L E P É 1) A G 0 G U E i © I960, by les Éditions du Ger/. SOURCES CHRÉTIENNES Collection dirigée par II- de Lubac, -S. J,, et J. Daniélon, S. J. Secrétariat de Direction : C. Mondésert, S. J. N· "0 CLÉMENT D’ALEXANDRIE LE PÉDAGOGUE LIVRE I TEXTE GREC INTRODUCTION ET NOTES TRADUCTION DR DR Henri-Irénée MARROU Marguerite HARL l'KOFBSSBURS A LA SORBOKKB Cet ouvrage est publié avec le concours du Centre National de la Recherche Scientifique LES ÉDITIONS DU CERF, 29, »d ub la Tour-Maubourg, PARIS I960 BR k / % 70 INTRODUCTION GÉNÉRALE I. L’ouvrage, son titre et son plan. Dans l’œuvre de Clément, le Pédagogue se présente comme un second ouvrage, qui prend la suite du ProIreptique ; dans l’enseignement du docteur alexandrin et, si l’on peut dire, dans le mouvement dialectique de sa pensée, le Pédagogue constitue le second volet d’un triptyque consacré à décrire l’œuvre du Verbe divin dans la vie du chrétien. Notre ouvrage suppose obtenu le résultat cherché par le Protreptique, cet effort d’apologétique rationnelle approfondi en une exhortation pressante à la conversion. Le Pédagogue s’adresse à des convertis, qui ont reçu la foi (1,1,1) et. sont entrés dans Γ Église ; très précisément, il s’adresse à des baptisés. Sans doute, ccs deux phases de l’action du Verbe ne peuvent être rigoureusement séparées, comme si elles se juxtaposaient chronologique­ ment : en un sens, l’élan prolrcptiquc anime toute la vie chrétienne, tendue vers l’accomplissement eschatologique de son espérance (I, I, 3). 11 peut arriver aussi que Clément, par inadvertance, parle encore ici comme s’il s’adressait à des païensl2, mais c’est tout à fait excep­ tionnel. Au contraire, chaque fois qu’il est amené à évo­ quer de façon un peu explicite le baptême, il suppose déjà reçue cette régénération (I, 25,1-30,2), cette nou­ velle naissance par l’eau et l’esprit (I, 98, 2) ’. 1. C’est le cas en II, 99, 1, où parlant des Oracles Sibyllins, qu'il croit d'origine païenne, il dit : a Votre poésie... « 2. 11 n'est donc pas juste de dire, comme lo faisait A. Puecii, Histoire de la littérature grecque chrétienne, t. Il, p. 597 : « A la fin 8 INTRODUCTION Que, littérairement, le Pédagogue succède au Protrep­ tique, la chose est évidente, tant l’auteur a pris soin de souligner cet enchaînement dès les premières phrases (I, 1, 1-4) 1 ; on observera en particulier l’usage qu’il fait de la distinction, posée en termes aristotéliciens : « Il y a trois choses dans l’homme : les dispositions générales (ήθη), les actions et les passions. » La transformation des premières a été dévolue au Verbe 2 — et au Discours — protreptique (il nous faut souligner dès maintenant l’équivoque, constamment entretenue et. exploitée par Clément, et qui met le traducteur aux abois, autour du mot Logos : celui-ci désignera tour à tour, et souvent à la fois, le discours rédigé, la raison humaine et la Raison incréée, le Verbe divin, Seconde Personne de la Trinité, le Sauveur, le Christ, Jésus). Nous passons maintenant, vuvt δέ, à une seconde étape (I, 1,4) : il s’agit de guérir nos passions et de bien diriger nos actions ; ce sera encore l’œuvre du Logos — Clément s’exprime ici en termes stoïciens —«qui apaise», «qui soigne» les unes et « qui conseille » les autres : ce sera l’œuvre du Verbe « péda­ gogue » — et Clément définit du meme coup l’objet des du Pédagogue, il a fait entrer dans Γ Église le disciple idéal que son Protreptique avait eu charge de Convertir. » L’opinion que le Pcdague était destiné aux catéchumènes avait été soutenue par H. Windisch, Taufe und Sünde im âltesten Christenium, Tübingen, 1908, p. 037-470, mais elle n'a guère été approuvée : voir B. Poschmann, Poenitentia secunda..., Bonn, 1940 (coll. Theophaneia, I), p. 232, n. 3, et W. VoBi.KER, Der wahre Gnostiker nach Clemens Alexandri­ nus, Berlin, 1952 (coll. Texte und Untersuchungen, 57), p. 150, n. 2. Le soul passage qui semblerait faire difficulté sc lit on I, 84, 3, où Clément adresse au divin Pédagogue une prière pour qu'il nous con­ duise vers l'Églisc, mais il s’agit de la Jérusalem céleste de l'Apo­ calypse (21, 2 s.), ce qui nous situe dans une perspective cschatologiquc. 1. Voir aussi Stromales, VI, 1, 3 (nous renvoyons au texte de Clément par l'indication du livre, du paragraphe et du sous-para­ graphe, omettant celle du chapitre). 2. On notera l’emploi répété du parfait : I, 1, 1 : κίχρότητα:, «Τλη•/tv; I, 1,4: κροτιτραμμένον. LE TITRE ET LE PLAN 9 trois livres qu’il va présenter sous ce titre : la formation morale, théorique 12et pratique, du chrétien. Cette formation morale devra le préparer à devenir capable de recevoir l’enseignement du « Maître », troisième et dernier degré de l’action du Logos, qui conduira jus­ qu’à la Connaissance parfaite, la Gnose. Nous retrouvons ici la quaestio vexata de la trilogie clémentine s ; à vrai dire sa solution n’intéresse pas directement le Pédagogue 3 : c’est l’interprétation des Stromales qui est en jeu, car ce qui fait problème est de savoir si Clément a vraiment, songé à réaliser son triptyque dans une trilogie, si le troisième ouvrage qui, dans l'affirmative, serait venu faire pendant au Protreptique et au Pédagogue, devait néces­ sairement porter le titre de Maître, διδάσκαλος, et. enfin si les Stromales, tels que nous les possédons, représentent tout ou partie d’une telle réalisation, ou des matériaux rassemblés en vue d’une rédaction future, ou tout autre chose. Par contre, nul ne conteste que Clément n’ait prévu, dans sa pensée, sinon nécessairement dans son œuvre, la place réservée à ce niveau supérieur d’initia­ tion religieuse. Il suffira donc à notre propos de relever, dans le texte même du Pédagogue, les témoignages qui permettent d’entrevoir ce que Clément, au moins au moment où il rédigeait ces trois livres, concevait comme caractéristique de cc degré supérieur—ce qui, par contraste, nous aidera à mieux comprendre l’objet et la méthode du présent, ouvrage. Bien entendu, qu’il se manifeste comme « Péda­ gogue » ou comme « Maître », il s’agit toujours du même Verbe divin (I, 32, 2 ; cf. I, 17, 3 ; III, 99, 1; 101, 2 ; 1. En prenant le mot au sens très large qu’il a dans la langue moderne. Pour l'emploi du couple θεώρτ,τίκός/πραζ.τίχός par Clément, v. plus loin, I, 9, 4. 2. Pour Γhistorique et l’état présent de la question, voir, en atten­ dant la publication des recherches d’A. Mùhat, l'exposé de C. MonDésEBT, introduction du Stromale I, p. 11-22. 3. Quoi qu’en ait pensé F. Quatemder qui consacre au problème une argumentation détaillée dans Die christlichc LebenshalUing..., p. 29-42. 10 INTRODUCTION cf. Ill, 101, 3) ; mais à la différence du Pédagogue, le Maître donnera un enseignement systématique, scienti­ fique (I, 1, 4), de contenu dogmatique (I, 2, 1), atteignant aux cimes les plus élevées de la Gnose (I, 3, 1 ; 8, 3 ; 92, 3). Très précisément, il nous est indiqué que cet enseignement devra comporter l’exploitation du sens spirituel, « mys­ tique », de la Bible : suggéré de façon enveloppée à la fin du livre I 103, 2), exprimé en passant en If, 14, 1 (à propos de la portée symbolique du stalère péché par saint Pierre, en Maith., 17, 27), ce trait est souligné, avec toute la précision souhaitable, en II, 76, 1 ; Clément vient (§ 75, 1-2) de révéler la correspondance qui s’établit entre le Buisson ardent de l’apparition à Moïse — buisson épineux ! - et la Couronne d’épines de la Passion ; repre­ nant le lil de son discours après cel excursus, il déclare : « Mais je me suis laissé entraîner à quilter la manière du Pédagogue pour prendre le genre réservé au Maître. » On voit bien par là que, pour Clément, comme bientôt pour Origène, l’exégèse des énigmes et paraboles des saintes Écritures (III, 97, 3) constitue le domaine propre de l’en­ seignement religieux le plus élevé *, celui qui nourrit la contemplation, la θεωρία du gnostique. Par opposition le Pédagogue revêt un caractère essentiellement ζρακτιχές, tourné vers la vie active, la formation morale, ήθιποιία (I, 2. 1), par laquelle l’âme voit ses faiblesses soignées et guéries, se prépare, devient capable de recevoir la pleine révélation du Verbe : c’est un degré, 3αθμός, une étape, intermédiaire et nécessaire dans la marche ascendante qui nous conduit de la conversion à la vie parfaite ·T, 3, 3). En adoptant une telle division tripartite Clément transposait sur le plan de la vie religieuse (en cela, il 1. 11 faut signaler le fait remarquable qu'il arrive au moins une fois que l’interprétation spirituelle d’un texte scripturaire, réservée par le Pédagogue pour renseignement, du Maître, voit cette promesse réalisée dans les Stromales (argument pour ceux qui voient dans ces derniers l'équivalent, au moins partiel, du Didaskalos} : Strom.. V. 55,1-2 correspondant au renvoi fait dans Pérf., Il, 117, 4 (sur Marc, 1, 7 et parall.). LE TITRE ET LE PLAN 11 apparaît bien comme l’héritier de Philon et le prédéces­ seur d’Origène) certains aspects de l’enseignement com­ mun des écoles philosophiques de l’âge hellénistique et romain. A ce propos, sachons nous garder de précisions illusoires 1 : une erreur de P. Wendland 234, perpétuée par O. Stâhlin 8, en dépit de l’avertissement d’E. Bickel a fait attribuer 56* la répartition suivie par Clément à l’influence de Poseidonios. Il faut dénoncer une fois de plus * les ravages du « mythe de Poseidonios » : pendant un demi-siècle, il suffisait que l’on fît apparaître, par quelque manipulation de textes, le nom magique du sage d’Apamée pour que la recherche, comme frappée de stupeur, bornât là ses efforts. L’erreur ici a consisté à limiter à un seul paragraphe le rapprochement établi entre une lettre de Sénèque et le vocabulaire de notre texte : Sénèque, Ep. 95, 65 : Clément, Pêd. I. ch. i : Poseidonius non tantum prac- (§2, 1) διδασκαλικός λίγος, ceptionem.sed etiam suasionem (§ 1, 2) υποθετικός, παραet consolationem et μυΟητικδς, exhortationem necessariam iuI, I) προτρεπτικός dicat. Si les trois dernières équivalences sont acceptables, la première est fantaisiste : replaçons en effet ce passage dans 1. Le mérite de cet. exorcisme revient à A. Méiiat: « Les ordres d’enseignement chez Clément d'Alexandrie et Sénèque :·, dans Sta­ dia Patristica, Berlin, 1957 (coll. Texte und Untersuckungen, t. 63), H, p. 351-357. 2. Quaestiones .Musonianae, Berlin, 1886, p. 8. 3. Apparat de son édition critique, ad p. 90, 3 ss. ; encore dans sa trad, all., t. 1, p. 204, n. 1. 4. Dans un article sur Marlin de Braga, Rheinisches Muséum, t. 60 (1905), p. 545, qu'a pourtant connu Stühlin (ci. Register, t. IV de son éd. de Clément, p. xxv, ad p. 90). 5. Encore par W. Voelker, Der wahre Gnoslikcr..., Berlin, 1952, p. 100, n. 6. 6. Cf. H. I. Marrou, Histoire de l'Éducation dans ΓAntiquité, p. 535, n. 57. 12 INTRODUCTION le contexte : dès le début de sa lettre 95, § 1, où il définit son sujet, Sénèque déclare en propres termes que « cette partie de la philosophie qu’on appelle en latin praeceptiva — donc la praeceptio du § 65 — correspond au grec παραινετική1»; notre passage, du début du Pédagogue, emploie précisément un terme analogue (I, 2, 2 : παραινετικόν ειοος ; cf. § 1, 4 le verbe παραινεί) et le rap­ porte à renseignement de celui-ci, non du « Maître ». Tout ce vocabulaire hérité de Poseidonios, disons plus généralement de la tradition stoïcienne 2, ne concerne donc que la subdivision de la seule morale pratique et nullement la conception d’ensemble du «triptyque», ou de la « trilogie ». Il faut reprendre la question de plus haut. A l’époque hellénistique (et romaine), la compétition entre les formes parallèles de culture supérieure (oratoire, philosophique, médicale ou, à Rome, juridique) 3 et, à l’intérieur de chacune d’elles, entre les sectes rivales avait amené les chefs d’école à inaugurer leur enseigne­ ment par une sorte de leçon d’ouverture, véritable pam­ phlet publicitaire, dans laquelle ils « exhortaient » les disciples éventuels à adopter leur propre spécialité. Chez les philosophes, c’est Aristote qui avait donné l’exemple et en quelque sorte fixé les lois du genre : des recherches récentes 4 ont montré quelle avait été la célébrité de son Protreplique, d’Épicure et de Cléanthe jusqu’à Cicéron 1. Sitx'èqve, Ep., 95, 1 : l’etis a me... an hacc pars philosophiae, quam Gracci paraenetieen uocant, nos praeceptiuam dicirnus, satis sit ad consummandam sapientiam. 2. Nous savons on effet par Diogf.nf. Laërce, VII, 84 { SL V. F., 111, n° 1) que Poseidonios suivait, on en qui concerne les divisions de la philosophie morale, la traditiou communément adoptée, depuis Chrysippe, par l'école stoïcienne. 3. Cf. Marrou, Hist. de Γ Éducation..., p. 257 s. 4. Inaugurées par \V. Jaeger, Aristoteles, Grundlegung einer Geschichte. seiner Entwiekelung, lre éd.. Berlin, 1923, ch. iv; Cf. E. Bignone, L'Aristotele perduto e la formazione filosofica di Epicuro, Florence, 1936, passim; en dernier lieu, M. Ruch, L’IIortensius de Cicéron, Paris, 1958, p. 15-35. LE TITHE ET LE PLAN 13 (qui lui doit l’inspiration de son fameux Hortensias} et bien au-delà : on en retrouve des échos chez les Pères de Γ Église, à commencer par notre Clément *. Son exemple avait été imité dans tous les milieux : pour ne citer que des témoignages contemporains de Clément, le grand Galien, par exemple, nous a laissé un Protrepûque qui s’achève par une invitation à choisir la médecine 1 ; des inscriptions nous font connaître que les concours annuels, sportifs et littéraires, des éphèbes athéniens s’ouvraient par un « discours d’exhortation », λβγος ζροτρεζτ’.ζό;, adressé par l’un d’eux aux concurrents 3 : le Prolreptique de Clément s’insère donc dans toute une tradition. Quant à la distinction Pédagogue et Maître (formation morale, pratique — enseignement dogmatique, spécula­ tif), elle n’était pas moins classique, comme on peut le voir par cette même Lettre 95 de Sénèque 456, tout, entière consacrée à établir qu’une telle morale, encore exo to­ rique, procédant par praecepta, consolationes, adhorta­ tiones 3 (on reconnaît, le programme du Pédagogue : c’est en effet le domaine des devoirs concrets, κχθήζ$ντα, que Clément présentera en détail au cours de ses livres II et III), ne peut sullirc à parachever la Sagesse, mais qu’il faut, lui ajouter un enseignement de caractère dog­ matique ·, techniquement supérieur, plus ou moins cso1. G. Lazzati, L'Aristotele perduto e gli scriltori cristiani, Milan, 1938, notamment (pour Clément), p. 9-34 ; en dernier lieu L. AlfoNSI, « Motivi tradizionali del giovane Aristotele in Clemente Alessandrino e in Alenagorao, dans Vigiliae Christianae, 1953, p. 129-142. 2. T. I, p. 1-39 (Külm). 3. Markov, Hist, de I’Education..., p. 527-528, η. 7 : les inscrip­ tions qui nous font connaître cet usage datent des années 180-190 (/. GA, II, 2119, 231-234) ou 190-200 [I. G.2 II, 2291 a). Cf. une allusion ici même : I, 66, 1. 4. Pour ceci, le lecteur est à nouveau invité à se reporter au mémoire cité d'A. Méiiat. 5. Ep., 95, 34. 6. Ep., 95, 10 : quae Graeci uocant dogmata, nobis uel decreta licet appellare, ucl scita ucl placita ; 60 : secreta sapientiae id est dogmata. 44 INTRODUCTION térique ». 1/opposition reçoit un relief particulier dans le stoïcisme, à cause de la distinction entre κατόρθωμα et καθήκον qui la fait pénétrer jusqu’au cœur de la vie morale (seul le Sage, à la conscience parfaitement éclai­ rée, peut prétendre accéder à i’« action droite »), mais elle se retrouve, sous une forme ou une autre, dans toutes les écoles philosophiques : l’elîort de purification morale apparaît toujours comme une étape obligatoire préparant au niveau supérieur de la contemplation. La notion de pédagogue. Ce double caractère — formation morale, étape vers l’école du Maître — était souligné d’avance, pour le public contemporain, par le titre ingénieux que (dément avait choisi : le Pédagogue. Clair pour les Anciens, ce mot exige par contre quelque commentaire à l’usage du lecteur moderne : l’institution qu’il désignait ayant dis­ paru de nos mœurs, le mot lui-même n’a plus d’équivalent dans nos langues 12. Le grec παιδαγωγός (ou le latin paedagogus : les Ro­ mains avaient emprunté à l’hellénisme et la chose et le mot) désignait le serviteur, normalement un esclave, qui dans la société antique, dont on reconnaît là le style de vie aristocratique, était chargé de « conduire l'enfant », 1. Sénèque {Ep., 95, 64) compare cet enseignement aux arcanes que révèle l’initiation aux mystères. 2. D’où l’embarras du traducteur : c pédagogue » n’est tolérable qu’à litre de transcription, laissant entier le problème ; comme tra­ duction, ce serait un contresens. « Éducateur » (Stahlin a choisi Erzieher) dit à la fois trop et trop peu ; en anglais Instructor (W. Wil­ son) paraît bien ambigu ; on préférera Tutor (ainsi : G. W. Butter­ worth) ; si le mot n’avait disparu de l’usage, on pourrait en français songer à «gouverneur», au sens où l’ancienne France donnait un gouverneur aux jeunes princes, et encore ce mot serait mieux à sa place pour désigner l’éducateur de l’époque archaïque, Chiron ou Phoenix auprès d’Achille (v. Marrou, Jlisl. de l’Educ., p. 32-33), d’un niveau social supérieur à celui du pédagogue des siècles pos­ térieurs. LE TITHE ET LE PLAN 15 scil. à l’école x. Son rôle consistait à aider son jeune maître (porter son petit bagage, etc.), mais surtout à le protéger contre les dangers de la rue, dangers d’ordre physique et surtout moral—on sait combien l’immoralité grecque s’en prenait à l’enfant ; d’où la mission de surveiller le compor­ tement du petit écolier, d’exiger de lui une tenue cor­ recte et digne : le costume antique, sommaire et instable, donnait à celte exigence des implications morales plus directes, immédiates, que de nos jours. De la civilité puérile et honnête, des bonnes manières, et de la simple surveillance, on passait aisément à la formation du carac­ tère et plus généralement de la moralité. A l'origine méprisé pour sa condition servile et son origine souvent barbare a, le pédagogue avait vu, au cours des siècles, sa considération augmenter en même temps que l’importance de son rôle : sous ΓEmpire romain, la paedagogorum custodia constitue, à côté de l’action des parents et des maîtres, un des éléments constitutifs de l’éducation s. Le pédagogue ne quitte pas l’enfant, même à la maison ; lorsqu’il en a la compétence, il peut jouer auprès de lui le rôle d’un répétiteur, studiorum exactor *, aidant son disciple à faire ses devoirs ou apprendre ses leçons, mais, sur le plan de l’instruction proprement dite, son rôle reste toujours subordonné à celui du maître qualifié ; par contre, vu le peu de confiance que la société antique témoigne à ce point de vue envers l’école et son maître 12345, c’est à lui que revient l’essentiel de la fonction d’éducateur sur le plan moral. 1. On trouvera toute la documentation concernant le sujet dans Pacly-Wissowa, s. v. Paidagogos ; add. : R. Boulogne, De plaals van de paedagogus in de romcinse. culluur, diss. Groningen, 1950 (et notre note dans Gnomon, 1951, p. 460-461). 2. V. le portrait que trace Platon des pédagogues des jeunes Ménéxéne et Lysis, Lys., 223 A. Cf. encore Ps^PJ-Plltaîiql-e, De lib. educ., h AB. 3. Quintilien, 1, 2, 25, niais il ne faut pas opposer l’usage romain à l’usage grec : la situation est la même dans le milieu hellénistique. 4. Id., I, 3, 14. 5. Maiibou, Hisl. de l'Éducation, p. 61-62, 302 ; ci. 446. 16 i.ntbodoctîon C’est bien cette institution traditionnelle que Clément a en vue et à laquelle il ne cesse de renvoyer son lecteur: en I, 55, 1 il évoque toute une série de pédagogues célèbres, empruntés à la légende épique 1 ou à l’histoire, de Phoenix, pédagogue 2 d’Achille, au Zopyros d’Alcibiade. Il aime à jouer sur l’étymologie transparente παιδαγωγία ζαίδων αγωγή (I, 12, 1) : « conduire les enfants », — scil. à la vertu (I, 16, 1 ; 54, 2 ; cf. 53, 2-3, ; 64, 3 ; 75, 1) ; en I, 54, 1-3, il cherche à définir de façon précise la fonction du pédagogue : c’est toujours « conduire l’enfant » vers un « régime de vie » (δίαιτα), sur la route qui mène au salut. Le pédagogue donne des conseils sur la manière de se comporter à la maison, il continue son instruction par des entretiens familiers le long du chemin 34 , avant d'in­ troduire son élève dans l’école du maître (III, 87, 1), ε·ς διδασκάλου (I, 3, 3)... Le choix d’une telle image pour exprimer l’action qu’exerce le Logos pour former, éduquer moralement les chrétiens est, chez Clément, le résultat d’une construc­ tion analogique à partir de la technique humaine de l'édu­ cation : « Le Seigneur agit à notre égard comme nous à l’égard de nos enfants » (I, 75, 2). Ce choix peut paraître surprenant ; il n’allait pas sans inconvénient : comparer le Verbe divin à cct humble esclave qu'était le pédagogue grec pouvait apparaître comme choquant *. L’image n’appartient pas d’autre part au répertoire biblique. Le mot « pédagogue » ne se rencontre pas dans ΓAncien Testament (la réalité qu’il désigne étant bien trop spéci­ fiquement hellénique) ; il faut beaucoup de bonne volonté dans le maniement de l’équivoque pour accepter d’en 1. Clément reste fidèle à la tradition qui place l’exemple des héros d'Homère à la base de l’éducation antiquo : Marrou, ibid., p. 34-39. 2. Le terme est légèrement impropre, l'usage homérique dilTcrant quelque peu de l'usage classique (cf. ci-dessus, p. 14, note 2), mais Clément ne pouvait s'exprimer autrement ; de même Plu­ tarque, De lib. édite., 4 B. 3. V. aussi III, 61, 2 (la façon do se tenir dans la rue). 4. Clément s’en est bien rendu compte quelquefois, ainsi : 1, 97, 2 (il ajoute au mot « pédagogue » une épithète ennoblissante : γνήσιοί). LE TITRE ET LE PLAN 17 trouver, comme le voudrait Clément (I, 53, 3), l’équiva­ lent dans le ται3βυτής à?Osée, 5, 2 *. Nous le lisons tout au plus deux fois, dans le Nouveau, sous la plumé de saint Paul. Le premier passage met simplement en valeur 1 2 la distinction entre le père de l’enfant et ses pédagogues ; Clément n’en fait pas état dans le présent ouvrage 34 . Le second texte est plus directement intéressant, et, en un sens, bien embarrassant : il s'agit du célèbre verset de Vitpitre aux Galates, 3, 24 : «Ainsi la Loi (mosaïque) nous a-t-elle servi de pédagogue pour nous conduire au Christ, pour que nous obtenions de la foi notre justifi­ cation. » Verset qui s’applique, comme on sait, au cas du peuple juif et plus précisément aux .Juifs convertis, comme saint Paul, au christianisme. Clément connaît bien ce texte, qu’il cite et commente dans une perspective anti-gnostique, en I, 30,3-31,1. Sans doute ne voit-il pas d’obs­ tacle à identifier la Loi-pédagogue de saint Paul et sa propre conception du Logos-pédagogue, du moins en ce qui concerne l’histoire du peuple d'Israël antérieurement à la venue du Christ ‘ ; il s’est expliqué là-dessus avec une parfaite netteté en I, 57-59 ; 96,3-97,1, et y reviendra 1. Car il ôtait bien évident pour tout lecteur des LXX (et même du Nouveau Testament : cf. llcbr., 12, 9) que le mot y reçoit le sens de « justicier », « qui punit » : sur le sens de παι&ία en grec biblique, voir plus loin. Introduction, p. 33. 2. En l’appliquant à la rivalité entre saint Paul et les autres évan­ gélistes. 3. 11 l’utilise dans Strom., Ill, 99, 3. 4. Clément introduit volontiers une citation de l’Ancien Testa­ ment par une formule du type : » Le Pédagogue s’exprimant par la bouche de Moïse, ou de Jérémie, ou d’Ézéchiel» : I, 5, 1 ; 81, 1 ; 9G, 3 ; II, 95, 2, etc. (cf. Quatember, Die christliche Lebenshaltung..., p. 54-55). Il établit, d’autre part, une correspondance exacte entre l’histoire du salut et l’histoire de Pâme : au rôle du Pédagogue dans celle-ci correspond celui de l’Ancien 1 estament dans celle-là. V. les pénétrantes analyses de J. Moingt, « La Gnose de Clement d’Alexan­ drie »... dans Recherches de Science Religieuse, 37 (1950), p. 197251 ; 398-451 ; 537-5G4 ; 38 (1951), p. 81-118. Le Pédagogue. 1. 18 INTRODUCTION souvent dans ses autres écrits 12: en liaison avec Γinter­ préta lion christologique des théophanies de Γ Ancien Testament qui est de règle chez lui, comme elle est géné­ rale de son temps *, il aperçoit Faction du Verbe s’exer­ çant, par l’entremise de Moïse et. des prophètes, à travers toute l’histoire du Peuple élu ; Clément reprend ici à son compte la notion, chère à saint Irénée 34, d'une « péda­ gogie » divine appliquée à l'humanité. La vraie difficulté réside dans le fait, de continuer à utiliser ce titre du Verbe à propos de la formation des chrétiens, alors que 1’1'. pitre aux Galales, au verset suivant (3, 25), l’exclut formellement : « Mais la Foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue · ! » On ne voit pas que Clément ait rien fait pour la lever : il se contente de juxtaposer à l'image paulinienne sa propre conception du Verbe-pédagogue des chrétiens qui, bap­ tisés, vivent de la foi (1, 31, 1). Il faut insister sur cette parfaite indifférence de notre auteur à l’égard des suggestions que pouvait lui fournir la tradition littéraire chrétienne : parmi les autres com­ paraisons qu’il juxtapose à celle du «pédagogue» — le général (I, 54, 2; 65, 2-3), le pilote (I, 54, 2-3), l’entraîneur de chevaux (1,15,3) ou d’athlètes (I, 57, 1) — il lui arrive de faire mention de celle, déjà si chère à la tradition ecclésiastique 5, du Christ-médecin (I, 6, 1, etc.), et mieux encore de celle, proprement scripturaire, du Pasteur (1,11, 1. Strom., 1. 28. 3 ; II. 30, 3 ; 35, 2 ; 91, 1 ; 125, 3 ; VII, 86, 3 ; 102, 1 ; Ecl. proph., 20, 4 ; Quis dives..., 9, 2. 2. V. J. Lebreton*, dans Miscellanea Agostiniana, Rome, 1931. t. II, p. 822-827. 3. Ainsi Adv. hacr., IV, 25, 2-3, Harvey, etc. Cf. J. VVytzes, · Pai­ deia and Pronoia in the works of Clemens Alexandrinus », dans Vigi­ liae Christianae, t. IX, 1955, p. 148-158. 4. La pointe do la comparaison, pour saint Paul, est l'opposition entre le temps de l'enfance, soumis aux pédagogues, et celui de l’adulte, indépendant ; elle rappelle celle de l'héritier mineur, sous le régime des tuteurs et des intendants, et de l'héritier émancipé de Gai., 4, 1-2, ici I, 33, 3. 5. Voir I, 6, 1, note 3. LE TITRE ET LE PLAN 19 2 ; 53, 2-3 ; 83,3-84,1 ; etc.) : on est surpris de constater qu’il ne leur reconnaît nul privilège ; mieux, il écarte la seconde comme si clic n’avait qu’une valeur d’« allégorie » cl comme si seule la notion de pédagogue était véritable­ ment adéquate (I, 84, 1). Son attachement pour ce thème lui vient donc d'ail­ leurs : comme la conception du plan d’ensemble de son grand triptyque, c’est chez lui un héritage de la tradition, littéraire et philosophique, de l’hellénisme classique. L’opposition du pédagogue et du maître est souvent mise en œuvre, tout naturellement, par les bons auteurs 12; on la trouve appliquée à l’enseignement philosophique chez un vulgarisateur comme Maxime de Tyr 8 ; Ariston de Chios, cet enfant terrible du stoïcisme, retranchait paradoxalement la morale pratique du programme de la philosophie : elle est, disait-il, l’office du pédagogue, non du philosophe. Sénèque, qui mentionne cette opinion mais pour la critiquer, définit au contraire le Sage comme « Je pédagogue du genre humain 3 ». Ailleurs encore, Sénèque confère le même titre à ce dieu qui accompagne chacun de nous, Genius ou Juno le δαίμων des Grecs. On voit combien l'image du « pédagogue » pouvait paraître naturelle à Clément et s’imposer à lui 45* et combien la transposition était aisée qui l’appliquerait au Christ ; car c’est bien d'une transposition qu’il s’agit : dans l’outre vieillie de ce concept classique, Clément a su verser le pur vin nouveau de la morale évangélique et de la sotériologie chrétienne. 1. Platon, Lys., 208 C ; Xénopiion, liesp. Laced., 3, 2; Dio­ Laërck, III, 92. 2. Diss., Vil, 8. 3. Sénèque, Ep., 89, 13 {= St. V. F., I, n® 357). 4. Ep., 110, 1. 5. Il s’en était servi déjà dans le Prolreptiquc, 88, 1 ; 95. 1, et il la reprend dans les Stromales, I, 28, 3 ; 29, 4 ; 11, 30, 3 ; 125, 3; VII, 86, 3 ; 99, 2 ; Ecl. proph., 20, 4. cèse 20 INTRODUCTION Le thème du Pédagogue. La notion de « pédagogue » fournit à notre auteur beaucoup plus qu’un titre imagé et suggestif : c’est, sous sa plume, un thème central, vrai motif conducteur qu’il ramène sans cesse et qui confère à l’ensemble de ces trois livres leur unité d’inspiration. Si nos relevés sont exacts, les mots χαβαγωγός, χαιδχγωγία, -£ω, -·ζός, -ιζώς, et autres, apparaissent cent soixante-trois fois, appliques normalement au Logos, quelquefois à Dieu », ou invoqués à titre de comparaison dans leur sens formel 2 ou concret *; il peut être intéressant de rassembler dans un tableau l’ensemble de ces passages 4 : I, 1, 1, 2, 3, 4, 4, 5, 6, 6, 7, 8, 9, 12, 16, 24, 2 4 1 3 1 3 1 1 2 1 3 1 1 1 3 : : : : : : : : : : : : : : : c a a a, c a c a a a 6 a a b b c 1,31, 32, 42, 53, 53, 53, 54, 54, 55, 55, 56, 56, 56, 57, 5", 1 2 3 1 2 3 1 3 1 2 1 2 3 1 3 : : : : : : : : : : : : : : : a a a a a a b (fcw) a a (bis) a (1er) a a e a a I, 57, 58, 58, 59, 59, 60, 60, 61, 61, 62, 63, 66, 74, 75, 75, 4 1 2 1 2 2 3 2 3 2 3 2 3 1 3 : C : a, c : a : C (bis) : a a : a : a, c : d : a : c · a : a, b : a : b 1. Ainsi I, 63, 3 ; on à Moïse : I, 57, 4, ou à la Loi mosaïque : I, 59, 1, etc. 2. Ainsi I, 54, 1 ; 76, 1 ; 80, 2... 3. I, 55, 1... 4. Les lettres servent à distinguer les différents mots de la même famille : η = παιδαγωγός ; b = παιδαγωγία ; c = une forme du verbe παιδαγωγί’ω ; d = παιδαγωγικός ; e = παιδαγωγιχώς. 5. ΙΙαραπαιδαγωγών. LE TITRE ET LE PLAN I, 76, 1 : d 78, 4 : b 80, 2 : 12 81, 1 : a 83, 3 : a 84, 1 : a 84, 3 : a 85, 1 : a 87, 2 : a 89, 3 : a 90, 1 : a 92, I : b 93, 3 : b 96, 1 : b 96, 3 : b, c 97, 1 : a 97, 2 : a 97, 3 : a 98, 1 : a 98, 2 : c 98, 3 : a 98, 4 : c 99, 2 : b 100, 2 : a 100, 3 : a 102, 4 : c 103, 1 : b II, 1, 1 : b 1, 4 : a 2, 1 : c 7, 3 : 3 14, 4 : c 17, 1 : a 19, 3 : c 1. 2. 3. 4. II, 25, 1 : c 47, 2 : c 49, 2 : a 50, 3 : 3 52, 1 : a 57, 1 : c 72. 2 : c 76, 1 : d 87, 3 : c 95, 2 : a 95, 3 : b 96, 2 : a 99, 3 : a 99, 5 : a 100, 2 : c 101, 2 : a, c 102, 3 : c 102, 3 : a 111, 3 : c 126, 1 : c ΠΙ, 2, 1 : a 9, 3 : a 13, 3 : a 14, 1 : c 14, 2 : c 16, 1 : e 23, 2 : c 35, 2 : a 38, 3 : a 40, 3 : d 41, 3 : b 41, 4 : c 43, 2 : a 43, 5 : b Παιδαγώγησα. ’Απαιδαγώγητο?. Παιδαγωγείς. Paraphrase poétique : παίδων ήγη'τορα. 21 45, 2 : a 49, 5 : a 53, 2 : a 53, 4 : a 57, 1 : c 58, 3 : c 63, 4 : a 66, 3 : a 72, 1 : a 75, 3 : a 76, 3 : a 82, 5 : c 86, 1 : a 86, 2 : a, c 87, 1 : a 87, 2 : c 87, 4 : a 88, 3 : a 93, 5 : a 94, 1 : b 94, 2 : a, b 97, 1 : a 97, 3: a, b 99, 1 : b, c (i^r) 99, 2: c 100, 2 : a {bis) 101, 1 : a 101, 2 : a 101, 3 : a, b Hymne, v. 10 4 22 INTRODUCTION Plan d’ensemble de l'ouvrage. Si, coniine on le voit, ccs rappels du thème se trouvent distribués de façon presque uniforme à travers l’œuvre entière, il faut signaler tout de suite que l’usage qu’en fait Clément n’est pas toujours semblable : il adopte successivement deux manières distinctes, qui opposent nettement le livre I d’une pari, les livres 11 et III de l’autre. Sans doute la division en trois livres remonte ii l’auteur lui-même12, mais la coupure entre II et III paraît bien artificielle et due au seul besoin d’équilibrer les parties : en fait le premier chapitre du livre 111, sur « la Beauté spirituelle », sorte d’introduction qui s’efforce de donner l’impression d’un nouveau départ, interrompt le grand développement sur le luxe du vêtement com­ mencé au livre II (§ 102, 3 s.) et qui va se poursuivre à partir de III, 4, 1. Au contraire, et tout lecteur ne peut manquer d’en être frappé dès le premier contact, la cou­ pure est très nette entre I et II-III : ces deux derniers traitent proprement le sujet annoncé et constituent un traité de morale pratique, envisageant de façon concrète les devoirs du chrétien et donnant conseils, exhortations et modèles sur la façon de vivre, sur le manger, le boire, le sommeil, la vie sexuelle, l’ameublement, que sais-je encore? Le livre I, d’un ton tout différent, développe de façon générale les conséquences spirituelles de la notion même d’une « pédagogie » du Verbe, de la formation que Dieu donne aux fidèles par l’intermédiaire de son Fils ; non, bien entendu, que ce sujet ne réapparaisse plus par la suite *, ni que le second ne soit pas, par moments, anti­ cipé : les Anciens en général 3, et Clément en particulier, ne s’imposent pas volontiers une composition rigoureuse. 1. On retiendra en particulier le témoignage très net de Strom., VI, 1, 3 : «Lo Pédagogue que nous avons divise en trois livres...» 2. Lo thème du livre 1 est notamment repris, par inclusio, dans l’hymne final. 3. V. plus loin, p. 45, note 4. II. Spiritualité et pensée chrétiennes. L’esprit d’enfance. Une fois posée l'équivalence : le Pédagogue, c’est le Verbe (I, 1, 4...) *, Dieu (I. 57, 3), la Sagesse (1, 6, 2 ; III, 98, 2), le Christ. (I, 99, 2; II, 126, 1 ; III, hymne, v. 10), Jésus (I, 53, 1), une conséquence s'en dégage tout naturellement : les fidèles auxquels s’adresse Clément, ces chrétiens que nous sommes, objets des soins du Péda­ gogue, apparaissent comme des enfants παίδες. « Vous, les enfants », s’écrie l’auteur dès sa première ligne (I, 1, 1 ; de meme I, 4, 1) ou, quand il oublie sa fiction de porteparole du Logos pour se ranger lui-même parmi les dis­ ciples : «Les enfants, c’est nous» (1, 12, 1 ; 24, 3). Notion fondamentale qui s’exprime aussi par toute une série d’images apparentées : agneaux (I, 14, 2 ; 15, 4), petits veaux, colombes (I, 14, 2), poussins (J, 14, 4), poulains (I, J5, 1-3 ; ΠΙ, hymne, v. 1). Poussant l’idée à sa limite, Clément dira meme «petits enfants», ζαιδία (1,12,2) ou, et plus volontiers encore, « tout-petits », « bébés », νήζιοι (I, 6, 5 ; 16, 3, ; 19, 1 ; 53, 1 ; en I. 20, 1. il interprète étymologiquement ce mot au sens du latin infantes), sans parler d’autres synonymes comme « nouveau-nés » (I, 14, 3-5 ; 59, 3), « nourrissons » (I, 32, 4 ; 98, 3 ; III, 99, 1), et cela au risque de compromettre quelque peu la vrai­ semblance de son motif principal, car enfin le pédagogue 1. Une introduction doit préparer à la lecture de l’ouvrage et non la remplacer : nous ne donnons la référence que de la première apparition, ou des relances notables, des divers thèmes ou termes caractéristiques ; les Indices qui seront joints au livre III permet­ tront, à qui en éprouvera le besoin» de compléter rapidement ces divers dossiers. 24 INTRODUCTION ne s’occupait normalement des enfants qu’à partir de leur âge scolaire : sept ans >. Ce motif de l’enfance ne cesse d’être ramené tout au long du livre 1 et confère à celui-ci son unité (I, 54, 2-3 ; 58, 3 ; 59, 3 ; GO, 1 ; 75, 1 ; 84, 1 ; 94, 3 ; 97, 2 ; 98, 3) ; il est encore mentionné, en quelque sorte pour mémoire, au début du livre 11 (2, 1) et se trouve repris à nouveau, par inclusio, à la fin du livre III (87, 2-3 ; 99, 1) et dans l’hymne final. Un tel choix s’explique par l’usage qu’a fait de ces termes, ou du moins des plus significatifs, le Nouveau Testament auquel l’auteur nous renvoie expres­ sément. A la différence en effet du thème du pédagogue, celui de l’enfance spirituelle (nous préciserons bientôt le sens qu’il faut attribuer au mot) est chez notre Clément d’inspiration authentiquement et directement chrétienne. Pour l’emploi de ζαιδίον qu’on se reporte à Mallh., 19, 13-14 12 : « Laissez venir à moi les petits enfants... » (cité ici : I, 12, 3), et Matth., 18, 3-4 : « Si vous ne devenez comme les petits enfants... » (ici : I, 12, 4 ; 16, 1) ; pour celui de νήζυς à Mallh., 11, 25 : « Je te bénis, Père, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout-petits » (ici : I, 32, 3) ; sans parler d’autres textes mineurs, car Clément, comme tous les Pères, aime orchestrer un thème scripturaire en groupant, par ce qu’on peut appeler la méthode des « concordances », les allu­ sions les plus fugitives, les associations, même purement verbales, qu’on peut trouver ou établir en parcourant toute la Bible (ex. : I, 12, 2 ; 12,5-13,4). Tous ces passages ont dans l’Évangile un relief parti­ culier et cela suffirait à expliquer que notre auteur ait été sensible à cet aspect caractéristique de l’enseignc1. Si certains monuments figurés nous montrent un personnage barbu, au maintien grave, surveillant les soins que la nourrice donne à l’enfant, ou portant celui-ci dans ses bras, il s'agit, semble-t-il, du père, et non d'un pédagogue : ainsi sur le beau sarcophage de M. Cornelius Statius, au Musée du Louvre (H. I. Marrou, àvifo, Grenoble, 1937, n° 1). 2. Toujours pour faire bref, nous sous-entendons pour ces réfé­ rences aux textes évangéliques : « et parallèles ». SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 25 ment de Jésus, mais il faut ajouter que la pensée des premières générations chrétiennes s’y était déjà, elle aussi, arrêtée avec prédilection, comme on peut le voir, dans le Nouveau Testament, par la Prima Pétri (2, 2-3 : «Comme des nourrissons nouveau-nés...»; ici : I, 44, 1), et dans la littérature des temps apostoliques par cette Epître de Barnabe * que Clément connaît si bien et suit si volon­ tiers 1 2 (on sent qu’il lui accorde une autorité compa­ rable à celle des écrits de notre Canon 3* 5), ou encore par le Pasteur d’IIermas ‘ ou Papias de Hiérapolis s. On le voit. Clément s’insérait dans une tradition très ferme et bien vivante. L’attitude spirituelle du chrétien présentera donc des caractères qui permettent de la comparer à la nature de l’enfant. Clément a consacré tout le chapitre 1, v, et acces­ soirement aussi le suivant, I, vi, à préciser ce qu’il faut entendre par là, sans s’interdire bien entendu d'y revenir ailleurs. L’enfant est proposé à notre imitation (I, 12, 4) comme un symbole d’humilité : c’est le sens obvie de l'épisode évangélique .Matth., 18, 4, rappelé ici en I, 16, 1. Mais notre auteur insiste peu là-dessus : pour lui, l’esprit d’enfance se définit principalement par la simplicité de cœur, l’ingénuité, la sincérité ; on voit réapparaître sans cesse - cc sont là de véritables mots clés du Pédagogue — les termes qui signifient absence de prétention ou de complication, absence de détours, de ruse ou d'hypocrisie, 1. Ztor/i., 6, 11, 17. 