, par exemple, le cas de l'évêque Ébon qui avait été déposé sur l’aveu secret qu’il fit d’une faute par lui commise (document fort intéressant, pour le dire en passant, Λ verser au dossier de l'his­ toire de la discipline pénitent telle). Mais autre est la loi qui attache l'un à l'autre les deux époux, autre la loi qui unit l'évêque Λ son siège. L'homme et la femme 2122 sont liés l'un à l'autre jusqu’à la mort de l’un ou de l'autre. Interrog. n, col. 642. La lol d'indissolubilité repose avant tout sur les alïlrmations de la sainte Écriture, et Hincmar aime à en répéter les textes; il résume la doctrine en cette phrase : uxorem a viro discedere posse neque auctoritas sacra permittit. Intcrr. i, col. 639. 2. Les causes possibles de séparation. — Il n’en connaît que deux : Disjunctio inter fideles post initum conjugium fieri non potest nisi causa fornicationis et amore continentia·. Interrog, xxî, col. 733; cf. Interrog. n, coi. 642; interrog. v. coi. 651, 652. En cas d'adul­ tère de l’un des époux, l'autre est libre dr renoncer à la vie commune; même alors, la loi de Dieu subsiste qui défend de séparer ce que Dieu a uni; aussi les époux ainsi séparés ne peuvent se remarier tant que la mort ne les a pas libérés du premier mariage. Ibid. Ce lien créé par Dieu, Dieu lui-même le dénoue quand les deux époux, d’un commun accord et par amour pour la vertu supérieure de continence, renoncent à leurs droits l'un sur l’autre et se vouent à la vie reli­ gieuse; mais il faut pour cela que tous deux s’engagent à garder la chasteté : l’entrée en religion de l'un des époux, l’autre demeurant dans le monde sans pro­ mettre la continence, ne romprait pas le mariage. Ibid, cl Interrog. x, col. 686. Aucune autre cause de rupture n’est légitime. Les dissentiments qui peuvent éclater entre époux ne sauraient être pris en considé­ ration; autrement, une foule de mariages seraient brisés au mépris de la loi de Dieu cl on aboutirait à la séparation par consentement mutuel. Interrog. n, col. 644. La stérilité du mariage et le désir d’avoir des enfants n’csl pas davantage une cause qui permette ou de rompre le lien conjugal ou de prendre une concu­ bine; cl Hincmar, à celte occasion, commente en quelques lignes les trois bona nuptialia dont parlait saint Augustin, fides, proles, sacramentum. Interrog. xxî, col. 736. 3. Les conséquences de la séparation. — Quand les époux sc sont séparés pour cause d’inconduite de l’un d’eux, le lien formé par Dieu subsiste, de sorte qu’ils ne peuvent sc remarier, du vivant de leur conjoint, sans être adultères; la tradition cl les lois de l’Églisc, que clic abondamment Hincmar, sont tout à fait formelles sur ce point, déjà affirmé par saint Paul. Interrog. v, col. 651 sq. Mais si la séparation a lieu par désir de continence, la pensée d’Hincmar n’est plus aussi nette : quelquefois il considère le mariage comme rompu. Dieu ayant lui-même séparé ce qu’il avait uni. Interrog. n, col. 642; ailleurs il suppose que le mariage subsiste et II cite un texte de saint Augustin à propos du mariage de la sainte Vierge; le mariage, dit-il, est plutôt ennobli et spiritualisé que dissocié. Interrog. v, col. 651. La question d’ailleurs est pure­ ment théorique puisque, dans l’hypothèse, on ne saurait envisager un mariage subséquent de la part des époux qui ont fait vœu de continence 4. Les devoirs mutuels des deux epoux. — En face de la haine dont Lothaire poursuivait Theutberge, des calomnies atroces qu’il lançait contre elle, des mau­ vais traitements qu’il lui faisait subir, Hincmar trace, en commentant saint Paul, le tableau Idéal de ce que doit être l’homme pour son épouse, à l’imitation de ce qu’est le Christ pour son Église. Les deux tableaux qui se suivent, celui de l’idéal que propose l’Apôtre, celui de la réalité que présente la conduite du roi, forment un contraste violent qui met en plus vive lumière les beautés du mariage chrétien. I nterrog, v, col. 657-658. 5. L*empêchement d'inceste. — Hincmar admet son existence et la prouve par des textes de Pères ou de conciles qu'il interprète d’une manière fantaisiste. Pour lui, si Theutberge était convaincue de ce crime 2123 MARIAGE EN THÉOLOGIE. INTRODUCTION par un tribunal qui la Jugerait avec impartialité, son mariage serait nul, l’incestueux s’interdisant par son crime tout mariage ultérieur. Intcrrog. xn, col. 705707; Intcrrog. xix, col. 730. Nous avons vu que le pape Nicolas I*r ne semble pas connaître l’existence d'un semblable empêchement; mais qu'on y ait cru en France, ce n'est pas douteux, étant données les calomnies contre Thcutbergc, ct la sentence portée contre elle, ct la façon de parler d’IIincmar. Celui-ci pense donc que, si la reine a été coupable de ce crime, son mariage est nul ct Lothairc sc retrouve libre. Il devrait d’abord faire pénitence, puisque légalement il est coupable d'adultère, ayant eu des rapports avec Waldradc alors qu’ofUcicllemcnt il était marié; mais sa pénitence faite, il pourrait contracter un nouveau mariage. Intcrrog. xx. col. 731; cf. intcrrog. xxi, col. 736-738. Rien ne s’opposerait à ce qu’il prît pour femme sa concubine Waldradc, comme David, après son châtiment, prit pour femme légitime Bcthsabée. Intcrrog. xxi, col. 738. Ici encore, Hincmar est en désaccord avec le pape Nicolas Ier, qui déclare que jamais, même si Thcutbergc vient à mourir, il ne consentira au mariage entre Lothairc et Waldradc. Le traité d’IIincmar ct les lettres de Nicolas 1° sont les derniers écrits de quelque importance qui nous renseignent sur le mariage. Avant les études systéma­ tiques que rendra possibles la fondation des grandes écoles, et qui feront faire à la doctrine du mariage des progrès plus considérables que pendant toute la période des Pères, c’est plus d’un siècle qui va s’écou­ ler, « siècle de fer», a-t-on dit; on pourrait dire aussi : siècle de ténèbres. L. Godefroy. III. LA DOCTRINE DU MARIAGE CHEZ LES THÉOLOGIENS ET LES CANONISTES DEPUIS L'AN MILLE. — Introduction. — 1. Acceptation uni­ verselle de la compétence exclusive de l’Église sur le mariage. — Depuis la fin de la période patristique jusqu’à l’an mille, la doctrine du mariage ne s’est guère développée, à cause de l’état médiocre des sciences religieuses cl des limites assez étroites que la coutume ou les princes posaient à la compétence légis­ lative et Judiciaire de l’Église. L'affaiblissement des États occidentaux, dans le cours du x· siècle, ct les progrès de la puissance ecclésiastique devaient sup­ primer le second de ces obstacles. Dans ce x· siècle désordonné, par l'effet même des désordres qui troublaient la société civile, les droits de l’Église sc sont singulièrement accms en bien des domaines jusqu'alors réservés au prince. — C'est aux environs de l'an mille que la compétence exclusive du législateur ct des juridictions ecclésiastiques en ma­ tière de mariage a été reconnue dans presque toute la chrétienté. Jusqu’alors, Il y avait en partage—colla­ boration plutôt que concurrence — entre l’Église et les États chrétiens. Le rôle de ceux-ci s’arrête dans le cours du x· siècle en France et en Italie. Esrncln, Le mariage en droit canonique, Paris, 1891, 1.1, p. 25 sq.; Salvioli, La glurisdizione patrimoniale e la giurisdlsione della Chlesa in Italia prima del mille, Modène, 1881, p. Ill; L Fahrner, Geschlchte des Unauflôslichkeltiprinzips und der oolkommcncn Scheldung der Ehe (m kanonischen Redit, Fribourg-cn-B., 1903, p. 117 sq. Le triomphe des Juridictions ecclésiastiques ne fut point accompli du même coup dans toutes les régions de France ou d’Italie. Encore au xi· siècle, le Liber Papiens is ct V Expositio nous sont témoins qu'en certains lieux, les affaires matrimoniales étaient Jugées parles tribunaux laïques. F. Brandilcone, Saggi sulla storia della celebrazione del matrimonio in Italia, Milan, 1906. p. 562 sq. Les causes de cette transformation ont été diverse­ ment appréciées. « Conséquence naturelle de la généra­ 2124 lisation de la foi chrétienne dans la société civile ·, pense Salvioli, suivi par E. Chénon, Le rôle social de l'Église, Paris, 1922, p. 71, 75, et Histoire générale du droit français, Paris, 1926,1.1. p. 393. Esmcin, Brandi­ lcone soulignent, avec raison, la cause politique. En France, l'affaiblissement du pouvoir royal permit aux juridictions ecclésiastiques de sc substituer coutu­ mièrement à la justice publique; et il semble qu'en Italie, la concession faite par l'Empcrcur à de nom­ breux évêques de la dignité ct des fonctions de comte ait préparé la compétence exclusive des évêques en matière matrimoniale. En Angleterre, où l'évolution politique ne présente pas exactement les mêmes caractères que celle des États continentaux, la compétence exclusive des tri­ bunaux ecclésiastiques parait avoir été un peu plus tardivement admise : elle est incontestée au début du xn· siècle. Pollock ct Maitland, The history of cnglish lain before the time of Edward I, Cambridge. 1895, I. I, p. 10G sq.; t. il, p. 361 sq. Si les étapes de la substitution de l’Église aux pou­ voirs séculiers ne sont pas encore connues avec assez de précision, les conséquences en sont immédiate­ ment faciles à prévoir. L'Église s’était bornée pen­ dant le premier millénaire à défendre les principes du mariage chrétien; il lui appartient désormais d’orga­ niser toute la réglementation cl toute la police du lien du mariage, de déflnir et de coordonner un régime dont clic a tout le soin, car, en même temps que la compétence judiciaire, l’Église avait acquis, naturelle­ ment, le pouvoir législatif, c'cst-à-dire le pouvoir de n’appliquer que son droit ct les lois séculières qu’elle aurait canonisées. Force lui était donc d’arrêter tous les principes d'un droit complet relatif au vinculum (des effets civils, clic ne s'est qu'incidcmmcnt occupée). 2. Difficulté de T unification législative. — Besogne délicate : le monde chrétien, en effet, est partage entre des législations, des coutumes fort différentes dont les deux principales sont le droit romain ct le droit germanique. — Le droit romain règne dans une grande partie de l’Italie péninsulaire ct dans la France méridionale, où le Bréviaire d’Alarlc a conservé le Code théodosicn et quelques fragments des juris­ consultes classiques, où la pratique surtout a maintenu les anciens usages. Le mariage romain, dont nous aurons bientôt à exposer plus longuement la théorie, sc réalise par le simple accord des volontés des époux, sans aucune solennité légale. Sur l'histoire de ce mariage en Occident jusqu'au x· siècle, cf. Chénon, Histoire générale du droit français, t. I, p. 62-G7 ; Ch. Lefebvre, Introduction générale à l'histoire du droit matrimonial français, Paris, 1900; G. Salvioli, Storia del diritlo italiano, 8· édit., Turin, 1921; A. Solmi, Storia del diritlo italiano, 3· édit., Milan, 1922; F. Brandilcone, op. cit. — Dans les pays occupés par les peuples germaniques, une autre conception du mariage s’était imposée, dont les historiens d’aujour­ d’hui discutent certains traits. D’après l’opinion classique, le mariage germanique sc réaliserait par la transmission du mundium : celui qui a puissance sur la femme vend son mundium au mari — primitive­ ment, c'est la femme même que le mari achète — par un contrat (desponsatio, Vcrlobung), généralement suivi d’une dotation cl, toujours, de la livraison (traditio, Trauung) : tous ces actes s’accomplissent avec un cérémonial archaïque ct compliqué, variable selon les lieux et auquel un orateur prête son concours. Cette doctrine a été exposée dans de nombreux ou­ vrages et récemment par Fr. Rodcck, Beilrüge zur Geschlchte des Eherechls deutscher Fhrsten bis zur Durchfûhrung des Tridenlinums, dans Milnstersche Beitrûge zur Geschichtsforschung, N. F., t. xxw, p. 20 sq. L'importance des actes successifs est diver- 2125 MARIAGE EN THÉOLOGIE. INTRODUCTION semant appréciée : certains auteur’» (Sohm) volent dans la desponsatio l’acte constitutif du mariage, que cer­ tains autres (Leaning, Schcuri) croient reconnaître dans la traditio Cf. l'exposé de Fr. Frensdorff, Verlobnls und lïhesehltessung nac/t hansischen Hechts und Geschtchtsqucllen, dans Hansische Geschichtsbtatter, t. xxiv, 1918, p. 7. Pour Sohm, la desponsatio a rem­ placé la vente primitive, dont elle est l'exact équiva­ lent. De même que le mariage par achat était parfait dès le paiement du prix de la femme, de même le paie­ ment du prix du mundium lors de la desponsatio suffit A rendre parfait le mariage, avant toute tradition, cl quand le paiement fut devenu symbolique, la promesse de l'homme de prendre la femme pour son épouse passa au premier plan cl constitua le contrat de mariage. Lœnhlg. Schcuri ct bien d’autres objectent que la promesse A laquelle Sohm attribue tant d’importance ne fonde que des obligations négatives, ct ne suffit point A réaliser le mariage qui ne devient effectif que par la livraison dola femme. Ces deux opinions contra· dlctoircs paraissent également vaines à Freisen qui sépare comme choses bien distinctes l'acquisition du mundium et le mariage où les Germains n'auraient reconnu qu'un rapport naturel, non point un rapport juridique. En lin le schéma classique a été vivement attaqué par J. Fickcr, Untcrsuchungcn zur germanischen Hechtsgeschichte, 1891, qui soutient que le mariage ne s’est jamais accompli chez les peuples germaniques sans l’accord exprès de volonté des deux parties, sans un contrat entre les époux, opinion que les sources littéraires semblent renforcer. O. Zollin­ ger, Die Eheschliessung im Nibelungcnlied und in der Gudrun, dans Comptes rendus de Γ Académie de Vienne, Philos, hist. Kl., t. cxnx, fasc. 1, 1923. Ces indications brèves laissent pressentir quelles difficultés rencontre l’historien du droit, dans la re­ cherche des sources positives du droit matrimonial de l’Église. Les formes germaniques ct aussi les formes romaines sont diversement interprétées parles savants. Et plus graves encore sont entre eux les divergences quand il s’agit de lixer la part de chaque influence : le droit matrimonial de l’Église est, tour à tour, repré­ senté comme d’origine germanique (Sohm). romaine (Friedberg, Schling, etc.), hébraïque (Freisen). Il nous semble que ces trois facteurs dont seule une étude minutieuse des usages et rites locaux révélerait l’importance respective sc peuvent reconnaître asso­ ciés dans le mariage canonique. Le problème qui sc posa pour l’Église au xi· siècle (problème immense et dont nous n’avons à étudier que les rapports incidents avec la théologie), c’est précisément de faire A chacun sa part. Ces législations ct coutumes, d’origine romaine ct germanique, où la théorie des empêchements, les formes de la célébration — on verra combien fut puissante l’influence du formalisme germanique — les causes de rupture du lien ont leurs particularités, il les faudra respecter dans la mesure où les intérêts civils des époux l’exigent, en attendant que les principes essentiels soient unifiés : c’est l’un des cha­ pitres ct non le moins curieux du conflit entre les usages locaux et le droit universel que Borne, pour la seconde fols, va imposer A l’Occidcnt. 3. Insuffisances de la doctrine théologique. — Mais la difficulté primordiale ne sera point de contraindre la chrétienté A ce merveilieux accord : il s’agit d’abord de réaliser dans l’Église même l’unité de lu doctrine. Si les principes fondamentaux du ma­ riage chrétien sont bien assurés, sur beaucoup de points qui semblent Intéresser la discipline plutôt que le dogme, il y a entre théologiens, entre canonistes, des opinions divergentes. Les principes fondamentaux sc rapportent aux r 2126 caractères ct A la valeur morale du mariage. L'Ancien Testament, l’enseignement de Jésus-Christ ct de saint Paul les ont posés. Les conciles ct les décrétales les ont interprétés. Les Pères les ont mis en relief, soit en commentant les Écritures, soit en combattant les hérésies : ct, comme sur tant d’autres sujets, l’œuvre où sc résume leur doctrine ct qui domine le Moyen Age — presque sans partage dans le temps où nous sommes placés ct jusqu’au milieu du xnr siècle — est celle de saint Augustin. Toutes ces sources, qu’ils con­ naissent surtout par l'intermédiaire des florilèges ct des collections canoniques, communiquent aux hommes du x· dècle quelques vérités essentielles, surtout d’ordre moral, car la réglementation juridique est fragmentaire (l’État vient de s'en dessaisir) et la systématisation théologique n’est pas encore com­ mencée. La grande affaire a été de fixer, aux premiers siècles, la valeur morale du mariage : contre le rigorisme ou le laxisme des sectes, les Pères ont ju»Lific, en les hiérarchisant, les divers états accessibles aux chré­ tiens. SI la virginité est supérieure au mariage, ut bono melius, ct le veuvage aux secondes noces — les Pères le remarquent avec un accent variable ct souvent très appuyé — le mariage est, lui aussi, un état honnête que recommandent l’institution divine cl les trois biens énumérés dans des textes fameux de saint Augustin : fides, proles, sacramentum. C’est aussi bien entre les individus et selon leur pureté, leur soumission aux lois de leur état que ^’établit devant Dieu lu hiérarchie. La continence est au sommet ; puis la chasteté dan* les relations conjugales, c’est-à-dire leur limitation aux fins licites : procréer, plaire à Dieu par l'acceptation d’un devoir; enfin, si la volupté l'emporte sur la charité, il y a péché, péché véniel. Telle était la doc­ trine dominante, celle, on particulier, de saint Augus­ tin, en quelques passages célèbres. Il ne faut point, toutefois, oublier que dans le sein même de l’Église subsistait une tendance plus sévère, inspirée par l’hor­ reur de la concupiscence, la méfiance A l'égard de la chair cl qui se manifeste notamment, à partir du x· siècle, par l’extraordinaire croissance de l’ordre monastique. Ainsi, quelques nuances distinguent les Pères dans le jugement qu’ils portent sur l’état de mariage ct sur l’acte conjugal. La notion de sacrement n’a point donné lieu à tant d’analyses. Mais il en résulte une infirmité de la doc­ trine : l'imprécision. Il n’en faut point conclure que, pour un homme du xi· siècle, le mariage n’est pas un signe ct que Dieu n’accorde point aux époux In grâce requise pour l’accomplissement de leur tâche. Saint Paul a défini le symbole et Tertullicn, par exemple, nous est témoin de la croyance à la grâce. Mais pen­ dant les dix premiers siècles, la grande œuvre, ct combien nécessaire, de l’Église, a été d’introduire la moralité dans le mariage, de préciser des règles, de résoudre des cas de conscience, non point d’approfon­ dir le dogme. Les conséquences pratiques de la doc­ trine importaient plus que les formules savantes. Pourtant, sur quelques points, l’absence d’une systématisation causait quelque trouble. De la notion de sacrement cl des enseignements mêmes de JésusChrist, on ne tirait pas encore toutes les conclusions imposées par la logique. Ce conflit entre la logique et la pratique, la vérité ct la coutume, sc manifeste surtout dans l’appréciation du principe de l’indisso­ lubilité. Un peu flottante sur cc point essentiel de la disso­ lution du lien, la doctrine est encore plus hésitante sur la question de sa formation même. Le consente­ ment fait-il le mariage, comme l’admet le droit ro­ main? Ou bien certaines solennités sont-elles requises comme l’exige le droit coutumier, comme l’insinuent 2127 MARIAGE EN THÉOLOGIE. INTRODUCTION certain* texte* canonique*? Surtout y a t-il véritable­ ment mariage avant la commixtio sexuum*) La réponse négative â cette dernière question pou­ vait sc fonder sur un texte célèbre de saint Leon ct elle avait été professée par Hinemnr. L Fahrner, op. cil., p. 87 sq.; voir l’interprétation un peu différente dc Schrôrs, Hinckmar Erzbischof von Reims, Fribourgcn-B., 1884. p. 21G sq. Elle trouvait un appui dans cer­ taine* coutumes populaires ct dans In tradition juive. • Pour les Juifs, l'alliance de Dieu et dc son peuple, alliance qui doit toujours durer, sc perpétue par le mariage. D’où la nécessité du mariage qui assure la perpétuité de Ια race élue ct lui permet de continuer à jouir de la bénédiction dc Dieu. D’où la réprobation de l’adultère qui dissout cette alliance. D’où le soin attentif de la préservation dc la race. L'alliance étant une alliance de race ct de sang entre Dieu et son peuple, le fait matériel de la propagation de l'espèce prend une importance capitale. » Cours inédit d*His­ toire du droit, de M. Champeaux, Strasbourg, 19261927. Sur le mariage chez les Juifs postérieurement à la fondation dc l’Église, cf. J. Neubauer, Bettrûgc sur Geschichte des biblischtatmudlschen Eheschliessungrechts, Leipzig, 1920. Toutes ces raisons n’avaient plus grande valeur dans la société chrétienne dont la per­ pétuation est assurée contre tout risque et où l’on met l'accent sur le symbolisme dc l’alliance toute spirituelle entre le Christ et l'âme. Mais la tradition juive gardait un certain crédit. Déterminer l'instant où sc forme le mariage : tel sera l’un des plus graves soucis dc l’Église, au xu· siècle. 4. Objet dc cet article — Nous exposerons non point l'histoire si attrayante et instructive des cérémonies du mariage, non point mémo toute la doctrine du mariage depuis l’an mille, mais seulement l'histoire du dogme ct de la doctrine théologique. C'est dire que les questions dc pure discipline, la réglementation com­ plète des conditions de fond et de forme requises pour la validité du mariage, ne seront point traitées : elles trouveront leur place dans le Dictionnaire de droit canonique, ct déjà la plus considérable, celle des empê­ chements, qui occupe dans tous les traités du mariage la plus grande place, a été étudiée ici meme dans la mesure où il convenait qu’on l’étudiât. Voir t. iv, col. 2440 sq. De même, les formalités de la célébra­ tion ne nous retiendront guère. On trouvera quelques explications au mot Propre cubé (puisque ce mot a été annoncé déjà, avant la publication du Codex). Sur la liturgie, l'article Mariage du Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, nous donnera certainement des renseignements complets. Enfin, nous n’avons point â étudier en détail le divorce. Voir Divorce, t. iv, col. 1455 sq.; Adultère, t. i, col. 468 sq. Nous ne traiterons donc ici (pie les questions (dont beaucoup, nous l’avons dit, sont fort apparentées au droit) qui intéressent la théologie. Elles ont une extraordinaire ampleur. On peut les grouper sous trois chefs : valeur morale dc l’état de mariage; formation du contrat-sacrement. analyse du sacrement. Seule, la seconde série de problèmes — son titre même l’indique — intéresse à la fois canonistes ct théolo­ giens. C'est aussi le chapitre le mieux étudié et nous aurons pour l’exposer de très bons guides: outre I. Fahrner, déjà cité, rt Esmcin (dont R. Génestal nous donnera bientôt une nouvelle édition), plusieurs livres anciens, mais toujours recommandables : E. Friedberg. Das Hecht der Eheschliessung in seiner gnchichtlichm Entudcklung, Leipzig, 1865, où l’on trouve d’abondants renseignements sur l’histoire du mariage dans les divers pavs d’Europe (ct aux ÉtatsUnis) el l'effet législatif des révolutions religieuses : nabsancc du christianisme, Réforme, Concile dc 2128 Trente, laïcisme des temps modernes; A. von Schcurl, Die Entivicklung des kirchl. Eheschticssungsrcchtes, Erlangen, 1877; IL Sohm, Dus Rechl der Eheschliessung aus dem deutschen und canonischen Rechl gc· schichtllch cntwickclt, Weimar, 1875; J. Freisen, Ge­ schichte des canonischen Ehcrechts, bis zuni Ver/all der Glossenlittcralur, 2· éd., Paderborn, 1893, ouvrage con­ sidérable où toutes les questions relatives a l'histoire du mariage ct surtout aux empêchements sont appro­ fondies. Les monographies sont très nombreuses. Nous citerons seulement, à cause dc leur rapport au sujet qui nous occupe cl dc leur Videur celles de E. Schllng, Die Unterschcidung der Vcrlubnissc im kanonischen Rechl, Leipzig, 1887; Die Wirkungen der Gcschlcchtsgcmeinscha/t au/ die Ehc, Leipzig, 1883 el de W . von llôrmann, Quasia/finitât, Inspruck, 1906 (qui s'occupe, avec beaucoup de finesse, de bien d’autres sujets que la quasi-affinité). La première des trois séries dc problèmes que nous avons distinguées intéresse la philosophie et le droit, mais surtout la théologie morale. L’un des plus déli­ cats chapitres cn a déjà été traité dans cc Diction­ naire, t. v, col. 374 sq. (Devoirs des Époux). Il nous reste à envisager bien d’autres aspects dc l’état de mariage : son honnêteté et sa place dans la hiérar­ chie des étals, s’il est de droit naturel, facultatif ou obligatoire, ses caractères. Enfin, l'histoire du sacrement nous mettra cn pré­ sence de questions exclusivement théologiques : .signe, efficacité, ministre, matière ct forme, institution divine. Bien que cctle histoire présente un intérêt considérable, clic n’a jamais fait l'objet d'une étude suivie. Les historiens du dogme ou de la théologie, dont nous n’aurons guère à citer les travaux, si inté­ ressants sur tant d’autres points, consacrent au mariage quelques alinéas, tout au plus quelques para­ graphes (ainsi Schwane) sans grande précision. Et ils sont parfaitement excusables; ils n’onl point, dans des ouvrages généraux à composer toute une histoire qui serait nouvelle. Dc très utiles indications sc trouvent, cn somme, dans G. L. Hahn, Die Lehre von den Sakramenlcn in Hirer geschichtlichen Entudckelung innerhalb der abendlândischcn Kirche bis :um Concil von Trtenl, Breslau, 1861, el P. Pourrai, La théologie sacramentaire, Paris, 1910. Innombrables sont les livres à con­ sulter sur chaque point particulier : cc qui manque, c'est une histoire du sacrement dc mariage. Nous n'avons certes point l'ambition injustifiée ni, présentement, la charge dc l'écrire : nous voudrions seulement cn proposer l’esquisse ou même le schéma. L'un après l'autre, nous avons consulté les commen­ taires, édités ou manuscrits, que les théologiens ont, depuis l’an mille, consacrés au mariage cl sur lesquels nous avons pu mettre la main. Il n’était peut-être pas utile — les canonistes du Moyen Age nous l'avaient déjà insinué cl fait éprouver par la méthode directe — dc consulter tant d’hommes qui sc ressemblent au point que l’on pourrait souvent le* confondre, quand ils sont d'une meme famille : nous entendons qu’un thomiste ou un scotlste du xv· siècle quand 11 com­ mente le mariage, r< pèle la leçon des thomistes cl des scollsles du xiv· siècle. A d’autres nous épargnerons les confrontations Inutiles. Surtout, nous suggérerons de* confrontations fructueuses. Tout notre dessein est dc tracer pour l’usage des historiens quelques avenues, d’ouvrir quelques vues sur dc beaux hori­ zon*. La nouveauté dc notre entreprise, la brièveté des délais qui nous étaient impartis, seront Pcx plica­ tion ct, nous l'espérons, J'cxcusc dc nos carences. 5. Plan général. — La constitution d’une doc­ trine homogène el complète du mariage s’est faite cn deux grandes périodes, dont la première que nous appellerons la période classique, finit avec le LA PBEREFOBME DU 2129 Moyen Age et la seconde, la période moderne, se , déroule depuis le xvi· siècle jusqu'il nos Jours. Il est facile de les caractériser l'une et l'autre. — Au xi· siècle, le droit canonique contient sur le mariage fort peu dc décisions et les vérités de foi n’ont pas été l’objet de minutieuses analyses, il fallut compléter les collections, les florilèges, cl la première Benaissancc fournit des méthodes d'interprétation. Deux siècles de libre recherche et dc controverse ont préparé les solu­ tions, les conclusions d'innocent III, de Grégoire IX et celles dc saint Bonaventure, de saint Thomas, (‘/est au xiii· siècle seulement que le droit est pleinement défini, encore la cél bralion du mariage reste-t-elle hors du champ de la réglementation : contrat purement consensuel. Quant aux vérités dogmatiques, Jusqu'au concile de Florence, les dis­ cussions des théologiens ne connaîtront guère de limite, étant bien entendu que sur les points essen­ tiels, il n’y eut pas de division irréductible. Les protestants, les régaliens, les philosophes cl les savants incrédules donnèrent aux facultés dialec­ tiques des théologiens un nouvel emploi. La révolte contre l’Église qui commence au xvi· siècle a d’abord provoqué la Héfonnc catholique dont l’un des résul­ tats fut la transformation du mariage en contrat solennel; puis, comme toutes les affirmations tradi­ tionnelles étaient l’une après l’autre contestées, des definitions pontificales, précisant les vérités de foi ou proches de la foi arrêtèrent les controverses des théo­ logiens : l’unité se rétablissait sur tous les points dc la doctrine. Cinq siècles de formation, où l’accord profond dc la chrétienté permettait les tournois des écoles, où l’étal meme des sciences religieuses rendait inévitables, indispensables les débats, cl puis des siècles de coor­ dination, de concentration nécessaire où le contrôle juridique devient plus strict, le dogme plus rigoureuse­ ment précis, la dispute moins arbitraire : telles sont les deux ères brillantes qu'il nous faut successive­ ment étudier. — Notre exposé sera donc divisé en deux parties : L La période classique : de la Héfonnc du xi* siècle à la fin du Moyen Age. — IL La pé­ riode moderne : du xvi· siècle à nos jours (col 2221). L La péiuodi: classique : Dr. la Béfohmi; nu XI* SIÈCLE A LA FIN DU MOYEN AGF. NOUS PaVOIkS déjà suggéré, l’époque du droit et dc la théologie classique (χι·-χν· s ) se partage tout naturellement cn deux actions successives : preparation, d’abord hési­ tante au xi· siècle, vigoureuse nu xn·; puis, synthèse des grands scolastiques depuis Albert le Grand Jusqu’au milieu du xiv· siècle el transmission de ces richesses presque intactes Jusqu’à la génération dc Luther. D’où les deux sections de notre élude sur la période médiévale: L La préparation de la doctrine classique. - IL La formation de la doctrine clas­ sique (col. 2162). /. λ.ι I'rKI'ak ît/oa nr: L t bucriUAe classique. — La période que nous appelons préparatoire est pleine d’une merveilleuse activité, providentiellement ryth­ mée. Au xi· siècle, la réforme provoque un inventnire complet des règles canoniques; leur discordance attire l'attention des papes el des savants. La renaissance «lu droit romain et celle de la dialectique fournissent. à la fin du siècle, les textes et les méthodes indispen­ sables pour une systématisation complète cl cohé­ rente * 1rs canonistes, avec un zèle accru, commen cent à ordonner leur science; les théologiens appli­ quent aux florilèges «cripturaires cl palrisliques les nouveaux procédés ct ainsi s’ébauche la théologie du mariage. — Jusqu'au jour où, vers le milieu du xir siècle, deux grandes synthèses, celles de Gralicn cl de Pierre Lombard, couronnant l'œuvre des DICT. DF. THÉOL. CAT1L 2130 premiers canonistes logiciens el des pn scolastiques posent les fondement* de la doctrine classique. l-es Sentences sont au centre d’une floraison d’écrits théo­ logiques, précurseurs de la synthèse magistrale du XIII· siècle. - Les problèmes posés par le Décret reçoivent, dans les conciles ct dans les Décrétales, dont c’est l’âge d’or, toutes les solutions utiles. L’af­ fermissement de la législation, le progrès des contro­ verses permettront, au milieu du xnr siècle, l'achève· ment d’une doctrine classique, presque unanimement acceptée. L’action de la réforme grégorienne; la renaissance du droit romain et la création d’une science canonique; la renaissance de la philosophie ct les débuts de la scolastique; les premières synthèses; les conflits dc doctrine entre 1150 el 1170; le développement de la législation jusqu’à la parution des Décrétales dc Gré­ goire IX : tel est le cycle de questions qu’il nous faut, à présent, parcourir. 1· Le siècle de la Bé/orme religieuse. — Dès la fin du x· siècle, sc produit dans les divers pays de la chrétienté, comme un mouvement de préréforme qui sc traduit dans les collections canoniques françaises, allemandes el italiennes. Quelle est la place faite au mariage dans ces diverses collections, qui sont à peu près nos seuls témoins pour les toutes dernières années du x· et la première moitié du xi· siècle? 1. Les collections canoniques de la préré/orme. En France, Abbon de Fleury (t 1004), bien qu’il eût éprouvé par une intervention fameuse la gravité des affaires matrimoniales, ne s’en occupe point dans sa Collectio canonum, presque exclusivement consacrée au clergé, P. L.. t. cxxxix. col. 173-508; cf. Amanicu, art. Abbon. dans Did. de dr. canonique, fasc. 1. Paris. 1924. col. 73-75. Dans son Apologeticus, il mentionne le mariage comme un des trois étals (ordines) entre lesquels se partagent les chrétiens, le moins parfait, concédé par indulgence, encore que permis à tous ceux qu'un engagement spécial n’en lient pas éloignés. P. L., t. exxxix, col. 163. Les secondes noces sont autorisées par saint Paul. Quant aux troisièmes et quatrièmes mariages, non me legisse memini utrum a catholicis debeant celebrari: sed hoc absque ullo scrupulo occurrit; quod si hoc /acinus grave est in /eminis, multo gravius est si contingat in viris. Ibid., col. 164. Les collections allemandes sont moins Indifférentes à la discipline du mariage. Plusieurs livres du Décret de Burchard de Worms, composé entre 1008 et 1012 el qui fut hi collection canonique la plus répan due au xir siècle, contiennent des textes relatifs nu mariage. Le I. IX. dc /eminis non consecratis, P. L., t. cxl, col. 815. recueille les textes de saint Leon sur la distinction entre l’épouse ct la concubine, sur l’épouse légitime, plusieurs textes sur la nécessité (le la bénédiction nuptiale, le rapt, le remariage, les causes de rupture du lien matrimonial. On ne trouve point dans le Décret de doctrine sur la formation ilu lien cl. bien que l’évêque de Worms soit favorable à ('indissolubilité, il admet, peu logiquement, plusieurs vas de divorce. P. Fournier, Études critiques sur le Décret dc Burchard de Worms, dans Nouvelle revue historique.... 1910 ,p. 579 ct Le Décret de Burchard de Worms, dans Bcvue d’histoire ecclésiastique, 1911, p 682 sq. Même incoherence dans Ia Collectio λ 11 Partium (entre 1020 et 1050). P. Fournier. La Collée· lion canonique dite Collectio A' // Partium, dans Bévue d’histoire ecclésiastique, 1921, p. 257. Plus intéressantes encore sont les collections italiennes de ht préréforme. La Collection en Cinq Livres, contenue intégralement dans le Vattianus 1339 et le ValUcellanus B il, composée entre 101 f cl 1023 ct qui semble inspirée par les mêmes préoccupations que celles de Burchard, a exercé, au cours du xr siècle, IX. — 68 2131 mariage; la réforme grégorienne une influence considérable sur le clergé de ΓItalie centrale cl méridionale : douze recueils, au moins, en sont dérivés. P. bounder, Cri groupe de recueils canoniques italiens des A** et A*/· siècles. dans Mém. de / Acad, des Inscriptions, t. XL. 1915, p. 95-212. Le I. V, qui. dans le ms. du Vatican, a 231 chapitres, est consacré au mariage. M. P. Fournier en a donné le sommaire, loc. rit., p. 166, et la préface en a été publiée par Theincr, Disquisitione?. p. 271 sq. L'auteur de la Collection en cinq liners semble avoir mis en circula­ tion un certain nombre de textes patrisliques impor­ tants. relatifs au mariage. H fait à saint Augustin des emprunts probablement directs. Le De adulterinis conjugiis et le Dr bono conjugati ont fourni chacun une trentaine de fragments. I ne série importante a pour titre : Expositio Hieronymi presbyteri. I. V.c. 153. 159, 162. etc. : les premiers textes, au moins, paraissent provenir des Commentaires de saint Jérôme sur Malt h., xix, 5 cl Eph.. v. 31. Bon nombre de textes déjà utilisés par les canonistes ont, en outre, été déformes par l'auteur de notre collection. P. Fournier. loc. cit., p. 175-182. î.’origine, en lin. de certains frag­ ments, est douteuse : partisan de l’indissolubilité de l'union conjugale, le compilateur insère, à partir du c I 19, des déci dons placées sous le nom de Johannes Constantinopolitunus episcopus, (pii pourraient dire apocryphes. Très défavorable aux secondes noces, il place sous le titre de canon de Laodicéc une décision sévère à l'égard des conjoints binubes ou Irinubes, I. V, c. 31. J 2, moins sévère, cependant, . Fournier, Γη tournant de Γhistoire du droit, dans Xour. revue histor., 1917. p. 129-169; E. Meynial, Boman l.mv, dans The Legacy a/ the Middle Ages, Oxford, 192Γ». p. 363 sq. Ges monuments du droit nnnano-byzantin, dont l'ampleur dépassait infiniment celle des recueils occidentaux contenaient des textes nombreux rela­ tifs au mariage. Les glossatcure n’en ont certes point compris toute la valeur historique, mal* ils énonçaient quelques principes fort clairs que nous résumerons ici. car ils (lésaient fournir aux papes de (rè* riches éléments pour la systématisation de la doctrine cano­ nique du mariage. Les Institutes (i. 9. 1) définissent le mariage : \uptia· sire matrimonium est riri et mulieris •■nnptnr· lio, individuam consuetudinem vitir continens L'iissoclation d’existence, voilà ce qui caractérise le mariage. Consortium omnis vihr, divini et humani juris com· municatio. dit la définition de Modest in. Dig., xxn.2. L L’intention de sc comporter comme mari el femme. maritalis aflectio, uxoris u/]ectio, est nécessaire pour qu’il y ait mariage. Cette afiectio distingue le mariage 2135 MARIAGE. LA RENAISSANCE DU DROIT du concubinat. Elle suffit pour la création du lien : la volonté des époux fait le mariage: Consensus facit nupllas, répètent plusieurs textes célèbres et notam­ ment Dig., u 17, 30 (Ulpien) et CW. Just., v, 17. 8. Les historiens modernes se demandent si cette maxime a le meme sens en droit romain ct en droit canonique. Selon A. von Schcurl, op. cl!., p. 11, elle exprime, Λ Borne, que la constitution d'un ménage, avec l'inten­ tion manifeste dc réaliser une union matrimoniale est nécessaire ct suffisante pour qu'il y ail mariage. Selon Sehling, Die Unlerschcidung..., le simple accord des volontés, suffirait, sans aucun signe dc vie commune. La plupart des romanistes conviennent en un point; l’accord des volontés qui fait le mariage ne constitue pas un contrat, car il n'a pas pour but immédiat de produire des obligations, mais dc réaliser le consor­ tium, la vie commune. La loi, et non la volonté des parties, fixe les conséquences de cc consortium. Le mariage romain n’est donc pas un contrat consen­ suel. On ne peut davantage le considérer comme un contrat réel dont la femme serait l’objet. Il est un état réalise par l’accord des parties cl réglementé par la loi. L. Desforges, Étude historique sur ta formation du mariage en droit romain et en droit français, Paris, 1887, p. 51-59. * C’est une institution morale ct sociale d’où dérivent de notables conséquences Juridiques et sous ce rapport, cl aussi parce que pour sa subsis­ tance un animus constant est nécessaire, on peut comparer le mariage Λ la possession. Dans la doctrine classique du postliminium, il figure encore parmi les res facti, non parmi les res juris. · Ainsi s'exprime Ferrinl, Pandelte, 3* édit., 1917. p. 869 sq. La nécessité dc celte disposition permanente de l’esprit des époux donnerait au mariage consensuel du droit romain une figure bien différente dc celle du mariage consensuel qui sera reconnu el consacré par l’Eglisc. Peut-être y a-t-il dans celle interprétation de la permanence du consentement requis en droit romain une pointe dc subtilité. Du consentement actuel qui fait le mariage, les Domains distinguent l’engagement de conclure ulté­ rieurement le mariage c’est-à-dire les fiançailles : distinction dc grande importance pour l’bisloire du droit canonique, mais qui ne sc conserva point avec sa pureté primitive dans les usages médiévaux. Pour la validité du mariage, outre le consentement des époux, est requis le consentement des personnes sous la puissance de qui ils sont placés cl qui, dans le très ancien droit, étaient les seuls auteurs du mariage. U i texte dont la forme et l’Age sont discutés. Dig., xxin. 2, 19, autorise la personne en puissance à en appeler au magistrat quand les parents s’opposent au mariage ct à requérir de lui l’autorisation nécessaire. Dans certains cas où le père de famille est hors d’étal de donner son consentement, le mariage peut cependant avoir lieu. Le fondement de l’autorisation du pere. c’est la puissance; l’idée de protection n'apparalt que dans le mariage de la femme sui juris. Girard, Manuel de droit romain, Ί· édit., 1921, P 163 Aucune solennité ne semble requise : ni cérémonie religieuse, ni formalité légale. L’usage des cérémonie » religieuse» s’était maintenu, en dépit de l'affaiblisse­ ment des croyances, mais elles ne constituent pas un clement juridique nécessaire à la perfect ion du mariage. Si... pompa... al tuque nuptiarum celebritas omittatur, nullus iestimet ob id dresse recte altas inito matrimonio firmitatem..., dit une constitution célèbre de Théodosc et Valentinien (a. 128) Cod. Just , v, f, 22. Des tabulanuptiales sont souvent rédigées, mais elles ne sont point indispensables. CW. Just., v, 4, 9 (Probus) el Dig., xx. 1. I (Gaius). Elles sont parfois rédigées après b mariage. Dig., xxiv. 1. 66 (Se evola). L’écrit ne 2136 fait point le mariage, dit Papinien, Dig., xxxix, 5, 31, pr. Et il n’exclut point la preuve contraire. CW. Just., v, I, 13. Disposition pratique : car les mariages simulés n’étalent point rares, notamment entre per­ sonnes qui voulaient tourner les lois caducaires. La rédaction d’un instrumentum dotale est exigée dans certains cas par le droit de Justinien: mais ce sont des cas exceptionnels. La règle générale (caractère facultatif de 1’instrumentum dotale) est affirmée dans plusieurs textes (pii maintiennent, en face du droit gréco-égyptien, la tradition romaine. E. Costa, Storia del dintto romano privato, 2" édit., 1925, p. 31 sq. Un long débat s'est engagé sur l’importance dc la deductio uxoris in domum mariti, qui est une des trois cérémonies, peut-être la plus importante, de l’ancien mariage sacré ct qui s’est maintenue ù l’époque classi­ que. On a relevé que le mariage d’un absent n’est valide que si la femme a été conduite dans sa maison. Dig., xxm, 2. 5 (Pomponius) ct qu’une constitution des empereurs Valentinien et Valens, Cod. Theod., vn, 13, De tironibus. G, qui exempte dc la capitation les femmes des soldats ayant accompli cinq ans dc ser­ vice, précise qu’il ne s’agit que des femmes deductir. Il est permis dc penser que, dans cc dernier cas, on n voulu éviter des fraudes, dans le premier, des doutes sur la formation du lien. Dans les deux cas, on conçoit que la preuve du mariage a une importance singulière : peut-être la deductio in domum mariti constitue-t-elle la publicité indispensable. Desforges, op. cit., p. 16-18. D’autres textes, cependant, semblent plus catégori­ ques, cl considérer le mariage comme accompli au moment précis dc la deductio. Cod. Just., v, 3,6 (Aurelien) ',Dig., xxxv, 1. 15 (Ulpien); cL A. von Schcurl, Consensus facit nuptias, dans Zeitschrift filr Kirchen· recht, t. xxn, p. 269 sq. On sc demande encore si la cohabitation était néces­ saire pour la permanence du mariage romain. Certains auteurs considèrent que les Romains ne pouvaient concevoir le mariage sans vie commune; cf. A. von Schcurl. op. cit. L’opinion contraire s’appuie princi­ palement sur Dig., xxiv, 1, 32, 13. En tout cas. cl ccd est capital, le mariage peut fort bien exister et sub­ sister sans que des relations sexuelles s’établissent entre les époux. Nuptias non concubitus, sed consensus facit. Celte règle a des conséquences importantes ; la possibilité du mariage malgré l’absence du mari, el qu’une femme dont le mari meurt avant de l’avoir connue, a cependant la condition de veuve. Dig., xxm, 2, 7. Toutefois, l'un des buts principaux du mariage est la procréation. On le conclut généralement liberorum qiurrendorum causa. En plusieurs passages de scs œuvre*, saint Augustin mentionne que ces expressions sc rencontrent dans les ta butte nuptiales. Le nom iVuxor procreandorum liberorum causa était .spéciale­ ment donné à la femme mariée sans manus. Labbé. Du mariage romain ct dc la manus, dans Noun, revue hist, dr droit..., 1887, p. 19. Mais ce but n’a plus la même fonction morale sous P Empire que dans la famille primitive dont l’objet était d’assurer la perpétuité du culte, bustel dc Coulanges, La cité antique. A l’époque Classique et à Byzance, le but principal du mariage est de réaliser le consortium. — L’absence dc cérémonies pouvait rendre difficile la preuve du mariage. Plu­ sieurs constitutions ont eu pour objet d'assurer la publicité. Nous avons dit qu'un écrit est souvent rédigé. A défaut d’écrit, la preuve testimoniale peut être invoquée et aussi la possession d’état. Cod.Just., v, L 9. Les textes romains contenaient, enfin, toute une théorie des empêchements el des vices du consentement que les canonistes ont utilisée. Sur un point essentiel ils étaient en opposition flagrante avec le» principes du mariage chrétien il· énumèrent un 2137 MABIAGE. LA BENAISSANCE DL DROIT certain nombre dc causes de divorce que le droit canonique latin devait complètement rejeter (cl qui ne signifient point, d’ailleurs, que les Bomains aient conçu, en principe, le mariage comme une association non perpétuelle; voir sur ce point les controverses récentes dans ('Jeu. Matrimonium seminarium relpu* bHeir, dans Archivio giuridico, t. i.xxxv, 1921, p. 119, note 1 ). Sur ces règles du mariage à Rome, consulter, outre les excellents manuels de Girard, Cuq, Comil, Buck­ land, etc,, el les histoires de Costa, Kurlowa, le livre ancien, mais encore utile dc A. Hossbach. Unlersuchunyen fiber die rim· Ehe, Stuttgart, 1853. qui contient beaucoup de précisions sur les formes ; une partie (p. 251-391) a pour sujet la consécration reli­ gieuse du mariage. En outre presque tous les ouvrages généraux sur l'histoire du mariage en droit canonique contiennent un chapitre sur le droit romain. Voir encore Zhishman, Dus Ehcrccht der orientalischen Kirche, Vienne, 1861. La théorie romaine du mariage consensuel se heurte à la conception coutumière qui ne donne dc valeur au consentement quo s’il a été confirmé par un acte parti­ culier que l’on nomme tantôt fiance, tantôt serment, tantôt remise d’arrhes ou de denier à Dieu, et qui marque en quelque sorte un commencement d'exécu­ tion ou le remplacement de l’exécution par la mise en gage d’une personne ou d’une chose sur qui sc fera l’exécution; c’est alors seulement que le consentement devient obligatoire. Les textes sont très précis, l’on est obligé non par sa volonté seule, mais mediante fide, mediante juramento. C’est celle fiance, cc serment lequel, en attendant le véritable accomplissement du mariage, le concubitus, donne déjà à la volonté une certaine portée obliga­ toire cpii va fournir aux canonistes le biais par lequel du mariage contrat réel, achevé par la com­ mixtio sexuum ils feront un contrat consensuel. E. Champeaux, Cours inédit d'histoire du droit, 1927. La renaissance du droit romain eut pour consé­ quence presque immédiate un enrichissement du contenu des collections. Les textes romains ren­ forçaient sensiblement la notion du mariage consen­ suel. Mais comme les textes canoniques qui semblent établir le rôle essentiel de la copula gardaient toute leur autorité et que la coutume germanique subsistait, des divergences étaient inévitables dans la théorie el dans la pratique. La détermination du moment où le lien dc mariage est créé fut l’un des problèmes qui retinrent l'attention des canonistes quand, à la fin du xi· siècle, le souci d'expliquer ct de résoudre ces divergences les occupa ct 1rs conduisit à créer une méthode d'interprétation. Cf. P. l-'ournicr. Γη tour­ nant. toc. cit. 2. I.cs collections préclassiques. La papauté. - · Ce progrès commença de s'accomplir dans les dix der­ nières années du xr siècle. L'Impression que donne le Liber de vita Christiana, composé par Bonizo de Sut ri probablement entre 1089 ct 1095 (cf. P. l-'ournicr, Bonizo de Sutri, Ur­ bain H et la comtesse Mathilde..., dans Bibl. de TÊc. des Chartes, 1915, t t xxvi, p. 0-11 du tirage à part), c'est (pic 1rs diverses conceptions du mariage se mêlent sans sc fondre, que. par crainte d’omettre quelque élément requis par Lun ou l'autre des droits en vigueur dans la chrétienté, spécialement en Italie. Bonizo additionne toutes leurs exigences. I n texte peu connu du I. VIII autorise cette impression : In omni ergo conjugio legitimo, hoc in primis considerandum est. si ille asciscitur in virum (pu a muliere eligitur, et si illa eligitur a viro qua diligitur. Deinde si hir quir superius diximus leges non contradicunt, oportet ut sit tradita a parentibus vel a mundoaldis et dotata tabulis et a sacer­ 2138 dote benedicta et a paranymphis custodita. Et post nup­ tial ia jura his diebus quibus oportet, quibus interdictum non est, a pronubis viro conjuncta Ex libris Decreti Bonlzonis episcopi excerpta, dans Maf, Xora Patrum bibliotheca, t. vn r, Home, 1851, p. G3 sq. Les premiers efforts en vue de fixer la valeur des divers éléments énumérés par Bonizo. Yves de Char­ tres les accomplit dans ses lettres el dans scs trois collections : le Décret (1093-95), la Panormie(vers 1095) ct la Tripartita; ct. P. Fournier. Les collections canoni­ ques attribuées à Yves de Chartres, dans Bibl. de ΓίΓ. des Chartes, 1896. t. i.vn, p. 615 sq., et Près de Chartres ct le droit canonique, dans Jtevue des questions hist., 1898, t. i.xm. p. 51 sq. Ainsi, dans la Panormie collection très répandue au xu· siècle, l’évêque dc Chartres adjoint aux fragments des Institutes, de saint Ambroise, d'Isidore de Séville, qui déposent en faveur dc la notion du mariage pure­ ment consensuel, le fragment célèbre dc saint Léon, avec celle rubrique (oè le mot ministerium se trouve, comme dans Béginom : Illa mulier non pertinet ad matrimonium cum qua non celebratur nuptiale ministe­ rium. Panormie, \ι, 23, P. I „ t. clxi, col. 1218. En réalité, Yves de Chartres annonce, dans la Panormie, une théorie intermédiaire dont la terminologie est empruntée aux Pères ct qui aura bientôt un grand sucrés : le consentement inaugure, commence le mariage. In desponsatione cnnjugium initiatur, rubr. de Pan., vi, 1 I; .1 prima fide desponsationis conjuges verius appellantur, ibid., 15. La consommation n’est donc point nécessaire pour qu'il y ail mariage. Ibid., 16 ct 29. Et pourtant, il n’y a \ rai mariage qu’a près la copula. Ibid., 23. A la différence de Pierre Damien. Yves de Chartres reconnaît l’importance du concu­ bitus. La pensée d’Yves dc Chartres, sa terminologie même sont loin dc présenter une parfaite cohérence. Dans scs Lettres. Il montre quelque hésitation. La Genèse lui semble insinuer que tunc primum initur legitimam matrimonium, cum conjuges per commix­ tionem carnis reddere sibi invicem possunt conjugii debitum. Ep., xcix, P. L.. t. clxii, coi. 118-119. Et cependant, il admet, se fondant sur les textes, l’cfllcaclté de fiançailles jurées entre impubères, et que, par ces fiançailles, ex majori parte fuerit conjugium ex utrorumque voluntate compactum. Ibid. Les fiançailles jurées donnent donc déjà au lien matrimonial-- Yves ne fait que suivre la doctrine émise par Fulbert de Chartres. Ep., xu. P. L.. t. cxu. col. 223—son plus vigoureux élément Elles sont irrévocables. Ep., clxvil De même, le mariage est. axant toute œuvre dc chair, indissoluble. Ep., cxlvii, clxi, ccxlvi. Quod si objicitis non fuisse conjugium, ubi constat non subse­ cutum fuisse carnale commercium, ex auctoritate Patrum respondeo, quia conjugium ex eo insolubile est. ex quo pactum conjugale firmatum est. Ep.. ccxlvi. L’indis­ solubilité est donc liée au pacte conjugal, à lu despon­ satio : mais ces mots ont-ils sous la plume d’Yves une valeur constante el bien arrêtée? Bien qu'Yvcs de Chartres semble séparer fian­ çailles et mariage dans certains textes généraux, ainsi au début de sa lettre xax, en pratique, on ne voit pas bien quelle difference il met entre les fiançailles au moins les fiançailles jurées - - et le mariage non consomme. Desponsatio signifie Lun cl l’autre (Ep.. xax el ccxlvi) cl aussi pactum conjugale (Ep., cxxxiv, cxLvni. clxi. cLxvii. ccxlvi) qui sert à désigner le mariage de Joseph et Marie comme le pacte juré entre deux pères de famille en vue du mariage dc leurs enfants. Toute desfumsatio. c’est-àdire toute promesse jurée aussi bien que tout consen­ tement conjugal constitue la partie principale du mariage. 2139 MARIAGE. LES l’HEMIEHS SCOLASTIQI ES ('.’est que, dès l’échange des consentements, il y a union des volontés, des Ames, aussi importante (pie celle des corps, «car ceux dont les corps doivent être unis par l’acte conjugal, sont tenus d’accorder égale­ ment leurs âmes · Λ’ρ., c.xxxiv. La ligure de l’union du Christ ct de l’Eglisc ne peut sc réaliser par la seule copula carnalis, il y faut la charité. « ...nous ne reconnaissons point le mariage IA où ne se trouve point le sacrement du Christ et de l’Églisc. Or, elle ne semble point inclure cc sacrement, la conjonction de l’homme et de la femme dans laquelle n’est pas observé le précepte de la charité. » ccxi.il. L’nfï Irma lion de l’union du Christ et de l’Églisc par la charité est appelée à une grande fortune. En somme. Yves de Chartres considère que la figure de cette union est indispensable (tandis (pic la copula ne l’est point), qu'elle se réalise dès le pacte conjugal el «pie. déjà, les fiançailles accompagnées d’un serment sont la plus grande partie du mariage. Seulement, la copula ajoute au consentement un complément sur la nature duquel Yves ne s'explique point avec clarté. Ainsi, de grands doutes subsistent, les canonistes sont hésitants sur la valeur relative des éléments qui semblent concourir â la formation du lien matrimo­ nial. Dans toutes les collections post-grégoriennes. Cependant, on peut suivre l’introduction progressive de fragments du droit romain relatifs au mariage Plusieurs d’entre eux avaient pénétré dans les recueils canoniques dès avant l’an 1000. On en trouve notam­ ment dans I'Anselmo dedicata; mais l’insertion de tous les textes importants des compilations de Justinien commence à la fin du xr siècle. La Britannica (Neues \rchiv., t, v, p. 570) et les collections chart raines en accueillent un bon nombre. E. Sehling, Die l’ntrrsche.idung der Verlôbnisse im kanonischen Hcdd. Leipzig. 1887. p. 50 sq. La maxime fameuse d’t Iplen n’entra dans les collections (pic vers l'année 1110, où on la voit figurer au Polycarpus (P. Fournier. /.es deux recensions de la Collection canonique romaine dite lr Polycarpus. dans Mélanges d'archéologie et d'histoire publiés par Γ École française de Home, t. xxxvii. 1918-19, p. 73. 81),et,.sous une forme singu­ lière, dans la Cwsaraugustana : Nuptias non concubitus sed affectus /acti. P. Fournier, La collection canonique dite Cirsaraugiistana, dans Noua, revue hist, de droit..., 1921. p. 7o. f.c n’est pas seulement dans les collections (pi’elle s’inscrivit. La papauté lui donne une confirmation nouvelle dans un texte d’autant plus intéressant qu’il marque bien de quel consentement il s’agit : Dico, quod legitimo consensu interveniente ex ro statim con/ux sit, quo spontanea concessione sese conjugem esse asserit. Non enim juturum promittebatur, sed prrrsens firmabatur. Innocent II (1L3O-11I3I distingue ainsi mariage ct fiançailles, consentement actuel et pro­ messe et il afllrme que le consentement actuel fait le mariage. Compil. b, IV, i. 10. dans Friedberg, Quinque Compilationes antiqua·. p. II. 3. La défense du mariage dans la première moitié du xn* siècle. Plus urgente encore que la théorie du droit, la défense de l’état de mariage sollicite, en cette première moitié du xn* siècle, l’activité des conciles et des théologien*. La condamnation du mariage est une des parties communes à presque toutes les hérésies qui prospèrent en cc temps-là : probablement, elle est inscrite au programme des pétrobruslens. ct l’on sait avec quelles expressions sévères, elle figure dans celui d’Henri de Cluny. Ci-dessus, t. vi. col. 2180. Les conciles ne tardèrent point à réprimer ces atta­ ques. Le concile de Toulouse, en 1119, c. 3. vise vraisemblablement Pierre de Bruys. Cependant, les propositions que Pierre le Vénérable attribue a cet 2 HO hérétique laissent svbxlsler un doute sur scs senti­ ments. Hcfclc-Lcclercq. t. v a, p. 570 sq. Le même texte devint la lot de (’Église unlvenclle au X* concile œcuménique, second du Lal ran, en 1139. Le c. 23 est ainsi couru : * Ceux qui, sous le prétexte d'ardeur religieuse, condamnent l’eucharistie, le baptême des enfants, le sacerdoce el les divers ordres et le lien du mariage, nous les chassons, comme hérétiques, de l’Églisc de Dieu, nous les condamnons cl les livrons au bras séculier. Leurs partisans sont frap­ pés des mêmes peines. Mansi, Candi , t. xxi.col.532; Hefele-Lccicrcq, loc. cit., p. 731 sq. La sainteté du mariage est alhrmée contre les héré­ tiques avec une vigueur admirable par saint Bernard dans son .sermon i.xvi, n. 3-5, P. L., I. ctxxxm, col. 1091 : - Il faut être bestial pour ne pas s’aper­ cevoir que condamner les justes noces, c’est lâcher les rênes à toutes sortes d’impudicites. Otez de l’Églisc le mariage honoré el le lit sans tache, ct vous la rem­ plirez. de eoneuhinaires, d’incestueux, d’êtres immon­ des. Choisissez donc, ou de remplir le ciel de tous ces monstres on de réduire le nombre des élus aux seuls continents... E. Vacandard, Vie de saint Bernard, Paris, 1920, p. 21 I el sq. (nous lui empruntons le fragment traduit de ce sermon dont la véhémence est, jusqu’au bout, soutenue). On trouverait dans tous les premiers scolastiques qui ont eu à s’occuper du mariage des déclarations fermes sur l’honnêteté du lien conjugal. Saint Anselme qui dans son Dr contemptu mundi. P. !... t. ci.vni. col. 698 sq., n’a point manqué de décrire les charges du ménage, est aussi empressé à reconnaître, dans le De nuptiis consanguineorum, ibid., col. 555, la sainteté du mariage légitime. Mais le plus fructueux travail des premiers scolas­ tiques, ce fut la coordination des auctoritates sur les­ quelles s’exerce déjà la dialectique, coordination qui prépare les voies au premier traité de grand style, celui d’Hugues de Saint-Victor. L Les collections de Sentences. — (’.elle période de 1090 à 11 10 est l’âge d’or des collect ions de Sententiir. G. Hubert, Les fïcolcs et renseignement de la théologie pendant la première moitié du XI l· siècle, Paris, 1909» p. 125-1,31: M. de Wulf. Histoire de la philosophie médiévale, P* période, c. m; M. Grabmann, Die Ge· schichte der scholastischen Methode, l. il. Fribourg, 1911, p. 131 sq.: J. de Ghclllnck, Le mouvement théologique du .V//· siècle, Paris. 191 I, p. 80 sq. Sur les diverses classes entre lesquelles se répartiront, désormais, les écrits théologiques, cf. G. Théry, dans Itrvue des sciences philosophiques et théologiques, 1923, p. 237. Presque toutes ces collections contiennent des sentences sur le mariage dont l’intérêt ne réside pas seulement dans le choix, mais encore dans les sommaires ou les com­ mentaires qui les relient. Nous examinerons ici quel­ ques-uns de ces Sentenciaires. Les Sententia Magistri A.. attribuées â Alger de Liège, par Hüllcr, Britragr tut Geschlclde der Quellen des Kirchrnrechts, Munster. 1862. p. 28 sq. (attri­ bution contestée, cf. de (ihellinck', font au mariage une place importante, Blbl. nat.. ms. latin 3881, fol. 198sq. Le c. 60 est ainsi conçu : Non est perfectum conjugium ubi non sequitur commixtio sexuum. L’importance de ce texte a été mise en relief par I lüller, op. cit., p. I l sq.; Sehling, op. cil., p. 51. Son histoire nous parait sujette à revision. Les Sententia· contenues dans le ms. V II Sup. de la Bibliothèque ambrosicnnc à Milan, (pie Grabmann attribue à Irnerius, sans rallier tons les suffrages (cf. de Ghclllnck, op. cit., p. 81, n. 5), ont quatre titres relatifs au mariage. Grabmann, op. cit., p. 133, note 1. v On sait quel développement Anselme de Laon (t 1117) et Guillaume de Champeaux (f 1121) don- M AH I\GE 2142 lièrent à cette littérature des Sentences. Grabmann, Augustin (c'cit l’apocryphe récemment forgé) déclare: Illa multer non point perlinere ad matrimonium, cum op clt.,p. 13b sq. Ils Inaugure rit. avec le Liber de mise rtcordia que nous avons étudié dans un article récent, qua perhibetur non jufcse commixtio sexuum. La solu­ le Liber Pancrish ct quelques autres ouvrages conser­ tion est aînée : le mariage existe dès l'accord des vés en manuscrits, « un mode de commentaires où volontés» qui en est la cause efficiente. Sans cet s’entremêlent définitivement le texte cl le raisonne­ accord, point de mariage, par rrt accord, le mariage ment dialectique >. De Ghclllnck, op. cit., p. 8G. est accompli. Mais II y a des compléments qui ajoutent Le recueil attribue â Anselme traite du mariage à n la perfection du mariage, il y a des degrés de perfec­ deux reprises. Anselms von Laon. Si/stematiachc Sen· tion dans le mariage. El il est vrai que, seul, le mariage tenzen, rd. Fr. PL Bliemct zrieder, dans lieitrâge zur corvommé réalise l’union du Christ ct de ΓEglise. (ieschtchte der Philos, des Millelultera. L xvni, fasc 3. Dans une autre de scs œuvres, 1rs Enarratione» in Munster. 1919. p. 112-113 ct p. 129-150. Le premier Matthirum, Anselme avait mis l’accent sur cette idée fragment a pour objet de montrer dans le mariage la L., mière rpltrc aux Corinthiens, dans les règles des sancti t. clxit, col. 1298. Le mariage n’est indissoluble Patres modernes qui interdisent le mariage entre con­ qu’après In consommation. Ibid., c. xix, col. 1412. sanguins (ces institutions ne sont point diverses quan­ Vers la fin de ·οη Traite du mariage, dans 1rs Sen­ tum ad naturam conjugii sed quantum ad diversitatem tentia, Anselme revient sur la formation du mariage temporis et diversos status hominis); puis trois buts ct il fail enter fides pactioni* cl fide* cemsentus une procréer, éviter la fornication, multiplier l’amour; trois distinction dont Guillaume de Champeaux nous indi­ biens : proles fecunditatis, fuies vinculum pudicitur, quera toute la portée. Quant aux formes du mariage, sacramentum signum et figura conjunctionis Christi el clics sont variables selon les lieux : in aligna terra, Pcrlesitr; trois empêchements : vœu, ordre, parente; conjugia fiunt per sacerdotum consecrationem, in illa vero terra sine eorum benedictione. La definition qu’An trois causes : consentement de peremnes légitimes et présentes (il faut noter ce trait), amour des enfants selme propose du mariage est intéressante : conjugium ne malo vel voto vel opere evitetur etsi non qmrratur. est consensus mascult et /emina. indioidualem rifir intentίοιΓd’être fidèle; trois causes de dissolution : consuetudinem retinens, id est individiialiter comma/ides consensus qua· est de prirsentt, pactionis, qua* nendi et carnal iter commiscendi absque prolis vitatione, de juturo, fornication, impuissance, qui, clic-même, legitimus, id e.st inter legitimas personas legitime peut avoir trois causes : in firmitas, de/ectus membro­ /actus Anselme énumère les empêchements et les causes de dissolution du mariage, que nous n’avons rum, /rigiditas. Le Traité du mariage, p. 129-151, s’ouvre par l’ob- pas à envisager Ici. La variation des règles est expli­ «ervalion que le mariage, à la difference des autres quée dans le paragraphe final conformément au Prologue du Decret d’Yves de Chartres. sacrements, a été institué avant le péché, ad officium. Les Sentences de Guillaume de Champeaux (t 1122), Il envisage successivement l’origine, les biens. 1rs rites, les causes de dissolution, le remariage. Dieu a institué que G. Lefèvre a publiées dans les Travaux et mémoires le mariage en créant la femme et en inspirant à Adam de Université de Lille, t. vi, 1893. Mémoire n· *20. ces paroles ; Hoc mine os... Jésus-Christ l’a consacré contiennent un litre De conjugiis, p. 63-74, qui ne par sa présence cl son miracle aux noces de Cana. manque pas d’intérêt. Guillaume, après avoir énu­ méré d’après saint Augustin les trois biens du mariage, La première institution fut faite ad officium et eut pour cause la multiplication de l’espèce, la seconde, en étudie les vicissitudes depuis la première institu­ ad remedium, eut pour but d’éluder la fornication.ee tion. au Paradis, jusqu’à nos Jours. Il applique assez but ne pouvant cire raisonnablement séparé de l’in­ ingénieusement la méthode recommandée par Yves ct tention de procréer. Le mariage contracté par l’un des Bcrnold ct montre les changements que le temps a introduits dans la loi du mariage (empêchements, epoux en vue d’une antre fin · richesse, volupté, est extérieurement un mariage mais, en vérité, l’époux separation). Contrairement à l’opinion commune, il coupable de tels propos est adultère. \vanl le pense que le mariage n’a jamais été obligatoire, mais péché, l’homme était maître de tous les mouvements que. déjà chez les premiers hommes, il était simplement de sa chair et l’union des sexes s’accomplissait sans permis. Guillaume admet de nombreuses causes de concupiscence. Aujourd’hui, elle entraîne, sauf cepen­ séparation ct. dans plusieurs cas. le remariage : dant lorsque le but en est la procréation, faute vénielle parenté spirituelle, /rigiditas, découverte de la cognu· tio Λ un degré prohibé : toute cette partie est assez dans le mariage cl si la faute n’est que vénielle, c’est Le dernier paragraphe du à cause des trois biens mentionnés par saint \ugustln. médiocrement traitée. Au sujet do ces trois biens, Anselme développe De conjugiis est consacre à cette question : celui qui a engage sa foi peut-il conclure un mariage avec une (et ici encore. Augustin l’inspire) la distinction entre sacramentum el res sacramenti. Seuls les bons autre personne? Le mot fûtes, répond Golllautne. s’en­ tend de deux façons : futes partionis ct fides conjugii: obtiennent la res sacramenti, deviennent membres du Christ; tous, bons et mauvais, peuvent recevoir le la première, fides qua promittit quod eam recipiet in sacrement, ainsi appelé quod aliquid sacrum occultât, suam, est une promesse: par la seconde, l’époux parce qu’il signifie le mariage indissoluble de Jésus- reçoit comme sienne l'épouse, soit solennellement· Christ et de l’Eglisc. Les trois biens ne sont donc pas soit avant l’accomplissement des solennités, cum causes efficientes ou finales du mariage, mais causes do assensu accepit cam in suum. sive in solemn ibus sive son excellence. Après avoir justifié les caractères du ante. Celui qui, oubliant une simple promesse, prend mariage dans la Loi nouvelle, Anselme traite longue­ une autre femme, doit la garder cl faire pénitence pour ment la quest ion du mariage des infidèles, pour con­ manquement à sa parole. Mais la foi conjugale ne peut clure à leur validité et qu’ils sont des sacrements; cc être abolie : l’époux qui prendrait une seconde femme qui leur manque, c’est la res sacramenti. Le mariage devrait la renvoyer et reprendre la première Cc texte même ne peut leur être refusé, puisque le consente­ important contient en germe la distinction entre les ment fait le mariage. Dans un paragraphe très impor­ sponsalia de prirsenti cl les sponsalia de /lituro, comme tant. Anselme présente les textes apparemment con­ l’observe P. Fournier, qui l’a publié vers le temps où paraissait l’édition de Lefèvre, dans la Demie d'histoire tradictoires : d’une part, Isidore, saint Ambroise, saint et de littérature religieuses, t. m. 1898. p. 115. Augustin affirment le principe romain, de l’autre saint r — 2143 MARIAGE. LES PREMIERS SCOLASTIQUES On pourrait s’attendre à trouver dans VElucidarium d’Honorius d’Autun des renseignements sur le mariage Nous n’y avons relevé qu’un texte digne de mention, sur le symbolisme : per carnale cannabium significatur Christi el Ecclesia sacramentum, L H. c. xvi. p. L„ t. ci.xxn, coi. 1117. Le fragment Ad conjugatos du Speculum Ecclesia· ne renferme rien d’important, ibid.. coL 867. Dans son traité Contra luvrcticos, qui est comme un sentenciairc apologétique, Hugues d’Amiens présente le mariage comme l’un des trois états permis aux chré­ tiens, I IH, c. iv, P. L., t. cxcii, col. 1288-1291. Deux idées sont dignes de remarque dans son bref exposé. D’abord, il semble attribuer une grande importance â la bénédiction nuptiale. S'adressant aux hérétiques pour les inviter à régulariser leurs unions : sint sponsa· vestnr, écrit-il. sub sacerdotali benedictione, Inc. cit., col. 1290. El dès le début de ses explications, il insinue que la bénédiction nuptiale garantit la vertu du remède que constitue le mariage contre la concupiscence : conjugalis quippe castitas sub benedictione sacerdotis remedium est contra incen· Uva carnis, contra libidinem fornicationis, loc. cit., coi 1288. I nc autre idée qui, elle, a attiré depuis longtemps l’attention des historiens, est mise en relief par Hugues : il s’agit du caractère non sacra­ mentel des secondes noces. · Lc mariage du Christ et de l’Église fut un el singulier: il commença dans le temps, mais il dure dans l'éternité, loc. cit., col. 1288. Les secondes noces ne représentent donc point cette union durable. Elles sont bonnes, honnêtes, mais non sacramentelles. Sed pro iteratione jam non est singulare, nec habet sacramentum cadeslls conjugii unius et singularis, quo Christus junctus est /tcclesitr perpetua stabilitate. Quisquis itaque iterando conjugium de unitate transit ad numerum, de singulari ad pluri­ mum, jam non in se représentai sacrosanctum Christi et Ecclesiir conjugium, quod singulare permanet in ivternum. » Ibid., col. 1289. Hors de l’Écolc française, des développements inté­ ressants sur le mariage ont été présentés par le car­ dinal Robert Pull (11146), Sententiarum, 1. VII, c. xxvm-.xxxix, P. L., I. clxxxvî, col. 915-960. Ce petit traité a surtout un caractère moral et pratique. Après un tableau des grandes époques du mariage (c. xxvm-xxx), Robert Pull étudie les devoirs des époux et la valeur de l’acte conjugal, qui est naturel, mais corrompu par la faute d’Adam et appartient à la catégorie des actes qui nullatenus absque culpa fiunt (c. xxxi); mais la faute n’est pas imputée quand les lins du mariage sont recherchées (c. xxx). Les époux ne peuvent sc refuser l’un à l’autre le debitum. Mais il leur est loisible de conclure un pacte de continence, dont Pull examine les conséquences avec sagesse (c. xxxn). Les causes de séparai ion (c. xxxm-xxxiv), les empêchements (c. xxxv, xxxvi, xxxvm), les fian­ çailles jurées (c. xxxvn), enfin les biens du mariage (c. xxxix) sont étudiés en de petites dissertations précises, dont la plus intéressante pour notre étude est celle consacrée à la formation du lien conjugal (c. xxxvn). ■ D’aprè.s certains auteurs, écrit Robert Pull· la promesse de mariage appuyée sur la fiance (media fide) est irrévocable; selon d’autres, le consen­ tement qui fait le mariage, prévaut sur la promesse, même confirmée par un serment. Pull ne prend point parti, bien qu'il semble enclin â admettre la seconde opinion el montre à l’égard du serment une certaine méfiance, qui, partagée par beaucoup de docteurs, con­ tribuera au discrédit des promessesjuréeset delà fiance. 5. AbHard Tous ces senlcnciaires du début du xir siècle ont. en vérité, mieux contribué au progrès de la doctrine du mariage que l’œuvre, cependant d’une toute autre ampleur, <1’ Xbélard. 2144 Ce n’est point dans le Sic et non qu’il faut chercher, comme on l’a fait parfois, la pensée d’Abélard sur le mariage. Lèse, cxxn â cxxxv constituent des dossier* sans conclusion. Mais dans I’Epitome theologia· chn stiann·, qui reproduit sa doctrine, bien que la rédac­ tion soit d’un de ses disciples, Abélard traite De II. Marié virginitate. c. !, col. 859, cf. 86 I. el De sacramentis, 1. H, part. NI. c. tv. ibid., col 185. (’.elle conception, Hugues la jus­ tifie par les textes classiques où elle est exprimée. El il insiste sur les caractères que doit présenter le con- 2145 MABIAGE, LES PKEMIEHS SCOLASTIQl ES seulement. Il sera spontané, libre II devra exprimer une intention actuelle el non une simple promesse. La cause efficiente du mariage est le consentement mutuel exprime par des paroles ch ictas; res sacramenti intus ad invicem flagrans per­ sere ranter animorum chantas. Sacramentum foris ad Christum et Ecclesiam, res sacramenti intus ad Deum et animam. I 't sicut in copula carnis Christi ct Ecclesia· sacramentum diximus, ita etiam in foedere societatis ejusdem sacramentum ostendamus. De sacram , c. vin, Co|. (95. Le mariage appartient â tous les peuples, même Infidèles. SI un Infidèle prend femme pour avoir une postérité, garde la foi conjugale, aime et protège sa compagne, lui demeure associé jusqu'à la mort bien que. par ailleurs, il soit Infidèle, puisqu’il n’est point croyant, sur le point du mariage, cependant, il ne va ni contre la loi ni contre l’institution divine. » De sacram., I. H. part. XL c. xm, col. 505. C'est que le mariage existait déjà dans le plan de la création, dans la loi de nature. Dieu l’a institué quami. ayant créé la première femme, il inspira ces paroles à Adam : Nune ns ex ossibus... Avant la chute, les relations conjugales étaient autorisées ad officium, ayant pour but seule­ ment la multiplication de l’espèce. Depuis la chute, elles sont autorisées ad remedium. De II. M. virgin., c. f, col 865: De sacram., I. 11, part. XI. c. ni, col. 181. Let te fonction médicinale était la seule (pie recon­ nût Abélard. Epil. theol. christ., c. xxxt. P. !... I. ( i.xxvm, col. 1715. Hugues développe en outre des vues sur la fonction sociale et aussi la fonction surna­ turelle du mariage. Le mariage des chrétiens, et lui seul, sanctifie ceux qui le contractent dignement. De sacram., I. II. part. XI. c. vin, P. !... t. clxxvi. col. 196. La vérité des sacrements est double . aliam scilicet in sanctificatione sacramenti, aliam in effectu spirituali. Dicitur enim veritas sacramentorum virtus et gratia spiritualis qmr in ipsis et per ipsa sacramenta percipitur, quam veritatem accipere non possunt qui sacramenta Dei indigne percipiunt, c. xm, coi. 505. Le mariage des infidèles peut être vrai, mais il ne sanc­ tifie point, il ne confère point la grâce. Mais sur la vérité du sacrement, Hugues professe une doctrine singulière, faute d’avoir compris la notion des empêchements dirimants. Le sacrement est vrai dès lors que les époux se sont, de bonne foi. promis de toujours vivre ensemble. S'ils ont ignoré un empêche­ ment grave, cela ne met point obstacle à la vérité du sacrement. Quand leur erreur sera découverte, l’Église défera le lien. C. xi, col. 198. Et c’est, pour Hugues, la preuve que l’indissolubilité n’est pas essentielle au mariage. Voir sur ce point Mignon, op. cil., t. n. p. 250 sq L’unité est. par contre, un trait essentiel du mariage chrétien. La justification que propose Hugues de la polygamie pratiquée par le peuple d'Israël, e. x, reproduit les expressions traditionnelles, celles, no­ tamment dont s’est servi Abélard. Epil. theol. christ., < XXXI. L’une des conséquences logiques de la théorie d'Hugues serait la possibilité du mariage unisexuel. Pour sc défendre contre cette déduction et maintenir la règle de la difference des sexes, il lui faut invoquer la (rcnèsc qui envisage la seule association de l’homme ct de la femme. De II. M. virgin., c iv, col. 873 sq. 7. Conclusion II nous est maintenant possible de tracer une esquisse du développement des idées pen­ dant le siècle qui précède les synthèses classiques. Le point qui a le plus constamment occupé cano­ niste* et théologiens, entre l’an mille et l'année 1140, c’est la formation du lien, l'importance relative des divers éléments qui concourent à cctlc formation. Des solennités, on ne s'occupe guère : cependant. Pierre Damien leur assigne un rôle La grande affaire, c’est de déterminer la part de la volonté ct celle de la copula carnalis. Certains regardent la copula comme Indis­ pensable pour la perfection du mariage : l’expression 2148 se rencontre notamment dans Alger de Liège ct An­ selme de Laon. D’autres réservent à la copula une fonction mal définie (Yves de Chartres). Et quant au rôle de la volonté, il n’est pas toujours bien prêché. Dans la seconde moitié du xi» siècle, certains popes et Yves de Chartres le considèrent comme déjà rempli au moment de la promesse jurée. Mais la distinction entre fiançailles et mariage est déjà bien marquée dont la première moitié du xn· siècle, par Guillaume de Champeaux. par Innocent II, par Hugues de SaintVictor. Avec ce dernier, la réaction contre la théorie du concubitus est au paroxysme. Et déjà la notion du mariage purement consensuel et distinct des fian­ çailles atteint sa perfection. La confusion qui subsittera encore quelque temps, le vocabulaire en est dans une certaine mesure responsable. Pactum conjugale, desponsatio, nous avons vu quel emploi libéral est fuit de ces mots. Et l’on joue sur le sens de fldes : fiance, bonne foi. fidélité comme on Jouera sur le mot sacra­ mentum. Tous consulerent le mariage comme un sacrement; mais dans le sacrement, ils reconnaissent, avant tout, le signe d’une chose sacrée. Et l’union de Jésus-Christ ct de l’Église n’apparait à beaucoup symbolisée que par l’association charnelle. Cependant, le rôle de la volonté, de la charité, dans celte union, a déjà été remarqué par Yves de Chartres et Hugues de SaintVictor qui aperçoivent un second sacrement dans l’accord des volontés des époux. L’ancienne notion, trop matérielle, du signe, est donc à demi écartée. Elle passera bientôt au second plan. Moins claire est dans l’esprit des premiers scolas­ tiques la notion de l’efficacité du signe. Ils s’arrêtent à l’énumération des biens du mariage, et ces biens ne sont pas médiocres. Mais la collation de la grâce, ils ne font plus que l’entrevoir, arrêtés par de secrets scrupules qui se dévoileront mieux un peu plus tord. I ne négation résolue, Abélard est seul à l’exprimer: Anselme de Laon cl Hugues de Saint-Victor en revanche, enseignent l’efficacité du sacrement. De ces difficultés (pie rencontrent les théologiens, l’origine du mariage rend bien compte. Il est antérieur à la Loi Nouvelle: la part respective de la nature et celle de la grâce, de l’état ct du sacrement, nos doc­ teurs ne la savent point discriminer. L’institution divine, au Paradis, leur inspire des illusions, car ils ne voient point les changements introduits dans la nature même du mariage, si attentifs qu’ils soient, depuis la lin du xi* siècle, aux variations du droit. Telles sont les conclusions principales qu’autorise notre empiète. Si l’allure (pie nous avons dû lui donner paraît quelque peu lente, c'est (pie le progrès de la théologie ct du droit s’est accompli sans révolution. Les noms de Gratlcn et de Pierre Lombard couvrent tout un ensemble d’idées dont la publication des œuvres du xr siècle et du début du xir dévoile les inventeurs ou, plus souvent, les transmetteurs. Lu série des textes s’accroît de façon continue à partir du xr siècle cl de même le trésor des Idées. Peu de grands noms illustrent la série : Yves de Chartres, Anselme de Laon. Hugues de Saint-Victor : encore Hugues ne fait-il, sur bien des points, qu’amplifier les Idées d’Anselme de Laon, qui lui-même doit aux florilèges sa science patristique ct n’applique pas une autre méthode que celle proposée pur Yves de Chartres et Remold de Constance. Le progrès consiste donc dans la perception assez claire du problème primordial : comment sc forme le mariage? Les divers actes de la volonté (fiançailles, serment, consentement actuel), sont distingués avec plus de soin ct leur valeur est soumise à examen. La notion du signe s’affine. Le sentiment des variations historiques devient plus vif. 21 '·!) Μ SKI AGE. GHATIEN ET ΙΊΕΒΚΕ LOMBABD En revanche, la doctrine reste fragmentaire et par­ fois peu sûre. Les théologiens n’ont pas assez résolu­ ment dépassé les frontières du droit. Ils recherchent surtout les conditions de la collation du sacrement. Sur l’institution du mariage par Jésus-Christ, ΓοίΙΙcacilé. la composition du rite sacramentel, voire sur l’indissolubilité, ils n’ont que des vues assez courtes. Mais le problème de la formation du lien qui 1rs préoc­ cupe principalement, ils en préparent la solution défi­ nitive. Tandis que les canonistes, embarrassés par quelques textes, sont enclins tout naturellement a attribuer à la copula un rôle soit essentiel soit complé­ mentaire dans la formation du mariage, les théolo­ giens, moins attentifs à l’acte ct à des textes isolés qu’à l’intention cl au symbole, mus par des considé­ rations morales, inspirés par l’exemple de Joseph et de .Marie, sont des partisans résolus de la notion du mariage purement consensuel. Les deux conceptions, telle des canonistes et celle des théologiens, vont, dans h· même temps, être pleinement ct systématiquement formulées par Grntien cl par Pierre Lombard. 3· Les premières synthèses, au milieu du Ml* siècle. Deux grands ouvrages l’un canonique. l'autre théo­ logique, vont exercer sur le développement de la doc­ trine. au milieu du xn· siècle une influence sans précé­ dent : le Décret de Gralicn cl les Sentences de Pierre Lombard 1 Le Décret de Gralicn. (’.«impose peu après 11 10. le Décret a pour but de rétqhlir l’harmonie entre les textes canoniques. Aucun sujet ne justi Ile mieux que le mariage celle entreprise; sur aucun, Gralicn ne pul présenter deux séries de textes d’apparence plus con­ traires. dans les causes XX\ H-N XXVI de la seconde partie. Une femme desponsata peut-elle rompre son lien cl choisir un autre homme? » Telle est la q. n de la «ause XXX II. Quel sens Gralicn donne-t-il au mol desponsatio? Esmein traduit par fiançailles. A tort. Il s’agit aussi bien d’un mariage non consommé : cela résulte de la qualité des personnes à qui Gralicn ap­ plique le nom de sponsi et de toute son argumentation. Le sujet de la discussion est donc : faut-il considérer comme époux ceux qui ont déclaré leur volonté de vivre comme tels —Gralicn ne précise point s’il s’agit de fiançailles ou de consentement matrimonial — avant que Vanitas carnis ait été réalisée? La définition du mariage semble s'appliquer à la simple desponsatio ct on en peut dire autant de certains textes (pseudoCJirysostome. Nicolas Pr aux Bulgares). De quel consentement s'agit-il? .In consensus cohabitationis, an carnalis copula*, an uterque? Dictum post c. 2. Dans le premier cas, le frère et la sœur pourraient se marier: dans le second, il n’y a pas eu mariage entre Joseph et Marie, puisqu'ils sc sont épousés avec l’intention de ne point consommer le mariage. En somme. Gralicn reprend ici l’argumentation d’I Ligues de Salnt-X let Or. El il allègue des textes qui exigent la simple volonté «le mener la vie commune. Que les sponsi soient déjà considérés comme époux, la preuve en est fournie par les Pères, par la loi juive, le droit romain ct par les canons. Saint Ambroise reconnaît que la pactio conju­ gali» et non point la defloratio fait le mariage, que le mariage, «lès son début, cum initiatur, peut être appelé conjugium. C. 5. Saint Augustin et Isidore de Séville précisent : a prima fide desponsationis conjuges appel· lantur.c. 6 cl 9, cl saint Augustin montre les (rois biens du mariage réalisés dans l’union de Joseph et de Marie. Dans le Lévitique, Dieu regarde comme synonyme ι/xor cl sponsa. Le droit romain ordonne â la femme de porter le deuil sponsi tanguam viri. Les canons, enfin, font naître l’alllnilé de la desponsatio. C. 11-15. Dans une seconde partie. Gratlcn va opposer les preuves directes cl indirect ex avancées par l’opinion 2150 adverse D’abord, saint \ugustin (le texte est apo­ cryphe) ct saint Léon ne reconnaissent le mariage qu'après la commixtio sexus. Ibid., c 16, 17. Puis, de nombreux textes établissent des diflérenccs profondes entre l’état de sponsus cl l’étal d’époux. I n époux ne peut entrer en religion ni faire vœu de chasteté sans le consentement de l’autre epoux, c. 19-26 : au con­ traire, qu’un sponsus puisse librement opter pour la vie solitaire ou monastique, des exemples Illustres ct des textes le prouvent. Ibid., c. 27. 28. L’impuissance antérieure à l’union charnelle met obstacle à la forma­ tion du lien; survenant après consommation, elle n’est pas une cause de dissolution. Dictum post c. 28 ct r. 29. A celui qui a épousé une femme donl le sponsus est mort, on no refusera point les ordres sacrés, tandis «pic le bigame est exclu, ibid. La séparation de deux sponsi n’est pas un dinortium. ibid. Les canons traitent diffé­ remment celui qui a eu des relations avec la sœur de sa femme ct avec la scrur de sa sponsa, ibid., c 30 sq. La femme adultère qui a été séparée de son mari ne peut sc remarier; tandis que la sponsa rapta que son fiancé ne veut point reprendre peut choisir un autre époux, ibid., c. 33 sq. Deux séries de textes apparemment contradictoires soutiennent donc les théories que. pour rendre plus simples nos explications, nous appellerons théorie consensuelle ct théorie de la copula (cette terminologie commode n'appartient pas aux commentateurs du Moyen Age). Comment (indien essaie-t-il de faire la conciliation? En empruntant à la doctrine française lu distinction du matrimonium initiatum cl du matri­ monium ratum. Sed sciendum est. quod conjugium des­ ponsatione initiatur, commixtione perficitur I nde inter sponsum et sponsam conjugium est, sed initiatum: inter copulatos est conjugium ratum. Dictum post r. 31. Cette distinction est autorisée par certains textes, Ibid . r. 35 39. Seul. le matrimonium ratum est indissoluble. Seul, il représente l’union de Jésus-Christ ct de l’Église. Les textes relatifs â l’indissolubilité visent tous le mariage parfait, le mariage consommé. Diet, past c. 39. § L Comment donc expliquer le mariage de Joseph cl de Marie? Gratlcn le consider»· comme par fait en sc fondant sur le critère cl .sur l'autorité de saint Augustin: perfectum intetligilur non ex officio, sed ex his quit comitantur conjugium, ex fide videlicet, proie et sacramento. Qiur omnia inter parentes Christi fuisse auctoritate Augustini probantur, cod. loco. Enfin, que les sponsi soient appelés conjuges. Gratlcn l'expli­ que encore par l’espérance, née de la desponsatio, de tous les biens «lu mariage. Diet, post c 39. § 2. Par plusieurs canons. Gratlcn justifie cctlc interpréta­ tion, qu'un dictum post c. 15 expose amplement. La desponsatio ne fait pas le mariage, mais · In volonté anterieure de contracter mariage cl le pacte conjugal ont pour cflct «pie la copulation realise le mariage. Les comparaisons dont sc sert Gralicn. la médiocrité «le son vocabulaire prêtent à équivoque. La conclusion est ferine ; la sponsa n'est point ronjux. Cependant, elle n’est pas toujours libre «le renoncer à son état : il y a des textes qui ordonnent au ravisseur «le restituer au sponsus la sponsa rapta, et un fragment plus général de ht lettre «lu pape Since à I limèrr inter­ dit à une desponsata de contrarier mariage avec un autre homme que le sponsus. Mais Gratlcn observe «pie, dans le cas dont s’occupe Siricc, Il y a eu deductio in domum et bénédiction. Et les textes qui énoncent le même principe, il faut supposer qu’ils s’appliquent à des sponsa benedicta*. Le sponsus «pii abandonne la sponsa cl contracte un autre mariage que celui qu’il avait promis commet une sorte de sacrilège : ilia benedictio quum nupturit sacerdos imponit, apud fideles rujusdam sacrilegii instar est, si ulla transgressione 2151 MARIAGE. GRATIEN ET PIERRE LOMBARD doletur, avait écrit le pape Siricc. Et Graticn de reprendre: Talium discessione violatur benedictio,quam nuplura· sacerdos imponit. Diet, in c. 50. La clandestinité n’est point considérée par Gratien comme une cause d’invalidité. Dans la cause XXX. q. v, il présente les textes qui l’interdisent, c. 1-6, et en déduit que les mariages conclus au mépris de ces prescriptions pro infectis haberi debent. Dictum post c. 6. II arrive un peu plus loin à une conclusion toute différente : les mariages clandestins sont contraires aux lois, mais indissolubles, dès lors qu’ils sont prou­ vés. Le motif de leur prohibition, c’est la difficulté de la preuve ct le risque déjà signalé par Hugues de Saint-Victor. Dicta post c. 8, post c. 9 ct post c. 11. Lc mariage est non legitimum, mais il est ratum. C. XXVIII, q. I, diet, in c. 17. Nous n’avons pas à exposer ici la théorie des empê­ chements ni celle de la dissolution du mariage, mais deux questions doivent retenir notre attention : quelle est la valeur du mariage contracté entre personnes (pii ne sont point catholiques ou libres? Le mariage entre infidèles peut être valide, cans. XXVI H. q. i, car aucun précepte divin n’interdit le mariage aux gentils. Si un infidèle se convertit. Graticn ne lui reconnaît le droit de contracter un nouveau mariage (pie si l’époux demeuré infidèle l'abandonne ou lui rend insuppor­ table la vie commune, contumelia Creatoris, Catis. XXVIH, q. n, c. 2, et le dictum de (iratien. Lc mariage d'un chrétien ct d’une infidèle est nul. Gaus. XXVIII, q. t, diet. (irai, in c. 11. parce que cette union est contraire aux lois de Dieu et de l’Église; ct certains textes interdisent le mariage entre chrétiens cl hérétiques. J bid., c. 16. Entre esclaves ou entre serfs, il peut y avoir mariage légitime ct de même entre un serf et une femme libre. Caus. XXIX. q. H. Il ne faut point chercher dans le Décret une théorie complète du consentement mais des indications frag­ mentaires. D’abord, (iratien considère comme indis­ pensable le consentement des deux parties, celui de la femme comme celui de l’homme, Caus. XXXI, q. n. Mais les enfants ne peuvent se marier sans le consen­ tement des parents. Caus. XXXII. q. n, diet. (irai, in c. 12 : Gratien renforce donc sur cc point l’autorité paternelle, comme le note justement Esmcin. op. rit., t. i. p. 157. Lc mariage parfait peut-il être dissous par le divorce? Le cas le plus grave auquel on puisse penser, c'est l'adultère. Dans la cans. XXXII, q. vu, (iratien se demande si celui (pii a renvoyé sa femme causa for­ nicationis peut se remarier. Après avoir allégué les textes fameux qui semblent admettre l'affirmative, il conclut résolument (pie le matrimonium ratum el consummatum est indissoluble. La captivité ou la longue absence d’un epoux n’autorisent pas l’autre à se remarier. Caus. XXXIV, q. i et n. La notion du sacrement est imparfaitement dégagée. Le mol sacrement désigne tantôt l’indissolubilité du lien, cans. XXXII, q. r. did. in c. 10, tantôt ce lien lui-même, ou encore le signe sacré de l’union du Christ et de l’Église. Caus. XXVII, q. II. diet, in c. 39. Ce dernier sens est commun chez les théologiens. 2. Les Sentences de Pierre Lombard. — Quelques années après le Décret, et postérieurement à l’année 1151 (cf. J. Pclslcr. dans (iregoriunum, 1921, t. n. p. 387-392 ct 115), Pierre Lombard présenta l’exposé complet de la théologie du mariage. Ses sources sont faciles à déterminer : il a emprunté à 1 lugues de SaintVictor ct à Gratien presque toute sa matière. O. Bel­ ize r, Die Senlenzen des Petrus Lombardus, Leipzig. 