SOURCES CHRÉTIENNES Collection dirigée par H. de Lubac, 3. ei J. Daniéiou, s. j. Secrétariat de direction : C. Mondéscrl, s. /. N® 48 HOMÉLIES PASCALES III UNE HOMÉLIE ANATOLIENNE SUR LA DATE DE PAQUES EN L’AN 387 ÉTUDE, ÉDITION ET TRADUCTION PAR F. FLOËRI et P. NAUTIN Ouvrage publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique ÉDITIONS DU CERF, 29, Bd de la Tour Maudouro, PARIS 1957 .NIHIL ODSTAT I Lugduni, IS februarii 1957 CL MONDÉSERT, s. j. cens. dcp. imprimatur : Parisiis, 21 februarii 1957 Pierre GIRARD, s. 8. i -2. A MA SŒUR F. F. 21803 JÙNIO'57 · INTRODUCTION I 1 Pourquoi la date de Pâques est-elle mobile, alors que Noël, l’Épiphanie et toutes les fêtes de saints sont à jour fixe ? Chacun de nous s’est posé un jour cette question. Les Chrétiens de l’antiquité se la posaient déjà, et un homéliste d’Asie Mineure, dans la semaine du 28 février au 7 mars 387, entreprit d’y répondre du haut de la chaire, dans le détail. C’est son sermon qu’on lira dans ce volume. Il n’existe pas, dans toute la littérature patristique, d’exposé plus complet des raisons spirituelles par lesquelles 1’Église chrétienne a justifié, et pour les­ quelles elle a conservé jusqu’à nos jours sa manière de dater la fête de Pâques. Contrairement aux autres homélies de la même collection, éditées dans les deux volumes précédents, celle-ci a été utilisée depuis longtemps par les histo­ riens. On s’en est servi d’abord, depuis Ussher au xvne siècle, pour connaître le calendrier asiate. Elle resta un des documents principaux pour l’étude de ce calendrier jusqu’à la publication, en 1899, d’une inscription de Priène qui nous a rendu en grande partie les actes de l’assemblée provinciale d’Asie qui l’institua vers l’an 9 avant J.-C. Les histo­ riens n’ont pas manqué, non plus, de relever les 1-1 8 INTRODUCTION indications que notre texte fournit sur la Pâque des Novatiens et celle des Montanistes. Il confirme ce que Sozomène nous apprend au siècle suivant. Nous pouvons même ajouter, en attendant de le démontrer ailleurs, que cette homélie est la sour< de Sozomène. La doctrine elle-même de l’auteur mérite attentioi Elle présente des ressemblances assez frappantes avec celle de Grégoire de Nysse. Nous aurons l’occa sion de la rapprocher notamment de la théologi nysséenne du Temps, dont on n’a pas assez remarqu l’originalité. Comme l’étude d’un texte aussi complexe exigeait des recherches étendues que d’autres travaux m’em­ pêchaient d’assurer seul, j’ai demandé à M. Fernanc Floëri de faire cet ouvrage avec moi et je le remercie beaucoup d’avoir accepté. C’est une œuvre à deu: Je fruit d’une amitié, comme en fut témoin celle qui ensemble nous le dédions, l’aimable et discrète providence de nos longues séances de travail a 1’ombre de Saint-Étienne-du-Mont. Nous exprimons toute notre reconnaissance M. Jean Scherer qui a bien voulu revoir attenti vernent notre traduction et dont les remarques no ont été précieuses. P. N. ÉTUDE CHAPITRE PREMIER LA TRADITION ET L’ÉTAT DU TEXTE Cette homélie, la septième et dernière de la collec­ tion dite τά σαλπίγγια qui nous vient sous le nom de Jean Chrysostome, se trouve d’abord dans les cinq manuscrits contenant la collection complète, qui ont été étudiés dans nos volumes précédents1 : 1) V = codex 6 des Vlatées à Salonique, fin ixe s., fï. 405 rM14 v2. Un feuillet a été arraché à la fin du manuscrit, emportant avec lui la fin de notre homélie. Le dernier feuillet conservé s’achève avec les mots εϊκάδι έννάτη του μηνάς ή άναστά-, infra, ρ. 171, 5. 2) Μ = Marcianus gr. Αρρ. II, 59, χνι® s., ff. 27 v-38 v. On sait que ce codex porte des compléments et des corrections de Margounios, que notis désignons par le sigle M*. 3) O = OUobonianus gr. 101, xvn* s. ff., 32 r-46 r. Le copiste n’a pas laissé d’espaces blancs comme 1. Homélies pascales, I. I, p. 16-28, et t. II, p. 17-25. 12 TRADITION ET ÉTAT DU TEXTE dans les homélies I-III de la même collection. Mais on trouve à nouveau quelques corrections faites par la seconde main que nous avons signalée (t. Il, p. 19), pour laquelle nous employons le sigle O*. Quand c’est la première main qui s’est corrigée ellemême, nous utilisons le sigle 0e0'. 4) B = Baroccianus gr. 212, xvi® s., ff. 327 r333 v. Margounios, qui est l’auteur de cette copie, s’est servi pour elle d’un autre modèle que celui qu’il a utilisé pour les compléments du Marcianus 5) Alhonensis Valopedinus 318, xvii® s. Nous n’avons pas pu collationner ce codex, qui appartient au même type d’homiliaire que le Marcia­ nus et VOllobonianus déjà cités. En outre, l’homélie figure, à l’état isolé, dans un I sixième témoin : 6) H = Hierosolymitanus s. Crucis 35, xv® s., 1T. 127 r2-134 r1. Dans cet homiliaire1, copié par une femme du ; nom de Smaragda, l’homélie est destinée au jour de I Pâques et vient après deux discours de Chrysostome] sur la résurrection, d’où son titre : troisième discours : du même sur la sainte Pâque, του αύτοΰ εις τύ άγιον J πάσχα λόγος γ'. Cette copie comporte une longue! omission, infra, p. 127, 9-131, 12, qui paraît corres-1 pondre à un feuillet qui avait été arraché soit dans] 1. Décrit par Papadopoulos-Kerambus, Ίεροσολυμιτική βιβλίο· ] θήζη,Ι. Ill, 1897, p. 73-83. LES MANUSCRITS 13 le modèle utilisé par Smaragda. soit dans un des ancêtres de ce modèle. Le texte fourni par ce témoin a été emprunté à la collection des σαλπίγγιά et présente une parenté spéciale avec celui de B. Les deux manuscrits ont en commun de nombreuses leçons que n’ont pas les autres : p. 119, 16 ; 121, 7, 14 ; 131, 18 ; 133, 9, 22 ; 135, 18, 21 ; 137, 16 ; 141, 17 ; 143, 5 ; 145, 8 ; 149, 9 ; 151, 15 ; 153, 13 ; 155, 3, 10 ; 159, 5, 6, 7 ; 161, 17 ; 163, 11 ; 167, 14 ; 169, 14. Ces rencontres attestent que B et H ont un plus proche ancêtre commun qui n’a pas influé sur les autres manuscrits ; nous l’appel­ lerons g. Pour le reste, la généalogie que nous avons proposée dans le tome I, p. 27-30, se trouve confirmée : 1) La parenté de V et du modèle II de Margounios (connu par M* et par l’édition de Savile1) est prouvée par les leçons suivantes qu’ils avaient en commun et qui sont absentes des autres témoins : p. 117, 3, 6-8 ; 121, 21 ; 133, 14 ; 143, 6, 23-24 ; 145, 10 ; 153, 8 ; 161, 5 ; 167, 21. Le sigle c désignera le plus proche ancêtre commun de V et du modèle II de Margounios. 2) La parenté de M et O est aussi claire. Leurs leçons propres, dont beaucoup se présentent comme I. Τοΰ èv άγίοις πατρός ήμών Ίωάννου αρχιεπισκόπου Κωνταντινουπόλεως τού Χρυσοστόμου των εύρισκομένων τόμος πέμπτος, Eton, 1612, ρ. 930-940. Le texte de Savile a été simplement repris par B. de Montfaucon, S. P. N. Joannis Chrysoslorni archiepiscopi Constant inopoli la ni, t. VIH (spuria), Paris, 1728, p. 275-284, dont l’édition a été reproduite ensuite par Mione, P. G., L1X, 746-756. 14 TRADITION ET ÉTAT DU TEXTE des corrections intentionnelles, sont nombreuses : p. 113, 4, 16; 115, 9; 117, 5, 14; 119, 14, 19; 121, 17, 21 ; 125, 16, 22-23 ; 129, 1, 12, 23 ; 131, 13, 14, 133, 4, etc. Nous ferons donc une place au plus proche ancêtre commun de ces deux manuscrits, désigné par le sigle e. 3) Le seul point de la généalogie sur lequel on pourrait hésiter est de savoir comment se situent les uns par rapport aux autres les trois ancêtres que nous venons de reconnaître : c, e et g. Nous avons admis dans le tome I, p. 29, que e et le modèle I de Margounios (donc g) dépendaient d’un manuscrit antérieur qui n’avait pas eu d’influence sur c, et nous en donnions pour preuve une omission de l’homélie VI qui se constate dans les descendants de e et du modèle I de Margounios mais ne s’est pas produite dans les descendants de c (t. I, p. 169, 18-20)Cette conclusion pourrait paraître remise en question par notre homélie VII, où nous trouvons, à l’inverse, une omission commune à c et e et absente de g (infra, p. 129, 20-23). Nous maintenons néan­ moins que la parenté est entre e et g pour les deux raisons suivantes : a) L’homélie II nous a fournit deux autres fautes propres à e et g : l’addition de Ουσίαν (t. II, p. 77, 13) et la répétition de δρίσαι καί χρΐσιν αίματος επί ταϊς είσόδοις ποιήσασΟαι τί δέ ισχυρόν είς την των πρωτοτόκων (ibid., ρ. 77, 14). On peut ajouter, dans 1. La leçon ίτι γη que nous indiquions ensuite comme une faute parait Cire en réalité la leçon originale, cf. t. II, p. 125. LE CLASSEMENT DES MANUSCRITS 15 l’homélie VII, la faute παρεσυνεβλήθη (infra, p. 135, 4-5) \ b) L’omission commune à c et e peut s’expliquer très facilement par une rencontre fortuite. Le texte présentait une série de sept mots consécutifs qui étaient répétés à deux lignes d’intervalle : θεός γενηΟήτω φως καί έγένετο φως (infra, ρ. 129, 20-22). Il y avait beaucoup de chances pour que plusieurs copistes différents sautent du même au même. Nous continuerons donc à désigner par le sigle d le plus proche ancêtre commun de e et g. Et nous aboutissons ainsi au stemma de la page 17. La généalogie des manuscrits et de leurs ancêtres nous fixe la voie à suivre pour l’établissement du texte et nous indique la valeur du texte ainsi obtenu : 1) En confrontant les leçons des témoins actuels, nous remontons de proche en proche jusqu’à deux ancêtres indépendants c et d. Ce premier travail permet déjà de reconnaître les leçons qui se sont introduites après eux. 2) Quand c et d offrent deux leçons différentes, il reste à déterminer laquelle des deux figurait dans leur ancêtre commun, en cherchant laquelle des deux est à l’origine de l’autre. Ici, l’on est souvent très 1. Si cette dernière faute était unique, on pourrait supposer évidemment qu’elle se trouvait dans l’ancêtre commun de c, e et g, et qu’elle a été corrigée ensuite dans c. Mais il est difllcile d'admettre cette explication pour les deux fautes indiquées avant celle-ci ; c ne se présente pas dans l’ensemble comme un texte corrigé. 16 TRADITION ET ÉTAT DU TEXTE embarrassé pour décider. Toutefois cette incertitude ne concerne, en fait, que des divergences sans impor­ tance. 3) Mais on ne doit pas oublier que la confrontation de c et d ne nous permet d’atteindre directement que leur ancêtre commun, c’est-à-dire, en mettant les choses au mieux, le manuscrit écrit par le copiste qui a inséré l’homélie VII dans la collection des σαλπίγγια. Or, entre le manuscrit archétype écrit ou dicté par l’auteur et le manuscrit écrit par ce copiste, il y eut certainement plusieurs copies inter­ médiaires, et chacune d’elle exposait le texte à rece­ voir des altérations. Effectivement, on constate que le texte qui est arrivé à c et d contenait déjà plusieurs fautes manifestes. C’est ce qui a amené certains des copistes postérieurs à tenter des corrections. Il faut signaler en particulier celles que M et O ont trouvées] dans e. Le copiste inconnu à qui on les doit a souvent corrigé ce qui ne devait pas l’être, mais d’autres fois ses restitutions sont heureuses et nous les retiendrons (p. 113, 16 ; 119, 14 ; 121, 19 ; 125, 16 ; 129, 10, 11 ; 131, 13 ; 137, 13 ; 147, 8 ; 159, 7 ; 161, 17). Nous en trouverons une autre utilisable dans B (p. 165, 14) trois chez Margounios (p. 121, 21 ; 139, 4 ; 171, 18 et trois chez Savile (p. 129, 1 ; 133, 15; 171, 12) Nous en proposons de notre côté quelques autre! (p. 111, 6; 113, 16; 115, 16; 117, 2; 119, 3, 18 133, 20 ; 139, 4 ; 141, 12, 18 ; 143, 7 ; 147, 18 ; 149 15; 151, 6, 15; 155, 14, 19; 157, 1, 22; 161, 9 167, 13, 14; 171, 5), mais nous avons échoué devant PRINCIPES DE L’ÉDITION 17 la faute de 125, 23. En raison de ce nombre de fautes, il arrive qu’on hésite sur d’autres détails du texte transmis. Mais on ne saurait mettre en doute la fidélité de l’ensemble. a (auteur de l'homélie VII) CHAPITRE II LA DATE DE L’HOMÉLIE Comme l’auteur nous indique la date de Pâques pour l’année en cours et pour les trois suivantes, il nous sera facile de déterminer d’une façon rigou­ reuse en quelle année il écrit, à la double condition toutefois que nous puissions convertir ces dates pascales en calendrier julien, car il les exprime en calendrier asiate, et que nous connaissions le cycle pascal qu’il utilise. Vers l’an 9 avant J.-C., l’assemblée provinciale de l’Asie proconsulaire adopta, sur la proposition du proconsul Fabius Paulus Maximus, un calendrier spécial qui s’étendit de là à d’autres provinces, et sur lequel nous sommes renseignés par plusieurs documents épigraphiques et littéraires1. Ses principes étaient les suivants : 1. Nous pouvons nous contenter ici d’indiquer les deux sources; principales dont on dispose actuellement sur le calendrier asiate : 1) l'Hémirologe des mois des difjérentes citis, édit. W. Kubitschek, Die Kalenderbtlcher von Florenz, Hom und Leyden, dans les Denksch· riften der Kais. Ak. der Wits, in Wien, Philos.-hist. Kt., 57. Bd, 3. Abh., Vienne, 1915 ; 2) l’inscription de Prlène, publiée par Th. Mommsen et U. v. Wii.amowitz-Moellendokf, Die EinfQhrung LE CALENDRIER ASIATE 19 1) L’année asiate commençait au IX des calendes d’octobre (23 septembre), en l’honneur de la nais­ sance d’Auguste, dont ce jour était l’anniversaire, et chaque mois de l’année commençait de même au IX des calendes du mois romain. Chaque mois asiate avait donc, dans les années communes, la même longueur que le mois romain qu’il devançait de huit jours : 1·' mois, du 23 sept. (IX kal. ocl.) au 23 oct. : 31 jours comme oct. 2· mois, du 24 oct. (IX kal. που.) au 22 nov. : 30 jours comme nov. 3* mois, du 23 nov. (IX kal. dec.) au 23 déc. : 31 jours comme déc. 4· mois, du 24 déc. (IX kal. ian.) au 23 janv. : 31 jours comme janv. 5· mois, du 24 janv. (IX kal. feb.) au 20 fév. : 28 jours comme fév. 6· mois, du 21 fév. (IX kal. mari.) au 23 mars : 31 jours comme mars 7· mois, du 24 mars (IX kal. apr.) au 22 avril : 30 jours comme avril 8« mois, du 23 avril (IX kal. mai.) au 23 mai : 31 jours comme mai 9° mois, du 24 mai (IX kal. iun.) au 22 juin : 30 jours comme juin 10* mois, du 23 juin (IX kal. iul.) au 23 juillet : 31 jours comme Juil. Il* mois, du 24 juil. (IX kal. aug.) au 23 août : 31 jours comme août 12* mois, du 24 août (IX kal. sept.) au 22 sept. : 30 jours comme sept. des asianischen Kalenders, dans les Millheilungen d. Kais. Deulsch. Archdol. Instil., Athen. Abt., Bd 24, 1899, p. 275-293; Dittenberger, OGI, n· 458 ; Hiller von Gaertringen, Inschriften van Prient, n° 105. On ne peut parler du calendrier asiate sans mentionner les deux savants qui surent en découvrir le mécanisme dès avant la découverte de l’inscription de Prièno. Le premier est le philologue allemand Hermann Usener, Osservazioni sulïordinamento dell'anno nella provincia romana d'Asia, dans le liulletino dell'Inslit. di Corrisp. Archcol., 1874, p. 73-80 (article reproduit dans H. Usener, Kleine Schrilten, 3. Bd, Leipzig-Berlin, 1914, p. 464-472) : il reconnut que le principe de ce calendrier était de faire commencer chaque mois au IX des calendes du mois romain, en l’honneur de la naissance d’Au­ guste. Il restait encore à savoir où était inséré le jour intercalaire des années bissextiles ; c’est ce que détermina le patrologuc anglais Cuthbert-Hamilton Turner, The Day and Year o/ St Polycarp's Martyrdom, dans Sludia biblica el ecclesiastica, vol. II, Oxford, 1890, p. 105-155 ; cf. infra, p. 29. L’inscription a confirmé entièrement leurs conclusions. 20 DATE DE L’HOMÉLIE 2) Mais dans la manière de désigner les quantièmes à l’intérieur des mois, on conserva un ancien usage qui voulait qu’on ne dépassât pas le chiffre 30. Cette règle ne soulevait aucune difficulté pour les mois de 30 jours et celui de 28 jours : on comptait les quantièmes de 1 à 30 et de 1 à 28. Un problème^ se posait seulement pour les mois de 31 jours, et il fut résolu de la manière suivante : le premier jour de ces mois était considéré comme étant hors-série, on l’appelait « auguste » (σεβαστή), puis le second jour du mois était nommé «premier» (a'); le troisième jour réel devenait alors le 2 ; le quatrième devenait le 3, et ainsi de suite, pour que le trente-et-unième puisse s’appeler le 301. 3) Dans les années bissextiles, on restait fidèle au principe de faire commencer chaque mois au IX des calendes du mois romain. Le cinquième mois commençait donc le 21 février (IX Kal. mari.) pour se terminer le 23 mars (X Kal. Apr.), ce qui lui donnait 32 jours (9 jours du 21 au 29 février, et 23 jours en mars). Et dans ce cas, pour respecter aussi l’usage de ne pas dépasser le chiffre 30 dans la numération des quantièmes, on avait deux jours hors-série : un « second auguste » (β' σεβαστή) en plus du « premier auguste » (α' σεβαστή). Le calendrier utilisé par notre auteur n’est autre] que celui-là, deux indices le prouvent : 1. 11 existait deux autres manières de numéroter les quantièmes, niais il nous suffit de décrire ici celle que nous retrouvons dans l'homélie. 21 LE CALENDRIER ASIATE 1) L’homélie indique que la fête de l’Épiphanie se célèbre «le 13 du 4® mois asiate» (p. 113, 11). D’après le calendrier dont nous venons de rappeler les principes, cette date correspond bien au 6 janvier, attesté dès le ive siècle comme jour de l’Épiphanie : Calendrier asiate 4e mois σεβ. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 Calendrier julien IX kal. ian. VIII — — VII — — VI — — V — — IV — — III — — pridie kal. ian. kalendœ ian. IV non. ian. III — — pridie non. ian. nonx VIII id. — 24 décembre 25 — 26 — 27 — 28 — 29 — 30 — 31 — l«r janvier 2 — 3 — 4 — 5 6 — Fêtes Noël Épiphanie 2) Notre texte dit encore que les Montanistes fixent leur dimanche pascal, non d’après le 14 de la lune, comme la grande Église, mais d’après le 14 du 7e mois asiate (p. 119, 11-13). Le calendrier susdit donne comme équivalent le 6 avril. C'est effectivement le jour indiqué par Sozomène : « Ils disent que le 14 indiqué par les Écritures est le VIII des ides d’avril [6 avril] »x. 1. Sozomène, Hist, eccl., VII, 18 (F. G., t. LXVII, col. 1473 Λ) καί ταύτην [—τήν είρημένηυ ταις ίεραϊς γραφαίς τεσσαρεσκαιδεκατα(αν] είναι λέγουσι την πρό όκτώ Ιδών άπριλλίων. 22 DATE DE L’HOMÉLIE Nous pouvons donc en toute sûreté traduire en! calendrier julien les quatre dates pascales indiquées; par l’auteur (p. 171, 2-5) : année encours : 2/VIIIasiate = 25 avril 2e année : 17/VII — =9 avril 3® — . : 9/VII — = l«r avril 4e — : 29/VII — = 21 avril. Mais d’après quel cycle pascal ces dates ont-elles·. été calculées1 ? Il n’est pas douteux que c’est d’après le cycle alexandrin classique. Ni le comput romain, ni le comput antiochien ne peuvent venir en cause. Pour le premier, nous n’avons aucun indice qu’il ait jamais été utilisé en dehors des limites du patriarcat de Rome, c’est-à-dire en dehors de l’Occident ; en outre, il refusait de mettre le dimanche de Pâques] à une date postérieure au 21 avril, quitte à prendre' une pleine lune antérieure à l’équinoxe2 : position 1. On pourrait croire qu’une fois en possession de ces quatre' dates, il ne reste plus qu’à consulter une table pascale perpétuelle.: Pour peu qu’on connaisse l'histoire du comput, on sc voit obligé à] plus de précautions. Car les Tables perpétuelles qui sont éditées! aujourd’hui reposent sur le comput alexandrin classique (adopté par j Γ Église romaine au vi· s.). Comme il a existé d'autres computs dans ' l’antiquité, nous devons justifier au préalable pourquoi nous allons 1 consulter celui-ci. 2. La limite du 21 avril est strictement respectée dans la table ] pascale qui part de l’an 222 et fut composée peu après cette date, ! dans la table pascale du Calendrier romain de 354 et dans celle de! 382. Elle est expressément énoncée dans le prologue à cette dernière! Table §§ 6 et 8 (édit. B. Kri.-sch, Studien sur chrisllichc-millelaller-\ lichen Chronologie. Der 84· jührige Oslercyclua und seine Quelle, Leipzig, 1880, p. 232, 233). Elle est encore attestée par la Chronique î des Lettres pascales d’Alhanase, à propos de l'année 349 (cf. la ’ rétroversion grecque de E. Schwartz, Chrislliche und jadische LE CYCLE PASCAL UTILISÉ 23 absolument contraire à celle de notre homéliste. Quant à la méthode d’Antioche, avant que cette ville adoptât le comput alexandrin dans la seconde moitié du ive siècle, elle consistait à prendre le dimanche qui suivait la Pâque juive, et n’était rien d’autre que la méthode des Novatiens expressément combattue dans l’homélie1. Mais ce fut la caractéris­ tique d’Alexandrie d’exiger que le XIV lunae ne soit jamais antérieur à l’équinoxe2. L’acharnement avec lequel notre auteur défend cette règle suffît à prouver qu’il est rallié au comput alexandrin. Et il n’y a pas lieu de faire intervenir un cycle lunaire d’Alexandrie différent de celui du comput alexandrin classique, comme était peut-être celui d’Anatolios au ni® siècle. Car, en toute hypothèse, l’homélie ne peut pas être antérieure à l’année 387. Nous savons, en effet, qu’en 349 l’évêque d’Alexandrie, qui était Athanase, n’osait pas encore franchir la limite romaine Osterlafeln (“ Abh. d. Kgl. Ges. d. Wiss. zu GOllingen, Phil.-Hisl. KL, Noue F'olge, VIII/6], Berlin, 1005, p. 28). On sait enfin qu’elle fut l'occasion des controverses de 444, 455 et 601. Sur l’origine de cette règle, nous nous permettons de renvoyer û un ouvrage en prépa­ ration, P. Nautin, La Pâque chrétienne et le comput pascal dans les premiers siècles (coll. Palrislica). D’une façon générale, c'est à cet ouvrage qu'on se reportera pour la justification do tout ce qui sera dit ou supposé dans ce chapitre et le suivant. 1. Cf. infra, p. 39. 2. Cette règle est énoncée par Anatole de Laodicèe (vers 260275), d’abord prêtre d’Alexandrie (dans le fragment rapporté par Ecsêue, Hist. Eccl., VII, xxxii, 14-19, infra, p. 46) ; elle est défendue contre un certain Tricentius par l’évêque Pierre d’Alexandrie (premier des fragments cités par le Chronicon pascale, P. G., t. XCII, col. 72 B 4-9 et 73 B 4-10) ; on la retrouve enfin chez Th^ophilf d’Alexandrie, Prologue à sa Table pascale (édit. Krusch, I. L, p. 223). · 24 DATE DE L HOMÉLIE du 21 avril1. Or notre auteur affirme qu’elle a déjà été franchie (p. 169, 4), ce qui a pu se produire au plus tôt en 360. Pour trouver après 360 un dimanche 25 avril susceptible d’être le dimanche de Pâques, il faut descendre jusqu’en 387. A cette date, le cycle classique était déjà en vigueur2. Et, de fait, nous trouvons parmi ses XIV lunae, un 18 avril3, comme le dit l’homélie (p. 167, 12). C’est donc bien d’après le comput alexandrin classique que l’auteur a calculé ses dates pascales. Mais point n’est besoin, pour déterminer l’année où il écrit, d’utiliser les quatre dates qu’il indique. Les deux premières suffisent. Car en les examinant on découvre que l’année en cours était une année prébissextile. En effet, dans deux années consécutives, quand la première a un dimanche au 25 avril, la seconde ne peut avoir un dimanche au 9 avril que si intervient entre ces deux dates le jour intercalaire qui caractérise les années bissextiles. Comme nous savons que dans le calendrier asiate ce jour était 1. Chronique des Lettres pascales, ci. Schwartz, I. I., p. 2 2. La Table pascale de Théophile d’Alexandrie, qui était construi d’après ce cycle et qui le rendit classique, partait du premier consul; do l'empereur Théodose, en 380 (voir la lettre de Théophile à Thêodoe § 3, dans Kruscii, 1.1., p. 221). Comme elle dit « ton premier consulat en précisant « premier », elle a dû être composée après le second cons lat de l'empereur, qui fut en l'année 388, mais certainement très p< après cette date, si ce n'est pas en cette année même, car la lett d’envoi à l’empereur fait allusion à des discussions entre évêque Prologue de la Table se borne à traiter des règles qui étaient en cai dans cette année-là. 3. Voir le cycle dans Schwartz, I. I., p. 13. l’année 387 25 inséré en février1, nous en concluons que la seconde année est bissextile, et la première prébissextile. Or, si nous cherchons, dans n’importe quelle table faite d’après le comput alexandrin classique, une année prébissextile dont le dimanche pascal est le 25 avril, nous trouvons précisément l’année 387 et, en vertu même de la construction du cycle, point d’autre à moins d’un intervalle de 532 ans, soit en l’année 146 av. J.-C. et en l’année 919 ap. J.-C.23 *. La première de ces deux années s’écarte d’elle-même. La seconde ne peut pas davantage être retenue, car au xe siècle il y avait beau temps que les Novatiens et les Montanistes, auxquels s’en prend l’homéliste, avaient disparu et qu’une Pâque au 25 avril était considérée comme normale où que ce soit dans le monde de langue grecque. L’année 387 est donc la seule où notre homélie a pu être composée8. 1. L’inscription de Prlène nous a définitivement renseignés. 2. On peut se servir soit de la table donnée par Schwartz, I. I., p. 185-195, soit de n’importe que! calendrier perpétuel, puisque ces calendriers sont calculés d’après le cycle actuel, qui n’est rien d'autre que le cycle alexandrin classique. SI l’on préfère utiliser les caractérismes de l’année, on cherchera une année prébissextile qui ait à la fois la lettre dominicale C (puisqu’un dimanche au 25 avril suppose, dans une année commune, que le l«r janvier est un vendredi) et le nombre d’or 8 (c’est en la 8e année du cycle qu’on a le XIV lunae au 18 avril). Le résultat sera toujours le même. 3. On pourra constater que les dates indiquées pour les années suivantes correspondent bien à colles des années 388, 389 et 390. Mais cela n'ajoute rien à la démonstration, pas même un confirmatur, car deux Pâques consécutives au 25 avril et au 9 avril entraînent nécessairement, pour les deux années suivantes, le l«r avril et le 21 avril. Si une démonstration de ce genre avait besoin d’une confir­ mation, on la trouverait amplement dans l’exacte correspondance de tous les détails de l'homélie avec la situation historique de 387, comme on le verra dans le chapitre suivant. 26 DATE DE L’HOMÉLIE On peut même préciser la semaine pour laquell elle a été écrite, grâce à cette phrase : « Qu’on purirt sa pensée avant la semaine qui vient, et qu’on sach qu’elle est la première des sept semaines et qu’il faul la jeûner » (p. 171, 23 s.). Pâques étant le 25 avril, 11 première des sept semaines de jeûne commençait 1 lundi 8 mars. Nous situerions donc volontiers l’homélil au dimanche 7 mars, veille du jeûne. On objectera peut-être que si l’auteur avait prêché le dimanche 7 mars, premier jour de la même semaine, il aurait dit a cette semaine-ci » plutôt que « la semaine qui vient ». Mais ce n’est pas certain, car, en pareil cas,! Τ· on pouvait encore parler de la «semaine qui vient» en entendant par là les autres jours de la même! semaine, puisqu’il s’agissait d’une semaine de jeûne et qu’on ne jeûnait pas le dimanche. Que si l’dn doit vraiment entendre l’expression dans le sens où nous disons « la semaine prochaine », on en conclut) que l’auteur a composé l’homélie pour une des synaxe de la semaine précédente. Pour n’exclure aucune de deux interprétations, contentons-nous d’affirmer qu ce texte a été écrit pour être prononcé dans la semaini du 28 février au 7 mars de l’année 387. Est-il beaucoup d’homélies sur la Pâque qui se laissent dater à uni semaine près ? L’année étant connue, il est encore possible di déterminer le jour où les Montanistes et les Novatienl se préparaient à célébrer leur fête pascale. Ne map quons pas de le chercher, car cela nous permettri de reconstituer d’une manière très précise la situation pascale en 387. LES PÂQUES NOVATIENNE ET MONTANISTE 27 Les Montanistes ne prenaient pas le 14e jour de la lune, mais invariablement le 14 du septième mois asiate, le 6 avril, et renvoyaient la fête au dimanche suivant (p. 38-39). En 387, le 6 avril étant un mardi, ils fêtèrent Pâques le dimanche 11 avril. Les Nova tiens prenaient le même 14e jour de la lune que les Juifs, et mettaient leur fête au dimanche suivant (p. 39). L’homéliste précise ailleurs que, dans l’année en cours, ce 14e jour de la lune est avant l’équinoxe (p. 125, 21), ce qui signifie pour l’auteur qu’il tombe avant le 21 mars. Le cycle alexandrin le place au 19 mars. Certes, les Juifs ne se servaient pas de ce cycle pour calculer le 14e jour de la lune, mais leur date ne pouvait pas s’en écarter beaucoup. D’une part, en effet, elle n’était pas après le 20 mars, puisque notre homélie la dit antérieure à l’équinoxe ; et, d’autre part, elle ne pouvait pas être plus tôt que le 16 ou le 15, sous peine de contredire d’une manière trop criante la pleine lune que chacun avait le loisir d’observer dans le ciel. Quelque jour que les Juifs aient pris entre le 15 et le 20, il reste que le dimanche suivant était le 21. C’est donc le 21 mars que les Novations avaient leur Pâque. Toutes ces dates sont récapitulées et justifiées dans le tableau des pages 32 à 34. Ce calendrier pascal de l’année 387 va nous aider à comprendre le problème devant lequel notre homéliste se trouvait placé et la solution qu’il défend. BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE Ussher, De Macedonum cl Asianorum anno solari dissertatio,' éditée à la Buite de scs Annales Veteris et Novi Testamenti, Brême, 1686, p. 91-126 de l’appendice. Ussher fut le premier à s’intéresser à notre homélie, et c’est par son ouvrage que les historiens postérieurs ont eu l’attention attirée sur cette pièce cachée dans les spuria de Jean Chrysostome. Il cherchait à découvrir le mécanisme du calendrier asiate, dont on trouvait l’emploi dans quelques textes des premiers siècles mais sur lequel on ne possédait que des renseignements très fragmentaires, puisqu’on ignorait encore l’HéméroIoge (qui ne devait être connu, et bien imparfaitement, qu'en 1715). Les quelques donnée» dont Ussher disposait ne lui permettaient pas de traduire d’emblée en calendrier romain les quatre dates pascales que l'homélie donnait en calendrier asiate. Mais elle disait que Pâques n’avait jamais eu lieu avec un aussi grand retard [infra, p. 169,3). Ussher en inféra qu’elle avait été écrite dans une année où le dimanche pascal était le *25 avril, date la plus tardive où Pâques puisse se trouver. En cela, Ussher était tombé juste. Mais il fut moins heureux en supposant que le jour intercalaire des années bissextiles était placé en septembre, parce que l’année asiate commence dans le cours de ce mois. La conséquence fut qu’il considéra l'année de l’homélie comme une année bissextile, alors qu'elle est prébissextile tâche lui était beaucoup facilitée, puisque l’inscription indique expros sèment que le jour intercalaire se situe au début du mois commençan en février. Pour déterminer comment on désignait ce jour intercalaire Dessau utilise à son tour l'inscription d'Éphèse de l’an 101 mon tionnant un β' σεβαστή. Passant ensuite à la date de l'homélie, I n’a aucune peine à montrer comme Turner que la séquence de quatre dates pascales qu'elle indique ne se trouve réalisée que dan les années 387-390. El, comme Turner, U cite, pour finir, la leltr d’Ambroise. 