2. Voir ici meme, II, 83, 4 ; 89, 1 ; III, 75, 35 ; 89, 1 s. ; pour les autres œuvres, v. le Citalcnregister de Fed. Stâhlin, t. IV, p. 27, s. v. Barnabas. 3. Au dire d’EusEBE, llisl. Eccles., VI, 14,1, il l'avait commentée dans ses Hypotyposes, avec le reste du Nouveau Testament ; on sait qu'elle figure en appendice à celui-ci dans le ms. Sinaïticus. i. Sim., IX, 24, 3 ; 29, 1 s. ; 31, 3 ; Maud., II, 1. 5. Fragm., VIII Gebhardt (= Maxime le Confesseur, Scholia à la Hiérarchie Ecclésiastique, c. 2). Tout ce dossier a été rassemblé par A. Harnack, < Die Terminologie dur Wiedergeburt und werwandter Erlebnisse in der al testen Kirche », dans Texte und Untersuchungcn, t. 42, 3, Leipzig, 1919, p. 98-101. 26 INTRODUCTION franchise, sincérité, comme άφίλής, -εία (I, 12, 1 ; 14, 2; 15. 1, 4; 17, 1 ; Ill, 55, 2; hymne, v. 5, 53), άπλοΰς, -ζ-.τ,ς (I, 12, 4 ; 14, 2, 4 ; 15, 2-3 ; 19, 3 ; 20, 2 ; 53, 2). De là, on passe tout naturellement aux notions connexes de naïveté, élan direct vers le Bien (I, 19, 3-4), droiture *, virginité (I, 18, 2 ; 19, 4 ; cf. 17, 1), timidité à l'égard du péché (I, 14, 3). L’enfant est celui qui n'a pas encore subi le joug du mal (I, 15, 1 ; III. h., v. 1) ; autant que par la simplicité, il se définit par l’innocence, άζαζία (I, 14, 2-3 ; 19,5; 111, h., v. 9) : il s’agit, ne l’oublions pas, des nouveaunés rachetés par le bain baptismal (I, 32, 4) et on ne peut demander à notre Alexandrin de méditer sur l’enracine­ ment, en nous, de la concupiscence... L’enfant apparaît encore comme un être doux, tendre, délicat (I, 14, 2 ; 19, 1-4) : il a besoin de secours (I, 21, 2), de la paternelle sollicitude de Dieu. Dans une autre direction, moins stric­ tement négative (I, 20, 1) — presque tous les mots que nous avions relevés jusqu’ici étaient en à- privatif — l’enfance chrétienne, une fois débarrassée du souci des choses de ce inonde (I, 17, 1-2), s’épanouit dans l’allé­ gresse, le rire, le jeu, la noble joie du cœur (I, 21,4-22,3). Jeunesse et nouveauté chrétiennes. Les traits que nous venons de retracer auront éveillé dans l’esprit du lecteur bien des échos familiers, mais il y aurait quelque anachronisme à faire sans plus de Clé­ ment d’Alexandrie un précurseur lointain de l’esprit d’en­ fance, au sens où l’entend la spiritualité contemporaine ; et surtout, ce serait priver la pensée du Pédagogue de ses résonances les plus profondes et des caractères originaux qu’elle tient de son enracinement dans la tradition chré­ tienne de son époque. Quand on examine attentivement notre texte, on y découvre bientôt que la notion d’enfance est intimement associée aux notions connexes de jeunesse, de nouveauté, 1. Ci. déjà Prolrept., 106, 2-3. SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 27 de rénovation. N’oublions pas que le Pédagogue saisit le chrétien, quand, au lendemain de la conversion (I, 59, 3), régénéré par le baptême, ayant dépouillé le vieil homme (1, 32, 4), l’antique corruption (I, 43, 1), il s'engage dans une vie nouvelle, qui implique innovation radicale, renou­ vellement total. Par une amplification ou plutôt un approfondissement remarquable, Clément nous invite à considérer l’idée sous son aspect, collectif, social, disons mieux : ecclésial. L’en­ semble de ces « jeunes », νέοι », que sont les chrétiens, constitue le peuple nouveau qui participe dans le Christ à un printemps éternel, qui va toujours se renouvelant sans jamais vieillir (I. 20, 3-4), ils constituent la jeunesse permanente de l’humanité (1, 15, 2). On reconnaît là un thème cher à l’ancienne apologétique 12, rétorsion triom­ phale du reproche d’innovation méprisable et dange­ reuse que ses adversaires païens adressaient à ΓÉglise du Christ : celle-ci constitue bien un « peuple nouveau », un « peuple jeune », λαός νέος, χαινός (I, 14, 5; 19, 4), Clement ira jusqu’à dire « nouveau-né », νήπιος (ί, 15, 3 ; 57, 1), par opposition à l’« antique folic » (I, 20, 2), celle du paganisme mais aussi et surtout (le contexte montre que c’est surtout à lui que pense Clément : celle du « peuple ancien », celui de Γ Ancien Testament, que n’éclairait pas encore le soleil levant de la nouvelle alliance (I, 20, 2-3 ; 58, 1 ; 59, 1). La révélation apportée aux hommes par l’apparition récente 3 du Verbe incarné a inauguré une 1. On se souvient que dans le monde grec, à l’époque hellénistique et romaine, les moi ou >■ jeunes {citoyens) u constituent une classe d’âge, intermédiaire entre celles des éphêhes et des hommes faits. 2. Sur ce thème, v. Λ. Harnack, Mission und Ausbreihtng, II, vi ; K. Pruemm, Chrislcnluin al-s Neukeitÿerlebnis, l'ri bourg en Br., 1939 ; H. 1. Marrov, cd. de Γ.4 Diognète, p. 202. 3. C’est ce que désigne l’expression, à première vue singulière de « Logo» nouveau» (1, 20, 31. On se gardera de prendre à contresens les passages où Clément évoque le petit enfant ■· qu’est le Christ (J, 24, 1-3 ·, 42. 2) : il ne s’agit toujours que de la nouveauté de l’in­ carnation apparue aux derniers temps ; inutile dès lors d’évoquer à propos de cette expression la dévotion, médiévale et tardive, envers 28 INTRODUCTION phase nouvelle, la phase ultime, dans l’économie de l’his­ toire du salut. C’est dans cette perspective grandiose qu’il faut situer ce que nous avons sommairement et provisoirement appelé le problème moral. Le christianisme est essen­ tiellement nouveauté, et c’est vrai pour l’histoire per­ sonnelle, l’histoire vécue de chaque croyant, comme pour l’histoire globale de l’humanité. Le christianisme n’est pas seulement désir de la vie éternelle, ζωή ά·2·.ο; (I, 1, 1), élan vers l’incorruptibilité que nous revêtirons après la résurrection (I, 29, 3), il n’est pas pure espérance mais implique déjà une certaine participation à cette vie d’ori­ gine divine dont nous avons reçu comme les arrhes, du fait de notre incorporation au Christ par le baptême. D’où un renouvellement total, par rapport à la manière ancienne de vivre, par rapport à notre condition première, qui était, celle de la corruption, du péché et de la mort. L’admirable richesse du vocabulaire grec permet d’expri­ mer avec précision le rapport intime qui doit s’établir entre la Vie « surnaturelle » et la vie quotidienne du chré­ tien : cette ζωη doit s’incarner et se réaliser dans et par un mode défini, un type, un régime de vic, gise (II, 1, 1), βίοτος (III, h., v. 39), οίαπα (I, 54, I ; II, 14, 3), πολιτεία (I, 95, 2), que définit l’obéissance aux préceptes du Christ. (I, I, 1 ; 85, 4). Ainsi la vie chrétienne présente tout un aspect moral, un immense effort pour se confor­ mer à la loi du Verbe : c’est là un des éléments essentiels de la conception que Clément nous propose de la piété, de la religion, du culte rendu à Dieu, Οεοοέόεια. Cette vie nouvelle apparaît comme un don de Dieu : elle a été voulue, définie par lui et révélée aux hommes par l’intermédiaire de son Fils au moyen de l’Esprit qui nous est donné dans l’Église (1, 42, 1). Cette révélation, disons mieux cette formation, cette «pédagogie», apparaît Γ Enfant-Jésus, ni même les discussions du temps de Nestorius (Thôodote d’Ancyrc accusa celui-ci, au Concile d’Éphèso, de refuser d'appeler dieu un enfant de deux ou trois mois : E. Schwartz, Acta Conc. Œcum., T, 1, 2, p. 38, § 53). SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 29 comme une des composantes principales de l’action du Verbe pour la réalisation de l’économie, du plan divin du salut. Nous l’avons rappelé ', pour Clément c’était déjà le Verbe qui agissait dans l’Ancien Testament, par ses théophanies, le don de la Loi mosaïque, la révélation des prophètes. De façon plus éclatante, plus décisive, c’est l’incarnation du Logos qui est venue instaurer parmi les hommes la vie nouvelle sous sa forme parfaite, définitive. L’œuvre de Jésus présente un triple aspect : il nous a donné à la fois les règles de la vie parfaite, par les préceptes formulés dans son enseignement, le modèle, par l’exemple de sa propre vie terrestre, la possibilité enfin, en nous libérant de la servitude du péché par le sacrifice sanglant de la croix. De ces trois aspects, le chrétien d’aujourd’hui souli­ gnera plus fortement le dernier ; c’est celui pourtant sur lequel Clément insiste peut-être le moins : chez notre Alexandrin, comme plus tard aussi chez Origènc 12, la valeur proprement rédemptrice de la mort du Christ prend moins de relief que les autres fruits de l’Incarna­ tion : révélation, inauguration et don de la vie nouvelle. Polémique antl-gnostique. Cet exposé est soutenu, animé, par une intention polé­ mique. On sait la place qu’occupe dans la pensée de Clé­ ment la lutte contre le gnosticisme : elle est tout entière orientée vers la définition d’une gnose orthodoxe, celle du « vrai gnostique 3 », qui s’opposerait aux folles préten­ tions des hérétiques et de leur « prétendue Connaissance », ψευδώνυμος Γνώσις 4. La préoccupation polémique est ici 1. V. ci-dessus, p. 18. 2. V. M. Haul, Origine et la fonction révélatrice du Verbe incarne, Paris, 1958 (Patristica Sorbonensia, 2). 3. V. en dernier lieu la grande synthèse de W. Voelker, Der wahre Gnoslikcr nach Clemens Alexandrinus, et spécialement le ch. IV, p. 301-445. 4. Strom., III, 109, 2 ; ci. 110, 3 : Clément reprend à saint Ircnce 30 INTRODUCTION partout présente, sous-jacente ou avouée : plusieurs cha­ pitres de notre livre I lui sont expressément, consacrés (v-vi, viii-ix, χι-χπ). Anti-gnostique pour une bonne part, l’apologie de l’es­ prit d’enfance : il s’agit de s’opposer à la distinction des deux catégories, des deux « natures » d’hommes, psy­ chiques et pneumatiques ; les Valentiniens n’avaient que trop tendance à opposer l'étal puéril où croupissaient les premiers à la perfection réservée à l’élite des seconds, ces gnosliques ou parfaits (I, 31, 2; 52, 2). Ils pouvaient s’appuyer sur la mentalité commune (l’antiquité n’a guère apprécié l'enfance) 1 : l’enfant était considéré avant tout comme un être qui n’a pas encore atteint le plein déve­ loppement de sa raison (I, 16, 2-3; 20, 1). Et surtout, ils pouvaient invoquer un certain nombre de textes bien connus du Nouveau Testament qui utilisent l’image de l’enfance en lui associant une valeur péjorative. C’est le cas de l’l·',pitre aux Éphésiens, 4, 12-15, qui oppose l'étal inchoatif du « petit enfant », νήζιβς, à 1’homme parfait, à. l’étal adulte du Corps du Christ, réa­ lisé dans sa plénitude (ici I, 18, 3) ; le cas encore de la /'* aux Corinthiens, 14, 20, où saint Paul nous adjure de ne pas nous attarder à la petite enfance, et plus haut 13, 11 : « Quand j’étais enfant, je parlais, pensais, raisonnais en enfant : devenu homme j’ai fait disparaître cc qui était de l’enfant» (ici, 1, 33,1). Courant au plus pressé, Clément ne retient pas les suggestions précieuses que pouvaient, lui apporter ces mêmes textes 2 et ne s’attarde pas 3 à évoquer la notion qui lui est pourtant si chère 4 d’une croissance, d’un progrès spirituel du fidèle : il préfère interpréter ces versets dans la perspective d'une théoccttc expression néo-teslamoulairc (/ Tim., G, 20, citée ap. Slrotn., 11,52, 5). 1. L'enfance, stade provisoire, destiné à être dépassé : H. 1. Mak­ hov, Hint, de UÉduc., p. 299. 2. Ainsi I Cor., 14, 20 : «Soyez de petits enfants pour le mal. » 3. Voir tout au plus quelques indications fugitives : I, 17, 3 ; 28, 4-5. 4. Ainsi Protrept., 109, 3... SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CIIHÊTIENNES 31 logic de l’histoire, la supériorité de l’adulte sur l’enfant exprimant celle du chrétien sur le juif, de la Nouvelle Alliance par rapport à ΓAncienne (I, 33,2 - 34,2). L'impor­ tant, à ses yeux, est de souligner, contre les prétentions gnostiques à une révélation secrète (1, 33, 3), qu’il n’y a pas de degré supérieur au baptême ', qu’avec celui-ci le chrétien a reçu tout ce qu’il doit et peut recevoir : « Nous atteignons notre perfection, τελείφύμεΟζ, quand, ayant reçu le Christ, nous sommes Γ Église» (I, 18, 4) ;« à peine donc avons-nous commencé à dire les formules de la Vie, voici que nous sommes parfaits et voici que nous vivons, nous qui sommes séparés de la mort» (I, 27, 1) ; si bien qu'on peut encore interpréter le rapport de l’enfant à l’adulte en l’appliquant au catéchumène et au baptisé (I, 36, 3 ; 38, 1). Perfection, bien entendu, toute relative, relative à la condition humaine : par ailleurs nous restons toujours des « tout-petits » par comparaison au Verbe incarné, le seul qui, en toute rigueur, soit l’« homme parfait » (I, 18, 4) : ce point de vue est. longuement développé, non sans bien des détours à première lecture déconcertants pour le lecteur moderne, dans le grand exposé consacré à un autre texte, lui aussi un peu embarrassant, de la même Épitrc (I Cor.. 3, 1-2 : « Comme à de petits enfants dans le Christ, je vous ai fait boire du lait, non une nourriture solide que vous n’auriez pu supporter » ; ici I, 34,5 - 52,3). L’important est toujours d’opposer aux gnôstiques qu'il n’y a pas deux catégories distinctes de chrétiens. Bien comprise au contraire, la notion d'enfance spiri­ tuelle, d’enfance dans le Christ, permet de faire échec à l’orgueil impliqué par la conception gnostique d’un salut résultant non du libre don de Dieu mais d’un « filtrage » en quelque sorte mécanique des natures (J, 32, 1), acquis par la science, le savoir humain et non par l’humilité et l’obéissance (I, 37, 2). Il ne s’agit pas seulement pour 1. Tout Cela vient d’etre excellemment mis en lumière par A. Okbe, « Tcologia bautismal de Clémente AJejandrino », Gregorianum, t. 36, 1955, p. 410-448. 32 INTRODUCTION l’homme de dégager ce qui en lui est d’essence divine : pour le montrer, Clément emprunte au stoïcisme la pré­ cieuse notion du compost, σύνταγμα, qui, par l’union d’une âme et d’un corps, constitue l’homme ’, non sans l’enri­ chir, l’approfondir en fonction d’une double référence. A l’incarnation, d’abord *, car il existe un rapport de similitude entre le corps de l’homme et la nature charnelle du Verbe incarné à laquelle le Créateur nous a par avance conformés (111, 20, 5). La seconde référence nous renvoie au dogme de la Resurrection (I. 36, 6) : Dieu, compatis­ sant, a libéré notre chair de la corruption par la promesse de l’immortalité (III, 2, 3; 3, 3). Dès lors le salut concerne l’homme tout entier, corps cl âme (ΠΙ, 98, 2). La parti­ cipation à la vie divine commence, pour le chrétien, dès cette vie sanctifiée par le baptême, nourrie par les sacre­ ments ; d’où cette formule hardie : « Le sang de l’homme participe au Verbe et communie à la grâce par l’Esprit » {III, 25, 2). Sur les traces de saint Irénée ’, Clément déduit de ces principes une morale (pii réagit contre le spiritualisme outré de ses adversaires gnus tiques (et cor­ rige par avance les déviations que l’influence excessive du néo-platonisme introduira parfois dans la pensée chrétienne) : l’effort de purification doit s’étendre au-delà de l’âme et nous devons en arriver « à sanctifier la chair elle-même » (II, 1, 3 ; 109, 3). Très caractéristique encore l’affirmation, souvent renou­ velée (I, 24, 3 ; 53, 1 ; 62, 4 ; 71, 3; III, 101, 1), de l’union du Père et du Fils ou Logos, affirmation si énergique et si peu nuancée qu’elle ne peut manquer de causer quelque embarras au théologien d’aujourd’hui : avant d’accuser Clément de sabellianisme, ou d’incohérence (car , 1. M. Spanneut, Le Stoïcisme des Pères, p. 133 s., et notamment pour Clément, p. 166-175 (nombreux renvois aux Stromates ; Péda­ gogue, T, 6, G ; 102, 3 ; II, 1, 2 ; III, 3, 3; 27, 2). Voir aussi QuaTEMBEn, p. 124, n. 142. 2. Nous reviendrons encore là-dcssus, ci-dessous, p. 37-38. 3. Fragm., VI Graffin-Nau (P. O. 12, p. 738-739) : « La chair doit être compcnétrée par la puissance de l’Esprit. » SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 33 ailleurs, on le sait, il donne parfois l’impression de pencher vers le subordinatianismc), n’oublions pas que c’est un anténicéen qui parle *, un contemporain de Tertullien et d’IIippolyte 12 et qu’il ne faut pas couler leur pensée dans les moules d’une théologie postérieure. Contentonsnous pour l’instant de considérer l’arrière-pensée polé­ mique qui sous-tend de pareilles affirmations : il s’agit bien entendu encore des gnostiques qui distinguaient volontiers, pour les opposer, le Dieu bon, le Dieu d'amour, révélé seu­ lement, pensaient-ils, dans le Nouveau Testament, du Dieu de l’Ancien, ce Dieu terrible et vengeur, auquel ils confé­ raient les traits affreux de leur méchant. Démiurge. D’où pour Clément la nécessité d’insister sur le point qu’il n’y a qu’un Dieu, qu’un seul Seigneur, de réfuter « ceux qui pensent que le Seigneur », Dieu de justice, «ne peut être bon» (c’est le sujet du beau chapitre I, vin) : il s’attache 34 à montrer que le recours aux procédés pedagogiques que sont la colère, les menaces, la crainte, les châtiments, n’est pas exclusif de la bonté (I. 62, 1 s.; 71, 1 s.). Les chapitres suivants (I, ix-xn) développeront à loisir ces considérations qui avaient une valeur particulièrement convaincante pour ses premiers lecteurs, vue la technique si sévère de l’éducation antique ‘ : Clément pouvait, d’au­ tant mieux défendre les textes les plus rigoureux de l’Ancien Testament en se référant au comportement nor­ mal du père de famille à l’égard de ses enfants que déjà les traducteurs des LXX avaient trouvé tout, naturel de rendre l’hébreu mûsar (« châtiment », « punition » de caractère pédagogique) par le grec ταιοείαPlus encore peut-être que le détail de l’argumentation, c’est l’atmosphère générale dans laquelle s’épanouit l’en1. Cf. la même apparento incertitude dans Γ.4 Diognèle, éd. Mar­ ron, p. 188-195. 2. Le lecteur do Clément aura profit à méditer les sages et pro­ fondes remarques de P. Nautin, Hippolyte, Contre les hérésies, Paris, 1949 (Études cl Textes..., 2), p. 195-204· 3. Il reviendra encore à loisir là-dessus dans les Slromates, TI, VH-V1II. 4. H. I. Marrou, Histoire de l’Éducation, p. 22, 50, 218, 220, 366. /-e Pédagogue. 1. 3 31 INTRODUCTION seignem ent du Pédagogue qui exprime une réaction contre les gnostiques. Au point de départ de tous leurs sys­ tèmes, imprégnant toute leur conception de la vie, on découvre 1 un sombre pessimisme, une hantise de l'omni­ présence du Mal, du Mal conçu « comme un principe actif ayant son existence éternelle autonome, principe hor­ rible 2 » de la matière et de la temporalité : l’amour est un péché et le monde est mal fait ! C’est très expressé­ ment contre ce « pessimisme écœurant » que noire auteur est. amené à proclamer sa foi dans une conception de l’homme lumineuse, souriante, apaisée, en un mot réso­ lument optimiste. L’amour de réciprocité. De façon très profonde, Clément relie la bonté foncière de la pédagogie du Verbe à l’égard de l’humanité (I, 75, 1) à celle qui a mû, et qui soutient l’acte même de la créa­ tion. le lien établi entre ces deux manifestations de l’acti­ vité divine s’exprimant par la doctrine très ferme de l’anthropocentrisme du cosmos, doctrine chère à Clément : il l’a proclamée dès les premières pages du Pédagogue (I, 6,5-7,3) et n’oublie jamais de la rappeler (II, 14, 4; 39, 1) ; doctrine traditionnelle qui appartenait au réper­ toire de l’apologétique juive 3 et chrétienne : Athénagorc, Justin, Théophile d’Antioche 4, d’autres encore 5 l’avaient 1. Car il faut considérer comme vain l'effort dépensé par S. PéTREMEXT pour déduire le dualisme gnostique à partir de la notion de Transcendance, dans son Essai sur le dualisme chez Platon, les Gnosliques et les Manichéens, Paris, 1947. 2. J’emprunte ces expressions à G. Bataille, a Le bas matéria­ lisme de la Gnose d, dans la revue surréaliste Documents, 1930, 1, p. 4. 3. Ainsi : Assomption de Moïse, 1, 12, p. 58 (Charles) Apoc. de Baruch, 14, 18-19 ; IV Esdras, 6, 55, 59. 4. V. le dossier rassemblé par M. Spanxeut, Le Stoïcisme cl les Pères..., p. 380-384. 5. A Diognète, commentaire p. 160-163, 209-211, éd. Marron. SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 35 exploitée avant Clément. Elle trouvait ses racines révé­ lées dans quelques affirmations, rapides mais solennelles, de la Genèse (1. 2(5) et des Psaumes (8, 7 et paraît) et empruntait largement à renseignement de la philosophie grecque et notamment du stoïcisme 123,école où ce thème avait reçu un relief tout particulier. Clément, fonde son optimisme sur celle bonté essentielle du Dieu créateur; il cite et commente le passage fameux de la Sagesse de Salomon. 11, 24-25 (la filiation est di­ recte entre le judaïsme alexandrin et l'école chrétienne d’Alexandrie) : « Oui, lu aimes tous les êtres, et n’as de dégoût, pour rien de ce que lu as fait, car si lu avais haï quelque chose, tu ne l’aurais pas formé. Et comment une chose subsisterait-elle, si tu ne l’avais pas voulue... » En un mol, c’est l’amour de Dieu qui confère, qui conserve l’être à sa créature (I, 62, 3) : partout où repose le regard du Seigneur (et il ne se détourne que du pécheur, du mal introduit par le péché), «c’est la paix et l’allégresse» ,1.7(11;. Pour exprimer celte notion, si fondamentale à la Révé­ lation, de la bonté et de l’amour de Dieu à l’égard de sa créature, et spécialement de l’homme, Clément aime à utiliser la précieuse notion de φιλανθρωπία, si chère elle aussi à la pensée hellénique ’, et en particulier au stoï­ cisme 45(peut-être vaudrait-il mieux dire à la philosophie populaire en général) s ; Clément en cela ne faisait que suivre l’exemple que lui fournissait un verset de 77i., 3, 4 et la voie ouverte par plusieurs des Apologistes, ses pré­ décesseurs, comme Justin 6 ou le mystérieux Auctor ad 1. Épicuriens et sceptiques seuls exceptés, ainsi Cf.t.se, ap. OnicfcxK, C. Cels., IV, 23. 2. J. von Arnim, Stoicorum Veterum Fragmenta, II, n° 528 ; 1152-1167. 3. Elle remonte â Platon lui même : Lois, IV, 713 1) ; ci. CotW., 189 CD. 4. Ainsi Musonius, XVI, p. 90, 12 (Hcnse). 5. Plutarque, De. Pyth. orac., 402; Numa, 4, 4 ; Lucien, Protn.. G. 6. / Apol.. 10, 1 ; Tryplt., 23, 2 ; 47, 5 ; 107, 2. 36 INTRODUCTION Diognetum ’. Φιλανθρωπία. φιλάνθρωπος sont bien, eux aussi, des mots clés du Pédagogue : ils reviennent sans cesse*, appliqués tour à tour à Dieu (I, 30, 2), au Père (III, 24, 1), au Seigneur (I, 64, 3), au Logos (I. 3, 3), et naturellement au divin Pédagogue (ΠΙ, 43, 2 ; cf. I, ni) ; Clément aime à exalter « Γhyperbolique philantropie » de notre Dieu (I, 62, 2) 1 234567. A cet amour de Dieu pour l’homme, celui-ci doit ré­ pondre par un amour réciproque, et de même nature *, ce que le grec dit d’un seul mot, admirable : άνταγαπαν 1 (I, 9, 1 ; pour la même idée, exprimée au moyen d’une image classique, cf. I, 48, 1). D’où le rôle actif, véritable­ ment essentiel, que jouera dans la spiritualité de Clément la notion d’imitation de Dieu. Depuis Platon · la philosophie grecque, et notamment le stoïcisme ’, aimait à définir son idéal moral en parlant de « suivre la Nature, la Raison » : tout naturellement 8, Clément — s’insérant dans une riche tradition chré­ tienne déjà bien amorcée avant lui 9 et qui trouvait sa 1. Λ Diognèle, 8, 7 ; 9, ‘2. 2. Ici encore, pour ne pas accabler le lecteur sous une pluie de références, nous nous contentons de quelques exemples, le renvoyant pour le reste à V Index. 3. Et aussi Protrepl.^ 82, 2 ; Strom., VII, 8, 1. 4. Ceci contre A. Nygkbn dont l’analyse, en ce qui concerne la pensée do Clément, accuse d’avoir de l’amour une conception pure­ ment platonicienne, est particulièrement malheureuse : Æ/w et Agapè, trad, franç., II. 1. p. 134-153. 5. Clément a pu emprunter cc mot, rare, a Philon, De Abr., 50. Pour l’idée, cf. déjà A Diognèle, 10, 3-7 et le commentaire, éd. Mar­ ron, p. 211-216. 6. Lois, IV, 716 A. 7. J. Stelzenheiigeh, Die Beziekungen der friihchristlichen Sittenlehre zur Ethik (1er Stoa, p. 158-162. 8. En vertu de l’ambivalence, volontairement exploitée, du mot λόγο:, Raison et Verbo (cf. ci-dessus, p. 8 et plus loin, p. 46). · 9. V. toujours Stklzenbergeh. p. 165-166 (Justin, / Apol., 2, 1 ; 46, 3, etc.) ; pour Clément, p. 166-170, et pour le développement du thème dans Thistoire ultérieure de la pensée chrétienne, p. 170185 ; Spannegt, p. 250-251. SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 37 justification dans la parole de Γ Évangile, Matth., 19, 21, « ... viens, suis-moi » (citée ici II, 36, 2)1 — nous propose de « suivre » Dieu (III, 12, 4) 23 , le Christ (I, 27, 1), de courir sur ses traces (I, 98, 3), de marcher à son pas JH, 38, 3). Mais plus volontiers encore le Pédagogue aimera à parler d’« imiter », έςομοιοϋσΟχ:, Dieu (I, 99. 1 ; III, 1, 1, 5) et plus précisément le Verbe (I, 99, 1) en tant que celui-ci nous présente l’image parfaite du Père que nous avons à reproduire en notre âme (I, 4, 1-2) ’, disons mieux le Christ (I, 27, 1), notre Pédagogue : Jésus (I, 98, 1). Pour nous, qui sommes des hommes et avons à réaliser la perfection à l’intérieur de cette condition humaine, c'est évidemment le Verbe en tant qu’incarné qui doit nous servir de modèle (I, 9, 4) : il nous vient en aide et comme Homme et comme Dieu (I, 7, 1). Il y a chez Clément — la chose mérite à bon droit d’être soulignée - toute une spiritualité de l’imitation de Jésus. Sans doute, il ne faut pas projeter dans cette doctrine tout ce que la piété de la fin du moyen âge y développera : c’est ainsi qu'il est exceptionnel de voir Clément nous proposer l’imita­ tion de la Croix (III, 85, 3} ‘ ; le Pédagogue nous parle moins de nous crucifier avec lui que de vivre avec lui, comme lui, nous proposant comme modèle à imiter sa façon de vivre, son βίς; (I, 98, 3; cf. 26, 1; 100, 3). C’est là un principe dont notre auteur saura tirer les appli­ cations les plus fécondes, et les plus ingénieuses, sur le plan de la morale pratique (II, 32, 2 ; 38, 1-2 ; 73, 3 ; 77,1). La théologie de l’incarnation lui permet d’étendre au corps même de l’homme la portée du verset fameux de la Genèse, 1, 26 (l’homme fait à l’image et à la ressem­ blance de Dieu) : par un renversement hardi de perspec1. V. aussi Maith., 10. 38 ; 16, 24 ; I Pierre, 2, 21. 2. De mémo : Protrept., 122, 2 ; Strom., VII, 100, 3. 3. Ici, la Seconde Personne «le la Trinité apparaît connue bien distinguée de la Première, à la différence des textes sur lesquels nous avons attiré l’attention ci-dcssus, p 32-33. 4 V. cependant aussi Strom., II, 104, 3. 38 INTRODUCTION tive le corps humain lui apparaît en effet « conforme », σύυ/Λορφος, à celui du Seigneur dont il est comme une « belle image», ίιζών (III. 20, 4-5) — il dira ailleurs le « portrait», la « statue » (άνδριά;) dont nous ne devons pas, par des initiatives perverses, altérer, souiller la magnifique eurythmie (III, 64, 3). Ici, la ressemblance peut apparaître comme déjà don­ née : il n’y aurait qu’à la conserver ; mais c’est là un cas exceptionnel. Normalement la not ion de ressemblance s’in­ sère dans un contexte dynamique : elle est présentée moins comme acquise qu'à conquérir, disons mieux : à recon­ quérir (I, 98, 2). L’homme devient l’image de Dieu (II, 83, 1) : la dialectique de l’amour réciproque nous conduit à la vie parfaite par l’obéissance aux préceptes du Verbe et par l’imitation de ses exemples : c’est alors que s’accom­ plit en nous la ressemblance (I, 9, 1). Clément, et en cela aussi il s’insère dans toute une riche tradition de la Patristique grecque *, aime à distinguer entre image et ressem­ blance — l’image inamissible et la ressemblance altérée par le péché, qu’il faut rccompléler 3 ; dans la prière qui constitue la conclusion en prose du Pédagogue, il s’écrie : « ... Seigneur, donne-nous, à nous qui suivons tes pré­ ceptes, d’accomplir (ϊτληρώσα·.) la ressemblance de ton image » (III, 101, 1). Tout Belfort de la vie chrétienne se déploie à l'intérieur de ce devenir, qui a commencé à se réaliser, subjectivement, à l’instant de la conversion et du baptême, historiquement, à partir de l'incarnation : le Verbe incarné a déjà accompli, le premier, cette pleine restauration de l'homme parfait et c’est sur cet exemple que nous devons nous modeler (I, 98, 2-3) : on retrouve,1 23 1. Au lieu de montrer le Verbe condescendant â revêtir notre condition charnelle, la nature humaine du Christ apparaît comme le type de la notre. 2. V. par ex. M. Lot- Bo nom ne, « L’anthropologie théocentrique de l’Orient chrétien... <· dans Irenikon, 16 (1939), p. 6-21. 3. Cf. Protrept., 120, 4; Strom., II, 131, 6; Voelker, Der wahre Gnostiker..., p. 112-115; 258; 580-585; Spanneut, p. 144, n. 64. SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 39 comme on le voit, le principe spirituel de l’imitation de Jésus. Le point d’aboutissement sera le salut, l’adoption, la divinisation ; ce processus est en voie de réalisation : dès cette vie, dans la mesure où nous imitons la vie du Sei­ gneur. « nous sommes divinisés. έζΟεούμεΟχ » (I. 08, 3) ; et cette divinisation est sanctification ; elle s’accomplit par ce que la théologie et la spiritualité modernes appel­ leront la vie surnaturelle 1 : le chrétien doit assumer le Christ en lui. l’assimiler, et il semble bien que Clément ait ici en vue la pratique des sacrements et notamment de l’eucharistie ( 1, 43, 1). Le Pedagogue revient volontiers sur cette notion féconde de l’inhabitation du Verbe en nous (ainsi IL 81, 4}, principe de l’exercice de la présence de Dieu (I I f, 20,1). Précurseur en cela et de la piété ancienne 2 et de la spiritualité moderne 34 , Clément aime en effet à nous conseiller une telle prise de conscience : nous devons nous habituer à vivre dans la compagnie du Verbe omni­ potent, omniprésent (III, 33, 3). Texte d’autant plus significatif qu’il est une amplification d’un bel aphorisme de Démétrius de Phalère ; la comparaison des deux pas­ sages met en lumière l’inspiration profondément chré­ tienne de la spiritualité du Pédagogue, ce que j’ai appelé son caractère « extatique 1 » : l’irruption de la transcen1. Les textes que nous invoquons ici impliquent beaucoup plus que la simple présence du Logos (entendu alors comme Raison) dans la nature humaine, dont Clément parle ailleurs (ainsi II, 100, 2 : cf. la note ad lac.] 2. CL les rapprochements suggères par W. Vokijceh, Der wahre Gnostiker, p. 178 : saint Basile, Peg. fusius tract., 21 (P. G., 31, 1097 B'| ; saint Jean ClimaQve, Sc. Parad., 6 (P. G., 88, 79GB) ; saint Benoît, Reg. nionach., 7 (premier degré d'humilité) ; 19. 3. Fr. Ι.λι,πεντ de la Résurrection. L'expérience de la présence de Dieu, Paris, 1948, réédition des opuscules édités en 1692 et 1694 par l’abbé de Beaufort : v. aussi R. Verna y, dans Dictionnaire, de. Spiritualité, t. I, c. 1066. 4. c .Morale et spiritualité chrétienne dans le Pédagogue de Clé­ ment d’Alexandrie », dans Studia Patrislica, Berlin, 1957 (Texte. und Untersuchungen, 64], t. 2, p. 544. •10 INTRODUCTION dance divine dans notre vie la plus quotidienne (II, 43, 2) fait éclater le cadre humain, trop humain de la sagesse antique. Le chrétien a le Logos pour hôte, résidant dans le sanc­ tuaire de l’âme (III, 5, 3), à la différence du pécheur qui « est mort à Dieu, abandonne par le Verbe et l'Esprit » (II, 100, 2). Celui en qui habite ce Verbe divin se modèle progressivement sur lui et achevant ainsi de réaliser sa ressemblance « devient dieu, θεό; γίνεται, car telle est la volonté de Dieu » (III, 1, 5). N’insistons pas davantage sur ces principes fondamentaux ; aussi bien un examen plus approfondi exigerait qu’on prenne en considération l’œuvre tout entière de Clément et non plus seulement le Pédagogue. Cela a été fait ailleurs, et très bien fait 1 ; rappelons seulement que cette notion de l'imitation de Dieu plonge ses racines très avant dans la tradition phi­ losophique grecque, platonicienne 8 ou stoïcienne 3. Elle 1. H suffira de renvoyer, pour Clément, à l’excellente analyse que vient do nous donner W. Voblkeii, Dcr wahre Gnosliker..., p. 112114 ; 579-609 ; pour l’histoire du thème de l’imitation dans la pen­ sée chrétienne ancienne : Th. Preïss, «La mystique de l’imitation du Christ et de l’unité chez Ignace d’Antioche » dans Tîepue d'HisL et de Philos. religieuses, 18 (1938}, p. 197-241 (repris dans le recueil posthume La vie en Christ, Neuchâtel-Paris, 1951) ; A. IIbitmann, « Imitatio Christi, die ethische Nachahmung Gotte s nach der VaterIchrcder zwei ersten Jalirhundorto », dans Studia Anselrniana, 10 (1940), p. 68 s. ; H. Merki, Όμοίωσι; Θεω von der platonischcn An· gleiehung art Gotlzur Gotlâhnlichkeit bei Gregor von Nyssa, Fribourg, 1952 (coll. Paradosis, t. 7). Pour le theme de la divinisation : G. W. BvttsrwortHj «The deification of man in Clemc nt of Alexan­ dria η, dans The Journal of theological Studies, 17 (1915-1916), p. 157-169 ; M. Lot-Borodine, « La doctrine de la déification dans Γ Église grecque », dans Hevue de Γ Histoire des Religions, 1932, t. 105, p. 5-43 ; t. 106, p. 525-574 ; 1933, t. 107, p. 8-55 ; M. J. Congar, «La déification dans la tradition spirituelle de l’Orient », La Vie Spirituelle, 43, 1935, Supplément, p. [91]-(107]. 2. Platon, ThécL, 176 AB. Tradition platonicienne et d’abord pythagoricienne. 3. Ainsi : Épictête, II, 14, 12 ; Musonivs, XVII, p. 90, 13-15 (Hcnse). SPIRITUALITÉ ET PENSÉE CHRÉTIENNES 41 trouve son insertion dans Je christianisme grâce à tels versets de saint Paul, cet « imitateur du Christ » (1 Cor., Il, I) : «Oui, cherchez à imiter Dieu comme des enfants bicn-aimés » (Éph., 5, 1 ; cf. 1 Thess., 1,6); Philon déjà avait su relier cet idéal au verset de la Genèse (1, 26) sur l’image et la ressemblance l. Enfin le témoignage des Pères Apostoliques 2 et de la tradition apologétique au 11e siècle 3 montre que la pensée chrétienne n’avait pas attendu Clément pour se saisir de ce thème, promis dans la suite à un si riche développement. Ces quelques indications suffiront au lecteur pour qu’il mesure tout ce que la morale du Pédagogue, telle qu’elle sera détaillée au cours des livres II et III, reçoit comme accent, profondeur et portée de ces perspectives doctri­ nales, particulièrement développées dans ce long préam­ bule que coustitue le livre I. Elles doivent l’encourager à une lecture attentive de ce texte d’accès moins facile qu’il ne semble au premier abord. Au premier contact, la pensée de Clément évoque l’image d’un vol de lucioles ou mouches à feu : des touches brèves, pareilles à cette lueur brillante mais fugace qui s’allume, attire le regard mais s’éteint au moment même où l’attention allait se fixer. Ce caractère pointilliste, indicatif, de l’exposé de Clément, est. bien réel : il correspond à un certain idéal littéraire, à certaines nécessités de propagande auprès d’un public délicat, au stade archaïque aussi de la pensée chrétienne : nous sommes encore proches des débuts, quand tous les problèmes se posent à la fois et exigent une réponse, au moins provisoire. Mais on aurait tori d'en rester là : plus on relit ces pages, mieux on découvre qu’on a affaire, chez Clément, à une pensée fortement structurée, qui, pour se prêter 1. W. Voelker, ForUchrilt und Vollendung bei Philo..., LeipzigBerlin, 1938, coll. Texte und Untersuchungen, t. 57, p. 333, n. 2-4, et le dossier de textes philoniens qu’on y trouvera rassemblés. 2. Ignace îTAxtjoche, Éph., 1, I ; Trail., 1-2 (ces deux textes citent Éph., 5, 1) ; Bom., G, 3. Cf. Marl. Polycarp., 1, 2; 17, 3. 3. Λ Diognèle, 10, 4, commentaire, cd. Marrou, p. 211-216. •12 INTRODUCTION malaisément à une présentation systématique d’ensemble, n'en est pas moins une pensée qui a ses principes, ses lois, sa problématique, sa valeur. Certes, celte pensée porte bien sa date, si ancienne ; nous l’avons montrée fortement enracinée dans les préoc­ cupations polémiques qui étaient celles de son temps ; le lecteur chrétien d’aujourd’hui peut néanmoins communier directement avec elle, car il s’agit d’une pensée authenti­ quement. profondément chrétienne. Il ne faut pas se laisser égarer par l’importance des éléments d’origine païenne qu'elle intègre dans sa const ruction. Clément s’efforce d’ab­ sorber le plus possible de l’héritage de la tradition, et spé­ cialement de la philosophie, classiques. Il en retient tout, ce qui lui paraît pouvoir s’accorder avec la foi chrétienne. Mais c’est le plus souvent, on le verra, en faisant subir à ces thèmes, à ces concepts, une transposition qui les trans- . figure et les imprègne d’un sens et d’un esprit, nouveaux. Il ne s’agit pas chez lui d'une « hellénisation du christia­ nisme », comme on disait, dans l’école de Harnack, conta­ mination d une essence pure, Christentum, par une autre essence qui ne peut s’y mêler sans la corrompre. 