1902, p. 151-159. La preuve, en ce qui concerne (ira­ tien. avait déjà été faite par P. Fournier, Deux contro­ verses sur les origines du Décret de Gratien, dans Demie 2152 d9histoire et de littérature religieuses,\898, t. lit, p. 97 sq., 253 sq. Le plan que suit Pierre Lombard, I. IV, «list. XXVI» XLII · moins imparfait (pie dans bien d’autres parties de son œuvre est important à connaître, puisque la théologie du mariage sera principalement développée dans les commentaires sur les Sentence*. Nous le résumerons ainsi : Double institution, carac­ tère facultatif, valeur morale, symbolisme du mariage, (list. X X \ I. Définition : rôle (lu consentement et de la copulation, dist. XXVII. Fiançailles jurées; contenu du consentement matrimonial, disl. XXVHL Liberté du consentement, (list. XXIX. L’erreur; le mariage de Marie et de Joseph; les causes finales, dist. XXX. Les trois biens; la valeur de l’acte conjugal, disl. XXXI. Lc devoir conjugal, (list XXXIL Règles du mariage; de la polygamie dans l'Anclenne Loi, dist XXX HL Empêchements d'ordre physiologique, dist. XXXIV. Rupture du lien, disl. XXXV. Empê­ chement de condition sociale, d'âge, (list. XXXVI. Empêchement (jui résulte des ordres sacrés; uxoricide, dist. XXXVII. Empêchement de vœu; longue cap­ tivité. dist. XXX\ III. Disparité de culte; mariage des infidèles, dist. XXXIX. Consanguinité, dist. XL, Affinité; définition des péchés charnels, disl. XLI. Parenté spirituelle; secondes noces, disl. XLII. On peut reconnaître dans ce tableau quelques grandes divisions ; formation du lien, dist. XXVII cl XXVIII; vices du consentement, dist. XXIX, el XXX; rapports conjugaux, (list. XXXI-XXXIII; empêchements, dist XXXIV-XI.il. La place assignée aux divers sujets n’est pas toujours justifiable ct les développements ne brillent point non plus par l’ordre et la clarté. Enfin, les matières juridiques tiennent dans cc cadre beaucoup plus de place que la théologie. Laissant de côte les distinctions relatives aux empê­ chements, dont nous ne retiendrons que quelques fragments (jui sc rapportent à l’objet de cet article, nous résumerons successivement la doctrine de Pierre Lombard sur la formation du lien, le sacrement, la moralité et les caractères du mariage. a) Pierre Lombard, ayant adopté la définition, déjà devenue classique, de i lugues de Saint-Viclor. pré­ cisé. avec l’aide de (iratien, le sens de V individua consuetudo, servitude mutuelle, fidélité, communion, dist. XXVII, c. 2, pose le principe fondamental : la cause efficiente du mariage, c’est le consentement exprimé par des paroles ou par certains signes, ncc de futuro sed de prissenti. Sans expression du consente­ ment. pas de mariage; toute expression libre du con­ sentement des époux crée immédiatement le lien : Isidore de Séville, Nicolas I**, (pseudo) Chrysostmnr, saint Ambroise s’accordent sur ce point. Lc pacte conjugal fait le mariage, avant même la copulation, c. 3, et le nom de conjux est applicable dès la despon­ satio. comme l’affirment saint Ambroise, saint Augus­ tin et Isidore. (*.. I. Les sept textes et plusieurs des expressions de Pierre Lombard sont empruntés à Gratien, donl la théorie est présentée dans lèse. 5 à 8. Le Lombard fait observer que, entre consensus et copula, la séparation n’est point radicale dans le Décret, mais consensus facit matrimonium in coitu. A celte doctrine, Pierre Lombard oppose sa propre distinction : le mot desponsatio est appliqué tantôt à lu promesse de contracter mariage, tantôt au consente­ ment actuel, de pra-senti. c'est-à-dire au pacte conju­ gal. Dans le premier cas il y a fiançailles cl les parties doivent être appelées sponsus ct sponsa, dans le second : mariage et les parties sont conjuges. Plusieurs des textes allégués par Gratien apj)liqucnt le terme sponsus à des personnes (jui ont formé la pactio confugalis de prirsen1!, et c'est donc avec raison qu’on les appelle conjuges; d’autres réservent au mot son sens 2153 (IRATIEN ET PIERRE LOMBARD propre. Les premiers appliquent 1rs règles du mariage, les seconds, celles des fiançailles, et ainsi t'explique leur contradiction apparente. Ils ne distinguent point entre le mariage non consommé ct le mariage con­ sommé, mais entre le mariage contracté per verba de prirsenti et la promesse de mariage per verba de luturo, c’est-à-dire, les fiançailles. C. 8-10. Même con­ firmées par un serinent, les fiançailles ne font point le mariage : Pierre Lombard copie sur cc point l'argu­ mentation de Hugues de Saint-Victor. Dist. XXVIII, c L En revanche, le consensus de prirsenti régulier est toujours irrévocable. En un seul cas Lombard, admet la séparation après l’échange des verba de prirsenti : quand le mari est impuissant cl que la femme ne l'a point su au moment du contrat. Mais le molli de la séparation, c’est que l’impuissant n'est point une personne pleinement autorisée par la loi à contracter mariage. Disl. XXXIV, c. 1. Pour caractériser le consentement, Pierre Lombard reprend les termes de Hugues de Saint-Victor : Consensus cohabitationis, uct carnatis coput* non jacit conjugium, sed consensus conjugatis societatis. Dist. XXVIII. c. «I. Quant à son expression, clic sera, en principe, verbale, mais tout signe qui établit avec certitude la volonté des contractants suffira. * Si les paroles expriment ce que le cœur ne veut point, cette obligation née des paroles : Je le prends pour mari, je le prends pour femme, fait le mariage, pourvu qu’elles n'aient point été prononcées sous l’empire de la vio­ lence ou du dol. » Dist. XXVII, c. 3-1. La théorie des vices du consentement est exposée par Pierre Lombard, (list. XXIX, dist. XXX, c. 1. en termes identiques à ceux (tue nous avons relevés chez Graticn. L’originalité du Lombard est, en revanche, très remarquable au chapitre des consentements requis. Puisque seul, le consentement des époux fait le ma­ riage, l’intervention des parents n'est point indispen­ sable. La traditio parentum fall partie de cet ensemble d’éléments coutumiers qui donnent au mariage décence et solennité. Et dans cette catégorie. Pierre Lombard place aussi la bénédiction nuptiale : Quiedam (sunt) pertinentia ad decorem et solemnitatcm sacramenti, ut parentum traditio, sacerdotum benedictio et hujusmodi; sine quibus legitime /it conjugium, quan­ tum ad virtutem, non quantum ad honestatem sacra­ menti. Dist, XXVIII, c. 2. Cc nest point quo Pierro Lombard approuve le mariage clandestin : Sine his ergo non quasi legitimi conjuges, sed quasi adulteri vel /ornicatores conveniunt, ut illi qui clanculo nubunt, ajoute-t-il au passage que nous venons de citer. La difficulté sera de prouver ce mariage : mais au for interne, il existe, indubitablement. b) Lc mariage est donc un sacrement dès l’échange des verba de pnvsenti. 11 répond, en effet, à la dé Unit ion : signum sacra* rei. Avec I lugues fie Saint-Victor, Pierre Lombard expose la double union de Jésus-Christ et de l’Eglise. Les époux sont unis par la volonté avant de l’être par la nature, symbole de la copula spiritualis per caritatem de Jésus-Christ et de l’Église. Disl. XXVI, c. 6. Ainsi est justifié le mariage de Marie et de Cc que signi lient les textes de saint Augustin et de saint Léon qui semblent exiger le nuptiale pujsterlum, c’est que la seconde ligure n’est point réalisée axant la copula. Si elle se réalise, il y aura non point comme un second sacrement Pierre Lombard évite ici le langage de son modèle - mais une image plus parfaite de l’union de Jésus-Christ et de son Église. Dist. XXVL c 6 Du caractère sacramentel, Pierre Lombard s’occupe dans une sorte de préambule dont la source est 1 lugues de Saint-Victor et où il unit les deux questions de l’origine cl de la cause finale. I )ist. X W I. c. 1 -5. Lc 21 54 mariage A la différence des autres sacrements fut d’abord institué au Paradis avant le péché, lorsque Adam prononça ccs paroles inspirées : Hoc mine os,., la· but. c’était la multiplication du genre humain ct tout homme avait le devoir d'y contribuer, prima institutio habuit prireeptum. Après la chute, le mariage reçut une nouvelle destination : Il avait été institué ad o/jicium, il le fut, désormais, ad remedium, ut natura exciperetur, cl celle seconde institution habuit indul­ gentiam, c’est-à-dire que le mariage est simplement permis. c) Que le mariage fût simplement toléré, qu’il eût pour but les relationi charnelles, cela posait un double problème : celui de la valeur de l'état de mariage cl plus spécialement de l’acte conjugal. Quod nuptior bon* sinl : telle est la rubrique du c. 5 de la disl. XXVI. Et les textes classiques sur cc sujet sont allégués. Dans la disl. XXXI, c. 1 et 2, Pierre Lombard expose, d’après saint Augustin, la notion des trois biens du mariage ct que Vaflectus conjugatu suffit, sans Inten­ tion formelle d’avoir des enfants. Le mariage, en effet, |>eut être contracté pour des causes variées, dont la principale est la procréation, la seconde, d’éviter la fornication, mais d’autres buts sont concevables : les uns, honnêtes, comme la paix, les autres moins louables : l'amour de la beauté ou des richesses. Et le mariage est valide, même si la lin en est médiocre, quia vita mala vel intentio pernena alicujus sacramen­ tum non contaminat. Dist. XXX, c. 3 el L L'union des sexes aurait été bonne cl profitable et sans aucun emportement charnel, si Adam n’avait péché. Depuis la chute, celte union suit la concupiscence et elle est coupable si la recherche des biens du mariage ne l’excuse. Mais la copulation en vue de la procreation est sans péché; pratiquée causa incontinent ne, sans intention de procréer, mais fide servata, elle entraîne faute vénielle. Dist. XXXI, c. 5. C’est renseignement de saint Augustin. Dans le premier cas, ajoute Pierre Lombard, il y a concession, dans le deuxième, permis­ sion et c’est ainsi qu’il faut entendre l'indulgence dont parle l’Apôtre, 1 Cor., vn, 6. Ibid., c. 6. Pierre Lom­ bard adopte les remarques de saint Augustin sur la mesure à observer dans les relations conjugales cl sur l’excuse du conjoint qui rend le devoir, c. 7, cl il consi­ dère comme licite, si elle est modérée, la délectation charnelle que les trois biens inspirent. d) Les caractères du mariage chrétien occupent assez longuement Pierre Lombard : la disl. XXXIII est consacrée à la polygamie des Hébreux. Dans un frag­ ment assez curieux de la disl. WW III, c. 3, Hcrre Lombard admet que si un homme marie contracte un second mariage en pays lointain, bien qu’il soit adul­ tère. il devra rendre le devoir conjugal à la seconde femme, quand elle le réclamera. Le mariage ne peut :c dissoudre que par la mort de l’un des époux, auquel cas un second, un troisième et même un quatrième ma­ riage est licite. Dist. XLII, c. 7 Le divorce n’est jamais permis, même pour cause d’adultère. Disl. Du mariage des infidèles, le Lombard s’occupe briè­ vement. dist \\\IX. c. i»-7. < t p«»ur combattre, OVCt Gratien. l’opinion qui leur déniait toute valeur aux veux de l’Église. C’est un conjugium legitimum, non ratum Legitimum est quod legali institutione vel provincite moribus, non contra jussionem Domini contrahi­ tur. i· t.a controverse doctrinale. L'œuvre de Graticn confrontait, en quelque sorte, tous les textes, toutes les opinions qui avaient trouve place avant lui dans les collections canoniques, (’.elle de Pierre Lombard absorbait la moelle des théologiens cl notamment de Hugues cndant toute la période de formation des doctrines classiques. Au milieu du xir siècle, la doctrine de Gratien fut assez généralement acceptée en Italie, tandis que celle de Pierre Lombard régnait en France : plusieurs contemporains relèvent celte antinomie. Estnein, op. cit., t. i, p. 121 sq. Elle se manifeste dans toute sa force jusqu’en 1170, et il nous faut l’étudier dans J’œuvre des canonistes cl des théologiens de celte brève période. L Les disciples de Gratien. Peu de temps après la publication du Décret paraissent (vers 1150), les Sommes de Paucapalca el de Roland Bandlnelli (le futur Alexandre 111), V Abbreviate d’Omnibenc (vers 1156). les gloses de Cardinalis (vers 1160), la Summa toloniensis ct hi Summa parisiensis (vers 1170), cl plusieurs traités sur le mariage : Schulte en a signalé quatre dans son troisième Lielira g zur Lesc/uclile der Literatur des Dekrets, p. 31 sq. Cf. .L I . von Schulte, Die Geschichte der Quelten und der Literatur des canonischen Hechts.,., t. i. Les décrélistes suivirent assez fidèlement les opinions de Gratien; sur plusieurs points, ils les précisèrent. Le point essentiel de la doc­ trine de Gratien. c’est la distinction entre matrimo­ nium initiatum et matrimonium ratum Gel le distinc­ tion, les canonistes la reproduisent, ct on |a trouverait aussi dans certains ouvrages de théologie, ainsi dans les Sentences de Roland Bandlnelli, édit, Giell, p. 270 (ces fameuses Sentences renferment presque exclusive­ ment au litre du mariage un traité des empêche­ ments). Le principal intérêt de celte distinction, c’est que le mariage simplement commencé peut être dissous dans certains cas. Gratien n’a point arrêté la liste de ccs cas, mais ses commentateurs les énumèrent. I n Praelatus de matrimonio anonyme, publié par Schulte, Decretisturum jurisprudentia· specimen, 1868. ρ. 18. en compte huit : nouvelle desponsatio suivie de con­ sommation, fornication volontaire du conjoint, rapt, maléfice, entrée en religion, perpétration d’un crime énorme, maladie chronique, longue captivité. Même liste dans la Summa colonlensis. Roland, dans sa Somme, compose une série quelque peu différente : le matrimonium initiatum peut être dissous pour impuis­ sance. maladie de la femme, longue captivité du mari, affinité survenante, folie, parenté spirituelle, rapt à la suite duquel le sponsus ne voudrait plus recevoir sa femme. Summa, édit. Tlinncr. p. 130, 111. 181, 186. 187. LS ». 200. Γη autre progrès de l’analyse juridique conduisit a formuler une théorie nouvelle de la formation du lien, différente de celle . que nous désignerons pnr le sigh· A’, selon l’usage. Cf. Dictionnaire, t. iv, col. 207. 209 sq.; tout le qua­ trième livre de ccs diverses collections est consacre au mariage. Il nous paraît utile, pour que l'on con naisse le cadre proposé aux Commentaires des cano­ nistes, d’en Indiquer le plan lx- premier titre du livre IV des Décrétales de Grégoire IX, le plus import nul pour notre sujet.contient trente-deux fragments sur la for­ mation du mariage et des hançaiilei. Saint Kaymond de Pcniinfort a rassemble ensuite les textes les plus notables sur le mariage des impubères, lit. if. la clandestinité, lit. ni, le double mariage, t. iv (de sponsa duorum/, les conditions, lit. v, les empêchements tl incapacités, lit. vi-xvi, la légitimité, lit. xvn, l’accu­ sation dans les cause* matrimoniales. Ut. xvin, la séparation, lit. xix. les donations entre époux, lit. xx, le remariage, tit. x.xi. 1. La formation du lien d'après les D£cr£taijls dans la seconde moitié du Ml· siècle. — La doctrim consensuelle cl ail reçue avec faveur par l’Eglisc romaine (rt c'est donc improprement qu’on l’a appeler parfois, au Moyen Age cl de nos jours : théorie galli­ cane). Nous I avons déjà rencontrée dans plusieurs décrétales. Mais ce mariage formé par le seul consen­ tement est-il parfait, indissoluble, axant d'avoir clé consommé? Ou bien la copula doit-elle intervenir pour la perfection du lien*1 Les papes ont dû trancher cette question lorsque s’est présenté, dan* la pratique, l’un ou l’autre des cas envisagés par les commentateurs du Décret, La plus simple el la plus importante des difficultés que les papes ont eu a résoudre, c’est le cas de la sponsa duorum : si une femme qui a contracté mariage per vtrba de prsnenti contracte et consomme un second mariage avant de connaître son premier mari, lequel des deux mariages doit être maintenu? innocent H avait déclare valide lr premier mariage, Compil /*, IV. i. 19: dès qu'un consentement légitimé est inter­ venu, le mariage est accompli. Les relation* charm B. - La génération est l’œuvre du diable. Elle fait descendre dans un corps misérable une âme qui vivait heureuse en Dieu. En conséquence, celui qui reçoit l’initiation du con.w/omentum promet dc ne jamais se marier ct les hérétiques préfèrent le libertinage au mariage. Sur ces doctrines albigeoises du mariage, cf. Dollinger, Gcschlchte der gnostischmanichüischen Sekten im jriïheren Mittetaltcr, Munich, 1890. p. 171-178; .L Guiraud. L’Albigéhme languedocien aux A' 7 7e et XI II· siècles, dans Cartulairc de X.-D. de Prouilte. t. i, p. i.xxiv-i.xxix ct p. xcn; P. Alphandéry, 7.-λ ir/ées morales chez les hétérodoxes latins au début du XIII9 siècle, Paris, 1903, p. 63-68. Celte condamnation du mariage est une des doctrines primitives des cathares. C. Schmidt. Histoire ct doc­ trine de la secte des cathares ou albigeois, LS 19. t. il. p.273.et il n’y a pas de raison sérieuse de croire, avec Schmidt, ibid., p. 87 que les dualistes absolus la rejetaient. Sur les raisons. Intéressantes, mais dou­ teuses de condamner le mariage (pi* Alain attribue aux cathares, cf. Alphandéry, op. cit., p. 65 sq. Les doctrines cathares constituaient un très grave péril pour la société. Des millions d’hommes les ont professées et peut-être appliquées, (’.c qui explique la réaction vive des conciles et de la doctrine. Lucius III, au concile dc Vérone (1181), prend des mesures contre ceux qui n’acceptent point sur le mariage les enseignements de l’Église romaine : Décrétales, \ . vu. 9. c. Ad abolendam» Le premier canon du quatrième concile du Latran (1216) qui a été inséré dans les Décrétales, L i. 1, justifie le mariage : Non solum autem virgines et continentes, verum etiam conju­ gati per liftrm rectam ct operationem bonam placentes Deo ad ndernam merentur beatitudinrm pervenire. I.a papauté a défendu avec constance la dignité du mariage. En 1 159 encore. Pie II sévit contre les héré­ tiques bretons. Hnynaldl, Annales, η. I 159. n. 30; d’Argentré. Collect, judiciorum, t. i b. p. 253. La propagande albigeoise fut l’occasion pour les prédicateurs et polémistes orthodoxes de réunir tous les textes et tous les arguments qui, dans la tradition catholique. Justifient le mariage. Dès la seconde moitié du xu· siècle, sont composés des florilèges scripturaires : VAntihitrests d’Ébrard, dont le c. vu a pour sujet le mariage, édit. Grctscr, Optra omnia, t. xu b, p. 1 12-1 15; le sermon de Bonacursc, dont nous avons un texte si incertain dans /’. 7... t. r.Cîv, DE MARIAGE 217'· col. 780 sq.; le traité d'Ermcngjiud, ibid., col. 13391312. D’autres ouvrages, comme le Sermon contre les cathares d’Eckert, abbé de Schbnnu (t 1185), dans P. L., t cxcv, col. 26 Λ 36, ct le Contra herretlcos d'Alain de Lille (* 1185), L L c. f.xiv, 7*. 7... t ccx. col. 365-369. relient les textes relatifs au mariage par un commentaire. La plus ample réfutation des erreurs albigeoises sur le mariage est celle du dominicain Moneta de Crémone (t 1235), Advenus vatdenies et catharos libri quinque, 1. IV, c. vu, Home. 1713, p.315-3-16,qui, en trois paragraphes, réunit successi­ vement les textes scripturaires, les arguments oppo­ sables aux hérétiques, les preuves que le mariage est licite, bon cl saint; la Disputatio inter catholicum et paterinum luereticum de Grégoire de Florence (t 1211), dans Marlène cl Durand. Thesaurus novus anecdot.. I. v, col. 1711-1715 et Kainicr Sacchoni. ibid., roi. 1779, présentent des arguments brefs. Cette réhabilitation du mariage, bien qu'elle soit l’œuvre de polémistes distingués, ne présente pas tout l’intérêt que l’on pourrait attendre : la méthode d’au­ torité y Joue le rôle principal et il pourrait être seule­ ment curieux d’étudier le choix «|tii fut fait parmi les textes scripturaires. Lu discussion devait prendre beaucoup plus d’am­ pleur dans les ouvrages des grands scolastiques : ils sc demandèrent si lr mariage est de droit naturel, quelle est la valeur dc l’acte conjugal, comment 11 convient d'apprécier les biens du mariage. b) Mariage rt droit naturel. — De bonne heure, les scolastiques sc sont préoccupés d’assurer au mariage le fondement du droit naturel. La discussion est déjà avancée dans la Somme de Boland de Crémone, ms. cit., fol. 132 sq. Elle prend toute son ampleur dans les grands commentaires du milieu du xîii* siècle. Sur le droit naturel dans la doctrine des scolastiques, soir l’ouvrage de Slockums. cl M. Grabmann. Dos Naturrechl der Scholastik von Gratian bis Thomas von Aquin, dans Archiv jftr Hechts and H irlschajtsphilosoptue. 1922, p. 12-53. On ne trouvera guère dc renseigne­ ments spéciaux sur notre sujet dans Fr. Wagner. Dus natûrliche Sittcngesel: nach der l.ehrc des ht. Thomas van Aquino. Fribourg, 1911, qui cependant souligne I im­ portance de la définition du droit nature) donnée û propos du mariage, (list. XXX11 L q. i. a. 1. voir aussi L. Baur, Dit Lehre mm Xaturrecht bet Honaventuru, (Mélanges Bâumker). 1913, p. 231. Les raisons de douter si le mariage est de droit natu­ rel sont exposées en termes identiques par Albert le Grand et saint Thomas. Toutes les espèces animales ne le pratiquent point : la nature incline seulement à la copulation, laquelle ne fait point le mariage. Les hommes eux-mêmes, à l’état de nature, vivaient dans les forêts sans constituer des familles. Encore aujour­ d’hui. le contrat dc mariage a des formes diverses chez les divers peuples : variété contraire à la nature. En revanche, le Digeste et les Institutes présentent le mariage comme dc droit naturel cl Cicéron aussi et Aristote, qui volt dans l’homme animale naturale conjugale magis quam politicum, un animal destiné à la vie conjugale plutôt qu’i\ la vie civile ·. qualité com­ mune à tous les êtres animés : ainsi, chaque couple d’oiseaux a son nid. Et l'organisâtion des hommes, la repartition des travaux ne sc conçoivent pas sans le mariage. Ces arguments, les scolastiques les adoptent. La réception de l’aristotélisme est sur cc point si com­ plète. qu’Albcrl le Grand sc borne à transcrire un fragment du Commentaire d’Aspasius sur le I. IX dc VËlhlque : l’union des sexes ne réalise la fin parfaite dont la raison dc l’homme est avide que si elle aboutit A la procréation et ù l’éducation des enfants. Avec plus de force, saint Thomas distingue une double 2175 MABIAGE. DOCTBINE CLASSIQUE, Ι·Ί%ΤΑΤ DE MABIAGE action de la nature : la nature impose certaines choses, vile incline à certaines nutres choses. Le manage n’appartient pas à la première catégorie, mais bien a la seconde. La raison naturelle y Incline dc deux manières : en disposant les pères à élever leurs enfants, les époux â s'entr'aider dans une association durable. Car la génération n’est pas le seul but assigné par la nature au père; il y faut ajouter l’entretien de l’enfant, son éducation complète, ew, nutrimentum, discipli­ nary sa promotion à l’étal parfait, celui où il est capable de vertu. Et l’association passagère de l’homme ct dc la femme ne répond point à leur besoin constant dc secours mutuel. Ainsi, la raison incline à reconnaître l’indiscutable nécessité de l’union perma­ nente de l’homme ct de la femme, des enfants ct des parents, c’est-à-dire le mariage. Il n’est donc point vrai que la nature incline seulement à la copulation. La loi commune, c’est la procréation dans le mariage. C’est un caractère spécifique el l’une des supériorités de l'homme que son inclination au mariage. Si les animaux ne pratiquent point le mariage aussi parfai­ tement que les hommes, cela tient à la mesure de leurs instincts et facultés. Chez les uns, le mâle nourrit sa progéniture, chez les autres.il n’a aucun soin dc celle-ci. Il est normal que l’homme ait une conception plus élevée du mariage que les autres êtres. Et les besoins de l'enfant sont naturellement tels et si durables qu'ils requièrent une application durable du père, tandis que chez les autres animaux, il arrive que les petits puis­ sent immédiatement pourvoir à leur sustentation, seuls ou avec le secours de leur mère. Ce que dit Cicéron de l’anarchie des primitifs ne peut être vrai que de quelques dans, mais les Ecritures attestent l'existence du mariage dès l’origine du monde. S’il y a, enfin, des différences entre les usages matrimoniaux, c’est que la nature humaine est mobile: d’ailleurs, ces différences ne portent que sur les accidents. De toutes ces raisons, où Ton reconnaît la part très large d’Aristote, il est pennis de conclure que le mariage est dc droit naturel. El déjà, la question plus précise des caractères que lui assigne la nature est partiellement résolue par les arguments que nous avons résumés : la nature prescrit l’indissolubilité. De droit naturel, le mariage est indissoluble, puisque la nature exige que les parents surveillent toute leur vie l’éducation des enfants. Duns Scot rattache direc­ tement l'indissolubilité à la loi divine. Repart, paris., dist. XXXI, q. un., n. 11. Les raisons de douter si la monogamie est de droit naturel étaient multiples : l’exemple de nombreuses espèces animales, l’absence d'une coutume et d’un précepte universels, la pratique des patriarches, le but même du mariage, qui se réalise mieux dans la poly­ gamie cl jusqu’aux raisonnements subtils d'Aristote. \ quoi l'on oppose la Genèse, il 21 (Erunt duo), qu'un homme ne peut, juridiquement, engager son corps à plusieurs femmes, que la pluralité d'épouses va contre l’exclusivité naturelle de l’amour. Saint Thomas ré­ sout! la difficulté par sa distinction des préceptes pre­ miers et des préceptes seconds; cf. Sert illanges. La philosophie morale de saint Thomas d'Aquin, 2· édit., p. 1 16 sq. Le mariage a pour fin principale la pro­ création ct l’éducation : la polygamie n'y fait point obstacle (il en va autrement dc la polyandrie); mais elle s’oppose aux préceptes seconds, à la lin secondaire qui est l'association, la collaboration des époux. Duns Scot exclut la monogamie de la catégorie des prima principia practica qui forment au sens strict la loi dc nature : elle appartient à la catégorie des prin­ cipes leqi natura: mullum consona, dont Dieu peut dispenser. Opu< oxon., dist. XXXIIF. q. r, n. 7; Report, pans., dist XXXIII, q IL n. 7. Pierre Auriol, dist. XXXI11. q ». a L cherche à prouver que la poly­ 2I7G gamie est contre le primarium pis natunc el ne peut être tolérée par dispense. Sur ces point encore, Pierre delà Pallu est d’un autre avis. Dist. XXXIII, q. La. L La plus grave «les dillhultés. ou plutôt celle qui semble préoccuper le plus les scolastiques quand ils défendent les caractères du mariage en droit naturel, c’est dans la coutume d’Israël qu’ils la trouvent. Si l’indissolubilité et la monogamie sont de droit naturel, comment expliquer le libelle de répudiation ct la polygamie des patriarches? Quant au libelle de répu­ diation, saint Thomas expose les deux opinions que l’on professait en son temps; la plus commune est que la répudiation était, chez les Israélites, un péché sans peine, la seconde, et la plus probable, selon saint Thomas, c’est «pie la répudiation est en soi un mal. mais que la permission de Dieu l’a rendue licite. Disl. XXXIII. q. n. a. 2, sol. 2. Cf. ci-dessus DtVORcr., t. iv, col. 1 15X sq. La polygamie des patriarches ne cause pas moins de surprise. Le progrès des Inquiétudes avouées sur ce sujet par les théologiens est assez curieux à suivre. Pierre Lombard s’était placé au point de vue purement spirituel : les patriarches ont-ils péché en prenant plu­ sieurs femmes? La préoccupation des canonistes cl théologiens de la Du du xu* cl du début du xnr siècle va plus avant : elle csl plus juridique. Ils sc deman­ dent comment, dans la polygamie, sc réalise Vindividua consuetudo vitic? Y eut-il un mariage entre Jacob et Bachcl, un autre entre Jacob el Lia ou un seul mariage de Jacob avec Bachcl et Lia ou un seul mariage, celui qui fut conclu lors de l'échange, avec Bachcl, des verba de pnrsenti? Cette dernière opinion est celle de Bobcrt de Courson, qui consacre une bonne partie de son premier chapitre (édit. Malherbe, p. 2-1), à discuter le problème et les opinions dc scs contemporains. C’est une des questions auxquelles s’arrêtera Hugues de Saint-Cher, ms. cité, fol. I I I v·. Albert le Grand lui consacre une des quatre parties dc son petit traité inédit, Du mariage, ms. cité, fol. 215 r· sq. En somme, il réunit les préoccupations de ses prédéces­ seurs. Il se demande d'abord si les antiqui patres ont pu licitement avoir plusieurs femmes. Béponse affir­ mative : dicimus quod licuit habere plures dispensatorie. — Toutes ces femines étaient-elles uxores? Dicimus quod non fuerunt plures uxores sed uxorio affectu cognitor. Si autem qiueritur quid sit uxorarius affectus, dico quod mulieris affectus spe pietatis in prole et non intentione libidinis dicitur uxorarius affectus, fol. 216. Jusqu’alors, les préceptes du droit naturel n’ont guère joué dc r«Me dans le débat. C'est qu’ils n’ont point encore attiré fortement, non plus que la notion «le dispense à la loi naturelle, l’attention des théolo­ giens. Brys, op. cil., p. 256 sq. Celle Indifférence ne devait point durer. Albert le Grand insère le pro­ blème de la polygamie des patriarches dans un très ample exposé des caractères du mariage en droit naturel. Dist. XXXI II Et il montre les raisons pour lesquelles Dieu accorda aux patriarches une dispense qui, d’ailleurs, n’est point tout à fait contraire au «Iroit naturel. L'explication de la polygamie des patriarches est concise et définitive dans les Commen­ taires de saint Thomas. Dist. XXX HI. q. i, a. 2. sol. Cf. O. Lottin, Le. droit naturel chez saint Thomas et ses prédécesseurs, dans Ephemerides theol. I.nvan., 1926. p. 163-167. L’interprétation de la dispense donna lieu à des considérations profondes sur le gouvernement divin, notamment «tans Duns Scot, Report, paris., «list. XXXIII, «i n, n. 5 sq.; l’interprétation même dc ces textes de Scot lient une place dans les contro­ verses récentes; cf. B Landry, Duns Scot, Paris. 1922, p. 255 sq. cl la solide réponse de É. Longpré, La philo­ sophie du H Duns Scot, Paris, 1921, p. 83 sq. 2177 M AK I \<; I·:. D0CTBINE CLASSIQUE, L’ÉTAT DE MABIAGE 2178 c) Valeur dr l'acte conjugal. SI le mariage cit un ments. op. cit., fol. 101 -106. Que l’acte conjugal accom­ état naturel, n’y faut-il point reconnaître aujourd’hui pli ex caritate, en vue de la procréation, ou par devoir, la marque de la nature déchue? L’acte conjugal n’est-Il ou pour éviter l’incontinence soit méritoire,cria résulte pas un relâchement coupable de la chair? de l’intention même, cl de la prudence qui l’anime : Les scolastiques rencontraient sur ce point la cri­ omne opus cujuscumque virtutis meritorium est. tique des hérésiarques cl celle de ces philosophes qui On objecte : in aliqua parte ejus efficitur homo totus condamnent en toute union charnelle une délectation euro. Mais il faudrait donc dire que les actes pieux ou superflue et le trouble dc la raison. On leur objectait héroïques perdent leur mérite parce que l’esprit est encore (pic Pierre Lombard cherche à cet acte des momentanément détourné par quelque circonstance excuses, el qu’il est accompli dans le secret : preuves extérieure dc la pensée de Dieu. En réalité, il convient qu’il ne va point sans honte et sans péché. dc décomposer l’acte comme le fait Pierre le Chantre D’assez nombreux canonistes cl théologiens sou­ et d’y reconnaître les moments du mérite ct crux du tiennent (pie l’acte conjugal ne peut jamais s'accomplir péché véniel : l’intention est méritoire, la délectation sans péché : Est enim quidam jervnr, qiurdam vola[dus, charnelle vénicllcmcnl coupable. giuc semper precatum est, ut XXX ///,7, l V, Vir (c. 1 ) La dispute s’était encore compliquée dans le premier ... Eccc hic expresse habetur quad opus conjugale nun- tiers du xnr siècle, si l’on s’en rapporte aux explica­ quam potest exerceri sine peccato. Huguccio. in c. I. tions de I iugues de Saint-Cher qui, après avoir posé la caus. XXXII. q. it, ad verbum non datur, cité par question : l’acte conjugal peut-il être accompli sans 1*. Gillmann, dans Der Kalholik, 190!». I n. p. 21 I, n. 5. péché? expose tous les arguments pro ct contra, ct Huguccio ajoute que, si les hérétiques ont tort de dire conclut : Solutio hujus dependet ab illa qturslionc qua quod concubitus non potest fieri sine peccato, c’est qu’ils quirritur utrum primi motus sint peccata. IIU qui dicunt entendent par lù : péché mortel, alors que l’union quod primi motus sint peccata dicunt quod opus conju­ accomplie en vue dc lins licites n’a pour conséquence gale non potest fieri sine peccato ad minus veniali. qu’un péché véniel. On trouvera la même opinion dans Alit qui dicunt quod primi motus non sint peccata dicunt Hulin (édit. Singer, p. LSI) et dans un manuscrit quod non omne opus conjugale sit peccatum... Ms. cité, d’Erlangen. cité par Gillmnnn : Sed melior et celebrior fol. 139. Hugues de Saint-Cher appartient à cette est opinio ut dicatur quod (carnale commercium ) non dernière catégorie : asserimus secure quod non omne possit sine culpa compleri. Plusieurs théologiens du opus conjugate est peccatum, immo quandoque merito­ χπ· siècle el du début du xnr professent une opinion rium vilœ irtcrnir. Et il sc rallie à la distinction augussévère: B. Pull. Sent., I. \ ll.c. xxx, 7*. /.., t. ct.xxxvi, tinienne des quatre causes de Vopus conjugale. col. 918; Pierre de Poitiers. /< L., t. ccxi, col. 1258 et Ges débats s’apaisèrent, comme bien d’autres, au 1263; Innocent III, Dc contemptu mundi, I. I. c. 1. milieu du xnr siècle. Les textes allégués à la charge /*. I. ccxvn, col. 703, et Commentaria in ps. IV dc l’acte conjugal, Albert le Grand el saint Thomas les p.rnit. (?), ibid., col. 1058. expliquent el ils Invoquent, en sens contraire, plu­ \ussi se Irouvc-l-ii des auteurs, dans cette période, sieurs autres textes. Ne leur suffisait-il point, d’ail­ pour interdire les relations conjugales presque tous leurs. d’avoir prouve que la virtus gencrativa est une les jours de la semaine : le jeudi, en souvenir de l'arres­ vertu naturelle, que, donc, l’acte conjugal est néces­ tation de Noire-Seigneur. le vendredi en commémora­ saire. On ne sera pas surpris que nul n’ait mieux tion de sa mort, le samedi en l’honneur delà sainte atlinné que saint Thomas, avec un optimisme plus Vierge, le dimanche, jour de la Insurrection, le lundi, ferme cl plus lucide, la bonté des inclinations natu­ jour consacré aux défunts ct encore certains jours de relles. * SI la nature corporelle a été instituée par un Dieu bon, il est impossible de dire que ce qui con­ fêle. Cf. Pierre le Chantre, op. cit.. Bibl, Nat., ms lai. 3258, fol. 211 et Bobcrt dc Courson. op. cit., fol. 105. cerne la conservation dc la nature corporelle cl à quoi Cette disposition ù la rigueur, qu’il serait intéres­ la nature incline soit universellement mauvais. » Donc, sant de confronter avec les prescriptions et doctrines il est impossible que l’acte de la procréation sit uni­ relatives au jeûne et Λ l’abstinence, s’explique parla versaliter illicitus, ut in eo medium virtutis inveniri non force de la tradition pessimiste, par la répugnance que possit. Disl. XXVI. q. !, a. 3, sol. L’acte conjugal est-il simplement utile ou vraiment cause aux moralistes toute volupté chamelle, ct si l’acte générateur accompli en vue dc sa tin légitime honnête, se demandent les théologiens. Que signifient n’est point excepté, c’est que. pour la plupart des ces excuses dont parle le Lombard? L’honnêteté, l’uti­ lité. la délectation ont leur part dans le mariage, théologiens antérieurs à saint Thomas, le péché d’ori ginc sc propage par la concupiscence dc l’acte conjugal. répond saint Bonaventure, mêlées cependant dc leurs La concupiscence dans Pacte conjugal - souille le germe contraires, dist. XXXI. a. L q t, cc qui explique la vital J.-B. Hors. La pistice primitive d le péché ori­ nécessité des excuses fournies par les trois biens du ginel d'après saint Thomas, I»· partie, Les sources, mariage. La définition même de ces trois biens donna lieu ù une controverse entre canonistes ct théologiens, p. 38, 12, 19, 51. 58, 70. line sorte de réaction contre le rigorisme fut entre­ vers la fin du xtf siècle. Bazianus (t 1197), l’inaugura prise par Pierre le Chantre el ses disciples. D’abord, et ses disciples le suivirent ; Bobcrt de Courson les com­ ils classent parmi les semi-hérétiques ceux qui, prohi­ bat (c. 5, De bonis matrimonii, copie Malherbe, fol. 19): bant les relations conjugales cinq jours par semaine, Bazianus et sui sequaces exponebant hire negative, s’efforcent par des moyens obliques dc détruire le dicentes quod in matrimonio debet esse proles, id est mariage ». Pierre le Chantre et Bobcrt de Courson. animus non contrarius proli et fides, ut neuter ad alie­ lor. cil. Pratique ct bienveillant. Bobcrt de Courson num thorum transeat ct sacramentum ut nunquam observe que ces relations ne sont pas toujours inspi­ divortium jiat. Sed sic non exponitur quid unumquodque rées par la recherche d’une fin précise el qu’on ne istorum sit. ct ideo nobis videtur aliter solvendum, ut saurait déclarer mortellement coupable celui qui use dicamus quod proles hic dicitur spes prolis procreante en toute simplicité, sans cause définie, de son droit. ad cultum Dei ct jides observantia mutuir servitutis et Mieux, ces actes que tant de docteurs réprouvent ne conjugalis costilatis ct sacramentum matrimonii sancti­ peuvent-ils être méritoires? Cette question donna Heu tas sive firmitas, vel si mavis dicere, inseparabiiitas. vers la fin du xu· siècle à des débats, où Pierre le Les scolastiques écartent avec soin les malentendus Chantre prit une grande part, et qui furent particu­ (pie pourrait suggérer cet le notion des bono excusantia. L’excuse, observe Albert le Grand, s’applique â la lièrement vifs en l'année de sa mort (1197). au dire de Robert de Courson, dont nous suivons les développe­ pana ex culpa patris procedens. El saint Thomas note 2! 79 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, I/ÉTAT DE bien qu’il ne s’agit pas d’une excuse extérieure; mais que ces biens qui assurent l’honnêteté du mariage sont de ratione matrimonii. Duns Scot, Report, paris., dist. XXXI, q. I. ne veut mêmç point que l’on parle d’excuse, puisque le mariage, par son objet et par sa fin, est un acte hon­ nête. que les biens du mariage existaient déjà dans l’état d’innocence, alors qu’il ne pouvait être question d’excuse. Et Pierre Auriol, dist. XXXI. q. i. a. 1, déclare : aucun acte de vertu n’a besoin d’excuse. La doctrine tend donc a juger l’acte conjugal d’après ses causes. Albert le Grand distingue quatre causes : spes prolis, fides reddendi debiti, rememoratio boni sacra­ menti, sanatio infirmitatis, et trois mobiles : amor cultus Dei propagandi in prole, amor justitiæ in redditione debili, fides unionis /utunr in uno spiritu ad Deum. Dist. XXVI. a. 12. Les trois premières causes et les deux premiers mobiles rendent l’acte méritoire, la quatrième cause en fait un péché véniel si la nature précède la concupiscence, mortel si la volupté est la fin ultime. Saint Thomas reconnaît le mérite de l’acte conjugal s’il a pour cause la justice, redditio debiti, ou la religion, procréation d’enfants de Dieu; s’il a pour cause la volupté, la fidélité restant sauve, il y a faute vénielle; si cette volupté est prête Λ s’exercer hors du mariage, péché mortel. Les scolastiques s’accordent désormais sauf de très rares exceptions, à considérer comme licite, honnête et sans péché, l’acte conjugal qui a pour fin la pro­ creatio, la redditio debiti, la rememoratio boni sacra­ menti. Encore exigent-ils la modération etiam in licitis. Le nehe mens amator, l’ardent ior amator, celui (pii use sans retenue du mariage pèche mortellement. Cf H. Lauer, Die Moraltheologie Alberts des (irossen, Fribourg en-B.» 1911. p. 351. Les divergences n’ont été sensibles que sur l’inter­ prétation du remedium concupiscentia·. et elles ont porté quelques théologiens aux extrémités de la rigueur ou de l’indulgence. Que le mariage fût un remède à la concupiscence, les cathares le niaient et probablement aussi certains logiciens, car les objec­ tions présentées par Albert le Grand ont un caractère d’école. Comment, se demande-t-on, le mariage qui excite, satisfait, entretient la concupiscence, serait-il un remède, alors que le remède est toujours contraire au mal. S’il le limite, c’est pour en accroître l’intensité. Le remède, répond Albert le Grand n'est pas toujours contraire au mal : il ne peut l’être dans ces maladies invétérées et chroniques où la nature ne supporterait pas une cure radicale. Mais il est faux de dire (pie le mariage ait tous les elTets (pie l’on prétend sur la concupiscence : les lois divines et humaines lui don­ nent cette vertu d’empêcher la turpitude du vice; si la copulation y est permise, elle n’en est point la fin essentielle el ce qu’elle laisse après elle, cc n’est point l’appétit mais I*infirmitas panic, d’ailleurs diminuée: enfin, celui qui mettrait dans le mariage la même pas­ sion que dans les relations illicites serait adultère, comme dit Pythugorc. allégué par saint Jerome. Cf. Xlbert le Grand. di i XXVI, a. 8. La dispute se poursuivit sur la valeur de l’acte conjugal accompli en vue d’éviter la fornication: il est sans péché, au jugement de Durand de Sainl-Pourçain, dist. XXXL q. iv, mais non point scion Pierre de la Pallu. dist. XXXI. q. il Il n’est pas impossible que l’inclination à l’indulgence s’explique, dans une certaine mesure, par la nécessité de justifier le mariage et son usage normal au temps de Γ - amour courtois ». Cf. G. Paris, dans Romania, t. xn. p. 518 sq.; E. Schlott. L*amour et les amoureux dans les lais de Marte de France, Lund. 1889. p. 26 sq. Les rapports entre époux sont jugés si peu désirables par les auteurs littéraires qui reflètent el nattent sans doute l’opinion, MARIAGE 2180 que certains théologiens ont pu hésiter à appeler cou­ pables des plaisirs que l’on avait tant de peine ù con­ tenir dans les bornes du sacrement d) Mariage et virginité. Le mariage est un bien, il peut être méritoire, la nature nous y incline. N'cd-il pas un devoir? Quand les théologiens le classent parmi les non communia (cf. J. de Ghellinck, A propos de quelques affirmations du nombre septénaire des sacre­ ments au A' I/♦ siicle, dans Recherches de science reli­ gieuse, 1910. p. 193 sq.), parmi les non nécessaires (OUon de Bamberg? dans P. L., t. clxxiii, col. 1359). ils constatent seulement un fait. Pour résoudre le problème de la liberté du mariage, ils considèrent le plan divin. A l’origine, le mariage fut sub procepto. parce qu’il importait de peupler la terre, de multiplier le nombre des adorateurs de Dieu. Le mariage était alors un devoir en tant qu’il assure la conservation de l’espèce; il ne l’a jamais été en tant que remède: Il y a des remèdes préférables, la contemplation et la pénitence. Cf. Nicolas des Orbeaux (t 1165), Saper Sententias compendium singulare, Paris. 1511. n. f.. dist. XXVI. Denys le Chartreux allègue sur cc point divers théologiens du xm· siècle. Dans la suite des temps, la liberté fut laissée ù chaque homme de choisir entre le mariage et le célibat. Cf. par exemple, saint Bonaventure, dist. XXVI. a. 1. q. ni. Car si la vie col­ lective requiert le mariage, comme elle requiert des laboureurs et des soldats, le mariage n’est pas une condition nécessaire de la perfection individuelle: la virginité peut être plus favorable ύ la croissance spiri­ tuelle. Saint Thomas IIMI11’, q. ci.n, a. 2. ad lu,h; In ZVur» Sent., (list. XXX HL q. m. a. 2. ad 2UH1 et 5um ; In 7/uw Ethic., led. n. Cf. Sertil langes, op. cil,, p. 166 sq. Que la virginité soit supérieure au mariage, c’est une vérité reconnue par les canonistes (Freisen, op. cit., p. 26, sq.) et dont la démonstration tient fort à cœur aux théologiens. Tel commentateur des Sen­ tences, comme Robert Cowton, ms. XCII, fol. 227, de Merton College (Oxford), consacrera tous scs déve­ loppements sur le mariage à l’établir. Et tels autres, comme Nicolas des Orbeaux, loc. cit., rappelleront une sentence fameuse : virginitati attribuitur fructus cen­ tesimus, viduitati... sexagesimus, matrimonio... tri­ cesimus. Celte solution n’allait point sans difficultés théoriques. On objectait : le mariage est de droit naturel, le précepte originel n’a jamais été révoqué, h· bien de l’espèce est supérieur à celui des Individus, cl l’existence même de l’espèce requiert le mariage. Mais saint Thomas montre comment la diversité des voca­ tions est condition de l’harmonie du monde : il faut, pour que la société vive, des hommes mariés et des contemplatifs. e) La place du mariage dans la société chrétienne. Les théologiens n’ont pas manqué d’assigner aux gens mariés leur place precise dans la société chrétienne. C’est un lieu commun, à la lin du Moyen Age, de les considérer comme formant un ordre. Abbon rappelait déjà ordinem, un état. Dans son Histoire de l'Occident, Jacques de Vi try écrit encore, vers 1225. que les gens mariés forment un ordre; dans un sermon sur les noces de Cnna, il élève le sens du mot : Dieu même a institué cet ordre, tandis (pie les autres ordres, il a laissé aux hommes le soin de les instituer. Sermones in epistolas rt rnangdia dominicalia, Anvers. 1575, p. 156. Au cours du xm· siècle, le thème fut popularisé en France par le dominicain Guillaume Pérauld. dans son De eruditione principum. I. V, c. xxvj et xxvn (que l’on a souvent attribué à saint Thomas) et dans sa Summa virtutum ac oit iorum, ouvrage très répandu, très exploité jusqu’au xvi· siècle, où il énumère les douze fondements de la dignité et sainteté de l’ordre des epoux, I. I, part. Ill, tract, ni, c. 15; en Mie- 218! MXIUAGE. DOCTHINE CLASSIQUE, LE CONTINT magne, par h· franciscain bavarois Berthold de Bâtisbonne. dans son célèbre sermon sur les sept sacre­ ments : « Dieu a sancti lié le mariage plus qu'aucun ordre nu monde, plus que les frères déchaux. les frères prêcheurs ou les moines gris qui. sur un point, ne peuvent se comparer au saint mariage. On ne peut sc passer de cet ordre. Dieu l’a donc commandé. Les autres ordres, il les a seulement conseillés... Comment le ciel serait-il peuplé sans le mariage? Berlholds Predigtm, édit, Gobe), 1905, p. 282 sq. Hubert de Sorbon appelle le mariage : sacer ordo. Et le dominicain Pérégrin, vers 1300. précise encore : l’ordre des époux a Dieu pour abbé. Il n’y a guère de lieu commun plus répandu en France el en Allemagne ù la lin du Moyen Age. On le trouve non seulement dans de nombreux sermons, mais dans la littérature religieuse de tous les pays chrétiens : toute une série de traités imprimés ou manuscrits, composés en Allemagne, â la tin du xv* siècle, le développent el le Speculum humana· vitre de Bodrigo Sanchez de Arevalo, Home, 1 168. I. I, c. xi, l’accueille. Les douze chefs d’honneur relevés par Guillaume Pérauld ont eu un tel succès jusque dans les premiers livres de la prose allemande el ils grou­ pent si bien toutes les raisons de la faveur de l’Eglise pour le mariage que nous les énumérons brièvement : c’est le plus ancien des ordres, fondé par Dieu, dans le plus saint des lieux, au temps de l’innocence: conservé lors du déluge; hi mère de Dieu a voulu en faire partie, le Christ l’a honore par sa présence aux noces de C.ana, où il lit son premier miracle; l’Église le bénit; il est la source des générations fidèles, le septième sacre­ ment, el il autorise des actes qui. hors mariage, sont des péchés mortels. Les prédicateurs el les écrivains ne s’en tiennent pas rt assigner au mariage cc rang très élevé. S’il est un ordre, il n’y faut entrer qu’avec décence cl pour des motifs honorables. Jacques de Vilry tonne contre les • mariages d’argent ». « Le jour des noces, ce n'est pas la (lancée (pie l’on devrait conduire rt l'église, mais bien son argent cl ses vaches. ► El le dominicain Jean lierait, dans la seconde moitié du xv* siècle, recom­ mande aux jeunes gens d’apprendre les règles de l’ordre conjugal, car il n’y a pas de noviciat, avant d’y entrer, ni de dispense, une fois qu’on s’y est engagé. Or, les règles de l’ordre doivent être bien obser­ vées. répète, vers le même temps, le franciscain Jean Gritsch, de Bâle, dont les sermons eurent un si grand succès·. La plus douce, rappelée par Guillaume Pérauld et Pérégrin, est celle de l’amour mutuel. Il y a d’autres obligations plus mêlées de peine, tout un statut de l'ordre des gens mariés que présentent des ouvrages généraux, comme le Doctrinale du chartreux Erhard Gross ou bien des ouvrages spéciaux, comme le Miroir de l'ordre des gens mariés du dominicain saxon Marc de Welda (I I87). Les devoirs «l’éducation for­ ment l’objet d’un chapitre. Toute cette conception de Vordo a été signalée rt plusieurs reprises, notamment par Michael, op. cit. Dcnllle a attiré Patient ion sur son importance, trad. Paquler, t. n, p. 72 sq. Elle fait l’objet d’un article substantiel, que nous avons largement utilisé, de N. Paulus, Mittclalterliche Stimmen liber dm Eheorden. dans liistoriich-polilische Blatter. 1908. t. exu, p. 1008-1021 et de quelques pages de F. Falk, Die Ehe uni Ausgange des Mittclaltcn. l’ribourg-cn-B.. 1908. Il ne s’agit point 1Λ d’une fantaisie verbale sans portée. Bien ne montre mieux la tendance des prédi­ cateurs populaires, des moralistes, rt exalter el. en somme, à majorer la valeur de l’état de mariage, puisque, rt la lettre, ils le placent avant la profession religieuse, ni le souci général de l’Église de soumettre les gens mariés rt une discipline stricte, rt l’observation 2182 de leurs devoirs. Il convient d’ajouter que le droit canonique secondait efficacement les vues des prédi­ cateurs et des moralistes. Par un élan naturel et un parti pris puissant », il favorise la conclusion des mariages. · Il pousse au mariage tous ceux qui ne sc sentent pas capables de porter l’état supérieur de virginité ou de continence. · Il leur a tendu des pièges ». Esmein, op. cit, t. j, p. 85 sq. La formation du lien, il la rend facile, en n'exigeant aucune forme, en supprimant des incapacités, des conditions gênantes, en créant la théorie des mariages présumés. Et il a posé celte règle qu’il faut toujours juger en faveur du mariage ». La disposition générale de I Église à l’égard de l’étal de mariage est donc très nettement marquée : elle le considère comme naturel, honnête el saint. La lutte contre l'hérésie, dont l’on des traits généraux, au xm· siècle, est d'être hostile au mariage, l’incite rt donner tout leur relief à ces caractères essentiels. I ne tendance austère, ascétique, continue de se manifester chez certains docteurs, mais elle n’aboutit pratique­ ment qu’à des conflits très limités sur la casuistique El la méfiance de l’Église a l'égard de la chair, que la croyance au péché originel impose, n’aboutit qu'à po­ ser des règles d’une haute moralité. L'une des séduc­ tions de la doctrine que nous avons exposée n'est-elh point la recherche constante d’un accord entre la nature et la raison, les besoins de l’homme cl sa voca­ tion supérieure? 2. La théorie du contrat., - L’état de mariage dépend chez tous les peuples soit de l’accomplissement de rites définis, soil d'une manifestation de volonté, faute de quoi n’existe entre l’homme cl la femme associés qu’une liaison de fait ou une condition Infe­ rieurc rt celle de l'union légitime. Selon les temps cl 1rs lieux, k· droit a exigé des cérémonies solennelles, comme chez les Germains, ou la simple preuve de Vaflectus maritalis, comme chez les Bomains. Aucune de ces conceptions n’exclut, aucune n’impose la notion explicite du contrat, d’un accord de volontés en vue de produire des effets Juri­ diques. En fait, les peuples anciens ont traité plutôt le mariage comme une institution, sans doute parce que l’intérêt religieux ou social, le caractère impérieux île la coutume leur cachaient le jeu des volontés indi­ viduelles, des engagements personnels dans le ma­ riage. Au contraire, la doctrine classique qui nous occupe a reconnu dans le manage un contrat. Elle en a déterminé la nature, le mode de formation, leeffets. Nous examinerons méthodiquement ces divers sujets.cn nous plaçant surtout, même dans ce domaine juridique, au point de vue des théologiens. a) Le mariage est un contrat. Les Bomains n’ont jamais appelé le mariage un contrat, ni cherché rt lui appliquer les règles des contrats. Cependant, l'ex­ pression contrahere matrimonium se rencontre chez les jurisconsultes de l’époque impériale el ils avalent bien remarqué que, comme 1rs contrats consensuels, le mariage est parfait nudo consensu. Dig. xx, 1, L et xxii, I. I. Les commentateurs des lois romaines, dès avant lu renaissance bolonaise, appelaient Ir mariage un con­ trat et l’assimilaient, dans leurs exemples, aux con­ trats consensuels, la vente, la société. Ainsi /V/n Exceptiones legum romanarum. App. i, c. 20 : Contrac­ tus id est ex utrague parte simul consensu tractus, sicut nupliir et emptio. Mêmes expressions dans le Libellus de verbis legalibus, c. 6. Les glossnteurs. bien qu’il leur arrive de déclarer que le mariage n’est pas un con­ trat. le traitent comme un contrat de société où, sim­ plement, l’union des personnes joue un plus grand rôle que l’esprit de lucre. Irnerius. Summa Codicis. édit, bitting, p. 136, v. L et Bogerius, Summa Codicis, 2(83 MABIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT éd. Gaudenzi, dans Bibliotheca juridica Medii .Evi, t. i. p. 89 sq. Sur une concordance partielle entre Kogcrius et la Summa colonicnsis, cf. \\. von I l L Lotthé, Le droit des gens mariés dans les Coutumes de Flandre, Paris, 1909, p. 26, p. 61 sq. L’importance civile de ce · premier coucher » a été bien mise en lumière par I îanauer dans le mémoire précité, p. 16-28. où des textes nombreux sont rassemblés, empruntés au Miroir de Saxe aussi bien qu'aux coutumes du Nord cl du Centre de la France. 'fous ces textes et ces faits montrent bien que. dans les usages et dans les croyances populaires, la consom­ mation garde une très grande importance, pour la formation du lien matrimonial. Mais l’Eglise. maigre ces dispositions coutumières et la force des traditions juives ou germaniques, a maintenu très rigoureuse­ ment cl sans tergiverser à partir du xm· siècle, la théorie consensuelle. Lc principe général est donc que le consentement fait le mariage. La théorie du consentement est l’œuvre des théologiens autant que des canonistes. Certains chapitres de cette théorie : contenu, carac­ tères essentiels, fonction précise du consentement, sont dus presque uniquement aux commentateurs des Sentences; â d’autres ; qualités, expression du consentement. ils ont donné une ampleur remarquable. c) Contenu du consentement. — Lc consentement est la cause de Vordinatio ad unum qui fait le mariage. Seulement, il s’agit de définir l’objet de cette ordina tio. En quoi consiste le consentement, quelle volonté expriment les époux? Avec Hugues de Sainte-Victor cl Pierre Lombard, les théologiens répondent : la volonté de réaliser l'association conjugale. Mais quelles sont les consé­ quence simplicités de celle association? Suppose-t-elle la volonté de réaliser l’union charnelle? On sc rap­ pelle la réserve des premiers scolastiques sur ce point. Au xm· siècle, la réponse de tous les docteurs est fort nette : « ...Ce n’est pas la volonté d’habiter ensemble, ni d'avoir des relations charnelles, qui est cause edicicnte du mariage, écrit Guillaume d'Auxerre, c'est la volonté plus générale d'établir l’association conju­ gale el celle association comprend bien des choses : cohabitation, relations charnelles, services mutuels et pouvoir de chaque époux sur le corps de l’autre. Summa aurea..., Paris (Pigouchcl), 1500, fol. 286. cf. .1. Strake, Die Sakramentenlehre des B', von Auxerre, 2187 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT Paderborn. 1917. ρ. 201. Il y a IA encore un peu de désordre, qui sera corrigé vers le milieu du xiti· siècle. Saint Thomas, après avoir fait observer que le ma­ riage n’est pas essent tellement Ia copula carnalis mais une association en vue de cette copula, ajoute qu’il est juste de dire que le consensus in copula carnali est seulement implicite, quia potestas carnalis capula· in quam consentitur est causa carnalis copula·, sicut potestas utendi re sua est causa usus. Disl. XXVIII, a. I. sol. .Mêmes expressions dans Hichard de Media­ villa. dist. XXVIII, n. 2. q. iv. cl disl. XXX. a. 2. q. u. Mais l’opinion d’après laquelle les époux s’en­ gagent simplement a ne point avoir de relations avec une autre personne que celle à qui ils ont donné leur foi garde des partisans. Elle est encore professée par Jacques Almain. D’autres docteurs, en revanche, enseignent que le consentement absolu et exprès in copulam carnalem est requis. La distinction entre la potestas et Vtisus, le pouvoir de réaliser l’union charnelle et l’exercice de ce pou­ voir. est donc clairement enseignée. Consensus qui matrimonium tacit est consensus in mutuam suorum corporum potestatem, écrit saint Bonaventure. In / Vuni Sent., dist. XXVIII. art. un., q. vi. Les époux se concèdent l’un â l’autre un droit absolu mais rien ne les oblige à en user, roules les raisons que l’on invoque pour prouver que les époux consentent in carnalem copulam doivent être bien entendues en ce sens qu’ils sc reconnaissent un pouvoir, non qu’ils s'engagent à l’exercer. Ainsi la formule : consentio in te ut non cognoscas me, est contre la substance du consentement matrimonial, comme contraire à la potestas. Et c’est aussi la potestas, non point l’exercice otestas sur son corps, ainsi que dans le contrat de mariage. De même, l’homme peut disposer de tous scs biens : el la raison en est que. dans la mesure où Dieu n’a point soumis a des obligations spéciales envers lui l’homme cl ses biens, il a laissé champ libre à la volonté humaine Op. oxon., (list. XXVI, q. un., n. 10. On le voit, le débal s’est élevé ù de grandes hau­ teurs. C’est le problème de la liberte de l’homme qui est en jeu. Mais quelle que soit l’opinion des théolo­ giens sur le r»Me de la volonté divine dans la forma­ tion de chaque mariage, et sur cc point encore on pourrait suivre la double tradition thomiste cl scollstr, ils sont d’accord pour reconnaître que finstit ut ion divine du mariage suffit à en faire un contrat d’une catégorie toute spéciale. Elle suffit, notamment, 2191 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQl E, LE CONTBAT à en faire un contrat indissoluble. Cette permanence du contrat est un des points essentiels de la différence entre le droit romain ct le droit chrétien. I.es théo­ logiens y insistent volontiers: illa autem conjunctio qua* respicit totum conjunctum et est matrimonium essen­ tialiter, non est affectio animorum, vel approximalia corporum, sed quoddam vinculum obligatorium, quod non perimitur, sive affectu sine corpore separentur, dit saint Bonaventure, In I V',m, Sent., dist. XXVII. a. I, q. i, ad lum ct 5um. g) La formation du contrat. - En principe, le ma­ riage est contracte par les epoux eux-mêmes. Mais il peut aussi se former entre absents, être contracte par lettre, cf. Glose in c. 8. cans. XXX, q. v. ou par un procureur qui doit être pourvu de mandat spécial, ne peut déléguer, ct dont la révocation entraîne nullité des engagements pris par lui. alors même qu’il l’au­ rait ignorée. Sexte, I, xix, c. 9; cf. .1. Bancarel. Le mariage entre absents endroit canonique, thèse, Tou­ louse, 1919, spécialement p. 21 sq. ; E. Bluin. art. cit. Lc consentement doit être exprimé in fade Ecclesia*. Les époux sc présentent devant la porte de l’église, (/est là que le prêtre les interroge sur les divers empê­ chements ct, d’après Étienne de Bourbon (t 1262), que se fait l’échange des verba de pressenti. C’est là que, dans les pays soumis aux usages germaniques, se font, dès le xr siècle, la desponsatio, la dotatlo. Postquam fuerit mulier viro desponsata ct legaliter dotata, introeat cum marito ecclesiam (Cologne. χι· siècle, dans Ilitlorp, col. 177). Beaucoup de grandes églises du Moyen Age ont ainsi une · porte du mariage », qui est sou­ vent ornée de sculptures symboliques : Dieu bénissant Adam ct Ève, le Mariage du Christ et de l’Église. les vierges sages cl les vierges folles, Falk, op, cit., p. 3 sq., signale plusieurs de ces portes en Allemagne, et no­ tamment celle de Sainl-Sebald à Nuremberg (lin xiv* siècle). La forme même du consentement donna lieu à controverse. D’abord, le consentement peut-il être tacite? Les casulstes ne manquaient point de mauvais arguments pour le prouver. On peut le voir dans la discussion que consacrent les commentateurs des Sen­ tences au consentement tacite, v. g. saint Bonaven­ ture. I. IV, dist. XXVIII. a. un., q. iv. Mais déjà Huguccio explique bien la nécessité de paroles ou de signes per quic Ecclesia· fiat fldes de matrimonio con­ trado, op. cit., p. 804. Il se contente, à la vérité, de signes très modestes. Pone quod puella verecundia eru­ bescit loqui, d tamen patitur suberrari ct dotari. Nonne ipsa patientia et taciturnitate consensus exprimitur, quamvis lingua nichil dicat? Op. cit., p. 805. Jusqu'au milieu du xm· siècle, cependant. l’opinion commune exigeait des paroles de ceux qui pouvaient parler. Hosticnsis le constate avant de défendre l’opinion contraire qui, à la fin du Moyen Age, est dominante. Les verba varient d’une Église à l’autre. La coutume locale les arrête ou permet de les interpréter. Ce qui fut le sujet de toute une littérature exégétique au Moyen Age. Voir les textes du Liber praelicus de consuetudine Kemensi, n· 157. p. 151 et n· 256. p. 201, rités par Esmein, t. i. p. 169. Mais il ne faudrait pas imaginer que la pratique du contrat consensuel s’établit d’un seul coup avec toute sa simplicité dans la chrétienté pénétrée d’usages ger­ maniques. Lc chapitre le plus intéressant et le plus délicat d’une histoire du contrat de mariage pendant la période du xi· au xv· siècle aurait pour sujet la transformation de ccs anciens usages et le rôle qu’y joua l’Église. En voici les données essentielles. La doctrine canonique du mariage per verba de prirsenti confirmait simplement la pratique courante dans 1rs pays où s’était maintenue l’application du droit romain Dans les régions de ΓItalie où régnait 2192 le droit lombard, elle contribua très fortement a h dégradation des formes anciennes : d’après BrandlIconr, la femme, devenue sujet de droit, se substitue â son mundoald. dont la desponsatio devient une simple promesse du fait d’autrui; la transmission du rnundium Unit par ne plus être un élément essentiel daio la formation du mariage. Brandileonc. op. cit., p. 246 sq.; Calisse, Diritto ecclesiastico e diritlo longobardu, Home. 1888 A partir du xu· siècle, la datio paren­ tum est en vole de disparition, non seulement en Italie, mais dans toute la chrétienté. Les ritueh d’Auxerre (xiv· s.), de Paris (xv· s.) ne la mention­ nent plus. Marlène, op. cit., p. 131 sq., 134 sq. Le fait qui nous intéresse .spécialement ici, c’est qu’au moment où s’effacent les antiques solennité, grandit le rôle du prêtre dans la cérémonie. Les his­ toriens ne s’accordent point pour l’attribution de cc rôle. Selon Friedberg, op. cit., p. 93 sq., le prêtre aurait remplacé l’orateur de la datio germanique, cet orateur qui constate la réunion des conditions néces­ saires et règle les formalités; *elon Sohm. op. cit., p. 164, il remplacerait le tuteur. Des ouvrages, qui ne s’accordent guère, ont été consacrés partiellement à ce sujet : IL Cremer, Die kirchlichc Training historisch, cthisch und liturgisch, cin Versuch zur Orentierung, Berlin, 1875; voir un art. de DieckhofT sur cc livre, dans Gottingischc gelehrte Anzeigcn, 1876, p. 801-829; A. W. DieckhofT, Die kirchlichc Training..., Bostock 1878. Notre collègue, M. Champeaux, qui étudie la question cl à qui nous avons emprunté les conclu­ sions ct la plupart des exemples qui vont suivre,est enclin à admettre qu’à partir du xi· siècle la tra­ dition de la sponsa fut généralement faite au prêtre en vue de la translation à l’époux. Des textes nous montrent la substitution du prêtre aux parents pour le transfert du mundium. Ainsi, le Liber ordinum publié par dom Férolin, d’après quatre mss. du xi· siècle, ct qui était en usage dans l’Eglise wislgothlque et mozarabe, contient un ordo ad bene­ dicendum cos qui noviter nubunt qui montre la traditio faite parles parents au prêtre lequel transfère lui-même la femme à l’époux. Quum venerint hii qui conjungendi sunt, expliciter secundum morem missa antequam absol­ vat diaconus, accedunt ad sacerdotem juxta cancellas. Et venientes parentes puella* aut aliquis cx propinquis, si parentes non habuerit, thadit puellam SACERDOTI. A la fin de la cérémonie thadit sacehdos puellam vino. Monumenta Ecclesiie titurgica, Paris 1901; cl Freisen, Ehc.schliessung in Spanien, 1918. Lc rituel d’Arles (xm· siècle), prescrit la même traditio. Le* parents antequam dicatur Pax Domini,., tradant eam sacerdoti. Marlène, op. cit., p. 130. Λ lloucn, au xiv· siècle, le prêtre renouvelle les bans devant la porte de l’cglisc : Et si tunc aliquod impedimentum non intervenerit, det cam marito. Il demande à l'homme. .V. veux-tu avoir A’, à femme et dpouse, et la gardtr saine et inferme, et lui /aire loyale partie de ton corps et de les biens, ne pour pire ne pour meilleure tu ne lu changeras tout le temps de sa vie. Tunc vir respon­ deat : Volo, aut Ouyl. Postea dicat viro : (Juc lui bailletu? Vir respondeat ; Ma joy. Même interrogatoire de h femme. Tunc sacerdos det eam viro, dicens verbis lahnis: Et ego conjungo vos, etc. Marlene, op. cit., p. 132. D’autres textes montrent le prêtre donnant It' époux l’un à l’autre : c’est le ras des rituels d’Amicib. de Limoges, de Liège. Marlène, p. 131, 136, 138, Lc rôle du prêtre est, parfois, celui d’un instiga­ teur : facial parentes sicutt mos est dare eam, dit un rituel de Bennes (xi· s.). A Lyre (xu· s.), la dation n’est faite par les parents qu’après que le prêtre a requis le consentement des deux époux. Ailleurs, le prêtre est collaborateur et garant. En même temps que le sponsus, il passe l’anneau au doigt de la sponif, 2193 MA BIAGE, DOCTRINE CLASSIQUE, LE CONTRAT ou bien II récite avec, l'époux la formule du consente­ ment, ou bien II tient les mains des deux époux pen­ dant la promesse l’n relevé complet, puis un classe­ ment chronologique et géographique de tous les textes connus serait indispensable pour permettre peut-être des conclusions. Dès À présent, In partici­ pation du prêtre, au contrat de mariage, à des titres divers, (pii ont pu changer â mesure que s'affaiblissait le mundium, est un fait bien établi et non sans impor­ tance pour l’histoire de l'action ct de la juridiction de l’Église en matière matrimoniale. Celui qui contracte mariage sans les solennités cou­ tumières, et à plus forte raison sans témoins, accomplit un acte incontestablement valide, mais illicite. La clandestinité constitue une violation de la coutume générale de l’Église. Ceux qui s’en rendent coupables commettent un péché ct sont passibles de peines canoniques. Voir les Commentaires des canonistes sur X, IV, in. De eland, desp, Et si Ton découvre, après coup, quelque empêchement Ignoré des époux lors du contrat, les avantages du mariage putatif seront refuses aux enfants, ibid., et IV, xvn, I L Les canonistes de la fin du Moyen Age ne sont point d’accord sur la notion même de clandestinité. Cer­ tains, comme Panormitanus, admettent qu* Ecclesia peut signifier un groupe de fidèles. Panorm., in c. 3, Λ’, IV, m, n. 9, et que l’on ne peut appeler clandestin un mariage publiquement contracté, alors même que l’Église n’y aurait aucune part. Voir les diverses opi­ nions dans le De. matrimonio de Joli. Lupus, Trad, unin. furis, t. ix, fol. 41 sq. Un mariage clandestin pouvait être régulaiIsé par une célébration posté­ rieur in facie Ecclesia X, IV, m, 3. Le grave inconvé­ nient de la clandestinité, c’est l’extrême difficulté de la preuve. L’accord s’était fait, malgré quelques dif­ ficultés, sur l’application aux causes matrimoniales de la règle ordinaire : Adori incumbit probatio.Mals quels moyens de preuve étaient reccvabics? Quand le ma­ riage était célébré in /acie Ecclesia, il suffisait que deux témoins vinssent en déposer. Ce concours était d’ailleurs nécessaire, car aucun registre ne contenait mention des mariages. A défaut de solennités, il fallait que deux témoins eussent entendu prononcer les paroles de présent, rencontre qui semble peu com­ mune, ou qu’un acte authentique eût été rédigé devant notaire.ee qui était rare. On tenait générale­ ment que Pacte de constitution de dot ne prouve point le mariage, parce qu’il ne le vise qu’accessoirement ct qu’il est souvent rédigé avant l’échange des rerba de prasentl. En Un. l’aveu des parties est sans force. Il fallait donc souvent se contenter de présomptions, dont les plus importantes sont celles qui résultent du port de l’anneau et de la possession d’état. Le port de Panneau fait présumer le mariage dans les pays où seules les femmes mariées sont autorisées par ta cou­ tume ù porter Panneau. Quant à la possession d’état, les docteurs exposaient sur le c. IL A’. IL xxiii, une théorie compliquée d’où il résulte que la cohabita­ tion de deux personnes qui se comportent extérieure­ ment comme des époux (tractatus) faisait présumer le mariage, ct quand la commune renommée (fuma) y ajoute son appui, certains admettent, avec Inno­ cent IV cl Panormitanus, que la preuve est com­ plète : mais c’est lù un sujet de grandes controverses. Esmein, op. cit, t i, p. 189-201. La clandestinité, on le voit, laissait subsister une dangereuse incertitude sur l’état des personnes. Aussi, dès le Moyen Age, elle a donné lieu, nous le verrons, ù des protestations nombreuses. Λ) E/Jds du contrat Le contrat de mariage éta­ blit entre les époux un état permanent : toutefois, les théologiens classiques ne s’accordent point ù recon­ naître cc lien de causalité : Matrimonium non est PICT. PB TIIÉOL. CAI II. 2194 aliquid causatam ab itio contractu matrimoniali, sed derelictum; unde, d quando dicitur contractus matrimo· nialis.., debet accipi causa pro dispositione praola, sicut apertio fenestra- dicitur causa illuminationis domus, Guillaume de Vauroulllon, In /V»» Seni., dist. XXVII, op. cit., fo|. 397. C’est la leçon de Scot, Opus oxon., did. XXVII. q. n, n. 2 : Non est dicendum quod (consensus) sit proprie causa efficiens iit fus vin­ culi : sed est dispositio prirvia, sicut baptizari et ordi­ nari est pnevia dispositio ad characterem. Mais la plu­ part des docteurs font dépendre directement le vin­ culum conjugale de l’échange des consentements qui est le contrat. Pour définir cc résultat, matrimonium, vinculum conjugale, théologiens et canonl te. pou­ vaient choisir entre plusieurs textes classiques : le Digeste ct les Institutes, Hugues de Saint-Victor et Pierre Lombard leur propo aient des formules diver­ ses. que saint Thomas caractérise, In /V°® Sent., dist. XXVII, q. i, a. L quasi. 3. Certains antcun se contenteront des tonnes les plus généraux : conjunc­ tio maris ct femtnir. Notion trop large, qui assimile la famille de l’homme « au ménage de» cigognes et des colombes ·, comme dit Pierre de la Poilu, In I\ram Sent., dist. XXVI, q. i, Venise, 1193, fol 138. La défi­ nition que proposait Pierre Lombard a été adoptée par tous les théologiens classiques, non sans discus­ sion ct minutieuse analyse. Chacun des termes en n été soumis au contrôle de l’étymologie, de la tradition. •de la logique. Pourquoi le nom de matrimonium, pui que la dignité du père l’emporte sur celle de la mère? X’el nupti*, alors que les nupti* ne sont point de l’essence du mariage? Et quant à la conjunctio, elle diffère du lien matrimonial comme l’effet de la cause On deman­ dait encore pourquoi 11 n’est question que de conjunc­ tio maritalis, comment on peut admettre Vtndividua consuetudo vit* entre des époux donl le caractère, les usages sont parfois différents, dont les mérites sont toujours distincts? Cette exégèse pointilleuse était déjà pleinement développée à la fin du xn· siècle, comme on peut te voir dans la Somme de Simon de Tournai, Bibl. Nat., ms. mt. 3203. fol. 215 ct sq. Albert le Grand cl saint Thomas exposent cl résolvent toutes les difficultés. Sc conformant aux explications des Décrétales, ils jus­ tifient par le rôle de la mère le nom et les diverses étymologies qui peuvent être proposées de matrimo­ nium. matris munium, matrem muniens, matrem mo­ nens; les étymologies d’Augustin ct d’I idore de Séville sont également rappelées. Ce mot sert a carac­ tériser les effets du mariage. Nupti* signifie la cause, qui est la desponsatio; conjunctio, l'essence. Cette conjunctio existe bien dans le mariage, put que ubi­ cumque est adunatio aliquorum, ibi est aliqua conJune Ho. Elle ne . L'opinion commune vers la fin du Moyen Age est exprimée par Thomas de Stras­ bourg (f 1357), dist. XXVI : Matrimonium non solum causaliter defu ndet ab humana voluntate, sed principa­ liter dependet ex divina institutione. Le mariage n’est pas un contrat purement humain, déchue saint Bona­ venture, mais, Λ cause de son indissolubilité, tenet rationem sacramenti. On m* s'étonnera point de retrouver appliquées au sacrement les expressions mêmes dont les théologiens ont usé pour caractériser le rôle assigné dans le contrat à la commixtio i urnalis. Ainsi, saint Bonaventure : Si loquamur quantum ad esse necessitatis, verum est guod sacramentum matrimonii esse habet sine commix­ tione carnis, si autem quantum ad esse plenitudinis, sic est de ejus integritate. In J \ u,u Seni., dist. XXVI. a. 2, q. m. El la logique leur commande également de ne point imposer pour l'existence du sacrement des solennités non requises pour l’existence du contrat. Il faut considérer comme tout ù fait fantaisiste, par exemple, cette ('dose du xiv· siècle que Thaner a signalée dans les Comptes rendus de ΓAcademie de Vienne, t. i.xxix, p. 231,et qui, se fondant sur la décré­ tale du pseudo-Evarisle, exige la dot pour la forma­ tion du Micrémcnt. La seule difficulté sérieuse sur le point qui nous occupe sera de déterminer le rôle de la bénédiction nuptiale. Comme elle suppose une ana­ lyse approfondie du sacrement (forme, ministre, effi­ cacité), nous l’examinerons dans la seconde série de problèmes. Les conséquences de l’identité du contrat et du sacrement, en ce qui concerne la formation du lien, sont multiples Nous avons déjà signalé que, si le consentement fait produire immédiatement au contrat tous les effets sans aucune traditio, c’est par faveur pour le sacrement. De la même Idée, les canonistes tirèrent un correctif asse/ curieux ù la théorie géné­ rale des vices. Dans les contrats consensuels, le dolus dans causam contractui, la manœuvre frauduleuse qui provoque la formation du contrat, est une cause do 2193 nullité. Mais comme clic procure, en fin de compte, un bien spirituel, on ne l'appellera point dol. Panor­ mitanus, in c. 3. Λ', III, xvii. En fait, cependant le dol aura souvent pour résultat d’occasionner une erreur qui, dans les cas les plus graves, sera cause de nullité. b. — Le problème de la causalité efficiente étant résolu, la difficulté renaissait, plus grave, quand on considérait le problème des causes finales. Peut-on admettre que le sacrement sc forme quand les époux ont en vue une fin peu honorable, la richesse ou le plaisir? Incontestablement : A rc tamen malus finis sacramentum contaminat, sicut in Jacob qui duxit Hachelem ob pulchritudinem. Pierre de Poitiers, Sen­ tentiarum libri V, I V, c. xs n. Celte '•olulion emprun­ tée à Pierre Lombard n'est pas seulement en harmonie avec la tendance objective de Pierre de Poitiers (que l’on se rappelle son application au baptême de la notion d'oput operatum). Elle s'accorde avec la notion canonique de la cause dont on connaît le développe­ ment au xni· siècle. Capitant, De la cause des obliga­ tions, 3· edit., Paris, 1926. La richesse, la volupté sont-elles autre chose que le motif, et celui qui sc marie n’acccptc-l-il point nécessairement, avec l'unité ct l’indissolubilité, toutes les charges du mariage ? Consensus etiam iste. etsi amore libidinis fit, tamen matrimonialis est, non fornicatorius, aut amatorius; non enim in solam libidinem consentit, sed in omnia onera matrimonii. Le sacrement existe donc, quelles que soient les dispositions de ceux qui le reçoivent : si ces dispositions sont coupables, ils commettent un péché. Guillaume d'Auvergne, op. cil., t. i, p. 519. Les grands scolastiques ont continue cette doctrine. Intentio Eczlesue qua· intendit uulitatem ex sacra­ mento provenientem est de bene esse sacramenti et non de necessitate ejus, déclare saint Thomas, In l V^ Sent. dist. XXX, q. i. a. 3, ad. 3UGa. Celui qui ne tient pas compte des tins proposées par Dieu et par l’Église pèche, mais reçoit validement le sacrement : Isle consensus, licet sit peccatum mortale, tamen proprie est causa efficiens matrimonii non in quantum malus sed in quantum bonus et in quantum a Deo est : dicimus enim quod omnis actio, m quantum actio, bona est et est a Deo. Le mal n’est point facteur de bien en tant que mal, mais par le bien qui y est annexe. Ainsi, la cupidité qui est un mal a beaucoup de conséquences louables, notamment l’activité commerciale. c) Unité du sacrement. — La conclusion qui résulte implicitement de tous ces débats sur la causalité, c’est que le contrat de mariage ne peut exister entre chrétiens sans Je sacrement : le consentement est, dans le même instant, la cause efficiente du contrat et du sacrement. Mais pouvait-on parler du c acre ment et n’y a-t-il pas, en réalité, dans le mariage plusieurs sacrements? Le vocabulaire même suggérait une première dif liculté, que Prévost in expose et résoud ainsi : « On élève couramment cette objection : le mariage est appelé sacrement et le troisième bien du mariage est également appelé sacrement S’agit-il du même sacre­ ment ou de deux sacrements? 11 semble qu’il y a plu­ ralité, puisque le second sacrement est désigné comme bien du premier. En revanche, la signification de l’un est exactement identique à celle de l’autre, cc qui conduirait à conclure : un seul signe, un seul sacre ment, » Solutio : Magister Petrus dicebat, quod est aliud, ct illud, quod dicitur bonum conjugii, appellat inseparabilitatem. Videtur tamen esse dicendum aliter, etiam quod nec connumcratio est recipienda. Nec est dicendum, quod sit idem sacramentum vel aliud, sed dicitur homo imago Dei propter rationem ct ipsa ratio dicitur imago Dei, non tamen eadem vel alia imago, ita matrimonium dicitur sacramentum propter bonum conjugii, quod sic vocatur, scilicet inseparabilitas, et 2199 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LE SACREMENT ipsum bonum dicitur sacramentum sed nec idem nec aliud. Cite par F. Glllmann, Zur Xakramcntcniehre des W. non Auxerre, Wurzbourg. 1918. p. 39. On trouvera des expressions analogues dans Guy d’Ordiellcs, ms. cil., fol. 90, dans Roland de Crémone, ms. eit., fol. 131. Cette distinction des deux sens dc sacramentum est une difficulté courante (pie l’on voit déjà exposée dans la Somme de Roland et dans celle d’Huguccio, toc. rit., p. 758. Le mot sacramentum, dans l’énumération augustinicnne des biens du mariage, fuies, proies, sacra· mentum, signifie donc l’indissolubilité, et c’est à rai­ son de cette indissolubilité que le mariage est appelé sacrement. Cette première discussion a pour principal avantage de souligner le caractère par où le mariage diffère profondément des autres contrats. Le consen­ tement peut assurer la formation mais non la perma­ nence du lien conjugal : Matrimonium habet causam efficientem consensum, sed non conservantem. Est ergo consensus causa ut matrimonium fiat, non ut permaneat. S. Bonaventure, disl. XXVII, a. 2, q. i, ad 2utn et 3um. Il crée Ia mutua obligatio, non point Vobligationis mutuiv indissolubihtas... ct quamvis pri­ mum sit hominis, secundum est instituentis; et ratione illius indissolubilitatis, præcipue matrimonium tenet sacramenti et signi sacri. S. Bonaventure, dist. XXVI, a. 1, q n, ad I'IO‘. Le premier trait du sacrement, c’est qu’il est le signe d’une réalité spirituelle. Décré­ tâtes et théologiens, jusqu’au début du xm· siècle, insistent avant tout sur ce trait fondamental : sacra­ mentum quia sacrae rei signum, ainsi caractérisent-ils le mariage. Raoul l’Ardcnl, Paucapalea, B. de Courson. bien d’autres encore transcrivent pour l’appliquer au mariage la définition augustinienne du sacrement popularisée par I lugues de Saint-Victor et P. Lombard. Or dans le mariage, deux réalités sont signifiées. C’est pourquoi Hugues de Saint-Victor admettait deux sacrements. La meme opinion est exprimée par des canonistes, par exemple Étienne de Tournai, in c. 17. Caus. XXVII, q. n, ad verbum Christi et Ecclesia sacramentum : Alterum ergo sacramentum est in desponsatione, alterum carnis in commixtione. La Glose ordinaire du Décret sur le c. 2. dist. XXVI, a i mot De sacramento, reconnaît un triple sacre­ ment : la conjonction des âmes per verba de præsenti signifie la conjonction du Christ ct de l’âme fidèle, la commixtio carnis, l’union du Christ avec l’Églisc, la conjunctio corporum, l’union de Dieu cl de l’humanité. Même explication dans la Glose ordinaire sur le c. 5, Λ’, I, XXL Prévostin reconnaît aussi un triplex sacra­ mentum. Cf. Lechner, op. cil., p. 378, π. I, (pii cite le ms. latin 69S3 de Munich, fol. 131 v·. (.cite Interprétation était la conséquence logique d’une définition du sacrement qui tient trop exclusi­ vement compte du symbole et qui conduisait aussi certains auteurs, comme Simon de Bisinlano, à ad­ mettre la dualité du sacrement dans le baptême. Dès la fin du xn· siècle, l’attention des commen­ tateurs se fixe, plutôt que sur la res sacra, sur le signum. lluguccio observe que si, dans le mariage, deux choses sont signifiées, il y a unité de signe : Nec sunt ibi duo sacramenta, ut dixit Mag. Jo., sed unum sacra­ mentum, id est unum significans, scilicet matrimonium et duo significata, scilicet conjunctio anima ad Deum per caritatem et conjunctio Christi et Ecclesiæ per naturam. Summa..., loc. cit., p. 761. Les théologiens de la même époque diront aussi clairement que l’unité du sacrement n’est point contrariée par la double union, spirituelle et corpo­ relle. des époux : Sacramentum est hic consensus ani­ marum et carnalis copula, nec sunt duo sacramenta, ifd unum sacramentum unionis Christi ad Ecclesiam, qua· fit per charilatem et corporalis qiue fit per natura 2200 conformitatem. Cujus etiam signum est carnalis copula, sicut consensus animarum spiritualis unionis. Piem· de Poitiers, op. cit., I. V, c. xiv, P. £., t. ccxi.col. 1257 — Telle est encore l’idée d’Étienne Langton. Λ’ο/ι tamen sunt duo matrimonia sed unum. Avant In com­ mixtio sexus, le mariage représente l’union du Christ et dc l’Églisc militante, après la commixtio sexiu, l’union du Christ et dc l’Églisc triomphante. Summo, Bibl. Nat., ms. lat Ji 556, fol. 166. Au xm· siècle, certains canonistes continueront d'enseigner la théorie du duplex sacramentum : ainsi G. de Trano, Summa in titulos decretalium, Venise. 1570, in lit. De bigamis, η. 2, fol. 36. Mais la théorie unitaire semble unanimement admise par les théo­ logiens. L’cxpiicatlon du signe est amplement déve loppéc par plusieurs d’entre eux. ainsi par Robert de Courson, dans sa Summa au début dc la Quæstiodr matrimonio : Sicut inter contrahentes usualiter, primo, fit desponsatio per verba de juturo, secundo, per verba de præsenti fit contractus matrimonialis in /acie Eccle· siæ, tertio, sponsa traducitur in amplexus sponsi, ita inter Christum et Ecclesiam jactum est. Nam Chris­ tus. qui est sponsus et caput Ecclesiæ, primo, despondit Ecclesiam in primo Abel justo, quasi per verba dr præsenti, ubi divinitas, tamquam os osculans, sibi conjunxit humanitatem, quasi os osculatum, ex quibus conjcrlum est illud verum osculum, de quo dicitur : Osculetur me osculo oris sui. Et per illum consensum in osculo illo significatum matrimonium, prius initia­ tum, tunc est consummatum, sed non erit ratum nisi in fine, quando traducetur sponsa in amplexus sponsi. Est autem matrimonium copulationis divinitatis d humanitatis, et copulationis Christi et Ecclesiæ signifi­ catum. Ideo, dicitur sacramentum quia est ulriusqut tam sacra rei signaculum. On trouvera des expressions analogues dans la Somme du maître de Robert de Courson, Pierre le Chantre, Bibl. Nat., ms lat. 3258, fol. 182. dans Simon de Tournai, Bibl. Nat., ms. lat. 31/4 A. fol. 215. Sur l’union du Christ et de l’Églisc, cf. M. Grabmann, Die Echrt des heiligen Tto mas von Aquin von der Kirche als Gotlesiverk, 1903, p. 219-266. Bien des théologiens remarquent la disselubi.ité de l’union du Christ ct de l’âme fidèle : le péché détruit celle union. Robert de Crémone, le note, ms. cil., fol. 132 et c’est aussi ce qui explique la possibilité d’entrer en religion avant la consoinnin· lion du mariage. Tandis (pic l’union du Fils dc Dieu et de la nature humaine est indissoluble et donc le mariage consommé qui la symbolise. Cf. Guillaume d'Auxerre, op. cit., I. IV, tr. ix, c. n, q. 2; Sainl Antonin de Florence, part. III, lit. xiv, c. 9. col. 677. La considération de l’unité du signe levait unr dernière objection : celle tirée de la dualité de sujet, dont l’exposé est très clairement fait par Guillaume ’ d’Auxerre, Summa aurea in I V libros Sent., Paris. (Pigouchct), 1500, fol. cci.xxxv : Cum enim matri­ monium sit conjunctio maris ct jcminæ ct ibi sunt date dictiones qua sunt retat io et correlatio, maritus enim dicitur uxoris maritus ct uxor mariti uxor, quærilur an ulraquc illarum conjunctio per se sit matrimonium an ille dure simul accepta ita quod neutra sit uiraqut per se : ergo ibi sunt duo matrimonia; ergo duo sacra menta. — La réponse est facile : Il y a deux sujeln mais unité d’ellet et de signe: (VefTct, car le* deux conjonctions réalisent l'unité de chair: dc signe, car elles signifient l’union du Christ et de l’ÉgiLc, au dire de l’Apôtre... double principe d’uHitê, «onunt dans l’eucharistie. Cf. Strake, Die Sakramenlenlehrt des Wilhelm von Auxerre, Paderborn, 1917, p. 201. Il s’agit là d’une dilllculté exposée par presque tou< les scolastiques. Nous l’avons relevée dans Eudes d’Ourscamp. On la trouverait dans Roland de Crè· 2201 MA Kl AGE. DOCTRINE CLASSIQUE, LA mono, fol. 131, et Duns Scot l’énonce avec netteté, Report, paris., dfrt. XXVII. q. n. Toutes ces difficultés, on le sait, ne sont pas propres au mariage. La multiplicité de sacrement, certains, nous l’avons vu, croyaient l’apercevoir dans le baptême, ct d’une façon générale, les scolas­ tiques ont une certaine tendance â appeler sacrement les actes successifs d’un sacrement. Ainsi pour la pénitence, cf. Schmoll, op. ci/., p. 113, pour l’extrêmeonction, A J. Kllker, Exlreme-onction, Washington, 1926, p. 1*2. d) Le mariage des infidèles est-il un sacrement? — Peut-on dire, enfin, que tout contrat dc mariage valable soit un sacrement ou bien faut-il réserver le sacrement aux chrétiens ? Plusieurs décrétales appellent sacramentum le mariage des infidèles. En l’année 1201, Innocent III écrit à l’évêque dc Tibériade : le baptême ne dissout pas le mariage, quum sacramentum conjugii apud fide­ les ct infideles existai, Potlhast, n. 1325; X. IV. xix, 8. Et en 120<», il expose, à l'évêque de Ferrure... qu’il pourrait sembler, videri posset, que ct sacramentum conjugii ct sacramentum etiam eucharistia: a non baptizatis recipi potest. Potlhast, η. 2719; X, HI, x Lin, 3. Honorius 111 énonce, parmi les cas qui n’admettent point transaction : Conjugii sacramentum, quod, quum non solum apud Latinos ct (ira eos, sed etiam apud fideles ct infideles existât, a severitate canonica circa illud recedere non licebit. Potlhast, n. 5834: X. I. xxxvi, Ufa. 1’218). L’un de ccs textes (X, 111. χυιι, 3) énonce, comme simplement concevable, videri posset, l’idée que la croyance un Jésus-Christ permet aux nonbaptisés de recevoir le sacrement. Les deux autres emploient Je mol sacramentum dans un sens très large, pour exprimer que le mariage a son fondement dans le droit naturel, que Dieu, en l’instituant, lui a donne certains caractères universels. C’est en cc sens que Boniface VIII écrit : Matrimonii vero vinculum ab ipso Ecclesiæ capite rerum omnium conditore, ipso in paradiso et in statu innocentia instituente, unionem et indiuolubilitatem acceperit. Scxt., IL xv, c. un. Inno­ cent UI, dans une décrétale de l’année 1199 marque bien la séparation traditionnelle entre le mariage des fidèles ct celui des infidèles : le premier est verum et ratum, le second n’est (pie verum: Nam etsi matri­ monium verum quidem inter infideles existât, non tamen est ratum. Inter fideles autem verum quidem ct ratum existit, quia sacramentum fidei, quod semel est admis­ sum, nunquam amittitur*, sed ratum efficit conjugii sacramentum, ut ipsum in conju gibus illo durante perduret. Potlhast, n. 681. Λ", IV, xix, 7. Les scolastiques, vers le milieu du xm· siècle, réunissent les arguments pro et contra dans leurs commentaires sur la distinction XXXIX des Senten­ ces. Le mariage des infidèles, déclare saint Bonaven­ ture, habet tantum semiplene rationem officii, remedii, 'sacramenti. — Matrimonium tale est aliqua modo sacramentum habitualiter. quamvis non actualiter, eo quod actu non contrahunt in fide Ecclesia·, dit saint Thomas. In IV™ Sent., (list. XXX LX, q. I, a. 2, nd lüm. Le mariage des infidèles ne peut être un sacre­ ment comme celui des chrétiens, puisque le baptême est la porte d’entrée des sacrements · Secundum quoit e\t sacramentum, non habet perfectam indissolubilitatem nisi secundum quod fundatur in baptismo et fide. Xlbcrt Io Grand, hi I X ,ir" Sent., «list. VI. a. 6« L’opinion commune est donc que le mariage des infidèles est simplement verum. Encore plusieurs contestent-ils cet le qualité. On trouvera leurs argu­ ments dans les Commentaires précités sur la distinc­ tion XXXIX Richard dc Mudiavllla professe celle opinion sévère, disL XXXIX, q. in, n. L Duns Scot le reprend sur ce point. Opus oxon., (list. XXXIX, q. un. MATIÈRE 2202 2· Deuxième série de problèmes : l'analyse du sacre­ ment. — 1. La composition du rite sacramentel. I n seul contrat, un seul sacrement, un seul contrat’acrcmcnl dc mariage : telle est la conclusion â laquelle se rallient presque tous les auteurs classiques. Dans le mariage doivent donc sc trouver tous les traits auxquels la doctrine commune au xm· ). Tous ces éclaircissements devaient préparer la voie au triomphe de la doctrine définitive. Que le mariage confère la grâce, Albert le Grand considère cette opi­ nion comme très probable : ... non quodeumque bonum, sed hoc bonum quod facere debet conjugatus : et hoc est quod fideliter confugi assistat et opera sua illi communicet, ct prolem susceptam religiose nutriat, et hujusmodi. Et hire etiam probabilis est mullum. Eoe. cit. Dès le premier article de la question De matrimonio secundum quod est sacramentum, saint Thomas prend parti contre ceux qui font du mariage un simple signe : c’est parce que le mariage applique à l’homme, au moyen de signes sensibles, un remède sanctifiant opposé au péché, qu'il est un sacrement. In I Vum Sent., dist. XXVI, q. n. a. 1. Si le mariage n’était point cause de grâce, il ne différerait point des sacrements de l’Ancicnne Loi. où il était déjà un signe ct un remède, où. déjà, il autorisait les rapports sexuels. El comment soutenir que le mariage préserve du mal sans incliner au bien? La même grâce qui prévient le péché dispose au bien, tout comme le même calorique chasse le froid et donne de la chaleur. Saint Thomas juge donc avec faveur l’opinion de ces théologiens qui enseignent la collation de la grâce : « Que le mariage chrétien est propre à conférer la grâce qui aide les époux â remplir les devoirs de leur étal, ce sentiment est le plus probable, car quelque faculté que l'homme reçoive de Dieu, il reçoit aussi les secours dont il a besoin pour en faire l’usage convenable... Puis donc que le mariage donne ù l’homme, en vertu de l’insti­ tution divine, la faculté d’avoir avec son épouse les rapports nécessaires pour la génération, il lui donne aussi une grâce sans laquelle il ne pourrait pas accom­ plir cet acte comme il convient, et sic istu gratia data est ultima res contenta in hoc sacramento. Ibid., a. 3. Suint Thomas ne pense point, d’ailleurs, que la doc­ trine qu’il adopte ajoute rien d’essentiel à la leçon du Maître des Sentences : lui aussi professait que le mariage confère la grâce : Gratia autem quit in matri­ monio confertur, secundum quod est sacramentum Ecclesitc in fide Christi celebratum, ordinatur directe ad reprimendam concupiscentiam, qua concurrit ad actum matrimonii; ct ideo magister dicit, quod matrimonium est tantum in remedium; sed hoc est per gratiam quæ in eo confertur. Dist. H. q. L a. I, quasi. 