31 BIBLIOGRAPHIE CRITIQUE Ce n’est pas à Dessau mais à Turner que revient le double mérite d’avoir découvert le mécanisme de l'intercalation dans le calendrier asiate et la date exacte de l’homélie du ps.-Chrysostome. 2 CALENDRIER PASCAL DE L’ANNÉE 387 CALENDRIER PASCAL DE 387 33 ?) ( Pâque romaine des Montanisles 14 ! Θ UJBlUOtl Θ ït 5 □ c = S Ç « '5 ~ "S = £ d « ‘ï sge,gs:a.2Ee®1f5:35aE jeudi vend, sam. aim. lun. la semaine a 5 G rt y. O 5 O □ c£ ΈΓΪ 1 1 1 1 1 1 1 1 i 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 - X C· Ç : : e « 2 o - 5 julien lunae X9(V axoujnba upp -uexaiv Dates correspondantes du calendrier Jours do ------XIV ■ " Pâque des Montanlstes CALENDRIER PASCAL DE 387 34 1 1 1 II 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 3 1 1 I 1 1 I 1Γΐ 1 1 1 1 1 1 1 1 1 5 à. 3 *<*:*:>< k S 1 1 1 i U- 1 CHAPITRE III L’OCCASION DE L’HOMÉLIE ET LES ARGUMENTS DÉVELOPPÉS PAR L’AUTEUR I. L’occasion de l’homélie En 387 donc, Pâques tombait le 25 avril, si l’on suivait le comput alexandrin, et cette date provoqua des résistances à cause, nous dit l’auteur, de son «retord» (p. 111, 7). Pourquoi la jugeait-on trop tardive ? Pour l’expliquer dans le détail, il faudrait retracer toute l’histoire du comput pascal, mais cela nous entraînerait dans des discussions trop longues et trop techniques, que nous réservons pour un autre ouvrage. Il suffira au lecteur de savoir ceci. Le comput alexandrin n’était pas encore admis partout. Rome, d’une part, conservait ses règles anciennes qu’elle ne devait abandonner définitivement que deux siècles plus tard. En Orient, d’autre part, certaines communautés dissidentes ou même catho­ liques restaient fidèles à de vieux usages locaux, sur lesquels notre homéliste va nous renseigner. 36 l’occasion de l’homélie Or, ni selon le comput romain, ni selon ces anciens I usages orientaux, la date de Pâques ne pouvait des­ cendre jusqu’au 25 avril. 1) Rome avait pour règle que le dimanche de Pâques ne devait pas dépasser le 21 avril12. C’est à cette limite que notre auteur fait allusion quand il dit : « Nos contradicteurs confessent que la Pâque a eu lieu souvent le 29 du septième mois [21 avril] ;3 il ne s’agit donc plus que de deux ou trois jours qu’ils hésitent à concéder à la science » (p. 169, 11). Rome, en effet, trouvait normal que Pâques fût le 21 avril,! mais n’acceptait pas de franchir cette date. Pour l’année 387, la table romaine de 382 laissait le choix entre deux solutions : soit le dimanche 21 mars, soit le dimanche 18 avril®. Nous ne savons pas quelle date précise le pape Sirice a finalement adoptée3, 1. Cf. supra, p. 22, n. 2. 2. La table romaine de 382 donne ces deux dates ( Krusch,I I. I., p. 237, année V). Le prologue de cette table (§ 14, Krusch.’ I. i., p. 235) signale en -outre, qu’un velus laterculum indiquait le\ dimanche V kal. apr. (28 mars), mais cette troisième solution est rejetée par l’auteur du prologue, qui reilète vraisemblablement leu idées de la curie romaine à son époque. 3. Les avis sont partagés: 1) Krusch, p. 80, pensait que laj liste des Pâques effectivement célébrées à Rome depuis 354 jusqu'à 437 nous était conservée par la table du Vatic. Reg. 2077, f. 79-811 éditée depuis lors pur Mommsen, Chronica minora, vol. I (= Afonuiu Germ. hist., Aucl. antiquiss., I. IX, vol. I), Berlin, 1892, p. 740-74» Cette table porte pour 387 (année XXIIII) l’indication VI kal. apr., qui se laisse corriger facilemeut en V kal. apr. (28 mars). Mais, d'une part, cette correction n'est pas certaine (on pourrait corriges aussi bien en XII kal. apr.) ; d'autre part et surtout, cette table, qui comporte exactement 84 ans, est manifestement une table théorique construite sur le cycle de 84 ans et non pas une liste tenue an par ara des dates où l’on a célébré Pâques. — 2) Scuwartz, I. I., p. 541 accordait au contraire pleine confiance à la table qui ligure dans 1· L’USAGE DE ROME 37 mais nous pouvons être sûrs qu’il n’a pas pris la date alexandrine du 25 avril, car on ne s’expliquerait pas la répugnance que la curie romaine éprouvera encore en 444 et en 455 à franchir la limite du 21 avril, s’il y avait eu un précédent en 387. Les deux solutions entre lesquelles hésitait le computiste romain se trouvent combattues dans notre homélie : — La première, dimanche 21 mars, supposait qu’on prît le XIV lunae du mois de mars, qui tombait le 19 mars et était donc antérieur à l'équinoxe. Pour l’homéliste, c’est là une erreur très grave. La règle de l’équinoxe est celle sur laquelle il insiste le plus. — La seconde solution, dimanche 18 avril, satis­ faisait à la loi de l’équinoxe, puisqu’elle s’appuyait sur le XIV lunae d’avril, mais elle avait encore un tort aux yeux des partisans du comput alexandrin. Comme le dimanche de Pâques ne devait pas coïnci­ der avec le jour du XIV lunae mais le suivre, on ne pouvait célébrer Pâques le 18 avril qu’on supposant que le XIV lunae était le 17. Cette solution est celle que notre auteur réfute dans un autre passage : «Si, au sujet de ce 26 du septième mois [18 avril], quelqu'un voulait contester que le 14 [de la lune] tombe, celte année, le dimanche, qu’on l’envoie étudier, s’il le veut, la réponse en prenant les savants païens calendrier romain de 354, laquelle est prolongée jusqu'en 411 (éd. Mommsen, ibid., p. 62-64). Elle porte pour 387 la date du XIIII kal. mai. (18 avril). Nous ne partageons pas la confiance absolue de Schwartz. 38 l’occasion de l’homélie pour témoins que le 14 englobe le dimanche dans sa totalité: le dimanche lui-même et la nuit qui le suit, presque jusqu'au lendemain lundi » (p. 167, 20 s.). 2) La date du 25 avril heurtait aussi quelques usages orientaux sur lesquels l’auteur nous renseigne, lui-même au début de l’homélie (p. 117, 14-119, 23). Il les attribue à trois groupes hérétiques : les Quartodécimans, les Montanistes et les Novations. Les Quartodécimans, qui célébraient Pâques à la même date que les Juifs, le jour de la pleine lune, même si ce n’était pas un dimanche, représentaient un usage qui avait été celui de la plupart des évêques de l’Asie proconsulaire et de la Phrygie à la fin du ne siècle1. Mais depuis cette époque lointaine, les Quarto-, décimans ne devaient plus être très nombreux, à supposer même qu’il en existât2. 11 est très possible que notre homéliste les connaisse seulement par les catalogues d’hérésies, où ils étaient toujours mention­ nés. Quoi qu’il en soit, même s’il en existait encore en 387, ce ne sont pas leurs critiques éventuelles qui ont pu cbranler beaucoup les fidèles de la grande Église, habitués de longue date à célébrer la Pâque; un dimanche. Les Montanistes, dont l’hérésie remontait aussi à la fin du ne siècle, avaient pour usage de prendre le 1. Polycrate d’ëpiiése, Lettre à Victor, citée par EusùbbJ Hist. Eccl., V, XXIV, 2-5. 2. Nous ne suivons pas sur ce point ni sur plusieurs autres l’avis de B. Lohse, Das Paschafcst der Quartadecimaner, Gütersloh, 1953,1 p. 127-130, dont nous discuterons ailleurs les arguments (ci. supra, p. 22, n. 2, fin de la note). l’ancien usage d’antioche 39 14 du mois asiate au lieu du 14 de la lune et de mettre la fête au dimanche suivant1. Leur survie au ive siècle est attestée, mais leur pratique pascale s’écartait trop de la tradition juive et de la tradition chrétienne, qui considéraient toutes deux le 14 de la lune et non le 14 d’un mois civil, pour que les fidèles aient pu attacher beaucoup d’importance à des critiques venant des Montanistes. Il en allait autrement pour les Novatiens. Ils prenaient le dimanche qui suivait la Pâque des Juifs2, et en cela ils ne faisaient que perpétuer l’usage qu’on avait à Antioche et dans plusieurs provinces voisines à l’époque où ils avaient été exclus de la grande Église, c’est-à-dire au milieu du me siècle. Et les catholiques de ces provinces avaient eux-mêmes gardé cette règle pendant longtemps. Le concile de Nicée, en 325, avait demandé qu’on y renonçât3, mais beaucoup d’évêques résistèrent jusqu’après 3424. A l’époque de notre homélie, il existait encore, au moins parmi les moines du désert de Chalcis, à l’est d’Antioche, et ailleurs aussi proba­ blement, des groupes qui continuaient à régler le début de leur jeûne pascal sur la date de Pâques 1. Infra, p. 119, 11-13, 19-23; Cf. SozomÊne, Hist. eccl., VII, 18 (P. G., LXVII, 1474 BC). 2. Infra, p. 119, 2-6; cf. SozomÈNE, Hist, eccl., VU, 18 (P. G., LXVII, 1474 B). 3. Lettre du concile de Nicée aux Égyptiens, éd. Opitz, Athanasius Werke, III, 1, p. 50, 13-51, 2 ; et lettre de l'empereur Constantin aux Églises, ibid., p. 54-57. 4. Canon I du concile d'Antiocbe de 341 (F. Lauchert, Die Kanones der wichtlgsten allkirchlichen Concilien nebst den Apostolichen Kanones, Fribourg-Leipzig, 1896, p. 43) et document du concile des Orientaux de 342 (Schwartz, I. I., p. 122-123). 2-1 40 l’occasion de l’homélie calculée à la manière ancienne1. Les Novatiens et ces autres partisans du dimanche après la Pâque juive pouvaient donc se vanter que leur méthode était celle des anciennes chrétientés locales, et reprocher à ceux des catholiques qui avaient adopté le comput alexandrin d’avoir abandonné, à une date encore récente, la tradition de leurs Pères dans la foi2. Cet argument est de ceux qui font toujours impression. Or nous savons comment les Juifs de ces provinces situaient leur fête : ils prenaient toujours la pleine lune qui tombait en mars3. Les Novatiens et autres partisans de l’ancien usage d’Antioche, qui choisis­ saient leur dimanche pascal en fonction de la Pâque j juive, avaient donc, environ deux années sur trois, I une pleine lune pascale qui se trouvait antérieure à l’équinoxe. C’était le cas en 387 : les Juifs avaient leur Pâque dans la semaine qui précédait le dimanche | 21 mars. On comprend dès lors l’insistance avec laquelle notre auteur va défendre la loi de l’équinoxe, et pourquoi aucune autre règle n’occupe autant de place que celle-ci dans l’homélie. C’est que la solution! du dimanche 21 mars n’était pas seulement l’une des deux solutions qui agréaient à Rome, mais 1. Épiphaxe, Pan. LXX, 9 (Audiens) et Théodoret, HistA nlig., 3 (P. G., LXXXII, 1336 C). 2. Cette objection est rapportée à la fois par ÉPIphane, Pan., I LXX, 9 (Hou., t. III, p. 241, 19-24; P. G., XLII, 353 B), JeaN Chrysostome, Adu. lud., III, 3 (P. G., XLVIII, 864; cf. infra,[ p. 73) et Socrate, HM. eccl., V, 22 (P. G., I.XV1I, 629 B). 3. Voir le document du concile des Orientaux de 342 dan· Schwartz, I. I., p. 122. l’ancien usage d’antioche 41 qu’elle était aussi celle à laquelle conduisait l’ancien usage local. S’il y eut dans la communauté de notre homéliste une forte réaction contre la date du 25 avril, au point qu’il n’a pas pu se contenter de la première allusion qu’il avait faite à cette question au cours d’une homé­ lie précédente (p. Ill, 1 s), mais qu’il a dû y revenir en lui consacrant une homélie entière, c’était certai­ nement moins à cause de Rome, qui était lointaine, qu’à cause de l’ancien usage d’Antioche et des provinces voisines. Et il n’est pas téméraire de conjecturer que ceux des membres de la communauté qui hésitaient devant la date du 25 avril choisie par leur évêque étaient moins émus par l’exemple des Novatiens, gens du dehors, que par l’exemple de certains moines (si ce n’est de quelque évêque du voisinage) qui s’étaient déclarés pour le 21 mars, et critiquaient la date alexandrine. Si l’homéliste mentionne uniquement les Juifs, les Novatiens et les autres hérésies, ce peut être pour donner simple­ ment à entendre que quiconque adoptait une autre date que le 25 avril se trouvait en leur compagnie et devait être considéré comme étranger à l’Église. Toujours est-il que ces adversaires, quels qu’ils fussent en réalité, l’ont contraint, par leurs « attaques nombreuses» (p. 111, 11), à justifier publiquement le choix du 25 avril. Cependant beaucoup de fidèles restaient étrangers à ces discussions. Le peuple chrétien, dans son bon sens, laisse ordinairement les querelles de cette sorte à des clercs. Mais notre auteur a pensé que son discours pourrait intéresser LES ARGUMENTS DE L’HOMÉLtSTE 42 même ces indifférents, car ils n’étaient certainement pas sans s’être demandé, un jour ou l’autre, pourquoi la date de Pâques varie chaque année : « Nous avons vu souvent des gens dire: La Nativité du Sauveur se célèbre à date fixe (le 25 décembre), Γ Épiphanie aussi (le 6 janvier) ; pareillement, pour célébrer la mémoire des martyrs, nous plaçons leur commémoraison à jour fixe: comment se [ait-il que pour Pâques il n'en va pas de même? » (p. 113, 7 s). Et c’est ainsi que pour répliquer aux critiques des adversaires du 25 avril, en même temps que pour répondre aux questions des autres, il a écrit l’homélie que nous allons lire. II. Les arguments développés par l’auteur Son texte, bien composé, se divise en trois parties: la première expose et critique les pratiques des gens « du dehors », Juifs et hérétiques ; la deuxieme justifie, d’une manière positive, les principes suivis par l’Églisc ; la troisième, enfin, fait l’application de ces principes au cas particulier de 387. Cette dernière partie n’appelle aucune remarque spéciale, mais il est intéressant d’examiner les arguments développés dans les deux premières, et de les comparer ensuite avec ceux que Jean Chrysostome utilisait dans la même occasion. RÉFUTATION DE L’USAGE D’ANTIOCHE 43 1. — La réfutation des pratiques « du dehors » Après avoir exposé l’usage des Juifs, puis des Quartodécimans, des Novatiens et des Montanistes, l’auteur s’emploie à réfuter seulement les Juifs. Pourquoi les Juifs seuls ? C’est que sa pensée reste dominée par le problème concret de 387. En réfutant les Juifs, il vise en réalité, à travers eux, tous ceux qui veulent mettre la Pâque chrétienne au dimanche qui suit la Pâque juive, en l’espèce au 21 mars. Son argumentation consiste à démontrer qu’au temps du Christ les Juifs prenaient toujours un XIV lunae postérieur à l’équinoxe, et que c’est seulement depuis leur crime contre le Sauveur qu’abandonnant leur tradition authentique ils accep­ tent, comme en l’année présente, un XIV lunae antérieur à l’équinoxe. Cette démonstration est dirigée contre un des arguments que faisaient valoir les partisans de l’ancien usage d’Antioche : Peu importe, disaient-ils, que les Juifs aient tort de ne pas observer la règle de l’équinoxe ; l’essentiel pour nous est de faire comme le Christ, qui n’a pas pris d’autre date que la leur. C’était déjà l’objection d’un certain Tricentius à Pierre d’Alexandrie, au début du iv® siècle : Si les Juifs se trompent en célébrant leur Pâque, selon le cours de la lune, tantôt en Phamenoth, tantôt (tous les trois ans, en vertu du mois embolique) en Pharmouthi, cela nous est complètement indifférent. La seule chose dont il s’agisse pour nous, c’est de faire la mémoire de la Passion, et de la faire au moment qui a été indiqué par 44 RÉFUTATION DE L’üSAGE D’ANTIOCHE ceux qui la virent de leurs yeux avant que les Égyptiens y croient. Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’observation du cycle lunaire force les Juifs à célébrer deux fois en Phamenoth et une fois, tous les trois ans, en Pharmouthi. Manifestement ils ont toujours agi ainsi, depuis l’origine et dès avant la venue du Christ ; c’est pourquoi Dieu leur adressait ce reproche par le prophète : « Ils se trompent toujours dans leur cœur x»1. Pour réfuter cet argument, il fallait démontrer qu’au temps du Christ les Juifs agissaient autrement qu’ils ne font depuis lors, et respectaient la loi de l’équinoxe. C’est précisément le but de notre auteur. Il invoque pour cela deux témoignages, celui des « Sages hébreux » et celui des Actes de Pilate. 1. Les Sages hébreux Les Sages hébreux sont «Philon, Josèphe et les autres, qui affirment dans leurs écrits que la Pâque ne peut se placer correctement qu’après l'arrivée de l'équinoxe de printemps » (p. 125, 4). Comme ces écrivains sont postérieurs au Christ, leur témoignage prouve qu’à l’époque de la Passion les Juifs étaient encore fidèles à la règle de l’équinoxe. Tel est l’argu­ ment auquel notre homéliste veut en venir. Mais il commence par nous parler longuement, de la version grecque de la Bible faite par les Septante, ou plus exactement, par les Septante-deux traducteurs, et 1. Citation de Tricentius faite par Pierre d'Alexandrie dan», son traité Sur la Pâque, fragment conservé dans le Chronicon paschale, (P. G., XCII, 73 UC). LES SAGES HÉBREUX 45 blâme les Juifs d’avoir abandonné cette traduction pour adopter celle d’un a quelconque prosélyte », Aquila. Ce développement sur la Septante est destiné à prouver que les Juifs ont altéré tout ce qu’il y avait de juste dans la loi, et à confirmer ainsi le fait qu’ils ont perverti également la vraie tradition concernant la date de Pâques. Notre homéliste ne cite aucun passage de Philon et de Joscphe ; rien dans ce qu’il dit ne permet de reconnaître même une allusion à un passage déter­ miné de ces auteurs. Visiblement, il n’a dans l’esprit aucun texte précis, et se contente de reprendre un argument que d’autres avaient utilisé avant lui. De fait, l’argument était classique. Pierre d’Alexan­ drie renvoyait déjà Tricentius aux «écrivains anciens qui ont écrit avant la ruine de Jérusalem et (à) ceux qui ont écrit après », en les désignant, lui aussi, par l’expression de « sages hébreux » mais sans les nommer : Il est manifeste que les Juifs d’autrefois faisaient la Pâque après l’équinoxe de printemps. Tu peux l’apprendre en lisant les livres qu’ont écrit les sages hébreux (oi παρ’ Έβραίοις σοφοί)1. Mais avant Pierre d’Alexandrie, Anatole de Laodicée, dans son traité célèbre sur la Pâque, qui avait introduit en Alexandrie le cycle lunaire de 19 ans, avait été moins imprécis. Il avait nommé Philon, Josèphe et d’autres encore : 1. Fragment cité dans le Clironicon paschale {P. G., XCII, 76 BC). 46 RÉFUTATION DE L’USAGE D ANTIOCHE (Le premier temps)1 a donc, dans la première année, comme nouvelle lune du premier mois, laquelle est le début de tout le cycle de 19 ans, le 26 Phamenoth, pour parler à la manière égyptienne, ou, selon les mois macé­ doniens, le 22 Dystres, ou, comme diraient les Romains, le XI des calendes d’avril. Au 26 Phamenoth en question, il se trouve, non seulement que le soleil est dans le premier segment [zodiacal], mais que c’est le quatrième jour qu’il le parcourt. L’habitude est d’appeler ce segment premier douzième, équinoxal, début des mois, tête du cycle [zodia­ cal], point de départ de la course des planètes. Quant au précédent, on le nomme dernier des mois, douzième seg­ ment, dernier douzième, fin de la révolution des planètes ; c’est pourquoi nous disons que ceux qui y mettent le premier mois et qui prennent en lui le 14 pascal commettent une faute qui n’est pas petite ni sans importance. Cette règle n’est pas de nous, mais elle était connue des Juifs d’autrefois, avant le Christ, et observée par eux avec soin. On peut l’apprendre par ce qu’ont dit Philon, Josèphe, Musée, et non seulement eux mais encore de plus anciens, les deux Agathobule, surnommés les maîtres d’Aristobule, lequel porte bien son nom [d’« excellent conseiller »], puisqu’il fut choisi par Ptolémce Philadelphe et son père au nombre des Septante qui ont traduit les saintes et divines Écritures des Hébreux, et qu’il a dédié aux mêmes rois des livres commentant la Loi de Moïse. Ces auteurs, lorsqu’ils résolvent les « Questions sur l’Exode » disent qu’il faut que tous uniformément célèbrent la Pâque 1. Ce fragment nous a été conservé par Eusèbe, Hist. cccl., VU, xxxii, 14-19. Schwartz (/. p. 15) cl les traducteurs modernes (Grapin, Bardy) estiment que le sujet de la première phrase, qui n’est pas exprime dans le fragment, était « le cycle de 19 ans ». Mais cela fait pléonasme avec ce qui se lit ensuite : · laquelle est le début de tout le cycle de 19 ans ». 11 ne nous parait pas douteux que le vrai sujet était « Je premier temps » ou une formule de même sens, et que nous avons ici l’idée que nous retrouvons dans notre homélie, p. 129, 6-11. LES SAGES HÉBREUX 47 après i’équinoxe de printemps, en plein premier mois, et que cela se trouve lorsque le soleil parcourt le premier segment du cycle solaire, ou, comme certains d’entre eux l’appellent, du cycle du Zodiaque1. Et Aristobule ajoute qu’il arrive nécessairement qu'en la fête de Pâque non seulement le soleil mais la lune aussi parcourt le segment équinoxial... Je connais beaucoup d’autres choses dites par eux, appuyées les unes sur la vraisemblance, les autres sur des arguments décisifs, par lesquels ils essayent d’éta­ blir qu’il faut absolument célébrer la fête de Pâques et des azymes après l’équinoxe, mais je passe sur tout ce matériel d’arguments, en priant ceux pour qui est enlevé le voile de la Loi de Moïse de contempler désormais à visage dévoilé le Christ et les choses du Christ, ses ensei­ gnements et ses souffrances. Que le premier mois chez les Hébreux était à l’équinoxe, les enseignements du livre d’Hénoch en apportent aussi la preuve. On aura remarqué, en lisant ce texte, qu’Anatole cite par leurs noms Philon et Josèphe, puis Musée, Aristobule et le Livre d’Hénoch, en rappelant qu’Aristobule fut un des Septante qui traduisirent l'Écriture. Il semble bien que notre auteur s’inspire de ce passage. Car lui aussi ne nomme pas seulement Philon et Josèphe, mais ajoute : « et d’aulres ». En outre, le souvenir du texte d’Anatole nous expli­ querait fort bien comment notre auteur en est venu à parler de la Septante : la trouvant mentionnée dans le passage d’Anatole, il a eu l’idée d’en parler à son tour, pour en tirer un argument supplémentaire 1. Allusion à un passage des Questions sur l'Exode (J, 1) de Philon, trad. Auchbr dans Richter, Philonis Judaei opera omnia, vol. VII, Leipzig, 1830, p. ‘262. 48 RÉFUTATION DE L’USAGE d’ANTIOCHE contre les Juifs, à l’adresse de ceux qui veulent les suivre pour la date de Pâques. Il emprunte, par ailleurs, plusieurs détails de son récit à la Lettre d'Aristée. C’est là qu’il a trouvé, , non seulement que les traducteurs étaient au nombre de septante-deux (Anatole disait septante), mais encore que leur traduction fut approuvée par le peuple et l’anathème porté contre quiconque l’alté­ rerait1. 2. Les Actes de Pilate L’autre témoignage est tiré des Actes faits sous Pilate2. Cet apocryphe, qui eut une grande fortune dans l’antiquité chrétienne, déclare que le Christ est mort « le VIII des calendes d’avril (25 mars) sous le consulat de Rufus et de Rubellion»3. La date du 25 mars, que beaucoup d’autres auteurs, sous l’iniluence ou non des Actes de Pilate, ont admise comme date de la Passion4, ne repose pas sur une tradition remontant jusqu’aux témoins de l’événement. Elle 1. Lettre d'Aristie, éd. Thackeray dans II. B. Swf.tr, An Intro­ duction to the Old Testament in Greek, Cambridge, 1900, p. 572, 9-15. 2. L'boniéliste désigne l'ouvrage sous le titre τά υπομνήματα τά·? έπΐ Πιλάτου πραχθέντα (ρ. 127, 3). C’est, légèrement abrégé, le titre sous lequel nous parvient le texte grec de l’apocryphe Ύπομνήι ματα του κυρίου ήμών Ίησοΰ χριστού & έπράχΟησαν έπΐ ΙΙοντίοιΜ Πιλάτου ήγεμονεύοντος (éd. Tischenoorf, Euangelia apocrypha,'' 2· éd., Leipzig, 1876, p. 210). 3. TlSCHENDORF, I. I., p. 212. 4. Cf. U. Holzmeister, Chronologia vitae Chrisli, Rome, 1933, p. 164-166. Pour l’Orienl, voir en outre Revue d'histoire ecclésiastique,! t. XLVII, 1952, p. 20-35, à quoi on ajoutera le témoignage du concile des Orientaux de 342 (Schwartz, I. I., p. 122}. LES ACTES DE PILATE 49 a été choisie pour cette seule raison qu’elle était la date communément reçue de l’équinoxe1. Mais notre homéliste est persuadé que les Actes de Pilate sont une relation authentique, rédigée du temps même de Pilate, et, par conséquent, que le Christ a souffert effectivement le 25 mars. Comme il admet, d’autre part, que l’équinoxe est au 21 mars2, il voit là une 1. Ps.-C.yprien, De pàscha, 4 (éd. Ha ht El, pars III, p. 251, 11 ; ou P. L., IV, 945 Λ). C'est la date qui parait avoir été admise par Pune, Hist. Nal., XVIII, 26, 246 ; cf. F. K. Ginzel, Handbuch der mathemalischcn und lechnischen Chronologie, II. Bd, Leipzig, 1911, p. 282. 2. L'homélie déclare que le XIV lunac de l'année présente a lieu πρό δύο ήμερων της Ισημερίας (ρ. 165, 6 ; 167, 8). Or nous savons par ailleurs que ce XIV lunae tombait le 19 mars dans les deux compute romain et alexandrin. La date assignée à l’équinoxe dépend donc du sens de l’expression πρδ δύο ήμερων. Turner (I. I., p. 137, n. 1) l’interprète comme signifiant « le jour avant » (the day before), sur le modèle de l’expression ante diem tertium, qui signifie « deux jours avant ». L’auteur aurait donc mis l’équinoxe au 20 mars. La raison qui encourage Turner dans cette interprétation est la suivante. Le parallélisme que l’homéïiste affirme entre la semaine rédemptrice cl la semaine créatrice n’est réalisé parfaitement que si l’équinoxe, qui se situe le premier jour de la semaine créatrice (p. 129, 9-10), se retrouve au premier jour de la semaine rédemptrice, donc au 20 mars, puisque le vendredi de la Passion est le 25 mars. Deux difficultés nous font hésiter devant cette solution : 1) L’emploi de la formule πρδ δύο ήμερων pour dire «la veille» est insolite; Turner n’en apporte pas d’autre exemple ; 2) 11 serait étonnant aussi que l'auteur ait mis l’équinoxe à une autre date que le comput alexandrin, alors qu’il se fait le défenseur résolu de ce comput. Nous croyons plus volontiers, jusqu'à meilleur avis, que πρό δύο ήμερων signifie «deux jours avant », et que l’homéïiste plaçait l’équinoxe au 21 mars comme les Alexandrins. Le parallélisme entre la semaine créatrice et la semaine rédemptrice n'est plus rigoureux, mais on peut observer que l'homélie n’aifirme nulle part expressément que l’équinoxe se trouvait au premier jour de la semaine de la Passion comme il s'était trouvé au premier jour de la création ; elle se contente d’affirmer que le Christ, pour sa Passion, a réuni tous les temps « en une seule et même semaine » (είς μίαν καί την αύτήν έβδομάδα ρ. 141, 10), ce qui 50 RAISONS DE LA· PRATIQUE DE L’ÉGLISE preuve décisive que le Christ a souffert après l’équi­ noxe. 2. Les raisons de la pratique de )’Église Une fois réfutées les pratiques « du dehors l’homéliste en vient à celle de l’Églisc. La justification qu’il en donne peut se résumer dans l’argument sui­ vant · : la Pâque chrétienne est une imitation de la Passion du Christ ; or la Passion du Christ a eu lieu dans des temps déterminés qui n’ont pas été choisis au hasard ; donc la Pâque chrétienne doit imiter, autant que possible, les temps eux-mêmes de la Passion. D’où le plan de cette seconde partie : 1) les raisons qui ont guidé le Christ dans le choix des temps de la Passion ; 2) les motifs qui nous comman­ dent de prendre les mêmes temps pour la Pâque chrétienne. 1. La Pûque prototype du Christ Il fallait que la semaine rédemptrice réunit les mêmes temps que la semaine créatrice : c’est la raison essentielle des temps que le Christ a choisis pour sa Passion. L’auteur commence donc par nous faire considérer la semaine créatrice, puis il nous ramènera, par étapes, à la semaine rédemptrice. reste vrai si l'équinoxe est au 21 mars (lundi de la Passion). Nous croyons mémo sentir, dans la manière dont est rédigé ce dernier passage, une certaine prudence qui montre que l'auteur avait cons­ cience que le parallélisme entre les deux semaines n'était pas parfait (« l'équinoxe au début », ce qui ne signifie pas forcément le premier jour ; « ensuite la pleine lune » : cet « ensuite » est bien imprécis). LES TEMPS DE LA PASSION 51 1. La semaine créatrice Il s’attache d'abord au premier jour de la création, pour démontrer que c’était l’équinoxe. Deux argu­ ments sont donnés, l’un de « convenance » — luimême emploie ce mot (προσηκει)—, l’autre d'Écriture. 1) «Aucun autre début ne convenait, dit-il, au premier temps que l’égalité susdite [du jour et de la nuit]. Lorsque le temps allait être créé, à l’instant où survenaient le jour et la nuit, il fallait que leurs êtres apparussent constitués dans l'égalité et qu’ensuile l'inégalité fût confiée au mouvement » (p. 129, 10-15). Si l'on cherche sur quoi repose la vraisemblance que l’auteur voit dans cet « il fallait », on peut discer­ ner deux facteurs. D’une part, la constatation que l’inégalité du jour et de la nuit varie avec le mouve­ ment des astres ; de là, l’idée que cette inégalité est confiée au mouvement ; d’où l’on déduit qu'avant le mouvement des astres (c’est-à-dire avant leur création au quatrième jour) le jour et la nuit étaient par euxmêmes à égalité. Cette déduction apparaît clairement dans une phrase qui suit : « Puisqu'il appartenait au mouvement de produire l'inégalité, la création devait manifester l'égalité » (p. 129, 15). D’autre part, et plus profondément, entre en jeu une certaine concep­ tion d’ordre esthétique, qui voit dans la symétrie la forme par excellence de l’harmonie : Dieu qui a fait toutes choses « belles » a dû faire le jour et la nuit égaux. Cet aspect se révèle dans une réflexion qu’on lit aussi plus loin : « ayant donné celte mesure, il vit que c'était très bien » (p. 131, 7). Précisons 52 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE toutefois que, dans la conception que nous essayons d’analyser, la référence à la parole de la Genèse « Il vit que c’était beau » (Gen. I, 8) reste accessoire. L’essentiel est cette conviction, qui nous est naturelle, que sous leurs variations apparentes les choses ont une constante, une « nature », et que celle-ci s’exprime ' dans une proportion harmonieuse des éléments. On en trouve l’écho dans cette phrase : « Puisque, lout ce que Dieu créait, il le créait dans une nature déterminée, il a naturellement circonscrit les premiers jour et nuit dans des limites définies et égales » (p. 131, 4). L'affirmation que le jour et la nuit sont égaux * est ainsi liée dans l’esprit de notre auteur à l'affirma­ tion que tout a une nature déterminée. L’une et l'autre procèdent effectivement de la même démarche de l’esprit. Le physicien qui construit un système du monde est conduit lui aussi par la conviction que tout peut être contenu dans une loi constante et I simple. La « convenance » que notre auteur aperçoit dans l’égalité du jour et de la nuit relève du même principe. C’en est seulement une application naïve et primitive : la proportion la plus simple étant l’égalité, ; on en conclut d’emblée que le jour et la nuit doivent être par eux-mêmes, dans leur «nature», égaux, puisqu’aussi bien on les voit être ainsi quelquefois.] C’est ce qui peut nous expliquer pareillement que plusieurs peuples anciens ont mis spontanément lei début de l’année à l’un des deux équinoxes plutôt qu’à l’un des deux solstices. 