/ LA CONTEMPLATION DE DIEU ■ SOURCES CHRÉTIENNES Collection dirigée par H. de Lubac, S. J., el J. Daniétou, S. J. Secrétariat de Direction : C. Mondéserl, S. J. Série des Textes Monastiques d'Occldent, n« II GUILLAUME DE SAINT-THIERRY LA CONTEMPLATION'DE DIEU L’ORAISON DE DOM GUILLAUME Introduction, texte latin bt traduction de Dom Jacques HOURLIER LES ÉDITIONS DU CERF, 29,BD delà Tour-Maobovro, PARIS SIGLES ET ABRÉVIATIONS Œuvres de Guillaume de Saint-Thierry : Aen. Cant. Ep. Med. Ναί. Spec. 6/-4Λ43 Aenigma fldei. P. L., 180, 398-410. Expositio altera super Cantica Canticorum. P. L., 180, 473-546. Epistola ad Eratres de Monte-Dei. P. L., 184, 307-354. Meditativæ orationes. P. L., 180, 205-248. De natura et dignitate amoris. P. L., 184, 380-408. Speculum fidei. P. L., 180, 365-397. Les autres œuvres de Guillaume seront toujours désignées par leur titre complet. Dans les références au De contemplando Deo, les chiffres renvoient aux paragraphes et aux lignes du présent volume. Manuscrits et éditions du De contemplando Deo : Λ C /) F II J K M m A’ n O K S s T V X y z Bruxelles B. R. 11-1052 XIIIe Aulne Bruxelles B. R. 596-600 xiii·, d. Corsendonck Bruges B. M. 128 xue, L les Dunes Londres B. M. 5 F VII XIIe ? 1641 édition d’Horstlus Rouen B. M. 557 XIII0 Jumlèges a. 1165 Douai B. M. 372, t. I Anchin xme, d. Mazarine 630 Paris, Franciscains ? Mazarine 739 XIIIe ? Paris B. N. lat. 10621 XIIIe Bourgogne ? XIII-X1V* Paris B. N. lat. 1727 Italie ·> Oxford, Jesus XXXV XIIe xne, m. Mazarine 776 Reuil ? XIVe Paris, Gds Augustins ? Arsenal 324 9 XIV° Arsenal 502 1428 Troyes B. M. 2051 le Jardinet édit. Tiraqueau-Gillol (d’après St-Victor de Paris) 1640 autre texte dans la même édition : Soliloquia, col. 508 1677 édition Margarin de la Bignc 1690 édition Mabillon F et O : I-cs variantes de ces deux manuscrits sont données d’après M.-M. Davy, Deux traites de l'amour de Dieu, Paris. Vrin, 1953. oh ils sont présentés comme manuscrits du xn« s. H et VXY-a?/nous rcprôdidsons les vynantes de ces imprimés en raison des manuscrits que édttqMT* dnVpà consulter. n : Le ms. contient de nombreuses fautes et négligences, surtout dans la seconde partie du traité. Quelques-unes seulement sont réparées en inter­ ligne. La ponctuation est trêriinfuWti m 1759 INTRODUCTION T Vie de Guillaume de Saint-Thierry La vie de Guillaume de Saint-Thierry1 peut se résumer en quelques lignes 2, encore que son action ail été profonde cl que sa pensée soil riche et puissante. Une chronologie sommaire suffit à délimiter le cadre où l’action s’est exercée, où la pensée s’est développée et épanouie. • Né à Liège, d’une famille noble que nous ne connaissons pas autrement, Guillaume quitte son pays pour faire scs études, à Laon très probablement. Puis il abandonne Chronologie sommaire i 1. On abordera Guillaume de Saint-Thierry par le livre de Dom J.-M. DÆciiankt : Guillaume de Saint-Thierry l'homme cl son (wn (Bibliothèque Médiévale, Spirituels Préscolastiqucs. I)» Bruges. Bcyacrt, 1942, D’un point de vue plus spécialement philosophique, cf. du même auteur : Œuvres choisies de. Guillaume de Sainl-Thirrnj (Bibliothèque PblIosophiqUeX Paris, Aubier, 194 1. Ces deux ouvrages nous dispensent de reproduire la bibliographie du sujet ; nous ne citerons des études particulières que dans la mesure néces­ saire si notre exposé. Cependant, nous tenons à mentionner, pour son inté­ rêt et sa date» In thèse de l’abbé André Adam : Guillaume de Saint-Thierry sa vie et ses œuvres, Bourg. 1923. 2. C’est bien le cas d’un écrit hagiographique : Vitu Wiltelmi ou Vita antiqua : Paris, B. N. ms lat. 11.782, f° 340-341. Publié par le Père A. Poncelet, dans les Mélanges Gode/roid Kurth (t. I» Liège, 1908, p. 85), ce texte u été reproduit depuis. Avant le P. Poncelet, il était connu des Mauristcs de Saint-Grrmain-dcs-Prés, qui comptaient le faire entrer dans les Acta Sanctorum O. S. B. : le manuscrit et une copie du xvii· siècle se trouvent aujourd’hui dans les papiers des Maurlstes. Des passages en ont été cites par Mabillon dans son édition de S. Bernard, par Cottron dans son histoire manuscrite de Saint-Thierry, et par d’autres auteurs du xvii* siècle. INTRODUCTION VIE DE GUILLAUME DE SAINT-THIERRY le monde des écoles el prend l'habit monastique dans l'abbaye Salnt-Nicaise de Reims, alors en pleine ferveur. En 11191120, 11 devient abbé do Saint-Thierry, tout près de Reims. Il se trouve désormais accaparé par les devoirs de sa charge, direction de ses moines el administration de son monastère, auxquels II ajoute le rôle de zélateur du renou­ veau qui anime alors les abbayes de toute la province ecclé­ siastique. Sa nomination Λ la tète d'une importante maison et, peut-être plus encore, sa situation au milieu des autres abbés de la région prouve de quelle considération II jouissait déjà, considération bien méritée si nous on Jugeons par ses premiers écrits. Guillaume s'y manifeste un penseur profond. restait partagée entre la défense de la foi catholique contre des novateurs trop hardis, et l'exposé de sa doctrine spirituelle, en faveur des âmes avides do perfection. 8 Milieu 9 Ce résumé resterait bien terne si l’on caractérise le Xll· siècle. Guillaume l'a connu ; Il y a été mêlé à bien des égards. Ce sont d'abord les affaires séculières qui. pour n'ètre pas les plus importantes, ne s'en avèrent pas moins très astreignantes ; administration du temporel, ser­ Pères grecs. L'originalité de sa pensée ne s’oppose pourtant pas à un extrême souci d'orthodoxie théologique, qui ne et avec le vicomte de Trigny, insubordination des vilains et bourgeois agités par le mouvement communal, constituent les principales causes de soucis. Et le poids de ces affaires se fait d'autant plus pesant que vons saisir aussi, dès les premières années d’abbatiat, le caractère et le tempérament de Guillaume. Il est d’une constitution assez délicate, nature maladive qui s accom­ moderait mieux du repos que des tracas des affaires ; esprit pieux et exigeant qui aimerait à s'évader vers une parfaite solitude ; et en même temps, volontaire, agressif presque, dans la réalisation d'un idéal placé très haut. Idéal qu’il voudrait communiquer, pour ne pas dire Imposer, autour de lui. Et cet idéal, au fond, c’est saint Bernard : Guillaume désire mettre Bernard partout. Guillaume veut vivre avec Bernard. Or son ami n’y consent pas. Il s'ensuit une crise de plusieurs années qui dure jusqu'au toutes les activités de l'homme vaquer à Dieu. Or ce besoin de liberté, d'évasion d'un monde trop envahissant, a été si vivement senti par beaucoup qu'il a donné naissance, surtout depuis quelques dizaines d’années, à de nouvelles formes de vie monastique ; l’ordre cistercien n’est que l'une do ces manifestations, la plus caractéristique peut-être aux yeux des anciens moines, les moines noirs. Ceux-ci, dès qu’ils sont touchés par l'exemple des nouveaux, des moines blancs, n’ont d'autre solution que de passer à Cltcaux ou de modifier la vie de leurs monastères, à l'imitation de Clteaux. C'est tout un mouvement de transformation, d'adaptation ; il est particulièrement actif dans le Nord-Est de la France actuelle : l'abbaye de Saint-Thierry y prend part avec Geoffroy rejoint, à Signy1, un essaim de moines cisterciens venus d’Igny, le monastère de saint Bernard le plus proche de Reims. Il y demeurera jusqu'à sa mort, le 8 septembre 1148. On ne lui connaît qu'une seule absence hors de Signy : le séjour qu’il fit, à quelque distance de là. chez les Chartreux du Mont-Dieu. Son activité, durant ces dernières années, au premier rang des soucis ecclésiastiques qui s'imposent à la sollicitude des abbés. Or Guillaume est l'ami de Bernard : 1. Slany. dloc. de Reims. dip. des Ardennes, eh-l. de eanlon. — tuny. |mr Arels-le-IOnssrd. dîne, de