3. ad 3um. Saint Thomas semble donc classer Pierre Lombard 2212 parmi les tenants de la seconde opinion. Quant à lui, on ne peut douter qu’il soit disposé à admettre la troi­ sième opinion : que le mariage confère aux époux toutes les grâces dont ils peuvent avoir besoin. d) Les resistances. ·— Tandis que se dégageaient ces conclusions, les opinions anciennes gardaient un certain crédit. Humbert de Romans (t 1277) écrit: Benedictio sacerdotalis... cui annexae st divina gratia. De. eruditione prœdicatorum, I. IL tract, n, c. 51. Barcelone. 1607, p. 396. I higues de Strasbourg (t 1281) sc borne encore â appeler le mariage : médecine pre­ servative. Compendium theologiic, L VI. c. v. Même réserve dans le De matrimonio de Robert de Sorbon (t 1271); cf. Hauréau, Notices de quelques manuscrits latins de la bibliothèque Nationale, t. i, p. 189 sq. Le problème prit une ampleur nouvelle au cours d’un épisode dont on n’a point remarqué l’importance pour le sujet qui nous occupe : l'affaire de PierreJean Olive. En l’année 1283, le ministre général des francis­ cains, Bonagratia, qui avait entendu au chapitre de Strasbourg de vives plaintes contre la doctrine de Pierre-Jean Olive, chef des spirituels, institua une commission de sept théologiens pour examiner une liste de propositions tirées des écrits de l'accusé. Fr. Ehrle, Petrus Johannis Olivi, sein Le ben und seine Schriften, dans Archiv für Littcratur und Kirchcngc· schichtc des Mittclaltcrs, t. m, p. 109-552; E. Hoccdcz, op. cit., p. 79 sq. Parmi les trente-six propositions censurées â Paris, il en est une qui concerne le mariage. Dans la sixième de scs Quasitones, Cod. Vat. 4986, fol. 16-21, Olive sc demande si la virginité ou l'abstinence de toute copulation est préférable au mariage. Cf. Ehrle, loc. cil., p. 501 sq. Voici comment Olive présente sa thèse dans la défense qu’il composa en 1285. Le sacrement de mariage n'est pas un sacrement au même sens, univoce, que les autres sacrements de grâce; il ne semble pas avoir d'autre titre au nom de sacrement que le ser­ pent d’airain ou le tabernacle, ou le berceau de Moïse. Voir d’Argentré, Collectio judiciorum, Paris, 1728, Lia, p. 228 sq. Olive avait accepté la rétractation qui lui était imposée. Au chapitre d’Avignon, en octo­ bre 1283. ii reconnut que le mariage est un sacrement de la Loi nouvelle cl confère la grâce, qu’aflinner le contraire est une erreur, le soutenir, une hérésie, en douter, illégitime, qu’il croit avoir toujours admis le caractère sacramentel du mariage ct n’avoir nié qu’en passant son equivalence aux autres sacrements notamment la production de la grâce, ibid., p. 230. Dans sa Défense, composée après (pie le provincial lui eut refusé la permission d’aller se justifier à Paris, il renouvelle scs réserves sur la plena uniiocatio : tandis que les prêtres sont ministres des autres sacre­ ments, ce sont les epoux qui procèdent eux-mèmes au mariage. Le débat s’assoupit après la soumission d'Olivr, mais il se ranima au concile de Vienne, où les con­ ventuels rappelèrent, le l«r mars 1311, dans leur acte d’accusation contre les spirituels l’opinion do P. J. Olive sur le mariage : les termes sont â peu près ceux dont se sert Olive dans son Mémoire justificatif. Ehrle, Zur Vorgcschichte des Concils von Vienne, dans Archiv. f. Litter..., t. n, p. 368 sq. A celle accu­ sation. Ubertin de Casai répond dans son Apologie de P. Olive ct des Spirituels, rédigée probablement avant le 4 juillet 1311 : Olive aflirme que le mariage est un sacrement de la Loi Nouvelle ct il montre dans son traité De sacramentis, cf. Ehrle, Archiv..., t. m, p. 176, qu’il confère la grâce. Mais il n'a pas de peine à établir que le sacrement de mariage diflère en bien des points des autres sacrements delà Loi nouvelle; il existait avant le péché, et dans l’Anclcnne Loi; 2213 MAlllAGE. DOCTBINE CLASSIQUE, L’INSTITUTION DIVINE les époux en sont les ministres; il peut être contracté entre absents ct avec des clauses pécuniaires; il ne réalise point ce qu’il figure: il est simplement toléré; l’Église n’a point défini comme un article de foi l’uni­ formité du mariage cl des autres sacrements, ni même que la collation de la grâce sc produisit de la même manière (pie dans les autres sacrements de la Loi nouvelle. El bien des auteurs ont professé que le mariage ne confère point la grâce ; Pierre Lombard, ct, parmi les canonistes, 1 lugucclo, Geoffroy de Trani, Hostiensis, Innocent IV, Monaldus : il est invrai­ semblable (pie tous ces docteurs en droit canon dog­ matisent contre les saints canons CL Ehrle, Archiv, t. n, p. 389 sq.; p. 393 sq. Sur la doctrine cl les tribu­ lations de P. J. Olive, cf. Ueberueg, Grundriss der Geschichte der Philosophie der patristischen und scholasltschen Zeit, Berlin, 1915. p. 161, 158 sq.; M. de Wulf, op. e//., 4· édit., 1924, p. 364 sq.; Belmond, Deux penseurs franciscains, dans Études franciscaines, 1923, t XXXV, p. 188 sq., ct les travaux de B. Jansen. Duns Scot de son côte hésite : le mariage est-il vrai­ ment un signe efficace, alors que la virginité ne l’est point, qui pourrait cependant être considérée comme signum conjunctionis Ecclcsiic virginis ad Christum? Comme en toute chose, il sc soumet à l’enseignement de l’Église romaine. Môme si l’on admet que le contrat existe parfois sans le sacrement, il observe qu’une certaine grâce peut accompagner le contrat ex opere operantis. On a déjà remarqué (pic Scot ne tire point de saint Paul, (magnum sacramentum), la preuve de la grâce. Cf. Tunnel, Histoire de la théologie positive, 4· édit., p. 468-473. Le doute exprimé par Duns Scot ne doit point nous faire illusion. Peu de théologiens ont aussi bien marqué la nécessité ou, pour le moins, la convenance de la grâce dans le sacre­ ment de mariage, à cause des lourdes charges ct des graves difficultés qu’il impose, cl que Scot énumère avec soin. Report, paris., dist. XX\ i!I,q. un., n. 17 sq. L’opinion des canonistes devait sc maintenir jus­ qu’à la fin du Moyen Age. Au début du Xiv· siècle, elle n rallié le suffrage d’un grand théologien, Durand de Saint-Pourçain. Celui-ci fait observer que les canonistes, quand ils nient la collation de la grâce, sc bornent à commenter des textes où s’expriment les vues de l’Église romaine, que, loin d’avoir été désa­ voués par la papauté, ils ont obtenu des honneurs, voire la pourpre. In ! Vlim Sent., dist. XXVI. q. ni, n. 6. Venise, 1571, fol. 367. Il s’agit là d’une opinion isolée chez les théologiens ct (pie Capræolus rétorque avec beaucoup de mauvaise humeur dans ses Defen­ siones, dist. XXVI, q. iv, tandis (pie certains cano­ nistes s’obstineront à nier la grâce, ainsi que l'atteste Panormitanus, in c. un., X, L xv, De extrema unctione. r) Triomphe de l'opinion affirmative. — Dès la seconde moitié du xnr siècle, en effet, l’opinion que le mariage confère la grâce est généralement considérée comme sûre. Hichard de Mediavilla (dont les Commen­ taires sur le 1. IV sont postérieurs à 1287; cf. 1 loccdcz, Richard de Middletown, Louvain, 1925, p. 51 sq.) ne mentionne même plus dans son commentaire les opinions anciennes et pose avec fermeté son affirma­ tion. Dist. XXVI, a. 2. q. ni. p. 105. Même résolution dans le Libelle des conventuels au concile de Vienne, qui considère le mariage comme efficace au même titre que les autres sacrements. Ehrle, Zur Vorgtschichte..., loc. cit. Mais on hésite encore sur hi qualification des grâces du mariage, et certains admettent qu’il ne s’agit «pie de la grâce actuelle, gratia gratis data; cf Hoccdcz, op. cil , p. 376. (.’est le seul point liti­ gieux, à la lin du Moyen Age; Guy de Briançon, le si­ gnale, op. cil., fol. cxctx.cn un temps où les théologiens s’accordent à admettre la collation de la grâce : voir, pur exemple, Denys le Chartreux, op. cit., dist. XXVI, 2214 q n; saint Antonin de Florence, Summa, part. IIP, tr. xiv, c. 9, Vérone, 1740. col. 678. La collation de la grâce passe même au premier plan ct, par un renverse­ ment très expressif des anciennes formules, Thomas de Strasbourg écrit : · Non seulement le mariage est signe de grâce, comme les autres sacrements, mais il est signe de la conjonction du Christ cl de l’Église. » 1)14 XXVI /) Le caractère. - I.’effet du sacrement de mariage est donc de conférer la grâce. Eaul-il y ajouter un second résultat, le caractère? On sait quelle importance prit dans la théologie du xiii· siècle la doctrine du caractère. Trois sacrements impriment incontestablement un caractère : le baptême, la confirmation, l’ordre. Certains docteurs proposaient d’ajouter : l’extrême-onction. D’autres, enfin, le mariage. Une interprétation littérale de Pierre Lombard (dist. XXXI, v* sicut aposla'a anima) pouvait les inspirer. Surtout, ils cherchaient un élé­ ment qui conservât le lien et assurât l’étemelle con­ jonction de l’âme Adèle avec Dieu : ce ne peut être, pensent-ils, que le caractère, qui est indélébile. San^ lui comment pourrait-on séparer dans l’autre monde les gens mariés de ceux qui ont garde le célibat? Albert le Grand n’a pas de peine à montrer que la permanence du lien s’explique sans recours à la notion de caractère, par la force du consentement initial ct que le mariage n’imprime point de caractère. In / P*0* Sent., dist. XXXI, a. 1 1. La notion générale de la condition du caractère, que les commentateurs des Sentences développaient principalement sur les pre­ mières distinctions du livre IV. montre assez que le mariage n’y est point intéressé : deputatio, mancipatio ad aliquod sacrum, on n’y trouve rien de tel. Toutefois, saint Thomas est disposé à admettre une certaine analogie — rien de plus — entre la potestas ad actus corporales, que confère le mariage et la potestas ad actus spirituales que procurent les sacrements qui confèrent un caractère. In 1 V^Sent., dist. X \ \ I. q. î. a. 3, ad δ11®. Cependant, l’opinion que le mariage imprime un caractère sc maintient chez certains canonistes : ainsi, Antoine de Butrio, Lectura... in c. Quanto, De divortiis, η. I. Venise, 1578, t vi, fol. 58. C’est la pensée de ces auteurs assez nombreux qui n'admettent point la reite­ ration du mariage. La Glose ordinaire, nous l’avons vu, déclare : quia iterari non debet cl l’auteur du Traité anonyme des sacrements contenu dans le ms. lat. J55/ de la Bibliothèque Nationale compte le mariage, fol. 21, parmi les sacrements qui ne doivent point être reitérés. Nous retrouverons ce problème à propos do secondes noces. 3. L'institution divine. — L'attention des théolo­ giens avait donc clé successivement retenue par l’examen de l’étal de mariage, du signe, de la grâce El chacune de ces méditations leur avait révélé des changements profonds depuis le dixième jour de la creation. Loin d’y trouver un sujet de scandale ou d'étonnement, ils expliquèrent par les circonstances historiques la polygamie des patriarches et le libelle de répudiation. Les transformations de la nature même du mariage. Ils ne les aperçurent que le jour où l’ana­ lyse du sacrement eût été à peu près complète, et c’est alors qu’ils achevèrent celle analyse en précisant les diverses interventions de Dieu. a) L'institution primitive. Comme tous les sacre­ ments, le mariage a été institué par Dieu. La réfuta­ tion des hérésies fut l’occasion d’insister sur ce point, (’.f. Bonaeursus. Libellus contra cathares, c. 5, P. L., t. cciv, col. 780. Tandis (pie le consentement des epoux est la causa proxima du mariage, l’institution divine en est la causa prima. S. Bonaventure, dist. XW II. a. 2, q. i, sol. 2215 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, L’INSTITLTION DIVINE L'utilité même . Et ailleurs il note l'analogie de la forme, dans le mariage et dans la pénitence. La fausse théorie relative ά la grâce est suggérée aux canonistes par la notion dc la simonie dans l'ordre, et pour ruiner la notion du duplex sacramentum, les classiques relèvent que, dans l'eucharistie, la dualité des espèces ne double pas le sacrement. Une histoire de la théologie du mariage devrait, assurément, faire une large place à l’étude dc ces rapprochements ct des rapports entre le développement de la doctrine du mariage ct des autres sacrements. Le mariage est un sacrement aussi parfait que les six autres sacrements. Si, dans les énumérations, il tient souvent la dernière place, cc n’est point pour motif d’infériorité. Les canonistes, surtout, se préoc­ cupent dc son rang. Gandulfus l’appelle ; maximum sacramentum ct Bu fin : prœcipuum, édit. Singer, p. 56 ct 181. I lostiensis énumère, en termes singuliers, scs marques dc prééminence. In /V001 Decret, libr. comment., in c. 7 (Littera) De /rigidis. L’auteur de la Summa Mona cens is, in c. 6, dist. XCV, est, sans doute, plus raisonnable, en reconnaissant que chacun des sacrements, par quelque côté, l’emporte sur les autres, encore que les exemples qu’il en donne soient con­ testables. En réalité, les termes de faveur sont une amplification du magnum sacramentum et une affir­ mation de la haute dignité du mariage. Il est juste de noter que les canonistes, qui avaient tant à se faire pardonner, et les prédicateurs dont l’éloquence exagère certains éloges ne sont point seuls dans ce concert en l'honneur des noces : presque tous les théo­ logiens scolastiques s'accordent avec eux. Dans un passage inédit de la Summa de creaturis, ms. dc Venise, fol. 213, Albert le Grand exprime une opinion qui semble celle dc beaucoup de ses contemporains : Si comparentur sacramenta ad gratiam quam efficiunt in suscipientibus matrimonium mitioris graliæ erit effectivum quam cetera. St autem comparentur ad quod efficiunt extrinsecus secundum utilitatem communem tunc matrimonium majoris boni erit effectivum, ct in ista ratione ponuntur lure bona; est enim communis utilitas Ecclesia· in prole sumpta, similiter communis utilitas est in bonum sacramenti quia omnes instruun­ tur per signum illud quam indissolubilis erit conjunctio fidelis aninuc cum Deo, similiter per bonum fidei mutua caritas conservatur. Il y a des sources de sanctifica­ tion plus riches que le mariage, mais il n’y a point de sacrement plus utile à la société chrétienne, puisqu'il lui assure la durée. La signification du mariage est, aussi, de l'ordre le plus élevé, sic matrimonium dicitur majus, quia significat unitatem naturarum in Christo, fait observer saint Bonaventure, in / Vum Sent., dist. VU. dub. 3. Que, sur certains points, le mariage soit moins digne de la prééminence, les théologiens le remarquent ordinairement. Mais c’est un sacrement qui n’admet point un rang médiocre. Le plus grand par son sym­ bolisme ct son utilité naturelle, il est le dernier, si l’on considère sa correspondance à la doctrine générale des sacrements : Inter cetera minus habet dc proprie­ tate sacramentorum novas legis et minus de perfectione, cum nunc temporis sit indulgentia. Saint Bonaventure, toe. cit., disl. XXVI. dub. 1. c) La consécration de la doctrine classique. Le Décret aux Arméniens. — L’accord qui s’était réalisé entre les docteurs reçut, au milieu du xv· siècle, une consécration officielle : La grande controverse entre l'Orient et l’Occident donna au concile de Florence l’oc­ casion de définir la conception orthodoxe du mariage, dansleDécrétaux Arméniens. Voirci-dessus, l. vt,col. 1G. ΙΊ N A L 2220 1. cs dernières lignes du Décret visent le mariage : Septimum est sacramentum matrimonii, quod ut signum conjunctionis Christi et Ecclesiir, secundum Apostolum dicentem : « Sacramentum hoc magnum est : ego autem dico in Christo ct in Eeclesia. » Causa efficiens matrimonii regulariter est mutuus consensus per verba dc prirsenti expressus. Assignatur autem triplex bonum matrimonii... Denzlnger, n. 702. Tous ces termes sont empruntés À saint Thomas. Le mot regulariter a été ajouté, pour faire entendre, sem­ ble-t-il, que le consentement peut être exprimé par un signe quelconque sans qu’une formule spéciale soit exigible. Cf. .1. dc Guibcrt, Le Décret du Concile de Florence pour les Arméniens, sa valeur dogmatique, dans llullclin dc littérature ecclésiastique, juilletoctobre 1919, p. 208. Dans la théorie générale des sacrements, le Décret rappelle que tousles sacrements contiennent la grâce ct la confèrent à ceux qui les reçoivent dignement. Et il adopte l’hylémorphisme. « Tous les sacrements se composent de trois éléments : les choses qui en sont la matière, les paroles qui fournissent la forme ct la personne du ministre qui confère le sacrement avec l'intention dc faire ce que fait l’Eglisc': si l’un dc ces éléments fait défaut, il n’y a point dc sacrement. · 2. Périls qui menacent la doctrine classique. — La doctrine classique, cependant, n’était point si forte­ ment établie qu'elle pût longtemps se maintenir sans éclaircissements ni retouches. Elle subissait des attaques intermittentes des hérésies, des États, des publicistes; sa force dc résistance était amoindrie par des Infirmités séculaires. Menaces venues du dehors, faiblesses internes : il nous faut relever ct décrire sommairement ces annonces ct ces causes lointaines dc la grande crise du xvi· siècle. a) Menaces extérieures. — a. — Les hérésies de la fin du Moyen Age sont, presque toujours, résolument hostiles au mariage. Leur morale ct parfois leur mé­ taphysique (dualisme manichéen) ravalent les rapports conjugaux. Le catharisme, sous des formes diverses, n’a point cessé dc travailler et d’inquiéter la société chrétienne au Moytÿi Age. Et d’innombrables autres sectes secondent sa critique du mariage. Sur cc pre­ mier point, la résistance dc l’Églisc a été continue. Elle n’a cessé dc défendre l'honneur du mariage d son caractère sacramentel. Encore en 1159, par exemple, le pape Pie II condamne les hérétiques bretons. Duplessis d’Argcntré, op. cit., t. i b, p. 253. b. — En condamnant l’hérésie, l’Églisc défend la société civile tout entière. Et cependant, certains chefs de cette société civile figurent aussi parmi scs adversaires déclarés ou secrets, (’/est un fait dc grande conséquence pour la pratique cl pour la théo logic même du mariage que la renaissance dc l’Étal qui, en toute matière el spécialement en cc qui con­ cerne le mariage, reconstitue d'anciennes attributions législatives ct judiciaires. Les communes italiennes — du moins celles qui curent un gouvernement hostile à l’Églisc portèrent les premiers coups aux juri­ dictions ecclésiastiques comme elles avaient porté 1rs premiers coups aux immunités cléricales, il arrive que les statuts contiennent des dispositions sur les empêchements réservant aux tribunaux civils la connaissance des causes matrimoniales, voire dc celles qui regardent le lien. Les Statuts de Pistoie (xu· siècle) s’inspirant du droit lombard, défendent qu'aucune orpheline (de père) soit mariée avant douze ans accom­ plis, et si qua persona contra hoc jecerit, cassum sit et inutile et ipsa puella ad mundualdum suum revertatur. c. xxi, éd. Ber1 an, p. 27. Les exemples pourraient être multipliés. CL I·’. Brandilconc, op. cit., p. 3-113 el spécialement p. 39-52 et p. 88, n. 1. En fait, les conflits entre les communes ct l’Églisc — par exemple, rA»> MM »·>!1 MARIAGE. DOCTRINE CLASSIQUE, BILAN FINAL Milan, 1226. Florence dans loul le cours du xnr siècle — montrent que les prétentions des villes n'étalent point purement théoriques. En l'rance, la législation royale n’a point, avant le xvi· siècle, réglementé le mariage. Et les cou­ tumes respectent le droit canonique au point de ne contenir aucune disposition sur le lien dc ma­ riage. Olivier Martin, Histoire de ta coutume de la prévôté el vicomté dc Paris, t. i, Paris, 1922, p. 120; M. Lacombe, Essai sur ta Coutume poitevine du ma­ riage au début du X »'· siècle, d'après te vieux Coustuniiez de Puiclou, Paris, 1910, p. 43. Même remarque dans les nombreuses thèses publiées depuis 1900 sur le mariage en droit coutumier (cf. Grandin, biblio­ graphie générale des Sciences juridiques,l.i, Paris, 1926, p. 109 sq.). Bca imanoir reconnaît explicitement la compétence des cours d Eglise. E. PHvard, Le régime matrimonial dans la coutume de CIcrmont-en-Reauooisis au XIII· siècle, d'après Philippe de Reaumunoir, Paris, 1901, p. 23 sq. Cette compétence Jusqu'au xv· siècle, n’a pas été contestée. Elle était fort étendue, comme on peut le voir au Registre des causes civiles de. l'ofllcialité épiscopale de Paris ( 133I-I3S7), où les affaires sc rattachant au mariage tiennent de beaucoup la plus grande place ·. Le tribunal dc l'évêque sanctionne ou, le cas échéant, rompt les fiançailles, prononce l’annulation du mariage, la séparation de corps ct même la séparation de biens, juge parfois les affaires de douaire, les relations illicites pendant la durée du mariage, op. cit., p. xxm-xxvn. . Mais â partir du xiv· siècle, « on ramène peu ù peu devant les tribunaux séculiers les procès où ne sc pose point principalement cl directement la question de validité ou dc nullité du mariage: tout cc qui concerne le régime des biens, entre les époux, les séparations de biens, la légiti­ mité des enfants, le délit d’adultère. · Esmeln, op. cit., t. i, p. 35. G’cst le prélude delà grande déposses­ sion dc l’Eglisc. Mais, en France, les causes matrimo­ niales proprement dites ne furent enlevées que plus tard aux olhcialilés. Dans les pays latins, les seuls pouvoirs qui aient empiété parfois sur les droits de l’Églisc sont les communes. L'attitude de l’Eglisc était commandée par les circonstances. \ux usurpations violentes, elle ne pouvait répondre que par l’alllrmatlon de son droit cl la fulmination (les censures canoniques. Ces conlilts locaux ne furent point l’occasion de grands con­ flits de doctrine. c. -Dans l’Empirc, en revanche, la lutte entre Louis de Bavière el Jean XXII donna aux publicistes l’occasion de présenter en quelque sorte les prolé­ gomènes de la théorie du mariage civil. On se rappelle les faits : Louis dc Bavière, voulant marier son Ills â Marguerite Maullasch dont il convoite les riches espé­ rances, prétend (pic l’union de cette héritière avec Jean Henri de Bohème n’a point été consommée ct demande au pape de la rompre. Sur refus du pape, Louis de Bavière se déclara compétent (1342) pour juger cette alla re qui se termina conformément ù scs vœux. L’Eglise protesta Mais deux publicistes Guillaume Occam, dans son Tractatus de jurisdictione imperatoris in causis matrimonialibus, ct Mnrsilc de Padoue, dans une Consultation doni l’authenticité csl aujourd’hui hors de doute, entreprirent de démon­ trer la compétence dc l’empereur en matière matri­ moniale. Les deux œuvres ont été publiées par Goldast. Monarchia, t. i. p. 21, 29; t. n, p. 1383 sq. Guillaume Occam appuie sa conclusion sur deux faits ; les empereurs romains ont exercé le pouvoir législatif et le pouvoir Judiciaire en matière matrimo­ niale, le Saint-Empirc romain-germanlquc continue l’Empirc romain. La fonction dc l’Empirc, ajoute-t-il, 2222 est de sauvegarder le bien public : toutes les fols que l’observation des prescriptions ecclésiastiques aurait pour conséquence le dommage dc l’Etat, l’empereur peut s’en libérer, sans prendre l’avis du pape. Le cas particulier de Marguerite de Corinthie a été correcte­ ment jugé, car l'inexistence de son mariage a été prouvée : donc, dc droit divin, Marguerite est libre ct son nouveau mariage peut être autorisé par l’em­ pereur qui, si l’intérêt public l’exige, passerait outre aux empêchements positifs établis par les loi* impé­ riales ou pontificales. Comme l'observe Brandikone, le principe développé par Occam, c’est que l’empereur n’est Hé que par la loi divine et que, cette loi sauve, il peut exercer son pouvoir législatif el judiciaire en matière matrimoniale toutes les fols que l’utilité publique l’exige. Si l’Églisc revendique pour elle seule (’administration des sacrements et le jugement des causes qui s’y rattachent, on lui répondra : le baptême ne peut-il être administré par des laïques? Et les Décrétales ne reconnaissent-elles point que le sacrement dc mariage existe chez les Infidèles, qui ne relèvent que du pouvoir séculier? Aux fidèles euxmêmes, l’Eglisc ne peut appliquer que les dispositioni de la loi divine. Ces dispositions mêmes, Marxllc de Padoue lui reconnaît seulement le droit dc les définir. Tout pouvoir coercitif appartient à l’empereur. L’Église lixera donc les règles du droit divin et la Juridiction impériale qui, seule, connaît des faits, les appliquent à tous les cas particuliers. Les transgressions de la loi divine, c’est Dieu qui les punira dans l’autre monde. Pour la bibliographie récente sur Marsi le dc Padoue, cf. Felice Battaglia. Manilio da Padova e il Defensor Pads (1321}, dans Rivista internationale di fitosofia del dtritto, 192L p. 398 sq. La doctrine classique opposait a toutes les entre­ prises dei communes ct des monarchies un enseigne­ ment ferme qui peut se résumer en peu de mots. L’Étal est fondé Λ s’occuper du mariage : In quantum est in officium communitatis, statuitur tege civili. dii saint Thomas, In 1 V**" Sent., dist. XXXIV, q t, a. I. ad 4um ct Contra Gentes, L IV, c. 78. Albert le Grand, en termes généraux, a reconnu aussi celte competence dc hi lol chile. In I V^ Sent., dist. XXVI, a. I I, ad q.i.Ala raison d'ordre politique saint Thomas ajoute une raison proprement Juridique : Matrimo­ nium, cum jiat per modum contractus cujusdam, ordi­ nationi legis position? subjacet, sicut et alit contractus. In / V*m Sent.» dist XXXVI, q i, a. 5. soi. Mal· l’exer­ cice du droit dc l’État est subordonné à l’observa­ tion de la loi évangélique cl à In décision de l’Églisc. Les scolastiques ne reconnaissent valeur aux lois sécu­ lières qu'après leur canonisation. L'État n’a une cer­ taine indépendance que dans la réglementation du régime pécuniaire. Pierre de la Pallu, In J \ um Sent., dis! XXVI, i 3. cond. 3; Thomas de Strasbourg, In / Τ'1’* Sent., dist. XL H. a. I; saint Thomas. In Π*· Sent , did. XL IL q. h. b) l'ai blesses internes : divergences de doctrine; fléau de ta clandestinité. — Les attaques des héréti­ ques, des Étais, des publicistes étaient, à la vérité, peu redoutables pour la doctrine, ù cause de leur brutalité. Des critiques plus nuancées eussent été plus efficaces : sur tant dc points, la dispute régna entre théologiens, faute de définitions rigoureuses! Et puis, la notion même du mariage purement consen­ suel était pleine de risques, ù cause du fléau dc la clandestinité. Double péril interne qui mérite quelque attention. a. — La rançon de la remarquable liberté qu'au Moyen Age l’Églisc laisse ù ses docteurs, c’est l’in­ certitude de la doctrine sur des points nombreux. Toutes les opinions ont pu être soutenues sur In 2223 MARIAGE. LA PÉRIODE MODERNE matière cl la forme, le ministre, le signe et même la grâce sans qu’une définition fût imposée. Sans doute l'accord, peu à peu, sc fait sur la notion fondamen­ tale : signe sacré, productif de grâce. Mais ce vote unanime, cet accord spontané, ou mieux, providen­ tiel, des esprits, résultats d'une libre controverse où l'autorité suprême, universellement respectée n’eut pas à intervenir, il est acquis seulement après de longs débats, cl il ne porte que sur l’essentiel. Bientôt, les hésitations, les disputes deviendront périlleuses. Une définition insuffisante des rapports entre le con­ trat et le sacrement fera le jeu des adversaires de la puissance ecclesiastique. Et, par ai le rs, les exagéra­ tions poétiques des panégyristes de l’ordre conjugal n'ouvrent-elles point souvent la voie aux contempteurs du célibat? b. — Le mal qui atteint le plus gravement la doc­ trine classique, c'est la clandestinité. On peut s’en rendre compte en étudiant ces sources précieuses et trop peu étudiées que sont les Consilia, recueils de consultations donnés par les jurisconsultes sur des cas pratiques. Voir, par exemple, André de Barbatla, Consilia, t. iv. cons. xxvi, Venise 151 G. fol. 56-58; t. in, cons. XL, fol. 72 sq. Consiliorum scu Responsorum Alexandri larlagni. I. V, cons, exux, cl. eu, Venise, 1597, fol. 127-131. L'activité de ces deux canonistes se place dans le second tiers du xv· siècle. Dans les causes matrimoniales qu’ils plaident, apparaît l’ex­ trême difficulté de la preuve du mariage, soit que les témoin·, fassent défaut ou qu’ils soient réeusables ou, enfin, que leurs dépositions sc contredisent de manière flagrante et souvent burlesque. Peut-être les inconvénients de la clandestinité étaient-ils moins sensibles qu’en bien d’autres lieux à Rome, à cause de l'importance qu’y avaient gardée les solennités. Cf. Li Nuptiali de M. A. Altieri, publics par E. Narducci Rome, 1873. Mais, dans toute la chrétienté, la protestation est incessante contre la violation des règles canoniques sur la publi­ cité du mariage. Les conciles provinciaux multiplient les sanctions. Cf. L. Desforges, op. cil., p. 111, n. 2. Nous avons vu de quelles peines sont frappés les époux. Il faut ajouter que les censures n'épargnent aucun de ceux qui assistent à la cérémonie : ainsi le concile de Saumur, de 1253, c. 27, les Statuts inédits du concile de Montluçon en 1266 infligent au prêtre coupable une suspense ab officia, ipso /acto, pour trois ans. Les assistants sont excommuniés. L. de Laggcr, Statuts inédits d'un concile de la province de Bourges au BIP siècle, dans Revue historique de droit, 1926. p. 69 sq. La lutte contre la clandestinité au Moyen Age forme l’un des chapitres les plus curieux (et qu’il conviendrait d'étudier) de l’histoire du mariage. Celte lutte se serait prolongée sans effet pendant des siècles si la révolution n’avait ébranlé la discipline de l’Église : la clandestinité ne pouvait être exclue que par une réforme profonde du mariage, car elle était dans la logique d’une doctrine qui spiritua­ lise au plus haut point l’union conjugale. Conjunctio animarum, rencontre, accord des âmes : le for interne s’accommode de celte définition mieux que le for externe el, si elle laisse aux prétentions de l’État peu de prise, elle embarrasse souvent, aussi, les officiantes, qui ne peuvent point lire dans les con­ sciences. Tel est le bilan de la doctrine classique, telles sont les conclusions auxquelles aboutissent des siècles de réflexion et d’épreuves. Elles vont être soumises à la critique de l'esprit nouveau qui s’annonce à la fin i xv siècle, et régnera bientôt Jusque dans les d. sciences religieuses. Que deviendront dans le monde moderne le dogme du mariage et les explications que les scolastiques en ont proposé? 2224 II. La péiuode modehne (nu xvi· ri fcc le a nos jouns) — Depuis la lin du xm· siècle, la théologie du mariage était en quelque sorte fixée. Au cours d» la période moderne, elle devait se modifier et s'enri­ chir, sous la pression de nécessités pratiques L’histoire de ccs transformations peut être divlut en deux périodes : la première, de critique, de réforme cl de controverses, où la doctrine sc renouvela: la seconde (col. 2272), de définition, de coordination en vue de faire face aux entreprises de l’État sécularisalcur el des théologiens hostiles à la conception chrétienne du mariage. Le pontificat de Pic VI marque la séparation de ces deux périodes. /. //: Λλ·Λοσΐ7:ΛΛ?;.νΛ;Λτ pes poctriees, pu xvp AU MILIEU nu A17//· SIÈCLE. — Les temps modernes s'ouvrent par le procès des conceptions classiques : la Réforme porta les premiers coups, les plus directs; l'humanisme créait un étal d’esprit peu favorable aux démonstrations scolastiques; enfin les inconvénients de la clandestinité inspirèrent de tous côtés des pro­ testations. Ces critiques ne furent pas sans fruit. Pour y répondre, le concile de Trente promulgua des défi­ nitions, opéra des réformes. Les réformes imposèrent A leur tour, une reconstruction partielle des doctrines, el les débats dont elles furent Γoccasion provoquèrent d’une part la revision de toutes les parties de la syn­ thèse scolastique, puis, des divergences entre théolo­ giens, des analyses insidieuses, œuvres des légistes toujours habiles ù mettre le droit canonique au ser­ vice du prince. Nous examinerons successivement ces divers aspects de l’histoire du mariage : les cri­ tiques de la conception traditionnelle au xvi· siècle, l’œuvre du concile de Trente, ses conséquences pra­ tiques el doctrinales, les premières phases de la lutte engagée par les juristes régaliens cl les philosophes contre l’Eglise. 1° La critique de la théorie du mariage au .VI/· siècle, — L Les premiers humanistes. — Les premiers huma­ nistes el les préréformalcurs adoptèrent vis-à-vis du mariage une attitude assez indépendante. Cf. W. Kawerau, Die He/ornuition und die Ehe. Halle, 1892: Γ. Falk, op. cit . spécialement le c. ix; A. BAhmer, Die dculschcn Humanisten und das weibtiche Geschlecht, dans Zeitschr. fur KuUurgcschichte, 1896, t. iv, p. 91, 197. - On peut dire, écrit M. Abel Lcfranc, que de 1150 ou environ aux années qui virent le commence­ ment de la Réforme le mariage apparaît comme une institution fortement battue en brèche. Les attaques ou satires dirigées contre lui sc révèlent comme infi­ niment plus nombreuses que les panégyriques. Il fournit un thème facile el joyeux â quantité de com­ plaintes quasi-populaires. » Revue des études rabelai­ siennes, 1901, p. 6. Toute une école dont les premiers essais remontent au début du xv· siècle prend pour sujet le mariage, qu’elle traite sans impiété, mais avec un certain déta­ chement profane. On sait quelle influence a exercée le De re uxoria de Francesco Barbaro (1115), en qui s’unissent, comme le remarque Pastor, l’esprit hu manlslc et l’esprit de l’Église. (’.elle influence est dès le xv· f lècle sensible en Italie el peut-être jus­ qu’en Allemagne, où paraissait, en 1172, l’ouvrage, important pour l’histoire de la prose allemande, d’Albrecht von Eyb. ()b einem manne scij :u nemen fin eetiches ivcib oder nit (Faut-Il se marier? 1. éd. 1 Icrmann, dans Schri/ten zur germanischen Philologie, faectablc ; plusieurs même, comme l’évêque de Tortona, p. 656, laissaient le choix entre un prêtre et un notaire. Brandilcone. op. cit., p. 335 sq., fait observer que cette pratique du mariage devant notaire était ancienne en Toscane, où le synode provincial de Florence de 1517 la reconnaît, et que les orateurs qui assignent un rôle aux officiers publics s’inspirent des usages de la région d’Italie où ils ont vécu. 2239 MARIAGE, LE CONCILE DE TRENTE Nombreux étaient ceux qui regardaient comme essentielle la bénédiction nuptiale. Ainsi les évêques d’Évreux, Ehscs, p. 653, de Ségovie, p. 657, d’Or­ léans, p. 660, de Lérida. p. 666, bien d’autres encore. Plusieurs demandèrent que l’on ajoutât expressément que le prêtre est ministre du sacrement. Ehscs, p. 675 (Alife). 4. Le deuxième projet. — Lc projet fut remanié conformément à certains vœux des Pères. On le divisa en trois parties : douze canons Dr sacramento matrimonii, un décret De clandestinis matrimoniis, douze canons Super abusibus circa sacramentum matrimonii. Ehscs, p. 682-681. Le c. 1 ampli lié reçut sa forme défi­ nitive. Voir ci-dessous, col. 2216. L’affirmation de la validité des anciens mariages clandestins n’est plus énoncée isolément comme dans le c. 3 du premier projet, mais placée dans le préambule du décret. Tout cc qui concerne la clandestinité sc trouve donc dans le décret : première nouveauté qui sera durable. La seconde, c’est l'adoption du motif iVinhabililatio per­ sonarum pour invalider désormais tout mariage con­ tracté sans la présence de trois témoins, au minimum. Les fils de famille sont déclarés inhabiles jusqu'à 20 ans, les lilies jusqu’à 18, sans le consentement de leurs parents, ou, à leur défaut, de l'évêque. Du 11 au 23 août, ce projet fut discuté en vingt assemblées générales. Ehscs, p. 685-717. La discussion porta principalement sur l’opportunité de la réforme et sur la valeur du fondement proposé. La peur d’être d’accord avec les hérétiques ne fut Jamais si grande. L’analogie entre les termes du décret ct certaines expressions d’Érasme, de Luther, de Calvin causait de l'inquiétude. Voir Ehscs, p. 688 (Otrante), p. 691 (Rossano), p. 711 (général des jésuites). A quoi l'évê­ que de Modène répondait que rien ne pourrait mieux satisfaire les luthériens qu’un aveu d’impuissance de l’Église. Ibid., p. 711. Les partisans, très nombreux, d’une réforme ne se mettaient point d’accord sur le fondement. Les uns tenaient la bénédiction nuptiale pour essentielle. Ehscs, p. 731 (Alife). D’autres restaient fidèles à la distinction du contrat et du sacrement : tels l'arche­ vêque de Naxos, les évêques de Capo d’Istria, Ségovie. Coria, Montemarano, Ostuni, Namur. Lucques, Or veto. Ehu·■.. p. 700, 706, 708, 712, 714, 723, 730, 733, 735: et ils se heurtaient aux réponses classi ques, opposées par les évêques de Cava, de Terni, de Chiusi. Ehscs, p. 701, 707, 725 : /:/ quod ratio contractus et matrimonii sunt ita conjuncta sicut calor ct ignis. D’autres encore considéraient comme déraisonnable le consentement clandestin, ibid., p. 688 (Aquiléc), p. 721 (Leon), ou comme pouvant être entaché de dol. Ibid., p. 732 (Lccce). La critique du motif proposé par le Décret : Inhabilitalio personarum, était répétée sans variations notables. Ehscs, p. 687 (Jérusalem), p. 690 sq. (Rossano), etc. En revanche la Justifica­ tion en était poursuivie avec une certaine vigueur : les uns discutant la notion iVinliivrentia persona: qu'objectait l'archevêque de Rossano : Doc enim est jatsum in cognatione spirituali, in qua adest qualitas per· soiue non a natura, sed ex institutione Ecclesiic. Item in cognatione legali non adest qualitas perpetuo inhaerens personne. dit l'archevêque de Lanclano. Ehscs. p. 699. D’autres soutiennent que le crime de clandestinité inlueret personæ. Ehscs, p. 711 (Modènc), 725 (Ugento). Et ccs raisons étaient adoptées par un bon nombre de Pères. Cependant, toutes ces divergences n’étaient point sans causer quelque trouble dans les esprits : tels insistaient pour que l’on ne Ht pas un dogme d’une réglementation disciplinaire. Ehscs, p. 721 (Léon), 730 (Namur), tandis que le général des ermites de Saint-Augustin réclame pour les théologiens, à l’exclu­ sion des canonistes, l’examen du décret. !bid.,p. 710. 2240 Au cours de ces débats fut très nettement posée la question : la transformation du mariage est-elle sujet dogmatique ou disciplinaire? L'évêque de Coïmbrr répondait quod controversia est in dogmate. Elises, p. 705. Les évêques de Sulmone, Ségovie, Modène, soutinrent l'opinion contraire. Ehscs, p. 707, 708, 711. Visconti, Mémoire du 16 août, Amsterdam, 1719. p. 270 sq. « Le principe des dogmes est la foi cl la parole de Dieu, tandis que celui de la réforme est la charité. Or, les Pères sont mus par la charité à deman­ der la nullité des mariages clandestins. · Ainsi s’ex­ prime l’évêque de Modène, et, après l'évêquc de Ségovie, il montre que, si l’on veut traiter cet article comme le sujet d’un dogme, c'est pour ajourner indéfiniment la conclusion. Lc sentiment des légats, c'est que, pour le moins, une définition dogmatique ne serait obtenue qu’après de très longs débats. Voir une lettre des légats au cardinal Borromée, Sûsta, op. cit., t. iv,p. 151. 5. Le troisième projet. — Lc 5 septembre, un troi­ sième projet fut présenté : douze canons De sacramento matrimonii, avec une nouvelle préface, un canon Super irritandis matrimoniis clandestinis ct douze canons Super abusibus, dont le premier exige pour la validité du mariage qu’il soit contracté en présence du curé de la paroisse ou d'un autre prêtre muni de l’autorisation du curé ou de l'évêquc, et de deux ou trois témoins. Ehscs, p. 760-765. La discussion sc poursuivit du 7 au 10 septembre, dans sept congrégations générales. Ehscs, p. 779-795. Le rapport qui nous en est parvenu est concis, mais sur deux points, fort intéressant. Lc progrès de la formule énoncée par l'évêquc de CoTinbre est mani­ feste : Hujusmodi irritatio est contra jus divinum, dit le patriarche de Jérusalem, Ehscs, p. 780: il s’agit d’une matière dogmatique, affirment le patriarche de Venise, les évêques de Przemysl cl d’Orvielo. Ibid., p. 780, 793. Et comme l’opposition de 60 Pères semble empêcher en telle matière une décision, les patriarches d’Aquilée et de Venise proposent que l’on remette au pape le soin de décider. A quoi l’archevêque de Grenade répond : Renvoi au pape, signifie abandon do la cause. Pourquoi réunir un concile, sinon pour trancher les difficultés? Ehscs, p. 780. L’évêquc de Ségovie ajoute : * Lc pape est présent au concile, représenté par les légats; demander qu’on lui renvoie l'affaire, c’est dire : Hcmittalur aliquid a Pontifice cum Concilio ad Pontificem solum. » Ibid., p. 786 sq.: Pallaviclni. p. 361-365. Le 10 septembre, les débats furent clos. Pallaviclni caractérise ainsi les quatre opinions entre lesquelles étaient partagés les Pères : affirmation de la possibilité ct de l’urgence d’une réforme, négation de cette urgence, assertion du carac­ tère dogmatique du problème, opposition radicale pour incompétence de l’Église. 133 voix approuvèrent le décret, 56 lui furent opposées. Les légats craignirent alors que la minorité, appli­ quant la méthode qu’elle avait préconisée, ne fit appel au pape et que la controverse sur les rapport' du pape et du concile ne fût ainsi rouverte. Ils son­ gèrent à une prorogation. Voir lettre des légats au cardinal Borromée, Sûsta, t. iv, p. 212 Mais aupara­ vant, ils provoquèrent, en vue d'apaiscriacontroverse, une conférence solennelle ct publique, qui eut lieu le 13 septembre chez le cardinal Morone. Les légats, de nombreux prélats, des laïques même y assistèrent. Lc cardinal Hosius ouvrit la séance en recommandant le calme et la charité mutuelle. A quoi les orateurs inscrits répondirent par une dispute sur le tour de parole, chaque parti rejetant sur l'autre la charge de la preuve. Morone invita les partisans du Décret a développer les premiers leurs arguments. La position même de la question fut le sujet d’une nouvelle que- 2241 MARIAGE, LE CONCILE DE TRENTE relie : allait-on discuter le pouvoir de l’Église ou l’opportunité de la réforme. Enfin, six théologiens parlèrent contre le Décret. Cinq le défendirent. Palcolti rapporte les arguments de trois des orateurs. Ils sont peu originaux ct n’eurent d’autre résultat que de mieux manifester le sentiment des deux partis. La minorité, n’ayant plus aucun espoir de succès, devint agressive, comme c’est la coutume. Elle rappela le synode de Bimini ct le second d’Éphèsc où la minorité avait raison. Lainez, général des jésuites, déclara que la partie la plus nombreuse, en cette affaire, était la moins raisonnable. La riposte fut aussi vive que l’attaque cl la conférence se termina dans le tumulte. Cf. Theiner. Adu, t. n, p. 665-667; Slckel, n. cci.xxxii, p. 601; Sûsta. I. iv, p. 239; Pallaviclni, t. xr, p. 374381. 6. Le quatrième proie! et le vole, définitif — Le 13 octobre, un quatrième projet fut présenté : douze canons De sacramento matrimonii cl dix canons Super reformatione, dont le premier (Tametsi) est relatif A la clandestinité. Ehses, p. 888-890. Les canons Super abusus sont supprimés, et il n’est plus question d’annuler les mariages contractés sine consensu patris. Deux congrégations générales furent tenues, les 26 cl 27 octobre. Bien que le pape eût appuyé le projet, Theiner, t. n, p. 671, les opposants ne modifièrent point leur avis. Quelques-uns, comme l’évêque de Lésina, protestèrent avec vivacité. Ehses, p. 898-906, Palla­ viclni, t. xiî, p. 97-101. Cinquante-huit Pères répon­ dirent par le non placet. Theiner, t. n, p. 672. Le 11 novembre, fut voté le texte définitif, Ehses, p. 966971, non sans réserves ni opposition. Lc c. 12 sur la compétence des juridictions ecclesiastiques fut cri­ tiqué par le cardinal Morone, qui craignait que l’on n’irritât les laïques. Cinquante-cinq Pères — en majorité italiens — s’étalent prononcés contre le décret De clandestinis, donl trois légats, les cardinaux Morone, Simonctta, et Hosius, qui, cependant, s’en remettaient â la déci­ sion pontificale. Le cardinal Madruzzo, les patriarches de Jérusalem et de Venise demeurèrent parmi les opposants et la déclaration des deux patriarches fut particulièrement énergique. Sur ces dernières séances, le procès-verbal de Massarclli est bref; il contient toutefois plusieurs résumés Intéressants des discours prononcés : celui de l’évêque de Città di Castello parait avoir clé le plus remarquable· Ibid., p. 976. La princi­ pale raison alléguée par les opposants est que l’Église ne peut modifier la forme d’un sacrement. Des difficul­ tés pratiques aussi étaient invoquées, dont la papauté dut, plus tard, tenir compte : il y a des lieux, et notam­ ment les pays protestants, où l’on ne peut trouver de prêtres. Ehses, p. 973 (Reggio), 976 (Città di Castello). L’archevêque de Nicosie, ù qui ne plaisait cependant point le Décret, relut la déclaration du concile de Nicosie de 1310, affirmant la pleine soumission des évêques grecs, maronites, arméniens au souverain pontife. Sur celte dernière séance, cf. Ehscs, p. 971977; Theiner, l. n. p. 674 sq.; Pallaviclni, t. xii, p. 167-172. Le rapport du cardinal Morone ne contient sur la clôture cl sur tous ces débats qu'avait dirigés l’habile cardinal que deux lignes sans intérêt. CL G. Constant, La légation du cardinal Morone, Paris, 1922, n. 151, p 138. 7. l.es débats sur le rfilr des parents. — Quant aux mariages contractés par les fils de famille sans le consentement des parents, ct dont nous n’avons encore rien dit pour ne point compliquer l’exposé des débats, on sait que les Français en étalent particulièrement préoccupés. Déjà, une ordonnance de 1556 avait exigé que les fils mineurs de 30 ans et les filles mineures de 25 ans obtinssent le consentement de leurs parents. 2242 A peine d’exclusion de la succession paternelle. Isambert, Ordonnances..,, t. xm, p. 468. Lc premier projet contenait une disposition aux termes de laquelle tout mariage contracté sans ce consentement, par les fils avant 18 ans, par les filles avant 16 ans accomplis, serait nul. Ehscs, p. 640. Cet article donna lieu à de vifs débats. Le principe en était admis par beaucoup de Pères qui y reconnaissaient la tradition canonique. Les ambassadeurs du roi de France le soutinrent avec vigueur ct la plupart des évêques français. Lc cardinal de Lorraine, en parti­ culier. justifia le projet du 20 juillet en invoquant le précepte Honora patrem... cl les exemples fournis par les Écritures, les lois romaines, la raison naturelle. Ehscs, p. 613. Mais le cardinal Madruzzo, l’arche­ vêque de Hossano, les évêques de Citta dl Castello cl d’Orvicto opposèrent la coutume, les difficultés pour le fils éloigné de sa famille d'obtenir le consentement paternel, la loi divine, relinquet homo patrem; melius est nubere quam uri, la liberté de* Arnes Palhivicini,op. cit,, t. xi, p. 291 sq. Les défenseurs du projet proposèrent en vain des tempéraments : que l’on pût en appeler A l’évêquc du refus Injuste des parents, ou que l’évêquc eût le droit de consentir au mariage des mineurs, ou que des peines fussent portées contre les enfants qui sc marieraient sans l’aveu de leurs parents. Lc second projet (7 août 15G3) maintient, parmi les conditions de validité du mariage, le consentement des parents. La majorité matrimoniale est fixée A 20 ans pour les fils. 18 pour les filles. Au cas de refus injuste, il est permis de recourir à l’évêquc. Ehscs, p. 683. Le cardinal de Lorraine, modifiant la conduite qu’il avait Jusqu’alors tenue, combattit le projet. Le géné­ ral des Jésuites fit observer que le concile paraîtrait, en l’adoptant, suivre les réformés. Lc projet fut repoussé. Celui que l’on soumit au concile le 5 sep­ tembre 1563, Ehses, p. 763, ct qui revient aux termes fixés par le premier projet pour la majorité matrimo­ niale n’eut pas plus de succès que les précédents. Cf. F. Bernard, op. cil, p 99-105. 8. Autres points qui fixent l'attention du concile. — Nous n’avons résumé, des débats du concile de Trente, que ceux qui concernent la transformation du contrat. Mais bien d’autres sujets furent discutés : les empêche­ ments de vœu ct d’ordre, de parenté ct d’alliance, de rapt, dont nous n’avons point A nous occuper ici; les caractères du mariage chrétien : et il nous faut rapporter les arguments essentiels de la discussion, encore que les principes traditionnels aient été pure­ ment ct simplement maintenus, cl que nous n'ayons pas A traiter en détail la prohibition du divorce; la supériorité de l’état de virginité sur l’étal de mariage ; la compétence exclusive de l’Église en matière matrimoniale. Sur tous ccs points, les réformateurs avaient vigoureusement attaqué la doctrine tradi­ tionnelle. Il convient de noter les positions prises par les Pères au cours des débats du concile. a) Caractères du mariage. — Les articles relatifs aux deux caractères fondamentaux du mariage chrétien avalent été soumis A l’examen des theologi minores de la seconde classe. Voici les deux propositions erronées qu’ils devaient examiner. Ehscs, p. 380 : 3. Licere post repudiatam uxorem causa fornicationis iterum contrahere, vivente priore uxore, crrorenique esse extra illam cnuuun for­ nicationis divortium facere. I. Licere christinnis habere phires uxores, prohibitiones­ que conjugiorum certis mini temporibus superstitionem 3. 11 est licite, aprh que l’on n répudie une épouse pour cause de fornication, de contracter un second mariage du si vont de la première; c’est une erreur de divorcer en dehors de ce cas de forni­ cation. I. Il est licite aux chré­ tiens d’avoir plusieurs fem­ mes; rintenliction des ma­ riages û certaines époques de i 2243 MARIAGE, LE CONCILE DE TRENTE esse tyrannicam nb ethnico- l’année r*t une superstition rum superstitione profcctnin. tyrannique dérivée d’une superstition païenne. Le seul cas de rupture du lien que l’Églisc tenait à exclure par une disposition catégorique, c’est donc l’adultère. Le rejeter, c’était, en effet, proclamer l’in­ dissolubilité absolue, les autres cas énonces par les protestants ayant une importance pratique ct des jus­ tifications théoriques bien moindres. Les protestants invoquaient le texte de saint Matthieu, xix, 9, la coutume de la primitive Église, les principes de la justice. Massarelli a relevé les argu­ ments par lesquels leur répondirent Pierre de Solo, Antoine de Mouchy. Jacques Hugues, Jean Ramirez, Matthieu Guerra. Didacc de Sara. Elises, p. 108-121. L’usage du libelle de répudiation chez les Hébreux ne les étonne point : le mariage était-il alors autre chose qu’un contrat? (Didacc de Sara). Icsus, s’adressant aux Pharisiens, constate la coutume: ά ses disciples, il enseigne sans restriction, comme le montrent Marc ct Luc, la Loi nouvelle. Le texte de saint Matthieu qui n’a point nécessairement le sens littéral que lui donnent les protestants (Hugues et Ramirez en font une analyse subtile) pourrait laisser place à quelque hésitation, cl ces hésitations ont duré, en fait, assez longtemps dans l’Églisc primitive, bien que, déjà, la première Épitrc aux Corinthiens n’admette aucune exception à la loi de l’indissolubilité. Mais Dieu n’a-t-il point donné ù son Église, à l’Églisc romaine, la charge de définir toutes les parties obscures de la foi? Dès lors, qu’importe une indécision provisoire que la coutume romaine, appuyée sur tant de textes, confirmée par tant de témoignages, a depuis longtemps rendue vaine? Si l’on invoque la justice, l’humanité pour autoriser l'époux innocent à contracter un nou­ veau mariage, c’est faute d'avoir remarqué deux choses capitales : d’abord que le renvoi de la femme adul­ tère n’est point obligatoire et donc que l'innocent ne subira point, malgré lui, la peine de l’isolement ct de la continence forcée; puis, que rompre le mariage, ce serait donner toutes scs aises à la femme coupable (de Mouchy). Tels sont les raisonnements des theologi minores (nous avons désigné entre parenthèses le plus ferme sur divers points). Tous affirment sans réserve l’indissolubilité absolue du lien matrimonial. Au cours des premiers débats, le cardinal de Lor­ raine demanda que les autres causes de divorce allé­ guées par Calvin : disparité de culte, non convenientia in conversatione, longue absence fussent, clics aussi, expressément rejetées. Ehscs, p. G12 (Ehscs remarque, n. 2, que telle n'est point la doctrine de Calvin dans son Institution de la religion chrétienne}. Cet avis plut à l’assemblée et le canon 5 du second projet, Ehscs p. 682, fut rédigé conformément au vœu du cardinal et ne donna lieu ù aucune critique. Deux causes de dissolution reconnues par l’Églisc étaient, en revanche, rejetées par les protestants : la dispense papale et l’entrée en religion de l’un des époux, avant consommation : cette dernière cause est affirmée dans le canon 8 de la première rédaction. Ehscs, p. 610. On lui réserva dans les rédactions pos­ térieures. un canon spécial et dans un autre canon le droit de l’Églisc de prononcer la séparation de corps fut exprimé. Le principe d’indissolubilité ne pouvait être mis en question. Mais la manière de le présenter fut le sujet de longues discussions dans les congrégations générales. Beaucoup de Pères craignaient que l’anathème porté contre ceux qui avaient soutenu l’erreur dénoncée par l’art. 3 déjà cité et par le canon 6 du premier projet qui leur était soumis, Ehscs. p. 610, le canon 7 de la seconde rédaction, Ehscs, p. 683, ne parût atteindre un bon nombre de docteurs des premiers 2244 siècles, el ΓÉglise orientale les orateur» vénitiens soulignèrent au cours de la seconde discussion les usages de leurs sujets grecs ct l’Églhe occidentale elle-même, si longtemps indulgente au divorce pour cause d’adultère. Ehscs, p. 612-680; 685-717. Sur la proposition du cardinal de Lorraine, on modifia le canon relatif nu divorce pour exprimer seulement que la doctrine de l’indissolubilité absolue professée par l’Églisc était conforme aux Écritures ct à l’enseigne­ ment des Apôtres. Elises, p. 760 et 889 (canon 7 du troisième ct du quatrième projet). Après bien des discussions, cette formule fut maintenue. Le principe monogamique ne pouvait donner lieu à de si longs débats. Puisque les époux n’ont point le droit de se remarier après la séparation, c'est donc que la polygamie est interdite. La monogamie appa­ raît en premier lieu comme une conséquence de l’indissolubilité. Elle découle, en outre, de la nécessité de Vunitas carnis el de ce simple fait que chacun des époux a sur le corps de son conjoint un droit, un pou­ voir absolu. Les Écritures ct les Pères fournissent un fort contingent de preuves. Et l'objection tirée de la polygamie des patriarches se résoud par la simple constatation d’une dispense divine. Ainsi raisonnent de Mouchy, Hugues ct Guerra. Ehscs, p. 112, 415, il8. Les Pères n’ajouteront rien à ccs observations. b) L'état de virginité. — Les réformateurs avalent placé l’état de mariage au-dessus de l’état de virginité, erreur que condamne l’article 5 soumis aux délibé­ rations des theologi minores de la troisième classe : Matrimonium non post­ ponendum, sed anteferen­ dum castitati, ct Deuni dare conjugibus majorem gratiam quam aliis. Ehscs p. 380. 1,0 mariage n’a point rang inférieur, mais supérieur ù la virginité; et Dieu donne aux époux* une grâce plus grande qu'aux autres (fidè­ les). Tous les arguments traditionnels : textes scriptu­ raires et patristiques, exemple de la vierge Marie, considération des fins respectives du mariage ct delà virginité, furent allégués par les orateurs ct notam­ ment par Antoine Soils, Michel de Medina, Lazare Brochot, Jean de Ludcna, Jean Gallo, Sanctos Clnthius, Lucius Anguisciola, Jean Mathieu Vnldina. Ehscs, p. 128 sq., 432 sq., 435, 446 sq., 459, 463, 165. 166. Il n’y cul, dans les congrégations générales, aucune voix discordante. Dicatur voto virginitatis, demande le cardinal Madruzzo, que suivent l’arche­ vêque de Rossano, l’évcquc de Verdun. Ehscs. p. 643, 646. 658; Status matrimonialis et status virginalis, proposent les évêques d'AIrncria, de Barcelone, ibid., p. 665, 670 ; (pic l’on supprime l’anathème, demande l’évêquê de Salht-Asaph. Ibid., p. 662. c) Compétence de V Église en matière d'empêchement. Aux théologiens de la quatrième classe était proposé l’examen de cette erreur : Solam impotentium rocutl(li et ignorantiam contracti dirimere contractum matri­ monium, cnusasquc matri­ monii spectare nd principes sHTUlnrcs. Seules l’impuissance rt l’ignorance diriment le con­ trat de mnrtagctcl les cause* matrimoniales regardent les princes séculiers. La dernière partie de ce texte nous intéresse seule. Malheureusement, les théologiens de la quatrième classe furent invités à sc réunir avant la date prévue, pour permettre au cardinal de Lorraine d’assister aux débats de la troisième classe, (pii tint séance en tout dernier Heu. Aussi, plusieurs d’entre eux. pris de court, s’excusèrent ct Massarelli ne nous a conservé que le résume d’un seul discours, celui de Jacques Alatri (t) i dont le dernier paragraphe, seul, se rapporte à notre sujet. Il est, d’ailleurs, fort instructif. L'orateur tient à faire la distinction guiv a multis aliis adducta esi, • à savoir que deux choses doivent être considérées 2245 Μ \R IAGE CONCILE DE TRENTE dans le mariage : le contrat ct le sacrement. L’Eglise est compétente pour tout ce qui regarde le sacrement, mais non pour le reste ; ainsi, h* mariage clandestin relève de la Juridiction séculière» Ehscs, p. 124. S’il faut déplorer le laconisme ou le mutisme des theologi minores, les débats des Pères nous fournissent d'amples renseignements qui méritent d'être résumés. Le canon 11 de la première rédaction, dont la forme ne fut Jamais modifiée, est ainsi conçu : SI quis dixerit causas ma­ SI quelqu'un <111 que tes trimoniales non spectare nd causes matrimoniale* no sont judices ecclesiasticos : ana­ pas de la compétence dr» jug· s ecclésiastiques, qu’il thema sit. soit anathème. Bien peu de Pères donnèrent leur approbation expresse à ce canon. Cependant le 29 Juillet, à la séance du soir, l’évêque de Quimper entreprit de prouver son bien-fondé en alléguant des textes conci­ liaires. et II rallia aussitôt le suffrage des évêques de l.ecce et de Coîmbre; ce dernier, renchérissant : dicatur nullo modo perlinere, Ehscs, p. 673. El les censura· portent, en effet, sa formule. Ibid., p. 680. Elle ne traduit pas, cependant, le désir communément exprimé par les Pères. Presque tous ceux qui jugent le canon 11, c'est pour en condamner ou la forme ou même le fond. Les plus modérés demandent que la formule soit changée. Le patriarche de Jérusalem, l’évêque de Ciudad Rodrigo, suivi par les évêques de Cittàdi Castello et de Barcelone pendant les premiers débats, Ehscs. p. G66, 668. 669, 670, l’archevêque d’Olrante. qui avait déjà en juillet provoqué des adhésions à une motion qui ne nous est point parvenue cl que suit, au cours des débats sur le second projet, l’archevêque de Messine, ibid.,p. 688,698. représentent celle manière. D’autres, plus pacifiques encore, insis­ tent pour que l’on supprime l’anathème. El c’est l’opinion qui, jusqu’à la fin du concile, cul le plus de défenseurs. Elle avait été, dès le 25 Juillet» présentée par l’archevêque de Naxos, puis le 28 Juillet, par l’évêque de Lérida. Antoine Augustin, que suivent les évêques d’Elnc, Nîmes. Ypres, Namur, Alifc, Rom, Alès. Ibid., p. 652. 666, 667, 667. 669, 669, 675, 676» 677· Reprise durant la discussion du troisième projet, elle eut pour défenseur aux derniers débats, en octo­ bre 1563, l’archevêque de Rossano que sept Pères voulurent approuver. Le 11 novembre encore, elle fut rappelée. Quelques-uns suggéraient que l’on fit passer celle affirmation de la compétence des tribu­ naux ecclésiastiques dans le décret De reformatione. Antoine Augustin, encore suivi par l’évêque de Nîmes, avait pris ce parti aux seconds débats, ibid., p. 743 et 725; aux débats de septembre, les cardinaux de Lor­ raine et Madruzzo s’y ralliaient. Ibid., p. 779. L’idée même d’une aflirination sans réserve de la compétence des Juridictions ecclésiastiques rencontrait des oppositions très résolues. Plusieurs Pères auraient voulu que l’on rejetât le canon proposé. Le 27 Juillet, la résistance fut particulièrement opiniâtre. Tollatur, répètent les opposants. Elises, p. 660, 661, 663, 661. Même protestation en août. Ibid., p. 689. 711. Les raisons invoquées par ces adversaires de la compé­ tence exclusive de l’Églisc sont d’opportunité rt de justice : ils craignent d’irriter les puissances séculières en revendiquant pour les tribunaux ecclésiastiques des causes qui ne leur appartiennent point Ce qu ex­ prime l’évêque d’Orléans : non placet, ne videamur ambitiosi; et dixit quod lur causa* matrimoniales in primitiva Ecclesia non pertinebant ad ecclesiasticos; ne Irritemus sœcularcs Ibid., p 660. L’évêque de Mmes approuve. Et celui <1‘Oppido : Non est verum quod omnes causa matrimoniales pertineant ad Ecclesiam. Ibid., p. 673. 2246 En conséquence, certains cherchaient une formule plus proche de ce qui leur semblait être la vérité. Que I on dise quelles causes appartiennent aux juridictions ecclésiastiques, demande l'évêque de Cadix. Ibid., p 672; · les causes concernant le sacrement ·, avait déjà précisé Tévéque de Larino, ibid., p. 662. le 27 juil­ let, cl il y revient le 17 août. Ibid., p. 717. La distinc­ tion fameuse du contrat et du sacrement aboutissait à ses plus périlleuses conséquences. Et certains n'hési­ taient pas à reconnaître le droit de l'État de juger les causes relatives au contrat, de modifier, selon l'intérêt public, les conditions el la forme du contrat. Nous avons rencontré tous ces fourriers inconscients des théories régaliennes : Bdloslllo. l'archevêque de Braga, les évêques de Leiria ct de Metz, d'autres encore. Elises, p. 404. 650, 661. 662. 9. Les décisions du concile. — Trois des canons Dt sacramento matrimonii doivent être textuellement cités parce qu'ils sc rapportent directement a l'objet de notre étude. Le c. 1 définit le sacrement : Si qui» dixerit matrimo­ nium non ew vert et pro­ prie unum ex septem legi» cvangelicæ sacramentis a Christo Domino institutum, sed ab hominibus in Ecclesia intentum, neque gratiam conferre : anathema sit. Si quelqu’un dit que le mariage n'est pas vraiment rt proprement l’un des sept sacrements de la lot évan­ gélique institué par le Christ Noire-Seigneur, qu'il est une intention humaine (intro­ duite) dans ΓEglise· qu’il ne confère pn* la grâce, qu’il soit anathème. Le c. 10 affirme la supériorité de la virginité »ur le mariage : SI qui» dixerit statum con­ jugalem anteponendum statui virginitatis vel caeli­ batus. et non esse melius ac beatius manere in sirginitnle aut cællbatu. quam jungi nuitrimonio : anathema sit. Si quelqu’un prétend que l’état conjugal est préférable ù l’état de virginité, ou de célibat, et qu’il n’est ni meilleur, ni plus profitable de demeurer dans h» virginité ou le célibat que de se marier, qu’il soit anathème. Le c. 12 réserve aux Juridictions ecclésiastiques les causes matrimoniales : Si quelqu’un dit que les SI qui» dixerit causa* ma­ trimoniales non spectare ad cause» matrimoniales ne sont judices ecclesiasticos : ana­ pas p. 621. Cano invoque — non sans quelque fantaisie le témoignage de plusieurs théologiens en faveur de sa doctrine, qu’il considère comme la meilleure à opposer aux protes­ tants. De nombreux théologiens l'adoptèrent, surtout en France. La liste des partisans et des adversaires sc trouve dans presque tous les traités. Voir, par exemple, saint Alphonse de Liguori, Theot. mor., édit. Vlvès, t. ni, p. 706. Il convient de mettre au premier rang, parmi ceux qui fortifièrent les fondements ct le crédit de celte théorie, Estius, dist. XXVI, § 10, et Silvius qui dans son Comment, in 11 partem S, Thonue, q. xin, a. I, Anvers, 1695, p. 629, multiplie les argu­ ments : la bénédiction a été appelée sacramentum par Alexandre IIIdans le can. Curn Ecclesia (De simonia) ct par Marlin V au concile de Constance. Plusieurs rituels et plusieurs conciles provinciaux, Cambrai, 1567, Heims, 1583, appuient cette notion. Enfin, c’est trop accorder aux époux que de reconnaître en eux les ministres du sacrement : savent-ils ce qu'est l’inten­ tion requise par l’Église du ministre de tout sacre­ ment? Comment les soumettre à une forme détermi­ née? En quel autre sacrement voit-on confondus le ministre et le sujet? Et l’on invoquait encore les paroles que le décret De clandestinis met sur la bouche du prêtre : Ego vos in matrimonium conjungo. La détermination du ministre donna lieu à des théories variées. Pour Catharin, Dieu lui-même est le ministre du sacrement. Pour Maldonal, le prêtre est ministre ordinaire, les contractants sont ministres extraordi­ naires. Avant même que fût publiée la thèse de Cano, Dominique de Soto, son collègue à Salamanque, en imprimait (1560) une réfutation, avec cette remarque, probablement malicieuse, que jamais il n’a rencontré cette opinion que le prêtre est ministre du sacrement. In 1 Vum Sententiarum, dist. XXVI, q. u, a. 3. Douai, 1613, p. 623. Bellarmin, dans sa Seconde controverse, développe de nombreux arguments contre la thèse de Cano, op. cit., p. 56-77. Ni les Écritures, ni les conciles ne fournissent un texte où le prêtre soit désigne comme ministre du sacrement de mariage: les théo logions professent communément l'opinion que les contractants eux-mêmes sont ministres. La distinc­ tion proposée par Cano entre le contrat des époux cl le sacrement administré par le prêtre est nouvelle. Sans doute, le concile de Florence a défini qu’en tout sacrement sont requis des verba ; mais il s’agit des paroles ou même des signes par quoi les époux expri­ ment leur volonté. Si l’on objectait le rôle du prêtre dans la pénitence, c’est que l'on assimilerait maladroi tement jugement et contrat : le prêtre qui absout remplit les fonctions de juge et donc doit prononcer une sentence, tandis que les contrats sont parfaite· ment valides entre muets. Et dès qu’un contrat de mariage est conclu par des chrétiens, le signe de l’union du Christ ct de l’Église se trouve réalisé : le concile de Florence, en déclarant qu'un ministre est indispen­ sable dans tout sacrement n'a point dénié que les epoux qui font le contrat de mariage fussent ministres du sacrement. Cano demande quelle est la part du sacré dans ce contrat qui semble tout profane : il oublie le signe de l’union du Christ ct de l’Église! El quand il refuse aux époux l’aptitude à se conférer le sacrement, à remplir en même temps le rôle d’aj/enr et de patiens, il ne prend point garde que son argu­ ment, s’il était efficace, ruinerait aussi bien le contrat que le sacrement. Les divers appuis que Cano cherche dans les Commentaires des scolastiques, Bellarmin les discute méthodiquement, et il n’est pas sans intérêt A 2257 MARIAGE, CONTROVERSES QUI SUBSISTENT de relever l'interprétnt Ion que donne it ces textes llll- . glcux In théologie moderne. D'abord, le plus gênant ed celui de Guillaume d'Auvergne, corrobore par plusieurs canonistes : lu manifesto errore versantur, répond très résolument Bellarmin. Car la bénédiction nuptiale ne saurait cire considérée comme un sacre­ ment, puisqu'elle n’a point de forme, qu'elle n’est point nécessaire, que les secondes noces, incontesta­ blement sacramentelles, en sont privées. Le témoi­ gnage de saint Thomas n’est pas plus décisif en faveur de la thèse de Cano : si certains passages insinuent l’importance de la bénédiction nuptiale, d’autres reconnaissent expressément qu’elle n’est point de l’essence du sacrement. Et de même, les difficultés (pic l'on relève dans Pierre de la Pallu ou dans le concile de Cologne de 1536 s’évanouissent quand, au lieu de déduire des conclusions probables de textes amphibologiques, on lit en toute simplicité la conclu­ sion formellement énoncée dans ces textes, à savoir que les époux sont ministres du sacrement. Enfin, la fameuse déclaration du pape Évaristc insérée par Graticn (c. Aliter) aux termes de laquelle les mariages clandestins ne sont qu’adultère et fornication, ne vise que le for externe et signifie que l’Eglise, qui ne juge pas des choses cachées, ne peut déclarer ces mariages légitimes. Mais (pie le mariage clandestin ait été un vrai contrat-sacrement dans le temps où tous les auteurs (pie l’on allègue ont écrit, le concile de Trente lui-même ne l’a-t-il point affirme? Et n’est-ce pas la meilleure preuve que la bénédiction du prêtre n’est point de l’essence du sacrement de mariage? Au xvm· siècle, la doctrine est fort incertaine. L’opi­ nion d’après laquelle le prêtre est ministre du sacre­ ment, Benoît XIV la déclare valde probabilis. De Syn, dioc., 1. VIII, c. xrri, η. I, tandis que la Congréga­ tion du Concile en 1751 regarde l’opinion qui fait des époux les ministres du sacrement comme verior ct receptior sententia. Schulte et Richter, op. cit., p. 229, n. 49. L’auteur du Tractatus de matrimonio, Louvain, 2· édit., 1776. p. 82, montre (pie les deux opinions contradictoires sur le ministre sont également pro­ bables et conseille au prêtre d’être en étal de grâce lorsqu’il donne la bénédiction cl de prononcer la for­ mule : Ego vos in matrimonium conjungo, cum inten­ tione conditionata perficiendi sacramentum; sive (quod satis est melius) secundum intentionem Ecclesia* Ceux mêmes qui rejettent la théorie de Cano sont loin de s’accorder sur la matière et la forme du sacre­ ment. Toutes les opinions des scolastiques ont encore, Λ l'époque moderne, des défenseurs. Les contractants sont la matière, leurs paroles sont la forme du sacre­ ment, disent encore P. de Solo, Palacios, Barth, de Ledesma. Covarrubias. D’autres, comme Victoria, suivent la curieuse explication de Richard de Mediavilla. Quelques-uns voient dans le consentement la matière, dans les paroles, la forme, ou vice versa. L’opinion qui tend â prévaloir el que professent, notamment, avec des nuances diverses, Bellarmin, Suarez, P. de Ledesma el Sanchez, est que les paroles sont la matière du sacrement en tant qu’elles expri­ ment la tradition mutuelle de puissance (on voit que l’idée du contrat-tradition reste vivante) et la forme, en tant qu'elles expriment l’acceptation réciproque de celle tradition. Sanchez. L II, disp. V. Bellarmin dis­ tingue le mariage dum fit, et alors les paroles des époux, on tant qu'elles déterminent la réponse de l'autre époux, sont la forme; en tant qu’elles sont détermi­ nées : la matière. \près la célébration du mariage, les épouM eux-mêmes sont la matière. 5. Les disputes entre théologiens au sujet du contratsacrement. En somme, des trois grands chapitres que nous avons eu à étudier, Λ propos de l’analyse du sacrement par les scolastiques, deux sont couronnés DJCT. DK Tlffoi.. CATHOL, 2258 d’une conclusion definitive : sur le principe de la grâce cl sur l’institution divine, il n’y a plus de divergence possible, du moins de divergence grave. Quant au conflit sur la détermination du ministre, il est au point critique. C’est que toute la discussion porte, désormais, sur les conditions d’existence du sacrement, comme elle a porté au xn· siècle sur let conditions d’existence du contrat. On sait fort exac­ tement dans quel cas il y .aura contrat valide; on sait quel est le symbolisme, quelle est l’origine divine, quelle est l’efficacité du sacrement : mais le lien entre le contrat el le sacrement, 1res nettement reconnu par de bons esprits, n'apparalt point encore à tous les yeux. Ixs disputes dont nous avons vu Je prologue dans les explications consacrées ù l'identification du sacrement (après celle de l’état et du contrat) par les docteurs du Moyen Age vont à présent éclater, sans aucune violence verbale, mais non point, on le verra bientôt, sans péril. — Le contrat donne encore lieu à bien des controverses intéressantes. Contenu, expression, modalités, vices du consentement : nous renonçons â aborder ce vaste ensemble de questions avant tout juridiques, pour nous arrêter au problème capital du contrat-sacrement. Si les théologiens du xvn· el du xvm· siècle avaient seulement approfondi la notion, bien établie au χιπ·, que le consentement est la cause efficiente à la fois du contrat ct du sacrement, les disputes au sujet du ministre et de la forme auraient été presque anodines ct l’on eût moins agité — puisque le contrat est un et indivisible — la fameuse question : le sacrement est-il un ou multiple? A vrai dire, elle est moins théo­ rique, moins abstraite que Jadis. Pierre de Ledesma rapporte que des théoriciens contemporains enseignent qu’il y a dans le mariage deux sacrements, justa numerum suscipientium, d’autres : deux sacrements partiels et un total. Mais la renaissance de ces disputes philosophiques n'aurait point grande portée si elle* n’avaient des applications. Admettre que chacun des époux reçoit un sacrement propre, distinct, n’est-ce point suggérer que l’un peut être gratifie du sacrement, tandis que l’autre, empêche, ne participe qu’au contrat? Que décider, se demandaient les théologiens, quand un fidèle épouse une infidele, avec dispense pontificale, quand un des contractants veut recevoir le sacrement, et que l’autre n’entend que passer un contrat? La réponse À ces problèmes n’est point unanime. Plusieurs admettent que le sacrement peut exister et produire ses fruits dans un seul des conjoints, ct Ton citait comme promoteur moderne de celle opinion Jean Eck. Il semble que la majorité des auteurs ait enseigné la maxime : Matrimonium non potest claudicare. Le mariage est un, il est sacra­ mentel pour les deux parties, ou bien II ne l’est pour aucune des parties. Et alors, il fallait reconnaître que, dans les cas précités, il n’y a point de sacre­ ment. Le second cas envisagé posait d’ailleurs un problème beaucoup plus général. Entre chrétiens, peut-U arriver parfois que le mariage soit tout simplement un con­ trat, cl non un sacrement? Sujet de grande dispute ct dont les théologiens n’aperçoivent pas encore au xvm· siècle les ultimes conséquences. Le débat était ouvert sur ce point en deux endroits de tous les traites modernes du mariage : au chapitre des mariages entre absents, dont on se demandait s’ils sont valides comme contrats ct comme sacrements, au chapitre de l’inten­ tion des parties, où l’on se demandait si les volontés de l'homme el de la femme sont aptes â réaliser le contrat de mariage à l’exclusion du sacrement. Le mariage entre absents, avant le concile de Trente, pouvait être conclu par procureur, par lettre ou par un nuncius. Ces divers modes ont-ils été maintenus? IX. — 72 2259 MARIAGE, CONTROVERSES QUI SUBSISTENT sc demandaient, d'abord, canonistes ct théologiens. Une objection sc présentait Immédiatement à l’esprit : naguère, le consentement nu des epoux était seul requis; le concile de Trente exige que le parochus el les témoins entendent les paroles, leur présence au contrat est imposée pro forma, c’est-à-dire qu’elle ne peut être fteta ct æquipollens : il faut qu’ils puissent constater l’identité des parties, leur volonté claire dc contracter mariage. Ainsi s’exprime Barthélemy de Ledesma, dub. xvnr. De matrim. Et il ajoute que la même raison le décide à nier la validité du mariage per epistolam, plus résolument encore, car on conçoit la formation d’un pacte par mandataire, tandis qu’une lettre n’est qu’un témoignage passif. La plu­ part des canonistes cl des théologiens réfutèrent ces objection’», cn montrant que le consentement par pro­ cureur n’a jamais clé regardé comme clandestin, que le mandant est parfaitement représenté par son pro­ curator, que la publicité est bien assurée par la compa­ rution du procureur et de la partie présente devant le curé ct les témoins, qu’en lin, l’Église n’a pas fait difficulté pour admettre, comme précédemment, le mariage par procureur. Sanchez, I. II. disp. XI, n. *20 sq. Les mêmes raisons autorisent le maintien du mariage par lettre, et Henriquez, que suit Sanchez, ibid., disp. XII, n. 3, précise que l’absent doit écrire qu’il fail tradition de son corps et accepte la tradition du conjoint. La question de la validité du mariage entre absents fut peu débattue. Les théologiens la mention­ nent à peine. Pour Bccanus, c. xlv, q. iv, p. 65G, el pour Billuart, diss. I, De matrim., art. 4, p. *2’27, elle ne paraît même point s’être posée. En 1727 et 1736, la Congrégation du Concile s’était prononcée pour la validité du mariage par procureur. Schultc-Richler, op. cit., p. *238, n. 69 el 70. En revanche, on discuta vivement le caractère de ce mariage entre absents : est-il un sacrement? Nombreux sont ceux qui. sc plaçant à un point dc vue différent de celui de Cano, le nient, au xvp siècle : Ovando, sur la dist. XXVIII des Sentences, Barth, de Ledesma dans sa question xui. d’autres encore, qui, trompés par des analogies apparentes, exigent pour la collation de tous les sacre­ ments la présence réelle des parties. Un absent peut-il consacrer l’hostie ou recevoir le pardon de ses péchés? Le consentement, ajoute-t-on, est la cause physique de la grâce; or, il n’existe que moralement si les parties ne se rencontrent point. En lin, ceux qui contractent mariage par procureur doivent, quand ils seront réunis, se présenter devant un prêtre : or le sacrement n’est point réitérable. La majorité des théologiens et des canonistes sc prononce contre cette opinion ct notamment Palacios, Pierre de Ledesma. Henriquez, Sanchez, Billuart. Tout contrat valide entre fidèles, observent-ils, est un sacrement, a été élevé par JésusChrist à la dignité dc sacrement : il suffit donc que l’Église autorise, réglemente et, à l’occasion, juge un tel contrat pour que Ton soit fondé a y reconnaître un sacrement. Sanchez. I. II, disp. XI, n. *27. Billuart. diss. I, a. 4. Toutes les objections précédemment énoncées tombent dès que l’on considère la nature particulière du mariage qui, à la différence des autres sacrements, consiste en un contrat, œuvre des parties. La présence morale de celles-ci est suffisante; la pro­ nonciation dc telle ou telle formule solennelle n’a Jamais été requise. Et, quant à la continuation du consentement, elle n’a point pour effet de réitérer le sacrement, mais Cette inséparabilité du contrat et du sacrement est de droit divin. Sanchez, I. II, disp. X, n. 6. Mais d’autres auteurs, considérant non plus l’institution divine du mariage, mais la théorie générale de l’intention requise pour la validité des sacrements, professent que les époux peuvent contrac­ ter sans recevoir le sacrement. Vasqucz, Ponce, Diana, au xvn· siècle, Billuart au xvni·, bien d’autres encore soutiennent celte thèse. · Celui qui passerait le contrat de mariage sans intention de recevoir le sacrement, écrit Billuart, pourrait faire un contrat vrai el valide et ne ferait point un sacrement, car Finient ion est requise pour la validité du sacrement. Bien que Dieu ail institué les sacrements sans tenir compte de la volonté des hommes, il n’a pas voulu leur en imposer la collation sans le concours dc leur volonté. » Op. cit., p. 231. La solution d’une dernière difficulté dépendait cn grande partie de la solution donnée au problème du contrat-sacrement : le mariage des Infidèles convertis devient-il un sacrement ? Ceux qui professent l’insé­ parabilité du contrat el du sacrement ne sont pas embarrassés pour répondre : le défaut de baptême est le seul obstacle à la sacrament alité d’un contrat valide; la réception du baptême par les deux conjoints élève leur mariage à la dignité de sacrement, symbolise immédiatement l’union du Christ el de l’Église. Pour Sanchez, I. II, disp. IX, n. 5, c’est l’opinion la plus probable. Et il Interprète en ce sens saint Thomas, In I Sent., (list. XXXIX, q. un., a. 2, ad lun‘,oùil est dit (pie le mariage des infidèles est aliquo mode sacramentum habituatitrr non actualitcr. Telle n’est point l’interprétation unanime. Billuart, après plu­ sieurs autres, traduit ainsi : « Au mariage des infidèles, s’il est un contrat valide, il ne manque pour être un sacrement, (pie le baptême préalable des conjoints. Mais le baptême postérieur ne peut rien ajouter à l’effet du contrat qui a été passe jadis, in actione Iran· seun/e, par l’acte instantané du consentement, cl qui ne peut être renouvelé, car il a été fait pour toujours.· D’autres auteurs, comme Henriquez, pensent qu’un nouveau consentement des baptisés est nécessaire el suffisant pour (pie la forme et la matière requise soient réunies et le sacrement réalisé. · Le centre de toutes les controverses, c’est, on le voit, la notion des rapports entre contrat el sacrement. Nous allons maintenant apercevoir dans l'offen­ sive des régaliens contre les juridictions ccclé- 2261 MARIAGE, L'OPPOSITION DES RÉGALIENS slastiqucs toute la portée politique du débat. I· Les nouvelles formes de l'opposition à la doctrine traditionnelle. — L Les juristes. Tandis qu’au Moyen Age les controverses au sujet du mariage ne mettaient guère aux prises que les théologiens ou les canonistes, dans les temps modernes, une nouvelle tradition sc forme, hostile au pouvoir dc l’Église cl que vont assu­ rer, maintenir lotis les adversaires dc la puissance ecclésiastique, principalement les régaliens cl les phi­ losophes. Boskovâny, Matrimonium in Ecclesia catho­ lica, 1871, l. n. p. 467 sq. L’idée commune à tous les novateurs, c’est que le mariage est premièrement — ct certains diront : exclusivement — un contrat. A. cc titre, il doit être soumis à la réglementation et à la Juridiction de Γlitat. On pourrait être tenté de reconnaître les précur­ seurs de cette opinion parmi les partisans de Louis dc Bavière ou les prédicateurs de la Béformc. Mais une réflexion plus attentive conduit à écarter celte vue simpliste. Guillaume Occam el Marsile de Padouc, comme Luther ou Calvin, affirment sans détour les droits du prince en sc fondant sur des systèmes opposés à la théologie traditionnelle : doctrines de combat ou dc révolte, sans diet dans les États fidèles à l’ortho­ doxie. L’originalité des régaliens est qu’ils acceptent le dogme catholique et l’analyse la plus commune chez les théologiens du sacrement de mariage. Leurs véritables précurseurs, ce sont les scolastiques trop subtils ct les Pères du concile dc Trente, qui, sans calculer les conséquences que pourraient avoir leurs analyses dans des États ambitieux de réglementer toutes les choses temporelles, s’ingéniaient, s’achar­ naient à séparer le contrat du sacrement, pour justi­ fier une réforme que des motifs plus simples ct sans péril devaient, en lin dc compte, autoriser. Le grand intérêt des doctrines régaliennes, qu’il nous faut exposer, c’est qu’elles ne procèdent point de postulats nouveaux, mais qu’elles font habilement tourner au profit de l’Élal les disjonctions que Duns Scot cl tant d’autres scolastiques avaient opérées entre le droit cl la théologie, le contrat et le sacrement. Pendant un demi-siècle, les débats du concile de Γ rente sur les rapports entre le contrat et le sacrement de mariage n’curent guère d’écho que dans les livres des théologiens, aux chapitres du mariage des absents et du mariage des Infidèles. Les gallicans n’avalent point encore commencé la critique du pouvoir législatif ct judiciaire de l’Église, ct le canon 12 échappait à leurs attaques. Leurs objections portent sur d’autres canons el sur le Décret De clandestinis. Ainsi, Dumoulin, dans son Conseil sur le fait du concile de Trente (fé­ vrier 1561) relève des causes de nullité dans les divers actes de préparation et dans la procédure du concile; le canon 7 le choque ct aussi le rôle assigné au curé qui empêche les protestants de contracter un mariage valide. (Euvres computes. Paris. 1681. t. v, p.349-364. Le programme tracé ù la lin du xvi· siècle, par Guy Coquille, au concile national qu’il désire, n’est pas plus menaçant pour les olllcialités : détermination de l’âge requis pour contracter mariage, fixation du droit du primat d’accorder des dispenses, déclaration dc la nullité des mariages clandestins. Autre traité des libertés de l’Église dr France et des droits ct autorité de ta cou­ ronne..., Œuvres, t. i, p. 109-172. En 1593, Le Maître, présentant aux États de la Ligue une liste de décrets qu’il juge contraires aux droits du roi et aux libertés dc l’Église gallicane, relève le c. i·' du décret De refor­ mation* matrimonii qui réserve aux évêques le droit dc punir ceux qui contractent des mariages clandestins el les témoins qui y ont assisté : tel est l’oflice des Juges royaux, · les évêques n’ayant le pouvoir que de juger de la validité ou invalidité des mariages». J. Basdcvanl, Des rapports de l’Église et de TÉtat dans 2262 la législation du mariage du concile dr Trente au Code civil, Paris, 1300. p- W2 la juridiction exclusive de l’Eglise qui, pratiquement, a exercé son pouvoir en corrigeant le droit civil. La seule question vraiment intéressante qui puisse être posée en cet endroit, on la formule sans peine : en face des régaliens, une doctrine ferme du contratsacrement tend-elle à se former? Quelles sont les opi­ nions des théologiens sur les rapports normaux du contrat et du sacrement? Nous savons déjà que les applications donnèrent Heu à des divergences de vues. Mais il semble bien que, dès la lin du xvi· siècle, beaucoup de théologiens aient aperçu 1res nettement l’arbitraire et les risques d’une séparation radicale du contrat cl du sacrement. < L’opinion commune cl vraie, écrit Brllannin, ignore tout a fait cette distinction cl ne mel point de diffe­ rence entre le contrai du mariage chrétien, sa malien·, sa forme, son ministre, el le sacrement de mariage, sa matière, sa forme, son ministre : de sorte que cc qui suffit à la célébration de ce contrai suffit également à la célébration du sacrement. » Controversiarum de sacr. mate., lib. un., c. vn. édit. Vives, t. v, p. 57. Cf J. de la Servlère. La théologie de Hellarmin, Paris. 