11 vau­ drait mieux parler d’une christianisation de l’hellénisme, mais on doit surtout souligner que les deux termes ne se situent pas sur le même plan : l’hellénisme, et dans le cas présent c’est le répertoire, riche mais contradictoire et confus, de la xsrrr, philosophique, appartient au plan de l’humain, nous dirions aujourd’hui de la nature, qui est à soigner, à corriger, à guérir, à sauver ; le christia­ nisme, c’est, dans sa transcendance, la Vérité totale qui prend son bien partout où elle le retrouve, mais qui a toujours h y ajouter. Méditons, avec Clément », la parole de l’Apôtre : « Dans Je Christ, il n’est plus question de Grec ou de .Juif, de Barbare ou de Scythe 2». Comme l’a si bien exprimé le Protrcptique (§ 112, 3), « il n’y a pas de partage dans le Christ total... : il est l'homme nouveau, remodelé dans le saint esprit de Dieu ». t. Ici : I, 31, 1-2 ; Simm., IV, 65. 4 ; V. 30, \. 2. Col., 3, 11 et pareil. {Gai., 3. 28 ; / Cor., 12, 13}. III. La morale. Le contenu des livres II et III. Des principes généraux de spiritualité, on passe tout naturellement à leur application et au domaine concret de la morale. Réciproquement aussi d’ailleurs : répétons-le, la distinction n’est pas toujours bien tranchée et connue le montrent les nombreuses références aux livres II-III que nous avons déjà faites, il arrive souvent que notre auteur soit, amené à rappeler ceux-là au cours de l’exposé de celle-ci. Cependant, en gros, l’opposition est bien sensible entre le premier livre, qui pose, et justifie, les fondements de la pédagogie du Logos à l’égard des enfants que nous sommes, et les deux suivants, consacrés à analyser le régime de vie que l’enseignement du divin Pédagogue prescrit aux chrétiens. Il y a là plus qu’un contraste : ce sont deux aspects bien différents du meme objet. Le livre 1 (1, 2 ; 3, I...) nous promettait la guérison des passions, mais dans les livres II et III il sera moins question, pourrait-on dire, de thérapeutique que de phar­ macopée : ce ne sont plus que conseils d’ordre tout pra­ tique, devoirs concrets, mais le lecteur d’aujourd’hui ne peut s’en plaindre car ces deux livres abondent en détails pittoresques et révélateurs et constituent, la partie la plus immédiatement intéressante de l’œuvre. Il est difficile d’en donner une analyse à la fois brève et complète car Clément ne s’astreint pas facilement à un plan rigoureux, et ici moins que jamais. On perçoit bien qu’il suit un schéma d’ensemble : CCS deux livres nous dessinent un tableau qui pourrait, s’intituler, comme tel de nos vieux manuels de piété, Journée du chrétien. L’exposé commence par le repas du soir, le principal, le seul vrai repas de l’homme antique : d’où (II, ch. i) ces 44 INTRODUCTION conseils sur l’art de manger, puis (II, n) de boire ; on passe de là au luxe de la vaisselle et du mobilier (II, ni), à la bonne tenue qu’il convient de garder pendant le symposion qui suit le repas proprement dit (II, iv-vn) ; au ch. vin, nous sommes toujours dans le cadre du festin : il s’agit de l’usage des couronnes, des fleurs et des par­ fums. Le chapitre suivant (II, ix) nous transporte dans la chambre à coucher : règles pour le sommeil ; assez natu­ rellement on passe de là à la morale sexuelle. Nos manus­ crits présentent ici un énorme chapitre x, qu'il convient de scinder en deux parties : la première seule (II, 83,1102,1) correspond au titre, expressif, περί παγοποιίας, « De la procréation des enfants », qui résume bien en effet la morale de Clément sur le sujet. La seconde (II, 102,2115,5) mérite d’être considérée comme un chapitre à part (nous proposons de le numéroter x bis) : il nous reporte au lever, le matin, et se consacre à la critique du luxe en matière de vêtement, sujet qui se poursuit dans les chapitres sur lesquels s’achève le livre II : xi (la chaussure), xn (les bijoux). Le ch. i (livre III) interrompt ce développement par un exposé sur la beauté spirituelle, destiné à fournir une introduction au 1. III, mais on le reprend avec les ch. n (satire de la femme coquette) et in (qui s’en prend à la coquetterie masculine et spéciale­ ment à l’épilation, liée, dans la pensée de Clément, à la pédérastie). La toilette enfin terminée, on passe, scmblct-il, aux occupations de la journée: III, iv, contre l'abus des domestiques et des animaux familiers ; v et ix sur les bains (l’usage, à l’époque romaine, voulait qu’on aille aux thermes vers la fin de l’après-midi) : du bain nous passons aux exercices physiques (III, x), qui y étaient associés. Mais le plan est. devenu confus : entre les deux cha­ pitres sur les thermes s’en sont intercalés trois de caractère plus général : III, vi (le chrétien seul est riche), vu (contre le luxe), vin (exemples tirés des littératures classique et biblique). L’œuvre s’achève par deux cha­ pitres de récapitulation — qui paraissent correspondre à deux conclusions successives : le second, xn, pourrait LA MORALE 45 bien avoir été ajouté après coup ’ — qui donnent à l’au­ teur (surtout dans le ch. xi) l’occasion de revenir sur les sujets traités dans l’exposé précédent et d’y apporter d’utiles compléments : c’est ainsi que la critique des spectacles, qui joue un si grand rôle dans la littérature, apologétique ou morale, des premiers siècles chrétiens, n’est abordée qu’au cours de celle récapitulation (III, 76, 3 s.). En supplément, le bel et justement célèbre Hymne des enfants au. Christ-Sauveur reprend, sur un ton lyrique, le thème central du livre I. Si rapide qu’il soit, ce seul résumé suilil à faire entrevoir la liberté de ce développement ; mais seule une lecture attentive, et plus d’une lecture, de ces chapitres mêmes permettent d’apprécier l’extraordinaire complexité de l’exposé : Clément abandonne et reprend son sujet, pro­ file de toute occasion pour s’offrir considérations margi­ nales, excursus 12, anticipations, allusions ou rappels. Ne nous hâtons pas. comme on l’a fait trop souvent 3, de l’accuser de maladresse ou d’impuissance. Ne parlons pas de défauts, là où il s’agit d’un goût particulier dont l’au­ teur était parfaitement conscient : que de fois il reconnaît avoir laissé flotter ses rênes (III, 26, 1), s’être engagé dans une voie latérale (III, 46, I), se répéter complai­ samment (III, 53, 4; 64, 1...) : encore une fois4, les Anciens ne sc faisaient pas de la composition le même idéal que nous, ou du moins que nos professeurs ! Souvent, chez eux, un beau désordre est un effet de l’art : ce que nous appelons confus devait leur apparaître aisé, coulant, 1. La tradition manuscrite conserve des traces d’un premier état, uu d'une première édition qui arrêtait le Pédagogue à la fin du cli. xi (livre III) : v. note, ad loc. 2. Nous relèverons meme des digressions à double détente : cf. III. 46. 1. 3. Ainsi A. Puech, Hist. de la littér, grecque chrét., t. 11, p. 356 (conclusion de son ch. sur Clément). 4. A la suite de E. Albertini, La composition dans les ouvrages philosophiques de Sénèque, Paris, 1923, p. 299-318, nous avons sou­ vent insisté sur ce point : II. I. Marrou, Saint Augustin et la fin de la culture antique.... p. 74-76 ; Retractatio, p. 665 s. 46 INTRODUCTION d'un ton de bonne compagnie, évitant à dessein la rigueur pédantesque... Une morale philosophique. Il n’est, pas question, ici, d’étudier en détail cel le morale : ce doit être la tâche du lecteur, aidé par le commentaire que nous lui fournirons. On voudrait seulement dégager les caractères les plus généraux que présente cet ensei­ gnement et, par là, en préciser la signification et l’intérêt. La morale que Clément nous enseigne au nom du divin Pédagogue apparaît d’abord comme une morale ration­ nelle ; ce caractère est si nettement affirmé qu’il peut, au moins à première lecture, s’imposer comme dominant ; ne nous hâtons pas cependant de juger cette morale plus philosophique que religieuse ou chrétienne. Il est néces­ saire ici d’accorder un instant de réflexion à l'idée que noire auteur se fait de la raison humaine et aux relations qu’il établit, sur divers plans, entre clic el Dieu, source de toute vérité. Nous avons déjà signalé ’ l’amphibologie féconde entre­ tenue par Clément autour du mot AOTOC — l’onciale ne l’obligeait pas comme nous à choisir cuire majuscule et minuscule pour le lambda initial — à la fois « raison » et « Verbe - ». Humaine, la faculté raisonnable est cepen­ dant marquée par son origine divine ; c’est à elle que s’ap­ plique proprement 3 la parole de Γ Ecriture : « A l'image et à la ressemblance de Dieu », de Dieu, disons mieux du Logos, Verbe divin, Raison incréée. Cette doctrine s’est exprimée avec clarté dans le Protreptique, 98, 4 : « Image de Dieu est son Logos (et ce Logos divin est vraiment 1. Ci-dessus, p. 8, et 36, n. 8. 2. C. Monoéseut, o Vocabulaire de Clément d’Alexandrie : le mot λογιχός », dans Recherches de Science Religieuse, t. 42 (1954), ( p. 258-265. 3. Quoi qu’il en soit de l’extension que nous avons signalée, cou- < cernant le corps même de l’homme et du Verbe incarné : ci-dessus, p. 32, 37-38. ί.Λ MORALE 47 Fils de Dieu *, Lumière archétype de lumière) ; image du Logos, ce qu’il y a de plus vrai dans l’homme, l’esprit 1 23* qui est. en lui, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, qui s’assimile par son intelligence (φρόντ)σις) au Logos divin et qui par là est λογικές », ·.·. logique », raisonnable, rationnel, et en même temps comme issu du Verbe, par­ ticipant à lui. Doctrine fondamentale chez Clément : elle sera reprise dans les Stromates 3 et le Pédagogue ne cesse de s’y référer, lui qui célèbre la « parenté » de la raison avec Dieu, suγγενής λογισμός (I, 1, 3). Emporté par son optimisme la polémique ant.ignostique l'amenant par ailleurs à insister avant tout sur la Bonté agissante de Dieu à l’égard de l’homme — Clément se montre beaucoup plus préoccupé d’exalter celle parti­ cipation de la pensée humaine à la Pensée divine quo d’en préciser les limites, d’en distinguer les modalités Ce n’est pas chez lui que le théologien trouvera formulée avec rigueur et précision la distinction entre connaissance naturelle et révélation 56, ni dans celle-ci le progrès qui se réalise de ΓAncien au Nouveau Testament “. Mieux encore, il ne peut croire (pie la philanthropie divine ail laissé sans secours toute l'humanité pré-chré­ 1. Littéralement 5î, terme d'origine platoni­ cienne (dans son éclectisme, il utilise ailleurs stoïcien) peur désigner la partie supérieure de l’àmc, l’usage supérieur de la raison, celui qui sert à connaître Dieu : CÎ. Voelker, Der wahre Gnostiker..., p. 110. 3. Slrorn., 11, 102, 6; Vof.lkeb, p. 110-412. Ce qu’on peut trouver de plus net à ce sujet, dans le Péda­ gogue, est la phrase obscure et embarrassée sur laquelle s'achève le livre 1. $ 103, 2 : v. la note ad loc. 5. P. Th. Camelot, Foi et Gnose.... p. 38. Le même théologien estimera Clément en retrait par rapport au développement doctri­ nal amorcé par Jvstin, II ΛμοΙ.. 13, 6, et saint. Ihémïi■, Ado. haer., II, ô, 5, Harvey ; etc. Camelot, ibid., η. 1, renvoie aussi à Tertvli.iEN, Ado. .Marc., I. 18. 6. V. ci-dessus, p. 18, 29. 48 INTRODUCTION tienne, en dehors du peuple élu. Son optimisme n’est pas, il s’en faut, entaché de ce que nous appelons naturalisme : Clément est très sensible au contraire à la faiblesse qui serait celle de l’homme s’il était abandonné à ses seules forces ; il a des accents presque augustiniens pour souli­ gner que la raison est toujours menacée de se fourvoyer si elle ne se laisse guider par le Verbe-pédagogue (III, 14, 1). Dès lors tout ce que l'homme a pu réaliser de bon, et particulièrement tout ce qui chez les païens — philosophes, législateurs et poètes — a été pensé de conforme à ce que la pleine lumière de la foi chrétienne nous apprend être la vérité, tout cela est dû à l’action et à la présence du Logos, sans que Clément discerne clairement entre connaturalit.c de la raison divine et humaine ou intervention providentielle. « Homère prophétise sans le savoir » (I, , 36,1) « Platon s’exprime en disciple du Verbe « (I, 82, 3), « la poésie elle aussi est inspirée » (II, 28, 2) x. Clément a d’autant moins de difficulté à l’admettre qu’il croit cette dépendance établie historiquement : à la suite de Philon123 et des Apologistes ’, il affirme que Platon, par exemple, est κατ’ εξοχήν, le disciple de Moïse (I, 67, 1 ; II, 90, 4; 91, 1 ; 100, 4 ; etc.)4 et des prophètes (David : II, 18, 2 ; Jéré­ mie : 11, 89, 2) ; il n’hésite pas à étendre la même hypothèse à Pindare (HI, 72, I), sinon même à Sophocle (II, 24, 3). 1. Clément dit plus vaguement «aidée» : il ne faudrait pas, en effet, trop appuyer (v. les utiles précisions que F. Quatf.mbrr a apportées sur ce point délicat : Die chrMiche Lebenshaltung..., p. 71) : Clément ne va jamais jusqu’il dire que Dieu parle par la bouche de Platon et ne place pas le ·: secours o accordé aux auteurs païens sur le meme plan que l’inspiration des Écritures. D’autre part mais est-il besoin de le rappeler ? — Clément sait aussi prendre ses distances vis-à-vis de la philosophie grecque, et de ses erreurs (ainsi : I, 93, 2). 2. Dont il invoque formellement l’autorité sur ce point, avec celle d’AristobnIe, autre Juif alexandrin, dans les Stromales, I, 72, 4. 3. Justin, l Apol., 46, 2-3; II Apol.t 10, 2-8; Tryph.> 2, 1 ; Athénagore, Leg., 7. 4. V. là-dessus, F. Quatemder. op. cil., p. 70-72, et plus géné­ ralement E. Molland, The Conception of the Gospel.,p. 47-69. LA MORALE 49 D’où 1 le parti, si souvent suivi dans le Pédagogue qu’on peut parler d’un système : pour appuyer ses con­ seils de morale pratique, Clément juxtapose l’autorité des classiques grecs et celle de l’Écriturc. Prenons comme exemple le cas majeur : le dernier chapitre de conclusion (III, xix) se présente comme un montage, relativement bien ordonné, de textes bibliques, résumant, et confir­ mant l’enseignement qui vient d’être donné dans les deux livres précédents ; même dans ce dossier, il trouve moyen de commencer par invoquer Aristote (III, 84, 1) et le poète tragique Apollonidès (§ 84, 2) ; il citera plus loin Chrysippe {§ 85, 4), Pindare (§ 92, 4), Ménandre (§ 92, 4 ; 93, 3)... Souvent les textes, alternés, se succèdent : tour à tour (’Ecriture vient ratifier l’enseignement des philo­ sophes, ou bien ceux-ci servent à appuyer les prescrip­ tions des livres sacrés : ainsi, pour le régime alimentaire du chrétien, le menu tiré de Musonius, et Platon, se voit appuyé de l’exemple donné par Jésus ressuscité (II, 15, 1-2) ; ailleurs le médecin Artorios et les Lois pla­ toniciennes se voient confirmés par le Siracide (II, 23, 1-3). Inversement, nous passons de saint Paul aux pythago­ riciens (II, 11, 1), d’une exégèse christologique à l’exemple inattendu d’Aristippe de Cyrène (II, 63,5-64,1). D’autres fois, Clément compile un double dossier et nous présente successivement, ainsi à propos de la simplicité vestimen­ taire, une série d’autorités scripturaires (II, 102,3-105, 1) à laquelle fait suite une liste d* exempla empruntés à la tradition historique (II, 105, 2 s.) ; ou, inversement, contre la coquetterie féminine, d’abord une satire d’ins­ piration classique (III, 4,1-8,3), ensuite (III, 9, 3 s.) les versets bibliques (la charnière est bien marquée en TII, . 9,1) Il suffira au lecteur de feuilleter quelques pages de ces livres II-III pour constater la fréquence et l’étendue de ce recours à la « sagesse du monde u (III, 9, t), que Clé­ ment nous invite « à ne pas négliger » (III, 84, 2) : tout 1. Ce n’est pas le seul motif de ce comportement : cf. plus loin, p. 72. Le Pédagogue. 1. 4 50 INTRODUCTION y passe J, Homère et les poètes, la tragédie et surtout les comiques, précieux aux yeux du moraliste pour le tableau satirique qu’ils fournissent des débordements humains, historiens et polygraphes pour leurs exempla, et enfin les philosophes, parmi lesquels Clément cite avec prédilec­ tion son cher Platon 12, « le philosophe le plus épris de vérité » (II, 18, 1). « excellent en tout » (III, 54, 2). Non qu’il faille faire de lui un platonicien 3 : il reflète le vague éclectisme de la culture commune de son temps cl trouve à utiliser l’apport de toutes les écoles : même le méchant Épicure 45 6, et jusqu’à ce dissolu Aristippe 4 sont appelés à témoigner. Mais, comme on l’a souvent remarqué chez, les Anciens, les auteurs le plus souvent cités ne sont pas, nécessaire­ ment, ceux qui sont, en fait, le plus profondément uti­ lisés *. Nous ne relevons qu’un petit nombre de références for­ melles au stoïcisme 7 ; c’est à lui pourtant, bien plus encore qu’au platonisme, que Clément est redevable 89, comme l’ont bien établi les beaux travaux de Slelzcnberger · 1. Nous reprendrons l'inventaire de la culture classique de Clé­ ment, p. 71 s. 2. Le nom de Platon est cité quatorze fois, son œuvre est utilisée plus de cent fois dans l'ensemble du Pédagogue. 3. Comme lui-même fait, avec simplicité, de Philon, un pytha­ goricien : Slront., I, 72, 4 : H, 100, 3. 4. Mis en œuvre près de dix fois, une seule fois pour le critiquer: III, 37, 2. 5. Nommément cité deux fois. 6. On pourra faire la même remarque à propos de Philon : cidessous, p. 68, ad n. 5. 7. Deux fois le nom même des « stoïciens », une fois celui de Zénon. 8. Nous relèverons plus de cent trente références. Il faut cependant tenir compte du fait que von Arnim a purement cl simplement attribué i\ Chrvsippe tels passages de Clément qui lui ont paru rendre un son stoïcien : ainsi I, 8, 1 ; 63, 1-3 ; 101, 1 ; 101, 2 ; II, 90, 2 ; 128, 1 ; III, 55, 2 ; 58, 3 ; 85, 4. 9. J. STcr.zENni-KGEU, Die Beziehungen der Irühcliristliehen SiUenlehrc SW Ethik der Stoa, Munich, 1933. LA MORALE 51 et de Spanneut 12 et on ne peut s’en étonner : Clément a formé sa pensée au temps où, avec Epictète et Marc* Aurclc, le stoïcisme — destiné â bientôt s’effacer devant le néoplatonisme était arrivé à l’apogée de sa popu­ larité, imprégnait le Zeitgeist, exerçait une influence mul­ tiforme et profonde sur toute la culture et la pensée, sans excepter la pensée chrétienne. Cette influence trouvait tout naturellement à s’exercer dans un ouvrage comme le Pédagogue, puisque celui-ci était consacré à cette morale pratique, domaine du « conve­ nable » du « devoir » (zaOfJzcv), ces ébauches de l’« action droite » (το χατορβούμκνον) (I, 102, 2), où la pensée stoïcienne s’était exercée avec prédilection, sur­ tout le stoïcisme tardif d’époque impériale. Directe ou indirecte -, l'influence stoïcienne apparaît partout dans le Pédagogue ; parmi les sources de Clément il en est une qu’il faut souligner, et cela d’autant plus que notre Alexandrin s’est ingénié à camoufler l’usage qu’il en fai­ sait 3 : il s'agit du chevalier romain C. Musonius Rufus, le maître d’Epictète 4. Nous ne possédons que des débris 1. M. Spanneut, Le Stoïcisme cl les Peres de ΓÉglise, de Clément de Rome à Clément d'Alexandrie, Paris, 1957 (coll. Patristica Sorbonensia, 1). 2. C'est, plus d’une fois, Pbilou qui a servi de relais : ainsi 1,8, 3 ; 64, 1 ; 97, 3... 3. Là même où il le reproduit verbatim, Clément recompose son exposé de façon originale, comme s’il voulait brouiller sa piste ; ainsi II, 11. 1 et 4 vient «le Musonius, XVIII IJ. dans l'ordre (pages de l’éd. llenscj : 95 (lignes 10-11, 13-14) - 100 (1. 2-4) + 99 (I. 15) 4- 100 (I. 1) + 99 (1. 13-14). Pareillement. Π, m vientdc Mus., XX, p. 110-111, mais dans l'ordre : 110 (5-6) -(- 111 (2-3) 110 (1-2) 4111 (6-8) -r 110 (3-5) - 110 (9-12) |- ill (1-2) + 111 (8-10). Co qui condamne les tentatives faites pour énueléer du Pédagogue d'autres pages de Musonius, de P. WendlanO, Quaestiones Musonia/iae, dise. Berlin, 1886, p. 63-66, et, à sa suite, plus hardiment encore, de Ch. PaRKEk. ·■ Musonius in Clement s, Harvard Studies in Classical Philology, 12, 1901, p. 191-200. 4. Cf. l'cd. d'O. lïr.Nsii, C. Musonius Hujus, Reliquiae, Leipzig, Teubner, 1905 ; C. E. Lcrz,« Musonius Rufus, the Roman Socrates », Yale Classical Studies, 10, 1947, p. 3-147. 52 INTRODUCTION de son œuvre : les extraits de ses « diatribes » confé­ rences ou sermons populaires — compilés par Jean de Stobi ; ils suffisent à montrer combien Clément s’en est inspiré 1 ; le Pédagogue traite les mêmes sujets, dans le même esprit, et souvent en se servant des mêmes expres­ sions que les Diatribes de Musonius : 1II-IV : Que les femmes sont appelées comme les hommes à la philosophie et à la culture (= ici 1, iv ; cf. III, 49, 2-4). XII-XIII : Sur la morale sexuelle et la lin du mariage (= ici II, x). XIV : Que le mariage n’est pas un empêchement pour philosopher (cf. H, 109, 4 ; III, 38, 3). XVI II : Sur la nourriture (= II, i-n). XIX : Sur le vêtement (= II, x 6ts-xi). XX : Sur la vaisselle et le mobilier {II, m ; cf. II, 115, 5). XXI : Sur les soins à donner à la chevelure (= III, ni ; cf. III, 61, 1). Une morale rationnelle. Morale, donc, rationnelle : ce régime de vie chrétienne, βίος yçvnwibi (II, 1, 1), dont Clément va régler les modalités concrètes, sera régi par la stricte finalité de chacun de nos actes. Pour commencer (on se souvient que la nourriture fait l’objet du ch. i du livre II), le divin Pédagogue reprend à son compte le vieil adage : « Il faut manger pour vivre et non vivre pour manger » (II, 1,4); toutes les prescriptions alimentaires vont être déduites de ce principe simple. De même pour la boisson : le vin ? h i · I | 1. Quarante-cinq rapprochements. Les parallèles textuels ont été < établis par P. Wendland, Quaestiones Musonianae, pass.; Philo * tend die kynisch-stoiscJte Diatrib, Berlin» 1895, Anhang, p. 68-73 ; O. Hsnsb, dans l’apparat de son édition, et enfin M. Spanneut, 1 op. cit., p. 107-111. Cf. notre article Diatribe, II. christlich, dans j| Th. Klausek, Reallexikon fur Antike und Christentum, I. III, £· 997-1 1009. LA MORALE 53 Λ quoi bon, c’est l’eau qui désaltère (II, 19, 2). La vais­ selle ? Pas de luxe inutile ! Clément développe à ce propos des considérations qui font penser à notre « esthétique fonctionnelle » : laboure-t-on avec une charrue en or ? Un couteau ne tranchera pas mieux pour avoir un manche orné d’argent ou d’ivoire ; un bassin de terre cuite rendra les mêmes services que s’il était en or (II, 37, 1-3). L’uti­ lité apparaît, comme la règle h suivre en tous les cas (II, 37, 1; 68, 1; 121 1...). Il faut condamner le luxe des vêtements comme celui de la table (II, 102, 2) : on s’habille (II, 106, 3), on se chausse (II, 116, 2) dans le seul but de protéger le corps, accessoirement aussi par pudeur (et spécialement pour la femme : II, 33, 4 ; 117, 1). Toute recherche qui va audelà doit être proscrite : en quoi une étoffe teinte ou fleurie peut-elle mieux couvrir (II, 108, 1 ; 109, 1) ? Le luxe à la Trimalcion n’ajoute rien à l’efficacité du bain : les pauvres ne se lavent pas moins bien (III, 31, 2)... Toute la morale sexuelle sera rigoureusement déduite du principe énoncé au seuil même du grand chapitre x (liv. II) consacré à ce sujet : les époux s’unissent liber­ orum procreandorum causa (11,83,1) : tout ce qui s’écarte de celte finalité essentielle est sévèrement condamné. C’est dans ce domaine que trouve en particulier à s’exercer le grand principe stoïcien : « suivre la nature » (II, 87, 3 ; 90, 4 ; 95, 3 ; 96, 1 ; III, 23, 1). C’est pareillement au nom de la nature que sera bannie toute coquetterie, féminine ou masculine ; d’où ces comparaisons étranges : les animaux sont fiers de leur beauté (III, 11, 1), la femme doit être iière de sa chevelure, l’homme de sa barbe, comme le cheval de sa crinière, le lion de son pelage, le coq de sa crête (III, 18, 1-2; 19, 1-3). Il faut repousser tout ce qui altère la nature : c’est de la tromperie, du mensonge (II, 104, I) ; autant qu’à l’utililité, la teinture des étoffes est contraire à la vérité (II, 108, 1 : 122, 1) : que l’art—l’artificiel — ne s’oppose pas à la nature, ni la tromperie à la vérité (II, 127, 3). Plus d’une fois le lecteur sera porté à estimer que cette morale rationnelle ne l'est que trop : comme tant d’autres 54 INTRODUCTION moralistes avant. 12et après lui, le bon Clément s’ingénie souvent à appuyer ses conseils de trop bonnes raisons. Blâmant le luxe des coupes d’or ou d’argent, il remarque que le métal, bon conducteur de la chaleur, devient brû­ lant quand on y verse des boissons chaudes (II, 35, 1). Pourquoi cueillir les Heurs, si belles à contempler dans les jardins, pour s’en faire des couronnes ? D’abord c’est nocif pour les cheveux ; ensuite, posées sur la tête, ni les yeux ne peuvent les voir, ni le nez les fleurer (II, 70, 1-4) ! Et que dire des lits de plume ? On s’y enfonce, le corps ne peut s’y retourner, la digestion se fait mal ; vive le lit plat et dur, « gymnase naturel du sommeil » (II, 77, 2-3) ! On pourrait multiplier les exemples, parfois cho­ quants », d’autres fois bien naïfs, ainsi quand nous voyons l’économie domestique appelée à l’appui de l’austérité : la teinture, qui d’ailleurs se ternit à la longue, est une cause d’usure pour les étoffes (II, 111, 1), la femme coquette gaspille l’argent du ménage, ne se soucie pas de sa maison, perd son temps, etc. (III. 5,4-6,4). Mais ce ne sont là que des bavures, sur lesquelles on aurait tort de trop s’arrêter. On s’étonnera peut-être aussi de voir Clément passer si facilement de la morale proprement dite aux simples conseils de bienséance, au savoir-vivre, à la civilité puérile et honnête : ne pas manger trop vite, ni salement, ne pas parler la bouche pleine (II, 13, 1-2 ; 55, 2) ; boire sans avidité ni grimaces (II, 31, 1-3; 33, 1-2); comment roter, cracher, éternuer, se curer les dents (II, 33, 4 ; 60, 1-4) ; comment se comporter dans la rue (III, 68, 1, etc.) : mais à travers ces menues prescriptions, c’est tout un idéal rationnel que récupère Clément, tout le vieil idéal humaniste de la vieille culture hellénique, l’idéal « civilisé » 1. Bon nombre de ces naïvetés, trop ingénieuses, se lisent déjà chez Musonius. 2. Dans son zèle à réprouver les excès dans la vie conjugale, il en vient à user d'étranges arguments : n l.’étrcinte retardée se fait plus désirable» (H, 97, 1), ■> La satiété nuit à l’amour:· |ll. 97. 3}, qui contrastent avec le rigorisme professé dans le contexte. J.A MORALE 55 (HI, 37, 1 : le mot αστείος est bien significatif)12 . Idéal esthétique, fait de distinction, de goût, de bonne tenue, το εύσχημον (H, L3, ’ > 31, ' » III, 35, 3)*· La note aris­ tocratique y est fortement appuyée : il faut éviter tout ce qui est vulgaire, « mal né », άγεννής (HI, 15,1-16,2), se comporter en hommes libres et non en esclaves (111, 7. 1) 3456; cela aussi était bien dans la tradition : Chrysippe ne parlait pas autrement et Clément en lire parti à l’occa­ sion (III, 53,8) ; rechercher la « noblesse » de vie, σεμνότης (III, 84, 1 ; hymn., v. 39) \ ne pas être « mal élevé », fuir Γάζαιϊενσία (II, 60, 2 ; III. 31, 2). Qu’il est caracté­ ristique ce ch. v (liv. H), « sur le rire »! On évitera la grosse rigolade, la bouffonnerie grossière, pour savoir plaisanter avec grâce (II, 45, 4) et sourire (II, 46,3-47,3), car il faut savoir relâcher — sans excès — la corde trop tendue et donner la note juste (I I, 46, 2)... Oui, c’est tout l’admirable idéal de la sagesse hellé­ nique qui réapparaît ici, cet idéal fait d’équilibre, d’har­ monie (Π, 1. 1), δίαιτα εμμελής (III, 51, 2), de mesure en toute chose (II, 11, 3-4 ; III, 51, 2) s, d exacte pro­ portion (II, 1, 2), de συμμετρία (III, 47, 2), prescrivant un juste milieu (III, 34, 1), et que résume la notion cen­ trale de « maîtrise de soi », s’il est permis de risquer cet équivalent de l’intraduisible σωφροσύνη, être σώφρων (I, 1, 4...) ·. Comment la pédagogie chrétienne aurait-elle pu 1. Il revient plusieurs fois : nous rappelons de nouveau au lecteur que cette Introduction se contento de signaler par quelques exemples les termes caractéristiques du vocabulaire technique de Clément et qu’il trouvera le relevé complet de chacun de ces termes dans ΓIndex qui suivra le I. III. 2. L'idée est représentée vingt-cinq fois par les mots de la famille ίύσ/ηροσύνη ou leurs contraires en a-. 3. Mots du groupe iXcôGcco; (ou à·/-) : 14 (ces calculs ne peuvent être qu'approximatifs et sont invoques simplement pour fixer un ordre de grandeur). 4. La notion revient vingt-huit fois. 5. Μίτραν cl apparentés (contraires compris} : une vingtaine d’exemples. 6. Ces mots reviennent dans les quatre-vingts fois ! 56 INTRODUCTION dédaigner cette sagesse, cet « art de vivre », τέχνη βίον (II, 25, 3), qui unissait, une aspiration, authentique et très noble, vers la perfect ion à la connaissance appro­ fondie des possibilités de la nature humaine, de ses res­ sources et de ses limites. « En quittant sa tunique, ne pas se dépouiller de la pudeur » : cela s’était répété d’Hérodote à Plutarque, mais le mot n’en était pas moins précieux à recueillir (II, 100, 3; III, 33, 1)! Comment ne pas apprécier la portée d’un conseil comme celui-ci, que reprendra saint Augustin 1 : « Quand on fait tout ce qui est permis, on est bien vite entraîné à faire ce qui ne l’est pas » (II, 14, 3). N’est-ce pas là la motivation la plus profonde et la plus juste qu’on puisse donner de l’ascétisme chrétien ? Cette ligne de pensée était, pour Clément, jalonnée de toutes les constructions élevées par ses prédécesseurs, les philosophes grecs ; avec eux, il nous invite à rejeter démesure, «6stç 2, et mollesse (cette τρυφή qui perd les hommes et les civilisations) 3 (II, 71, 2...) et prêche un idéal de vie fait de simplicité (άφέλεια) 4, de frug> lilé (ευτέλεια) (III, 37, 1) 56: sc suffire, ne dépendre de per­ sonne (la vieille notion d’a-ύτάρχειχ) (II, 7, 3) Faisant son miel de toute ileur, Clément n’hésite pas à emprunter à Epicure l’idée que le nécessaire — et le suffisant — est à la portée de tous (II, 14, 5...), et jusqu’à sa définition meme du but de l’existence, 1’άταραξία (II, 58, 3), comme il emprunte au stoïcisme un de ses paradoxes pour le transposer sous la forme : le chrétien seul est riche (II, vi), puisqu’il est à la poursuite des seuls vrais biens, spi­ rituels, comme de la vraie beauté (III, i). 1. De utilitate iciunii, 5 (6| : a Qui enim a nullis refrenat licitis uicinus est illicitis. » Cf. Senn. 207, 2. 2. Dix-sept fois. 3. Plus do cinquante fois, mais, cumme on le soulignera à l’oc­ casion, le mot est pris parfois en bonne part : ainsi I, 75, 3, n. '» ; II, 71,1, n. ad. loc. 4. V. plus haut, à propos de l'esprit d’enfance, p. 26. 5. Une vingtaine d’exemples. 6. Une quinzaine. LA MORALE 57 Une morale évangélique. Tout cela ne va pas sans quelques excès ou maladresses : ainsi dans son grand exposé contre le luxe du vêtement, Clément, après avoir vanté l’extrême simplicité de JeanBaptiste ou de Jérémie, passe en quelque sorte à la limite, en vient presque à faire l’éloge de la nudité (II, 113, 1). On peut estimer aussi que dans son chapitre x (liv. II), la morale sexuelle est trop systématiquement ramenée à la seule considération de la « fin primaire n du mariage, la génération. Tout cela reconnu et tout bien pesé, il faut pourtant convenir que cette morale du Pédagogue est bien une morale religieuse, une morale chrétienne, profondé­ ment imprégnée par l'esprit de l’Évangilc. Il ne suffirait pas, pour l’établir, d’insister 1 sur la pré­ pondérance matérielle, qui est évidente, des citations bibliques, rappels des textes législatifs ou sapientiaux de l’Ancien Testament, des versets parénétiques du Corpus paulinien et bien entendu de l’Évangilc, tout entier, his­ toire et prédication de Jésus, il ne suffirait pas non plus de souligner combien Clément appuie sur tous les points où la morale chrétienne exige autre chose, ou davantage, que celle des païens : nous le voyons, avec tous les Apolo­ gistes, protester contre l’exposition des enfants ( 1 il, 21, 5), condamner les spectacles, impudiques ou cruels (III. 76, 3), nous rappeler que la pureté commence au langage (II, 51, 2), au regard (III, 82. 5 s.), à la « garde du cœur » (11, 66, 3). Mais il n’y a pas seulement juxtaposition des deux sa­ gesses, chrétienne et « mondaine » ; il y a pénétration intime (qu’il est caractéristique de lire — il s’agit des pro­ pos obscènes — : « que c’est commun, païen, mal élevé ! » La note chrétienne vient s’insérer entre deux touches classiques : II, 49, I). La morale grecque, philosophique, 1. Car, en dépit, de nombreuses références scripturaires, tel développement peut rester d’esprit plus particulièrement philosophique : v. par ex. III, 9, 1, note. 58 INTRODUCTION rationnelle, est assumée dans une synthèse à la fois plus riche et plus profonde. Revenons sur l’un des chapitres qui, dans leur raideur un peu simpliste, peuvent paraître, à première lecture, les moins satisfaisants, celui, déjà mentionné, sur le devoir conjugal (II, x). Cette morale sexuelle, en apparence si naturaliste, se rattache pour­ tant, dans son principe et dans son acte, à une inspira­ tion authentiquement religieuse : en procréant, les époux obéissent au commandement divin : « Croissez et multi­ pliez » (H, 95, 2) et — l’idée est très belle, riche de réso­ nances spirituelles — l’homme devient l’image de Dieu, le Créateur, en collaborant avec lui à la genèse de l’homme (II, 83, 2), participant ainsi à la puissance «démiurgique» de Dieu (II. 91, 2). Tous les thèmes empruntés par Clément à la tradition morale de la philosophie grecque sont comme transfigurés par leur insertion dans une perspective chrétienne : inu­ tile d’insister à nouveau 1 sur le fait que « suivre le Logos » c’est beaucoup plus, chez lui, que de « suivre la Raison » : · c’est aussi suivre le Verbe, le Christ ; de proche en prjchoj ce principe repris du stoïcisme implique toute l'imitation de Jésus. Stoïcienne aussi, on l’a vu, la conception d’un univers anthropocentrique 2, mais, si toutes choses sont faites pour l’homme, celui-ci est fait pour Dieu (II, 71,2); tous nos biens, ces dons de Dieu (III, 86, 2) — la beauté des fleurs, par exemple — doivent servir à glorifier le Créateur et s’accomplir dans notre action de grâces (II, 70, 5 ; 72, 4 ; 76, .3-5). Stoïcienne encore, la doctrine de la communauté essentielle des biens entre les hommes : elle s’épanouit ici en charité évangélique et Clément nous fait monter du zsvnovizàv à Γάγζχητιζίν (11. 120. 3-6); pareillement l’axiome, épicurien cette fois : « Nul ne peut manquer du nécessaire», s’entend de l'unique néces­ saire, à savoir Dieu (H, 14, 5; III, 39, 4). Le rappel, de ton aristocratique : « Vivez comme des hommes libres, non des esclaves », se comprendra, à la manière pauli1. Ci-dessus, p. 36-37, 46. 2. P. 34-35. LA MORALE 59 nienne, de l’esclavage vis-à-vis du péché : nous avons Dieu pour pédagogue, pour père adoptif (III. 58, 3). Si Clément, à la suite de Platon (et d'ailleurs de toute la tradition antique) combat l’abus du sommeil, ce signe de mollesse, et lui oppose un idéal de vigilance, c’est aussi en réfé­ rence au précepte du Sauveur : « Veillez et priez » (II, 36, 2). La simplicité de vie qui nous est sans cesse, sous mille formes, précitée se recommande des conseils évangé­ liques : « Si tu veux être parfait, vends tout ce que tu possèdes... », s’accompagne d’un rappel de la Passion du Christ (II, 36, 2) et, de façon subtile mais profonde, se relie à la foi monothéiste, à la simplicité essentielle de Dieu (H, 38, 3). Le sentiment de la présence divine *, del’inhabitationdu Verbe en nous (cf. III, 20, 1), imprègne d’une portée religieuse les plus humbles conseils de bien­ séance empruntés à Musonius ; conseils sur la façon de manger et de boire : mais c’est que le Verbe est là, pré­ sent, notre convive, συμποτιζο; cé έστι (II, 43, 2} : nous devons toujours nous sentir en présence du Seigneur (II, 33, 5), régler notre pas sur lui, marcher avec lui ( 111, 38, 3). Cette valeur religieuse ressort même si Clément en fait une application quelque peu naïve : respecter la nature, c’est respecter la volonté de Dieu (111, 20, 1 où il s’agit de nous recommander le port, philosophique, de la barbe : on se souviendra que tous les cheveux de notre tête sont comptés !). Les femmes qui se fardent, se teignent les cheveux, se comportent comme si Dieu ne leur avait pas donné la ration de beauté à laquelle elles avaient droit (III, 6, 4) : elles ne font pas que tromper les hommes, mentir, clics outragent le Créateur en « blasphémant » leur corps, la beauté réelle que Dieu leur avait donnée (III, 63, 2). Masculine ou féminine, la coquetterie a quelque chose d’irréligieux, d’« athée » : elle cherche, par ses arti­ fices, à faire pièce à l’œuvre du Créateur, ce que le grec énergique de Clément dit d'un seul mot, bien frappé, άντ·.δημιου,ογίίν (III, 17, 1). 1. Ci-dessus, p. 39. 60 INTRODUCTION Il n’y a jamais emprunt pur et simple, mais toujours redressement, correctif. Ainsi, la morale du Pédagogue est certainement, dans son ensemble, une morale très ascé­ tique. C’est chez Clément à la fois un héritage de la Sa­ gesse hellénique, il faudrait presque dire indo-européenne (qu’est le Sage grec, même épicurien, sinon un ascète ?) et un effet de la surenchère gnostique (Clément a beau combattre ce dualisme pessimiste, il n’en est pas moins tenté, sur le plan pratique, de rivaliser avec lui : on est toujours influencé par l’adversaire). Ce caractère rigou­ reux ne manquera pas de frapper le lecteur ; il s’exprime par des transpositions souvent curieuses : se couronner de fleurs? Non, du Christ! (II, 71, 2). Se parer? Non de bijoux, mais de bonnes œuvres et de vertus (II, 129, 1 s.). S’épiler ? Oui, des mauvais désirs (III, 20, 6)... Cependant cet ascétisme trouve sa limite : il ne va jamais aussi loin que celui que les gnostiques, et déjà Platon, déduisaient logiquement de leurs principes dua­ listes 1 ; et cette limite, c’est le Christ (III, 85, 3), sa croix, et d’abord sa vie : en définitive 2 c’est l’exemple » lèine posé par le Verbe incarné, tel qu’il nous est révélé par l’Évangile, qui freine le développement des tendances ascétiques. Ainsi pour l’usage de la viande ou du vin : il est clair que l’argumentation suivie par Clément paraît devoir conclure à l’abstention absolue (II, il, 1 s.; 19, 2 s.), mais « Jésus-Christ mangeait du chevreau pourtant», — ou du poisson (II, 15, 2), et le vin, qui afaitl’objct du miracle de Cana, a été choisi par lui pour être une des espèces eucharistiques (II, 29, 1 ; 32, 2). Et cet exemple du Christ nous est transmis par la grande Eglise : dans le même passage, Clément se sépare formellement des hérétiques qu’il désigne par leur nom, les cncratites (II, 33, 1), ces « aquariens ». 