Reims, dtp. de la Marne, rant. Himes. tant de l'abbé de Clairvaux, son porte-parole, le meilleur tenant d’un esprit que tous partagent, mais que Guillaume possède par droit d'amitié. H entretient avec saint Bernard un commerce épislolalrc où il est souvent question des affaires monastiques : passage des bénédictins de la province 10 INTRODUCTION de Reims nu nouvel ordre, beauté de la vie cistercienne et perfection des moines blancs, réformes à opérer chez les moines noirs. Au centre de la controverse que soulève le problème monastique, se situe la célèbre Apologie de saint Bernard à Guillaume do Saint-Thierry. Au terme de tous ces efforts de rénovation, se placent les réunions périodiques des abbés bénédictins de la province ecclésiastique, et les heureux résultats qui en découlent. Mais les affaires monastiques ne sont pas les seules qui Incombent aux abbés, dans la vie de l’Égllse au xne siècle : on peut dire qu’aucune question ecclésiastique ne doit les laisser indifférents ; les abbés participent d’ailleurs, de droit, aux synodes et conciles, ils sont en rapports constants avec l'épiscopat. Au premier rang des travaux des conciles de cette époque, nous trouvons toujours les problèmes agités par le mouve­ ment intellectuel. C'est le moment où les écoles épiscopales, se tournant résolument vers la philosophie, cherchent l’ex­ plication des choses à la lumière de la raison ; mais leur science en formation se heurte aux difficultés de notions else. La question dés universaux est peut-être la plus grave do toutes ; elle entraîne les plus considérables répercussions théologiques. Que sont au juste nos idées ? Y correspond-il une réalité dans les êtres ? Et si la réponse est appliquée à l'énoncé du mystère de la Sainte Trinité, que signifie la distinction des personnes divines : trois dieux, trois personnes réelles, trois aspects de la divinité, trois façons de parler '1 Comment, en conséquence, envisager le mystère do l'incar­ nation ? Le nom d'Abélard évoque, plus qu’aucun autre ces problèmes capitaux. Or Guillaume est passé par les écoles Il est resté philosophe ; et plus que quiconque 11 se montn soucieux d’orthodoxie, il s'inquiète, il intervient, car il n'i jamais été de tempérament il se taire quand il s’émeut Affaires temporelles et séculières, affaires ecclésiastique et théologiques n’ont cessé de solliciter l’attention de Guil laume, de le faire sortir de lui-même, alors qu’il aurait vouli ne s'adonner qu'à un seul problème, celui de connaître Diet dans l’amour parlait. 11 n’en a pas moins réussi un magni VIE DE GUILLAUME DR SAIXT-THIEBKV 11 flque itinéraire spirituel, que la suite de ses œuvres nous Itinéraire On ne saurait douter que la vocation spirituel de Guillaume ait été de vivre pour Dieu. Cette vocation lui fait quitter sa patrie de Liège, où il ne semble jamais être retourné, et sa famille, dont nous ne savons plus rien. Il gagne les écoles les plus célèbres, afin de recevoir des meilleurs maîtres la science qui fait connaître Dieu. Mais bientôt il a vu les périls du milieu scolaire : plus que l’inconduite de certains étudiants, les excès et l’orgueil d’une science qui peut parler de Dieu, sans le donner, l’effrayent, au point de le conduire vers d’autres écoles, plus sûres, celles du service du Seigneur : il entre au monastère. Déjà nanti d’un beau bagage intellectuel, et même spirituel, il développe celul-cl sans négliger celui-là. Ses effusions, semées çà et là ou réunies en recueil de Médi­ tations, nous livrent le secret de scs élans. Le problème est toujours pour lui de saisir son Dieu invisible ; ce problème se présente sous un double aspect, théorique et pratique. La question pratique est de trouver le lieu où seiréalisera le plus parfaitement la ligne de conduite déterminée par les principes théoriques. Ce ne saurait être que la solitude, un • désert > reproduisant ceux de l’Égypte, où vivaient les vrais moines, les solitaires de l’âge d’or. Mais où ? Plus ou moins nettes, les aspirations de Guillaume s’orientent vers divers centres particulièrement fervents : vie canoniale en la collégiale du Mont-Notre-Dame, ou vie monastique à Saint-Nicaise ; habit noir à Saint-Thierry ou habit blanc à Clairvaux ; solitude cistercienne de Signy ou retraite cartuslcnne du Mont-Dieu. Où que ce soit, il restera Insatisfait, là céleste patrie. Le problème théorique est celui des rapports entre la connaissance et l'amour. Guillaume est trop intellectuel pour ne pas situer la possession de Dieu dans un acte de contemplation, de connaissance. Il garde en même temps un sens trop pratique pour ne pas tenir compte des deux INTRODUCTION VIE DE GUILLAUME DE SAINT-THIERRY autres réalités. D'une part, toute connaissance sur terre s’élabore à partir des objets sensibles, et des concepts que nous en lirons ; or Dieu est esprit, être transcendant ; puis­ qu'il dépasse l'intelligence, il taut suppléer au défaut do celle-ci. D’autre part, l'homme formant un tout complot, l’acte de l'intelligence s’accompagne d’un acte de la volonté ; et il en va de même en Dieu, dans le mystère do la Sainte Trinité. D'un côté comme de l'autre, il convient de faire place à l’amour, pour réaliser, moyennant le secours de la grêce, une véritable connaturallté avec Dieu, pour être un avec lui. Ces principes sont posés dès le premier traité de Guillaume, celui que nous publions. Mais les idées y sont encore impar­ faitement claires : U faut les préciser, les approfondir. Guillaume étudie ici l’amour, cette faculté divine mise en nous à la création, dévoyée par le péché, restaurée par le sacrifice du Calvaire. L'amour est essentiellement l'unité do volonté avec Dieu, unité conférée à notre nature par le Créateur, mais qui, du fait de notre liberté, est susceptible soit de se perdre, soit de croître, d’une ascension qui conduit jusqu’au plein amour, jusqu’à la sagesse et à la béatitude Afin de réaliser plus sûrement cette ascension, il convient à l'homme de se connaître, corps et âme. Guillaume en arrive donc à étudier ce qu’il appelle « la physique » du corpi et de l’âme, ou, si l’on préfère, la psychologie 2. II se sent alors plus apte à mettre en pratique la théorii de l’amour qu’il avait étudiée déjà. Un livre lui servira d< guide : le Cantique des Cantiques, ouvrage classique en la matière. Mais n’osant encore voler de ses propres ailes, 1 suit ses maîtres, Ambroise et Grégoire, Bernard aussi, ave qui il en confère au cours d’une maladie qui les immobilis tous deux à Clairvaux. Ces conversations ne font qu’avive son désir de demeurer auprès de Bernard, dans la solitude admirable de la sainte vallée, vivant les paroles du Cantique *. D’autres nécessités pourtant le retiennent à Saint-Thierry. Et d'autres problèmes se posent, en particulier celui de la 12 1. Dr eonlemplarnlo Dca : P. L. 184. col. 363-379^ l’ormi le* nombreuse Îilto^hlaur/i’ iwis. vrin. 1933. — De la meme J 2. Ire neutra corporis et anima : P. 1- ISO, col. 005-726. 13 vers la source même de l’amour, pour scruter ce grand mys­ tère : comment Dieu nous donne-t-il son amour, et comment le recevons-nous ? En ce domaine encore, il marche derrière les maîtres, saint Paul, expliqué par saint Augustin surtout, aussi saint Bernard, qui lui rédige un petit exposé sur la question. Ce n’est pas s’écarter de l'objet constant de ses sollicitudes que de composer alors un livre sur le Sacrement de VAutel, mystère de la rencontre de la créature avec le Dieu vivant2. Guillaume semblerait maintenant pouvoir se lancer dans félicité où l’on jouit de la béatitude du plein amour. 11 ponnatt la nature de l'amour et son développement ; il connaît qui est aimé ; sous la conduite des maîtres, il a déjà scruté bénéficie du loisir de Slgny : loin de tout, au milieu · des champs et des hêtres », dans la pleine maturité de la spiridu Cantique ·. ΛηαΙ,αα Sacri OrdlnU ClUerrtmalr, XII <101,6), pp. 103-114. 