1909, p. 196 sq. Et de Lugo précise : · Le Christ n’a point voulu changer les conditions du contrat de mariage mais, tel quel, l’élever, de sorte que lout contrat valide entre baptisés fût, en même temps, un sacrement. ■ De jure et justitia, xxn, n. 392. Bellarmln pose, dans sa sixième controverse, les limites des deux juridictions ; les causes purement civiles, dot, succession, etc., sont abandonnées au juge séculier; les causes purement spirituelles, c’est-à-dire celles qui concernent le sacrement, sont réservées aux tribu­ naux ecclésiastiques. Quant aux causes mixtes, qu regardent les empêchements, le divorce. Hellarmin ne les laisse au magistrat séculier qu’en le subordonnant au juge d’Église qui pourrait les revendiquer pour lui seul, aux termes du c. 12 du concile de Trente et en invoquant l’inséparabilité du contrat cl du sacre­ ment. que les affaires matrimoniales sont des affaires de conscience, que l’Église suivrait, si elle les tranchait toutes, l’exemple de Jésus-Christ. Chacun de ces fon­ dements est bien assuré par Hellarmin. qui réfute Chemnitz avec sa précision ordinaire. Il montre la vanité de cc grief fait a l’Église d’avoir inventé le sacrement pour juger les causes matrimoniales : ne suffit-il point que le mariage soit affaire de conscience pour que la compétence des tribunaux ecclésiastiques s’impose, comme en matière de change, de cens, d’usure? Hellarmin s’attache encore à préciser le rôle des papes et celui des empereurs dans la législation et la juridiction matrimoniale. On le voit, les adversaires de l’Eglise rencontrent une résistance vive. Toutefois, il ne semble point que les théologiens, même à la veille des révolutions, aient eu le sentiment exact des périls qui menaçaient le mariage chrétien. Les traditions d’école ont eu plus de force (pic les avertissements des juristes el des philosophes. Pour que la notion de contrat soit rame­ née à sa juste place, étroitement liée à la notion de sacrement, il faudra les secousses violentes de la lin du xvm· siècle. •i. Les progrès de l'État. — Les voies étalent depuis longtemps préparées aux révolutions non .seulement par les écrits des civilistes cl des philosophes, mais 2271 MARIAGE, LA SÉCULARISATION DU MARIAGE par les empiétements progressifs des Etats sur le domaine longtemps réservé à la législation ct aux tribunaux de l’Églisc. Au milieu du xvi· siècle, voici quel était le partage entre les deux puissances : « l’Églisc réglait les condi­ tions du lien matrimonial. A elle seule appartenait d’en décider législativement, d’en prononcer judiciai­ rement la nullité ou la validité, ct par suite de recon­ naître ou de dénier le litre d’époux, de déclarer la qualité d’enfant légitime, comme aussi de statuer sur la rupture du lien cl la liberté d’un nouveau mariage. Le pouvoir séculier n’avait d’autorité que sur les effets, pécuniaires ou autres, du mariage : puissance maritale ct paternelle; régime des conventions matri­ moniales ou douaire, entre époux; successions, légi­ time entre les enfants et leurs auteurs; parenté civile de tout le lignage, etc. C’est là cc qu’on appelait les effets civils du mariage, que l’autorité temporelle avait à régler ct à juger. » Lefebvre, op. cit., p. 116. La monarchie française ne contesta jamais bruta­ lement les droits de l’Eglisc, mais, par des moyens obli­ ques, elle leur fit subir de grands dommages. C’est ici l’un des chapitres, ct non le moindre, de la lutte sourde entre les deux puissances sous l'Ancien Régime. Les actes législatifs de nos rois relatifs au mariage sont assez peu nombreux. On les trouvera au Code matri­ monial de Léridant, édit, de 1770. Aucun ne louche directement au lien. Simplement, ils édictent des peines. Ainsi, l’ordonnance de 1579 défend au curé de passer outre au mariage, s’il ne lui apparaît du con­ sentement des père et mère, < sous peine d’être puni comme fauteur du crime de rapt. ■ Cf. Duguit, Etude historique sur le rapt de séduction, dans Nouvelle revue historique de droit, 1886, t. x, p. 587 sq. La nullité du mariage n’est point prononcée en celte ordonnance ni dans la Déclaration royale du 2G novembre 1639, qui se borne à priver d’effets civils le mariage des fils de famille contracté sans le consentement des parents, ct trois autres cas; le mariage de celui qui a été frappé de mort civile, le mariage secret el le mariage in extremis. Lefebvre, op. cit., p. 117-119. L'édit de 1697 ne Ut que développer et organiser la répression des mariages contractés par les ills de famille à l’insu de leurs parents. La jurisprudence, comme la doctrine, fut moins réservée que le législateur. Par un travail d’interpré­ tation patient et tendancieux, nos jurisconsultes ont peu à peu restreint la compétence des offlcialités à certaines actions en nullité de mariage. Encore les offlcialités eurent-elles à subir la concurrence écrasante des Parlements, devant lesquels toute violation des règles du droit public français el des canons reçus en France pouvait être attaquée par la voie de l'appel comme d'abus. « Si l’on accuse un mariage de nullité pour avoir été célébré entre mineurs, sans publication de bans, sans consentement des parents, sans témoins, hors de la présence du curé, ou pour quelque autre raison : on appelle comme d’abus de la célébration du mariage cl on demande qu’il soit déclaré avoir été mal, nullement ct abusivement contracté; parce que l'on sait que les juges laïcs prononceront plutôt ainsi que les juges ecclésiastiques. » Fleury, Institution au droit ecclésiastique, édit, de 1771, t. u, p. 42; Esmein, op. ell., t. i, p. 35-15; Basdevanl, op. cit., p. 134-159. De sa compétence en matière matrimoniale le Par­ lement de Paris fit usage pour modi lier le rôle du curé au mariage. D’après le décret Tametsi, le curé n’est qu'un témoin, et la Congrégation du Concile lui reconnaît ce simple rôle passif. Ce qui rendit possible, nous l’avons vu, les mariages de surprise, les mariages à la Gaulmlnc, où le prêtre est prisa témoin brusque­ ment el parfois sans douceur, tandis qu’un notaire dresse acte régulier. Un arrêt du 12 août 1698 pro­ 2272 nonce que l’assistance active du prêtre est essentielle à la formation du mariage. Guy du Bousseaud de Lacombe, Recueil de jurisprudence, au mol Mariage. L’Églisc résistait aux entreprises du pouvoir sécu­ lier. L'ordonnance de Blois(1579) fut interprétée park· pape Grégoire XIII ct par l’Assemblée du clergé de 1585-86 comme statuant sur une question de validité du mariage, et, lorsqu’on 1629 le roi confirma l’art. 40 de celle ordonnance, le clergé relit sa protestation; toujours, le roi répondait qu’il * n’a entendu disposer du sacrement », mais régler les effets civils du contrat. Basdevant, op. cil., p. 61-70. Les droits de l’Eglisc sont donc théoriquement reconnus par le pouvoir séculier; en fait, ils ont été sensiblement réduits et s’il n'y a guère trace de conHits sérieux, c’est que les progrès de l’Étal s’accom­ plissent sans violence, sous le couvert de principe* canoniques ct le prétexte de l’intérêt bien entendu des fidèles. Le dernier acte, seul, qui va commencer sous le pontificat de Pie VI, révélera toute l'étendue des pertes déjà consommées, l’urgence d’une coordination des doctrines théologiques ct des définitions solen­ nelles des droits de l’Eglisc. //. deuxième Etape ; l'amermissemext εί D'UMFICATIOX DE LA DOCTRIXE DU MARIAGE, 17 JUSQU'A XOS JOURS. — Dans le dernier quart du xvni· siècle, des événements décisifs vinrent clore i’ère des hésitation' et des controverses théologiques : la sécularisation du mariage fut partiellement ou même totalement accom­ plie dans les principaux Étals de la chrétienté, avec celle Justification officielle que le pouvoir séculier a seul compétence en toute réglementation des contrats. La papauté répondit à ces prétentions en définissant avec force la doctrine du contrat-sacrement indivi­ sible. El l’activité des théologiens prit pour objet la défense de cette doctrine ct des principes fondamen­ taux du mariage chrétien. Au cours de ces grands conflits politiques, une nou­ velle ct redoutable contradiction s’éleva, qu’inspi­ raient la science cl les morales contemporaine*· L’ethnologie et la critique des textes scripturaires, l’économie ct l'eugénisme semblaient nouer de curieu­ ses alliances pour ruiner la doctrine traditionnelle du mariage. Mais les sciences, aussi libéralement, four­ nissaient au catholicisme des défenses et des confir­ mations. Sur ce domaine encore, le/lébat continue. En revanche, il est presque clos entre les théolo­ giens. Les lettres pontificales ont dirlmé la plupart des controverses. Et les efforts que l'on dépensait jadis en brillantes disputes trouvent aujourd’hui leur emploi dans l’œuvre de coordination, de consoli­ dation des vérités définies el des règles de droit. Les commentaires des Encycliques et du Codex juris cano­ nici ne présentent point de divergences graves, et bien rares sont les sujets abandonnés à l’hypothèse et à la libre discussion. Les conflits entre la théologie et l’esprit moderne, dans le domaine du droit, la synthèse des vérités catholiques réalisée par les définitions pontificales el par la doctrine, la critique, par les savants, des ensei­ gnements traditionnels : tels sont les faits essentiels de l'histoire contemporaine du mariage. Ie La condamnation du mariage et la déjensc du contrat-sacrem.ml. — 1. La sécularisation du mariage : les jails. Le mouvement de doctrine cl de législa­ tion dont nous avons suivi les progrès depuis le xvi· siècle aboutit, entre 1781 ct 1792, à la sécularisa­ tion du mariage dans de nombreux Étals jusqu’alors réputés très catholiques ou très chrétiens. Quand Joseph II mit en pratique le programme du despotisme éclairé,! ’un de ses soins fut de séculariser le mariage objet principalement civil cl accèsDEPUIS LE POXT/F/CAT DE PIE MARIAGE, I.Λ SÉCULARISATION DU MARIAGE 227 I. XXIX, p. 746. I! I |· ■ Il I J l· II | l H |J ’ I B 1 | g II } ■ , | I 2275 MARIAGE, LA SÉCULARISATION comme une institution que la loi réglemente selon les opportunités. Lefebvre, op. cit., p. 292. Aujourd’hui, le mariage civil est admis, et meme seul admis, dans la plupart des États européens. Beaucoup ne reconnaissent comme valable que le mariage civil (France, Italie, Allemagne, Hongrie, Tch Christ à la dignité de sacrement. Ibid., p. 178. La doc­ trine du contrat-sacrement est plus rigoureusement cl plus directement enseignée dans la lettre Ci siamo, adressée le 1° juin 1879 aux archevêques et évêques des provinces ecclésiastiques de .Turin, Vercell cl Gênes : · C’est méconnaître les principes fondamen­ taux du christianisme et, nous ajouterons, les notions élémentaires du droit naturel que d'afflnncr que le mariage est une création de l’État ct rien de plus qu’un contrat vulgaire, une association de pur inté­ rêt civil. » Or, c’est Dieu qui a Institué le mariage cl Jésus-Christ lui a donné le caractère sacramentel. Les modernes présentent comme un progrès la dissocia­ tion du contrat et du sacrement, les affaires qui regardent le contrat étant réservées à l’État, tandis que l’intervention de l’Église se bornerait à une bénédiction rituelle. H est certain que la conscience des catholiques .sincères ne peut accueillir celte doc­ trine comme base d’une législation chrétienne sur le mariage, pour la raison qu’elle se fonde sur une erreur dogmatique plusieurs fois condamnée par l’Église, cl qui réduit le sacrement à une cérémonie extrinsèque et à la condition d’un simple rite. Celte doctrine détruit le concept essentiel du mariage chrétien, suivant lequel le lien conjugal sanctifié par la religion s'identifie avec le sacrement et constitue inséparablement avec lui un seul objet ct une seule réalité (e costituisce inseparabilmcnte con esso un solo soggetto e una sola realità). Enlever au mariage son caractère sacré, dans une société chrétienne, c’est le dégrader ct mépriser les intérêts religieux des fidèles. L’expérience montre les fruits très amers d’une telle entreprise. Ibid., p. 236 sq· L'encyclique Arcanum condamne avec éclat la distinction proposée par les régaliens : « Qu’on ne sc laisse pas émouvoir par la fameuse distinction si prônée par les régaliens, «jui distingue entre le contrat nuptial et le sacrement, avec l’intention de livrer, réserve faite des droits de l’Église sur le sacrement, le contrat matrimonial au pouvoir et à l’arbitraire des chefs de l’État. ('.elle distinction ou, pour mieux dire, cet écartèlement (distinctio, seu verius distractio) ne peut être acceptée, étant prouvé que, dans le mariage chrétien, le contrat n’est pas séparable du sacre­ ment ct que dès lors il ne peut y avoir vrai cl légitime contrat qui ne soit par là même sacrement. Car le Christ a élevé le mariage à la dignité de sacrement, ct le mariage c'est le contrat, pourvu que ce contrat soit fait régulièrement. Il apparaît donc que tout mariage légitime (justum) entre chrétiens est sacre­ ment en soi et par soi; rien ne s'écarte davantage de la vérité que l’idée que le sacrement est un quelconque ornement ajouté (au contrat), ou une qualité venue de l’extérieur (proprietatem illapsam extrinsecus) que l’on pourrait disjoindre cl détacher du contrat, au bon plaisir des hommes. » Denzinger, n. 1851. Lc 8 fé­ vrier 1893, le pape écrit encore à l’évêquc de Vérone : < C’est un dogme que le mariage a été élevé par JésusChrist à la dignité de sacrement,, cl celle dignité n’est pas une qualité accidentelle ajoutée au contrat de mariage, mais elle tient à son essence la plus profonde, étant donné que c’est le contrat lui-même qui, par institution divine, est devenu sacrement. » Acta, t. xm, p. 38. La même doctrine est rappelée dans l'allocution consistoriale du 18 mars 1895. Acta, l. xv, p. 73 sq.; dans une encyclique du 16 août 1898 adressée aux évêques péruviens, t. xvm, p. 140 sq.; dans l’allocution consistoriale du 16 décembre 1901, l. xxi, p. 185 sq.; dans une lettre aux évêques de l’É· quatcur du 21 décembre 1902, t. xxn, p. 261 : • Puisque Jésus-Christ a élevé le mariage chrétien à h dignité de sacrement, tout mariage entre chrétiens 2281 MARIAGE, RÉFUTATION DES est illico un sacrement, et l’idée de contrat ne peut en aucune façon être séparée de l’idée de sacrement. · Dire que tout contrat de mariage entre chrétiens est un sacrement, c’est réserver In compétence de l’Église pour ce qui concerne le lien. Les papes n’ont cessé d’afllrmer celte conséquence inévitable de la doctrine du contrat-sacrement. Ple VI, condamnant les erreurs du synode de Pis­ tole, réserve ù l’Église le droit propre de poser des empêchements dirimants. Après l'affaire de Naples (1788),il rappelle (pie, purement spirituelles, les causes matrimoniales relevent de la compétence exclusive du juge ecclésiastique : la lettre à l'évêquc de Motula est particulièrement intéressante, car elle rejette les interprétations restrictive, que proposaient les réga­ liens du c. 12. De reform, matrim., Roskovâny» t. i, mon. 133, 135 et surtout 136. Pic IX a plutôt défendu les droits de l’Église qu’il ne les a définis. Voir dans ses Acta, part. 1, t L p. 280 (10 juin 1851), p. 285 (22 août 1851), p. 393 (27 sept. 1852); t. in, p. 211 (17 déc. 1860); t. ··’ p. 408 (22 juin 1868). Les définitions. les démonstr.. lions, c’est Léon XIII qui les a multipliées, avec une rigueur de termes ct une finesse qui excluent toute difficulté d’interprétation. Tout d’abord. Léon XIII défend l’Église contre le reproche qui lui est fait d’entreprendre sur les droits de l’État. « Nul ne conteste à l’État ce rôle qui peut lui appartenir d’accorder temporellement le mariage au bien commun et d’en régler selon la justice les effets civils. > Lettre Ci siamo, Acta, t. i, p. 239. L’Église est toute disposée à la conciliation pourvu que restent saufs scs droits imprescriptibles : · Jamais die n’a légiféré sur le mariage, sans prendre garde à l’état de la société, ù la condition des peuples; plus d’une fols elle a adouci elle-même scs lois dans la mesure du possible quand il y avait, pour ce faire, des motifs justes ct importants. De même elle n’ignore pas, elle ne disconvient pas que le sacrement de ma­ riage étant ordonné ù la conservation ct ù l’accroissemcnl de la société humaine a forcément des rapports plus ou moins étroits avec les intérêts humains, rap­ ports qui dérivent du mariage, mais demeurent dans le domaine civil, sur quoi légifèrent, donl connaissent les chefs de l’État. » Arcanum, Acta, t. n, p. 31. Pour cc qui regarde les effets civils du mariage, la compé­ tence de l’État est indéniable. Acta, l. xm, p. 38: l. xvm, p. 112; l. xxî, p. 186, t. xxn. p. 261. Mais le mariage lui-même, il matrimonio in se stesso, ipsum Christianorum matrimonium, c’est ù l’Église seule d’y pourvoir. Les justifications de celle réserve expresse et totale sont nombreuses. Lc droit divin et le droit naturel sous l’empire desquels le lien du mariage est placé autorisent, commandent la sauvegarde de l’Église. Lc mariage a été institué par Dieu, cl il y a en lui quelque chose de sacré et de religieux qui suffirait â le soustraire aux règlements de la puissance sécu­ lière :< Le mariage donc étant en soi, de sa nature, chose sacrée, il est logique qu’il soit réglé et organisé non par le pouvoir du prince, mais par la divine auto­ rité de l’Église, seule compétente en fait de choses sacrées. · Arcanum. Acta, t. ir. p. 23. Puisque cc contrat, naturellement saint, a été élevé par Jésus-Christ à la dignité de sacrement, comment les gouvernements séculiers auraient-ils la prétention d’y intervenir? Ibid. Pourraient-ils invoquer l’histoire à l’appui de leurs prétentions? ('cries non. car elle confirme dou­ blement le pouvoir législatif et judiciaire de l’Église en matière matrimoniale. D’abord, par l’argument de la prescription, puisqu’elle montre l’Église légiférant sur le mariage au temps même des empereurs païens, ibid., puis par la bienfaisance sociale de celte acli- 2282 vilé, aussi évidente que la malfaisance des empiéte­ ments de l’État, Ibid., p. 26; t. VJ, p. 153; t. xxn. p. 2G2. Il faut donc admettre comme justifie par le droit naturel ct le droit divin, la logique cl l’expérience des siècles, le pouvoir exclusif de l’Église de statuer sur la formation ct sur les effets non civils du lien de mariage. L’État ne peut fixer des empêchements, Arcanum, Acta, t. ir, p. 21, ni arrêter les formes du mariage, t. xv. p. 73, ni subordonner le mariage reli­ gieux à l'accomplissement du mariage civil, t. xm. p. 38, ni autoriser le divorce, dont les effets désastreux devraient l’épouvanter, ni trancher les procès relatifs au lien. Acta, t. xvm, p. 113; t. xxn, p. 261. •I. La réfutation méthodique des théories régaliennes. — Dans le temps même où les papes définissaient la doctrine, les théologiens procédaient à une réfutation méthodique des théories régaliennes. Tous les grands ouvrages de théologie ct spécialement les traités du manage, au xix· siècle, contiennent de longues juxti· fient ion.* de la doctrine du contrat-sacrement. Les traités généraux qui ont eu le plus grand crédit au xix· siècle sont ceux de J. Carrière, De matrimonio, 2 vol., Paris, 1837; A. de Roskovâny, De matrimo­ niis m Ecclesia catholica. 2 vol., Agram, 1837; Martin, De matrimonio et potestate ipsum dirimendi Ecclesue soli propria. Lyon-Paris, 1811; J. Perrone. De matri­ monio Christiano, 3 vol . Rome. 1858; Palmieri, De matrimonio chiistiano. Borne, 1880; M. Bosset, De sacramento matrimonii. 6 v< I . Borne, 1895-96. On peut mentionner encore Lyontrl, De matrimonio, Lyon, 1837; Schulte, Hanubuch des kathntischen Ehercchts, 1855; J. B. Kutschkcr / *< Eherechi der kath. Kirche nach seiner Theorie und / taxis, 5 sol.. Vienne» 18*56-57; Horoy» Truite du mariage, 1886; Laurin. Introductio in jus matrimoniale, 1895 Innom­ brables sont les monographies, où l’on peut distinguer deux catégories : les écrits polémiques, les études sur des chapitres détachés. Chacun des conflits entre l’Église cl l’État au sujet du mariage a provoqué une abondante floraison de démonstrations, de rispostes ct de libelles. Il serait intéressant d écrire l’histoire littéraire des diverses crises. Entre 1780 et 1810, les apologistes déployèrent une remarquable activité contre le joséphisme cl les doctrines de la Révolution. Cf. Roskovâny, op. cit., t. n, p. 502 sq., 513 sq., 524 sq., cl les notices de Hurter. Inséparabilité du contrat ct du sacrement, droit exclusif de l’Église d’établir des empêchements dirimants. Indissolubilité du mariage, compétence des juridictions ecclésiastiques, légitimité des dispenses pontificales: tels sont les principes affirmés dans des dizaines de livres cl d'opuscules. Tantôt l’ensemble de la doctrine est exposé, tantôt la polémique porte sur une thèse récente. A chaque publication anti­ catholique répondent plusieurs défenseurs de l’Église. Bonelli attaque le synode de Pistole, Duvivier réfute d’Oulreponl. Burruel riposte â Durand de Maillane ct Berthelot à Tabaraud. L’une des meilleures défenses du droit de l’Église est le Trattato dei matrimonio, du cardinal Gerdil, Borne, 1803. Des monographies d’al­ lure plus sereine ont été consacrées à tous les cha­ pitres du mariage : à ceux que nous avons Indiques cl encore â la matière et ù la forme, aux mariages mixtes, au mariage des infidèles. Nous citerons en temps utile ces travaux. Les théologiens catholiques ne se sont pas contentés de défendre, à l’aide des arguments traditionnels, la notion du sacrement. Ils discutent chacun des argu­ ments avancés par les partisans du mariage civil; voir, par exemple, Perrone. 1.i, p. 333-311. Passant ù l’offensive, ils s'efforcent de leur montrer que la notion du mariage civil est contraire à toute sagesse 2283 MARIAGE, DOCTRINE ACTI ELLE, CODEX et au bien social. L'indissolubillté. l'unité sont les conditions de Irt famille et de l’ordre, cl ce sont les caractères du mariage chrétien, non point d’un simple pacte conclu sous l’empire de préoccupations souvent vulgaires cl qu’aucune pensée religieuse ne fortifierait. Tout pacte, d’ailleurs, est par nature résoluble et l’exécution loyale en dépend de la bonne foi des par­ ties : seule, la religion peut garantir la stabilité des ménages, non seulement par les vertus qu’elle inspire, mais encore par les règles formelles qu’elle pose. Divorce, polygamie déguisée : telles apparaissent aux catholiques les conséquences naturelles du mariage sécularisé. Perrone, I. I, p. 205-255; 287-332. Les régaliens tendaient â assimiler le contrat de mariage aux autres contrats civils. Les théologiens, au contraire, soulignent les traits propres au mariage : la spontanéité requise des parties et qu’aucune puis­ sance humaine ne peut suppléer, les caractères spéci­ fiques, monogamie, indissolubilité, la signification mystique. Le mariage n’est donc point semblable aux autres contrats. Cela même étant accordé, restait l’objection his­ torique : la préexistence du contrat naturel et du contrat civil au sacrement qui, selon les légistes, aurait été simplement ajouté par Jésus-Christ. Les théologiens répondaient : il n’y a pas eu adjonction, mais Jésus-Christ a transformé, perfectionné le ma­ riage de l’Ancienne Loi, élevé le contrat Λ la dignité de sacrement. Dès les origines, le mariage, association Indissoluble, a été le signe mystique, la préfiguration de l’union du Christ cl de l’Église : il était donc, au sens large, un sacrement. C’est cc contrat de nos premiers parents que Jésus-Christ a élevé â la dignité de sacrement véritable ct parfait. Il en a fait le signe actuel, productif de grâce. Il n’y a donc pas à dis­ tinguer le contrat et le sacrement, mais à reconnaître un progrès, le passage d’un état inférieur à un étal supérieur, comparable ù la transformation en contrat civil d’un simple pacte. De même que le caractère civil n’est pas une entité distincte, mais un degré supérieur, ainsi Jésus-Christ n’a pas créé un sacre­ ment distinct du mariage · il a fait du mariage un véritable sacrement. Le mariage civil n’csl, pour (’Église, qu’un concu­ binage, turpis ac exitialis concubinatus, dit le pape Pie IX, dans son allocution du 27 septembre 1852, cl c’est aussi l’expression de Léon XI 11 dans les ency­ cliques Inscrutabili ct Arcanum. Toutes les peines qui frappent les concubinaires lui sont applicables, et notamment celles prévues par le c. 8, De reform, matrimonii. 2· La doctrine thiturgique moderne sur l'état, le contrat et le sacrement de mariage. — 1. Le Codex junis CAN O Ni a et la littérature récente. - La régle­ mentation actuelle du mariage, c’est dans le Codex furis canonici, promulgué le 27 mai 1917, pour cire applicable le 19 mai 1918, qu’il la faut chercher. Le litre vu du livre 111 est consacré au mariage (canons 1012-1113) et se partage ainsi : généralités (c 1012-1018), préliminaires au mariage (c. 10191031). empêchements (c. 1035-1080), consentement (c. 1081-1093), formes de In célébration (c. 1091-1103), mariage de conscience (c. 1101-1107), temps et lieu de lu célébration du mariage (c. 1108-1117), séparation (c. 1118-1132). revalidation (c. 1133-1141), secondes noces (c. 1112-1113). — Le titre xx du 1. IV a pour sujet les causes matrimoniales (c. 1960-1992). Plu­ sieurs autres titres contiennent des textes importants pour la réglementation du mariage ct notamment au livre 1. les titres iv, De rescriptis, vi, De dispensatio­ nibus; au livre H, les règles générales, De personis, et le titre v. De potestate ordinaria et delegata. La séparation est si complète aujourd’hui entre le JUHIS 2284 droit canonique ct la théologie que l'on chercherait en vain dans ces nombreux titres des données pure­ ment théologiques. .Mais la solidarité des deux sciences sc manifeste dans la notion du contrat-sacrement ; quelles conditions sont requises pour la collation du sacrement, nous le saurons en étudiant les conditions de validité du contrat. Et c’est Λ ce seul point de vue que nous étudierons le Codex. Nous n’y trouverons point de véritables nouveautés. Le Codex a remplacé l’ancien Corpus, mais il n’a point bouleversé le droit. Il a recueilli toutes les règles vivantes, entériné des lois dont nous avons étudié 1rs progrès. L’histoire explique donc les dispositions aujourd’hui applicables ct, en outre, elle sert à les interpreter cl parfois à les compléter (c. 5 ct f). CL U. StUtz, Der Geist des Codex juris canonici (Kirchcnrcchtliche Abhandlungen), Stuttgart, 1918. L’interprétation olliciellc et l’examen des causes matrimoniales appartiennent au pape, au Tribunal de la Bote et aux Congrégations du Sainl-Ofhcc, de la Propagande cl des Sacrements, dont les décisions sont publiées dans les Acta apostolica· Sedis, ct dans les relevés cl chroniques des principales revues de droit canonique, notamment le Canoniste contemporain. Il Monitore ecclesiastico, ct Γ Archio file kalholDchct Kirchenrecht. L’interprétation doctrinale et l’exposé complet de toutes les questions relatives au mariage, on les trou­ vera dans de nombreux traités récents publiés depuis le Codex et dont la liste et l’analyse somm; rc, parfois une partie de la Table des Matières ont été uonnéespar Bolcslaw Wilanowski, Dookola Xotucgo Kodcbu (Autour du nouveau code), Wilno, 1926, p. 89-111. Une bonne bibliographie a été placée par A. De Smcl en tête des diverses éditions de son traité (la dernière est de 1927). Nous indiquons les prie ipaux ouvrages récents sur le mariage, d’après la date «le Jour dernière édition : A. Knecht. Grundrlss des Ehrrcchts, Kribourg-en-IL, 1919; IL Noldin. De jure matrimoniali uxta Codicem juris canonici, 1919; Augustine, .1 Commentary on the new Code o/ Canon Imw, t. v. Marriage Lam and matrimonial Trials, 1919; Ayrinhnr, Marriage Legislation in the new Code of Canon Lair, NewYork, 1919; Crrato, Matrimonium e Codice juris canonici inPf.rc desumptum, Padoiie, 3* éd., 1920; M. Ixitnrr, Lehi bitch ties katholischen Eherechh, Paderborn, 3· éd., 1920; Th. M. Vhimlng, ITalcctioncs juris matrimonii ad normam Codicis juris canonici. Bussuni (Hollande), t. I, 1919, l-ii, 1921; J. Ghelodl, Jus matrimoniale juxta Codicem jura ecclesiastici. Trente, 3· éd., 1921; J. Linncborn, Grundrlss des Ehcrcchh nach drm Codex juris canonici, Paderborn, 3* éd., 1922; I·’. M. Qippcllo, Tractatus canonico-moratls de sacramentis juxta Codicem juris canonici, t. m, De main· monta, Turin, 1923; N. lùirrugia, Dr matrimonio et caiuh matrimonialibus. Tractatus cannntco-moralis juxta Codicem juris canonici, Turin-Borne. 1921; F. Schonstelnrr, Grundrise des kirchlichtn Ehercrhts, Vienne, 1921; Dial, Com­ mentarium textus juris canonici, I. HI. pars 1·, Dr sacramentis. Home, 1924; Ί. Schafer. Das Eherccht nach dem Codex juris canonici, Munster-en-W., 9· éd., 1924; WcmrVidal, Jus canonicum ad Codicis normam exactum, t. v. Jus matrimoniale, Home, 192'»; Hilling, Das Ehcrecht dn Codex juris canonici, Lribourg-m-B., 1927; A. De Snwl, Tractatus throtogico-canonicus de sponsalibus rt matrimonio» Bruges* l « le titre Matri­ du droit commun des contrats était mis en lumière. monium seminarium reipubliciv, dans Archivio giiiriEn Italie, celui qui lit la plus grande impression est dtco, t. I x\\\, P 111 1 13. La plus ancienne expression que nous ayons relevée l’ouvrage de Marescalchl, il divorzio e la istituzîone sua in Italia, Rome, 1889, où les conséquences de la de celte théorie, cn France, sc trouve dans un ouvrage notion de contrat ne sont d’ailleurs pas rigoureu­ aujourd’hui oublié, qui ne manque point de vigueur, sement déduites. La thèse a été reprise dans les ou­ d’un disciple de Le Play, le comte de Bréda, Consi­ vrages de Turchclti, // divorzio. 1892; de Marchcsinl, dérations sur le mariage au point de vue des lois, Lyon. 1877 : « La plupart des erreur» moderne’·, y lit-on, // principio dell* indissolubilité det matrimonio e il divorzio, Padoue, 1902; Girnbnli, La nuooa fuse del viennent précisément de la théorie qui met des con­ diritto civile, Turin, 1907: Cosent inl, La réforme trats à l’origine ou â la base de toutes les institutions de la législation civile, trad, fr., Paris, 1913. Chez ces sociales ou politiques. » P. 38. Et l’auteur montre les auteurs, le caractère social du mariage n’est d’ailleurs dangers du terme : contrat. Un quart de siècle s’écoula point perdu de vue. Cimbali et (’.osentlui, notamment, sans que celle opinion trouvât, chez nous, quelque cherchent à établir l’accord des exigences de la lo­ crédit. On en avait perdu le souvenir quand, en 1902, gique contractuelle et de l’intérêt général. Et pour Ch. Lefebvre, professeur Λ la Faculté de droit de Paris, connu par de nombreux travaux sur le mariage chacun des auteurs que nous citons, il y aurait lieu dans une étude approfondie de marquer bien des et qui avait déjà pris position depuis plusieurs années fit une conference qui eut quelque retentissement, nuances que nous regrettons d’omettre et qui sont importantes. Il convient enfin de noter que certains sur ce sujet : Le mariage civil n'est-il qu'un contrat 1 auteurs, communément classés sous l'étiquette de Gf. Nouvelle revue historique de droit, 1902, p. 300 sq. « partisans de l’union libre >, ont pour principal objectif < Toujours, il m’a semblé que le lien conjugal n’a pas de soustraire le mariage à la réglementation de l’Etat été et ne doit pas être conçu en droit comme un lien cl d’en faire un contrat purement privé. P. Abram, vraiment contractuel cl que l'état de mariage avec ses devoirs tracés dans la loi ne peut être ramené â un L'évolution du mariage, Paris, 1902. Déjà cn 1865, lors de la discussion du titre du ensemble d’obligations conventionnelles. Il y a. pour mariage au Gode italien, Vigilant, pour combattre le attacher les conjoints l’un ù l’autre, un autre élément divorce, avait nié le caractère contractuel du mariage : non moins essentiel que leur consentement el qui porte plus loin que leur double volonté : l’autorité • Le mariage, pas plus que la societ ‘ civile, n'est un contrat... Le mariage est une grande institution divine dans le sacrement de mariage, l'autorité sociale sociale qui naît bien de la volonté du mari cl de dans le mariage civil. · Loe. cit., ρ. 301. Le fondement IX. — 73 PICT. i>i; THÉO! . catiioi. 2921 MARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE CONTRAT 2292 de la thèse - institutionnelle » est dans cette observa­ téresséc. On la trouverait incidemment exprimée, au tion que ce n’est pas de la convention, mais de la cours d analyses toutes dogmatiques. « A quoi bon loi que dérivent les engagements el le lien formes dans cette notion de contrat? se demande Moy, Von der le mariage : ce qui doit bien suffire, ce semble, pour Ehe..., p. 13. Les contrats sont le résultat d’un accord, faire voir que le mariage n’est pas rien qu’un contrai cl comment pourraient-ils en être le fondement*? Ce que même, principalement, il ne lient pas du contrat. » n'est point parce que nous avons conclu un contrat Ibid., p. 321. L’étal des personnes n’est point réglé que nous sommes d’accord, mais parce que nous par des contrats. La forme même du mariage, qui sommes d’accord, nous avons conclu un contrat. pourrait induin' en erreur n’est pas celle des vrais Lingg, Die Cimiehe, invoque l’histoire, qui témoigne contrais : le lien se noue par autorité publique au contre la reconnaissance d’un contrat de mariage dans nom de la loi » cl par le ministère de l’officier public, l’ancien droit; cf. Hartmann, op. ci!., 1871, p. 58 sq. «... l'institution du mariage n’a etc que l’union natu­ D’assez nombreux canonistes allemands écartent relle disciplinée ct consacrée dans l’étal social comme l’idée de contrat, et notamment Scherer, Schulte, union légitime, mais consacrée ct disciplinée par voie Laemmer. d’autorité, non par voie de contrat. · Ibid., p. 331. Parmi les civilistes modernes, plusieurs défendent Historiquement, c’est la société qui a organisé le la notion de contrat, notamment Planiol cl Capltanl mariage (empêchements, solennités, etc.) ct non point dans leurs Traités de droit civil. » La seule conception la libre volonté des individus. L’état et le lien conju­ qui corresponde à la réalité des choses est une con­ gaux doivent être, ont etc, en fait, placés hors de l’at­ ception mixte : le mariage est un acte complexe, à la teinte des conventions. lois contrat el institution . écrit Kouast, op. cil.. Depuis un quart de siècle, nombreux sont les p. 56 sq. ouvrages où la nouvelle doctrine a été soutenue. b} Héponse à ces critiques. Les adversaires de la B. Japiot, Des nullités en matière d9actes juridiques, notion contractuelle n’exagèrent-ils point l'enjeu Paris, 1909, p. 255 sq., J’adopte avec quelques réserves. du débat où ils sont engages? Le rôle de l'État a été mis en lumière par Gounot, Certes, considérer Je mariage comme un simple Le principe de l'autonomie de la volonté en droit privé, contrai, c’est le soumettre au caprice des volonté' thèse, Parie, 1912 « La destination naturelle du ma· ! individuelles, justifier au moins le divorce par con­ riage, fait observer cet auteur, n’est pas de créer entre sentement mutuel. Mais l’appeler un état, ce n’cil deux êtres des obligations personnelles se servant mu­ point en garantir la durée. Le mariage, dit-on, est tuellement de cause, d’engendrer une situation con­ un état dans la société, d’autres ont soutenu qu’il tractuelle dont le maintien serait subordonné à l’exé­ était une situation. Quelle conséquence tirer de la cution des engagements réciproques des contractants, solution de ce problème en faveur des auteurs du mais de donner naissance à une famille nouvelle, projet? Si le mariage est une situation, on doit pou­ d’assurer la procréation ct l’éducation des enfants, voir en changer: si c’est un étal, il faut convenir qu’il est soumis à la situation. Ainsi raisonne Chevalier, de sauvegarder dans le bon ordre la perpétuité de la grande famille humaine. » Op. cil., p. 259. En consé­ sans élégance excessive. Moniteur du G Messidor an 1\. p. 11 I. El Naquel déclare au Sénat : Lorsqu’un état quence, l’Etat organise le mariage, les particuliers ont seulement la faculté d'adhérer à cette organisa­ a cessé d’exister en fait, on chercherait vainement une bonne raison, au point de vue civil, pour le laisser tion: une fois leur adhésion donnée, leur volonté est subsister sous une forme fictive. » Journal oflHtl, désormais impuissante et les effets de l’institution se 28 mai 1881. Que l’on parle d’étal ou de contrat, la produisent automatiquement. Que le législateur fermeté du lien ne sera guère assurée si l’on ne recon­ modifie le statut de la famille, sa décision s’étend naît, au-dessus des volontés individuelles qui créent même aux mariages antérieurs à la nouvelle loi : le contrat ou maintiennent l’état de mariage, auce qui ne sc comprendrait pas dans un contrat. Soustraire le mariage au caprice des volontés indi­ dessus de la puissance publique qui réglemente le viduelles, soumettre ccs volontés au tins de l’insti­ contrat ou l’état de mariage, un principe supérieur ù la volonté des époux el a celle du législateur. C’est tution. tel est l’intérêt social : · l.a famille née du bien la pensée de la plupart des adversaires de l'idée dt mariage constitue un centre organisé ct hiérarchisé contrat. Le mariage leur apparaît comme un état d’intérêts, de pouvoirs et de fonctions, un organisme stable, parce qu’ils en subordonnent rigoureusement naturel, dont les individus sont les membres vivants, les lois à l’intérêt social. Cicu va jusqu'à nier que. dam non les maîtres souverains et qui, pour devoir son le mariage, les époux conservent leur autonomie, celte origine ù une manifestation de volontés individuelles, autonomie des intérêts que le contrat suppose el n’en constitue pas moins, une fois créé, une réalité maintient. · On y voit non point un intérêt commun, juridique autonome et indépendante, ayant sa raison mais unité d’intérêt... union, unité . Le mariage civil, Paris. 1901. profit d’un idéal qui. désormais, les asservit. Telle est la conclusion essentielle de Cicu. En France, la philo­ p. 217, il est l’union naturelle d’un homme et d’une femme, établie volontairement entre eux cl sanctionnée sophie a moins de part dans l’école institutionnelle » par la loi. Voir encore Hauriou. Principes de droit et l’on insiste presque exclusivement sur la fin sociale publie, 2 ♦ d P 203. . du mariage. En Allemagne, la négation de l’idée de contrat Quel que soit le talent des défenseurs de la thèse el peu de théories ont été defenfut. nous scmblc-t-ll, moins systématique et plusdésin- · « institutionnelle 2293 MARIAGE, DOCTRINE MODERNE, LE SACREMENT ducs avec autant de science ct de talent cet état qu’ils suspendent entre le droit public ct le droit prive, qu'ils détachent des volontés individuelles sans le placer expressément sous la tutelle divine, parait aux théologiens ct aux canonistes précaire. Il nous semble que l'on peut caractériser ainsi la pensée de l’Eglisc : les consentements Individuels qui sont Λ la base de la société conjugale ont une importance majeure, dont la notion de contrat rend énergiquement compte; mais l’usage des peuples civilises, la nature et la vo­ lonté divine ont fait du mariage un contrat sul generis ct rendu sans péril le role de la liberté qui s’arrête dès le moment ou le lien est formé, à qui déjà des limites sont imposées â (instant du contrat. Que le mariage soit un contrat, un contrat véritable ct synallagmatique, les canonistes le prouvent en iden­ tifiant dans le mariage tous les éléments d’un contrat : deux parties ; un objet matériel, les pcrsonriesct un objet formel, individua vilie consuetudo; le consentement légi­ time; une cause, la procréation et, secondairement, le secours mutuel et le remède à la concupiscence; l’obli­ gation de fidélité ct de service conjugal. Cappello, op. cit . p. 20; Wei iiz-Vidal, op. cit . p 38. Seulement, ce contrat est d'un genre particulier. L’est un contrat naturel. Les consentements requis pour sa formation ne peuvent être suppléés. Les droits qu’il fait naître sont immuables et ses diets essentiels ne dépendent point de la volonté arbitraire des parties. Il est enfin perpétuel D’Annibale, Sum­ mula theologia? moralis, 5· éd., ρ. m, § 426. Tout cela résulte du seul droit naturel, qui suffit à assurer au mariage un caractère religieux ct sacré, comme dit Léon XIII. Combien ce caractère devient plus évi­ dent si l’on considère l’origine du contrat, que Dieu lui-même a institué, son but : la multiplication des fidèles ct des saints, sa signification : l’union de JésusChrist et de l’Eglisc. Ainsi, la notion de contrat est gardée avec soin par l’Eglisc. Le cardinal Gaspard juge sévèrement ceux qui le rejettent. Op. cil., t. l, p. 3. Les périls que l’on redoute de la liberté individuelle sont conjurés dès lors que l’on ne sépare point le sacrement du contrat. Et la doctrine de l’Eglisc s’oppose avec une fermeté croissante à cette dissociation. 5. Le contrat-sacrement. Entre baptisés, tout contrat de mariage est un sacrement. Codex, can. 1012: i 1. Christus Dominus ad sacramenti dignitatem evexit ipsum contractum matrimonialem inter bapt iratos. § 2. Quare inter baptizalos nequii matrimonialis con­ tractus validus consistere, quin sit eo ipso sacramentum. Il y a identité réelle du contrat ct du sacrement, la raison peut les distinguer, les dissocier, mais un seul, un même acte les réalise. Le Tribunal de la Bote, en 1910, a eu l'occasion d énoncer qu’il s'agit là d’une vérité proxima fidet. Acta apost. Sedis, t. n. p. 933. · lintre chrétiens, pas de contrat valide qui ne soit sacrement et pas de sacrement de mariage qui ne soit contrat valide. Sans que l’Eglisc en ait fait un dogme de fol, il est impossible de le contester. » Foumcrct, Mariage chrétien, p. 16. Le contrat de mariage n’a point change de nature par son élévation à la dignité de sacrement, mais Jésus-Christ mutavit ordinem, quatenus illud reddidit supernatande..., Gaspard, op. cil., t. i, p. 22. La dis­ tinction du contrat et du sacrement ne peut être faite que ratione. Voir encore Palmieri, Traci, de matrim.. th. x, p. 73; Billot, th. χχχνιι. L’inséparabilité du contrat cl du sacrement ayant été affirmée explicitement par les papes Pic IX et Léon XIII, toutes 1rs divergences entre théologiens sur ce sujet même ont été apaisées et, par voie de conséquence, leurs controverses sur plusieurs autres sujets. 2294 D'abord, i! n’est plus possible d’enseigner, comme le faisaient encore Carrière et les Salmanticenses, que les parties sont en mesure de contracter mariage à l'exclusion du sacrement. Voir notamment les explica­ tions de Susse, t. n, p. 388. La Théologie de Malines fait obsoner que le contrat n’cxlstcrail pas plus que le sacrement « puisqu'il a été passé sous une condition impossible ». Et le débat sur la n*validation du mariage dos mo­ dèles convertis semble clos, Puisque tout contrat de mariage valide entre baptisés est un sacrement, par le simple fait du baptême, le contrat est élevé A la dignité d’un sacrement véritable ct parfait. Cette opinion est commune et peut être regardée comme certaine. Billot, th. xxxvm. Une rénovation expresse ou tacite du consentement n’est pas utile. Les S. C de la Propagande ct du S. Office l'ont déclaré. Voir Colhct. S. C. de Propag. Tide, n. 932 (a. 1841), 1195 (a. 186<») et Pic IX, le 27 septembre 1848. Wernz, p. 17-19; De Smet. op. cil., p. 152 sq. Susse, op. cit.. t. il. p. 390, propose une explication ingénieuse, mais où transparaît l’artifice : le* infidèles appartiennent a Γ Eglise virtuellement, destinatione; et leurs ma­ riages sont, virtuellement, des sacrements. Il faut donc supposer qu'ils contractent avec cette condition sousentendue : que s'ils reçoivent le baptême, leur contrat sera élevé à la dignité de sacrement. Sur un point, la notion du contrat-sacrement donne lieu encore à quelques difficultés. Le fidèle qui épouse une infidèle reçoit-il le sacrement de mariage? Certains auteurs répondent affirmativement : ainsi, Palmieri. Hossct, ct, plus récemment Pesch, l. vu, n. 728; Sasse, op. c/7., t. π,p. 390 sq., dont voici les arguments : pour­ quoi l’infidèle qui peut être ministre du baptême fie le sera-t-il point du mariage? Pourquoi parce que l’un des époux serait empêché de recevoirlc sacrement, l'autre époux, qui est Idoine, en serait-il privé ? Comment enfin expliquer qu’un tel mariage soit de la compé­ tence de ΓEglise (comme il appert de l’empêchement de disparité de culte), s'il n'est qu’un contrat? Lehmkuhl, dans une note ajoutée a la dissertation de Sas^e, rejette ce dernier argument, dont la faiblesse est évi­ dente. mais en ajoute deux autres : 1· Le mariage contracté avec dispense entre fidèle ct infidèle est indissoluble au même titre que le mariage entre deux fidèles, or, l’indissolubilité s’explique toujours ex ratione sacramenti; 2· Le mariage entre fidèle ct infi­ dèle signifie l’union du Christ avec les divers membres de l’Eglisc. Ce signe de la grâce ne doit-il pas être efficace en celui qui est capable de recevoir la grâce? Mais beaucoup de théologiens sont enclins â main­ tenir dans toute sa rigueur la maxime : Matrimonium non potest claudicare, le mariage est un ct Indivisible, ne peut être sacrement pour l’un des époux alors qu’il ne l’est point pour l’autre: ils invoquent l’i n«li visibilité du contrat, du contrat-sacrement, la relatio irqulparantiir qui implique identité d’obligation pour l’une et l’autre partie, unité de nature du lien matrimonial. X. Gihr, Sakramentenlchre, Fribourg-cn-B., 1903,1. il, p. 121. El c’est en application de la meme maxime que l’on admet généralement que le mariage de l’infidèle qui se convertit, son conjoint demeurant païen, ne devient pas un sacrement De Smet, op. cit.. p. 153 sq.; Wvrnz. p 19 52; Billot, th. xxxvm. 3· L'analyse du contrat-sacrement. — 1. l a forma­ tion du lien. — La doctrine actuelle du sacrement de mariage peut être présentée en un chapitre bref, puisque le progrès de la dogmatique est caractérisé par l’élimination des controverses ct la .simplicité des définitions. Le tableau que nous en ferons contien­ dra peu de traits nouveaux : simplement, il montrera le destin des grands débats du Moyen Age. SI nous examinions toute la théorie des conditions 2295 MAK I AGE. DOCTRINE MO DEB NE. LE requises pour la validité du consentement, cause du contrat-sacrement, les transformations les plus sensibles nous apparaîtraient en celte théorie, ct elles sont principalement d'ordre administratif. Elles se rapportent, en effet, aux solennités que le decret .Ve temere du 2 août 1907 (dont les dispositions sont adoptées par le Codex) a modi lices. Ccttc reforme sera étudiée au mot Propre Curé. L excellent livre de A. Boudinhon sur Le mariage et tes fiançailles. Commentaire dit décret Ni. temere, 8· édit., Paris, 1912 et l’ouvrage déjà cité dc l'ournerel contiennent tous les renseignements utiles. Notons seulement que le rôle du prêtre est devenu actif, que les mariages de surprise sont donc aujourd’hui invalides. Le Code maintient la possibilité des mariages secrets, c. 1101-1107. Il réglemente le mariage par procureur et par interprète, c. 1089-1091. Le mariage par lettre semble exclu par les termes du can. 1088 § 1 : » pour qu’un mariage soit validemenl contracté, il est néces­ saire que les parties soient présentes ou représentées par un procureur. Jusqu'à la publication du Code, la validité du mariage contracté per epistolam aut nuntium était admise. Voir une cause jugée en 1910, dans Acta apost. Sed, t. n, p. 297 sq. La célébration du mariage est réglementée par les can. 1091 sq. du Codex. Sur le temps et le lieu de la célébration, cf. Eourneret, op. cit., p. 165-169. Sur les cérémonies,voir Bénédiction nuptiale, t.u. col. 629; Dc Smet, op. cit.,p. 161-176; A. Villlen. La discipline. de\ sacrements. Le mariage, dans Rame du clergé français, 1913. p. 5-32 et 191 I. p. 261-286 (article qui contient beaucoup de renseignement·» historiques); Gasparri, op. cit., t. n, p. 222 sq. Les considérations d’ordre théologique n’ont eu aucune part dans celte réglementation des formes. En revanche, la détermination du contenu du consen­ tement a été, dès l’époque classique, l’œuvre commune des théologiens ct des canonistes. Le canon 1081. §2 du Code s’en occupe. Il est ainsi conçu : Consensus matrimonialis ed actus voluntatis quo ••traque pars tradit et acceptat jus in corpus perpetuum et exelusivum. in ordine ad actus per se aptos ad prolis generationem. Le consentement matrimonial est un acte de volonté par lequel l’une cl l’autre partie (contractante) donne d’une part, accepte de l’autre un droit sur le corps, perpétuel el exclusif, en vue des actes normaux de la génération. Le but voulu et accepté par les deux parties, c’est doue la copula carnalis. Il n'est pas indi.pensable que les contractants e rendent très exacte­ ment compte de la nature des relations conjugales, mais il faut qu'ils sachent la lin du mariage Can. 1082, § 1. L’ignorance n’est plus présumée après la puberté, c’est-à-dire que, en fait, ceux qui ont l’âge requis pour contracter mariage (16 et 11 ans) sont censés savoir à quoi ils s’engagent. Ibid., $ 2. Exemple de nullité pour ignorance dans Acta sanclæ Sedis, t xxi, p. 162 sq. Il y a controverse entre les auteurs sur la science que doivent avoir les époux pour contracter validemenl mariage. Les uns. s’appuyant sur le* expressions du Code et sur une décision de 1919, Acta a post. Sedis, t. xm, p. 51 sq., n'exigent qu’une connaissance générale du consortium ct de son but. Wcrnz-Vidal, op. rit., p 547; Revue ecclés. dc Met:, 1925, p. 273 sq.; Dc Snict, op. cil., p. 460. D’autres pensent que les époux doivent savoir que le but du mariage ne peut être atteint sans l’union des corp · Cappello, op. cit., η 582 Vlaminck. cit , η 521 Les contractants peuvent ils s’engager à observer la continence * La question n'est point quotidienne, mais elle se pose assez souvent, le P. Belt, par exemple, l'atteste a la lin d’un article de la Z élisehr. /ûr kathol. Throt., 1909. p. 590 sq. · Die Josephsehe in ihren Original und thre Naehahmung. SACREMENT 2296 Les auteurs distinguent selon que In chasteté eit condition du mariage ou stipulée par un pacte adjoint. Dans ce dernier cas, il ne saurait y avoir grande dilllculté : on admet assez communément (pie le jus u. rit., p. 131,n.6. Ce* unions contractées, dummodo perpetuam ser­ vemus castitatem, devront, par faveur pour le mariage, être regardées comme valides. Maïs il ne convient pas de fax orber ni même d’autoriser une condition don· l’effet est si vivement controversé. Toute condition contraire à l’un des trois biens du mariage rend le contrat nul, de droit naturel cl de droit divin. El il suffit que l’une des parties la pose : l’acceptation expresse ou tacite de l’autre partir constitue un pacte qui détruit le consentement matri­ monial; le refus signifie dissensus Le plus souvent, ces pactes concernent le second bien, prolem : la condi Bon dc n’avoir point d’enfant, d’user du mariage contrairement à se·, lins .laturelles, de subir la cas­ tration, rend vain le consentement au mariage l.i condition d’élever les en.ants dans l’mlidélité ou rhérv .ie est considérée par les uns comme dirimante, par la plupart comme non écrite, étant simplement turpis. On discute encore i la condition «le tuer H enfants ou dc provoquer l’avortement .sont contrains à la substance du mariage ou seulement turpes. Pour la première opinion, cf Wcrnz-Vidal, op. cit., p. 609, note 33; Cappello, op. cit. p. 664 sq.Pour lu seconde. De Smet, op. cit., p 130. 2297 MAH 1 AGE, DGCTB1NE l'oulcs les qualités du consent ement requises par le droit classique sont maintenue* en droit moderne ; il doit être personnel, libre, simultané, légitime; il doit, en outre, être sincère : le consentement feint ou simulé est sans valeur. Acta sancta· Sedis, t. xxm, p, 1 I sq. (1885); Acta apost. Sedis, l. IIJ, p. 525 sq. (1911). La fiction ou simulation sc vérifie dans trois cas ; ou bien les époux, tout en exprimant leur consente­ ment. n’ont pas l’intention de contracter, ou bien, ils ont l'intention de contracter, mais non de sc conféicr fus ad corpus, ou bien, l’intention de contracter ct de s’obliger, mais de m· point exécuter leur engage­ ment. Cappello, p. 630-640. Cc dernier mode de simu­ lation ne rend point le mariage invalide. Au contraire, exclure positivement Je fus ad corpus, qui est dc l’essence du mariage, ou l’une des propriétés essentielles du mariage (unité, perpétuité), c'est n’avoir point la volonté véritable de contracter mariage. La juris­ prudence récente de la Bote n’exige point que celle intention dc ne pas .«’obliger toll exprimée dans un pacte. Aria apost. Sedis., I. v, p. 312 (1° mars 1913) cl t. vn, p. 292 (7 février 1915), La simulation com­ plète se rencontre .seulement dans le premier des cas que nous avons énumérés ; intentio non contrahendi. La sincérité du consentement est toujours présumée, can. 1086, J L El la preuve de la simulation, qui est un fait de conscience sera difficile ύ produire. Les cano­ nistes modernes admet lent ordinairement qu'elle résulte du concours de ces trois éléments ; l'aven du simulateur (surtout s’il est fait sous serment, aussitôt après le contrat), l’existence d’une cause manifeste de simulation, des circonstances qui l'expliquent. SI la simulation, bien que réelle, ne peut être établie, le mariage reste valide au for externe, alors qu’il est nul au for interne. Théologiens et canonistes sc demandent si lu simulateur commet un sacrilège. La plupart le nient : il y a, disent-ils, dissimulatio, fiction d’un acte non sacramentel ; Non ponitur actin sacramentalis seu materia et forma sacramenti quic lita es/ in contractu valido, quia contrahens sua simu­ latione reddit nullum contractum, idcoque, deficiente materia el forma sacramenti, i. e. contractu valido, deed quoque simulatio proprie dicta. Cappello, op. cit.. p. 633. Cette opinion nous parait contestable, à cause dc l’inséparabilité du contrat et du sacrement : le consentement feint au mariage emporte semble-t-il à la fols simulation du contrat el du sacrement, mensonge el sacrilège. Les canonistes discutent encore les obligations du simulateur el s’il est tenu de reva­ lider le mariage. Ibid., p. 634 Un consentement valide ne peut être donné pur ceux e qui, sur l’ordre dc Dieu, énonça plusieurs empêchements. Jésus-Christ éleva le contrat ù la dignité dc sacre­ ment de la Loi Nouvelle. Quatre opinions sont enenrr aujourd'hui proposée»· sur le moment de celle in La rencontre des diverses inspirations que nous avons énumérées devait assurer à la nouvelle morale sexuelle un immense succès. Beaucoup d’hommes déta­ chés de la foi traditionnelle, beaucoup d* « avancés· — encore que la Ligue malthusienne ait gardé jusqu’à ces derniers temps, en Angleterre un caractère anti­ socialiste — lui ont donné leur adhésion. La crise economique qui, depuis 1920, sévit en Angleterre impressionne beaucoup de philanthropes. Cf. A. An· dréadès, professeur à ri 'nivcrsité d’Athènes, La popu­ lation anglaise avant, pendant et aprh la Grande Guerre, Fcrrarc, 1922, p. 64-77. L’eugénisme y a rallié de grands bourgeois conservateurs et Inquiets, des mi­ nistres et jusqu’à de hauts dignitaires anglican·, dont le plus ardent semble être l’évêque de Birmin­ gham, le Bev. Dr Barnes et le plus éminent le doyen Inge. M. Keynes, l’auteur des Conséquences de la Paix. est un malthusien et un eugéniste convaincu, et M. Lloyd George, quand il était premier ministre, encourageait les malthusiens à préparer une opinion favorable au gouvernement, pour !c cas où il viendrait à soutenir leur propagande par des mesures legales. Au Congrès du Labour Party, en septembre 1925, une motion favorable au néo-malthusianisme ne fut repous­ sée que par 1.824.000 voix contre 1.530.000 La Cham­ bre des Lords montra moins de scrupules quand, le 29 avril 192G, malgré l’opposition du Gouvernement, elle adopta par 57 voix contre 44 une résolution au\ termes de laquelle les Comités d’assistance sociale établis sur les divers points du territoire, sont autori­ sés à donner aux femmes mariées toutes Indication* nécessaires sur les meilleurs moyens de limiter le nom­ bre de leurs enfants. Dans tous les pays, des Ligues sc sont fondées pour faire connaître et justifier les pratiques anti-conccptionnellcs : 1’1 nion pour l'IIarmorile sociale en Allemagne (1880), la ligue de la Régénération humaine du Dr Robin (1896), etc. Quant aux résultats de la propagande, Ils ont clé partiellement étudiés en divers pays. En France, le chiffre des naissances à diminué d’environ 1/3 dans les villes du Nord contaminées par le néo-malthu­ sianisme. Et le nombre des avortements était. avant la guerre, si considérable, que les statistiques les plus optimistes les évaluaient à 100.000 par an pour In France, tandis que certain médecins proposaient : 500.000. Cf P. Leroy-Beaulieu, op. cil., p. 320-33$ La baisse de la natalité en Angleterre est beaucoup plus rapide encore qu’en France. « C’est un chapitre de la décadence peut-être irrémédiable de l'Angletem qui est en train de s’écrire sous nos yeux, » déclare 2313 MAIUAGE, OPPOSITIONS SCIENTIFIQUES A LA DOCTHINE E. Jordan, L'effondrement dr la natalité anglaise, dans Pour la ide, organe mensuel de In ligue Pour 1.1 Vic ■ . b \ riri l'»27. b) La riposte. A ccttc formidable attaque dirigée contre la notion chrétienne du mariage, une résistance très vive a été opposée. Le clergé non catholique des pays particulièrement entamés, Angleterre, Amérique, maintient générale­ ment, non point unanimement, nous l’avons vu, 1rs principes du mariage traditionnels. Les 252 évêques anglais et américains réunis à Lambeth en 1920 ont vote celte résolution : « que le premier but du mariage est la perpétuation de la race humaine et que les pratiques anticonceptionnelles, non seulement y con­ treviennent. mais comportent les plu ► grands dangers physiques, moraux et religieux. - Dans la plupart des pays civilisés, des ligues ont été fondés pour la défense de la famille. Mais il parait incontestable que le plus vigoureux effort pour la défense du mariage et de la famille, c’est dans le sein de l’Eglise catholique, qu’un? fois de plus, il s’accomplit. Théologiens, canonistes et moralistes, rajeunissent la forme des principes tra­ ditionnels. que confirment 1er»encycliques pontificales, développent renseignement de l’Eglise sur les fins du mariage, suit dans les traités généraux de théologie, de droit canonique, de médecine pastorale, soit dans les traités du mariage, soit en lin dans d’innombrables livres et articles. Des lettres pastorales, dont In plus retentissante fut celle du cardinal Mercier (1916), rappellent les devoirs de la vie conjugale. Des œuvres catholiques ont été fondées, notamment l’Association du mariage chrétien, qui publient des bulletins, des tracts, tiennent des congrès. Les problèmes de la famille sont le grand souci de beaucoup de groupe­ ments charitables ou scientifiques; les Semaines so· claies les ont plusieurs foi» inscrits à leur ordre du jour. Le double caractère de celte nouvelle lutte théologique, où s'affrontent non plus deux cxégè»es mais deux conceptions de la vie, c’est l’emploi par l’Église de tous les arguments que lui offrent les «clcnccs profanes — philosophie, sociologie, médecine, -et la collaboration des clercs cl des savants laïques dont plusieurs ont apporté une contribution précieuse. Deux actions étaient immédiatement nécessaire* : la critique des doctrines nouvelle, et la justification des principes catholiques. Les craintes mêmes de Malthus ont paru chimé­ riques à certains savants qui objectent E. Jordan. Contre la dépopulation Le point de vue catholique. H apport présenté a la Journée diocésaine des Oeuvres, Paris, 1917. p 18. Il y a donc un problème dr l'équilibre de la population et des sub»htances, et pour les gens mariés des problèmes d'équilibre entre les ressources et les désirs, l’activité économique et l’activité morale, le devoir et l'instinct. La solution de Malthus, l’ajournement des maria­ ges, est notoirement insuffisante. A celle de» nêomaltbuslcns, les objections très graves sont opposées. • Une question que d’abord on ne peut '<* dr ri < <·!«· ■ des Chartes, p. 59-66, 31-36, <89-91. L'ouvrage du Rev. Lacomlic sur Prévostin doit paraître bientôt dan* la Bibh Uièqne thomiste du Saulcholr. El aussi les deux études sur I Inch de Strasbourg et sur l*hilip|»v le Chancelier. 4. Voici quelque* étude* toute* récente* : C. Michakkl, Les courants critique.* et sceptiques dans ta philosophie d i XIV* siècle, Cracovic, 1927 (cf. col. 2166); Γ. Degnl. Drf matrimonio, Turin, 1926, t. i (compte rendu par Oppclln, dans (irrgonanum, 1927, p. 124 sq.); J. Bloiwt. Vrv- 2317 MARIVGE DANS L’ÉGLISE GRÉCO-RUSSE nudthustanhme di 1 catholiques, 1926(dans les éditions 5pri, que nous aurions pu nient tonner col. 2315). M. Wcndrl doit soutenir prochainement une thê«c sur l.r nuiriage Grand en tête de Vacolouthie des fiançailles, une rubrique catéchisme, feuille 391. Gf. Th. lllnskil, Le grand ou il est dit. entre autres choses, que le prêtre demande catéchisme de f.aurenl 7καηϋ, dans los Trudy de I9Ata· 125. La liberté avec laquelle le hiéromoine en ques­ tion a parlé du septénaire sacramentel en général, et du sacrement de mariage, en particulier, prouve que dans l’orthodoxie orientale toute doctrine qui n’a pas été explicitement définie par les sept premiers conciles Au concile de Florence, l.i question ne sc posa qu’a près la signature du décret d’union. On demande les distinctions de notre scolastique, que connaissaient aux Grecs : quarc conjugia dirimant, dicente Domino: bien leurs devanciers. Du fait que, depuis Léon le Quos Deus conjunxit, homo non separet. Ils Sage, la bénédiction de l’Église a été requise pour la validité du contrat matrimonial, on a conclu que cc I n'arrivent pas à donner de réponse satisfaisante, cl rite faisait corps avec le sacrement, ct en était insé­ leur empereur leur défend d’entamer là-dessus uniparable. La condition sine qua non a été confondue controverse. Lc pape ne peut qu’esquisser une timide protestation et déclarer qu’il y a là un abus à corriger, avec la cause formelle. Par ailleurs, l'analogie avec idgue correctione indiget. Voir le récit de Dorothée de les autres sacrements conduit naturellement à cette Mitylène dans les collections des conciles cl dans l’édi­ conception. Plusieurs théologiens catholiques, comme tion spéciale : Sanctum Elorentinum universa: Ecclesia Melchior Cano, Drouin. Tourné!}· (voir plus haut, col. 2255 sq.), s’y sont laissés prendre. La nature parti­ concilium editum a monacho benedictino, Koine, 1865, p. 270-272. Au concile de Trente, les Pères ont l'air culière du sacrement de mariage ne se découvre qu’à la réflexion théologique tenant compte de faits histo­ de croire que les Grecs ne dissolvent le mariage qu’en cas d’adultère; et à la requête des légats vénitiens, IL riques. — Mais la principale raison (pii a poussé formulent leur canon 7, de manière à ne pas faire les théologiens russes en particulier à adopter cette tomber directement l’anathème sur les Orientaux dis­ opinion est d’ordre polémique. Pour mieux réfuter les partisans des vieux rites ou rascolniks, en particulier sidents. En fait, ccs derniers sont aussi atteints indi­ rectement par le canon 5, ainsi conçu : .Si quis dixerit les sectaires connus sous le nom de bexpopoutsy (= les sans-prêtres ), ils ont donné leur faveur à une théorie propter hirersim aut molestam cohabitationem oui qui permet de dire aux rascolniks ; Vous ne pouvez affectatam absentiam a conjuge dissolvi posse matri­ monii vinculum, anathema sil. Dcnzlnger-B., n. 975. avoir chez vous le sacrement de mariage, parce que De nos jours, du reste, plusieurs théologiens grécovous manquez de prêtres pour l’administrer. » Un russes, imitant les protestants du xvr siècle, accusent groupe Important de bezpopoutsy a donné dans les l’Église catholique d’erreur, parce que, contrairement filets de cette argumentation et l’on a eu la secte des au précepte du Seigneur, elle ne permet pas le divorce bezbrutchniki, c’est-à-dire des adversaires du mariage, en cas d’adultère. Au xvu· siècle. Georges Corcsslos qui a proclamé le célibat obligatoire pour tous. range déjà cette prohibition parmi les erreurs latines : D’autres, plus avisés, sc sont mis â fouiller les vieux Συντομία των Ιταλικών άμαρτημάτων, édit. Sinionidès, livres, c’est-à-dire ceux qui sont antérieurs à la réforme Londres. 1858, p. 108. Philarètc Gumilcvskii. dans son de Nicon; et ils ont opposé aux théologiens de l’Église Manuel de théologie, t. n, p. 219 en note, parle de officielle les témoignages favorables à la conception du l’imprudente définition du concile de Trente sur le contrat-sacrement que nous avons cités plus haut. divorce. Le Grec Dyovouniotis, Τά μυστήρια της Nicon lui-même, avec son édition de la Kormtchaia Kniga, a déposé en leur faveur. Cette manœuvre inat- I όρΟοδόξου ’Εκκλησίας, Athènes, 1913, p. 180, déclare fausse la doctrine de l’Église occidentale sur l’absolue tendue a déconcerté les Nlconiens, qui n'ont fourni indissolubilité du mariage; ct Bernardakis, dans son que des explications embarrassées ou sophistiques. Cf. Catéchisme, Constantinople, 1872, p. 183, accuse Plotnikov. Manuel pour la ré/utalion du rascol russe, l’Église romaine de mal interpréter le précepte du Sei­ •P édit , Pétcrsbourg. 1897, p. 233-237 ; C. K. Smirnov. gneur Par ailleurs, dans le programme de théologie De la bénédiction ecclésiastique et du couronnement du polémique tracé par le Synode russe pour les acadé­ mariage, dans les Suppléments aux oeuvres des saints mies ecclésiastiques et les séminaires, la doctrin» Pères, 1868. t. xvu, p. 201-282. Au demeurant, le·; catholique de l'absolue indissolubilité du lien matri­ mêmes théologiens ont dénie le caractère sacramentel monial était portée au nombre des erreurs à réfuter au mariage des Sturooieres, dits popovlsy (-gui ont des prêtres), mais pour une raison différente : ils ensei­ Cf. Pcrov. Théologie polémique, 6· édit., Toula, 1905, p. 100, 101 ; Trouskovskil, Théologie polémique,2’ édit., gnent que, par la volonté de l’Église. les prêtres et les évêque* excommuniés ou hérétiques perdent le pou­ Moghilev. 1889. p s.',. 86. Nos manuels de théologie catholique sont excu­ voir d’administrer validement les sacrements. sables de ne signaler généralement que l’adultère V. L'indissolubilité du lien matrimonial et les comme cause de divorce admise par les Gréco-Russes causes DK DivoRCi . Au sujet de l'indissolubilité Il est curieux, en effet, de constater c déclare le seul juge . Cf. Théotocas, La législation du patriarcat oecuménique, Νομολογία τού οίκουμενικού πατριαρχείου, Constantinople, 1897, p. 219-295, où l’on trouvera des décisions du synode patriarcal de Constantinople portées entre les années 1800-1896 sur chacun des cas indiqués. Avant Pierre le Grand, le divorce pratiquait dans l’Église russe suivant les règles byzantines. On y trouvait cependant quelques particularités, qui méri­ tent d’être notées. C’est ainsi qu’on admettait comme motif sulllsant de dissolution du lien matrimonial : la dilapidation de la fortune de la femme par le mari, le crime de bestialité, la stérilité de la femme; mais on rejetait le divorce pour cause de maladie survenant après la conclusion du mariage. Par ailleurs, le très grave abus suivant s’était introduit en Moscovie : tout prêtre avait le droit de délivrer aux époux une lettre de divorce, un libellus repudii a la mode juive; et tout higoumène pouvait couper les cheveux à l’un des deux conjoints pour l’agréger à la vie monastique, si l’autre, en signe de consentement, présentait les ciseaux pour l'opération. Le plus souvent, c’était le mari qui les présentait, pour se débarrasser d’une épouse qui avait cessé de plaire et qui protestait inu­ tilement. A la même époque, dans la Russie méri­ dionale. le divorce par consentement mutuel était entoure de certaines formalités juridiques. Cf. Pavlov. op. cil, p 385; Souvorov. op. cil., p. 388. 389. Pierre le Gnmd s’employa à faire cesser ccs abus. Le nombre des causes de divorce portées dans la Kormtchaia Kniga fut considérablement réduit. Avant la dernière guerre, l’Église russe reconnaissait trois causes de divorce proprement dit : I* L’adultère de l’un des conjoints prouvé Juridiquement; 2· l’ne absence de cinq ans sans aucune nouvelle; 3· Lc bannissement en Sibérie, donl la loi distinguait trois espèces condamnation aux travaux forcés, colons, exiles pour la vie. Le banni et son conjoint pouvaient, chacun de son côté, faire une instance en divorce» suivant les prescriptions spéciales établies pour chaque cas. Dans ces derniers temps, dit Souvorov, op. cit.. p. 390, le Saint-Synode, a cause des nécessités pratiques, était amené à prononcer le divorce pour d’autres motifs que ceux indiqués par la loi. De plus, la coutume exista toujours vn Russie de demander le divorce par vole extraordinaire, c'est-à-dire par supplique adressée au tsar, auquel les juristes byzantins et allemands ont reconnu le droit de dissoudre les mariages en vertu de 2327 MARIAGE DANS L’ÉGLISE GRÉCO-RUSSE son pouvoir souverain. En fuit, k· motif de divorce qui intervenait le plus fréquemment en Russie, avant la guerre, était celui de l’absence sans nouvelles. Chaque semaine, les Tserkovnyia Vttdomosti, organe du Saint Synode, publiaient dans leurs pages d’annonces une trentaine de demandes de divorce appuyées sur ce seul motif. Celui-ci est aussi le plus fréquemment mis cn avant par les Busses exilés, comme on le voit par les annonces de la revue du Synode russe établi à Carlovitz. revue qui porte le même nom que l’ancien organe synodal. Mais il y a cette différence que la durée de l’absence sans nouvelles est limitée à trois ans au lieu de cinq. De plus, les Dusses de la dispersion obtiennent le divorce pour abandon malintentionné deux mois après (pic cet abandon a été notifié â la partie coupable par ladite revue. La pratique des Églises bulgare, serbe cl roumaine cn cette matière se modèle sur celle du patriarcat œcuménique Chez les Bulgares, d’après la loi du 21 mars 1897, on admet, entre autres causes de divorce, les suivantes : l'absence sans nouvelles du mari pen­ dant quatre ans; l’ivrognerie amenant la dilapidation des biens de la famille; le refus obstiné et non motivé de la femme de réintégrer le domicile conjugal, après trois ans de séparation. Cf. Revue catholique des Églises, ! »08. t \. p. 177-17'» Pendant longtemps, au conjoint qui donnait lieu au divorce par sa faute, spécialement en cas d’adultère, le droit ecclésiastique interdisait absolument de con­ tracter un nouveau mariage. .Mais peu à peu, on s’est relâché, en plusieurs endroits, de cette rigueur. C’est ainsi qu’on ces derniers temps, en Russie, en Bulgarie, au Monténégro, la partie coupable pouvait sc rema­ rier. si. après avoir accompli la pénitence canonique Imposée, elle donnait des signes d’amendement. Cf. Milasch. op. cil., p. 912; J. Zhishman. lias Ehertcht der orientalischcn Kirche, Vienne, 1861, p. 800-803. Comment les canonistes gréco-russes expliquent-ils cette facilité de leur Église à rompre le lien matri­ monial, contre la défense formelle de Jésus-Christ dans Γ Évangile : Quod Deus conjunxit, horno non sepa­ ret? Tout d’abord, ils prétendent que Notre-Seigneur a permis le divorce en cas d’adultère; et c’est dans ce sens qu’ils inteqirètcnt les mots de l’évangile de saint Matthieu : excepta fornicationis causa (v, 32; xix, 9); cf. art. Adultère, t. i, col. 171 sq. Ils ajoutent ensuite que les paroles de la sainte Écriture enseignant la rupture du lien matrimonial par la mort naturelle <»u par l’adultère ne doivent pas cire prises en un sens trop littéral, mais plutôt comme des indications géné­ rales. qu’il est permis d’étendre à des cas analogues. Or, cn dehors de la mort naturelle, il y a la mort civile par la condamnation à une peine infamante; la mort religieuse par l’apostasie. Une absence prolongée, un abandon obstiné équivalent â la mort physique. En plus de l’adultère quali lié, il y a l'adultère présumé, qui peut revêtir diverses formes. Cf. Milasch, op. cit., p. 897; M Sakellonopoulos. ’Εκκλησιαστικόν δίκαιον, Xthènes, 1898. p. 510; I Hadschits, De causis matri­ monium dissociantibus juxta disciplinam orthodoxie Ecclesia- Christi Orientalis, Budapest, 1826, p. 9-19. Evidemment, avec une pareille exégèse, une large voie est ouverte au divorce; mais comment établir que cette exégèse rend la pensée du Christ et des Apôtres? La pratique de l’Églisc primitive lui est absolument opposée, comme le reconnaît le canoniste russe Souvorov : ■ L’Église romano-calholique, écrit-il. s’en c t tenue à la règle sévère de la discipline des premiers siècles : la société conjugale n’est dissoute que par la mort de l’un des conjoints. > Op. cit., p, 382. 385. Au demeurant, plusieurs documents insérés dans le nomocanon de l’Églisc byzantine favorisent ouver­ tement la thèse catholique. Voir, cn particulier, le 23X8 canon 18 des Apôtres cl le canon 115 de la collection des canons dits de Carthage. VL Du sujet du sacrement de maki agi — SI nous traitions du mariage au point de vue canonique, il y aurait ici beaucoup â dire; car les divergences d les particularités ne manquent pas entre les deux disci­ plines grecque et latine relativement aux empêche­ ments, à la célébration du mariage, etc. Même au scia des Églises aut acéphales. l’uniformité n’est pas par faite .sur tous ces points. Mais ces questions n’ont qu'un rapport très éloigné avec le dogme, el revien­ nent de droit au Dictionnaire de droit canonique. Nous nous contenterons de dire un mol de la polygamie successive el spécialement des quatrièmes noces ou tétragamie, qui donna lieu, au début du x· siècle, à une vive controverse entre Grecs et Latins, et entre les Grecs eux-mêmes, el renouvela pour quelques années le schisme phot (en à peine éteint. On sait que certains Pères orientaux ont eu des mots très durs pour les deuxièmes el les troisièmes noces. Saint Basile va jusqu’à assimiler la trigamle à une fornication. Voir, plus haut. col. 2097. L’Église byzantine toléra cependant les deuxièmes el les troi­ sièmes noces; mais elle refusa longtemps de les bénir, et elle Imposa une pénitence aux bigames el aux bi­ games. Quant à la létragamle, elle fut absolument prohibée, à partir du synode dit de l’union, convoqué a Constantinople cn 920 pour mettre lin au schisme occasionné par le quatrième mariage de Léon le Sage. Ce n’est pas ici le lieu de raconter en détail les diverses phases de ce schisme, qui ne fui complètement éteint qu’en 996, lorsque les derniers partisans du patriarche Eulhyme (907-912), (pii, d’accord avec Home, avait reconnu la licéité des quatrièmes noces, tirent leur soumission et acceptèrent les décisions du synode de 920. Voir Léon VI le Sage, ci-dessus, col. 365-379. Ce qu’il y a à signaler, à propos de la tétragamie, c'est la tentative du patriarche de Constantinople, Nicolas le Mystique, d’en faire une question dogmatique, en déclarant que les quatrièmes noces étaient interdites en vertu du droit divin. Toute celte controverse fut visiblement inspirée, du côté de Nicolas, par l’esprit de contention. Lui qui voulait d’abord, de sa propre autorité, accorder à Léon le Sage la dispense pour son quatrième mariage, se mit ensuite à contester la possibilité de celle dispense et écrivit à ce sujet plu­ sieurs lettres arrogantes à Koine, sans obtenir de réponse. Il finit cependant par céder, au moins taci­ tement. puisque le décret d’union de 920, ό τόμος τ?,ς ένώσεως, tout en défendant absolument les quatrièmes noces, s’abstient de blâmer la dispense accordée j Léon le Sage. Pour le bien de la paix, le pape adhéra, en 923, â ce décret d’union. C’est sans doute parce que les réserves probables faites par le pape Jean X ne furent pas suffisamment proclamées à Byzance, qu’un groupe important d’euthy miens continua la résis­ tance contre Nicolas et scs partisans. Cf. Hergen­ rother, Rhotius von Constantinopel, t. m, p. 655-691. Au demeurant, malgré la défense si formelle du tome de Γunion, les cas de tétragamie n’ont pas ete rares dans l’Églisc gréco-russe, spécialement en Russie. Au xvr siècle, on vil dans ce pays, à propos du quatrième mariage d’Ivan IV le Terrible, une répétition de ce qui s'était produit à Byzance, au x· siècle, â l’occasion de la létragamle de Léon V|. On conserve, en elîet. une lettre du métropolite de Moscou imposant à Ivan IV une pénitence canonique pour scs quatrièmes noces el analhémallsant en même temps ceux qui oseraient imiter le tsar. Cf. Pavlov. op. cit., p. 353. Bien que prohibée cn Russie par la loi civile, à partir de 16 19, la tétragamie était encore pra­ tiquée au xvm» siècle, el, en 1767, le Saint-Synode avait encore â s'occuper d’une série de cas de ce genre 1 2329 ΜΛΙΙΙΧΓ.Ε DANS L'ÉGLISE GKÉCO-KUSSE U l'nrticlc Intitule : Exu/nr/i *· concordia Ecclesia· occidentalis cl orientalis (n septem larramentorum administratione Itbri Ml, Paris» 1619, p. 553562. On trouvera, dans cet ouvrage, prude renseignements sur ce qui fait l'objet de notre étude. L’auteur s'attache surtout ù prouver l'indissolubilité du lien matrimonial contre les Grecs dissidents; Goar, I Jy/Aôycov sire Diluait Grsrtorum, 2* édit., Venise, 1730, p. 310-331, où l'on trouvera dix savantes notes expliquant le symbolisme do cérémonies liturgiques ; Slméon de l'hesMilonique, />< sacramentis, P, (L, t. CLV, col. 503-616; Alexis Dmitrirvskil. Description des manuscrits liturgiques rarurnWi dont les bibliothèques de rOrlent orthodoxe (en russe), t. u. Εόχ^λύγια, passim, Kiev. 1901; J. Zhishman, Das Ehtrtchl der orientalischcn Kirche, Vienne, 1864; Is. Silbcrnagel,Dos Ehertchl nach dm Geschen der grirchischtn Kirthe, Munich, 1862; Klein de SzAd» Dissertatio cannnica de matrimonio juxta disciplinam grerctr orientalis Ectlrsin·, Vienne, 1781; Th. Mandiez, Dissertatio de causis matrimonium dissociantibus juxta dis­ ciplinam orthodoxa· Ecclesia· Christi orientalis et leges imperiales bgzantinax, Leipzig, 1849; E. llnditch, Des causes de divorce dans ΓEglise orthodoxe (en serbe), Nrusnt/, 1881; X. Douchitch.Le mariage chrétien (en serbe), Belgrade, 1898; Méléce Snkcllaropoulos. Lxx/ηαιισιικόν δίκαιον τή: άνατολιχής Τ’χχλζ,σή:. Athènes, 1898, ρ. 150-519; J.-S. Berdnikov. Sur la question des causes de duxjrcc, Siiint-lVtcrsbourg, 1909; X S. Souvorov, Démarqués sur te projet de règlement des causes de divorce rédige par la Commission du Salnt-Synoite, Moscou, 1908; 2331 MARIAGE DANS LES ÉGLISES OIIIE NTALES Ν’. A. Znozrrskli, Sur quai est fonder la juridiction cccléiiastique dan» les affaires matrimoniales, Serghirf Possnd, 1902; du même, L'abandon coupable par l'un des conjoints, comme cause de dissolution du mariage, ibld., 190 1 ; du même. Ce qu'est le mariage rascolnik, dans Rogoslovskii Vicstnik, 1895, t. !, p. 261-27.8, 101-121; 1X96. t. 1, p. 125-137, 336319; A. Zagorovskii, Ix diOOTCt d'après le droit russe, Kharkov. 1884; L. X. ZngourskH, Le divorce, Kkarkov, 1903: X. Seront os, ’Επίτομη του tv τοις έχχλησιαστιχοίς &<χστηρίοΐζ τού οίχουμινιχοΰ Οοονου έν ισχύί ρωμαίκ'*·χαί βυζαντινού νομού, Constantinople, 1886; Theotocos, Νομολογία τού οΐχουμχνιχού πατριαρχείου. Constantinople. ,8δ7· Μ. JuoiK. V. MARIAGE DANS L'ÉGLISE NESTORIENNE ET LES ÉGLISES MONOPHYSITES. Sur le mariage dans l’Églisc nestoricnne et dans les Églises monophvsilcs il y a fieu de chose à dire au point de vue dogmatique. Ces chrétientés, depuis si longtemps séparées du centre de l’unité, n’ont subi que très peu l’inlluencede la théologie catholique, el leur doctrine des sacrements est restée assez rudimentaire, à en juger par les écrits théologiques publiés jusqu’ici. Dans ces Églises, du reste, comme dans les autres, il y a eu évolution aussi bien dans les doctrines que dans les rites et la discipline. Il y a eu des emprunts réci­ proques entre les Églises dans tous les domaines; et rien n'est moins solide qu’un certain argument de prescription qu’on trouve développé dans certains manuels de théologie, dont tout le fondement est l’im­ mobilité supposée des Églises séparées, depuis le temps de leur séparation. I. Chez les nestoiuens. - Les nestoriens avaient primitivement un rite très simple du mariage. Le contrat se faisait dans la maison du père de la fiancée, en présence de témoins et du prêtre, devant la croix. Les fiancés, ou plutôt leurs procureurs, manifestaient en leur nom leur consentement mutuel, en répondant aux interrogations du prêtre. Celui-ci joignait leurs mains en forme de croix, et les bénissait en récitant une courte prière. Après cette bénédiction, le mariage était considéré comme conclu, ralum; mais la coha­ bitation des époux ne commençait qu’après un temps plus ou moins long, pouvant varier de plusieurs mois à plusieurs années. L’épouse était conduite à la maison de son époux, â l’époque convenue, sans aucune céré­ monie religieuse. Il est nécessaire et très utile, dit le canon 13 du synode de Mar Georges Itr (676), que le contrat des fiancés et des fiancées sc fasse en présence de l’instrument de notre vie et de la cause de notre salut... En même temps, ils commenceront chrétienne­ ment avec la bénédiction sacerdotale. S’ils transgres­ sent ces choses, qu’ils soient excommuniés. > J.-B. Cha­ bot, Synodiciim orientale ou recueil de synodes ncslo* riens, Paris, 1902, p. 187, 488. Ce rite primitif s’est conservé dans ses traits essentiels dans VOrdo despon­ sationis. publié par G. Percy Badger : The Xestohans and their rituals. Londres. 1852, t. π, ρ. 241 sq., et par H. Denzingvr, Ritus Orientalium. Würzbourg, 1861, t. n, p. 420-422. Mais un Ordo benedictionis long et compliqué a été ajouté plus tard pour consacrer l’entrée de l’epoux dans la maison de l’épouse. On y trouve des oraisons spéciales pour la bénédiction de la coupe à laquelle boivent les deux conjoints, la béné­ diction de l’anneau, de la croix, de l’eau bénite appelée Hanana, des vêtements ct spécialement de la robe coloriée de l’épouse, un long oflice du couronnement, ct enfin une bénédiction de la chambre nuptiale. Cf. Denzingcr, op. cit., p. 423-450. Toutes ccs cérémonies indiquent bien le caractère religieux du mariage. Mais les théologiens nestoriens l'ont-ils considéré expressément comme un sacrement an sens où nous l'entendons? Il est difficile de répondre d'une manière précise. Parlant des sept sacrements dans le quatrième traité de son livre intitulé : Liber 2.332 Margaritir, Ebcd Jcsu (t 1318) ne fait pas rentrer le mariage dans le septénaire, où trouvent place le larrr ferment el le signe de la croix. Il consacre cependant le dernier chapitre de ce traité au mariage et â la virginité, el il dit du mariage : Sanctum prorsus matri­ monium est mundusque ejus thalamus, pnrsertim quia Paulus idipsum esse sacramentum eorum, qmi supra mundum eminent, declarat Liber Margarita, tract IV. c. vm, dans Mat, Scriptorum veterum noua collectio, t. x b, p. 360. Les deux propriétés essentielles du mariage chré­ tien : l’unité et l’indissolubilité sont proclamées par les premiers synodes nestoriens. Dans sa troisième encyclique synodale, le catholicos Mar Aim I*r (544) condamne la bigamie ct la polyandrie, indique les empêchements provenant de la consanguinité, el proscrit le mariage dos chrétiens avec les païens. Chabot, op. cit., p. 336. Le synode du catholicos Mar Jesuyahb l,r (585) renouvelle les mêmes prescriptions, défend, en plus, les mariages mixtes avec les héré­ tiques, et parle de la seule cause de divorce alors reconnue par l’Église nestoricnne, à savoir l’adultère; et encore, il n’est pas dit expressément que la partie innocente peut contracter un nouveau mariage : Γη homme ne peut canoniquement renvoyer sa femme légitime, si ce n’est en cas d’adultère, ni s’unira une autre, soit comme un impudique privé d'intelligence, à cause de la beauté extérieure et périssable, soit comme un avare insatiable pour posséder de l’argent. Chabot, op. cit., p. 410; cf. p. 116, 418. Le canon 20 du même synode dit expressément que la stérilité de la femme n’est pas une cause de divorce. Ibid., p. Iis. I 19. Cependant, cette sévérité fie l’Églisc nestoricnne â l'égard du divorce ne dura pas longtemps. Ses ensuite* ajoutèrent successivement à l’adultère plusieurs autres causes de dissolution. Déjà au vmr-ix· siècle, le catho­ licos Timothée Ier (778-823) signale : 1· la fornication de l’àme. c’est-à-dire le crime d’apostasie el de magie; 2e l’entrée des deux conjoints dans la vie reli­ gieuse (ce qui ne donne pas lieu à un divorce propre­ ment dit); 3· l’abandon de la femme par le mari, qui. sommé de reprendre son épouse, refuse absolument : la femme abandonnée est libre de se remarier; I· une absence de trois ans sans nouvelles; 5° une grave maladie antérieure à la consommation du mariage et cachée sciemment au moment de la ratification du mariage ( — cas de dissolution du mariage simplicité ratum). Cf. .J. Labour!. De Timotheo / Xestorianonim patriarcha (7 78-823). Paris, 1901, p. 61, 63, 61, 65 70. Au xiv· siècle, le nombre des causes de divorve s'accroît encore dans la Collection des canons d’Ebed Jcsu. On y trouve comme causes nouvelles : bl'homieide; 2° le cas de querelles domestiques continuelle'·, après dix ans, el s’il n’y a pas d’enfants: 3· le cas de captivité de l’un des conjoints : chacun des deux peut se remarier, même sans attendre trois ans; P le mariage simplement ralum peut être rompu, après dix ans «l’attente. Mal, op. cit., t. x a, p. 16-52. L.i discipline nestoricnne maintient cependant le prin­ cipe que le conjoint qui a donné occasion au divorce par sa faute ne peut se remarier. II. Chez les monophysites. — Plus que l’Eglise nestoricnne, les diverses Églises monophysites ont subi ΙΊηfluence de la théologie byzantine, cl même celle de la théologie catholique latine, à partir des croisades. Elles ont accepté le septénaire sacramentel, mais leurs théologiens ont parfois erré dans l’cnumération. L’Arménien Vardan, au xm* siècle, signale lr mariage comme le cinquième sacrement. Bien avant lui. Jean d’Oznl. au début du vm· siècle, avait inshlè sur le caractère religieux du mariage, ct l’avait appelé un sacrement : Magnum nobilis connubii mysterium 2333 M SKIACE DANS LES ÉGLISES ORIENTALES ( f. Joann ή philosophi Otnlensis Optra, Venise, 1834 : Oratio synodali s, p. 27-20. Dans chacune des trois grandes Églises mono· physlles (copte-éthiopienne, jacobilc-syricnnc et annenienne-grégorienno), il y a un double rite pour la célébration du mariage. Il est foncièrement le même que le double rite de la liturgie grecque, bien que l’cuchologe de chaque Église présente des particu­ larités accessoires. Voir ccs rites dans Denzinger, Hilus, t. η, p. 361-118, 150-167. Le mariage propre­ ment dit est conclu, ratifie, à l’ollice des fiançailles, desponsatio, comme chez les nestoriens. L’office du couronnement, que les Syriens appellent le banquet (convivium, symposium), n’a lieu qu’après un temps plus ou moins long, nu moment où commence la cohabitation des époux. C'est du moins ce qui se prati­ quait autrefois chez, les Syriens jacobltes et les Armé­ niens. De nos jours, et depuis longtemps, les deux rites sont généralement unis. La même coutume, nous l’avons vu, a prévalu egalement chez les GrécoHush’s (col. 2319). Le rite religieux accompli par le prêtre ou l’évêque est requis par les canonistes monophysltes pour la validité du contrat matrimonial; mais on aurait tort d’en conclure, comme l’a fait Bcnaudot. la perpétuité de la loi de Γ Église catholiaue sur les sacrements, prouvée par le consentement des Églises orientales, L \ 1, c. iv, édit. Mignc. t. ni, col. 990-991, que tous les Orientaux font consister le sacrement de mariage dans la céré­ monie religieuse. Nous avons vu combien cela était faux pour ce qui regarde les Grvco-Busscs. Les autres dissidents orientaux n’ont guère agité la question de savoir en quoi consiste l’essence du sacrement de mariage. Plusieurs, cependant, insistent sur la néces­ sité du consentement mutuel, et paraissent y voir tout l’essentiel du mariage. Ainsi Grégoire de Daltev, dans son Livre des interrogations : Incipit matrimonium per sponsalia, sed conficitur per consensum verbis expres­ sum : duarum enim voluntatum consensus conficit matrimonium; perficitur autem ct consummatur per benedictionem sacerdotis et copulam corporalem. Galàno, Conciliat io Ecclesiir armcnir cum Humana, Home, 1661, t. m, p. 712. Ce qui est sûr, c’est que, dans toutes ces Églises, la clandestinité est un empêchement dirimant du mariage, el que la bénédiction sacerdotale donnée en présence de témoins est exigée pour sa validité. Comme dans les collections canoniques byzantines, on trouve dans les collections canoniques des monophysites, spécialement chez les Coptes, qui ont tout le recueil des canons africains, des documents favo­ rables à l’absolue indissolubilité du lien matrimonial. En fait, cependant, dans toutes ces Églises, le divorce est pratiqué non seulement en cas d’adultère, mais aussi pour plusieurs autres motifs. Malgré la haine qu’ils professaient pour Byzance cl ses empereurs, les monophysltes ont accepté sur bien des points la légis­ lation byzantine. La collection de ces lois impériales a constitué ce qu’ils ont appelé les canons impériaux. Les canonistes coptes donnent comme causes de divorce : 1° l’adultère de la femme et le concubinage du mari; 2· une grave maladie réputée incurable sur­ venant après le mariage, comme la folie, la lèpre, l’épilepsie, etc.; 3· l’nbsence sails nouvelles de l’un des conjoints emmené en captivité, après cinq ans d’at­ tente; I* l’attentat à la vie de l’un des conjoints par l’autre; 5· les mauvais traitements réciproques ren­ dant la cohabit Ion intolérable; 6* le refus de la femme de réintégrer le domicile conjugal, qu’elle a quitte sans motif plausible. 7· la défloraison de l’épouse antérieure au mariage ct manifestée par le mari aussi­ tôt qu’il s’en aperçoit. Il est difficile, du reste» de dresser une liste complète de ccs cas de divorce chez les Copies, par le fait que cette liste diffère suivant les 233'. canonistes. On peut affirmer d’une manière générale qu'ils ont accepté sur ce point la pratique byzantine. Le nomocanon de Bar Hcbncus, public par Mai, Scriptorum veterum nova collectio, l. x, b, 3 sq. nous renseigne sur la pratique des Syriens jacobltes bien que les affirmations de cet auteur soient parfois assez embrouillées ct frisent la contradiction. Nous y trou­ vons les causes suivantes de divorce ; 1· l’adultère de la femme, mais non la faute du mari, qui ne mérite qu’une pénitence; 2· l’entrée en religion de l’un des conjoints, du consentement de l’autre : celui qui reste dans le siècle peut sc remarier; 3· le crime de magie : Magi autem sunt, dit Bar Hcbncus, qui faciunt divi­ na/tones; et illi qui canunt ft vociferantur et ululant ex terra, et ex rentre, et ex latere; et UU qui corrumpunt vultus; et viri qui vulnerant sinus suos; ct mulieres, qua· aperiunt sinus suos, et incantant; ct illi qui ligant viros u mulieribus suis; et illi qui divinant in vitris plenis aqua et speculis et manuum palmis, et in spatulis ovium, et in ossiculis fructuum el in granis leguminum, et in placentis hordeorum. Mai, op. cit., p. 77. On voit com­ bien ce cas est curieux, ct avec quelle facilite un conjoint pourrait sc débarrasser de l’autre en se livrant a la magie; I* une maladie incurable, comme la lèpre, la gale, l’halcine fétide, la pollution passive habituelle, etc.; 5· l'abandon de l’orthodoxie pour passer à l’hérésie, au paganisme, au judaïsme ou au mahométisme: G· l’absence sans nouvelles du mari, qui est parti pour une région lointaine, autorise la femme à se remarier, après un espace de temps qui est plus ou moins long, suivant que le mari a laisse â sa femme de quoi vivre, ou s’il l’a abandonnée sans pour­ voir à sa subsistance. Le canoniste arménien Mkhitar Goch (1 1207) mu­ niere treize causes de divorce : 1 l’adultère de l’un des conjoints. Mkhitar a soin de nous avertir qu’aulrctois l’adultère de la femme, cl non celui du mari, rompait le mariage ; 2· l’esclavage de l’un des conjoints après sept ans, d’après le synode de Tovin (552): 3· l’absence alfcctée cl l’abandon coupable se prolon­ geant au delà de sept ans; 4· la sodomie el autres actes contre nature commis par le mari; 5· l’attentat à la vie du conjoint; 6· les mauvais traitements cl les injures graves; 7· la folie (ou maladie démoniaque) sur­ venant après le mariage, après sept ans; 8· une maladie contagieuse postérieure nu mariage ne le rompt pas; mais le conjoint malade peut autoriser l’autre à con­ tracter un nouveau mariage: 9· la stérilité de la femme, après sept ans, autorise le divorce, si la femme y consent; le synode de Chahapivan avait dit sans restriction que la stérilité était une cause de divorce; 10· lu défloraison de l’épouse antérieure au mariage; 11· une aversion insurmontable; 12· le passage a une autre religion: 13· lu magic. CL Agop Meguvorian, Étude ethnographique et juridique sur la famille et le mariage arménien, Lausanne, 1891. p. 113-121. Nous ne parlerons pas du mariage et du divorce chez les Abyssins cl Éthiopiens, qui ont théoriquement la même discipline que les Copies. Le nécessaire a élé dit ù l’article Éthiopie (Église d*), t. v, col. 917. Les deuxièmes noces sont permises dans toutes les Églises monophysltes, mais la bénédiction solennelle et le couronnement leur sont refusés. Le prêtre se contente de réciter sur les bigames quelques oraisons. Chez les ('.optes, si l’un des conjoints est bigame cl l’autre non, celui-ci est seul couronné. Les Coptes ct les Syriens tolèrent les troisièmes noces, mais impo­ sent une pénitence aux conjoints. Pendant longtemps les Arméniens rejetèrent la trigam le; elle était tolérée en ccs derniers temps, au moins dans l’Arménie russe. Cf. Agop Mcgarovian, op. cit., p. 105. Quant â lu télragamic. elle a toujours été interdite sauf chez les Éthiopiens, qui excommunient le tétragame, après lu I 2335 Μ X. Il IA 1.1 S mort de sa quatrième épouse, s’il n’entre pas dans un monastère. Dcnzinger. Hitus, 1.I, p. 181. Ixs principales sources ont rtc citées nu cours de l'article. L'étude de llrnaudot, Jui perpétuité de la fol de Γ Eglise catholique sur 1rs sacrements, I VI, dans lr t. m de l'édition tic In Perpétuité de la fai catholique, col. 065-1026, renferme d'utiles renseignements, surtout nu point de vue liturgique. Ix* chapitre sur le divorce est tout n fait incomplet. L'intro­ duction dr Den/ingrr sur le mariage, Pitas Orientalium, t. î. p. 150-183, est beaucoup plus satisfaisante. Pour les Coptes, la brochure d'Emin boy, Studii slorico-dommatlei sulln Chlesa giacubita-cofta, Home, 1890, donne quelques détails malheureusement trop succincts. M, JUGIE. MARIALES Xantos, dominicain, né à Venise, vers 1580, de la famille noble des Pinardi. Dès l’époque de sa formation théologique, en Espagne, où l’étude des sciences sacrées était alors en pleine eillorescence. il se signala par la vivacité et l’acuité de son esprit. Rentré en Italie, il remplit diverses charges d’ensei­ gnement, en particulier celle de régent des éludes ù Padoue, jusque vers 1621, date à laquelle il publia le premier de ses volumineux ouvrages, les Controversial, Venise, 1621; le long litre en décrit très précisément le caractère, ainsi que les tendances, soit vis-à-vis de l’école scoliste, soit vis-à-vis des neoterici, les théolo­ giens de la Compagnie de Jésus : Controversial ad uni· versam Summam theologia· S. Thomæ Aquinatis Ecclesiæ docloris, nec non ad / V libros Magistri senten­ tiarum, in quibus primum doctoris utri usque sententia novis speculationibus illustratur, plurima eorum abdita sensa aperiuntur, innumeraque loca, quæ inter sc pugnare videntur, ad concordiam revocantur. Objectis deinde quibuscunque, qua· ad hanc usque diem adversus aut 1). Thomæ doctrinam aut Cafetani commentaria, aut rationes quibus thomistica sententia adnititur, aut responsa antiquis impugnatoribus altata a quoquam evulgata sunt : tum vero priccipue ab his qui novissime scripserunt, quibus adhuc a nemine responsum est, pro­ funde, lucide, copiose, pleneque occurritur. Postremo scotistarum perillustris schola cum thomistica quoad fieri potest conciliatur : Scoti doctrina ubi ab Aquinate non dissidet, mira facilitate explicatur atque defenditur, rindicaturque a calumniis, quæ (t minus affectis immerito ei inuruntur, etc. Cinq volumes étaient projetés; un seul parut. Mais, poursuivant scs travaux en dehors de l’enseignement, Mariale » produisit un ouvrage de non moindre enver­ gure, qui ne devait être publié en fait, malgré l’ins­ cription d’une date antérieure sur son titre, qu’en 1660 : Bibliotheca interpretum ad universam Summam theologiic Div. Thomæ Aquinatis Ecclesiæ Doctoris, hoc est solers examen universorum, quæ a scriptoribus quibuscunque tum antiquis, tum recentibus ad schola· sticam theologiam hactenus evulgata sunt : cum primis vero uberrime exagitantur nostrorum temporum curio­ sitates, circa quas novitosa modern itas adversus sapien· tissimam antiquitatem tantopere discutiari videtur, Venise. 