2) L’argument d’Écriture est tiré de Gen. I, 1, LES TEMPS DE LA PASSION 53 où on lit, concernant le premier jour de la création : « El Dieu sépara par moitié le jour et la nuit ». Le recours à cette phrase était traditionnel chez les computistes1. Ayant ainsi prouvé que le premier jour était l’équi­ noxe, l’auteur passe au reste de la semaine créatrice : « Ensuite, après l’équinoxe — attention à mes paroles —, le quatrième jour, viennent le soleil el la lune: les astres sont en dehors de l'équinoxe » (p. 131, 12). Il sollicite notre attention, pour que nous remarquions bien que le soleil et la lune n’interviennent qu’après l’équinoxe, car il se réserve d’en tirer la conclusion que la pleine lune de Pâques ne doit pas lui être antérieure. Et il poursuit par le rappel de ce qui s’est passé le vendredi, le samedi et le dimanche : « Le sixième jour il forme l’homme, et ensuite, le septième, il se repose de toutes ses œuvres; le lendemain, qui était à nouveau le premier, il laissa l’univers comme une chose achevée se comporter désormais avec ordre ». Puis il nous demande encore une fois de bien retenir ce schéma : équinoxe d’abord, ensuite lune et triduum, car c’est le même schéma qu’il va retrouver dans la semaine rédemptrice. 2. La chute de l’homme Pour nous amener à la Passion du Christ, l’homéliste nous rappelle au préalable la chute de l’homme. 1. Ps.-Cypîuen, De pascha, 3 (Martel, pars HI, p. 251, G-IO; ou P. L., IV, 945 A) ; computistc de 382, Prologus paschae, 4 (Kruscii, I. I., p. 230). 54 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE Cette page est intéressante, et nous fournira pour notre chapitre suivant plusieurs traits de la théologie de l’auteur. Pour l’instant précisons seulement le jour qu’il assigne à la chute. Beaucoup d’auteurs la plaçaient au vendredi de la semaine créatrice, le jour même où l’homme avait été créé. Notre auteur était-il de cet avis ? Une formule qu’il emploie ailleurs pourrait le laisser croire : parlant du vendredi, il le désigne comme le jour έν η πλασΟε'ις διέπεσεν] (p. 145, 8-9 ; cf. 143,14-15). Mais, d’apres l’usage grec,i il n’est pas certain que le relatif έν η se rapporte au verbe principal διέπεσεν : a le jour où il tomba » ; il peut aussi se rapporter simplement au participe πλασθείς : « le jour où il fut formé avant de tomber Nous sommes personnellement enclins à cette inter­ prétation pour deux raisons. D’une part, l’auteur mentionne ici la chute après avoir parlé du samedi de la création, ce qui laisse supposer, au moins à première vue, qu’il la situait après la semaine créa­ trice. D’autre part, on peut remarquer que pour; justifier le choix du vendredi pour la Passion, il ne se réfère jamais à la chute de l’homme seule, mais toujours à sa création, et souvent à celle-ci toute seule (p. 139, 14 ; 141, 14 ; 145, 8 ; 153, 20). 3. Les temps de la restauration devaient correspondre à ceux de la création Rechercher des correspondances entre les circons-j tances de la Passion et celle de la création est un des: thèmes les plus anciens du christianisme. S. Paul LES TEMPS DE LA PASSION 55 avait mis en parallèle Adam et le Christ (Ro. V, 14). Partant de là, les chrétiens se sont plu à découvrir des corrélations de détail entre ce qui s’était passé au paradis terrestre et la manière dont eurent lieu soit la naissance soit la mort du Christ. En ce qui concerne la Nativité, chacun connaît le parallélisme établi entre Marie et Ève, et a lu la page célèbre qu'Irénée lui a consacrée’. Pour ce qui est de la Passion, on ne manqua pas dès la plus haute époque de rapprocher le bois du calvaire de l’arbre du paradis. On remarqua aussi que le Christ était mort un vendredi, tout comme Adam avait été créé le vendredi ; et, puisque la Passion du Christ avait surtout rapport à la chute d’Adam, encore plus qu’à sa création, on admit souvent que cette chute avait eu lieu le vendredi, le même jour que la création de l’homme, bien que l’Écriture n’en dît rien : ainsi la chute d’Adam et la crucifixion du Christ s’étaient passées le même jour de la semaine. Certains allèrent même jusqu’à vouloir que ce fût à la même heure12. C’est un raison­ nement similaire qui conduisit beaucoup de chrétiens, à placer, tantôt la Passion, tantôt la Résurrection 1. Irénée, Adv. Itaer., Ill, xxii, -I (Sagnard, p. 378-382). Voir aussi le parallélisme entre Jésus né de Marie et .Adam né de la terre vierge, III, xxi, 10 (éd. cil., p. 370, 17-27). 2. Citons, parce qu’ils sont contemporains de notre auteur, Sévéribn df. Gadala, De mundi creatione, VI, 5 {P. G., LVI, 490) et Théodore de Mopsueste (d’après le témoignage de Jean Philo* pon, De opificio mundi, I, 12, êd. Rkichardt, p. 29, 11-30, 14). Ces deux auteurs admettent qu’Adam et Ève ont mangé le fruit défendu à la sixième heure du jour oii ils ont été créés, heure do la mise du Christ en croix, et qu’ils ont été chassés du paradis à la neuvième heure, heure de la mort du Christ. 56 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE au jour même de l’équinoxe, par référence au début du monde, censé être l’équinoxe1. Enfin, il y avait de part et d’autre la pleine lune, quand on admettait que la lune avait été créée pleine, selon l’opinion commune2, qui faisait valoir cette parole de la Genèse terminant le récit de la création du soleil et de la lune : «Et Dieu vit que cela était bon » (Gen. I, 18) : ce dernier mot ne supposait-il pas que la lune avait été créée parfaite, donc à son plein, et non pointpartielle ? Or le Christ, de son côté était mort à la pleine lune, puisque c’était en la Pâque des Juifs. Au point de départ de tous ces rapprochements, il y a l’idée que la Passion du Christ est destinée à réparer la faute de l’homme, puis, comme l’espriti s’accommode mal de relations purement abstraites,j il en cherche des signes concrets. Intervient aussi’ l’idée, si souvent affirmée, que Dieu ne fait rien sans intention, « à vide » (κενώς) comme on disait, qu’il n’a rien laissé au hasard mais que tout ce qu’il fait recèle, dans tous ses détails, une raison profonde.' Quelle pouvait être alors la raison pour laquelle: le Christ était mort pendu au bois et un vendredi,! sinon que l’homme avait péché un vendredi, en! mangeant le fruit d’un arbre ? Le chrétien antique ne voit pas là une simple coïncidence, ni seulement 1. Cf. U. Holzmuister, I. I., p. 1G6-167. 2. C’est l'opinion de l’auteur de la Table pascale de 222, du| Ps-Cyprien et du computiste de 382 (Prologus paschae, 6, Krl-scb, I 1.I., p. 232), celle aussi de S&vérien de Gabala, De mundi creationes III, 2 (P. G., LVI, 449). Anatole de Laodicèe admettait, au conj traire, que la lune avait été créée au début de son mois; supra, p. 46. i LES TEMPS DE LA PASSION 57 une intention pédagogique de Dieu pour nous instruire sur la relation de la Passion avec la chute. Ces corres­ pondances lui paraissent nécessaires, dans la logique des choses. Son esprit les requiert. Car il y voit la preuve que c'est bien Dieu qui est à l’œuvre. Qu’on ne s’y trompe pas, quand la littérature chrétienne développe avant tant de complaisance toutes ces corrélations de détail qu’elle aperçoit entre le Christ et l’histoire des origines ou du peuple de Dieu, le but qu’elle poursuit n’est pas seulement d’illustrer une thèse doctrinale par des signes concrets, mais aussi, et bien davantage, de faire œuvre apologétique. Car toutes ces correspondances étaient pour le chrétien d’autrefois autant d’indices que c’est Dieu qui préside à l’histoire du Christ. Il aurait eu du mal à admettre que, si cette histoire est divine, il n’y ait pas une symétrie visible entre elle et toute l’œuvre anterieure de Dieu. Mais du moment qu’il avait découvert cette symétrie, il se sentait en sécurité, sa foi se trouvait confirmée. Au fond de cette exigence de son esprit, on recon­ naît la conception spontanée que les choses qui ont rapport entre elles doivent se ressembler de quelque manière. Osons le dire : la « typologie » relève, pour une bonne part, d’un fond de mentalité primitive. Nous ne méconnaissons pas qu’elle ait servi de véhicule à une idée d’ordre proprement spirituel, qui est justement cette relation entre le Christ et le péché de l’homme, mais on n’a pas assez admis que la manière dont l’ensemble des Pères a pensé cette 58 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE idée, relève de schèmes mentaux plus proches de l’imagination que de la pensée logique. L’homéliste hérite de cette longue tradition. Quand il affirme que la Passion du Christ réunissait les mêmes temps que la semaine créatrice, il ne fait que reprendre un thème ancien. Ces concordances de dates ont bien pour lui la valeur apologétique que nous disions : elles prouvent que « le réparateur de la nature était son créateur lui-même» (p. 137, 17). Et elles ne sont pas seulement des signes concrets dont Dieu a voulu se servir pour nous instruire sur la nature de l’œuvre du Christ; elles sont conçues comme étant requises, nécessaires dans une certaine mesure pour que la relation de la Passion avec la chute soit réelle et efficace, c’est-à-dire pour que la Passion du Christ puisse effectivement réparer la chute. La nécessité d’une correspondance entre les temps est rapprochée, en effet, par notre auteur, de la nécessité de l’incarnation elle-même. Il nous rappelle que pour, guérir un malade il faut à la fois que la médication soit appropriée à la maladie et que le remède soit appliqué au bon moment. Le Fils de Dieu, voulant d’accord avec le Père relever l’homme et l’arracher au châtiment qui le menace, conçoit le moment et le mode de son secours : le moment d'un part, pour intervenir au bon moment pour la guérison, le mode d’autre part, pour se rendre lui-même apte à opércr la restauration purificatrice, et donc, se faisant homme tout en restant Dieu, il subit la Passion univer­ selle (p. 135, 8-14). Mais l’auteur ajoute une autre raison, et c’est ici LES TEMPS DE LA PASSION 59 le passage le plus intéressant de l’homélie : le temps avait été lui-même souillé par le péché de l’homme et avait besoin d’une purification, laquelle exigeait que le Christ intervînt au point précis du temps par où était entrée la souillure. Puisqu’il avait créé un temps absolument pur pour la formation de l’homme et que ce premier temps avait été souillé par la transgression, corrompu en même temps que le transgresseur, et avait rendu désormais souillé l’âge suivant, il voulut prendre le premier temps lui-même pour le redressement de l’homme, pour que, en même temps qu’il purifierait l’homme, et par le fait de le purifier de la passion, il rendit également plus pur l’âge suivant à partir de son point initial (p. 137, 8-15). On discerne facilement les représentations sousjaccntes à ce raisonnement : 1) L’auteur conçoit le temps comme un réceptacle qui contient les êtres et qui représente en quelque sorte leur totalité. C’est ainsi qu’il a pu penser que la souillure de l’homme a contaminé le temps en conta­ minant le monde entier : « ce premier temps avait été souillé par la transgression, corrompu en même temps que le transgresseur». 2) Le temps, d'autre part, est conçu comme la répétition, ou plus exactement comme l’extension du premier moment, à la façon d’une ligne engendrée par un point. C’est pourquoi la faute de l’homme, se situant au principe du temps, a « souillé l'âge suivant»; de même, la rédemption du Christ, si elle peut se situer de nouveau au principe du temps, purifiera la suite des âges. 60 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE 3) Le temps est conçu enfin comme cyclique, à la manière d’un cercle qui tourne, si bien que le point qui en est l’origine réapparaîtra nécessairement après un certain nombre d’années. Notons, pour n’avoir pas à y revenir, que cette conception spatialisante du temps est aussi celle de Grégoire de Nysse, comme en témoignent, entre autres, les passages suivants : 1) Sur le temps réceptacle des êtres : Je pense que pour quiconque a examiné, ne fût-ce qu’un peu, les êtres, il est manifeste que les âges et le lieu qui s’y trouvent sont établis à l’avance, comme une sorte de réceptacle destiné à recevoir les choses créées (οϊόν τι χώρημα δεκτικόν των γινομένων) par le Démiurge de l’univers, et qu’il crée tout en eux12. Le « siècle », étant une sorte de concept d’étendue, signifie toute la création qui est en lui5. En disant « siècles », il embrasse par le contenant (έκ του περιέχοντας) toute la création qui a en eux son appui, la création visible et l’invisible. Car c’est en eux que tout a été créé par celui qui fait les siècles34 . 2) Sur le temps conçu comme l’extension d’un point : Comme le point est le principe de la ligne et l’atome le. principe de la masse, l’instant est le principe de l'extension] temporelle*. 1. 2. 3. 4. Grégoire Grégoire Grégoire Grégoire de Nysse, C. Eunom., 1 (p. XLV, 365 D-368 A)J de Nysse, In Eccles., 8 (p. G., XLIV, 752 D). de Nysse, Adu. Maced., 17 (P. G., XLV, 1321 B). de Nysse, In Hexaem., (P. g., XLIV, 72 A). LES TEMPS DE LA PASSION 61 3) Grégoire enfin aime à représenter le temps comme un cercle qui tourne : Le lever et le coucher de notre nature sont à la ressem­ blance de ceux du soleil : une seule route pour tous, le même cercle du trajet de la vie... De même que le soleil parcourt sans cesse son trajet circulaire et accomplit une révolution cyclique, de même ton « esprit » (et en nommant l’« esprit » de l’homme l’Ecclésiaste prend la partie pour le tout) suit ce mouvement cyclique [des générations et des morts] en passant par les mêmes points1. Le temps visible, qui accomplit la révolution cyclique des semaines2... Mais il s’agit là de représentations très répandues, tant elles sont naturelles à l’esprit humain avant la réflexion philosophique. Ce qui est plus typique, c’est l’idée d’une différence entre le temps de la semaine créatrice et le temps suivant, le premier étant pur, le second souillé, et cette souillure prove­ nant de la chute de l’homme. Or, si l’on cherche dans la littérature chrétienne du iv® siècle une conception qui puisse ressembler à celle-ci, on ne la trouve, à notre connaissance, que chez Grégoire de Nysse. Nous essaierons dans le chapitre suivant d’apprécier jusqu’où va sur ce point la ressemblance entre notre auteur et Grégoire. 4. Les fuites du Christ Pour nous montrer combien le Christ tenait à ce concours de dates, le paragraphe suivant nous rappelle 1. Grégoire de Nysse, In Eccl., 1 {P. g., XLIV, 625 C). 2. Grégoire dk Nysse, In Ps., Il, 5 (P. G., 504 D). 62 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L'ÉGLISE qu’il est relaté dans les Évangiles que plusieurs; fois, lorsque les Juifs cherchaient Jésus pour le mettre à mort, il s’enfuit. Certains adversaires du christianisme avaient attribué ces fuites à la peur,, et trouvé là un argument contre la divinité du Christ. Ce n’est pas une lâcheté, répond notre auteur mais; un « mystère », une action commandée par dea raisons divines : le Christ fuit pour attendre préci­ sément que le concours des dates nécessaires à la Passion soit réalisé. La preuve en est que, lorsque ce concours s’est produit, le Christ « se livre » de luimème à la Passion (allusion à la parole : « On ne me prend pas la vie, mais je la donne de moi-même », Jean X, 18), en soulignant expressément, par deux fois, que maintenant a l'heure est venue » (Jean XVII, 1 ; XII, 23). La doctrine de notre homéliste sur 1’importance des temps de la Passion lui a procuré ainsi l’occasion et le moyen de répondre, en passant, à l’objection que les adversaires du christianisme tiraient des fuites du Christ, en même temps que ces fuites lui ont fourni un argument à l’appui de sa doctrine. 5. Les raisons particulières des temps de la Passioni Après les raisons générales que le Christ avait de rechercher pour sa Passion les mêmes temps que ceux de la semaine créatrice, voici les raisons particulières à chacun de ces temps. 1) Pour V équinoxe, l’homélie retient le motif traditionnel. A partir de l’équinoxe de printemps, les 63 LES TEMPS DE LA PASSION jours deviennent plus longs que les nuits, la lumière l’emporte sur les ténèbres : ce temps était donc tout désigné pour la Passion du Christ, à partir de laquelle « la lumière de la piété se mettrait à grandir alors que diminueraient les ténèbres de l’impiété » (p. 145, 4). 2) Quant au triduum, la raison du vendredi nous est déjà connue : c’est un vendredi que l’homme avait été créé, or « il fallait qu’il fût redressé le jour même où il avait été formé » (p. 145, 8-9). Ensuite, le samedi convenait parfaitement pour le séjour du corps du Christ dans le sépulcre, puisqu’il est dit de ce jour que « Dieu se reposa de toutes ses œuvres» (Gen. II, 2). Jusqu’à la mort du Christ, il restait à Dieu une « œuvre » à réaliser : la restaura­ tion de l’homme. Quand cette mort a eu lieu et que le Christ est au tombeau, alors il devient vraiment exact de dire que Dieu se repose de toutes ses œuvres, puisqu’il ne lui en reste plus à accomplir. Le SamediSaint est le vrai « repos » de Dieu, le vrai « Sabbat ». Le dimanche, enfin, a été choisi pour la résurrection, parce qu’il est le premier jour, celui où fut créé la lumière, et que le Christ en ressuscitant donne la lumière spirituelle au monde : « Selon l'ordre originel, il fait apparaître au premier jour après le sabbat la lumière de la résurrection, et cela en vertu de l’enchaî­ nement des temps; car, encore une fois, c’est le premier jour du temps total qu’il a préposé autrefois comme début de la lumière sensible et maintenant, en consé­ quence, comme début de la lumière intelligible de la résurrection» (p. 147, 8 s.). s 64 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L ÉGLISE 3) Concernant la pleine lune, les écrivains chrétiens font souvent valoir qu’à cette époque du mois lunaire, la lune brille pendant toute la nuit, la lumière est continue, symbole de la lumière perpétuelle à laquelle nous introduisent la mort et la résurrection du Christ12. Notre homéliste a préféré souligner un autre motif. Certains adversaires du christianisme préten­ daient que les ténèbres qui se produisirent à la mort du Christ n’avaient rien de miraculeux mais s’expliq quaient comme toutes les éclipses de soleil par le passage de la lune devant le soleil. Jules l’Africain, au début du me siècle, avait déjà répondu que cette explication était impossible, puisque le Christ était mort en la Pâque des Juifs, donc à la pleine lune, quand cet astre se trouvait en opposition au soleil3*. Notre auteur répète cet argument, comme beaucoup d’autres le feront encore après lui8. Et selon lui le motif qui a déterminé le Sauveur à choisir le temps de la pleine lune était précisément d’éviter « que personne n'écarle le signe divin au nom de h science païenne» (p. 147,17). Mais s’il préfère invoque ce motif, ce n’est pas seulement pour réfuter, ei passant , une objection des adversaires du christia nisme. C’est surtout parce qu’il attache à ce prodq une signification particulière qui va lui servir contl ceux qui veulent célébrer la Pâque d’après la dal 1. Voir Homilies pascales, t. I, p. 59-60. 2. Routh, Heliquiae sacrae, 2e édit., t. 11, p. 297. L’Africa répond à Thallus, qui «dans le 111" livre de ses Histoires, appel cette obscurité une éclipse de soleil ». 3. Voir P. de Ladrioixe, La réaction païenne, 6° éd., Paris, 194 p. 201-220. LA PASSION DU CHRIST 65 des Juifs. On voyait traditionnellement dans ce miracle une preuve de la divinité du Christ : le soleil s’est obscurci pour ne pas voir ni éclairer la mort de son Créateur, en proclamant ainsi à sa façon que le Christ était Dieu. Pour notre auteur il y a cela, mais autre chose encore de plus précis : les ténèbres de la Passion sont le signe de la déchéance des Juifs. Nous verrons plus loin sur quoi il appuie cette inter­ prétation, car il va y revenir longuement. Pour l’instant il se contente de l'indiquer : « ce fui le châti­ ment du crime et non la science, qui se manifesta » (P- 147, 21). 2. La Pâque chrétienne Cette section de la deuxième partie n’offre pas un plan aussi net que la première. Les différents thèmes s’enchevêtrent et réapparaissent en plusieurs fois. On peut néanmoins pratiquer une division empirique du texte, en considérant trois thèmes principaux, qui deviennent successivement le centre du dévelop­ pement. 1. La Pâque chrétienne «imitation» de la Passion du Christ L’intention de l’auteur est de prouver que nous devons observer pour la Pâque les mêmes temps que pour la Passion, autant du moins que la chose est possible, car ce n'est pas tous les ans que l’équi­ noxe, le 14 de la lune et le vendredi ont entre eux la même disposition que dans la semaine rédemptrice ; 66 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE nous devons nous résoudre à abandonner l’agence- I ment exact des temps à la Pâque prototype du Sauveur, mais du moins sommes-nous tenus de le respecter « autant que possible ». Pourquoi observer ces temps ? Parce que la Pâque chrétienne est essentiellement une « imitation » de la Passion. C’est l’idée que l’auteur développe en premier lieu. Aucun terme ne revient plus souvent que μίμημα, μίμησις. L’argument fondamental est celui-ci : la Pâque chrétienne ne consiste plus à immoler un agneau, mais à célébrer l’Eucharistie, qui est le μίμημα de la Passion : Le Monogène s’étant sacrifié une fois pour toutes et ■ ayant suffi à l’économie [de notre salut}, ce n’est plus un; agneau qu’on sacrifie ; mais le Sauveur, parvenu à la! Passion, donne comme imitation du sacrifice par excellence] un pain et un calice, réalisant par d’ineffables épiclèses! d’un côté son propre corps, de l’autre son propre sang,! et nous ordonnant de faire la Pâque dans ces figures.] En conséquence donc, pour l’imitation, nous rassemblons! autant que possible les mêmes temps en imitation (p. 149,8 14 à 151, 1). Pour interpréter correctement le mot μίμημα oui μίμησις, il faut savoir qu’il s’emploie comme équivalent de τύπος1. C’est ce qui permet de l’appliquer ici ■■ l’Eucharistie. Il a, pour le fond, le même sens que lea autres mots employés plus ordinairement en ce® matières : μυστήριον (d’où sacramentum, puis sacrc-l ment), σημείον, σύμβολον (que l’auteur emploiera plus! loin, p. 151, 13). Mais ici μίμημα a été choisi de préfél 1. Cf. Ps.-Hippolyte, In pascha, 36, éd. Nautin, p. 159, 11 IMITER LA PASSION DU CHRIST 67 rence à tous ces termes, parce qu’il va servir à la démonstration de l’auteur. Le fait que l’Eucharistie soit μίμημα de la Passion est présenté, en effet, comme la raison qui nous oblige à imiter pour la Pâque les temps eux-mêmes de la Passion. Au plan de la controverse, l’argument portait. En rappelant que la Pâque juive de l’agneau était abolie et que la Pâque chrétienne se référait directe­ ment à la Passion du Christ, l’auteur montrait qu’il n’y avait aucune raison de se conformer à la date juive pour la Pâque chrétienne. Mais, nous venons de le voir, il ne s’en tient pas à cette démons­ tration négative ; il ne veut pas prouver seulement que l’institution de l’Eucharistie nous affranchit de la date juive, mais qu’elle nous impose des temps précis : ceux de la Passion. Et c’est dans cette démonstration positive que consistait la difficulté. Pouvait-on dire que l’ordre du Christ instituant l’Eucharistie compor­ tait des temps déterminés pour sa célébration ? C’est pourtant de cet ordre que notre auteur veut faire découler l’obligation d’observer les temps de la Passion, comme le montre bien une autre phrase : « Puisque parvenu aux temps de sa Passion, il a ordonné que nous aussi à son imitation nous fassions cela dans les symboles qu'il nous a donnés en disant: 'Faites ceci en commémoration de moi', c'est avec raison que chaque année, parvenus à la même commé­ moraison [entendons : au même anniversaire1] après I. Il est clair que άνάμνησις a ici un sens temporel, le membre de phrase έτ:1 της αΰτης άναμνήσεως μετ’ Ισημερίαν γινόμενοι répon- 68 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L'ÉGLISE l'équinoxe, pour noire salut à tous... nous célébrons Pâques » (p. 151, 11). On voit comment il s’en tire : il reprend le mot « commémoraison » employé par le Sauveur et lui fait signifier « anniversaire ». C’est ’ comme si le Christ avait dit : « Faites ceci en mon anniversaire ». Cette transposition subreptice, et , probablement inconsciente, du mot άνάμνησις montre bien l’embarras où il s’est trouvé et le manque de ; rigueur de sa démonstration. Et voilà sans doute I pourquoi cette seconde section de la deuxième partie , est si floue dans son plan même : elle n’avait pas, à la base, un raisonnement clair. On retiendra de ce paragraphe ses affirmatione j dogmatiques sur l’unicité du sacrifice chrétien : 1 «Le Monogène s’est sacrifié une fois pour toutes et a suffi à l'économie [du salut]» (p. 149, 14), et sur] l’Eucharistie : « Il donne comme Imitation du sacrifices par excellence un pain et un calice, réalisant par d’ineffables épiclèses d’un côté son propre corps, de l’autre son propre sang » (p. 149, 16). Mais on n’omettra I pas de noter aussi un trait qui intéresse l’histoireJ du sentiment chrétien, à savoir cet eiïort pour faired entrer la date elle-même de Pâques dans les conditions requises pour la validité de 1’« Imitation ». Car il s’agit bien d’une certaine validité, comme de lad validité d’un sacrement, ainsi qu’en témoigne une ' phrase qui se lit plus loin : « Si une de ces dates fait défaut, l’imitation [c’est-à-dire la figure, le sacrement] ! dant à έπ! τών χρόνων xal τοϋ πάθους γινόμενος. L'autour a déji employé άνάμνησις dans ce sens d’« anniversaire », p. 113, 13. IMITER LA PASSION DU CHRIST 69 cloche dangereusement » (p. 163, 8). Que Pâque tende à devenir dans le sentiment chrétien comme un sacrement, au sens même où nous l’entendons aujour­ d’hui, on peut le reconnaître à deux autres indices typiques : on lui attribue une grâce spéciale : « pour notre salut à tous, pour écarter les maux présents et avoir part aux grâces célestes, imitant le Sauveur, nous accomplissons la Pâque dans Γéclat le plus brillant de Γunivers » (p. 151, 15), et on cherche à en faire un rite institué par le Christ, en appliquant à la fête elle-même de Pâques ce qu’il a dit de l’Eucharistie. Pâques est sentie comme une Eucharistie plus parfaite, porteuse de grâces plus plénières, et cela en vertu précisément de sa date. Observons seulement que cette sacramentalisation de la fête de Pâques, si elle apparaît dans une lumière parti­ culièrement vive chez notre auteur, ne lui est pas spéciale. On trouve dans la littérature homilétique de toutes les époques, quelquefois dans des textes liturgiques, mais beaucoup plus chez les amateurs de liturgie, une certaine manière de vanter la fête de Pâques en lui attribuant des grâces particulières, qu’on est en droit de rattacher historiquement au même phénomène de majoration. Comme si la doctrine chrétienne n’enseignait pas que toutes les grâces de la Passion sont offertes aux chrétiens à chaque célébration de l’Eucharistie ί II est permis de penser que le mot le plus exact sur la vraie Pâque chrétienne est celui de s. Jean Chrysostome : «Le carême a lieu une fois l'an, mais Pâques a lieu trois fois 70 RAISONS DE LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE par semaine, quelquefois quatre, ou plutôt aussi souvent que nous voulons »l ! 2. La substitution du Christ à l’agneau pascal Nous venons de lire, dans le paragraphe précédent, que «ce n'est plus un agneau qu'on sacrifie* (p. 149,15), et nous avons vu l’intérêt que ce point de doctrine présentait pour la controverse sur la date de Pâques : si le Christ s’est substitué à l’agneau pascal, ce n’est ' évidemment plus aux Juifs qu’il convient de demander à quelle date la Pâque doit se célébrer. Aussi l’auteur revient-il ici, pour plus de développements, sur cette « substitution » (άντεισαγωγή) du Christ à l’agneau. « Après avoir cité les paroles d’Isaïe (LUI, 7) et de: Jean le Précurseur désignant le Christ sous la figure d’un agneau, il entreprend de démontrer que le Christ est mort, non seulement le jour même où on immolait l’agneau, mais encore à la même heure. Pour cela il nous fait remarquer que la Loi {Lev. XXIII, 5) prescrit d’immoler l’agneau «au milieu de la soirée », et que cette indication ne peut signifier que la neuvième heure2, or c’est à la neuvième heure 1. Jean Chrysostomk, Adv. iud., 111, 4 {P. G., XLVIII, 867 A) J infra, p. 74. 2. Jnfra, p. 155, 1-4. L’auteur divise les douze heures du jour en six heures du matin et six du soir. 11 fait donc commencer le soir à midi ; c'est ce qu’il veut nous indiquer quand il dit « à partir de la septième heure après la sixième · (la sixième heure se termine à midi, et la septième va de midi à 13 heures). Puis, pour trouver le < milieu: de la soirée », il prend le milieu précis entre le début de la septième heure (midi) et la lin de la douzième (18 h.), ce qui lui donne la fin de la neuvième (15 h.) ; c’est ce que signifie l’expression τό κέντρο* της έννάτης τετελεσμένον, « le poinl accompli de la neuvième heure ·, 71 IMITER LA PASSION DU CHRIST que le Christ a rendu l’âme. Il ajoute que les « Sages des Hébreux » témoignent eux-mêmes que le sacrifice de l’agneau se faisait à la neuvième heure (p. 155, 4-5) : allusion, semble-t-il, à Josèphe (De bello iudaïco, VI, ix, 3)1. 