2. Eriiositlo in BpiMam ad Komana, : P. L·. ISO. cot 605-726. — S. Demcslioos. De ffrado et Ubero arbitrio .- P. L. 1S2. col. 1001-1020. — Va-t-il enfin toucher aux sommets 1 Pas encore, car une dernière purification s'impose. Non sans doute qu’il ait trop donné à la sensibilité, mais souvent la vio des Saints, avant de se clore, comporte une phase d’allcrmlsscmcnt dans la foi. Elle ne constitue pas nécessairement une épreuve, mais toujours elle apporte une certitude plus profonde, une con­ naissance plus grande, malgré l’obscurité de la foi : c’est l’entrée dans un nuage lumineux. Pour Guillaume, les con­ troverses théologlques fournissent l’occasion de cette phase ultime. Sans doute lalsse-t-il à Geoffroy do Lèves et il Bernard de Clairvaux la mission d’entrer en- lice, après leur avoir fourni des armes ; il n’en apporte pas moins sa contribution à l'orthodoxie, composant les traités qui confirmeront les âmes dans la fol et dans les mystères de la foi. Comment n’en serait-il pas le premier bénéficiaire1 ? Il ne lui' reste plus qu'une tâche à remplir : faire la syn­ thèse de sa doctrine et de ses expériences. Ainsi, son itiné­ raire spirituel ne sera pas un repliement égoïste : il pourra profiter il beaucoup ; la loi de la charité parfaite sera accom­ plie, dans l’amour de Dieu et du prochain. Il rédige alors cet admirable Traité de la Vie Solitaire, qui restera sous le nom de Lettre d'Or, dédié aux Chartreux du Mont-Dieu !. 182. col. 331-333, sur les erreur» d'Abélnnl. — Lettre * mint Bernard J Est-ce tout ? Un devoir de charité fraternelle lui permet vaux, mais en entreprenant la Vie de saint Bernard. Le saint abbé n’avait pas besoin de la Lettre d'Or, lui qui était un maître ; Guillaume lui devait donc autre chose, quelque chose qui ne soit que saint Bernard. Et pourtant, Guillaume n'a-t-il pas plus d'une fois esquissé son propre portrait on brossant celui de son ami ? L’amitié fait un ; elle rend tout comAprès avoir payé son tribut à la piété fraternelle, Guillaume de Saint-Thierry pouvait enfin entrer dans le repos, célébrer ■ ce sabbat perpétuel » où parfaitement et éternellement «ion voit celui qu’on aime, on aime celui qu’on volt ». Histoire nu texte du De contemplando Deo On situe communément le De contemplando au début de l'abbatiat de Guillaume : Dom. J.-M. Déchanct le date de 1119-1120, encore que l’ébauche en puisse, dit-il, remonter ImbUolMqne rie Splrtlonllté Médiévale : Guillaume de Salnt-ThleciT : L UtTestent traduction ont été édités par M.-M. Daw (Iliblloibe La Sainte Trinité, source dé l'amour ». efforts infructueux pour atteindre, au-delà de la contem­ plation de (’Humanité du Christ, la divinité du Verbe ; au-delà créé, l’intimité divine elle-même. S’il accède parfois à des expériences plus hautes, eelles-ci durent· peu, et l'ftme retombe douloureusement sur elle-même. Guillaume est sur la raison de ces vicissitudes. Il découvre celle-ci, sous l’inspiration divine, dans une uistmcuon entre i amour de désir, anxieux et douloureux, mais méritoire, et l’amour de fruition, qui jouit de la présence do l’aimé. C’est alors la perfection de l’amour. Ainsi se trouve introduite une nouvelle section de celte première partie. Guillaume y traite de la perfection de l'amour, préludant ainsi aux considérations plus méta- un achèvement, une limite, mais un perpétuel dépassement en Dieu. Elle réside dans une parfaite union d’amour entre le Créateur et la créature, Impliquant l’identité foncière des vouloirs : c’est Cunilas spiritus. La première partie s'achève par une prière, dont Guillaume prend occasion pour résumer à grands traits sa doctrine sur la nature de l'amour. Dans la seconde partie, Guillaume poursuit son étude question* par les sommets. Pour rendre compte de l'union d’amour entre Dieu et l’homme, il est nécessaire de s'élever jusqu'au centre du mystère Trinitaire, jusqu'à la consubs­ tantialité. à Comouston des Personnes divines. Dieu nous a aimés le premier, et il nous a envoyé son Fils qui provoque, surtout par sa passion et sa mort, le libre don de notre amour. A cette manifestation externe de l'amour divin, répond, dans l’intime de notre âme, la du Père et du Fils au sein de la Trinité. C’est par cette union, par cette unitas spiritus que, reformés à l’image de Dieu, nous connaissons Dieu, d'une connaissance expérimentale, par connaturalité, qui transcende toute autre connaissance. 34 INTRODUCTION Cette longue méditation s'achève par une ardente invocation à l'Esprit Créateur. Avant de clore son traité, Guillaume apporte encore quel­ ques précisions complémentaires. L’amour doit se prouver par des œuvres animées par la foi, et dont Dieu soit ainsi le principe et la fin. Puis, une dernière description de l'expé­ rience mystique conduit Guillaume à insister de nouveau sur sa brièveté, son caractère insaisissable, sa transcendance à l'égard de tous les procédés humains. Le traité se termine par un élan final vers Dieu, Principe, Sagesse et Béatitude, élan qui s’épanouit en une profonde adoration du Dieu Un et Trine. I. L'itinéraire de l'âme vers Dieu 1-8. Prologue. L’évasion vers Dieu 1. A. La quête de Dieu 2-5. Désir de Dieu 2. La contemplation de l'Humanité du Christ 3. La contemplation des perfections divines dans la créa· Vicissitudes de la contemplation. Amour de désir et B. La perfection de l’amour 6-8. Perfection et désir sans fin 6. L'unitas spiritus et la restauration de l’image de Dieu 7. Prière. Nature de l’amour 8. IL La Sainte Trinité, source de l'amour 9-13. Appel vers Dieu 9. Dieu nous a aimés le premier. L’amour ne se contraint pas. B. L’amour de Dieu et la mission du Saint-Esprit 11. L’Amour de Dieu dans l'homme. STRUCTURE ET CONTENU DU TRAITÉ 35 L’Esprit d'adoption. Amour et béatitude. Prière pour demander l’Esprit-Saint. La vraie Philosophie. L'Esprit souille où il veut Prière finale 13. Tel apparaît le plan du De contemplando Deo quand, sous l’abondance des idées et des images, on s’arrête aux mots essentiels. Il faut élaguer considérablement. En particulier, 11 faut supprimer tout le bagage de pensées accessoires qui se greffent sur l'idée principale au hasard d'une citation, d’une assonance, d’une allusion, d'une réminiscence. Il faut durcir l’expression d’un esprit extrêmement souple. Parfois même nos interprétations dépassent légèrement les termes nous éclairer, en nous montrant l’achèvement d'une pensée qui, ici, n'en est qu’au premier stade de son élaboration. il faudra revenir au texte et en savourer toute la densité. Le traité est remarquablement orchestré : sachons percevoir nattre, sous la mélodie fondamentale, le retour des thèmes secondaires qui sonnent en harmoniques. ce court traité. Nous comprendrons pourquoi ce livre, con­ sacré à la contemplation de Dieu, nous parle tant de l’amour : celui-ci ne peut connaître Dieu, véritablement et intime­ ment, que par un don de Dieu. Et ce don ne saurait être que Dieu lui-même : c’est par l’Inhahltatton en nous do la Sainte Trinité que nous devenons un avec elle, entrant, pour ainsi dire, dans ses opérations de connaissance et d’amour. Mais, de même que l’Esprit-Saint constitue le 37 souvent inconsciente pour l’écrivain, de la forme de son élocution. II convient aussi de le remarquer : les citations, quelles qu’elles soient, peuvent ne pas toujours reproduire très gés, comme si la mémoire se montrait Infidèle ; plus souvent, le texte est modifié pour continuer le discours et entrer dans un développement ; 11 arrive môme que Guillaume paraphrase, quelquefois d’assez loin, ne reprenant que ça et là un mot du passage dont il s'inspire. D'autres fois, au contraire, il suit l’Écriture de près, mais en la citant de manière