1638. C’est, en quatre in-folio, une compila­ tion de dissertations polémiques, autour du texte de la Somme, de la q. î à la q. xxvi, où sont éclaircies les difficultés soulevées au cours de quatre siècles contre la doctrine de saint Thomas. En tête du premier volume, était publiée une controverse préliminaire contre les écrits du P. Jean-Baptiste Poza. S. J., ct du P Vazquez de Padilla. S. J. Excessive de toute manière, et dans sa véhémence contre ses adversaires, et dans son exaltation de la doctrine de saint Thomas, infaillible, prétend-il, de par une assistance spéciale du Saint-Esprit, cette préface fut inscrite au catalogue de I Index le 20 juin 1662. Les œuvres de Poza. d’ail­ leurs, avalent été elles aussi condamnées, dès 1628 et 1632. pour les motifs que donne le manifeste du théo­ logien Fr. Roales, publié par Mariales dans sa contro­ Μ Λ II IAN A 233G verse préliminaire et à la lin de son quatrième volume. En outre, H. l'abri, S. J., qui avait attaqué .Mariale . dans sa Justa expostulatio de p. m. Xante» Mariah authore bibliothecæ interpretum, publiée sous le pseu­ donyme de L. Carterius, Vaucluse, s. d., fut lui aussi mis à l’index. Ajoutons, pour donner tout le dossier de cette escarmouche théologique, que le P. Vincent Baron, O. P., vint défendre la mémoire de son con­ frère, dans ses Libri quinque apologetici pro religione, utraque theologia, moribus ac juribus ordinis prædicutorum, adversus... expostulationes C.arterii, etc., Paris, 1666 Γη troisième ouvrage de même ampleur fut entre­ pris dans la suite par Mariales : un commentaire, rela­ tivement bref, des Questions disputées de saint Tho­ mas, dont deux volumes seulement ont été publiés, sur les Quæstiones de potentia ct le De malo : Amplissi­ mum artium scientiarumque omnium Amphitheatrum, hoc est de rebus universis celeberrimi? quæstiones dispu­ tati? ab orbis oraculo D. Thoma Aquinate... ad hanc usque diem a nemine expositæ, etc., Bologne, 1658. C’est le premier commentaire qui ait été fait sur les Ques­ tions disputées de saint Thomas, el l’on peut, après expérience, confirmer le témoignage que donne Mariales de l’intérêt doctrinal de cct ouvrage du Doc­ teur angélique : Ego octuagenarius sum, el ab incunte ætate in studiis consumptus, fateor sincere his tribus vel quatuor annis quos in edendis his commentariis con­ sumpsi, me longe plus profecisse quam toto decursu prioris vitie mere. Mariales est enfin l’auteur d’une série de libelles, publiés en langue italienne sous le nom de P. P. Torelll. Ils viennent prendre place dans l’abondante littérature anti-gallicane du xvn· siècle; leurs litres manifestent suffisamment leur contexte historique : Quali presagi menti possono havers i delle present i sconvollc delï Austria e delta Spagna, c da i progressi de gl’ Eretici e de* Francesi, Cologne, 1613, contre l’ouvrage inti­ tule : Il Zimbello, overo Γ1 talia schemita, 1611 ; Stravaganze nuovamente seguite net cristianissimo regno di Francia, overo, Eccessi del Politicismo... modemamente impugnate dalTasserto parlamento di Parigi, net libra intilolato, Della sovhaxa gîüiusdizzione de’ ni sopha la politia della Chiesa, Cologne, IGlGicnlln. sous le nom de Sigismond Campeggi, Enormità inau­ dite nuovamente uscite in luce nel cristianissimo regno di Francia, contra il decoro della Sede apostolica romana in due libri intitolati, Tuno Dell’ahkogante potesta de’ PAPI IX DIFESA DELLA CjlIBSA GaLUCANA Z ΓηΙίΓΟ, Del DiniTTO della hegaua, che tîkne il he cris­ tianissimo JURE CORONÆ INDEPLNDENTEMΕΝΤΓ DA soMMi poNTiua..., Francfort, 1619. La violence de ton de ces ouvrages très antifrançais, valut à l’auteur d’être exilé deux fols par le sénat d’ailleurs celui qui professe »ur le tyrannicide une «toctrine plus qu’aventurée; malgré les instances de la cour de France, ce livre continua à circuler librement en Espagne. Mais un traité sur l’altération des mon­ naies. paru avec d’autres miscellanea à Cologne, en 1609, lui attira la haine des ministres de Philippe III, (pii y sont nettement accusés «l’incapacité ct de trafics coupables. Sous prétexte que cct ouvrage portail atteinte au crédit de l’fitat, Mariana fut arrêté, ct enfermé dans le couvent des franciscains de Madrid. Sun procès fut commencé; maison recula finalement devant une condamnation. Après une détention d’un an, l’écrivain rentra, en 1G10 scmble-t-il, dans la maison de Tolède, ou il mourut le 16 février 1621. Merveilleusement outillé pour faire un historien, doué de remarquables qualités intellectuelles, Mariana semble avoir été desservi par un caractère passable­ ment ombrageux. Il fut l’un des chefs de la coterie de jésuites espagnols mécontents qui essayèrent de créer, dans la péninsule, un mouvement séparatiste, ou tout au moins de limiter les pouvoirs du général. L’œuvre capitale de Mariana est son Histoire d'Espagne, monument de liante érudition en môme temps «pie chef-d’œuvre de composition ct de style. Il la publia d’abord en latin, De rebus hispanis, en 20 livres, Tolède, 1592, puis en 25 livres, Tolède. 1595, enfin en 30 livres, Francfort. 1606; menant le récit des événements jusqu’à la mort de Ferdinand le Catholique (1516). Lui-même la traduisit, ou plutôt l’adapta, en espagnol, avec des corrections ct des additions qui rendent ce travail préférable à l’original : Historia general de Espana. Tolède. 1601, deux volumes in-fol.; il y a eu de nombreuses éditions successives, jusqu’au milieu du xix· siècle, avec des continuations, dont on trouvera le détail dans Sommer\ogcl; la traduction française du P. Charenton. Paris, 1725, est restée célèbre. Plus important pour l’historien de la théologie morale est le traité intitulé : De rege et regis institutione Ubrl très, Tolède, 1599, dédié au roi Philippe III ct muni de toutes les approbations officielles, entre autres d’un chaleureux hommage du censeur Pierre de Oint. religieux mercédaire. C’est dans cet ouvrage que Mariana, après avoir développé la doctrine démo­ cratique de l’origine du pouvoir royal, esquisse sur le tyrannicide un certain nombre de thèses pour le moins risquées. Concrétisant scs idées, il ne craint pas de juger avec beaucoup d’indulgence l’attentat perpétré sur le roi de France. Henri III. par Jacques Clément (1589). Dans la premiere édition, de l’aveu du P Somtncrvogel. sc trouve bien la phrase : Sic Clemens periit arttmum Gallia* decus, ut plcrisgue visum est; les édi­ tions suivantes, Mayence, 1603, 1605, 1611, ont subi des retranchements. Au moment même de sa publica­ tion. le livre ne suscita en Espagne aucun esclandre. En France, il fut assez vite remarqué; mais c’est après l’assassinat de Henri IV par Kavaillac (1 I mai 1610) que les colères se déchaînèrent; le S juin, l’ouvrage était condamne pur le Parlement de Paris el brûlé par la main du bourreau; la Sorbonne s’associait à ce jugement, des représailles s’ensuivaient contre les j« tuiles de France, ct les autorités de la Compagnie prenaient des mesures pour ramener les écrivains jésuites à plus do circonspection. Celte question sera étudiée avec plus de développement à l’art. Tyhanniποε; voir aussi t. vm, col. 1062 et col. 1083. Le traité De ponderibus et mensuris, Tolède. 1609, réimprimé dans Menochius, Commentarii totius sacnr Scripture?, sc rapporte exclusivement à Ih’crméneu- 2338 tlquc cl explique 1c* poids cl mesures des Hébreux en fonction des diver* syslèmcs espagnols dr l'époque. - En 1609 parut à Cologne un fort volume in-fol. contenant Tractatus septem : L De adoentu B. Jacobi apostoli in Hispaniam; 2. Pro editione vulgata; 3. De spectaculis; L De moneta* mutatione; 5. De die mortis Christi; 6. De annis Arabum; 7. De morte et immorta­ litate. Le n4 2 est reproduit dans Menochius. op. cit. t. ur. et dans le Cursus Scriptunr sacra de Migne. t. xi, p. 587-698. Nous avons dit plus haut les désagréments qu'attira à Fauteur le traité sur l’alteration des mon­ naies. Au dln- des spécialistes, il >'y rencontre un cer­ tain nombre de vues, tout a fait remarquables pour l’époque, sur la question monétaire. — En 1612, Mariana fit paraître à Munich ct à Ingolstadt une édition princeps de Luc de Tuy : De altera vita fidetque controversiis adversus Albi gentium errores libri III. cf. ci-dessus, coi. 1001. — Les Scholia in Vetus el Novum Testamentum, Madrid, 1613, Paris, 1620, un gros in-folio dédié à Bellarmin, ont été goûtés par Richard Simon. Voir Histoire critique du Vieux Testa­ ment, I. IH. c. xn, xvm, et Histoire critique des prin­ cipaux commentateurs du Nouveau Testament, c xlu. — Dans l’édition d’Isidore de Séville, publiée par J. Grial, en 1599, avec l’aide de nombreux collabora­ teurs, Mariana fut chargé de trois opuscules : In libros Veteris ac Novi Testamenti pmamia, Ik fide catholica ex Veteri et Novo Testamento contra Judiros, Synonyma de lamentatione animæ peccatricis ; scs annotations ont été reproduites dans Arevalo ct sont passées dans P. L., l. lxxxhi. col. 155-180, 119538, 825-868. Nous avons noté, ci-dessus, l'attitude que prit Mariana à l’endroit de l’autorité centrale de la Com­ pagnie. Son opposition dut commencer d’assez bonne heure; lors de son procès de 1609. les personnes char­ gées de l’enquête, ct qui étaient étrangères à la Com­ pagnie, mirent la main sur des papiers passablement compromettants où le savant historien ne ménageait guère la direction imprimée à la Société, tant au point de vue administratif qu’à celui des études. Après sa mort, ces papiers furent publies en latin, Discursus de erroribus qui in forma gubernationis Societatis Jesu occurrunt, Bordeaux. 1625, cl en espagnol. Tratado del gobiemo de la Compacta de Jesus; une traduction française parut à Paris, en 1625. Traité des choses qui sont dignes d'amendement en la Compagnie des jésuites, . une italienne à Bordeaux, 1625. Celle apparition si­ multanée, en diverses langues, lient évidemment à un plan concerté. Longtemps contestée par les jésuites. l’authenticité (des Discursus), dit le P. .1 Brucker, ne parait guère douteuse ·. La Compagnie de Jésus, Paris, 1920, p. 193. 194. Voir en sens contraire Hurter, Nomenclator, 3· édit., t. ni. col. 763 Outre les ouvrages imprimés. Mariana a laissé une quantité considérable de mss. dont on trouvera le détail dans Sommervogcl. Il y aurait intérêt pour l’histoire de la théologie à étudier une volumineuse explication de saint Thomas, 1570-1572, reproduisant les cours faits au Collège de Clermont, Sainl-Gall, n. 1129, cl une courte Isagoge m sacram Scripturam. Saint-Gall. n. Il IS, Il y a une biographie ancienne de Mariana par lamago de Vergas. Renseignements intéressants dans Bayle, Dictionnaire historique et critique, art. Mariana; ample bibliographie dans Sommervogel, Bibliothèque «le la Cotnpl V I N E : NO l'VE A I TESTAMENT 2342 qui concerne Jésus doll être attribué ù la personne I. HL dist. HI, dub. u; did. IV, a 3, a. t, Quaracmémo du Verbe incarné. S. Thomas, Sum theol., III·, chl, 1887, t. in. p. 3-1, 110; Estius, Commentaria in q. XXXV, a. t, ad lu,n epistolas S, Pauli, Paris, 1679, t. I. p. 555; Cornelius Nous verrons, en étudiant la tradition catholique, a Lapide, Commentarius in Scripturam sacram, Paris, que tel fut précisément le fondement théologique sur 1861, t. xvin, ρ. 550; Calmet, Commentaire littéral sur lequel, à partir du ιν· siècle, on appuya très explicite* 1rs épltres de S Paul, Paris, 1730, t. n. p. 16; Comely. ment la maternité divine de Marie. Commentarius in Epist. ad Galatas, 2· édit . Paris. //. λ ΛΛΛΎΟΛ’Λ Λ/Α.νΓ V EO- TENTAMK V TAHlE SVK LA 1909, p. 526. VIRGISITE DE MARIE dans la conception et l'enfante­ On a dit que l’idée de conception virginale est exclue ment de Noire-Seigneur, selon Matth., i, 20 et Luc, par l'emploi du mot mulier. On oublie que mulier, i,30sq. ywrt, comme !’ob>< n aît saint Jérôme, communément Avant d’expliquer cet enseignement, tel que la tra­ suivi par 1rs exégètes, ne marque point la perte de la dition catholique l'a toujours compris, nous devons virginité mais le sexe : Commentaria m Epist ad montrer l'authenticité des deux récits évangéliques, en Galatas, 1. H. L P. L., t. xxvi, col. 372: voir auvi répondant aux principaux arguments par lesquels S. Ambroise. De institutione virginiî, vi, 41, P. L., beaucoup de critiques sc. sont efforcés de la combattre. t. xsl, col. 315; S. Augustin, Serin.. to, 10, P L., 1* Authenticité de Matth.. I, 20 et Luc., i. 30 % Synoptiker, 1910; l’scncr. Geburt und Filius Dei. ne sont pas une utilisation du fait de la Kindheit Christi, dans Zeitschrift fQr die .V. T. Wissen· conception virginale pour démontrer la divinité de sehaft, 1903, t. iv. p. 3, 16, 18; Guignebert. Manuel Jésus. Elles attestent seulement que l’enfant qui naîtra d'histoire ancienne du christianisme. Paris. 1906. p 7··.’Ν <Χ|-|Ι pas vrai qu’m distinguant, Gal., tv, I. interprété par beaucoup d’exégètes catho­ dans la famille nazaréenne, deux groupes : le fils liques dans un sens favorable à la conception virginale, unique de Marie qui est aussi le Fils de Dieu, i. I. 11 : déjà connue par le récit évangélique. S. Thomas. In iv. H; v, 7; ix. 7; xiv. 61: w, 39. ct les frères (ou Sentent. I. HI, (list. I. expositio textus; (list. IV. id.; cousins), vi, 3, Marc a eu le dewin de ne pas nuire a la In Epist.ad Gal., iv.lcct. it; S. Bonaventure, In Sent., croyance en la conception virginale, qu’il connaissait? 2343 MARIE. VIRGINITÉ E. Mangcnot, Les évangiles synoptiques, Paris, 1911. p. 112, 5 Le récit du baptême de Noire-Seigneur, dan . saint Marc, est donné comme opposé à la conception virgi­ nale. parce que, selon Mare, assure-t-on. la filiation divine date seulement du baptême de Notre-Seigneur. Marc ne pouvait donc admettre la conception virginale duc seulement au Fils dc Dieu. Quelle autorité a-t-on pour attribuer Λ l’écrivain sacré une pareille assertion relativement à la divinité de Notre-Seigneur? Le texte affirme seulement (pie Notre-Seigneur est alors déclaré Fils de Dieu, sans aucune indication qu'auparavant il ne retail pas ou ne se considérait pas comme tel. 6. On veut aussi que la conception virginale soit contredite par le récit de Marc., m. 21. Les parents dc Jésus, croyant son esprit exalté, vinrent, un Jour, pour sc saisir dc lui. Parmi ces parents, on veut com­ prendre Marie, et de là conclure qu’un tel jugement porte par elle sur Notre-Seigneur exclut toute idée de conception virginale. En admettant, avec la plupart des interprètes, qu’il s’agit dans les deux versets, m, 21 cl ni, 31, des mêmes parents de Jésus, n’est-il pas évident que rien, dans le récit de Marc, n’oblige à admettre que Marie par­ tageait, relativement à son divin Fils, l’opinion défa­ vorable de ceux qui sont appelés ses frères? Le t. 21 attribue cette opinion .seulement à ceux qui, d’une manière générale, sont appelés les siens, ol παρ’αύτου. l’ne expression aussi générale ne comprend point nécessairement sa mère. Quant au fait de la présence dc Marie, très évident d’après le i. 31, il est sulllsamment expliqué par son affection maternelle: sans que rien autorise à l’interpréter dans cc sens qu’elle par­ tageait l'interprétation défavorable mentionnée au t. 21. 2· Argument — Le récit de la conception virginale est inauthentique parce qu’il ne cadre pas avec les deux généalogies de Notre-Seigneur, telles qu’elles étalent dans la rédaction primitive ou dans les sources utilisées par Matthieu cl Luc Dans celte rédaction ou dans ccs sources, il n’était point question dc la des­ cendance davidique qui ne fut jamais reconnue par Notre-Seigneur pendant sa vie publique. H n’était point question non plus dc la conception virginale qui n’a pu trouver place dans les documents publics uti­ lisés par Matthieu et Luc. ct qui est ainsi d’une époque postérieure. Réponse. — 1. On ne peut dire que la descendance davidique fût méconnue ou rejetée par Notre-Seigneur pendant sa vie publique. En entrant à Jérusalem, il se laissa proclamer ills de David. Matth., xxi, 9, 15 sq., comme auparavant il avait laissé l'aveugle de Jéricho se servir de la même appellation, Marc., x, 16 sq. Il est vrai que Jésus, argumentant avec les scribes et les pharisiens, leur posait celte interrogation : · Si David appelle le Christ son Seigneur, comment celui-ci est-il son iils? > Matth., xxn, 13 sq. En cela, le dessein dc Notre-Seigneur n’était point dc nier qu’il fût le ills de David, mais dc montrer que l’on doit croire à sa divinité·. Il n’y a donc pas lieu dc considérer la descen­ dance davidique comme méconnue par Notre-Seigneur. 2. Le fait que le récit évangélique est favorable à la conception virginale, tandis que les documents publics ont dû ne rien contenir en sa faveur, n’est point une preuve d’inauthenticité. Il suffit d’admettre l’exis­ tence de retouches faites par l’écrivain sacré, pour mettre les documents publics en harmonie avec le dogme de la conception virginale qui, ignoré au moment dc la naissance dc Jésus, était devenu mani­ feste par renseignement donné aux apôtres. Que l’on admette, ou non, l’inspiration divine dirigeant les pensées de l’écrivain sacré, l’existence de telles retouches n’a rien d’invraisemblable. NOl \ E\U TESTAMENT 23i'i .3· Argument. A l’authenticité de Luc., r, 34. 35, on oppose une antithèse, que l’on dit irréductible, entre la lilial ion divine exprimée dansées deux venct» et l’idée juive du Fils du Très-Haut, appelé, aux ver­ sets précédents, Fils de Dieu en tant que Messie, en tant que roi prédestine à gouverner, dans la paix cl dans la gloire, le peuple élu. Réponse. —· En vérité, il n’y a aucune opposition Tous ces passages expriment la môme filiation divine, comportant la consubstantialité du Fils avec le Père. Ainsi comprise, la filiation divine, bien qu’elle ne suit pas toujours explicitement afllrmcc dans chacun dn textes néo-testamentaires, résulte, avec évidence, dc tout leur ensemble.Voir Fils de Dieu, t. v, col. 2311 sq> Loin de contenir l’opposition irréductible qu'on lui reproche, le texte dc saint Luc marque une parfaite gradation : à une condition, c’est que l’on admette, comme le texte le fait entendre, la ferme résolution, prise par Marie, de garder une entière cl perpétuelle virginité. La manifestation de cette résolution amène la réponse dc l’ange, annonçant que cette virginité sera sauvegardée, parce que la conception aura lieu sans intervention humaine. O. Bardcnhewcr, Maria Verkündigung, Fribourg-en-B., 1905, p. 13. \· Argument. - - L’inaulhenlicité de Luc., i, 31, 35, résulte des assertions suivantes : — 1. Les deux particules έπεί, t. 31, el S’.o, t. 35, ne peuvent appar­ tenir à la rédaction de Luc. Elles ne se rencontrent dans aucun autre texte de Luc; ni dans son évangile, si cc n’est pour διδ, vu. 7, si toutefois l’expression y est authentique; ni dans les Actes. —2. Il y a un parallélisme évident entre le v 31, Ecce concipies in utero ct le t. 36; parallélisme qui s’oppose à cc qu'il y ait. dans la parole dc l’ange, l’interruption violente des tf. 31 et 35. Ces deux versets sont donc une interpolation. — 3. Le t. 35 est une répétition des tt. 31 ct 32. SI l’auteur était le même, il sc serait comporté très maladroitement. La répétition n’aurait point été faite pour expliquer la pensée ou pour lui donner plus dc force; l’effet produit serait plutôt disparate. Dans le premier passage, celui qui est promis est appelé un fils de David ct le fils du Très-Haut; expression qui n’a pas besoin d’explication ct sur laquelle on ne peut renchérir. Dans le second passage, celui qui est promh est appelé le Fils de Dieu, parce qu’il l’est par u naissance; on omet ainsi la filiation de David el l’on n’exprime aucun rapport précis avec cc qui précède. — I. Pour (pie la preuve par l’exemple d'Elisabeth, aux t V. 36 et 37. ail un sens véritable, il est nécessaire que, jusque-là. il n’ait point été question d’une nais­ sance par l’opération du Saint-Esprit. Pour Marie, ces paroles sont un gage que la merveille est accomplie, ct (pic Dieu a rendu possible ce qui était physiquement impossible. Si l’annonce de la conception parle SaintEsprit a déjà etc faite, la preuve nouvelle est faible rl incapable de convaincre. — 5. Enfin la réplique de Marie, si clic était authentique, conduirait à deux erreurs exégétiques : l’étonnement qu’elle éprouve à l’annonce de son enfantement n’aurait point de motif, puisque d'après le t. 31 elle est fiancée, cl l’in­ crédulité qu'elle manifeste, loin d’être punie, comme celle de Zacharie, serait récompensée. Réponse. 1. Le fait que έπεί et διδ ne sont employés que cette seule fois par Luc, n’est point une raison pour nier l’authenticité de ccs deux passage Autrement on devrait en rejeter beaucoup d’autres qui ne sont contestés par personne. Ainsi, selon Bardcnhewcr, op. cit, p 9, on ne rencontre qu’une fols dans le III· Evangile, el jamais dans les Actes, les expressions έπειδήπερ, έπε'.τα, μένουν, βποτε, τοΙυλ. Π en est de même des particules 8ή, διό, καΟά dans Matthieu. (Ι’έπεΙ. ναί, όπως dans Marc. d’fctvo» καίτοιγε. δκως, βπως. dans Jean. 2345 MARIE, VIRGINITÉ : OU V E A U T ESTA M E N T 2346 2. Loin d'empêcher le parallélisme des deux pas­ elles étalent appelées vierges seulement dans un sens sages cités. les tt. 31 et 35 font mieux comprendre la très large, t. i, p. 106, N'est-il pas évident que l'idée raison d'être de l'exemple d'Élisabeth au f. 36. Le même de la virginité était bien étrangère aux fables 'igne qui est donné à Marie, que cc qui est annoncé païennes, ou, dc la part de·» dieux, il e*t toujours s'accomplira, n sa pleine raison d’être dans la question question de volupté et très souvent de rapt ct de posée par Marie au ». 31. violence? Selon Harnack, la supposition d*Usenet, 3. Le t· 35 n'est pas une simple répétition dc 31 ct que le récit de la conception virginale est un mythe 32. Appelé par la question dc .Marie, il est en même païen ultérieurement accepté par les chrétien», contre­ temps une continuation ct une justification des paroles dit tonte la formation la plus ancienne de la tradition Et Filius Attissimi vocabitur, de 32. Quant à la descen­ chrétienne, qui est exempte de mythes païens. Ix dance davidique déjà atllrmée au i. 27, il n’était point critique allemand n'excepte que les mythes reçus nécessaire de la répéter de nouveau. depuis longtemps par les juifs, comme certains mythes I L'exemple d'Élisabeth n’est point une preuve ou babyloniens ct perses * ce que l’on ne peut appliquer un gage (tonné à Marie. H montre qu’en vérité rien à la conception virginale. Ishrbuch der bogmenn’est impossible à Dieu. Pour celte lin, il n’est point geschichte, 3· édit., 1.1, p. 96. nécessaire que la conception virginale n'ait pas encore D’ailleurs, comment les chrétiens qui professaient été mentionnée. L’exemple est, d'ailleurs, très oppor­ une telle opposition au paganisme, lui auraient-ils tun à cause de la parenté entre .Marie ct Elisabeth. emprunté un dc leurs dogmes? Comment, surtout, 5. La principale erreur exégétique est ici du côté auraient-ils pu réussir à le (aire accepter partout, de ceux qui sont surpris de la question posée par même par les chrétiens venant du judaïsme, st con­ Marie. L’erreur consiste à ne voir en Marie qu’une traires a tout ce qui provenait du paganisme? fiancée ordinaire, tandis que le t. 27 la déclare vierge, 3. Non moins inadmissible est l'influence attribuée ct que le t. 31 manifeste sa ferme résolution dc rester aux idées juives dans la formation du dogme dc la vierge. — On commet aussi une erreur exégétique conception virginale: que ccs idées aient été laissées en comparant la prudente interrogation dc Marie avec à leur propre action, ou qu’elles aient été aidées par la réponse si répréhensible dc Zacharie. le travail des hclltno-chrélicns. Laissées â elles seules, 5· Argument. — L’inauthcnticité des tf. 31 ct 35 dit encore Loisy, les idées juives n’auraient pu donner est encore prouvée par le fait bien significatif de naissance à la concept ion virginale. On ne démontre l’ignorance que témoigne Marie au sujet de la mission pas que l'idée dc la conception virginale du Messie, de Jésus, Luc., n, 18 sq.; fait inconciliable avec la dans le sens strict des mots, ait été antérieure au connaissance de la conception virginale. christianisme. Le texte d’Isaïe, vu, L a pu fournir un Ripense, — Les paroles de Marie rapportées par appui à celte idée: Il n’aurait jamais pu la créer. Les saint Luc ne prouvent aucunement que Marie ne con­ évangiles synoptiques, t. i, p. 196. voir aussi, p. 338. naissant point la mission divine de Jésus ignorait, par Pas plus chez les juif’» du i,r siècle de l’brv chrétienne le fait même, sa conception miraculeuse. Marie mani­ que chez ceux des époques antérieures, on ne ren­ feste seulement le désir de connaître la raison d’un contre aucune attestation que le texte d’Isaïe ait acte qui lui cause une telle surprise, en meme temps jamais etc compris dans le sens précis de la concep­ qu’une si vive douleur. Dans sa réponse, Jésus rappelle tion cl dc la naissance virginale du Messie Le sens sa filiation divine non pour instruire Marie, dont il a été rendu manifeste par la réalisation de l'événe­ n’y a aucune raison de suspecter la foi, mais pour ment, lel que l'Evangile le rapporte: cc n'est pas le montrer la pleine légitimité et le motif très élevé dc texte d’Isaïe qui a donne naissance a l’idée. Bardcnhe­ son acte. Il est vrai que Marie, d’après la suite du wcr, op. cil., p. *23. texte, ne saisit point toute la portée de ccttc réponse Ce que les idées juives n’ont pu accomplir par ellesdc Notre-Seigneur. Par là l’évangéliste veut seulement mêmes, ont-elles pu le fain' avec l'aide des Idées hclaffirmer, chez la mère de Jésus, l’absence d’une com­ léno-chréticnnes provenant de la mythologie païenne? plète connaissance de la volonté dc Dieu sur la M Loisy prétend le prouver parce que, dit-il, l’idee manière dont s’accomplirait la mission de son divin d’une lilial ion divine réelle ayant cté ajoutée par les 1 ils. hcllcno-chrétlcns aux données de l’An ien Testament, 6· Argument, — L’inauthcnticité des textes dc saint rien ne s'opposait désormais à ce que l’idee de concep­ Matthieu cl de saint Luc est confirmée par le fait que tion virginale, suggérée ainsi par la foi hellénole dogme de la conception virginale est dc formation chré tienne, s’inspirât dc formules empruntées aux plus tardive; que cette formation sc soit accomplie juifs, notamment d’Isaïe, vn. L Suivant lui. dans ce sous l’influence directe de la mythologie païenne, ou sens et avec cette mesure. on peut admettre une sous l’influence d’idées juives, transformées elles- influence des mythes païens et concilier la négation de Harnack avec l’alllrmation dc Gunkel. t*cncr, mêmes par la pensée helléno-chrétienne. Réponse, — 1. On a montré, à l’article Dogme. Cheyne. Les évangiles synoptiques, l. i, p. 339 sq.; combien inadmissible est la théorie moderniste dc la 196. Ainri l'auteur aboutit à celle contradiction formation de tous les dogmes chrétiens par le travail formelle, que la mythologie païenne, impuissante par successif des generations chrétiennes. Il est d’ailleurs elle-même à fournir l’idee dc la conception virginale, a cependant été, dans sa formation, un facteur décisif, bien certain que les principes sur lesquels on veut appuyer ces théories, sont des principes non démontrés en déterminant le sens de concepts juifs restés, jus­ cl non démontrables, qu’une saine cl sage critique ne que là, inopérants. peut donc accepter. Voir t. iv, col. 1637 sq.; 1583 sq.; L Dc quelque manière qu'elles soient présentées ct soutenues, toutes les suppositions des adversaires 1599 sq. sont en opposition avec les faits. Loin d'apparaltre 2. L’influence attribuée à la mythologie païenne dans la formation du dogme de la conception virginale comme une doctrine dc formation purement humaine, est exclue par le contraste si marqué entre les légendes le dogme de la conception virginale est constamment mythologiques cl le dogme chrétien, contraste si affirme comme provenant de la révélation chrétienne. évident, qu’il est admis par des critiques comme Loisy Toute la tradition catholique l'atteste, ainsi que nous cl Harnack. Suivant Loisy, l'hypothèse d’un emprunt le verrons, depuis saint Ignace d’Antioche rl saint direct à la mythologie ne parait pas vraisemblable, Justin au n· siècle jusqu'à notre époque. 5. Concluons, qu’en bonne critique aucun des /zi évangiles synoptiques, 1.1, p. 339, voir aussi p. 110. 196. SI la mythologie connaissait des déesses-mères. arguments opposés à l'authenticité des deux récits 2347 MARIE. VIRGINITÉ: NOUVEAU TESTAMENT de saint Matthieu cl de saint Luc n’est valable. L'au­ thenticité reste donc certaine. Parmi 1rs auteur» catholiques récents qui défendent rnulhentlcité des deux textes évangéliques, on peut consul­ ter particuliérement : Knnbenbàucr, Commentarius in rnangelium ter. Maltha um, Paris, 1922, .3’ édit.· p. 119 sq»; Ktrclu nlrxiam, 2* édit., Fribourg. 1893, article Maria, I. vm*. Catholic Encyclopedia, New-York. 1912, t. xv, p. 460; L. de Grnndmahon, Im conception virginale du Christ, dans 1rs Études, 1907, I xci, p. 503 sq.; A. Durand. L'évangile de l'enfance, 1908, p. 86 sq.; E. Mangcnot, Les évangiles synoptique*. Paris. 1911. p. 89 sq.; M.-J. l^igmnge, La concep­ tion surnaturelle du Christ d'après saint Luc, dans Beuuc biblique, 1911. p. 60 sq., 188 sq.; voir aussi du mémo auteur, même revue, 1895, p. 160 sq.; 1906, p. 503 sq.; 1907. p. 116 sq.; 1909. p. 60 sq., 188 sq.; Steininann, Die jungfraulichc (itburl des ilerrn, Munster, 1916 ; Jesus der Jung· (rauensohn und die alloricntalische Mythe, Munster, 1917; Steinmct/rr, Jésus der Jung/rauensohn und die allorlcntallsche Mythe, Munster, 1917; IlOpil, Introductio specialis in libro* Λ’οοί Tr \tamenli, Su’Ineo. 1922, p. 68; A. MédeblcHe, art. Annonciation, dans Je Supplément du Dictionnaire dr la Bible de L. Pirot. Paris, 1926, t. j, col. 271 sq. Parmi 1rs auteurs non catholiques qui défendent cette même authenticité nous citerons : Godet, Commentaire sur l'évangile de saint Luc, 2' édit., 1888, t. T, p. 186 sq.; (.h. (tore, Dissertations on subjects connected with the Incar­ nation, Londres. 1907; Briggs, The virgin birth o/ Our Lord, dans American Journal of Theology, 1908, t. xxii, p. 189 sq,; Hastings, Dictionary of the Bible, t. it, p. 105 sq., 156. 613 sq.. 616 sq.; Protest. Healencyklopadie, 1900, t. vm, p .575 sq., t. XU, p, 311 sq.; '1 hr international standard Bible Encyclopedia, Chicago, 1915, t. v, p. 30.53 sq. 2’ La conception virginale enseignée pur lex deux textes de saint Matthieu cl de saint Luc. Etudions successivement les deux textes : 1. Texte dc saint Matthieu, i. 20 sq. — Joseph pli David, noli timere accipere Mariam conjugent tuam; quod enim in ea natum est dc Spiritu Sancto est. — Pour mettre lin aux douloureuses incertitudes de Joseph et rengager à recevoir Marie comme épouse, • n la conduisant dans sa propre demeure après l’année des fiançailles, l’ange atteste (pie cc qui a été engendré en elle est l’œuvre de Saint-Esprit. C’est donc le fruit du sein de Marie puisqu’il a été engendré cn elle; mais tout s’est accompli par l’action du Saint-Esprit. Par cet éclatant témoignage rendu â la virginale conception de Jésus, l’ange écarte, au nom de Dieu, l’incertitude de Joseph. Au témoignage du messager divin, l’évangéliste inspiré ajoute sa propre al lest al ion : il déclare que la conception, ainsi produite par l’opération du SaintEsprit, est l’accomplissement de la prophétie d’Isaïe : Ecct virgo in utero habebit ct pariet filium et vocabunt nomen ejus Emmanuel quod est interpretatum Nobiscum D Hébreux, quand furent frappés par Dieu le premier-né de Pharaon et les premiers-nés des Egyptiens. Ex., xiii, 1-16; xxxiv, 19 sq.; Lev., xxvm, 26; Num., vm, 16; xvm. 15. C’est aussi le sens de saint Luc, disant que Jésus devait être présenté au temple secundum consuetudinem legis, ιι, 23-27. Voir particulièrement S. Ambroise, In Lucum, II, 6, P. L.. t. xv. col. 1555; S. Jérôme, De perpetua virginitate IL Marite, 10, P. L., t. xxiii, col. 192 sq.; S. Thomas. Sum. theoL, IIP, q. xxvm, a. 3, ad 4um ; Dictionnaire de la Bible, art. Premier-né; Revue biblique, 1894, p. 57; M.-J. Lagrange, Évangile selon saint Matthieu, Paris, 1923, p. 17. I. La virginité perpétuelle de Marie n est point contredite par l’expression antequam convenirent, Matth., 1.18. Elle signifie que les deux fiancés n’avaient pas encore habité ensemble: la cohabitation avait lieu seulement après lu solennité du mariage, qui consistait dans la conduite publique de l'épouse à la maison de l’époux. S. Jérôme, De perpet. virgin., I. P. !... t. xxui, col. 186. Le double événement de la solennité du mariage cl de la cohabitation s’accomplissait seule­ ment Λ la lin dc l'année des fiançailles, qui n’était pas encore révolue. Les deux événements sont indi­ qués par les paroles : Et accepit conjugem suam, Matth., i, 16; voir Lagrange, op. cil., Paris, 1923, p 9-11. 5. On ne peut non plus objecter la phrase non cognos­ cebat eam donec peperit filium suum primogenitum, Matth., f. 25. Elle signifie seulement que le fait n’avait point eu Heu avant la révélation faite Λ Joseph L'absence du fait, pour la période antérieure, nous fait entendre qu’à plus forte raison, après la divine manifestation du mystère accompli cn Marie, il n’eut point lieu. S. Jérôme, Dc perpet. virgin., I, 7, P. Λ., t. xxni, col. 189. D'ailleurs, comment une telle violation dc la ferme resolution émise par Marie, Luc., I. 31, cût-ellc pu sc produire? Lagrange, op. Cit.. p. 17. zzz, z;\5AZ/;.va j/A-.vr /ΜΤΛ/θΤζασΛ ou ri/r.oLoanp t: fOXCEllXAXT LA MATERMrf: ni Y!XL 1»· période, depuis les temps apostoliques jusqu'aux conciles d'Éphèse (131) et de Chalcédoine (151). Celte période est caractérisée au ir cl au ni· siècle par une allinnation évidente du dogme de la maternité divine, bien que l’expression ne soit pas formellement employée, et au iv· ainsi qu’au commencement du v siècle, par l’emploi habituel de l'expression Mère de Dieu. 2350 1. Λα π· et au m* siècle, renseignement tradition­ nel est particulièrement dirigé contre les erreurs attri­ buant à Jésus un corps seulement apparent, ou du moins un corps non matériel comme le nôtre, cl qui n'aurait fait que passer par Marie, sans être formé dc sa substance. Voir Docètes, I. iv, col. I486. Si les gnostiques admettaient parfois la naissance de Jésus ex Maria, cc n’était qu’en parole. Avec leur distinc­ tion entre Jésus né dc .Marie, et le Christ descendu cn Jésus au moment de son baptême. Us niaient véri­ tablement que le Verbe divin sc fût Incarné en .Marie, Voir col. I486. 1493 sq. Pour combattre efficacement ces erreurs gnostiques. saint Ignace d’Antioche (f 107) affirme cn même temps ces deux vérités; Jésus est né έκ Mxphçou έκ παρθένου. et Jésus, né dc Marie, est Dieu. Eph., vu. 2; xv. 2; Smyrn., i, L D’où résulte clairement la maternité divine. Ignace dit même que notre Dieu Jésus-Christ, έκυοφορήΟη ύτΛ Μαρίας, in utero gestatus est a Maria. Eph., xvm. 2. cc qui exprime effective­ ment la maternité divine. Saint Justin dit aussi que le Elis de Dieu a été enfanté, άποκυ/;0είς· ΛροΙ., n. 6, P. G., L xi. col. 153. Cc qui était chez maternité divine, surpassant omnem altitudinem qua: Voir Ciiai.cédoink (Concile de), t. n, coi. 2195. On a post Deum dici vel cogitari potest. De excellentia beaUe d'ailleurs montré précédemment, voir Ciialcédoine Mariæ, n, P. L., t. eux, col. 559. Dans la suite les (Concile de), t. n, col. 2205 sq.; Evtycüès, l. v. col. théologiens reproduisirent et commentèrent fréquent1591 sq., que les assertions d’Eutychès, portaient ment l’affirmation de saint Anselme sur l’union intime véritablement atteinte à la maternité divine de Marie. de Marie avec les trois personnes de la sainte Trinité. Le concile avait donc le devoir de défendre cette La relation intime de Marie avec Dieu le Père fut renglorieusc prerogative. due plus manifeste par cette assertion de saint Thomas 2· période. enseignement concernant les principales qu'il y a en Jésus-Christ une seule filiation apparlcconclusions théologiques déduites du dogme de la mater- nanl a la personne éternelle du Verbe, mais avec deux nité divine, depuis le V· siècle jusqu9Λ l'époque actuelle. relations, une relation réelle entre Dieu le Père — Pendant toute cette période, il n’y eut aucun et le Verbe, et une relation de raison entre Marie et développement du dogme de la maternité divine (pii le Verbe, Sum. theol., I ! Iu, q. xxxv, a. 5; opinion dès avait atteint, à l’époque des conciles d’Éphèse et de lors communément suivie par les théologiens. Chalcédoinc, tout le perfectionnement dont il était En expliquant la relation intime que la maternité susceptible. divine établit entre Marie et le Verbe incarné, on On ne fit que reproduire la doctrine du iv· et du s'attacha surtout à montrer que la dignité ainsi v· siècle,en l’adoptant à la méthode scolastique comme conférée à Marie est une dignité, en quelque sorte, le fit S. Thomas, Sum. theol., 11IM, q. xxxv, a. 4, infinie, surpassant de beaucoup toutes les dignités ou en l'entourant de toutes les preuves scripturaires créées. C'est l’enseignement formel de saint Thomas, ou patristiques fournies par la théologie positive. Parce qu'elle est mère de Dieu, la bienheureuse Vierge comme l’ont fait beaucoup de controverslstcs catho- a une dignité infinie, habet dignitatem infinitam ex liques, depuis le xvi· siècle. Mais il y eut un progrès bono infinito. Sous ce rapport, il ne peut rien y avoir dans le développement des conclusions déduites du de meilleur, comme rien ne peut être meilleur que dogme de la maternité divine. C'est ce progrès que Dieu. Sum. theol., P, q. xxv, a. G, ad 4um. Celte dignité nous esquisserons, en notant, du moins pour les con- n’est donc pas Infinie sous tout rapport, puisqu’elle elusions les plus importantes, les lignes principales du est possédée par une créature. Elle est Infinie, parce mouvement théologique. que le terme de la conception est la personne même du 1. L'éminente dignité de la maternité divine et les con· Verbe hypostatlqucmcnt unie ù la nature humaine quences immédiates qui en découlent. — Du v· à la formée dans le sein de Marie, III*, q. xxxv, a. 4; fin du xt· siècle, l'éminente dignité de la maternité et qu’en Jésus il n’y a qu’une seule filiation, a. 5. L'enseignement de saint Thomas est communedivine est contenue dans des affirmations générales qui, selon la pensée de leurs auteurs, visent non seulement ment suivi dans les siècles suivants. Comme lui rt dans le même sens, au xv· siècle, Denys le Chartreux les perfections de Marie, mais sa dignité elle-même. Parmi ces affirmations, nous citerons principalement (t 1471), De pnrconlo et dignitate Maria, 1. 1, a. 8, les suivantes : Marie surpasse toutes les créatures. Opera, Tournai, 1908, t. xxxv, p. 484, au xvi· siècle, même les anges; Marie n’est inférieure qu'à Dieu; Barthélémy de Medina (t 1581), Expositio in rien dans les créatures ne peut être comparé à Marie; D. Thomiv, q. xxxv, a. 4, Venise, 1590, p. 422, cnscl· le Créateur seul la surpasse. S. Proclus (f 136), Oral., gnent que la maternité divine est une dignité en v. Laudes in S. Virg. Deiparam, 2, P. G., t. lxv, quelque sorte infinie. Comme saint Thomas, l’on col. 717 sq.; Pseudo-Épiphane, probablement du vu· affirme aussi que la dignité de la maternité divine ou du lx* siècle, IIomiL, v, in laudes S. Marite Dei· .surpasse toutes les dignités créées : Raymond Lullc para:, t. xuu, col. 192; S. Germain de Constantinople (t 1315). De. laudibus Ii. V. Mariæ, xj, Paris, 1499, (t 710), Epist., n. Ad Joan. Synadensem. t. xcvm, fol. 21; Gerson (t 1129), Sermo in die circumcisionis, col. 160; Georges de Nicomédle (f 879), Homil·, vi. Opera, Anvers, 170G, t. n, col. 55; S. Bernardin de In SS. [Deiparae ingressum, t. c, col. 1137; Pierre Sienne (f 1 I t l), Sermones pro festivitatibus sanctorum d’ Argos (f 890), Oral, de conceptione S. Annar, 14, l. αν, et immaculatæ V, Marite, serm vm, a. 3, c. i, Opera coi. 1364; Pseudo-Pierre Damien, Serm., xuv, In omnia, Paris, 1635, 1. iv, p. 131. nativitale D. V. M., P. L., t. exuv, coi. 738. On remarCependant, à la lin du xv· siècle, Gabriel Did quera particulièrement l’expression de saint Jean voulant prouver que Marie a pu mériter d’un mérite Damascene (t 750), affirmant qu’il y a une différence strict de condigno la maternité divine, s’appuya, incommensurable ou infinie entre la mère de Dieu et entre autres arguments, sur celle affirmation que la ses serviteurs, αλλά γε το διάφορον άπειρονδού λων gloire du ciel est un bien plus grand, ou n’est ccrtalneΟεοΰ καί μητρός. De dormitione Deipara V. Mariæ, ment pas un bien moindre que la maternité corporelle Oral, i, 10, P. G., t. xevi, col. 716. de Marie. Affirmation prouvée, selon lui, par les A la fm du xi* et au commencement du xn· siècle, 1 paroles de Notre-Seigneur, Matth., xil, 48 sq., 2357 MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONCLUSIONS TIIÉOLOCIQLES préférant ù la maternité corporelle de Marie la mater­ nité spirituelle contractée avec Dieu par une entière conformité ά sa volonté. In J//urn Sent., elisi. IV, a. 3, dub. iu, p. 2, Brescia, 1571, p. G7 sq. Un peu plus tard Vasquez (f 1601), en réfutant l'assertion de Blcl, s’appuie uniquement sur cet argument, qu'un mérite strict de Marie, vis-ù-vh de la maternité divine, ne pouvait exister, parce que la grâce el les actes méri­ toires de Marie n'étalent point ordonnés par Dieu à une telle récompense, non erant condigne ordinata et relata ad illud genus prumii. Sans cet obstacle Marie aurait donc pu mériter la maternité divine. On ne peut d’ailleurs, pour cette maternité, raisonner comme on le fait pour l'incarnation, évidemment supérieure à tout mérite, In III*™ S, Thonuc, disp. XXIII, c. n, Lyon, 1631, t. i. p. 178. Suarez tenta de tout concilier par une distinction. SI l’on compare, dit-il, les deux dignités de la mater­ nité divine et de la filiation divine adoptive de manière à séparer entièrement l’une de l’autre, la filiation divine adoptive doit être préférée, comme le démon­ trent les arguments apportés en faveur de cette opi­ nion. Si donc la maternité divine devait exister sans la grâce et sans la filiation divine adoptive, la filia­ tion divine serait bien préférable. Mais si l’on considère la maternité divine comme comprenant tout cc qui lui est dû selon le plan providentiel actuel, elle l'emporte certainement sur la filiation adoptive, comme le montrent les arguments apportés en faveur de la transcendante supériorité de la maternité divine. In 111*™ S. Thonur, t. n, disp. I, sect, n, n. 6 sq. La distinction de Suarez fut adoptée par plusieurs théologiens, parmi lesquels Novato (fl 64 8), De emi­ nentia Deiparæ Virginis Maria, t. i, c. vm, q. ix, 2· édit., Borne, 1637, t. r, p. 209 et Christophe de Vega (t 1672), Theologia mariana, Naples, 1866, t. n, p. 318 sq. Plusieurs même suivirent entièrement l'opi­ nion de Blcl comme les Salmanticenscs, Cursus theolo­ gicus, tr. XIII,disp. 11,27; tr. XIV, disp. IV. 117 sq. La plupart, s’appuyant sur cc principe, que la maternité divine appartient véritablement à l’ordre hypostatique, et que tout cc qui appartient ù l'ordre hypostatique surpasse incomparablement les dons de la grâce quels qu’ils soient, continuèrent ù admettre au xvn· siècle et dans les siècles suivants, que la maternité divine même considérée seule, même séparée de la grâce sanctifiante si, par impossible, cela pouvait sc réaliser, surpasse, du moins comme dignité, la filiation divine adoptive. Sylvestre de Saavedra (t 1655). Sacra Deipara seu de fmint nllsslnui dignitate Dei genitricis Immaculatissimi»-. vestlgnt. l, disp. XXIV, sect, i, n. 1086, Lyon, 1655, p. 203 sq.; Jean Martinez de Bipnlda, De ente supemahirali disputation# theologlcæ, l. IV, disp. I XXIX, sect, vn, Puris, 1870, t. n,p.67 sq.; Georges 23G2 a. 1 cl 6, ad lDm. Saint Thomas n'applique point ce principe à la possession pour Marie, de l'usage per­ manent du libre arbitre avant, sa naissance. Pour lui, ce privilège est exclusivement réservé a Notrc-Seigneur, a. 3, 6. Quelques réserve* sont fades aussi relativement à l'usage de plusieurs grâces gratis datte. Depuis saint Thomas jusqu’à la seconde moitié du xvn1 siècle, le principe souvent elle par les théologiens est habituellement compris avec quelques réserves, notamment en ce qui conceme.cn Marie, les grâces gra­ tis data· ou la perfection des connaissances naturelles. Nous citerons, à litre d’exemples : Durand de. SaintPourçain. In I1 Sent., dbl. Ill, q. n ; Raymond Jordan (t 1381 ), Contemplationes de beata Virgine. p. n, cont. 3, dans la Summa aurea, t. is, col, 877; Denys le Chartreux, De dignitate et laudibus li, V. .V., il, 18, Opera, Tournai, 1908, t. xxxvi, col. 524 sq.; Grégoire de Valence, Commentaria in //F® S. Thomie, disp. I, q. i, p. 5, Lyon, 1603, t. iv, col. L38;Vasqucz, In lll*Di, disp. CXIV, c. ni, 15; disp. CXIX, c. m, 17; Suarez. In 111*°*, t. n, disp. III. sect, v, 30; disp. XIX, sect.iv, n. 2; Novato, op. cil., t. n. p. 296; Vega. op. cit., t. i, ' p. 375 ; G. de Rhodes, op. cit., t. n, p. 211. Au xvn· siècle, Théophile Raynaud dit expressé­ ment que le principe est vrai en ce sens qu’il n’y a aucun don communiqué à quelque saint, et apte à mettre en relief la sainteté ou la pureté de Marie ou son union intime avec Dieu, qui ne lui ait été conféré. Quant aux autres dons cl privilèges, même s'ils ont été concédés ù d’autres saints, il n’y a aucune nécessité de les attribuer à Marie, op. cit., I. vu, p. 13 sq. — Après le xvn· siècle, comme nous l’avons déjà constaté pour la première formule, les théolo­ giens continuent â montrer, au moins pratiquement, qu’ils admettent quelques restrictions nu principe général. I. Coopération instrumentale de Marie à la produc­ tion de l'union hypostatique. - Au xvn· siècle, plu­ sieurs théologiens admettent, comme conséquence de la maternité divine, ou au moins comme faveur qui lui avait été bénévolement annexée par Dieu, une coopération active, quoique simplement Instrumen­ tale. à la production de l’union hypostatique. Ils s’appuyaient sur ce raisonnement, qu’une telle coopé­ ration, dès lors qu’elle doit être considérée comme possible et qu'elle est très honorable pour Marie, doit être admise. Possible, suivant eux, cette coopération doit l’être, parce que l’union hypostatique a été réali­ sée avec le secours de quelque mode substantiel crée ne dépassant point, d’une manière absolue, les forces de toute activité créée. Très honorable pour Marie, cette coopération, suivant eux. l’est aussi, puisque Marie, comme instrument choisi cl aidé par Dieu, est ainsi associée â une très sublime opération divine. Nous citerons particulièrement : Novato. De emi­ nentia Deipara· virginis Maria. Rome, 1629, l. i, p. 1S7 sq.; Christophe de Vega. Theologia mariana, Naples, 1866. t. n. p 281 sq. ; G de Rhodes. Disputa­ tiones theologia· scholastica·, tract. \ HL de Maria Del· para, Lyon. 1661, t. n, p. 198 sq. A l’encontre de celle opinion. Jean de saint Tho­ mas, In 11DUI S. Thoma·, q. u. disp. V, a. 3, Gonct Chjpeus theologica· thomistlcae, Tract, de incarnatione Verbi divini, disp. \ II, a. 1. k>Sulmanticenscs. Cursus theologicus. Tract. Λ'XI. De incarnatione, disp. XI, η. 16 sq., Contcnson, Theologia mentis et cordis, I IX, dissert. IL c. 11. spéculai. 3, Paris, 1875.1, in, p. 36 sq., soutiennent. Λ ccttc même époque, que l'hypothèse d’une telle coopération instrumentale de Marie à la product ion de l'union hypostatique doit être rejetée, comme contraire à la véritable conception théolo­ gique de l’union hypostatique. Gar il est bien certain que l’union hypostatique 2363 MARIE, MATERNITÉ DIVINE : CONCLUSIONS THÉOLOGIQUES consiste en cc que la nature humaine, assumée par le Verbe, est régie par sa divine subsistence, sans l’inter­ médiaire d’aucun mode substantiel, quel qu’il suit; sans que cette nature humaine possède une existence humaine. Dès lors, toute coopération, même instru­ mentale, de Marie, réalisable seulement pour quelque chose de créé ct de fini, est absolument impossible, comme la coopération, même Instrumentale, d’une créature â l’acte divin de la création est déclarée impossible. — D'ailleurs pour qu’une causalité instru­ mentale fût possible de la part de Marie, on devrait admettre un sujet recevant cette causalité. Ce sujet ne peut être le Verbe divin qui, acte pur infini­ ment parfait, est incapable de recevoir aucune modi­ fication. Cc sujet ne peut être non plus la nature humaine de Jésus, de quelque manière qu’on la considère. Pour cela, elle aurait dû exister indépen­ damment du Verbe avant l'union, ou être intrinsè­ quement modifiée dans l'union elle-même par quelque mode substantiel, à la production duquel Marie aurait instrumentalemcnl coopéré. Hypothèses inadmissi­ bles. Même un instant d’existence indépendante avant l'union, la nature humaine de Jésus n’a pu l’avoir; sinon l’union ne se serait point faite in persona, comme l’exige le dogme catholique. Quant au mode substantiel que l’on propose, il détruirait l’économie intime de l’incarnation et la notion vraie de la personne unique du Verbe incarné. — Cette solide argumen­ tation parait avoir rallié au xvm· ct au xix· siècle le suffrage commun des théologiens. 5. La maternité divine considérée comme foiima ex se justificans.— Au xvn· siècle, Ripalda(f 1G18) sou­ tint que la maternité divine, considérée en elle-même ct sans la grâce sanctifiante qui doit l’accompagner, suffisait à elle seule pour écarter tout péché, ct pour rendre Marie digne de la vie éternelle, et capable d’ac­ quérir des mérites surnaturels pour elle-même et pour le reste de l’humanité. De ente supernatural^ I. IV, disp. LXXIX, Paris, 1870, t.h, p. 59 sq. Selon Ripalda, cette affirmation théologique exige que l’on admette préalablement que la grâce sanctifiante n’est point une participation physique à la nature divine, ct que l’incompatibilité entre la grâce sanctifiante ct le péché ne provient point de la nature intrinsèque de la grâce sanctifiante, mais de la libre institution de Dieu, qui accepte bénévolement la grâce sanctifiante comme écartant le péché et donnant droit à la récom­ pense éternelle, p. 50. L’argumentation de Bipalda tient tout entière en cc raisonnement théologique longuement exposé ct répété sous diverses formes : la maternité divine, considérée en elle-même, surpassant éminemment toutes les dignités créées, ct dès lors aussi la grâce sanctifiante, doit posséder, d’une ma­ nière bien supérieure, toutes les propriétés de la grâce sanctifiante. Elle doit donc, bien plus parfaite­ ment que la grâce sanctifiante, être la cause formelle de la sainteté en écartant le péché, en rendant digne de la récompense éternelle et en rendant apte à acqué­ rir des mérites surnaturels, p. 67 sq. C’est en ce sens que l'on doit interpréter la tradition catholique affir­ mant l'absolue suréminence de la maternité divine, p. G5 sq. On remarquera que l’auteur revendique seulement pour son opinion une sérieuse probabilité, p. 50,65, 96, sans préjudice d'autres explications qui peuvent aussi avoir leur probabilité. Cette opinion nouvelle rencontra quelques approba­ teurs, parmi lesquels, au xvn· siècle, Saavedra, op. cit., p. 252. ct Vega, op. cit., t. n, p. 326 sq., au xvm* siècle, Sedlmayr, op. cil., dans la Summa aurea, t. vn, p. 1311 sq. Mais les contradicteurs furent beaucoup plus nombreux; parmi eux se distinguèrent surtout Georges de Rhodci et Théophile Raynaud. Selon Raynaud, la nature de la grâce sanctifiante, telle 236'. qu’elle est supposée par l’opinion nouvelle, ne peut être admise. Ce n’est point par la seule acceptation divine, mais par sa propre nature intime que la grâce sanctifiante écarte le pèche, rend digne de la récom­ pense éternelle ct capable d’accomplir des actes méri­ tant cette récompense. Les arguments de Ripalda prouvent uniquement la sublime transcendance de la maternité divine; ils ne prouvent d’aucune façon qu'elle possède formellement toutes les qualités inhérentes à la grâce sanctifiante, D’ailleurs, si l’on admettait cette thèse, on devrait conclure, ù l'encontre de la doctrine théologique commune, que Marie est physi­ quement et Intrinsèquement impeccable : privilège qui appartient de manière exclusive â la seule humanité de Notre-Seigneur. Diptycha mariana, Opera, t. vn, p. 202 sq. Voir aussi Conlenson, Theologia mentis cl cordis, 1. X, diss. VI, c. n, spéculât. 2, t. m, p. 284 sq. Aussi presque tous les théologiens, au xvm· et au xix· siècle, sans tenir compte de l'opinion émise par Ripalda, continuent à affirmer, d’une manière au moins incidente» l'enseignement théologique tradi­ tionnel. P. Hugon, Tractatus de IL Virgine Deipara, Tractatus dogmatici, Paris, 1920, t. m, p. 427 sq. 6. Permanence constante dans le corps de Jésus-Christ sur (a terre, dans la sainte eucharistie cl dans la gloire du ciel, de quelque partie de la substance corporelle reçue de Marie. — Vers la fin du xvi· siècle, Suarez admit comme une faveur providentielle toute spéciale, très possible et probable, que quelque partie, du moins, de la substance corporelle que Jésus avait immédiate­ ment reçue de Marie, ne fut jamais entièrement aban­ donnée par lui, ni transformée par aucune cause natu­ relle, et qu’elle garda toujours son identité première, eamdcm omnino fuisse semper conservatam Verbo Dei unitam, in Z//am .S’. Thonur, t. n, disp. I, sect, n, n. 2. La même opinion fut soutenue par Novato relativement au corps de Jésus-Christ pendant sa vie terrestre, op. cit., I. ii, p. 292; par Vega pour le corps de Jésus-Christ dans la sainte eucharistie ct au ciel, op. cit., t. n, p. 222 sq.; par G. de Rhodes pour le corps glorieux de Jésus au ciel, op. cil., t. il, p. 119. Contre cette opinion combattirent résolument, au xvn· siècle,Théophile Raynaud, au xvm·, Benoit XIV. Suivant Raynaud, si l'on tient compte de la manière dont la conception virginale s’est accomplie, il n’est point exact de dire que la chair même de Marie est formellement cl immédiatement devenue chair du Verbe incarne; la proposition est vraie non fonnaliler sed causaliter. I’ n’est point vrai non plus que la subs­ tance corporelle puisse garder une identité constante, en dehors d’un privilège spécial que l’on ne prouve point, cl qui devrait empêcher l’action incessante des agents naturels de détérioration et d’assimilation nouvelle. Au jugement de Raynaud, il est hérétique de dire, en parlant de la sainte eucharistie, que le corps de Jésus est le corps de Marie; car les deux corps appartiennent à des personnes distinctes D’ailleurs, l'honneur rendu est différent ; au corps de Marie est dû seulement un culte de dulic, tandis que le corps de Jésus est adoré d’un culte de latrie. Cependant nous recevons, dans la sainte eucharistie, le corps de Jésus qui est né de la vierge Marie, Diptycha mariana, Opera, t. vu, p. 65 sq. Benoit XIV mentionne la condamnation portée peu de temps auparavant par la S. C. des Rites contre la doctrine de Zéphyrin de Somcirc, soutenant dans son Liber de cultu erga Deiparam in sacramento altaris, que quelque partie de la substance corporelle, jadis possédée par Marie, est identiquement conservée dans le corps eucharis­ tique de Notre-Seigneur. Cette doctrine fut jugée erronea, periculosa et scandalisa, et le culte que l’on voulait, en vertu de cette doctrine, rendre â la très sainte Vierge dans l'eucharistie fut réprouvé. De 4 231»'· MARIE, ΜΑΤΙ.UNITÉ DIVINE urvorum Del beatiflea! ione, I. IV, part. II, c. xxxr, 32, Optra, Prato, 1841, I. iv, p. 711. Il est vrai que le corps de Jésus-Christ, qui est dans la sainte eucharistie acte formé dans Je sein de Marie, mais on ne peut pas dire que c’est une partie de sa substance; ou qu’il y a dans le corps de Jésus une partie de la substance du corps de Marie, puisque les deux corps sont distincts ct appartiennent Λ des personnes dilTércntes. On sup­ pose d’ailleurs faussement, que le corps de Jésus a été formé par une sorte de division de la substance cor­ porelle de Marie; tandis que Marie, par la conception virginale, a seulement fourni la matière très pure de laquelle, par l’opération du Saint-Esprit, le corps de Jésus a été formé, p. 710 sq. Enfin les formules attri­ buées â quelques Pères, caro Christi, caro Maria, ou formules semblables, doivent .s’entendre en cc sens, que le corps de Jésus provient île celui de Marie, comme il est dit dans l’Écriture que Notre-Seigneur est ci semine David secundum carnem, p. 711. Ainsi com­ battue par Haynaud ct Benoît XIV, cette opinion ne paraît point, depuis cette époque, avoir laissé de trace sérieuse. Nous mentionnerons seulement la citation du texte de Benoît XIV faite par Newman dans sa réponse à Puscy, Certain difficulties felt by anglicans in catholic teaching considered, t. n, p. 165 sq. Conclusions théologiques déduites de renseignement traditionnel relatif à la maternité divine. — Après avoir étudié l’enseignement traditionnel depuis les temps apostoliques jusqu’à l’époque actuelle, nous devons indiquer sommairement les conclusions que l’on peut en déduire. P· conclusion. — La dignité de la maternité divine, appartenant à l’ordre hypostatique, surpasse, même don la considère Isolément, toutes les autres dignités créées, notamment la dignité de la filiation divine adoptive ct la dignité conférée par le sacerdoce chré­ tien. a) Selon les documents cités ct selon l’enseignement théologique le mieux appuyé sur la tradition catho­ lique, la transcendante supériorité de la maternité divine sur la filiation divine adoptive résulte de cc que la maternité divine, participant à l'ordre hypostatique, a selon l’expression de saint Thomas, quamdam digni­ tatem infinitam ex bono infinito, Sum theol., I·, q. xxv, a. 6, ad 4om. La grâce sanctifiante, comme tout ce qui appartient â l’ordre surnaturel commun, n’a qu’une dignité finie, résultant d’une participation à la vie divine, très réelle mais imparfaite. b) On ne peut objecter les paroles de Notre-Seigneur, Qulnlmo beati qui audiunt verbum Dei ct custodiunt illud, Luc., xi, 27. Selon leur sens immédiat, ccs paroles avalent plutôt pour but de corriger les vues apparemment trop humaines de cette femme du peuple, qui semble s’arrêter à l’admiration et à la louange simplement humaine, sans s'élever jusqu’à la foi docile dans la pratique à renseignement de Dieu ct a l’observation de sa loi. C’est ce manque d’une fol complète que Notre-Seigneur fait ressortir, en procla­ mant bienheureux ceux qui écoutent la parole de Dieu ct qui la mettent en pratique On doit observer, d’ailleurs, que l’affirmation du Christ porte seulement sur le bonheur plus grand attaché Λ la fol intégrale et â la pleine observance de la parole divine; non sur une comparaison de dignité entre la maternité divine et la filiation divine adoptive ou la sainteté person­ nelle. Au point de vue auquel le divin Maître sc plaçait, il est toujours vrai que la sainteté personnelle» résultant de la pleine exécution de tout ce que Dieu demande, est le seul titre immédiat au bonheur du ciel; même pour Marie qui a reçu la récompense étemelle, non â cause de sa maternité considérée en elle-même, mais à cause de sa sainteté ct de scs mérites très parfaits. Il est donc manifeste que le texte ne CONCLUSIONS TIIÉOLOGIQUES 2366 contient rien qui soit opposé à la surcminentc dignité de la maternité divine. c) Pour mettre la filiation divine adoptive au-dessus de la maternité divine, on ne peut s'appuyer sur ce que la grâce sanctifiante, considérée en Marie comme principe d’opération dans l’ordre surnaturel, lui confé­ rait une puissance que la maternité divine ne pouvait, par elle-même, lui procurer. Quelle que soit la haute dignité de la grâce sanctifiante comparée à tout ce qui est de l'ordre naturel, il reste toujours vrai que l’ordre de la grâce est surpassé par l’ordre hypostatique, auquel appartient la maternité divine, à caue iuei r uiticüuèreMENT DANS LA CONCEPTION ET L9 ENFANTEMENT hE JEsvs — p· période, depuis les temps apostoliques jusqu'au concile d’Êphèse et de Chalcédoinc. — Ici encore nous distinguerons d’une part les trois pre­ miers siècles, d'autre part la grande époque pat ristique, pour terminer par les grandes controverses du milieu du v· siècle. I. Les trois premiers siècles. — a) En enseignant, contre les gnostlques, que le corps de Jésus fut réelle­ ment formé de la substance de Marie, les défenseurs de In vérité eurent soin d’exprimer en même temps, d’une manière très explicite, la virginité de Marie dans la conception et l'enfantement de Jésus. Selon saint Ignace d’Antioche, notre Dieu Jésus-Christ a été enfanté par Marie, en vérité selon la descendance de David, mais par le Saint-Esprit. Eph., xvin. 1. Ces expressions, qui paraissent dépendre des textes scrip­ turaires, Luc., !, 55, et Matt h., i, 20, montrent du côté humain, la seule coopération de Marie à la formation du corps de Jésus, cl, de la part de Dieu, l’opéra­ tion du Saint-Esprit accomplissant le miracle. Aussi l’évêque d’Antioche aflirmc-t-il que le Fils de Dieu est véritablement né cz παρθένου, Snujrn., ι, 1, ct que la 2370 virginité de Marie ct son enfantement sont restés cachés au prince de ce monde. Eph., xîx. ft) Un apocryphe dont la composition est nlacéc au n* siècle, Γ Ascension d*Isole, mérite d'être cité ά cause de l’hommage qu’il rend à la virginité de Marie dans la conception ct l’enfantement de Notre-Scigncur. bien que son orthodoxie ne soit pas à l’abri de tout soupçon. « Et moi je vis encore une femme de la famille du prophète David dont le nom était Marie, ct elle était vierge, et elle était fiancée à un homme du nom de Joseph, un artisan, lui aussi de la race et de la famille de David le juste de Bethléem de Juda, et il entra en possession de son lot. Et lorsqu'elle fut fiancée, elle sc trouva enceinte, cl Joseph l’artisan voulut la renvoyer. Et l’ange de i’Esprit apparut en ce monde el après cela Joseph ne la renvoya pas ct il garda Marie, mais il n’y eut personne à qui il révélât celle affaire. Et il n’approcha pas de Marie ct la garda comme une vierge sainte, bien qu'un enfant fût dans son sein. Et il ne demeura pas avec elle pendant deux mois. Et après deux mois de jours Joseph se trouvait dans sa maison, ainsi que Marie son épouse, mais tous les deux seuls, et 11 arriva, comme ils étaient seuls, (pie Marie regarda alors de ses yeux et vit un petit enfant el elle fut effrayée. Et après qu’elle fut effrayée, son sein sc trouva comme précédemment avant qu'elle eût conçu. » E. Tisseront, Ascension d9Isaïe, xi, 2 sq., Paris, 1909, p. 202 sq. Mais il vaut mieux ne pas insister sur ce texte dont le docétisme est à peine voilé. Très explicite aussi est le langage d’un autre apo­ cryphe, d’allure moins douteuse, le Protéoanqile de Jacques, très probablement composé, au moins pour scs deux premières parties, vers le milieu du n· siècle.. Voir Évangiles apocryphes, t. v, col. 1635. La sage-femme, qui selon le récit apocryphe assiste à l’en­ fantement divin, rend un hommage éclatant a la virginité de Marie. Il en est de même de Salome qui, voulant comme autrefois l’apôtre incrédule Thomas, se rendre compte, par la contact physique, du miracle accompli, voit sa main, consumée par le feu, sc déta­ cher, jusqu'à ce que, suppliant Dieu d’avoir compas­ sion d’elle, elle obtienne la guérison en approchant sa main de I*Enfant-Dieu. É. Amann, Le Protévangile de Jacques, xîx. sq., Paris, 1910, p. 251 sq. e) Vers le milieu du n· siècle, saint Justin donne un témoignage d’une plus haute valeur. Dans les écrits qui nous sont rc lés de lui, le philosophe chrétien affirme souvent la naissance virginale de Jésus Fils de Dieu, accomplie par la puissance divine ou par l’ope­ ration du Saint-Esprit, Dial, cum Tn/ph.. 13. 15. 48. 51, 63, 75. 78. 81. sq., 100, 120, A pal., I, 22. 32 sq.. 16, 51. />. G., t. vi, col. 568 sq., 573. 580. 593, 652. 657. 673 sq., 709. 753. 364, 380 sq., 397, 109. En ce sens, pour la conception virginale el l'enfantement virginal, il interprete la prophétie d’lsa»e, vn, 14, col 380 sq.. 109. 568 sq., 673, la parole de l’archange Gabriel, virtus Altissimi obumbrabit tibi, Luc., i, 35. col. 712, et la parole de l’ange Λ Joseph, quod in ea nutum est de Spiritu sancto est. Matt h., i, 20. En prouvant contre les gùOStlques de son temps, que c’est le même Jésus-Christ qui est â la fois fils de Dieu et ne de la vierge Marie, saint Irénée affirme incidemment la conception virginale et l’enfantement virginal. Cont. hier., III. ix, 2; xvi. 2: xix. 2; xxi. I. 10: xxn, 4 ; IV. xxn. 4 ; V, xix. P. G . I. mi. col. 870, 921 sq., 910, 919 sq.. 955, 959. 1018. 1175 sq. Il cite particulièrement, en faveur de la virginité de Marie · les paroles de l’ange à Joseph. Matlh., i, 18 sq., col. 921, 949. 1018,'les paroles de l’archange Gabriel à Marie, Luc., i, 35. col. 950. cl les paroles d’Isaïe, vn. col. 870. 946, 951 sq . 1018. On observera, chez saint Irénée, comme aussi d’ail- 2371 \l Ml IE leurs chez Justin, Dial., 63, une variante de Joa., I, 13, différente du texte reçu : non enim ex voluntate carnis, neque ex voluntate viri sed ex voluntate Dei Verbum caro factum est, coi. 921 sq A ccttc variante on ne pourrait attribuer aucune inllucnce réelle sur renseignement de l'évêque de Lyon, puisque la conception virginale est suffisamment prouvée par les autres textes cités. Ircnéc affirme particulière­ ment la virginité in parta dans le passage où il parle de la naissance du Verbe divin qui s'est fait chair, ou du Fils de Dieu qui est en même temps fils de l'homme: punis pure puram aperiens vulvam, eam quit regenerat homines in Deum, quam ipse puram fecit. Cont. har„ IV, xxxm, 11, P. G., t. vir, coi. 1080. La triple expression pure aperiens puram vulvam, quam Ipse puram fecit, soit qu'on Ia prenne en elle-même, soit que l’on considère les autres textes que nous · venons d’indiquer, atteste hautement la permanence du sceau de la virginité, en même temps que le pas­ sage miraculeux du corps de Notre-Seigncur, voir IrÎ.néb (saint), t. vn, col. 2183 sq. Nous aurons bientôt l’occasion de rencontrer, chez plusieurs autres Pères des siècles suivants, ce même sens de V apertio vutvx. Avec leurs allusions évidentes aux symboles de fol et à l’enseignement du Nouveau Testament, les expres­ sions que nous venons de constater chez saint Justin el saint Irénée sont une preuve évidente que la source première de leur doctrine n’était point le Protcvangile de Jacques ou quelque enseignement docètc, mais l'enseignement révélé, transmis par la tradition et attesté par l’Écriturc. d) Au commencement du ni· siècle, on rencontre chez Clément d’Alexandrie une allusion à la virginité de Marie dans l’enfantement de Jésus. Strom., VIL xn. p. G., I. îx, col. 529 sq. Son affirmation repose sur celle citation scripturaire, Τέτοκε καί ού τέτοκε, dont on ne peut assigner la provenance. L'indication que Marie aurait élé aidée dans l'acte de l'enfante­ ment el qu'elle y fut trouvée vierge est vraisembla­ blement un emprunt au Protéoangllc de Jacques déjà cite. e) En mentionnant les vérités de foi que nous devons croire. Tcrtullien affirme à plusieurs reprises la naissance du Fils de Dieu ex virgine Maria. Præscript., 26, P. L., I. n, col. 49; Adv. Jud., xm, col. G35, De virg. velandis, i, col. 889. Il enseigne expressément la conception virginale. Nous devons croire, comme vérité de fol , que le Verbe divin est venu dans le sein de la vierge Marie par la puissance du Saint-Esprit cl qu’il s'y est fait chair. Prescript., 13, col. 23. Comme le premier Adam a été formé de la terre encore vierge, ainsi le nouvel Adam de terra id est carne nondum generationi resignata in spiritum vivificantem a Deo est prolutus. La parole productrice de la mort était entrée dans Èvc encore vierge; dans une vierge devait entrer le Verbe divin producteur de la vie. Il ne con­ venait pas que le Fils de Dieu naquit ex semine hu­ mano, car il n’aurait rien eu de plus que Salomon et Jona*: tout entier fils de l’homme, il n’aurait point paru comme Fils de Dieu et l'on pourrait croirc à l'opinion d'Éblon. Ergo jam Dei filius ex patris Dei semine id est spiritu ut esset et hominis filius, caro ei iola erat ex hominis carne sumenda sine viri semine. I> carne Christi, xvn, sq., coi. 782 sq. Mais la virgi­ nité in partu, malgré les affirmations générales pré­ dites, maigre l’interprétation explicite donnée au texte d'haie, Ecce virgo concipiet et pariet filium, Ado. Marcionem, π, 13, col. 338, apparaît formellement niée. Il semble que Tcrtullien n’ait pas vu d'autre moyen de prouver contre les docètcs de toute déno­ mination, que Jésus est né non per virginem, comme te voulaient ces hérétiques, mnis ex virgine, non in PA TKISTIQUE 2372 vulva, mais ex vulva. De carne Christi, xx, col. 785. Aussi, selon lui, on ne peut admettre que Je Verbe s'est fait chair non ex vuloæ communicatione, nihil operata vulva, nihil /uncta, nihil passa, coi. 787. Marte n’a pas été vierge dans son enfantement, non virgo quantum a partu. Si elle a élé vierge dans la conception elle ne l'a pas été dans l'enfantement. Et si virgo concepit, in partu suo nupsit, col. 907. — Un peu plus tard Tcrtullien rejette aussi la virginité de Marie pas/ partum. Après avoir enfanté Jésus, Marie a été oirum passa, De virg. velandis, vi, col. 898. Ayant enfanté Jésus dans la virginité, elle devait Cire nuptura post partum. De monogamia, 8, col. 939. /) Origènc (t 25-1) dit expréssement que le Fils de Dieu a élé conçu de la vierge Marie par l'opération du Saint-Esprit. Periarch., I, 4, P. G., t. xi, col. 117; Contra Celsum. I, 69; VI, 73» col. 789, 1-108; In Lui , hom. vr, xiv, xvn, xix, t. xm col. 1814, 1837, 1812, 1850; In Epis!. ad Roui., v, 9, t. xiv, col. 1046; In Genes., hom. xvn, t. xu, col. 257; In Exod., hom. xu, 4, col 38G; In Lev., xm, 2, col. 493 sq.; Comment in Matth., torn, x, 17, t. xu, col. 877. La prophétie d’Isaïe, vu, 14, est interprétée dans le même sen*. Contra Cels , I, 34 sq., t. xi, col. 725 sq. Quant à la virginité de Marie in partu, Origènc ne parait point constant dans scs alïlrmations. Dans scs homélies sur saint Luc, il admet que Marie a eu besoin de puri­ fication, hom. xiv, P. G., t. xm, col. 1834, et que Matris Domini ex tempore vulva reserata est quo et partus editus, col. 183G. Quelques années plus tard, dans son commentaire sur le Lévitiquc, il disait formellement : De Maria autem dicitur quia virgo concepit el peperit. Il montrait que Marie est appelée mulier par saint Paul, Gai., iv, 4, non pro corruptda integritatis sed pro sexus indicio, et que la loi du Lévi­ tiquc, Mulier si suscepto semine peperit masculum immunda erit septem diebus juxta dies separationis mcnstruic, xn, 2, ne s'applique point à Mario, cujus partus non ex conceptione seminis, sed ex præsentia sancti Spiritus et virtute Altissimi fuerit. In Lev., hom. vm, t. xn, coi. 493 sq Doit-on conclure qu’il y eut, sur ce point, chez Origènc, des opinions succes­ sives, ou la reserat io vuluic signi fie-t-cllc simplement egressio ex utero, sans qu’il y eût aucune atteinte à l'intégrité virginale, au sens admis dans les siècles suivants par plusieurs auteurs ecclésiastiques, selon la remarque de saint Thomas, Sum. theol., IIP q. xxvm, a. 2, ad llim? Les textes que nous possédons actuellement ne nous permettent point de le déter­ miner avec certitude. — Quant à la virginité post partum, elle est plusieurs fois nettement affirmée; Comment, in Matth., torn. îx, 17, t. xni, col. 877; In Luc., hom. vu, col. 181 <8; Comment, in Joa., î, 6, t. xrv, col. 32. On remarquera que, selon Origènc, les frères de Jésus étaient des Ills de Joseph issus d’un mariage précédent. Comment, in Matth., torn, x, 17, t. xm. col. 877. g) Une homélie de saint Grégoire le Thaumaturge (t 270) sur la naissance de Jésus-Christ, traduite cn arménien et considérée comme authentique par plu­ sieurs critiques, atteste la virginité de Marie in parla La Vierge n'a pas souffert la corruption parce qu’elle a enfante d’une manière spirituelle. Par un miracle, la Vierge enfante en restant vierge. Il convenait que celui qui est le docteur de la chasteté sortit, avec une gloire resplendissante, d'un sein pur et immaculé Le texte d'Isaïe Ecce virgo concipiet cl pariet filium est cité à l’appui de cct enseignement. Remit., i, 8, 13, 14, IG, dans Analecta sacra du cardinal Pltra, Paris, 1883, t. iv, p. 383 sq. La virginité perpétuelle de Marie est aussi affirmée, suivant l’enseignement des prophètes, ante et post partum, p. 392. h) A la fin du m· siècle, la réponse doctrinale du 2373 MAINE. VIBGINITÜ : E NSEIG X E Μ E NT PATRISTIQUE pape saint Félix à l'évêque Maxime cl au clergé d'Alexandrie déjà citée (col. 2351) reproduit les paroles du symbole ex virgine Maria natum, ex Virgine incarnatum, qui attestent d'un manière gene­ rale la virginité de la Mère de Dieu. L., I. v. col. 156; S. Cyrille d’Alexandrie, Apologclicus adv. orientales, P, G., t. i.xxvj, col. 343. — On peut encore rapporter au m* siècle, la première lettre sur la vir­ ginité longtemps attribuée au pape saint Clément. L’auteur y montre l'excellence de la virginité par le (ait que c’est d'une vierge que Notrc-Sclgneur JésusChrist a reçu son corps. De virg., i, G, dans Funk, Patres apostolici, t. n, p. 5. — Comme relevant encore du ni· siècle, indiquons l’en eignement de saint Pierre d’Alexandrie (t 311) et celui de saint Méthode d’Olympc (t 312). Saint Pierr d’Alexandrie, dans un fragment qui est parvenu jusqu’à nous, atteste que le Verbe divin par la volont· toute-puissante de Dieu, s’est fait chair dans le sein de la Vierge, sans avoir besoin ni de l’action ni de la présence de l'homme. P. G., t. xvm, col. 509, 512. Chez Méthode d’Olympc sc rencontre une allusion à la conception de Jésus, ex Virgine ac Spiritu. Convia., iv, P. G., t. xvm, col. 68. En terminant celte courte esquisse de renseigne­ ment patristique sur la virginité de la mère de Dieu dans les trois premiers siècles, signalons l’afilrma· lion explicite contenue dan·; le symbole romain, tel qu’il était à celte époque selon nos documents actuels. Il est hors de doute que l’article concernant la conception virginale, du moins sous la forme natum ex Virgine, a toujours fait partie du symbole romain. Il remonte pour le moins dès lors au milieu du il· siè­ cle Voir Apôtres (Symbole des), t. r, col. 1G72 sq.. el c'est avec raison qu’on cn voit, dans les textes signalés plus haul, des citations assez évidentes chez saint Justin, saint Irénée, Tcrtullien, peut-être aussi chez saint Ignace. Les expressions ex Spiritu Sancto et Maria virgine, certainement usitées depuis %aint Hippolyte, voir Neubert, Marte dans l’Église anÙnicéenne, Paris, 1908. p. I 13, marquent encore dune manière plus explicite la conception virginale. Enfin, s’il n'est point prouvé que la formule qui conceptus est de Spiritu Sancto et natus ex Maria virgine soit antérieure au ιν· siècle, aucune difficulté n’en résulte relativement à la conception virginale. Les expressions natus ex Maria virgine ou natus ex Spiritu Sancto et Maria virgine, certainement cn usage au moins dès le n· siècle, attestent très nettement ccttc vérité. 2. La grande époque patristique. — a) Saint Allianasc donne plusieurs fois à Marie le titre de vierge. Contra arianos, oral, ni, 29; iv, 36, P. G., t. xxvi, col. 385, 521. La même appellation se rencontre plu­ sieurs fols chez saint Cyrille de Jerusalem (t 386), Cal., x. 19; xn, 1. 15. P. G., t. xxxm. col. 6.85, 725. 711. Selon saint Hilaire (f 366), Jésus a été engendré de la vierge Marie par l’opérai ion du Saint-Esprit et cn dehors des moyens humains. De Trin., I. III. 19; X, lâsq.,35; XII, 50, L., t. x, col. 87. 353 sq.. 371, <65; Comm-nt. in Matth., i, 3, t. îx, col 921 sq. En même temps la fonction maternelle de Marie est ainsi décrite : Quæ officia usa materno, sexus sui naturam in conceptu el partu hominis exsecuta est. De Trim, X, 17. t. x, coi. 365. La virginité in partu est égale­ ment affirmée : Ipsa de suis non imminuta generavit. De Trin., III, 19, coi. 87. Enfin après l’enfantement de Jésus, la virginité de Marie est toujours restée intacte. Ceux qui pensent différemment sont irre­ ligiosi et a spiritali doctrina a'ieni. Comment, in Matth., i, 3, P. /.., t. ix, col. 921 sq. Quant aux frères de Jésus, mentionnés dans l’évangile, ce sont des fils de Joseph issus d'un premier mariage, col. 922. Saint Grégoire de Nazianze (t 390) enseigne, comme 2374 une vérité que l’on doit croire sous peine d’être un athée, que Jésus-Christ a élé formé dans le sein de la vierge Marie, d’une manière à la fols divine et hu­ maine; d’une manière divine, parce que cette forma lion s’est accomplie sans le concours de l'homme: d’une manière humaine, parce que celte formation s’est accomplie selon la loi de la conception humaine. Epist., ci, P. G., I. xxxvn, col. 177. — Didymc d’Alexandrie (f 395) donne à Marie les titres de Παρθέ­ νος et de ’Αε».παρΟένος. De Trin., II, 1; I. 27, P. G., t. xxxix, col. 481, 104, 830 sq. Il affirme inci­ demment l'enfantement virginal, I. III, c. n, 20, col. 793, et la virginité de Marie post portum, III, iv, col. 832. Cependant Jésus est appelé avec raison πρωτότοκος, soit parce que Jésus lui-même a formé Marie et toute l'humanité, soit parce que Jésus est le frère de tous ceux qui, dans la suite, ont reçu ou recevront, par le baptême, l’adoption divine, col. 832 sq. b) Selon saint Éplphanc (t 403), Jésus né de Marie a été conçu par l'opération du Saint-Esprit. Ancoratas, lxxv, P. G., t. xun, col. 157. Il est né de Marie seule, sans aucune coopération humaine. Herres., Lxxvni, 19 sq., t. xiJT, col. 729 sq. Bien qu’Épiphanc affirme que, dans l’enfantement divin, Jésus a véri­ tablement ouvert μήτραν μητρός, col. 729, il ne paraît point avoir voulu déroger, par là, à l’intègre et tou­ jours persévérante virginité de Marie. Pour toute la période qui suivit l’enfantement, Marie est appe­ lée, sans aucune restriction, ή αγία Παρθένος, tg άγιον σκεύος, col. 733. Saint Êpiphane veut donc simplement parler de Vegressio ex utero, sans qu’il y ail aucune atteinte à l’intégrité virginale. Quant à la virginité post partum, elle est souvent affirmée. Hares., i.xxvm, 23, t. xui. col. 736. L’erreur di s antidicomarianilcs est formellement réprouvée, cl les textes scripturaires sur lesquels on voulait l’appuyer sont expliqués dans un sens favorable : Antequam convenirent de Matth., i, 18, n’autorise point à ad­ mettre que le fait eut lieu dans la suite. L’écrivain sacré, préoccupé seulement de démontrer la conception virginale, sc borne à affirmer que le fait n’a pas eu Heu auparavant, Col. 732. Non cognoscebat eam donec pepent /ilium suum primogenitum, Matth.. i, 25, doit s'entendre de la connaissance très parfaite que Joseph eut des prérogatives de Marie après l’enfante­ ment divin, col. 732. Quant à Filium suum primo­ genitum, une double signification est assignée : Jésus csl primogenitus omnis creatura· au sens de saint Paul, Col., î. 15; Jésus est aussi, selon le même apôtre, primogenitus in multis fratribus, Bom., vm, 29, parmi tous ceux qui deviennent ses frères d’adoption, col. 732 sq. — On sait que l’homelie v, In laudes S. Mariir Deipara·, P. G., t. xun, col 492. 496 sq., 501, où sont affirmes plusieurs fois la conception virginale el l'enfantement virginal, n’est point de saint Épiphane. mais d’un auteur postérieur du vn· ou du IX* siècle. r) Saint Éphrein (f 373), dans ses treize sermons sur la naissance du Sauveur, affirme fréquemment, d’une manière générale, la virginité de Marie dans la conception et dans l’enfantement de Notre-Seigncur. Opera omnia, syro-lat,, édit. Assémani, Borne, 1743, t.n. p. 396 sq. Dans un sermon contre les hérétiques tenu pour authentique, mais dont la traduction est assez défectueuse, il enseigne que Marie n’a pas perdu le sceau de la virginité, ni dans la conception, ni dans la naissance de Jésus; son enfantement s’est accom­ pli sine rest ratione aut ruptura. Il y a eu apertio uteri en ce sens que Jésus ; sorti du sein de Marie par l'opératon du Saint-Esprit. Il n'y a eu aucune lésion du sceau virginal. Gnccodal., t. n, p. 259 sq. L’absolue virginité de Marie in parla est aussi très 2375 \| \ B IE souvent ct très explicitement exprimée dans les nom­ breuses hymnes de saint Éphrem sur la naissance de Noire-Seigneur et sur la mère de Dieu, publiées par Mgr Lamy, S. Ephrem Syri hymni cl sermones, Malines, 1882-1889. Le sceau de la virginité a été garde intact, Hymn., î, v, vn, xr, xiî, xv, xvî, t. n, col. 436,534, 516, 568, 570, 571, 581. Marie est appelée la porta dansa, Ezech.» xuv, 2, par laquelle Jésus est entré en ce monde sans l’ouvrir. Hgmn., xv, iv, t. n, col. 581, 531 La prophétie d’Isaïe est interprétée dans ce sens, Hymn., mi, xvî, t. n. col. 516, 588. Jésus est sorti per viam natorum, le sceau de la virginité restant fermé, v, col 534. d) Nous signalons ici deux discours attribués ù saint Grégoire de Nyssc, Lien que leur authenticité reste douteuse. Il y est affirmé que Marie est ά la fois mère ct vierge. La virginité n’a pas empêché l’en­ fantement, ct l’enfantement n’a pas porté atteinte a la virginité. In diem natalem Christi, P. L’., I. χιλι, col. 1136. Le Verbe fait chair, seul conçu d'une manière ineffable, a ouvert le sein virginal non ouvert jusquc-Ιά. gardant intact, même après son admirable passage, le sceau de la virginité, τά σήμαν­ τρα τής παρθενίας άπαράτρωτα καί μετά την παρά­ δοξον πρόοδον φυλαςάμενος. De occursu Domini, col. 1157. e} En Occident, saint Zenon de Vérone (f 380) affirme expressément la virginité de Marie dans la conception, dans l'enfantement el après l’enfantement. Tractatus, I. I, tr. v, 3; I. IL tr. vm. 2, P. L., t. vi, col. 303, 111 sq. La virginité dans l’enfantement est particulièrement affirmée, col. Ill sq., ainsi que la virginité post partum, col. 117. — Saint Ambroise (1397) enseigne la conception virginale accomplie par l’opération du Saint-Esprit. De instil, virg., v. 33 sq.; xu, 79; xiv, 88, P. L., t. xvî, col. 313 sq., 321, 326, 329. L’enfantement virginal est également aillrmé, col. 313. Les paroles du prophète Ezéchiel. xuv, 2. concernant la porta dansa sont appliquées à l’enfantement virginal : Hona porta Maria· quæ dansa erat d non aperietur. Transivit per eam Christus sed non aperuit. De instil, virg., vm. 51, col. 320: per quant sine dispendio claustrorum genitalium virginis partus exivit, vm, 55, coi. 320. On sait que le De institutione virginis fut écrit en 391-392. Dans une lettre écrite en 396 se rencontre encore un témoignage très explicite. Il est dit de Noire-Seigneur, qu’en naissant de Marie il a conservé intact le sceau de la virginité : Qui cum ex Marin· nasceretur utero, genitalis tamen septum pudoris d intemerata virginitatis con­ servavit signacula. Epist., i x·.. 33, coi. 1198 Ccs décla­ rations si explicites, postérieures au synode de Milan de 3‘M), dans lequel saint Ambroise défendit l’absolue el perpétuelle virginité de Marie contre l’erreur de Jovinicn, doivent aider à déterminer le sens d’un pas­ sage du commentaire de saint Luc écrit quelques années auparavant, de 385 à 387, avant la manifes­ tation de l’erreur en question : Hic ergo solus aperuit sibi vulvam... hic est qui aperuit matris sua? vulvam ut immaculatus exiret. Expos, ev. see. Lucam. I. II, 57, t xv, coi. 1573. Puisque, selon de très explicites déclarations postérieures, Ambroise admet l’intégrité virginale in partu et post partum, les paroles du com­ mentaire de saint Luc doivent signifier simplement erilus de utero matris, sans atteinte à l’intégrité vir­ ginale, au sens indiqué par saint Thomas, Sum. theol, IIP. q. xxvm a. 1. ad lum. C’est d’ailleurs le sens suggéré par le contexte du passage précité, où l’en­ fantement de la vierge Marie est appelé saint el imma­ culé, en ce sens que Jésus est le seul ex natis de /emina qui, grâce à la nouveauté de son enfantement imma­ culé, n’a point connu la contagion de la corruption terrestre. Comment cet enfantement serait-il non- I* AT B ISTI QUE 2376 veau el immaculé s’il s'était accompli avec la perte de la virginité? L. H. 56, col. 1573. Enfin la virginité de Marie post partum est parti­ culièrement affirmée et défendue contre les attaques de Bono.se, évêque de Sardiquc. Voir Bososi, t. n, col. 1027 sq. L’erreur de Bono.se est qualifiée de sacri­ lège. De inst. virg., v, 35. t. xvî, col. 314. Puis, après avoir montré dans l’Ancien Testament plusieurs symboles de la parfaite el permanente virginité de Marie, notamment In porta dansa d’Ézcchicl, col. 1319. Vhortus conclusus el le fons signatus du Cantique des cantiques, col. 321, l’évêque de Milan explique les textes scripturaires sur lesquels Bono.se cherchait à appuyer son erreur. Antequam convenirent, Maith., i, 18 est expliqué en ce sens (pie l’évangéliste limite son attention ù la question principale, celle de l’incar­ nation, laissant la question incidente de la virginité post partum qui n’était point en jeu. De institutione virginis, v. 37, t. xvî. col. 315. La même explication est donnée au texte de Mat th., i, 25, non cognosce­ bat eam donec peperit /ilium, col. 315; cf. Expos, evang, secundum Lucam, I. 11, 6, t. xv, col. 1555. Les paroles Joseph accepit conjugem suam, Maith , î, 21, signifient simplement la solennité du mariage, non enim virginitatis ereptio sed conjugii testificatio, nuptiarum celebratio declaratur, coi. 1555; De insti­ tutione virginis, vi, 41, t. xvî. coi. 316. Mulier, dans le texte /actum ex muliere. Gal., iv, I, n’implique point la perle de la virginité, non corruptela· sed sexus vocabulum est, col. 315, I. xv, col. 1555. I^?s frères du Seigneur mentionnés dans ('Évangile ont pu être issus de Joseph; il est d’ailleurs certain que le mol frère dans l’Écrilurc n’a pas un sens restreint, Iraternum nomen liquet pluribus esse commune, l. xvî, coi. 317. - La virginité parfaite et constante de Marie est d'ailleurs souvent proposée à toutes les vierges comme modèle : Dr virginibus, II, n, 7 sq., t. xvî, col. 209 sq.; De institutione virginis, v, 35, xm sq., col. 31 I, 325 sq. ; Exhortatio virginitatis, v, col. 314 sq. On doit mentionner également la lettre du synode de Milan au pape saint Sirice en 390; synode auquel prirent part saint Ambroise el plusieurs autres évêques. Ce synode affirme l’absolue virginité de Marie dans sa conception, dans son enfantement ct après son enfantement, comme une vérité enseignée par récri­ ture et par le symbole des apôtres toujours fidèle­ ment conservé dans l’Églisc romaine. S. Ambroise, Epist., xm, I sq., P. L., t. xvî, col. 1125. —Vers 392, le pape saint Sirice, écrivant à Anysius de ThessaIonique et aux autres évêques d’Illyrie, réprouve l’erreur de Bonose attribuant à Marie d’autres enfants que Jésus; erreur déjù condamnée peu auparavant par le concile de Gapoue, Epist., ix, P. L., t. xm, col. 1177. Voir Bonose, t. n, col. 1027 sq, /) Saint Jérome if 121 > appelle la virginité de Marie dans la conception de Jésus, une vérité de loi, ensei­ gnée par l’Écrilurc, concédée par Helvidius lui-même, et qu’il n’est aucunement nécessaire de prouver. De perpetua virginitate H. Marin· adv. Ildvid., 16. 