1. Cf., niais cette fois à bon droit : S. Péthement, Essai sur le dualisme chez Platon, les Gnostiques et les Manichéens, Paris, 1947. 2. Car Clément, utilise aussi, chemin faisant, des arguments d'ordre humain : ainsi il fait appel au sens grec de la mesure pour repousser les excentricités des Cyniques : II, 78, 3. LA MOBALE 61 Oui, c’est bien là une morale authentiquement chré­ tienne : Clément a, pour la décrire, des accents qui annoncent le futur développement delà spiritualité monas­ tique ; tel exposé sur les préceptes de la civilité s’achève par l’évocation d’une atmosphère caractéristique, où l’on pressent ce que sera l’hésychasme : « tranquillité, calme, sérénité, paix », ησυχία, γαλήνη, ειρήνη (Π, 60, 5 ; cf. 112, 2), la paix, un autre thème favori du Péda­ gogue (H, 32, 1, note); ailleurs la prière perpétuelle (III, 101, 2), le culte isangélique (II, 79, 2; 109, 3). Et pourtant Clément ne songe nullement à retirer le chrétien du monde : sa morale est une morale pour des fidèles mariés (II, x), acceptant leurs responsabilités sociales (III, 78, 3) : l’état de mariage ne s’oppose ni à la piété ni à la sainteté (II, 109, 4 ; 39, 1) : le fait d’être charge de famille ne constitue pas un empêchement pour suivre le Christ (III, 38, 2)... IV. L’intérêt historique du « Pédagogue ». Un document sur l’histoire sociale du christianisme. Si brève que soit cette analyse, elle doit suffire à mettre le lecteur en appétit et lui fera pressentir tout l’intérêt que présente ce curieux ouvrage. Intérêt qui dépasse la valeur intrinsèque, pourtant souvent si précieuse on l’a vu, des idées ou des conseils présentés : le Pédagogue constitue aussi un document historique d’une grande richesse. Pour l’histoire du christianisme d’abord, et de sa morale. Sur les institutions et la discipline proprement ecclésiastiques, il y a peu de textes à relever *, et encore sont-ils parfois d'interprétation douteuses 2, mais ce sont ces trois livres tout entiers qui constituent un témoignage, à moins de supposer (mais pourrait-on le faire avec quelque probabilité ?) que Clément s’est diverti à un exer­ cice de plume sans portée réelle. Cette prédication de caractère si concret dessine, en quelque sorte en creux, le portrait du milieu chrétien à l’intention de qui Clément propose ce régime de vie idéal. Nous en inférons leur niveau spirituel, qui paraît assez médiocre : ces fidèles ’ ont bien besoin qu’on vienne les aider à fortifier leur zèle et éclairer leur jugement. ; ce sont de ces gens qui sont chrétiens à l’intérieur de l’église, de rassemblée litur­ gique, cl qui, le reste du temps, se conduisent comme les 1. Ainsi III, 97, 2 {mention des prêtres, évêques, diacres, veuves) ; II, 107, 1 ; 114, 3 (port du voile prescrit aux femmes chrétiennes). 2. Ainsi H, 58, 3 : III, 82, 2 (types de salutation en usage chez les fidèles). 3. Puisque nous avons établi, en commençant {p. 7), que le Péda­ gogue s’adresse à des convertis, à des baptisés. l'intérêt historique 63 païens qui les entourent (III, 80, 1-4). Leur problème est celui—en un sens permanent — du chrétien qui vit dans le monde, et. un monde païen. Mais surtout nous apercevons la ligure concrète, histo­ riquement définie, de ce milieu : nous sommes à Alexan­ drie b aux alentours ou aux approches de l'an 200 2, et les membres de la communauté chrétienne auxquels s’attache l'auteur du Pédagogue appartiennent visible­ ment à cette aristocratie qui constituait la classe diri­ geante de la société impériale ; qu'il faille leur donner tant de conseils sur la vie mondaine, la toilette, les rapports avec la domesticité, leur prêcher à temps et à contre­ temps la simplicité de vie et l'horreur du luxe, prouve bien qu’il s’agit des mêmes pour qui Clément a composé par ailleurs l’homélie, au titre si caractéristique, Quel est le riche qui peut être sauvé3. Celte image apparaît avec netteté dans les passages positifs 1 où Clément, parce qu’il ne veut pas que ses fidèles se retirent du monde, est conduit à faire quelques concessions aux mœurs ambiantes, « baissant le ton 1 », selon son expression favorite. Ainsi, quand il constate ° qu’il ne peut interdire 1. Clément sans doute ne le précise pas : sur celte difficulté, v. plus loin, p. S9, n. 2. 2. On sait l’obscurité que présente la chronologie de la vie do Clément et de ses œuvres. Au fond le seul point réellement assuré est celui que relevait déjà Eusêue (Hist, cedes., VI, vi) : le J^Stro­ male, dont le tableau historique va (§ 144, 1| jusqu’à la mort de Commode (192), a dû être composé sous Septime Sévère (193/6-211). 3. Ed. O. Staehi.in, t. Ill ( G. C. S., t. 17), p. 159-191. 4. Car, nous y insisterons plus loin (p. 89), la partie négative du Pédagogue, qui dresse un tableau caricatural, de ton satirique, des excès à fuir ne peut être invoquée, sans beaucoup de restrictions, pour témoigner des excès réellement commis par les fidèles auxquels s’adresse Clément. 5. Ou «relâchant le Ion as » : TI, 107, 2-3 ; 111, 1. 6. Concession faite de bien mauvaise grâce : il oppose à ces invi­ tations chez, les païens les avertissements de saint. Paul concernant les rapports avec les mauvais chrétiens (II Thess., 3, 6, 11, 14 ; I Cor., 5, 11), outrant ainsi la sévérité paulinienne (cf. I Cor., 10, 27) : ici 11, 10, 1-6. 61 INTRODUCTION aux chrétiens d’accepter des invitations chez les païens (II, 10, 1 s.), ni aux femmes d’accompagner leurs maris dans ces banquets ou festins (II, 54, 2) ; quand il tolère, pour ces femmes du monde, un usage modéré des par­ fums (II, 66, 1 ; 68, 1 s.) ou des Heurs (II, 76, 1, 4-5), des vêtements, sinon plus luxueux, du moins plus fins que ceux des hommes (II, 107, 3 ; ill, 1 ; cf. 117, 1) ou des bijoux (III, 57, 2) ; à ces aristocrates, l’usage d’un mobi­ lier précieux, héritage de famille (II, 78, 1), à ces riches propriétaires, un anneau d’or gravé à leur sceau (III, 57, 1;59, 2). L’historien accordera l’attention qu’il mérite au fait, si remarquable, que le christianisme ait, à celte date, si nettement pénétré dans les couches supérieures de cette société alexandrine qui apparaît, sous les Antonins et les Sévères, comme le bastion de l’hellénisme x, cessant ainsi d’être seulement une religion d’illettrés 2, d’esclaves, d'artisans, gens de peu, dont, quelque vingt ou trente ans plus tôt *, se moquait encore un païen cultivé comme Celse. Mais l’intérêt du Pédagogue n’est pas seulement d’ordre, comme on dit, proprement historique : l’examen de ce cas particulier, situé et daté, nous permet de mieux saisir l’essence même de la morale chrétienne, ou plus exactement du mécanisme de son application. La morale du christianisme repose en définitive sur quelques prin­ cipes, simples comme la Vérité, immuables comme elle : le Décalogue, le Sermon sur la Montagne, ou plus simple­ ment encore le double précepte, amour de Dieu et du pro­ chain (cf. ici : II, 120, 4 ; III, 82, 3). Mais si le bien est un, 1. Comme en témoigne, dans sa fierté insolente, la fronde de ces aristocrates alexandrins à l’égard des empereurs, que nous ont révé­ lée les curieux Actes des martyrs païens, retrouvés sur papyrus (v. fed. II. A. Musunnxo, Acta Alexandrinorum. the Acts of the pagan martyrs. Oxford, 1954}. 2. Cependant Clément en prévoit encore le cas : III, 78, 1-2. 3. Le Discours de Vérité sc place vers 177-180 : IL Chadwick, Origen. Contra Celsum. Cambridge, 1953, p. xxvjn. V. par ex. Contra Cels,. ÏÏI. 49-55. l’intérêt historique 65 le mal est multiple et ne cesse de se manifester dans le inonde sous des formes indéfiniment renouvelées. Suivant les époques, les milieux, le chrétien rencontre des pro­ blèmes pratiques différents dans la civilisation au sein de laquelle il lui est donné de vivre ; seul est constant le fait que le « monde » oppose son obstacle, sa résistance, son opacité, à la vocation des enfants de Dieu. Prenons le cas de la morale sexuelle, sur lequel Clément nous retiendra si longtemps (II, 71, 1-2 ; x ; III, π, etc.) : aujourd’hui c’est le néo-malthusianisme, la propension au divorce qui posent des problèmes à la conscience chré­ tienne ; dans l’antiquité, en pays iranien, c’était l’inceste, favorisé par la religion mazdéenne, qu’il fallait refuser *. Clément, lui, avait à lutter contre la pédérastie (II, 83, 4 ; 86, 2 ; 89, 1...), la licence générale des mœurs, la pro­ miscuité des thermes (III, 32, 1), à faire redécouvrir le sens de la pudeur, le respect de l’homme dans l’esclavage (III, 32, 3; 74, 1). De façon plus générale c’est au Roman way of life qu’il lui fallait s’en prendre, à cet idéal huma­ niste que la civilisation impériale tendait à imposer comme un absolu 12et que l’exigence chrétienne obligeait pourtant à transcender. Par suite, beaucoup des conseils que suggère le Péda­ gogue paraîtront souvent n’avoir plus guère pour nous d’application directe, de valeur pratique et pourtant leur sens, leur valeur profonde est immédiatement per­ ceptible au Chrétien d’aujourd’hui. L’effort dépensé par Clément pour christianiser les mœurs païennes de son temps, c’est le meme effort qui s’impose à nous, dans des circonstances différentes quant aux modalités, profondé­ ment analogues quant au fond. Dans cet exemple concret, qui nous frappe par le pittoresque de son altérité même, et qui acquiert par là une valeur exemplaire, nous saisis1. On notera l'allusion de Clément : I, 55, 2 et la note ad loc. 2. .J. Moreau, La persécution du Christianisme dans V Empire romain, Paris, 19S6, p. 102, note très justement que c’est le refus do cot idéal commun du way of life qui est la racine profonde des persecutions. Le Pédagogue. I. $ 66 INTRODUCTION sons dans son universalité, dans sa permanence, l’essence de la morale chrétienne, dans son effort pour s’incarner, appliquée au réel dans un mode de vie concret. Le christianisme ne crée pas les civilisations, il les sauve : il les pénètre, les assume, les reprend et les modèle conformément à sa perspective propre ; il supprime ce qui est inconciliable avec l’esprit de l’Evangile, transforme ce qui ne peut être accepté sans transposition, corrige ce qui est dévié, conserve ce qui est bon, exalte ce qui n'avait pas pu encore atteindre sa perfection, laval quad est sor­ didum, rigat quod esi aridum, sanat quod est saucium »... L’expérience historique que constitue l’étude du Péda­ gogue peut servir d’antidote aux excès relativistes qui ont été, de notre temps, ceux de la morale dite « de situation » : quel lecteur, en présence de ces analyses qui, parties d’un conditionnement historico-social si particularisé, nous conduisent, en parfaite communion, jusqu’à ces principes, éternellement valables, d’une spiritualité si saine et si haute — l’esprit d’enfance, l’imitation de Jésus, etc. — 'J qui se sentira enfermé dans le milieu de l’aristocratie alexandrine au tournant des 11e et 111e siècles ? Au cœur de cette situation relative, nous avons retrouvé l’élan qui l’animait, un élan qui jaillit de la vérité même, et comme elle absolu. Toute expérience historique conduit à dépas­ ser le relativisme de l'histoire *. Un document pour l'histoire de la culture, chrétienne et classique. Le Pédagogue, est, a voulu être, une œuvre d'art sus­ ceptible de satisfaire les goûts raffinés de ce public 1. Nous reprenons les conclusions esquissées dans notre commu­ nication à la II·1 2International Conference on Patristic Studies, Ox­ ford, 1954 : Studia Patrislica, Berlin, 1957, Π, p. 538-546 {Texte mid Untersuchungen, 64). 2. Cf. Π. I. M.uuiou, De la Connaissance historique, Paris, 1954, p. 272-274. î/lNTÈRÈT HISTORIQUE 67 d’aristocrates, riches et élégants, auquel il s’adressait ; la culture de l’esprit comptait au nombre des privilèges dont jouissait la classe dirigeante de la société impériale, et c’était, de tous, le plus apprécié * : qu'il est caractéris­ tique d’entendre Clément proclamer que l’éducation et la culture constituent « les biens les plus beaux et les plus parfaits que nous possédions dans cette vie», -y. v&k'Mrza. καί τελεώτατα τών έν τω βίω κτημάτων (I, 16, 1) ! Magni­ fique formule qui, à sa date12, constitue comme un relais entre celles, quasi identiques, qu’ont répétées à travers les siècles Platon 34 56et Ménandre ‘ d’une part, Libanios s et saint Grégoire de Nazianzc · de l’autre. Elle mérite qu’on s’y arrête: on a trop souvent7 présenté l’introduction massive d’éléments classiques dans la litté­ rature chrétienne comme l’elfct d’une tactique, concertée par les Pères, pour attirer les lettrés au christianisme, qu’aurait immanquablement rebutés la forme humble, populaire, vulgaire et plus qu’à demi-barbare qu’il avait revêtue à ses origines. Mais non : ni les Pères du iv® siècle ni déjà avant eux, comme ici, Clément n’ont eu à se forcer pour rehausser leurs écrits d’un vernis littéraire ; ils étaient eux-mêmes des hommes cultivés, des membres qualifiés de l’élite lettrée. Le Pédagogue — comme d’ailleurs, à des titres divers, les autres œuvres de Clément — se trouve marquer une étape dans l’intégration progressive, et réciproque, de 1. Si bien qu’on a pu définir la civilisation hcllénistico-romainc comme une civilisation de la χαιδίία (H. 1. Mahrov, Hisl. de ΓÉdu­ cation, p. 142-147). 2. Cf. aussi Ps. (?)-Plutarque, De lib. educ., 5 CD, où la même idée est exprimée négativement : « Les autres biens sont peu de chose et ne méritent guère d’être recherchés. » Et plus loin, 5 F : oLe seul de nos biens qui soit, immortel cl divin. » 3. Lois, I, 644 B. 4. Monost., 275. 5. Or., 52, 13. 6. Or., 43 {Epitaphios de saint Basile), 11, 1. 7. Depuis G. Boissier, La fin du Paganisme, t. ΙΓ, Paris, 1891, p. 177 {repris de la Hevue des Deux Mondes, 15 janv. 1889, p. 497). 68 INTRODUCTION la pensée chrétienne et de la culture hellénique. Sans doute, elles n’avaient jamais été complètement étran­ gères l’une à l’autre *, mais le processus avait fait un grand pas en avant avec cette littérature apologétique qui s’était développée au 11e siècle, entre la Prédication de Pierre et le discours zl Diognèle *, littérature que Clément connaît bien 3 et dont il a recueilli et fait fructifier l’héritage. Déjà ces Apologistes méritaient d’appartenir à la classe lettrée ; ils s’efforçaient en tout cas d’écrire pour elle. Mais c’est avec Clément que s’accomplit le tournant déci­ sif à partir duquel s’étend la route droite de l’hellénisme chrétien, celui des Pères de l’âge d’or (iv°-v® siècles), celui de toute la culture byzantine 4. L’évolution en ce sens a certainement été favorisée, dans le cas de Clément, par l’influence, si marquée, qu’a exercée sur lui l’œuvre de Philon d’Alexandrie. Philon n’est jamais cité dans le Pédagogue 4 ; pourtant que de fois on le sent là, sous-jacent : il suffit de mettre les textes en parallèle ; on constate facilement que telles pages de notre traité ne sont que du Philon, transposé presque littéralement ·, habilement recomposé T. Le grand penseur 1. Saint Paul, nous le rappellerons bientôt (p. 83, n. 3), utilise les procédés de la diatribe ; les /ides (17, 28) lui font citer Aratos ou Cléantho ; cf. Ménandre dans I Cor., 15, 33 ; Épiménide dans Tit., 1, 12. 2. Si, comme nous avons cherché à l’établir, ce texte doit être situé immédiatement avant. Clément : éd. Marron, p. 251-265. 3. Dans l'ensemble do son œuvre, il cite huit fois le Κήρυγμα Πέ­ τρου, six ou neuf fois Tatien (v. VEigennamen Register do l’éd. Stahlin, t. IV, s. w.) ; les points de contact ne manquent pas avec Justin et les autres Apologies (v. ibid, le Citalenregisler et, pour le Pédagogue, notre Index final). 4. Sur ce tournant, v. les observations très justes de Chr. MonaΜΛΝΝ, « Quelques observations sur l’originalité de la littérature la­ tine chrétienne >, ap. Études sur le Latin des Chrétiens, Rome, 1958, p. 142. 5. Il l’est quatre fois seulement dans lee vastes Stromates. 6. Ainsi I, 8,2 -9,1 ; 21,3-22,1 ; 57, 1-4 ; etc. 7. On peut faire, en effet, à propos de Philon la même remarque quo nous avons faite à propos do Alusonius (ci-dessus, p. 51, n. 3) : I/JNTÉRftT HISTORIQUE 69 juif, nourri dans le même milieu de culture alexandrine, fournissait à Clément un précieux modèle et comme un encouragement à opérer la transposition de l’héritage classique dans un climat nouveau de pensée et de piété bibliques. Comme son prédécesseur Philon, comme ses succes­ seurs chrétiens, immédiats (Origène) ou lointains, Clé­ ment s’alimente avant tout aux Ecritures inspirées ; il s’exprime volontiers au moyen de citations bibliques, for­ melles ou implicites, qui s’accumulent parfois avec une virtuosité singulière : pour ne prendre qu’un exemple, au livre I, § 32, 4, six textes néo-testamentaires, prove­ nant de cinq fipitres différentes, sont habilement ccntonisés en deux lignes >. Comme on l’a fait ailleurs observer ’, une telle accumulation de réminiscences scripturaires correspond souvent à une élévation de caractère lyrique et sert à traduire un paroxysme d’émotion religieuse (ainsi : I, 84, 3). Un style « artiste ». Mais si ce caractère religieux, confessionnel, est certai­ nement un caractère dominant, il n’est pas le seul que dégage l’analyse du style de notre Pédagogue : autant qu’un style biblique, il est aussi un style classique, litté­ raire, cultivé, au sens que les Grecs de l’Empire pouvaient donner à ces mots. Clément s’ingénie et visiblement se complaît à exprimer théologie, spiritualité ou morale chré­ tiennes avec des images toutes classiques 8 : la joie chréainsi Pcd., I, 5,1-2 démarque Piiilo.n, Deagric., 175-179 dans l’ordre suivant : § 178 4- 175 + 176 4- 179 4- 175. 1. V. les notes ad loc. Pour une alchimie plus complexe encore, I, 45, 2, note, A propos de l’expression «fleuves d’huile ». 2. Cf. H. I. Markov, Saint Augustin et la fin de la culture antique, р. 501-502 ; les Pères eux-mêmes en ont fait la théorie : Ps. (?)Atbanase, Ep. ad Marcell., 31-33, P. G., t. XXVII, c. 41-45. 3. Comme le fera la poésie chrétienne des siècles patristiques ou byzantins : ci., par exemple, saint Théodore IcStoudite célébrant saint Athanase : «0 pentathlete!» (lamb., 71, P. G., t. XC1X, с. 1800 A). i 70 INTRODUCTION tienne consistera à célébrer des panégyrics avec Dieu, συμπανηγυρίζει? {I, 22, 1), la nourriture spirituelle — sacrements et grâce — nous rend « synchoreut.es « des anges (I, 45, 2) ; dans le combat au gué du Yabboq, Dieu « s’exerce » avec Jacob et se fait son entraîneur, συγγυμναζόμεντς ζα·. άλείσων (I, 57, 1), le Verbe « rivalise » en bonté avec Dieu, συναγωνιστής (I, 63, 3). Ailleurs, Clé­ ment entreprend de récrire, to rewrite, tel passage de ΓÉvangile en termes platoniciens (III, 34, 3-5). Mais, si l’on excepte l’hymne final du livre 111, où, dans un débordement de lyrisme, ce procédé de transposition sera systématiquement employé, de tels exercices restent l’exception dans le Pédagogue, alors qu’ils étaient, on le sait, de règle dans le Protreptique 12 *: notre ouvrage, de caractère déjà plus technique, est rédigé d’une plume plus sobre que le premier ; s’il reste très littéraire, ce caractère s’affirme avec plus de discrétion 4. A chaque pas nous rencontrerons des citations, rappels, réminiscences des grands auteurs, mais, pour percevoir tous ces harmoniques,, il faut à l’humaniste une oreille exercée, ou le séjours obligeant de l’érudition. Ainsi, les deux mots par lesquels débute le premier livre, ζεζρΰτηται ζρηπ'ις..., proviennent de Pindare, et ce subtil écho confère à notre exorde une gravité solennelle (1,1,1) ; ailleurs nous verrons apparaître (il s’agira de célébrer la « pédagogie » divine : I, 54, 3) le ζτημά εις άεί de Thucydide : la chose une des rares citations grecques qu’on entend encore faire de nos jours — était déjà aussi célèbre qu’elle l’est restée ! Nous relè­ verons tel aphorisme d’Heraclite dont les mots presti­ 1. V. l'introduction de C. Mondéseïit, p. 30, citant le jugement d’E. Norden, Die antike Kunstprosa, 11, p. 549. 2. On observera en particulier qu’ici Clément, à In différence du Protreptique, évite le plus souvent d’appliquer à la religion chré­ tienne la terminologie des mystères païens : si nous rencontrons plusieurs fois les mots έποπτης, -ί(α (ainsi I, 54, 1; II, 118, 5; 129, 4), ils ne nous renvoient pas nécessairement à l'initiation éleusinienne ; le mot, classique et d’ailleurs aussi biblique, est d’un em­ ploi plus commun et plus général ; de meme pour (III, 44, 1 : v. la nnte ad toc.). Voir cependant 111. 80, 1 ; 81, 4. l’intérêt historique 71 gieux, habilement détournés de leur sens premier, servi­ ront à exprimer la jeune pensée chrétienne, qu’il s’agisse de l’allégresse spirituelle (I, 22, 1) ou du mystère de l’incarnation (III, 2, 1). Il suffira au lecteur de feuilleter quelques pages de notre édition pour voir apparaître, à tout instant, la référence classique ingénieusement mise en œuvre : ayant à évoquer, au début de son chapitre sur le sommeil (II, ix), le gros luxe du mobilier de ses richards, il le fera tout naturellement en combinant le vocabulaire de l’Iliade, de l’Odyssée, de Théocrite et de Platon (I I, 77, 1-3) ! Les classiques. Si bien que le texte du Pédagogue reflète toute, la culture de son auteur, la culture d’un lettré typique de son temps 1 : culture essentiellement littéraire, dont le fonde­ ment est constitué par une connaissance approfondie des classiques, des poètes et bien entendu d’abord d’Homère 2, sur qui repose toute culture hellénique, des temps ar­ chaïques aux derniers byzantins ; puis viennent, proximo sed longo intervallo, Hésiode3, les lyriques : Pindare4, Simonide, Sappho, Bacchylide, Théocrite, Callimaque..., les Tragiques56 , enfin et surtout la Comédie0 : tout mora­ 1. Le seul caractère particulier à signaler serait la forte documen­ tation philosophique dont fait preuve notre auteur (cf. ci-dessus, p. 50-52) ; sans doute la philosophie ne restait pas étrangère à la culture commune, mais seule une minorité, à laquelle il est inté­ ressant de rattacher Clément, en faisait une étude approfondie : H. 1. Marrov, Hist, de Γ Éducation, p. 283-291. 2. 11 est difficile d’établir des comparaisons exactes : pour fixer un ordre do grandeur, nous donnerons le nombre approximatif des références relevées dans notre commentaire, sans distinguer ce qui est citation formelle, adaptation, emprunt, réduit parfois à un seul mot. Homère est ainsi mis en œuvre près de soixante fois. 3. Cinq fois. 4. Neuf réminiscences. 5. Une vingtaine de citations : Eschyle G, Sophocle 5, Euripide 5... 6. Plus de soixante citations. 72 INTRODUCTION liste se double spontanément d’un satirique ; comme nous l’avons signalé en passant *, il était naturel que le Péda­ gogue invoquât avec complaisance le témoignage pitto­ resque de ces auteurs, Aristophane, Ménandre et tant d’autres, qui, avant lui, avaient su tourner si habilement en dérision les vices ou les travers contre lesquels il sévissait ; la Comédie fournissait en quelque sorte à Clément une argumentation a fortiori ; ainsi, à propos des femmes coquettes, il nous dira, entre une citation d’Antiphane et une autre d’Alexis : « Écœurant les poètes païens eux-mêmes, comment ne seraient-elles pas exécrées par la Vérité ? » (III, 8, 1), Mais si le sujet même du Pédagogue Tamenait ainsi à faire état, avec prédilection, des Co­ miques, il ne faut pas oublier quelle place de premier rang occupaient ceux-ci dans les programmes de l’enseigne­ ment 2 et plus généralement dans la culture 3 de l’époque hellénistique et romaine. Si toutes ces sources classiques sont de la sorte si abondamment mises en œuvres, c’est sans doute souvent pour l’autorité que cette Sagesse profane apporte à l’r.ppui de l’enseignement moral de Clément ‘ ; mais c’est au moins autant pour se conformer au statut et aux cou­ tumes de la culture lettrée de son temps, de cette culture de type académique *, si Gère de sa tradition, si soucieuse de la maintenir, de s’en inspirer, d’en vivre. Truffer, farcir sa prose de telles réminiscences était pour l’écri­ vain de l’époque impériale une condition nécessaire pour promouvoir son œuvre à la dignité d’une œuvre d’art. Devant la richesse d’une telle documentation se pose le 1. Ci-dessus, p. 50. 2. Cf. H. I. Marrou, Hist. de ΓÉducation, p. 227-228. 3. Connue en témoigne le matériel rassemblé par les érudits, commo Athénée, ou l’usage qui en est fait par les polygraphes comme Plutarque. 4. Ci-dessus, p. 49. 5. Au sens où l’argot d’atelier emploie ce mot, on l'opposant à c classique », ou, d’une autre manière à «baroque » (cf. H. I. Mar­ rou, De lu connaissance historique, p. 155). l’intérêt historique 73 problème — il a été passionnément discuté 1 — des sources directes de Clément : cette érudition manifestet-elle un commerce habituel et profond avec l’œuvre même des auteurs invoqués, ou ccux-ci n’ctaicnt-ils connus de lui qu’à travers des recueils anthologiques ou, plus indirectement encore, par des citations de seconde — ou n° — main ? Après tant d’efforts dépensés 2 pour répondre à ccttc question, que peut-on raisonnablement conclure ? Les deux auteurs de base, Homère 3 cl Platon 4, sont les seuls dont on puisse affirmer que Clément les a étudiés directement dans le texte original ; peut-être peut-on ajouter aussi Euripide et Ménandre s ; pour tous les autres, la tradition partielle ou indirecte est l’hypo­ thèse la plus probable. Cela ne doit pas être considéré comme un jugement péjoratif ; au moment où le Pédagogue a été rédige, la culture grecque avait derrière elle un millénaire de tra1. Tl me suffira de renvoyer à la dernière étude consacrée au sujet, l'excellente petite thèse du P. J. C. GuSSen, Hcl Leven in Alexan­ drie..., Aeaen, 1954, qui a rassemblé (p. xn-xv), et décanté, la biblio­ graphie antérieure. 2. Et souvent en vain ! Nous ne partageons plus les illusions de nos prédécesseurs en matière de Quellenforschung ; on sait qu’une des hypothèses les plus volontiers adoptées — cl sans le moindre fondement — était de supposer que l’auteur qu’on étudiait s’était contenté de démarquer une source unique, autant que possible per­ due, ce qui rendait la démonstration ingénieuse et la vérification impossible ; on ramenait ainsi la vaste érudition d'un Isidore de Séville aux Prata, perdus, de Suétone. Clément n’a pas échappé à l’épidémie : J. Gabbiei.sson a consacré deux savants volumes, Uebcr die Qucllen des Clemens Alexandrinus, xi-253 et x 1-490 p., Upsala-Leipzig, 1906-1909, à retrouver chez notre auteur la trace d'un recueil, perdu, de Favorinus d’Arles ! 3. Gussex, p. 28-3G. 4. Id., p. 47-53, confirmant le jugement de F. L. Clakk, ap. Tran­ sactions and Proceedings of the American Philological Association, t. 33 (1902), p. xn-xx. 5. Gussbn, p. 37-38, 41-42 ; c'étaient là deux auteurs particu­ lièrement étudiés dans les écoles : Mahrov, Hist, de, l’Éducalion, p. 227-228. 74 INTRODUCTION dition ininterrompue, une production littéraire accumulée de génération en génération, cinq ou six siècles d’acadé­ misme, c’est-à-dire de culte des classiques et de pratique constante de la citation et du remploi : comment s’étonner qu’une telle civilisation ait inventé, bien avant la nôtre, la technique du « digeste » ? Même du classique par excel­ lence, de cet Homère dont nous savons que tout adoles­ cent grec, ayant poussé ses études jusqu’au niveau secon­ daire du « grammatikos », l’avait étudié à fond, même d’Homère nous constatons que ce sont les mêmes vers que tout le monde citait ; ainsi de ceux 1 où Ulysse décrit les effets du vin : nous les trouvons ici en II, 48, 1-2 ; qu’ils aient chanté dans toutes les mémoires, nous en avons la preuve dans l’usage parallèle qu’en ont fait Plutarque, Galien, Athénée et bien plus tard Stobée2. 11 est naturellement bien difficile de prouver, dans chaque cas, que Clément a puisé à une source intermé­ diaire (ce n’est qu’une probabilité), et plus encore de déter­ miner celle-ci. Par contre il est souvent aisé de constater que les passages utilisés par le Pédagogue l’ont été aussi par d’autres auteurs, ce qui fournit au moins une pré­ somption de popularité. Nous en présenterons quelques exemples, sans prétendre épuiser tous ceux que fournira notre commentaire (voir les notes ad loc.) : II, 3, 1 : un mot de Simonide d’Amorgos, cite aussi par Athénée. II, 3, 2 : réminiscence de Pindare qui se rencontre aussi chez Plutarque. Il, 1.5, 1-3 : combinaison de Platon et. de Musonius, comme chez Plutarque. II. 28, 2 : à trois vers d'isratosthène, connus par ailleurs, Clément en joint deux autres, d’auteur inconnu : la combinaison devait être déjà faite dans sa source. 1. Odyssée, XIV, 463-466, que le goût trop délicat do V. lîérard avait athétisés. 2. Gossen, p. 33-34 et nos notes ad loc. l’intérêt historique 75 II, 32, 1 : même passage de Platon, à deux mots près, cité par Athénée. II, 64, 3 : meme passage de Simonide cité, moins complè­ tement, par Athénée. Il, 70, 2 : réminiscence de Cra tinos, parallèle chez Pollux et Athénée. II, 72, 3 citation de Sophocle comme dans Plutarque. Ibid. : vers de Sappho cités, plus complètement, par Plu­ tarque et Stobée. II, 100, 2 : mot d’Hérodote, cité par Plutarque et Stobée. II. 105, 3 : passage de Thucydide, évoqué pareillement par Athénée. Il, 108, 4 : un vers de Philemon, tiré d’un passage cité par Diogène Laërce et Stobée. Il, 116, 1-2 : passage de Céphisodore, connu aussi de Pollux. II. 124 : fragment d'une comédie perdue d’Aristophane, cité en partie par Pollux. III, 8, 2-3 : fragment d’Alexis, conservé plus complète­ ment par Athénée. Ill, 15, 3-4 : renseignement venu de Théopompe et connu aussi d’Alhénéc. ΙΓΙ, 33, 3 : amplification d’un apophtegme de Démétrios de Phalèrc, conservé par Diogène Laërce. III, 61, 1 : allusion à un fragment d’Alexis, cité par Athénée. La grammaire. Cette culture littéraire, Clément la met en œuvre, telle qu’il l’a reçue, comme tous les lettrés de son temps, de l’enseignement du grammalikos ; il lit ses classiques à travers l’image traditionnelle que cet enseignement en traçait. On sait combien les pédagogues hellénistiques s’élaient trouvés embarrassés pour « expliquer » le texte d’Homère à des écoliers de douze ans : de ce texte ar­ chaïque, conçu pour charmer les loisirs d’une société dis­ parue, ils s’étaient efforcés de tirer vaille que vaille un 76 INTRODUCTION enseignement moral à l’usage de la jeunesse l, cela au prix d’exégèses allégoriques d’une rare ingénuité. Clé­ ment n’a pas manqué de suivre cet usage, dont les philo­ sophes, surtout stoïciens, avaient également tire profit et qui constitue, comme on sait 23 , l’une des traditions littéraires dont l’exégèse spirituelle, chère aux maîtres chrétiens d’Alexandrie, a recueilli l’héritage. Ainsi, dans l’expression homérique πορφόρεος θάνατος « la mort empourprée, la mort couleur de sang », Clément nous invite à voir une condamnation du luxe dans les vêtements, les étoiles de pourpre étant le cas type du faste (II, 114, 4) : nous sourions, mais il faut savoir qu’une interprétation pareillement accommodation de ces mots était attribuée à Diogène le Cynique par Diogène l .aërce et à Theocrite de Chio par Plutarque et Athénée Pareil­ lement, au début du livre III 1, 2-4) la ligure changeante de Protée {Odyssée, IV, 456-458) sert ;i décrire le caractère polymorphe de l’appétit concupiscible. Ailleurs encore, l’exemple de Pénélope est invoqué, à la suite d’Euripide, comme modèle de chasteté (III, 41, 4-5), le Persèr d’Hé­ siode devient une ligure d’Abraham (III, 42,2-43,1) ; c’est Platon, d’autres fois, qui se prête à une application pareillement ingénieuse et détournée (III, 54, 2)... Le grammairien n’était pas seulement un vague mora­ liste ; appuyé sur une technique précise, il inculquait à son élève l’art, et l’habitude, de scruter attentivement les textes et cela aussi entre comme une composante 4 dans la méthode si minutieuse que les Pères, et Clément luimême, précurseur direct d’Origène, appliqueront aux 1. Cf. Marrou, Hist. de l'Éducation, p. 234-235, qui renvoie aux remarques piquantes do V. Béraud, Introduction d VOdyssée, t. Π, p. 237-291, «la grosse sagesse». 2. C’est la tradition qu’a spécialement étudiée, sans souligner assez qu’il s’agit là d’une composante entre plusieurs, J. Pépin, Mythe et Allégorie, les origines grecques et les contestations judéo-chré­ tiennes, Paris, 1958. 3. V. la n. ad loc. A côté bien entendu, comme pour l’exégèse spirituelle, du cou­ rant issu du judaïsme. l’intérêt historique 77 Écritures : nous le voyons ici soucieux d’en expliquer tous les details, d’en rendre raison et de faire rendre un sens aux moindres particules, soulignant ici la valeur emphatique d’un σύ (I, 71, 2), ailleurs celle du pronom indéfini τι (H, 103, 2). De la grammaire encore lui viennent l’usage de termes techniques comme la catachrèse (I, 46, 1), son goût pour les définitions (I, 70, 3 et surtout 76,1-81,2 : douze paragraphes définissant cha­ cun un mot du vocabulaire pédagogique), celui, plus fréquemment encore manifesté 12pour les étymologies à la manière du Cratyle, mais de Prodicos de Céos à Isidore de Séville toute l’antiquité s’en est régalée ; les rhéteurs recommandaient le développement sur l’étymologie comme un des plus sûrs parmi les « lieux intrinsèques » ; ainsi : I, 19, l, νήπος expliqué par ve-ήπΐίς, « nouvel­ lement doux » ; I, 94, 2, νουΟίτησις, « avertissement, réprimande », glosé comme ένΟεματισμός, « ce qui donne de l’intelligence » ; on désespère du salut des gourmands, parce que άσωτοι=άσωστ5ΐ, à un sigma près, κατά εκΟλιψιν τοΰ σίγμα σ:οιχείου (Π, 7, 5 : Clément est si ravi de ce concetto qu’il y revient en II, 29, 1). /' érudition. Mais la culture des lettrés avait un autre centre d’inté­ rêt : l’érudition *, l’accumulation de menues connais­ sances de détail, rassemblées pour le seul plaisir de savoir, la vaine et pure curiosités. Œuvre d’art, livre de lettré, le Pédagogue se devait de faire montre d’un tel talent ; il n’y a pas manqué. Ici encore, il suffira au lecteur de parcourir au hasard les notes dont nous accompagnons le texte pour ramasser une belle gerbe de petits faits de toute espèce. Érudition littéraire d’abord : ainsi en I, 55, 1, une liste de pédagogues célèbres compilée (en dernière analyse) à 1. Au moins une vingtaine d’exemples. 2. Noqs avons attiré l’attention sur cet aspect, trop souvent né­ gligé de la culture d’époque impériale dans Saint Augustin cl la fin de la culture antiquet p. 105-157. 78 INTRODUCTION partir d’Homère, Platon, etc.; exempla historiques : lois et coutumes de Sparte, d’Athènes (II, 105, 2-4), voire de Rome (III, 23, 1) 1 ; ou mythologiques (c’était tout un pour nos lettrés) 2 : Athéna refusant de jouer de Vaulos pour ne pas déformer son visage (H, 31, 1), Créüse s’en­ veloppant de son voile pour fuir à travers l’incendie de Troie (III, 79, 5). En principe, à côté des « arts » littéraires, les quatre disciplines mathématiques du quadrivium restaient à la base de la « culture générale », έγζύκλιος zatcsca, mais ce n’était plus vrai, depuis longtemps, qu’en théorie3; rares et bien peu significatives sont les allusions que nous pouvons y rapporter : une métaphore d’origine musicale, toujours la même (sur la corde qui ne doit être ni sur­ tendue ni relâchée) et passée dans le langage commun (I, 66, 5 ; 99, 2 ; II, 46, 2 ; 107, 2 ; III, 57, 2) ; le nom d’une constellation (II, 34, 1) : on sait le rôle que jouaient les Phénomènes d’Aralos dans l’école hellénistique 4 et le goût qui en résultait pour de telles connaissances. Mais plus fréquents encore sont les détails de pure éru­ dition : ici une liste de mets recherchés (II, 3, 1 s.), là de crus fameux (II, 30, 1 s.) ; types de coupes (II, 35, 2 s.), instruments de musique (II, 41, 1), parfums (II, 64, 2 s.), plantes aromatiques (11, 71, 3 s.)... L’histoire naturelle est l’objet d’une particulière attention et dans celle-ci les faits bizarres, inexpliqués, les mirabilia : expériences déconcertantes (I, 47, 1), amour filial de la cigogne (I, 48, 1), effet mortel du parfum de rose sur le vautour et l’cscarbot, ou de l’huile sur les abeilles (I, G6, 1-2), mœurs étranges (et bien entendu légendaires) de la hyène ou du lièvre (II, 83, 4), comportement du polype (III, 80, 2), morsure de la tarentule (III, 81, 4), que sais-je encore ? Le lecteur ne manquera d’ètre frappe de la place 1. Mais en bon Grec, notre auteur n’a que des renseignements vagues, et. d’origine livresque, sur ce qui se passe en pays latin. 2. Marrou, Hist, de VÉducation, p. 232-234. 3. Ibid., p. 252-254. 