3. Les ténèbres de la Passion signe de la condamnation des Juifs Le long paragraphe qui suit traite à nouveau des ténèbres de la Passion. Il nous rappelle d’abord que, si le 14 de la lune a été choisi pour la mort du Christ, c’cst pour qu’on ne puisse pas attribuer ces ténèbres à « une éclipse du soleil par interposition de la lune », mais qu’on soit obligé d’y reconnaître un prodige. Puis, pour prouver que ce prodige a bien eu lieu, il fait observer que ces ténèbres avaient été prédites par Âmos (VIII, 9 « Le soleil de midi se couchera... ») et par Zacharie (XIV, 6 « En ce jour il n'y aura plus de lumière... »), et que le même oracle d’Amos prédisait également la ruine du pays des Juifs : « Le soleil de midi se couchera el la lumière s'obscurcira en plein jour; je changerai vos fêles en deuil el tous vos chants en lamentations... je jellerai le pays comme dans le deuil d'un Bien Aimé ». Le fait que la seconde partie de la prophétie s’est réalisée, lors de la prise de Jéru­ salem par les Romains, est la preuve que le prophète nous dirions nous autres «9 h. précises·, si nos horloges partaient de C h. du matin. 1. Josêphk, De bello iudaïco, VI, ix, 3 ol Sè ένστάσης έορτης (πάσχα καλείται) καΰ'ήν Θύουσι μέν άπό έννάτης ώρας μέχρι ένδεκάτης. 3-1 Ί2 LES ARGUMENTS DE l’hOMÉLISTE disait vrai, donc que la première partie, celle qui annonçait 1’obscurcissement du soleil de midi, s’est i également réalisée lors de la Passion. L’intérêt de ce passage est de nous permettre de comprendre comment l’auteur a été conduit à voir dans les ténèbres de la Passion le signe du châtiment des Juifs. C’est à cause du texte d’Amos prédisant à la fois les ténèbres de midi et la ruine de la Judée. 1 L’homéliste retient que les deux choses sont associées. I La ruine de la Judée est la preuve que les ténèbres de la Passion ont eu lieu, et inversement ces ténèbres deviennent le signe que les Juifs, au même instant, étaient déchus, et spécialement que leurs « fêtes », mentionnées dans l’oracle, n’avaient plus de raison d’être. Et c’est justement pour souligner que la Pâque des Juifs était abolie, qu’il a jugé bon de revenir ici sur les ténèbres de la Passion. 3. Comparaison avec les arguments de Jean Chrysostome sur le même sujet En la même année 387, Jean Chrysostome, alors prêtre d’Antioche, prononça dans cette ville une homélie également dirigée contre ceux qui refusaient la date du 25 avril et calculaient le début de leur carême d’après la date de la Pâque juive1. Il est 1. Jean Chrysostome, Adu. lud., Ill (P. G., XLVHI, 861872). Ce discours ne vise pas les Juif», mais certains chrétiens qui fixent le début de leur carême d’après la date de Pâque calculée à l’ancienne manière d'Antioche, c'est-à-dire placée au dimanche qui suit la Pâque juive. C'est d’après le litre de cette homélie ΕΙς τούς τά COMPARAISON AVEC JEAN CHRYSOSTOME 73 intéressant de comparer ses arguments à ceux que nous venons de trouver chez notre homéliste. Rien ne montre mieux la différence profonde des deux hommes. L’homéliste cherchait à prouver que les pratiques des Juifs et des hérétiques étaient fausses et que celle de l’Église était la seule exacte; Jean va nous déclarer, au contraire, que Dieu ne tient pas compte des temps et que le Christ ne nous a rien prescrit à ce sujet ; le seul argument que Jean donne en faveur du 25 avril, c’est qu’il faut faire comme le reste de l’Église. Voici, sommairement indiqués, les thèmes qu’il développe : 1) λ Bien n’est pire que l’esprit de discorde et de lutte dans l’Église ». C’est ce que nous enseigne l’attitude de saint Paul à l’égard des Corinthiens : bien qu’ils aient commis beaucoup de péchés graves, l’apôtre leur reproche avant tout leurs dissensions. 2) Les adversaires du 25 avril objectent l’ancienne tradition locale : « Auparavant, disent-ils, ne prati­ quiez-vous pas le même jeûne que nous [c’est-à-dire à la même date que nous] ? » Jean Chrysostome ne nie pas le fait, mais il répond qu’il vaut mieux suivre les « trois cents Pères » du concile de Nicée, qui ont demandé de renoncer à la méthode ancienne, que suivre les Juifs. Il fait l’éloge de ces Pères de Nicée, puis montre que les Juifs ne peuvent pas se vanter πρώτα πάσχα νηστεύοντας qu’on a forgé le néologisme barbare de • protopaschites », qu'il serait bon de laisser tomber en désuétude. On doit remarquer d’ailleurs que τά πρώτα ne so rapporte pas à πάσχα mais à νηστεύοντας, « qui font le Jeûne pascal en avance ». 74 LES ARGUMENTS DE L’HOMÉLISTE d’être fidèles à l’Écriture dans leur célébration de la Pâque, puisqu’ils la font en n’importe quel lieu, alors que la Loi prescrivait de la faire seulement à Jérusalem1. 3) Il aborde ensuite l’objection que nous avons rencontrée chez Tricentius : puisque le Christ a fait la Pâque avec les Juifs, ne devons-nous pas la faire < comme lui ? Il répond que le Christ a aboli la Pâque ancienne, et que « non seulement il ne nous a pas , ordonné d'observer une date, mais il nous a même affranchi de la nécessité d'en observer une ». Et il poursuit : Écoute cc que dit Paul, — et en disant Paul, je dis le Christ, car c’est lui qui mouvait l’âme de Paul — ; que dib-il ? « Tous observez les jours les mois les lemps les années. Je crains que vous ne vous donniez de la peine pour rien » (Gal. IV, 10). Et encore : a Chaque fois que vous mangezf ce pain el buvez ce calice, vous annoncez la mort du Seigneur »g (Z. Cor. XI, 26). En disant chaque fois, il a rendu chacun maître de s’approcher, et l’a affranchi de toute observancôi de jours. Pâques et le carême, cc n’est pas la même chose. : Pâques est une chose et le carême en est une autre. Car le carême a lieu une seule fois l’an, mais Pâques trois fois par semaine2, quelquefois quatre3, ou plutôt aussi souvent] que nous voulons. Car Pâques n’est pas le jeûne, main l'oblation, le sacrifice, qui se font à chaque synaxe. 1. Chrysostome allègue Dcut. XVI, 5-6. 2. On célébrait normalement l’Eucharistie le mercredi, le vendredis et le dimanche, et Épiphane, Pan., de fide, 22 (Holl, t. Ill, p. 26-27 ; ou P. G., XLH, 825 B) Συνάξεις Sè έπιτηλούμεναι ταχθεϊσαίί elow άπό των άττοστόλων τετράδι καί ττροσαβ&άτω καί κυριακ^. J 3. Quand une fêle fixe comme l'Épiphanie ou une commémoriiisoO de martyr tombait un autre jour que le mercredi, le vendredi; le dimanche. COMPARAISON AVEC JEAN CHRYSOSTOME 75 Après quelques développements sur la raison du jeûne pascal, il aflirme catégoriquement que a Dieu ne tient pas compte des temps... Personne n’a jamais été puni ni repris parce qu’il a célébré Pâques en tel mois ou en tel autre ». On voit un peu plus loin qu’il n’ignore pas l’argument ordinaire des partisans du comput alexandrin, qui consistait à dire que les Juifs d’aujourd’hui ne calculent plus la date de Pâques de la même manière que ceux d’autrefois, mais il n’y fait allusion qu’en passant et pour indiquer que la chose a peu d’importance : « Même si les Juifs n’étaient pas des transgresseurs... et qu’ils n’aient pas abandonné la manière d’agir de leurs pères mais l’aient conservée avec exactitude, même ainsi nous ne réussirions pas, en suivant leurs traces, à tomber sur le jour même où le Christ a été crucifié et a célébré la Pâque » [car le même concours de dates se produit très rarement]. 4) Il revient ensuite à l’objection que ses adver­ saires tiraient de la coutume antérieure : « Voici tant d’années que je jeûne de cette façon, disent-ils, et je devrais changer? ». Pour leur répondre, il leur rappelle seulement le devoir de respecter l’unité de l’Église : Rien ne vaut autant que la paix et la concorde... Même si l’Église se trompait, l’exactitude dans l’observance des temps ne suffirait pas à excuser le fait qu’on se serait séparé de l’Église... Je ne tiens pas compte des temps, puisque Dieu non plus, mais je demande une seule chose : que nous fassions tout dans la paix et la concorde. Ainsi il n’entreprend pas de justifier en elles- 76 LES ARGUMENTS DE L'HOMÉLIE mêmes les règles qui conduisent au 25 avril, car il pense que Dieu ne fait pas entrer les temps en ligne de compte. Sa solution est toute pragmatique : il faut faire comme les autres. On voit mieux, par contraste, les caractéristiques de notre homéliste. A 1’inverse de Chrysostome, il a consacré tout son discours à montrer que les règles du comput ecclésiastique sont les seules exactes et qu’elles ne pouvaient être autres qu’elles ne sont. Car c’est un homme qui cherche en tout des « raisons scientifiques». Une réplique qu’il fait à ses adver­ saires est typique à cet égard (p. 169, 2-9) : Que personne ne dise que Pâques n’a jamais eu lieu avec un si grand retard. De cela nous avons plusieurs témoins, qui s’en souviennent. Et puis ce qui ne se produit jamais ne concorde jamais avec la science. Mais toujours on cherche la raison scientifique (ό λόγος της επιστήμης) et la chose se produit, souvent vite, souvent plus vite, ou plus tardivement. Et aucun savant ne prend garde à l’irrégularité des temps, mais au contraire à l’accord des raisons (τη αρμονία των λόγων). Cette raison scientifique, c’est pour lui la θεωρία, c’est-à-dire cet ensemble de correspondances mysti­ ques, cette harmonie (αρμονία), cet accord interne (συμφωνία), ce lien (είρμός), cet ordre (τάξις) et cet enchaînement logique (άκολουθία) qui président à l'œuvre de Dieu et que. nous pouvons y contemplei L’auteur nous a promis, en effet, au début de l’homélie, de nous expliquer la θεωρία de la Pâque, les θεωρήματα de ce sacrement (p. 111, 9, 11), et ce qu’il nous a fait contempler, c’est bien cette symétrie qui exigeait COMPARAISON AVEC JEAN CHRYSOSTOME 77 que le premier jour de la création fût l’équinoxe, qui réclamait ensuite que les temps de la semaine rédemptrice fussent ceux de la semaine créatrice « pour qu’on sache que la fin répond au débul et que la manière du Créateur reste la même » (p. 137, 5-7), et qui nous oblige enfin à rechercher pour Pâques les mêmes temps que pour la Passion. On préfère assurément le réalisme de Chrysostome, surtout en ces matières de comput. Mais on concède volontiers qu’il y a une certaine grandeur dans la ténacité de notre homéliste à vouloir retrouver les signes que tout en Dieu est ordre et raison ; disons mieux : que tout en Dieu est λόγος. Mais qui est cet homme ? CHAPITRE IV L’AUTEUR DE L’HOMÉLIE 1. La pairie de l'homélie Il est à peine besoin de dire que l’attribution à Chrysostome, prônée par les manuscrits, est une erreur. Les différences que nous venons de constater entre cette pièce et le discours authentique de Chrysostome contre les mêmes adversaires suffisent à le prouver. Est-il même utile d’ajouter que le calendrier en usage à Antioche était différent du calendrier asiate employé par notre auteur1 ? L’attri­ bution au prêtre d’Antioche provient seulement d’un copiste qui a trouvé l’homélie sans nom d’auteur 1. Nous savons par VHémirologe, dont le témoignage est confirmé I par ceux cTÉpiphanb (Pan., 1.1, 24, Hou., t. III, p. 293, 3, ou P. G., J XLI, 932 B 6) et de Théophile d’Alexandrib (De pasc., 2 ; Kruscr, /. I., p. 223}, que les mois é Antioche commençaient le même jour que I les mois romains. Lo calendrier antiochien n'était rien d’autre que le * calendrier julien, sauf qu’on avait donné aux mois lo nom des mois de l’ancien calendrier de l’époque des Séleucides, ce qui explique qu’Anatolc de Laodicée dise : « selon les Macédoniens », quand il ' donne une date en calendrier antiochien {supra, p. 4G), et Théophile 1 d’Alexandrie (I. I.) : * selon les Syriens, les Anliochiens cl les Macé- j doniens ». LA PATRIE DE L’AUTEUR 79 et qui, la jugeant intéressante, l’a transcrite à la suite des six autres homélies sur la Pâque, qui avaient déjà reçu, ou à qui il venait de donner, le nom de l’orateur le plus célèbre du monde chrétien. Mais il est un écrivain du ive siècle auquel on ne peut s’empêcher de penser en lisant l’homélie, tant sont nombreuses les rencontres de doctrine et d’expression qu’elle offre avec ses œuvres. C’est Grégoire, évêque de Nysse en Cappadoce. Nous rassemblons dans ce chapitre tout ce matériel de concordances, pour que les spécialistes de Grégoire puissent juger s’il est ou non l’auteur que nous cherchons. La question, en effet, pouvait se poser, car la Cappadoce ne doit pas être éliminée a priori du champ de nos recherches. L’homélie contient trois éléments qui peuvent nous renseigner sur la région d’où elle provient : la mention d’un carême de sept semaines (p. 171, 24), la mention de certaines hérésies (p. 117, 14 ; 119, 1, 9} et l’emploi du calendrier asiate. Or, dans l’état actuel de nos connaissances, aucune de ces trois indications n’exclut la Cappadoce : 1) Le carême de sept semaines était pratiqué, d'après le témoignage de Sozomène, «à Constan­ tinople et dans les provinces environnantes jusqu’en Phénicie w1. La Cappadoce s’y trouve donc comprise. 2) Les hérésies sont celles des Quartodécimans, des Novations et des Montanistes. Les Quartodé1. Sozomène, HM. teel., VII, 19 (P. G., LXVII, 1477 a) έν Κωνσταντινουπόλει καί τοϊς πέριξ έθνεσιν μέχρι Φοινίκων. 80 l'auteur de l’homélie cimans étaient localisés, à la fin du 11e siècle, dans l’Asie proconsulaire et la Phrygie voisine1. Mais nous ne sommes pas certains qu’il en existât encore quelque part en 3872. En tout cas, rien dans ce que l’auteur nous dit sur eux ne permet d’aflirmer qu’il les a connus par contact direct. Il en dit ce qu’on pouvait trouver dans n’importe quel traité d’héréséologie. La mention qu’il fait d’eux ne saurait donc servir de preuve qu’il écrit en Asie proconsulaire ou en Phrygie. Les Montanistes venaient de Phrygie et de Mysie34, mais ils s’étaient répandus largement hors de ces provinces, jusqu’en Afrique1. Il serait bien étrange qu’ils n’eussent pas gagné d’abord la Cappadoce56; de fait, Épiphane témoigne, directement et indirectement, qu’ils y étaient installés5. Quant aux Novatiens, leur centre avait été d’abord, au 1. Voir les villes mentionnées dans la lettre de Polycixate citée par Eusèbe, Hist, eccl., V, xxiv, 2-5. 2. Cf. supra, p. 38, n. 1. 3. L’anonyme antimonlanislo cité par Eusèbe rapporte que Montan, quand il commença à avoir ses extases, habitait Ardabau, bourg de Mysie proche de la Phrygie (Eusèbe, Hist, eccl., V, xvi. 7). En fait, l’hérésie était ordinairement désignée par le qualificatif d’hérésie phrygienne (ή κατά Φρύγας αίρησις, Eusèbe, I. I., V, xvi, 1, exemple entre beaucoup d’autres). 4. On a l’exemple de Terlullien. 5. On a l’attestation qu’ils étaient en Galatie, province limitrophe do la Cappadoce, par l’anonyme antimontaniste cité par Eusèbe, Hist, eccl., V, xvi, 4). 6. Epiphane, Pan., XLVIII, 14 et L, 1. Dans le second do ce· doux passages, il parle d’un groupe en Cappadoce qui célèbre Pâques le VIII des calendes d’avril. Il y a tout lieu de croire quo c’étaient des Montanistes et qu’Épiphano a confondu VIII kal. apr. et VIII id. apr. (14 du septième mois asiate), jour d’après lequel les Montanistes fixaient leur fête pascale, cf. infra, p. 119, 11-13. d’Éphèse SA PATRIE 81 milieu du ni0 siècle, la région d’Antioche1, puis, à la fin du ive, nous les trouvons en Phrygie, en Galatie, en Bithynie et à Constantinople2. La Cappadoce, située dans la région intermédiaire entre ces contrées et Antioche, était donc comprise dans leur ère d’ex­ pansion. D’ailleurs, pour voir que, sur ce point, notre homélie a fort bien pu être écrite en Cappadoce, il n’est que d’ouvrir la lettre 188 d’un évêque de Cappadoce, Basile de Césarée. Traitant de la réception des hérétiques dans l'Église, les deux hérésies dont il s’occupe au premier chef sont précisément les deux que notre auteur mentionne : les Novatiens et les Montanistes3. 3) Le calendrier asiate n’était pas restreint, non plus, à sa province d’origine, l’Asie proconsulaire. Il avait été adopté par d’autres provinces anatoliennes, comme la Bithynie, et même par une partie de l’îlc de Chypre4. Chacune de ces contrées s’était 1. Les Novatiens d'Asie Mineure étaient le reste de ces catholiques d’Orient qui refusèrent de réintégrer les lapsi au lendemain de la persécution de Dèce et qui, pour ce motif, donnèrent leur communion à Novatien au lieu de Corneille, quand ces deux personnages se dispu­ taient le titre d’évêque de Borne. Leur chef était alors Fabius évêque d’Antioche. Nous reprendrons cette question ailleurs, cf. supra, p. 22, n. 2 (fin). 2. Socrate, Hist, eccl., V, 21 (P. G., LXVII, C21 A ; 624 A ; 625 A). 3. Basile de Césarèe, Episl. CLXXXVIII, 1 (P. G., XXXII, 664 C-669 A).’ 4. Voir les calendriers de Crète, de Chypre et de Bithynie décrits par VHimtrotoge. épjphane (Pan., LI, 24) apporte une confirmation pour Chypre, en même temps qu’il· précise que ce calendrier de type asiate était seulement pratiqué dans la partie occidentale de nie (Paphos), la partie orientale (Salamine) conservant un calendrier 82 l’auteur de l’homélie contentée de donner aux mois asiates le nom des mois de son calendrier. Puis, pour parer aux incon­ vénients de cette variété de noms, l’usage s’était introduit de nommer les mois d’après leur rang : « premier mois asiate, deuxieme mois, etc. », comme on le voit dans notre homélie et dans quelques autres documents. La Cappadoce s’était-elle ralliée aussi au calendrier asiate ? Pour répondre en toute certitude à cette question, il faudrait avoir des inscriptions cappadociennes portant une double datation. Les recherches que nous avons faites ne nous ont pas permis d’en trouver. Mais un passage d’Épiphane peut nous laisser supposer provisoirement une réponse affirmative. Il déclare que l’Épiphanie se célèbre le VIII des Ides de janvier et que cette date correspond chez les Cappadociens au 13 Atarta1. Le 13 est effectivement le quantième que le VIII id. ian. prend dans le calendrier asiate2, ce qui peut être un indice que les Cappadociens du ive siècle utilisaient ce calendrier, sauf qu’au lieu de désigner les mois par les noms en usage à Éphèse, ils leur avaient donné, comme dans les autres provinces, les noms de l’ancien calendrier local, quand ils ne se servaient pas de la simple numération « 1er, 2e, 3e mois asiate ». On peut objecter, il est vrai, que, dans le même passage,' Épiphane nous dit que le VI id. nov. correspond de type égyptien (avec cette différence que l’année y commençait six jours après celle du calendrier égyptien définitif). 1. Épiphane, Pan., LI, 24 (Holl, t. II, p. 293, 6; P. G., XLI, 932 B 10). 2. Voir le tableau de la p. 21 supra. SA PATRIE 83 chez eux au 15 (ιε') Aratata1, alors que le quantième dans le calendrier asiate serait le 16 (ις'). Mais il est possible qu’un copiste ait écrit te'pour tcf, la confusion de ε et de ς s’étant produite d’autres fois2. Si cette divergence nous empêche d’affirmer catégoriquement que la Cappadoce avait adopté le calendrier asiate, il reste que la première équation d’Épiphane, VIII id. ian. = 13 Atarta, peut être un indice de cette adoption. En attendant donc que des inscriptions nous renseignent d’une manière décisive, nous n’avons pas le droit d’écarter la Cappadoce des provinces où nous pouvons chercher notre auteur. Cela étant, nous indiquons les ressemblances les plus notables qu’on peut relever entre notre homélie et l’œuvre de Grégoire de Nysse3. Elles serviront, d’autre part, à mettre en relief quelques traits intéressants de notre texte. 1. Épipiïane, Pan., LI, 24 (Holl, t. Il, p. 294, 4 ; P. G., XLI, 932 C 6). 2. W. Kubitschek, I. I., p. 114-115, a déjà fait cette hypothèse. 3. On ne nous demandera pas d’aligner pour chaque mot ou chaque idée que nous citerons de Grégoire toutes les références qu’on pourrait relever en faisant un dépouillement complet de ses œuvres. Nous nous contenterons chaque fois de quelques exemples. Pour simplifier, nous indiquons uniquement, entre parenthèses, le tome et la colonne de Migne ou, pour le Discours catéchélique (Or. cat.) la page de l’édition Méridien 84 L AUTEUR DE L HOMÉLIE 2. Les ressemblances entre Vhomélisie et Grégoire de Nysse 1. La création de l’homme L’homéliste, traitant de la création de l’homme, s’exprime ainsi : Dieu fit l’homme, et en Dieu bon (ώς θεός άγαθός) il l’a fait combien grand et puissant... Car il l’a fait « à son image» (κατ’ εικόνα p. 131, 20-23). et il ajoute quelques lignes plus loin : Après avoir mis dans l’homme un si grand bienfait. et l’avoir rendu abondamment participant (μεταδούς^ de ses grâces... (p. 133, 10-12). De ce texte se dégagent trois idées que nous allons retrouver chez Grégoire de Nysse : a) Parce que Dieu est bon (ώς θεός άγαθός), nous dit l’homéliste, il a fait l’homme si grand, et l’a doté de l’abondance de ses grâces. Grégoire professe que la nature de Dieu consiste dans la bonté (φ φύσις ή άγαθότης έστίν)1, et il rappelle souvent que Dieu a créé l’homme par pure bonté, en lui donnant part à ses propres biens : Ce n’est pas une nécessité qui l'a poussé à créer l’homme, mais c’est par l’excès de son amour qu’il a ménagé la naissance d’un tel être2. C'est par bonté (δι* αγαθότητα) qu'il a amené cet êl 1. De morluis (XLVI, 498 C). 2. Or. cat., V, 3 (p. 26). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 85 à la vie... Il l’a fait participant de ses propres biens (επί μετουσία των Ιδίων άγαθών) et a déposé dans sa nature le principe de tout ce qui est beau1. Il n’a pas d’autre motif de créer la vie humaine que le fait d’être bon (διά τδ άγαΟδς είναι). Étant tel et s’élan­ çant pour ce motif à la création de la nature humaine, il ne manifeste pas à moitié la puissance de sa bonté, en lui donnant une part de ses biens et en regrettant d’un autre côté de les partager avec lui ; mais la forme suprême de sa bonté, c’est qu’après avoir fait passer l’homme du non-être à l’être il ne l’a privé d’aucun bien2. b) Cette grandeur de l’homme avant la chute consiste, selon l’homéliste, à être « à l’image de Dieu » et ceci constitue la vraie « nature » de l’homme : Mais considère la première création : il le fit « à son image » (κατ’ εικόνα έαυτοΰ), et afin de prouver que sa nature (φύσις) rivalisait avec les astres... (p. 131, 23 s). Remarquons que l’auteur, parlant de l’état anté­ rieur au péché, se contente de dire que l’homme était κατ’ εικόνα, preuve qu’il ne fait aucune distinc­ tion entre εϊκών et όμοίωσις. Il est notable d’autre part que le mot φύσις est appliqué lui aussi à l’état de l’homme avant la chute, si bien que l’auteur nous dira plus loin qu’après la chute la « nature » est « perdue » (άπολλυμένης της φύσεως p. 135, 7). Or on retrouve chez Grégoire les mêmes idées et les mêmes termes. Il se sert souvent du seul mot εϊκών pour désigner la plénitude des biens que l’homme possédait à l’origine. Par là il se sépare de beaucoup 1. Or. cal., V, 9 (p. 30). 2. De hom. opif., 16 (XLIV, 184 A). 86 l’auteur de l’homélie de Pères, qui entendaient par ί’είκών les biens qui sont restés à l’homme même après sa chute, par opposition à Γόμοίωσις que l’homme a perdue et qu’il retrouvera dans la restauration finale : Et puisque le catalogue de ces biens, un par un, serait long, il n’est pas possible de les énumérer facilement ; c’est pourquoi la Parole divine les a tous rassemblés dans; un mot compréhensif pour les indiquer, en disant que l’homme fut fait a à l'image de Dieu Grégoire englobe également dans le terme de φύσις tous les biens que comporte le fait d’être à « l’image de Dieu » : à l’image de Dieu, laquelle est la nature humaine (τηί εϊκόνι αύτου, ήτις έστίν ή άνθρωπίνη φύσις)1 23. c) Une autre idée que l’homéliste exprime dans le. passage que nous analysons, c’est que Dieu avait donné à l’homme une participation (μεταδούς) à ses grâces. L’idée de participation se retrouve souvent chez Grégoire. Ainsi, dans un passage du De hominis; opificio que nous venons d’utiliser : Que l’homme ait été fait « à l’image de Dieu », cela] équivaut à dire qu’il a fait la nature humaine participante? de tout bien (παντός αγαθού μέτοχος)8. Et plus haut dans le même ouvrage : De l’esprit et de la pensée on ne peut pas dire à propre->i ment parler qu’il en a fait don (δέδωκεν), mais plutôt] 1. De hom. opif., 16 (XLIV, 184 AB). 2. De an. et resur. (XLIV, 160 C). 3. De hom. opif., 16 (XLIV, 184 B). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 87 qu’il les a donnés en participation (μετέδωκεν), en infusant dans l’image la splendeur de sa propre nature1. Ou encore dans le Discours caléchétique : Dieu a mis l’homme en participation (μετουσία) de ses propres biens2.· 2. L’homme au paradis 1) L’homéliste insiste d’abord sur le fait que l’homme au paradis était nu, et il interprète cette nudité comme le signe de la beauté que Dieu avait mise dans l’homme en le créant : Et pour montrer que sa nature rivalisait avec celle des astres, Dieu déclare qu’il l’a mis nu (γυμνόν) dans le paradis... L’Écriture atteste qu’il fit l’homme et le plaça dans le paradis et qu’« ils élaienl nus sans en rougir» mais, de même que le soleil et la lune se parent de leur nudité (γυμνώσει), de même il était permis à eux aussi de faire parade de leur beauté naturelle (p. 133, 1-9). La nudité de l’homme au paradis est un des thèmes sur lesquels Grégoire revient volontiers, car il la considère comme une caractéristique de la grâce originelle : Si donc la notion qui ’résout le problème que nous nous sommes posé est la restauration dans son état originel de l’image divine maintenant cachée dans la saleté de la chair, devenons ce qu’était le protoplaste dans la première vie. Qu’était-il ? Nu (γυμνός) des peaux mortes et regardant en pleine liberté le visage de Dieu2. 1. De hom. opif., 9 (XLIV, 149 B). 2. De uirg., 12 (XLVI, 373 C). 88 l’auteur de l’homélie C’est pourquoi, revenir à la beauté de l’image, ce sera revenir en quelque sorte à la nudité de l’homme au paradis : Ainsi le terme de la vie spirituelle, c’est d’être appelé serviteur de Dieu, ce qui implique de n’êtrc pas enseveli dans le tombeau, c’est-à-dire que la vie soit nue (γυμνήν) et dépouillée des mauvais bagages1. 2) L’homélie mentionne en outre que la nature de l'homme rivalisait avec les astres, et elle compare Adam et Ève au soleil et à la lune « qui se parent (έγκαλλωπίζονται) de leur nudité ». Grégoire se sert du même mot quand il évoque cette splendeur radieuse dont l’homme était paré à l’ori­ gine : Il était beau, en toute vérité, même « très » beau (Gen. I, 31), paré (καλλωπιζόμενος) de la marque radieuse de. la vie2. Il se parait (ένεκαλλωπίζετο) des traits auxquels on reconnaît la beauté divine3. 3. La chute 1) Le premier effet du péché selon l’homélie est que l’homme « devient corruptible» (φθαρτός γίνεται p. 133, 23). Il faut en conclure qu’au paradis l’homma 1. De vit. Moysis (XLIV, 129 A). 2. In Cant., 12 (XLIV, 1020 C). L’homéliste, en comparant fl premier homme aux astres, laisse entendre que son corps était lunfl neux. Il y a peut-être la même idée dans l'adjectif φαιδρός, radieux, employé par Grégoire. On sait toutefois que ce terme est pris souvent dans un sens figuré. 3. De mort. (XLVI, 521 D). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 89 était incorruptible (άφθαρτος). C’est aussi la pensée de Grégoire. D’une part, l’homme avant sa faute était incorruptible : L’homme se parait des traits auxquels on reconnaît la beauté divine, en imitant la grâce prototype par l’impas­ sibilité, la béatitude et l'incorruptibilité (άφθαρσίας)1. Toutes les qualités que nous voyons maintenant par conjecture en Dieu étaient aussi en l’homme par l’incorrup­ tibilité et la béatitude (άφθαρσία τε καί μακαριότητι)2. D’autre part, c’est le péché qui nous fit choir dans la corruption. Citons entre autres textes : La connaissance du mal, c’est-à-dire la prise de contact avec lui dans l’expérience, est le commencement et le fondement de la mort et de la corruption (διαφθοράς)3. C’est ainsi que l’homme, en tombant dans la boue du péché, perdit le privilège d’être image du Dieu incorrup­ tible (άφθαρτου) et par le péché rendit l’image corruptible (φθαρτόν) et boueuse4. 2) L'homélie note qu’après avoir été chassé du paradis l’homme mena une vie bestiale (βίον κτηνώδη έζη, p. 135, 1). Grégoire pense également que sans la faute l’homme n’eût pas possédé le mode de vie animal, qu’il exprime la plupart du temps par le même mot κτηνώδης. Voici quelques textes : Nous avons troqué la vie angélique et sans passion contre la vie animale (κτηνώδη βίον)5. 1. 2. 3. 4. 5. Ibid. De bealilud., 3 (XLIV, 1225 D). De hom. opif., 20 (XLIV, 220 C). De virg. (XLVI, 372 B). De bealilud.., 5 (XLIV, 1257 D). 90 l’auteur de l’homélie Par la tromperie de l’ennemi de notre vie, l’homme eut spontanément une inclination vers l’animalité (τδ κτηνώ­ δες) et 1'irrationncl1. Par les élans instinctifs de la passion, l’homme appartient à l’animalité (πρδς τδ κτηνώδες φέρων την οίκειότητα)23. 3) Chez l’homéliste cette idée de vie animale est liée à l’idée de la multiplicité par reproduction sexuelle. C’est ce qui nous paraît ressortir de la juxtaposition de ces deux formules « s'abandonnant à la multiplicité il mena une vie animale » (εις πλήθος δούς βίον κτηνώδη έζη, ρ. 135, 1). Or, chez Grégoire la multiplication sexuelle est la marque propre de l’animalité. Il le dit clairement dans le traité Sur la création de l'homme: Dieu implanta dans l’humanité le mode animal (κτηνώδη)ι et irrationnel de la génération les uns par les autres·. On sait en effet que pour lui l’homme aurait dû normalement se multiplier à la façon des anges et que la différence des sexes ne lui fut donnée qu’en prévision de la faute4 : « Étant dans l'honneur. l'homme n'a pas compris » (Ps. XLVIII, 21). Par honneur le prophète entend l’égalité avec les anges. C’est pourquoi, dit-il, « il fui mis au rang des bêtes sans raison et leur devint semblable » (ibid.)· Car réellement il est devenu bestial (κτηνώδης έγένετο) 1. De mori. (XLVI, 521 D). 2. De Itont. opif., 18 (XLIV, 192 D). 3. De hom. opif., 17 (XLIV, 189 B). 4. Cf. F. Fi.oËri, Le sens de la « division des sexes · chez Grégoire Nysse, dans Revue des sciences religieuses, t. XXVI1, 1953, p. Ι05-1Η·ί RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 91 puisqu’il a reçu dans sa nature, pour avoir penché vers le mal, cette naissance fluente12. Ce n’est pas tout. Nous venons de rencontrer sous la plume de l’homéliste l’expression, εις πλήθος δούς, qu’on retrouve chez Plotin à propos de la substance, qui d’une devient multiple3. Il est possible que pour l’homéliste la formule ait la nuance péjorative de fractionnement et de dispersion causés par la géné­ ration de mode animal à la suite du péché. Or, c’est encore une idée de Grégoire, et il se sert à cette occasion du même mot πλήθος : Par 1’introduction du mal, la nature se fractionna dans la multiplicité (εις πλήθος ή φύσις κατεμερίσθη)8. Il s’en est expliqué dans son traité Sur la création de l'homme. Sans le péché, l’homme n’aurait pas connu ce mode animal de génération qui le fractionne ; il aurait eu une multiplication non séparante, à la façon des anges : Nous leur demanderons à notre tour quel est le mode de la venue des anges à l’existence et comment ils sont dans des myriades infinies : ils sont une unique substance et cependant se nombrent en foules (καί μία ούσία βντες καί έν πολλοϊς άριθμούμενοι)4. Nous sommes ici devant un des rapprochements les plus significatifs qu’on peut faire valoir entre l’homélie et Grégoire. 