19, P. L., t. xxm, col. 201, 203. La prophétie d’Isaïe, vn, 1 I, est interprétée dans le même sens. Adv. Jovinian., î. 32. col. 251 sq.; In Isaiam, I. Ill, 1 LL XMV, col. 107 sq. Quant à la virginité in partu, nous Indiquerons l’enseignement du saint docteur suivant l’ordre chronologique de ses écrits. Deux allusions se rencon­ trent dans le De perpetua virginitate adversus Helvi­ dium, écrit en 383. La première est celle affirmation incidente : Xulla ibi obstetrix : nulla muliercularum sedulitas intercessit. Ipsa pannis involvit in/antem, ipsa el mater ct obstetrix /uit. Loc. cit., t, xxm, coi. 192. La deuxième allusion est ce passage concernant l’en- 2377 MABIE, VIRGINITÉ : ENSEIGNEMENT PATRISTIQUE fortement aussi bien que la conception virginale de Jésus : Nat um Deum esse de virgine credimus quia legimus. Mariam nupsisse post partum non credimus guiii non legimus, col. 203 Ce même passage est presque Immédiatement précédé de cette objection de Helvidius : Turpius esl Drum per virginis pudenda gentium, quam virginem suo viro nupsisse post purturn, col. 202. Jérôme répond en accumulant, avec ses habituelles exagérations de langage, les humilia­ tions ipii ont accompagne la conception cl la naissance de Jésus; el il conclut que ccs humiliations ne sont pas plus grandes que celles de la croix, en laquelle nous croyons el par laquelle nous triomphons de nos ennemis : Junge si h bel et alias nutune contumelias, novem mensibus uterum insolescentem, fastidia, parturn, sanguinem, pannos. Ipse tibi describatur infans, tegmine membranorum solito convolutus. Ingerantur dura pnvsepia, vagitus parvuli, octava diei circum­ cisio, tempus purgationis, ut probetur immundus. Non erubescimus, non silemus. Quanto sunt humiliora quæ pro me passus est, tanto plus illi debeo. El cum omnia replicaveris, cruce nihil contumeliosius proferes, quam profitemur et credimus ct in qua de hostibus triumpha­ mus. vol. 202 sq. II est manifeste que Jérome ne veut point ici affirmer que chacune fie ces humiliations, décrites avec une évidente exagération, s'est véritablement réalisée dans la conception cl l’enfantement du Sauveur. Il les concède, pour le moment, dans une sorte d’ar­ gument ad hominem, pour rendre sa conclusion plus évidente, que ccs humiliations, quelles qu'elles soient, ne dépassent point les opprobres de la croix. D’ailleurs, immédiatement après celle phrase, saint Jérôme conclut par les paroles déjà citées : Natum Deum esse de Virgine credimus quia legimus, expres­ sion «pii ne serait plus vraie dans sa teneur absolue si, dans la phrase précédente, l’auteur avait voulu nier la virginité in partu. Dans tous ses écrits postérieurs, saint Jérome affirme nettement la virginité in partu. Dans son ouvrage contre Jovinien écrit en 392, les paroles scripturaires, hortus conclusus, soror mea sponsa, Jons signatus du (lant.. ιν, 12. sont appliquées à la virgi­ nité de la Mère de Dieu. Adv. Jovinian.,i. 31, t. xxm, col. 251. — Dans une lettre ù Pammachlus, vers la fin de 393, plusieurs symboles scripturaires sont employés pour désigner la virginité perpétuelle de Marie : l’entrée de Jésus clausis ostiis, le sépulcre de Jésus qui était nouveau el taillé dans une pierre très dure, el dans lequel personne n'avait reposé auparavant, ni per­ sonne ne reposa depuis; le jardin fermé el la fontaine scellée du Cantique, enfin la porte fermée dont parle Ézechiel, semper clausa et lucida, et oriens in sc vel proferens ex sc Sancta sanctorum, per quam sol justitia et pontifex noster secundum ordinem Melchisedech ingreditur ct egreditur. Que l’on me disc, continue saint Jérôme, comment Jésus esl entré clausis ostiis, ct je répondrai comment Marie esl mère cl vierge. Epist., xlviîi, 21. P. L., t. xxn. col. 510. — Dans le commentaire sur Isaie écrit après 107, le texte Ecce virgo concipiet ct pariet filium est interprété dans le sens de la conception virginale et de l’enfanlemcnt virginal. La porta clausa d’Ezérhiel est entendue de l'enfantement virginal : Ipse descendet in uterum virginalem et ingredietur et egredietur orientalem portam qua semper est clausa. In Is., m. 7, t. xxiv, col. 107. — Dans le dialogue Adversus Pelagianos, écrit en 115. il est dit que Jésus-Christ seul a ouvert les portes fermées du sein virginal, qui cependant sont restées perpétuellement fermées, n. 4.1. xxm, col. 538. La môme aflirination est reproduite dans le commen­ taire sur ÎCzechiel écrit de -107 à 120, I. XIII, 14, t. xxv, col. 130. 2378 Toutes ccs affirmations n'cxigcnt-cllcs point que la sortir de Jésus-Christ ex utero Hauso, dans l'enfan­ tement, soit entendue de manière à sauvegarder l'in­ tégrité virginale de Marie, n’exigenl-elles point que l’affirmation incidente, et évidemment hyperbolique, du De perpetua virginitate advenus Helvidium, 18, soit interprétée dans le sens d’un respect absolu de la virginité tn partu? Quant à la virginité post partum. elle est particulièrement défendue par saint Jérôme contre l’abus que faisait Helvidius de quelques textes scripturaires. Priusquam convenirent ne suppose point l’usage subséquent du mariage; il indique simplement la prochaine solennité du mariage. De perpet. virg., 4 Pour le mot uxor, employé par Matlh.,i, 24, il sert sou­ vent, dans le langage scripturaire, à désigner une simple fiancée et n’autorise point à conclure contre la virginité perpétuelle de Marie, col. 186 sq. Non cognos­ cebat eam donec pe/ient filium, Matlh., t. 25, ne sup­ pose point que le fait eut lieu après l’enfantement Dans beaucoup de phrases scripturaires, donec exprime un temps indéfini, col. 189. D'ailleurs. l'Evangile indiquant l’absence du fait pour la période antérieure à la révélation faite à Joseph, nous fait entendre qu'à plus forte raison, après cette divine manifestation du mystère accompli en Marie, le fait n’eul point lieu, col. 190. Peperit filium suum primogenitum, Luc., π, 7, signifie seulement le ills qui n’est précédé d’aucun autre. Suivant la loi, Exod., xxxiv, 19 sq.; Num., xvm, 15. et l'attestation de saint Luc., n. 23. primo­ genitus, équivaut à omne masculinum adaperiens vulvam, col. 192 sq. Quant aux fratres Domini, ce sont simplement des cognati, tils d une scrur de Marie. Ils sont appelés frères de Jésus, comme Joseph est appelé son père. L’expression frater, dans le langage scripturaire, a souvent un sens générique, col. 196 sq La parenté du côté de Joseph est écartée. Saint Jérôme défend explicitement la virginité de Joseph: Ego mihi plus vindico etiam ipsum Joseph virginem fuisse per Mariam, ut ex virginali conjugio filius nasceretur, col. 203. g) Quelques années plus tard, saint Augustin enseigne, comme une vérité de foi. que Jésus est né du Saint-Esprit ct de la vierge Marie. De Trinitate, I. XV, U». P. L·., t. xut, col. 1094; Serin., u. 18. t. xxxvm, col. 313. Vérité plusieurs fois répétée par saint Augustin dans ses sermons sur la fêle de Noël· Serm., clxxxvi-cxcvi, col. 999 sq. En meme temps la virginité in partu est formellement affirmée. Serm., clxxxvui. I; clxxxix. 2;cxci, 3, I; cxai. 1. col. 1004 sq., 1010 sq.; Contra Faustum manichæum. xxtx, I. t. xuî, col. 190. L’intégrité virginale est restée intacte. Si, pur la foi. nous croyons que Dieu est né in carne, nous devons croire que ces deux choses sont possibles à Dieu : Ut et corpus maioris ætatis non reserato aditu domus intus positis prirsentaret et sponsus infans de thalamo suot hoc est utero virginali, illæsa matris virginitate procederet. Serm., cxa. 2. t. xxxvm, col. 1010. Le même enseignement se rencontre dans l’épltre cxxxvu, 8. t. xxxm. col. 519, En même temps la virginité post partum est affirmée dans la plupart des textes que nous venons de citer. D'ailleurs la for­ mule générale virgo concepit, virgo peperit, virgo per­ mansit, est plusieurs fois répétée. Serm., u, 18; cxc, 2; exevi, 1. t. xxxvm. col. 313, 1008, 1019. Enfin la paternité de saint Joseph est expliquée de manière à sauvegarder, dans toute son intégrité, la virginité de Marie. Serm., Ll. 17 sq., 30. col. 312 sq., 350; Contra Faustum. m. 3, t. xuî, col. 215 sq. h) Nous mentionnons à la fin de cette période les textes de saint Nil (f 130), P. G., t. lxxix, col. 182291, relatifs à la virginité /n partu et post partum, bien (pie l'authenticité de ces textes, d’après ce que nous savons sur l’ensemble des lettres attribuées à ce saint 2379 MABIE, VIRGINITÉ : ENSEIGNEMENT moine, ne soit pas pleinement démontrée. NoireSeigneur dans son enfantement, ouvrit την άμόλυντον μήτραν. Non sans miracle, ct par sa propre autorité, il ia scella hil-mêmc après son enfantement, Je sceau de la Virginité n'ayant été aucunement violé. Epist., f, 270, col. 182. Ailleurs, il est dit que le divin enfan­ tement s’est accompli sans aucune corruption ni souillure, Epist.. n, 180, col. 291. 3. A l'époque de lu controverse nestoricnne el de la controverse eutychienne. — Bien que la virginité de Marie ne fût point directement en jeu dans ces deux controverses, il en fut souvent question d’une manière incidente, à cause de son intime connexion avec la maternité divine et le dogme de l’incarnation a) De Nestorius nous dirons seulement que, malgré son opposition à la maternité divine de Marie, ii ren­ dit hommage à la virginité de celle-ci, Juglc, Nestor lus et la controverse néstortenne, Paris, 1912, p. 286. Il l’appelle « la mère de Dieu vierge ». Homélie sur la seconde tentation, dans Nau, Le livre d’Héraclide de Damas, Paris, 1910, p. 315. Faisons remarquer tou­ tefois qu'au dire de saint Cyrille, Nestorius n'a point reconnu l'enfantement accompli sans lésion aucune de lu virginité. Homil. diverse, xi. P. G., t. lxxvh, coi. 1033. b) Le principal défenseur de la vérité catholique ù cette époque est saint Cyrille d’Alexandrie qui, surtout dans ses écrits sur ia maternité divine, loue souvent, d’une manière générale, la virginité de Marie. Il enseigne, d’une manière explicite, que Marie a conçu par l'opération du Saint-Esprit. In Joan., I. V, P. G., t. Lxxm, col. 876; Contra Julianum, I. VIII, t lx.xvi, col. 900. Il interprète en ce sens ia prophétie d’Isaïe, col. 901. La virginité perpétuelle de Marie est également affirmée, Horniliæ diversa, xi, t. lxxvh, col. 1032, ainsi que l'enfantement virginal. Marie a enfanté d’une manière divine: le Fils de Dieu est entré dans son sein ct ii en est sorti comme il a voulu; la porte est restée close, col. 1032. Proclus de Constantinople (f 446) affirme spéciale­ ment la virginité de Marie in parta. Jésus qui est entré dans le cénacle, les portes restant fermées, est né do Marie d’une manière ineffable. Oral., î, 2, P. G., t. lxv, col. 684. Emmanuel devait, comme homme, ouvrir les portes de la nature: mais, comme Dieu, il n’a pas brisé la clôture de la virginité. La porta clausa du prophète Ézéchiel et la prophétie d’Isaïe sont Interprétées dans ce sens, col. 692. La virginité post partum est également affirmée. Oral., n, 6, col. 700. Les paroles non cognoscebat eam... de Matth., î, 25, sont expliquées en ce sens : Joseph, tant que Marie n’avait pas enfanté le Seigneur, ne connaissait point l’économie du plan divin concernant la mère de Dieu. Oral., vi, 7 sq., col. 733 sq. Saint Isidore de Péluse (f 131) appelle Marie : ή παρθένος, ΕρΜ., i, 7, P. G., t. lxxvhl col. 181. Ailleurs il émet cette affirmation: Πάσαν γάρ μήτραν μΙ;·.ς καί συνουσία άνοίγνυσι, την ο'ζ τΐη Κύριον ημών Τησούν Χριστόν κυήσασαν, αύτός συλληφΟείς άσπόρως προερ­ χόμενος ήνο’.ξε, καί πάλιν ίσφραγισμένην κατέλ’.πεν. Èpist., i, 23, col. 196 sq. Ces paroles ne peuvent signifier qu’il y a eu, dans l’enfantement divin, perte momentanée de l’intégrité virginale, rétablie presque aussitôt dans toute sa perfection. Une telle restitu­ tion n’étant pas moins miraculeuse que sa constante conservation, on ne conprendralt point pourquoi la perte de la virginité aurait été momentanément permise. Cette perle est d’ailleurs exclue par les deux expressions έφρραγισμένην κατέλιπεν. Par ellesmêmes et par le double emploi du passé, elles expriment la constante permanence du sceau de la virginité. Ix sens est donc que le sein de Marie, sans perdre PATRISTIQUE 2380 l’intégrité virginale, laissa miraculeusement passage au corps de Jésus et qu’il ne laissa ce passage qu'à lui; de telle sorte que le sein de Marie fut de nouveau à Jamais scellé. Sens que nous avons déjà rencontré chez plusieurs autres Pères. En Occident, saint Pierre Chrysologuc (t 450) enseigne de même la constante virginité de Marie virgo concipit, virgo parturit, virgo permanet. Serm., xcvin, P. L., t. ut, col. 521. L’intégrité virginale, loin d'être lésée dans la conception et l’enfantement de Jésus, y a été consolidée. Serai., CXUI, col. 581 Jésus est sorti du sein de Marie de telle manière que la porte virginale ne fût Jamais ouverte, cl que la parole de l’Ecriture, hortus clausus, soror mea sponsa, fons signatus, fût pleinement réalisée, Serm., CXLV, col. 589. Dans son enfantement Marie a de plus en plus conquis la glorieuse couronne de ia virginité. Serai., clx . xv, col. 658. Le pape saint Léon I·» (f 461) affirme aussi plusieurs fois, dans scs sermons et dans ses épllres, la con­ ception virginale, Serai., xxn, 2; χχιν, 1; xxv, 3, P. L., t. uv, col. 195, 201, 209; Epist., xxxv,3, col. 809; et l’enfantement virginal, Serai., xxt, 2; xxn, 2; xxîii, 1; χχιν, 1, col. 192, 195 sq., 199 sq., 204; Epist., xxxv, 3, col. 809. Helaliveulent a la virginité in partu, on remarquera particulièrement ces expres­ sions : Utero quidem materno sed partu est enixa vir­ gineo, col. 204, ct cette autre phrase : Oporlui tenim ut primam genitricis virginitatem nascentis incorruplio custodiret ct complacitum sibi claustrum pudoris et sanctitatis hospitium divini Spiritus virtus infusa servaret, col. 196. La virginité post partum résulte de toutes les affirmations si absolues de l'intégrité vir­ ginale de Marie dans les textes précités, et de cette affirmation générale : Divina potestate subnixum est quod virgo conceperit, quod virgo pcpcrcril et virgo permanserit, col. 195. c) Les conciles d’Ephèse ct de Chalcédoine ne con­ tiennent directement aucun enseignement explicite sur la virginité de la Mère de Dieu, en dehors de l’affirmation générale natus ex Maria virgine, qui à cette époque, était depuis longtemps déjà formulée dans le symbole. Le Tome de saint Léon Ier (449), dont on connaît la souveraine autorité doctrinale, el n laquelle le concile de Chalcédoine adhéra pleinement, est plus explicite. La virginité de Marie, dans la naissance de Jésus, y est enseignée comme une vérité de foi crue par tous les fidèles. Epist., xxvm. 2, P. L., I. ijv, col. 757 sq» Ce qui comprend manifestement la virginité de Marie dans l’enfantement aussi bien que dans la conception : Conceptus quippe est de Spiritu Sancto intra uterum matris virginis, quæ illum ita salva virginitate edidd quemadmodum salva virginitate concepit, col. 759. En ce sens aussi, col. 761, est interprétée la prophétie d'Isaïe, vn, 14. En terminant 1’hhtolre du dogme de In virginité fie Marie dan* les cinq premiers siècles, nous croyons utile d’nttirrr l'attention du lecteur sur P s inrornetions critiques qui abondent dans l'ouvnigc déjà cité du pseudo Guillaume Herzog, La sainte Vierge dans Phtstoire. Nous mentionne­ rons, Λ titre d'exemples, 1rs erreurs suivantes ouvertement affirmées ou habilement insinuées, laissant les autres à l'appréciation du lecteur qui pourra lui-même, ù l'aide des documents précités, en fnlre prompte justice : 1 Ln doc trine ’· siècle, caractérisée par une affirmation au moins Implicite de la médiation universelle de Marie. Au n· ct au commencement du m· siècle, cette affirmation est virtuellement contenue dans l’anti­ thèse, plusieurs fois répétée, entre Èvc qui, par sa désobéissance commise ù l’instigation du démon, a été pour toute l’humanité une cause de mort, et Marie qui, par son obéissance à la parole de l’ange, a été pour toute l’humanité une cause de salut. S. Justin, Dial., 100, /'. G., I. vi, col. 711; S. Irénée, Cont. hier.. Ill, xxn, 4. V, m\. 1. G I ui. col. 958 sq., 1175; Terlullien, De carne Christi, 17, t. π, col. 782. Outre les passages que nous venons de citer de saint Irénée, on remarquera particulièrement deux textes Cont. hier., IV, xxxiu, L IL /A G., col. 1071 sq., 1080, que dom Massuct, col. 1071, avait entendus de la régénération spirituelle procurée À l’humanité par l’intermédiaire de l’Église. Le P. Gai· Hcr, La Vierge qui nous régénère, dans les Hccherches LA GRACE 2390 de science religieuse, mars-avril 1911, p, 136 sq., a montré que les deux textes doivent s’entendre de la régénération spirituelle provenant de Marie, comme aux deux textes précédemment cités, où Marie, cause de salut pour toute l’humanité, est mise en contraste avec Èvc, qui avait été une cause de mort. Comment l'homme, affirme saint Irénée contre les ébionites, deviendra-t-il Dieu en obtenant la régénération sur­ naturelle, si Dieu ne devient pas homme ou ne se fait pas homme pour le sauver? Comment l’homme aban­ donnera-t-il la génération de mort produite en lui par le péché, s'il ne passe point à une génération nouvelle, à une régénération merveilleusement et «Inopinément donnée par Dieu en signe de salut, et causée par la fol de la Vierge : Quemadmodum autem relinquet mortis generationem, si non in novam generationem mire et inopinate a Deo in tignum autem salutis datam, quæ est ex virgine per fidem, regenerationem? coi. 1074 sq. La foi de Ia Vierge, par laquelle la régénération nous a été procurée, est bien la fol par laquelle Marie a été, pour tout le genre humain, la cause du salut; tandis que, par son incrédulité et *»a désobéissance, Èvc avait causé notre perle, col. 960, 1175 sq. La régénération qui est ex virgine per fidem est aussi la même que celle qui, à cc chapitre est expressément attribuée au sein de Marie, dans cette phrase où il est question du Fils de Dieu fait homme, purus pure puram aperiens vulvam, cam quee regenerat homines m Deum, quam ipsa puram fecit, coi. 1080, voir Irénée (saint), l. vu. col. 2485 sq. Dans la Demonstratio apostolica* pnrdicationis, 33, Irénée donne la même doctrine, comme le montre J. Bittremicux, De mediatione uni­ versali Ii. M. Virginis quoad gratias, Bruges, 1926, p. 104 sq. Au ιν· siècle, l’antithèse entre Èvc, cause de mort, et Marie, cause de salut ou cause de vie pour toute l’hu­ manité, esl reproduite par S. Cyrille de Jérusalem. C’a/., xn, 5, 15, P. G., t. xxxm, col. 711 : S. Épiphane, llar., lxxviii, 18. P. G., t. xui. col. 728; S. Jérôme, Epist., xxn, 21. P. L., t. xxu.col. 108. Même enseigne­ ment chez S. Jean Chrysostoine, itomil. in sanctum Pascha, 2, P. G., I. ui. col. 768. Expos, in ps. XL1 V, 7, P. G., t. i.v, col. 193. On remarquera particulière· ment l'interprétation donnée par cc dernier â Gcn.. m. 15, annonçant ia femme ennemie de tout pacte avec le démon; qui sera, elle et sa race, l’ennemi per­ pétuel du démon, /n Gen., m. hom. xvn, 1, P. G., t. lui, col. 143. De cet enseignement n’est-il pas évident que Marie, d’où la vie était provenue pour toute l’humanité régénérée est vraiment la mère des vivants, selon l'expression employée par saint Épi­ phane. loc. cit ? Signalons aussi, chez saint Éphrem, l’appellation post mediatorem mediatrix totius mundi, dans une prière dont l’authenticité, affirmée par Asscmani et Lamy, n’est cependant pas entièrement certaine. Opera omnia, édit. Assémani, Borne. 1740. t. m. graco-tal., col. 528, 539; Lamy. Sancti Ephrtcm Syri hymni et sermones. Malines, 1882-1889, I. I, pro­ leg., p. XLix. A la même époque, saint Ambroise dit expressément que Marie a engendré l’auteur du salut. De instit. virg., xiv, P. L., t. xvi, col. 326 sq , qu’elle a opéré le salut du monde cl conçu la rédemption de tous. On observera chez saint Nil (f 120), une aillrmalion qui, toutefois, d'après ce que l'on sait de l’en­ semble de ses épltres, n’est pas d’une authenticité certaine. Èvc appelée, après sa création du nom de mère de tous les vivants, était la ligure de Marie, la seconde Èvc, qui a enfanté Jésus-Christ, la vie des hommes. Marie est vraiment la mère de tous ceux qui vivent selon les préceptes évangéliques, cl dont l’âme ne meurt point par l'incrédulité, Epist., n, 266, P. G„ t. Lxxix, col. 180. 2· période, depuis le commencement du i · jusqu'au 2391 MABIE MÉDIATRICE: ACQUISITION DE L\ GRACE x//· siècle, caractérisée principalement par une affir­ mation assez explicite, quoique encore générale, de la maternité humaine et de la médiation universelle de Marie. Chez saint Augustin, outre l'antithèse entre Eve, cause de mort, et .Marie, source de vie pour toute l’hu­ manité, De.agonechrtstiano, xxm, P. t. xl, col. 303, on remarque une indication très nette de la maternité humaine de Marie, appelée mère de tous les membres de notre chef Jésus-Christ, De sancta virginitate, vi, 6, col. 399. En mémo temps Augustin signale la coopé­ ration de charité donnée par Marie à notre rédemption. cooperata est caritate ut fideles in Ecclesia nascerentur qua illius capitis (Salvatoris) membra sunt. Loc. cit. Saint Pierre Chrysologuc appelle Marie mater viventium per gratiam, par opppsition à Ève qui a etc mater mortentium per naturam. Serm., cxl, P. L., t m, col. 576. Ailleurs, en affirmant que dans l’annoncialion l'ambassadeur divin traite avec Marie l’affaire de notre salut ou la réparation du genre humain, le saint docteur laisse bien entendre que Marie est, de quelque manière, associée au plan divin de notre rédemption. Serai., exur, col. 579. Au vm· siècle, saint Bèdc reproduit l’antithèse entre Eve, par laquelle la mort est entrée en ce inonde, et Marie, qui y a ramené la vie. Homil. i, in festo annun­ tiationis B. M., P. L., I. xciv, col. 9; Homil. n, in festo visitationis B. M.. col. 16 sq. Saint André de Crète (t 720), en faisant ressortir ce mime contraste, In nattait. B. M. homil., P. G., I. xcvn, col. 813, appelle Marie médiatrice de la grâce, In nativit. B. M., hom. iv, col. 865; dispensatrice et cause de la vie, In dormitione S. M., m, col. 1108. — Chez saint Germain de Constantinople (t 730), même contraste entre Ève et Marie, et surtout affirmation, beaucoup plus explicite de la médiation universelle de Marie que nous étudierons plus loin, et de laquelle nous détachons pour le moment, cette seule phrase, que personne n’a été racheté si ce n’est par la Mère de Dieu. In dormit. B. M., n. P. G., t. xevin, col. 319. Saint Jean Damascène (f 751) donne à Marie le titre de médiatrice. In dormit. B. M., hom. i, 8, P. G., t. xevi, col. 713. et affirme que nous lui devons tous les biens qui nous sont conférés par Jésus-Christ. In dormit. B. M., hom. i, 3, 12; hom. n, 16, col. 705, 717, 744. Jean d’Eubée (t 711), en expliquant que le serpent devait être écrasé par Marie, enseigne indi­ rectement ‘sa coopération â notre salut. Sermo in conceptione Deipane, xxi. P. G., t. xcvî, col. 1196. Au ix· siècle, saint Théodore le Studite (t 828) repro­ duit simplement l’antithèse entre Ève et Marie. In dormit. Deipanc, hom. v. 2, P. G., t. xcix, col. 721. En Occident, saint Fulbert de Chartres (f 1028) ajoute au contraste entre Ève et Marie, Serm. IX, de annuntiatione, P. L., t. exu, col. 336, cette affirma­ tion indiquant le rôle du consentement de Marie dans l’accomplissement de notre rédemption : O beata Maria, sarculum omne captivum deprecatur tuum assen­ sum, col. 337. Saint Pierre Damien (t 1072), outre le titre de Mère du rédempteur qu’il donne à Marie, | Serm., xlv, P. L., t. exuv, col. 711, 713, montre que, dans l’œuvre de notre rédemption, rien ne s’est accom­ pli sans elle, ita sine illa nihil refectum sit. Serm., xi, col. 558. Chez saint Anselme (f 1109) sc rencontre plu­ sieurs fois celte affirmation que les bienfaits de la redemption nous sont venus par Marie, Oral., xlvii sq., tn sq , P. L., t. CLvm, col. 915 sq„ 955, 959, 961. Plus explicite encore. Eadmer (f 1121) dit que, par ses | mérites. Marie a contribué à notre rédemption. De excellentia B. M.. ix. xj. P. L., t. eux. col. 573, 578 sq. L'enseignement de saint Bernard (t 1153) est formel relativement à la coopération de Marie à notre rédemp­ tion. Tandis qu’Ève a suggéré notre prévarication, I 2392 I Marie a procuré notre rédemption. Serm. de .r// pntrog. B. V. M., 2, P. L., t. CLXXxm, col. 130. C’rit par elle que la miséricordieuse main du Tout-Puissant a recréé tout ce qu’elle avait créé. In festo Pentecostes, serm. n, 2, col. 328; In assumptione B. Μ. V., serm. n, col. 117 sq. Aussi Marie est-elle appelée gratis· inventrix, mediatrix salutis, restauratrix surculorum. Epist., ct.xxiv, 2. t. cLXxxii, col. 333. C’est par son consentement à l’accomplissement du mystère de l’incarnation que notre délivrance a été effectuée: statim liberabimur si consentis. Super Missus est, hom. iv, 8, P. L., I. eux xxm. col. 83. 3· période, depuis le milieu du Xlt* siècle jusqu'à l’époque contemporaine, période caractérisée, surtout depuis le xvi· siècle, parla fréquente affirmation très explicite de la coopération de Marie à notre rédemp· lion, consommée par son propre sacrilice consenti au moment de l’annoncialion et accompli sur le Calvaire Nous nous bornerons pour celte longue période, a mar­ quer sommairement le mouvement des idées relati­ vement à la nature de la coopération de Marie et a l’emploi du terme corédemptrice ou d’expressions ana­ logues. Au xn· siècle, Fauteur qui parla le plus explicite­ ment sur ce point fut Ernald ou Arnaud de Chartres (f 1156). Arnaud loue particulièrement le sacrifice par lequel Marie s’est immolée Intérieurement pour le salut du monde. Sacrifice d’holocauste simultané­ ment offert à Dieu par Jésus et Marie, par Jésus in sanguine carnis, par Marie in sanguine cordis, loc. cit. Ainsi, en commun avec Jésus, Marie causa c salut du monde. De laudibus B. Μ. V.. P. L, l. clxxxix, col. 1727. A sa manière, Marie coopérait ad propitiandum Deum... cum tam propria quam mdtrb vota curitas Christi perferret ad Patrem, cum quod mater peteret, Eilius approbaret, Paler donaret. Tract, dt Vll verbis Domini in cruce, m. coi. 1691 sq. Solon Richard de Saint-Victor (f 1173), Marie a désiré, cherché el obtenu le salut de tous. Elle est le salut de tous, parce que par elle le salut de tous a été accompli. Explic. in Cant, cantic., xxvi, P. L., t. exevi, col. 483. Adam de Saint-Victor (t 1192), dans sa séquence pour la fêle de l’Assomption, dénomme Marie mediatrix hominum, salutis puerpera. Sequentiiv, xxv, P. !... t. (.xcvî. coi. 1502. Au xm· siècle Albert le Grand célèbre Marie coud* jutrix et socia Christi. Pour le genre humain, elle a participé aux souffrances de son divin Fils. Tous les disciples fuyant, elle est restée seule près de la croix Dans son cœur, elle ressentit les plaies que Jésus ressentait dans son corps. Mariale sive quirstiona super evang. Missus est, q. xi.n, Opera omnia, Paris, 1898, t. xxxvn, p. 81. Marie fut associée à la passion de son divin Fils, facta fuit ei in adjutorium simile sibi, pour aider â l’œuvre souveraine de miséricorde et régénérer toute l’humanité. Op. cit., q. cxmn, p. 214. — Vers la même époque, Richard de SaintLaurent loue Marie devota coudjutrix ad mundi redemjh (ionem. De laudibus B. Mariæ, m, xn, 5, dans les œuvres du B. Albert le Grand, Lyon, 1651, t. xx b, p. 96. Saint Thomas émet cc principe si riche en enseignements ; Marie, au moment de l’annonce qui lui fut faite par l’ange, exprima son consentement loco totius humanæ naturæ, pour l’union entre le Hls de Dieu cl la nature humaine. Sum. theol., Ill“,q. xxx. a. 1. Un tel consentement ne suppose-t-il point une coopération effective â notre rédemption? Saint Bonaventure dit d’une manière générale que c’cst par scs mérites, par ses exemples el par son Interces­ sion, que Marie est pour toute l’humanité la porte du ciel. Serm., vr, ile annuntiatione B. V. M. Opéra omnia, Quaracchi. 1901. t. ix. p. 705. Au xv siècle saint Bernardin de Sienne (t 1111) 2393 MABIE M EDI \TKICE : ACQUISITION DE LA GRACE enseigne que, quand Marie donna son consentement a l’incarnation, elle comprit que, par cc consentement, elle se consacrait et s'unissait au sacrifice du Rédemp­ teur, Sermones pro festivitatibus... V. Mariæ, serm. vn. a. 1, c. m, Opera omnia, Paris, 1635, l. iv, p. 126. Par un martyre admirable Marie s’offrit des lors cl sc consacra ά Dieu, en union avec Jésus s’offrant luimême en holocauste à son Père. Serm., vm, a. 2, c. i, p. 131. En donnant cc consent ement pour la répara­ tion de toute l’humanité, Marie le donna aussi pour son propre salut. Serm., vin. a. I. c. iv, p. 131. Car Marie elle-même cul besoin de rédemption. Saint \ntonin de Florence (t 1 159) nomme Marie adjutrix nos tne redemptionis rt mater nostræ spiritualis generationis. Summa theol., part. IV, tit. xv, c. xiv, 2, t. iv, coi. 1002. Vers la même époque, Denys le Char­ treux (t 1171) Indique, comme raison providentielle des souffrances de Marie nu pied de la croix, la coopé­ ration qu’elle devait, scion le plan divin, apporter à notre salut, De praconto et dignitate Mariæ, I. 111,25, Opera, Tournai. 1908, t. xxxv, p. 563; De dignitate d laudibus B. Μ. V., I. II, a. xxm. t. xxxvr, p. 99. C’est par Marie, dit Gabriel Bicl. que notre rédemption a été consommée, De /estis divrv virginis Mariæ varii atque eruditi sermones, xv. Brescia. 1583, p. 82. Pelbart appelle Marie adjutorium redemptionis, op. cit., p. 108. Suivant Clichtove (t 1513), Marie, après son divin Fils, peut à sa manière, être appelée rédemptrice et réparatrice du genre humain. Par scs souffrances volontairement acceptées, clic a coopéré à notre rédemption Ainsi elle a souffert, non pour elle-même, puisqu’elle n’avait point de péché: mais pour nous et pour notre salut. De dolore B. Μ. V. in passione Filii sui, xi sq., Paris, 1517, p. 70 sq. Saint Pierre Canisius affirme que, selon la doctrine des Pères qui avec Irénéc ont comparé Marie, cause de notre salut, â Ève, cause de notre damnation, la nouvelle Ève doit être comprise parmi les causes secondaires qui ont coopéré ù notre rédemption. Commentarii de verbi Dei corruptelis, part. II. I. V, c. xxxi, Ingolstadt. 1583, t. n, p. 814. A cause des attaques des protestants, la coopération de Marie à la rédemption fut particulièrement étudiée par les théologiens ù la fin du xvi· et pendant le xvn» siècle. Suarez montra, par de multiples témoi­ gnages de la tradition catholique, que Marie, bien qu’elle ne nous ait point rachetés, et qu'elle ne nous ait rien mérité de condigno, a cependant coopéré à notre salut en concevant Jésus-Christ, l’auteur de notre salut, en priant pour nous et en méritant de congruo notre salut. In ///‘,ra S. Thonur, t. n. di*p. XXIII, sect, ι, η. 4. Jean de Cartbagènc rap­ porte les deux objections principales que l’on faisait valoir contre la coopération de Marie ù la rédemp­ tion : on porterait atteinte Λ la souveraine excellence de la rédemption de Jésus-Christ, seul vrai rédemptci r et on pactiserait avec des assertions hérétiques attri­ buant à Marie le salut du genre humain. Puis il prouve, parde nombreux témoignages, que Marie a vraiment coopéré ù notre rédemption. Cette coopération est expliquée dans les tonnes mêmes de Suarez. La conclusion est que les objections tombent d’ellesmêmes, puisque Jésus seul nous a vraiment rachetés. Mario a coopéré seulement par scs prières, par ses mérites de congruo,vl en fournissant Λ Notre-Seigneur le corps qu’il devait immoler pour notre salut, op. cit., I. XII, hom. xi, t. ir, p. 30 sq. Même démons­ tration chez Novato, op. cit., t. i, p. 379 sq. La coopé­ ration de Marie a consisté principalement dans l’of­ frande du sacrifice de son divin Fils pour la rédemp­ tion du monde. Λ cette offrande, Marie joignit scs propres souffrances, endurées avec une très parfaite charité et offertes pour les pécheurs. Cc fut donc 239'» une simple participation à la rédemption de JésusChrist, la seule rédemption véritable. Même enseigne­ ment chez Christophe de Vcga, op. cit., t. π, p. t 11 sq. Théophile Raynaud, tout en admettant la réalité de la coopération de Marie à notre rédemption, insiste pour que cette doctrine soit bien comprise : .Von sunt tamen ista vrl passim promenda vet absque convenienti interpretatione. Toute notre rédemption, formellement accomplie par Jésus-Christ seul, n’a eu besoin d’aucun complément offert par Marie, op. cit.. Opera, t. vi, p. 224 sq. Selon Georges de Rhodes. Marie peut être appelée véritablement rédemptrice du monde, avec dépendance de Jésus-Christ. En vertu de ses mérites, et de congruo, elle a mérité tout cc que Jésus-Christ a mérité pour nous, d’une manière principale el de condigno. Op. cit., t. n, p. 265 sq. Dans son jv· sermon sur la jéte de Γ Annonciation, Bossuet explique comment Marie a coopéré a notre salut par le consentement qu’elle a donne à l’accom­ plissement du mystère de l’incarnation. Bourdalouc, dans un sermon sur la dévotion à la sainteVierge prononcé en la fête de l’Assomption, justifie particu­ lièrement. d'après l’autorité de saint Bernard, le titre de médiatrice et de réparatrice des hommes donné à Marie, et celui de coadjulricc de Dieu dans l'accom­ plissement de notre salut. Même enseignement dans son deuxième sermon sur l’annoncialion. Au xvm· siècle, Trombelli (t 17841 montre que le titre de rédemptrice, ou de nconciliatrice du genre humain, peut être donné a Marie, non dans le sens strict qui convient à Jésus seul: mais dans un sens large et non rigoureux, parce qu’elle a coopéré â l’œuvre de notre rédemption par le consentement qu’elle a donné a l’incarnation. De cultu publico a b Ecclesia B. Mariæ exhibito, diss. VIII, dans Bour­ rasse1, l. iv, col. 285 sq. Sedlmayr justifie également le titre de coopératrice à la rédemption, ou de coré­ demptrice, donné à Marie, op. cit., dans Bourrasse, t \iî. col. 1275 sq. Au xix· siècle, le même enseignement est communé­ ment donné par les théologiens. Ventura, La mère de Dieu, mère des hommes, Lyon, 1845, p. 293 sq.; Jcanjacquot. Simples explications sur la coopé­ ration de la très sainte Vierge d For livre de ta Rédemption, Paris, 1868; cardinal Pie. Œuvres, Poitiers, 1866, t. m, p. 428; cardinal Billot, De Verbo incarnato, 3' édit·, Rome. 1900, p. 366; Léplcier, op. cit., p. 530 sq.; L* immaculée Mère de Dieu corèdemptrice du genre humain, Turnhout, 1906; Janssens, op. cit., p. 499 sq., 786 sq.; Terrien, La mère des hommes, Paris, 1902.1.1, p. 347 sq.; Dr poix, op. cit., p. 178 sq.; Campana, .Marfa nel dogma cattolieo, Turin, 1909, p. 129 sq.; P. Hugon, Tractatus de B. Virgine Deipara, Tractatus dogmatici, Ihiris, 1920, t. m, p. 176 sq.; J. Bittrémicux.op. cil., p. 16-133, Cependant quelques théologiens, comme Schechen, Handbuch der kathotischen Dogmatik, Fribourg-en-B., 1882. t. m. p. 591 sq.. tout en admettant que Marie a coopéré Λ la rédemption par son consentement donné ù l’incarnation, et qu’elle n mérité de congruo tout ce que Notre-Seigneur a mérité pour nous de condigno, estiment que l’expression corédemptrice ou coopéra trice à la rédemption, bien qie susceptible d’un sens très vrai, doit être employée avec quelque restric­ tion ou doit être omise. Voir aussi Revue des sciences philosophiques et théologiques, 1907, p. 799. En terminant celle esquisse historique, il est utile de rappeler que la coopération de Marie ù notre rvdeintion a été affirmée par le magistère ordinaire des sou­ verains pontifes, notamment de Léon XIII et de Pie X. Dans l’encyclique de Léon XIII idjutrieem populi, du 5 septembre 1895, Marie est appelée sacra­ menti humanæ redemptionis patrandi administra cl reparatrix totius orbis. Pie X, dans l'encyclique Ad diem ilium, du 2 février 1904, affirme que, par la coin- 2395 MAKIE MÉDIATRICE: ACQUISITION DE LA GRACE 2396 munlon de douleurs et de volonté entre Jésus cl Marie, I Notrc-Sclgneur seul, puisque c’est une vérité de loi celle-ci a mérité de devenir très dignement la répara- que Jésus est l'unique rédempteur et médiateur. Λ m trice de l’humanité déchue : Promeruit illa ut repara· mérites toute grâce est principalement duc, comme le trix perditi orbis dignissime. fieret. montre saint Thomas, Sum. theol., III*, q, xlvih, 3· Conclusions doctrinales. — l·· conclusion cancer- a. 5, comme renseigne le concile de Trente, scm. v, nant le fait de la coopération de Marie à la rédemption. Decret, de peccato originali, can. 3; comme le déclare par le consentement qu’elle donne à l’incarnation Pie X dans l’encyclique déjà citée : Equidem non rédemptrice. diffitemur horum erogationem munerum priualo pro· a) Implicitement indique dans l’antithèse patris- prioque jure esse Christi; siquidem et illa e/us unius tique entre Ève ct Marie, souvent affirmé, selon l’en- morte nobis sunt parta et ipse, pro potestate, mediator seignement scripturaire, par les théologiens depuis Dei atque hominum est. Coopération toujours très saint Bernard et saint Thomas, le consentement de dépendante de la médiation souveraine de NuireMarie A notre rédemption est expressément enseigné Seigneur, en ce sens que le consentement, par lequel par Léon XIII et Pie X. Dans l’encyclique Fidentem Marie coopéra à notre rédemption, fut donné par elle piumque du 20 septembre 1896, Léon XIII déclare avec l’aide de grâces provenant de la redemption que Marie a coopéré à notre réconciliation avec Dieu, accomplie par Jésus-Christ; el qu’l! en lut de même quand elle a causé la venue de notre divin Sauveur, pour tous ses mérites et satisfactions de congruo. par son assentiment donné, pour toute la nature Car Notre-Scigneur est, selon renseignement de laiol, humaine, sur la demande du messager céleste. Sui- le seul médiateur de qui toute grâce procède : De vont l’enseignement de Pie X dans l’encyclique du plenitudine ejus omnes nos accepimus. Jon., ι, 16. 2 février 1901, Mario, par une parfaite communion de b) Coopératrice de notre rédemption, Marie a clé vie et dc souffrances entre elle et son divin Fils, a elle-même, rachetée par Noire-Seigneur, non d’une mérité d’être la réparatrice de l’humanité déchue, cl rédemption libératrice comme le reste des créatures, la dispensatrice de tous les dons que Jésus nous a mais d’une rédemption préservatrice provenant d’une acquis par sa mort ct par son sang. grâce toute particulière. C’est une vérité définie par b} A cause des lins providentielles pour lesquelles il | l’Églisc que Marie a été intuitu meritorum Christi était demandé, et pour qu’il pût être dignement asso- i Jesu salvatoris humani generis, ab omni originalis culclé au sacrifice Intime de Notre-Seigncur, le consen- pœ labe pnrservata immunis. Denzingcr-Bannwart, tornent de Marie â l’incarnation dut porter, au moins n 1611. Vérité bien exprimée aussi dans l’oraison en substance, sur l’incarnation telle qu’elle devait I pour la fêle de l’Immaculée Conception : Quæsumus, être réalisée, avec le sacrifice dc la croix auquel elle ut qui ex morte ejusdem Filii tui pravlsa eam ab était ordonnée, avec la part dc souffrance qui devait omni la be præseroasti, etc. en résulter pour Marie. Celte éminente connaissance J· conclusion concernant le litre de corédemptrice était nécessaire pour qu’â celle fin Marie pût ordonner donné à Marie.—a) Bien que les documents pontitous ses mérites, cl qu’avec un très pur amour de ficaux n’aient point celle expression, ils ont des sacrifice et d’immolation elle fût dignement associée, termes équivalents. Dans l'encyclique Adjutricem ne fût-ce qu’à litre secondaire, au sacrifice de son populi, du 5 septembre 1895, Léon XIII appelle divin Fils. C'est ce que suggère la parole de Pie X, Marie sacramenti humante redemptionis patrandi admi· que nous venons d’entendre, louant la parfaite corn- nislra ct reparalrix totius orbis. Pie X, dans Tcncyniunion de douleurs ct de volonté entre le Fils ct la clique du 2 février 1901, donne â Marie le titre de mère, reparalrix perditi orbis; titre d’autant plus significatif c) Comme conséquence de cette intime communion que le souverain pontife affirme, au même endroit, entre Marie el son divin Fils, le consentement, expri- la communion de douleurs et dc volonté entre la mère mani sa participation au sacrifice rédempteur, dut, cl le Fils. dans son âme comme dans celle de Notre-Scigneur, b) Le mot corédemplrice signifiant, par lui-même, être comme incessamment présent, par une constante une simple coopération à la rédemption de Jésusrénovation, jusqu’à la pleine ct suprême consom- Christ, et ayant reçu, depuis plusieurs siècles, dans mation du Calvaire. C'est encore cc qu'indique, le langage théologique, le ’sens très déterminé d’une dans la même encyclique, l’affirmation dc Pic X. que coopération secondaire et dépendante, selon les lémoiMarie eut la charge de garder et de nourrir la divine gnages précités, il n’y a point dc difficulté sérieuse à victime cl dc l’offrir, au moment voulu, à l’autel du s’en servir, à condition (pie l’on ait soin de l’accomsacriflce. D’où, entre le Fils cl la mère, une constante pagner de quelques expressions indiquant que le rôle association dc douleurs et dc volonté, méritant qu’à ' dc Marie, dans cette coopération, est un rôle sccontous deux l’on applique la parole du Prophète : daire cl dépendant. Cette précaution peut être souDeficit in dolore vita mea et anni mei in gemitibus. vent opportune, soit dans le langage théologique, soit Ps. xxx, H. surtout daiib l’enseignement des fidèles et dans la d) Très grand fut le mérite d’un consentement si | polémique avec les non catholiques. parfait, incessamment renouvelé avec une si excelt· conclusion concernant la participation de Marie lente charité, unissant Marie â son divin Fils, jusqu’à la au sacerdoce de Jésus. - a) C’est une conclusion consommation suprême du Calvaire. Les mérites ainsi théologique certaine, que Marie coopéra, dc quelque acquis ne pouvaient, comme ceux de Notre-Scigneur, manière, à l’acte principal du sacerdoce dc Jésusseul médiateur principal, être des mérites stricts, de Christ, en donnant comme l'exigeait le plan divin. condigno. Mais, dans leur sphère propre, comme son consentement au sacrifice de la croix, tel qu’il mérites de convenance, de congruo, lia s’étendirent a etc accompli par Jésus-Christ. effectivement â l'humanité tout entière, comme nous Selon renseignement de saint Thomas, Sum. theol., venons de l’entendre de Pie X. IIP, q. xxn, a. 2. l’acte principal du sacerdoce dc f· conclusion concernant la nature de la coopération Jésus-Christ a été Pacte par lequel Jésus s’est offert de Marie à notre rédemption. — a) Nécessairement en sacri lice pour la rédemption du monde. Dès le subordonnée à la médiation souveraine de son divin premier moment de son incarnation, Il eut la volonté Fils, la coopération dc Marie fut toujours secondaire | d'accomplir ce sacrifice; mais la parfaite consommacl dépendante. lion a laquelle, selon le plan divin, était attachée Coopération secondaire, supposant que tout le notre rédemption, eut Heu seulement sur le Calvaire. mérite de condigno du sacri fice rédempteur provient de | Ce fut par ce sacrifice suprême que Jésus remplit 2397 MARIE MEDIATRICE: OBTENTION DE LA GRACE véritablement sa fonction dc prêtre ou de réconcilia* leur du monde avec Dieu, qu’il expia tous les péchés dc l’humanité, ct qu’il mérita pour elle de condigno tous les dons divins. S. Thomas. Sum. theot.. IIP, q. x.xii, a. 1, 3. Λ cet acte principal du sacerdoce de Jésus-Christ, Marie coopéra par le consentement qu’elle donna, au moment de l’annonclation. a l’incarnation telle qu'elle devait être réalisée avec le sacrifice dc la croix comme conséquence, ct avec la communauté de souffrances qui devait exister entre la mère cl le I lls pendant toute hi vie de Jésus, jusqu’à la consommation du suprême sacrifice du Calvaire. Le consentement de Marie, qui devait avoir pour conséquence une communion inin­ terrompue de soullrances entre la mère et le Fils, était une condition effectivement nécessaire pour l'accom­ plissement du sacrifice de la croix. Nous l’avons constaté en étudiant, dans l’enseignement tradition­ nel, la coopération dc Marie à notre rédemption. Donc Marie, en remplissant fidèlement celte condiloin, dans toute son intégrité, jusqu’aux souffrances extrêmes endurées au pied de la croix, coopéra, d’une manière secondaire, au sacrifice rédempteur ou â l’acte principal du sacerdoce dc Jésus-Christ. b) Marie coopère encore incessamment à la collation de toutes les grâces que Notre-Scigneur, souverain prêtre, ne cesse d'appliquer, comme fruit de la rédemp­ tion, à toute l’humanité. Comme l’indique saint Tho­ mas, Contra gent.. I. IV, c. 76, c’est Noire-Seigneur, souverain prêtre, qui applique lui-même dans les sacrements, par l'intermédiaire des prêtres qui agis­ sent en vertu de son propre pouvoir, les grâces qu’il nous a méritées par sa passion. Par sa médiation, Marie y coopère puisque c’est par elle que l’on obtient les faveurs nécessaires pour se disposer à une digne réception des sacrements. r) A eau c de celle coopération à l’acte principal du sacerdoce dc Jésus-Christ, ainsi qu’à la constante application faite par Noire-Seigneur, souverain prêtre, de toutes les grâces méritées par sa passion, Marie peut cire légitimement appelée Virgo sacerdos, viergeprêtre, en prenant l’expression sacerdos dans le sens d’un adjectif indiquant ainsi, par lui-même, une simple participation au sacerdoce principal de JésusChrist dans le double sens indiqué. C’est en cc sens d’une simple participation au sacerdoce dc JésusChrist qu’un théologien du xvn* siècle expliquait déjà celte expression : Sacerdos quia, in morem sacerdotis, cum Filto sacerdote sacrificium faciens, w terno Patri obtulit redemptionis hostium. Hcichcnberger, op. cit.. p. 116. On comprend d’ailleurs qu’il y ail une corré­ lation intime entre celle expression et celle dc média­ trice ou de corédemptrice. Par le fait que Marie a coopéré el coopère encore à l’œuvre de médiation accomplie par Nulre-Seigneur, seul vrai médiateur, parle fail qu’elle a coopéré secondairement à l’œuvre de la rédemption accomplie par Jésus, seul vrai Kédempteur, elle a. dans la même mesure el pour les mêmes raisons, coopère ct coopère encore à l’œuvre de Jésus souverain prêtre. Comme ces trois titres sont, pour Notre-Seigneur, des litres corrélatifs intimement liés l’un à l’autre. Ils le sont également pour Marie, dès lors qu’on les emploie pour Indiquer une simple coopération secondaire de Marie, ou pour marquer une simple participation â un titre de Notre-Selgneur. Pic X, le 9 mai 1906, a approuvé, en l’enrichissant d’une indulgence, une prière à Marie où, entre autres titres, sc rencontre celui de Virgo sacerdos. E. Hugon, La Viergc-pr» tre. examen théologique d'un titre et d'une trine, Paris, 1911. p. 36. d) Le sens théologique quo nous venons d’indiquer peut être attribué aux textes que l'on rencontre chez les auteurs ecclésiastiques, particulièrement à partir 2398 du xvn· siècle. Textes où Je titre Virgo sacerdos, ou quelque litre similaire, csl donné à Marie, ct pour lesquels on peut particulièrement consulter le P. Hu­ gon, op. cit., p. 7 sq. ; J. Grimai, S. M., Le sacerdoce ct te sacrifice de Notre-Seigneur Jésus-Christ, 3* édit., Paris 1923, p. 109 sq. ; Van den Bcrghe, Marte et te sacerdoce. Bruxelles. 1872; P. Belon, S. M., La corédemption mariale réalisée, rapport lu au Congrès marial de Guingamp, 1911. On remarquera aussi dans le cardinal ï*ic. Œuvres, t. m, p. 428, l’appella­ tion qu'il donne a Marie, de corédemptrice du Calvaire ct d’associée au sacerdoce ct au sacrifice dc l'Agneau. //. MARIE MÉDIATRICE C S/ VERS ELLE POCR L'IM· — Simple appli­ cation de la médiation dc Marie pour l’acquisition de toutes les grâces, sa médiation pour leur impétra­ tion a le même fondement scripturaire, le même appui dans la tradition catholique ct dans l’approbation de {'Église. 1° Son fondement scripturaire est la vérité souvent affirmée que l’incarnation rédemptrice à laquelle Marie donna son consentement est la source cons­ tante de toutes les grâces conférées à l'humanité entière. Au témoignage de 1 Évangile, NotreScigneur est venu pour que tous possèdent la vie ct qu’ils la possèdent très abondamment. Joa., x, 10. Il donne l’eau jaillissant jusqu’à la vie étemelle. Joa., iv, 14. 11 est la voie, la vérité ct la vie; si ce n’est par lui. personne ne vient au Père. Joa., xiv. 6. Il est la vigne ct nous sommes les sarments; sans lui nous ne pouvons rien. Joa., xv, 5. Suivant saint Paul, c’est par Notre-Scigneur que la justification est conférée à tous. Rom., v, 18 sq. Par Notre-Scigneur, nous visons d’une vie nouvelle, vî, 4 sq. Par lui, tout le corps de l’Églisc, bien ordonne et formant un solide assemblage, lire son accroissement selon la force qui convient à chaque partie, et s’édifie lui-même dans la charité comme un organisme plein de vie, Eph., îv, 16; voir aussi Eph., u, 21 sq., Col. n, 19. Même enseignement dans saint Pierre. I Pct., I, 3. Cette conséquence très autorisée, ct découlant de l’enseignement scripturaire, nous l’avons rencontrée dans l’enseignement de Pie X. déclarant que c’est à cause dc la communion de douleurs et de sacrifice entre Marie cl Notre-Seigncur, que Marie a mérité de devenir très justement la réparatrice de l’humanité ct aussi la dispensatrice dc toutes les grâces que JésusChrist nous a acquises par son sang. C’est à cette vérité scripturaire, comme nous allons le constater, que la tradition catholique rattache le plus souvent sa doctrine, particulièrement explicite à partir du xut· siècle. 2· Enseignement traditionnel. — /'· période, depuis les temps apostoliques jusqu'au VHP siècle. caracté­ risée par une affirmation seulement générale de la médiation universelle dc Marie ou dc sa maternité à l’égard de tous les chrétiens. — Comme nous l’avons constaté au paragraphe précédent, la médiation universelle dc Marie, autant qu’elle est contenue dans l’antithèse entre Ève. cause dc mort pour toute l’humanité, et Marie, cause de son salut, est explici­ tement affirmée par Justin, Irénéc, Tertullien, Cyrille de Jerusalem, Jean Chrysostome, Épiphanc, et Am­ broise. — La maternité dc Marie à l’égard de tous les membres dc Jésus-Christ, notre Sauveur et notre chef, est particulièrement affirmée par saint Augustin et saint Pierre Chrysologue. Nous allons constater, dans les périodes subsé­ quentes, que ces affirmations contenaient, en réalité, les conclusions très explicites que les théologiens en déduisirent ultérieurement el qui ont eu l’approba­ tion du magiderc ordinaire de l’Églisc. pétrat/on de T0CTE3 les graces. 2399 MARIE MÉDIATRICE : OBTENTION 2· période du vnt· au ΛΊ · siècle, caractérisée, sur­ tout depuis le xu· siècle, par une affirmation explicite, quoique générale, de cette vérité que toutes les grâces sont données à l'humanité tout entière par l'intermé­ diaire de Marie. Du vni· au xu· siècle, cette affirmation explicite sc rencontre seulement quelquefois, à côté de nombreux textes affirmant, d’une manière générale, la médiation universelle de Marie. Nous signalerons particulière­ ment, au vin· siècle, saint Germain de Constanti­ nople (t 730). selon lequel personne n’est sauvé si ce n’est par la Mère de Dieu, personne n’échappe aux dangers, si cc n’est par elle, personne n'obtlcnt misé­ ricordieusement les dons de Dieu si ce n’est par celle qui a porté Dieu. In dormit. B. .W.. serin. ir, P. G., t. xevin, col. 349. Au xi· siècle, Jean d’Euchaïtcs (Mauropus) appelle Marie la dispensatrice de tous les biens que nous possé­ dons. . Par elle nous vivons, nous nous mouvons et nous existons. In SS. Deipara· dormit., P. G., t. exx, col. 1109 sq. Vers la même époque, en Occident, saint Anselme (t 1109) enseigne que Marie est la mère de tous ceux qui croient en Dieu, ct que, sans elle, nihil pietatis est nihilque bonitatis, Orat., χιλίι, P. L·., L CLVni, col. 915; que, si elle se tait, nullus orabit, nul­ lus jurabit; que, si elle prie, omnes orabunt, omnes juvabunt. Orat., xi.vi, col. 911 Au xu· siècle, saint Bernard enseigne, sans aucune restriction, cette loi générale de la divine Providence, qu’en cc qui concerne le salut de l’humanité chrétienne Dieu a voulu que tout ce qu’il donne passât par les mains de Marie. Serm.. m. in vigilia Nativitatis Domini, 10. P. L., I. CLXXXiir, col. 100. Dieu a posé en Marie la plénitude de tout bien, de telle sorte que tout ce qu’il y a en nous d’espérance, de grâce, de salut, nous sachions que c’est d’elle que tout cela provient. Serm. in nativit. B. V, M., de agiucduclu, 6 sq., col. 141. Ce n’est point que Dieu ait été impuissant à nous communiquer sa grâce sans cet aqueduc, mais il a voulu nous la procurer par ce moyen. Nous devons donc tout offrir à Dieu par les mains si recommandables de Marie, Ideoque modicum istud quod offerre desideras, (iratissimis illis et omni acceptione dignissimis Mariir manibus offerendum (radere cura, si non vis sustinere repulsam, coi. 148. \u xm· siècle. Albert le Grand appelle Marie porte du cici, quia per eam exivit quidquid gratiie unquam creatum, vel increalum, in hunc mundum venit vel venturum fuit, Marlale, q. cxlvii. Opera omnia, Paris, 1898, t. xxxvn, p. 211, Selon Richard de Saint-Lau­ rent. vers la même époque, Marie est le cou mystique de l’Église, par lequel Jésus, la médecine de nos Ames, vient à nous, De laudibus II. Μ. V., 1. V. c. n, n. 39, dans les Opera omnia d’Albert le Grand, Paris, 1898, t \xxvi. p. 302. Marie est aussi l’aqueduc par lequel les dons célestes doivent constamment descendre de Dieu aux hommes. I. IN, c. xv, n. 2. p. 111. Vin­ cent de Beauvais (t 1261) reproduit la doctrine de saint Bernard. Opusculum laudum Virginis Marin·, c. ex xvm sq., Bâle, 1 181, s. p. Selon saint Thomas, c’est un privilège propre à l'humanité de Jésus-Christ, d’avoir eu la plénitude de la grâce, de manière â la faire rejaillir sur l’humanité tout entière, selon la parole de saint Jean : de plenitudine ejus omnes nos accepimus. Mais Marie a obtenu une telle plénitude de grâce qu’elle a été propinquissima auctori gratin· ita quod eum qui est plenus omni gratia in se reciperet, et eum portendo quodammodo gratiam ad omnes derivaret. Sum. theol., IIP, q. xxvn, a. 5, ad lurn. Marie parti­ cipant ainsi, à cause de sa maternité divine, à la double plénitude de grâce de Jésus-Christ, plus parfaitement qu’aucune autre créature, est donc vraiment média­ trice de la grâce dans toutes les âmes. Saint Thomas DE LA GRACE 2400 nous montre ainsi le véritable principe thcologlque duquel procède l'universelle médiation de Marie dans la distribution de toutes les grâces. Dans son commen­ taire sur la salutation angélique, il explique cette plénitude de grâce en Mario, quantum ad refu­ sionem in omnes homines. Avoir lu grâce autant qu’il suffit ad salutem multorum est une grande chose pour le commun des saints. Mais, en Jésus et en Marie, est la plus grande perfection, qui est d’avoir lu grâce en telle abondance qu’elle suffise ad salutem omnium hominum de mundo. Saint Thomas parle ici non seule­ ment de l’acquisition, mais aussi de la distribution des grâces. En tout danger, ajoute-t-il, nous pouvons, de cette glorieuse Vierge, obtenir le salut et nous pouvons, in omni opere virtutis, avoir son secourt. Expositio super salutat, angel. Saint Bonaventure (f 127 I) explique, dans son com­ mentaire sur saint Lue, en quel sens Marie est appelée porte du ciel, quia nullus potest jam cadum intrare nisi per Mariam transeat (unquam per portam. A elle nous devons donc avoir constamment recours, afin que par elle qui, au-dessus de toutes les femmes, a, devant Dieu, trouvé grâce ct miséricorde, nous trouvions grâce et nous obtenions miséricorde in auxilio opportuno. Comment in Luc., c. i, n. 70: c, n, n. 37. Opera omnia, Quarncchi, 1895, t. vu, p. 27, 52. Conrad de Saxe (t 1279), dans son Speculum B. Μ. V., souvent attri­ bué à saint Bonaventure, affirme, à la suite de saint Bernard, que, par les mains de Marie, nous avons tout le bien que nous possédons. Et il demande, comme l’abbé de Clairvaux. que par les mains de celle auguste souveraine nous offrions ù Dieu tout le bien que nous faisons. Speculum B. Μ. V., lect. m, Quaracchi, 1904. p. 40. Selon Jacques de Voragine (t 1298), coinmine toute la nourriture descend dan; le corp* a capite mediante collo, ainsi c’est par Marie que tous les dons de Dieu nous viennent de Jésus-Christ. Mariale, serm. ix, Lyon, 1688, p. 90 Au xiv siècle, Raymond Jordan mentionne la loi providentielle d’après laquelle Marie est notre avo­ cate auprès du Eils, comme le Fils l’est auprès du Père, et il appelle Marfe la trésorière des grâces de Dieu. Contemplationes de H. Virgine, prolog., dans la Summa aurea, t. iv, col. 851 sq. Au xv· siècle, le chancelier Gerson (f 1 129) appelle Marie notre avocate, notre médiatrice, par les mains de laquelle, selon l’enseignement de saint Bernard, Dieu a résolu de donner tout être sollicitée; elle nous donne abondamment de ce trésor dc grâce dont elle a été, dès le commencement, enrichie par Dieu Dans l'encyclique Adjutricem populi du 5 septembre 1895, elle est proclamée simul mater Dei, simul mater nostra. Tel avait été aussi renseigne­ ment des papes précédents : Pie IX. Grégoire XVI, Pic VIII, Benoit XIV, etc. Voir IL Lcgnani, De theo­ logica certitudine malemitatis H. Virginis quoad fideles, Venise, 1899, p. 19 sq.; Terrien, op. cit., I. m. p. 76 sq. J. Bittrrmieux, op. cit . p. 1 19-156. l.a liturgie de l'Êglise exprime souvent la même doctrine, par beaucoup dc titres signifiant sa maternité universelle, comme mère de grâce, mère de miséricorde, mère du perpétuel secours, du bon conseil. En même temps que l’Église affirme ce glorieux titre de Marie, elle cn montre la parfaite convenance : Marie n'est-elle pas la mère de Dieu? Elle est donc aussi notre mère. Car c’est un principe bien assuré que Jésus Verbe fait chair est en même temps le Sauveur du genre humain. Comme Dieu-Homme, il a un corps comme les autres hommes, comme Bédemptcur de notre race il a un corps spintuel ou mystique qui est la société de ceux qui croient en lui selon la parole dc saint Paul, Hom., xn. 5. Or la sainte Vierge n’a pas conçu le Fils de Dieu seulement pour qu'il devint homme, cn prenant d'elle la nature humaine, mais aussi pour qu’il devint le rédempteur des hommes par la nature qu’il a prise d'elle. C’est pourquoi l’ange dit aux bergers: » Aujourd'hui vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. * Ainsi dans le même sein dc sa Mère très pure. Jésus a pris sa chair humaine et s’est adjoint son corps spirituel formé de tous ceux qui devaient croire en lui. Donc Marie ayant dans son sein le Sauveur, a aussi porté tous ceux dont la vie était contenue dans la vie du Sauveur. Nous tous qui sommes unis à Notre-Scigncur. qui sommes, comme dit l'Apôtre, Eph.» v, 30, membres (le son corps, qui sommes dc sa chair et do ses os, nous sommes sortis du sein de Marie, comme un corps spirituel attaché à Jésus notre chef. Donc nous aussi, d’une manière spirituelle et mystique, nous sommes appelés fils de Marie et elle est notre mère à tous, iùicycliquc de Pie X. Ad dim illum, du 2 février l“"L 2· conclusion. — La maternité spirituelle de Marie est une vérité Implicitement contenue dans renseigne­ ment néo-testamentaire, au même litre et de la même manière que la double médiation universelle dont elle est une conséquence immédiate. Après avoir montré, selon le texte dc saint Luc, la médiation universelle de Marie par le consentement qu'elle donna à l'in­ carnation rédemptrice, source dc toutes les grâces pour toute l’humanité, nous avons donc le droit d’af­ firmer. cn vertu dc cet enseignement scripturaire, la maternité universelle de Marie, dans l’ordte actuel relativement â toutes les grâces ct pour toute l’huma­ nité. A côté de celte preuve pleinement sufllsante, indiquons l’usage fréquent que l’on a fait, dans les siècles chrétiens dc plusieurs textes néo-testamentaires pour exprimer, avec des paroles ou des faits empruntés â l’Écnturc, une vérité déjà connue par la tradition cl par renseignement évangélique. a) Le fait de la sanctification de Jean-Baptiste accomplie par l’intermediaire de Marie a élé assez souvent employé comme un symbole scripturaire dc la maternité spirituelle de Marie. C’était la pensée de saint Ambroise attribuant à Marie, îelon le texte de Luc., i, 11. II.la sanctification de Jean-Baptiste dans le sein d’Élisabeth, De institutione virginis, vu, 5(i. P. L., t. XVI, col. 319; Expositio euangelii sec. Lucam, π, 29,1, xv, col. 1562. Dans le même sons citons aussi le sermon de Bossuet sur la dévotion u la sainte Vierge, prêché à la cour dans la fête de hi (’.on- 2407 MARIE, LA M ft RE DES HOMMES cep t Ion, son II* sermon pour la Rte de hi Visitation et saint Alphonse de Llguori dans son sermon sur la Visitation, Gloires de Marie,pnrt. II. sermon v. b) De la même manière, le premier miracle public de Jésus accompli à la prière de Marie. Joa., n* 1 sq., est présenté par Bossuet, après beaucoup d’autres auteurs ecclésiastiques, comme une marque que .Marie est asso­ ciée à l’œuvre de la justification des âmes : - Qui n’ad­ mirera, dit-il dans le sermon déjà cité sur la Dévotion à la sainte Vierge, que Jésus n’ait voulu foire son pre­ mier miracle qu’à la prière de la sainte Vierge? ce miracle en cela di fièrent des autres : miracle pour une chose non necessaire. Quelle grande nécessité qu’il y eût du vin dans ce banquet? Marie le désire, c’est assez. Qui ne sera étonne de voir qu’elle n'intervient que dans celui-ci, qui est suivi aussitôt d’une image si expresse de la justification des pécheurs? cela s’est-il fait par une rencontre fortuite? Ou plutôt ne voyezvous pas que le Saint-Esprit a eu dessein de nous faire entendre ce que remarque saint Augustin, en interpré­ tant ce mystère que la Vierge incomparable, étant mère de notre chef selon la chair, a dû être aussi, selon l’esprit, la mère de tous scs membres, en coopé­ rant par sa charité à la naissance spirituelle des enfants de Dieu. » c) Plus fréquemment, pour exprimer la maternité spirituelle de Marie, déjà connue par la tradition catholique el par le texte de saint Luc, on s’est servi, depuis le xn* siècle jusqu’à l'époque actuelle, du texte : Mulier, ecce filius tuus, Fili ccce mater tua, Joa.. xix. 26 sq.; comme le montrent les nombreuses citations faites par Lcgnani, op. cit., p. 7-20; Terrien, op. cil., 1.1, p. 271 sq.; A. Largent. La maternité adop­ tive de la très sainte Vierge, Paris, 1909, p. 39 sq.; J. Bittremicux. op. cil., p. 189-193; comme l’atteste aussi l’usage qu’en a fait Léon XIII dans l'encyclique Octobri mense du 22 septembre 1891, § Ubi vero per mysterium crucis, et dans l’encyclique Adjutricem populi du 5 septembre 1895, § Eximiic in nos caritatis Christi. Sous ces paroles cl le plus souvent sans préten­ dre en donner une véritable exégèse, on a voulu expri­ mer la sublime réalité qui s’accomplissait alors sur le Calvaire : Marie devenant la mère de tous les chrétiens en les enfantant par ses souffrances unies, pour le salut du monde, à celles de son divin Eils. Il y a donc divergence de points de vue plutôt qu’opposition d’idées entre cet emploi scripturaire et l'interprétation très littérale de Knabcnbaucr, Commentarius in Evangelium secundum Joanncm, Paris, 1898. p. 516 sq., cl du P. Lagrange, Évangile \elon saint Jean, Paris. 1925, p. 191 sq., entendant les paroles de Notre-Seigneur du soin temporel de Marie confié à son disciple bien-aimé. Notons que d’autres exégètes entendent littéralement les paroles scrip­ turaires de la maternité spirituelle de Marie s’étendant à Jean cl au même litre à tout le corps mystique ou à tous les fidèles, Simon-Prado, Pnrlcctiones biblicir, \ovum Testamr.dum, 3· édit., Turin, 1926, t. î. p. 598 sq. 3* conclusion. — La maternité spirituelle de Marie étant une conséquence de sa médiation universelle a été, comme cette médiation elle-même, constamment affirmée par la tradition catholique. 11 est vrai que, jusqu’à la fin du iv* siècle, l’expres­ sion, Marie mère des chrétiens ou des fidèles ne se rencontre point, d’une manière explicite, dans la tra­ dition chrétienne. Mais clic est virtuellement conte­ nue dans l'antithèse souvent exprimée entre Êve qui par sa désobéissance a été pour toute l’humanité, un»· cause de mort et Marie cause de salut pour toute l'humanité* par son obéissance à la parole de l’ange. N’est ce pas affirmer que Marie, d’où la vie est pro­ venue pour toute l’humanité régénérée est pour la vie 2408 spirituelle, la mère des vivants ou la mère des chré­ tiens, comme, pour la vie corporelle, Ève a été la mère de tous les vivants? A la fin du iv* siècle el dans la première moitié du v* siècle, l’expression mère des vivants ou mère de tous les membres dont Jésus-Christ est le chef, m· rencontre, chez saint Épiphane, Hivers., i.xxvm, 18, P. G., t. Xf.n, col. 728; S. Augustin, De sancta virgini­ tate, vi. 6, P. L., I. XL, col. 399; el S. Pierre Chrysologue, Serm., ext, P. L., t. eij, col. 576. Depuis cette époque, l’expression sc retrouve assez fréquemment chez les auteurs ecclésiastiques cl dans la liturgie de l’Église, sans que nous ayons besoin cî’e.1 rapporter ici tous les détails. On notera toute­ fois que, depuis le v siècle jusqu’au xvr siècle, et même encore plus tard, les expressions signifiant immédiatement la double médiation universelle de Marie, sont beaucoup plus fréquentes que celles qui signifient directement la maternité humaine. Aussi ce que l'on doit plus particulièrement considérer pendant cette période, c’est le concept de la double médiation universelle de Marie : très explicite depuis le vin* siècle en Orient avec saint Germain de Cons­ tantinople. très explicite aussi en Occident depuis ie xr el le xir siècle, avec saint Anselme el saint Bernard. Depuis le xvr· siècle jusqu’à l'époque actuelle, en même temps que l’expression mère des fidèles ou des chrétiens est plus universellement employée, surtout dans les documents ecclé­ siastiques, le concept de la médiation universelle de Marie est. comme on l’a montré, beaucoup plus explicitement formulé par les théologiens el aussi par le magistère ordinaire des souverains pontifes. 4· conclusion — L’universalité de la maternité humaine de Marie doit s'entendre dans le même sens que l’universalité de l’influence de la grâce de JésusChrist relativement à son corps mystique. C’est une conséquence du plan divin, qui a associé Marie au rôle de Notre-Seigneur en l’instituant média­ trice pour l'acquisition cl pour l’impétration de toutes les grâces provenant de la rédemption. Or. suivant saint Thomas. Sum. theol., III·, q. vm, a. 3. il y a trois catégories de membres qui sont unis à Jésus in actu : les saints du ciel qui lui sont unis p7. Cette opinion, dépourvue de fondement, opposée a l’enseignement moralement unanime des théolo­ giens, contredit encore des conclusions théologiques bien certaines : notamment que Marie était rendue impeccable seulement par la protection de la grâce divine, qu’elle posséda la vertu de foi et qu’elle dut, par scs propres mérites surnaturels, acquérir la récom­ pense éternelle. I/. fiTR.X'DOE ET PEREECTtOS DE LA SCIEXCE ES aia/ije. — Nous indiquerons brièvement 1rs prin­ cipales conclusions, sans qu’il soit nécessaire de citer pour chacune une longue liste d’autorités. P· conclusion. - Comme conséquence des dons divins qui lui convenaient à cause de sa maternité divine, Marie dut, pour la perfection de sa vie spirituelle, pos­ séder une très ample connaissance des vérités surna­ turelles. S’il est vrai que la charité envers Dieu n’est pas nécessairement en proportion avec la connais­ sance cl qu’il peut y avoir, de fait, plus d’amour que de connaissance, voir Charité, t. h, col. 2235, S. Thomas, Sum. theol., Ι·-ΙΙ*, q. xxvn, a. 2, ad 2u,n. il est non moins certain que la connaissance des véri­ tés surnaturelles aide puissamment à l’acquisition ct au perfectionnement de la vraie dévotion, S. Thomas, Sum. theol., H·-II·, q. lxxxii, a. 3, ad 3um, ainsi qu’à la contemplation des vérités surnaturelles. Saint Thomasnc dit-il pas, Sum. theol., ΙΙ·-ΙΙ®, q. CLXXXvm, a. 5, qu’elle fournit à la contemplation une matière abondante et sûre, et qu’elle en écarte de nom­ breux ct graves dangers d’illusion et d’erreur qui pourraient facilement s’y glisser? Marie devant exceller dans la pratique constante de la contemplation, devait donc exceller dans la connaissance des vérités surnaturelles. Marie devait encore posséder une très excellente connaissance â cause de l’intime association qu’elle dut, comme mère de Dieu, avoir avec son divin Fils dans l’œuvre de notre rédemption. De sa part, une telle association exigeait la coopération la plus intime, celle du sacri­ fice maternel généreusement accepté, incessamment renouvelé ct finalement consommé au pied de ia croix. Ne convenait-il pas que, dans la mesure où elle était appelée à coopérer par son consentement à cette œuvre sublime, Marie fût associée à la connaissance des moyens par lesquels elle devait s’accomplir et le perpétuer dans les âmes jusqu’à la consommation des siècles? Cc qui en réalité, dans le plan actuel de la Providence, où tout gravite autour de l’incarnation ct du sacrifice rédempteur, comprend tout l’ensemble des vérités surnaturelles. 2· conclusion. — Quant à l’étendue de ces connais­ sance* surnaturelles en Marie, il est difficile de donner une determination precise, soit pour l’ensemble de la vic dr Marie, soit pour les diverses époques de sa vie. Nous nous bornerons aux indications suivantes: 1. Relativement aux vérités dogmatiques ou aux vérité* théologiques, Marie cul une connaissance bien supérieure a celle de tous les anges cl de tous les 2412 hommes in statu via, soit à cause de son éminente per­ fection surnaturelle, soit à cause de sa coopération intime à l’œuvre de la rédemption. 2. Relativement aux mystères surnaturels et à l'incarnation en particulier. Marie, soit du côté de l’expérience personnelle, soit du côté de l’illumination divine, n’eut la connaissance évidente d'aucun mys­ tère, en dehors des heureux moments où elle jouit transitoirement de la vision béatilique, a) Il est vrai que, relativement au mystère de l’in carnation, Marie posséda une parfaite évidence de crédibilité résultant du témoignage immédiat de l’archange Gabriel et de l’expérience directe qu’elle eut, en elle-même, des merveilles de la conception virginale el de l'enfantement virginal. Mais quelque parfaite que fût celle évidence, extrinsèque à la nature intime du mystère de l’union hypostatique, celle-ci restait en elle-même inaccessible à l’intelligence de Marie. C’est cc qu’enseigne saint Thomas, quand il dit que. malgré l’éclat extérieur d’un miracle attes­ tant la vérité de la parole divine, l’enseignement divin reste en lui-même inévidcnl el peut être l’objet de la foi. Sum. theol., IP-Jl®, q. v, a. 2. D’ailleurs, selon saint Thomas, la foi est exclue seulement par la pleine vision, c’est-à-dire par la vision béatilique, a. 1. b) Il est aussi très probable que, pour ce même mystère de l’incarnalioq, Marie reçut de Dieu des illuminations très parfaites ct purement intellectuelles, qui lui donnaient une connaissance éminemment supérieure à celle de la foi. Mais quelle que fût la perfection de ces représentations intellectuelles, Dieu n'était point connu en lui-même, mais seulement par les effets surnaturels de sa toute-puissance, ou par de* représentations purement analogiques de ses divins attributs. S. Thomas, Sum. theol., II*-II"’, q. ci.xxm, a. I sq.; q. v, a. 1, ad lu,n; I*, q. xciv, a. 1; q. xn, a. 3, ad 3,Ini. 3* conclusion. — Les principes que nous venons de rappeler montrent qu’en dehors des moments de jouissance transitoire de la vision béatilique, Marie n’eut jamais en cette vie, même dans les étals mysti­ ques les plus relevés, la perception immédiate de Dieu. Nous savons en effet, par l’enseignement de saint Thomas, qu'en dehors du cas très exceptionnel d ele­ vat ion transitoire à la vision béatilique, Dieu peut être connu par l’intelligence humaine, en cette vie, seulement d’une manière médiate par les effets de sa toute-puissance dans l’ordre naturel el dans l'ordre surnaturel, ou par une révélation ou illumination divine donnant quelque concept analogique des attri­ buts divins. Ge que l’on doit appliquer même aux cas très spéciaux des illuminations divines dans la con­ templation surnaturelle la plus relevée. S. Thomas, Sum. theol., I·, q. xn, a. 13; 1IMI·, q. v, a. I, adlunj; q. CLXXX, a. 5. -Ie conclusion relative à la connaissance des choses futures, particulièrement du plan divin concernant la sanctification et le salut éternel de l'humanité» fl convenait que, dès sa vie terrestre, et comme associée à la rédemption accomplie par Noire-Sei­ gneur, Marie connût, sinon dans tous scs détail* d'application individuelle, du moins dans tout son ensemble, cette œuvre ineffable du salut de l'huma­ nité tout entière. Peut-on aller plus loin et dire que ’Marie, dès sa vie terrestre, connut en détail, tout cc qui concerne la sanctification el le salut de chacun de* membres de l'humanité; el que pour chacun d'eux, connu par elle individuellement, dans celte longue suite de siècles, elle pria el offrit toutes ses souffrances, ainsi que le sacrifice de son divin Fils? H ne semble pas que l’on puisse en donner une preuve convain­ cante, surtout s’il s’agit d’une connaissance univtr- 2'ι13 MARIE, EXEMPTION DE TOUT PÉCHÉ «•Ile s’étendant à tous les détails concernant chaque individu. Au ciel où, depuis son assumption glorieuse, elle exerce son rôle universel d’intercession ct de médiation pour toutes les grâces provenant de la rédemption, Marie possède, relativement à chacun des membres de toute l’humanité, cette connaissance parfaite. Quelle raison aurait-on de la lui attribuer, avec cette perfection, pendant sa vie terrestre, où elle n’exerçait pas encore son rôle de médiatrice univer­ selle.’ 5* conclusion concernant le privilège de l’exemp­ tion de toute erreur en Marie. L’erreur dont il est ici question, est une adhésion positive à un jugement en opposition avec la vérité. Outre l’ignorance, elle suppose donc un jugement par lequel on approuve, comme vraie, une chose fausse; ou que l’on porte un faux jugement sur une chose que l’on ignore, S. Tho­ mas, Quasi. disp, de malo, q. ni, a. 7. Ainsi définie, l’erreur est, dans l’ordre actuel de la providence, une conséquence du péché. S. Thomas, i·-!i*\ q. I.XXXV, a. 3. Elle ne pouvait donc exister en Marie, à jamais exempte du péché ct de toutes scs conséquences. Elle fut, il est vrai, soumise à la souf­ france ct à la mort ; mais ce ne fut point comme peine du péché. Elle subit la mort, pour avoir celte ressem­ blance avec son divin Eils ct pour écarter toute sus­ picion relativement à la réalité du corps de Jésus. Marie était, (railleurs, exemple des causes d’erreur qui existent le phis habituellement en nous : manque de prudence, mouvement déréglé de la concupiscence ou afTcction déréglée de la volonté. Tout en Marie était parfaitement soumis à la suprême direction de la raison, gouverné par la foi et mu par une parfaite charité envers Dieu. Toujours parfaitement prudente, Marie ne portait point un jugement ferme là où elle n’avait point de données suffisantes. Ci· conclusion concernant le privilège de l’exemption de toute ignorance en Marie. 1. Nous n'avons point à prouver qu’il y eut en Marie, aux diverses époques de sa vie, quelque absence d'une connais­ sance qui ne lui était point due: absence que l’on a appelée nescientia. S. Thomas, Quant. disp, de malo, q. m. a. 7, ou ignorantia negativa, Suarez, in ///·“, t. n, disp. XIX. sect. vi. Cette vérité nous est indi­ quée par plusieurs textes scripturaires : Luc., i, 35, indique que Marie ne connaissait point la manière dont sa virginité serait sauvegardée dans la conception ct l’enfantement de son divin 1 ils; Luc., il, II, montre que Marie ne savait point où était Jésus à la recherche duquel elle dut aller; et d’après Luc. n, 50, Joseph cl même Marie ne comprirent point pleinement la réponse faite par leur divin enfant. C’est aussi une conséquence des principes précé­ demment posés. Puisque la science de Marie, relative aux connaissances, soit naturelles soit même surna­ turelles. n’était pas d’une perfection absolue, il y avait, par le fait même, absence de quelque connais­ sance. 2. Quant à l’ignorance consistant dans la privation d’une connaissance due à quelque litre, selon la defi­ nition de saint Thomas. De malo, q. m, a. 1, ignorance appelée pour celle raison ignorantia privativa, Sua­ rez. /oc. cit., elle n’exista jamais dans l’intelligence de Marie. Non moins que l’erreur, une telle ignorance csl une conséquence ou une peine du péché, S. Tho­ mas. loc. cil.; conséquence ou peine dont Marie devait toujours être exempte, comme du péché lui-même. Les textes scripturaires qui paraissent affirmer le contraire doivent s’entendre, selon l’enseignement des théologiens, de quelque Ignorance simplement néga­ tive. IL PlUVILÉGI de l’exemption ni. toute faute -ACTUELl.l — Λ //Α’.νΛ\Λ·/(7Λ7;ΛΤΛ.νΤ SCRIPTURAIRE sur 2414 cc point est implicitement contenu dans deux vérités formellement affirmées par J’ftcrijure : la parfaite sainteté de Marie démontrée à l’article Immaculée Conception, l. vn, col. 819 sq., voir particulièrement la conclusion, col. 871 sq.; cl la maternité divine prouvée au début du présent article. Quant aux difficultés que plusieurs textes scriptu­ raires ont présentées dans les quatre premiers siècles, elles ont été expliquées a l’article Immaculée Concep­ tion, col. 886 sq. n. EXBEIOXEMEXT TRAbiTioxsEL, — Cet enseigne­ ment a été analysé à l’art. Immaculée Conception, l. vu, col. 873-882, pour les quatre premiers siècles où il csl seulement implicite. Notre analyse commen­ cera donc au v· siècle ou cette vérité apparaît très manifeste. P· période depuis le commencement du V* jusqu'au XIΠ· siècle. — On y constate un progrès doctrina», marqué surtout par une affirmation très explicite de l’absence de toute faute en Marie, ct par une interpré­ tation plus exacte des textes scripturaires qui avaient présenté quelque difficulté au m· el au îv· siècle. 1. Affirmaiion très explicite de Γ absence de tout péché actuel en Marie pendant toute sa vie. Celle affirma­ tion sc rencontre chez un assez grand nombre d’au­ teurs. C’est notamment la doctrine de saint Augustin au commencement du v· siècle. Il soutient, contre Pélagc, que tous les saints cl toutes les saintes, pen­ dant leur vie terrestre, auraient pu. à la demande s’ils étaient sans péché, donner la réponse scripturaire : Si dixerimus quia peccatum non habemus nos ipsos deci­ pimus et veritas in nobis non est. I Joa., i, 8 Marie seule est exceptée. A cause de l’honneur de NotreSeigneur, Augustin quand il s’agit du péché, ne veut point qu’il soit aucunement question de Marie: et il le dit pour toute la durée de la vie de Marie, puisqu’il ne fail aucune exception : Excepta itaque sancta virgine Maria, de qua propter honorem Domini nullam prorsus cum de peccatis agitur haberi volo qutrstionem; unde enim scimus quid ei plus gratia- collatum fuerit ad vincendum omni ex parte peccatum, quo concipere ac parere meruit quem constat nullum habuisse peccatum. De natura ct gratia, xxvi, 12. /*. 1... I. xliv. coi. 267. On remarquera que l’évêque d Hippone. en même temps qu’il écarte de Marie toute faute, en Indique la raison : c’est à cause de l'honneur de Notre-Seigneur qui eût été compromis par l’existence de quelque faute en sa mère, comme l'expliqua plus tard saint Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxvn, a. 4. Le passage du De peccatorum meritis et remissione, où la chair de Marie, en laquelle Noire-Seigneur a pris son corps, csl incidemment appelée materna euro peccati, I. II. xxiv, 38. n’est pas en contradiction avec le texte du De natura et gratia. Ces expressions signifient une chair qui. d’elle-mème, en dehors de toute sanctification accomplie par Notre-Seigneur, est soumise à la concupiscence ct aux pénalités du péché. Volt Ai·.» mix iSatnti. t. i, col. 2397. Chez saint Léon le (irand, Scrm., xxn, 3. P. L., I. Liv, col. 196. ct saint Jean Damascene. De fide orthodoxa, I. Ill, 2, P. G., t. xciv, col. 986; In dormit. II. Mariir virginis, i. 3. P. G., L xcvi. col. 704, sc rencontre l’idée d’une purification accomplie en Marie par le Saint-Esprit au moment de l’incarnation. La nature n’en est point précisée: mais rien n’indique qu'elle doive être entendue d’une purification de quelque tache du péché. On peut donc, comme chez d’autres auteurs de celte époque ou des siècles suivants, interpréter rette purifi­ cation en ce sens (pie Marie, supposée encore soumise à la concupiscence in actu primo avant l’incarnation, en fut, à ce moment, entièrement délivrée. C’est notamment la pensée de saint Hède. L’Esprit- 2415 MARIE, EXEMPTION DE TOUT PECHE Saint, dit-il, venant en Marie, purifia son esprit, autant que la fragilité humaine en est susceptible, αά amni vitiorum sonie, afin qu’elle fût digne de l'enfan­ tement céleste. La vertu du Très-Haut couvrit la bienheureuse Vierge, parce que le Saint-Esprit, en remplissant son cœur, la libéra de toute ardeur de la concupiscence charnelle, la purifia des désirs tempo­ rels cl consacra son esprit cl son corps par tous les dons célestes. Homil., ι, 1, P. A., t. xciv, col. 12 sq. Au ix· siècle, saint Pascha.se Radbcrt affirme expli­ citement l’absence de la faute originelle cn Marie, ainsi que sa sainteté au moment de sa naissance cl au moment de l’annonciation. De partu virginis, I. i, P. A.. t. cxx, coi. 1371 sq. C’est donc de l'extinction de toute concupiscence, in aclu primo, que doit s’en­ tendre le passage concernant la purification de Marie au moment de l’incarnation : Quando Spiritus Sanctus in eam advenit, totam dr/creavit a sordibus virginem et decor it ut esset sanctior quam astra arti, coi. 1372. Selon Paschase. Marie fut donc, pendant toute sa vie, exemple de toute faute actuelle. Au commencement du xn·siècle, Eadincr dit expres­ sément, qu’il n’y a aucun doute, que Je corps très chaste et l'âme très sainte de Marie ont toujours été protégés contre toute souillure du péché. Par la garde constante des anges, Marie a été protégée, comme le tabernacle que le Créateur devait habiter corporelle­ ment. et duquel il devait prendre sa nature humaine pour se l’associer in suer personae unitatem. Dr excel­ lentia H. Marier, m, P. A., t. eux, col. 560. On doit attribuer à Text inet ion complète de toute concupis­ cence. in aclu primo, à supposer qu’il en restât encore à ce moment, celle phrase subséquente du même chapitre : Tenemus fldt ab onmi,si quid adhuc in illa originalis sive, actualis peccati supererat, ita mundatum cor illius .., col. 561. Eadmer est lui-même d’avis que Marie n’a jamais élé soumise à aucune concu­ piscence. même avant l’incarnation, puisque selon le texte cité, il admet que le corps et l’âme de Marie ont toujours été protégés contre toute souillure du péché. Comme il y cn a qui pensent différemment, el qu’Eadmer parle uniquement de ce qui est de foi, tenemus fide, il sc sert de l’expression dubitative si quid adhuc. C’est selon cette opinion qu’il ne fait point sienne, que l’entière extinction de la concu­ piscence aurait eu lieu au moment de l’incarnation. Comme Eadincr, Fulbert de Chartres (f 1028) dit (pie l’âme de Marie et son corps choisi par la sagesse de Dieu le Père pour être le tabernacle de Dieu lui-même, ont élé très purs de toute malice cl de toute souillure, Serm . tv, /’. I. . t. cxij, col. 322. Au Xît· siècle, Hildebert du Mans (f 1133), en com­ parant Marie Madeleine et la Mère de Dieu, dit expres­ sément que. bien differente de Madeleine, Marie n’a jamais connu le péché, Serm., lxix, P. L·., t. clxxi, col. 677. Saint Bernard, dans sa lettre aux chanoines de Lyon où il s’oppose à l’introduction, dans celte église, de la fête de l’immaculée conception et com­ bat ce privilège, affirme comme une vérité certaine, que Marie sanctifiée avant sa naissance fut alors enrichie d’un privilège qui n’a élé concédé à aucune autre créature : celui d’être exemple de toute faute pendant toute sa vie. Episl., clxxiv, 5, A.. I. CLxxxn, col. 331 Ce que le saint docteur enseigne aussi dans son deuxième sermon sur l’assomption. P. A . t. clxxxui, col 120. Suivant Pierre Lombard (t 1160) c’est â partir du moment de l’incarnation que Man· fut immunis ab omni peccato. Il parle non du fait de l’absence de tout péché, mais de l’impeccabililé. Nous le comprenons par une phrase précédente, ou 11 affirme que Marie fut alors délivrée de la c< ncupbccncc, qui fut entièrement éteinte, ou tellement affaiblie que, dans la suite, il n’y eut plus pour elle 2416 aucune occasion de faute, /// Sent., dist. Ill, 2, P. L., t. cxcn, col. 761. A cause de l’autorité de Pierre Lom­ bard, cette explication de J'iinpeccabilité de Marie, depuis l’incarnation, fut, dans les siècles suivants, admise par un assez grand nombre d’auteurs. Vers la même époque, Richard de Saint-Victor (t 1173) enseigne expressément que Marie, depuis sa naissance, ne commit jamais aucune faute, ni mor­ telle ni vénielle. Explicatio in Cant, cantic., χχνι, xxix, P. L·., t. cxvi, col. 482, 51G. La purification qu’elle reçut au moment de l’incarnation consista dans l’extinction île toute concupiscence; seules sub­ sistèrent la mortalité et la possibilité. De Emmunuete, I. Il, c. xxvi sq., col. i 60 sq. Jusqu’à ΓΙ carnation, Marie fut préservée de tout péché par l’action de la grâce divine; après l’incarnation, elle fut confirmée par la puissance du Très-Haut et fortifiée de telle manière qu’elle ne pouvait plus commettre aucun péché. De Emmanuele, 1. II, c. xxx sq., col. 663 sq. Gauthier de Saint-Victor, qui écrivit en 1180, affirme l’absence de tout péché en Marie, non seulement depuis l'incarnation de Notre-Seigneur, mais pendant toute la vie de Marie. Excerpta ex libris contra quatuor labyrinthos Francia*. P. L., t. exix, col. 1151 sq. 2. Interprétation plus exacte des textes scripturaires. — Les textes qui avaient présenté des difficultés pour plusieurs écrivains du ni· et du iv* siècle sont désor­ mais interprétés dans un sens favorable .4 la parfaite sainteté de Marie. Des paroles, Quid mihi et tibi est mulier, nondum venit hora mea, Joa., ιι, 14, saint Augustin donne celte interprétation : Jésus voulait affirmer que ce n’était point de Marie qu’il tenait son pouvoir d’accomplir des miracles; mais de sa nature divine. L’heure viendra où. attaché à la croix, il mon­ trera l’infirmité de la nature humaine qu’il lient de Marie. In Joa., tr. vm, 9, P. L., t. xxxv, col. 1156. (Nous n’examinerons point le texte des Quæstiones ex Xovo Testamento, i.xxni, P. L., t. xxxv, col. 2267 sq. où les paroles, Et tuam ipsius animam pertransibit gladius, Luc., n, 35 sont entendues d’un doute de Marie au pied de la croix, puisqu’il est certain que ce texte n’est point d’Augustin.) On a cité, comme contraire à la sainteté de Marie, le passage où saint Maxime de Turin expliquant les paroles : Quid mihi et tibi est mulier, dit que c’est une réponse indignée de Notre-Seigncur considérant comme inopportune la demande faite par Marie : Hire verba indignantis esse quis dubitet? Le contexte montre que, pour Maxime, la demande de Marie était seulement inopportune. D’ailleurs un blâme de NoireSeigneur ne pourrait sc concilier avec la suite du texte : la vénérable Marie connaissant l’avenir el prévoyant la volonté du Seigneur, avertit avec soin les serviteurs en leur disant : < Faites tout ce qu’H vous dira», Homil., xxiii, P. A., t. i.vn, col. 275. — Dans une expli­ cation des paroles de Notre-Seigncur, Matth., xn, 19 sq., saint Grégoire le Grand montre que, dans ce texte, la mère de Jésus, se tenant au dehors comme inconnue, est la figure de la synagogue qui ne recon­ nut pas Noire-Seigneur : lInde et mater ejus cum quasi non agnoscitur, /aris stare perhibetur. In Evang., I. I. hom. in, 1, P. I.., I. ι.XXVI, col. 1086. — Selon saint Bèdc, la mère et les frères de Jésus n’étaient point au dehors, (’.’était un piège que le questionneur voulait poser désireux de voir si le Maître préférait l’amour de sa mère à la fonction de la prédication. In Matthiri evang. expos., L H, c. xu, P. L., I. xai, col. 61. Selon le même interprète, le glaive (pii devait transpercer l’âme de Marie est la douleur (pic lui causa la passion de son divin Fils, In Lucie evang. expos., I. I. col. 316. Relativement au texte, Quid mihi et tibi est mulier? Bède suit l’interprétation de saint Augustin. In Joa. evang. expos., n, col. 657. 2417 MARIE, EXEMPTION Ces Interprétation*, recueillies dans les gloses du Moyen Age, voir Walafrid Slrabon, In Matth., vu. 18, P. £., t. exiv, col. 129, furent dès lors communé­ ment admises. Conclusion. -Comme pour la période précédente, les documents cités montrent qu’il est inexact de dire avec G. Herzog, up. cit., p. 52, 72. 84, sans formuler aucune distinction, (pie, pendant les douze premiers dêdcs, l'enseignement traditionnel abandonnait Marie dans le péché. En réalité, depuis le commen­ cement du v· siècle jusqu'au commencement du mu· siècle, l’absence de tout péché actuel en Marie était communément enseignée d’une manière expli­ cite. La purification admise en Marie, au moment de l’incarnation, par un assez grand nombre d’auteurs, avait pour objet, suivant eux, non d’effacer quelque tache du péché, mais de détruire ou du moins de dimi­ nuer la concupiscence, que l’on considérait comme encore existante, à l’état d'inclination, à cette période de la vie de Marie, bien que de fait elle ne sc traduisit par aucun acte. 2· période, depuis le ΧΠΡ siècle jusqu'à P époque actuelle. — 1. Depuis le A///· jusqu'au JF/· siècle, le travail théologique porte principalement sur la ques­ tion du principe immédiat de l’absence de tout péché en Marie, et cn même temps, par voie de conséquence, sur l’impeccabilité qui cn résulte pour Marie. Au xm· siècle, Albert le Grand donne celle indica­ tion que la cause immédiate de l’absence de tout péché, en Marie, était la plénitude de grâce dont elle avait été comblée, Quæstioncs super Missus est, cxxxiv, Opéra, t. xx. p. 91. Même enseignement chez Mexandre de 1 laies, Summa theologia·, part. HI, q. ix, m. ni, a. 2, Venise, 1575, p. 32. Scion saint Thomas, soit avant soit après l’incarnation, l’absence de tout péché cn Marie, ou sa confirmation dans le bien, ne provenait pas seulement de la grâce abondante donnée à Marie. Il fallait encore la constante protection de la divine Providence, empêchant toute occasion de péché et portant incessamment la volonté de Marie nu bien. L· saint docteur en donne celte raison, que la volonté humaine n'est pleinement confirmée dans le bien que par la vision intuitive de Dieu, laquelle cause un parfait et perpétuel amour pour Dieu. Sum. theol., I1, q. c, a. 2. Cette vision ne pouvant exister cn celle vie, d’une manière stable, en dehors du pri­ vilège conféré à la sainte humanité de Notrc-Sclgneur, il est donc certain qu’en cette vie, quelle (pic soit la plénitude de grâce que l’on possède, celle-ci ne peut suffire pour confirmer pleinement la volonté dans le bien. Elle rend seulement le péché très difficile, â cause des vertus infuses (pii réfrènent les inclinations inférieures, â cause de la forte inclination de la volonté vers Dieu, â cause aussi de la fréquente et amoureuse contemplation de la vérité divine, qui relire l’homme du péché. De ventate, q. xxiv, a. 9. Pour une pleine confirmation dans le bien, il est nécessaire, en toute créature, (pie la divine Providence agisse constamment pour empêcher toute défection du libre arbitre. De veritate, q. xxiv, a. 9; Cont, gent., I. Ill, c. 155. Pour celte raison aussi (pie, jusqu’à ce moment, la con­ cupiscence restait en elle, suivant le saint docteur, à l’étal d’inclination, sans jamais passer â Pacte, Marie, avant l’incarnation, eut besoin du secours de la divine Providence, la préservant de tout mouvement inordonné, quœ non permittebat aliquem motum inor­ dinatum ex fomite provenire, III·, q. χχνιι, η. I, ad l‘nn. Après l'incarnation où elle reçut une grâce consommée qui la confirmait dans le bien en la déli­ vrant de tout reste d’inclination sensible. Marie, en vertu du principe général si nettement affirmé pour toute persévérance dans toutes les créatures, De verilate, q. XXIV, a. 9, ('ont. gent., I. III, c. 155, cul encore DICT, DE TXÉOL. CAT H O L. DE TOUT PÊCHE 2418 besoin, pour sa parfaite persévérance dans le bien, d’être soutenue par l’action constante de la divine Providence. Quant au sens dans lequel le saint docteur entend ici la confirmatio in bono, accomplie cn Marie par l’incarnation, Je contexte montre qu’il s'agit d’une confirmation consommée et perfectionnée: Inconcrp tionc autem Filii Dei consummata est ejus gratia con­ firmans eam in bono. IH·, q. xxvw, a. 5, ad 2e®. Cette confirmation consommée et perfectionnée résultait de ce que toute inclination du /umes peccati fut alors pleinement éloignée. Nous savons que, dans d’autres textes, le docteur angélique dit expressément pour toute la durée de la vie de Marie, après sa première sanctification, qu’elle était confirmée dans Je bien, en ce sens que tout péché était et devait être complète­ ment éloigné d'elle. Sum. theol., III·, q. xxvn. a. 1; I·. q. c, a. 2; De veritate, q. xxiv, a. 9, ad 2am. Selon saint Bonaventure, Marie, bien qu'elle ait été toujours exempte de toute faute actuelle, fut con­ firmée dans le bien, ou reçut Je privilège de l’impeccabililé, â l’instant seulement où l’incarnation fut accomplie en elle. Quant à la cause immédiate de celte impeccabilité, saint Bonaventure admet qu’elle consis­ tait dans le secours divin, confirmant les puissances de l'âme et y détruisant tout défaut. In lllum Sent.. dist. HI, p. î, a. 3, q. ni, t. ni, p. 77 sq. Au xiv· et au xv· siècle, on suit communément l’explication de saint Thomas ou de saint Bonaven­ ture. avec quelques divergences d’expression plutôt que d’idée. On admet, comme principe immédiat de l’impeccabilité de Marie : la protection très spéciale de la divine Providence, empêchant le libre arbitre de Marie de se porter vers le mal el l’inclinant cons­ tamment vers le bien. Durand, In IIP101 Sent., dist. III, q. iv; ou l’extinction de la concupiscence, accomplie dans la première ou dans la deuxième sanctification, Biel. In 11IUTO Sent., dist. HL q. n, p. 53 sq.; ou la plénitude de la grâce conferee a Marie, S. Antonin, Summa theologica, part. IV, lit. xv. c. 20, p. 5. t. iv. col. 1052 ; bernardin de Busti, op. cit., fol. 118; ou l’action simultanée de ces diverses causes, Richard de Middletown, In I/J«® Sent., dist. III. a. 1, q. m sq., t. ui, p. 28 sq.; Pelbart de Temesvar, op. cit., p. 195. On observera, d'ailleurs, que les auteurs qui attribuent formellement l’impeccabilité â une des causes indiquées, ne nient point l’influence des autres causes. Quant au moment auquel, sous l’action des causes qui viennent d’être Indiquées, l’impeccabilité fut effec­ tivement conférée â Marie, ce fut, selon beaucoup d’auteurs, le moment de sa première sanctification, qu’on le dise expressément, en admettant toutefois un accroissement ou un perfectionnement de celle impeccabilité au moment de l'incarnation· comme Durand, loc. cit., et Biol. loc. cit., ou qu’on le laisse entendre, en disant, sans restriction, que celte impec­ cabilité a existé pendant toute la vie de Marie, comme saint Antonin, loc. cit., el Pelbart, loc. cil., tandis que d’autres théologiens, comme Richard de Middletown, loc. cil., et Busti, loc. cit., admettent, avec saint Bona­ venture. que rimpcccabilité fut conférée au moment de l’incarnation. 