4. Ibid., p. 254-256. l’intérêt historique 79 qu'occupent les exposés empruntés à la science médicale ; ainsi, et pour le seul premier livre », sur la lactation (I, 38, 3-41,3), la digestion (I, 44,2-45,3), l’embryogénie (I, 48, 1-51, 1), le miel et la bile (1, 96, 2)... Sans doute ces réfé­ rences étaient souvent commandées par le sujet : com­ ment parler d'hygiène alimentaire sans en référer aux médecins (II, 2,3; 17,3), ou de morale sexuelle sans parler physiologie (II, 83, 1 s. ; III, 19, 2) ? C’était sans doute aussi un des caractères particuliers de la culture de Clément, en quelque sorte sa spécialité ; mais on ne peut oublier que la curiosité des lettrés de l'époque fai­ sait volontiers une place de choix ; qui introduit une citation tex­ tuelle de l’Écrituro. 2. Los notes apportent déjà un grand nombre de réferences à l’Écriturc ou aux auteurs profanes, mais il est impossible d’en mettre autant qu’il en faudrait pour ce texte tout imprégné de culture et de réminiscences bibliques. 3. Par exemple, le cv du § 71, 1 (venant de Jn, 17, 21-23), si important, repris maintes fois (voir, par exemple, § 7·», 1) ; le και, REMARQUES DU TRADUCTEUR 103 Clément jongle avec des synonymes sans chercher autre chose qu’un effet de style *. Là où Clément nous avertit, qu’il va tirer parti de l'existence de plusieurs mots analogues, ou qu’il va soi­ gneusement distinguer le sens de deux mots voisins, ou qu’il va réfléchir à partir de l’étymologie d’un nom, nous avons parfois peu de profit à prendre au sérieux ses con­ sidérations 2. Au contraire, plus d’un mot qu’il utilise au dans des formules connue « ύ αυτός μόνος ων θεός καί δίκαιός Ιστι 71. 2) ; la préposition εν pour dire la situation du Fils par rap­ port au Pcro (| 4, 1 et ailleurs) ; l'opposition πολλά:; (δυγίμεσιν πάντα (§ 74, 1). Les formules trini ta ires du Pédagogue mériteraient d’etre minutieusement examinées. Nous devons à l’amitié de P. Nautin la précision de quelques termes pour le très beau passage sur la justice de Dieu |§ 88). 1. Ce phénomène du style do Clément a été spécialement ctudic par E. Tengblad, Syntoktisch-stilislische Bcilrdge zur Kritik und Exegeee des Clemens von Alexandrie^, Lund, 1932. Signalons, pour le livre 1 du Pédagogue, à côté des alternances banales de syno­ nymes signalées par Tenghlad, celles qui concernent des termes im­ portants, entre lesquels nous ne croyons pas devoir comprendre une différence de sens : pour le Créateur, κτίστη; et δημιουργός (§ 73, 1) ; pour la volonté de Dieu, θέλημα, βούλη;*α, et même προαίρεσής ; pour la «forme# de Dieu ou la «forme» humaine, σχήμα, au lieu de μορφή (PM., 2, 6 ; § 4, Ij ; pour le péché, αμαρτία, αμάρτημα, et πλημμέλημα ; pour l'immortalité et la vio éternelle, αιώνιος et i?5io; comme adjectifs, αφθαρσία et αθανασία comme noms à peu près équivalents ; pour les commandements divins, ίντολαί, ύποθήκαι et d'autres ; pour la nourriture (spirituelle), τροφή, βρωμά, βρΛσις. 2. Par exemple, les termes qui désignent les tout-petits (παϊδες, παιδία, τίζνα, νήπ:οι...) semblent interchangeables, ainsi que les adjec­ tifs qui expriment les qualités de jeunesse, de nouveauté, de simpli­ cité ; il est egalement difficile de reconnaître de réelles différences de sens entre les douze noms du reproche (§ 76-81) et même entre les ternies qui décrivent l’action correctrice du Logos (§ 75). Voir aussi Fétudo des mots « pédagogie » (§ 12,1), c tout-petits » (§ 19,1), « passage au filtre # (§ 32, 1), u boire » et « téter » (§ 36, 4), « chercher » (§ 46, 1), a donnée a et avenue# (§ 60), «se rassasier» {§ 96, 3), «déraisonnable# {§ 101-102), etc. Un des traits de la langue de Clément est l'emploi abondant des adjectifs on -ικός, pour diviser et classer les notions (voir sur ce 104 LIVBE 1 passage sans faire une seule remarque à son sujet se révèle être à la fois difficile à comprendre et très importantx. suffixe, P. Chantraine, Études sur le vocabulaire, grec, Paris, 1956, p. 97-171). Dans les premiers paragraphes chargés de préciser les diverses fonctions du Logos, qui sont aussi les différentes sortes do « discours », et encore dans les paragraphes où il étudie les « genres » pédagogiques, Clément en utilise plus d’une vingtaine. Bien entendu, nous pouvons comprendre le sens de chacun de ces termes ; cepen­ dant, plusieurs d’entre eux prennent parfois la place l’un de l’autre et il faudrait se garder de les considerer tons, d’une façon égale, comme des termes de grande précision technique : αποκαλυπτικό; (§ 2, 1), αποτρεπτικός (§ 89, 2), δηλωτικός (§ 2, 1), διδασκαλικός (§ 8, 3), ίγκωμιάστιζός (§ 66, 1 et 89, 2), έπαινετικός (§ 89, 2), έπιπληκτικός (§ 93, 3), έπιστημον.κό; (§ 1, 4), θεραπευτικός (§ 1, 4), λο-.δορητιζός (§ 66, 1), μεθοδικό; (§ 1, 4), ονειδισηκός (§ 66, 1), παραινετικό; ·§ 2, 2) , παρακλητικός (§ 66, 1), παραμυθητικός (§ 1, 2), παρορμητικός (§ 1, 3) , προαζτικός (§ 1, 4), προτρεπτικός (§ 1, 1 ; 1, 3 ; 66, 1 ; 89, 2), συμβουλευτικό; (§89,2), υποθετικός (§ 1,2; 1,4); δεκτικός (§66,1 ; 93.3); Signalons encore, comme source de difficulté, la manière dont Clément utilise Γ Écriture : parfois pour un seul mot. Le lecteur bute sur une citation inattendue, dont il voit mal le rapport avec le développement en cours. Clément fait cette citation uniquement parce qu’elle contient un mot utile à sa démonstration (voir le § 52 , pour άλογα ; l’épisode d’Isaac, pour παίζοντα au § 21, 3 ; la citation contenant le nom c homme > au § 18, 1, etc.). 1. Par exemple, les adjectifs εύλογο; (§ 1, 1), άλογος (§ 5, 2), βρεφώδης qui peut sc comprendre en deux sens l§ 42, 1), ainsi que κυριακη {§ 45,1) (voir les notes sur ces passages). Les termes les plus importants (ceux qui désignent Dieu, le Seigneur, le Logos, Γ Esprit) sont ceux qui ne sont accompagnés chez Clément d’aucune préci­ sion. Il dit : (ό) θεό;, (ô) χόριο; (ό) λόγος, (το) πνεδμα, en laissant à ces termes toute leur richesse, et même leur ambiguïté, de signification. Le lecteur remarquera en lisant notre traduction que χόριο; ren­ voie tantôt au Dieu de l’Ancien Testament, tantôt à Jésus ; que Logos désigne tantôt le Christ incarné, tantôt le fils de Dieu, tantôt la raison (cf. Introduction, p. 8) ; que πνεύμα nomme le Saint-Esprit, ou la nature divine, ou le souffle do Dieu, ou le souille au sens banal du terme. En revanche, il convient, d’accorder un sens assez tech­ nique à des mots comme μετάνοια, la conversion ou le repentir ; πίσ­ τες, la foi ; κήρυγμα, la prédication ; άνάπαυσις, le repos éternel ; βιος» la vie chrétienne, (avec comme équivalents : πολιτεία, αγωγή, δίαιτα) ; ζωη, la vie éternelle, etc. j · . . 105 REMARQUES DU TRADUCITUR Ici s’ajoute une difficulté supplémentaire : il semble que Clément parle plus volontiers des mystères chrétiens en termes voilés, que les thèmes les plus importants de sa doctrine, comme l’incarnation du Logos ou le baptême, soient sous-entendus mais non pas explicitement exposés, qu’il remplace volontairement un terme chrétien existant par une expression profane, parfois célèbre, faisant appel à la culture grecque, qu’il utilise certains adjectifs à double sens sans préciser sur quel registre il faut les entendre, que la construction même de ses phrases laisse parfois place au doute. Nous donnons en notes des exemples de ces différentes difficultés, mais nous appelons notre lecteur à une vigilance continuelle : par souci de fidelité au texte, notre traduction est restée souvent plus littérale que nous ne l’aurions voulu pour la clarté, et, sans parler des passages dont il est vraiment délicat de préciser le sens, elle sera, à l’image du texte de Clément, sans doute un peu déroutante pour le lecteur moderne. M. IIarl. ΚΛΗΜΕΝΤΟΣ ΣΤΡΩΜΑΤΕΩΣ ΠΑΙΔΑΓΩΓΟΣ ΛΟΓΟΣ ΠΡΩΤΟΣ Κεφάλαια τοΟ πρώτου λόγου. Τί επαγγέλλεται δ παιδαγωγός. g. 'Ότι διά τάς αμαρτίας ήμών δ παιδαγωγός επιστατεί. Γ. "Οτι φιλάνθρωπος δ παιδαγωγός. "Οτι επ’ ίσης άνδρών καί γυναικών δ λόγος τιαιδαγωγός έστιν. Ε. ‘Ότι πάντες οΐ περί τήυ άλήθειαν καταγινόμενοι ιιαίδες παρά τώ θεώ. ρ. Πρδς τούς ύπολαμβάνοντας τήν τών παιδιών καί νηπίων προσηγορίαν τήν των πρώτων μαθημάτων αίνίττεσθαι διδαχήν. Ζ. Τίς δ παιδαγωγός, καί περί τής παιδαγωγίας αύτοΟ. Η. Πρδς τούς ήγουμένους μή είναι αγαθόν τόν δίκαιον. 0, "Οτι τής αύτής δυνάμεως καί εύεργετειν καί κολάζειν δικαίως, έν ω τίς ο τρόπος τής παιδαγωγίας τοΟ λόγου. I. "Οτι δ αυτός θεός δια τοΟ αύτοΟ λόγου καί άπείργει των αμαρτιών άπειλών καί σώζει τήν ανθρωπότητα παρακαλών. ΙΑ. "Οτι διά νόμου καί προφητών δ λόγος έπαιδαγώγει. IB. "Οτι άναλόγως τή πατρική διαθέσει κέχρηται δ παιδαγω­ γός αύστηρία καί χρηστότητι. ΙΓ. "Οτι ώς τό κατόρθωμα κατά τδν δρθδν γίνεται λόγον, ούτως εμπαλιν τδ άμάρτημα παρά τδν λόγον. DE CLÉMENT, L’AUTEUR DES STROMATES, LE PÉDAGOGUE LIVRE I Chapitres I. IL III. IV. V. VL VIL VIII. IX. X. XL XII. XIII. ou livre I. Ce que promet, le Pédagogue. Nos péchés nécessitent la direction du Pédagogue. Le Pédagogue aime l’homme. Le Logos est également le pédagogue des hommes et des femmes. Tous ceux qui s’attachent à la vérité sont des enfants aux yeux de Dieu. Contre ceux qui soutiennent que les noms d’« en­ fants » et de « tout-petits » désignent symbolique­ ment renseignement des connaissances élémen­ taires. Le Pédagogue et sa pédagogie. Contre ceux qui pensent que le Juste n’est pas bon. Il appartient à la même puissance d’accorder les bienfaits et de châtier selon la justice ; quelle est, sous ce rapport, la méthode pédagogique du Logos. Le même Dieu, par l’intermédiaire du même Logos, détourne l’humanité des péchés, en la menaçant, et la sauve, en l’encourageant. Le Logos était le pédagogue par l’intermédiaire de la Loi et des prophètes. Le Pédagogue, dans des dispositions analogues à celles d’un père, utilise sévérité et bonté. L’action droite est un acte conforme au Logos droit ; en revanche, la faute est un acte contraire au Logos. 108 LIVRE I I. Τί επαγγέλλεται δ παιδαγωγός. 1,1 Συγκεκρότηται κρηπίς άληθείας, ώ παιδες ύμείς, ημίν αύτοίς, άγίου νεώ μεγάλου θεού θεμέλιος γνώσεως Αρραγής, προτροπή καλή, δι’ ύπακοής εύλόγου ξωής άιδίου δρεξις, νοερό καταθληθεΐσα χωρίφ. Τριών γέ τοι τούτων περί τδν άνθρωπον δντων, ήθών, πράξεων, παθών, δ προτρεπτικός εΐληχεν τα ήθη αύτοΟ, θεοσεθείας καθηγεμών, δ τροπιδίου δίκην ύποκείμενος λόγος είς οΙκοδομήν πίστεως, έφ' ω μάλα γανύμενοι καί τάς παλαιάς άπομνύμενοι δόξας πρδς σωτηρίαν νεάζομεν, ψαλλούση συνάδοντες προφητεία « ώςάγαθδς τώ ’Ισραήλ δ θεός, τοίς εύθέσιν 2 τή καρδία », πράξεών τε άπασών λόγος έπιστατεί δ ύποθετικός, τά δέ πάθη δ παραμυθητικός Ιδται, εΐς ών π&ς δ αύτδς ουτος λόγος, τής συντρόφου καί κοσμικής συνηθείας έξαρπά- 1. Ces deux premiers mots sont une réminiscence de Pindare, fr. 194 Schroeder; mnis la comparaison avec lo travail de l’archi­ tecte, qui anime toute la phrase, vient de saint Paul : / Cor., 3, 10-17 ; cf. Éph., 2, 20-21; Il Tim., 2, 19. L'expression a hase de vérité», reprise ailleurs par Clément (Strom., II, 31, 3) désigne la foi dont elle souligne le caractère mehoatif, < élémentaire» : cf. Strom. V, 26, 4 et v. Camelot, p. 49. 2. Métaphore analogue et de meme portée, qu’on retrouvera dans Strom., Vil, 70, 1 ; 55, 5. L'image du temple s'éclaire si on se réfère toujours à I Cor., 16-17 : ce sont les chrétiens qui constituent lo templo de Dieu, du σ grand » Dieu (l'épithète, frequente aussi chez les païens, se rencontre dans la Bible : Dent., 10, 17, etc. ; TU., 2, 13, où il s’agit du Christ). 3. Cet adjectif confère peut-être à la notion chrétienne, scriptu­ raire (ainsi Rom., 5, 19), d'« obéissance » une résonance stoïcienne : St. V. F., III, n° 88 (cf. Voelker, p. 261). 4. Le ms. F détache cette phrase, en la plaçant avant le som­ maire des chapitres du livre I, ce qui a poussé les anciens éditeurs (ainsi Potter) à en faire une sorte d'épilogue au Protreptique. 5. Aristote utilise la meme distinction pour analyser la puis­ sance expressive de la danse, au début de sa Poétique, 1447 a 28. CHAPITRE I I,i — 1,2 109 I. Ce que promet le Pédagogue. 1. Nous avons construit pour vous, mes enfants, une 1 base de vérité 1 : pour le temple sacré du grand Dieu, c’est )c fondement2 solide de la connaissance, une belle exhortation, un désir de la vie éternelle qui s’obtient par l’obéissance conforme au Logos 3, et ce désir a pris racine dans le champ de l’intelligence 4. Il y a dans l’être humain trois La triple fonction du choses : les mœurs, les actions et Logos : conversion, éducation, ensei­ les passions8. Le Logos qui conver­ tit («protreptique·») a pris en gnement. charge les mœurs : guide de la religion, il est sous-jacent à l’édiiîce de la foi comme une quille à celui d’un navire. Λ cause de lui nous sommes emplis de joie, nous délaissons nos anciennes croyances et nous rajeunissons en vue du salut ; nous unissons nos voix à celle du prophète qui chante 67 combien « Dieu est bon pour Israël, pour ceux dont le cœur est droit89». 2. Un Logos dirige aussi toutes nos actions, c’est le Logos conseiller ; et un Logos guérit nos passions, c’est le Logos apaisant “ ; mais c’est toujours, unique dans 6. Renvoi explicite à sa première œuvre : v. le début de notre Introduction. Ί. L’interprétation spirituelle de» allusions à la musique mention­ nées dans ΓAncien Testament est la règle chez les Pères : voir cidessous, II, 41, 4, note. 8. Ps., 72, 1. 9. Clément utilise le riche vocabulaire stoïcien concernant la phi­ losophie morale : Sénèqur, Ep., 95, 65, nous donne l'équivalent latin de λόγος υποθετικός, παρ«(ΐυθητ<χός, προτρεπτικός [suasio, con­ solatio, exhortatio} : cf. Introduction, p. 3-4, et pour tous ces mots en -ικός, ibid., p. 103, η. 2. 110 LIVRE I ζων τόν άνθρωπον, εις δέ τήν μονότροπου τής είς τόν θεόν 3 πίστεως σωτηρίαν -παιδαγωγών. ‘Ο γοΟν ούράνιος ήγεμών, ί> λόγος, δπηνίκα μέν επί σωτηρίαν παρεκάλει, -προτρεπτικός δνομα αύτώ ήν — Ιδίως οδτος δ παρορμητικός έκ μέρους τό πδν προσαγορευόμενος λόγος- προτρεπτική γάρ ή πδσα θεοσέβεια, ζωής τής νΟν καί τής μελλούσης δρεξιν έγγεννώσα τω συγγενεί 4 λογισμώ- — νυνί δέ θεραπευτικός τε ών καί ύποθετικός αμα ζμφω, επόμενος αυτός αύτώ, παραινεί τόν προτετραμμέυον, κεφάλαιον των εν ήμίν παθών ύπισχνούμενος τήν ϊασιν. Κεκλήσθω δ’ ήμιν ένΐ προσφυώς ουτος δνόματι παιδαγωγός, προακτικός, ού μεθοδικός ών δ παιδαγωγός, ή καί το τέλος αύτοΟ βελτιώσαι τήν ψυχήν έστιν, ού διδάξαι, σώφρονός τε, 2,1 ούκ επιστημονικού καθηγήσασθαι βίου. Καίτοικαί διδασκαλικός ό αύτός έστι λόγος, άλλ’ ού νθν· 3 μέν γάρ εν τοις δογματικούς δηλωτικός καί άποκαλυπτικός, δ διδασκαλικός, πρακτικός δέ ών δ παιδαγωγός πρότερον μέν είς διάθεσιν ηθοποιίας προύτρέψατο, ήδη δέ καί είς τήν των δεόντων ενέργειαν παρακαλει, τάς ύποθήκας τάς άκηράτους παρεγγυώυ καί τών πεπλανημένων πρότερον τοίς ύστερον έπιδεικνύς τάς εικόνας. 2 “Αμφιο δέ ωφελιμότατα, τδ μέν είς ύπακοήν, τό παραινετικόν είδος, τό δέ έν είκόνος μέρει παραλαμβανόμενον διττόν καί Ί. Thème important chez Philon, Clément et Origène de la mul­ tiplicité des fonctions de Dieu par opposition à son unité. 2. Première apparition des mots do la famille de παιδαγωγός ; il faut souligner qu’ici ce participe s'applique à l'œuvre du Verbe protreptique et non, comme il sera de règle ensuite, à celle du Pédagogue. 3. Voir ce titre du Christ dans Sir., VII, 16, 5 et dans Celse, selon OniGÊNi·., C. Ceis., 1, 26 (cd. Koctschau, G. C. S., I, p. 77, 27). 4. Autre souvenir du vocabulaire technique de la morale stoï­ cienne : v. par ex. J. Souilbé, Introduction à son édition d'ÉricTKTE, Entretiens, l. 1, p. lui (épur). 5. Principe de dénomination (synecdoque] plusieurs fois invoqué par Clément : voir Str., ïl, 98, 2. G. Le mot remplace le παραμυΟητ-.ζόί du §1,2 (noter le chiasme). 7. L’équivalent latin (praeceptiva, scil. pars philosophiae) dans Sénèque, Ep., 95, 1. 8. Le thème du Logos ou du Christ-Médecin, guérisseur des pas- CHAPITRE 1 1,2 —2,2 111 toutes ces fonctions 1, le même Logos qui arrache l’homme à ses habitudes naturelles et liées au cosmos et qui le conduit comme un pédagogue 2 au salut sans pareil de la foi en Dieu. 3. Or donc, le guide céleste 3, le Logos, recevait le nom de « protreptique » lorsqu’il nous invitait au salut — ce nom est donné spécialement au Logos chargé de nous stimuler 4, le tout tirant son nom de la partie 4 ; mais c’est l’ensemble de la religion qui est « protreptique » puisqu’elle fait naître dans l’intelligence qui est naturelle­ ment disposée à cela le désir de la vie pour maintenant et pour l’avenir. 4. Mais pour l’instant c’est comme gué­ risseur * et conseiller tout à la fois que, se succédant à lui-même, il exhorte ’ celui qu’il a d’abord converti, et, notamment, il promet la guérison * des passions qui sont en nous. Nous lui donnerons Je seul nom de Pédagogue, qui lui convient bien : le pédagogue, en effet, s’occupe de l’éducation et non de l’instruction ; son but est de rendre l’âme meilleure, non pas de l’enseigner ; et il introduit à la vie vertueuse, non pas à la vie de science. 1. Sans 2 doute, le même Logos est également le maître chargé d’enseigner, mais ce n’est pas pour maintenant ’. Le Logos qui enseigne a pour charge d’exposer et de révéler les vérités doctrinales. Le Pédagogue, lui, qui s’occupe de la vie pratique, nous a d’abord exhortés à établir en nous une bonne vie morale ; et maintenant encore il invite à l’accomplissement des devoirs : il édicte les préceptes infrangibles et montre aux hommes les exemples fautifs de ceux qui les ont précédés. 2. Or l’une et l’autre méthodes sont très efficaces; l’une conduit à l’obéissance, c’est le genre de l’exhortation‘°; l’autre, qui se transmet sous forme d’exemples, est double — et, en cela, elle est sions, va revenir souvent : v. les textes groupés sous 1,6, 1 (n. 3). 9. Do meme que plus haut (§ 1, 4) νυνΐ ύί distinguait la zone d'action du Pédagogue par rapport A celle du Protreptique, ces mots réservent le cas du troisième degré, celui du « Maître ». 10. Cf. ci-dessus, p. 109, n. 9. 112 IJ VH E 1 αύτδ παραπλησίως τή προτέρα συζυγίο;, τδ μέν αύτοϋ ϊνα μιμώμεθα αίρούμενοι τδ αγαθόν, τδ δέ <$πως έκτρεπώμεθα 3,1 παραιτούμενοι τδ φαΟλον τής είκόνος. νΙασις ούν τών παθών ένθένδε έπεται, κατά τάς παραμυθίας τών εικόνων έτιιρρωννύντος τοΟ παιδαγωγοί) τάς ψυχάς καί ώσπερ ήπίοις φαρμάκοις ταις ΰποθήκαις ταΐς ψιλανθρώποις εις τήυ παντελή τής άληθείας γνώσιν τούς κάμνοντας διαιτωμένου. “Ισον δ' ούκ έστιν ύγίεια καί γνώσις, άλλ’ ή μέν μαθήσει, ή δέ ϊάσει περι2 γίνεται. Ούκ αν ούν τις νοσών έτι πρότερόν τι τών διδασκα­ λικών έκμάθοι πριν ή τέλεον ύγιδναι· ούδέ γάρ ωσαύτως πρδς τούς μανθάνοντας ή κάμνοντας αεί τών παραγγελμάτων έκαστον λέγεται, αλλά πρδς οΟς μέν εις γνώσιν, πρδς οδς δέ 3 είς ϊασιν. Καθάπερ ουν τοίς νοσοΟσι τδ σώμα ίατροΟ χρήζει, ταύτη καί τοίς άσθενοθσι τήν ψυχήν παιδαγωγοί) δει, ϊν' ήμών Ιάσηται τά πάθη, είτα δέ είς διδασκάλου 8ς καθηγήσηται, καθαρόν πρδς γνώσεως έπιτηδειότητα εύτρεπίζων τήν ψυχήν, δυναμένην χωρήσαι τήν άποκάλυψιν τοΟ λόγου. Σπεύδων δέ αρα τελειώσαι σωτηρίω ήμώς βαθμφ, καταλλήλω είς παίδευσιν ενεργή τή καλή συγχρήται οικονομία δ πάντα φιλάνθρωπος λόγος, προτρέπων άνωθεν, έπειτα παιδαγωγών· έπΐ πάσιν έκδιδάσκων. CHAPITRE I 2,2 —3,3 113 comparable à la précédente dualité ; elle consiste d’une part à nous faire imiter le bien, en optant pour lui, d’autre part à nous faire rejeter le mauvais côté de l’exemple, en l’excluant *. 1. Et c’est de là que vient la guérison des 3 passions : le Pédagogue fortifie les âmes par les exemples encourageants ; comme par de doux remèdes 2, à l’aide de ses préceptes pleins de bonté, il dirige doucement les malades vers la connaissance parfaite de la vérité. Or la santé et la connaissance ne sont pas choses identiques . celle-ci s'acquiert à force d’étude, celle-là par la guérison. 2. Un malade ne peut entreprendre l’étude d’un point quelconque de doctrine avant d’être en parfaite santé : chaque prescription n’est pas toujours donnée de la même manière à ceux qui étudient et à ceux qui sont malades ; aux premiers, on la donne pour leur connaissance ; aux autres, pour leur guérison. 3. De même que pour les malades du corps on a besoin du médecin, pour ceux dont l’âme est faible il faut un pédagogue, pour qu’il guérisse nos passions : nous irons ensuite au maître qui nous gui­ dera, en préparant notre âme à devenir pure pour accueil­ lir la connaissance, et en la rendant capable de recevoir la révélation du Logos 3. Or donc, empressé de nous conduire à la perfection par la marche ascendante du salut, le Logos, qui est en tout l’ami des hommes, met en œuvre un beau programme bien fait pour nous donner une édu­ cation efficace : il nous convertit d'abord ; ensuite il nous éduque comme un pédagogue ; en dernier lieu, il nous enseigne. 1. V. plus loin, I, 9, 1. 2. Expression homérique : II., IV, 218. 3. Texte important pour le rapport Pédagogue/Maître : cf. Intro­ duction, p. 9-10 et 14-16 ; et plus loin, III, 87, 1. Le Pédagogue. I. 8 114 LIVRE 1 II. 'Ότι διά τάς άμαρτίας ημών δ παιδαγωγός επιστατεί. "Εοικεν δέ δ παιδαγωγός ήμών, ώ παιδες ύμεΐς, τώ πατρί τώ αύτοΟ τώ θεώ, οδπέρ έστιν υίός, αναμάρτητος, ανεπίληπτος καί άπαθής τήν ψυχήν, θεός έν ανθρώπου σχήματι άχραντος, πατρικφ θελήματι διάκονος, λόγος θεός, δ έν τώ πατρί, ό έκ 2 δεξιών τού πατρός, συν καί τώ σχήματι θεός· ουτος ήμίν είκών ή άκηλίδωτος, τούτω παντί σθένει πειρατέον έξομοιοΟν τήν ψυχήν· άλλ’ δ μέν άτχόλυτος εις τό παντελές άνθρωπίνων παθών, διά τοθτο γάρ καί μόνος κριτής, δτι αναμάρτητος μόνος· ήμεις δέ, όση δύναμις, ώς ‘ότι ελάχιστα άμαρτάνειν πειρώμεθα· κατεπείγει γάρ ούδέν τοσοΟτον ώς ή τών παθών καί νοσημάτων απαλλαγή πρώτον, έπειτα δέ καί ή κώλυσις τής 3 είς τήν συνήθειαν τών αμαρτημάτων εύεμπτωσίας. *Άριστον μέν ουν τό μηδ’ δλως έξαμαρτάνειν κατά μηδένα τρόπον, δ δή ψαμεν είναι θεοΟ- δεύτερον δέ <τό) μηδενός τών κατά γνώμην έφάψασθαί ποτέ άδικημάτων, δπερ οικείου σοφού- τρίτον <δέ τό) μή πάνυ πολλοίς τών ακουσίων περιπεσειν, δπερ ίδιον παι- 4,1 1. Lo terme, appliqué soit au Verbe, soit à Dieu, est classique dans la littérature chrétienne du nc siècle, à partir d’iGNACE d‘An­ tioche (TÎp/i., 7,2 ; Polyc., 3, 2) : v. le dossier rassemblé par J. Geffcken, Zwei griechische Apologeten, Leipzig, 1907, p. 37 s. ; il revient souvent sous la plume de Clément ; pour un abus possible do la no­ tion, v. ci-dessous, III, 86, 1, note. Sur l’emploi par Clément des termes indiquant l'apathie stoïcienne, voir T. Ru ether, * Das I.eiblichkeit Christi nacli Clemens von Alcxandrien », TheotogMçta Quartalschrifl, 107, Tübingen, 1926, p. 231-254 ; du même, Die sitlliche Forde.rung der Apatheia in den beiden erslen Chrisllicken Jahrhundcrlen und bei Klemenx von Alexandri en, Freiburg, 1949 ; et Spanneut, p. 248 sq. 2. Expression paulinionne : Phil., 2, 7. 3. Si l'allusion à la « volonté du Père » est fréquente dans VÉvan­ gile de Jean (4, 34 ; 5, 30 ; 6, 38), le titre de Διάκονοί ainsi appliqué au Christ n’est pas scripturaire (cf., mais c’est tout autre chose, Horn., 15, 8, où il est dit « ministre des circoncis :i ; PolyCarpe, Phil., 5,2:« serviteur de tous ») ; Clément, qui le reprendra plus loin (III, I, 2), a pu l’emprunter aux gnos tiques, notamment basilidiens, CH API IRE II 4,1—4,3 115 II. Nos péchés nécessitent la direction du Pédagogue. 1. Notre Pédagogue, mes enfants, ressemble <\ Dieu 4 son Père, dont il est le fils : il est sans péché, sans reproche, sans passions dans son âme x, Dieu sans souillure sous l’aspect d’un homme *, serviteur de la volonté du Père s, Logos Dieu, celui qui est dans le Père, celui qui est assis à la droite du Père4, Dieu aussi parson aspect. 2. Pour nous, il est l’image sans tache : de toutes nos forces, il faut essayer de rendre notre âme semblable à lui 5. Mais il est, lui, totalement affranchi des passions humaines, et, à cause de cela, parce qu’il est seul sans péché, il est seul juge ·. Nous donc, autant que nous le pouvons, efforçonsnous de pécher le moins possible, car rien n’est plus urgent que de nous séparer, d’abord, des passions et des maladies et d'éviter, ensuite, la rechute dans les fautes habituelles. 3. Le mieux, assurément, est de nc commettre absolu­ ment aucune faute, d’aucune façon 7 ; et cela, disons-nous, appartient à Dieu ; mais en second lieu, c’est de ne point, prendre part de propos délibéré à quelque faute que ce soit, ce qui est le propre du sage ; en troisième lieu, c’est de nc pas tomber dans un grand nombre de fautes invoqui» c’est par lui que nous le savons, s’en servaient pour désigner Γ Esprit descendu sur le Christ, sous forme de colombe, lors du bap­ tême : Exc. Theod., 16 ; Strom., III, 36, 1 ; 38, 2. 4. Ad., 7, 55 {Ps., 109, 1). .5. Première apparition du thème de l’imitation de Dieu, du Verbe, do Jésus : Introduction, p. 37-38. Des sources ou parallèles classiques, on retiendra en particulier Musonius, XVII, p. 90, 4-5, 13-14» Dense. 6. Cf. Épictète, IV, 12, 19 ; Strlzenbergrr, p. 269. 7. Aussi Clément en viendra-t-il à exiger sinon V impeccantia, réser­ vée A Dieu, du moins Vapalheia, dans le tablean idéal qu’il tracera de son « Gnostique » : Strom., VI, 72, 1 sq. ; VII, 67, S ; VII, 88, 3. 116 Ll Vl< E 1 δαγωγουμένωυ εύγενώς· τδ δέ μή επί μήκιστον διατριψαι τοίς άμαρτήμασι τελευταίου τετάχθω* αλλά καί τούτο δέ^ τοίς είς 5,1 μετάνοιαν άνακαλουμένοις άναμαχέσασθαι σωτήριου. Καί μοι · οοκεί παγκάλως διά Μωσέως φάσκειν ό παιδαγωγός « εάν τις άποθάνη έττ' αύτφ αιφνίδιου, παραχρήμα μιανθήσεται ή κεφαλή εύχής αύτού καί ξυρήσεται », τήυ άκούσιον άμαρτίαν αιφνίδιου θάνατου προσειπών· μιαίνειυ δε αύτδν λέγει κηλιδοΟυτα τήυ ψυχήν· διδ καί τήυ Θεραπείαν ή τάχος ύποτίΘεται ξυρδσθαι παραχρήμα τήν κεφαλήν συμβουλεύων, τάς έπισκιαζούσας τώ λογισμφ τής άγνοιας κόμας άποψήξασθαι παραινών, ώς γυμνόν δασείας καταλειφΘέντα ύλης, τής κακίας, τδν λο­ γισμόν, ενθρονίζεται δέ ουτος έν έγκεφάλω, έπί τήν μετάνοιαν 2 παλινδρομήσαι. "“Επειτα δλίγα προσειπών επιφέρει « αΐ οέ ήμέραι αΐ πρότεραι άλογοι», δι’ ών δήλον δτι α! άμαρτίαι μηνύονταιαίμή γεγονυιαι κατάλογον. ΚαΙτδ μέν άκούσιον αίφυίδιου προσειπεν, τδ δέ άμαρτάυειυ άλογον. Οΐ δή χάριν δ λόγος δ παιδαγωγός τήν επιστασίαν εϊληχεν είς τήυ άλόγου κώλυσιν 3 αμαρτίας. Σκόπει δέ ένθένδε άπδ τής γραφής «διά τούτο τάδε λέγει κύριος))· τδ αμάρτημα έλεγκτικώς τδ προυπάρξαυ διά τής επομένης δείκνυται Ρήσεως, καθό ή δικαία κρίσις £πεται, καί τούτο έμφανώς διά τών προφητών καταφαίνεται, ώς, εΐ μή ήμαρτες, λεγόντων, ούκ άυ τάδε ήπείλησευ, καί « διά τούτο ούτως λέγει κύριος » καί « άνΘ' ών ούκ ήκούσατε τώυ λόγων τούτων, διά τούτο τάδε λέγει κύριος » καί « διά τούτο ιδού λέγει κύριος ». Διά τούτο γάρ ή προφητεία, δι’ ύπακοήν καί παρακοήν, δι’ ήν μέν ϊνα σωΘώμευ, δι1 ήν δέ ϊνα παιδευθώμεν. 1. Tout ce passage est inspire de Philon, de agrie., 17S, maïs Clément sait rattacher la distinction qui lui est chère des degrés·’ de gravite du péché à des sources néo-testamentaires {1 Jean, 5, 1617) : Strom., II, 66, 4. 2. Nous retrouverons l’invitation à la pénitence : I, 81, 3; III, 93, 3 : cf. Vôlker, p. 164 sq. 3. Nombr., 6, 9, cité par Philon, de agrie., 175 ; pour ce qui suit, voir toujours Philon, id., 176, 179. 4. Nombr., 6, 12, cité par Philon et introduit par la même for­ mule, id., 175. 5. Ézich., 13, 13 ; 13, 20. Jérém., 7, 20. CHAPITRE H 4,3 — î$,3 117 lontaires 1 ; c’est le fait de ceux qui reçoivent une noble éducation ; en dernier lieu, nous mettrons le fait de ne pas demeurer très longtemps dans le péché : car c’est encore une chose salutaire, pour ceux qui sont invités à se repentir, que de reprendre le combat2. 1. Le Péda- 5 goguc me paraît avoir très bien parlé par l’intermédiaire de Moïse : « Si quelqu’un meurt près de lui de mort subite, sa tète consacrée se trouve aussitôt souillée, et elle sera rasée » Ce qu’il désigne par le nom de « mort subite », c’est la faute involontaire : et sa tache, dit-il, souille l’âme ; c’est pourquoi il suggère le remède qui consiste à raser aussitôt la tète : il recommande de couper les che­ veux de l’ignorance, qui obscurcissent l'intelligence ; une fois débarrassée de la matière touffue, qui est le mal, l'intelligence qui siège dans le cerveau pourra se tourner vers le repentir. 2. Après quelques phrases, il ajoute : « Les jours précédents étaient sans raison 4. » Ce terme désigne, évidemment, les fautes commises sans accord avec la raison. 11 a nommé la faute involontaire « une mort subite » et il appelle le péché un acte « sans raison » : voilà pourquoi le Logos-Pédagogue a reçu pour charge de nous diriger, afin d’empêcher les fautes « sans raison ». 3. Examinons maintenant l’expression scripturaire « à cause de cela, voici ce que dit le Seigneur 5. » On voit nettement, parla phrase qui suit, quelle est la faute anté­ rieure, d’après le juste jugement qui est alors énoncé. On peut faire la même remarque lorsque les prophètes disent : Si tu n’avais pas péché, tu n’aurais pas reçu telle menace, ou bien : « A cause de cela, voici ce que dit le Seigneur n, ou encore : « Parce que vous n’avez pas écouté ces paroles, à cause de cela, voici ce que dit le Seigneur ° », et : « A cause de cela, voici que parle le Seigneur. » Telle est bien en effet la raison d’être de la prophétie : l’obéissance et la désobéissance ; par l’une nous serons sauvés ; par 6. Cf. 1 Sain., 28, 18. 118 LIVRE I 6,1 *Έστιν οϋν ό παιδαγωγός ήμών λόγος διά παραινέσεων θερα­ πευτικός των παρά φύσιν τής ψυχής παθών. Κυρίως μέν γάρ ή τών τοΟ σώματος νοσημάτων βοήθεια ιατρική καλείται, τέχνη άνθρωπίνη σοφία διδακτή. Λόγος δέ ο πατρικός μόνος έστίν άνθρωπίνων ιατρός άρρωστημάτων παιώνιος καί επωδός άγιος νοσούσης ψυχής, C Σώσου τόν δοϋλόν σου », φησίν, « δ θεός μου, τόν έλπίζοντα επί σοί· έλέησόν με, κύριε, 'ότι πρός 2 σέ κεκράξομαι 'όλην τήν ήμέραν. 9 «Ιατρική μέν γάρ » κατά Δημόκριτον « σώματος νόσους άκέεται, σοφίη δέ ψυχήν παθών άφαιρειται >· ό δέ άγαθός παιδαγωγός, ή σοφία, ο λόγος τοΟ πατρός, ό δημιουργήσας τόν άνθρωπον, ’όλου κήδεται τοΟ πλά­ σματος, καί σώμα καί ψυχήν άκειται αυτού δ πανακής τής 3 άνθρωπότητος Ιατρός. Ό σωτήρ « ανάστα», φησί τω παρειμένω, e τόν σκίμποδα έφ* δυ κατάκεισαι λαθών άπιθι οϊκαδε». Παραχρήμα δέ ό άρρωστος έρρώσθη. Καί τώ τεθνεώτι « Λά­ ζαρε », εΐπεν, « έξιθι »· δ δέ έξήλθεν τής σοροΟΛ, δ νεκρός, 4 οΐος ήν πριν ή παθεΐν, μελετήσας τήν άνάστασιν. Ναι μήν καί καθ' αύτήν ΐάταιτήν ψυχήν έντολαΐς καί χαρίσμασιν, άλλά ταΐς μέν ύποθήκαις τάχα δή μέλλει· χαρίσμασι δέ πλούσιος « άφέωνταί σοι αί άμαρτίαι » τοίς άμαρτω?ιθΐς ήμίν λέγει. 5‘Ημείς δέ άμα νοήματι νήπιοι γεγόναμεν, τήν άρίστην καί a. σοροΰ F : γή{ Μ Slühlin 1. Cf. ΤΗ, 53, I ; notion stoïcienne (CL Strom., II, 59, G = St. V. F., Ill, n° 377 ; Voelker, p. 131, n. 7), commo celle des « mala­ dies» do Fame: St. V. F.. Ill, n°425 s. : Philon, de. Spec, leg., Ill, 11. 2. Expression empruntée à I Cor., 2, 13. 3. Le thème, cher à la pensée chrétienne antique (cf. A Diognèle, éd. Marrou. p. 192, n. 4) du Verbe, ou de Dieu, médecin, guérisseur des passions de l’âme, est souvent repris par Clément : I, 1, 4; I, 3, 3 ; I, 51, 1 ; I, 83, 1 ; III, 70, 1 ; III, 98, 2 ; Protrept., 8, 2 ; 91, 3 ; Qttis div. sala., 29, 3. 4. Le mot vient de Sophocle, Trachin., 1208. 5. Ps., 85, 2-3. 6. Fr. 31 Diels, connu sans doute à travers une source stoïcienne : StelzeNuerger, p. 270, n. 117. La définition sera reprise, sous une forme légèrement différente et sans nommer Démocrite ap. Strom., VII, 3, 1. CHAPITRE II 6,1 —6,5 119 l’autre nous serons éduqués. 1. Voici donc le Logos, 6 notre Pédagogue, qui par scs conseils soigne les passions contre nature 1 de notre âme. Au sens propre, on appelle médecine le soin des maladies du corps ; c’est un art qu’enseigne la sagesse humaine 2. Mais le Logos du Père est le seul médecin 3 des infirmités morales de l’homme ; il est le guérisseur 4 et le magicien sacré qui délivre l’âme malade. « Sauve ton serviteur — tu es mon Dieu — », est-il écrit, «car il se fie en toi ; pitié pour moi, Seigneur, car c’est vers toi que je crierai tout le jour 5». 2. « La médecine », selon Democrite, « soigne les maladies du corps, mais c’est la sagesse qui débarrasse l’âme de ses passions 6». Notre bon Pédagogue, lui, qui est la Sagesse et le Logos du Père, et qui a créé l’homme, prend soin de sa créature tout entière : il en soigne à la fois le corps et l’âme, lui, le médecin de l’humanité, capable de tout guérir ’. 3. Le Sauveur dit à celui qui est couché : « Lève-toi, prends la civière sur laquelle tu es étendu et rentre chez toi 8»; et aussitôt l’homme sans force retrouve ses forces. Et il dit à l’homme mort : « Lazare, sors 8 » ; et le mort sortit du tombeau, tel qu’il était avant de mourir, s’exerçant ainsi à la résurrection. 4. Certaine­ ment il guérit également l’âme en elle-même, par ses préceptes et par scs grâces ; par les conseils, peut-être cela prend-il du temps ; mais par les grâces, il est assez riche pour dire aux pécheurs que nous sommes : « Tes péchés te sont remis 10. » 5. Et nous, par un acte aussi rapide que la pensée “, nous sommes devenus des tout7. Cali.imaque, Epigr., 46, 4. 8. Cf. Matlh., 9, 6 et parall. 9. Cf. Jean, 11. 43. 10. Luc, 5, 20.23. 11. On retrouve Γexpression, appliquée à l’acte de la Création, ap. Strom., VI, 142, 2 ; ici l'idée paraît être qu'aussitôt après l'absolu­ tion, procurée par le baptême, nous sommes devenus purs comme des K tout-petits * : première apparition du terme, qui va revenir souvent, peur designer les disciples du a Pédagogue ». 120 LIVRE I βεδαιοτάτην τάξιν παρά τής αύτοΟ εύταξίας μεταλαμδάνοντες, ή πρώτον μέν άμφί τδν κόσμον καί τδν ούρανδν τάς τε ήλιακάς περιδινήσεις κύκλους τε καί τών λοιπών άστρων τάς φοράς • άσχολειται διά τδν άνθρωπον, έπειτα δέ περί τδν άνθρωπον 6 αύτόν, περί δν ή πάσα σπουδή καταγίνεται· καί τοΟτον έργον ήγουμένη μέγιστον, ψυχήν μέν αύτοΟ φρονήσει και σωφροσύνη κατηύθυνεν, τδ δέ σώμα κάλλει καί εύρυθμΐα συνεκεράσατο, περί δέ τάς πράξεις τής άνθρωπότητος τό τε έν αύταΐς κατορθοΟν καί τδ εύτακτον ένέπνευσεν τδ αύτής. CHAPITRE Π 6,5 —6,6 121 petits enfants ; nous recevons de sa puissance organisa­ trice le rang le meilleur et le plus assuré. D’abord cette puissance s’occupe du inonde et du ciel, des rotations du soleil et des cours des autres astres, et cela en fonction de l’homme 12; ensuite, elle s’occupe de l’homme lui-même, autour duquel tout ce zèle se déploie. 6. Considérant que l’homme est l’œuvre suprême, elle a mis son âme sous la direction de l’intelligence et de la tempérance, tandis qu’elle ornait son corps de beauté et d’harmonie : au corps et à l’âme, elle insufflait *, pour ce qui est des activités humaines, ce qui constitue leur rectitude inté­ rieure et celte beauté qui appartient à sa propre organi­ sation. 1. La conception anthropocentrique du Kosrnos, stoïcienne d'ori­ gine (Si. V. F., II, n0* 1152-1167 ; Cicéron, de nul. dear., II, 130133·, faisait depuis longtemps partie de la tradition apologétique juive et chrétienne (ci. Λ Diognite, éd. Marrou, p. 211, η. 1). 2. Dans la même phrase Clément, fidèle à sa méthode, unit termes philosophiques (stoïciens : ràftç, ιύταξία, εύτακτον) et réminiscence biblique (ίνίπνιυσεν, Gen., 2, 7). 122 LIVRE 1 III. "Οτι φιλάνθρωπος δ παιδαγωγός. Πάντα δνίνησιν ό κύριος καί πάντα ωφελεί καί ώς άνθρω­ πος καί ώς θεός, τά μέν Αμαρτήματα ώς θεός άφιείς, είς δέ τδ μή έξαμαρτάνειν παραπαιδαγωγών ώς άνθρωπος. Εικότως άρα φίλος δ άνθρωπος τώ θεω, έπεί καί πλάσμα αύτοϋ έστιν. Καί τά μέν άλλα κελεύων μόνον πεποίηκεν, τδν δέ άνθρωπον 2 δι' αύτοΟ έχειρούργησεν καί τι αύτφ ίδιον ένεφύσησεν. Τδ οίν ύπ' αύτοϋ καί πρδς αυτόν άπεικονισμένον ή ώς δι' αύτδ αιρε­ τόν τώ θεώ ύπ’ αύτοϋ δεδημιούργηται τοϋ θεοϋ ή ώς ένεκεν 3 άλλου αιρετόν διαπέπλασται. Ε’ μέν ουν δι1 αύτδ αιρετόν δ άνθρωπος, αγαθός ών άγαθδν ήγάπησεν, καί τδ φίλτρον ένδον έστιν εν τώ άνθρώπω, τοϋθ’ δπερ εμφύσημα εϊρηται θεοϋ· εί δέ έ'νεκεν τών άλλων ό άνθρωπος αιρετόν γέγονεν, ούκ άλλην αιτίαν έσχεν τοΟ ποιειν αύτδν δ θεός ή ώς ούκ άνευ αύτοϋ οϊου τε δντος τδν μέν γενέσθαι δημιουργόν Αγαθόν, τδν δέ είς γνώσιν άφικέσθαι ΟεοΟ, ού γάρ άλλως άν τδ ου ένε.κεν άνθρω­ πος γέγονεν έποίησεν δ θεός, εί μή άνθρωπος έγεγόνει, καί ήν εΐχεν έναποκεκρυμμένην ίσχύν, τδ βούλεσθαι, δ θεός διά τής έξωθεν τοϋ πεποιηκέναι προσανεπλήρωσεν δυνάμεως, λαθών παρά άνθρώπου δ πεποίηκεν άνθρωπον καί δ εΐχεν εΐοεν 8.1 καί γέγονεν δ ήθέλησεν· ούδέν δέ δ μή δύναται θεός. Ό άνθρω7.1 1. La notion de «philanthropie» divine (déjà I, 3, 1) va être reprise avec insistance par Clément tout au long dns trois livres du Pédagogue : Introduction, p. 35 36 ; il l'utilise pareillement dans ses autres œuvres : Prolrcpt., 6, 3 ; 27, 3 ; 82, 1 ; 104, 3 ; Strom., V, 85, 5 ; VII, 8, 1. 2. Gen., 2, 7, combiné avec Gen., 1, 26 : l'homme comme image de Dieu (ci. Vülkek, p. 111-112 : sources philonicnnes). 3. Allusion, semble-t-il, à l'incarnation. 4. Cette expression se lit aussi chez les gnostiques. Voir les Phiiosophoumena, V, 1, 7 (édit. Gruicc, p. 150), et aussi A.-.J. Festucière, La Révélation d'Hermès Trismegiste. I, p. 267. i CHAPITRE III 7,1—8,1 123 III. Le Pédagogue aime l’homme ». 1. En tout le Seigneur vient à notre aide, en tout il 7 nous est bienfaisant, à la fois comme homme et. comme Dieu. Comme Dieu, il remet nos péchés ; comme homme, il fait en pédagogue notre éducation pour que nous ces­ sions de pécher. Il est bien naturel que l’homme soit aimé de Dieu, puisqu’il est sa créature. Les autres parties de sa création, Dieu les a faites seulement par un ordre ; l’homme, au contraire, il l’a façonné de ses propres mains et il lui a insufflé quelque chose de particulier 8. 2. Cette créature, donc, que Dieu a créée lui-même et qu’il a faite à sa propre image, ou bien il l’a créée parce qu’elle était par elle-même un objet digne de choix, ou bien il l’a façonnée parce qu’elle était digne de choix en vue d’autre chose. 