1. De hom. opif., 17 (XLIV, 189 D-192 A). 2. Plotin, Enn., IV, 9, 5 : έκείνη [=ούσία] μέν οΰν μία, ai 8έ πολλαΐ εις ταύτην ώς μίαν δοΰσαν έαυτήν είς πλήθος καί ού δοΰσαν. 3. De an. ei rei. (XLVI, 157 Λ). 4. De hom. opif., 17 (XLIV, 189 B). 92 l’auteur de l’homélie Ajoutons que l’homéliste, parlant si souvent du premier homme, ne l’appelle jamais Adam, mais emploie toujours le nom générique ό άνθρωπος, Phomine. Or on sait que Grégoire distingue expressément P homme et Adam, en insistant sur le sens générique qu’il faut donner à l’expression Phomme dont se sert la Genèse dans le récit de la création : En disant que Dieu fit a Phomme », l’Écriture désigne par l’indétermination du terme tout ce qui est humain (άπαντά άνθρώπινον)... Ce n'est pas le nom d’Adam qui est donné maintenant à celui qui est créé comme dans la suite du récit; le nom de l’homme créé n’est pas un tel mais l’univer­ sel (ό καθόλου)... Le tout est appelé un seul « homme » (εις άνθρωπος κατωνομάσθη τδ παν)1. (Quand Dieu fit l’homme) Adam n’existait pas encore ... Cet homme à l’image était la nature dans son universalité (ή καθόλου φύσις)2. U Il convient toutefois de ne pas exagérer cette dernière ressemblance. Grégoire distingue la création de l’homme et celle d’Adam. On ne voit rien de tel chez l’homéliste ; l’emploi qu’il fait continuel lement de ό άνθρωπος n’implique pas nécessairemen qu’il fasse une distinction quelconque entre cet homm< et Adam. En outre, s’il est possible que l’expression εις πλήθος δούς de l’homélie signifie, comme nou l’avons supposé, un fractionnement de l’espèo humaine par opposition à une multiplicité non sépa rante que l’humanité aurait connue si elle s’éta> multipliée comme les anges, il est également possib! 1. De hom. opif., 16 (XLIV, 185 B et D). 2. De hom. opif., 22 (XLIV, 204 D). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 93 qu’elle signifie simplement « se multiplier » et que la pensée de l’auteur ne dépasse pas cette affirmation toute simple : l’homme après sa sortie du paradis, s’est mis à user de la vie sexuelle, indice de la vie animale. 4. La restauration dans l’état originel 1) Un des thèmes essentiels de l’homélie est que le Christ procure à l’homme déchu le retour dans l’état originel, c’est un rétablissement (άποκατάστασις p. 135,13), une rénovation (άνανέωσις, p. 137, 2, 7,18; 139, 14 ; 143, 7, 16), une re-création (έπΐ τδν πρώτον άνακτίσαι τρόπον, ρ. 137, 3), un redressement (διορθουν, διόρθωσις, διορθωτής, κατόρθωμα, ρ. 137,5, 14, 19; 139, 13; 141, 7; 143, 21, 145, 2, 9, 15). Ce thème est peut-être celui que Grégoire a traité le plus souvent dans ses différentes œuvres, et on retrouve chez lui les mêmes termes que chez l’homélistc. Pour άποκατάστασις, contentons-nous, car les textes sont très nombreux, de rappeler cette défini­ tion, qui revient plusieurs fois, à peine modifiée, sous sa plume : La résurrection n’est rien d’autre que le rétablissement dans l’originel (ή είς τδ άρχαιον άποκατάστασις)1. Sa troisième homélie pascale utilise de son côté les autres termes de l’homéliste. Grégoire y compare Dieu à un potier qui rénove (άνενεώσατο)2 un vase 1. In EccL, 1 (XLIV, 633 C) ; cf. De hom. opif., 17 (XLIV, 188 C) ; De an. et res. (XLVI, 148 A et 156 C). 2. In Christi res. Ill (XLVI, 653 C). 94 l’auteur de l’homélie détérioré, qui le redresse (έπαναρΟοΐ)12 3, et il décrit la résurrection comme un re-création (άνακτίζεσΟαι)®. 2) Dans cette restauration de l’état originel, l’homélie met en relief le recouvrement de la béatitude (τήν της μακαριότητας επανάληψιν p. 151, 10). Ici encore, les parallèles chez Grégoire sont nombreux : Qui, après mon exclusion du paradis ... me hisse jusqu’à la béatitude première (επί τήν πρώτην έλκει μακαριότητα)1 î| Nous avons été mis hors du paradis, déchus avec nos premiers parents, et maintenant il nous est permis de revenir en courant à la béatitude originelle (παλινδρομήσασιν έπανελθειν έπΐ την άρχαίαν μακαριότητα)4. ... afin que l'homme, après avoir goûté aux maux qu’il avait désirés et après avoir appris par expérience quels biens il avait échangés contre quels autres, revînt à la course, de son plein gré, par le désir, à la béatitude première (παλινδρόμηση πρός την πρώτην μακαριότητα)5. 3) L’homéliste mentionne aussi que le Christ a libéré notre nature et que cette libération était néces­ saire pour le recouvrement de la béatitude : Le Sauveur a rendu notre nature libre pour le recou­ vrement de la béatitude (έλευθέραν την φύσιν ήμών πρδς τήν της μακαριότητας έπανάληψιν, ρ. 151, 9-10). Pour Grégoire aussi la liberté — la libération des passions — est la condition du retour à la béati­ tude : 1. 2. 3. 4. 5. In Chrisli res., 3 (XLVI, 668 D). Ibid., (664 C); ci. In Canl., 15 (XLIV, 1109 A 10-11). In Canl., 1 (XLIV, 1125 B). De uirg., 12 (XLVI, 373 D). De mort. (XLVI, 524 B). ’ RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 95 ... afin que la vie humaine, comme libérée (έλευθερωθεΐσα) d’une bride, de nouveau maîtresse d’elle-même et libre, revienne à la course vers la vie bienheureuse et impassible (ελεύθερα πρός τύν μακάριον καί απαθή βίον έπανα&ράμοι)1. 5. L’homme et les anges L’homélie nous donne, sur les rapports que l’homme entretient avec les anges, des pensées qu’il faut relever. Puisqu’il s’est produit une chute (έκπτώσεως) de l'homme et sa séparation d’avec la piété des anges célestes, quand Dieu se préoccupe de nous faire remonter (έπανάγειν) par la Passion dans cette unité, qu’opère-t-il d’autre que la récapitulation des êtres bons? (p. 141, 2-6). Grégoire affirme, lui aussi, plusieurs fois, que l’homme avant la chute était dans la société des anges et que le péché l’a séparé d’eux : Il y eut un temps où toute la nature spirituelle formait un seul chœur qui regardait le même choryphée et qui déroulait un chant d’apres l’accord que ce choryphée lui donnait par le commandement de ses gestes. Mais le péché s’insinuant a brisé cet accord ; faisant glisser par la tromperie le pied des premiers hommes qui chantaient avec les puissances angéliques, il a produit une chute (πτώμα) ; alors l’homme a été arraché du contact avec les anges, la chute brisant son lien avec eux2. Au lieu de ces occupations élevées et de la vie avec les anges, nous avons été condamnés à vivre avec les bêtes de la terre, ayant troqué la vie angélique et impassible contre la vie animale3. 1. De hom. opif., 52 (XLIV, 204 C). 2. In Ps., II, 6 (XLIV, 508 BC). 3. De bealilud., 5 (XLIV, 1257 D}. 4 96 l'auteur de l homélie Il se plaît également à représenter la rédemption comme le retour de l’humanité auprès des anges : Lorsque ce qui est nôtre court rejoindre ce qui est angé­ lique (βταν συνδράμω τω άγγελικφ τό ήμέτερον)1. Le pasteur de la création spirituelle, laissant dans les hauteurs le troupeau innocent et céleste [les anges], recherche par miséricorde la brebis égarée, je veux dire notre nature2. Les anges se réjouissent du rappel des hommes, que le Christ a rappelés à nouveau à la grâce originelle en se faisant notre premier-né3. De même qu’il a représenté la séparation d’avec les anges comme une chute, il emploie pour le retour parmi eux l’image d’une remontée et se sert du même mot que l’homéliste (έπανάγειν) : La rencontre de l’angélique avec l’humain, lorsque l’humain sera remonté (έπαναχθη) dans son sort originel, produira ce son musical4. 6. Autres rapprochements Groupons ici quelques rapprochements qui, poui être moins importants sur le plan doctrinal, n’en ont pas moins un certain intérêt : 1) L’homélie dit que Dieu fixe à chaque être qu’il crée une nature et un contour déterminés, une mesure (εν ώρισμένη φύσει... έν ώρισμένγ} περιγραφή...άπαρτίσας τδ 1. In Ps., I, 9 (XLIV, 485 C). 2. C. Eunom., 12 (XLV, 889 A). 3. C. Eunom., 4 (XLV. 636 A). 4. In Ps., I, 9 (XLIV, 484 B) ; cf. C. Eunom., 12 (XLV, 889 D 2) ; In Cant., 7 (XLIV, 905 B 10) ; De an. el res. (XLVI, 149 D 5). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 97 μέτρον, p. 131, 5-7). Grégoire a la même conception : Rien n’est indéterminé (μηδέν άόριστον) pour Dieu dans ce qu’il crée, et chacun des êtres a une limite et une mesure (μέτρον) dont le contour a été calculé (περιμετρούμενον) par la sagesse du Créateur1. Tout ce qui est, est circonscrit dans ses limites parti­ culières (έν ίδίοις μέτροις έμπεριγεγραμμένα) selon qu’il a plu à la sagesse du Créateur2. 2) L’homélie indique également que Dieu a « créé toutes choses avec art, progression et ordre » (τη τέχνη όδω καί τάξει, ρ. 139, 7-8), et qu’il α laissa l’uni­ vers se comporter dans l’ordre» (έντάξει, p. 131, 17). Elle insiste sur l’enchaînement logique, Γάκολουθία, qui préside à toute l’œuvre de Dieu. La même idée et les mêmes termes se retrouvent chez Grégoire. Son traité Sur la création de l'homme met en relief par le mot όδός la progression ascendante des êtres qui appa­ raissent successivement : La nature s’avance vers son terme, par une sorte de gradation et un enchaînement (όδω τινι ακολούθως)3. La nature fait son ascension (άνοδον) par des degrés, je veux dire par des propriétés particulières de vie, depuis les plus infimes jusqu’à la perfection45 . Il aime aussi à dire que Dieu fait tout avec ordre : τάξει τινί καί ακολουθία*. La puissance et la sagesse mises à conduire chacune des 1. 2. 3. 4. 5. De hom. opif., IC (XLIV, 185 B). C. Eunom., 1 (XLV, 365 B). De hom. opif., 8 (XLIV, 145 B). Ibid. (148 B). In Hexaem. {XLIV, 120 B). 98 l’auteur de l’homélie parties du monde à sa perfection ont eu pour conséquence logique un certain enchaînement nécessaire selon un certain i ordre (είρμός τις αναγκαίος κατά τινα τάξιν έπηκολούΟησεν)1. L’ordre (τάξις) est la conséquence nécessaire de la sagesse mise dans les choses pour faire apparaître chacun des éléments2. Moïse attribue à l’action divine ce qui se produit nécessairement, en vertu de l’enchaînement de la nature, selon un certain ordre et une certaine harmonie (κατά τήν ' ακολουθίαν της φύσεως έν τάξει τινί καί αρμονία)3. 3) Dans quelques lignes de l’homélie (p. 149, 4 à 151, 17) nous rencontrons cinq fois μίμημα, une fois μίμησις, deux fois le verbe μιμείσθαι, à propos de l’Eucharistie. Le chapitre XXXV du Discours caZéchélique fait un usage intensif de ces mots à propos] d’un autre sacrement, le baptême : sept fois μίμησις, ' quatre fois μιμείσθαι ou ses composés. 4) L’homéliste fait allusion à une prédication antérieure dans laquelle a il a tiré argument des Juifs j contre les Juifs, des païens (Ελλήνων) contre les · païens » (p. 135, 16-17). Grégoire estime également que l’on ne doit pas employer les mêmes arguments] avec les uns qu’avec les autres : La nature de la maladie doit déterminer la forme du traitement qu’on lui applique. On ne traitera pas par les mêmes remèdes le polythéisme du païen (Έλληνος) I et 1’incrédulité du Juif touchant Dieu le Fils unique4. :« 1. Ibid. (72 BC). 2. Ibid., (113 C). 3. Ibid. (76 B). Pour άκολουΟία, voir J. Daniélûu, Acoloulhla > chez Grégoire de Nysse, dans Iteuue des sciences religieuses, t. XXIX. 1955, p. 219-249. ■1. Or. cal., prologue, 2-3 (traduction Méridier, p. 2). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 99 5) Notre auteur reproche aux Juifs de se fier à la version de la Bible faite par Aquila (p. 125, 1). Il est notable que Grégoire, dans son traité sxirVHexaéméron, cite les traductions différentes de Gen. I, 2 qu’ont données Symmaque, Théodotion et Aquila, qu’il accepte les deux premières et refuse la troisième comme entachée de philosophie épicurienne1. 6) On peut ajouter que la doxologie de l’homélie έν Χριστφ μεθ’ ού... τω θεω καί πατρί σύν τω άγίω πνεύματι (ρ. 173, 5) appartient au même type qu’une de celles qu’on trouve chez Grégoire : έν Χριστφ... μεθ’ ού τφ πατρί άμα τφ άγίφ πνεύματι)2. 7. Le temps très pur et le temps souillé Nous avons réservé cette question pour la fin, parce qu’elle nous ramène à ce qui fait l’intérêt principal de notre texte. On a observé plus haut (p. 60) qu’on retrouve chez Grégoire la conception spatialisante du temps qui est celle de notre auteur. Nous voulons revenir seulement sur cette curieuse conception, que nous avons rencontrée dans l’homélie, que le temps était à l’origine très pur et qu’il a été souillé par le péché de l’homme : Puisqu’il avait créé un temps très pur pour la formation du premier homme, que ce premier temps avait été souillé par la transgression, corrompu en même temps que le 1. In Hcxatm. (XLIV, 78 BC). 2. Des. Thead. (XLVI, 748 CD). Sur les doxologios do Grégoire, voir K. Holl, Amphilochius von Jkonium in seinem Verhâltnis zu den grossen Kappadoziern, Tubingue et Leipzig, 1904, p. 216. 100 l’auteur de l’homélie transgresseur, et avait rendu désormais souillé l’âge suivant il voulut prendre le premier temps lui-même pour le redres­ sement de l'homme, pour que, en même temps qu’il purifie- ' rait l’homme, et par le fait de le purifier de la passion, il rendît également plus pur l’âge suivant, à partir de son point initial, afin de tout montrer à la fois : et la rénova­ tion de l’homme et la purification de l’âge (p. 137, 10-18). C’est chez Grégoire qu’on trouve la doctrine la plus voisine de celle-là. Quand il parle du temps présent, il aime à se servir de l’adjectif «fluent» | (^οώδης), en entendant par là que ce temps est celui de la génération et de la corruption1. Il donne à | cet adjectif un sens dépréciatif, et, dans le petit traité Sur l’Octaue, il qualifie expressément cette < ρύσις de « sale », £υπώσα (ή ^υπώσα των του βίου πραγμάτων | £ύσις)2, ce qui nous rapproche incontestablement I du temps « souillé » (μεμολυσμένον) de l’homélie. J Pour Grégoire aussi, le temps n’a pas eu toujours ce I caractère ; c’est le péché de l’homme qui a introduit [ le cycle des générations et des corruptions qui font de ce temps un temps fluent et sale. Sans le péché, en effet, l’homme se serait multiplié à la façon des anges, mais le péché l’a réduit à se multiplier par B I génération sexuelle et ce mode de génération entraîne nécessairement la corruption. /Yvant la faute, il y avait certes un temps, puisqu’il y avait du mouve- a ment dans la création, mais c’était un temps fait de «I 1. Dean, d res. (XLVI, 128 C; 129 B; 149 B) ; In Cant., 13 (XLIV, 1052 D) ; In Eecl., 8 (XLIV, 737 C) ; In Ps., II, 5 (XLIV, 504 D) ; De odaua (XLIV, 609 C) ; otc. 2. De octava (XLIV, 609 A). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 101 progrès, d’« ascension », un élan vers la vie, sans vieillissement ni corruption ; puis le péché, en intro­ duisant la génération sexuelle qui est un « élan vers la mort», a instauré le cycle toujours semblable à lui-même des naissances et des morts. Après avoir été au début une ligne ascendante, le temps est devenu cyclique. On trouve enfin chez Grégoire des pensées qui peuvent illustrer la purification du temps dont parle notre auteur. Lorsque l’humanité aura atteint son plérôme, c’est-à-dire le nombre d’âmes fixé par Dieu, le cycle des naissances et des morts cessera et avec lui le temps cyclique des semaines : il y aura alors un Jour unique, le huitième jour, et il sera marqué par un progrès incessant, car les bienheureux ne cesseront de croître dans la parti­ cipation au Bien suprême. Après le temps cyclique, la ligne ascendante du début reprendra. Pour Grégoire, ce progrès commence en réalité dès ici-bas pour l’âme chrétienne : elle est dans un temps « mitoyen », qui est 1’« aurore » du huitième jour, quand elle s’affranchit par la vie vertueuse, et plus encore par la virginité, de ce temps fluent des choses passagères, ce temps « sensible » et cyclique où le corps est encore engagé1. 1. Ayant l’intention de donner ailleurs une étude d’ensemble sur Le temps chez Grégoire de Nysse, qui justifiera dans le détail le présent exposé sommaire et le complétera, nous nous contenterons d'indiquer Ici quelques références essentielles : In Ps., II, 5 (XLIV, 504 C505 A) ; De octava (XLIV, 609 A-C) ; De hom. opif., 8 (XLIV, 148 D) ; 17 (189 A-D) ; In Hexaem. (XLIV, 120 A); In Cant., 15 (XLIV, 1109 DC) ; De an. cl res., 46 (XLIV, 128 B-129 B) ; De virg., 13 (XLVI, 377 BC). 102 l’auteur de l’homélie Toutefois, indépendamment même du fait que les < expressions de « temps très pur », de temps « souillé » j et de « purification de l’âge » (χρόνον καθαρώτατον — μεμολυσμένον — την του αίώνος καθαρότητα, ρ. 137, 10-18) ne se rencontrent jamais chez Grégoire, on doit se demander si la ressemblance de doctrine est aussi profonde qu’on est porté à le supposer au premier I abord. L’homéliste partage-t-il les idées de Grégoire * sur le progrès dans les premiers jours de la création et j surtout sur le progrès dans la béatitude finale ? Met-il la souillure du temps en relation aussi étroite | que Grégoire avec l’instauration de la procréation J charnelle ? A s’en tenir au contexte de l’homélie seule, on peut interpréter la pensée de l'auteur d’une 3 manière beaucoup plus sobre ; elle ne suppose pas ] nécessairement tout cet arrière-fonds doctrinal et ] a pu naître simplement à l’occasion de l’homélie. ‘j Cherchant une raison qui expliquerait pourquoi il était si important pour le Christ de prendre pour j sa Passion les mêmes temps que pour la création, I l’auteur l’a trouvée dans l’idée que le temps, étant le J réceptacle de toutes choses, partage leur sort : 1 le Christ avait à purifier non seulement l’homme mais encore le temps, parce que la faute de l’homme I n’avait pas pu manquer de souiller le temps. Quant fl à «dire en quoi consiste cette souillure du temps, l’auteur se borne à déclarer que le Christ purifie du πάθος (τη έκ του πάθους καθάρσει, ρ. 137, 15). Il est I possible que ce soit une allusion à la doctrine J nysséenne des πάθη, liés à 1’instauration de la généra- 3 tion sexuelle. Mais ce peut être aussi l’idée toute 4 RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 103 simple, fréquemment répétée par les écrivains chré­ tiens, que le Christ nous libère de la souffrance et de la mort. Rien dans l’homélie ne nous force à croire que l'auteur soit allé plus loin dans l’analyse de ces notions de souillure et de purification du temps. Cette liste de ressemblances ne peut manquer de faire impression, surtout quand on sait que l’homélie a été écrite du vivant de Grégoire et en Asie Mineure où il était. Aussi avons-nous cru pen­ dant un temps pouvoir émettre l’hypothèse qu’elle était de lui1, et cette attribution avait déjà obtenu l’assentiment précieux de quelques bons connais­ seurs de Grégoire. Mais aujourd’hui nous nous voyons contraints de retirer cette conjecture. La lecture prolongée de l’œuvre de Grégoire, loin de renforcer notre premier sentiment, l’a détruit. Car elle nous a mis en présence de nombreuses constantes plus authentiquement nysséennes qui ne se retrouvent pas dans l’homélie, et, d’autre part, les ressemblances que nous avons notées ne nous paraissent plus aussi typiques : la plupart de ces idées et de ces termes se présentent chez d’autres auteurs lorsqu’ils ont à traiter ces mêmes sujets. Ce qui reste de plus signifi­ catif, c’est l’idée que l’homme après sa faute est tombé dans la « multiplicité », et une certaine simi­ litude, qui ne va d’ailleurs pas très loin, dans la 1. Cf. Revue d'histoire ecclésiastique, t. XLV1II, 1952, p. 22, et Hom. pasc., t. II, p. 49. 4-1 104 l’auteur de l’homélie conception d’une souillure du temps, mais cela ne suffît pas, croyons-nous, pour affirmer l’identité d’auteur. Nous avons relevé des termes isolés, mais pas de ces constellations de mots qui s’appellent presque inévitablement les uns les autres sous la plume de Grégoire quand il reprend les mêmes sujets. Nous ne pouvons pas songer à donner ici un tableau de vocabulaire nysséen sur les sujets abordés dans notre homélie ; pour ne prendre qu’un exemple, les termes ροώδης, παροδικός, διάστημα qui reviennent fréquemment quand Grégoire parle du temps, ne se rencontrent pas une fois dans notre texte, pas plus que παλιντρέχειν que Grégoire aime à employer pour le retour dans la béatitude première. En sens inverse, l’homéliste utilise avec une prédilection marquée l’expression ό μονογενής υΐύς του θεού (5 fois)1 ; Grégoire n’en fait pas cet usage intensif, Holl la dit « seulement rare » chez lui2 et note comme beaucoup plus fréquente la formule μονογενής θεός, que l’homéliste n’emploie jamais. Du point de vue stylistique, on aura remarqué la fréquence dans l’homélie des phrases commençant par έπειδή avec une apodose en διά τούτο : ce n’est pas une des tournures favorites de Grégoire (qui emploie plus souvent, nous semble-t-il, έπεί et τούτου χάριν). Et les phrases de Grégoire, généralement assez complexes, ne sont pas les périodes longues mais toujours bien ordonnées auxquelles notre homéliste s’est entraîné. C’est tout cet ensemble 1. P. 113, 6; 119, 15; 135, 8, 22; 143, 13. 2. Hou., I. I., p. 212-213 (· nur scltcn »). RESSEMBLANCES AVEC GRÉGOIRE DE NYSSE 105 de faits précis et d’impressions de plus en plus nettes de lecture, qui nous conduit à penser que ce texte n’cst pas de Grégoire, malgré les ressemblances non négligeables qu’il offre avec son œuvre. Mais il n’aura pas été inutile de signaler ces ressemblances. Elles nous auront servi à mieux discerner la pensée qui se cache sous plusieurs expressions de cet auteur inconnu, et elles nous auront montré que certaines doctrines de Grégoire, en particulier l’idée de la chute de l’homme dans la multiplicité et quelques traits de sa conception du temps, ne lui sont pas aussi personnelles qu’on aurait pu le croire, puisqu’on les retrouve chez un de ses contemporains, qui habitait comme lui l’Asie Mineure. TEXTE ET TRADUCTION SIGLES • < > ( ] t t add om del sup V M O Ocor θ’ B H sliter in codicibus addendum delendum corruptum addidit, addiderunt omisit, omiserunt deleuit suppleuit codex 6 des Vlatées à Salonique Marcianus gr. Λρρ. Il, 69 (main do Joasaph) — — — (main de Margounios) Oltobonianus gr. 101 (première main) —-------- (corrections faites par la première main) —-------- (corrections faites par la seconde main) Daruccianus gr. 212 Hierosolymitanus s. Crucis 36 AVERTISSEMENT 1) Nous n’avons indiqué la leçon de Savile que dans quelques passages où c'était utile pour montrer la généalogie des témoins. 2) Nous n’avons pas porté dans l'apparat les variantes purement orthographiques. Nous entendons par là les différentes formes d'itacisme, les échanges de o et de ω, de 0 et de r, quand ils n’abou­ tissent pas à une forme correcte susceptible de modifier si peu que ce soit le sens ou la construction de la phrase. Quand une forme orthographique moins courante, comme τέθακε (p. 159, 7), nous a paru, d’après la répartition des témoins, être celle qui figurait dans B, nous l'avons conservée; dans tous les cas douteux, nous avons adopté la forme la plus courante. De mémo, pour le v éphelcistique et le ς de ούτως, nous avons suivi les règles ordinaires, les manuscrits étant divergents les uns des autres. 110 PSEUDO-CHRYSOSTOME Exorde Hier1, frères, nous parlions de la date de la sainte Pâque, et, puisqu’il semblait y avoir une incertitude, nous avons indiqué au nom de Notre Seigneur JésusChrist que depuis longtemps ni cette incertitude ni la date ne nous était inconnues ; et nous en avons dit assez sur ce sujet, si du moins vous avez en mémoire le sens de nos paroles. Mais on nous presse de dire aujourd’hui la cause du retard. Comme un tel exposé réclame la mystique2 de tout ce qui concerne la Pâque, nous voulons, si le Seigneur aussi le veut, reprendre le sujet depuis le début et expliquer, autant que c’est possible, les idées contenues dans 2 ce mystère3. Et puisqu’il se produit de nombreuses attaques d’adversaires qui ignorent la nature de la vérité, puisque les hérétiques s’en écartent visible­ ment et que les Juifs se targuent d’accomplir la 1 I. L’homéliste rappelle ici qu'il a donné χΟές, littéralement hier, une homélie au cours de laquelle il a touché la question de la date pascale. Plus loin encore, p. 135, 15, 11 fera mention d’une homéll prononcée πρώην, littéralement avant-hier, sur le sacrifice du Chril On ne se pressera pas trop d’en conclure qu’il avait prêché la veil et l’avant-veille. Car ces deux adverbes peuvent aussi s’employ» l’un et l’autre, dans le sens plus large de tout récemment. 11 est poxsibli que ces deux passages concernent une seule homélie, prononcée non la veille mais deux ou trois jours plus tôt, et dans laquelle l’auteur, SUB LA PÂQUE DE 387 111 Χθές μέν, αδελφοί, περί της προθεσμίας του άγίου πάσχα 1 τινά έλαλοΰμεν καί, έπειδή έδοξέ τις αμφιβολία γίνεσΟαι, έσημάναμεν έν τω όνόματι του κυρίου ήμών ’Ιησού Χρίστου ότι πρό πολλοΰ οΰτε την αμφιβολίαν ήγνοήσαμεν ούτε την 5 προθεσμίαν, καί περί τούτων άρκούντως έρρήθη, εΚ γε έν μνήμη των είρημενών την δύναμιν έχετε * ήπείγμεθα δέ είπεϊν σήμερον την αιτίαν της παρολκής καί, έπείπερ ή τοιαύτη διήγησις άπαιτεί όλου του προς τό πάσχα τόπου την θεωρίαν, βουλόμεθα, έάν καί ό κύριος βούληται, άναλαβεΐν ]θ την ύπόθεσιν καί όση δύναμις έξειπεϊν του μυστηρίου τα θεωρήματα. Καί έπείπερ πολλή καταδρομή των εναντίων 2 γίνεται άγνοούντων της άληθείας τήν φύσιν καί αιρετικοί άποσκιρτήσαντες φαίνονται καί ’Ιουδαίοι έπαγγέλλονται 1 άγίου om Π || 6 ήπείγμεθα scripsimus : έπείγμεθα VMOBH II 10 δση VMOH : ώς ή Β. Λ l’occasion du carême qui allait commencer, avait pris la Pâque pour sujet, en traitant principalement du sacrifice du Christ et en évoquant au passage le débat sur la date de la fête. Voir supra, p. 74, (avec la note 2), les témoignages d’Ëpiphane et de Chrysostome sur les trois jours de la semaine où avaient lieu les assemblées litur­ giques en temps ordinaire. 2. Le mot θεωρία peut désigner soit l'acte de contempler soit l’objet de la contemplation, c'est-à-dire pour notre auteur l’ensemble des- raisons mystiques d'une chose. Cf. p. 76. 3. Nous gardons mystère pour traduire, μυστήριον, mais on serait plus près do la pensée de l’auteur en traduisant sacrement. Cf. p. 68. 112 PSEUD0-CHRYS0ST0ME Pâque, alors que les Chrétiens sont seuls en possession de ce mystère et que la célébration du mystère a sa forme exacte chez nous, je me propose de faire une brève mention de tous ces gens-là, de dégager de toute confusion notre mystère, et ainsi de dire le sens de chacun des temps, selon que me l’accordera le Fils unique de Dieu. 3 Souvent, en effet, nous avons vu des gens dire : a La Nativité du Sauveur se célèbre à jour fixe (elle a lieu, comme chacun sait, le VIII des calendes de janvier, suivant le calendrier romain1); l’Épiphanie de même (elle se fête elle aussi à jour fixe, le 13 du quatrième mois, suivant le calendrier asiate) ; de même encore, quand nous célébrons la mémoire des martyrs, nous faisons leur commémoraison à jour fixe : comment se fait-il que pour la Pâque il n’en va pas ainsi ? » C’est que le mystère ne dépend pas d’un jour unique, ni d’une simple occurrence, mais de plusieurs dates, que nous réunissons à ce sujet avec réflexion, pour mettre en lumière les raisons 4 mystiques. En effet, nous observons d’abord le premier mois, le véritable premier mois du premier temps, qu’on reconnaît à l’équinoxe de printemps (car pour observer le premier mois, il faut voir le premier temps, à cause duquel précisément on l’appelle premier mois, et, à nouveau, pour prendre 1. La fêle de Noël est la seule dont l’auteur donne la date ·*η calendrier romain. C'est un indice que l’homélie se situe très peu de temps après l’introduction de cotte fête occidentale en Orient comme l’a remarqué Turner. SUR LA PAQUE DE 387 5 10 15 20 113 πάσχα τελεϊν, Χριστιανών δέ μόνων τδ μυστήριον τοΰτό έστιν καί ή του μυστηρίου τελετή παρ’ ήμΐν μετά άκριβείας συνίσταται, θέλω απάντων τε έκείνων συντόμως μνησθήναι καί άπαμφιάσαι τήν σύγχυσιν άπδ του καθ’ ήμας μυστηρίου καί ούτως έκάστου χρόνου είπεΐν τήν διάνοιαν, καθώς άν δω δ μονογενής υιός του θεού. Πολλάκις γάρ έθεασάμεθα λεγόντων τινών · Πώς τά 3 γενέθλια μεν του σωτήρος έν ώρισμένη ήμερα τελείται (γίνεται γάρ, ώς πάντες ίσμεν, πρδ οκτώ καλανδών ίανουαρίων κατά 'Ρωμαίους), θεοφάνια δέ ώσαύτως (καί αυτά γάρ έπιτελεΐται ήμέρα ώρισμένη τρισκαιδεκάτη τετάρτου μηνδς κατά ’Ασιανούς), καί μαρτύρων δέ ώσαύτως μνήμην έπιτελοΰντες πρδς ήμέραν ώρισμένην άρμόζομεν τήν άνάμνησιν, έπί δέ του πάσχα ούχ ούτως έστιν ό λόγος ; "Οτι ού μιας ούδέ άπλώς συμβαινούσης ήμέρας έστί τδ μυστήριον, άλλά πολλών προθεσμιών, <ών> μετά διανοίας συναγωγήν εις τδν τόπον παραλαμβάνομεν διά τήν της θεωρίας άνάπτυξιν. Τηροΰμεν γάρ καί πρώτον μήνα, τούτον τδν 4 πρώτον μήνα άληθώς τού πρώτου χρόνου, δς έπ’ εαρινής ισημερίας γνωρίζεται — ό γάρ πρώτον μήνα τηρών δφείλει ίδεΐν τδν πρώτον χρόνον, δι’ δν καί πρώτος μήν δνομάζεται, πάλιν τε δ τδν πρώτον χρόνον παραλαμβάνων τήν αρχήν 1 μόνων VMOcor : μονόν ΟΒΗ || 2 καί oui Β || 4 άπαμφιάσαι VM’BH : έπαμφιάσαι MO || 5 είπεΐν VMOB : είπών Η || 7 λεγόντων τινών VMOH : τινών λεγόντων Β || 9 ίανουαρίων VMOB : ίανουαρίου 11 H 10 θεοφάνια Ο : Οεοφάνεια VM* έπιφάνεια ΒΗ έπιφάνια (aie) Μ || 11 έπιτελεΐται MODII : έπιτελεϊτε V || 14 ούτως VMOH : ούτος Μ’Β II 16 πολλών ont Β || ών addidimus || συναγωγήν MO : συναγαγεϊν VM’BH H 18-19 τούτον... μήνα om V || 18 τούτον Μ’Η : τούτου ΜΟΒ H τόν om Η || 19 δς VMOH : ώς Β || 21-22 δι’ δν... πρώτον χρόνον om Ο H 22 τε VMH : δέ Β. 114 PSEUDO-CHRYSOSTOME le premier temps, il faut voir le début du premier temps, lequel début n’est autre que l’équinoxe de printemps, comme je le prouverai par la suite) ; puisque donc nous observons d’abord le premier temps et l’équinoxe, et en plus le 14 de la lune, et avec cela le triduum, à savoir le Vendredi, le Samedi et le Dimanche, et qu’il est impossible, si un seul de ces temps fait défaut, de célébrer la Pâque, pour cette raison nous ne pouvons pas adopter un unique jour fixe pour le mystère de la Pâque, mais c’est'en assemblant la totalité de ces dates que nous accom­ plissons exactement la mystique de la Passion du Sauveur. 