équivalente, substituant, par exemple, ù la béati­ tude : · bienheureux les cœurs purs, car ils verront Dieu », la défense « pour le cœur immonde, de vouloir voir Dieu ». La Liturgie Comme un office liturgique, le traité débute par un Invitatoire : ■ Venite ». Il ne s'agit pas d’une similitude fortuite, mais de l’indication précise de l’une des sources du traité. Λ côté de l’Écriture il convient en effet de placer les textes liturgiques, qui pour une très large part sont encore l’Écriture, mais l’Écriture présentée dans une lumière particulière, avec une signifi­ cation précise. Si en effet le psautier fournit l’élément cons­ tant do ta prière liturgique, l’utilisation de tel verset de psaume en une fête donnée lui confère une valeur particu­ lière, tout comme la répétition fréquente de tel autre, au cours des heures canoniales. Cette référence de l’Écriture au service liturgique doit entrer on ligne de compte dans l'étude des sources de Guillaume, sans qu’il soit toujours possible, pour lui comme pour tous ses contemporains, de déterminer si le texte s’est Imposé à son esprit par la lecture de la Bible, au chœur, au réfectoire, sous le clottre, ou par le chant de l’office divin. Nous pouvons noter des réminis­ cences du Gloria de la messe, dans le propter bonitatem luam (2,7) et dans le tu enim oere solus es dominus (9,7). L’inlluence de l’office choral se remarque mieux dans le odorande, tremende, benedicende (11,124) qui évoque une antienne de sainte Agnès ; ou dans le lestina Domine, ne tardaveris d’un répons de l’Avent (S,8). La citation : et SOURCES omnia interiora mea, tirée du psautier romain, et non du psautier dit « gallican », peut venir du Graduel de saint Michel (1,4). Orientés dans cette direction, nous penserons que le choix de certaines citations s’accompagnait, dans l'âme de Guil­ laume, d’une résonance mélodique qui en développe singu­ lièrement la richesse. Il l’afllrme lui-même, au souvenir do l’introït du mardi de la seconde semaine de Carême : « Ici vraiment et avec compétence, elle chante : Tibi dixit coi meum exquisioit te lacies mea, /aciem tuam Domine requiram > (3,41). La substitution de la version de la Vulgate à cello de l’antlphonalre n'enlève rien à la précision du competentet cantat. Le dimanche après l'Ascension lui fournit une autre occasion de se référer à la liturgie, lorsqu’il introduit la citation : Exquisioit le /acies mea, etc. par un libi dicat cor Domine, quia audit servus tuus (6,29), ne fait-il pas penset au premier samedi après l'octave de la Pentecôte, maigri les variantes du texte ? Parlant de l’incarnation rédemptrice, Guillaume transcril longuement le Multifariam multisque modis de la Circonci sion puis le Dum medium silentium de Noël (10,17 et 26) Toute la seconde moitié du traité est animée du souille do revient sans cesse (12,76 et 81) ; l’alleluia Verbo Dornin de «l'esprit de sa bouche» qui, au xn» siècle, ne signifie pas la mission de l’Esprit-Saint ; dans le même passage (10,22) l'évangile Sic Deus dilexil nos reste sous-jacent à la pensée de Guillaume quand, disant que le Père nous a donné son Fils, il déclare aussi que le Fils nous a chéris et s'est livré pour nous. On retrouve la communion Spiritus qui a Patn procedit, avec l'addition et Filio (11,22). D’autres passages dérivent moins nettement de la liturgie de la Pentecôte; entre l’enseignement de celte liturgie et la doctrine du traité. Aux appels incessants de Guillaume, à ses cris vers l’Esprit, l'effusion de l'amour ne répond-elle pas ? et toute sa spiri­ tualité ne repose-t-elle pas sur l’inhabitation en nous de l’amour subsistant ? Mais jamais Guillaume n’oublie que l’Esprit nous est donné par le Christ, qu’il nous a été obtenu par le sacrifice l’esprit. Nous avons noté des allusions possibles au Gloria. Les oraisons se présentent ensuite avec leur conclusion, qui justement précise la médiation du Christ (11,84) chaque fols que nous offrons - nos oraisons, vœux et sacrifices ». Un ■ te igitur » (13,18), sans être une citation, pourrait fort bien éveiller, dans le souvenir do l’auteur, l’image de la page de tête du canon de la messe dans un Sacramentaire de Saint-Thierry. 11 est enfin un moment du saint sacrifice pour lequel Guillaume nourrissait sans doute une dévotion particulière, la fin du canon : · per Ipsum et cum ipso et in ipso » ; elle évoquait dans son esprit une formule analogue, base il s'appuie, pour s'élever jusqu’au Père : » cum ipso et per ipsum... audemus dicere : Pater noster... » (11,51). On remarquera toutefois que les textes liturgiques, aussi bien que les textes scripturaires proprement dits, se trouvent utilisés et non pas recopiés mot à mot. De plus, les citations sont ordinairement corrigées par une version de la Bible qui n’est pas celle des livres liturgiques. Les Pères latins Une remarque similaire s'impose à l’égard des autres sources d'inspiration du traité. Habituellement Guillaume ne les nomme pas, ou s’il les indique, c’est en termes voilés1. La remarque valait déjà pour l’Écriture Sainte. Mais si l’on devine aisément que < le serviteur de ton amour » (10,13) puisse être saint Jean, il s'avère plus difficile de retrouver Aratus dans le • Gentil < (11,45), saint Augustin dans « quelqu'un que tu Illuminais » (12,2), ot surtout Scot Érigène dans « quelqu’un de tes serviteurs · (8,11). Cette imprécision ou celte absence de références, comme les déformations apportées aux textes cités ou utilisés, rend délicate la recherche des sources. Souvent on hésitera. Le des Pères, mais en bien des cas il s'agit seulement de thèmes substantiellement communs à tonte la Patristique. C’est le du Traité on sent, par des rapprochements de mots, d’ex­ pressions, d’idées, combien l’abbé de Saint-Thierry est Con/essions, du Traité de la Trinité, de la Cité de Dieu et A côté de saint Augustin, il faut mentionner saint Gré­ goire le Grand. Entre l'enseignement du « Docteur du désir l’homme, ou de la conception de la · nature · envisagée comme ° nature historique, incluant l’aptitude passive, et non purement obédienticlle, à la déification* ». On ne retiendra tude est commune à divers auteurs chez qui l’abbé de Saint-Thierry a pulsé’, c’est cependant avec les termes mêmes de saint Grégoire qu’il la formule (6,40). Plus caracté- pour autant que Guillaume ait eu la tête remplie do tout ce qu’il lisait avec tant d’assiduité. La recherche des sources montre, en effet, l’étendue do son information. Saint Augustin est peut-être son auteur préféré. C’est lui qui, en de nombreux passages, inspiro co stylo coupé, pressé, chargé d’interjections, et ce ton si affec­ tif ; il donne une manière : les effusions du colloque avec Dieu. Nommé, quoique de façon discrète, il est surtout cité ; retombées, avec le Ion dans lequel Guillaume les exprime. Enfin, le thème, fondamental dans le Traité, de la connais- lorsque celui-ci s’écarte sensiblement du modèle. Il est remarquable que, de la pensée de saint Augustin, Guillaume retient surtout les éléments qui sont en conso- Jean Scot La littérature de l’Orient chrétien a Érigène ; toujours attiré l’abbé de Saint-Thierry, les Pères grecs A l’époque où il rédigeait le De Contem- déjà exploités Scot Érigène. Néanmoins, bien qu’il néglige la théorie des analogies psychologiques de la Trinité dans l'homme, sa doctrine trinitaire est, snr un point, nettement d’inspiration augustlnlenne et occidentale : le rôle d’amour accès à de nombreux éléments de la pensée grecque à travers l’œuvre de Scot Érigène. Il est plus difficile de préciser dans La notion de l'amour envisagé, dans l’homme, comme un poids, une tendance de l’image vers son Principe, la distinction entre < l’amour · et ■ l’amour de l’amour », la doctrine du progrès de l’amour depuis le désir jusqu'à la