3. Si l’homme est, par lui-même, un objet digne de choix, Dieu, qui est bon, a aimé cet être bon ; le charme pour attirer l’amour se trouve à l’intérieur même de l’homme et c’est, précisément, ce qu’on a appelé le « souille » de Dieu. Mais si l’homme a été digne de choix en vue des autres choses, Dieu n’avait pas d’autre motif de le créer que celui-ci : sans l’homme, il n’était pas pos­ sible que le Créateur se révélât bon et, d’autre part (sans les autres créatures) il n’était pas possible que l’homme atteignît à la connaissance de Dieu ; car Dieu, certaine­ ment, n’aurait pas créé ce en vue de quoi l’homme existe, si l’homme n’avait pas existé. Cette force que Dieu main­ tenait cachée, son vouloir, il l’a portée à la plénitude par sa puissance de créer à l’extérieur; il a reçu de l’homme ce qu’il avait créé, l'homme * ; ce qu’il avait, il le vit ; et il devint ce qu’il voulut4; car il n’est rien que Dieu ne puisse faire. 1. L’homme, donc, que Dieu a créé, est 8 124 LIVRE I πος άρα δν πεποίηκεν δ θεός, δι' αύτδ αίρετόν έστιν, τό δέ δι’ αύτδ αίρετόν οίκεΐόν έστιν δτωπερ δν ή δι’ αύτδ αίρετόν, τούτω δέ καί άσμενιστδν καί φιλητόν. ’Αλλά καί φιλητόν μέν τί έστί τινι, ούχί δέ καί φιλεϊται ύπ' αύτοΟ ; φιλητδς οέ δ άνθρωπος άποδέδεικται, φιλεϊται Spa πρός τοϋ θεοΟ δ άνθρω2 πος. Πώς γάρ ού φιλεϊται, δι' δν δ μονογενής έκ κόλπων πατρδς καταπέμπεται λόγος τής πίστεως ζ [ή] πίστις έκ περιουσίας αύτδς σαφώς δ κύριος δμολογών καί λεγων « αύτδς γάρ δ πατήρ φιλεϊ ύμδς, δτι ύμεϊς έμέ πεφιλήκατε », καί πάλιν δ αύτδς « καί ήγάπησας αυτούς, καθώς έμέ ήγάπησας ». 3 Τί μέν ουν δ παιδαγωγός βούλεται καί τί έπαγγέλλεται, έν έργφ καί λόγω διακείμενος καί ύπαγορεύσει μέν τών πρακτέων, άπαγορεύσει δέ τών εναντίων, ήδη που δήλον. Σαφές δέ ώς Spa θάτερον είδος τών λόγων, τό διδασκαλικόν, ισχνόν τέ έστι καί πνευματικόν, άκριθολογίας έχόμενον, τό έποπτικόν, δδή ύπερ9,1 κείσθω τά νΟν. Καθήκει δ' ήμϊν άνταγαπδν μέν τδν καθηγού­ μενον άγαπητικώς άρίστου βίου, βιοΟν δέ πρός τά διατάγματα τής αύτοΟ προαιρέσεως, ού μόνον έπιτελοΟντας τά προσταττόμενα ή παραφυλάττοντας τά άπαγορευόμενα, άλλα καί τών εικόνων τάς μέν έκτρεπομένους, τάς δέ ώς ενι μάλιστα μιμουμένους έπιτελεϊν καθ' δμοίωσιν τά έργα τοΟ παιδαγωγοί), ϊνα 2 δή τό « κατ' εικόνα καί καθ’ δμοίωσιν » πληρωθή. 'Ως γάρ έν σκότω βαθεϊ άλώμενοι τώ βίφ απταίστου καί άκριθοΟς καθο1. Ce passage utilise des termes techniques stoïciens : aussi von Arnim a-t-il cru pouvoir attribuer ce texte à Chrysippe : SL V. F., II, n° 1123. 2. Ces mots viennent de Jean, 1, 18. 3. Même expression ap. Barn., 16, 9. 4. Jean, 16, 27. 5. Jean, 17, 23. 6. Encore une formule stoïcienne (cf. St. V. F.. III, n°* 314-325), également familière à Philon (de nwgr. Abr., 130 ; de. vit. Mos., II, 4), que Clément utilise aussi ailleurs : I, 65, 2 ; Strom., I, 166, 5 ; II, 34, 4; III, 84, 1. 7. Sur cette dialectique de l’agapè, v. Introduction, p. 36. On retrouvera l’idée, exprimée en termes classiques, plus loin : I, 48, 1. 8. Sur ce terme stoïcien, dillicilcment traduisible, cf. J. Soujlhé, Introduction aux Entretiens d’ÉpiCTÈTK, p. r., n. 3. CHAPITRE 111 8,1 - - 9,2 125 par lui-même un objet digne de choix 1 ; or, ce qui est en soi-même digne de choix est naturellement approprié à celui précisément pour lequel il est, par lui-même, objet de choix ; et il est par lui bien accueilli et susceptible d’être aimé. Or existe-t-il un objet digne d’être aimé de quelqu’un, qui ne soit aimé de celui-ci ? Puisque l’homme, comme nous l’avons montré, est digne d’être aimé, il s’ensuit donc qu’il est aimé de Dieu. 2. Comment n’est-il pas aimé, en effet, celui pour lequel le Fils unique est descendu du sein du Père2, Logos, raison de notre foi3 ? Raison de notre foi, le Seigneur l’est excellemment, lui qui proclame et affirme : « Le Père lui-même vous aime parce que vous m’avez aimé 4 », et ailleurs : « Tu les as aimés comme tu m’as aimé 8. » 3. Que veut donc le Pédagogue et que promet-il ? Par ses actes comme par ses paroles, il nous prescrit ce qu’il faut faire et nous interdit le contraire «, c’est maintenant assez clair. Quant à l'autre genre de scs paroles, celui qui consiste à ensei­ gner, c’est un genre évidemment dépouillé, spirituel et s’en tenant à une grande précision : il concerne la contempla­ tion. Pour l’instant, nous le laisserons de côté. 1. 11 9 convient que nous donnions un amour de réciprocité ‘ à celui qui, par amour, nous guide vers la meilleure vie ; que nous vivions selon les prescriptions de sa volonté 8, non pas seulement en accomplissant ce qu’il ordonne ou en nous abstenant de cc qu’il interdit, mais en fuyant éga­ lement certains exemples et en imitant le plus possible les autres ; c’cst ainsi que nous accomplirons, par ressem­ blance, les œuvres du Pédagogue et que se réalisera plei­ nement la parole : « Selon l’image et la ressemblance 9. » 2. Engages dans cette vie comme dans une profonde nuit, nous avons besoin en effet d’un conducteur infail­ lible et précis. Or le meilleur guide n’est pas l’aveugle 9. Gen., I, 26. Clément reviendra plus d’une fois sur la distinc­ tion κ image » et « ressemblance n ; v. Introduction, p. 37-38 et cidessous, I, 98, 3, p. 284, n. 4. 126 LIVRE ί δηγοϋ δεόμεθα. 'Οδηγός δέ άριστος ούχί ό τυφλός, καβά φησιν ή γραφή, τυφλούς είς τδ βάραθρον χειραγωγών, όξύ δέ δ 3 βλέπων καί διορών τά εγκάρδια λόγος. Καθάπερ οΰν ούκ εστι φώς δ μή φωτίζει ούδέ κινούν 8 μή κινεί ούδέ φιλούν δ μή φιλεί, ούδέ αγαθόν έστιν δ μή ώφελεί καί είς σωτηρίαν καθο4 δηγει. Άγα-πώμεν οΰν τάς έντολάς δι’ έργων τοΟ κυρίου, καί γάρ δ λόγος αύτδς έναργώς σαρξ γενόμενος τήν αύτήν άρετήν πρακτικήν αμα καί θεωρητικήν έπιδεικνύς, καί δή νόμον ύπολαμΒάνοντες τδν λόγον, τάς έντολάς καί τάς ύποθημοσύνας αύτοΟ ώς συντόμους δδούς καί συντόνους είς άιδιότητα γνωρίσωμεν τιειθοΟς γάρ άνάπλεω. ού φόβου, τά "Προστάγματα. CHAPITRE HI 9,2 —9,4 127 qui, scion l’Écriture, conduit par la main d’autres aveugles vers le précipice1; c’est le Logos dont le regard perçant2 va jusqu’au fond des cœurs 3. 3. De môme qu’il n’y a pas de lumière qui n’éclaire, ni d’objet en mouvement qui ne meuve, ni d’être aimant qui n’aime, il n’y a pas davantage de bien qui ne soit bienfaisant et ne conduise au salut. 4. Aimons donc les préceptes du Seigneur en les traduisant par des actes : le Logos, en devenant chair 45 , a montré manifestement que la même vertu concerne à la fois la vie pratique et la contemplation °. Oui, prenons le Logos pour loi ; reconnaissons que ses préceptes et ses conseils sont des chemins raccourcise et rapides vers l’éternité : car ses ordres sont remplis de force persuasive, non pas de crainte. 1. Mallh., 15, 14 et paraît 2. Expression où l’on peut voir un souvenir de Platon, Lois, VII, 809 A. 3. Cf. Jérémie, 17, 10 ; Rom., 8, 27. 4. Jean, 1, 14. 5. Terminologie aristotélicienne, que Clément retrouvait aussi bien chez Philon, Leg. Alleg., I, 57, que chez Musonius, VI, p. 22, 7-9, Ilense, et dont il fait, tout naturellement usage (v. encore : Strom., VII, 78, 2 : Eel. proph., 37, 1) ; l’idée est ici que le Verbe incarné nous a donné non seulement, par son enseignement., les pré­ ceptes de lu vertu, objets de notre κ réflexion », mais aussi, par son exemple, le modèle à imiter par nos actes, notre « pratique». G. Définition cynique, déjà utilisée dans Prolrept., ΊΊ, 1. 128 LIVRE I IV. "Οτι έπ' ίσης άνδρών καί γυναικών δ λόγος -παιδαγωγός έστιν. Ταύτην* τοίνυν πλέον τήν άγαθήν άσπασάμενοι πειθαρχίαν σφδς αύτούς έπιδώμεν κυρίφ, τδν βεθαιότατον τής πίστεως αύτοΟ έξαψάμενοι κάλων, τήν αύτήν άρετήν άνδρός καί 2 γυναικδς είναι νενοηκότες. Εϊ γάρ άμφοίν δ θεός εις, εις δέ καί δ παιδαγωγός άμφοίν. Μία έκκλησία, μία σωφροσύνη, αιδώς μία. ή τροφή κοινή, γάμος συζύγιος, άναπνοή, δψις, άκοή, γνώσις, έλπίς, ύπακοή, άγάπη, δμοια πάντα- ων δέ κοινός μέν δ βίος, κοινή δέ ή χάρις, κοινή δέ καί ή σωτηρία, κοινή 3 τούτων καί ή αρετή καί ή αγωγή. « Έν γάρ τώ αιώνι τούτωο, φησίν, c γαμούσι καί γαμίσκονται », έυ S οή μόνω τδ θήλυ τού άρρενος διακρίνεται, « έν έκείνω δέ ούκέτι t>, ένθα τού κοινω­ νικού καί αγίου τούτου βίου τού έκ συζυγίας τά έπαθλα ούκ δρρενι καί θηλεία, άνθρώπφ δέ άπόκειται επιθυμίας διχαζούσης αύτόυ κεχωρισμένω. Κοινόν ουν καί τοΰνομα άνδράσιν 11.1 καί γυναιξίν δ άνθρωπος. Ταύτη μοι δοκούσιν οί Αττικοί παιδάριον έπικοίνως ού μόνον τδ άρρεν άλλα καί τδ θήλυ κεκληκέναι, εϊ τω πιστός καταφαίνεται ό κωμικός έν 'Ραπιζομένη Μένανδρος ώδέ πως λέγων 40.1 τούμόν θυγάτριον, . . ,πάνυ γάρ έστι τή φύσει φιλάνθρωπον τδ παιδάριον σφόδρα. a. ταντην 1·'Μ : ταύτη Tengblad Slahlin 1. L’idée vient naturellement de saint Paul, Gui., 3, '28 et appar­ tient à la tradition chrétienne (Justin, Tryph., 23, 5 ; etc.), mais elle rencontre les préoccupations des philosophes ; ainsi, pour ne pas remonter jusqu’à Platon, Musonius (111 «Que les femmes aussi doivent philosopher », IV « Doit-on éduquer pareillement filles et fils ?»). C’était, en effet, un thème cher aux stoïciens : Si. V. F., III, n« 253-254 (Strom., IV, 59, 1 ; 62, 4). 2. Cf. Luc, 20, 34-35. 3. Clément spécule ici, comme bien d’autres Pères le feront après lui, sur l’expression mystérieuse du verset Gen., 1, 27. CHAPITRE IV 10,1 — H, i 129 IV. Le Logos est également le pédagogue des hommes et des femmes. 1. Embrassons donc plus fortement encore cette 10 belle obéissance et consacrons-nous au Seigneur ; saisis­ sons le câble très solide de la foi en lui et considérons que la même vertu nous concerne, hommes et femmes ’. 2. Dieu est unique pour les deux ; unique aussi, le Péda­ gogue. Une assemblée, une morale et une pudeur ; nour­ riture commune, lien conjugal commun ; tout est pareil : la respiration, la vue, l’ouïe, la connaissance, l’espérance, l’obéissance, l’amour. Ceux qui ont en commun la vie, ont également en commun la grâce et en commun le salut, et en commun, à eux aussi, la vertu et la façon de vivre. 3. « En ce monde-ci », est-il écrit, « ils prennent femme et se marient » ; — oui, c’est ici-bas seulement que le sexe féminin est distingué du sexe masculin. « Il n’en sera plus ainsi dans l’autre monde * » : là-haut, les prix de la victoire mérités par cette vie commune et sainte du mariage ne sont pas réservés à des hommes et à des femmes mais à l’être humain 3 libéré du désir qui (ici-bas) le sépare en deux êtres distincts. 1. Le nom 11 d’être humain est commun aux hommes et aux femmes. Il me semble que les Altiques en jugent ainsi, qui donnent le nom de « petit enfant », identique aux deux sexes, à la fois au garçon et à la fille 4, si l’on en croit le témoignage de l’auteur comique Ménandre, dans sa pièce La fouettée, lorsqu’il dit : « Ma petite fille... car la nature éprouve une très grande affection pour le petit enfant6. » ri. V. par ex. le grammairien Moeris, p. 207, 32, Bckker. 5. C. Λ. F., t. ΠΙ, p. 124, Ménandre, n° 428. Le Pédagogue. I. o 130 LIVRE I 2 “Αρυες 8έ δή έττίκοινόν έστιυ άφελείας δυομα ίρρενός κα^ θήλεος ζώου· αύτδς δέ ήμας δ « κύριος ποιμαίνει » εΐζ τούς αΙώνας, άμήυ. « “Ανευ δέ ποιμένος ούτε πρόβατα ούτε άλλο ούδέν πω βιωτέον, ουδέ δή παίδας άνευ τοΟ παιδαγωγού, ουδέ μήν οίκέτας δνευ τοΟ δεσπότου, ο CHAPITRE IV 11,2 131 2. Le nom d’« agneaux » est également identique aux deux sexes : il désigne la simplicité, à la fois pour le mâle et pour la femelle. Et le Seigneur lui-môme « est notre berger 12», pour tous les siècles, Amen. « Sans berger, les brebis ni aucun autre animal ne doit vivre ; ni les enfants sans le pédagogue ; ni les serviteurs sans le maître » 1. Pi., 22, 1. 2. Platon, Lois, VII, 808 D. 132 LIVRE I V. "Οτι πάντες οί περί τήν άλήθειαν καταγινόμενοι παΐδες παρά τφ θεφ. 12,1 2 3 4 5 ‘Ότι μέν ουν ή παιδαγωγία παίδων έστ'ιν άγωγή, σαφές έκ τοΟ δνόματος· λοιπόν δέ έστι τούς παΐδας έτΗθεωρήσαι, οΟς αίνίττεται ή γραφή, εΐτα τδν παιδαγωγόν αύτοΐς έπιστήσαι. Οί παΐδες ημείς· πολλαχώς δέ ήμ&ς έξυμνεΐ πολυτρόπως τε άλληγορεΐ δνόμασι ποικίλοις τό άφελές τής πίστεως έξαλλάττουσα ή γραφή· Έν γοΟν τφ εύαγγελίω· « σταθείς », φησίν, « δ κύριος έπί τθ> αίγιαλφ πρός τούς μαθητάς — άλιεύοντες δέ έτυχον — ένεφώνησέν [τε], παιδία, μή τι δψον έχετε ; » τούς ήδη έν έξει τών γνωρίμων παΐδας προσειπών. « ΓΊροσήνεγκάν τε αύτφ», φησί, «.παιδία » είς χειροθεσίαν εύλογίας, κωλυόντων δέ των γνωρίμων, είπεν 6 ‘Ιησούς «άφετε τά παιδία καί μή κωλύετε αύτά έλθεΐν πρός με· των γάρ τοιούτων έστίν ή βασιλεία των ούρανών ». Τί βούλεται τό λεχθέν, αύτός διασαφήσει δ κύριος λέγων « εάν μή στραφήτε καί γένησθε ώς τά παιδία ταΟτα, ού μή εΐσέλθητε εις τήν βασιλείαν των ούρανδν », ού τήν άναγέννησιν ένταΟθα άλληγορών, άλλά τήν έν παισίν απλότητα είς έξομοίωσιν παρακατατιθέμενος ήμΐν. Τούς παΐδας ήμδς καί τό προφητικόν έκδέχεται πνεΟμα· « δρεψάμενοι», φησί, «κλάδους έλαίας ή φοινίκων οί παΐδες έξήλθον είς ύπάντησιν κυρίφ καί έκέκραγον λέγοντες, ώσαννά τφ υΐζδ Δαδίδ, εύλογημένος ο ερχόμενος έν δνόματι κυρίου », φώς καί δόξα καί αίνος μεθ’ ίκετηρίας τφ κυρίω· τουτί γάρ 1. 2. 3. 4. 5. Cf. Jean, 21. 4-5. Matlh., 19, 13-14 et paraît. Matlh., 18, 3. Celle dont il est question dans Jean, 3, 3 île baptême). Cf. Matlh., 21, 8-9 et paraît CHAPITRE V 12,1 — 12,5 133 V. Tous ceux qui s’attachent à la vérité sont des enfants aux yeux de Dieu. La Pédag°Kie d°»c 1:1 12 des c"fants' son nom, 1 indique. Il reste à considerer 1 . , . quels sont ces entants dont. I lien· 1 , . . ... turc parle ainsi symboliquement et ensuite à leur préposer le Péda­ gogue. Les enfants, c’est nous. De bien des manières ΓEcriture nous célèbre et de multiples façons elle nous désigne allégoriquement, en variant les termes pour don­ ner l’équivalent de la simplicité de la foi. 2. Par exemple, dans l’Evangile, il est dit : « Le Seigneur s’arrêta sur le rivage, près des disciples — ils étaient en train de pêcher — et leur parla : petits enfants, n’avez-vous pas de poisson 1 ? »: il donne le nom d’enfants à des hommes qui sont déjà en l’état.de disciples. 3. «On lui présenta des petits enfants », pour qu’il les bénît avec ses mains et, comme scs disciples s’y opposaient, Jésus dit : « Laissez les petits enfants et ne les empêchez pas de venir à moi, car c’est à leurs pareils qu’appartient le Royaume des cieux ’. » 4. Le Seigneur précise lui-même le sens de cette parole lorsqu'il dit : « Si vous ne vous convertissez pas et ne devenez pas comme ces petits enfants, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume des cieux 3 » : par cette phrase, il ne fait pas allusion à la régénération ‘ mais il nous recommande d’imiter la simplicité des enfants. 5. L’Esprit prophétique lui aussi nous considère comme des enfants : « Les enfants prirent, des rameaux d’oliviers ou de palmiers, sortirent à la rencontre du Seigneur et s’écriaient : Hosanna au Fils de David, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur 5 ! » Lumière, gloire et louange soient au Seigneur avec nos supplications, ce qui semble Témoignages scripturaires faisant des .hommes des , « en-rants _ » ou des . « pe» , 1' 134 LIVRE 1 13.1 έμφαίνει έρμηνευόμενον Έλλάδι φωνή τδ ώσαννά. Καί μοι δοκεί ή γραφή ταύτην αίνιττομένη τήν προφητείαν τήν προειρημένην έν όνείδους μέρει τοϊς ^αθύμοις έγκαλείν· « Ούδέποτε άνέγνωτε δτι έκ στόματος νηπίων καί θηλαζόντων κατηρτίσω 2 αίνον;» ΤοΟτό τοι καί δ κύριος έν τώ εύαγγελίω μυωπίζει τούς γνωρίμους, προσέχειν αύτφ παρορμών ώς ήδη σπεύδων πρδς τδν πατέρα, όρεκτικωτέρους παρασκευάζων τούς άκροατάς μετ' δλίγον άπείναι προμηνύων, ώς δέον αύτοίς άποκαρπίζεσθαι τής άληθείας άφειδέστερον δηλών όσον 3 ούδέπω άπαίροντος είς ούρανόν τοΟ λόγου. Πάλιν ουν αυτούς παιδία καλει· φησί γάρ «παιδία, Ιτι μικρόν μεθ' ύμών είμι». Αΰθίς τε παιδίοις όμοιοι τήν βασιλείαν τών ούρανών « έν άγοραΐς καθημένοις καί λέγουσιν· ηύλήσαμεν ύμίν καί ούκ ώρχήσασθε, έθρηνήσαμεν καί οόκ έκόψασθε », καί όσα άλλα 4 τούτοις οίκείως έπήγαγεν. Καί ούτί γε μόνον τδ εύαγγέλιον ταύτη φρονεί, δμοδοξεί δέ αύτώ καί ή προφητεία. Λέγει γοΟν Δαδίδ ' « αινείτε, παίδες, κύριον, αίνείτε τδ δνομα κυρίου ». Λέγει δέ καί διά ‘Ησαίου « Ιδού έγώ καί τά παιδία, & μοι έδω14.1 κεν δ θεός ». Θαυμάζεις άκούειν τούς άνδρας τούς έν ?θνεσι παιδας παρά κυρίω ; Οΰ μοι δοκείς ’Αττικής έπαίειν φωνής, παρ' ής έστιν έκμαθειν τάς καλάς καί ώραίας, έτι δέ καί έλευθέρας νεάνιδας παιδίσκας καλουμένας, παιδισκάρια δέ τάς δούλας, [καί] νεάνιδας δέ καί αύτάς, πρδς τό εύθαλές τής a. Δαβίδ FM : <διά) Δ. Jackson Slâhlin 1. Clément ne sera pas le seul parmi les Pères à donner du mot K Hosanna » une interprétation fantaisiste ; v. saint Jérôme, Ep., 20. 2. Matth., 21, 16 (Ps., 8, 3). 3. Cf. Jean, 13, 33. 4. Matth., 11, 16-17 et parall. Mais dans son ardeur â mettre en œuvre toutes ses références au mot * enfants Clément transpose la signification de ce texte qui parle non du Royaume des cieux mais, péjorativement, de « cette génération perverse », celle des audi­ teurs incrédules de .Jean-Baptiste et de Jésus. Texgbla», Syntuklische Beilriige..., p. 78, propose de lire νεολαίαν, comme en I, 15, 2, au lieu de βασιλείαν. 5. Pt., 112, 1. CHAPITRE V 12,5—14,1 135 bien être, en grec, le sens de Hosanna l. 1. il me semble 13 que Γ Écriture cite avec un sens allégorique le texte prophétique que je viens de rapporter pour faire des reproches aux insouciants : < N’avez-vous jamais lu ceci : par la bouche des tout-petits et des nourrissons tu t’es ménagé une louange 2 ? » 2. Le Seigneur lui aussi, dans Γ Évangile, harcèle ses disciples : il les stimule pour qu’ils lui prêtent attention, parce que déjà il se hâte vers son Père ; il veut mettre scs auditeurs dans un état de plus grand désir en leur révélant qu’il va partir dans peu de temps et en leur montrant qu’ils doivent mettre le plus grand zèle à cueillir les fruits de la vérité tant que le Logos n’est pas remonté au ciel. 3. C’est ainsi qu’il les appelle, encore une fois, des petits enfants. Il leur dit : « Petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour peu de temps » Ailleurs encore, il compare le Royaume des cieux à des petits enfants «assis sur les places publiques et qui disent : Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ; nous avons entonné des chants de deuil et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine * ! » Et il ajouta bien d’autres paroles semblables à celles-là. 4. L'Évan­ gile n’est d’ailleurs pas seul à juger ainsi ; les textes pro­ phétiques parlent de la même façon que lui. David, par exemple, dit : « Louez le Seigneur, enfants, louez son nom s ! » Et, par la bouche d’Isaïe, il est dit : « Me voici, avec les petits enfants que Dieu m’a donnés ·. » 1. 14 T’étonnes-tu d’entendre le Seigneur appeler « enfants » ceux qui, chez les païens, sont nommés des hommes ? Tu me parais ne pas bien connaître la langue attique, car on peut remarquer en elle que le nom de « petites filles » est donné à de belles et splendides jeunes filles, de condi­ tion libre, et que celui de « fillettes » est donné aux ser­ vantes, jeunes filles elles aussi 7 : elles ont la faveur de fi. Is., 8, 18. 7. V. PmiYNicKos, p. 239, Lobcek. 136 LIVRE 1 2 -παιδικής ήλικίας ύποκοριστικώς τιμωμένας. Καί «τά άρνία δέ μου », δταν λέγη, « στήτω εκ δεξιών », τούς άφελείς αίνίττεται, παίδας ώς άρνας, ούκ άνδρας <ώς> πρόδατα δντας κατά γένος, τά δέ άρνία -προνομίας ήξίωσεν, τήν έν άνθρώποις άπαλότητα καί άπλότητα τής διανοίας, τήν άκακίαν, -προτιμών. Αΰθίς τε 3 δταν φή ώς « μοσχάρια γαλαθηνά », ήμδς πάλιν άλληγορεϊ, καί « ώς περιστεράν άκακον καί άχολον », πάλιν ήμδς. Νεοττούς τε έτι δύο περιστερών ή τρυγόνων ξεΟγος ύπέρ άμαρτίας κελεύει διά Μωσέως προσφέρεσθαι, τδ άναμάρτητον τών άπαλών καί άκακον καί άμνησίκακον τών νεοττών εύπρόσδεκτον είναι λέγων τώ Οεώ καί τδ δμοιον τοΟ δμοίου καθάρσιον ύφηγούμενος· άλλά καί τδ δειλδν τών τρυγόνων τήν πρδς τάς 4 άμαρτίας εύλάδειαν ΰποτυποΟται. "Οτι δέ ήμ&ς τούς νεοττούς λέγει, μάρτυς ή γραφή· « *Όν τρόπον ίρνις συνάγει τά νοσσία ύπδ τάς πτέρυγας αύτής ». ούτως έσμέν νεοττοί κυρίου, Οαυ5 μαστώς πάνυ καί μυστικώς τοΟ λόγου τήν άπλότητα τής ψυχής είς ήλικίαν ύπογραφομένου παιδικήν. Πή μέν γάρ παιδας ήμάς καλει, πή δέ νεοττούς, έσθ" ’ότε δέ νηπίους, υίούς δέ άλλαχόθι καί τέκνα πολλάκις καί λαδν νέον καί λαδν καινόν· e τοίς δέ δούλοις μου », φησί, « κληθήσεται δνομα καινόν », νέον 15.1 δνομα λέγει τδ καινόν καί άίδιον, άχραντον καί άπλοΟν καί νήπιον καί άληθινόν, «δ εύλογηθήσεται έπΐ τής γής ». Άλληγορών δέ αδθις ήμδς πώλους καλεΐ, τούς άζυγεις κακία, 1. Cf. Maith., 25, 33: mais ici encore Clément sollicite le texte qui parle de « brebis » (par opposition aux « boucs ») et non d’« agneaux ». . 2. Sur la valeur du mot άφίλη'ς, v. Introduction, p. 26. 3. Amas, 6, 4 ; II Sam., 17, 29 (dans la trad- de Théodolion). 4. Cf. Malth., 10, 16. 5. Cf. Léoit., 5, 11 ; 12, 8 ; 14, 22 ; 15, 29 ; Luc, 2. 24. 6. Principe souvent invoqué par Clément, surtout comme prin­ cipe de connaissance. Voir Pèd., I, 28, 2 ; Sir., V, 3, 18, etc. 7. Malth., 23, 37. 8. Le mot s'applique proprement aux petits oiseaux ; transposé aux humains, il a une saveur poétique : ainsi Eschyle, Cocph., 256, etc. 9. Clément sollicite les textes, qui parlent de ·> nouveauté », do e renouvellement », et les entend au sens de « jeunesse », « enfance ». 10. Cf. Is., 62, 2 ; 65, 15 ; Apoc., 3, 12. 11. Is., 65, 16. CHAPITRE V 14,1 —15,1 137 ces diminutifs à cause de la fraîcheur de leur jeunesse. 2. Lorsque le Seigneur dit : « Que mes agneaux soient placés à ma droite 1 », il désigne symboliquement les simples 2 : ils sont de la race des enfants, comme les agneaux, et non pas des adultes, comme les brebis. Si le Seigneur donne la première place aux jeunes agneaux, c’est qu’il honore particulièrement, chez les hommes, la douceur, la simplicité d’esprit, l’innocence. De même, lors­ qu’il dit : « Comme des petits veaux qui tètent encore leur mère 3 », c’est nous qu’il désigne allégoriquement, et nous encore par les mots : « Comme une colombe inno­ cente et sans colère 4. » 3. Quand il donne l’ordre par la bouche de Moïse d’offrir en sacrifice pour les péchés « deux petits de colombes ou un couple de tourterelles 5 », il veut dire que les êtres tendres et sans péché, ainsi que les tout-petits qui sont innocents et sans ressentiment, sont agréables à Dieu et il laisse entendre que le semblable peut purifier le semblable ♦. Les tourterelles craintives symbolisent encore la timidité à l’égard du péché. 4. Qu’il nous appelle des petits, en voici un témoignage tiré de l'Écriture : « Comme l’oiseau rassemble ses petits sous ses ailes ’ », c’est ainsi que nous sommes les petits 8 du Seigneur : d'une manière admirable et mystérieuse, le Logos évoque la simplicité de l’âme en parlant de l’âge enfantin. 5. Tantôt il nous appelle des « enfants », tantôt des « petits », tantôt des « tout-petits », ailleurs encore des « garçons », souvent des « fils », et encore « un peuple jeune », « un peuple nouveau · ». Lorsqu’il dit : a El à mes serviteurs il sera donné un nom nouveau 10 », ce qu’il entend par « nom nouveau », c’est ce qu’il y a de neuf et d’éternel, de pur, de simple, de très jeune et de véritable. « Et ce nom sera béni sur la terre n. » 1. Ail- 15 leurs encore il nous appelle allégoriquement des poulains11: 12. C’est du moins Clément qui le dit, majorant, une fois de plus les textes; il reprendra le mot au début de l’hymne final du livre HI, v. 1. 138 LIVRE I τούς άδαμάστους πονηρία, άφελείς δέ καί πρδς αύτδν μόνου τδν πατέρα σκιρτητικούς, ούχΐ « τούς επί ταΐς τών πλησίον γυναιξίν χρεμετίζοντας ϊππους, τούς ύποζυγίους καί θηλυ­ μανείς », άλλα τούς ελευθέρους καί νεογνούς, τούς γαύρους διά τήν πίστιν, τούς είς άλήθειαν εύδρόμους, τούς ταχείς πρδς σωτηρίαν, τούς καταπατοΟντας καί κροαίνοντας τα 2 κοσμικά. « Χαΐρε σφόδρα, θύγατερ Σιών· κήρυσσε, θύγατερ Ιερουσαλήμ· ΐδού δ βασιλεύς σου έρχεταί σοι δίκαιος καί σώζων, καί αύτδς πράος καί έπιβεδηκώς έπΐ ύποζύγιον καί πώλον νέον. » Ούκ ήρκει τδ πώλον είρηκέναι μόνον, άλλα καί τδ νέον προσέθηκεν αύτφ, τήν έν Χριστφ νεολαίαν τής άνθρωπότητος καί άγήρω μετά άπλότητος άιδιότητα έμφαίνων. 3 Τοιούτους δέ ή μάς νέους πώλους τούς νηπίους δ θειος ήμών πωλοδάμνης άνατρέφει. Et δέ καί δνος εϊη δ νέος έν τή γραφή, πλήυ άλλα πώλος δνος καί ουτος. « Καί τδν πώλον », φησί, « προσέδησεν άμπέλω », <τδν> άπλοθν τούτον καί νήπιον λαόν τώ λόγω προσδήσας, δν άμπελον άλληγορεί· φέρει γάρ οίνον ή άμπελος, ώς αίμα δ λόγος, άμφω δέ άνθρώποις ποτδν είς σωτηρίαν, δ μέν οίνος τώ σώματι, τδ δέ αΐμα τώ πυεύματι. 4 ‘Ος δέ καί άρνας ή μας λέγει, εχέγγυος μάρτυς διά Ήσαϊου τδ πνεΟμα· « ώς ποιμήν ποιμανεί τδ ποίμνιον αύτοΟ καί τω βραχίονιαύτοϋ συλλέξει άρνας », τδ έτι άπαλώτερον των προβά­ των είς άφέλειαν άρνας άλληγορών. 16 1 ‘Αμέλει καί ήμείς τά κάλλιστα καί τελεώτατα των έν τώ βίω κτημάτων παιδική προσηγορία τιμήσαντες παιδείαν καί παιδαγωγίαν κεκλήκαμεν. Παιδαγωγίαν δέ δμολογοΟμεν είναι άγωγήν άγαθήν έκ παίοων πρδς άρετήν. Έμφαντικώτερον δ’ 1. Cf. Jirém., 5, 8. 2. Allusion assez transparente au baptême. 3. Zacharie, 9, 9 ; cf. Matth., 21, 4 cl paraît. 4. Cf. Gen., 49. 11. 5. Nous retrouverons ce parallèle du Sang rédempteur et du vin (notamment, eucharistique), II. 19, 4 s. 6. A., 40, 11. 7. Où l'on voit quo Clément était l'héritier de la civilisation hel­ lénistique, cette civilisation de la « Paideia » : v. Introduction, p. 6768. CHAPITRE V 15,1—16,1 139 ils ne sont pas passés sous le joug (lu mal, ils n’ont pas été domptes par la malice, ils sont simples, ils bondissent seulement vers leur père ; ce ne sont pas « des étalons qui hennissent après la femme du voisin, subju­ gués et affolés par les femelles 1 », ce sont des êtres libres et nouvellement nés 2, Gers de leur foi, rapides coursiers vers la vérité, se hâtant pour atteindre le salut, foulant à leurs pieds et martelant au sol les choses de ce monde. 2. « Exulte de toutes tes forces, fille de Sion ; annonce ta joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi, juste et porteur de salut, doux et monté sur une bête de somme accompagnée de son jeune poulain 3. » Il ne suffi­ sait pas à F Ecriture de dire « poulain », elle a ajouté « jeune » pour montrer la jeunesse de l'humanité dans le Christ, son éternelle juvénilité dans la simplicité. 3. Comme ces jeunes poulains, nous, les tout-petits, notre divin dompteur nous élève. — Et si le jeune animal men­ tionné par l’Écriture se trouve être un ânon, hé bien ! il s’agit toujours du petit d’une bête de somme. — « Et son poulain, dit Γ Écriture, il l’a attaché à la vigne 4 » : son peuple simple et tout-petit, il l'a attaché à son Logos, que la vigne désigne allégoriquement : elle donne le vin, comme le Logos donne le sang, l’un et l'autre étant des boissons salutaires à Γhomme, le vin pour le corps, le sang pour l’esprit s. 4. Qu’il nous appelle également des agneaux, l’Esprit en donne un témoignage certain par la bouche d’Isaïe : « Tel un berger, il fait paître son petit troupeau et de son bras il rassemblera ses agneaux «»: les agneaux désignent symboliquement ce qui, pour la simplicité, est encore plus tendre que les brebis. 1. Nous aussi, assurément, 16 Interprétation de ces nous honorons d’un mot qui évoque titres. l’enfant les biens les plus beaux et les plus parfaits que nous possédions en cette vie ’, ceux que nous appelons «éducation» et « pédagogie ». Nous 140 LIVRE 1 ούν ήμίν άποκαλύπτων δ κύριος τδ σημαινόμενον έκ τής παιδίον προσηγορίας «γενομένης ξητήσεως έν τοίς άποστόλοις, δστις αύτών εϊη μείζων, έστησεν ό Ιησούς έν μέσω παιδίον είπών· δς εάν έαυτδν ταπεινώση ώς τδ παιδίον τούτο, ουτος 2 μείζων έστίν έν τή βασιλεία τών ούρανών ». Ούκ άρα κατακέχρηται τή τών παιδίων προσηγορία ώς άλογίστων ήλικία, ή τισιν έδοξεν, ούδ' Sv εϊπη « ήν μή γένησθε ώς τά παιδία ταΟτα, ούκ είσελεύσεσθε είς τήν βασιλείαν τού Θεού », άμαθώς 3 έκδεκτέον. Ούκ δίρ' έτι κυλιόμεθα οί νήπιοι χαμαί ούδέ έρπομεν ώς τδ πρόσθεν έπί γής δφεων δίκην, δλω τφ σώματι περί τάς άνοήτους έπιθυμίας ϊλυσπώμενοι, άνατεινόμενοι δέ άνω τή έννοια, κόσμω καί άμαρτίαις άποτεταγμένοι, < δλίγω ποδί έφαπτόμενοι τής γής *, δσον έν κόσμω είναι δοκεΐν, σοφίαν μεταδιώκομεν άγίαν· μωρία δέ αδτη τοίς είς πανουργίαν ήκο17,1 νημένοις δοκει. Παίδες ούν εικότως οί θεδν μόνον έγνωκότες ■πατέρα άφελείς καί νήπιοι καί άκέραιοι, οί κεράτων μονοκερώτων έρασταί. Τοίς γοΟν προβεβηκόσιν έν τώ λόγω ταύτην έπεκήρυξεν τήν φωνήν, άφροντιστεΐν κελεύων τών τήδε πραγ­ μάτων καί μόνω προσέχειν τώ πατρί παραινών μιμουμένους τά 2 παιδία. Διδ κάν τοίς έχομένοις λέγει α μή μεριμνάτε περί τής αύριον άρκετδν γάρ τή ημέρα ή κακία αύτής ». Οδτως άποθεμένους τάς τοΟ βίου φροντίδας έξέχεσθαι μόνου τοΟ πατρδς 3 παραγγέλλει. Καί δ πληρών τήν έντολήν ταύτην τφ δντι νήπιός τέ έστι καί παίς θεώ τε καίτώ κόσμω, τώ μέν ώς πεπλανημέ- 1. Matlh., 18, 1-4 (cnmbinéavec Luc, 9, 46-48 et Afarc, 9, 33-37). 2. Allusion à la polémique de Cei.se {Oricène, C. Cels., III, 44, 59) ? Ou plutôt aux gnostiques. 3. Cf. Matth., 18, 3. 4. Citatiou d’un poète inconnu ? 5. Cf. / Cor., 1, 18-22. 6. L'expression a une saveur classique : cf. Pindare, 01., 6, 82 ; Xénophon, Econ., 21, 3. 7. La licorne apparaissait dans le texte biblique des LXX : Deul., 33,17 ; Ps., 91, 22 ; etc. L'expression étrange dont use Clément nous invite à voir déjà en elle le symbole du Christ, comme dans le Physiologus, 22, p. 254-253, Lauchcrt, et toute la tradition médié­ vale. 8. Matlh., 6, 34. CHAPITRE V 16,1 —17,3 141 reconnaissons comme pédagogie une bonne formation qui conduit de l’enfance à la vertu. Le Seigneur nous a d’ail­ leurs très clairement indiqué ce qu’il fallait entendre par « petit enfant ». « Comme la question avait été soulevée parmi les Apôtres pour savoir lequel d’entre eux était le plus grand, Jésus plaça au milieu d’eux un petit enfant et dit : celui qui se fera petit comme ce petit enfant, voilà le plus grand dans le Royaume descieux ’.» 2. Il ne se sert pas du mot « petit enfant » en pensant que c’est l’âge où l’on manque d’intelligence, comme certains l’ont cru s. Et lorsqu’il dit : « Si vous ne devenez pas comme ces petits enfants-là, vous n’entrerez pas dans le Royaume de Dieu 3 », il ne faut pas l’interpréter stupidement. 3. Car nous ne sommes plus les tout-petits qui se traînent par terre, nous ne rampons plus sur le sol comme avant, à la manière des serpents, en nous roulant de tout notre corps dans les désirs déraisonnables ; au con­ traire, tendus vers le haut par notre intelligence, séparés du monde et des péchés, « touchant à peine la terre du bout du pied * », pour autant que nous paraissons être en ce monde, nous poursuivons la sainte sagesse. Mais celle-ci paraît une folie 4 à ceux dont l’âme est aiguisée à la méchanceté ·. 1. Ce sont vraiment bien des enfants, 17 ceux qui ne connaissent, que Dieu pour père, simples, tout-petits, purs, amoureux des licornes 7. A l'adresse de ceux qui ont progressé dans le Logos, (le Seigneur) a fait cette proclamation ; il leur ordonne de mépriser les tracas d’ici-bas et leur conseille de fixer leur attention sur le Père seulement, en imitant les petits enfants. 2. C’est pourquoi il leur dit ensuite : « Ne vous inquiétez pas du lendemain, car à chaque jour suffit sa peine H. » Il prescrit ainsi de déposer les soucis de cette vie pour s’attacher au Père seulement. 3. Et celui qui met en pratique ce précepte est réellement un tout-petit et un enfant, à la fois pour Dieu et pour le monde : celui-ci le considère dans l’erreur, celui-là l’aime. Mais puisque, comme le dit 142 LIVRE 1 νος, τώ δέ ώς ήγαπημένος. El δέ « εΐς διδάσκαλος έν ούρανοίς». ώς φησιν ή γραφή, δμολογουμένως οί έπί γής εικότως | αν πάντεςκεκλήσονται μαθηταί. “Εχει γάρ οϋτως τδ άληΒές, τδ μέν τέλειον είναι παρά τώ κυρίω τώ διδάσκοντι άεί, τδ δέ 18,1 -παιδικόν καί νήπιον -παρ' ήμίν τοις άεί μανθάνουσιν. Ταύτη I τοι ή προφητεία τδ τέλειον τβ τοϋ άνδρδς τετίμηκεν προσηγορία καί διά γε τοΟ Δαβίδ έπί μέν τοϋ διαβόλου « δνδρα αίμάτων ο φησί « βδελύσσεται κύριος », δνδρα αύτδν ώς τέλειον έν κακία καλεί· λέγεται δέ καί ό κύριος άνήρ διά τδ 2 είναι αύτδν τέλειον έν δικαιοσύνη. Αύτίκα γοϋν ό άπόστολος έπιστέλλων πρδς Κορινθίους φησίν· αήρμοσάμην γάρ ύμδς ένί άνδρί παρθένον άγνήν παραστήσαι τώ Χριστώ », εϊτε ώς 3 νηπίους καί άγΙους πλήν άλλά τώ μόνφ κυρίω. Σαφέστατα δέ Έφεσίοις γράφων άπεκάλυψεν τδ ζητούμενου ώδέ πως λέγων « μέχρι καταντήσωμεν οί πάντες είς τήν ένότητα τής πίστεως καί τής έπιγνώσεως τοϋ θεοϋ, είς δνδρα τέλειον, είς μέτρον ήλικίας τοΟ πληρώματος τοΟ ΧριστοΟ,ϊνα μηκέτι ώμεν νήπιοι, κλυδωνιζόμευοι καί περιφερόμενοι παντί άνέμω τής διδασκα­ λίας έν τή κυβεία τών άνθρώπων, έν πανουργία πρδς τήν μεάοδείαν τής πλάνης, άληΒεύοντες δέ έν άγάπη αύξήσωμεν 4 είς αύτδν τά πάντα »· ταΟτα λέγων < είς οικοδομήν τοϋ σώ­ ματος ΧριστοΟ », e. δς έστι κεφαλή » καί άνήρ ό μόνος έν δικαιοσύνη τέλειος. ’Ημείς δέ οί νήπιοι τούς παραφυσώντας ■ 1. .Maith., 23, 8 α un seul maître » : ou bien Clément lisait un texte un peu différent de celui de nos manuscrits (la tradition de ce pas­ sage est assez troublée), ou bien, et c'est le plus probable, il a em­ prunté les mots « dans les cieux » au verset suivant, 9. 2. Glissement de pensée : Clément est passé de l'enfant confié aux soins du pédagogue à l'élève déjà parvenu à l’école du maître. L’idée que le chrétien a toujours à apprendre est intéressante pour elle-même et (comme le suggère Qvatemhek. p. 98, n. 64) a une pointe anti-gnostique. Cf. saint Thénée, II, M, ‘2, Harvey. 3. P.s., 5, 7. 4. il Cor., 11, 2. 5. La préoccupation de ramener l’image des «tout-petits* intro­ duit un peu d'incohérence : le terme s’accorde peu avec la notion de «fiançailles»—si précoce que fût l'âge de celles-ci dans le monde CHAPITRE V 17,3—18,4 143 l’Écriture, « il y a un seul maître, qui est dans les cieux 1 », en accord avec cela on pourra dire avec raison que tous les habitants de la terre sont des disciples. El telle est bien la vérité : la perfection appartient au Seigneur, qui ne cesse d’enseigner, alors que nous avons le caractère d’en­ fants et de tout-petits, nous qui ne cessons d’apprendre 2. I. C’est ainsi que la prophétie a réservé l'honneur du 18 nom d’« homme » à ce qui est parfait. Elle dit, par exemple, par la bouche de David en parlant du diable que « le Seigneur déleste l’homme de sang3 » : elle l’appelle « homme » parce qu’il est parfait en fait de méchanceté. Mais le Seigneur lui aussi est appelé «homme», parce qu’il est parfail en justice. 2. En fait, l’Apôtre écrit aux Corinthiens : « Je vous ai fiancés à un homme unique comme une vierge pure à présenter au Christ * », c’est-àdire comme des tout-petits 3 et des saints, et il ne s’agit que du seul Seigneur. 3. Avec beaucoup de netteté, dans l’Epître aux Êphésiens, il éclaire l’objet de notre recherche lorsqu’il dit : « Jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité de la foi et à la connaissance de Dieu, à l’état d’homme parfait, à la mesure de la pléni­ tude de l’âge du Christ, afin que nous ne soyons plus des tout-petits, que nous ne nous laissions plus ballo 1er et emporter à tout vent de la doctrine au gré de l’imposture des hommes et de leur astuce à fourvoyer dans l’erreur, mais vivant selon la vérité et dans l’amour nous gran­ dissions vers lui de toutes manières a. » 4. Il dit cela « en vue de la construction du corps du Christ », « lequel est la tète 7 », et le seul homme parfait en fait de justice. Quant à nous, les tout-petits, en nous gardant des vents gréco-romain ! Mais du texte pauiinicn, Clément ne retient quo le terme <Γάνι{ρ appliqué au Christ, qu’il interprète au sens d’i: homme (fait) » ; la κ vierge pure représente les chrétiens, donc des « enfants et dos saints » ! 6. Üph., 4, 13-15. 7. Éph., 4, 12 et 15. 144 LIVRE 1 είς φυσίωσιν φυλαξάμενοι τών αΙρέσεων άνέμους καί μή καταπιστεύοντες τοΐς άλλους ήμϊν νομοθετοΟσι πατέρας, τελειούμεθα τότε, δτε έσμέν εκκλησία, τήν κεφαλήν τδν Χρι­ στόν άπειληφότες. 19,1 Ενταύθα έπιστήσαι δίκαιον τή προσηγορία τοΟ νηπίου, δτι ούκ έπί άφρόνων τάττεται τό νήπιον· νηπύτιος μέν γάρ ουτος, νήπιος δέ δ νεήπιος, ώς ήπιος δ άπαλόφρων, οΐον ήπιος 2 νεωστί καί πράος τώ τρόπω γενόμενος. ΤοΟτό τοι σαφέστατα δ μακάριος ΠαΟλος ύπεσημήνατο είπών « δυνάμενοι έν βάρει είναι ώς Χριστού απόστολοι έγενήθημεν ήπιοι έν μέσφ ύμών, 3 ώς άν τροφός θάλπη τά έαυτής τέκνα ». “Ηπιος ουν δ νήπιος καί ταύτη μάλλον άταλός, απαλός καί άπλοΟς καί. άδολος καί άνυπόκριτος, ίθύς τήν γνώμην καί δρθός· τό δέ έστιν άπλότητος καί άληθείας ύπόστασις. « Έπί τίνα γάρ », φησίν, Κ έπιβλέψω ή έπί τδν πράον καί ήσύχιον ; » ΤοιοΟτος γάρ δ παρθένιος λόγος, άπαλός καί &πλαστος· διό καί τήν παρθένον άταλήν νύμφην καί τδν παιδα άταλάφρονα κεκλήσθαι έθος, 4 άταλοί δέ ήμείς οί απαλοί πρός πειθώ καί εύέργαστοι πρός άγαθωσύνην άχολοί τε καί άνεπίμικτοι κακοφροσύνη καί σκολιότητι· ή μέν γάρ γενεά ή παλαιά σκολιά καί σκληροκάρδιος, χορός δέ νηπίων, δ καινός ημείς λαός, τρυφερός ώς παις. 5 Έπί δέ κ ταΐς καρδίαις τών άκάκων » έν τή πρός ‘Ρωμαίους επιστολή χαίρειν δ άπόστολος δμολογεΐ, καί δή όρον τινά νηπίων, ώς είπείν, άποδίδωσιν είπών· « Θέλω δέ ύμδς σοφούς 1. Allusion à lu mythologie gnostique. 2. Cf. Éph., 1, 22 ; 5, 23 ; Col., 1,18. 3. On sait l'attrait que ces jeux étymologiques ont eu pour les Anciens (Introduction, p. 77) ;surv>{xto$, v. l'Étymolog. Magn., s. v. ; M. Lacroix dans Mélanges Dtorousseaux, Paris, 1937, p. 261-272. 4. I These.. 2, 7. 5. Cf. Hésychivs, s. v. άταλά, etc. 6. Cf. Is., 6G, 2. 7. Souvenir d'HoMÈnE, Iliade, 6, 400. 8. Expression néo-testamentaire : Ad., 2, 40 ; cf. Phil., 2, 15. 9. Id. : Maith., 19, 8 et paraît. ; Marc, 16. 14. 10. Cf. Mattk., 11, 16-17 ; et ici, III, hymne, v. 61. 