5 Avant donc d’énoncer la raison de l’équinoxe, laquelle est mystique, celle du 14 de la lune, qui est liée aussi au mystère, la raison enfin du triduum, laquelle s’harmonise avec la fin du mystère, je veux parler d’abord de la coutume étrangère des Juifs et de ceux qui la traînent sans raison derrière eux12 , et faire ensuite ressortir la pureté du mystère de l’Église ; car les hérétiques eux aussi, quoique d’une façon inexacte, se rattachent néanmoins à lui’. 1. 11 s’agit ici des Quartodécitnans, qui célèbrent Pâques le jour même de la fête juive. j 2. Cette remarque de l’auteur vaut pour les Montanistes et les Novations, qui ont ceci de commun avec l’Église, de choisir toujours un dimanche. SUR LA PÂQUE DE 387 115 δφείλει του πρώτου χρόνου ίδεϊν ούκ άλλην τινά ή Ισημερίαν εαρινήν, ώς προϊών έπιδείξω — ’ έπειδή ούν καί πρώτον χρόνον τηροΰμεν καί Ισημερίαν καί μετά τούτο καί σελήνης τεσσαρεσκαιδεκάτην καί σύν τούτω την τριήμερον, τουτέστι 5 παρασκευήν σάββατον κυριακήν, καί άδύνατόν έστιν ένδς χρόνου τούτων λείποντος έπιτελεσθήναι τδ πάσχα, διά τούτο μέν ού δυνάμεθα μίαν ήμέραν ώρισμένην πρδς τδ μυστήριον του πάσχα παραλαμβάνειν, άλλ’ βλας ταύτας τάς προθεσμίας συναγαγόντες άπαρτίζομεν του σωτηρίου πάθους τήν 10 θεωρίαν. Βούλομαι οδν, πρΙν είπείν την αιτίαν της ισημερίας δ μυστικήν οΰσαν καί της τεσσαρεσκαιδεκάτης κατά σελήνην καί ταύτην τω μυστηρίφ συμβαλλομένην καί πάλιν των τριών ημερών τήν αιτίαν άρμόζουσαν πρδς τδ τέλος του 15 μυστηρίου, πρώτον είπειν τήν έξω τών ’Ιουδαίων συνήθειαν καί <τών> ταύτην άλόγως έπισυρομένων, είθ’ ούτω διακρΐναι του έκκλησιαστικοΰ μυστηρίου τήν καθαρότητα · καί γάρ καί αιρετικοί τούτου, εί καί εσφαλμένος, άλλ’ όμως έξέχονται. 1 ή om Β H 4 τούτω VMO : τούτο Η τούτοις Β || 6 λείποντος ΜΟΒ : λιπόντος VII || έπιτελεσθήναι VWOBH : τελεσΟήναι Μ || 9 συναγα­ γόντες VM'BH : συνάγοντες MO || 15 τήν VMOB : τών Η || 16 τών addidimus || ταύτην VMO : τών τών Β τών τό Η || 18 καί* om Β || έσφαλμένως VMOB : σφαλμένος Η. 116 PSEUDO-CHRYSOSTOME Première partie LES PRATIQUES DU DEHORS 1. Exposé Les Juifs, non plus, pour ’ 6 7 Juifs et Quartodécimans célébration de la pâque> | n’observent pas un unique jour fixe, mais à la fois le premier mois solaire — à ce qu’ils croient1 — et le 14 de la lune. Toujours est-il que, s’il arrive que le 14 de la lune tombe chez eux avant la venue du premier mois, ils sautent ce 14 là, et, insérant un mois lunaire intercalaire de trente jours, ils adoptent un nouveau 14 à cause du premier mois solaire, pour que, grâce à la rencontre ainsi obtenue du premier mois avec le 14 de la lune, ils paraissent accomplir la volonté divine. Ainsi, frère, tu constates que les Juifs eux-mêmes ont la préoccupation, et ceci de commun avec nous, de rechercher pour la fête non pas un jour unique, mais plusieurs temps. II y a, d’autre part, l’hérésie des Quartodécimans ; faisant la Pâque avec les Juifs, ils se trouvent eux aussi dans la même fâcheuse position. 1. Les Juifs ont pour règle de prendre le 14 de la lune dans le premier mois solaire, mais ils se trompent sur ce premier mois, puisqu’ils le font commencer souvent avant l’équinoxe de printemps. I I ·] J ; SUR LA PÂQUE DE 387 117 Ούτε γάρ ’Ιουδαίοι μίαν ημέραν έμπρόθεσμον πρδς τήν 6 τού πάσχα τελεσιουργίαν τηροΰσιν, αλλά καί τδν <πρώτον> μήνα, ώς οίονται, τδν καθ’ ήλιον, καί σελήνης τεσσαρεσκαιδεκάτην. Αύτίκα γοΰν, εί συμβαίη τεσσαρεσκαιδεκάτην 5 κατά σελήνην παρ’ αύτοϊς έμπεσεϊν μήπω ένστάντος πρώτου μηνός, ύπερτίΟενται ταύτην την τεσσαρεσκαιδεκάτην καί έμβόλιμον τριακάδα κατά σελήνην ποιοΰντες άλλην τεσσαρεσκαιδεκάτην διά τον ήλιακδν πρώτον μήνα παραλαμβάνουσιν, ϊνα συνδρομής γενομένης τού τε πρώτου χρόνου καί 10 τής τεσσαρεσκαιδεκάτης κατά σελήνην δόξωσιν άπαρτίζειν τό βούλημα. Ούκουν, άδελφε, όρας δτι καί Ιουδαίοι τούτο σπουδάζουσι καί κοινόν ήμίν τούτο έσχήκασι τδ μή μίαν ήμέραν ζητεΐν πρδς τήν τελετήν άλλα χρόνους πολλούς. Τεσσαρεσκαιδεκάτη δέ αίρεσίς έστι ' σύν Ίουδαίοις ποιοΰντες 7 15 τδ πάσχα καί αύτοί τδ αύτδ έκείνοις πεπόνθασιν. 2 πρώτον addidimus || 3 σελήνης ΜΟΒ Η : σελήνην V Savile || 4 αύτίκα... τεσσαρεσκαιδεκάτην om Β || 5 αύτοϊς VMOB : αύτης Η || μήπω VM’BH : μήπου MO || 6-8 καί έμβόλιμον... τεσσαρεσκαιδεκάτην om V Savile || 7 τριακάδα ΜΟΒ : τριάδα Η || 10 δόξωσιν om Η || 11 post καί add ol Β || 14 τεσσαρεσκαιδεκάτη δέ αΐρεσις VH : τεσσαρεσκαιδεκάτη διαίρεσες Β τεσσαρεσκαιδεκατϊται αΐρεσις MO. 118 PSEUDO-CHRYSOSTOME Les Novatiens Les Novations paraissent i imiter un peu mieux nos I usages. Certes ils sont esclaves eux aussi de la date des Juifs en suivant le premier mois comme ceux-ci l’imaginent1, et le 14 de la lune d’après eux encore ; mais ils ne s’en tiennent pas là : parvenus à ce point, ils en arrivent aussi au triduum, bien que d’une manière tout à fait invalide et sans l’ajustement exigé par l’Église, comme on le montrera. i | Il y a une autre hérésie, Les Montamstes celle Montanistes, qui se dégage bien de l’imitation des Juifs, mais s’écarte ï en même temps de l’Église pour courir un péril particulier. Elle observe en effet le 14 du premier mois, c’cst-à-dire du septième mois du calendrier asiate, mais non le 14 de la lune, ayant pris cet usage . je ne sais où. Car, à la Pâque des Juifs la lune ayant son 14 dans le premier mois, c’est ce 14 là, en la | Pâque des Juifs, que le Fils unique de Dieu a souffert. Qui donc a enseigné à cette hérésie néfaste à prendre j le 14 du mois solaire et non du mois lunaire, sinon ; 10 évidemment le démon qui l’a trompée ? Cependant elle aussi, tout en s’écartant du calcul de l’Église, en vient toutefois au triduum. Qu’elle soit rejetée '1 à son tour ! Et puisque j’ai montré que toute hérésie se préoccupe bien de réunir plus ou moins les dates, 9 1. Les Novations prennent le dimanche qui suit la Pâque juive; ils partagent donc l’erreur des Juifs sur le premier mois, quand ceuxci le font commencer avant l’équinoxe. j 1 j SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 119 Ναυατιανοί δοκοΰσιν <ίλλως πως τά καθ’ ημάς ήρέμα 8 μιμεϊσθαι * δουλεύουσι μέν γάρ καί αυτοί τη προθεσμία των ’Ιουδαίων καί πρώτον μήνα, *ώς έκεΐνοι νομίζουσι, καί τεσσαρεσκαιδεκάτην κατά σελήνην τήν παρ’ έκείνοις μεταδ'.ώκοντες, άλλ’ ούχ έως τούτου γε ίστανται, άλλ’ όταν έν τούτοις γένωνται, καί επί τήν τριήμερον έρχονται, εί καί μάλιστα άκύρως καί ού καθ’ αρμονίαν έκκλησιαστικήν, ώς δειχθήσεται. Έστι τις άλλη αίρεσις ή των Μωντανιστών, ήτις δήθεν 9 μέν άποδύεται τδ μετά Ιουδαίων ποιεΐν, άφέστηκε δέ σύν τούτφ καί τής εκκλησίας εις ίδιον κίνδυνον · τεσσαρεσκαιδεκάτην γάρ μηνδς του πρώτου φυλάττει, τουτέστι μηνδς έβδομου κατά ’Ασιανούς, ού τεσσαρεσκαιδεκάτην δέ σελήνης, ούκ οΐδα πόθεν λαβοΰσα τούτον τδν θεσμόν. ‘0 μέν γάρ μονογενής υιός τού θεού, έν τω πάσχα των ’Ιουδαίων τεσσαρεσκαιδεκάτην έχούσης τής σελήνης έν μηνί τω πρώτφ, έν ταύτη τη τεσσαρεσκαιδεκάτη έν τω πάσχα των ’Ιουδαίων [ό Χριστός] έπαθεν * πόθεν οδν αυτή ή δυσώνυμος αίρεσις τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην άπδ του ηλιακού μηνδς ούκ άπδ τού σεληνιακού είληφεν ή δηλονότι παρά τού άπατήσαντος δαίμονος ; Πλήν καί αυτή, εί καί έκπέπτωκε τού έκκλη- 10 σιαστικοΰ άριθμού, άλλ’ όμως ένθεν επί τήν τριήμερον ήκει. Καί έρρίφθω μέν αύτη ’ επειδή δέ έδίδαξα ότι πασα αίρεσις σπεύδει δήθεν τάς προθεσμίας συναγαγεϊν πλέον ή 1 ναυατιανοί VH : ναυτιανοί ΜΟΒ || 3 ώς scripsimus : καί VMOB cf. ρ. 117, 3 H 6-8 εί καί... δειχθήσεται om Μ (sup Μ*) || 9 μωντανιστών ΜΟΒΗ : μοντανιαστών V || 13 δέ VMOB : γάρ Β || 14 θεσ­ μόν MO : δεσμόν VBH || 16 έχούσης της σελήνης VMO : ένεστώσαν ίχει σελήνης ΒΗ || 18 ό χριστός seclusimus || 19 post μηνός add καί MO H 20 ή VMOH : ήδη Β || 21 αυτή VB : αΰτη ΜΟΗ || 23 αύτη VMOH : αυτή Β. 120 PSEUDO-CHRYSOSTOME j’ai maintenant l’intention de réfuter d’abord les f Juifs, ensuite d’expliquer les raisons de la réunion , des dates, telle que la font les Chrétiens. 2. Réfutation 11 Dans l’Église, la date de la Passion est fixée ainsi : l’équinoxe de printemps, puis, d’une part, le 14 — et cela selon la lune1 — d’autre part le triduum des Vendredi, Samedi et Dimanche. Nous avons besoin de ces trois temps dans cette question ; et c’est ainsi la manière authentique, car ce n’est pas par quelque innovation, mais selon la tradition de Moïse lui-même, qu’on veille à ce que le 14 de la lune soit après l’équinoxe. J’en ai comme témoins des Sages hébreux. En effet, il ne faut pas faire attention maintenant à la sottise des Juifs, car ils ont supprimé tout ce qu’il y avait de juste dans la Loi, mais c’est le récit des Sages î hébreux qu’il convient d’entendre. Il faut définir leur calcul et, d’un côté, bannir les Juifs de main­ tenant comme transgresseurs, de l’autre, établir notre propre comput qui tire de là sa preuve suffisante. Les Juifs, en effet, ont écarté tout ce qui est bon. Le fait est qu’ils ont rejeté même les Écritures tra­ 13 duites par les Septante-deux Sages. Car ils ne furent pas moins de septante-deux Juifs à donner leurs soins à un tel document2 et c’étaient des anciens, antérieurs à la venue du Sauveur, choisis pour leur valeur par des gens de la plus haute valeur pour 12 Le témoignage des Sages hébreux » SUR LA PÂQUE DE 387 121 έλαττον, θέλω λοιπόν έλέγξαι τούς Ιουδαίους πρότερον, εϊθ’ ούτω τάς αιτίας της των Χριστιανών συναγωγής έξειπεϊν. Έστηκεν έπί τής έκκλησίας αΰτη ή προθεσμία του πάθους 11 6 ισημερία έαρινή, τεσσαρεσκαιδεκάτη μέν, τούτο κατά σελήνην, τριήμερος δέ παρασκευή σάββατον κυριακή. Τούτων περί τόν τόπον χρήζομεν, και ούτω κυρίως γίνεται, ού κατά καινότητα άλλως αλλά κατά παράδοσιν αύτοΰ του Μωΰσέως τής κατά σελήνην τεσσαρεσκαιδεκάτης μετ’ίση10 μερίαν φυλαττομένης. Έχω μάρτυρας σοφούς Εβραίους. Ού γάρ νΰν τή των 12 ’Ιουδαίων αφροσύνη προσέχειν χρή — πάντα γάρ τά του νόμου δίκαια έξηφάνισαν αύτοί —, άλλά των σοφών Εβραίων ίστορούντων άκούειν προσήκει ' καί εκείνων ανάγκη τήν 15 ψήφον όρίζειν καί έκκηρύττειν μεν τούτους ώς παραβάτας, συνιστάνειν δέ τόν ήμέτερον λόγον κάκεϊθεν ίκανώς μαρτυρούμενον. ’Ιουδαίοι μέν γάρ πάντα τά άγαθά έξεχωρίσαντο * αύτίκα γοΰν καί τάς γραφάς δύο καί έβδομήκοντα σοφών μεταβαλόντων ήθέτησαν. Τοσουτοι γάρ Ιουδαίοι πρός τήν 13 20 τοιαύτην ιστορίαν ήσχόληντο άρχαϊοι πρό τής του σωτήρος παρουσίας άριστίνδην ύπό άρίστων έξειλεγμένοι πρός τήν 4 ή om ΒΗ || 6 δέ om Β || 7 τόν τόπον VMO : των τόπων ΒΗ || 14 καί om ΒΗ || 16 ίκανώς μαρτυρούμενον ΜΟΒ Η : Ικανός μαρτυρούμενος V H 17 έξεχωρίσαντο VM'B : έξεχωρήσαντο Η έξεφωρίσαντο MO U 19 μεταβαλόντων MO : μεταβαλλόντων VBH || 21 άριστίνδην Μ* Savile : άρίστην δην ΒΗ άρίστην δέ VO άριστοι δέ Μ || έξειλεγμένοι VM* Savile : έξηλεγμένοι MO έξελεγμένοι Β έξελελεγμένοι Η. 1. Non le 14 d’un mois solaire comme font les Montanistes. 2. Le mot Ιστορία nous paraît désigner ici l'écrit lui-môme, le document. 1 122 PSEUDO-CHRYSOSTOME traduire les Écritures, qui étaient encore en caractères . I hébraïques et jouissaient d’un grand prestige ; la I traduction fut elle-même approuvée et des anathèmes < furent portés par tous les Hébreux contre quiconque ; altérerait cette interprétation. C’est pourquoi, nous | autres, nous suivons ces Écritures, dociles à la parole j de Moïse : « Sur l'affirmation de deux ou trois témoins, I toute affaire sera arrêtée » ; et ce n’est plus sur le témoignage de deux, mais de septante-deux témoins, j 14 que nous accueillons cette traduction. Or, tant qu’il resta des Sages parmi les Juifs, cette traduction prévalut ; mais depuis le crime commis contre le I t Sauveur, tout ce qu’il y avait de beau chez les Juifs s’est éteint. C’est un prophète qui annonçait : « Voici que le Seigneur des armées retirera de Jérusalem et de la Judée l'homme fort el la femme forte, la force 1 du pain el la force de l’eau, le géant et le fort, le guerrier et le juge, le prophète, le devin et le prêtre, le sage qui dirige et l'intelligent qui écoute ; je placerai des jeunes gens pour les commander, et des imposteurs seront leurs maîtres ». Cet oracle prophétique s’est réalisé sur le peuple des Juifs ; et par manque d’intelligence, 1 par manque de prophète montrant les moyens de i salut, ils ont anéanti les traditions de leurs propres Sages, méprisé les anathèmes, et désormais ce qui est juste dans la loi a été mis en péril. De même donc I qu’ils ont altéré les Écritures et rejeté la traduction 1 SUR LA PÂQUE DE 387 5 ΙΟ 15 20 123 μεταβολήν των γραφών ετι καί τότε εν έβραϊκοις χαρακτηρσιν ούσών εύδοκίμως, καί έδοκιμάσθη ή έρμηνεία, καί άραί ύπό πάντων των Εβραίων έτέθησαν, et τις τήν ερμηνείαν παρακινήσειεν. Και ταύτας διά ταύτα ήμεΐς περιέπομεν άκούοντες Μωύσέως λέγοντος «‘Επί στόματος δύο καί τριών μαρτύρων σταθήσεται παν ρήμα », ούκέτι δέ δύο, άλλ’ έπί έβδομήκοντα δύο μαρτύρων τήν μεταβολήν άσμενίσαντες. ’Αλλ’ εις οσον μέν οί σοφοί περιήσαν τών 14 ’Ιουδαίων, τά τής μεταβολής έκρατύνετο * γενομένης δέ λοιπόν τής κατά του σωτήρος παρανομίας, άπεσβέσΟη τα παρά Ίουδαίοις πάντα κάλλη. Προφήτης έστίν ό κηρύττων « ’Ιδού δή κύριος σαβαώθ άφελεί άπό‘Ιερουσαλήμ καί άπό τής Ίουδαίας Ισχύοντα καί ίσχύουσαν, ίσχύν άρτου καί ίσχύν ύδατος, γίγαντα καί ισχύοντα καί άνθρωπον πολεμιστήν καί δικαστήν καί προ­ φήτην καί στοχαστήν καί πρεσβύτερον καί σοφόν άρχιτέκτονα καί συνετόν ακροατήν ’ καίέπιστήσω νεανίσκους άρχοντας αύτών, καί έμπαικται κυριεύσουσιν αύτών ». Τούτο τό προφητικόν λόγιον κατέλαβε τήν τών ’Ιουδαίων πληθύν · καί έρημία συνέσεως, έρημίφ προφήτου ύποδεικνύντος τα σώζοντα καί τάς τών ιδίων σοφών παραδόσεις ήφάνισαν καί τών άρών κατεφρόνησαν καί τά τού νόμου λοιπόν έκινδύνευσε δίκαια. ‘Ως ούν τάς γραφάς μετεκίνησαν καί τήν έρμηνείαν τών σοφών εκείνων 5 Dout. XIX, 15 12 13.111,1-4. U 3 et τις ΜΟΒ : ήτις VH || 5-6 καί τριών μαρτύρων VMOH : μαρ­ τύρων καί τριών Β || 6 ούκέτι VM’OBH : ούκ έστι Λί || 10 άπεσβέσΟη VMOB : έπεσβέσΟηΗ || τά om Ο || 11 post κάλλη add ήσαίας Η || 14 καί Ισχύοντα om Μ || ισχύοντα VOB : Ισχύοντας Β || 23 έκινδύνευσε VMOH : έκινδύνευε Β. 124 PSEUDO-CHRYSOSTOME de ces Sages, pour se fier à la version d’un seul et quelconque prosélyte, en rejetant des hommes et des anathèmes si nombreux, de même ils ont corrompu la date de Pâques. 15 Pour témoins, nous avons des Sages hébreux, par exemple Philon, Josèphe et d’autres, qui affirment dans leurs propres écrits que la Pâque ne peut se faire avec exactitude qu’après la venue de l’équinoxe de printemps ; et ils démontrent que depuis toujours on a observé une telle liaison avec le 14 de la lune, comme je l’ai dit maintes fois. Or il est clair, comme tous les Juifs le savent, que ces hommes-là sont postérieurs à la Passion du Sauveur, ayant vécu longtemps après, de sorte qu’il est évident que le Sauveur a souffert à la Pâque des Juifs après l’équi­ noxe. Tu sais donc, par le témoignage même de leurs Sages, que les Juifs d’aujourd’hui sont à rejeter, puisqu’aux origines ils célébraient la Pâque de l’agneau après l’équinoxe, le 14 de la lune. Que ce point me demeure acquis, pour qu’en sorte la démons16 tration du sujet. Désormais en effet les Juifs font indifféremment la Pâque avant l’équinoxe, sauf le cas où, un mois intercalaire se présentant, ils la repoussent malgré eux après l’équinoxe ; et ce n’est pas par dessein, mais} simplement par hasard. Toujours est-il que maintenant, pour la présente Pâque, ils la font avant l’équinoxe, et sont dénoncés par les Sages juifs comme transgresseurs de 1. Ici un mot corrompu au cours de la transmission du texteUn autre passage de l’homélie (p. 117, 11) suggérerait βουλήματος, I la Volonté (de Dieu) ; mais la corruption de ce mot en χρίσματος est difficile à expliquer paléographiquement. SUR LA PAQUE DE 387 125 ήθέτησαν ένός τίνος προσηλύτου πεισβέντες μεταβολή έπ’άΟετήσει τοσούτων άνδρών και άρών, ουτω καί τήν προθε­ σμίαν τού πάσχα διέφθειραν. Έχομεν μάρτυρας σοφούς 'Εβραίους olov Φίλωνα καί 15 5 Ίώσηπον καί άλλους τινάς, οιτινες έν τοίς οίκείοις συγγράμμασι διαβεβαιοΰνται βτι ού δύναται άκριβώς άλλως τδ πάσχα γενέσθαι ή μετ’ έαρινήν ισημερίαν ένστάσαν ' καί βρίζονται οΰτοι άνέκαθεν τδν τοιοΰτον είρμδν τετηρήσθαι μετά της κατά σελήνην τεσσαρεσκαιδεκάτης, ώς πολλάκις 10 έρρήθη. Οΰτοι δέ σαφώς, ώς πάντες ’Ιουδαίοι έπίστανται, μετά τδ πάθος του σωτηρος έγένοντο πολλώ τώ μετεπειτα χρόνω βιώσαντες, ώστε δήλον είναι βτι καί δ σωτηρ έν τώ πάσχα των Ιουδαίων £παθε μετ’ ισημερίαν. "Εχεις τοίνυν καί έκ τής μαρτυρίας των σοφών ’Ιουδαίους τούς νυν 15 αποβλήτους, έξ άρχής μετ’ ισημερίαν τεσσαρεσκαιδεκάτη σελήνης τδ πάσχα του προβάτου τελέσαντας. Τοΰτό μοι ίστάσθω τέως, ίν’ έκ τούτου δειχθή τδ προκείμενον. Λοιπδν 16 γάρ ’Ιουδαίοι ποιοΰσι τδ πάσχα πρδ Ισημερίας άδιαφόρως, έκτος εί μή, έμβολίμου μηνδς ένστάντος, άκουσίως μετ’ίσηΜ μέριαν παραταθώσιν, τούτο δέ ούκ έστι σκοπού άλλ’α­ πλώς του συμβάντος. Αύτίκα γουν νυν εις τδ ένεστδς πρδ ισημερίας ποιοΰσιν, καί κατηγοροΰνται ύπδ τών ’Ιουδαίων σοφών παραβάται του fχρίσματος!. 1 πεισθέντες VMOB : ποιωθέντος Η || 2 αθετήσει VOBH άθετήσεσι Μ II 5 Ιώσηπον Β : (ώσιπον Μ Ιώσηππον Η ΐώσιππον VO || 7 ή VMOH : cl μή B H 8 άνέκαθεν ΜΟΒΗ : ακριβώς V || 15 τεσσαρεσκαιδεκάτη VMOH : -δεκάτης Β || 16 τε/χοαντας .MO : τελέσαντες VBH || 18 πρδ VMOH : πρδς Β || 19 άκουσίως VMBH : άκουσίας Ο || 22-23 Ιου­ δαίων σοφών VBH : σοφών Ιουδαίων MO. 126 L7 · PSEUDO-CHRYSOSTOME Mais nous gardons, nous I autres, la vertu du mystère dans son intégrité. En effet, le temps où le Sauveur 3 a souffert n’est pas inconnu ; car les Actes faits sous 1 Pilate contiennent aussi la date de la Pâque. Il y est rapporté que le Sauveur a souffert le VIH des 1 calendes d’Avril : cette date tombe après l’équinoxe et est acceptée par les gens exacts. Tiens-toi à cette 1 règle ; ainsi tu te rendras compte que le Christ a souffert à cette date-là ; le sachant, tu veilleras à 1 faire toujours la Pâque après l'équinoxe à l’imitation | du Christ, tu fuiras d’une part la faute des hérétiques, et tu rechercheras, d’autre part, la raison des temps. Ces raisons, je vais maintenant tenter de les énumérer dans l’ordre pour montrer l'accord du mystère avec I l’institution originelle. Le témoignage des Actes de Pilate Deuxième Partie LA PRATIQUE DE L’ÉGLISE 1. La Pâque prototype du Sauveur 18 Le Christ a souffert après l’équinoxe, et il a souffert J le Vendredi, comme noüs le savons et comme les Écritures le relatent, ce Vendredi coïncidant avec le 14 de la lune. C’est en effet en la Pâque des Juifs# qu’il a souffert; or la Pâque des Juifs rassemblait alors tous les temps qui concernent la Passion : l’équinoxe avait eu lieu précédemment; on était le 14 ; enfin venaient s’ajuster le Vendredi, le Samedi SUR LA PÂQUE DE 387 127 Έχομεν δέ ημείς του μυστηρίου τήν ίσχύν άσύλητον. 17 Ό μέν γάρ χρόνος καθ’ δν έπαθεν ό σωτήρ ούκ ήγνόηται ' τα γάρ ύπομνήματα τά έπί Πιλάτου πραχθέντα καί τήν προθεσμίαν περιέχει του πάσχα. ’Ιστορείται γοΰν δτι τη & πρό όκτώ καλανδών άπριλίων έπαθεν ύ σωτήρ * αΰτη γοΰν ή προθεσμία μετ’ Ισημερίαν συνίσταται, καί τοϊς άκριβοΰσι κατείληπται. Καί έχε τούτον τόν κανόνα, ίνα ϊδης δτι Χριστός έν ταύτη τη προθεσμία έπαθε καί ίνα είδώς τηρής αεί μετ’ ισημερίαν ποιεΐν τό πάσχα Χριστόν μιμούμενος, καί 10 φεύγης μέν τήν των αίρετικών παρανομίαν, ζητης δέ τάς αιτίας των χρόνων · πειράσομαι δέ ήδη ταύτας άπαριθμήσαι κατά τόπον, ίν* αρμονίαν δείξω του μυστηρίου πρός τήν άρχαίαν κατάστασιν. Έπαθεν ό Χριστός μετ’ ισημερίαν καί τη παρασκευή 18 επαθεν, ώς ΐσμεν καί αι γραφαί μεμηνύκασιν, τεσσαρεσκαιδεκάτη κατά σελήνην της παρασκευής συντρεχούσης. Έν γάρ τω πάσχα των ’Ιουδαίων έπαθεν · τό δέ πάσχα των ’Ιουδαίων τότε πάντας τούς χρόνους πρός τό πάθος 20 συνήγαγε και ισημερίαν προλαμβάνουσαν καί τεσσαρεσκαιδεκάτην ένεστώσαν και παρασκευήν καί σάββατον καί 15 4 περιέχει VM‘BH : έχει MO || 9 άε£ VMOH : μέν Β || 9-ρ. 131, 12 ποιεΐν... ιιετά om Η || 10 φεύγης ΜΟΒ : φεύγεις V || 10-11 παρονομίαν... των om Ο || 10 ζητης ΜΟΒ : ζητείς V || 15 τεσσαρεσκαιδεχάτη ΜΟΒ : -δεκάτην V. 5 128 PSEUDO-CHRYSOSTOME et le Dimanche. Pourquoi cela et en vue de quoi ? Il me faut maintenant le dire et donner la raison mystique de chacun des points en question, non dans un discours improvise par ma bouche, mais dans un discours prouvé véridique par des faits véridiques. 1. La semaine créatrice Que l’équinoxe préside au temps vraiment premier, c’est évident si l’on considère la création divine. Le premier mois, en effet, se cherche à l’aide du premier temps ; or le premier temps doit avoir pour début les premiers jour et nuit partagés à égalité. Car aucun autre début ne convenait au premier temps, que l’égalité sus-dite : lorsque le temps allait être créé, à l’instant où survenaient le jour et la nuit, il fallait qu’on vît leurs êtres déterminés dans l’égalité et qu’ensuite l’inégalité fut confiée au mouvement. Si en effet l’inégalité appartenait au mouvement, la création devait manifester l’égalité. 20 Cependant, je veux établir cela par l’Écriture. * Au commencementy dit-elle, Dieu fit le ciel et la terre », ensuite elle ajoute qu’il y avait les ténèbres et pas encore la lumière, a Et Dieu dit: Que la lumière soil, et la lumière fut » : ce fut la première lumière, puisque les ténèbres occupaient tout. « Dieu dit donc : ■ Que la lumière soit, cl la lumière fut, et Dieu sépara par le milieu la lumière et les ténèbres ; et Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit λ: voilà 1 19 L’équinoxe est le début du temps SUR LA PÂQUE DE 387 5 JQ 15 20 25 129 κυριακήν ’συναρμοζόμενα. Διά τί ταΰτα γέγονε καί τίνος ένεκεν ; ήδη όφείλω λέγειν καί έκάστου των προκειμένων τήν θεωρίαν άποδοΰναι, ούκ άπδ γλώττης έμής σχεδιαζομένου του λόγου, άλλ’ άπδ πιστών πραγμάτων πιστού δεικνυμένου του λόγου. *Ότι μέν γάρ ή ισημερία προέστηκε του αληθώς πρώτου 19 χρόνου, τούτο δήλον επί της του θεού δημιουργίας έστίν. Πρώτον μεν γάρ μήνα ζητοΰμεν διά τδν πρώτον χρόνον · δ δε πρώτος χρόνος άρχήν όφείλει έχειν τήν πρώτην ήμέραν καί νύκτα έν Εσω διαταχθεϊσαν. Ουδέ γάρ άλλη ήρμοζεν άρχή τω πρώτω χρόνω ή ίσότης τών είρημένων * έδει γάρ, δημιουργεϊσθαι μέλλοντος χρόνου καί ήμέρας και νυκτδς άρτι παραγενομένων, τάς ύπάρξεις τούτων ώρισμένας δειχθήναι έν ϊσω, εϊθ’ ουτω τη κινήσει τήν άνωμαλίαν έπιτραπήναι ’ εί γάρ ή κίνησις τό άνώμαλον έσχεν, ή δημιουργία ώφειλε τήν ίσότητα δείξαι. *Όμως δέ βούλομαι 20 τούτο έκ τής γραφής παραστήσαι ' «Έν άρχή », φησίν, «έποίησεν δ Οεδς τδν ούρανδν καί τήν γήν », είτα έπάγει ότι σκότος ήν και φώς ούδέπω ήν, «καί είπεν ό θεός ' γενηθήτω φώς, καί έγένετο φώς » ’ τούτο τδ φώς πρώτον έγένετο σκότους τά πάντα κατειληφότος. αΕΙπεν» ούν «δ θεός ' γενηθήτω φώς, καίέγένετο φώς, καί διεχώρισεν ό θεδς άνά μέσον τού φωτός καί άνά μέσον τού σκότους, καί έκάλεσεν δ θεός τδ φώς ήμέραν καί τδ σκότος έκάλεσε νύκτα » * έχεις 17 Gen. I, 1 19, 22, Gen. I, 3. 1 συναρμοζόμενα Savile : -ζομενος VB -ζομένας MO || 3 post γλώττης add τής Ο || 10 ήρμοζεν MO : ήρμοσεν VB || 11 ή oin VB || 12 post μέλλοντος add τού MO || 13 παραγενομένων VMO : παραγομένων B || 20-23 τούτο... έγένετο φώς orc VMO || 23 διεχώρισεν VM’O’B : διεχώρησεν MO. 130 PSEUDO-CHRYSOSTOME le premier jour et la première nuit. Eh bien ! Pourquoi dit-on : « El Dieu sépara par le milieu la lumière el les ténèbres », qu’il assigna à la nuit ? C’est que Vau-milieu effectue une répartition en deux extrêmes. 21 Car, puisque tout ce que Dieu créait, il le créait dans une nature déterminée, il a naturellement circonscrit les premiers jour et nuit en des limites définies et égales. Et après avoir fait la mesure exacte, il vit que c’était très bien, ensuite, comme je l’ai dit plus haut, il laissa désormais le mouvement produire l’inégalité. Si vraiment le premier état fut dans l’égalité, c’est bien l’équinoxe qui est le début du premier temps, comme le voilà démontré. pg L’ordonnance générale Ensuite, après 1 équinoxe de la semaine créatrice — fais attention à Ce que je dis là — le quatrième jour sont créés le soleil et la lune (les astres sont en dehors de l’équinoxe), le sixième jour il forme l’homme, et ensuite, le septième, il se repose de toutes ses œuvres; le lende­ main, qui est à nouveau le premier, il laissa l’univers comme une chose achevée se comporter désormais dans l’ordre. Retiens bien, car il faut que tu retiennes ces choses et que ta mémoire t’assiste, pour apprécier l’explication. 2. La chute de l'homme 23 Ainsi Dieu fit l’homme, et en Dieu bon, il l’a fait combien grand et combien puissant ; ne regarde pas, en effet, sa stupidité (actuelle), mais imagine son premier état : « El il le fil à son image ». Et pour SUR LA PÂQUE DE 387 131 πρώτην ήμέραν καί πρώτην νύκτα. Τί γάρ ; πώς είπεν ότι «καί διεχώρισεν ό θεός άνά μέσον του φωτός καί άνά μέσον του σκότους », δ διέταξεν είς νύκτα ; Τό γάρ 21 άνά μέσον εις τά δύο άκρα ποιεί. ’Επειδή γάρ πάντα όσα 5 έδημιούργει ό θεός έν ώρισμένη έδημιούργει φύσει, εικότως καί ήμέραν καί νύκτα τάς πρώτας έν ώρισμένη καί Ισως έχούση παρήγε περιγραφή * καί άπαρτίσας τό μέτρον έώρα κάλλιστα έχειν, είθ’ουτω, καθά ήδη φθάσας είπον, τή κινήσει λοιπόν άφήκε τήν άνωμαλίαν έργάζεσθαι. Et μέντοι 10 πρώτη στάσις έν ίσω γέγονεν, τοίνυν ή ισημερία άρχή του πρώτου χρόνου, ώς άποδέδεικται. ΕΙτα μετά ισημερίαν, σκόπει δ λέγω, τετάρτη ήμέρα 22 γίνεται ήλιος καί σελήνη — έξω της ισημερίας είσίν οΐ φωστήρες —, έκτη ήμερα πλάττει τόν άνθρωπον ' καί 15 έπειτα τή έβδόμη καταπαύει άπό πάντων των έργων, τή έπιούση, ήτις έστί και πρώτη, οΐα τελειωθέν λοιπόν τό σύμπαν άφήκεν έν τάξει φέρεσθαι. Τηρεί ' δει γάρ, τούτων τηρουμένων καί της σης μνήμης παραστάσης, εύδοκιμήσαι τόν έρμηνεύοντα λόγον. 20 ’Εποίησεν οΰτω τόν άνθρωπον ό θεός, καί ώς θεός αγαθός 23 τοσοΰτον καί τηλικουτον έποίησεν άνθρωπον. Μή γάρ 6ρα αύτου τήν άβελτερίαν, άλλα τήν πρώτην φαντάζου κατάστασιν · καί γάρ «κατ’ εικόνα» αύτόν έαυτοΰ έποίησεν. 23 Gen. I, 26, 27. 2 διεχώρισεν VOB : διεχώρησεν Μ || 13 έξω τής MO : ίσότης V.M*BH H 14 καί om Μ (sup Μ*) Ο || 17 δει VMOB : δή Η || 18 παραστάσης VMO : παράστασις ΒΗ || 20 post ώς add ό Β. 132 PSEUD0-CHRY30ST0ME montrer que sa nature rivalisait avec les astres, il déclare que même il l’a mis nu dans le paradis sans besoin de vêtement. Car la démesure ne s’était pas encore jointe au regard de l’homme pour qu’il eût besoin de se couvrir ; l’Écriture atteste au contraire I qu’« il fît l'homme et le plaça dans le paradis » et qu’« ils étaient nus sans en rougir ». De même que le soleil et la lune se parent de leur nudité, de même il leur était permis à eux aussi de faire parade de leur beauté naturelle. 24 Ayant donc mis dans l’homme un si grand bienfait, l’ayant installé dans les délices du paradis et rendu abondamment participant de ses grâces, Dieu exigea le bon usage des sens et lui ordonna de faire honneur à la grâce par son obéissance : comme il avait vu qu’il était impossible à l’homme de conserver ce don sans recourir à Dieu qui le lui avait donné et sans l’honorer, il lui fixe une loi comme gardienne de la nature, afin que la pensée du législateur et son aide le protègent, tels d’excellents remèdes ; et il lui promet l’immortalité s’il observe la loi, la mort s’il la transgresse. 25 Mais les choses étant ainsi, il arriva ce qui est arrivé. Incité par la jalousie du démon à transgresser la loi, l’homme devient corruptible, et est mis hors du paradis. S’abandonnant désormais à la multiplicité1, 1. Le sens de l’expression είς πλήθος δούς nous parait fixé par le passage de Plotln cité supra, p. 91. On ne s'arrêtera pas à l’absence de ίαυτόν, le verbe δίδωμι pouvant avoir un sens pronominal dans les expressions de ce genre. SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 133 Καί (va δείξη αύτοΰ τήν φύσιν τοίς άστροις άμιλλωμένην, έμφαίνει δτι καί γυμνόν έθηκεν έν τω παραδείσιο στολής ού χρήζοντα. Ούδέπω γάρ ΰβρις συνεληλύθει τή βψει, (να καί σκέπης δέηται άνθρωπος, άλλ’ ή γραφή μαρτυρεί δτι έποίησε τον άνθρωπον «καί έθετο αύτόν έν τφ παραδείσφ », καί οτι γυμνοί ήσαν «καί ούκ ήσχύνοντο », άλλ’ ώσπερ ήλιος καί σελήνη τή εαυτών γυμνώσει έγκαλλωπίζονται, ουτω δή καί ούτοι ήφείθησαν τή φυσική εύπρεπεία ένωραΐζεσθαι. Τοσαύτην ούν ευεργεσίαν είς τούτον είσενεγκάμενος ό 24 θεός καί άβροδίαιτον αύτόν έν παραδείσφ καταστησάμενος των τε παρ’ έαυτοΰ χαρίτων πλουσίως αύτφ μεταδούς καί την αύτου αϊσθησιν κατά τό δίκαιον έπιζητεϊ καί ύπακοή τιμασθαι την χάριν έδίκαζεν * καί έπειδή είδεν δτι άδύνατον αύτω συμφυλαχθήναι την δωρεάν <εΙ> μή καταφυγή καί τιμή τή πρός τόν δεδωκότα θεόν, νόμον αύτω φρουρόν όρίζει της φύσεως, (να μνήμη καί βοηθεία του νομοθέτου ο'ία άγαθοϊς τισι φαρμάκόις φυλάττηται, καί αθανασίαν μέν αύτω τηρουμένου νόμου κατεπαγγέλλεται, θάνατον δέ ‘παραβάντι. ’Αλλά τούτων ούτως έχόντων, γέγονε τά γενόμενα, καί 25 φθόνφ του διαβόλου πεισθείς παραβήναι τόν νόμον ό άνθρωπος φθαρτός γίνεται καί έξω τίθεται τού παραδείσου, καί λοιπόν 5 Gen. 1,27; II, 15 6 Gon. 11,25. 3 καί om Η || 4 ή om MO || 5 ίΟετο VMOH : έθεντο B || αύτόν om Ο II 8 ήφείθησαν om Μ (sup Μ*) || 9 ένωραΐζεσΟαι VM’O : ένοραίζεσβαι ΒΗ ένωραίζοντο Μ || 12 των τε... μεταδούς om Μ (sup Μ’) || παρ’έαυτοΰ om Μ* Savile || μεταδούς VM*OB : μεταδιδούς Η || 14 έδίκαζε ΜΟΒΗ : έδίδαξε VM* || 15 εί add Savile || 16 τόν δεδωκότα θεόν ΜΟΒΗ : τοϋ Οεοΰ δεδομένην V || 20 παραβάντι scripsimus : παραδάντος VMOHB || 22 ό om ΒΗ. 134 PSEUDO-CHHYSOSTOME il mena une vie bestiale et devint le réceptacle de l’impiété et du dérèglement ; c’est pourquoi les prophètes ont clamé, en parlant à la fois de sa dignité première et de son indignité subséquente : « L’homme étant dans l’honneur n’a pas compris, il s’est mis au rang des bêtes sans raison et est devenu semblable à elles ». . fl 3. Les temps de la restauration devaient correspondre à ceux de la création Les choses étant ainsi et la nature étant perdue, le Fils unique de Dieu, voulant d’accord avec son Père relever l’homme et l’arracher au châtiment qui le menace, conçoit à la fois le moment et le mode de son secours : le moment d’une part pour intervenir au bon moment pour la guérison, le mode d’autre part pour se rendre lui-même apte à opérer la restau­ ration purificatrice ; c’est ainsi que, se faisant homme tout en restant Dieu, il subit la Passion universelle. J’ai parlé maintes fois de cette victime, et tout récemment j’en ai parlé longuement, tirant argument des Juifs eux-mêmes contre les Juifs, des Grecs euxmêmes contre les Grecs, démontrant par les faits que cette immolation a la vertu d’écartcr et de renverser les démons, les dangers, les ennemis et toute honte ; aussi ne reprendrai-je pas la réfutation encore récente de ces gens-là, pour ne pas m’entraver dans Penchât- I nement du présent discours. Gomme le Fils unique de 27 Dieu voulut procurer à l’homme tombé la résurrection, le rénover, et par sa propre Passion le recréer dans 26 SUR LA PÂQUE DE 5 10 15 20 387 135 εις πλήθος δούς βίον τε κτηνώδη £ζη καί άθείας τε καί άκολασίας δοχείον έγίνετο ’ καί διά τούτο προφήται έβόων καί περί της πρώτης αύτού άξίας καί μετά ταΰτα άναξιότητος ' «“Άνθρωπος έν τιμή ών ού συνήκεν, παρασυνεβλήθη τοίς κτήνεσι τοϊς άνοήτοις καί ώμοιώθη αύτοϊς ». Τούτων δή ούτως έχόντων και άπολλυμένης τής φύσεως, 2β βουληθείς ό μονογενής υίός του θεού σύν πατρική γνώμη έπαναγαγεΐν τόν άνθρωπον καί τής έπηρτημένης δίκης έξαρπάζειν αυτόν, καί καιρόν τής βοήθειας καί τρόπον επινοεί, καιρόν μέν ίν’ εύκαίρως έπιστή πρός τήν ίασιν, τρόπον δέ Ινα κατάλληλος αύτός πρός τήν έκκαθάρσεως άποκατάστασιν γένηται, καί δή γενόμενος άνθρωπος μετά τού μείναι θεός τό παγκόσμιον πάθος ύπεμεινεν. ΕΙπον πολλάκις περί τούτου τού θύματος, πολλά έλεγον πρφην, έξ αύτών τών ’Ιουδαίων πρός ’Ιουδαίους καί έξ αύτών τών 'Ελλήνων πρός Έλληνας τάς αποδείξεις ποιούμενος, καί άποτρόπαιον τούτο τό σφάγιον καί καθαιρετικόν καί δαι­ μόνων καί κινδύνων καί εχθρών καί πάσης αίσχρότητος τοΐς πράγμασιν έμφαίνων, ινα μή πάλιν τόν πρός έκείνους άρτι άναλαβων λόγον έμποδίσω έμαυτόν πρός τόν προκείμενον τού λόγου ειρμόν. Επειδή οδν ήβουλήθη ό μονογενής 27 υιός τού θεού άνάστασιν τφ έκπεπτωκότι άνθρώπφ πορίσασθαι καί άνανεώσασθαι τούτον καί τώ πάθει τώ ίδίω έπί 4 Pe. XLVIII, 13, 21. 