fruition, sont tributaires de saint Augustin. A propos des vertus des païens, la dépendance est évidente. Tout au long du Traité. Elle a contribué, dans une large mesure, à la D'aulres autours seraient encore A nommer, en particulier ceux qui, A la suite de saint Augustin dans sa lettre ad Paulirang, Raban Maur. Mais déjA les Pères grecs avaient abordé des œuvres de Grégoire de Nysse ou de Maxime le Confesseur, formation du style de Guillaume, si particulier tant par la mots et des expressions qui semblent indifférents se rencon­ trent fréquemment dans Scot Érigène : rapprochés d’autres plus symptomatiques, ils avouent leur origine’. On peut davantage des exposés personnels de Scot que des traduc­ tions faites par lui sur le grec. Il n’est pas exclu qu’il ait platonicien de l'émanation et du retour : tout vient de Dieu, subsiste en lui et reflue vers lui : ex ipso, et per ipsum, et in du De Contemplando Deo. Néanmoins, Guillaume en res­ treint l’application à l’histoire individuelle de l'ânie ; le thème essentiel du De divisions naturæ, la division et la créatures déifiées par les «Théophanies», Dieu" devenant ainsi « tout en tous », est absent de l’œuvre de Guillaume.Le terme si caractéristique de Théophanics n’y apparaîtra constitue, dans l’œuvre dè la déification, la force par excel­ lence qui nous unit à Dieu et nous fait semblables à lui » 3. référence (8,11). De Scot et de ses maîtres orientaux viennent encore, par exemple, la distinction entre l’esse et le bene esse, la doctrine ibtà., 1012 ; nUloelnath> (5. 111’: ΙΜΛ. panim ; liwwnpr hrndl. mniprtkendrrt (11, 9S1 : (Mil., 443 B-147 C ; fie. A l'Écriture et à la Liturgie, aux Pères latins et grecs, de l’Antiquité ? Guillaume cite un mot d'Horace, et, d’après saint Paul, Aratus le poète. Malgré son pessimisme à leur égard, il se préoccupe de la doctrine des philosophes païens (12,7), attestant par là sa formation humaniste ; mais aucun emprunt à ces doctrines ne se manifeste dans le texte du De Contemplando Deo. Originalité Pour le fond et pour la forme, le de Guillaume Traité de la Contemplation repose donc Il était important d'en naître sous un texte très homogène et avare de citations explicites, pauvre même en citations proprement dites lors- Guillaume, sans doute, fera des progrès dans la construc­ tion de son système philosophique, et surtout dans l’élabo­ ration de sa spiritualité, principalement à l’égard de ses sources grecques. Dès sa première œuvre pourtant, on recon- C’est, avec son tempérament et son attitude d’esprit, ce qui fait son originalité, en ce xne siècle si riche et si divers. tcrait, après saint Grégoire, des auteurs comme saint Bède et Ambroise Autpert. Dans cette même ligne on le compa­ rerait aux dunisiens, saint Odon et saint Odilon, tous deux vivant le mystère de la Pentecôte, mais avec une note ecclé­ siologique que n'a pas Guillaume. Par contre, il ne semble Damien, ni de Jean de Fécamp ou de saint Anselme, Dans sa ligne même, il se distingue comme étant peu ascétique, mais surtout mystique. Il utilise librement ses sources dlonvsiennes : il cherche moins à décrire la transcendance divine qu'à l’atteindre, et quand il parle de Dieu, il évite PLACB DANS L’BISTOIRB DB LA SPIRITUALITÉ le vocabulaire superlatif de Denys. Cette originalité foncière lui permet de donner à une doctrine éminemment catholique une physionomie très particulière, qui'le caractérise parmi ses contemporains, un Pierre le Vénérable, un saint Bernard par exemple, ou ses successeurs immédiats, tel Hugues de Saint-Victor. notre corps matériel ou avec un corps spirituel : c’était reprendre un problème agité déjà par saint Augustin’. Mais les discussions dépassaient le point controversé, pour verra Dieu en lui-même et dans scs créatures, ou celui de se préparer à la vision béatidque par la pureté de cœur, ou et la vision de Dieu tel qu’il est Ces sujets ne sont pas étrangers au De contemplando ; Guillaume de Saint-Thierry a dû connaître les écrits qui en traitent. S'il est assez difficile essentielles, on se heurte toujours à quelque obstacle, comme en présence d'une œuvre qui n'est pas au point : Guillaume devra préciser sa terminologie, creuser encore ses idées, leur donner une expression à la fois plus claire et plus systé­ matique. Ce sera l’œuvre de sa vie. Le De contemplando Deo est comme un prélude, où sont déjà effleurés les thèmes majeurs et pressentis les développements ultérieurs. Il serait facile d'y pointer les passages, ou simplement les allusions, qui annoncent chacun des traités à venir. Un relevé, en serait fastidieux ; mais on aura noté l’importance qui y est déjà donnée à la question de la grâce, à la nécessité de la foi, à la théologie trinitaire, à la place de l’amour dans la vie spirituelle. Ce serait un plus gros travail que de situer le De contem­ plando dans l’histoire de la spiritualité. Nous nous bornerons à poser quelques jalons dans une direction très particulière. portait sur la vision de Dieu *. Elle a provoqué divers opus­ cules et lettres, de Godescalc, Loup de Ferrières, lÎaban Maur, Scot Érigène peut-être. La question portait primi­ tivement sur le point de savoir si nous verrons Dieu avec ιχ· Mde, dans ΛΤΛΜ, I (1029), pp. M407. "" '" ' ptando de la lettre de Loup de Ferrières3, Guillaume aura pu transposer à l'amour une idée de celle-ci relative à la connaissance : Dieu sera vu en lui-même et en chacune de ses créatures. contemplando, on remarque l’aspect nouveau que Guillaume donne à son œuvre. La distinction des titres le suggère déjà. Certaines idées sont semblables, mais le sujet n’est plus le même. Quantité de citations scripturaires sont communes, ment différents. Tout ceci pourtant reste secondaire à l’égard du point capital, cette recherche d’une possession de Dieu male. Un Haban Maur, docte et plus encore dévôt, semble bien terne à côté d’un Guillaume de Saint-Thierry, penseur autrement nourri, qui élargit le problème jusqu’aux prin­ cipes et propose une solution solidement charpentée. Dans si intelligente soit-elle, et une construction théologique mettant en œuvre toutes les capacités d’information et de raisonnement, vers 1064 le sujet discuté au ix° siècle est repris par Jean de Fécamp 8, dans une note plus spirituelle, 1. S. Augustin, Bp. XCII ad llalloam ; Bp. CXLVII ad Paullnam ; Bp. CXLVIIl ad Porlunallanum : repris De Cio. Del, XXII. 2. Bp. XXX de l'éd. de Duemoler ; LXXX de l’éd. de !.. Lsvlllaln 16 INTRODUCTION qui le rapprocherait de Guillaume, mais par sa brièveté, son essai reste loin de l'effort constructif du De contemplando. Cet effort lui-même a une source, en ce sens qu’il reprend un effort similaire, de l'époque où se discutait la question du De oidendo. Guillaume continue Scot Érigène. L’impor­ tance de celui-ci dans la formation des idées de l'abbé de Saint-Thierry, et souvent de leur expression, nous autori­ serait ù parler de < l’érlgénlsme · de Guillaume, si le mot ne risquait pas de voiler l'originalité du penseur, sa puissance d'assimilation, sa liberté d'utilisation, et, surtout, la nou­ veauté de sa philosophie, pulsée pourtant à des sources anciennes. A propos de l'identification de la grâce avec l'Esprit-Saint, Mgr Landgrat a d'ailleurs noté la place de Guillaume, surtout dans le De contemplando, entre Scot Érigène ou Paschase Radbert, et le Lombard*. Guillaume marque donc par son effort intellectuel. Π ne cesse pas pour autant de se montrer affectif, sentimental presque. Mieux que beaucoup de ses prédécesseurs il a su s'assimiler le ton de l'un de ses maîtres, saint Augustin, soit qu'il le cite, soit qu’il l'imite. Sous cet aspect il y aurait à situer, dans la littérature des Soliloques, un écrit auquel on a justement donné, parfois, pour titre Soliloquia Bernardi *. Bornons-nous à dire que Guillaume s’avère en cela beaucoup plus habile que d'autres auteurs, du ix· au. XIIe siècle, sans doute parce qu'il est moins littérateur et plus sincère. 