11. Rom., 16, 18. CHAPITRE V 18,4—19,5 145 hérétiques dont le souffle fait enfler d’orgueil, et en refu­ sant notre crédit à ceux qui veulent nous imposer d’autres pères *, nous atteignons la perfection lorsque nous sommes l’Église, parce que nous avons reçu le Christ, qui en est la tête 8. I. Il faut maintenant porter 19 Le caractère des notre attention sur ce titre de tout-petits : dou­ «tout-petit3» : on n’emploie pas ceur, jeunesse, nou­ le nom de «tout-petit» pour des veauté. êtres privés d’intelligence ; ces êtres-là sont des sots. Le tout-petit est un «nouvellementdoux » : « doux » est celui dont les pensées sont tendres, et il a pris nouvellement le caractère doux et délicat. 2. C’est bien ce que suggère clairement le bienheureux Paul lorsqu’il dit : «Alors que nous pouvions, étant apôtres du Christ, faire sentir notre poids, nous nous sommes faits doux au milieu de vous, comme une mère qui nourrit ses enfants *. » 3. Ainsi donc, le tout-petit est doux, et de cette manière il est plus candide5, tendre, simple, sans ruse, sans feinte, juste dans ses jugements, droit : ce sont là en effet les caractères fondamentaux de la simplicité et de la vérité. « Sur qui », dit l’Écriture, « jetterai-je les yeux, sinon sur le doux et le paisible· ? » Tel est le lan­ gage de la jeune fille, tendre et sincère ; aussi a-t-on cou­ tume de donner à la jeune fille le nom de vierge candide et à l’enfant celui de cœur candide ’. 4. Candides, nous aussi, qui sommes tendres à convaincre, faciles à for­ mer à la bonté, sans colère, sans le moindre sentiment de malveillance ni de perversité. La génération ancienne était perverse8 et avait le cœur dur · ; mais nous, le chœur des tout-petits10, le peuple nouveau, nous sommes sen­ sibles comme des enfants. 5. Dans I Épître aux Ro­ mains, l’Apôtre proclame qu’il se réjouit « des cœurs sans malice11 » et donne en quelque sorte une définition des tout-petits lorsqu’il dit : « Je veux que vous soyez avisés Le Pédagogue. I. lü 146 LIVRE I 20.1 μέν είναι εϊς τδ άγαθόυ, άκεραίους δέ εϊς τδ κακόν. » Καί γάρ ούδέ έστιν τδ όνομα τοΟ νηπίου κατά στέρησιν ήμιν νοούμενου, έπεί τδ νη στερητικόν γραμματικών νομοθετοΟσιν παΐδες. Et γάρ άφρονας ημάς οι τής νηπιότητος κατατρέχοντες καλοΟσιν, δρώτε πώς βλασφημοϋσιν επί τδν κύριον 2 τούς εϊς 8εδν καταπεφευγότας άφρονας ύπολαμοάνοντες· εΐ δέ, 8περ καί μδλλον έξακουστέον, τούς νηπίους καί αύτοί έπί τών άπλών έκδέξονται, χαίρωμεν τή προσηγορία' νήπιαι γάρ αί νέαι φρένες εϊσίν, έν παλαιδ τή άφροσύνη αϊ νεωστί συνεταί, αί κατά τήν διαθήκην τήν καινήν άνατείλασαι. Έναγχος γοΟν έγνωσται δ θεός κατά τήν Χριστού παρουσίαν, c Θεόν γάρ ούδείς 2γνω, εΐ μή δ υιός καί ώ δν δ υίδς άποκαλύψη. » 3 Νέοι τοίνυν δ λαός δ καινός πρδς αντιδιαστολήν τοΟ πρεσδυτέρου λαοί), τά νέα μαθόντες αγαθά. Καί έστιν ήμίν τδ οΰθαρ τής ήλικίας ή άγήρως αβτη νεότης, έν ή πρδς υόησιν άεί άκμάξομεν, άεί νέοι καί άεί ήπιοι καί άεί καινοί· χρή γάρ 4 είναι καινούς τούς λόγου καινοί) μετειληφότας. Τδ δέ άιδιότητος μετειληφδς έξομοιοϋσθαι φιλεΐ τώ άφθάρτω, ώς είναι ήμίν τής παιδικής ήλικίας τήν προσηγορίαν εαρ παντός τοϋ ζήν διά τδ άγήρω είναι τήν έν ήμίν άλήθκιαν καί τή άληθεία 21.1 άυακεχυμένον ημών τδν τρόπον. Σοφία δέ αειθαλής, άεί κατά τά αύτά καί ώσαύτως έχουσα καί ούποτε μεταδάλλουσα. ψ Τά 1. Bom., 16, 19. 2. «Les enfants des grammairiens*, expression oratoire (cf. Hé­ rodote, I, 27), dont l'emphase est ici ironique (pourtant la lin­ guistique moderne est ici, pour une fois, d’accord avec les gram­ mairiens de FAntiquité). Clément l’emploie encore, Strom., 1,79,2; V, 50, 3 ; pour des expressions analogues, cf. Péd., 1, 102, 2 ; II, 34, 2. 3. Par amplification — et approfondissement — de sa pensée, Clément débouche ici sur le theme plus vaste de la «nouveauté:· essentielle du christianismo : v. Introduction, p. 26-29. 4. Cf. Matlh., 11, 27 et paraît La citation est d’autant mieux à sa place ici qu’elle provient de la përicope où Jésus rend grâce au Père de ce que la Révélation a été faite aux » tout-petits », vr.niotç (v. 25). 5. Encore un glissement de pensée : on est passé de la petite en­ fance â la jeunesse en sa fleur. CHAPITRE V 19,5 — 21,1 147 pour le bien et purs pour le mal *. » 1. Nous ne compre- 20 nons pas non plus le titre de « tout-petits » dans un sens négatif, bien que les enfants des grammairiens 2 attribuent à la syllabe νη une valeur négative. Si les détracteurs de l’enfance spirituelle disent que nous sommes « privés d'intelligence », voyez quel est leur blasphème contre le Seigneur : ils jugent privés d’intelli­ gence ceux qui ont trouve refuge auprès de Dieu ! 2. Si en revanche, ce qu’il faut plutôt comprendre, ils em­ ploient eux aussi le nom de « tout-petit » pour l’appliquer aux simples, réjouissons-nous de ce titre : tout-petits en effet sont les esprits nouveaux qui, au milieu de l’ancienne déraison, sont nouvellement devenus intelligents et qui se lèvent à l’horizon selon la nouvelle alliance 3. C’est tout récemment que Dieu s’est fait connaître, au temps de la venue du Christ : « Car Dieu, personne ne l’a connu sinon le Fils et celui auquel le Fils le révèle *. » 3. Ce son! des nouveaux qui constituent le peuple nouveau par opposi­ tion à l’ancien peuple, et ils ont eu connaissance des biens nouveaux. Nous avons la riche abondance du jeune âge, notre jeunesse qui ne vieillit pas ; en elle toujours nous sommes au sommet de notre force 5 pour acquérir la con­ naissance, toujours jeunes, toujours doux, toujours nou­ veaux : il faut que soient nouveaux ceux qui ont reçu leur part du Logos nouveau ·. 4. Or comme quiconque prend part à l’éternité devient, habituellement, semblable à l’incorruptible, il s’ensuit que notre titre d’enfants tra­ duit le printemps de toute notre vie 6 78: la vérité qui est en nous ne vieillit pas et toute notre façon d’être est irri­ guée par celle vérité. 1. La sagesse est toujours jeune, 21 toujours identique à elle-même et constante elle ne 6. Sur le sens de cette expression, v. Introduction, p. 27, n. 3. 7. Souvenir d’un mot fameux de Périclès : Aristote, Hhet., I, 7, 1365a 31 ; III, 10, 1411 a 2. 8. Expression de Platon, Phédon, 78 C. 148 LIVRE I •παιδία ». φησίν, « αύτών έπ’ ώμων άρθήσονται καί έπΐ γονάτων παρακληθήσονται· ώς εϊ τινα μήτηρ παρακαλέσει, οΟτως κάγώ ύμας παρακαλέσω. » *Η μήτηρ προσάγεται τά παιδία καί 2 ήμείς ζητοΟμεν τήν μητέρα, τήν εκκλησίαν. Τό μέν τοίυυν [καί] άσθενές καίάπαλδν δπαν, &τε δι’ άσθένειαν ή’ βοηθείας δεόμενον, κεχαρισμένον τέ έστι καί ήδύ καί τερπνόν, τοΟ θεού μή περιισταμένου τώ τηλικώδε τήν βοήθειαν· ώς γάρ ot πα­ τέρες καί αί μητέρες ήδιον δρώσιν των μέν ϊππων τούς •πώλους, τών δέ βοών τά μικρά μοσχάρια καί λέοντος σκύμνον καί έλάφου νεβρόν καί άνθρώπου παιδίον, ούτως καί τών δλων δ πατήρ τούς είς αύτδν καταπεφευγότας προσίεται καί άναγεννήσας πνεύματι είς υιοθεσίαν ήπίους οΐδεν καί φιλεί τούτους μόνους καί βοηθεί καί ύπερμαχει καί διά τοΟτο όνομάζει παιδίον. 3 ’Εγώ καί τδν’Ισαάκ είς παιδα άναφέρω· γέλως ερμηνεύεται δ ’Ισαάκ. ΤοΟτον έώρακεν παίζοντα μετά τής γυναικδς καί βοηθού, τής ‘Ρεβέκκας, δ περίεργος βασιλεύς. Βασιλεύς μοι δοκει, Άβιμέλεχ δνομα αύτφ, σοφία τις είναι ύπερκόσμιος, κατασκοποΟσα τής παιδιάς τό μυστήριον· 'Ρεβέκκαν δέ έρμη4 νεύουσιν ύπομονήν. ”Ώ τής φρονίμου παιδιας, γέλως [καί] δι’ ύπομονής βοηθούμενος καί έφορος δ βασιλεύς. Άγαλλιδται τδ πνεΟμα τών έν Χριστώ παιδίων έν ύπομονή πολιτευομένωυ 22,1 καί αϋτη ή θεία παιδιά. Τοιαύτην τινά παί£ειν παιδιάν τδν 1. Is., 66. 12-13. 2. Ce thème de Γ« Église-Mère ·* (qui nc contredit pas celui que nous avons rencontré en 1, 18, 4 : « nous sommes Γ Église ») est cher à Clément. ; nous le retrouvons plus loin, I, 42, 1 ; III, 99, 1. Promis à un grand développement, il a fait son apparition vers 144 dans la recension marcionite do Gai., 26 (Tf.rtut.i.if.n, Adv. Marc., V, 4, p. 581, Kroymann), se retrouve en 177 dans la lettre des mar­ tyrs de Lyon (Eusèbe, Hist. Eccl., V, 1, 45 ; 2, 7). Voir les deux études de J. J. Plumpe, Mater Ecclesia, Washington, 1943 (Studies in Christian Antiquity, 5) — pour Clément, p. 63-69 — et. A. Muel­ ler, Ecclesia-Maria, die Einheit Mariens und der Kirche, 2e éd., Fribourg, 1955 (Paradost-s, 5) — pour Clément, p. 100-106. 3. Texte troublé ; on suit, les leçons de Stâhlin. 4. Cf. Plutarque, de amore prolis, 485 AB. 5. Cf. Gen., 26, S. CHAPITRE V 21,i —22,J 149 change jamais. « Leurs petits enfants », est-il écrit, « seront portés sur les épaules et consolés sur les genoux. Comme un fils que sa mère consolera, moi aussi je vous console­ rai *. » La mère attire dans scs bras scs petits enfants et nous, nous recherchons notre mère, ΓEglise 2. 2. Ce qui est faible et tendre et qui du fait même de cette fai­ blesse a besoin de secours, cela est agréable, plaisant et charmant, et Dieu nc ménage pas à un tel être son secours 3. De même que les pères et les mères voient avec plus de plaisir leurs petits — les chevaux, leurs pou­ lains ; les bêtes à corne, leurs petits veaux ; le lion, son lionceau ; le cerf, son faon et l’homme, son enfant4 — ainsi également le Père de l’univers accueille volontiers ceux qui se sont réfugiés près de lui ; lorsqu’il les a régé­ nérés par son Esprit et adoptés comme fils, il apprécie leur douceur, il les aime seuls, il les aide, combat pour eux cl, pour cela, il leur donne le nom de « petit enfant ». . 3. Je rapproche, quant à moi, Isaac jouant avec r , x T · ·,· , Isaac de 1 enfant. Isaac signifie « le Rebecca. . . . . . . rire ». Le roi, curieux, le vit jouer avec Rébecca 5, sa femme et son aide ·. Ce roi, dont le nom est Abimélck, représente, me semble-t-il, une sagesse supraterrestre qui observe d’en haut le mystère du jeu. Le nom de Rébecca signifie «la constance». 4. O jeu plein de sagesse ! Le « rire » est aidé par « la constance», tandis que le roi surveille 6 7 ! Il est dans l’allégresse 89,l’esprit des petits enfants du Christ dont la vie se passe dans la constance ° ! Et c’est là le jeu qui plaît à Dieu. 1. C’est à un jeu 22 6. Le mot vient de Gcn., 2, 18. 7. Pihlon, de plantatione, 169. Cf. Quaest. in Gen., IV, 188. 8. Notion néo-testamentaire : Bultmanx, s. v. άγαλλιάοραι dang Kittel, Theologisches Würlcrbuch, t. I, p. 18-20. 9. Id. : ci. Hauck, s. v. faopovif, ibid., t. IV, p. 585-593 ; A. J. Festugière, dans Recherches de Science Religieuse, 21, 1931, p. 477-486. 150 LIVRE I έαυτοΟ Δία ‘Ηράκλειτος λέγει. ΤΙ γάρ άλλο εύπρεπές έργον σοφώ καί τελείω ή παίζειν καί συνευφραίνεσθαι τή τών καλών ύπομονή καί τή διοικήσει τόν καλών, συμπανηγυρίζοντα τφ 2 θεώ ; “Εστί και άλλως ύπολαθειν τδ ύπδ τής προφητείας μηνυόμενον χαίροντας ημάς καί γελώντας έπΐ σωτηρία ώς τδν Ισαάκ. Έγέλα δέ κάκεΐνος τοϋ θανάτου λελυμένος, παίζων καί άγαλλιώμενος σύν τή νύμφη τή εις σωτηρίαν ήμών βοηθώ, τή έκκλησίφ- ή ύπομονή δνομα πάγιον τέθειται, ήτοι έπεί μόνη αϋτη είς τούς αιώνας μένει χαίρουσα άεΐ ή έξ ύπομονής τών πιστευδντων συνέστηκεν, οϊ έσμεν μέλη Χριστοί)· καί ή τών είς τέλος ύπομεινάντων μαρτυρία καί ή έπΐ τούτοις ευχαριστία, αΰτη [δέ] έστιν ή μυστική παιδιά καί ή σύν τή 3 σεμνή θυμηδία βοηθοΟσα σωτηρία. ‘O γοϋν βασιλεύς δ Χριστός άνωθεν ήμών επισκοπεί τόν γέλωτα καί w διακύψας τής θυρί­ δας », ώς φησιν ή γραφή, τήν εύχαριστίαν καί τήν εύλογίαν άγαλλίασίν τε καί εύφροσύνην, 2τι τε ύπομονήν συνεργοΟσαν, . καί τήν τούτων συμπλοκήν, τήν εκκλησίαν, εποπτεύει τήν έαυτοΟ, μόνον έπιδεικνύς τδ πρόσωπον τδ αύτοϋ τδ λείπον τή 23,1 έκκλησία, βασιλείω τελειουμένη κεφαλή. Καί ποΟ άρα ήν ή θυρίς, δι' ής ό κύριος έδείκνυτο; ή σάρξ, δι'ής πεφανέρωται. Αύτδς δέ δ ’Ισαάκ, καί γάρ εστιν έτέρως έκλαθεϊν, τύπος [δς] έστι τοΟ κυρίου, παις μέν ώς υιός, καί γάρ υιός ήν Άθραάμ 1. Fragm. 52 Diels (mais tel qu'il nous est transmis d’autre part par les Philosophouiiiena d’Hippolyte, ce fragment parlait . Thème, appelé à une longue histoire, de la vénération, et de l’imitation de Jésus-Enfant. o. Quatre mots ajoutés par Clément au texte d'Isaïe, en référence au thème fondamental du Pedagogue. 9. h., 9, 5-6. CHAPITRE V 23,1 — 24,3 153 fils d’Abraham comme le Christ est le fils de Dieu — vic­ time comme le Seigneur. Mais il ne fut pas consumé *, comme le fut le Seigneur. Isaac se borna à porter le bois du sacrifice 2, comme le Seigneur celui de la croix 8. 2. Son rire avait une signification secrète : il prophétisait que le Seigneur nous remplit de joie, car nous avons été délivrés de la perdition par le sang du Seigneur ♦. Mais Isaac ne souffrit pas. Non seulement, donc, il réservait comme c’est naturel le premier rang de la souffrance au l.ogos, mais de plus, en n’étant pas immolé, il désigne symboliquement la divinité du Seigneur. Car Jésus, après avoir été mis au tombeau, ressuscita sans avoir souffert ■'dans sa divinité s) exactement comme Isaac fut libéré du sacrifice. 1. Mais voici encore dans le 24 sens de mon propos un autre témoignage de la plus grande im­ portance : le Saint-Esprit, lorsqu’il prophétisait par la bouche d’Isaïe, donna au Seigneur lui-même le nom de petit enfant : «Voici qu’un petit enfant nous est né, un fils nous a été donné; son empire repose sur son épaule et on lui a donné le nom d’ange du grand conseil e. » 2. Quel est donc ce tout petit enfant, à l’image duquel nous sommes nous-mêmes les tout-petits ’ ? Par la bouche du même prophète sa grandeur est décrite : « Conseiller merveil­ leux, Dieu fort, Père éternel, prince de la paix qui répand largement son éducation *, et il n’y a pas de bornes à sa paix °. » 3. O le grand Dieu ! O l’enfant parfait. ! Le Fils est dans le Père et le Père dans le Fils l0. Comment ne serait-elle pas parfaite, l’éducation donnée par ce petit enfant-là, elle qui s’étend à tous les enfants que nous sommes, puisqu’elle guide les tout-petits de cet enfant ? Le Christ comme « enfant ». iO. Cf. Jean, 10, 38 : Sur le sens de ce texte, qu’il ne faudrait pas prendre à contresens et appliquer à VEnfant Jésus, v. Introduction, p. 27, n. 3. 154 LIVRE ï τούς νηπίους αύτοΟ; Οδτος είς ήμδς έξεπέτασε τάς χείρας 4 τάς έναργώς πεπιστευμένας. Τούτω προσμαρτυρεί τφ παιδία καί ’Ιωάννης ο: δ μείζων έν γεννητοίς γυναικών προφήτης »· C ιδού δ άμνδς τοΟ θεοΟ ». Έπεί γάρ άρνας δνομάζει ή γραφή τούς παΐδας τούς νηπίους, τδν Οεδν τδν λόγον τδν δι' ήμώς άν­ θρωπον γενόμενον, κατά πάντα ήμίν άπεικάζεσθαι βουλόμενον, άμνδν κέκληκεν τοΟ ΘεοΟ, τδν υιόν τοΟ ΘεοΟ, τδν νήπιον τοΟ πατρός. CHAPITRE V 24,3—24,4 155 I) a étendu ses mains vers nous 12et. elles sont l’objet de notre pleine foi. 4. C’est encore à ce petit enfant que Jean rend témoignage, lui qui est « le plus grand pro­ phète parmi les enfants des femmes l. » H dit : « Voici l'agneau de Dieu 34. » Puisque Γ Écriture nomme agneaux les enfants tout-petits, il a appelé « agneau de Dieu » le Logos Dieu, devenu homme à cause de nous, désireux de devenir en tout semblable à nous *, lui le Fils de Dieu, le tout-petit du Père. 1. J*., 65, 2 ; Bom., 10, 21. 2. Cf. Luc, 7, 28. 3. Jean, 1, 29; 1, 36. 4. Cf. Ilêbr., 2, 17 ; 4, 15. Mais ici, une fois de plu«. Clément exprime l'idée qu’il emprunte à l’Écriture au moyen d’un terme classique, platonicien. 156 LIVRE 1 VI. Πρδς τούς ύπολαμδάνοντας τήν τόν παιδιών καί νηπίων προσηγορίαν τήν τών πρώτων μαθημάτων αίνίττεσθαι διδαχήν. νΕξεστι δέ ήμΐν έκ περιουσίας πρδς τούς φιλεγκλήμονας έπαποδύσασθαι· ού γάρ παίδες ήμείς καί νήπιοι πρδς τδ παι­ δαριώδες καί ευκαταφρόνηταν τής μαθήσεως προσηγορεύμεθα, καθώς οΐ είς γνώσιν πεφυσιωμένοι διαβεβλήκασιν· άναγεννηθέντες γοΟν εύθέως τδ τέλειον άτιειλήφαμεν, οδ ένεκεν έσπεύδομεν. Έφωτίσθημεν γάρ· τδ δέ έστιν έπιγνώναι τδν θεόν. Ούκουν άτελής δ έγνωκώς τδ τέλειον. Καί μου μή λάθησθε όμολογοΟντος έγνωκέναι τδν θεόν. '"Ωδέ πως γάρ 2 εδοξεν είπειν τώ λόγω- 8 δέ έλεύθερος. Αύτίκα γοΟν βαπτιζομένω τώ κυρίφ άπ' ουρανών έπήχησε φωνή μάρτυς ήγαπημένου « υίός μου εΐ σύ αγαπητός, εγώ σήμερον γεγέννηκά σε. » Πυθώμεθα οδν των σοφών· σήμερον άναγεννηθείς δ Χριστός ήδη τέλειός έστιν ή, 8περ άτοπώτατον, ελλιπής; El δέ τούτο, 25,1 1. Voir pour tout ce chapitre le commentaire He P. Th. Camelot, p. 43 s. 2. Métaphore classique, d’origine sportive : nudité de l'athlète antique. 3. L'expression vient, de I Cor., 3, 1, mais c’est bien aux « gnostiques d que Clément en a : tout ce chapitre est dirigé contre eux. 4. Ce verbe provient du Nouveau Testament {/ Pierre, 1, 3. 23) plutôt que de la langue des mystères païens à laquelle il appartient aussi. 5. Terme technique, appliqué au baptême (cf. plus bas, § 26. 1) ; pour sa valeur chez Clément, cf. Camelot, p. 105-106. 6. Ε’ίπίγνωσις chez Clément, comme chez saint Paul (cf. J. Du­ pont, Gnosis, Louvain. 1949, p. 48, n. 3 ; 410-411) et plus généra­ lement dans la langue chrétienne (cf. /1 Diognèle, éd. Marrou, p. 228, n. Il, c'est la connaissance révélée des vérités nécessaires au salut, dispensée dans l'Église par l'Écriture et renseignement (A. Méhat, contre Voelker, p. 307, n. 2). 7. Cf. Jean, 8, 35-36. On souligne volontiers le caractère inlellec- CHAPITRE VI 25,1 — 25,2 157 VI. Contre ceux qui soutiennent que les noms d’« enfants » et de « tout-petits » désignent symboliquement l’enseignement des connais­ sances élémentaires *. 1. Nous pouvons bien mainte- 25 Perfection reçue lors „ . . . Λ ’ nant nous en prendre2 aux amadu baptême. . , r teurs de disputes : si nous portons les noms d’«enfants»et de «tout-petits», ce n’est pas pour avoir une science puérile et méprisable, comme le disent calomnieusement ces gens enflés de gnose 3. Lorsque nous avons etc régénérés *, nous avons aussitôt reçu ce qui est parfait, et qui était l’objet de notre empressement. Nous avons été illuminés*, ce qui signifie que nous avons connu ° Dieu. Or il est impossible que soit imparfait celui qui a connu le parfait. Ne me reprochez pas de confesser que j’ai connu Dieu J, car le Logos a jugé bon de dire : « Mais celui-ci est libre “. » 2. C’est ainsi que lorsque le Seigneur a été baptisé, une voix se fit entendre des cieux pour rendre témoignage au bien-ainié : « Tu es mon fils bicn-aimé, je t’ai engendré aujourd’hui ’. » Interro­ geons les sages10 : est-ce que le Christ, qui a été engendré aujourd’hui, est déjà parfait, ou, ce qui serait tout à fait absurde, lui manque-t-il quelque chose ? Dans ce cas, il faut qu’il apprenne encore. Mais il est tout à fait tualistc de la foi chez Clément (ainsi Camelot, p. 47), mais autant que de son hérédité hellénique, le trait lui vient de l’Évangile : Jean, 17, 3. 8. Cf. Jean, 8, 35-36. 9. .Matthieu, 3, 17 et paraît., combiné avec P$., 2, 7 (cité par Ad., 13, 33 ; Hébr., 1, 5 ; 5, 5) : la combinaison est-elle duc à Clément ou à une tradition extra-canonique ? 10. Ironique, appliqué aux gnostiques (cf. plus loin, § 32, 2). 158 LIVRE I προσμαθειν τι αύτώ δει. Άλλα προσμαθειν μέν αύτόν είκδς ούδέ δν θεάν δντα. Ού γάρ μείζων τις ειη τοΟ λόγου · ουδέ 3 μήν διδάσκαλος τοΟ μόνου διδασκάλου. Μ ή τι οΰν όμολογήσουσιν άκοντες τδν λόγον, τέλειον έκ τελείου φύντα τοΟ πατρός, κατά τήν οίκονομικήν προδιατύπωσιν άναγεννηθήναι τελείως; Καί εΐ τέλειος ήν, τί έβαπτίζετο δ τέλειος ; εδει, φασί, πληρωσαι τδ έπάγγβλμα τδ άνθρώπινον. Παγκάλως. Φημί γάρ· άμα τοίνυν τώ βαπτίζεσθαι αύτόν ύπδ Ίωάννου γίνεται τέλειος; δήλον άτι· Ούδέν ουν πρδς αύτοΟ προσέμαθενÎ ού γάρ. Τελειούται δέ τώ λουτρώ μόνω καί τοΟ πνεύματος τή καθόδφ 26,1 Αγιάζεται; ούτως εχει. Τδ δέ αύτδ συμβαίνει τούτο καί περί ήμ&ς, ών γέγονεν ύπογραφή ό κύριος· βαπτιζόμενοι φωτιζόμεθα, φωτιζόμενοι υίοποιούμεθα, υίοποιούμενοι τελειούμέθα, τελειούμενοι άπαθανατιζόμεθα· «. έγώ >, φησίν, «. είπα, θεοί 2 έστε καί υίοί ύψίστου πάντες. > Καλείται δέ πολλαχώς τδ έργον τοΟτο, χάρισμα καί φώτισμα καί τέλειον καί Χοντρόν· λουτρδν μέν δι' οδ τάς αμαρτίας άπορρυπτόμεθα, χάρισμα δέ ώ τά έπί τοις άμαρτήμασιυ έπιτίμια άνεΐται, φώτισμα δέ δι* ου τδ άγιον έκείνο φώς τδ σωτήριον εποπτεύεται, τουτέστιν δι' ού τδ θειον όξυωποΟμεν, τέλειον δέ τδ άπροσδεές φαμεν. 3 Τί γάρ 2τι λείπεται τώ θεόν έγνωκότι ; Καί γάρ άτοπον ώς άληθώς χάρισμα κεκλήσθαι θεού τδ μή πεπληρωμένον· τέλειος δέ ών τέλεια χαριείται δήπουθεν· ώς δέ άμα τώ κελεύσαι a. λόγον FM : λόγου (λόγος) add. Tengblad StS'nlin 1. Affirmation anti-gnostique, contre la hiérarchie des lions. 2. L’apparente assimilation au baptême chrétien du baptême reçu par Jésus, qui n’était qu'un baptême de Jean, soulève dans la pensée d’un lecteur théologien des difficultés inextricables, mais il faut voir que Clément se place dans une perspective spirituelle : le baptême relève aussi, pour le chrétien, de l’imitation do JésusChrist (cf. Voelker, p. 152 ; 589-590). 3. On s'attendrait à trouver υπογραμμό; \l Pierre, 2, 21 ; l Ctem., 16, '17, etc.) ; Clément a préféré ύπογραφι} comme plus classique, en souvenir de Platon (par ox., Lois, V, 737 D) : Introduction, p. 81. 4. Ps. 81,6: celte référence implique le thème, si cher à Clément, de la divinisation du chrétien {Introduction, p. 39-41). CHAPITRE Vi 25.2 — 26,3 159 impossible qu’il apprenne encore quoi que ce soit, puis­ qu'il est Dieu : nul n’est assurément plus grand que le Logos et il n’y a pas de maître pour le Maître unique 3. Peut-être donc nos adversaires reconnaîtront-ils, contre leur gré, que le Logos, né parfait du Père par­ fait, a reçu une régénération parfaite pour donner une préfiguration dans le plan de Dieu. S’il était parfait, pourquoi, parfait, s’esl-il fait baptiser ? C’est, dit-on, que la promesse concernant les hommes devait être remplie. Fort bien, je l'affirme en effet. C’est donc au moment où il est baptisé par Jean qu’il devient parfait ? De toute évidence, oui. Il n’appril donc rien de plus de lui ? Non. Il est donc rendu parfait du seul fait du bap­ tême, et sanctifié par la descente de l’Esprit? C’est cela *. 1. Or il en est de même pour nous, dont le Seigneur 26 fut le modèle 3 : baptisés, nous sommes illuminés ; illu­ mines, nous sommes adoptes comme fils ; adoptés, nous sommes rendus parfaits ; devenus parfaits, nous recevons l’immortalité. Il est écrit : « Je l’ai dit, vous êtes tous des dieux et les fils du Très-Haut4. « 2. Celle opéra­ tion reçoit des noms multiples : grace 5 6* , illumination e, perfection bain ". Bain, par lequel nous sommes puri­ fiés de nos péchés ; grâce, par laquelle les châtiments méri­ tés pour nos péchés sont levés ; illumination, en laquelle nous contemplons la belle et sainte lumière du salut, c’est-à-dire en laquelle nous pénétrons du regard le divin ; perfection, car il ne manque rien. 3. Que manque-t-il en cfTet à celui qui a connu Dieu ? Il serait vraiment absurde de donner le nom de grâce de Dieu à un don incomplet. : étant parfait, Dieu accordera, sans aucun doute, des grâces parfaites ♦. De même que tout se produit au moment même où il l’ordonne10, de même 5. Cf. Rom., 6, 23. 7. Cf. Jac., 1, 17. 9. Cf. Jac., 1, 17. 6. Ci. 11 Cor., 4 ίσιχος). 8. Cf. Tit., 3, 5. 10. Cf. Ps. 32, 9 ; 148. 5. 160 LIVRE I αύτδν πάντα γίνεται, ούτως έπεται τώ χαρίσασθαι μόνον βουληθήναι αύτδν (τδ) πεπληρώσθαι τήν χάριν. Τό γάρ μέλλον τού χρόνου τή δυνάμει τοΟ θελήματος -προλαμβάνεται. Πρδς 27.1 δέ καί ή τών κακόν άπαλλαγή σωτηρίας έστιν άρχή. Μόνον δέ άρα οί -πρώτον άρξάμενοι “ τών δρων τής ζωής ήδη τέλειοι, ζώμεν δέ ήδη οΐ θανάτου κεχωρισμένοι. Σωτηρία τοίνυν τδ έπεσθαι Χριστφ. ο: *Ό γάρ γέγονεν έν αύτώ, ζωή έστιν. » « ’Αμήν άμήν λέγω ύμίν », φησίν, « δ τδν λόγον μου άκούων καί -πιστεύων τώ πέμψαντί με έχει ζωήν αιώνιον καί είς κρίσιν ούκ ερχεται, άλλα μεταδέδηκευ έκτοΟ θανάτου είς τήν 2 ζωήν. » Ούτωτδ πιστεΟσαι μόνον καί άναγεννηθήυαιτελείωσίς έστιν έν ζωή· ού γάρ ττοτκ άσθενεί δ θεός. Ώς γάρ τδ θέλημα αύτοΟ έργου έστί καί τοΟτο κόσμος ονομάζεται, ούτως καί τδ βούλημα αύτοΟ άυθρώπων έστί σωτηρία καί τοΟτο εκκλησία κέκληται. ΟΪδευ οον οΟς κέκληκεν, οΰς (δέ κέκληκεν), σέσωκεν· κέκληκεν δέ άμα καίσέσωκεν. «Αυτοί γάρ ύμείς », φησίν δ 3 άπόστολος, «θεοδίδακτοί έστε.» Ούκ άρα θεμιτόν ήμιν άτελές τδ ύ-π’ αύτοΟ διδασκόμενου νοειυ, τδ δέ μάθημα άίδιος σωτηρία άιδίου σωτήρος, ώ ή χάρις είς τούς αιώνας, άμήν. Καί δ μόνον άναγεννηθείς, ώσπερ οΰν καί τούνομα έχει, φωτισθείς άπήλλακται μέν παραχρήμα τοΟ σκότους, άπείληφεν δέ αύτόθεν τδ 28.1 φώς.Ώσιιερ οδν οί τδν ύπνου άποσεισάμευοι εύθέως ένδοθεν έγρηγόρασιυ, μώλλου δέ καθάπερ οί τδ ύπόχυμα τών όφθαλμών a. άρξάμίνοι FM : δραξάμ«νο« Miinzel Slülilin 1. Platon, Gorg., 478 CD; ci. Strom., IV, 8, 5. Pour tout ce passage (§ 26,3-27,2) nous avons déjà (p. 31, n. 1) renvoyé à P. A. Ojiue, «Theologia bautismal de Clemente Alejandrino... », dans Gregorianum, 36 (1955), p. 410-448. 2. Jean, 1, 3 (témoignage intéressant pour la punctuation de ce verset du Prologue). Nous avons adopté la traduction du P. Orbe: « lo cjué fuc liecho on El, es Vido u. 3. Jean, 5, 24. 4. Cette prise de position anti-gnostique est d’une orthodoxie parfaite : Clément s’en souviendra-t-il assez quand il en viendra à dessiner son propre idéal du « gnOs tique <> (v. par ex. Strom., V, 70-71) ? 5. L’auteur a peut-être dans la pensée l'étymologie du mot ίχκληβίά CHAPITRE VI 20,3— 28,1 161 quand seulement il veut accorder une grâce, la grâce se produit dans sa plénitude. Le temps à venir est anticipé grâce à la puissance de sa volonté. De plus, la libération du mal est principe de salut *. 1. A peine donc avons- 27 nous atteint les frontières de la vie, voici que nous sommes parfaits et voici que nous vivons, nous qui sommes séparés de la mort. Il est salutaire de suivre le Christ : « Ce qui a été fait en lui est Vie ». » « En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui écoute ma parole et croit en celui qui m’a envoyé, celui-là a la vie éternelle et n’est pas soumis au jugement mais il est passé de la mort à la vie 3. » 2. Ainsi, le seul fait de croire et d’être régénéré est la perfection dans la Vie *, car Dieu n’est jamais déficient. De même que son vouloir est une œuvre accomplie, qui porte le nom de «monde », de même aussi sa volonté, c’est le salut des hommes et cela s’appelle l’Église ». I) connaît donc ceux qu’il a appelés, et, ceux qu’il a appelés, il les a sauvés : il les a, dans le môme moment, appelés et sau­ vés. «Car vous êtes, dit ΓApôtre, personnellement instruits par Dieu ». » 3. Il ne nous est donc pas permis de considérer comme imparfait ce qui vient de renseigne­ ment de Dieu. Ce qu’il nous enseigne, c’est le salut éternel donné par le Sauveur éternel, auquel soit la grâce pour tous les siècles, Amen. Celui qui vient à peine d’être régé­ néré, celui-là, comme son nom l’indique, il a été illuminé et aussitôt il a été libéré de l’obscurité et, de ce fait même, il a reçu la lumière. 1. Comme ceux qui, après 28 avoir chassé le sommeil, se trouvent du fait même réveil­ lés, ou plutôt comme celui qui cherche à enlever la buée de scs yeux 7 n’obtient pas de l’extérieur la lumière dont (de ζαζί'ω, « appeler, convoquer »). Le P. Orbe voit ici une différence entre θέλημα cl βούλημα (art. cit., p. 423, n. 50). G. I These., 4, 9. 7. L’image des empêchements à la vision, qui aura une telle for­ tune dans le néo-platonisme, remonte au stoïcien Ariston de Chios, d’après Sénkque, Ep., 94, 18. Le Pédagogue. 1. H 162 LIVRE 1 κατάγειν πειρώμενοι ού τδ φώς αύτοις έξωθεν χορηγοθσιν, δ ούκ εχουσιν, τδ δέ έμπόδιον ταΐς δψεσι καταθιβάξοντες έλευθέραν άπολείπουσι τήν κόρην, ούτως καί οί βαπτιζόμενοι, τάς έπισκοτούσας αμαρτίας τφ Οείω πνεύματι άχλύος δίκην άποτριψάμενοι, ελεύθερον καί άνεμπόδιστου καί φωτεινόν δμμα τοΟ πνεύματος ϊσχομεν, φ δή μόνω τδ θειον έποπτεύομεν, 2 ούρανόθεν έπεισρέοντος ήμιν τοΟ αγίου πνεύματος* κράμα τούτο αυγής άιδίου τδ άίδιον φώς ίδείν δυναμένης· έπεί τδ δμοιον τφ δμοίω φίλον, φίλου δέ τδ άγιον τφ έξ ου τδ άγιον, δ δή κυρίως κέκληται φώς· « ήτε γάρ ποτέ σκότος, νΟν δέ φώς έν κυρίω. » ΈντεΟθευ τδ άνθρωπον ύπδ τών παλαιών ήγοΟμαι 3 κεκλήσθαι φώτα. Άλλ' ούδέπω, φασίν, άπείληφεν τήν τελείαν δωρεάν. Σύμφημι κάγώ, πλήν έν φωτί έστιν καί τδ σκότος αύτδν ού καταλαμβάνει· φωτός δέ άνά μέσον καί τοΟ σκότους ούδέ έν· έν δέ τή άναστάσει τών πιστευόντων άπόκειται τδ τέλος· τδ δέ ούκ άλλου τιυός έστι μεταλαβειν άλλ' ή τής προ4 ωμολογημένης έπαγγελίας τυχείν. Μ ή γάρ κατά τόν αύτόν χρόνον άμα άμφω συνίστασθαί φαμεν, τήν τε πρός τδ πέρας άφιξιν καί τής άφίξεως τήν πρόληψιν· ού γάρ έστι ταύτδν αιών καί χρόνος ούδέ μήν ορμή καί τέλος, ούκ έστιν· περί έν 5 δέ άμφω καί περί άμφω δ εΐς καταγίνεται. ^Εστι γοϋν, ώς είπείν, δρμή μέν ή πίστις έν χρόνω γεννωμέυη, τέλος δέ τδ τυχείν τής έπαγγελίας είς αιώνας βεβαιούμενον. Αύτδς δέ δ 1. Métaphore chère λ Clément : IJ, 1, 3 ; II, 81, 1 ; Prolrept., 68, 4; 113, 2; Strom., I, 10, 4. Elle lui vient de Platon, Rep., Vil, 533 D. 2. Ici encore Clément suit l'exemple de Platon, Phaedr., 250 C. Il ne faut pas nécessairement voir dans ce mot un emprunt à la langue technique des mystères : Introduction, p. 70, n. 2. 3. Sur la valeur exacte de la formule, cf. Quatember, p. 92, n. 42 : clic introduit une note spécifiquement chrétienne dans ce qui restait jusque-là une perspective trop strictement philosophique. 4. Éph., 5, 8. 5. Équivoque sur τό φώς, la lumière, et ë «ώς, l'homme, dans la langue poétique. 6. Cf. Jean, 1, 5. 7. Ce développement corrige ce qu’avait d'absolu et de para­ doxal l'identification apparente entre baptême et perfection |§ 25, CHAPITRE VI 28,1 —28,5 163 il était privé mais enlève seulement ce qui obstruait scs yeux et rend la pupille libre, ainsi, lorsque nous sommes baptisés, étant débarrassés des fautes qui, à la manière d’un nuage, faisaient obstacle à ΓEsprit divin, nous ren­ dons libre, sans voile et lumineux, cet œil de l’esprit 1 qui seul nous fait contempler le divin 2, car le Saint-Esprit venant du ciel s’écoule en nous 3 : 2. c’est un onguent de clarté éternelle capable de faire voir la lumière éternelle, car le semblable est ami du semblable. Et ce qui est saint est ami de cela d’où vient la sainteté, appelée, au sens propre, la « lumière» : « Car vous avez été un jour ténèbres, mais vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur *. » Et c’est pourquoi, je pense, l’homme recevait chez les Anciens le nom de « lumière ° ». 3. Mais, dit-on, il n’a pas encore reçu le don parfait ; je le reconnais ; cependant, il est dans la lumière et l’obscurité ne le saisit pas 6. Or, entre la lumière et l’obscurité, il n’y a rien : l’accomplis­ sement est réservé pour la résurrection des croyants7 et ne consiste pas à recevoir quelque autre bien, mais seu­ lement à prendre possession de ce qui a fait l’objet de la promesse antérieure. 4. Nous ne prétendons pas en effet que se produisent au même moment les deux actes qui consistent d’une part à arriver au terme, d’autre part à avoir une pré-connaissance de celte arrivée ·. L’éternité et le temps ne sont pas choses identiques, ni l’élan du départ et l’accomplissement 3, en aucune manière. Cepen­ dant les deux actes se rapportent à une action unique et c’esl un être unique qui est l’objet des deux étapes. 5. On peut dire, par exemple, que l’élan, c’est la foi qui est engendrée dans le temps ; que l’accomplissement, c’est la prise de possession de l’objet promis, garantie pour 1| ; il ne va pas sans quelque gaucherie : on mesure combien la pensée antique avail de peine à manier les notions de devenir, d'inchoalif. 8. Formule empruntée ù Philon, de agric., 161. 9. Sur cette distinction, v. Qvatember, p. 86, n. 5 ; 94, n. 49. 164 LIVRE I κύριος σαφέστατα τής σωτηρίας τήν Ισότητα Απεκάλυψευ είπών· ΰ. τοΟτο γάρ έστι τδ θέλημα τοΟ πατρός μου, ϊνα πδς δ θεωρών τδν υίδν καί πιστεύων επ’ αύτδν έχη ζωήν αιώνιον, 29.1 καί Αναστήσω αύτδν έν τή έσχάτη ήμέρα. t Καθ' όσον μέν ουν δυνατόν έν τώδε τώ κόσμω, δν έσχάτην ή μέραν ήνίξατο είς τότε τηρούμενου “ δτε παύσεται, τελείους ήμδς γενέσθαι πιστεύομεν. Πίστις γάρ μαθήσεως τελειότης· διά τοΟτό φησιν 2 « δ -πιστεύων είς τδν υίδν έχει ζωήν αιώνιον ». Εί τοίνυν οί πιστεύσαντες έχομεν τήν ζωήν, τί περαιτέρω τοϋ κεκτήσθαι ζωήν άίδιον ύπολείπεται; ούδέν δέ ένδει τή πίστει τελεία ούση έξ έαυτής καί πεπληρωμένη. El δέ ένδει τι αύτή, ούκ εστιν όλοτελής ούδέ πίστις έστί, σκάζουσα περί τι, ουδέ μετά τήν ένθένδε άποδημίαν άλλα μένει τούς πεπιστευκότας, 3 άδιακρίτως ένταΟθα ήρραθωνισμένους, έκεΐνο δέ τώ πιστεΟσαι ήδη προειληφότες έσόμενον, μετά τήν άνάστασιν Απολαμβάνομεν γενόμενον, δπως &υ εκείνο πληρωθή τδ λεχθέν « γενηθήτω κατά τήν πίστιν σου ». Ού δέ ή πίστις, ένταΟθα ή έπαγγελία, τελείωσις δέ έπαγγελιας ή άνάπαυσις. ‘Ώστε ή μέν γνώσις έν τώ φωτίσματι, τδ δέ πέρας τής γνώσεως ή Ανά4 παυσις, δ δή έσχατον νοείται δρεκτόν. Καθάπερ ούν τή πείρα ή απειρία καταλύεται καί τώ πόρω ή Απορία, ούτως Ανάγκη τώ φωτισμφ έξαφανίζεσθαι τδ σκότος· ή άγνοια δέ τδ σκότος, καθ' ήν περιπίπτομεν τοίς άμαρτήμασιν, Αμβλυωποϋντες περί τήν Αλήθειαν. Φωτισμός άρα ή γνώσίς έστιν. δ έξαφανίζων 5 τήν άγνοιαν καί τδ διορατικόν έντιθείς. ’Αλλά καί ή τών χειρόνων Αποβολή τών κρειττόνων έστΙν Αποκάλυψις. ° A γάρ ή a. τηρούμβνον F.M : τηρουμίνους Stahlin 1. Jean, G, 40. 2. Le mot vient de II Pierre, .3, 7. 3. Jean, 3, 36. 4. Notion chère A saint Paul : Il Cor., 1, 22 ; 5, 5 ; Éph., 1, 14. Pour ce sens de αδιακρίτως, voir Ignace, Itom., titre. 5. Matlh., 9, 29. G. Les neutres pluriels, ici comme en 32,1, rappellent peut-être les termes gnostiqucs. Le P. Orbe ajoute lo mot a éléments» dans sa traduction. CHAPITRE VI 28,5 — 29,5 165 l’éternité. Le Seigneur a lui-même nettement révélé l’uni­ versalité du salut lorsqu’il a dit: «Ceci est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils et croit en lui ait la vie éternelle et que je le ressuscite au dernier jour l. » 1. Autant donc qu’il est possible en ce inonde — désigné 29 énigmatiquement par l’expression «le dernier jour», «mis en réserve 2 » jusqu’au moment où il cessera — nous avons la conviction que nous sommes devenus parfaits. La foi, en elfet, est la perfection de l’enseignement. C’est pour cela qu’il est dit : « Celui qui croît au Fils a la vie éternelle3. » 2. Si donc, nous qui avons cru, nous avons la vie, que nous rcste-t-il à acquérir de supérieur à l'acquisition de la vie éternelle ? Rien ne manque à la foi, qui est parfaite par elle-même et accomplie. Si quelque chose lui manque, elle n’est pas achevée ; elle n’est même pas la foi. si elle boite quelque peu ; et, après le départ de ce monde, les croyants n’ont rien d’autre à attendre, eux qui dès ici-bas, pour toujours, ont reçu les arrhes 4. 3. Ce bien futur, dont nous avons déjà une première saisie par la foi, après la résurrection, nous le saisissons comme un bien réalisé ; c’est ainsi que s’accomplit la parole : « Qu’il vous advienne selon votre foi 6. » Là où est la foi, là est la promesse ; et l’accomplissement de la promesse, c’est le repos final ; si bien que la con­ naissance se trouve dans l'illumination (du baptême), mais que le terme de la connaissance est le repos, but ultime de notre désir. 4. De même que l’inexpé­ rience disparaît par l’expérience et. la pénurie par l’abondance, de même, inévitablement, l’obscurité est dissipée par l’illumination (du baptême). L’obscurité, c’est notre ignorance, cause de nos chutes dans le péché : notre vue est trop basse pour voir la vérité. La connais­ sance est l’illumination, qui dissipe l’ignorance et donne la faculté de bien voir. 5. On peut, également dire que le rejet du mal est la révélation du bien · : ce que l’ignorance maintenait lié, pour notre mal, la con- 166 L1VHE I άγνοια συνέδησεν κακώς, ταύταδιά τής έπιγνώσεως άναλύεται καλώς. Τά δέ δεσμά ταύτα, ή τάχος, άνίεται πίστει μέν άνθρωTclvrj, θεϊκή δέ τή χάριτι, άφιεμένων τών πλημμελημάτων ένΐ 30,1 παιωνίω φαρμάκφ, λογικώ βαπτίσματι. Πάντα μέν οδν άπολουόμεθα τά αμαρτήματα, ούκέτι δέ έσμεν παρά πόδας κακοί. Μία χάρις αυτή τοΟ φωτίσματος τά μή τδν αύτάν είναι τώ πρίν ή λούσασθαι τόν τρόπον. “Οτι δέ ή γνώσις συνανατέλλει τώ φωτίσματι περιαστράπτουσα τδν νοΟν, καί εύθέως άκούομεν μαθηταί οί αμαθείς, πρότερόν ποτέ τής μαθήσεως έκείνης 2 προσγενομένης· ού γάρ άν έχοις είπείυ τδν χρόνον. 'Η μέν γάρ κατήχησις είς πίστιν περιάγει, πίστις δέ αμα βαπτίσματι άγίω παιδεύεται πνεύματι· έπεί, ότι γε μία καθολική τής άνθρωπότητος σωτηρία ή πίστις, ίσότης δέ καί κοινωνία τοΟ δικαίου καί φιλανθρώπου θεοΟ ή αύτή πρδς πάντας, δ άπόστο.3 λος σαφέστατα έξηγήσατο ώδέ πως είπών· < Πρδ τού δέ έλθεϊν τήν πίστιν ύπδ νόμον έφρουρούμεθα συγκλειόμενοι είς τήν μέλλουσαν πίστιν άποκαλυφθήναι· ώστε δ νόμος παιδαγωγός ήμών γέγονεν είς Χριστόν, ϊνα έκ πίστεως δικαιωθώμεν· 31,1 έλθούσης δέ τής πίστεως ούκέτι ύπδ παιδαγωγόν έσμεν. » Ούκ άκούετε ότι ύπ* έκεινον τδν νόμον ούκέτι έσμέν, 8ς ήν μετά φόβου, ύπδ δέ τδν λόγου τής προαιρέσεως τδν παιδαγωγόν ; ΕΪτα μέντοι έπήγαγευ τήν άπάσης έκτδς προσωποληψίας φωνήν· « πάντες γάρ υίοί έστε διά πίστεως ΘεοΟ έν Χριστώ ΊησοΟ· ‘όσοιγάρ είς Χριστόν έβαπτίσθητε, Χριστόν ένεδύσασθε. Ούκ ένι ’Ιουδαίος ούτε “Ελλην, ούκ ένι δούλος ούτε ελεύθερος, ούκ ένι άρσεν καί θήλυ- πάντες γάρ ύμεΐς εις έστε έν Χριστώ 1. Cf. Gal., 3, 27 ; Hom., 6, 3. 2. Cf. Rom., 10, 17. 3. Par opposition à la distinction gnostiqno entre pneumatiques, psychiques, etc., qui va être rappelée au § 31, 1. Sur l’analogie, et les différences profondes, que présentent les conceptions stoïcienne et chrétienne de l'égalité des hommes, v. If. Greeven. Das Haupt· problem der Sozialethik in der neueren Stoa und im Urehrixlentum, Gütersloh, 1935, p. 19-24. 4. Gal., 3, 23-25 : Clément va avoir quelque mal à coordonner ce passage, qui définit en quelque sorte l’image chrétienne du « Pé­ dagogue ». avec son propre usage du terme ! Cf. Introduction, p. 17. 5. Nous avons déjà rencontré co terme d’origine philosophique : CHAPITRE VI 29.5 — 31,1 167 naissance le délie, pour notre bien ; ces chaînes sont bien vile enlevées par la foi de l’homme, et aussi par la grâce de Dieu ; nos fautes sont effacées par l’unique remède propre à guérir : le baptême du Logos *. 1. 