3-4 καί περί... άναξιότητος om Μ (sup Μ*) || 4-5 παρασυνεβλήΟη V : παρεσυντδλήΟη ΜΟΒΗ || 7 δή ΜΟΒΗ : δέ V || 9-10 καί τής... αυτόν om Μ (sup Μ’) || 10 καί* om ΜΗ || 18 τό om ΒΗ || 18-20 καί δαιμόνων... έμφαίνων om Μ (sup Μ’) || 21 άρτι άναλαβων λόγον V : λόγον άρτι άνχλαβών MO || λόγον om ΒΗ. 5-1 136 PSEUDO-CHRYSOSTOME l’état originel, vois ce qu’il fait. Puisqu’il était lui-même le créateur du premier homme, il devait être aussi, après sa chute, son guérisseur, pour le redressement de la nature entière. D’une part, il se livre lui-même à la Passion ; d’autre part, il prend pour la rénovation la totalité des temps qu’il avait pris pour la création, pour qu’il soit manifeste que la fin est conforme au commencement et que la manière du créateur reste la même. 28 En effet, puisqu’il avait créé un temps très pur lors de la formation du premier homme, et que ce premier temps avait été souillé par la transgression, corrompu en même temps que le transgresseur, et avait rendu désormais souillé l’âge suivant, il voulut prendre le premier temps lui-même lors du redressement de l’homme, pour que, en même temps qu’il purifierait l’homme, et par le fait de le purifier de la passion1, il rendît également plus pur l’âge suivant, à partir de son point initial, afin de tout montrer à la fois : et la rénovation de l’homme et la purification de l’âge, et de prouver, par le symbolisme même des temps, que le réparateur de la nature était son créateur lui-même. 1. On peut traduire l'expression τή έκ τοΰ πάθους καθάρσει soit « par la purification issue de la Passion (du Christ) » soit « en puriflan de la passion ». De même p. 145, 17, τήν έκ τοΰ πάθους έλευθβρία peut signifier soit «la liberté issue de la Passion (du Christ) », soi la grâce d’être libéré de la passion ». En faveur du premier sen on peut faire valoir que, dans le reste de l’homélie, le ιηοίττάθος d& gne la Passion du Christ. Mais cela ne prouve pas que, si l’homélie voulait parler quelque part de la passion (corporelle), il ait dû employ SUR LA PÂQUE DE 387 137 τδν πρώτον άνακτίσαι τρόπον, βλέπε τί πράττει. ’Επειδή αύτδς ήν τού πρώτου δημιουργός, έμελλεν αύτοΰ καί πεσόντος είναι θεραπευτής έπί διορθώσει όλης της φύσεως. Προσάγει μέν τφ πάθει εαυτόν, δλον δέ χρόνον παραλαμβάνει πρδς 5 άνανέωσιν, δνπερ καί πρός τήν κτίσιν παρείληφεν, ίνα καί τδ τέλος τη άρχή σύμφωνον φάνηται καί ό τρόπος τού δημιουργού ό αυτός. Ήβουλήθη γάρ, έπείπερ καί χρόνον καθαρώτατον ύπεστη- 28 σατο έπί τη τού πρώτου άνθρώπου πλάσει, ούτος δέ ό 10 πρώτος χρόνος έμολύνθη διά της παραβάσεως σύν αύτώ τώ παραβάντι φθαρείς καί μεμολυσμένον λοιπόν τδν έξης αιώνα άπέδειξεν, αύτδν τδν πρώτον χρόνον έπί τώ κατορθώματι τού άνθρώπου παραλαβειν, Ινα σύν τούτω τη έκ τού πάθους καθάρσει καί τδν έξης αιώνα έκ κορυφής καθαρώτερον 15 άποφήνειεν, Ινα έν ταύτφ τά πάντα δείξειε καί τήν τού άνθρώπου άνανέωσιν καί τήν τού αίώνος καθαρότητα, καί τδν διορθωτήν καί δημιουργόν της φύσεως έξ αυτών τών χρονικών συμβόλων σαφώς άποδείξειεν. 4 post δέ add τόν Μ (del Μ*) Ο || παραλαμβάνει VMOH : άναλαμόάνει Β H 11 μεμολυσμένον VM’BH : μεμολυμμένον MO || τόν om Β II 13 παραλαοεϊν MO : παρείληφεν VBH || 16 του om ΒΗ || 17-18 έξ αυτών... σαφώς om Ο. un autre mot quo πάθος. Il noue semble que le second sens est le sens le plus obvie des deux expressions ; et. Grégoire de Nysse, C. Eunom., VI (P. G., XLV, 725 B 1) τήν έκ τοΰ θανάτου έλευθερίαν • le fait d'être libéré de la mort ». ^appelons qu'il ne faut pas res­ treindre le mot πάθος, quand les écrivains chrétiens l’emploient en pareil contexte, à son sens de souffrance ou d'impulsion de la sensibilité; Il englobe aussi la mort (c'est ainsi qu'on parle de la passion du Christ ou d’un martyr pour désigner le récit do leur mort) ; plus exactement, en pareil contexte, le πάθος c'est tout ce qu'entraîne le fait d’avoir un corps mortel. 138 PSEUDO-CHRYSOSTOME Quel est donc le premier temps ? Quel est le point initial du temps premier ? L’équinoxe, frère, comme nous l’avons montré en exigeant le partage égal du jour et de la nuit ; et l’équinoxe de printemps, point de départ de cette saison, d’après la logique même de l’histoire : Moïse raconte, en effet, que, le troisième jour, Dieu ordonna que les fleurs, les arbres et les plantes soient ; or ce sont bien les marques du printemps, conformes à l’art, la progres­ sion et 1’ordre que Dieu suit en créant l’univers. 30 Donc, puisque d’une part la première création de l’homme eut lieu après l’équinoxe, le sixième jour de l’équinoxe — car c’est le Vendredi que l’homme fut créé —, puisque, d’autre part, la pleine lune elle aussi fut créée après l’équinoxe, le quatrième jour, puisqu’enfm se produisit la chute de l’homme consé- ' cutive à son péché, à cause de cela il entreprend le redressement et la rénovation de l’homme à la date de sa création, en rassemblant à la fois l’équinoxe, I le 14 — celui d’après l'équinoxe — le sixième jour, afin de manifester par toutes ces dates que la résur­ rection de celui qui souffrait la Passion était aussi la rénovation et la récapitulation de la nature. 81 C’est pourquoi l’Apôtre, montrant cette récapitu­ lation opérée par Dieu, disait : « En toute sagesse et intelligence, nous faisant connaître le mystère de sa volonté, selon le libre dessein qu'il s'est proposé en lui-même pour l’économie de la plénitude des temps, à savoir la récapitulation de tout dans le Christ, ce 29 SUR LA PÂQUE DE 387 139 Τίς οδν δ πρώτος χρόνος ; τίς ή κορυφή χρόνου του 29 πρώτου ; ’Ισημερία, άδελφε, ώς έδείξαμεν ημέρας καί νυκτδς ίσα τά τμήματα άπαιτοΰντες, καί Ισημερία εαρινή, βθεν ό του έαρος <καιρός >, έξ αυτής της κατά τήν ιστορίαν 5 άκολουθίας. ‘Ιστορεί γοΰν ό Μωϋσής δτι τη τρίτη ήμέρα έκέλευσεν δ θεός τά άνθη καί τά δένδρα καί τάς βοτάνας γενέσθαι, έαρος δέ σύμβολα ταΰτα συμφωνοΰντα τη τέχνη όδω καί τάξει του θεοΰ τα πάντα κτίζοντος. ’Επειδή οδν 30 πρώτη δημιουργία του άνΟρώπου μετ’ ίσημερίαν έγένετο ]0 έκτη της ισημερίας ημέρα — τη γάρ παρασκευή έκτίσθη δ άνθρωπος —, τδ δέ της σελήνης πλησιφαές καί αυτό μετ’Ι­ σημερίαν έδημιουργήθη τετάρτη ήμέρα, διάπτωσις δέ έξ αμαρτίας του άνΟρώπου έγένετο, διά τούτο τήν διόρθωσιν αύτοΰ καί τήν άνανέωσιν έπί της κατά τήν κτίσιν αύτοΰ 15 προθεσμίας αναλαμβάνει, καί ίσημερίαν καί τεσσαρεσκαιδεκάτην τήν μετ’ ίσημερίαν καί ήμέραν έκτην συναγαγών, ίνα διά πασών προθεσμιών τήν του παθόντος άνάστασιν δείξειε καί της φύσεως άνανέωσίν τε καί άνακεφαλαίωσιν. Διά τούτο δ άπόστολος ταύτην τήν άνακεφαλαίωσιν έμφαίνων 31 20 ύπδ του Οεοΰ γινομένην ελεγεν ’ « Έν πάση σοφία καί φρονήσει γνωρίσας ήμίν τό μυστήριον του θελή­ ματος αύτοΰ κατά τήν εύδοκίαν αύτοΰ, ήν προέΟετο έν αύτω είς οικονομίαν τοΰ πληρώματος τών καιρών άνακεφαλαιώσασθαι τά πάντα έν τω Χριστω.τά έν 5 Cf. Gen.I, 12. 20 Eph. J, 8-10. 3 νυκτός MOB : νύκτας VH || 4 έαρος Μ* Savile : άέρος VMOB Η II καιρός addidimus || 5 post άκολουθίας add έστί πρώτος MO || 7 post ταΰτα add τά VM’B || 13 τοΰτο VMBH : τοΰ Ο || 16 τήν om Μ {sup Μ*) Β H μετ’ ίσημερίαν om Μ (sup Μ*) || 18 δείξειε VOBH : δείξη Μ H τε καί ανακεφαλαίωσή om Μ (sup Μ*) || 19 post έμφαίνων add τήν V H 20 γινομένην VOH : γενομένην MB || ελεγεν om Β || 23 έν om Β 11 24 τφ om MO. 140 PSEUDO-CHRYSOSTOME qui esl dans les deux et ce qui est sur la terre ». Tu vois comment il parle de la récapitulation du terrestre dans le céleste. Puisqu’il s’est produit une chute de l’homme et sa division d’avec la piété des Anges célestes, quand Dieu se préoccupe de nous faire remonter par la Passion dans celte unité, qu’opère-t-il d’autre que la récapitulation des êtres bons ? Voilà pourquoi il prend les temps eux-mêmes de la création pour le redressement, et tu peux maintenant entendre un très grand mystère. 4. Les fuites du Christ 32 Comme il était difficile que ces temps se rencontrent selon le mode originel dans une seule et même semaine — car n’oublie pas que la première semaine, c'est-à-dire celle de la création, comportait d’abord l’équinoxe à son début, puis la pleine lune survenant le quatrième jour, enfin le sixième jour, dans lequel fut formé l’homme ; cela ne peut certes pas toujours se produire dans une seule et même semaine —, comme il était difficile, dis-je, et malaisé de rassembler en une même semaine comme à la première création toutes ces dates en une seule, et que le Sauveur avait besoin de leur rencontre pour l’économie de la Passion afin de produire la dite récapitulation, à cause de cela, plusieurs fois où les Juifs le recher­ chaient pour le tuer, il s’enfuit, parce que le concours des temps n’était pas encore survenu. Tu as dans les Évangiles que les Juifs voulaient s’emparer de lui SUR LA PAQUE DE 387 5 10 15 20 141 τοϊς ούρανοίς καί τα επί γης ». Όρος πώς άνακεφαλαίωσιν των έπί γης λέγει πρός τά ούράνια. Έκπτώσεως δέ του άνθρώπου γενομένης καί διαμερισμοΰ άπό της εύσεβείας των ούρανίων άγγελων, εις ταύτην έπανάγειν διά του πάθους τήν ένωσιν ημάς προμηΟούμενος τί άλλο ή άνακεφαλαίωσιν αγαθών πραγματεύεται ; Διό καί τούς χρόνους της δημιουργίας έπί τη διορθώσει παραλαμβάνει, καί μυστήριον έχεις άκοΰσαι μέγιστον. Επειδή γάρ δυσχερώς ούτοι οί χρόνοι συμπίπτουσι κατά 32 τόν πρώτον τρόπον εις μίαν καί τήν αυτήν εβδομάδα — πρόσεχε γάρ οτι ή πρώτη έβδομάς έκείνη, ή κατά τήν δημιουργίαν φημί, έν *αύτή είχε τήν μέν ισημερίαν έν αρχή, έπειτα την πλησιφαή σελήνην κατά τήν τετάρτην ή μέραν ύφεστώσαν, καί τήν έκτην εύθέως, έν ή έπλάσΟη ό άνθρωπος ’ ού μήν άεί τούτο συμβαίνειν δύναται κατά τήν μίαν καί την αύτήν έβδομάδα —, επειδή δυσχερές ήν καί δυσπόριστον έν μια έβδομάδι κατά την πρώτην δημιουργίαν ταύτας ύφ’ έν τάς προθεσμίας συναγαγεϊν, “καί της συνδρομής τούτων πρός την τού πάθους οικονομίαν ό σωτήρ έχρηζεν, ινα τήν προκειμένην άνακεφαλαίωσιν δείξειεν, διά τούτο πολλάκις ζητού­ μενος υπό τών ’Ιουδαίων άναιρεΟήναι μήπω τής συνδρομής τών χρόνων έκπεπτωκυίας ύπέφυγεν * καί έχεις έν τοϊς εύαγγελίοις βτι ήΟέλησαν αύτόν συλλαβεϊν οί ’Ιουδαίοι καί 1 post έπί add της ΜΟΒ Η || 2 post έπί add της Β || λέγει om Ο || 4 έπανάγειν VMO1I : έπαναγαγβϊν Β || 10 τρόπον om Β || 11 γάρ del M’ om Savile || 12 αύτη scripsimus : αυτή VMOBH || 16 καί δυσπό­ ριστον om Μ (sup Μ*) H 17 ταύτας VMO : ταΰτα ΒΗ || 18 τάς VMOH : τά Β || καί της scripsimus : ώστε VMOBH || 19 έχρηζεν ΜΗ : ίχριζεν VOB || 21 ύπό τών ’Ιουδαίων άναιρεΟήναι VMO1I : άναιρεΟήναι ύπό τών ’Ιουδαίων Β || μήπω VMOH : μή πως Β. 142 PSEUDO-CHRYSOSTOME 33 et que le Seigneur se retira du pays. Les ignares ont appelé lâcheté ce mystère ; ce n’était pas lâcheté, mais observation du concours des dates. De fait, lorsque le Fils de Dieu a rassemblé les temps, lorsqu’il a conformé la semaine à la création originelle, et que se sont rencontrés l’équinoxe, la pleine lune et le Vendredi, jour où il devait souffrir et en souffrant manifester la rénovation, alors il se livre lui-même à la Passion, et, levant les yeux au ciel, il dit : « Père, l’heure est venue, glorifie ion Fils pour que ton fils aussi le glorifie », et à scs disciples : « L'heure est venue que le Fils de l’homme soit glorifié ». 5. Baisons parliculières de chacun des iemps de la Passion 34 Ainsi ce fut une préoc­ cupation pour le Fils unique de Dieu, de réunir pour le redressement de l’homme tous les temps premiers où créé il tomba, et de différer la rénovation de la nature dont parle l’Apôtre, parce que la rencontre même des dates était indis- . pensable à l’œuvre. C’est pourquoi en la Passion l’équinoxe est observé, comme origine du temps ; I car avant cet équinoxe, avant que le jour fût, c’était les ténèbres ; or le moment des ténèbres n’était pas convenable pour faire la Pâque et redresser ce qui était tombé, parce que le premier homme, lui non plus, ne fut pas formé dans les ténèbres mais après la lumière, après l’équinoxe, et parce que jusqu’à l’équinoxe de printemps les ténèbres l’emportent L’équinoxe »■ SUR LA PAQUE DE 387 5 10 15 20 143 ό σωτήρ άνεχώρησεν. Καί τούτο οί άμαθεΐς τδ μυστήριον 33 δειλίαν ένόμισαν ' ούκ ήν δέ δειλία άλλά της συνδρομής των προθεσμιών έπιτήρησις. *Ότε μέντοι συνήγαγεν δ υίδς του θεού τούς χρόνους, δτε τήν έβδομάδα πρδς τήν άρχαίαν δημιουργίαν ήρμοσε καί Ισημερία καί ή πλησιφαής σελήνη και ή παρασκευή έν ή έδει παθεϊν καί έν τώ παθειν τήν άνανέωσιν δειχθήναι ‘συνέδραμον, τδ τηνικαύτα έπιδίδωσι μέν έαυτδν τω πάθει, έπάρας δέ τούς όφθαλμούς εις τδν ούρανδν εΐπεν · « Πάτερ, έλήλυθεν ή ώρα, δόξασόν σου τδν υίόν, ίνα και δ υιός σου δοξάση σε »t καί πρδς τούς μαθητάς ' «Έλήλυθεν η ώρα, ίνα δοξασθή ό υίδς τού άνθρώπου ». Ούτως έπιμελές γέγονε τω μονογενεΐ υίω του θεού 34 πάντας τούς χρόνους τούς πρώτους, καθ’ούς πλασθείς διέπεσεν δ άνθρωπος, συναγαγεϊν έπί τή διορθώσει αύτού καί τήν άποστολικήν άνανέωσιν της φύσεως ύποβήναι, αύτής τής συμβολής των προθεσμιών άναγκαίας ούσης τω πράγματι. Διά τούτο έπί τω πάθει καί ίσημερία οΐα κορυφή τού χρόνου τηρείται ’ πρδ μέν γάρ ταύτης τής ίσημερίας, πρδ τού ημέραν γενέσθαι, ήν σκότος, καί ούκ ήν άξιον έν τώ τόπω τού σκότους τδ πάσχα ποιεϊν καί διορθοΰσθαι τδ πτώμα, ύτι μηδέ δ πρώτος άνθρωπος έν τώ σκότει αλλά μετά τδ φώς μετ’ ίσημερίαν έπλάσθη, καί ότι έως μέν εαρινής Ισημερίας τδ σκότος παρά τδ φώς πλεονάζει, μετ’ίση9 Ιοί». XVII, 1 1! Ioh. XII, 23 1 άνεχώρησεν ΜΟΒΙΙ : άνεχώρισεν V || 2 δέ oin Β || 5 ήρμοσε om ΒΗ H 6 καί έν τφ παθεϊν om V Savile || 7 συνέδραμον scripsimus : σύνδρομον VMOBH || τό om Μ || 16 καί τήν... ύποβήναι om Μ (sup M‘) H 18 τφ om Ο || 23-24 μετΊσημερίαν... τό φώς om V Savile || 24 παρά MOU : μετά Β || πλεονάζει VMOB : πλέον αύξει Η. 144 PSEUDO-CHRYSOSTOME sur la lumière, tandis qu’après l’équinoxe le jour l’emporte sur la nuit, car il croît désormais alors que la nuit diminue. Il fallait donc que la Passion qui a eu lieu pour le redressement se produisit aussi dans une situation semblable, dans laquelle la lumière de la piété se mettrait à grandir, tandis que dimi­ nueraient les ténèbres de l’impiété. 35 Ainsi l’équinoxe est observé en ja Passion à cause de la récapitulation du premier temps, et de meme le Vendredi, puisque le premier homme fut formé ce jour-là, et qu'il fallait qu’il fût redressé le jour même où formé il tomba. Quant au Samedi, l’Écriture le prend pour signifier «repos» en disant : « Et Dieu se reposa de toutes ses œuvres le septième jour, el il le sanctifia ». Eh bien ! de la même manière, une fois que le Seigneur a accompli la récapitulation en souf­ frant le Vendredi et qu’il a achevé les œuvres du redres­ sement en faveur de l’homme tombé, il se repose le septième jour et demeure dans le sein de la terre, faisant désormais à ceux qui sont dans les enfers la grâce d’être affranchis de la passion1. Que le Seigneur se repose alors de toutes ses œuvres, en voici la preuve. Quand la chute de l’homme se manifesta à la suite de la transgression, il restait encore pour Dieu une œuvre [l’homme] à restaurer en la redressant ; après Le triduum 1. L'auteur ne veut pas dire que les justes qui attendaient aux enfers y subissaient des souffrances ou qu'ils avaient des mouvement· passionnels, mais qu’ils n'avaient pas encore la qualité positive de Γάπάθεια (liée à celle de Γάφθαρσία, de l’immortalité), privilège · divin que le Christ leur apporte. Cf. p. 136, η. 1. SUR LA PÂQUE DE 387 5 μ» 15 20 145 μέριαν δέ επικρατεί της νυκτός ή ή μέρα λοιπόν αΰξουσα, μειουμένης της νυκτός. Έδει οΰν καί τό έπί διορθώνει πάθος γινόμενον έν τη τοιαύτη καταστάσει δειχθήναι, έν ή τό φως της εύσεβείας έμελλεν αύξειν, του σκότους μειουμένου της άσεοείας. *Αλλ* ή μέν ισημερία επί τω πάθει τετηρηται διά την άνα- 35 κεφαλαίωσιν τού πρώτου χρόνου, ή δέ παρασκευή ώσαύτως, επειδή ό πρώτος άνθρωπος έν ταύτη έπλάσθη καί έχρήν, έν ή πλασθείς διέπεσεν, έν ταύτη αυτόν και διορθωθήναι. Τό δέ σάββατον ή γραφή πρός άνάπαυσιν είληφεν ούτωσί λέγουσα · «Καί κατέπαυσεν ό θεός άπό πάντων τών έργων αύτού τη ήμέρα τη έβδόμη καί ήγίασεν αύτήν ». Ούτως οΰν καί ό κύριος άπας τήν άνακεφαλαίωσιν έργασάμενος τη παρασκευή παθών καί τελέσας τά υπέρ τού πεπτωκότος ανθρώπου της διορθώσεως έργα τη έβδόμη καταπαύει καί διαμένει έν τη καρδία της γης, τοΐς έν αδου λοιπόν δωρησάμενος τήν έκ τού πάθους έλευθερίαν. Καί ότι κύριος καταπαύει νύν άπό πάντων τών έργων, επειδή διάπτωσις τού ανθρώπου έκ της παραβάσεως ώφθη, ύπελείπέτο πάλιν έργον τώ θεώ, ο ήμελλε κατορθών έπανάγειν, 11 Gen. Π, 2-3. 2 μειουμένης VMOH : μειουμενη Β || καί om Μ (sup Μ*) || 6 πάθει ΜΟΗ : πλήΟίΐ VB || 6-7 διά τήν ...χρόνου om Β || 8 άνθρωπος om ΒΗ II 9 διέπεσεν VMOB : διέσωσεν Η || αύτόν om Μ (sup Μ*) Ο || 10 είληφεν om V Savile || 13 ούτως VMBH : όντως Ο || 17 δωρησάμενος VMOH : διωρισάμενος Β || 17-20 καί δτι ... έπανάγειν om Μ || 17 post δτι add ό Β H 20 Οεω VBH : κυρίφ Ο || 20-ρ. 147,1 έπανάγειν... ποιήσας om Ο II 20 έπανάγειν VH : έπαναγαγεΐν Β. 146 PSEUDO-CHRYSOSTOME avoir accompli cela dans la Passion, et ayant ramené sain et sauf l’homme perdu qu’il sauva1, alors, le jour du Samedi de Pâques, il se reposa de toutes ses œuvres, puisqu’il ne restait plus d’œuvre à faire pour opérer notre salut. 36 Ayant ainsi observé pour la Passion l’équinoxe et le Vendredi et le Samedi selon l’ordre originel, il fait apparaître au premier jour des sabbats la lumière de la Résurrection, et cela en vertu de l’enchaînement du temps ; car c’était à nouveau le premier jour du temps total, jour qu’il a préposé autrefois comme début de la lumière sensible, et maintenant, en conséquence, comme origine de la lumière intelligible de la Résurrection. 37 Ayant observé tout cela d’après la première création, il observa encore d’après elle, comme nous l’avons dit, la pleine lune postérieure à l’équinoxe. Et il y a .! pour elle aussi un autre prodige à cause duquel elle fut observée. En effet, puisque des ténèbres devaient se produire à la Passion du Sauveur, et que les Grecs attribuent les éclipses de soleil au passage de la lune sous le soleil, afin que personne n’écartât le signe divin au nom de la science grecque, c’est le 14 de la lune qui fut pris, de façon que, la lune étant pleine à la Passion et se levant diamétralement à l’opposé du cours du soleil, le prodige brillât sans | ombre : ce fut le châtiment du crime, et non la science, qui se manifesta. La pleine lune 1. Allusion ù la parabole de la brebis perdue, que le Christ ramène SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 147 τούτο δέ έπΐ τώ πάθει ποιήσας καί άνασωσάμενος τόν άπολωλότα άνθρωπον, δν έσωσεν, τη ή μέρα του κατά τό πάσχα σαββάτου κατέπαυσεν άπό πάντων των έργων, μηδένος έπιλειπομένου ετι έργου πρός έργασίαν του ήμϊν σωτηρίου. Ουτω δέ και ισημερίαν καί παρασκευήν καί σάββατον 36 κατά τήν άρχαίαν τηρήσας επί τφ πάθει άκολουθίαν, η τή μια των σαββάτων » έπιδείκνυσι τό της άναστάσεως φως, καί τούτο τω του χρόνου είρμω ' αΰτη γάρ ήν πάλιν πρώτη του παντός χρόνου ήμέρα, ήν καί τότε τού αίσθητού φωτός άρχήν καί νυν άκολούΟως τού της άναστάσεως νοητού άρχαΐον προεστήσατο. Ταύτα δέ πάντα τηρήσας κατά τήν πρώτην δημιουργίαν, 37 και τήν πλησιφαή σελήνην, ώς έφαμεν, κατ’ έκείνην μετ’ίσημερίαν έτήρησεν, έχει δέ τι καί αυτή έτερον θαύμα, δι’ δ τετήρηται. ’Επειδή γάρ ήμελλε σκότος γίνεσθαι έπι τω τού σωτήρος πάθει, "Ελληνες δέ καθ’ ύποδρομήν σελήνης ήλίου έκλείψεις φασίν, (να μή τις τήν θεοσήμειαν τέχνη έλληνικη διακρούσηται, *ή τεσσαρεσκαιδεκάτη κατά σελήνην παρείληπται, ώς άν, πλησιφαοΰς αύτης ώς έν πλάτει οΰσης κατά τό πάθος καί κατά διάμετρον τφ ήλιακω άντανατελλούσης δρόμφ, άνεπισκίαστον όφθή τό θαύμα, δίκης κατά τό άγος ού τέχνης έμφαινομένης. 3 Gen. II, 2-3 7 Mc XVI, 2 ; Le XXIV, I. 2 δν έσωσεν VMOB : δν ώς έν Η || τό VMOB : του Η || 4 έτι VMOH : έπί Β H 8 τοΰτο MO : τούτω VBII || 9 ημέρα om Η || 11 άρχαΐον VBH : άρχήν MO H 14 αυτή VB : αυτή ΜΟΗ || 17 Θεοσήμειαν VBH : θεοσημίαν MO H 18 ή τεσσαρεσκαιδεκάτη scripsimus : τή τεσσαρεσκαιδεκάτη VMOH της τεσσαρεσκαιδεκάτη (sic) Β || 20 άντανατελλούσης VWOBH : άνατελλούσης Μ || 21 όφΘη ΜΟΗ : ωφθη VM’B. dans la société des anges. Cf. Grégoire de Nysse, C. Eunom., 12 (P. G., XLV, 889 Λ), cité supra, p. 96. 148 PSEUD0-CHRYS0ST0ME 2. La Pâque chrétienne 1. La Pâque chrétienne « imitation » de la Passion du Christ Pour toutes ces raisons, le Christ a observé les dates originelles pour la Passion nouvelle ; voilà pourquoi nous observons, nous aussi, tous les temps pour montrer les raisons mystiques, en étant attentifs à l’imitation. Toutefois le Sauveur, en réalisant la Pâque véritable pour arracher tous les hommes au châtiment suspendu au-dessus d’eux, a naturellement, comme il convenait pour une Pâque véritable et authentique, réuni tous les temps susdits exactement dans la semaine comme à l’origine, afin d’accomplir avec exactitude la récapitulation ; mais nous autres, parce que les dates ne peuvent pas toujours se rencontrer ainsi, en faisant l’imitation de la Pâque véritable nous combinons autant que possible l’imi­ tation des temps à ce sujet, en abandonnant l’agen­ cement exact des temps à la Pâque prototype du 39 Sauveur. Aussi, le Monogène s’étant sacrifié une fois pour toutes et ayant suffi à l’économie du salut, j ce n’est plus un agneau qu’on sacrifie; mais le Sauveur, parvenu à la Passion, donne un pain etI un calice comme Imitation du sacrifice par excellence, g réalisant par d’ineffables épiclèses d’un côté son propre corps, de l’autre son propre sang, et ordonnant de faire la Pâque dans ces figures. En conséquence donc, pour l’imitation, nous rassemblons, autant 38 SUR LA PAQUE DE 387 149 Διά ταύτα πάντα τάς άρχαίας έπί τώ νέω πάθει προθεσμίας 38 έτήρησεν ό Χριστός ’ διά τούτο δή καί ημείς τηροΰμεν πάντας τούς χρόνους εις ένδειξιν των μυστηριωδών λογισμών τό μίμημα περιέποντες. ’Αλλ’ ô μέν σωτηρ, τό αληθινόν έκτελών πάσχα ύπέρ τού της έπικρεμαμένης δίκης τούς πάντας ρύσασθαι, εικότως οϊα έπ’ άληθινώ καί κυρίω πάσχα πάντας τούς προειρημένους χρόνους μετ’ άκριβείας έν τη έβδομάδι κατά τό άρχαϊον συνήγαγεν, Ενα την άνακεφαλαίωσιν άκριβώς έκτελέσειεν · ημείς δέ, έπεί μή δύνανται είς άεί ουτω συντρέχειν αί προθεσμίαι, μίμημα τού άληθινοΰ πάσχα ποιοΰντες όση δύναμις τό μίμημα τών χρόνων περί τύν τόπον συνάγομεν, τήν άκριβή τών χρόνων κατάστασιν τώ πρωτοτύπω πάσχα τού σωτηρος παραχωρήσαντες. 39 *Όθεν άπαξ τυθέντος τού μονογενούς καί πρός τήν οικονομίαν άρκέσαντος ούκέτι ‘αμνός θύεται, άλλ’ ό σωτήρ έπί τφ πάθει γινόμενος της κυριωτάτης θυσίας άρτον καί ποτήριον μίμημα δίδωσιν, τό μέν σώμα Εδιον, τό δέ αίμα άρρήτοις έπικλήσεσιν έκτελών καί προστάττων έν τούτοις τοίς τύποις τό πάσχα ποιεϊν. ’Ακολούθως ούν τώ μιμήματι καί 5 τούς Mil : του VOB || 9 δέ VMO : δή ΒΗ || 10 είς om Μ || συν­ τρέχειν VMOB : συντρέχων Η || 11 όση VMOB : ώς Η || 11-12 περί ... χρόνων om Β || 12 συνάγομεν ΜΟΗ : συναγάγομεν (sic) V || τήν om V H 13 παραχωρήσαντες MOU : παραχωρίσαντες V παραχωρίσαντος Β || 15 άμνός scripsimus : άνθρωπος [ = άνος] VMOBH || 17 μίμημα om Μ (sup Μ*) || 18 τοις om Η. 150 PSEUDO-CHRYSOSTOME que possible, les temps eux-mêmes en imitation, en réunissant à ce sujet à la fois l’équinoxe, le 14 de la lune et le triduum : le 14 obligatoirement dans la semaine selon l’exemple des origines, le triduum également, mais l’équinoxe aux alentours du temps de la Pâque et venant se joindre dans une certaine mesure. En manifestant la Pâque par excellence le Sauveur l’a présentée comme une sauvegarde contre les maux qui nous menacent, contre les démons, l’ido­ lâtrie et toute souillure, et a rendu notre nature libre pour recouvrer la béatitude ; puisque, parvenu aux temps de sa Passion, il a prescrit que nous aussi à son imitation nous fassions cela dans les symboles qu’il nous a donnés, en disant : « Failes ceci en mémoire de moi », c’est avec raison que chaque année, parvenus au même anniversaire, après l’équinoxe, pour notre salut à tous, pour écarter les maux pré­ sents et avoir part aux grâces célestes, imitant le Sauveur, nous accomplissons la Pâque dans l’éclat 41 le plus brillant de 1’univers. Voilà pourquoi nous nous sommes défaits pour le mystère de Pâques de l’ignorance des hérétiques et de celle des Juifs, en prenant toujours pour cela l’équinoxe, en cherchant le 14 après l’équinoxe, de même que le Vendredi, le Samedi et le Dimanche — lequel porte le nom du Seigneur —, comme je l’ai répété souvent, parce que le Seigneur a observé lui-même ces dates pour montrer que la figure de l’agneau, que la Loi appelait Pâque, 40 SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 25 151 τούς χρόνους έν μιμήσει συνάγομεν οση δύναμις, καί ισημε­ ρίαν καί τεσσαρεσκαιδεκάτην κατά σελήνην καί τριήμερον περί τδν τόπον άθροίζοντες, τήν μέν τεσσαρεσκαιδεκάτην έξ άνάγκης κατά τήν εβδομάδα, ώς τδ άρχαίον διέδειξεν, καί αύτήν τήν τριήμερον, τήν δέ Ισημερίαν περί τδν χρόνον του πάσχα, ώς άν ‘συνερχόμενην. Ό μέν σωτήρ τδ κυριώτατον πάσχα έπιδειξάμενος 40 άποτρόπαιον των έπηρτημένων ήμίν κακών καί δαιμόνων καί είδωλολατρείας καί πάσης λύμης άπέφηνε καί έλευΟέραν τήν φύσιν ήμών πρός τήν της μακαριότητος έπανάληψιν άπειργάσατο * επειδή δέ προσέταξεν έπί των χρόνων καί του πάθους γινόμενος καί ήμας τούτο μιμούμενους ποιειν έπί συμβόλοις οίς έδωκε φήσας ' «Τούτο ποιείτε εις έμήν άνάμνησιν », εικότως καθ’ έκαστον ένιαυτδν έπί της αύτης άναμνήσεως μετ’ ισημερίαν ‘γινόμενοι εις σωτηρίαν πάντων ήμών καί άποτροπήν τών έπιγινομένων κακών καί τών ούρανίων χαρίτων μετάληψιν τδν σωτήρα μιμούμενοι τδ πάσχα άνύομεν έπί φανοτάτη φαιδρότητι του παντός. Διά 41 ταύτην τήν αιτίαν τήν τών αίρετικών άγνοιαν καί τήν τών ’Ιουδαίων έπί τω του πάσχα μυστηρίφ άπεδυσάμεθα, παραλαμβάνοντες άεί πρός τούτο Ισημερίαν καί ζητουντες τήν μετ’ ισημερίαν τεσσαρεσκαιδεκάτην καί οΰτω παρα­ σκευήν καί σάββατον καί κυριακήν τήν του κυρίου έπώνυμον, καθά πολλάκις έρρήθη, διά τδ αύτδν τδν κύριον ταύτας τάς προθεσμίας τετηρηκέναι έπί τδ δεϊξαι τδ του προβάτου 13 Le XXII, 19 ; I Cor. XI, 24. 1 συνάγομεν ίση ΜΟΗ : συναγόμενος ή Β συναγάγομεν ίση V || 6 συνερχομένην scripsimus : συνερχόμενοι VMOBH || 9 καί είδωλολατρείας om Μ (sup Μ’) || 13 post είς add τήν ΜΟΒ || 15 αύτης VOBH : έμής Μ || άναμνήσεως om ΒΗ || γινόμενοι scripsimus : γινόμενον VMOBH II 18 post φανοτάτη add καί V || 20 τφ ... μυστηρίω,ΥΜΟΒ : τό ... μυστήριον Η || 23 τήν ... έπώνυμον om Μ (sup Μ*). 152 PSEUDO-CHRYSOSTOME s’est réalisée en lui, qui s’y est substitué au moment opportun. 2. La substitution du Christ à l'agneau Vois en effet, frère, combien la chose était nécessaire à la manifestation de la vérité. Moïse a ordonné qu’au premier mois, au 14 de la lune, on immole l’agneau. Or les prophètes ont proclamé que cet agneau était la figure du Sauveur ; aussi l’ont-ils comparé au Sauveur lui-mème par ces paroles : « Il a été mené comme un agneau à l'immolation ; il est muet comme un agneau devant celui qui le tond; par sa blessure nous avons été guéris », et c’est pourquoi en le voyant Jean le Précurseur s’est écrié : « Voici l'agneau de Dieu qui enlève le péché du monde ». Puisqu’il était logique qu’à la venue de la clarté cessât la figure, le Christ ne rechercha aucune autre1 date que celle de l’immolation de l’agneau, de manière à montrer la substitution. C’est pourquoi il fait coïncider tous 43 les temps, comme je l’ai dit, et avec le vendredi se rencontre le 14. Même, comme la Loi ordonne d’immoler l’agneau « vers le soir » et « au milieu de la soirée », le Sauveur observe à la fois le jour et l’heure de l’immolation : comme jour, le Vendredi, en lequel l’homme fut créé ; comme heure, la neuvième, et 42 1. L’expression άλλην έν άλλη nous paraît être une redondance pour signifier simplement · quelque autre », comme on trouve quelque­ fois à cette époque αύτ&ς έν έαυτφ dans lo sens affaibli de lui-même. On peut noter aussi la fréquence, chez plusieurs auteurs (dont Hippo­ lyte), des redondances avec άλλος (ou πας), comme άλλος άλλοθεν, άλλος άλλαχοΰ (πδς πανταχου). SUR LA PÂQUE DE 387 153 αίνιγμα, δ 8η à νόμος πάσχα έκάλει, έπ’ αύτού τελεσθέν εύκαίρως άντεισαχθέντος. 5 10 15 20 *Ορα 8η, άδελφε, τήν άνάγκην του πράγματος εις δειξιν 42 της άληθείας. Έκέλευσε Μωϋσής πρώτω μηνί τεσσαρεσκαιδεκάτη σελήνης τό πρόβατον σφαγιάζεσθαι, δ δή τύπον του σωτήρος οι προφήται έβόων, δθεν δή καί παρέλαβον αύτω τφ σωτήρι καί έλεγαν ‘ «'Ως πρόβατον επί σφαγήν ήχθη καί ώς άμνός έναντίον του κείραντος αύτόν άφωνος · τφ μώλωπι αύτού ήμεϊς ίάθημεν », διό θεασάμενος τούτον ό πρόδρομος ’Ιωάννης έβόα · «*Ίδε ό άμνδς του θεού ό αϊρων τήν αμαρτίαν τού κόσ­ μου ». Έπεί ούν άκόλουθον ήν παρελθόντος τού εναργούς παυθήναι τόν τύπον, ούκ άλλην προθεσμίαν έν άλλη ήτησεν ό Χριστός ή τήν τού προβάτου σφαγήν, ώς άν τήν άντεισαγωγήν έπιδείξειεν. Διά τούτο συνάπτει μέν πάντας τούς 43 χρόνους, ώς είπον, καί συντρέχει τη παρασκευή ή τεσσαρεσκαιδεκάτη · καί, νόμου κελεύοντος «πρός εσπέραν » καί «άνά μέσον των εσπερινών » τό πρόβατον σφάζεσθαι, καί ήμέραν καί ώραν της σφαγής έπιτηρεϊ ό σωτήρ, ήμέραν μέν τήν παρασκευήν, έν ή έκτίσθη ό άνθρωπος, ώραν δέ τήν έννάτην, καί περί αυτήν τήν έννάτην επί σταυρού 7 Is. LIU, 7 10 loh. I, 29 21 Mt XXVII, 46. 