11 se égards, que saint Anselme. Quelques passages du Monotogion et surtout du Prostogion auraient pu donner occasion A une rencontre des deux auteurs. Or II n'en est rien, ni pour idées similaires, malgré le tilre Excitatio mentis ad contem­ plandum Ileum, il reste quelque chose do tout différent. Le logicien coupe ses raisonnements d élévations vers Dieu ; 2. Le litre Semoeale n'est que l'un des litres du IU mnUmplanAt, ou du Dr ronmnplana» suivi du De nature H dlonUau umoeh. Mais « titre ni aurai donne eu petit texte In ter. . L’Oraison db Don Guillaume Λ la suite des deux traités sur la contemplation de Dieu et sur la nature et dignité de l’amour, le manuscrit de Reuil (Mazarine 776) présente un texte, d’une page et demie environ, sous le titre « Oraison de Dom Guillaume ». Cette Oraison commence vers le milieu d’une colonne, après un blanc de quelques lignes. Elle précède le traité d’Alcuin sur les vertus et les vices. Tout, dans la disposition du texte, certifie que ce court écrit tait bien partie du manuscrit original. lai lecture montre combien il se rattache parfaite ment aux deux traités de Guillaume. On s’étonnerait de ne pas le retrouver dans d’autres manuscrits, si nous ne con naissions pas déjà le sort des œuvres de Guillaume. L'Oral· son, pas plus que les .Méditations, n’est entrée dans le ■ corpus bernardin ·. soit que la copie n’en soit pas venue à Clairvaux, soit, plutôt, que le style et le sujet en aient rendu difficili l’attribution à saint Bernard. L’Oraison n’est signalée dans aucune liste des œuvres de Guillaume. On ne saurait pourtant en dénier la paternité à l’abbé de Saint-Thierry. Nous en avons pour garant le L’ORAISON DK DOM GUILLAUME 49 manuscrit de Reuil lui-même, si soigné dans sa transcription, si précis dans ses indications, si exact dans ses attributions. On y ajoutera la place de cet écrit dans le manuscrit, en conclusion à une série d’œuvres de Guillaume de SaintThierry : il y vient un peu comme la signature. Dom Gull- du traité sur la contemplation, du traité sur l’amour. La lecture de l’Oraison rend évidente l’indication du titre. On se demande si Guillaume ne commence pas un second De contemplando, écrit de la même plume : style, expressions, mots se retrouvent, identiques. Les idées aussi sont communes. Il s’agit encore de rechercher la face de Dieu ; on nous parle toujours de la création de l’homme à l’image de les élans soudains et les retombées. Il est question du Verbe incarné et de l’Esprit Saint. Et pour que rien n’y manque, les philosophes de l’antiquité sont cités à la barre. Cependant, l’Oraison se distingue des deux traités qui la précèdent. Beaucoup plus brève, elle n est pas un résumé, un condensé. Malgré bien des similitudes, œuvre originale, elle apporte des idées nouvelles. Non contente de préciser elle aborde d’autres sujets. Guillaume parle de · l’intelli­ gence de la raison ou de l’amour » ; il invite à comprendre, • non tant par l’effort de la raison, que par l’affection de l’amour ·. Il parle aussi de l'adoration véritable, et de la transcendance de Dieu, qui dépasse toute image. Il étudie • le lieu de Dieu ■ et, arguant de la parole ■ mon Père et moi nous sommes un >, il fixe ce « lieu de Dieu · dans la consubs­ tantialité de la Sainte Trinité. On regrette de ne pas voir développé davantage un sujet qui ne semble pas avoir exercé les méditations des théologiens des xu· et xrii· siècles, pas plus que la notion du · lieu divin · n’a été retenue. Si donc l’Oraison sc rapproche, à bien des égards, du Traité de la Contemplation de Dieu, elle le complète aussi, par des seul indice que nous ayons pour dater "l’Oraison. Elle se situe à la même époque que le De contemplando et le De natura et dignate amoris, mais un peu après. Le manuscrit la eootrmpletion de Dieu *■ INTRODUCTION 51 de la Genèse, du Cantique, et la finale du canon de la messe : Guillaume «lu Cantique des Cantiques. Sans chercher ici à ce qu’en dit Guillaume lui-même, dans la Vita Bernardi pour admettre que l'abbé de Saint-Thierry s’intéresse tou spécialement au Cantique lorsqu’il se soigne auprès de soi ami, à Clairvaux. Dans l’Oraison, ii ne s’y arrête qu’ui instant. Nous pouvons dater l’Oraison des environs de 1122 La date précise reste d’ailleurs d'importance secondaire l’Oraison ne marquant pas un tournant dans la pensée de Guillaume. Son objet est simplement de savoir où Dieu peu être trouvé. Monté sur la montagne où Dieu volt et est vu Guillaume regarde le ciel, pour scruter ce lieu où Dieu habite Aucune division ne permet de distinguer, matériellement des idées qui s’enchaînent étroitement. Il faut analyser I texte de près pour reconnaître une structure à l'ensemble structure à peine soulignée par une phrase plus affective Nous reconnaîtrons un préambule et une conclusion, enca drant une dissertation. Le préambule forme un appel vers le plein et unique amou de Dieu (1-18). Le centre du sujet se subdivise en trois partiel Dans le préambule, Guillaume cherchait A diriger sur Diet un regard pur : Il se réfère maintenant A la « physique · d la vue, comme ailleurs II étudiera la ■ physique de l'âme pour préparer A la connaissance de Dieu. Π conclut ù la nécel slté d’un objet certain et proche (18-29). Pois une brèv citation scripturaire lui sert de transition pour étudier I ciel où réside Dieu. C’est le centre de l’Oraison (30-55 Rapidement 11 s'élève jusqu’à l'unité des personnes divine jusqu’il la a consubstantialité «le la Trinité » et ù la transcei dance divine. Quelques lignes ensuite suffisent pour assigne le rôle de l’incarnation dans cette vue parfaite de Diet (55-61). La conclusion en découle tout naturellement (61-68) Et l’Oraison tourne court, pour s'achever sur un ton sec presque méchant, qui cache en réalité une invitation A vise aux plus hauts sommets. L’Évangile de saint Jean constitue la principale souro de l’Oraison ; on y relève aussi quelques citations des Psaumt temptando. Seul le Cantique constitue un apport nouveau. On aimerait savoir qui a donné A Guillaume l’idée de sa petite dissertation sur le lieu de Dieu, mais rien ne l'indique. D’ordinaire les théologiens expliquent pourquoi Dieu, igno­ rant le temps et l’espace, ne saurait être contenu dans un lieu ; ils demeurent sur le plan physique, sans ce coup d'aile qui, soudain, élève Guillaume Jusqu'au sein de la Trinité. Dans sa Méditation VI, Guillaume s'arrêtera plus longuement sur le * lieu de Dieu ■ (P. L. 180, 221). L'origine d’une autre idée prèle ή dlfllcullé : celle de la vérité divine (51-53). La citation explicite, quoique vague, nous renvoie aux philosophes de l’antiquité qui ont défini la vérité. La forme en est bien contournée et le sens assez obscur. Le texte le plus voisin serait une définition du vrai par le stoïcien Zénon, cité par saint Augustin : ■ on ne peut percevoir comme vrai qu’une représentation imprimée dans l’âme, à partir d’un objet réel, et telle qu’elle n’existerait L'Oratio domni Wittelmi nous permet ainsi d’ajouter un philosophe grec aux sources si diverses de l’abbé de SaintThierry. Jointe à la notion de « localité ■ de Dieu dans la consubstantialité, et A l’idée d'une contemplation absolument dépouillée de tout élément sensible, cette originalité d'une citation confère un intérêt particulier A ce court texte de Guillaume. Par ailleurs, le désir d’aimer Dieu, de le voir, ce besoin de parvenir Jusqu'A l'intime do la Trinité, par le Verbe Incarné et l’Esprit-Saint, rejoignent tout A tait lo De contemplando. LISTE DE QUELQUES MANUSCRITS DU DE CONTEMPLANDO DEO Bruges, Bibliothèque de le Ville 126. Notre-Dame des Dunes, xin* s. Bruxelles. B. R. 596-600 (n° 1436 du catalogue). Corsendonck, Bruxelles. B. R. 1373-61 (n» 1465 du catalogue). Louvain, Chartreuse Bruxelles. B. R. 11-1052 (n* 144S du catalogue). Notre-Dame d'Aulne, xnt" s. P 91. = A. Bruxelles. B. R. 11-1056 (n° 1449 du catalogue). Notre-Dame Cambridge. Petcrbouse 201. xiv· s. P 172. Douai. Bibliothèque Municipale 372, t. 1. Anchin, a. 1165. f· 127 v. Florence. Laurentlenne. Plut. XVI, cod. III. xv« s. η. III, p'. 