2. Depuis le Al/· siècle jusqu'à l'époque actuelle, la doctrine théologique de l'exemption de toute faute actuelle en Marie ayant été affirmée par le concile de Trente, sess. vi. can. 23. PefTort principal du tra­ vail theologi que se porta sur la réponse aux objections ou accusations des nouveaux adversaires de la foi catholique. — Dans celle réponse, on ne fit guère que reproduire ce qui avait clé dit a l’époque précédente. Voir notamment saint Pierre Canislus, Commentarie de sacrosancta virgine Maria Deipara, 1 1, c. x; I. IV . I.X. — 77 2419 MABIE. EXEMPTION DE TOUT PÉCHÉ. 2420 c ! sq., XX, xxvn, Ingolstadt, 1583. t. II, p. 73,386 sq., les protestants, à la parfaite sainteté de Marie. II 5πβ $q„ 548sq.; Vasquez, In 11/·■ S. Thoma·, (lisp. sera utile de résumer leur démonstration pour les deux CW.23 sq.;Suarez. In Jlh*S. Thonuv, t.n.dlsp. IV, textes principaux, Luc., n, 35 et Joa., n. 4. a) Luc.» n, 35. El luam ipsius animum pertrunsibit sect, in: Petau, hr incarnatione, χιν, 1, hr theologicis dogmatibus, Anvers, 1700, t. vi, p. 210 sq.: Bay· gladius, ne peut aucunement signifier le doute, tour­ naud,op. cit., t. vn, p. 213 sq.; Novato, op. cit., 1.1. mentant l’âme de .Marie au moment de la passion de Notrc-Seigneur. Bien, ni dans le texte, ni dans le p. 10 sq.; Vega. op. cit., t. ιι. p. 27 sq.; Sedlmayr· op. cit., Summa aurea, t. vn.col. 1036 sq.: Janssens, op. contexte, n'indique ce sens. Il est même positivement cit., p. 162 sq.: Lepicier, op. cit., p. 223 sq.; Terrien, exclu par les paroles antécédentes : Et in signum cm La Mère de Dieu, t. ιι, p. 66 sq. En expliquant le contradicetur, εις σημείον αντιλεγόμενον, annonçant principe Immédiat de l’nnpeccabilité en Marie, on le l’opposition qui sera faite â Notrc-Seigneur pendant sa lit dériver, comme à l’époque précédente, d’une pro­ vie et surtout pendant sa passion; opposition que le vidence très spéciale de Dieu sur Marie, ct des inces­ participe présent Αντιλεγόμενον indique comme con­ tinue. Par la conjonction et. une étroite connexion est santes grâces de choix qui unissaient la Vierge à Dieu établie entre les deux phrases. D'où il résulte, d’une par une très éminente ct très constante charité. in.CQSCLUSIÜXS DOCTRINALES DEDUITES DE L'EN· manière évidente, que le glaive qui transperce l’âme traditd» /.. --h· conclusion - Le de Marie est un glaive symbolisant les douleurs très fait de l’exemption de toute faute actuelle en Marie, vives qui déchirèrent son âme à l'occasion des souf­ frances de son divin Fils particulièrement pendant sa pendant toute sa vie terrestre, est une vérité catholique certaine, constamment enseignée, au moins depuis le passion el au pied de la croix. C’est aussi ce que montre la phrase finale, ut revelentur ex multis cordibus v· siècle, comme contenue dans le dogme de la cogitationes. L'opposition faite à Jésus-Christ ct les maternité divine. 1. C'est une vérité catholique certaine, enseignée souffrances qui en résultèrent pour Marie, ainsi que VEcce positus est hic in ruinam et in resurrectionem comme telle par le concile de Trente, sess. vi. can. 23. Selon la parole conciliaire, quemadmodum de beata multorum in Israel, du commencement de la phrase, auront pour conséquence la manifestation des Virgine tenet Ecclesia, c'est la doctrine de l’Églisc que cœurs : les hommes, en prenant parti pour ou contre Marie, par un privilège spécial de Dieu, a pu, pendant Jésus, manifesteront leurs pensées et leurs affections toute sa vie. éviter tous les péchés même véniels. Par là l’Églisc aillrmé seulement le fait de l’exemp­ les plus secrètes. Le texte, en attribuant ce résultat tion par un ρη vilège spécial de Dieu, dont la nature conjointement aux trois membres de plirasc» exclut n’est pas autrement précisée. Suivant les explications donc, pour les paroles Et tuam ipsius animam percommunément données par les théologiens depuis le transibit gladius, toute autre idée que celle des souf­ frances de Marie. D’ailleurs toute la phrase montre xuî· siècle, le privilège consiste dans une protection les souffrances de Marie intimement unies à celles de très spéciale de la divine Providence, empêchant toute Jésus, dans un but commun. défection du libre arbitre ; par l’éloignement de toute b) Joa., n, i, Quid mihi ct tibi est mulier? nondum occasion de faute et par la concession Incessante de venit hora mea. ne contient aucun blâme supposant grâces particulières produisant, dans la volonté de Marie, un amour très parfait envers Dieu. C'est notam­ quelque faute commise par Marie. On le voit par la suite de l’événement. Jésus accom­ ment renseignement que nous avons entendu de saint plit ce que Marie lui avait demandé; el Marie avait Thomas, dans les textes cités. 2. L’exemption de toute faute actuelle, en Marie, immédiatement compris qu'il en serait ainsi, puis­ qu’elle dit aussitôt aux serviteurs d’exécuter tout ce a été enseignée au moins depuis le v· siècle, avec saint que Jésus leur ordonnerait. C’est aussi ce qu’indique Augustin, comme une vérité certaine, contenue dans la phrase elle-même. — Comme on la montré a l’art. le dogme de la maternité divine. C'est la pensée de saint Augustin, disant expressé­ Marie, Dictionnaire de la Hible. t. iv, col. 795 sq., voir aussi Knabcnbaucr, Comment, in Evang. sec. ment qu’a cause de l'honneur de Notre-Scigneur. il ne veut pas que, quand il s’agit du péché il soit aucune­ Joanncm., 2* édit.. Paris. 1906, p. 129, l’expression quid mihi ct tibi, d’après plusieurs autres textes néo­ ment question de Marie, ci-dessus, col. 2114. Saint testamentaires, Matlh., vin, 29; Marc., v. 7; Luc.· iv, Thomas l’atteste formellement : Marie n’aurait pas 31; vm, 28, signifie : < Ne vous occupez pas ou ne été idonea mater hei si elle avait péché quelquefois. Comme l’honneur des parents rejaillit sur leurs des­ vous inquiétez pas de ce qui me regarde ou de ce que cendants. de même le déshonneur de la mère rejailli­ Je dois faire: laissez-moi faire.» On peut donc traduire « laissez-moi faire . ou < que ne me laissez-vous rait sur le Fils. Sum. lheol., IIP, q. xxvn, a. I. De cette interprétation constante de la tradition catho­ faire? ■ Sens qui n’a rien d’irrespectueux ni de déso­ bligeant pour Marie; d’autant plus que l'appellation lique. affirmée par saint Augustin ct saint Thomas, et communément suivie par les théologiens, on doit γύναι est elle-même très honorable. Elle est employée, conclure que la doctrine de l’exemption de toute comme telle, même cbez les classiques. Notre-Scigneur faute actuelle, en Marie, est une vérité implicite­ l’emploie toujours en parlant à des femmes : sa mère ment révélée dans le dogme même de la maternité n’est point exceptée. On a montré également que le membre de phrase divine. 2· conclusion. — Les textes scripturaires que l’on a qui suit doit être interprété selon la forme interroga­ tive, suivant des auteurs anciens, comme la version Objectés, à diverses époques, à l'exemption de toute arabe du Diatessaron de Tatien, et saint Grégoire de faute actuelle en .Marie, ne contiennent rien qui lui Nysse. P. G., t. xr.iv, col. 1308. On sait d’ailleurs que, Mjit opposé. Nous avons constaté que quelques textes scripturaires qui, au ni· el au iv· siècle, avaient, chez dans les textes grecs du Nouveau Testament, il n’est plusieurs, suscité quelque doute ou quelque hésitation, pas rare d'omettre la particule interrogative dans des avaient élé. depuis le v* siècle, constamment et unani­ phrases où le sens interrogatif est indiqué par le contexte. Avec celle forme interrogative, la phrase mement interprétés malgré quelques divergences d’exégèse· dans le sens d’un respect absolu de la signifie l'acquiescement tacite de Notrc-Seigneur : • mon heure n’est-elle donc pas venue? · Ce qui cor­ sainteté de Marie, ou de l’absence, en elle, de toute respondait pleinement à la réalité, puisque Jésus faute. Nous avons constaté aussi que les théologiens venait de commencer son ministère public par son catholiques ont toujours observe la même attitude baptême et que saint Jean-Baptiste avait publique­ en face des textes opposés, depuis le xw siècle, par 2421 MARIE, Al GMENTATION DE I,A GR\CE 2422 quelles ont été les causes de cette augmentation? ment rendu témoignage de mi divinité et dr la mission /. fajt in: C.uGMr.yTATto.x cowtaxtf br. x.< qu'il devait accomplir. Dictionnaire dr hi Hible . t. tv, col. 796; Knabenbauer, op. cit., p. 127 sq. Le texte (•hacj: SA.xcrtHAXrr. z v j/λλ/ζ ρλλζμλτ tmmsa i τκηηκχτκκ. - Γ C’est une venté certaine que, ainsi Interprété étant tout Λ l'honneur de Marie, comme la suite même de l'événement. toute difli- pendant tout la durée de l’état d’épreuve, la grâce culté est donc écartée. On peut aussi rappeler les sanctifiante peut être incessamment accrue par les interprétations données par saint Augustin ct par actes de charité accomplis avec une suffisante perfec­ d’autres auteurs. Assez divergentes entre elles, rt tion, et par les sacrements reçus avec les dispositions divergentes aussi de celle que nous venons d'indiquer, requises. Or il n’est point douteux que. pour Marie, elles s’accordent à exclure toute supposition de péché l’état d’épreuve ait duré Jusqu’au terme de sa vie en Marie. Voir Hartmann. Christus cin Gegner des terrestre. C’est l'enseignement commun des théolo­ Marienkultus? Fribourg-en-B., 1909, p. 61 sq.; Dic­ giens, qui. avec saint Thomas, Sum. theol., 111», q. xv. tionnaire apologétique, t. ni. col. 1 17 sq.; M -J. La­ a. 10, ct Dr veritate, q. xxvi, a. 10, attribuent a Jésusgrange. Évangile selon saint Jean, p. 56-57. Christ seul le privilège d’avoir été sur terre â la fois J· conclusion. - - Il n’y n non plus rien de contraire viator ct eomprehensor. La grâce sancti flante que Marie au privilège de l’exemption de toute faute actuelle en avait reçue déjà si parfaite au premier moment de sa Marie, dans les deux controverses que nous avons conception, a donc dù être incessamment augmentée rencontrées en étudiant renseignement tradition­ par les deux causes qui l augmentent habituellement nel : controverse sur la permanence de la concupis­ dans les âmes. cence in actu primo jusqu’il la sanctification plus par­ 2· A cette loi générale qui devait régir toute la vie faite de Marie par l’accomplissement du mystère de surnaturelle de Marie, y a-t-il lieu d’admettre* une l'incarnation, ct controverse relative au moment où exception, à cause de la pleine consommation de grâce, Marie fut rendue pleinement impeccable. qu elle reçut au moment de l’incarnation, selon le sen­ L Selon les docteurs ou les théologiens cités plus timent commun des théologiens. haut comme admettant que la concupiscence in actu 1. Celle exception doit être rejetée comme contraire primo resta en Marie Jusqu'au moment où le mystère à ce principe bien assuré, que, dans une nature créée, de l'incarnation s’accomplit en elle, saint Bdde, saint il ne peut y avoir de grâce sanctifiante d’une intensité Paschase Radbcrt, Pierre Lombard. Richard de Sainttelle qu'aucun accroissement ne soit plus possible. Victor. saint Bonaventure, saint Thomas, saint N’atteignant Jamais la perfection absolue, la grâce, Antonin de Florence, nous avons constate qu’il s’agis­ selon renseignement de saint Thomas, peut toujours sait uniquement de la tendance de la nature, cons­ être augmentée dans toutes les créatures, pendant la vie d'épreuve : Hominum pero qui sunt pure viatores tamment liée par l'action delà grâce divine, de telle gratia potest augeri, elcx parte /ormir quia non attingunt sorte que. Jamais, in adu secundo, aucun acte, aucun mouvement de la concupiscence ne sc produisit après summum gratia gradum, et ex parte subjecti quia non­ la première sanctification de Marie, comme l'indique dum pervenerunt ad terminum. Sum. theol., III*. q. vn, particulièrement saint Thomas, Sum. theol.. IIP, a. 12. C’est d’ailleurs une conséquence du principe q. xxvn. a. 3. voir aussi Immaculée Conception. communément admis en métaphysique contre les I. vn. col. 1031 sq. diverses formes d'optimisme philosophique : louLce qui est créé peut toujours recevoir quelque accroisse­ 2. Il n’y a rien non plus qui contredise le privilège ment. comme le montre saint Thomas : Ipsa ratio de Marie dans les divergences theologiques que nous avons rencontrées, surtout du xir au xvr siècle, dans jacti vel creati repugnat infinito. Nam ex hoc ipso quod /it ex nihilo, habet aliquem defectum ct est in potentia la manière d'expliquer soit la nature de l’impcccabllité. soit le moment auquel celle impeccabilité fut pleine­ non actus purus; ct ideo non polesl tequart primo Infinito ut sit infinitum. Dc potentia, q. i, a 2. ad l^’1. Et ment conférée à Marie. En réalité, les explications que ailleurs: Quidquid Deusdc creatura faciat.adhuc remanet l’on donne de Pimpeccabililé de Marie s’accordent in potentia recipiendi a Deo. Dc ventate, q. xxix. a. 3. substantiellement sur ses deux causes immédiates : la ad 3u,n. Celle conclusion s’applique même a la grâce grâce très abondante conférée à Marie et la constante habituelle (pie Jésus possédait dans sa sainte huma­ protection delà divine Providence empêchant, pour nité. Sum. theol.. Ill*, q. vu.a. 12, ad 2um; De ventate, elle, toute occasion de péché ct portant incessamment q. xxix. a. 3.ad 6um. Si l’on allirme que la grâce habi­ mi volonté au bien. On s’accorde aussi ù reconnaître tuelle en Jésus-Christ était incapable d’un perfec­ tn Marie l’absence de toute faute après sa première tionnement ultérieur, c’est simplement en ce sens sanctification. Si parfois l’on parle d impeccabilité qu'elle ne pouvait appartenir à une personne plus par­ après Γ incarnat ion seulement, on entend par là une faite. et qu'au reste celte grâce avait toute la perfec­ sanctification plus abondante conférée au moment où tion intensive qui convenait à la personne du Verbe l'incarnation de Noire-Seigneur s’accomplit en Marie, incarné, loc. cil. en raisonnant surtout selon l'opinion qui, jusqu au 2. On ne doit attribuer aucune valeur probante à moment de l'incarnation, considérait Marie comme plusieurs textes cités en sens opposé. Le texte prin­ encore soumise à la concupiscence in actu primo. C’est en ce sens que saint Thomas dit que la grâce confir­ cipal est celui de Pierre le Vénérable (t 1156), aflirniant. dans une de scs lettres, que Marie, dès lors mant Marie dans le bien eut, à ce moment, toute sa qu'elle a été dite pleine de grâce au moment de l’anperfection : In conceptione autem Filii Dei consummata est ejus gratia confirmans cam in bono. Sum. theol.. nonciatlon et dc l’incarnation, n’a pu. depuis celle époque, recevoir aucun accroissement de grâce, du Ill·, q, xxvn, a. 5, ad Pl'“. moins pour tout ce qui concernait sa sainteté person· HL Augmi station de la obace sancti fi anti i N nellc. Epist., I. HL 7. P. L·., I. clxxxix, col. 285 sq. Mamie. — Dès le premier moment de sa conception. L'argument donné comme péremptoire par Pierre le .Mane a possédé la grâce sanctifiante, voir Immaculée Vénérable, n’a Jamais élé accepté par la tradition Conception, l. vu, col. δ 16 catholique, qui. sauf quelques très rares exceptions, a Exemple de toute faute actuelle, Marie, nous venons toujours expliqué cette plénitude de grâce cn( Marie de le montrer, a constamment persévéré dans la grâce au moment de l’annuncialion ct de l’incarnation, de de sa sanctification première. Une question reste à manière à admettre en elle, dans le reste de sa vie, résoudre : la grâce sanctifiante possédée par Marie, un accroissement constant dc la grâce. Citons particu­ dès le premier moment de son existence, a-t-elle élé lièrement Alexandre de Halés, saint Thomas et Riconstamment augmentée pendant toute sa vie? el 2423 MARIE, AUGMENTATION DE L\ (’.RACE chard de .Middletown, dont l’explication a été com­ munément suivie. Selon Alexandre de Halés, la plénitude de grâce fut conférée â Marie au moment de l’incarnation, en ce sens que Marie (ut alors pleinement confirmée dans le bien, parce que le pouvoir encore subsistant en elle de commettre le péché fut alors entièrement retiré. Summa theologia*, part. III. q. x. m. 3, a. 2. Venise. 1575, t. m, p. 32. Le texte de saint Thomas, in conceptione autem Filii Dei consummata est ejus (Mariæ) gratia confir­ mans eam in bono, Sum. theol., Ill·, q. xxvi. a. 5, ad 2um, contient substantiellement le môme sens, comme l’indique toute la suite des idées. Le saint docteur distingue en Marie une triple plénitude de grâce tellement hiérarchisée, que la deuxième l’em­ porte sur la première, et la troisième l’emporte sur les deux premières au double point vue de la délivrance du m il ct de Vordo ad bonum. a) Au premier point de vue, la hiérarchie s* Va lit ainsi. La perfection de grâce reçue dans la première sanctification a délivre Marie de la faute originelle (comme l’admettait saint Thomas). La perfection de grâce reçue dans la deuxième sancti flcation.au moment de la conception de son divin Fils, l’a totalement puri­ fiée du fomes ligatus encore subsistant Jusquc-lâ. Enfin la perfection de grâce qu’elle a reçue dans le triomphe de son assomptlon ct de son entrée au ciel. La délivrée ab omni miseria, c’est-à-dire des autres péna­ lités du péché, comme la mort el la souffrance. b) Au point de vue de Vordo ad bonum, il y a une semblable hiérarchie de perfection. Dans la pre­ mière sanctification, il y a eu réception de la grâce Inclinant Marie au bien. Dans la conception du Fils de Dieu, ii y a eu en Marie consommation de la grâce qui la confirmait dans le bien : ainsi fut supprimé l’in­ clination au mal, encore subsistante bien que liée. Dans la glorification éternelle de Marie, il y a eu con­ sommation de la grâce, l’établissant parfaitement dans la jouissance de tout bien: ce qu'elle ne possédait pas encore sur la terre. Il est donc vrai que la consom­ mation de grâce communiquée â .Marie, dans l'incar­ nation de son divin Fils, doit s’entendre de sa parfaite confirmation dans le bien; el que rien n’autorise à l’expliquer dans le sens d’une négation de toute crois­ sance subséquente de la grâce sanctifiante, négation qui, d ailleurs, serait opposée à la doctrine soutenue en d’autres endroits par saint Thomas, comme nous l’avons montré. On peut ajouter que saint Thomas affirmant que la troisième perfection de grâce est plus grande que la deuxième, suppose ainsi qu’il pouvait encore y avoir accroissement de grâce après la récep­ tion de celte deuxième perfection, comme l’observe avec raison le P. Hugon, op. cil., p. 110. Richard de .Middletown, in HPmSent., dist. HI, q. i, a. L s’ex­ prime comme Alexandre de Halés. En opposition au lait de l’augmentation constante de ia grâce en Marie on cite encore cette phrase hési­ tante de Duns Scot, à propos du baptême conféré à Marie: Consimiliter supponendum est de beata Virgine, nisi forte ipsa excepta ab ilia tege et de ea fuisset ratio dispensandi : quia forte habuit in conceptione Filii sui illam plenitudinem gratia ad quam Deus disposuit eam pervenire. In / Ve® Sent., dist. IV, q. vi. Quelle valeur pourrait-on attribuer à une phrase aussi hési­ tante. qui ne contient aucune preuve, et qui. parmi le* théologiens, n’a recueilli d’autre suffrage que celui d’Antoine Hiquæus. dont le commentaire accompagne Γ édition des œuvres de Duns Scot? Ainsi la vérité de l'enseignement traditionnel, loin d’être affaiblie par quelques textes discordants, en reçoit plutôt une sorte de confirmation, par le fait que l’on n’a pu lui opposer aucun argument valable. 24? //. CAUSES DE CETTE AUG.XfEXT IT/OX COXSTAXTE DE L 1 CJIACE SAXCTIHAXTE ΕΛ UA1UE. - /" cause. Les actes de charité très parfaite incessamment accomplis par Marie, — 1. A cause de la très parfaite grâce sanctifiante qui fut donnée à Marie dans sa concep­ tion immaculée, à cause aussi des grâces actuelles très éminentes dont elle fut incessamment prévenue ct dont elle suivit toujours la forte impulsion, les actes de charité produits par Marie étaient d’une très grande perfection. Par les grâces mystiques qui furent abon­ damment communiquées à Marie pendant toute sa vie terrestre, comme nous le montrerons bientôt, la perfection de ses actes de charité lut encore grande­ ment augmentée. Car l'effet habituel de ces grâces de choix est, selon renseignement des théologiens mys­ tiques, de produire dans l’âme une très intense cha­ rité. 2. Dirigés par la science Infuse de Marie, ces actes de charité furent produits d’une manière constante depuis le premier moment de son existence Jusqu’à son dernier instant. Ils ne furent empêchés par aucune distraction ou aucun acte des sens exté­ rieurs ou intérieurs. Exempte, de droit, des consé­ quences de la faute originelle, Marie avait sur tous scs sens une parfaite maîtrise. 3. Selon les principes indiqués à l’art. Charité t. n,col. 2230 sq.. chacun des actes de charité, excel­ lemment accomplis par Marie, fut constamment suivi d’une augmentation immédiate de la grâce sancti­ fiante. En elle, â cause des grâces très éminentes dont elle fut toujours prévenue et de son incessante cl par­ faite correspondance, chaque acte de charité posséda toujours une perfection suréminente qui lui assurait le droit Λ une augmentation immédiate. L Dans quelle proportion celte augmentation s’cslcllc produite? Nous ne pouvons le déterminer d’une manière précise, ne connaissant exactement ni l'inten­ sité de la grâce sanctifiante d'où l’acte procédait, ni l'intensité de la grâce actuelle sous l'impulsion dr laquelle l’acté était produit. Nous savons seulement qu’en Marie la grâce eut toujours son maximum d’effet surnaturel, â cause de sa parfaite correspondance à l’action de la grâce. 2· cause. Les sacrements reçus par Marie. — Nous nous bornerons aux sacrements de la Nouvelle Loi et aux seuls sacrements que pouvait recevoir Marie exempte de tout péché par le privilège divin : le baptême, la confirmation et l’eucharistie. 1. Quant au baptême, les vérités doctrinales que nous connaissons rendaient, pour Marie, sa réception nécessaire : le baptême est nécessaire pour recevoir validement les autres sacrements, nécessaire aussi pour appartenir, en fait, à l’Eglise instituée par JésusChrist. Pour recevoir validement les autres sacre­ ments ct pour appartenir effectivement ù l’Eglise de Jésus-Christ, Marie reçut donc le sacrement de baptême, bien que du fait lui-même nous n’ayons aucune preuve matérielle. 2. Pour la sainte eucharistie, ce que nous connais­ sons de la coutume des premiers fidèles de la rece­ voir fréquemment, voir Communion iréqventi. t. ni, col. 516, et ce (pie nous savons de l'amour trc< parfait de Marie pour son divin Fils, nous assure qu'elle reçut ce sacrement aussi souvent qu’Il lui fut possible. 3. Entrée au cénacle avec les apôtres, Act. n, IL Marie participa avec eux à la réception des dons du Saint-Esprit au jour de la Pentecôte. Comme les apôtres, elle reçut donc la grâce du sacrement de confirmation, que saint Thomas appelle rem sacra­ menti confirmationis, ou plenitudinem Spiritus Sancti sine sacramento, Sum theol., i l P, q. i.xxii, a. 2 ad lora. -L Dans quelle mesure la grâce sanctifiante de Marie 2425 MABIE, \ERTI S ET DONS DU SAINT-ESPRIT 2426 vement de la concupiscence, non seulement en fait fut-elle augmentée par les sacrements qu’elle reçut, notamment par le sacrement d'eucharistie qu’elle mais même en droit, on est autorisé â admettre qu’elle reçut très fréquemment pendant les années qu'elle a, dès ce moment, possédé, d'une manière infuse, toutes les vertus morales surnaturelles par lesquelles passa sur la terre après l'ascension de son divin Fils? On ne peut donner «pic cette réponse générale : Marie, était normalement assurée cette pleine exemption, * u cause des dispositions très parfaites qu’elle y apporta sans qu'l 1 lût nécessaire de recourir à une constante constamment, dut puiser, dans ces sacrements, des ct extraordinaire intervention de la divine Provi­ trésors de grâces, en quelque sorte illimités. N'est-ce dence. D ailleurs, puisque ces vertus ont été en Adam pas une vérité théologique communément admise que d’une manière infuse dès le premier moment de sa reflet des sacrements de la Nouvelle Loi n'a d'autre création, S. Thomas, Sum. theol., l·. q. xcv. a. 1,3. limite que les dispositions Imparfaites du sujet qui on doit les attribuer aussi à Marie dès sa première sanctification. Suivant les principes précédemment les reçoit? 5. Outre l'augmentation de la grâce sanctifiante établis, relativement aux privilèges el dons divins en produite par les sacrements, y eut-il, en Marie une Marie, on ne peut admettre que Marie, au point de augmentation provenant immédiatement de Dieu vue de la perfection morale, ait été inférieure à Adam. lui-même, dans quelques circonstances de la vie de Dès le premier moment de sa conception, Marie Marie, notamment dans les moments où elle fut en posséda aussi tous les dons du Saint-Esprit d’une contact immédiat avec la chair adorable de son divin manière très éminente. C’est une vérité certaine que Fils, comme dans la conception virginale, dans l’en­ ces dons accompagnent habituellement les vertus fantement virginal, dans la période qui s’écoula entre surnaturelles et qu’ils les complètent en perfection­ l’une ct l’autre, et dans les nombreuses occasions où nant, dans l’intelligence el dans la volonté, la dispo­ Marie donna à .Jésus enfant ses soins maternels? sition de parfaite obéissance aux motions spéciales Dans ces heureuses circonstances, y eut-il, pour Marie, du Saint-Esprit. S. Thomas, Sum. theol., IMF. un accroissement de grâce sanctifiante, donné par q. lxvdi. a. 1,2, 5. Voir Dons du Saint-Esprit. Dieu quasi ex opere operato et ultra meritum proprte t. IV. col. 1735 sq. dispositionis, s’adjoignant à la grâce due à scs dispo­ 2· Conclusions concernant en Marie la possession sitions actuelles? Bien qu’il n’y ait aucune preuve particulière de quelques vertus ou dons du Saint-Esprit. positive de cette libéralité divine, elle apparaît bien 1. La vertu de foi en Marie, -a) La vertu de foi est probable, soit pour l’instant de la conception virgi­ exclue seulement par la pleine cl stable possession de nale ct pour plusieurs autres circonstances, selon la vision béatiflque, S. Thomas, Sum. theol., II·-II*, Suarez, In ///·», t. n, disp. XVII L sect, m, n. 8, soit q, v, a. 1. Cette vertu n’était donc point incompatible pour tout contact immédiat de Marie avec la sainte en Marie avec l’acte transitoire de vision béatifique humanité de Jésus-Christ, principe de toute grâce pour qui lui fut parfois concédé : il y avait alors visio Det toute l’humanité. Contenson, Theologia mentis ct secundum essentiam per actum, non secundum habitum cordis, I. X, dissert. \ l. c. i, spec. 2, Paris, 1875. t. ht. gloria·. S. Thomas, Quast, disp, de veritate, q. xn. p. 264; P. Hugon, Tract, de B. Virgine Deipara, Trac­ a. 2, ad 5°®. tulus dogmatici, Paris, 1920. t. m, p. 456. b) L’acte de foi en Marie n’était point opposé a la Nous pouvons donc conclure qu'en Marie la grâce parfaite évidence de crédibilité qu’elle eut du mystère très éminente reçue au premier instant de sa concep­ de l’incarnation parle témoignage immédiat de l’ar­ tion incessamment augmentée, pendant tout son change Gabriel ct par l'expérience directe qu’elle eut pèlerinage terrestre, par la double cause que nous en elle-même des merveilles de la conception virginale venons d’analyser, dut, au terme de sa vie mortelle, et de l'enfantement virginal. Malgré tout l’éclat de atteindre un degré de perfection qui échappe à toute celte évidence extrinsèque, la nature intime du mys­ tère de l’union hypostatique restait en elle-même estimation humaine. En elle fut alors pleinement inaccessible à son intelligence et était pour elle objet réalisé ce que Pie IX. au début de l’encyclique de foi, selon renseignement déjà cité de suint Thomas, Ineffabilis Deus du 8 décembre 1854, indique déjà dès sa conception immaculée : que bien au-dessus de Sum. theol., 11·-IIe. q. v, a. 2. tous les esprits angéliques, bien au-dessus de tous les c) En Marie, l’acte de foi n’était point non plus empêché par les révélations ou illuminations divines saints, Dieu la combla de l'abondance de toutes les grâces célestes, et l’enrichit avec une profusion mer­ dont elle fut fréquemment favorisée dans l’état mys­ tique très parfait auquel elle fut habituellement éle­ veilleuse, de telle sorte qu’elle fût dans une telle vée. Dans ces illuminations divines, comme on l a plénitude d’innocence et de sainteté qu'on ne peut, dit précédemment avec saint Thomas, il n’y a point au-dessous de Dieu, en concevoir une plus grande et perception immédiate de Dieu, mais seulement con­ qu’aucune autre pensée que celle de Dieu même ne naissance analogique, quoique très sublime, des attri­ læul en mesurer la grandeur: Ut ipsa cum innocentia· buts divins. ft sanctitatis plenitudinem præ se terret, qua major sub d) Constamment exempte de toute faute vénielle, Dfo nullatenus inlelligitur, ct quam, prtrier Deum, selon l'enseignement du concile de Trente, Marie nemo assequi cogitando potest. n’eut jamais, dans sa foi. aucune défaillance. L'opi­ IV Ventus i t dons du Saint-Esprit i n Marii: nion contraire, émise par quelques auteurs dans les findant sa vie τι HRKSTiiE. — 1· Vertus et dons du premiers siècles et par les novateurs du xvi· siècle, Saint-Esprit considérés d'une manière générale en Marie. Les principes exposés à l’art. Immaculée Concep­ doit donc être rejetée. Lépicier, op. cit., p. 298 sq. La foi très parfaite de Marie, particulièrement au moment tion nous conduisent aux conclusions suivantes : de 1'annunciation el à celui de la passion et de la mort 1. Marie ayant possédé. dès le premier instant de sa de son divin Fils, a été souvent louée par les Pères conception, une grâce sanctifiante très parfaite, a des ct par les théologiens. Xovato, op. cit., t. il· p. 65; lors possédé aussi, avec une très éminente perfection, toutes les vertus surnaturelles Infuses, soit théolo­ Vega, op. cil.. Lu, p. 31 sq.; S. Alphonse de Liguori, Gloires de Marie, part. IV, I; Terrien, La Mère de gales. soit morales, qui. selon l’enseignement théolo­ Dieu, t. n, p. 222 sq. gique. accompagnent toujours la grâce sanctifiante. 2. l.a vertu de pénitence en Marie. - Impeccable, S Thomas, Sum. theol., IMF. q. lxii, a. 1. q. lxiii, non de droit et ab intrinseco, mais parla faveur divine n. 3; q. ex, a. 3 sq. 2. Marie ayant possédé, dès le premier instant de et par l’abondance des grâces de choix dont elle fut sa conception, une parfaite exemption de tout mou­ incessamment comblée. Marie pouvait posséder la 2427 MABIE, GRACES MYSTIQUES vertu infuse dc penitence, inclinant â in détestation du péché, qui de droit n'était point en elle absolu­ ment impossibe. En elle, toutefois, il n’y eut jamais aucun acte de la vertu de pénitence puisqu'elle fut à jamais exempte de toute faute. Novato, op. cit., t. n, p. 171 sq. Lugo, De pivnitrntia, disp. XI, n. 6; Sedl­ mayr, op. cit.. Summa aurea, t. vu. col. 10*29. Lépicier, op. cit., p. 301 sq. 3. /xj vertu de temperance en Marie. — Dans la mesure où elle incline ά soumettre pleinement, sans aucune résistance ct sans aucune lutte, les délecta­ tions des sens â la parfaite direction de la raison tou­ jours mue par la charité surnaturelle, celle vertu existe’cn Marie, d’une manière infuse, dès le premier moment de sa conception. Pour Marie, le rôle de ccttc vertu n’était point, comme pour l’humanité déchue, de refréner ct dc contenir, dans la juste mesure, les délectations sensibles souvent accompagnées de quel­ que rébellion des sens, S. Thomas, Sum. theol., II4IP\ q, exu, a. 2 sq.; q. clv, a. 1 sq., mais de prévenir entièrement tout ce qui n’eût point été selon la droite raison dirigée par la foi et la charité. I.‘exemption dc tout mouvement dc la concupiscence était assuré à Marie par le privilège de l’immaculée conception. En cc sens. Marie posséda excellemment toutes les vertus relevant de la vertu dc tempérance · la chasteté et la virginité, S. Thomas, Sum. theol., H‘-II·0, q. ci.i sq., la clémence ct la douceur, q. cxvn, l’humilité, q. clxi, la modestie, q. CLXVin, l'abstinence, q. cxlvi. Relativement à la vertu d’humilité, on comprend, selon l'explication de salut Thomas, Sum. theol., IIMI®, q. clxi. a. 3 et 1 ad 5am, comment Marie put se reconnaître inférieure à toutes les créatures, en attri­ buant pleinement à Dieu toutes les sublimes perfec­ tions qu’elle tenait de lui, et en se soumettant à toutes les autres créatures, au moins quant â la dis­ position Intérieure de son âme cl ù cause des dons de Dieu qu’elle voyait en elles. L’humilité dc Marie a été souvent louée par ses panégyristes et par les théologiens ascétiques, et considérée par eux comme la cause immédiate des sublimes faveurs que Dieu lui conféra. S. Pierre Damien. Serm., xlvi. /'. L., t. cxliv, col. 759 sq,; S. Bernard, Super Missus est, hom. i, 5 sq.. In assumptione IL M, Virginis, serm. iv, 5 sq., De duodecim prærogatiols B, V. Martre, 1(1 sq.: De aquieductu, 9. P. I. clxxxhi, col. 58 sq., 128 sq.. 135 sq.; 112; S. Bonaventure. Commentaria in eoangelium Lucie, ι, 51. 67. 87, 90, Quaracchi. I. vn. p. 24, 26. 30, 31 ; De per/ectione vitas ad sorores, c. n. 3. 7, t. vm, p. 110, 112: De assumptione B. Vir­ ginis Maria, senn. iv, 1 ; Dc nativitate B. Virginis Marite, serm. v, I. t. ix, p. 696. 71 <8; Richard dc Salnt-VIctor. Explicatio in Cantica Canticorum, c. xxvi. P. L., t. exevi, coi. 183 ; Novato, op. cit., t. n. p. 197; Véga, op. cit., t. n, p. 81 sq.; l.épicier. op. cit., p. 296; Terrien, La Mère de Dieu, t. n, p. 226 sq. I. Les vertus annexes à la justice cl à la jorce. — Pos­ sédant très parfaitement les vertus dc justice cl de force, Marie dut posséder encore au moins quant â la disposition de la volonté, sinon toujours quoad actum, faute d’occasion immédiate de les exercer, toutes les vertus relevant de la justice ou assimilées à la justice; comme l’obéissance, S. Thomas, Sum. theol., Il'-IIæ. q. αν, la reconnaissance et la gratitude, q. evi, la libéralité, q. cxvn; ainsi que les vertus relevant de la vertu de force, comme la magnanimité, q. cxxix, la patience et la constance, q. cxxxvr sq. Les auteurs ascétiques ont particulièrement loué l’admirable cons­ tance de Marie dans les souffrances quelle eut à endu­ rer pour la rédemption de l’humanité. 5. Le don de crainte en Marie. — Puisque le don de crainte exista dans la sainte humanité dc Notre Seigneur, pour autant que celte sainte humanité avait 2428 une très affectueuse et souveraine révérence envers les sublimes perfections divines. S. Thomas, Sum. theol., IIId. q. vu, a. 6, ce «Ion put. d’une manière semblable, exister en Marie. Loin d’être opposée â la charité, la crainte liliale, comme l’observe saint Thomas, croll avec elle. Sum. theol., Ilft-ll‘”, q. xix. a. 10; elle reste même in patria, a. 11. ad 3,Hn. En aimant Dieu très parfaitement. Marie avait, pour scs infinies perfec­ tions, une souveraine révérence. V. Graces mystiques i.t charismes en Marie. 1· Ordres mystiques en Marie. On montrera à l’art. Mystique, que les grâces ou faveurs mystiques consis­ tent principalement dans une illumination divine toute spéciale communiquée à l’intelligence, cl dans une impulsion d’amour très parfait donnée à la volonté, de telle manière (pie le rôle de l'intelligence et de la volonté est de recevoir et d’être mu librement par l’action divine, plutôt que d'agir de sa propre initia­ tive. Saint Thomas parle plusieurs fois de ccttc Illu­ mination toute spéciale, comme cause de la contem­ plation. Sum. theol., IP-Il·1·, q. clxxx, a. 3, ad 4um; a. 5, ad 3,lni, a. 6. - Comment Marie, appelée â une si haute sainteté, n’aurait-elle pas possédé, avec une très grande perfection, les grâces mystiques qui, scion renseignement théologique, sont le moyen le plus habituel pour conduire les âmes â une sainteté émi­ nente ? Elle, à qui l’on doit attribuer les privilèges ou faveurs concédés â d’autres saints, dès lors qu’ils convenaient â sa dignité et â sa condition, comment aurait-elle pu être privée de faveurs concédées par Dieu, avec tant de libéralité, à un grand nombre de saints? Possédant d’une manière éminente, tous les dons spirituels, Marie a dû jouir de la faveur mystique la plus relevée, celle dc l’union transformante où l’âme privilégiée a le sentiment presque habituel de la pré­ sence dc Dieu, en même temps qu’elle connaît très spécialement la transformation toute particulière que Dieu opère dans toutes ses puissances. Cet étal, qui est comme l’étal normal des âmes unies à Dieu par un très pariait amour, convenait souverainement â Marie pendant toute son existence terrestre, puisqu’elle aima toujours Dieu d un amour supérieur â celui de toutes les autres créatures, el qu’elle était aimée de Dieu bien au-dessus de tous les anges et dc tous les saints joints ensemble. Avec un état aussi parfait d’union transformante, il est vraisemblable que Marie n’éprouva point d’ex­ tase, ou n’éprouva jamais les effets que l’extase pro­ duit habituellement sur le corps, voir Extase, t. v, col. 1875 sq. L’extase supposant encore quelque reste de faiblesse ou d’imperfection dans les sens ne devait point exister en Marie. Quant aux révélations et visions intellectuelles les plus relevées dont l’âme est souvent favorisée dans l’union transformante, elles durent être fréquentes en Marie, selon cc qui a été dit précédemment de sa connaissance des choses divines. Les théologien* nu auteurs mystiques ont souvent loué 1rs hautes faveurs concédées Λ Marie relativement fi la vie contemplative: S. Bernard, Dc duadecim prttrogalivb, 3. P. L., t. clxxxhi, col. 131 ; S. Bonaventure, Commmtaria in Evangelium Lucie, c. x, 76, 79, Quaracchi, 1X95, t. vu, p. 276 vq.; Dc purillcaiione B. virginie Marin, serm. i, m. t. ix, p, 638 sq.; Denys le Chartreux» Dr pnreanio cl dtgnita'e Marim, I. IL art. 11, 12. Ojmt.i. Tournai. 1908, p. 517 sq., voir aussi articles 16 iq.; Suarez, lnllPnS. Ί homir, disp. Will, sect, η, η. I %q.; Novato, Op. cit.,t. il. p. 290; dc Rhodes, Op, cil., I. Il, p. 233. 2e Charismes ou grâces gratis datœ. — On connaît les charismes énumérés par saint Paul, I Cor.,xu, 7sq., et décrits par saint Thomas, qui en donne la notion théologique, en même temps qu’il montre leur rôle 2429 MARIE, SOUFFRANCES provident tel dans l'enseignement des choses divines. Su/n theol,, IMI*’, q. exi, a. I Selon l'enseignement constant de la tradition catholique, Marie possédait la plénitude de toutes les grâces, convenant h sa dignité et â sa condition. S. Thomas, Sum. theol.. IIP, q. xxvn, a. 5. En droit, Marie avait donc toutes les grâces gratis data, comme renseignent, d’une manière générale, saint Thomas, IIP, q. xxvn, a. Ί, ad 3urn, et. après lui, tous les théologiens. On comprend d’ailleurs que, si Marie n’eut point à exercer, comme les apôtres, le ministère officiel de la prédication pendant les années qui suivirent l'as­ cension de Notre-Seigneur, elle eut, très vraisembla­ blement. à cause des sublimes privilèges qu’elle avait reçus de Dieu, à instruire, à éclairer, à aider, d’une maniéré privée, les apôtres et les premiers fidèles. Pour accomplir ce rôle même secondaire et restreint, il convenait que Marie possédât tous les dons (pii. selon le plan providentiel, aident à l’enseignement des choses divines, même quand celui-ci n’est point donné â litre officiel ct principal. VI. MÉRITES DE MARIE POL’R ELLE-MÊME. NOUS n’étudierons ici (pie les mérites de Marie pour elicmême. En étudiant le rôle de Marie comme associée à la rédemption, nous avons vu quels furent scs mérites pour l’humanité tout entière. P L’existence de mérites surnaturels en Marie, â chaque instant de son existence terrestre, est une conséquence de ce (pii a été dit dc l'augmentation incessante de la grâce sanctifiante possédée par l'au­ guste Vierge. 2e La perfection des mérites de Marie est une consé­ quence de la perfection de ses actes incessants dc charité. Selon renseignement de saint Thomas, la perfection principale du mérite surnaturel dépend dc celle de la charité avec laquelle l'œuvre méritoire est accomplie. Sum. theol., P-I1‘V, q. exiv, a. 4. Voir Charité, t. n, col. 2216 sq. En Marie, celte charité fut d’autant plus méritoire, qu’elle eut pour objet le sacrifice très douloureux par lequel elle fut associée à la rédemption opérée par Notre-Seigneur sur le Calvaire Comme l’enseigne saint Thomas, de la grandeur du sacrifice résulte une augmentation du mérite: Magni­ tudo laboris pertinet ad augmentum meriti, toc. cit., ad 2,nn. voir <ιι m ili . c<»l. 2218. 3· Pour Marie elle-même, l'objet du mérite strict ou de condigno fut uniquement la récompense éternelle ct l’augmentation de la grâce sanctifiante qui devait la mettre en possession de celle récompense. Λ cela seulement s’étend, comme le proclame renseignement théologique, le mérite strict, accessible â chaque âme, avec le secours de la grâce divine. S. Thomas, Sum. theol., 1·-Ι1% q. exiv. a. 3. 8. Pour Marie, le mérite de condigno ne pouvait non plus, on l’a dit, s’étendre â la dignité de la maternité divine. Il est cependant vrai que Marie, avec toutes les grâces de choix dont elle fut prévenue dans sa conception immaculée, mérita le degré sublime de perfection qui la disposa immédiatement à la maternité divine. S. Thomas, Sum. theol.. Ill·, q. n, a. 11. ad Rappelons enfin (pie. pour clic-même, le mérite strict dc Marie ne pouvait s'étendre, ni à la première grâce sancti liante qui lui fut conférée dans son imma­ culée conception, ni aux grâces ou privilèges qui accompagnèrent celte première grâce, ni au privi­ lège spécial de sa parfaite confirmation dans le bien qui lui fut concédé dès cc moment. VII. Perfections corporelles de Marie 1· Pour la vie intellectuelle ct morale qui convenait â la dignité ct à la condition dc Marie, il était nécessaire qu'elle possédât les qualités corporelles, qui importent effec­ tivement pour l’une cl l’autre vie, selon les indica­ tions données par saint Thomas, Sum. theol., I*, 2'130 q. Lxxvi, a. 5: q. xa, a. 3; I*-11*, q. lxiii, a. 1 ; q. uf a. 1 ; II·-II*, q. xlvh, a. 13. 2· Comme mère dc Jésus, Marie, selon les lofs pro­ videntielles, posséda elle-même les perfections natu­ relles ducs au corps de Notre-Seigneur. Or le corps dc Jésus devait être exempt de toutes les imper­ fections ou défectuosités qui n’étaient pas demandées par l’accomplissement dc la rédemption, tel que le comportait le plan divin. S, Thomas, Sum. theol., III*·, q. xiv. a. 4. Marie devait donc être exempte des défauts corporels que n’exigeait point sa coopération intime â notre redemption. 3· Comme associée par son divin Fils a la rédemp­ tion du monde, Marie fut soumise à la souffrance corporelle, dans la mesure exigée par sa coopération intime au sacrifice du Calvaire, par lequel elle endura dans son cœur, cc que Jésus souffrait dans sa chair. Nous verrons bientôt combien grandes furent ses souffrances ct avec quelle constance elle les endura. 4· On a muni ré a l’art. Assomption dc la sainte Vierge, 1.1, col. 2128 sq.. que Marie fut soumise à la mort corporelle, afin d’avoir avec son divin Fils celle intime ressemblance, afin aussi de rendre, en quelque sorte, plus palpables la réalité ct la possibilité du corps humain que Jésus avait pris en elle. 5° Le privilège dc la beauté corporelle fut concédé â Marie, dans la mesure ou il était, pour elle, le î effet ct l’accompagnement des plus hautes vertus, et en mime temps, pour son entourage, un stimu­ lant des plus nobles pensées et dos pins pures affec­ tions. C’est en cc sens que cc privilège a été souvent loué par les auteurs ecclésiastiques. S. Thomas, /n 7/P»™, ^rnL, dist. 111, q. l.a.2, quoest.3, ad |un> ;s. Bonaventure, In IlP^n Sent., dist. III, part. i. u. 2, q. ni, Quarrncchi, 18S7, t. ni p. 77; S. Antonin, Sum. theologica, part. IV, tit. xv, c. x, 2. Vérone. 1710, t. iv, col. 977 sq.; Denys le Chartreux, In IÜITÏ, Sent., dist. XVI, q. Π, Venise. 1384, t. I. p. 289; De dignitate et laudibus IJ. virginis Maritr, 1, 35. Optra, Tournai, 1908. t. xxxvi, p. 63; Suarez, In ///*“ S. Thonut, t. n, disp. II, sect. n. 4; Novnto, op. cit., t. n. p. 278; Vcga, op. cit., 1.1, p. 26'Jsq.; Contons on, op. cil., t. m, p. 261 *q.; Sedlmayr, op. cil., S unima aurea, t. vu, col. 860 sq. ; I.épicier, op. cil., p. 347 *q. ; Terrien, op. cit., t. n, p. 112 sq. V HI. SovffrA N CEs de Marie. 1· Nous xenons de montrer que Marie, bien qu’exempte, en droit, dc toute souffrance, dut. comme son divin Fils, y être soumise afin dc coopérer ainsi à notre redemption comme l’exigeait le plan providentiel. 2* Les principales souffrances de Marie furent celle? qui résultèrent du sacrifice intérieur par lequel elle consentit à l’immolation de son divin Fils, victime d’expiation pour nos péchés. Elles eurent leur maxi­ mum d’intensité au pied de la croix, au moment de la consommation du suprême sacrifice. .Mais elles furent, au moins partiellement, ressenties par Marie dès qu’elle cul connaissance du mystère dc l’incarnation el de la part qu’elle devait prendre à l’accomplissement de notre rédemption. 3· Pour apprécier l’intensité des souffrances dc Marie au pied dc la croix, il faudrait mesurer, dans leur intégrité, toutes les souffrances de Jésus; il fau­ drait encore, si c’était possible, mesurer l’amour si parfait dc Marie pour son divin Fils, En vertu dc cet amour maternel si parfait, Marie ressentit, dans son Ame. toute l'amertume des souffrances dc Jésus, comme si celles-ci avaient été les siennes propres. (L’est ce qu’observait déjà au xn· siècle Ernald de Chartres : Quod in carne Christi agebant clavi et laneeu, hoc in mente ejus compassio naturalis ct a/fectionis matcrnic angustia. Dc laudibus IJ. Μ. V., P. L.t l. CLXxxix. col. 1731; el dans un autre passage : Omnino tune erat una Christi et Maria voluntas un unique holocaustum ambo pariter offerebant Deo : 2431 MARIE, SOI EE R \ NEES hire in sanguine cordis, hic in sanguine carnis, col 1727. Enseignement communément suivi par les théolo­ giens depuis cette époque, comme nous l’avons cons­ taté en étudiant la coopération de Marie à notre rédemption. 4· Toutes ces souffrances si intenses, Marie les endura avec une telle constance qu’il n’y eut, ni dans son intelligence, ni dans sa volonté, aucun trouble ni aucune faiblesse. Cette parfaite constance, qui était une conséquence de l’absolue maîtrise de la raison de Marie sur toutes scs puissances inférieures cl sur tous ses sens, a été habituellement affirmée d’une manière explicite par les théologiens, après saint Ambroise : Stabat ante crucem mater ct fugientibus viris stabat intrepida. De institutione virginis, vn, 49, P. L., t. xvi, coi. 318. Expositio evan gei i i see, Lucam, X, 132, P, /., t. xv, coi. 1837. Nous citerons particulièrement quelques théologiens dont renseignement mérite une mention spéciale. Selon saint Bonaventure, il n’y a point de doute que l’âme courageuse ct la raison très constante de Marie n’aient voulu olfrlr Jésus pour le salut du genre humain, afin que la mère fût en tout conforme â Dieu le Père. Marie a tellement compati à son divin Fils qu’elle aurait bien plus volontiers, si cela eût pu se faire, souffert elle-même tous les tourments. Vere igi­ tur luit /ortis ct pia, dulcis pariter ct severa, sibi parca sed nobis largissima. In /orn Sent., dist. XLVIII, dub. iv, Quaracchi. 1882, t. r, p. 861. Les paroles de saint Jean Damnscènc entendant les mots et luam ipsius ani­ mam pertransibit gladius des douleurs qui déchirèrent l’âme de Marie, De fide orthodoxa, tv, 14, P. G„ t. xav, col. 1161, sont Interprétées par le docteur séraphique, en cc sens que l’immensité de la douleur sc rapporte non ù la partie rationnelle de l’ârnc mais â la partie sensible. L’âme de Marie ne fut jamais troublée, secundum quod perturbatio dicit deordinationem in parte rationali. In I ! /un‘ Sent., dist. Ili, q. ni, t. in, p. 78. Dans sa Vitis mystica, le saint doc­ teur. décrivant les douleurs que les souffrances de Marie durent causer â Noire-Seigneur, montre Marie en proie à la douleur, oculis lacrymarum torrente fluentibus, vultu contracto ct voce querula, mais en même temps sc tenant courageusement debout auprès de la croix, totis corporis viribus, ix, t. vin, p. 175. Au xv· siècle, Gerson décrit ainsi la constance de Marie au pied de la croix. Elle sc tenait debout. Les sublimes vertus qui ornaient la partie supérieure de son âme, avalent leur rejaillissement jusqu’à ia partie inférieure ou sensitive qu’elles réconfortaient, comme cela s’est vu souvent chez les martyrs. La vénérable face de Marie était couverte de larmes, mais le rayon­ nement de scs vertus y restait tel que les Juifs, éprou­ vant pour clic une bienveillante compassion, n’avaient aucune intention de la molester. Expositio in pas­ sionem Domini, Opera omnia, Anvers, 1706, t. in, col. 1193. Saint Antonin de Florence, expliquant les paroles scripturaires Stabat juxta crucem ejus mater Jesu, dit que Marie se tenait debout, firma, voluntati divina conformans se... verecunda, modesta, lacrymis plena, doloribus immersa. Elle était tellement atta­ chée a la volonté divine, ct avide de procurer le salut du genre humain, que s’il ne se fût trouvé per­ sonne pour accomplir la crucifixion qui devait rache­ ter le monde, clic eût elle-même mis Noire-Scigneur en croix. Car on ne doit point croire qu’elle fût infé­ rieure en perfection cl en obéissance à Abraham qui offrit son propre fils à Dieu en sacrifice. Stabat ergo fixa in Dei voluntate. Summa theologica, part. IV, til xv. c xn. L I iv. col 1227. \u commencement du xvi· siècle. Cajétan résout, dans un opuscule spécial, la question qui lui avait été posée relativement au spasme que quelques-uns attri­ 2432 buaient à Marie, au moment de sa rencontre sur le chemin du Calvaire avec Jésus chargé de sa croix. Tout spasme, nu sens propre de contraction maladive des nerfs, doit être rejeté. Au témoignage de saint Jean Chrysostome, Marie fut exempte de toute mala­ die. Selon le récit évangélique, elle se tenait debout près de la croix. Ainsi est écartée toute supposition d’un spasme survenu quelques instants auparavant. On doit aussi écarter toute idée de spasme, au sens courant de défaillance ou de syncope, privant tem­ porairement Marie de l’usage de la raison ct consé­ quemment d’une grande quantité de grâce très par­ faite qu’elle pouvait acquérir en s’associant à la pas­ sion de son divin Fils. Il était plus agréable à Dieu, quod beata Virgo compateretur ei secundum rationem quam secundum partem sensitivam, quia illa pars est nobilior el proprie meritoria et per se grata. Très grande fut donc la douleur de Marie, et de telle manière que les sens étaient entièrement soumis au parfait contrôle de la raison. Ainsi est exclue toute supposition de spasme en quelque sens qu’on l’entende. De spasmo H. Μ. V., Opuscula omnia tribus tomis distincta, t. π, Venise, 1588, p. 180 sq. Même enseignement ct mêmes arguments chez Barthélemy de Médina (f 1581), /n ///um $ Thonue, q. χχνπ, a. 4, Venise, 1590, p. 356 sq. Suarez reproduit en grande partie les arguments de Cajétan. Il ajoute cette importante considération que la parfaite constance de Marie au pied de la croix, était une conséquence de sa parfaite maîtrise sur toutes scs facultés et sur tous scs sens. In ///·«· S. Thoma, t. n, disp. IX', sect, m, G; disp. XL!, sect, n, 9. On rencontre la même doctrine ct les mêmes preuves au xvn· siècle, chez Jean de Carthagène, Homilim, 1. XII, honi. i, t. n, p. 20 sq.; Novato, op. cit., I. i, p. 360 sq. ; Raynaud, op. cit., t. vn. p. 112 sq.; Vega, op. cit., t. n, p. 46 sq.; ct au xvHi· siècle chez Benoit XIV, De festis B. Μ. V., c. iv, 5 sq., Opera omnia. Prato, 1843, l. ix, p. 260 sq.: Sedlmayr, loc. cit., t. vu, col. 1259 sq. On remarquera particulièrement le blâme porté par Benoit Xl\ contre les peintres qui représentent Marie au pied de la croix ou après la mort de son divin Fils, comme opprimée par la douleur, et contre les prédicateurs qui s’inspirent de la même idée, p. 262. La parfaite constance de Marie au pied de la croix, louée par les théologiens du xix* siècle, Lépicicr, op. cit., p. 377 sq.. a été particulièrement affirmée par Léon XIII dan* l'encyclique Magna Dei Matris du 1·» septembre 1892. § Ne vero ad exempla, et dans l’encycliquc Jucunda semper du 8 septembre 1891. § Neque aliter loquuntur doloris mysteria. Plus expressive encore est l'affir­ mation de Pie X dans l’encycliquc Ad diem ilium du 2 février 1901. Il loue l’intime association de vie el de souffrance de la mère et de son divin Fils, ou leur intime communauté de douleurs et d’affections. Il Joue la constance de Marie, au pied de la croix, se réjouissant de ce que son divin Fils s’offrait pour le salut du genre humain, ct tellement unie à lui que, s’il avait été possible, elle eût bien plus volontiers enduré tous ses tourments. 5· Les souffrances si intenses que Marie ressentit au pied de la croix, elles les ressentit, par avance, dans son cœur, dès qu’elle eut quelque connaissance surnaturelle du mystère de l’incarnation el du rôle qu’elle devait remplir dans l’accomplissement de notre rédemption. Quant à l’intensité des souffrances ainsi prévues, on doit sc garder de l’exagération de quelques auteurs, comme Guerra, affirmant que ces souffrance* furent constamment ressenties par Marie, à chaque instant de sa vie, d’une manière aussi intense qu’au moment même de la consommation suprême du Cal­ vaire. Majestas gratiarum ac virtutum omnium Dei­ para V. M., Séville. 1659, t. it, p. ICO. Assurément 2133 MARIE. GLOIRE DANS LE CIEL la pensée (les souffrances de Jésus dut, pendant toute In vie tic Murie, être fréquemment présente a son esprit, à cause de la très parfaite association d'esprit el de cœur entre le dis et la mère. Mais il n'y a pas Heu d'admettre une continuité ininterrompue de pensée, qui ne peut sc concilier avec les ineffables suavités surnaturelles (pic Marie dut éprouver fré­ quemment, soit dans la jouissance transitoire de la vision béatifique, soit surtout dans ia jouissance habi­ tuelle de Eclat mystique d’union transformante. D'ailleurs il n’est point vraisemblable que la prévision des souffrances du Calvaire, quand elle était présente â l’esprit de Marie, lui ail incessamment causé la douleur suprême qu’elle ressentit au pied de la croix, t ne souffrance prévue, surtout quand elle est géné­ reusement acceptée par une âme familiarisée avec cette pensée ct pleinement résignée à la volonté de Dieu, n’est point habituellement ressentie avec l'in­ tensité qu'elle a dans sa réalité actuelle. On doit d’ail­ leurs sc rappeler que l’âme de Marie, jouissant habi­ tuellement de l’union transformante, dut bénéficier, d’une manière très excellente, de ce que dit sainte Thérèse, que l’âme dans cet heureux état supporte, avec une joie très vive, les épreuves envoyées ou per­ mises par la divine Providence. Il reste toujours vrai (pie la pensée des souffrances de Jésus fut très souvent présente â l’esprit de Marie, et lui causa une douleur très intense, bien que tem­ pérée par son grand amour pour Dieu ct par les joies ineffables dont elle fut habituellement favorisée. III. VIE GLORIFIÉE DE MARIE; CONSÉ­ QUENCES QUI EN DÉCOULENT. — On étudiera très sommairement : I. La gloire de Marie dans le ciel, puis on s’attachera à marquer: IL La légitimité et la nature du culte religieux qui lui est dû (col. 2139). III. Les bienfaits (pic procure ce culte (col.2*151). IV. La doctrine relative aux principales pratiques de cc culte (col. 2462). I. Gloire et puissance d'intercession de Marie AU
  • Sent., dist. XLIX. q. v, a. 3, quæst. 3. Cette auréole fut donc concédée a Marie qui, mue par sa parfaite charité, dut souvent, dans des entretiens privés, aider, de scs lumières el de scs conn ils. les apôtres ct les premiers fidèles. Marie possède aussi l’auréole des martrys, à cause des souffrances qu’elle endura pendant la passion de son divin Fils. Causées par les persécuteurs de Jésus-Christ, ces souffrances étaient, par elles-mêmes plus que suffisantes pour donner la mort â Marie si scs forces n'avaient été miraculeusement soutenues par Dieu. Pour mériter l’auréole du martyre, il suffit d’avoir enduré avec courage des souffrances capables de causer la mort, quand même, par quelque circonstance providen­ tielle, la mort ne serait point survenue? S Thomas, In 1 V*™ Sent., dist. XLIX, q. v, a, 3, quæst 3» ad 7um. Aussi le litre de martvre ct de reine des martyrs a-t-il été communément donné à Marie, comme l’indique saint Alphonse de biguori résumant toute la tradition. Gloires de Marie, part. II. dise. ix. 3· Gloire spéciale résultant de la maternité divine. A ces gloires communes possédées par Marie, d'une manière si éminente, s'ajoute à cause de la maternité divine, une gloire spéciale, distinguant Marie de tous les autres élus, ct attestant ses sublimes prérogatives, en même temps que son éminente supériorité sur tous les autres bienheureux. Suarez. In 1I/·“ S Thom«, 1. n. disp. XXXI, sect, iv, 13; Novato, op. cit.. L n. p. 358 sq. 4· /loyauté de Marie sur l'ensemble des élus. — Procé­ dant de la maternité divine et de la médiation univer­ selle de Marie, cctlc royauté est exprimée en langage théologique par une double formule. La première formule, Marie est assise sur un trône à la droite de son divin Fils, exprime, par une métaphore analogue à celle qui est employée pour Noire-Seigneur. S. Tho­ mas, Sum. theol., 111% q. lvih, a. I, ces deux vérités qu'au ciel le bonheur et la puissance de Marie sur­ passent de beaucoup la gloire, le bonheur ct la puis­ sance des autres saints, ct que Marie, comme mère de tous les élus, a sur eux une sorte de royauté non seulement d’excellence, mais encore de puissance cl de domination grâce â sa médiation universelle. La deuxième formule, Marie forme un ordre particulier bien supérieur à celui des anges et des autres saints, exprime surtout la transcendante supériorité de la 2425 MABIE, PUISSANCE D’I NTEBCESSION gloire céleste conférée à Marie. Suarez, In ///··» S. Thomir, disp. XXI, sect. îv, I. L’une ct l’autre for­ mule, fréquemment employées dans toute la tradition Catholique, ont eu leur consécration dans la bulle fneflabihs De us de Pic IX du 8 decembre 1851, dans le prologue cl dans l'épilogue. //. TOUTE-PUISSANCE ^INTERCESSION UE MARIE AU CIEL.- C’est un enseignement théologique très assuré que la puissance d'intercession des saints est propor­ tionnée à leur degré de gloire au ciel : Quanto sunt Deo conjunctions, tanto eorum orationes sunt magis efficaces, S. Thomas, Sum. theol., II*-II,C, q. lxxxhi, a. 11. Donc Marie, dont la gloire surpasse incompara­ blement celle dc tous les autres saints, les surpasse aussi quant à la puissance d’intercession, ct de telle manière que, selon le témoignage constant de la tra­ dition catholique, elle possède la toute-puissance d’in­ tercession. Nous étudierons cette puissance d'inter­ cession dans l’enseignement théologique aux diverses périodes de son histoire. Puis nous en déduirons quel­ ques conclusions doctrinales. 1· Enseignement théologique. — 1. Avant le 17//· siècle, le concept dc la toute-puissance d’interces­ sion dc Marie ne sc rencontre d’une manière explicite, nue dans plusieurs textes attribués à saint Ephrcm, où il est dit que Marie, parce qu’elle est vraiment mère dc.Dieu, peut tout, cl qu’elle a tout crédit auprès dc son divin Fils, Precationes ad SS. Dei matrem, m, vu, x, Opera omnia, édil. Assémani, Borne, 1716, t. ut, græco-lalina, p. 526, 537, 519. Textes très explicites mais dont l’entière authenti­ cité n'est pas bien certaine. 2. Depuis la première moitié du vm· siècle jusque vers la fin du xvn* siècle. — Au vm* siècle, en Orient les affirmations les plus explicites sont celles de saint André de Grêle, saint Germain de Constantinople et saint Jean Damascene. Saint André de Crète (f 720), dans une prière litur­ gique a Notre-Scigneur, le prie d’écouter les supplica­ tions dc sa mère qui. parce qu’elle csl sa mère, peut le fléchir ou le vaincre par scs prières Triodia majoris hebdomadie, od. 8, P. G’., t. xcvn. col. 1117 Selon saint Germain de Constantinople (t 710), les prières faites à Jésus par Marie lui sont très agréables et ont i toute la persuasion que donne l’autorité d’une mère. In present., i, F7, P G., t. xcvm, col. 308. Le pou­ voir de Marie comme mère de Dieu va dc pair avec sa volonté. Ibid., n. col. 320. Marie a sur Dieu un pouvoir maternel; elle ne peut pas ne pas être exaucée; Dieu lui obéit ou lui cède en tout cl pour tous et en tous. In dormit. fi. M., n. col. 352. Suivant une homélie attribuée â saint Jean Damascène, mais dont l’au­ thenticité n'est pas certaine, l’intercession dc Marie n’est point repoussée el sa prière n’est point récusée. In annunt., P. G., t. xevi, col. 617. Au x* siècle en Orient, saint Nicéphore le confesseur, patriar­ che de Constantinople (f 829), allirme que le patro­ nage dc Marie auprès de son divin Fils est pour nous d’une force assurée, à cause de son autorité mater­ nelle, littéralement à cause de son franc-parler dc mère, 8i'ήν μητρικήν παρρησίαν έχει. Antirrh., II, P. G., t. c, col. 311. Ces expressions sont reproduites par Georges de Nicomédic (t 879), In SS. Deiparæ ingressum, vi, col. 1340. En Occident, on rencontre fréquemment, avant la lin du xi· siècle, notamment chez saint Iidcfon.se I (t 667), Fulbert de Chartres (t 1028) cl saint Pierre | Damien (t 1072), des expressions de très grande confiance dans i'efllcacité de la prière à Marie, qui contiennent implicitement la croyance à sa toutepuissance d’intercession. A la lin du xi· siècle, saint Anselme (t 1109) estime que la puissance d’intcrccs- | sion de Marie est, à cause de sa maternité divine, I 24.3« supérieure à celle de tous les saints qui, eux-mêmes, prient en union avec la mère de Dieu : Et quod possunt omnes isti tecum, tu sola poles sine illis omnibus. Orat., XLvi. P. L., t. ctvm, coi. 91 L Plus explicite, Eadmer (f 1124), disciple de saint Anselme, allirme formellement In loutc-puissancc d’intercession de Marie : Jésus Ills très bienveillant de Marie est tou­ jours prêt à accorder à Marie tout ce qu’elle seul. De excellentia fl. M„ xu, P. /.., t. eux, col. 579. Selon Geoffroy de Vendôme (t 1132), il n’y a point dc doute que In vierge Marie ne puisse, quasi quodam matris imperio, demander tout ce qu’elle veut â son dis In Fils. Elle ne sera jamais déçue dans son droit mater­ nel. Serm., vm. P. L., l ci.vn, col. 268. Suivant saint Bernard (f 1153), le Fils de Dieu ne manquera pas d’exaucer toujours sa mère, cl le Fib de Dieu sera exaucé par Dieu le Père. 1 e Fils ne peut rejeter la demande dc sa mère, ni avoir lui-même de refus de son Père. Marie trouvera toujours grâce devant Dieu. Serm. de aqua dmlit. 7. P. E., t. clxxxiii, cul. 441. Ernald de Chartres (f 1156) exprime la même doctrine. De laudibus H. Μ. V„ P. L., t. clxxxix, col. 1725. Dans un sermon souvent attri­ bué à saint Pierre Damien, mais qui est dc Nicolas dc Clairvaux, disciple de saint Bernard, il est dit que toute puissance a etc donnée par Dieu â Marie au ciel el sur la terre: rien ne lui est impossible. Elle s'ap­ proche de son divin Fils, non solum rogans sed impe­ rans, domina non ancilla. Serm., xlvi, parmi les œuvres de saint Pierre Damien, P. L., t. cxliv, col. 740. Adam, abbé de Perseignc (t 1203), dit que Marie obtient du Tout-Puisssant tout cc qu’elle veut, qu’elle ne peut pxs ne point obtenir cc qu’elle demande, parce que le Fils du Père, tout-puissant en miséri­ corde. a voulu naître d’elle. Mariale, serin, i. P. L., t. ccxi, col. 703. Quant ù saint Thomas, son alflrmation absolue, dans l’Exposilion de l'.lre Maria, qu’en tout danger on peut, dc la Mère dc Dieu, obtenir le salut, et avoir son assistance pour tout acte de vertu, exprime équivalcmmcnl la toute-puissante interces­ sion de Marie. Suivant saint Bonaventure, Marie ne peut point ne pas être exaucée par son divin Fils, De annunt. 11. Μ. V., serm., iv, 1. Opera omnia, Quaracchi, 1901, t. ix, p. 673; Soliloquium de IV mentalibus exercitiis, i, 23 sq., I. vn, p. 37. A la même époque, Richard dc Saint-Laurent reproduisait et amplifiait la doctrine de saint Bernard ct de Nicolas dc Clairvnux. De laudibus ii. Μ. V., 1. H. c. i, n. 18 sq. ; 1. Ill, c. xi ; I. IV, c. xxix, parmi les œuvres du B. Albert le Grand. Lyon. 1651. t. xx. p. 38 sq.. 94. I 16. On observera, chez Richard, l’usage qu’il fait de plusieurs textes scripturaires, notamment de III Beg., ιι, 20; x. 13; Is.. Lxv, 24; Eslh., v, 3; Luc., n. 51. On obser­ vera aussi cette déclaration très explicite que la sou­ mission de Jésus aux désirs el aux prières de Marie provient uniquement de l’amour dc Jésus envers sa mère : .\cc fuit illa subjectio necessitatis sed pietatis, L HI. r tiiéoi. catiioi. A DROIT 2450 a sans doute, sur cc point, quelques analogies entre le culte catholique ct certaines pratiques païennes, comme il y cn a, pour la vie domestique cl la vie publi­ que, entre les siècles païens cl les siècles chrétiens, sans que l’on puisse dire que, partout où il y a ana­ logie, Il y a nécessairement emprunt ou imitation, p. 705 sq. L’histoire montre que ce n’est point aux religions païennes que l’Eglise a emprunté son culte extérieur, mais aux usages de la religion juive qui auparavant possédait le vrai culte, p. 706Hclativcmenl aux miracles attribués A l’interven­ tion de Marie par la piété catholique, sept proposi­ tions sont émises, que nous résumons brièvement, pour donner une idée de la sage critique de Canislus. Il y a possibilité de distinguer entre les vrais et les faux miracles. Les vrais miracles peuvent être accom­ plis par Dieu par l’intermédiaire des anges ct des saints. Les vrais miracles accomplis par l'intermédiaire des saints sonl utiles non seulement pour porter les incroyants à embrasser la fol chrétienne, mais encore pour le bien des croyants déjà cn possession de la vérité. Le fait dc donner pour vrais de faux miracles ou des miracles non prouvés, soit dans la prédication, soil dans des ouvrages imprimes, n’est point une rai­ son dc rejeter les vrais miracles, bien que l’on doive, sur ce point, suivre les règles 1res sages du concile dc Trente. Combattre ou nier les miracles accomplis par les saints a toujours été la tâche des ennemis de JésusChrist et dc son Église. La vertu d’accomplir des mira­ cles a toujour, été reconnue comme beaucoup plus éclatante cn Marie que dans tous les autres saints. Enfin c’est un hypercrilicisme manifestement exagéré que de ne vouloir reconnaître d’autres miracles accom­ plis par la très sainte Vierge que ceux qui sont d’une haute antiquité, I. V, c. xvm. p. 731 sq. Relativement aux apparitions de la très sainte Vierge, un principe général est établi : il ne faut pas les admettre sans preuve suffisante, mais on ne doit pas non plus les rejeter d’une manière précipitée. L V, c. xxi, p. 751. Assurément II y n eu beaucoup d’apparitions vraies, p. 751 sq. Marie est-elle, pour chacune de ces Interven­ tions, descendue corporellement du ciel ou a-t-elle agi par l’intermédiaire des anges? nous ne devons pas le rechercher avec trop dc curiosité. Quoi qu’il cn soit, ce^ apparitions doivent toujours être grandement esti niées el considérées comme des bienfaits pro venant dc Marie elle-même, p. 757. Quant au culte des images de la très sainte Vierge, le défenseur du culte marial, après avoir rappelé la doctrine de l’Eglise concernant le culte des images considérées d’une manière générale, admet que, panni le, nombreuses images dc Marie attribuées a saint Luc, llesl possible qu'une seule ait élé l’œuvre de saint Luc. les autres portant ce nom parce qu’elles ont été faites selon le modèle dc saint Luc, L V. c. xxn, p. 761. D’ailleurs, la dévotion catholique s’est bien plus préoc­ cupée de la Mère de Dieu représentée par l’image que de la question de son authenticité, pour laquelle on a jugé meilleur de suivre la tradition des ancêtres. En cela l’Église n’impose aucune croyance, mais contre­ dire I opinion communément el généralement reçue est une marque de peu de sagesse ou de quelque intempé­ rance dc critique, p. 762. Enfin il est certain, comme l’afilrmait déjà saint Germain de t'onslantinoplc. que beaucoup de miracles ont été accomplis par les Images des saints; ce que l’on peut également affirmer des images dc Marie, p. 762 sq. Il est aussi 1res légitime dc dedier des temples à Marie, non pour y ofirir les sacrifices dus à Dieu seul, mais pour y obtenir de Dieu, par l’intercession de Marie, les grâces désirées, I. \. c. xxm. p. 766 sq. On reproche ü la piété catholique, dans la décoration des statues ct des temples dc Marie, un luxe excès?if qu’il IX. - 78. 2551 marie, culte auquel ELLE a DROIT vaudrait mieux, dit-on, remplacer par d’abondantes aumônes aux pauvres, p. 777. Maison oublie la réponse de Noire-Seigneur à une objection similaire faite par le traître Judas : Quid motesli estis huic mulieri? opus enim bonum operula est in me. Mat th., xxvi, 10. On reproche aussi â la dévotion catholique la préférence qu’elle donne à certains sanctuaires de Marie consi­ dères comme plus favorisés de ses grâces ainsi que les pèlerinages dont ces sanctuaires sont l’objet. C’est un fait, que Dieu, dans sa sagesse, communique inégale­ ment ses dons dans les divers lieux qui lui sont consa­ crés, 1 V. c. XXIV, p. 780 sq. Si quelques abus se sont parfois produits dans les pèlerinages, ce n’est point une raison sufhsante pour condamner cette pratique, bien just ilice par tant d’exemples donnés dans l’histoire des siècles chretiens, qu’il s'agisse des pèlerinages aux lieux saints, ou de pèlerinages â des sanctuaires de Marie dans la capitale d i monde chrétien ou ailleurs, I» 782 sq L'excellente argumentation de Canisius fut habi­ tuellement reproduite, au moins en partie» par les théologiens du xvn· cl du xvnr siècle, parmi lesquels nous citerons particulièrement : Vasqucz, in 111*™, d sp \ri.\, Suarez. In 111·' . diq> WII, sect, i; Novato, op. cit., t. n. p. 361 sq.; Keichcnberger, â/uriani cultus vindicia·, Prague, 1677, p. 17 sq.; Piazza, ChrÙianorum in sanctos sanctorumque reginam eorumque /esta, imagines, reliquias propensa devotio, Païenne, 1751, p, 225 sq., 238, 212 sq. On remarquera que ces deux dernier'» auteurs s’occupent surtout de réfuter les objections des Monita salutaria ct de leurs partisans. A l'argument al Ion des théologiens contre les détrac­ teurs du culte marial, on doit joindre les interven­ tions du magistère ecclésiastique dirigées, pendant toute cette période, contre ces mêmes attaques. Le concile de Trente, dans le décret De invocatione, vene­ ratione et reliquiis sanctorum ct sacris imaginibus, enseigne la doctrine catholique relativement au culte, à l intcrctvion et à l’invocation des saints et au culte des images de Noire-Seigneur. de la très sainte Vierge cl des autres saints, sess. xxv, Denzingcr, n. 981 sq. Innocent XI, dans la constitution apostolique Coelestis pastor du 19 novembre 1687, condamne ces deux pro­ positions de Michel de Molinos : A’cc debent (aninue hu/us via- tnlernw) elicere actus amoris erga beatam Virginem, sanctos aut humanitatem Christi, quia cum ista objet ta sensibilia sint, talis est amor erga illa. Prop, xxxv. Nulla creatura, nec beata Virgo, nec sancti sedere debent in nostro corde, quia solus Deus vult illud occupare et possidere. Prop, x.xxvi. Denzingcr, n. 1255sq. Le 7 décembre 1690, Alexandre VIH con­ damne, parmi les erreurs des baïanktes cl des jansé­ nistes, celte proposition : Laus qiue dc/ertur Mariai ut Maria* Dana est. Prop, xxvi, Denzingcr, n. 1316. Voir Alexsxuni. VIII, t. i. col. 760. Pic VL par la consti­ tution apostolique Auctorem fidei du 28 août 1791, réprouve, entre autres propositions', celles qui blâment le culte spécial rendu à certaines images, ainsi que les litres spéciaux donnés à certaines images de la 1res sainte Vierge. Prop, lxx : item duelrinu rt priescriptio gmeratim reprobans omnem specialem cultum quem alicui spcciatim imagini solent fideles impendere, et ad ipsam potius quam ad aliam confugere, temeraria, per­ niciora, pio per Ecclesiam frequentato mori, tum et illi providentur ordini injuriosa, quo ita Deus in omnibus memoriis sanctorum sta fieri voluit, qui dividit propria unicuique prout vult — Prop, lxxi : Item qu/c vetat re imaginer pnrserlim beatas Virginis, ullis titulis distinguantur, p reel ei piam denominationibus qua* sint unalog.t mysteriis de quibus in Sacra Scriptura expressa fit mentio; quali nec alscribi possent imaginibus pia • I r denominationes quas vel in ipsismet publicis pre­ cibus Ecclesia probat et commendat, temeraria, piarum 2 452 aurium o/Jensiva, venerationi beata· prwsertim Virgini debita* injuriosa. Denzingcr, n. 1570 sq. 2. Quant aux controverses théologiqucs concer­ nant, à celte époque, le culte dû â Marie, nous nous bornerons, ù cause de leur importance toute relative, â quelques indications sur le mouvement des idées. a) Marie peut-elle être l'objet d’un culte relati/ df latrie? — Saint Thomas avait affirmé que Marie ne peut aucunement recevoir ce culte, même d’une manière relative. Γη tel culte ne peut être rendu aux créatures qui sont susceptibles d'être vénérées en elles-mêmes, comme le sont toutes les créatures douces d’intelligence parmi lesquelles Marie occupe un rang éminent. Cet enseignement fut communément suivi jusqu'à la lin du xvj· siècle. A cette époque, Suarez admit, au moins spéculativement, que Marie mérite le culte relatif de latrie, comme la croix de NoireSeigneur, Λ cause du contact très intime qu’elle a eu avec lui. Toutefois il estimait qu’au point de vue pratique, à cause du danger de culte absolu de latrie qui pourrait s’y adjoindre, surtout pour les fidèles peu Instruits, toute pratique du culte relatif de latrie à l’égard de Marie doit être évitée surtout dans l’usage public. In.llhm S. Thomœ, t. il, disp. XXII, sect, n, 2. L’opinion de Suarez, adoptée par Ysambert, Disputationes in / // un S. Thonuc, Paris, 1639, p. 581; Novato, op. cit., p. 372, sq.; Christophe de Vega, op. cit., t. h, p. 508, fut, Λ cause des arguments déjà donnes par saint Thomas, communément rejetée par les théologiens du xvn· siècle ct des siècles sui­ vants, G de Khodes, op. cit., t. n, p. 271; Gotti, Theo­ logia scholastico-dogmatica, tract. XIV, q. vu, dub.il, Venise, 1750, l. ni, p. 650 sq.; Bllluart, Tractatus de incarnatione, dissert. XXIII, a. 5; Sedlmayr, op. cit., Summa aurea, t. vin, p. 171 sq.; Lépicler, op. cit.. p. 621 sq.; Terrien, op. cit., t. iv, p. 196 sq.; P. Hugon, op. cit., Tractatus dogmatici, t. m, p. 486. b) Le motif formel du culte d’hypcrdulie dû à Marie est-il la dignité de lu maternité divine ou la surémi­ nente sainteté de Marie? — Sur cette question le* théologiens prennent position selon leur opinion sur la dignité comparée de la grâce sanctifiante el de la maternité divine. Selon Vasqucz, In ///“”, t. î, disp. C, c. il, Marie est honorée d’un culte d’hypcrdulie principalement à cause de son éminente sainteté. C'est une consé­ quence de son opinion attribuant à la grâce sancti­ fiante une dignité supérieure. Il estime d’aillcun que, dans la supposition adverse, il faudrait admettre qu< les actes du culte d’hypcrdulie envers Marie provicn nent de la vertu de religion et se rattachent consé­ quemment au culte de latrie. Suivant Suarez, c’est principalement à cause de l'éminente dignité de la maternité divine que Marie csl honorée d’un culte d’hypeniulie, à condition toutefois que ia maternité divine soit considèree, mm pas en elle-même, mais autant qu’elle est. de droit, accompagnée des dons de la grâce sancti liante, autant qu’ello constitue Marie, dans l’ordre providentiel actuel, reine et sou­ veraine de tou.» les hommes à la rédemption desquels elle a coopéré secondairement. In 7//4h‘, disp. XXII, sed. n, η. I. D'où celle conclusion que les ados de ce culte enver, Mario sc rapportent, au moins d’une manière secondaire, A la vertu de religion, ou qu'ils appartiennent à une vertu spéciale, qui est comme intermédiaire entre la vertu de religion ct celle de dulie. Disp. XXII, sect, ni, n. 8. L’exposition de Suarez fut suivie par Novato, op. cit.. Lu, p. 366sq.,cl par Christophe de Vega, op. cit., t. n, p. 508 sq. Mais presque tous les théologiens, s’appuyant sur la trans­ cendance de la maternité divine, continuèrent à allirmer que c est à cause de celte dignité considérée en elle-même, bien que toujours accompagnée de la 2453 MARIE, BIENFAITS PROCI RÉS PAR SON CULTE plénitude do la grâce, que le culte d’hypcrdulie est dû à Marie. D'aiileur , lis admettent avec saint Tho­ mas, Sum. theol., IP-ll”, q. cm, a. 1, que le culte d’hypcrdulie relève de la vertu de dulie, dont il est l’acte le plus éminent, G. de Rhodes op. cit , t. n, p. 271 sq.; Gotti, foc. cit. ; Billuart, op. cit., dissert. XXIII, a. 3; Sedlmayr, op. cit.. Summa aurea, t. vn, col. 177 sq.; Terrien, op. cit., t. îv. p. 180 sq.; P. Iiugon, op. cit., t. m, p. 181. ///. co.xcu 'Mûsê novjm.x t/./.#. 1· Le culte rendu â Marie ne peut être un culte absolu de latrie; ce culte appartient à Dieu seul. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxv, a. 5. Aussi l’erreur des collyridiens qui voulaient, nu iv* siècle, honorer Marie d’un culte d’adoration et lui offrir des sacrifices, fut selon le témoignage déjà cité de saint Épiph&ne, réprouvée par la tradition catholique. Voir Collyrjdii ns, t. in, col. 369 sq. 2· On ne peut non plus, à cause du contact immédiat que Marie eut avec le corps adorable de Notrc-Scigneur, lui rendre un culte relatif de latrie, comme on le fait pour la croix. Un tel culte rendu roulement à une créature irraisonnable, non susceptible d’être honorée en elle-même, ne peut convenir â Marie digne objet d’un culte abrolu, bien qu'elle soit honorée uniquement â cause de Dieu. S. Thomas, Sum. theol., IIP, q. xxv, a. 5; S. Bonaventure, In ///um Sent., dist. IX, a. 1. q. îv, ad 2um, et q. m, Opéra, Quaracchi, 1887, t. m. p. 203, 206. L’opinion contraire, soutenue d'une manière seulement spéculative par quelques théologiens, notamment par Suarez, doit donc être abandonnée. 3· Selon l’explication théologique la plus fondée, suivie par saint Thomas et par la plupart des théolo­ giens, la différence principale entre le culte d’hypcr­ dulie dû à Marie et le culte de dulie rendu aux autres saints, consiste en cc que l’on honore en Marie la suréminente dignité de la maternité divine plaçant Marie dans l’ordre hypostatique tandis que, dans les autres taints, on vénère seulement l'excellence de grâce ou de sainteté appartenant Λ l'ordre commun de la grâce surnaturelle. S. Thomas, Sum. theol. III4, q. xxv, a. 5. Le culte rendu â Marie, si on le compare avec le culte de latrie dû â Dieu comme Créateur et souverain Seigneur, mérite seulement le nom de culte de dulie. puisque Marie, si sublime que soit sa dignité de mère de Dieu, reste une créature, cum igitur beata Virgo sit pura creatura rationalis, non debetur ei adoratio lalriir, red solum veneratio dulire, S. Thomas, toc. cit Comparé avec le culte dû aux autres saints, le culte que nous rendons â Marie est plus excellent à cause de son motif spécial, qui est la sublimité de la maternité divine appartenant Λ l’ordre hypostatique. Il y a ainsi une différence caractéristique entre le culte rendu à Marie el celui des autre saints, différence qui seule justifie bien le nom spécial d’hypcrdulie. et qui n’apparaît pas suf­ fisamment dans l’opinion attribuant, seulement ou principalement, à l’éminente sainteté de Marie le culte spécial dont c lie csl honorée. •l*Lc culte rendu â Marie étant, comme celui de tous les mints, finalement rapporté Λ Dieu comme terme dernier, honor matris refertur ad Filium, quia ipsa mater est propter l'ilium adoranda. Sum. theol., HI*, q. xxv, a. 5. ad 2um, ne peut en aucune façon détour­ ner du culte rendu â Dieu Sedlmayr, op. cit., Summa aurea, t. vn, col. 191 sq. Il doit plutôt contribuer à le promouvoir comme l’indique l'enseignement cons­ tant de la tradition, selon cette affirmation de Pie X dans l’encyclique du 2 février 1901, que le recours à Marie csl le chemin le plus sûr et le plus facile pour unir toutes les âmes ù Jésus-Christ; car Marie est le meilleur guide pour faire connaître Jésus : \am cui 2454 exploratum non sil nullum, pritterquum per Murium, esse certius ct expeditius iter ad universos cum Christo jungendos, et un peu plus loin : Nemo itaque penitus ut illa Christum novit; nemo illa aptior dux et magister ad Christum noscendum. 5· La quation de ^obligation d'un culte religieux envers Marie, est ainsi résolue : L Selon l'enseignement du concile de Trente, dans le décret De invocatione veneratione et reliquiis sanc­ torum ct sacris imaginibus, ress. xxv, il n'y a aucune obligation positive et directe d’honorer les saints; parmi lesquels est également comprise la très sainte Vierge. Le decret demande feulement que l'on enseigne aux fidèles, qu’il csl bon ct utile d’invoquer les saints, et d’avofr recours â leur protection pour obtenir, par eux, de Notrc-Seigneur les bit ns demandé*. Le concile réprouve uniquement ceux qui nient la légitimité el l’utilité de l’invocation des faints, soit parce que les saints ne prient point pour nous, «oit parce que leur invocation est considérée comme une pratique idolâtrfque, ou une pratique opposée A l’honneur dû à Jésus-Chrilt, seul vrai médiateur entre Dieu et les hommes. 2. Suivant le décret que nous venons de citer, il y a du moins obligation négative de ne point rejeter le culte dû â Marie, comme illégitime ou inutile, ou comme entaché d’idolâtrie. D'ailleurs un tel rejet supposerait nécessairement quelque erreur grave contre la foi catholique. Eacikmcnl encore, il serait accompagne de mépris grave des choses saintes, ou du péché de icaudale toutes les fois que le rejet remit extérieur et manifeste. 3. Bien qu’il n’y ail. en roi. aucune obligation posi­ tive et directe d’honorer Marie d’un culte religieux, l'omission de cc culte, surtout si elle était entière et constante, pourrait facilement être une faute grave, soit ù cause du danger qui pourrait en resulter pour la foi, si l’on cherchait à justifier son omission par quelque erreur contre la foi, soit â cau«c du scandale grave qui pourrait en résulter, si l’omission était mani­ feste, soit à cause du très notable dommage spirituel que l’on «e causerait à soi-même, en te privant d’un moyen nu .«i efficace d’obtenir le :ecours de la grâce divine. C’est en ce rens qu’ont parlé plusieurs théologiens, en affirmant la nécessité de quelque pratique de culte envers Marie ou de la prière à Marie pour obtenir le salut éternel. Geoffroy de Vendôme. Scrm., vm. P. L·., t. cLvn. col. 269; Adam de Peneigne. P. L., t. ccxr, col. 75t. En ce sens aussi s’exprime Bourdalouc dans son sermon sur la dévotion  la très sainte Vierge. •1. On doit enfin noter que phi leurs auteurs, affir­ mant la nécessité morale de l'intercession de Marie pour notre salut, parce qu’elle a été établie par Dieu médiatrice pour la distribution de toutes les grâces, emcigm ni aussi, dans le même sens, la nécessité mo­ rale de prier Marie pour bénéficier de celte média­ tion d’intercession. Terrien, op. cil., t. iv, p. 258 sq. C'est particulièrement la pen.*ée de saint Alphonse de Llguori. Gloires de Marie, pari. I. c. c; voir aussi Bourdaloue dans le sermon déjà cite, el Newman, op. cit., p. 105 sq. 111. BîFNIAÎTS SVnXATUHELS PROCURÉS PAR LA MaIUI:. r. /7i7:j//A7»’ must ai r : assurance ou espirance fondit d'obtenir le salut ettrncl. — Après avoir étudié sur ce point renseignement théologique aux diverses périodes de son histoire, nous formulerons les conclu­ sions doctrinales que l’on est autorisé à en déduire 1. Enseignement IhMogique. - o) Depuis le milieu du M· siècle jusqu'à la seconde moitié du AF//· siècle. — Bien que cet enseignement soit une conclusion maPRAT1QU1 DU CULT! RLUOJEUX ENVERS 2455 MARIE, BIENFAITS PROCURÉS PAR SON Cl LTE 2Î56 ni (este de la toulc-puissancc d’intercession de Marie Vers elle, jusqu’à ce qu’elle l’ail réconcilié ave Dieu, s’exerçant spécialement en faveur de ceux qui l’in­ p. 220. La troisième condition est la sincérité qui voquent fidèlement et habituellement, il n’est point demande l’imitation des vertus de Marie. La qua* formulé d’une manière explicite avant le xr siècle. trième condition est de présenter à Mario des hom· I-a première expression que l’on rencontre est une mages qui lui soient rendus agréables par la charité qui les anime, p. 217. (‘.es deux dernières conditions, bien parole attribuée aux anges, dans un récit d’un fait miraculeux rapporté par saint Pierre Damien : A>c que l’auteur ne te dise point de maniéré expresse, od ieterni judicis potent perire conspectum qui geni­ appartiennent vraisemblablement à la perfection de la dévotion, puisque selon lui, Marie n’abandonnera tricis ejus sibi providit auxilium. Opusc., xxxm, 2, point le pécheur qui sc tourne vers elle jusqu’à ce P. A., I cxLV, coi. 563 Saint Anselme assure qu’il est qu’elle l’ait réconcilié avec Dieu. impossible que celui-là périsse qui sc tourne vers Marie, .Au xvi· siècle, on rencontre, chez Louis de Blois cl est regardé par elle. Oral., lu, P. L., t. ctvni, (t 1566), cette affirmation Incidente, que celui-là ne col. 956. Eadmer estime que penser souvent avec amour à la 1res sainte Vierge est magnum promerenda: peut périr qui a été un humble et zélé serviteur de Marie. Canon vita· spiritualis, xvn , Opera, Anvers, salutis mitium. De excellentia B. Mariæ, iv, P. /.., 1632, p. 19. Pierre Antoine Spinelli (f 1616) reproduit t. eux, col. 566. Saint Bernard affirme, d’une manière et fait sienne la thèse de Pelbart. Comme lui, il conclut générale, qu’en suivant Marie on ne dévie point. que ceux qui ont une dévotion particulière envers Super Missus est, hom. n, 17, P. /.., I. clxxxiii, col. 71. Marie peuvent, à cause de celle dévotion, concevoir Selon Adam de Pcrseigne(t 1203), celui qui aime Marie une grande espérance de. leur salut. Il n’excepte point d’une manière persévérante ne périra point. Mariale, les pécheurs, du moins ceux qui ont quelque volonté serm. ti, P. L. t. ccxi, col. 715. Saint Thomas enseigne que, comme les navigateurs de rompre avec le péché. Il ajoute que l’on doit au plus tôt, s'efforcer de sortir du péché, par la réception sont diriges vers le port par l’étoile de la mer, ainsi par Marie les chrétiens sont dirigés vers la gloire éter­ du sacrement de pénitence, cl rendre son élection certaine par la pratique des bonnes œuvres. Les nelle. Opusc. VIII in salut, angel. A cette même grâces privilégiées accordées par Marie à quelques époque, Richard de Saint-Laurent cite la parole déjà pécheurs notoires doivent tellement en flammer la rapportée de saint Anselme, De laudibus B. Μ., I. II, piété envers Marie qu’elles inspirent en meme temps c. v, parmi les œuvres du B. Albert le Grand, Lyon, une horreur souveraine du péché, de peur que, par 1651, t. xx, p. 70. Selon Raymond Jordan, Marie glorifiera, dans la vie future, sc» serviteurs qui l’au­ l'abus de la bonté de Jésus-Christ et de sa sainte Mère, ront honorée dans la vie présente. Contemplationes de l’on ne se mette dans un danger manifeste de damna­ tion. Dictas ac devotio quibus B. Deipara Maria a B. V., proœm., dans la Summa aurea, t. iv, col. 852. Tauter (t 1361) assure que ceux-là ne peuvent jamais nobis colenda est, c. i, 19, dans la Summa aurea, t. v. col. 25 sq. Selon Novato, la dévotion à Marie est un périr qui honorent et invoquent Marie dévoiement très grand signe de prédestination. Le salut des el persévéramment. Marie glorifiera, dans la vie pécheurs est également assuré, s’ils s’approchent de future, tous ses serviteurs pourvu qu’ils l’aient Marie avec vénération et amour et s’ils implorent sa honorée. Tractatus de decem circitat ibus, iv, Opera protection. Op. cit.. I. i, p. 401. omnia, Cologne, 1603, p. 871 sq. Saint Antonin de Paciuchelli (t 1660) fait siennes les paroles de Louis Florence fail sienne la parole de saint Anselme, de Blois précédemment citées. Excitationes ad colen­ Sum. then!., part. IV. lit. xv. c. xiv, p. vn, t. iv, col. 1007. Saint Laurent Justinien (f 1155) commen­ dam Virginem Deiparam, 2· édit., Venise, 1671, p. 315. Théophile Raynaud (t 1663) parle surtout tant les paroles de Jésus-Christ à sa mère du haut de h croix, met sur les lèvres de Notre-Seigneur ces contre quelques exagérations qu’il attribue à des auteurs récents, dans la défense de celte proposition mots : Nullus devotus tibi a me efficietur alienus. De triumphali Christi agone, xvm, Opera omnia, Lyon, qu’il est impossible qu’un serviteur de Marie , Terrien, op. cit., t. iv. la charité, qu’il n'y a point de prière utile sans la p. 290 sq. charité. h Conditions requises pour que la dévotion à Marie Parmi les approbateurs ou défenseurs des idées ( émises dans les Monda. nous citerons particulière­ puisse être un signe de prédestination ou donner quelque assurance du salut, particulièrement en ce qui concerne ment, Gilbert Choiseul, évêque de Comminges, puis les pécheurs qui ont recours à la protection de Marie. do Tournay (f 1689), Eptstota pastoralis de cultu — Crasset, parlant des pécheurs donne l’enseignement V. Marier, Lille, 1671, Baillct et Muralori. Baillct soutient que, le vrai culte étant inséparable de l'in­ de saint Thomas, Sum. theol., II*-II*, q. lxxxih, a. 16. Comme Dieu exauce les prières des pécheurs qui prient nocence et de la pureté des mœurs, celui que nous avec les dispositions requises, le méchant ne doit rendons à Marie ne peut être véritable si nous ne nous abstenons des crimes qu'elle déleste, De la dévo­ Jamais appréhender de s'adresser à la Mère de Dieu, principalement s’il a dessein de sc convertir. En elle, tion à la sainte Vierge et du culte gui lui est dû, x, il trouvera les entrailles d’une mère de miséricorde Paris, 1693, p. 63. Les miracles allégués pour attacher l'assurance de notre salut â des symboles. à des mar­ qui le tirera de !'abîme de son péché. Op. cit., p. 82 sq. Celui qui consent quelque tendresse pour la Mère ques et à des pratiques d’une dévotion extérieure de Dieu et qui lui rend constamment quelque service, envers la «ainte Vierge, insinueraient une doctrine obtiendra, par celte dévotion et par les prières de contraire à celle que l’Église a reçue de Jésus-Christ. celte mère de miséricorde, une grâce de pénitence Ainsi ils ne peuvent que nous induire en erreur par qui lui donnera l’horreur de «on péché, p. 153. Marie la présomption et la fausse confiance qu'ils nous ne manque jamais d’obtenir à ‘es enfants et a ses donneraient, et nous laisser endormir dans le péché serviteurs, qui ont pour elle une dévotion constante par une securité très funeste, p. 70 sq. Muratori, cl fidèle, la grâce de faire penitence, ou durant la vie écrivant sous le pseudonyme de Lamindo Printanio, ou à la mort. p. 161. Ces grâces ne sont point pour les Delta regolala divozione de' Crhtiani, Venise, 1717, dévots présomptueux qui «c plongent dans le vice blâme cette proposition que celui qui est dévot à et qui pèchent sans «crupule, sur l’assurance, qu’ils Marie ne pourra se damner, qu'il ne sera point pris de mort subite et qu’il lui restera le temps de se récon­ prétendent avoir que Marie obtiendra leur conversion avant leur mort. loc. cit. cilier avec Dieu. Il admet toutefois qu'une vraie Paul Segneri observe que des pratiques purement dévotion intérieure à Marie, accompagnée d’une con­ duite correspondant à cette dévotion, donne beau­ extérieures ne peuvent suffire pour une véritable dévotion à Marie. Les pécheurs dont la volonté n est coup à espérer de Marie, p 319. pas encore disposée à abandonner le péché, mats A ces critiques des Monita et de leurs approbateurs, qui en ont le désir sincère, et qui sont en voie de les théologiens catholiques. à la lin du xvn· siècle el au xvm·, répondirent en justifiant la doctrine Ira· sc séparer du péché, doivent avoir confiance en Marie. Il divoto di Maria, t. i, p. 196. Que ceux qui dilionelle et expliquèrent en quel sens et à quelles n’ont pas encore ce désir, le demandent à Marie avec conditions la dévotion ù Marie peut assurer ou faire instance cl avec confiance, p. 197. —Piazza définit espérer le salut. ainsi la dévotion particulière â Marie, qui est une des a. Sens que Γοη doit donner à cette proposition, plus excellentes marques de la prédestination divine : qu'un serviteur de Marie ne peut être damné, ou que 1. Elle ne doit pas être simplement extérieure; elle la dévotion à Marie donne l'assurance du salut. J. Crasset (t 1692) estime qu’il est moralement impos­ doit être ex animo seu ex conte, c’est-à-dire qu’elle doit provenir d’une grande estime et d’un grand amour sible, c’est-à-dire rare et difficile, qu'un chrétien dévot envers la Mère de Dieu, el être accompagnée d'une a Marie te damne, â cause de la force et de l’abondance confiance non moins grande dans sa bonté et dans sa des grâces que Marie obtient, pendant la vie et à la mort, à tous ceux qui l’invoquent. La véritable dévo­ puissance. 