17 Ex. XII, 6 18 Lev. XXIII, 5 1 έκάλει orn H || 4 τεσσαρεσκαιδεκάτη MOB : τεσσαρεσκαιδεκάτης VH || 6 δή om M (sup M‘) || καί del M* || 8 έναντίον MOB11 : έναντι V Savile || 9-12 διό... κόσμου om M (sup M*) || 13 έν άλλη ήτησεν VMO : έτήρησεν BH || 19 σωτήρ VM’BH : Χριστός MO || 21 καί... έννάτην om ΜΟΒ. 154 PSEUDO-CHRYSOSTOME vers la neuvième heure il expire sur la croix. En effet, « vers le soir » commence, dit-on, à la septième heure, après la sixième, et le « milieu de la soirée », si on part de la septième, c’est le point d’achèvement de la neuvième, heure à laquelle précisément les Sages des Hébreux relatent qu’on sacrifie l’agneau. En rendant l’esprit à cette heure-là de l’immolation de l’agneau, le Vendredi, le Seigneur a donc montré sa substitution à la figure et a réalisé clairement par la concordance 44 des temps la récapitulation. Et si grande était la nécessité de la substitution, que, bien que la Pâque fût jour de fête, les Juifs ne purent pas reporter le sacrilège en considération de la fête, ce que d’autres eussent fait assurément ; mais, une fois qu’ils eurent donné volontairement l’impulsion au crime, ils eurent un châtiment qui se servit, à leur insu, de cette impulsion pour manifester la substitution de la façon la plus évidente. 3. Les ténèbres de la Passion, signe de la condamnation des Juifs 45 Tu te rappelles la raison de la pleine lune pour la Passion : puisque devant un tel sacrilège contre le Sauveur le soleil devait s’obscurcir depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième et détourner ses rayons, comme on ferait les yeux, pour ne pas voir le sacri­ lège, la pleine lune fut fixée pour la Passion, de manière que les Grecs ne puissent pas croire à une éclipse de soleil par interposition de la lune ; mais, vu une telle distance entre la lune et le soleil, il est SUR LA PÂQUE DE 387 155 άποπνεϊ. α Πρδς εσπέραν » μέν γάρ άπδ της έβδόμης ώρας είναι φασι μετά την έκτην, τδ δέ « άνά μέσον των έσπερινών d, εί άπδ έβδόμης άρξαιο, τδ κέντρον της έννάτης τετελεσμένον έστίν, έν ή καί οί σοφοί των Εβραίων 5 ίστοροΰσι τδ πρόβατον θυεσθαι. Έν ταύτη ουν τη ώρα της σφαγής του προβάτου κατά τήν παρασκευήν ό σωτήρ άποδούς τδ πνεΰμα και τήν άντεισαγωγήν του αίνίγματος έπεδείξατο καί τήν άνακεφαλαίωσιν διά της των χρόνων αρμονίας σαφώς έποιήσατο. Καί τοσαύτη ήν ή ανάγκη της 44 10 άντεισαγωγής, ώστε εορτής οβσης του πάσχα ούκ ήδυνήθησαν ’Ιουδαίοι εις τιμήν της έορτης μεταθειναι τδ άγος, δ δή καί άλλοι άν έποίησαν, άλλ’άπαξ πρδς τδν φόνον έκουσίως όρμήσαντες έσχον τήν δίκην συγχρωμένην τη δρμή, ώς ούκ ή δε σαν, πρδς τήν της * άντεισαγωγής φανοτάτην έκκάλυψιν. Τηρείται δέ σοι και της πλησιφαοΰς σελήνης ή κατά τδ 45 πάθος αιτία, οτι, έπείπερ ήμελλεν δ ήλιος του τοιούτου γινομένου κατά του σωτήρος άγους σκοτίζεσθαι άπδ έκτης ώρας έως έννάτης καί τάς έαυτοΰ άκτϊνας καθάπερ δφθαλμούς άναστρέφειν, Ινα μή ϊδη τδ άγος, ή πλησιφαής <πρδς> τδ 20 πάθος ώρίσθη, ώς άν μή έκλειψις ήλίου καθ’ ύποδρομήν σελήνης τοΐς Έλλησι νομισθή, άλλ’ έπί τοσουτον διεστη- 15 1 Ex. XII, 6 2 Lev. XXIII, 5. 3 εί MO : ή Β ή Η om V H 4 τετελεσμένον VMO : τελεσμενος (sic) Β τετελεσμένης Η || 8 έπεδείξατο VMÔH : άπεδείξατο Β || 10 του VMO : τό ΒΗ || 13-14 ώς ούκ... έκκάλυψιν om Μ (sup Μ*) || 14 άντεισαγωγής scripsimus : εισαγωγής VM'OBH || 19 post πλησιφαής add κατά Μ (del Μ*) Ο : πρδς maluimus e p. 171, 11 || 20 πάθος VMOH : πάσχα B. 156 PSEUDO-CHRYSOSTOME nécessaire de reconnaître que c’est à propos de celui qui souffrait que se sont produites les ténèbres qui ont eu lieu à partir de la sixième heure, selon le récit de l’Évangile, lors de la Passion du Sauveur. Et l’Écriture l’a proclamé par avance d’une manière prophétique. Amos dit en effet : « El il arrivera en ce jour-là, oracle du Seigneur, que le soleil de midi se couchera et que la lumière s'obscurcira en plein jour»· Comme ce jour devait être partagé entre la lumière et les ténèbres, Zacharie, un autre prophète, dit à 1 son tour : « El il arrivera en ce jour-là qu'il n'y aura pas de lumière, el ce jour-là est connu du Seigneur: il ne sera ni jour ni nuit, el vers le soir il y aura de lu lumière » : il en fait un jour complètement ambigu par la succession alternée des ténèbres et de la 46 lumière. Puisque le prophète a proclamé que le soleil de midi s’obscurcirait, et puisque parfois certains incrédules devaient douter si cela s’est vrai­ ment produit à propos du Sauveur ou non, il existe, visible maintenant à tes propres yeux, une grande preuve, afin que, voyant d’après cette preuve la réalisation de l’oracle, tu ne te poses pas de question. Quelle est donc aujourd’hui la conséquence de la Passion ? Pour montrer que la parole du Maître ft s’adressait aux Juifs comme une menace, Amos dit. en mettant en avant la Passion du Sauveur, le v. Bien-Aimé» de Dieu, et en regard leur transgres­ sion : « Le soleil de midi se couchera el la lumière SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 aj 157 κυίας αυτής τοΰ ήλίου άνάγκη <έπί > τοΰ παθόντος όμολογηθήναι συμβήναι τδ σκότος τδ « άπδ τής έκτης ώρας η κατά τήν των ευαγγελίων Ιστορίαν έπί τω τοΰ σωτήρος πάθει γινόμενον. Καί προφητικώς άνωθεν προλαβών έβόα ’ φησί γοΰν Άμώς · «Καί έσται έν τή ήμέρα εκείνη, λέγει κύριος, δύσεται ό ήλιος μεσημβρίας καί συσκοτάσει έν ήμέρςι τό φως » ' καί έπειδή ήμελλεν ή ήμερα αύτη μερίζεσθαι φωτΐ καί σκότει, Ζαχαρίας αΰθις άλλος προφήτης φησίν · «Καί έσται έν τή ήμέροε εκείνη ούκ έσται φως, καί ή ήμέρα έκείνη γνωστή τφ κυρίω ’ καί ούχ ήμέρα καί ού νύξ · τδ πρδς εσπέραν έσται φως », καί βλην αύτήν αμφίβολον ποιεί τη παρά μέρος διαδοχή τοΰ σκότους καί τοΰ φωτός. Καί 46 έπειδή ό προφήτης έβόα δτι σκοτισΟήσεται ό ήλιος μεσημβρίας και ένίοτέ τινες ήμελλον άπιστειν εί άληθώς γέγονε τοΰτο έπΐ τοΰ σωτήρος ή ού, έστιν ύπδ τοίς σοϊς οφθαλμούς άρτι δρώμενον μέγα τεκμήριου, Ενα έκ τοΰ τεκμηρίου τήν άποκατάστασιν βλέπων ζητήματος άπαλλάττοιο. Τί οΰν παρακολουθεί σήμερον ; *Ίνα δειχθή ή δεσποτική φωνή πρδς ’Ιουδαίους άπειλών, φησίν δ Άμώς τδ πάθος τοΰ σωτήρος τοΰ άγαπητοΰ τοΰ Οεοΰ προβαλλόμενος καί τήν άύτών παρανομίαν ’άντιτιθείς ’ «Δύσεται ό ήλιος μεσημβρίας 2 Mt XXVII, 45 VIII, 9-10. 5 Amos VIII, 9 9 Zach. XIV, 6-7. 22 Amos 1 άνάγκη VMOH : άνάγκης Β || έπί addidimus (ci. lin. 16) || 2-4 τδ άπδ ... γινόμενον om Μ (sup Μ*) || 3 ιστορίαν VMOBH : φωνήν Μ* Savilo H 5 φησί γοΰν om MO || 8 αυΟιςοσι Η || 11-13 καί ούχ...φωτός om Μ (sup Μ·) H 11 τό VOBH : τφ Μ* || 12 αύτήν VOBI-I : τήν Μ* Savile II 14 σκοτισΟήσεται VMOH : σκοτουΟήσεται Β || 16 σωτήρος VMOB : σταυρού II || 17 ϊνα ... τεκμηρίου om Β || 18 άπαλλάττοιο • VMOH : άπαλλάττοις Β || 19-20 πρδς Ιουδαίους άπειλών VMOH : άπειλών πρδς τούς ’Ιουδαίους Β || 22 άντιτιΟείς scripsimus : άνατιΟείς V.MOBH άντιθείς Μ*. L 158 PSEUD0-CHRY80ST0ME s'obscurcira en plein jour; je changerai vos fêtes en deuil et tous oos chants en lamentations ; je mettrai sur tous les reins le sac et sur toutes les têtes la calvitie; je les placerai, eux, comme dans le deuil d’un BienAimé, et leurs compagnons comme dans un jour de douleur ». Dieu a posé, en effet, comme signe que le soleil se coucherait en plein midi, le changement de leurs fêtes en deuil et de leurs chants en lamen­ tations, et il a dit qu’il ferait tout cela à cause de son «Bien-Aimé » : le deuil sera tel, dit-il, et telle la nécessité du châtiment, qu’ils seront proportionnés 47 à la dignité du « Bien-Aimé ». Eh bien, vois! Si depuis que le Sauveur a souffert, les souffrances n’en sont pas la conséquence directe, si leurs fêtes n’ont pas été changées en deuil ni leurs chants en lamentations, alors non, le soleil de midi ne s’est pas couché. Mais si tu vois ce grand prodige : d’une part le Christ crucifié en la fête de Pâques, et d’autre part, en châti­ ment de cela, leurs fêtes changées en deuil, quand les Romains ont attaqué, que les Juifs se sont tous réfugiés dans Jérusalem comme dans un commun piège et, durant les fêtes elles-mêmes, au dire de l’histoire1, ont été exterminés par le fer et le feu, la faim et des douleurs infinies, si bien que tant de 1. L'auteur fait allusion à un épisode de la guerre juive rapporté par Josèphe, De bel. iud., V, in, 1. Le jour de Pûqucs (de l’an 70), le prêtre Êlëazar, chef des zélotes, ouvrit les portes de la ville à tou· ceux qui désiraient faire leurs dévotions dans le Temple. Des partisan· de Jean de Gischala en profitèrent pour entrer et attaquèrent les zéloles. Ce fut la cohue. Des gens du peuple, qui se pressaient vers l’autel, furent écrasés sous les pieds ou frappés au hasard ù coups de SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 159 καί συσκοτάσει έν ήμέριχ τδ φως, καί μεταστρέψω τάς έορτάς υμών εις πένθος καί πάσας τάς ώδάς ύμών είς θρήνον, καί άναβιβάσω έπί πάσαν δσφύν σάκκον καί έπί πάσαν κεφαλήν φαλάκρωμα, καί θήσομαι αύτούς ως πένθος άγαπητοΰ καί τούς μετ’αύτών ώς ήμέραν όδύνης ». Του γάρ δΰναι τδν ήλιον μεσημβρίας σημεία τέθεικε μεταστροφήν τών έορτών είς πένθος καί τών ωδών είς θρήνον, καί ταυτα πάντα διά τόν έαυτού άγαπητδν έφη δ θεύς ποιήσειν ' τοιοΰτον γάρ πένθος, φησίν, εσται καί τοιαύτη ανάγκη δίκης, οΐα άναλογησει πρδς τήν του ύβρισθέντος αγαπητού αξίαν. *Ορα τοίνυν ' εί μή, έξ 47 ού πέπονθεν δ σωτηρ, παρακολουθεί τά πάθη, εί μή μετεστράφησαν είς πένθος αί έορταί αύτών, εί μή αί ωδαί αύτών είς θρήνον, ούκ εδυ ό ήλιος μεσημβρίας ' εί δέ συνοράς τύ μέγα θαύμα, οτι έν εορτή μέν τού πάσχα έσταυρώθη δ Χριστός, ή δέ δίκη τούτου χάριν μετέβαλεν είς πένθος τάς έορτάς, 'Ρωμαίων μέν έπελθόντων, τών δέ ’Ιουδαίων συμφυγδντων απάντων ώσπερ είς κοινήν παγίδα τήν Ιερουσαλήμ καί έν αύταΐς ταϊς έορταΐς, ώς ή ιστορία φησίν, ξίφει καί πυρί καί λιμώ καί οίμωγαΐς άνηνύτοις δαπανηθέντων, ώς ύπδ 2 εις VMOH : ώς Β || 5 αύτούς VMO : αύτόν ΒΗ || 6 αύτών VMO : αύτού ΒΗ || 7 τέθεικε VMO : τέθηκε ΒΗ || έορτών MO : έργων VBH II 11-12 έξ οΰ ΜΟΒΗ : έκ σοΰ V || 13-14 εί μή αί φδαΐ... μεσημβρίας om Μ (sup Μ*) II 13 αί* om Η || 15 δτι VMOH : ώςΒ || ή ΜΟΗ : εί VB d 16 δίκη ΜΟΒΗ : δή V || τούτου ΜΟΒΗ : τούτο V || 17 συμφυ­ γόντων VM'OBH : φυγόντων Μ || 18-20 καί έν αύταΐς... δαπανηθέντων om Μ (sup Μ’) H 19 αύταΐς VM'OH : έαυταϊς Β || 20 καί λιμφ om Μ* Savile || άνηνύτοις VOBH : άνονήτοις Μ* Savile. matraques et de glaives (ξύλοις καί σιδήρω). L’homéliste grossit les faits. β 160 PSEUDO-CHRYSOSTOME maux accumulés sur eux ont accompli à la lettre le changement des fêtes en deuil et des chants en lamentations, alors bien évidemment, puisque ces choses sont arrivées à la vue de tous, le soleil de midi s’est couché, car tel est le sens de l’oracle. Il est de fait que pendant une durée de deux ans la guerre consuma les Juifs dans le deuil et a étendu le deuil jusqu’à la Judée d’aujourd’hui. Car où est le temple et où le sacerdoce, où la royauté et où la citadelle, où la ville de la Loi ? Tout est ruiné et tout s’est éteint, tout a été complètement détruit et avec le coucher du soleil s’est changé en deuil. 48 Puisque ces choses se sont passées en vue de grands mystères lors de la Passion du Christ, à cause de cela nous aussi, à chaque Pâque, nous efforçant de renouveler la signification du mystère, nous réunissons même les dates, autant que possible. Et nous prenons le 14, non seulement à cause des autres raisons mystiques, déjà dites ou non1, mais encore à cause du coucher du soleil de midi, afin que les ténèbres apparaissent comme l’effet, non de la science grecque, mais du châtiment, comme je l’ai dit maintes fois, puisqu’elles se sont produites, non quand la lune passait sous le soleil, mais quand elle se levait à l’opposé et qu’elle était, pour ainsi dire, mue de cette façon pour que le 14 fût pour tous un signe perpétuel de l’existence du prodige. Nous prenons aussi le Vendredi, le Samedi et le Dimanche, pour les causes 1. L’auteur n'a développé précédemment qu’une seule raison pour le choix du 14 de la lune : c’était pour qu’on ne pût pas attribuer les ténèbres de la Passion à une éclipse de soleil. Mais la tradition SUR LA PAQUE DE 387 5 10 ω 50 161 τοσούτων κακών έστοιχισμένων αυτών £ητώς άποβήναι την μεταβολήν καί των έορτών εις πένθος καί των ωδών εις θρήνον, δήλον βτι, τούτων έκβεβηκότων έπ’βψεσιν, £δυ ό ήλιος μεσημβρίας ’ τούτο γάρ σημαίνει τά είρημένα. Διετή γούν χρόνον ό πόλεμος καί τούς ’Ιουδαίους έπι πένθει ανάλωσε καί άχρι τής σήμερον τής ’Ιουδαίος τδ πένθος παρέτεινεν. Πού γάρ ό ναός ; πού ή ίερωσύνη ; πού ή βασι­ λεία ; πού τδ δρμητηριον ; πού ή τού νόμου πόλις ; Πάντα οίχεται, πάντα άπέσβη, πάντα έκ βάθρων ήρται <καί> δύναντος τού ήλίου είς πένθος μετέβαλεν. ’Επειδή οΰν ταύτα μεγάλων μυστηρίων χάριν έπράττετο 48 έπι τού σωτήρος πάσχοντος, διά τούτο καί ήμείς καθ’έκαστον πάσχα τού μυστηρίου τήν σημασίαν άνανεοΰσθαι πειρώμενοι και τάς προθεσμίας συνάγομεν δση δύναμις, καί παραλαμβάνομεν καί τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην, ού μόνον διά τάς λοιπάς θεωρίας τάς είρημένας καί τάς μή ^ηθείσας, άλλα καί διά τδ δΰναι τδν ήλιον μεσημβρίας, ίνα φαίνηται ού τέχνης έλληνικής άλλά δίκης έργον τδ σκότος, ως πολλάκις έρρήθη, ούχ ύποδραμούσης σελήνης άλλά κατά διάμετρον τώ ήλιακω άντανατελλούσης δρόμφ και ούτως, ως άν τις εϊποι, κινουμένης γινόμενον, Ενα ή σημεΐον τού συμβεβηκότος θαύματος ή τεσσαρεσκαιδεκάτη τοΐς πασιν αιώνιον, — παραλαμβάνομεν καί παρασκευήν και σάββατον καί κυριακήν 1 ^ητώς VMOB : ^ητών Η || 5 γοΰν ΜΟΒ Η : γάρ V || καί om Μ II πένθει ΜΟΒΗ : πένθη V Savile || 8 που τό ύρμητήριον om Μ (sup Μ*) H 9 καί addidimus || 14 συνάγομεν ΜΗ : συνάγωμεν VOB || 17 τό MO : τοΰ V τούτο ΒΗ || 19 διάμετρον ΜΟΒΗ : μέτρον V. chrétienne faisait valoir ordinairement un autre motif : ce jour-là, la lune brille pendant toute la nuit ; c'est donc un jour qui n’est jamais privé de lumière, un jour sans soir, image de la lux perpetua dont l’accès est ouvert désormais aux hommes. 11 est probable que l’auteur fait allusion ici à cet autre motif du choix du 14. 162 PSEUDO-CHRYSOSTOME susdites. Et accomplissant intégralement la mystique du sacrement par la rencontre des dates, nous repous­ sons la sottise des Juifs en même temps que la folie des hérétiques qui refusent cette manière de faire, et nous nous proposons de réaliser, dans la sainte célébration de Pâques, une figure parfaite de la récapitulation de l’univers. Car, le Christ ayant souffert la Passion à toutes ces dates, il est nécessaire que nous aussi nous célébrions la Pâque sembla­ blement, autant que possible ; et si une d’entre elles fait défaut, l’imitation cloche dangereusement. Troisième Partie LA DATE DE PAQUES EN L’ANNÉE PRÉSENTE 1. Les raisons du retard 1. Le mois intercalaire Puisque tu en sais sufiirè01e samment là-dessus, il est sans doute nécessaire d’expliquer maintenant la cause du retard de la Pâque présente, ce que j’ai promis en commençant mon discours. Nous avons dit, frère, qu’il faut pour la Passion prendre ensemble l’équinoxe de printemps, le 14 de la lune — non avant l’équinoxe —, le Vendredi, le Samedi et le Dimanche. Si donc il se trouve que le 14 de la lune tombe avant l’équinoxe, nous considérons ce 14 là SUR LA PÂQUE DE 387 163 διά τάς προρρηθείσας αίτίας, και ολόκληρον του μυστηρίου την θεωρίαν τη των προθεσμιών συνδρομή έκτελοΰντες καί την των Ιουδαίων άνοιαν καί τήν των μή τούτον τόν τρόπον άσμενιζόντων αιρετικών μανίαν άποπεμπόμεθα, καί χαρα5 κτηρα όλοτελή τής του παντός άνακεφαλαιώσεως έπί τη του πάσχα Ιερ$ τελετή προβαλλόμεθα. Έν βλαις γάρ ταις προθεσμίαις ταύταις του Χρίστου παθόντος, άνάγκη καί ημάς ώσαύτως ποιεϊν τό πάσχα βση δύναμις, καί, εϊ τι άν τούτων λείποι, σκάζει κινδυνωδώς ή μίμησις. Έπεί ούν άρκούντως περί τούτων άκήκοας, άναγκαΐον 49 άν εϊη λοιπόν καί τήν αιτίαν είπείν, δι’ ήν νυν ή τού πάσχα παράτασις γίνεται, οπερ άρξάμενος τού λόγου έπήγγελμαι. Είρήκαμεν, άδελφε, <5τι δει έπί τώ πάθει καί τήν έαρινήν ισημερίαν καί τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην κατά σελήνην, ού 15 πρό ισημερίας, καί τήν παρασκευήν καί τό σάοβατον καί τήν κυριακήν συλλαμβάνειν. ’Εάν ούν ποτέ συμβαίη τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην κατά σελήνην πρό ισημερίας έμπίπτειν, 10 1 προρρηθείσας VOBH : (5ηθείσας Μ || 6 δλαις ΜΟΒ Η : όλίγαις V || 8 τι VMBH : τοι Ο || 9 λείποι ΜΟΒ : λίποι Η λίπη V || 11 ή om ΒΗ II 16 συμβαίη ΜΟΒΗ : λαμβάνη V. PSEUD0-CHRYS0ST0ME 164 comme sans valeur, et nous en cherchons un autre, qui doit venir après l’équinoxe. Ce qui se produit dans ce cas, c’est qu’un mois intercalaire s’interpose pour donner naissance au 14 postérieur à l’équinoxe. 50 Or maintenant, frère, pour l application cette Pâque qui est en cause, le 14 tombe environ deux jours avant l’équinoxe et devient sans valeur ; c’est pourquoi nous avons soin d’achever le mois lunaire, et de prendre le 14 suivant pour y faire la Passion à l’imitation du Sauveur : nous avons donc besoin d’un mois intér­ cataire. 2. Le renvoi im dimanche suivant 51 Mais de même que nous avons vu que, si le 14 de la lune tombe avant l’équinoxe, nous désirons, non pas ce 14 là, mais, comme il convient, celui qui suit l’équinoxe, de même aussi, quand le Dimanche se rencontre avec le 14 de la lune, nous ne célébrons pas ce Dimanche comme celui de la Résurrection, mais nous avons besoin du Dimanche suivant. Car le 14 appartient à la Passion (le Christ, en effet, a souffert le 14, qui coïncidait avec le Vendredi ; de même que nous ne reconnaissons pas le Vendredi comme jour de la Résurrection, nous ne recevons pas davantage pour tel le 14 qui lui est lié) ; c’est d’autre part une règle que le Dimanche qui doit être assigné à la Résurrection soit dégagé du jour de la Passion. Si donc le quantième de la Passion, qui est le 14, tombe un Dimanche, nous laissons passer ce DimanLa regie SUR LA PÂQUE DE 387 165 έκείνην μέν άκυρουμεν, άλλην δέ ζητοΰμεν τήν οφείλουσαν μετ’ ίσημερίαν γενέσθαι, καί συμβαίνει έν τούτο μήνα έμβόλιμον παρεμπίπτειν εις γένεσιν τής μετ’ Ισημερίαν τεσσαρεσκαιδεκάτης. Νυν δέ, άδελφε, εις τούτο τό προκείμενον ήμϊν πάσχα ή 50 τεσσαρεσκαιδεκάτη ώς προ δύο ημερών τής ισημερίας έμπίπτει καί άκυρος γίνεται · διό ζητοΰμεν τελέσαι τον μήνα τής σελήνης καί την επιούσαν τεσσαρεσκαιδεκάτην παραλαβεϊν, ινα έν ταύτη τό πάθος κατά μίμησιν του 10 σωτήρος άπεργασώμεθα * μηνάς ούν έμβολίμου χρήζομεν. 5 ’Αλλ’ ώσπερ έθεασάμεθα δτι, ή τεσσαρεσκαιδεκάτη κατά 51 σελήνην πρό Ισημερίας έάν έμπέση, ού ταύτης άλλά τής μετ’ Ισημερίαν άρμοζόντως δεόμεθα, ουτω πάλιν, κατά σελήνην τεσσαρεσκαιδεκάτη τής κυριακής συνελθούσης, ούκ 15 άγομεν ταύτην την κυριακήν άναστάσιμον, άλλά τής έξής κυριακής χρήζομεν, δτι ή μέν τεσσαρεσκαιδεκάτη πάθους έστίν — έν γάρ ταύτη πέπονθεν ό Χριστός τη παρασκευή συνελΟούση καί, ώσπερ τήν παρασκευήν άναστάσιμον ού γνωρίζομεν, ούδέ τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην συζυγοΰσαν 20 αύτη —, ή δέ οφείλουσα έπί τη άναστάσει ύρίζεσθαι κυριακή καθαρά παθητικής ήμέρας ύπάρχειν τέτακται. Έάν ούν συμπέση αύτή ό παθητικός τής τεσσαρεσκαιδεκάτης άριθμός, 3 έμδόλιμον ΜΟΒ Η : έμοολικόν V || 6 ήμερων VMOB : ήμερίων Η II 9 τό πάθος κατά μίμησιν VMOBH : τόν μήνα Μ * Savile || 10 άπεργασώμεΟα VMOH : έπεργασώμεθα Β || 12 πρό Ισημερίας VMOB : προϊσημερίαν Η || 14 τεσσαρεσκαιδεκάτη Β : τεσσαρεσκαιδεκάτης VMOH H 14-15 ούκ άγομεν ταύτην ΜΟΒ Η : ού ταύτην άγομεν V || 17 ό om Μ (sup Μ*) Ο || 19 συζυγοΰσαν VOBH : συζυγοΰμεν Μ. 166 PSEUDO-CHRYSOSTOME che et nous recherchons le suivant, parce qu’il est dégagé de la Passion. Car, puisqu’il s’agit pour nous d’imiter le Sauveur dans sa Passion et sa Résurrection, comme le Seigneur nous gardons toujours affranchi de la Passion le Dimanche que nous devons assigner à la Résurrection, en prenant la Passion dans les jours qui précèdent. Puisque tu as vu cela, fais attention à ce que je vais dire. 62 L application Cette année-ci, comme je i’aj je la lune tombe deux jours avant l’équinoxe ; il est nécessaire d’écar­ ter ce 14 là, et d’adopter le suivant, comme étant postérieur à l’équinoxe. Mais à son tour le 14 approprié arrive lui-même le 26 du septième mois, et tombe un Dimanche. Donc, puisque le 14 tombe le Dimanche même, nous renvoyons la fête de la Résurrection au Dimanche suivant, qui se trouve affranchi du quan­ tième de la Passion ; et ainsi, en ajoutant une semaine au 26 du septième mois, nous reconduisons le jour de la Résurrection jusqu’au 2 du huitième mois. Et voilà la cause du retard. 2. Réponse aux objections 53 Que si, au sujet du 26 du septième mois, quelqu’un voulait contester que le 14 tombe cette année le Dimanche, qu’il aille étudier la réponse en recourant même pour cela, s’il le désire, aux Sages des Grecs, qui lui témoigneront que le 14 englobe le Dimanche SUR LA PÂQUE DE 387 167 ταύτην αφέντες τήν έξης ώς καθαρών πάθους μεταδιώκομεν. Προκειμένου γάρ ήμίν τού κατά τδν σωτήρα έπί τφ πάθει καί τη άναστάσει μιμήματος, αεί ποτέ τήν κυριακήν, ήν μέλλομεν έπί τή άναστάσει δρίζειν, έλευθέραν πάθους ώς ό 5 δεσπότης διαφυλάττομεν, έπί τάς πρδ ταύτης τδ πάθος λαμβάνοντες. ’Επειδή τούτο τεθέασαι, πρόσχες λοιπόν δ λέγω. Πρδ δύο ήμερων νυν εμπίπτει, ώς έφην, ή τεσσαρεσκαι- 52 δεκάτη κατά σελήνην της ισημερίας * άνάγκην έχομεν ΙΟ ταύτην μέν παρεϊναι, τήν δέ μετά ταύτην τεσσαρεσκαιδεκάτην ώς μετ’ Ισημερίαν έκδέχεσθαι * άλλ’ αύτή πάλιν ή άρμόζουσα τεσσαρεσκαιδεκάτη μηνδς έβδόμου εϊκάδι έκτη συντρέχει [έπειδή] καί κυριακή συμπίπτει. Έπεί οδν ή τεσσαρεσκαιδεκάτη 'αύτή τή κυριακή συμπίπτει, τήν της 15 άναστάσεως έορτήν είς τήν έξης κυριακήν μετατίθεμεν τού παθητικού αριθμού έλευθέραν εύρημένην, καί οΰτω τη εϊκάδι έκτη τού έβδομου μηνδς έβδομάδα έπισυνάπτοντες είς δευτέραν ογδόου μηνδς τήν άναστάσιμον άγομεν. Καί αύτη έστίν αιτία τής παρατάσεως. 20 Εί δέ τις άντιλέγειν έθέλοι περί τού εϊκάδι έκτη τοΰτι 53 έβδόμου μηνδς νΰν αύτη τή κυριακή τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην συμβαίνειν, στελλέσθω έπισκεψόμενος τήν άντίρρησιν, εί βούλεται, καί τούς σοφούς τών Ελλήνων πρδς τούτο παρα­ λαβών μάρτυρας οτι όλην τήν κυριακήν καί ταύτην καί τήν 5-6 έπί τάς ... λαμδάνοντες om Μ (sup Μ*) || 5 πρό VOBH : πρός Μ* Savile || 6 λοιπόν om Η || 13 έπεώή seclusimus || 14 αύτή τή κυριακή scripsimus (et. lin. 21) : αύτή ή κυριακή VMO αύτη ή κ. ΒΗ U 19 παρατάσεως ΜΟΗ : παραστάσεως VB || 20 έθέλοι ΜΟΒΗ : έθίλει V || 21 αύτή τή κυριακή ΜΟΒΗ : αύτή ή κυριακή V αύτη ή κ. Savile || post τεσσαρεσκαιδεκάτην add τοΰ μηνός Μ* Savile || 22 στελλέσθω VMOB : στέλλεσθαι Η || 24 τήν* om Ο. 6-1 168 PSEUDO-CHRYSOSTOME dans sa totalité, à la fois ce Dimanche lui-même et la nuit qui le suit, presque jusqu’au lendemain lundi. 54 Et que personne ne dise que la Pâque n’eut jamais lieu avec un pareil retard. Nous en avons pour té­ moins beaucoup de gens qui s’en souviennent1. Et puis, ce qui ne se produit jamais ne concorde véritablement jamais avec la science. Mais toujours on cherche la raison scientifique, et la chose se produit souvent vite, souvent plus vite et d’autres fois plus tardivement ; et aucun savant ne prend garde à l’irrégularité des temps mais au contraire à l’accord des raisons. Combien de fois — tu le reconnais — on a dit dans le passé : a Cela ne s’est jamais fait », puis la science l’emporte. Et de quel écart s’agit-il ? Nos contradicteurs confessent, en effet, que la Pâque a souvent eu lieu le 29 du septième mois ; il ne s’agit donc plus que de trois ou quatre jours qu’ils hésitent à concéder à la science. Où est donc désormais la difficulté provenant d’un retard inouï ? 55 Mais on s’étonne que la Pâque ait lieu avec une telle irrégularité, du moins quant au temps. Mais ce n’est pas une chose étonnante pour les savants. Tu as vu, frère, comment les compositions poétiques ou les vers tragiques sont les uns courts, d’autres plus courts et d’autres plus étendus. Les ignorants s’étonnent fort qu’ils soient aussi grossièrement disposés; mais l’artiste, qui sait l’accord des mètres, voit la régularité de l’art, même si l’aspect des vers J. Si cette aflirmatlon de l’auteur vise une année précise, il ne peut s’agir que de l’année 360, où le dimanche de Pôque, selon le cycle alexandrin, tombait le 23 avril. Mais jamais encore les conditions SUR LA PÂQUE DE 387 5 10 15 20 169 μετ’ αυτήν νύκτα έως εγγύς είς τήν έπιοΰσαν δευτέραν ή τεσσαρεσκαδεκάτη καταλαμβάνει. Καί μηδείς λεγέτω ότι ούδέποτε έπί τοσαύτη παρατάσει τό πάσχα γεγένηται. Καί τούτου πολλούς έχομεν μνήμονας μάρτυρας. Έπειτα τά ούδέποτε αληθώς ούδέποτε επιστήμη άρμόζει, άλλ’ άεί ό λόγος ζητείται της έπιστημης καί πολλάκις ταχύ γίνεται πολλάκις ταχύτερον καί πάλιν βραδύτερον, καί ούδείς έπιστημων τη άνωμαλία προσέχει των χρόνων άλλα τη αρμονία των λόγων. Ποσάκις, νομίζεις, έν τοΐς έμπροσθεν χρόνοις έρρήθη τό ι Ούδέποτε γέγονε », καί ή τέχνη κρατεί. Τί δέ καί τό παραλλάττον έστίν ; Οί μέν γάρ αίτιώμενοι όμολογουσιν είκάδι έννάτη εβδόμου μηνός γεγενήσΟαι πάσχα πολλάκις. Λοιπόν οΰν έστι περί τριών ήμερων ή τεσσάρων, άς όκνούσι παραχώρησα*. τη έπιστήμη. Που ούν λοιπόν ή έκ παραδόξου της παρατάσεως άπορία ; ’Αλλά θαυμάζουσιν βτι άνωμάλως ούτως όσον επί *γε τω χρόνω γίνεται τό πάσχα. ’Αλλά τούτο θαύμα ούκ έστιν έπιστημόνων. Είδες, άδελφε, ποιητικούς κόσμους ή τραγικούς στίχους πώς oî μέν είσι κόνδοι, oî δέ κονδότεροι, οί δέ έπί πλεϊον έκτεταμένοι. Τούτους οί άμαθεϊς πάντως θαυμάζουσιν ώς απλώς οΰτω διακειμένους ’ b μεντοί τεχνίτης ό μέτρων αρμονίαν είδώς οΐδε τό ομαλόν της τέχνης, καν ή βψις τών 4 τούτου VMBH : τούτους Ο || 5 μάρτυρας om V || τά om MO II ούδέποτε* om Μ || 6 άλλ* άεί VMOB : άλλα εί Η || 13 post γεγενήσθαι add τό Ο || 14 άς VMO : τάς ΒΗ || 15 που οΰν...· άπορία om Μ (sup Μ*) || παρατάσεως VMOH : παραστάσεως Β || 16 γε scripsimus : γη VB om ΜΟΗ || 17 γίνεται τό πάσχα VBH : τό πάσχα γίνεται MO || 22 οίδε VMOB : είδε Η. ne s’étalent trouvées réalisées pour que le dimanche pascal lût au 25 avril, avec un · aussi grand retard » que dans l’année présente. 54 55 170 PSEUDO-CHRYSOSTOME 56 paraît irrégulier. Toujours est-il, frère, que cette année le jour de la Résurrection est le 2 du huitième mois, et l’an prochain le 17 du septième, l’année suivante le 9 du septième, et dans deux ans, c’est au 29 du même mois qu’on admettra le jour de la Résurrection, et personne n’y trouve à redire, per­ sonne ne s’en chagrine, mais chacun cherche la convenance technique et se réjouit de la raison scientifique. Conclusion 57 Le tout, en effet, est de veiller à ce que le 14 de la lune ne précède pas l’équinoxe de printemps, que le Dimanche fixé pour le jour de la Résurrection soit affranchi du 14, et c’est ce 14 qui pose des problèmes à ceux qui calculent mal. Il faut en effet que le 14 tombe dans la semaine qui précède le jour fixé pour la Résurrection ; s’il tombe en pleine semaine, la solution se découvre facilement ; si au contraire, il tombe le Dimanche, il y faut une application minu­ tieuse, car ceux qui ne cherchent pas commettent quelquefois l’erreur de croire que c’est non le 14 de la lune, mais le 15 ; c’est précisément ce qui arrive à présent. 58 Nous devons donc absolument nous en tenir là, et reconnaître que même cette année le retard est normal. Nous devons reconnaître cela ; donc avant la semaine qui vient, que chacun ait son esprit dégagé de toute erreur, et qu’il sache qu’elle est la SUR LA PÂQUE DE 387 171 στίχων ανώμαλος φαίνηται. Αύτίκα γοΰν, άδελφε, νυν μέν 56 γίνεται δευτέρα ογδόου ή άναστάσιμος, εις δέ τδ έπιδν έπτακαιδεκάτη εβδόμου μηνδς γίνεται, καί πάλιν εις τδ έξης έννάτη έβδόμου μηνός, καί αύθις εις τδ τρίτον έτος 5 είκάδι έννάτη του <αύτοΰ > μηνδς ή άναστάσιμος γνωρισθήσεται, καί ούδεις πρδς ταυτα βλάπτεται, ούδείς πρδς ταυτα λυπεΐται, άλλ’ έκαστος τήν αρμονίαν ζητεί της τέχνης καί τφ της έπιστήμης λόγω εύφραίνεται. *Όλον γάρ έστι τδ σκοπούμενον, ίνα μή ή τεσσαρε- 57 10 σκαιδεκάτη κατά σελήνην πρδ ισημερίας εαρινής γένηται, καί ή πρδς τήν άναστάσιμον όριζομένη κυριακή έλευθέρα της τεσσαρεσκαιδεκάτης ‘ύπάρχη, δι’ ήν καί τά ζητήματα τοϊς ούκ άκριβοΰσι τήν ψήφον έπιφύεται. Δει μέν γάρ τήν τεσσαρεσκαιδεκάτην έν τη έβδομάδι πρδ τής όριζομένης 15 άναστασίμου συμβήνα·., άλλ’ έάν μέν εις τδ πλάτος τής έβδομάδος συμπέση, εύπέτεια τής εύρέσεως ύπανοίγεται, έάν δέ τη κυριακή ήμέρςι έμπίπτη, έν ταύτη άκριβοΰς επι­ στασίας χρεία ’ οί γάρ μή ζητουντες ένίοτε ού τεσσαρεσκαιδεκάτην άλλα πεντεκαιδεκάτην κατά σελήνην ύπάρχειν τδ ίθ σφάλμα έργάζονται, δ δή καί έπί του παρόντος συμβέβηκεν. Πάνυ οΰν όφείλομεν έστάναι καί γνωρίζειν βτι καί νυν ή 58 παράτασις έναρμονίως γίνεται. Ταυτα γνωρίζειν όφείλομεν, καί πρδ τής έρχομένης έβδομάδος καθαράν έχέτω τήν γνώμην καί γινωσκέτω ταύτην πρώτην είναι τών έπτά 2 έπιόν om Ο || 3 έπτακαιδεκάτη VMOH : έπτακαιδεκάτου Β II 5 είκάδι VM0B : είκάδα Η || αύτοΰ addidimus || post ή άναστάdesinit V H 7 έκαστος ΜΟΒ : έκαστον Η || 10 γένηται ΜΒΗ : γίνεται Ο H 11 όριζομένη κυριακή [-κήν Η] Μ*ΟΒΗ : κυριακή όριζομένη Μ H 12 ύπάρχη Savile : ύπάρχει ΜΟΒΗ || 14 έβδόμαδι ΜΟΗ : έβδόμη B H 17 έμπίπτη ΜΟΗ : έμπίπτει Β || 18 ού Μ" Savile : ούτε ΜΟΒΗ H 20 έργάζονται ΜΟΒ : έργάζωνται Η || 22 έναρμονίως ΜΟΗ : έν άρμονίω Β ]| 24 post γνώμην add έκαστος MO. 172 PSEUD0-CHRYS0ST0ME première des sept semaines et qu’il faut la jeûner. Quant à nous, nous avons sur ce sujet rempli notre promesse, pourvu que votre mémoire conserve le sens de nos paroles. Que Dieu vous accorde de garder tous ces mystères dans vos cœurs, et vousmêmes dans le Christ, avec qui la gloire est rendue à Dieu le Père avec le Saint Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen. SUR LA PÂQUE DE 387 173 εβδομάδων όφείλουσαν νηστευθήναι. 'Ημείς δέ επί τούτω τόν της έπαγγελίας λόγον πεπληρώκαμεν, μόνον εάν παραμείνη τη μνήμη τών λεγομένων ή δύναμις. Δωη δέ ό θεός καί τά μυστήρια πάντα φυλαχθηναι έν ταϊς καρδίαις ύμών 5 καί ύμας έν Χριστώ, μεθ’ οΰ άναφέρεται δόξα τω Οεφ καί πατρί σύν τω άγίω πνεύματι νυν καί άεί καί εις τους αιώνας τών αιώνων. ’Αμήν. 1 τούτω ΜΟΒ : τούτο Η || 4 τά om Β || ύμών ΜΟΗ : ήμών Β || 5 άναφέρεται δόξα ΜΟΗ : δόξα πρέπει Β || 6 τώ om Ο. INDEX I. PASSAGES DE L’ÉCRITURE Pige· I, 1...................... 129,17 3... 129,19,22; 131,2 12............ ........ 139,5 26............ ........ 131,23 27............ ........ 133,5 141,11 ; 147,3 11,2-3........ 15............ ........ 133,6 Ex. XII, 6....... 153,17 ; 155,1 Lev. XXIII, 5.. 153,18; 155,2 Deut. XIX, 15.... ........ 123,5 Ps. XLVIII, 13, 21... 135,4 Amos VIII, 9-10.......... 157,5,22 Zach. XIV, 6-7............... 157,9 Gen. II. Ill. 1-4................... LIII, 7................... Mt. XXV11,.45............. ■ 46............. Mc XVI,2..................... loh. I, 29........................ XII, 23.................. XVII, 1................ Le XXII, 19............... XXIV, 1............... 1 Cor. XI, 24.................... Eph. I, 8-10..................... Is. P*g