47 b. Florence. Laurentlenne. Plut. XIII Dext. cod. VIH. Ste-Croix de Florence. Saint-Marc 652. xiv s. t° 84. Londres. B. M. 5 F VII. χπ· s. I" 43. - F. Milan. B. N. Braidense AD IX 12. Chlaravalle 7, xv* s. Ie 106. Oxford. Bold. Laud. 368. χπ" s. t° S3. Oxford. JesU college XXXV. xti· s. I» 1. = O. Oxford. Merton college XL. xut° s- 1° S3. Paris. Arsenal 324 (504 T. L.). Paris, Grands-Augustlns 7, xrv· s. Paris. Arsenal 502 (514 T. L.). xtv· s. I» 121. = s. TEXTE ET TRADUCTION INCIPIT TRACTATUS DOMINI WILI.ELMI ABBATIS SANCTI THEODORICI DE CONTEMPLANDO DEO CY COMMENCE LE TRAITÉ DE DOM GUILLAUME, ABBÉ DE SAINT-THIERRY, SUR LA CONTEMPLATION DE DIEU 60 2. Domine deus virtutum converte nos, et ostende faciem tuam et salvi erimus. Sed heu heu domine quam praeproperum est. quam temerarium, quam inordinatum, quam præsumptuosum, quam alienum a regula verbi s veritatis, et sapientiæ tuæ : corde immundo velle deum videre. Sed o summe bone, summum bonum, vita cordium, lux oculorum interiorum : propter bonitatem tuam domine miserere. Hæc est enim mundatio mea, hæc fiducia mea, hæc justitia : contemplatio bonitatis tuæ bone domine. 10 Ergo o domine deus meus, qui dicis animæ meæ modo quo tu scis : Salus tua ego sum, Rabboni, summe magister, unice doctor videndi quæ videre desidero : dic casco· mendico tuo : Quid vis faciam tibi. Et tu scis qui jam hoc ipsum das, quam cx omnibus suis recessibus abjectis is procul omnibus sæculi hujus altitudinibus, pulchritu­ dinibus, dulcedinibus, et qqicquid concupiscentiam carnis· vel oculorum, vel ambitionem spiritus attemptare potest,' vel solet : tibi dicat cor meum : Exquisivit te facies mea ; faciem tuam domine requiram. Ne avertas faciem Μ tuam a me ; ne declines in ira a servo tuo. Impudens quippe sum et improbus o adjutor meus antique, eÉ 2 Ps. LXXIX, 20 II 10 l*s. xxxiv. 3 II 11 Jo.. XX, IS II 13 Mare., x. SI || 10 1 Jo., u. 10 II 13 Fs. XXVI, 8-0 ter. bom. post Λκαηί., nd Introit.) || 21 Es. DE CONTEMPLANDO DEO, 2 61 2. Seigneur, Dieu des vertus, retour­ Désir ne-nous, et montre! a face, et nous de Dieu. serons sauvés ’. Mais hélas ! Hélas, Seigneur, combien il est précipité, combien téméraire, combien désordonné, combien présomptueux, combien il est étranger à la règle du verbe de vérité 23 et de ta sagesse, pour le cœur immonde, de vouloir voir Dieu ! Mais, ô souveraine bonté, souverain bien, vie des cœurs, lumière des yeux intérieurs, à cause de ta bonté, Seigneur, aie pitié. C’est en effet ma purification, c’est ma confiance, c’est la justice, de contempler ta bonté, bon Seigneur. Donc, ô Seigneur mon Dieu, toi qui dis à mon âme, de la manière que tu sais : « Ton salut, c’est moi ·, Rabboni, souverain maître, unique docteur pour voir ce que je désire voir, dis à ton aveugle, à ton mendiant : ■ Que veuxtu que je fasse pour toi ? » Et tu sais, puisque précisément tu le donnes, comment du plus profond de ses retraites, après avoir rejeté au loin toutes les hauteurs de ce siècle, ses beautés, scs dou­ ceurs, et tout ce qui peut tenter la concupiscence de la chair ou des yeux, ou l’ambition de l’esprit, — et souvent le fait. — tu sais comment mon cœur te dit : « Ma face t’a cherché; ta face. Seigneur, je rechercherai. Ne détourne pas ta face de moi ; ne t’éloigne pas, dans ta colère, de ton serviteur ». Impudent, sans doute, je le suis, et in­ convenant, ô mon aide antique et mon défenseur infatiMinMlOSarZY II| port qulequld V^17^»plrllu» · *0^'° liiro · (Ερ^.ï 1313 A). Sur In’balte dTtexUe biblique» (Ps. LXXIX, 20 : dnldèrÎo n || dic i* dlooS |l 13 qui : qiilaVr || )om om. T tam ,V|| 14 dot : dal m II quam : quoniam HV ut V || rocoulbl» suis JSV || 15 hujus sacculi ilnns rinUxrltd de son ''Ire loi que Dieu l'n errt enroulu · (1. Ι.ΒΜΑΐτηκ, 2. lleoula Verti oerUall» : 01. S. Auoustin, De Dori, ehrlsl,. 1 ·, P. 1... 34,22, WILLELM1 ABBATIS SANCTI THEODORICI susceptor indefesse, sed vide quia amore amoris tui hoc facio, sicut vides me non videntem te, et sicut lui desi­ derium dedisti michi, et si quid tibi placet in me ; et as cito ignoscis cæco tuo ad te currenti, et manum das in aliquibus in currendo offendenti. 3. Respondeat quippe michi intus in anima et mente mea tumultuans in me et concutiens omnia interiora mea vox testificationis tuæ, et caligant oculi mei inte­ riores a fulgore veritatis tuæ, ingerentis michi : quia s non videbit te homo, et vivere potest. Ego enim vere in peccatis totus usque adhuc : necdum potui mori· michi, ut vivam tibi. Sed tamen ex pracepto tuo et dono tuo, sto in petra fidei tuæ, fidei Christian®, in loco qui vere est penes te ; in qua ut possum interim fero 10 patienter et amplector, et deosculor tegentem et prote­ gentem me dexteram tuam et aliquotiens contemplans et videre gestiens posteriora videntis me : humilitatem scilicet pertranseuntem dispensationis humanæ. Christi 22 pml .uweplor «M. mcu· > || vMo quia cm. ACDFJKMmNnOSsTXV | 23 Λ-Ides om. a video Y || videntem am. T || 23-20 sicut*... ollendenU : exemplar >>^|| dcdlatl mi d me?H.WmS.ii'Z || ,«»t ίι add. bl X'||°2 Inîerlom men am. â.Wm.VS | 3 meU add. sô Y II te videbit J | 3 potest ! poterit T7. || mlm am. Jmn* || 7 mlebl ACFJAIinA’nOSsVZ || tero Interim CPJ.'lm.VnOSl || 10 teiienlem : regale Um VZ II 12gestiens : sident S || humllllnlcm Killed (sc'llkel cm. is) pop­ gable. Mais e’est par amour de ton amour que je le fais : vois-le, tout comme tu me vois, moi qui ne te vois pas. Et, tout comme tu m*as donné le désir de toi, tu es cause si quelque chose te plait en moi ·. Et bientôt tu pardonnes à ton aveugle, qui court vers toi ; et tu lui donnes la main, quand sur quelque chose en sa course il choppc. Contemplation 3. Que me réponde alors au dedans, de l’Humanité dans mon âme et mon esprit, temdu Christ. pétant en moi et secouant tout mon intérieur, la voix de ton témoi­ gnage : et mes yeux intérieurs sont éblouis par l’éclat de ta vérité qui me représente que ■ l’homme ne pourra pas te voir, et vivre ». Moi en effet, vraiment tout entier au péché jusqu’ici, je n’ai pas encore pu mourir à moi-même pour vivre à toi ’. Cependant, selon ton précepte et par un don de toi, je me tiens sur la pierre de la foi en toi, de la foi chrétienne, au lieu qui est vraiment près de toi ; sur elle, de tout mon possible, en attendant, je souffre patiemment ; et j’em­ brasse et je baise ta droite qui me couvre et me protège. Et quelquefois, quand je contemple et m'empresse de voir, j'aperçois le « dos » de celui qui me voit : j’aperçois, qui passe, l’humilité de la o dispensation * humaine du 64 DB CONTEMPLANDO DEO, 3 filii tui suspicio. Sed cum accedere gestio ad eum. et is vel sicut emorrousa illa, infirma: et miseræ animæ meae a salutifero tactu vel fimbriæ ejus, quasi furari gestio sanitatem ; vel sicut Thomas ille vir desideriorum totum eum desidero videre et tangere, et non solum, sed accedere ad sacrosanctum lateris ejus vulnus, ostium archie quod 20 factum est in latere, ut non tantum mittam digitum vel totam manum, sed totus intrem usque ad ipsum cor Ihesu, in sanctum sanctorum, in archam testamenti, ad urnam auream, animam nostræ humanitatis conti­ nentem intra se manna divinitatis : heu dicitur michi : 23 Noli me tangere. Et illud de Apocalipsi : Foris canes. Sicque condignis conscientiæ meæ verberibus expulsus: et propulsus : improbitatis et præsumplionis