2. Elle doit être exempte de nonchalance ou de tiédeur. 3. Elle doit être constante. I. Elle doit tion envers la sainte Vierge, 2· édit.. Paris, 1687, surtout tendre à l’amélioration de la vie et au pro­ p. 82 sq. Selon Paul Segneri (+ 1691), la vraie dévotion grès spirituel de l’âme. Si quelqu’un a commis le à Marie est un signe de prédestination très marqué, péché, il doit prier Marie avec instance pour que. par parce que le «alut est plus facile aux vrais serviteurs son intercession, il sc réconcilie avec Dieu par une de Marie, à cause de la protection spéciale que cette véritable cl sincère pénitence. Op. cit., p. 3 I I sq. Toute­ bonne Mère leur accorde en toute occasion, et parti­ fois il y a des degrés dans la manière dont celle dévo­ culièrement à l'heure de la mort de laquelle dépend tion est une marque de predestination. Elle est une finalement leur ralut. l.a manna dcll'anima, 5 août, n. 7. Œuvres complètes. Parme, 171 I. t. in, p. 261. Sui­ marque excellente si elle possède les quatre qualités indiquées, cl elle doit en posséder au moins une, ut vant Piazza, une dévotion particulière envers Marie aliquam habeat ad privdestinationem signi rationem. est un des plus excellents signes de prédestination, c’est-à-dire un sjgne ou indice probable de la pn des­ p. 346. Trombelli. en citant les conditions indiquées par tination divine. Bien qu’elle ne nous donne point Segneri. Insiste surtout pour qu’il y ail une véritable une certitude absolue cl infaillible, cc que réprouve le concile de Trente, elle nous donne le ferme espoir aversion du péché. S’il y a seulement velléité de d’obtenir le «alut. Op. cit.. p. 326 sq. Cette ferme espé­ rompre avec le péché, il ne peut y avoir si gne probable de predestination. S’il y a volonté sincère cl efficace, rance repose sur la grande puissance d’intercession on peut espérer que Marie se montrera mère de misé­ de Marie et sur sa non moins grande bienveillance ricorde à l’égard de ce pécheur. ()p. cit.. Summa aurea, envers ceux qui l’invoquent, p. 337 sq Au jugement de saint Alphonse de Llguori, il est moralement im­ t. iv, col. 181 sq. 'ITombclli insiste aussi pour que l’on ne considère point comme méritant la protection de possible que ceux-là sc perdent qui. avec le désir de Marie celui qui. vivant dans le péché, espère bien s’amender, sont fidèles à honorer la Mère de Dieu et 2459 MARIE, BIENFAITS PROCURÉS PAR SON CI LTE terminer sa vie» cn récitant quelques prières, même quotidiennes, â Marie, ou en lui rendant quelque hom­ mage, tandis que. dans son cœur, il entretient le péché, col. 178. La critique que l'auteur fait des argu­ ments traditionnels et l’approbation qu’il donne Λ la conclusion de Muratori, col. 188 sq., n’ont pas d'autre but. ce semble, que d’écarter une Interprétation abso­ lue de cette proposition, au moins malheureuse, qu'il attribue à plusieurs théologiens : Perire omnino non poste, qui Maria devotus sit, utcumque devotus is sit, etiamsi in adipiscenda irterna salute negligent sit et deses, col. 176. Selon suint Alphonse de Liguori, cette affirmation qu’un dévot serviteur de Marie ne peut sc damner, dnll s'entendre de ceux qui, avec le désir de s'amen­ der, sont fidèles à honorer Marie et à se recomman­ der à elle. Gloires de Marie, part. 1, c. vin. Quant aux pécheurs, le saint docteur dit que s’ils s'efforcent de sortir du péché, où ils sont encore, et s'ils cherchent, pour cela, l’aide de Marie, cette bonne mère ne manquera pas de les secourir cl de les ramener cn grâce avec Dieu. Op. cit., part. I, c. î, L La même doctrine est exposée dans la Véritable épouse de JésusChrist, xxî, 10. Ces explications sont communément données par les théologiens plus récents, Terrien, op. cil., t. iv, p. 291 sq. 2* Conclusions doctrinales concernant l'assurance du salut provenant de la dévotion â Marie. /'· conclusion concernant la nature de celte assu­ rance. - Bien que cette assurance ou espérance du salut soit certaine du côté de Marie dont la protection ne peut faire défaut â ses fidèles serviteurs, il y a tou­ jours du côté de ses serviteurs, quelque mélange de crainte qu’il n’y ait point persévérance dans la fidélité â son service, — a) Du côté de la puissance et de la miséricorde de Marie, l’espérance est certaine. Selon l’enseignement théologique constant, la protection de Marie est toujours assurée h ses fidèles serviteurs, tant qu'ils persévèrent dans cette dévotion et cett? protection de Marie ne peut manquer de leur obtenir le bien principal qui est la récompense éternelle. Du côté de Marie, l’espérance du salut est donc très cer­ taine, comme du côté de la puissance et de la miséri­ corde de Dieu qui ne nous font Jamais défaut, notre espérance cn Dieu est certaine, selon S. Thomas, Sum. theol., HMF’, q. xvm, a. I. -b) Du côté des serviteurs de Marie, l’assurance du salut est toujours mélangée de quelque crainte qu’il n’y ait, par la faiblesse de leur libre arbitre, manque de générosité ou de constance dans l'accomplissement des conditions requises pour mériter constamment cet amour et cette protection effi­ cace de Marie. C'est encore ce qu’affirme saint Tho­ mas relativement a notre espérance dans la toutepuissance divine : Quod hoc quod aliqui habentes spem deficiant a consecutione beatiludinis, contingit ex defectu liberi arbitrii ponentis obstaculum peccati, non autem ex defectu divime potentia vel misericordia? cui spes innititur, unde hoc non praejudicat certitudini spei. Loc cd , ad 3 ,! . On doit, d’ailleurs, sc rappeler que les signes de prédestination, si excellents qu’ils soient, ne peuvent jamais donner, de notre côté, une certitude absolue. P conclusion concernant les conditions requises pour que la dévotion a la très sainte Vierge donne cette espérance de salut. ο) Il est absolument requis que l'on ail nu moins le désir sincere de rompre avec le péché, ou que l’on ail la volonté d’avoir ce désir véritable; et qu’avec une telle volonté on prie Marie pour qu’elle aide à briser 1« s chaînes du péché, ou qu'elle aide â en obtenir le désir efficace et la volonté. Marie ne peut vouloir aider une Ame qui reste résolument attachée au péché, et qui exclut même tout désir de rompre avec 2460 le péché. Vis-à-vis du pécheur, Marie ne peut avoir d'autre attitude que celle de Dieu lui-même, qui exauce la prière du pécheur, seulement quand celui-ci demande quelque chose à Dieu, non selon ses affections coupa­ bles, mais selon la direction de la foi et pour s'éloigner du péché, et qu’il le demande avec constance. S. Tho­ mas, Sum. theol., ΠΜ1", q. lxxxiii, a. 16. Comme une telle prière obtient de la miséricorde divine, pour le pécheur, ce qui est nécessaire Λ son salut, à cause do la grâce divine dont elle procède, loc. cit, ad 2üm, ainsi la dévotion à Marie, semblablement pratiquée par un pécheur ayant un vrai désir de rompre avec le péché, donne l'espérance fondée d'obtenir, a titre misé­ ricordieux, la protection de Marie, pour qu'elle l’aide à briser les chaînes du péché, ou pour qu'elle l aide â commencer à résider au mal et à enlever l'occasion, ou du moins à cn obtenir un vrai désir. Comme il y a espoir que le pécheur qui prie, sans avoir encore la volonté ou le désir de se convertir, mais qui n’est point obstiné dans Je péché, obtienne finalement, de la miséricorde divine, la grâce et le pardon, de même les pécheurs qui n'ont pas encore actuellement la volonté ni le désir de se convertir, pourvu qu’ils continuent persévérammenl à honorer el à prier Marie, et qu’ils ne comptent point présomptueusement sur sa protec­ tion pour pécher avec impunité, peuvent espérer obtenir de la miséricorde divine, par l’intercession de Marie, la grâce et le pardon. On remarquera particu­ lièrement les paroles de Benoit XJV parlant, d'une manière générale, de 1 efficacité de la prière faite par le pécheur, et appliquant celte doctrine à l’obten­ tion du salut éternel par le moyen du scapulaire. Il peut se faire dlt-il que, par l’infinie miséricorde de Dieu, la prière du pécheur soit exaucée, même sans la volonté de changer de vie, pourvu qu’il ne soit pas d’une volonté tellement obstinée qu'il rejette pour toujours, toute pensée de pénitence, qu’il persévère dans la prière avec dévotion el avec une ferme confiance, demandant à Dieu les secours dont il a besoin pour obtenir le salut. De festis P. Maria* vir­ ginis, vi, 7, Opera, l. ιχ, p. 269. b) La dévotion à Marie, quand elle est portée jus­ qu’à l’imitation des exemples de la sainte Vierge dans sa haine du péché et sa fidélité â suivre la volonté ou les commandements de Dieu, donne une plus grande assurance d’obtenir de sa toute-puissante protection, le salut éternel. C'est en ce sens que s’exprime saint Bernard : Non recédât a b ore, non recédât a corde et ut impetres ejus orationis suffragium, non deseras conversationis exemplum. Super Missus est, hom. n, 17, P. L·., t. CLxxxin, coi. 70. En conseillant une constante invocation à Marie qui est de perfection, le saint docteur veut aussi donner un conseil de perfec­ tion relativement à l imitation des vertus de Mari*·. Saint Bonaventure dit, de même, qu’il y a peu d’uti­ lité â jeûner par amour pour Marie, sine orationis instantia et fervore et ipsius imitatione. Après avoir rappelé les paroles de saint Bernard, il conclut : Nam si descris, non potes in ea ccrtitudinaliter confidere, ac per hoc nec gratiam obtinere. Sermones de B. virgine Maria. De annuntiatione, serin, v, Opera, t. ix, p. 680. 3· conclusion relative à plusieurs textes jcripluraircs, souvent cités en faveur de l’assurance du salut résultant de la dévotion à Marie, notamment : Qui me invenerit, inveniet vitam et hauriet salutem a Domino, Prov., vm, 31 sq.; Qui audit me non confundetur et qui elucidant me vitam aternam habebunt, EcclL, xxiv, 30. Ces textes sont appliqués à Marie dans un sens simplement accommodat ice. Au sens littéral immé­ diat. ils doivent s'entendre de la Sagesse étemelle et des bienfaits surnaturels assurés à ceux qui l’aiment et la suivent fidèlement. L’application accommodalite de ces textes à la très sainte Vierge, telle qu’elle se ren­ 2461 MAHIE, PRATIQUES DE DÉVOTION contre chez les I hi ojoghns, dépend le phi·, OUVcnt de l’usage qu’cli fait l’Églisc dans sa liturgie, particu­ lièrement dans le Petit «dike de la tris sainte Vierge. On donne ainsi une formule scripturaire à une vt’rllô constamment altirime par la tradition Catholique. p conclusion concernant l'intervention de Marie, au jugement divin, cn faveur de es fidèles serviteurs. Au point de vue doctrinal, ce· expressions doivent Mit côn idérecs comme des expressions métaphori­ que!, ayant pour but de nous rendre» en quelque sorte, sensible, par cette comparaison entre le Jugement divin cl les Jugements humains, cette vérité si conso­ lante, «pie Marie, par sa toute-puissante intercession, peut nous rendre dignes pendant cette vie, d'obtenir de Dieu, après notre mort, une sentence favorable dans son redoutable jugement, et nous préserver ainsi des terribles châtiments de sa justice. Ce langage, est. d'ailleurs» une imitation du lan­ gage métaphorique do l'ÉglIse qui, dans sa liturgie pour les fidèles défunts, demande avec instance qu’ils soient assistés au redoutable tribunal de Dieu. Voir art. Jugement, (. vm, col. 1808. //. r.r/jLv/; in ex ελίτ : assurance fondée d'ob­ tenir de Marie, dès cette p/c, une assistance efficace pour la persévérance dans la fidélité aux commandements et pour un progrès effectif dans la pratique de la per/ecfiction chrétienne, -v Cette vérité résulte de ce qui a été dit plus haut de la toute puissante protection de Marie, toujours assurée â ses fidèles serviteurs, tant qu'ils persévèrent dans cette dévotion. La salutaire assistance de Marie est particulièrement enseignée par Pie X dans l'encyclique Ad diem ilium du 2 fé­ vrier 1901 : Nemo itaque penitus ut illa Christum novit, nemo ilia aptior dux et magister ad Christum noscen­ dum. Hinc porro quod jam innuimus, nullus etiam hac Virgine efflcacior ad homines cum Christo fungen­ dos. Si enim, ex Christi sententia, here est autem vita nrterna ut cognoscant te solum Deum verum el quem misisti Jesum Christum, per Mariam vitalem Christi notitiam adipisrentes, per Mariam pariter vitam illam facilius assequimur, cujus fons et initium Christus. Ccsl aussi renseignement des théologiens ascétiques. Nous citerons particuliérement saint Bonaventure : Qui radicantur in Virgine maire per amorem et devotionem, per earn innetIfleantur. quia ipsa Impetrat ris n l'ilia suo sancti­ ficationem. A unquam legi aliquem sam torum qui non haberet specialem devotionem ad Virginem gloriosam. De purificatione Π, V. ΛΖ., serm. n, O/xrn omnia, Quiinirchi, 1001, t. ix, p. 612 Ouicumque ad montem Dei, id est beatam Virginem, accesserit studiosus, poterit divina mysteria intelligrre, quod patet in beato liernardo qui, cum prius (diota esset, per amicitiam beata Virqinls ad magnam scirnti/e perfec­ tionem pervenit: ft in Joanne < range lista qui, quanto ci familiarior fuit, tanto melius arcana et profunda Dei mysteria tntflligerr et tradere potuit. De assumptioni Ii. V. λ/,, serm. i, р. 691. Diligentes enim Virginem plus illustrantur in veritate intellectus, in fama bona et in omnibus bonis di'antur. I oc. cit.. serm. iv, p. <»98. Voir missi De nativitate 11. V. AL» s rm. v, p. 717. Comparer Conrad de Saxe, Spéculum II. Maria virginis, tert. v, Qunrncchi, 1901. p. 69: Novaln, op cil., t. II. p. 107 sq., IO9 sq.; B. Grignlon d< Montfort, Traité de la dévotion ) Le deuxième acte pratiqué ct recommandé par l’Église est Varnour. principalement l'amour de louange cl de reconnaissance. L'amour de louange cl de reconnaissance, manifeste a Marie â cause de toutes ses grandeurs et des im­ menses bienfaits que nous fui devons, accompagne le plus souvent, dans la liturgie de l’Église, la cor sidé­ ration de scs éminentes prérogatives. Il tient, notam­ ment. une très grande place dans I’Apc Maria, dans les antiennes â Marie à la fin de laudes et de complies, dans les invitatores de- matines â presque tous les offices liturgiques, dans la plupart des introlls, offer­ toires ou communions des messes célébrées en l’hon­ neur de Marie. Dans tous les offices, ct â toutes les fêtes particulières, c’est comme l'écho de toute l’Église de ia terre aux louanges incessantes de tous les esprits célestes. C’est comme la continuation, à travers tousles siècles, du Magnificat prononcé par .Marie au jour de ia Visitation, et la vérification constante de sa prophétie : Beatam me dicent omnes genera­ tiones. Luc., i, 18. Observons particulièrement, en la fêle de ia Compassion, la louange donnée a Marie, en lui appliquant les paroles par lesquelles le peuple juif exprimait sa reconnaissance à sa libératrice, la courageuse Judith. A l'amour de louange el de reconnaissance l’Église nous exhorte â joindre un amour empressé à servir Marie. Dans ce but, elle nous rappelle souvent ks excellents bienfaits que nous procure la dévotion assidue à cette bonne Mère. Bienfaits qu’elle nous décrit en interprétant en ce sens, d’une manière accommodatice, les bienfaits répandus dans l’âme par la Sagesse éternelle. Prov., vin. 12-36; Eccli., χχιν, 12-31. Enseignements souvent répétés dans la liturgie de l’office ou de la messe, ct si aptes à nous inspirer une constante fidélité au service de Marie. L’Église veut aussi, comme marque et comme fruit de Γamour envers Marie, nous recommander Γ imi­ tation de ses vertus. Pour nous y exhorter, elle em­ prunte, à la fêle du saint Nom de Marie, la parole de saint Bernard, souvent reproduite par les apôtres du culte marial : Ci impetres ejus orationis suffragium, non deseras conversationis exemplum. De mime, elle insiste, â la fête du Rosaire, sur la manière dont nous devons imiter les mystères du Rosaire, où les exem­ ples de Marie nous sont incessamment proposés avec ceux de son divin Fils: Et imitemur quod continent, ct quod promittunt assequamur. \ Ia fete du saint Cœur de Marie, l’exemple de la très pure Vierge qui. dans son cœur, conservait, pour les pratiquer fidèlement, les enseignements divins, est une invitation pressante â la suivre généreusement. D’une manière générale, dans toutes les fêles de Marie, scs exemples, cons­ tamment rappelés, sont, dans la pensée de TÉglise. une exhortation â marcher â sa suite : Adducentur regi virgines post cam. Ps. xuv, 15. Paroles qu< l’Église. dans sa liturgie applique souvent à limita­ tion des vertus de Marie, particulièrement dans la messe de la Nativité â la Purification. D'ailleurs, l’imitation de Marie est une conséquence de la communaulé de vie el d’affection que nous devons avoir avec elle, en vertu de la filiation spirituelle qui nous unit â elle. c) Le troisième acte est la prière confiante adressée â Marie pour en obtenir toutes les grâces nécessaires. L'Église nous en donne l’exemple et nous la fait pratiquer, dans toutes les demandes que nous avons déjà signalées, en décrivant le but de la dévo­ tion â Marie et ses deux premiers actes, la considé­ ration el l’amour. En réalité les actes que nous dis- 24C.7 MARIE, PRATIQUES DE tlnguons par l'analyse de notre esprit sont inti­ mement unis. La considération tend Λ l’amour, l'augmente et le fortifie; l’amour, A cause de notre très grande Indigence ct de nos besoins constants, se manifeste surtout par la prière. C’est la leçon que l’Église nous donne, en nous faisant pratiquer la parole scripturaire qu’elle applique elle-même Λ Marie : Heatus qui vigilat ad fores meas quotidie et observat ad postes ostii mei. Prov., vin. 31. A l’exemple ct â la pratique de la prière, l’Église joint ses Instantes recommandations pour nous y rendre fidèles. Dans cc but, elle rappelle les pressantes exhorta­ tions des plus dévots serviteurs de Marie, comme celles de saint Bernard, à la fêle du saint Nom de Marie : In periculis, in angustiis, in rebus dubiis. Mariam cogita. Mariam invoca. Non recedat ab ore. non recedat a corde Souvent aussi l’Église applique en cc sens, d’une manière accommodntice, des textes de la sainte Écriture : dans la fête de .Marie médiatrice de toutes les grâces elle se sert du texte d'Isaïe, LV, 1 sq. : Omnes sitientes, venite ad aquas, et qui non habetis argentum, properate, emite et come­ dite; venite, emite absque argento et absque ulla commu­ tatione vinum et lac. Dans son appel A la prière fervente ct confiante, adressée â Marie médiatrice, l’Église n’excepte point les pécheurs qui ne sont pas obstinés dans leurs péchés. En ce sens, le titre de pécheurs que nous prenons tous dans la deuxième partie de l’Ane Maria n’est-il pas expressif? Une supplication de l’.Arr maris stella ne demande-t-elle pas que soient déliés les liens des coupables, que la vue soit rendue aux aveugles, que tous les maux soient écartés? et n’esl-cc point surtout des liens du péché, de l'aveugle­ ment spirituel et des maux causés par le péché, qu’il est ici question? D’une manière plus formelle, une strophe de l’hymne des laudes, Λ la fête de Marie médiatrice, invoque le secours de Marie pour ceux que l’horrible chaîne du péché, ou celle des crimes, retient captifs : que Marie délie promptement les liens qui attachent leurs cœurs au péché. La strophe sui­ vante supplie Marie de secourir ceux que séduit la trompeuse image du monde, de peur que, oublieux du ciel, ils n’abandonnent le chemin du salut. Rappe­ lons encore, à la cinquième leçon de la fête du saint Nom de Marie, les pressantes exhortations adressées aux pécheurs, troublés par la grandeur de leurs crimes, confus à cause de ia honte causée par leurs péchés, effrayés par les sévérités des Jugements divins et tentés de s’abandonner au désespoir : qu’ils pensent â Marie, qu’ils Invoquent Marie, qu’lis portent leurs regards vers (’Étoile; en la priant, qu’ils ne déses­ pèrent point; avec sa protection, qu’ils ne craignent point. 3. Comme conclusion de notre analyse des direc­ tions données par l’Église dans sa liturgie, nous pou­ vons déduire les qualités que l’Église nous suggère pour notre dévotion envers Marie : elle doit être une dévotion spirituelle ct intérieure, une dévotion effec­ tive, une dévotion assidue et persévérante. Spirituelle ct intérieure. De nos demandes. l’Eglise n’exclut pas les bienfaits temporels. les biens du corps. Parfois même elle les comprend formellement dans scs supplications. Mais c'est surtout vers les biens spirituels qu’elle porte nos dés rs. nos aspira lions, nos recherches. Notre dévotion dqlt être effec­ tive. L'amour qui nous est recommandé doit nous conduire â l’imitation des exemples de Marie; tou­ tefois la dévotion imparfaite du pécheur qui recourt a Merle, avec quelque désir de s’éloigner du péché, ou qui ne s’y obstine point, est encouragée par l’Église. Notre dévotion doit être assidue et persévé­ rante.. L'Église nous en donne l’exemple par la part DÉVOTION 2468 considérable qu’elle assigne, dans sa liturgie, A la prière Λ Marie. Λ l’exemple constant, l’Église joint scs instantes exhortations, par le rappel fréquent des excellents avantages quo nous procure la dévotion à Marie, selon les textes scripturaires qu’elle applique en ce sens, ou selon les recommandations des saints docteurs dont elle emprunte le langage. I. Cc qui vient d’être dit de la liturgie de l’Église, doit s'appliquer aussi aux nombreuses pratiques ou prières, louées, recommandées ou simplement auto­ risées par l’Église, sans qu’elles fassent partie de la liturgie officielle. Dans ces pratiques, comme les litanies de la très sainte Vierge, l'angetus. le rosaire, le mois de Marie, le mois du Kosaire, les dévoilons aux divers mystères ou privilèges de Marie, et beaucoup de prières enrichies d’indulgences. l’Église est guidée par le même esprit que nous avons constaté dans sa liturgie. Nous devons donc apporter la même docilité pour profiter de ses directions. 2· Justification des pratiques du culte extérieur envers Marie. · Les pratiques du culte extérieur, bien qu’elles ne soient point une conséquence nécessaire des actes intérieurs, ni un moyen nécessaire pour leur production, ont cependant, sous ce double rapport, une très grande importance. Λ cause de notre nature d’esprits unis à des corps, ces manifestations extérieures sont un effet ordinaire de la dévotion intérieure, qui a une tendance spon­ tanée A sc traduire au dehors par des signes extérieurs. Voir Culte ex oénéhal, t. m, col. 2111. Pour la même raison, ces actes extérieurs sont, h leur tour, un auxiliaire puissant pour la pratique des actes Inté­ rieurs de dévotion, en nous aidant A élever notre Ame vers Dieu. S. Thomas, Cont. gent..\. III, c. exix; Sum. theol., Il“-IPn, q. lxxxi, a. 7. On sait d’ailleurs que les objets ou signes extérieurs, sur lesquels s’exercent immédiatement les actes du culte extérieur, ont pour nous, en cette vie, une utilité 1res grande pour nous aider A la connaissance des vérités spiri­ tuelles et A la production des actes correspondant* de la volonté. Cont. gmt.. ibid.. La souveraine utilité des pratiques extérieures du culte religieux envers Marie est encore plus mani­ feste. si l’on tient compte de cette vérité que l’Église catholique, selon son institution divine, doit être une société visible, et qu’elle doit, comme telle, avoir un culte extérieur où tous les fidèles soient unis dans la pratique des mêmes rites, comme ils doivent être, même extérieurement, unis dans la communion d’une même foi et dans la soumission à la même autorité divinement établie. Il est donc très légitime que, comme tout culte religieux, le culte envers Marie comprenne des actes extérieurs s’exerçant sur des objets ou des signes sensibles, comme images, sta­ tues, médailles. Comine tout culte religieux, il est très légitime qu’il unisse les fidèles dans la commu­ nauté des mêmes pratiques extérieures, attestant la foi dans les augustes prérogatives de Marie ct la confiance dans sa très puissante protection. Cependant il reste toujours vrai que ces actes exté­ rieurs doivent être rapportés A leur fin principale qui est la dévotion intérieure. Sum. theol.» II·-!!*’. q. lxxxi, a. 7; q. lxxxiv, a. 2; Contra gent.. I. IIL c. exix. Ils doivent donc servir de moyens pour pro­ mouvoir la dévotion intérieure, et être accomplis autant qu’ils sont utiles A cette fin; de même que l’on doit se servir de la prière vocale autant qu’il est utile pour la dévotion intérieure, et idco in singulari oratione tantum est vocibus ct hujusmodi signis utendum, quantum proficit ad excitandum interius mentem. ΙΙι-ΙΓ’\ q. ι.χχχιπ, a. 12. Si, malgré ces prin­ cipes et malgré toutes les directions el recomman­ dations de l’Église en cette matière, quelque défaut 241.9 MARIE, l'RATKH ES DE DÉVOTION s’est glissé (»u se glisse encore, chez quelques-uns, dans les pratiques extérieures du culte catholique envers Marie, l’Eglise ne doit pas en être tenue pour res­ ponsable. Kappeions particulièrement avec quel soin l’Église dans sa liturgie, connue nous l'avons constaté plus haut, nous porte surtout à la pratique de la dévo­ tion procédant de la charité et informée par elle, cl â la pratique de la prière dirigée principalement vers les biens surnaturels. En autorisant les pratiques extérieures de dévotion, elle attribue leur valeur ύ la dévotion intérieure dont elles procèdent,et ù la prière qui les accompagne ou qu’elles doivent aider. C'est renseignement qu’elle nous donne dans le decret du Saint-Office du 20 janvier 1613. Elle y autorise à prêcher que le peuple chrétien peut croire, que la bienheureuse vierge Marie aidera spécialement, après leur mort, les âmes des confrères du Mont Carmel qui meurent dans la charité, et qui ont rempli les condi­ tions requises. Ada sancta· Sedis, 1908, t. XU, p. 609 sq. De même, dans la troisième leçon du second nocturne de l’office de saint Simon Stock, récemment approuvé par la S. C. des Kites, du consentement de Léon XIII. il est dit que Marie, tenant entre scs mains le scapu­ laire. adressa au B. Simon ces paroles, que quiconque mourra pieusement, avec ce signe, ne souffrira pas le feu éternel. ^Sanctuaires privilégies, — Au culte qu’on y rend à Marie se peut appliquer ce que dit saint Thomas de l’élection d’un lieu spécial pour rendre à Dieu le devoir de l’adoration. Notre adoration, dit le saint docteur, consiste principalement dans la dévotion intérieure de l’âme. Puisque l’âme. dans son for intime, perçoit Dieu comme n’étant point renfermé dans un lieu particu­ lier, un lieu détermine n’est point nécessaire pour l’adoration rendue â Dieu dans l’intime de l’âme. Cependant un tel lieu peut être choisi pour adorer Dieu, non par nécessité, mais par convenance pour trois raisons : primo quidem propter loci consecra· tionem, ex qua specialem devotionem concipiunt exo­ rantes, ut mugis exaudiantur, sicut patet ex adoratione Salomonis, III Keg., vm: secundo propter sacra mys­ teria et alia sanctitatis signa quir ibi continentur; tertio propter concursum multorum adorantium cx quo fit oratio magis exaudibilis, secundum illud Matth.. xvni : f bi sunt duo vel 1res congregati in nomine meo, ibi sum in medio eorum. Sum. theol., Ι1α-ΙΙ·, q. i.xxxiv. a. 3. ad 2“’“. En appliquant ces remarques aux sanctuaires spé­ cialement honorés des apparitions de Marie, marqués par des miracles dus à son intercession, ou par des faveurs de tout genre provenant de sa médiation, on peut dire que la dévotion envers Marie y est par­ ticulièrement excitée, aidée el forti liée; et qu ainsi les prières que l’on y adresse Λ Marie, avec de meilleures dispositions cl en union avec celles de beaucoup d’autres fidèles, sont, le plus souvent, dignes d’être mieux exaucées. Voir S. Pierre Conlslus, op. cil., I. V. c. XXIV. p. 57 I sq.; Kclchenberger, op. cit., p. 175 sq.: Piazza, Christianorum in sanctos sanctorumque regi­ nam rorumque festa, imagines, reliquias, propensa devotio, Pn’erme, 1751. p. 585 sq. I· Congrégations, confréries ou associations en Thonneurde Marie.- Ellcsont pour but de porter leurs mem­ bres â honorer particulièrement Marie, â imiter ses vertus el â obtenir d’elle une protection toute spé­ ciale, dans la \|e chrétienne commune menée au milieu du monde Cc but est très louable cl digne d’ap­ probation, selon les directions constantes que l’Eglise nous donne dans sa liturgic.Très recommandable aussi, au témoignage de l’histoire qui montre, combien ces congrégations ou associations, dont les statuts peu­ vent varier selon les circonstances de temps ct de milieu, sont aptes à procurer le bien spirituel do leurs 2470 membres, en même temps qu'elles icodent un éminent service a In société chrétienne-, par Je rayonnement spirituel des bons exemples ct de l'apostolat chrétien. I ne mention particulière est due à la confrérie du Hosairc, louée cl recommandée par tant de papes, enrichie par eux de tant de faveurs, et recommandée récemment par Léon NUI, dans l’encyclique Augus­ tissimo Virginis du 12 septembre 1897. Très louables aussi sont les services rendus par les congrégations de la très sainte Vierge, hautement recommandées par Benoît XIV dans la bulle Glonosir Domine du 27 sep­ tembre 1718, et par ses successeurs. 5· La consécration au service de Marie, ayant pour but de pratiquer, vis-à-vis d'elle tt a divers degrés de perfection, une habituelle dépendance. Qu’elle soit pratiquée dans les congrégations, confréries ou asso­ ciations dont nous venons de parler, ou qu’elle s'ac­ complisse en dehors d'elles, cctlc consécration est très légitime el très recommandable. 1. Deux titres de Marie la légitiment : son titre de souveraine appelant de notre part un très noble ser­ vice el son titre de mère, demandant de nous une constante dépendance filiale. a) Marie est â bon droit appelée notre souveraine, Notre-Dame, Domina nostra, comme a toujours dit la vieille France, dans un sens analogue â celui auquel Jésus-Christ, est. en toute réalité, appelé Notre· Seigneur. Ce nom est donné à Jésus parce qu’il nous a rachetés ct délivrés du péché, et que nous tenons ainsi de lui toute la vie spirituelle que nous possé­ dons, Calechismus concilii Trident., part. I, c. xvm, p. IL A cause de tous ces bienfaits dus à NotreSeigncur, il est juste, selon renseignement du même catéchisme, que nous nous consacrions à lui, non secus ac mancipia. Dans un sens analogue et â titre secondaire, .Marie peut cire aussi appelée notre sou­ veraine, domina nostra, parce qu'elle a coopéré a notre rédemption, comme on l’a montre précédem­ ment ct qu’ainsi nous lui sommes partiellement rede­ vables de toutes les grâces que nous possédons par la rédemption. 11 est donc juste que nous nous consa­ crions à elle, d’une manière analogue à ce que nous faisons pour Noire-Seigneur, non secus ac mancipia. Keichenbergcr, op. cit., p. 159 sq.; Piazza, op. cit., p. 265 sq.; Lépicier. op. cil., p. 121 sq.; A. Lhoumeau, La vie spirituelle à l'école du IL Gngnion de Montfort, Tours, 1920, p. 123 sq,. 135 sq. L’expression a été approuvée par le Saint-Siège, notamment dans les actes pontificaux approuvant et recommandant l'ordre des servîtes. Ordo servorum Marier, Lépicier, op. cit., p. 122 sq., el plusieurs autres ordres, comme les Ancilhc IL Virginis, que Léon X approuva parla constitution apostolique Dum prircetsa, du 19 juin 1515. Toutefois deux décrets du Saint-Office du 5 juillet cl du 6 octobre 1673 réprou­ vent l’abus de plusieurs confréries dont les membres portaient, au bras cl au cou, des chaînes comme marque de leur esclavage. De même le Saint-Office interdit aussi laMivulgation d’images et de médailles représentant les membres de la confrérie avec leurs chaînes, et conclut par la stricte prohibition de ces nouveautés : 17 novus hic IL Virginis mancipatus omnino aboleatur. Piazza, up. cil., p. 273 sq.; Keichen­ bergcr, op. cit., p. 159 sq.; Lépicier, op. cit., p. 121. b) Si nous considérons Marie comme notre mère, ou comme notre médiatrice universelle pour l'acquisi­ tion et la distribution de toutes les grâces provenant de la rédemption, il est juste encore qu’à ce lilrc nous nous consacrions à elle, pour pratiquer habituellement une dépendance de filial recours vis-à-vis d'une mère si bienveillante pour nous cl en même temps si puis­ sante. 2. Que l’on considère Marie comme une souveraine, MARIE, P RATIO LES DE n I |‘ I I t i t I i| ; j vis-à-vis dc laquelle on veut pratiquer l'esclavage dnmour selon le bienheureux Grignion de Montfort ou comme une mire â laquelle il convient d’etre uni par un constant recours filial, il est très légitime ct très recommandable dc se consacrer à elle. En même temps qu'elle esl une conséquence dc la médiation universelle dc Marie, cette constante dépendance, comme le montre tout ce qui a été dit sur les bienfaits que procure la dévotion à Marie, est un gage assuré de sa protection toute-puissante. 3. Celle dépendance vis-à-vis de Marie notre souveraine ct notre mère, a divers degrés dc perfection, depuis la pratique de quelques actes de vénération reli­ gieuse ct dc prière accomplis avec une fréquence plus ou moins grande, jusqu’à une dépendance constanteréalisée par une considération fréquente de scs émlnentes prérogatives et de scs exemples, par des actes d’amour allant jusqu’à l’imitation et par une sorte de perpétuel recours filial qu’inspire l'humilité, la confiance ct l’amour. La réalisation de cette dépen­ dance filiale peut être comparée à ce que dit saint Thomas de la pratique de la vie d’union avec Dieu par la charité. Comme, dans la vie présente, à cause de l'imperfection de notre nature et des occupations auxquelles nous devons nous livrer, l’union avec Dieu par la charité ne peut être réalisée d’une manière constamment actuelle, mais seulement de telle sorte que l’on éloigne de son Ame ce qui empêche de porter toutes les affections vers Dieu. Sain, theol., Ii“-Il,v. q. XXIV. a 8; q. c.lx.xxiv, a. 2. dc même la dépendance filiale vis-à-vis dc Marie a des limites imposées par les conditions dc la vie présente. On comprend d’ailleurs que celte dépendance filiale n’étant pas une fin en elle-même, comme la charité envers Dieu, mais seule­ ment un moyen de tendre, par cette charité, à notre fin suprême, notre dépendance, vis-à-vis de Marie, doit constamment s’allier à cette souveraine charité rt lui être toujours subordonnée. Mais n’est-ce pas être éminemment uni à Marie que dc l’imiter dans sa parfaite union avec Notrc-Seigneur? 4. Dans la pratique de celte dépendance totale vis-à-vis de .Marie, on peut comprendre aussi l’aban­ don fait à Marie de lu valeur salisfactoire dc toutes les bonnes œuvres que l’on accomplit, dc telle sorte que Marie puisse en disposer selon la volonté de son divin Fils el pour sa plus grande gloire. B. Grignion dc Montfort. Traité de la orale dévotion à la sainte Vierge, 18· édit., p. 89 sq.; A Lhoumcau, La vie spirituelle à l'école du B. Grignion de Monl/ort,4· édit..Tours, 1920. p. 247 sq. Cet abandon esl. en réalité, la pratique de l’acte héroïque accompli par amour pour Marie el à son bénéfice. Cet acte assure donc la jouissance des privilèges dont bénéficie l’acte héroïque, el doit pro­ curer. de la part de Marie, une protection toute spé­ ciale. On ne doit pas craindre que cet acte puisse causer quelque préjudice spirituel, soit à la personne clicmême, soit à scs amis et bienfaiteurs. B. Grignion de Montfort, op. cit., p. 95 sq. Marie ne peut manquer à ceux qui ont confiance en elle. * 6 Remarque générale concernant les développements donnés au culte marial, au cours des siècles. - 1.1 iepuis le milieu du iv siècle ou II commerce à apparaître d’une manière bien explicite, jusqu’à l’époque actuelle où il s’est encore beaucoup perfectionné, le culte ma­ rial a eu un développement très notable, soit dans le culte liturgique proprement dit. soit dans le culte simplement approuvé par l’Églisc. Dans le culte liturgique, beaucoup de fêtes en l’hon­ neur de la mère dc Dieu ont été successivement éta­ blies. comme on peut le constater par l'ouvrage de Benoit XIV, De /estis B. Maria· virginis, et par les fêtes ajoutées depuis cette époque; voir aussi L. Du­ chesne. Origines du culte chrétien. 3· édit., Paris, 1903, p. 269 sq., 271 sq.; Dictionnaire d'archéologie, t.i.COL 2213 sq., 2207 sq ; Dictionnaire apologétique, t. in,col. 301 sq. Parmi ces fêtes, plusieurs ont élé établies, et fina­ lement imposées à ('Eglise entière, pour honorer des prérogatives, mieux connues, comme In fête dc la Conception, ultérieurement expliquée cl proposée· puis finalement imposée à l’Églisc universelle comme fête de l’immaculée Conception, dans le sens nouvelle­ ment défini par la bulle Ineffabilis Deus. Dc même aussi la fête de Notre-Dame médiatrice de toutes les grâces, récemment permise dans l’Eglisc entière par Benoit XV. Des fêtes ont élé aussi instituées pour honorer des litres nouveaux mieux expliqués et mieux connus, comme la fête du saint Cœur de Marie, appelée en quelque sorte par la fête du SacréCœur de Jésus; ou pour honorer des mystères parti­ culiers de la vie de Marie comme la nativité, la pré­ sentation au temple, l’annonciation. la visitation, la purification, ('assumption ; ou pour commémorer, dans des églises particulières ou même dans l’Églisc entière, des événements extraordinaires dus à une spéciale intervention ou à une protection particulière de la Mère de Dieu, comme la fête dc Notre-Dame du Mont-Carmel, celle ncllc dc Trente; il reprit et défendit les mêmes idées dans un Dicours d’un curé pour instruire ses paroissiens, et dans une Histoire des jubilés depuis leur établissement, in-12, s. 1., 1759. Ces trois écrils furent réfutés par l’abbé Joubert, théologien appe­ lant de Montpellier (1689-1763), dans une Lettre au P. de Saint-Genis, el par Massuau aîné, d’Orléans, dans ses Entretiens d Eudoxe et d'Érigène sur les in­ dulgences. Enfin, en 1763, Mariette aborda la question du sacrement de pénitence dans une Exposition des principes qu'on doit tenir sur le ministère des clefs, suivant lu doctrine du Concile de Trente: il y sou­ th nt que l’absolution du prêtre ne remet point les péchés directement; elle est seulement la déclaration que le péché est remis extérieurement devant la société ecclesia tique. L’ouvrage fut saisi chez l’im­ primeur. avant sa publication, et. par une décision du 12 janvier 1763, il fut brûlé et l’imprimeur Inter­ dit pour Irais mois cl condamné à une amende. Ma­ riette refusa dc sc rétracter et fut, pour ce fait, expulsé de l'OratoIrc; il quitta Orléans et sc retira ù Paris. Les détails dc ccttc affaire ont été racontés en 7 lettres, dont la première est datée du 20 janvier 1763, et qui furent imprimées sous ce titre : Lettres à un ami de province par J. François Maillard, t n ouvrage ano­ nyme intitulé Discussion théotogique, in-12. attaque les thèses de Mariette sur la valeur de l’absolution don­ née par k prêtre; de. son côté, Mariette continua à se défendre dans les Lettres d'un laïque ù un laïque, I février 1763, cl la Défense des lois de la charité, 29 mars 1763. Mkhaud, Biographie universelle, t. xxvi, p. 650-651; I brief, .Xouprüe biographie générale, t. xxxm, col. 7 16-717; Quérard, La France littéraire, t. v, p. 536; Picot, Mémoires pour tervlr 0 ['histoire ecclésiastique pendant te X VHP siècle. 2'i7G t. ι* . p. 155-456; Lrs hommes Illustres de l'Orléanais, 2 vol. in-8·, Orléans, 1852, t. i, p. 43-14. J. Caiuievre. pape de décembre 882 ά avril-mal 884. —On connaît mieux son curriculum viltt aillé· ricurcmcnt Λ son élévation que le pontifient lui-même qui d’ailleurs fut court. Originaire dc (ndlese, Murin était entré à douze ans dans le clergé romain; Léon IV (847-855) l’avait fait sous diacre; Nicolas F' (858· 867) le fait diacre, en 862 ou peu après. C’est en cette qualité que Marin fait partie de l’ambassade envoyée à Constantinople en 866 pour régler la question bul­ gare; cette ambassade fut arrêtée à la frontière grecque et dut rebrousser chemin. En 869 Marin reprenait le chemin de Constantinople, chargé par Adrien II (867-872) de présider le VIII· concile, qui condamna Photius. A son retour, ou peu après, Il fut nommé évêque de Cère. Les historiens lui attri­ buent d'ordinaire sous Jean \ 111 (872-882) une troi­ sième mission en Orient, au lendemain du concile photien de 879-880. Voir Jean VIH, t. vm, col. 608; la question soulevée sera étudiée à l’article Photius. Marin *.e retrouve à Naples, en 882, comme envoyé de Jean VIII auprès de l'archevêque Athanase; il est qualifié pour lors d'évêque cl trésorier du Saint-Siège, .S’. Sedis arcarius. Jaffé, Regesta, t. i. n. 3378. Ainsi il remplissait, quoique évêque, les fonctions d’archi­ diacre. situation tout à fait étrange pour l'époque,, cl qu’il n’est pas facile d'expliquer. C’est évidemment son litre d’archidiacre qui l’a désigné au choix des Romains, en décembre 882, après la mort violente de Jean VIIL Pourtant le fait qu’il était évêque aurait dû l’écarter du Siège apostolique, .suivant la règle tout récemment encore rappelée par Nicolas Pr qu’un évêque ne peut être transféré d’un siège à un autre; on sait que ce sera, dix ans plus tard, le grief fait au pape Formose. Les Annales de Fulda, part. IV, a. 882, marquent nettement que cette élection est contraire au droit canonique : Marinus, antea episcopus, contra statuta canonum subrogatus est. Monum. Germ, hist.. Script., t. ι. ρ. 397. Les défenseurs dc Formose rap­ pelleront plu·, lard cc précédent : Vulgarius, De causa Formosi, lin. P.L., t. cxxix, col 1111 A, ct mieux dans Dûmmlcr. Auxilius und Vulgarius, p. 135 sq.’.Invec­ tiva in Romam pro Formoso papa, dans DÛmmler, Gesta Herengarii, p. 145. Le ponti fleat . L., l. c.xxxm, col. 91 L J a fié, Regesta, t. ι. p. 158-150; Wnllerich, \ itie ponttf. rom., 1.1, p. 31, 671-672. É. Amann. 3. M A R IN Joan, de la Compagnie dc Jé sus (16511725). — Né à Ocon (diocèse de Calahorra, en Espa­ gne), il entra dans la Compagnie en 1671, enseigna 23 ans la théologie à Alcala, el mourut à Madrid le 20 juin 1725. Il n laissé une œuvre théologique fort considérable, publiée d’abord par traités séparés : Dc actibus humanis, Alcida, 1705; Dc libero arbitrio, 1706; D· peccatis, 1706; Dc bonitate et malitia. 1707; Dc merito, 1707; De justificatione, 1707; Dc visione et bcaliludine, 1707; Dc fide divina, en deux parties, 1708, 1709; De spe ct caritate, 1709; De incarnatione, 1710; De scientia Dei, un deux parties. 1710. 1711 ; Dc volun­ tate Dei, 1711 : Dc angelis, Madrid. 1711 ; Dc pnrdedinatiunc, 1711 ; Dc volo, 171 I ; De sacramento pirnitentur, en deux parties, 1712; De Trinitate, 1712; D· venerabili eucharistia sacramento, 1712; Dc sacramentis, 1713; De baptismo, 1713 ; De matrimonio, en cinq vol., 17111715. Chacun de ces volumes in-12 comprend de 150 à 500 j). sinon plus; on jugera par là de l’ampleur d'une o uvre qui embrasse une grande partie de la théologie, ct (pie l’on ne saurait mieux comparer qu’à celle de notre l'ournely. Os divers traités ont été réu­ nis en 3 vol. in-fol. : IL P. Joann is Marin Oconcnsis. S. J... thcologii? speculativa- et moralis tomi tris, Venise. 1720; 2' édit.. 1718; 3· édit. 1760. Dénoncée en 1726 à cause de se « horribles relâchements », l’œuvre du i*. Marin fut mise a l’index par décrets des 5 juillet 1728 el 19 Juillet 1729, le censure romaine y aurait relevé plus de 1 10 propositions condamnables. — l.e M A Hl NA BI Ο 2478 P. Marin a aussi composé, à l’usage de son auguste pénitent, le Prince des Asturies, le futur Charles III, un traité intitulé Principe catholico, 2 vol. In-8*, Madrid. 1720. Sommervogel, bibliothèque de la Compagnie de Jésus, t. v, col. 570-582 ; Hurter, Xomrnclator, 3* édit., t. iv, col.1016. É. Amann. 4. MARIN Michel Ange, de l’ordre des minimes, écrivain ascétique et prédicateur, né à Marseille le 23 décembre 1» 97, mort à Avignon, le 3 avril 1767. Fécond écrivain, il a multiplie les ouvrages d’édifi­ cation, auxquels il a souvent donné, comme l’avait fail Camus, évêque de Bcllcy, la forme de roman : Virginie ou la vierge chrétienne. Agnès de Saint-Amour ou la fervente novice, etc., etc. Retenons au moins, en un genre plus sérieux : Vies des Pères des déserts d9Orient avec leur doctrine spirituelle et leur discipline monastique, 3 vol. in-4·, ou 9 vol. in-12, Avignon. 1761-1761; réimprimé à Lyon, 1824. 9 vol. in-8·; édit, abrégée en 3 vol. in-12. Lyon. 1825. On a publié après la mort de l'auteur des Le tires ascétiques ct mo­ rales, 2 vol. in-12, Avignon, 1763, précédées de l’éloge historique dc l’auteur. Quérard, La France littéraire, t. v, donne une liste corn· piété des divers ouvrage* avec leurs multiples /•duion*; 1 lœfer, Xouvetle biographie générale, l. xxxm, col. 771,772. Ê Amann. 1. MARINARIO Antoine, théologien carme italien du xxi· siècle. — Né à Grottaglic, diocèse d’Olranle, il prit l'habit des carmes au couvent de *a ville natale. I) enseigna la théologie à Venise d’abord puis â Home cl à Naples. Doué des dons dc la nature, entre autres d’une mémoire extraordinaire, il sc fit distinguer par sa grande science, son talent oratoire, sa prudence consommée et sa vertu remarquable. Il gouverna sa province d’Apulie, comme provincial, pen­ dant plus dc trente ans : en effet, dès 1539 il assista comme provincial el comme déffnlleur au chapitre général; les chapitres généraux suivants le confir­ mèrent dans la même charge, jusqu’à ce qu’enfin luimême s’en démit en 1568. En 1548 il fut élu procureur général dc l’ordre par le chapitre général dc Venise, En 1512 il fonda le couvent des cannes à Bari. et de 1518-1558 il y fut le prédicateur de Pex-rcine de Pologne, Bona Sforza(+ 17 nos. 1558), qui s’était retirée à Barl après la mort de son époux le roi Sigismond I r. dit le Vieux. Enfin il mourut en sa ville natale de Grot* taglie le 26 mars 1570 cl y fut enterré en l'église de son ordre. Marinarîo assista aussi au concile de Trente, où il fut assez apprécie el où il prononça deux discours qu’on retrouve dans les diverses éditions des Actes de ce concile, cidre autres dans Le Plat. 1.1. p. 23-32; 131-143. Le premier discours fut prononcé le iv· di­ manche de l’a vent, 20 décembre 1545. et traite de l’insuifisance de la loi dc Moïse ct de la nécessité de la foi dans le Christ. Le second, sur la néce site desbonnes (vuvres. le fut le iv* dimanche de carême dc 1516; Labbe el Cossarl cependant le rapportent au iv· di­ manche du carême de l’an 1517 Fra Paolo Sarpi (sous le pseudonyme de Pietro Suave) dans son Historia concilii Tridcntini, I. II, cd. 1622. p. 170. 171. 200, 201. 220, 221, 225, 226, 233. 236, 269, lui attribue plusieurs autres discours et lut impute plusieurs doc­ trines voisines des erreurs protestantes. Mais ccs divers discours ne se trouvent ni dans les Actes du concile de Trente, ni chez les autres historiens, qui tous défen­ dent la catholicité de Marinarîo, surtout le cardinal Sforza Pallavicinl. Ce dernier qualifie de mensonges les dires de Sarpi tant au sujet du carme Marinarîo que du franciscain Lundi car, dit-il dans sa Vera concilii Tridentlni historia, part. L 1 VI, c. xi, n. 11, cd. 1670, l. 1. p. 580, je ne trouve rien de tout cela ni dans les Actes ni dans les lettres des légats nu cardinal Far- 2j79 MAKI NAR 10 nèsc, ni dans les autres nombreux documents qui sont en ma possession. » D’ailleurs la mauvaise foi de Sarpi est notoire. Même Je traducteur français de Sarpi, François I.c Courayer (Histoire du concile de Trente) n'osc suivre le sentiment dc Sarpi. Bien plus, Calvin dans son ouvrage, Acta synodi Tridentinir aim antidoto, consacre près de trois grandes colonnes à invectiver contre Antoine Marinario. Il rapporte quelques extraits des deux discours dc ce dernier, qu'il s'efforce ensuite de réfuter. 11 accable Marinario d’injures atroces el ne lui épargne m les personna­ lités les plus odieuses, ni les railleries les plus fades, allant même jusqu’à l’appeler chien - et « frère de Vénus * : Hic lepidus Veneris !rater (nam ex mari ambo nomen habent). Or Calvin aurait-il déversé ainsi sa bile, si Marinario, qu’il attaque, avait prêché, en ces deux discours ou en d'autres, d’une manière favo­ rable aux protestants? Remarquons de plus que Calvin écrivit ce traité du temps meme du concile de Trente, 1517, alors que Paolo Sarpi ne le lit que bien des année» après. Outre ces discours au concile de Trente. Marinario nous a laissé un ouvrage sur Γ Écriture sainte, notam­ ment : Consonantia Jesu, et Prophetarum. Cet ouvrage cul plusieurs éditions : Venise 1510, pet. in-8· de 83 fol.; Paris, 1511; Anvers, 1511; Paris, 1513. puis 1586, sous le litre de Concordia Veteris et Novi Testa­ menti; ibid., 1587 sous le même titre. En cet ouvrage, que Posscvin (Bibliothecaselecta, I. Il, c. lxix) appelle riche, érudit el de grande utilité, l’auteur démontre, en sc fondant sur dc nombreuses citations de textes de l’Ancien et du Nouveau Testament, comment les prophéties furent réalisées dans le Christ, tant celles qui doivent s'entendre au sen> littéral, que celles qui ne s’entendent que dans un sens mystique. Marinario préparait en outre, vers la même époque, un Commen­ taire sur les Épitres de saint Paul; il n’en a achevé, en 1539, que celui sur VÉpttre aux Romains, précédé d’une Introduction où il explique les expressions les plus usuelles de l’Apôtrc. (.'est l’ancien codex 613 de la Bibliothèque Mazarine, qui devint ensuite le 6206 de la Bibliothèque royale dc France ( Invent aire de Nicolas Clément de 1682) el enfin le 705 actuel dc la Biblio­ thèque nationale de Paris. Conrad Gcsner, Bibliotheca universalis, Zurich, 1545, fol 59 v»; Acta coiicitii Tridentini, Louvain, 1567, p. 18, I l ; .1. Calvin, Acta synodi Tridentinir cum antidoto, 1517. dans le Corpus Reformatorum, l. xxxv, col. 392391; Sixte dc Sienne, Bibliotheca sancta, Lyon, 1575. 1. IV. p. 224 n; Lucius Pierre, Bibliotheca carnirlitana, Florence, 1593, fol. 6; Diego de Coria Maldonado, Dtlucidario, u drnvmxlracion de las crâniens u anliguidad del sacra Orden de la sieinpre virgin Madré dc Dios sancta Mario del Monte Carmelo, Cordouc, 1598, I. XII. r. îx; Posscvin, Bibliotheca sclecta de raitonc studiorum, Venise, 1603, I. Il, c. lxix, p. 108; Apparatus saccr, Venise, 1006, t. i. p. 106; Marc Antoine Alegre dc Gasxinate, Paradisus Carmclilici dtcoris, Lyon, 1639. p. 290; Lnblx* ct Cossart, Concilia, Pari*. 1672. t xiv. col. 999-1006, 1033-1012; Daniel dc la vierge Marie, Spéculum carmelitanum, Anvers, 1630, t. n. p. 1067·1068, n. 3698; Ixdong, Bibliotheca sacra, Paris. 1723. t. n, p. 8-17; Cosme de Villiers, Bibliotheca carnicli(ana, Orléans. 1752, t. 1. Col. 176-180. n. 212: .lusse le Plat. Monumentorum ad historiam concilii Tridentini /Mitissimum illustrandum spectantium amplissima collectio, Louvain, 1781-1787. t. i. p. 23-32. 134-1 13; 3. Goycrs. Authorcs prirtrrmlssi in Bibliothrca carnirlitana (dc Cosme de Villiers), M* de h Biblloth. dc Punlvcrs. de Gnnd, p. 21; Cnlcnzio Grnrrmo. Saggio di dor Ia dei concilio generale di Trento, Home, 1869. L i. p. 359, 363, 361, 369. 375, 111; Hurter, \omenclatur, 3’ édit., t. m. col. 84 et 261; IL Zimmerman, Acta capitulorum ytnt ratium, Koine, 1912, p. ΙΟΙ, 103. 115, lb·. <19, 437. IR, 150, 4 2. P. Anastase de Saint-Paul. 2. MARINARIO Antoine II, arrière-neveu du précédent, philosophe ct théologien carme chaussé MAR I MS 2480 italien du xvn· siècle. - Né à Grottaglic, diocèse d’Otranle, le 10 janvier 1605, il reçut l’habit des carmes chaussés en .sa ville natale le 16 juillet 1622, et le 20 du incine mois dc l’année suivante il y pro­ nonça ses vœux. Il étudia la philosophie ct la théolo­ gie â Lecce. Naples et Rome, et fut ordonné prêtre Je 8 avril 1628. Ayant obtenu le doctorat, le jeune Marinario enseigna d’abord In théologie à Palestrina, puis la logique el la métaphysique ù l’Cniversité de Rome, ou, par décret spécial d’Urbain \ III, il fut agrégé aux professeurs dc théologie, quoiqu'il n’en­ seigna que la philosophie. Même il devint plus tard doyen de l’Université. lintre temps il remplit plusieurs charges dans son ordre : car il fut prieur du couvent de Palestrina, provincial de la province romaine (18 mai 1636), deux fois visiteur général de sa pro­ vince d'Apulie et provincial titulaire de Dacic. Le 10 mars 1615, le cardinal vice-chancelier François Barberini prit Marinario comme théologien; bien plus il le choisit comme son suffragant, et le nomma vicaire général pour le diocèse d'Osliv cl Vcllelri. Le 7 février 1667 il fut nommé évêque titulaire de Tagasle et consacré le 13 suivant par le même cardi­ nal. Marinario mourut â Vcllelri le 20 août 1689, à l’âge de 81 ans el y fut enseveli dans l’église dc son ordre. Le principal ouvrage de Marinario est le In mate ria de gratia vents Augustinus, 3 t. in-l°, Vcllelri, 1669, 1677, 1679, écrit contre Γ Augustinus dc Jansénius. Ouvrage qu’il compléta ensuite par le In materia de gratia, et libero arbitrio juxta mentem Augus­ tini, in-Ie, Rome, 1682. Il publia aussi une Disputatio de fide, spe, et charitate, in-1% ibid., 1631, ainsi qu’une dissertation (opusculum) De opinione probabili, in-24. ibid., 1666. 208 p. ; avec un appendice : Tractatus unicus, et brevissimus ad argumenta Illustrissimi Epis­ copi Caramuelis pro antiquissima, et universalissima doctrina de probabilitate contra moralem certitudinem, pluribus capitibus divisus (13 chapitres), p. 209-334. On lui doit dc plus Thesis dc bealitudine en l’honneur de saint André Corsini, carme, évêque de I-iesole, in-l\ Rome, 1629; deux panégyriques latins, dont l’un à l’occasion dc la canonisation du même saint, in- l·, ibid., 1631; l’autre en l'honneur de saint Agaplte de Palestrina et de David; ct l’oraison funèbre latine du cardinal Garcia Mellini. Le reste de scs œuvres est resté manuscrit. Daniel de la Vierge Marie, Spéculum carmeltlanum, Anvers, 1680. I. n. p. 911-912 ct 1071. n. 3170 ct 3727, Aubert Mineus, Bibliotheca ecclesiastica, sive de scriptoribus ecclesiasticis (édit. Fabricius), Hambourg, 1718, p. 321, n. 235; Michel de S. Joseph, O. S. ΊΤ., Bibltographia critica sacra ct profana, Madrid, 1710-1712. t. i, p. 270 b; Jochcf, Allgemrincs Gelehrten Lexicon, Leipzig, 1750-1751, l. ni, col. 178; Cosme de Villiers, Bibliotheca carnirlitana, Orléans. 1752, 1.1. col. 180-182, n. 243; Morcni Dominique, Blbtiografia storico-ragionala della Toscana, Florence, 1805, t. n, p. Il ; Pastor, litscli. der Papslc, Fribourg, 1909, I. v, p. 734; Hurler, Nomenclator, 3· édit., t. îv, col. 390. P. Anastase de Saint-Paul. MARINIS (Dominique do), dominicain, mort archevêque d'Avignon le *20 juin 1669. — Frère de .Jean-Baptiste de Marinis, général de l’Ordre, il naquit ù Rome, le 21 octobre 1599 et entra au couvent de la Minerve en 1615. On le trouve plus lard à Salamanque, ù Toulouse, à Paris où il enseigne au couvent de l’Annonciation en 1629-1630. Rappelé â Rome, il conquit le doctorat en théologie el dirigea le collège Saint-Thomas de la Minerve, qu’il rebâtit complète­ ment. Sa carrière s’acheva en Avignon dont le siège lui fut confié par Innovent X le 18 octobre 1618. La faculté de théologie dc cette ville lui dut un regain dc vie : Il la dota de deux chaires, l’une de philosophie, l’autre de théologie, qui devaient être confiées â des M MUNIS — MARIUS MERCATOR 2481 dominicains pour l'enseignement de la doctrine de saint Augustin et de saint Thomas. Lui-même a écrit pour les étudiants d’Avignon une Expositio commen­ taria de la Somme théologique, 3 vol. in-fol., qui furent publiés à Lyon en 1663 (I· cl II· pars), 1666 (III· pars, De incarnatione), 1668 (IV· pars, De sacramentis). Cet ouvrage passe pour l’un des meilleurs commen­ taires de la seconde moitié du xvm* siècle. Marinis a publié en outre à Avignon, en 1660, les décrets d’un synode diocésain tenu par lui cette mémo année. Quétit-Echnrd, Scriptores ordinis ρπι dicatorum. t. n, Puris, 1721. p. 627-628; Fellor, Dictionnaire historique, t. viu, p. 168; Morgott, dans Kirchen lexicon, 2r édit. t. vm, Fri­ bourg. 1893, col. 864-865; Hurter, Nomenclator,3*édit., t.iv, col. 15-16* E. Vaxsteenimoiie. MARIUS MERCATOR, écrivain latin du v· siècle. I. l.c personnage. II. L'œuvre. I. Le personnage. — Le personnage est mal connu. I ne lettre de saint Augustin, Epist., exan, P. L., t. xxxiif, col. 869 sq., est adressée à un certain Mer­ cator pour lui accuser réception dc doux opuscules relatifs à la question pélagicnnc el répondre à diverses questions. La lettre est vraisemblablement dc 418; la façon dont Augustin félicite son correspondant des progrès faits par lui dans la science théologique, témoigne qu’il le connaissait depuis quelque temps, il y a donc chance que ce Mercator ait été un Africain. Comme, par ailleurs, il lui fait porter sa lettre par Albi­ nus. acolyte dc l’Églisc romaine, chargé aussi dc messages pour d'autres personnalités de Borne, on conjecturera, non sans vraisemblance, que Mercator, en 118, séjournait lui aussi dans celte ville. On con­ clura la même chose d’un mot d'Augustin dans le De I III Dulcitiiquœstionibus, q. m, P. L., t. XL, col. 159. I.’évêque d’Ilipponc y renvoie DulclUus à une réponse déjà donnée par lui â Mercator dans la lettre ci-dessus mentionnée, ct dont il transcrit la finale. Cc Mercator, dit-il à Dulcitius, vous est bien connu. Or le correspon­ dant d’Augustin est un Romain qui est arrivé en Afrique en 120. C’est à Rome qu’il aura connu Mer­ cator. Enfin Mercator lui-même, dans un traité dont l’authenticité n'est pas douteuse, fait une claire allu­ sion â son séjour Λ Rome. P. L., t. xlviii, col. 146. Qu'Il fût simple laïque, c’est ce que tous les critiques ont conclu de la manière dont saint Augustin l'appelle son très cher fis, sans allusion à aucune dignité ecclé­ siastique. Quel âge avait-il pour lors, il est impossible dc le dire; du moins devait-il être arrivé â l’âge d'homme puisque, laïque, il rédigeait deux opuscules de théologie que pouvait louer l'évêque d’Ilipponc. Mais on n’a aucune raison de choisir entre la jeunesse, l’âge mûr, ou même le début de la vieillesse; el les critiques qui font naître Mercator en 390, en tablant sur la première hypothèse, s’avancent beaucoup. On retrouve à Constantinople en 129 un Marius Mercator qui a toutes chances d’être le même que le correspondant d’Augustin; il est mêlé aux polémiques religieuses du moment, â celles d’abord qui aboutis­ sent à faire expulser de la capitale 1rs chefs pélagiens qui s’y étaient réfugiés, puis, aussitôt après, aux luttes entre Ncstorius el Cyrille d’Alexandrie. Beaucoup d’historiens représentent Mercator comme jouant â Constantinople un rôle .semi-officiel d’· observateur ·, chargé dc renseigner le Saint-Siège sur les événements religieux de l’Orient. C’est possible, après tout, bien qu'on ne puisse le prouver d’une façon certaine. En toute hypothèse, Mercator entreprit de faire con­ naître à l’Orient les faits essentiels de la controverse pélagicnnc, â POccident les pièces principales de la querelle dogmatique qui divisait Constantinople et Alexandrie. Il a certainement connu le concile d’Éphèse de 431 ct le verdict porte par lui tant dans DICT. DE THÉO!.. CAT1I0!.. 2482 l’affaire pélagicnnc que dans celle dc Ncstorius. Après quoi on perd complètement sa trace. 1-es historiens qui le font vivre jusqu’en 450, sinon jusqu’à la veille dc Chalcédoinc, tablent sur un certain nombre dc pièces qu'on lui a attribuées et qui sont relatives â des événements de 119 (Brigandage d'Éphése).Cette attri­ bution est très loin d'être prouvée. Voir ci-dessous, col. 21X1. II. L'œuvre. — L'œuvre de Marius Mercator com­ prend d’une part des mémoires originaux, générale­ ment courts, d'autre part des traductions. Mais tandis que l'on est fixé sur le nombre exact des premiers, on hésite davantage sur l’énumération des secondes. La solution dépend dc l'examen de l’unique ms. connu aujourd’hui qui donne l'œuvre de Mercator. Cc ms., le Palat, tat. 234 de la Bibliothèque va ticanc, comprend, dans sa première moitié (la seconde donne les Libri Λ7/ in Genesim d'Augustin), un ensemble de pièces relatives aux questions christologiques, â la réserve des deux premières qui se réfèrent à la con­ damnation de l'origénismc parle pape Anastase, Jaffé, Degesta, n. 282. La 3· est introduite par ces mots : Mani Mercatoris servi Christi commonitorium lectori adversus hæresim Pelagii et Corlest ii vel etiam"scripta Juliani, fol. 3. Suit un nombre considérable de pièces de toutes dimensions jusques ct y compris les Scholia Cyrilli episcopi Alexandrini de incarnatione Unigeniti, fol. 98. Cette disposition se retrouvait, à part quelques légères modifications de détail vers la fin. dans un ms. du Chapitre de Beauvais, utilisé par Garnier pour son édition et depuis disparu. Voir la description du ms. dans P. L., t. xlvui, col. 19-22. Garnier qui n fait son édition d’après le ms. dc Beau­ vais en 1673, ct Baluze qui a publié le Palatinus 234 en 1684 ont admis implicitement que le nom dc Marius couvrait toutes les pièces contenues dans la première partie de l’un cl l’autre des mss. Ils n’ont pas hésite dès lors à attribuer à cet écrivain tous les documents, mémoires originaux ou traductions, qui remplissent cette première partie. Cc point de vue est encore celui de G. Krûger dans Schanz, Geschichte der nùmischen Litterator, t. îv, Munich. 1920, § 1190. 11 pourrait bien être inexact. La première partie des mss. en question représenterait non point un corpus des œuvres de Mercator, mais un groupement de pièces relatives au V- concile œcuménique, auquel était consacré d’ail­ leurs toute la seconde partie du ms. de Beauvais. On sait qu’il n’y fut pas question seulement des Trois chapitres, mais encore de l’origénisme. C’est à lui que sc rapportent les deux premières pièces de la collec­ tion. Toute la fin delà première partie, d’autre part, donne des documents relatifs aux Trois chapitres, el. chose curieuse, plusieurs dc ces textes sont cités avec la même étendue el en un ordre identique dans la lettre du pape Pelage 11 aux évêques d’Istrie. Jaffé, n. 1056; voir P. L., t. i.xxn, col. 734. Il semblerait que l’on ait affaire à un dossier rassemblé à Rome après le V· concile, pour justifier l’attitude du SaintSiège, qui avait clé si vivement critiquée en Occi­ dent. L’excerpteur romain y a fait entrer d’abord des pièces provenant de Marius Mercator, mais d’autres aussi qui ont pu être rassemblées et traduites durant le séjour du pape Vigile en Orient. Dans ces condi­ tions, ct l'hypothèse admise, les œuvres de Mercator ne comprendraient que le 1” tiers du Palatinus Jus­ qu'au fol. 39, où commence la traduction latine des prétendus contœ-anathématismcs > de Ncstorius dont Ed. Schwartz a prouvé qu’ils n'étaient point l’œuvre de cc dernier. Elles comprendraient dès lors les textes suivants quo nous grouperons désormais dans un ordre un peu différent dc celui du ms., tout en respectant son ordonnance générale : IX. — 79 2453 MA IU I S M ERG A TO B 1· Documents relatifs à la controverse pélagienne. Il y a Heu de distinguer ici les mémoires originaux et les traductions: — 1. Mémoires originaux. — a} Com­ monitorium super nomine Coelestii,P. L., t. χι.νιιι, col. 63-108, dont le titre complet indique bien le sens cl les Intentions : « Mémoire sur le compte de Cé csllus rédigé en grec par Mercator et adressé non seule­ ment à l’Église de Constantinople, mais ù plusieurs per­ sonnes très religieuses, offert également à l'empereur Théodose, traduit du grec en latin par le même Marius Mercator, serviteur du Christ, sous le consulat de Flo­ rentius cl de Dionysius ( 129). Ce mémoire ayant fait connaître cette erreur très funeste, un décret impérial a banni de Constantinople d’abord .Julien son défenseur avec ses amis ct partisans, plus lard aussi Céleslius; de même furent-ils condamnés au concile d’Éphèsc par la sentence de 275 évêques. » C’est un récil très court des diverses condamnations interve­ nues en Occident cl en Palestine contre Céleslius et Pélage; il se termine par une invitation pressante à Julien d’abandonner ccs erreurs. — b) Commonito­ rium adversus hicresim Pelagii et Catestii vel etiam scripta Juliani, coi. 109-172, rédigé après août 130, puisque saint Augustin (f 28 août 130) y est appelé sanctæ recordationis episcopus, et sans doute au cour*» de 131, puisque l’auteur a déjà en main VOpus imper­ fectum contra Julianum, Urte courte préface rappelle les condamnations portées contre le pélagianisme, la révolte de Julien d’Eclane, les réfutations d’Augustin. Elle introduit une série d’extraits d’ouvrages de Julien suivis chacun d’une réfutation. Ces subnota­ tiones (d’où le nom de Liber subnotationum donné par Garnier) reproduisent d’ordinaire les réfutations augustinlcnnes, auxquelles Mercator ajoute des répli­ ques de son cru, moins pondérées, en général, que celles du docteur d’Hippone. 2. Traductions. — Elles sont destinées à faire con­ naître l’attitude de Nestorius dans l’affaire péla­ gienne, attitude hésitante, puisque le patriarche dans des sermons se prononce contre l’hérésie, mais témoi­ gne par ailleurs quelque faveur à la personne de Célcstius. Ccs traductions sont introduites par une petite préface, col. 183-187; elles comprennent quatre ser­ mons, col. 189-197; 202-201 ; 204-205; 197-202. expri­ mant une doctrine correcte sur le péché d’Adam cl ses suites pour l’humanité, et d’autre part un court billet adressé ù Céleslius, qui laisse une impression assez étrange. Col. 845-848. 2· Documents relatifs à la controverse nestorienne. — Ce sont exclusivement des traductions; tout au plu; faut-ll porter au compte de Mercator quelques mots d’introduction ct quelques remarques. 1. Préoccupé de chercher les origines de l’hérésie nestorienne, Mercator donne d’abord le Symbole de Théodore de Mopsueste, en qui il voit le père aussi bien du pélagianisme que de l’erreur cbristologiquc. Ce symbole est Introduit par une courte préface, col. 10 Π­ ΙΟ 11, que suit une Expositio prome fidei Theodori, col. 1043-1046, et une Hc/utatio. col. 1015-1050. — 2. Viennent ensuite les extraits de Nestorius, précédés eux aussi d’une petite préface sous forme de deux lettres. La première, col. 773-774, commence par ccs mots : Sumosateni Pauli atgue Nestorii est Îsta non minus impia guam vana doctrina; elle essaie de faire voir une ressemblance entre le dyophysisme outré de Nestorius ct l’adoptianisme (réel ou prétendu) de Paul de Samosate. Cette comparaison qui est tout à fait injuste sera de très grave conséquence, car elle amè­ nera en Occident une fausse appréciation de la doc­ trine exacte de Nestorius. La seconde lettre, col. 753· 756, introduit directement les fragments de sermons bue Mercator s’est efforcé, dit-il, de traduire aussi exactement que possible: In guibus verbum de verbo. 2481 in guantum fieri potuit, conatus sum translator expri­ mere. Suivent cinq sermons donl nous donnons les incipit dans l’ordre du ms. : 1·’ sermon, col. 757-763 : Doctrina pietatis est; 2·, col. 789-801 : Contumelias quidem; 3·, col. 782-785 : Plausus amatores Christi; 4·, coL 818-862, portant en tête la mention de la date où il a été prononcé : après la réception des lettres de Céleslin et de Cyrille, le 6 (ou le 7) décembre (430) Dulcem nobis pnreedens doctor; 5·, col. 862-864, pro noncé le lendemain : Aliis in terris. 3. Le ms. donne ensuite la correspondance échangée au début de la querelle entre Nestorius et Cyrille : Lettre de Nestorius à Cyrille : Injurias quidem, col 818-827; Lettre de Cyrille ù Nestorius : Garriunt quidem. col. 804-808; du même au même : Venerabiles viri, col. 801-801; de Cyrille à scs clercs résidant à Cons­ tantinople : Legi litteras, col. 809-817. - L La traduc­ tion des Nestorii excerpta a Cyvilla : De codice confecto, col. 897-904.— C’est après ces excerpta que prennent place dans le ms. les extraits de Nestorius relatifs au pélagianisme; le tout complété par le Commonitorium super nomine Carlestii. Ici se terminent, de l’avis d’Ed. Schwarz et du nôtre, les morceaux appartenant dans la collection à Marius Mercator. Aussitôt après prennent place les < contre-analhématismes · que Nestorius est censé opposer aux douze anal hématismes cyrillicns, col. 909923. Chaque anathème cyrilllen est suivi de la réponse de Nestorius, à laquelle le catholique oppose sa contradiction ; H is pravis dictis catholicus contra­ dicit ita ; ou bien : Contradicitur a catholico. Si l’au­ thenticité de ccttc œuvre était établie, ce que nous ne croyons pas, nous aurions ici le travail de beaucoup le plus important de Mercator, surtout si l’on y ajoute un appendice considérable, col. 924-932. A la vérité Loofs considère cette pièce non comme une suite de la réfutation des contre-anathématismes ncsloricns, mais plutôt comme une préface â un Codex de scriptis et tractatibus Nestorii. Cf. Nestoriana. Les nombreuses pièces qui suivent dans le ms. sont toutes des traductions de documents relatifs soit au concile d’Éphèsc de 431, soit aux discussions entre Cyrille ct les «Orientaux », soit aux doctrines de Théodore de Mopsueste, de Théodore!, d'ibas, cl même de Diodore de Tarse. Si tout cet ensemble pro­ venait (ce qui nous parait invraisemblable) de Marius Mercator, il conviendrait d’y relever, comme une œuvre personnelle de l'auteur, une brève réfutation du nestorianisme, col. 1087-1088 : litre intérim cursim; on y considère comme également opposés ù la foi catholique el les sectateurs de Nestorius ct les vulychiens; pour réfuter l’une ct l’autre erreur on va faire suivre les excerpta précédents d’extraits empruntés Λ Jean, évêque de Tomi, dans la province de Scythie. Ces extraits n'ont pas été transcrits dans notre ms. qui fait suivre cette petite note de la lettre de Nestorius au pape Céleslin, col. 841-811; de la lettre synodale de Cyrille contenant les douze anat hématismes, col. 831-811, et des Scholia de incarnatione Unigeniti du même Père, col. 1005 1040. Les diverses indications où ligure dans l’édition de Baluze, le nom de Mercator, Contradictio Mercatoria en tête des réponses aux contre-anathématismes, Verba Mercatoris,h divers endroits, ne sont pas dans le ms., mais ont été ajoutées par l’éditeur; elles ont beaucoup contribué à désorienter la critique En somme, l’œuvre de Marius Mercator est beaucoup plus réduite qu’on ne l’avait pense tout d’abord. 1. Textes. — Ix» ConunonHornirn super nomine CorltsUi a été publié pour In première fois par Ph. l.nblM', dans Li Collection des conciles, Paris, 1671, t. n, p. 1512, puis avec quelques autres écrits par Biglierius (tinbriel Gcrbenxi) : Acia Marii Mercatoris, S. Augustini... discipidi, cam noli, 2485 M ABU S MERC VI OB — MARLETTA Hiqbcrii theologi franco germani, Bruxelh s 1673; J. Gar­ nier, S. .1., donna une édition complète d’après le ni·, de Beau val» : Marii Mercatoris S. Augustino ι· quails opera qiurcumque filant, Pnrh, 1673, reproduit*· dan» /*. /.., t. xlvhi; celte édition, ou *«· rencontre une tomme ♦ xtraor dinuirr d’érudition, e»t niidheiireiiM nient très défectueuse au point de vue de la publication du texte.Gamier a distri­ bué fort arbitrairement h·» pacages, en a donné, «an» pro ­ venir, «l'autre· qui n’étalent pas dan* son m·,; il est Impos­ sible pour un travail scientifique de t’appuyer »ur son édition: dix an» plu» tard, Ét. Baluze donne une édition plus utilisable, en se fondant sur le ms, Palatinus : Mani Mercaturi» opera, Puri», 10X4, reproduite dant Gallandi, IHbliotheca icterum Patrum, t. viw, p. 613; elle n’td pas non plus tout Λ init satisfaisante; E. Schwartz se propose de publier l’ensemble de la collection du Palatina» dant se* dria conciliorum, t. r, vol. 5, part. 1, fnw. 3. 2. Travaux. - Ί illemont, .Mémoires, t. xv, p. 136-143; Ccillicr, Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 2* édit., t. vin, p. I9S sq.; Fabricius, Bibliotheca latina medier et infima alatis, Hambourg, 1746, t. v. p. 31; SchanzKniger, Gcschichtr der romischen Litleratur, Munich, 1921, t. iv b, § 1190; O. Bardvnhewcr, Gcschichte drr altkirchlichen Literatur, Fribourg, 1921, t. iv, p. 525-529. Sur dr« point» de détails. Loots, Nestorlana, Ixdp/Jg, 1905; E, Schwartz, Die sogenannten Gegenanathemottsmen des Nestorius, Munich, 1922. É. AMANN, MARKEL Amédè· Marle.de l’ordre des servîtes Il fut professeur à Aug*l>ourg, ou il publia en 1739 un volumineux traité de polémique antiprotestante : Tuba magna Ecrie slie antiquissimum ad hrierndoxns clan gens sonam seu theologia dogmatica, 2 vol. in-4·. On lui doit aussi une histoire des Illustrations de son ordre : Spéculum oirtufis et scientiae seu Ptri illustres O. Sert·. B. Μ. V., Nuremberg et Vienne, 174H, D mourut en 1760. Jocher-Kotermund. Üetehrten-l^xtkc.n, 1X13, U xv, col. 744; Hurler, Nomcndator, 3· édit., t. iv, col. 1377. L. Amakn. MARLETTA Qabriai, res pri m (xvn· siècle) - - Originaire d’Orienzo, entre Naples et Bénévent (d’où son surnom d'Argrnttneruis), il ht paraître a Naples entre 1662 et 1667 des Commen­ taria seu scholastics enntrorersi* ad /** partem D. Thomsr, 7 vol. Ιη-β·. Les commentaires sur la I·II* ct la 1P-1P qu’il avait également préparés, n’ont pas été publiés. Quétif-Erliard, Scriptores trdinU prerdicatorum, t. n. p. 676; Hurler, Nomenelaior, 3 édit., t. n. col. 17. É. Amann. IiTofZLY I-T As|·· 87, Boulevard Kaspail. Paius-xi,— 10724927. LIBRAIRIE LETOUZEY & ANE, 87, Boulevard Raspail, PAKIS-VI £A CO LUS DE PUBLICATION DICTIONNAIRE D’ARCHÉOLOGIE CHRÉTIENNE ET DE LITURGIE PUBLIÉ PAR le R'ue P. dom Fernand CABROL BÉNÉDICTIN DE SOLESMES, ABBÉ DE SAINT-MICHEL DE FARNBOROUGH ( ANLLETERIIE) et Dom H. LECLERCQ AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS CONDITIONS ET MODE DE PUBLICATION Lo Dictionnaire d* Archéologie chrétienne et de Liturgie paraît par fascicule 256 colonnes. Une gravure ou carte hors texte tient lieu de 16 pages de texte. ln-4 de Le prix do chaque fascicule est de 12 francs, plus le port, payable dans la quinzaine qui suit In réception de chaque fascicule. En cas de retard dans le paiement, les frais de recouvrement sont à la charge du souscripteur. Los fascicules ne se vendent pas séparément. Le titre de ce dictionnaire indique assez quel en est l'objet. Il s'agit tout d’abord de définir aussi clairement que possible les anciennes institutions chrétiennes, de les étudier dans leur origine et dans leur histoire. Pour cette étude, on ne peut citer de meilleur modèle que le Dictionnaire des antiquités chrétiennes de l'abbé Martigny, bien incomplet, il est vrai, et cependant traduit et augmenté en Angleterre et en Allemagne. Mais notre plan est beaucoup plus vaste que celui de Martigny. Ce dictionnaire d\*lrchéologie chrétienne est aussi un dictionnaire de Liturgie. Et ici nous pouvons dire que le sujet est neuf et qu'en un sens et dans les proportions où nous l'entendons, c'est la première entreprise de ce genre qui ait été tentée. Sans doute, Martigny, ses prédécesseurs et ses successeurs ont fait ù la liturgie une place, mais cette place est étroite: dans tous les cas, elle n’est pas proportionnée a son importance. A Dieu ne plaise que nous méconnaissions les admirables travaux des liturgistes anciens; mais il faut avouer toutefois que, comme science, la liturgie a encore de grands progrès à réaliser; elle réclame certains travaux préliminaires que Ton trouvera dans cet ouvrage. En premier lieu, il faut dresser le bilan de ce que l'on sait, de science certaine, en liturgie, établir bien nettement où l'on en est, sur chaque point, afin d’épargner aux commençants, et même parfois à des maîtres, de fausses démarches et des études inutiles Le dictionnaire permet aussi, à notre avis, de procéder enfin a un classement chronologique et géographique des rites, des formules, des textes, des documents La confusion qui existe sur ce point de is nos connaissances et les erreurs qui ont été commises viennent le plus souvent de ce que Γοη nas assez soigneusement discerné les temps et les lieux. La méthode comparce qui, dans les sciences naturelles et en philologie, a conduit à de si mer­ veilleux résultats, peut, cn liturgie, découvrir des points de vue nouveaux et conduire à des résul­ tats inattendus. La classi lient ion des rites ct des formules permet de reconnaître des parentés, de dresser des généalogies liturgiques. Enfin quelques-uns dc nos collaborateurs nous apportent des idées neuves ct fécondes, fruit de recherches originales el personnelles. Voici en résumé un simple sommaire des matières que nous traiterons. I. Les Antiquités et l’.Abciiêologie, c'est-à-dire les institutions anciennes, les mœurs el les coutumes des âges primitifs, l’architecture ancienne dans ses rapports avec la liturgie ct l’art chrétien dc la première époque, l’iconographie, les symboles ct les ligures, 1’épigraphie, la paléo­ graphie, la sigillographie, la numismatique dans leurs relations avec l'antiquité chrétienne. Celle étude est menée environ jusqu’à l'époque de Charlemagne. Nous laissons donc de côté les insti­ tutions d'âge postérieur, comme les Universités dont l’histoire appartient davantage à la philo­ sophie ct à la théologie, les ordres monastiques postérieurs au xc siècle, les assemblées du clergé de France, etc. II. La Liturgie, c’est-à-dire : les rites proprement dits, comprenant l'histoire des sacrements, Baptême, Confirmation, Pénitence, Extrême-Onction, Ordre ct Mariage, et surtout l'Eucharistie et la Messe qui sont vraiment le centre dc la liturgie; Les formules, les acclamations liturgiques, les oraisons, les exorcismes, les préfaces, la psal­ modie, les antiennes, les répons, les hymnes, etc.; Les livres liturgiques, les sacramcniaires, les Icctionnaircs, les évangéliaircs, les missels, les pontificaux, les bréviaires, les rituels, etc. Il y a beaucoup à dire sur ce point ct à ajouter à tous les ouvrages connus. Autant qu il est possible, nous faisons même entrer dans notre travail des dépouillements de catalogues dc manuscrits ct des descriptions de manuscrits qui seront pour les travailleurs de la plus grande utilité. Nous y ajoutons une autre partie nouvelle, des notices sur les documents ou sources liturgiques, comme la Didachè. la Peregrinatio Sylvia?, les ouvrages dc Cassien, en indiquant bien exactement ce qu'on y trouve au point de vue liturgique; Les gestes liturgiques, génuflexions, prostrations, signes de croix, etc.: Les choses et elements. Sous cc titre nous comprenons le sel, l'eau, l'huile, l'encens, le feu, les cendres, les rameaux qui jouent aussi un grand rôle dans la liturgie; les édifices, catacombes, cha­ pelles, basiliques, églises, autels, baptistères, lieux dc pèlerinage, vases sacrés, mobiliers des églises; Les familles liturgiques, les liturgies orientales, la liturgie grecque, les liturgies latines romaine, umbrosienne, gallicane, mozarabe). Sur ce point aussi, le dictionnaire fournit des éléments nou­ veaux et décisifs aux controverses si importantes que soulèvent ces questions; Les personnes. Celle autre catégorie liturgique comprend la hiérarchie pape, évêques, prêtres, diacres, rt autres ministres), les moines qui ont toujours eu une liturgie spéciale, question fort peu étudiée encore ct qui fournit une importante contribution à la liturgie; les fidèles, les catéchu­ mènes, les vierges ct les veuves, les voyageurs et les pèlerins, les pénitents, les énergumènes, les malades; La liturgie des morts, si étendue qu'elle peut prétendre à former une branche à part; Le culte du Père, du Fils ct du Saint-Esprit, celui dc Marie, des martyrs et des saints est à proprement parler l'objet dc la liturgie; Le temps forme un autre chapitre qui comprend les heures canoniques, la semaine ct l’année liturgique ct les fêtes; Le chant liturgique. On peut considérer comme toute nouvelle la partie que nous consacrons au chant liturgique. Sur cc terrain on peut dire que, depuis vingt ans, on a fait dc si nombreuses découvertes que cc coin de la science a été renouvelé. Nous sommes heureux de rappeler que le centre de ccttc restauration a été l'abbaye dc Soleemcs, et les bénédictins de celte savante con­ grégation qui collaborent au dictionnaire sc trouvent ainsi tout près de la source ct peuvent y puiser à discrétion. Enfin, pour ne laisser de côté aucun élément d'information, nous consacrons des notices bio­ graphiques aux principaux liturgistcs, non pour donner le détail de leur histoire que l’on retrouve dans tous les dictionnaires biographiques, mais pour exposer aussi clairement que possible ce que leur doit la science liturgique ct en quoi ils l’ont fait progresser. Pour la partie illustrée, dans ces questions où l’exactitude est si importante, nous laissons de côté les anciennes gravures, la plupart du temps fantaisistes, et nous avons recours, toutes les fois qu'il est possible, à des photographies. LETOUZEY ET ANÉ, éditeurs, 87, Boulevard Raspail. — PARIS-VI En cours de publication S UP PLÉMEN T ▲u DICTIONNAIRE DE LA BIBLE F. de VIGOUROUX PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE PROFESSEUR AVEC LE D'EXÉGÈSE A L'UNIVERSITÉ CONCOURS CONDITIONS DE ET CATHOLIQUE NOMBREUX MODE DE DE LILLE COLLABORATEURS PUBLICATION Le SUPPLÉMENT AU DICTIONNAIRE DE LA BIBLE parait par taacloulaa in-4· de 128 pages. Le prix de chaque taaoloule est de12lr. (plu· I· port) payables dan· la quinzaine qui suit la réception de chaque fascicule. En oas do non-paiement, loo frais do reoouvrement sont A la ohargo du oouocrlptour. Los fascicules ne te vendent pas séparément. Un supplément au Dictionnaire de la Bible s’impose. M. Vigouroux lui-même en avait, de son vivant, reconnu la nécessité, et la mort seule l'a empêché de réaliser son projet. L'heure semble venue maintenant d’y donner suite. D’après le plan qui a été élaboré, le Supplément au Dictionnaire de la Bible a pour but : 1° de mettre au point les articles déjà existants; 2° d’insérer à leur place alphabétique les articles qu’imposent les dérisions, études et décou­ vertes récentes; 3° de traiter les questions de théologie biblique qui n’avaient pas, au moment où fut rédigé le Dictionnaire, l’importance qu’elles ont de nos jours et qui furent, pour ce motif sans doute, passées à peu près complètement sous silence. Ainsi le mot « Trinité » ne figure pas dans le Diction­ naire de la Bible, et cinq lignes seulement sont consacrées au mot « Dieu »; •1° de traiter diverses questions d’ordre général. On pourra ainsi donner à l’occasion des vues d’ensemble sur l'Anclen ct le Nouveau Testament, sur la littérature ct l’histoire bibliques, suries peuples qui furent cn relation avec les Hébreux, sur les Apocryphes juifs, sur le milieu contempo­ rain du Nouveau Testament, les mystères païens, etc., etc. Le Directeur du Supplément et les nombreux et distingués collaborateurs qui ont bien voulu l’assurer de leur précieux concours viseront à poursuivre, dans le même esprit avec lequel elle a été conduite, la tâche du vénéré M. Vigouroux. Comme lui, ils feront avant tout une œuvre catholique et, pour autant que cela dépendra d’eux, une œuvre scientifique. Pour atteindre ce but, chaque article sera confié à la personnalité la mieux à même de le bien traiter en raison de scs études antérieures. Toute préoccupation uniquement polémique sera soigneusement mise de côté; on visera seulement à dégager des controverses du passé ou du présent, sur chaque questionnes points qui peuvent être considérés comme acquis et ceux qui doivent être regardés comme simplement vraisemblables ou douteux ou certainement inacceptables. Cc sera le moyen le plus sûr, semble-t-il, de donner des études qui ne risqueront pas dc vieillir trop vite. En cours de publication DICTIONNAIRE DE DROIT CANONIQUE Publid noun la direction de A. AMANIEU Professeur de droit canonique aux facultés catholiques de Lille. AVEC LE CONCOURS D’UN GRAND NOMBRE DE COLLABORATEURS CONDITIONS L· DICTIONNAIRE DE DROIT ET MODE CANONIQUE DE PUBLICATION paraît par faacioul·· Ιη-4· de 128 pages environ. Le prix de chaque fascicule est de 12 francs, port en plus, payables dans la qulnr.alno qui suit la réception de chaque fascicule. En cas de retard dans le paiement, les frais do recou­ vrement sont à la charge du souscripteur. Los fascicules et les volumes ne se vendent pas séparément. Ce nouveau dictionnaire, voici dans quel esprit 11 est conçu. Asservi, comme tout dictionnaire, aux caprices de l’ordre alphabétique, Il ne peut être un traité proprement dit de droit. Il veut néanmoins faire dans In mesure du possible œuvre utile, pratique en même temps et scientifiquement au point. Œuvre pratique. Il contiendra comme titres d'articles les termes canoniques contenus chez les meilleurs et les plus complets de scs devanciers. Évidemment, on devra faire un choix, mais ce choix sera le plus large possible. Ces termes pourront se présenter dans l’une ou l’autre des catégories suivantes : 1· Les termes de droit proprement dit ou de Jurisprudence, dont les uns seront des termes de pur droit, comme achat, accusation, admission et autres similaires : à propos de ces mots, il n'y aura qu'à donner l'état précis de la doctrine ou de la jurisprudence avec, très brièvement, s'il est nécessaire, l’exposé rapide des modifications Introduites depuis peu. D’autres mots, comme abbé, affinité, divorce, paroisse, vicaire, visite ad limina, etc., fourniront matière à un exposé plus détaillé de la discipline antérieure, toujours nécessaire pour comprendre les ouvrages et traités canoniques anciens, el qui a exercé une Inlluence sur la formation de la discipline postérieure. On se souviendra toutefois qu’un dictionnaire est de sa nature un résumé et que le lecteur lui demande une mise au point plutôt que des développements historiques; le droit précis et actuel plutôt que l’histoire de ce qui n'est plus que le passé. 2° Les termes désignant les Institutions de l’Église ou instruments de la formation du droit : collections canoniques, dont l'histoire n’a pas encore été écrite complètement et dont les résultats aujourd’hui acquis n'ont pas encore fait l'objet d’un exposé d’ensemble; organismes de tout ordre, dicastères romains (tribunaux, congrégations, etc.), institutions comme doyennés, archiprêlrés. dont la connaissance est si malaisée parce que l'histoire de la plupart d’entre eux n’a même pas été ébauchée. 3· Les articles sur les principaux canonistes, comprenant des notes biographiques succinctes, la plupart étant plus connus par leurs œuvres que dans le détail de leur vie, des renseignements biographiques avec les caractéristiques de leur esprit et de leur influence sur l’intelligence et sur la formation du droit ou de la doctrine. La publication du Code n'arrêtera pas la vie de l’Église, mais celle grande œuvre fixe l’ensemble d'une discipline pour plusieurs générations, et les Inévitables retouches partielles que la législation ecclésiastique pourra subir n'auront qu'une Importance minime dans l'ensemble de nos lois. Dans notre intention et sans pouvoir fixer prématurément des limites infranchissables, on s'efforcera de se tenir à un maximum voisin d'une trentaine de fascicules qui paraîtront à des dates aussi rapprochées que le permettront les circonstances et les collaborateurs.