meæ pœnas cogor luere. Rursumque in petram meam me recipiens, quæ refugium est erinaciis spinis peccatorum plenis, 30 reamplector et reosculor tegentem et protegentem me dexteram tuam, et ex eo quod vel leviter sensi, vel vidi, magis accenso desiderio vix patienter expect© ut U IS Matth., 1«. Dan.. IX. 23 II 1 Christ, ton Fils >. Mais quand je m'empresse d'accéder :i lui ; ou, comme cette hémoroïsse, quand je m'efforce de dérober, pour ainsi dire, la santé pour mon âme infirme et misérable, par l'attouchement salutaire au moins de ses franges ; ou, comme Thomas, cct homme de désirs, quand je désire le voir tout entier et le toucher, et non seulement cela, mais accéder à la sacrosainte blessure de son côté, porte de l'arche qui est faite sur le côté, non seulement pour y mettre le doigt ou toute la main, mais pour entrer tout entier jusqu’au cœur même de Jésus 8, dans le saint des saints, dans l’arche du Testa­ ment, jusqu'à l'urne d'or, à l'âme de notre humanité contenant en soi la manne de la divinité : hélas, on me dit alors : · Ne me touche pas ·, et ce mot de l'Apocalypse : « Dehors, les chiens 1 » Et ainsi, comme il convient, quand les verges de ma conscience m'expulsent et me poussent dehors, je suis obligé de payer la peine de mon inconvenance et de ma présomption. Et de nouveau, je me remise sur ma pierre, qui est le refuge des hérissons remplis des épines de leurs péchés ; de nouveau je saisis et de nouveau j'embrasse ta droite, qui me couvre et me protège. Et du fait que j'ai senti8, même légèrement, ou vu, davantage s'allume IS rurari om. Τ' II 17 desideriorum vir T || 18 desidero om. CFJn desiderio N || videre desidero V || post sed odd.et V|| IS ostium : hosliums || posl ostluyr odd. seOlcel animam ACDFJKMmNnOBsTXY |j 2d ‘sc om. * II : dignis aCDKK.MmNOSsVyZ eoa H “»· . (trad. Bibi. Aupusl.. 1, p. 237). WILLELMt ABBATIS SANCTI THEODORICI aliquando auferas manum tegentem, et infundas gratiam· illuminantem ; ut tandem aliquando secundum responsum ss veritatis tuæ mortuus michi, et vivens tibi, revelata facie, ipsam tuam faciem incipiam videre, et affici tibi a visione faciei tuæ. Et o facies facies, quam beata facies : quæ affici tibi meretur videndo te, ædificans in corde suo tabernaculum deo lacob, et omnia faciens secundum petcnter cantat : Tibi dixit cor meum exquisivit tc facies mea, faciem tuam domine requiram. Itaque ut dixi ex dono gratiæ tuæ contemplans omnes conscientiæ meæ angulos, vel terminos, unice et singulariter desidero 45 videre te ut omnes fines terræ meæ videant salutare domini dei sui, ut amem cum videro : quem amare hoc est vere vivere. Dico enim michi in languore desiderii mei : Quis amat quod non videt ? Quomodo potest esse amabile, quod non aliquatenus est visibile ? DE CONTEMPLANDO DEO, 3 67 mon désir ; et, presque impatient, j'attends qu'un jour tu enlèves la main qui me couvre et verses la grâce qui illumine, pour qu'un jour enfin, selon la réponse de ta vérité, mort à moi-même et vivant pour toi, la face dévoi­ lée, je commence à voir ta face même, et sois « affecté » de toi1 par la vision de ta face. Et, ô face, face ! combien heureuse la face, — celle-là qui mérite d’être « affectée » de toi en te voyant ! Elle édifie dans son cœur un taber­ nacle au Dieu de Jacob, et fait tout selon l’exemplaire qui lui est montré sur la montagne *. Ici, avec vérité et compétence, elle chante : ■ A toi mon cœur a dit : ma face t’a cherché ; ta face. Seigneur, je rechercherai ». C'est pourquoi, je l’ai dit, par un don de ta grâce je contemple tous les angles de ma conscience et ses extré­ mités, et je désire uniquement et exclusivement te voir : ainsi, tous les confins de ma terre verront le salut du Seigneur son Dieu, et j’aimerai, puisque je verrai, celui qu’aimer est la vraie vie. Je me dis en effet, dans la lan­ gueur de mon désir : < Qui peut aimer ce qu’il ne voit pas ? Comment pourrait être aimable ce qui n’est pas, de quelque façon, visible ? » earacUre de participation (afflcl Deal cl. Spec., 391 B : . Uni» «plrltue 68 WlLLEI.Ml ABBATIS SANCTI TIIBODOB1CI j 4. Sed te desideranti amabilia quidem tua cccuruut, et a cœlo et a terra, et ab omni creatura se michi ultro offerunt, et ingerunt : o in omnibus adorande et amabilis domine ; quas quanto te manifestius et verius prodicant 5 et approbant amabilem, tanto ardentius te michi faciunt desiderabilem, sed heu non ad fruendi perfectam suavi· tatem et gaudium ; sed ad intentionis et intensionis et defectus, non tamen sine aliqua suavitate tormentum Sicut enim mea non tibi perfecte placent oblata nisi 10 mecum : sic bonorum tuorum contemplatio reficit nos quidem dulciter ; sed non satiat perfecte nisi tccum Hæc est animæ meæ assidua exercitatio, hinc assidue scobo, vel scopo spiritum meum et cum bonis et amabilibu tuis, quasi pedibus et manibus et totis innitens viribus is sursum tendo ad te, in te, summe amor, summum bonum sed quanto tendo fortius, tanto retrudor durius infn in memetipsum, sub me ipso. Sic ergo respiciens et dis­ cernens et dijudicans meipsum : factus sum michiips de mcipso laboriosa et tædiosa quæstio. Tandem tamei 20 domine, certe certus sum per gratiam tuam desideriun 4 13 1*1. LXXVr. 7 ( 18 Job. vu. 20 4 sed : si M || pou te oM. U ADK J desideranti : desiderant s || lus quidem Y 1 2 POU creatura odd. UM CFHMmRnOSiVYZ " ultro : ultra e | 3 o ont. DE CONTEMPLANDO DEO, 4 69 . „ __ 4. Mais à qui te désire se présen.. Inlo a "°?S tenl llu n‘oi|is les ■ amabilités 1 ». ëréstrtnn Et du Cicl Cl de la terrC' el Par on' toutes tes créatures, elles s’offrent et se présentent à moi d'elles-mêmes, û Seigneur en tout adorable et aimable. Et autant elles te proclament et te prouvent aimable avec plus d'évidence et de vérité, autant elles te rendent pour moi plus ardemment desi­ rable. Mais hélas ! ce n'est pas pour jouir en parfaite suavité et joie, mais pour être tourmenté, non sans quelque suavité pourtant, par l'attention, l’intention, et le défauts. En effet, de même que mes oblations ne te plaisent pas parfaitement si je ne suis pas avec elles, ainsi la contemplation de tes biens nous rafraîchit-elle sans doute avec douceur, mais elle ne nous satisfait pas parfaitement, si tu n'es pas avec elle. Tel est de mon âme l'exercice assidu. De là, assidû­ ment je scrute, ou applique, mon esprit5 ; et, avec l'aide de tes biens et de tes amabilités, comme faisant effort avec les pieds et les mains et toute ma vigueur, je tends vers le haut, vers toi, en toi : souverain amour, souverain bien. Mais plus fort je tends, plus durement je suis rejeté en bas. en moi-même, sous moi-même. Ainsi donc, je me regarde, et je me jauge, et je me juge moi-même ; et je deviens à moi-même, à propos de moi-même, une labo­ rieuse et ennuyeuse question . Enfin cependant, Seigneur, je suis certain, certes, de par ta grâce, d’avoir en moi le désir de te désirer et Λ' β 7 «1 Intentionis... suavitate : od intentate .V el intensionis mtr. CFHJ> MmnOStTVXYZ lailo. ta oiorp Z : < al. add. et intensionis <> ; S suavitate onu MmSs 113 scobo ; JLben d'i^seobifvd om. FJli.MmNnO&TVYZ vel scopo om. C. U scabo cl scopo X J spiritum scopo S J et1 an. S II 15 1 te an. V 11 amor om. m || 10 Hd «s. ADKX cl T il lanlo : lande J.ttai.Vl RSTVYZ II durius : durior ΛΙ . intra : in terram CFlIJYlmXnOSsVZ IS meipsum : memeUpsum VY 19 cl taediosa om. CFJMuXMSo mo­ diolo : radiosa R |] quaestio om. S || tandem not. HJMmNnSiVXYZ tu X 1 20 eerie ont. HTVYZ J post sum odd. et s. l*s qui louchent à Dies, ‘. non ■ Dieu lulmèaw, l'essencodlvtno · oni. UMniSsTV | lunaro desiderat ACDVnjKMmNnOSsTVXYY. || 33 sit om. H 1| datum est hoe HMmSsVXZ hoc datum est CFJNnOY || hoc om. MmSs || 34 majora : amoto ACDFHJKMmNOSsTVXYZ || 3S videt i vidit F || nmnts χηΜοηΙ,Ί’ΜΙ dôjù les posséder