30 Nous sommes entièrement lavés de nos fautes et, d’un seul coup, nous ne sommes plus mauvais. C’est là l’unique grâce de l'illumination (le baptême) : nous ne sommes plus les memes qu’avant le bain baptismal. Or, comme lu connaissance survient en même temps que l'illumination et éclaire l’intelligence, c'est tout de suite que, sans avoir rien appris, nous nous entendons appeler disciples : l’ins­ truction nous est survenue antérieurement, on ne saurait dire à quel moment. 2. La catéchèse amène progressi­ vement à la foi 2 ; la foi. au moment, du saint baptême, reçoit l’instruction de ΓEsprit-Saint. Comme la foi est l’unique et universel moyen de salut de l’humanité, et que le Dieu juste et bon se communique également et de la même façon à tous 3, ΓApôtre a très clairement exposé cela lorsqu’il dit : 3. «Avant la venue de la foi, nous étions enfermés sous la garde de la Loi, réserves à la foi qui devait, se révéler. Ainsi la Loi nous servit-elle de pédagogue jusqu’au Christ pour que nous obtenions de la foi notre justification. Mais la foi venue, nous ne sommes plus sous un pédagogue ‘. » 1. Ne savez-vous pas que nous ne 31 sommes plus sous le régime de cette Loi qui s’accompa­ gnait de crainte, mais sous celui du Logos, pédagogue de notre libre volonté 5 ? Cependant ΓApôtre ajoute un peu plus loin la parole qui exclut toute acception de per­ sonnes : « Car vous êtes tous des fils, par la foi en Dieu, dans le Christ Jésus ; vous tous en effet, baptisés dans le Christ, vous avez revêtu le Christ : il n’y a ni Juif, ni Grec, il n’y a ni esclave ni homme libre ; il n’y a ni homme ni femme, car vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus e. » 1,9. 1, n. 7 ; sur la valeur de ret element volontaire dans l’acte de foi, v. P. Th. Camelot, p. 30. 6. Gai., 3, 26-28. 168 LIVRE 1 2 ’Ιησού. '0 Ούκ άρα οι μέν γνωστικοί, οί δέ ψυχικοί έν αύτφ τφ λόγω, άλλ' οί πάντες άποθέμενοι τάς σαρκικάς έπιθυμίας ίσοι καί πνευματικοί παρά τφ κυρίω. Καί άλλαχόθι πάλιν γράψει· ο. καί γάρ <έν> ένί πνεύματι ήμεΐς πάντες είς 2ν σώμα έθαπτίσθημεν, είτε ’Ιουδαίοι είτε "Ελληνες, είτε δούλοι εϊτε έλεύ32.1 θέροι· καί πάντες εν πόμα έποτίσθημεν. » Ούκ άτοπον δέ καί τοΐς αύτών εκείνων συγχρήσασθαι £ήμασιν, οι διυλισμδν μέν τοΟ πνεύματος τήν μνήμην των κρειττόνων εΐναί ψασιν. Διυλισμόν δέ νοοΟσιν τδν άπό τής ύπομνήσεως τών άμεινόνων τών χειρόνων χωρισμόν· έπεται δέ έξ άνάγκης τφ ύπομνησθέντι τών βελτιόνων ή μετάνοια ή έπί τοΐς ήττοσιν· αύτό γούν τδ πνεΟμα δμολογοΟσι μετανοήσαν άναδραμεΐν. Τδν αύτδν οδν τρόπον καί ήμείς έπίτοίς ήμαρτημένοις μετανενοηκότες, άποταξάμενοι τοΐς έλαττώμασιν αύτών, διυλιζόμενοι βαπτίσματι, πρδς τδ άίοιον άνατρέχομεν φώς, οί παΐδες πρδς τδν πατέρα. 2 « Άγαλλιασάμενος γοΟν έν τφ πνεύματι ’Ιησούς, εξομολογού­ μαι σοι, πάτερ, ψησίν, ό θεδς τού ούρανού καί τής γής, ότι άπέκρυψας ταύτα άπδ σοφών καί συνετών, καί άπεκάλυψας αύτά νηπίοις »· νηπίους ήμας δ παιδαγωγός καί διδάσκαλος άποκαλών τούς των έν κόσμω σοφών έπιτηδειοτέρους είς 3 σωτηρίαν, οί σοφούς σφάς ήγούμενοι τετύφωνται. Καί έπι8ο3ται, άγαλλιώμενος καί ύπερευψραινόμενος, οίονεί συντραυλίζων τοΐς νηπίοις· α ναι, δ πατήρ, 'ότι ούτως εύδοκία έγένετο έμπροσθεν σου. > Διά τούτο τά κεκρυμμένα άπδ σοφών καί 4 συνετών τού νύν αίώνος άπεκαλύψθη τοΐς νηπίοις. <Ν ήπιοι) άρα είκότως οί παΐδες τού θεού οί τδν μέν παλαιόν άποθέμενοι άνθρωπον καί τής κακίας έκδυσάμενοι τδν χιτώνα, έπενδυσά- 1. Cf. 1 Pierre, 2, 1 ; 2, il. 2. I Cor., 12, 13 {où nous lisons Πνίδμα au lieu de-όμα, ici leçon do F contre M où nva s’accompagne d'un έποτισΟ., corrigé en ίφωτ.). 3. Il s'agit toujours des gnostiques (cf. Eclog. Proph., 7, 3) et très précisément des Valentiniens (ci. Ihénée, I, 8, 9, Harvey). 4. Luc, 10, 21 et parall. On aura noté le retour au théine de l’en­ fance, après ce long exposé sur le baptême {1, 25, 1 s.). 5. Cf. Korn., 1, 22. 6. Luc, 10, 21 et parall. 7. Éph., 4, 22 ; 4, 24. Chapitre vi 31,2 — 32,4 169 2. I.es uns ne sont donc pas « gnostiques », tandis que les autres seraient « psychiques », dans le Logos môme : tous ceux qui ont déposé les désirs de la chair 1 sont égaux, tous « pneumatiques » aux yeux du Seigneur. Ailleurs l’Apôtre dit encore : « Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés pour ne for­ mer qu’un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’une seule bois­ son » 1. En revanche, il n’est pas impossible d'uti- 32 liser le langage de ces gens, lorsqu’ils disent que le sou­ venir du bien est un « passage au filtre 3 » de l'esprit ; mais ce qu’ils comprennent par « passage au filtre », c’est la séparation du mal obtenue du fait du souvenir du bien : la conséquence inévitable, pour qui retrouve le souvenir du bien, est donc le repentir des actes mauvais ; c’est l’esprit lui-même, disent-ils, qui en se repentant se met à monter. De la même manière, nous aussi, lorsque nous nous sommes repentis de nos fautes, lorsque nous avons renoncé à leurs dommages, nous « passons au filtre » du baptême, et nous courons de nouveau vers la lumière éternelle, enfants revenant vers leur Père. 2. « Jésus tressaillit de joie sous Faction du Saint-Esprit et dit : Je le bénis, Père, Dieu du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux habiles et de l’avoir révélé aux tout-petits ‘ » : notre Pédagogue et Maître nous appelle des « tout-petits », nous qui sommes mieux disposés au salut que les sages de ce monde, aveuglés tout en se croyant sages 5. 3. Tressaillant de joie et se réjouissant, Jésus s’écrie comme pour faire écho aux balbutiements des tout-petits : « Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir ♦. » Voilà pourquoi ce qui fut caché aux sages et aux habiles de ce siècle a été révélé aux tout-petits. 4. Tout-petits, c’est bien vrai qu’ils le sont, ces enfants de Dieu qui ont déposé le vieil homme ’ et dépouillé la tunique d’iniquité 8 8. Cf. Jude, 23. 170 LIVRE I μενοι δέ τήν αφθαρσίαν τού Χριστοϋ, ϊνα καινοί γενόμενοι, λαδς άγιος, άναγεννηθέντες άμίαντον φυλάξωμεν τδν άνθρω­ πον καί νήττιοι ώμεν ώς βρέφος τού θεοΟ κεκαθαρμένον πορνείας καί πονηριάς. 33,1 Σαφέστατα γούν ό μακάριος ΠαΟλος άπήλλαζεν ήμδς τής ζητήσεως έν τή προτέρα πρδς Κορινθίους επιστολή ώδέ πως γράφων- « αδελφοί, μή παιδία γίνεσθε ταΐς φρεσίν, άλλα τή 2 κακία νηπιάζετε, ταΐς δε φρεσΐ τέλειοι γίνεσθε. » Τδ δέ « δτε ήμην νήπιος, έφρόνουν ώς νήπιος, έλάλουν ώς νήπιος » τήν κατά νόμον άγωγήν αίνίττεται, καθ' ήν ούχ ώς απλούς ήδη, άλλ' ώς έ'τι άφρων νήπια μέν φρονών έδίωκε, νήπια δέ λάλων 3 έδλασφήμει τδν λόγον. Δύο γάρ σημαίνει τδ νήπιον. « Επειδή γέγονα, φησίν, άνήρ », πάλιν δ ΠαΟλος λέγει, ο κατήργηκα τά τοΟ νηπίου. » Ούχ ήλικίας μέγεθος άτελές, άλλ' ούδέ μήν χρό­ νου μέτρον ώρισμένον, άλλ’ ούδέ άνδρικών καί έντελεστέρων μαθημάτων διοαχάς άλλας απορρήτους αίνίττεται, τήν νηπιότητα ύπερόριον άποστέλλων δ καταργειν αύτήν δμολογών άπόστολος, άλλα νηπίους μέν τούς έν νόμω λέγει, ο*ί τω φό8ω, καθάπερ οί παιδες τοίς μορμολυκείοις, έκταράττονται, άνδρας οέ τούς λόγω πειθήνιους καί αύτεξουσίους κέκληκεν οι πεπιστεύκαμεν έκουσίω προαιρέσει σωζόμενοι, έμφρόνως, ούκ 4 άφρόνως, δεδιττόμενοι τώ φό6ω. Αύτδς περί τούτου μαρτυ­ ρήσει δ άπόστολος τούς’Ιουδαίους κατά τήνπροτέραν διαθήκην 1. I Cor., 15, 53. 2. Cf. Il Cor., 5, 17. 3. Cf. I Pierre, 2, 9. 1 Cor., 14, 20. 5. I Cor., 13, 11. 6. Ibid. 7. Reprise de l’argumentation anti-gnostique qui fait proprement l’objet de ce chapitre. 8. Cf. Platon, Phaed., ~~ E. 9. Celte insistance sur le rôle du libre arbitre de l'homme est dirigée contre le déterminisme en quelque sorte physique des gnostiques et leur notion d’un « salut par nature n : cf. Camelot, note â p. 31-32; Strom., II, 26, 4 ; Voelker, p. 117. 10. L’antithèse ΐμφρων-ίφρων est classique : ex. XéN'OPHON, Mêm., 1, 4, 4 ; (mais bien entendu le sens est tout autre ici). Sur ce dépasse­ ment de la crainte, cf. Voelker, p. 274. Le thème reviendra en I. 87.1. CHAPITRE VI 32,ί—33,4 171 et ont revêtu l'incorruptibilité 1 du Christ : devenus nouveaux *, peuple saint 3, régénérés, il faut que nous conservions l’homme sans souillure, que nous soyons des tout-petits, comme un nourrisson de Dieu, purifié de la fornication et du vice. Discussion bienheureux Paul a très nettement 33 des textes r®so^u problème que nous posons lorsqu'il auüniens a ^ans sa première Epître aux Corin­ thiens : « Frères, ne vous montrez pas enfants en fait de jugement ; des petits enfants pour la malice, soit ; mais pour le jugement, soyez parfaits *. » D’autre part, il a dit: 2. « Lorsque j’étais tout-petit, je raisonnais en tout-petit, je parlais en tout-petit5», évo­ quant par ces termes la manière de vivre conforme à la Loi : il ne veut pas dire qu’il était dès alors un simple, mais qu’en insensé il persécutait le Logos par scs pensées de tout-petit et le blasphémait par scs paroles de toutpetit. Le mot « tout-petit » possède en effet une double signification. 3. Paul reprend : « Une fois devenu homme j’ai fait disparaître ce qui était du tout-petit * »: il ne fait pas allusion à un nombre insuffisant d'années, ni même à un laps de temps déterminé, ni encore à d'autres enseignements secrets donnant des connaissances d’hommes et de parfaits ’, lorsqu’il rejette ainsi ce qui est de la petite enfance et qu'il reconnaît s’en être affranchi. Il appelle « tout-petits » ceux qui vivent sous la Loi et qui sont troubles par la crainte, comme les enfants le sont par le croquemitainc 8 ; et, d’autre part, il appelle « hommes » ceux qui sont dociles à la raison (Logos) et se déterminent librement Nous qui avons cru. nous sommes sauvés par notre volonté librement déterminée et, si nous éprouvons de la crainte, c’est en êtres sensés, non pas en insensés10. 4. L’Apôtre lui-même donne sur ce point son témoignage lorsqu’il dit que les Juifs sont les héritiers selon l’ancienne Alliance, mais que nous le 172 LIVRE Γ κληρονόμους λέγων, κατ' επαγγελίαν δέ ήμάς. α Λέγω δέ», φησίν, « έφ' δσον χρόνον δ κληρονόμος νήπιός έστιν, ούδέν διαφέρει δούλου κύριος πάντων ών, άλλα ύπδ έπιτρόπους έστί καί οικονόμους άχρι τής προθεσμίας τού πατρός. Ούτως καί ήμείς, δτε ήμεν νήπιοι, ύπδ τά στοιχεία τού κόσμου ήμεν δεδουλωμένοι· δτε δέ ήλθεν τδ πλήρωμα τοΟ χρόνου, έξαπέστειλεν ό θεδς τδν υίδν αύτοΟ, γενόμενον έκ γυναικός, γενόμενον ύπδ νόμον, ϊνα τούς ύπδ νόμον έξαγοράση, 'ίνα τήν 34.1 υιοθεσίαν άπολάθωμεν δι* αύτοΟ». °Ορα πώς ώμολόγησεν είναι νηπίους τούς ύπδ φόβον καί αμαρτίας, τούς δέ ύπδ τήν πίστιν υίούς καλών άπήνδρωσεν ώς πρδς αντιδιαστολήν τών έν τώ νόμω νηπίων, ο Ούκέτι γάρ », φησί, « δοΟλος εΐ, άλλα υίός· εί δέ υιός, καί κληρονόμος διά θεοΟ ». Τί οδν ένδεί τώ υίφ 2 μετά τήν κληρονομίαν; Χάριεν τοίνυν ούτως έξηγήσασθαι τδ « δτε ήμην νήπιος», τουτέστιν δτε ήμην ’Ιουδαίος, ‘Εβραίος γάρ άνωθεν ήν, « ώς νήπιος έφρόνουν », επειδή είπόμην τώ νόμφ· « έπί δέ γέγονα άνήρ », ούκέτι τά τοΟ νηπίου, τουτέστι τά τοϋ νόμου, άλλα τά τοϋ άνδρδς φρονώ, τουτέστι τά τοΟ ΧριστοΟ, δν μόνον ανδρα ή γραφή, καθώς προειρήκαμεν, καλεΐ, « κατήργηκα τά τοΟ νηπίου ». ‘H δέ έν Χριστώ νηπιότης τελείωσίς έστιν, ώς πρδς τδν νόμον. 3 ΈνταΟθα γενομένοις τή νηπιότητι ήμών συνηγορητέον. *Ετι καί τδ πρδς τοΟ αποστόλου είρημένον έπεξηγητέον « γάλα ύμ&ς έπότισα, ώς νηπίους έν Χριστώ, ού βρώμα· ούπω γάρ έδύνασθε- άλλ* ουδέ έτι νΟν δύνασθε». Ού μοι γάρ δοκεί 1ουδαϊκώς έκδέχεσθαι δείν τδ λεγόμενον. Άντιπαραθήσω γάρ 1. Gal., ι», 1-5. 2. Gal., \, 7. 3. C'cst on I, 18, 1-4 que Clément a posé l'équivalence du Christ et de l'homme accompli. 4. Après les § 33, 4 et 34, 2 où, à la suite de saint Paul, le terme d'enfant avait revêtu une nuance péjorative, Clément ra­ mène intrépidement son thème personnel : la vie chrétienne comme enfance dans le Christ ; mais les difficultés ne sont pas achevées ! 5. 1 Cor., 3, 1-2. chapitre vi 33,4—34,3 173 sommes selon la promesse : « Je le dis : aussi longtemps qu’il est tout-petit, l’héritier, quoique propriétaire de tous les biens, ne diffère en rien d’un esclave. Il est sous le régime des tuteurs et des intendants jusqu’à la date fixée par son père. Nous aussi, durant notre petite enfance, nous étions asservis aux éléments du monde. Mais quand vint la plé­ nitude du temps, Dieu envoya son Fils, né d’une femme, né sujet de la Loi, afin de racheter les sujets de la Loi, afin de nous conférer, par lui, l’adoption filiale *. » 1. 34 Vois comment il appelle « tout-petits » ceux qui sont sous le régime de la crainte et du péché, tandis qu’il donne le nom de « fils » à ceux qui sont sous le régime de la foi, leur conférant ainsi une dignité d’hommes, comme pour établir une distinction avec les tout-petits qui sont sous la Loi. Il dit : « Car tu n’es plus esclave mais fils, et si tu es fils, lu es aussi héritier de par Dieu 2. » Et que manquet-il au fils, après l’héritage ? 2. Il est donc séduisant d’expliquer ainsi son langage : « Lorsque j’étais toutpetit », c’est-à-dire lorsque j’étais juif — Paul, en effet, était hébreu d’origine — j’avais des pensées de toutpetit », puisque j’obéissais à la Loi. « Mais une fois devenu homme », je n’ai plus des pensées de tout-petit, c’cst-à-dire de la Loi, mais des pensées d’homme, c’est-à-dire du Christ — puisque l’Écriture, comme nous le disions plus haut, appelle le Christ le seul homme ’. « J’ai fait disparaître ce qui était du tout-petit. » Au contraire, le caractère de tout-petit dans le Christ est la perfection, en comparaison de la Loi4. θ’ ^rr*v^s ce PoinL nous devons prendre la défense de notre caractère de tout-petit et, de plus, expliquer la parole de I*Apôtre : έτι έν σαρκί έσμεν, ώς ύπειλήφασί τινες* σύν αυτί} γάρ τό πρόσωπον ϊσάγγελον έχοντες πρόσωπον πρός πρόσωπον τήν έπαγγε37,1 λίαν όψόμεθα. Πώς δέ, εΐ έκείυη όντως έστίν ή επαγγελία μετά τήν ένθένδε άπαλλαγήν, « ήν δφθαλμός ούκ εΐδεν ουδέ έπΐ νοΟν ανθρώπου ούκ] άνέβη », είδέναι φασίν ού πνεύματι έννενοηκότες, άλλά έκ μαθήσεως παρειληφότες < ο ους ούκ ήκουσέν ποτέ » ή μόνον εκείνο τό έν τρίτφ άρπασθέν ούρανώ ', 2 Άλλά κάκεινο έχεμυθεΐν έκελεύετο τότε. Εί δέ άνθρωπίνη σοφία έστίν, δπερ ύπολείπεται νοεΐν, ή μεγαλαυχία τής γνώσεως, άκουε τδν νόμον τής γραφής· α μή καυχάσθω δ σοφός έν τή σοφία αύτοΟ, καί μή καυχάσθω δ ισχυρός έν τή ίσχύι αύτοΟ, δ δέ καυχώμενος έν κυρίω καυχάσθω. »‘Ημείς δέ ο: θεο3 διδακτοί s καί τώ ΧριστοΟ δνόματι καυχώμενοι. Πώς οίν ού ταύτη νοεΐν τόν άπόστολον ύποληπτέον το γάλα τών νηπίων, εϊ τε ποιμένες [έσ'μέν οί τών έκκλησιών προηγούμενοι κατ' εικόνα τού άγαθοΟ ποιμένος, τά δέ πρόβατα ήμεΐς, μή ούχΐ καί γάλα τής ποίμνης τόν κύριον λέγοντα τήν άκολουθίαν φυλάττειν άλληγοροΟντα ; Καί δή τό £ητόν αυθις τή διανοία εφαρμοστέου· « γάλα ύμάς έπότισα, ού βρώμα· ούπω γάρ έδύνασθε », ούκ άλλο τι παράτό γάλα τό βρώμα ύπολαμβάνοντας1, а. όπολαμδανοντας scripsimus : υπο — ος FM Stïihlin 1. Clément imite ici les énumérations de style diatribiquo chères à saint Paul, ainsi : Gui., 5, 19-21. 2. Boni., 8, 9. 3. Les guostiques encore, mais aussi les platoniciens. 4. Pour l'expression, cf. .4cL, 6, 15 ; J Cor., 13, 12; pour l'idée, Luc, 20, 36. 5. / Cor., 2, 9. б. Il s'agit toujours des gnostiques. 7. Cf. 11 Cor., 12, 2. 8. Cf. Il Cor., 12, 4. 9. Jêrém., 9, 23. 10. 1 Cor., 1, 31 ; H Cor., 10. 17 (cf. Jirêm., 9, 24). 11. Le mot vient de 1 These., 4, 9. 12. Phil., 3, 3, mais Clément, si imprégné du vocabulaire biblique, ajoute au texte la mention du Nom 13. Cf. Jean, 10, 11-14. CHAPITRE VI 36,6 - 37,3 179 pensées de la chair, désirs, amours, jalousies, colères, envies ». Il ne dit pas que c’est parce que nous sommes encore «dans la chair 2», comme certains le croient. 3, car c’est avec la chair, ayant une face d'anges 4, que nous verrons face à face la réalisation des promesses. 1. Or, 37 si la véritable réalisation des promesses a lieu après notre départ d’ici-bas, réalisation « que l’œil n’a pas vue, qui n’est pas montée au cœur de l'homme 6 », comment peuvent-ils prétendre * connaître — sans l’avoir compris sous reflet de l’Esprit mais pour l’avoir appris par l’étude «ce que l’oreille n’a pas entendu », s’il ne s’agit pas seulement de celui-là seul « qui fut ravi jusqu’au troi­ sième ciel ' », et encore celui-ci reçut-il l’ordre de se taire8 ? 2. Si, au contraire, comme on peut également le penser, la connaissance dont ils s’enorgueillissent est une sagesse humaine, écoute la loi que donne Γ Écriture : « Que le sage ne se glorifie pas de sa sagesse, que le fort nc se glorifie pas de sa force ·, mais que celui qui se glorifie se glorifie dans le Seigneur10 ». Mais nous, qui sommes « instruits par Dieu11», nous nous glorifions dans le nom du Christ14. 3. Comment donc ne pas supposer que Γ Apôtre a parlé du lait, des tout-petits dans le sens λόγω, ήν αύτδς έκύησεν δ κύριος ώδίνι σαρκική, ήν αύτδς έσπαργάνωσεν δ κύριος αϊματι τιμίω. *Ώ τών άγιων λοχευμάτων, ώ τών άγιων σπαργάνων* δ λόγος τά πάντα τώ νηπίω, καί a. οτι γάλα ην τό πα:δ:ο·> Ι·’Μ : ότ: γάλα ην (ό λόγος) ~ό τ,α-.δϊον Schwartz StShlin b. ύποτροφοΰσχ scripsi : ύποτροφουσαν 1·'Μ ύποτροφ^,ν) ουααν Schwartz Stahl in 1. Cf. Ex., 1ΰ. 2. Cf. Ps., 77, 25 ; Sag., 16· 20 : IV Eedr·’ 1» 19* 3. Le terme technique moderne est le colostrum. Clément paraît bien être le seul à nous fournir ce sons de μάννα. 4. Singulière exégèse de Lux, 11, 27-28. 5. Cf. 7s., 45, 8. 6. V. ci-dessus, Γ, 35, 3. 7. Précieuse formule, qui reprend le thème déjà rencontre en 1, 21, 1, note 2. 8. Nous comprenons βρυώδη;, « enfantin a, au sens de « qui con­ vient aux petits enfants », et non « qui est lui-méme un petit Want » : I j CHAPITRE VJ 41,2—42,3 187 êtres engendrés et régénérés : c’est ainsi également que la manne s’écoulait du ciel pour les anciens Hébreux l, nourriture céleste des anges 2. 3. Sans doute est-ce par homonymie avec cette belle nourriture que les nourrices encore maintenant appellent « manne » le premier écoule­ ment de lait 3. Cependant, si les femmes qui accouchent, en devenant mères, deviennent sources de lait, le Sei­ gneur Christ, fruit de la Vierge, n’a pas déclaré bienheu­ reuses leurs mamelles * ; il ne les a pas jugées nourri­ cières : lorsque le Père plein d’amour et de bonté pour l'homme a répandu la rosée 5 de son Logos, alors il est devenu lui-même la nourriture spirituelle 8 des hommes vertueux. 1. Quel étonnant mystère! Il y a un seul 42 Père de l’univers, un seul Logos de l’univers et aussi un seul Esprit-Saint, partout identique ; il y a aussi une seule vierge devenue mère, et j’aime l’appeler Γ Eglise Cette mère, seule, n’eut pas de lait parce que, seule, elle ne devint pas femme ; elle est en même temps vierge et mère, intacte en tant que vierge, pleine d’amour en tant que mère ; elle attire à elle scs petits enfants et les allaite d’un lait sacré, le Logos des nourrissons 8. 2. Elle n’a pas eu de lait parce que le lait, c’était ce beau petit enfant·, bien approprié10, le corps du Christ : ainsi nour­ rissait-elle du Logos ce « jeune peuple » que lui-même le Seigneur mil au monde dans les douleurs de la chair cl qu’il a lui-même ernrnaillotté de sang précieux ll. 3. O les saints enfantements ! O les saints langes ! le Logos est tout pour le tout-petit, à la fois père, mère, pédagogue Clément no peut avoir pensé ici à l’enfance du Verbe incarné (v. déjà 1, 24, 3, note 10). 9. Texte troublé : nous n’avons pas suivi les corrections propo­ sées par Schwartz et Stabmlin (dans sa traduction, t. I, p. 242, n. 1) ; ef. O. Faller dans Gregorianum, 1925, p. 434. Idée voisine, semble-t il, chez Irénée, Adv. Haer., IV 62 (Harvey 11, p. 293). 10. Pour saisir la valeur de ce mot, ci. infra. 49, 4. 11. L’expression vient «le I Pierre, 1, 19. 188 LIVRE I •πατήρ καί μήτηρ καί παιδαγωγός καί τροφεύς. « Φάγεσθέ μου », φησί, « τήν σάρκα καί πίεσθέ μου τό αίμα ». Ταύτας ήμίν οικείας τροφάς δ κύριος χορηγεί καί σάρκα δρέγει καί 43,1 αίμα έκχει· καί ούδέν είς αύξησιν τοίς παιδίοις ένδει. τού παραδόξου μυστηρίου· άποδύσασθαι ήμίν τήν παλαιάν καί σαρκικήν έγκελεύεται φθοράν, ώσπερ καί τήν παλαιάν τροφήν, καινής δέ άλλης τής ΧριστοΟ διαίτης μεταλαμβάνοντας, έκείνον, είδυνατόν, Αναλαμβάνοντας έν έαυτοίς άποτίθεσθαι καί τδν σωτήρα ένστερνίσασθαι, ΐνα καταργήσωμεν τής σαρκός 2 ήμών τά πάθη. Άλλ' ού ταύτη νοείν έθέλεις, κοινότερον δέ ίσως. "Ακούε καί ταύτη· σάρκα ήμίν τό πνεύμα τό άγιον άλληγορεί, καί γάρ ύπ' αύτοΟ δεδημιούργηται ή σάρξ· αίμα ήμίν τόν λόγον αίνίττεται, καί γάρ ώς αίμα πλούσιον δ λόγος έπικέχυται τώ βίω· ή κρΑσις δέ ή άμφοίν ό κύριος, ή τροφή 3 τών νηπίων· δ κύριος πνεΟμα καί λόγος. Ή τροφή, τουτέστιν (δ) κύριος ΊησοΟς, τουτέστιν δ λόγος τοΟ ΘεοΟ, πνεΟμα σαρκούμενον, άγιαζομένη σάρξ ούράνιος. ‘Η τροφή τό γάλα τοΟ πατρός, ώ μόνω τιτθευόμεθα οί νήπιοι. Αύτδς γοΟν ό « ήγαπημένος » καί τροφεύς ήμών λόγος τό αύτοΟ ύπέρ ήμών έξ4 έχεεν αίμα, σφζων τήν Ανθρωπότητα· δι' οδ πεπιστευκότες είς τόν θεόν έπί τόν « λαθικηδέα μαζδν » τοΟ πατρός, τόν λόγον, καταφεύγομεν, 8 δέ, ώς έοικεν, μόνος ήμίν τοίς νηπίοις τό γάλα τής άγάπης χορηγεί, καί οδτοι ώς άληθώς μακάριοι 1. Cf. Jean, G, 532. Le lecteur catholique appliquera tout naturellement ces for­ mules à la piété eucharistique ; il faut prendre garde cependant à ne pas majorer des textes d'interprétation délicate : v. Quatember, p. 102, n. 75 et Voelker, p. 598-600. 3. Clément s’csl-il rendu compte de ce qu’avaient d'embrouille les explications qui précédent, où le Verbc-e lait » sort de nourriture aux «enfants» que sont les fidèles ? 4. Celte nouvelle «allégorie» n'est pas beaucoup plus claire : il faut, scmble-t-il, comprendre que la chair et le sang de l’homme sont respectivement le symbole de la nature divine et de la nature hu­ maine dont le «mélange intime» (xpaoej, terme technique stoïcien) constituo «le Seigneur Jésus »: les termes άγιον lheüpa et λόγο; sont à prendre dans un sens christologique et non trinilairc ; Essence divine et Verbe en tant qu'incarné, non pas Troisième et Snonde CHAPITRE VI $2,3 — 43,4 189 et nourricier. Il a dit : « Mangez ma chair et buvez mon sang x. » Voici les nourritures bien faites pour nous que le Seigneur donne généreusement : il offre sa chair et il verse son sang. Rien ne manque aux petits enfants pour qu'ils grandissent. 1. Quel mystère paradoxal ’. Il nous 43 est ordonné de dévêtir l’ancienne corruption de la chair, comme nous abandonnons l’ancienne nourriture, de prendre à la place un nouveau régime de vie, celui du Christ ; de le recevoir lui-même si nous le pouvons, de le déposer en nous, de mettre le Sauveur dans notre cœur afin de détruire les passions de notre chair 2. 2. Peutêtre ne veux-tu pas comprendre cette parole de cette manière 3 et préfères-tu une explication plus commune ? Écoute alors ceci : en parlant de la chair, il veut nous faire comprendre le Saint-Esprit, car la chair a été créée par lui ; par le sang, il nous désigne le I.ogos : en effet, comme un sang abondant, le Logos s’est répandu sur notre vie. Le mélange des deux est le Seigneur, nourriture des toutpetits ; car le Seigneur est esprit et logos. 3. La nour­ riture, c’est-à-dire le Seigneur Jésus, Logos de Dieu, c’est l’esprit devenu chair, la chair céleste sanctifiée 4. La nourriture, c’est le lait du Père, par qui seul sont allai­ tés les tout-petits. Et lui, le Logos bien-aimé 6, notre nourricier, il a versé son propre sang pour nous, il a sauvé l'humanité e. 1. Nous qui avons, par son entremise, placé notre foi en Dieu, nous nous réfugions vers le sein du Père « qui fait oublier les douleurs 7 », le Logos. Lui seul, comme il est naturel, donne en abondance aux toutpetits que nous sommes le lait de l’amour ; et seuls sont réellement bienheureux s ceux qui sont allaités par ce Personne de )a Trinité : de mime, et très nettement, ci-dessons, II, 19,4 - 20,1, n. ad loc. Pareillement, Origène, Entretien avec Héraclide, éd. Scherer, (S. C.y n° 67, 19601, p. 56-57. 5. Ci’. Marc, 1, 11 et paraît 6. Vague analogie avec Philon, Q. det, pot. insid., 115. 7. Expression homérique : Iliade, XXI1, 83. 8. Rappel de l’exégèse de Luc, 11, 27 au § 41, 3 ? 190 LIVRE I 44.1 μόνοι, 'όσοι τοΟτον θηλάζουσι τδν μαστόν. Διά τοθτό φησι καί δ Πέτρος’ < άποθέμενοι οΰν πάσαν κακίαν καί πάντα δόλον καί τήν ύπόκρισιν καί φθόνον καί καταλαλίαν, ώς άρτιγέννητα βρέφη τδ λογικόν γάλα έπιποθήσατε, ϊνα έν αύτώ αύξηθήτε είς σωτηρίαν, εί έγεύσασθε ότι χρηστός δ κύριος. > Et δέ καί συνενδφη τις αύτοίς άλλο τι είναι τδ βρώμα παρά τδ γάλα, εΐτα πώς ού περιπαρήσονται σφίσιν αύτοίς, ού κατανενοηκότες 2 τήν φύσιν; ‘H γάρ τοι τροφή χειμώνας μέν πυκνοΟντος τοΟ περιέχοντος καί πάροδον ού διδόντος έντδς κατακλειομένφ τφ θερμά, έψομένη καί πεπτομένη, είς τάς φλέβας έξαιματουμένη έκχωρεί· αΐ δέ διαπνοής ού τυγχάνουσαι πεπληρωμέναι μάλιστα συντείνονται καί σφύζουσι· διδ καί αί τίτθαι περι3 πληθείς τότε μάλιστα γίνονται τφ γάλακτι. Άποδέδεικται δέ ήμιν μικρφ πρόσθεν τδ αΐμα είς γάλα ταΐς κυούσαις κατά μεταβολήν, ού κατ’ ούσίαν χωρεΐν, ώσπερ άμέλει καί αί τρίχες αί ξανθαί τοίς γηρώσιν είς πολιάς μεταβάλλουσιν. Θέρους δέ εμπαλιν άραιότερον δν τδ σώμα τήν τροφήν εύδιαφορητοτέραν παρέχει, καί ήκιστα πλεονάζει τδ γάλα, έπεί μηδέ τδ αίμα· 45.1 ούδέ γάρ πάσα κατέχεται ή τροφή. Εί τοίνυν ή μέν κατεργασία τής τροφής έξαιματοΟται, τδ δέ αΐμα έκγαλακτοϋται, πα­ ρασκευή γίνεται τδ αΐμα τοΟ γάλακτος ώς σπέρμα ανθρώπου και γίγαρτον άμπέλου. Τώ ούν γάλακτι, τή κυριακή τροφή, εύθύς μέν άποκυηθέντες τιθηνούμεθα, εύθύς δέ άναγεννηθέντες τετιμήμεθα τής άναπαύσεως τήν έλπίδα, τήν άνω Ιερουσαλήμ εύαγγελι&όμενοι, έν ή μέλι καί γάλα δμβρείν άναγέγραπται, διά τής ένύλου καί τήν άγϊαν μνηστευόμενοι τρο2 φήν. Τά μέν γάρ βρώματα καταργείται, ή φησιν δ άπόστολος 1. 7 Pierre, 2, 1-3, citant Pi., 33, 9. 2. Tout ceci est encore un ëcho de la science medicale du temps : v. Galien, De usn part. corp, hum., XVI, 10, t. IV, p. 322, Kuhn ; In Hipp. lib. de alim., IV, 8, t. XV, p. 393 ; et do façon générale Spanneut, p. 199-202. 3. Ci-dessus, § 39, 2-5. 4. Gai., 4, 26. 5. Cf. Ex., 3, 8 et paraît Cf. ci-dessus, § 34, 3. _■ CHAPITRE VI 43,4 —45,2 191 sein. 1. C'est, pourquoi Pierre (lit : « Rejetez donc 44 toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et toute sorte de médisances : comme des enfants nouveaunés, désirez le lait spirituel afin que, par lui, vous crois­ siez pour le salut, si du moins vous avez, goûté combien le Seigneur est excellent ». » Si au contraire nous concédons à nos adversaires que la nourriture solide est d’une autre nature que le lait, comment n’iraient-ils pas jusqu’au bout de leur erreur, en ne comprenant pas les lois de la nature ? 2. Pendant l’hiver, lorsque l’atmosphère para­ lyse tout et interdit à la chaleur renfermée dans le corps de passer à l'extérieur, la nourriture se consume, se digère et sc transforme en sang qui va dans les veines ; celles-ci, qui ne sont pas parcourues par une circulation d’air, sont tendues au maximum et battent avec force ; c’cst pour cela que les nourrices sont, alors le plus gonflées de lait. 3. Nous avons montré plus haut 3 que le sang se change en lait chez les accouchées sans que sa substance soit modifiée, comme les cheveux blonds qui deviennent, blancs chez les vieillards. Pendant l’été au contraire, comme le corps est moins dense, il laisse passer plus faci­ lement la nourriture et le lait sc forme en moindre abon­ dance, puisque le sang est également moins abondant : toute la nourriture n’est pas retenue. 1. Si donc l’éla- 45 boration de la nourriture donne du sang et si le sang se transforme en lait, on peut dire que le sang constitue la préparation du lait, comme le sperme celle de l’homme, et le pépin celle de la vigne. C’est donc de lait, cette nourriture qui est le Seigneur, que nous sommes nourris à la mamelle, dès que nous avons été mis au monde, et, des que nous sommes régénérés, nous recevons l’espé­ rance du repos final, l’annonce de la Jérusalem d’en haut ■·, où Γ Ecriture nous dit que coulent le miel et le lait 5 et, sons le symbole de ces nourritures matérielles, c’est également la nourriture sainte que nous postulons. 2. Les aliments, en effet, sont détruits, comme le dit 192 IJ VUE l αύτός, ή δέ διά γάλακτος τροφή είς ουρανούς καθηγείται, πολίτας ούρανών καί συγχορευτάς άγγέλων άναθρεψαμένη. ’Επειδή δέ έστιν δ λόγος « πηγή ζωής > βρύουσα καί ποταμός εϊρηται έλαίου, εικότως άλληγορών δ ΠαΟλος καί γάλα αύτδυ δυομάζων « έπότισα ί έπιφέρει· πίνεται γάρ δ λόγος, ή τροφή 3 τής άληθείας. Άμέλει καί τδ ποτδν ύγρά καλείται τροφή. Δυνατόν δέ τδ αύτδ καί βρόμα είναι πως έχον καί ποτόν, πρδς άλλο καί άλλο νοούμενον, καθάπερ καί δ τυρός γάλακτός έστι πήξις ή γάλα πεπηγός. Ού γάρ μοι τής λεξιθηρίας μέλει τά νΟν, πλήν δτι τάς τροφάς άμφω μία διακονείται ούσΐα. ’Αλλά καί τοις ύποτιτθίοις παιδίοις άρκεί μόνον τό γάλα καί 4 ποτόν είναι καί τροφήν, α ‘Εγώ », φησίν δ κύριος, « βρώσιν εχω φαγείν, ήν ύμείς ούκ οΐδατε· έμόν βρώμά έστιν, 'ίνα ποιήσω τδ θέλημα τοϋ πέμψαντός με». Όράτε άλλο βρόμα άλληγορούμενον παραπλησίως γάλακτι τδ Θέλημα τοϋ θεοΟ. 46,1 ’Αλλά καί τήν συμπλήρωσιν τοϋ ίδίου πάθους « ποτήριον » κέκληκεν καταχρηστικάς, 8τι έκπιειν καί έκτελέσαι μόνου έχρήν αύτό. Ούτως Χριστό μέν ή τροφή τής πατρικής βουλής ή τελείωσις ήν, ήμίν δέ αύτδς δ Χριστός ή τροφή τοϊς νηπίοις, τοϊς άμέλγουσιν τδν λόγον τών ούρανών εντεύθεν τδ ζητήσαι μαστεΟσαι καλείται, ότι τοϊς ζητοΟσιν νηπίοις 1. Cf. / Cor., 6, 13. 2. Encore un mot classique pour évoquer une notion chrétienne. 3. Apoc., 21, 6. 4. Cette simple affirmation implique toute une combinaison de textes et d’influences : l’image du « fleuve d’huile » vient d’jÉz., 32, 14 (avec peut-être une réminiscence homérique : cf. A. Chénier, L'Amérique, fr. 21, éd. Pléiade, p. 444) ; l’association de l’huile au « miel coulant du rocher > est dans Dent., 32, 13 ; son identification à la Sagesse divine dans Philon, (>. det. pol. insid., 117, le tout bénéficiant d’une harmonie implicite avec saint Paul (/ Cor., 10, 4 : le « Rocher » étant lo Christ, l’huile qui en sourd vient du Christ, d’autant qu’il est l’Oint par excellence). 5. Il s’agit toujours du texto I Cor., 3, 1-3, qui ne cesse d’obséder Clément depuis 34, 3. 6. Soulignons le mot qui caractérise un aspect de la curiosité lit­ téraire des contemporains de Clément, et bien souvent, de Clément lui-meme : Introduction, p. 82. CHAPITRE VI 45,2—46,1 193 l’Apôlrc *, tandis que la nourriture fournie par le lait conduit jusqu’aux cieux et fera de nous, en nous élevant, des citoyens des cieux et les compagnons de chœur * des anges. Puisque le Logos est « source de vie 3 » jaillissante et qu’il reçoit également le nom de «fleuve d’huile *», il est bien naturel que Paul lui donne encore le nom allé­ gorique de « lait » lorsqu’il dit : « Je vous ai donné à boire 5 » : le Logos se boit, lui qui est l’aliment de la vérité. 3. Sans doute peut-on dire qu’une boisson est un ali­ ment liquide ; le même aliment peut être, sous un aspect, une nourriture solide et, sous un autre, une boisson, selon qu’on le considère sous tel ou tel aspect. Par exemple le fromage est du lait coagulé, du lait devenu consistant. Je ne me pique pas, pour l'instant, de rechercher des mots précis ·. je veux seulement dire que c’est une même subs­ tance qui fournit ces deux aliments. D'ailleurs, le lait suffît aux petits enfants qui sont encore au sein : il est à la fois leur boisson et leur aliment solide ’. 4. Le Sei­ gneur a dit : « J’ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas. Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé *. » Vous voyez donc qu’une autre chose encore, la volonté du Père, est appelée allégorique­ ment une nourriture, recevant ce nom à peu près comme le reçoit le lait. 1. Le Seigneur a encore appelé d’une 46 façon figurée * l’accomplissement de sa passion une « coupe7 8910», disant qu’il devait la boire et la vider jusqu’au fond, seul. Ainsi, pour le Christ, la nourriture était d’ac­ complir la volonté du Père ; mais pour nous, les toutpetits, la nourriture est le Christ lui-même : nous buvons le Logos céleste. C’est de là que vient le verbe « μαστεΰσαι » 7. Cf. Philon, de virtut., 130. 8. Jean, 32.34. 9. L’exégèse chrétienne emploie volontiers le vocabulaire tech­ nique des grammairiens et rhéteurs. 10. Mallh., 20, 22-23 ; 26, 39.42 et pareil. Le Pédagogue. I. 13 191 LIVRE I τδν λόγον αι πατρικαί τής φιλανθρωπίας ΟηλαΙ χορηγοΟσι τδ 2 γάλα. “Ετι δέ καί άρτον αύτδν ούρανών ομολογεί δ λόγος. « Ού γάρ Μωσής», φησίν, < έδωκεν ύμΐν τδν άρτον έκ τοΰ ουρα­ νού, άλλ’ δ πατήρ μου δίδωσιν ύμϊν τδν άρτον έκ τοΟ ούρανοΟ τδν άληθινόν ό γάρ άρτος τοΟ θεοΟ έστιν δ έκ τοΟ ουρανοί) καταδαίνων καί ζωήν διδούς τώ κόσμω. Καί δ άρτος, ον εγώ 3 δώσω, ή σάρξ μού έστιν ύπέρ τής τοΟ κόσμου ζωής.» Ενταύθα τδ μυστικόν τοΟ άρτου τιαρασημειωτέον, δτι σάρκα αύτδν λέγει καί ώς άνισταμένην δήθεν διά πυράς’, καθάπερ έκ φθοράς καί σποράς δ πυρδς άνίσταται, καί μέντοι διά πυράς συνισταμένην εις ευφροσύνην έκκλησίας ώς άρτον πεπτόμενον. 47,1 Άλλα γάρ αύθις ήμίν σαφέστερον τούτο έν τώ Περί άναστάσεως δηλωθήσεται. Έπεί δέ είπεν υ. καί ό άρτος, 'δν έγώ δώσω, ή σάρξ μού έστιν », σάρξ δέ αϊματι άρδεται, τδ δέ αΐμα οίνος άλληγορείται, ϊστέον ούν,δτι ώς άρτος εϊς κράμα καταθρυβείς τδν οίνον αρπάζει, τδ δέ ύδατώδες απολείπει, ούτως καί ή σάρξ τοΟ κυρίου, δ άρτος τών ούρανών, άναπίνει τδ αΐμα, τούς ούρανίουςτών άνθρώπων εις αφθαρσίαν έκτρέφων, άπολείπων δέ μόνας έκείνας εις φθοράν τάς σαρκικός έπιθυ2 μίας. Ούτως πολλαχώς άλληγορείται δ λόγος, καί βρώμα καί σάρξ καί τροφή καί άρτος καί αΐμα καί γάλα, & πάντα δ κύ­ ριος είς άπόλαυσιν ημών των εις αύτδν πεπιστευκότων. Μήδή 1. Étymologie attestée par ailleurs (Schol. ad Anlhol., Pal., VII, 4C8, 0) niais fantaisiste : la linguistique moderne n’établit, pas do rapport entre μαβτώ (racine μαο- ■ être humide ») et μχσπύω (cf. μα;ouai, chercher). 2. T.c lecteur moderne trouve d’un goût douteux l’image des « mamelles du Père » : inutile d’évoquer à ce propos les spéculations gnostiques sur le caractère bisexué, άροινόΟ»,)^:, de la Divinité ; nous sommes dans le domaine du symbolisme et la logique de la participation ne s'embarrasse pas de la cohérence : nous venons de voir le Verbe de x nourricier » {§ 41, 2) devenir nourriture ; v. encore, III, hymne, v. 5t), note. 3. Jean, 6, 32.33.51. 4. Jésus nous donne pour nourriture sa chair ressuscitée, mais l’idée de Résurrection est liée à celle de feu {ci. Strom., V, 9, 4-5, et «le façon générale C. M. Eus.man, Le- baptême de feu, Leipzig-Upsal, CHAPITRE VI 46.1—47,2 19ύ pour (lire « chercher 1 », car c’est aux tout-petits qui cherchent le Logos que les mamelles 8 de la bonté du Père fournissent le lait. 2. Le Logos s’est également donné le nom de « pain du ciel » : « Ce n’est pas Moïse, dit-il, qui vous a donné le pain du ciel ; c’est mon Père qui vous le donne, le pain du ciel, le vrai. Car le pain de Dieu c’est celui qui descend du ciel et qui donne la vie au inonde. Et le pain que moi, je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde ’. » 3. Il faut, noter ici le sens mystique du «pain»; il dit que c’est sa chair, sûrement sa chair ressuscitée : comme le blé qui sort de la décom­ position et de l'ensemencement, sa chair se reconstitue après l’épreuve du feu, pour la joie de Γ Eglise ; elle est comme le pain une fois qu’il a été cuit *. 1. Mais nous montrerons cela plus précisément dans 47 notre traité sur la Résurrection B. Puisqu’il a dit : « Et le pain que je donnerai, c’est ma chair 6 », et que, d’autre part, la chair est irriguée par le sang et que le vin désigne allégoriquement le sang T, il faut savoir ceci : lorsque l'on jette des morceaux de pain dans un mélange de vin, le pain pompe le vin et laisse ce qui était purement aqueux s ; de même, la chair du Seigneur, le pain des cieux, pompe le sang, élevant ainsi les hommes célestes jusqu’à l’incor­ ruptibilité, et laisse seulement les désirs charnels, destinés à la corruption. 2. Le Logos est désigne allégorique­ ment de bien des manières : nourriture, chair, aliment, pain, sang, lait. Le Seigneur est tout cela pour notre pro­ fit, pour nous qui avons placé en lui notre foi. Que nul 1940 ; Ignis divinus, Lund, 1949) cl Clément y retrouve facilement le feu qui sert à cuire le pain (ίρτος-πυρός-πυρ). 5. Ouvrage perdu auquel Clément fera encore allusion en II, 104, 3. 6. Jean, 6, 51. 7. Cf. déjà § 15, 3 ; cl surtout II, 19, 4 s. 8. Physique des mirabilia ! Cf. H. 1. Mahrou, Saint Augustin cl la fin de la culture antique, p. 148-157. 196 3 4 48,1 2 LIVRE I oCv τις ξενιξέσθω λεγόντων ημών άλληγορείσθαι γάλα τά αίμα τοΟ κυρίου· ή γάρ ούχί καί οίνος άλληγορείται ; « 'Ο πλύνων », φησίν, « έν οϊνω τήν στολήν αύτοΟ καί έν α'ίματι σταφυλής τήν περιβολήν αύτοΟ έν τώ αϊματι τώ αύτοΟ κοσμήσειν λέγει τδ σώμα τοΟ λόγου, ώσπερ άμέλει τώ αύτοΟ πνεύματι έκθρέψει τούς πεινώντας τον λόγον, "Οτι δέ τδ αΐμα δ λόγος έστιν, μαρτυρεί τοΟ *Ά6ελ τοΟ δικαίου τδ αΐμα έντυγχάνον τώ 8εώ· ού γάρ το αΐμα &ν ποτέ προήσεται φωνήν, μή ούχί δ λόγος νοούμενος ' τδ αΐμα· τύπος γάρ δ δίκαιος δ πα­ λαιός τοΟ νέου δικαίου καί τδ αΐμα τδ έντυγχάνον τδ παλαιόν ύπερεντυγχάνει τοΟ αίματος τοϋ νέου. Φθέγγεται δέ πρδς τδν θεόν τδ αΐμα, δ λόγος, έπεί λόγον έμήνυεν τδν πεισόμενον. ’Αλλά καί ή σαρξ αυτή καί τδ έν αύτή αΐμα τώ γάλακτι, οΐον άντιπελαργούμενον, άρδεταί τε καί αύ'ξεται. Καί δή καί ή διαμόρφωσις τοΟ συλληφθέντος τώ τής έπί μήνα καθάρσεως ύπολελειμμένω καθαρώ περιττώματι κιρναμένου τοϋ σπέρμα­ τος γίνεται· ή γάρ έν τούτω δύναμις, θρομθοϋσα τοΟ αίματος τήν φύσιν,δν τρόπον ή πυτία συνίστησι τδ γάλα, ούσίαν έργάζεται μορφώσεως· εύθαλεϊ γάρ ή κρ&σις, σφαλερά δέ ή άκρότης είς άτεκνίαν. Καί γάρ αύτής ήδη τής γής ύπδ μέν έπομθρίας κατακλυσθέν άποσύρεται τδ σπέρμα, διά δέ αύχμδν νοτίδος a. νοούμενο; FM : vooviuvov Stiililin 1. Gen., f,9, 11 ; mémo exégèse, très explicite, chez Tertullien, i Adv. Marcion., V, 40 : « Lauabit, inquit, in uino stolam suam et in ' sanguine uuae amictum suum », stolam et amictum carnem demons­ trans, et uinum sanguinem. Ita et nunc sanguinem suum in uino consccrauit, qui tunc uinum in sanguine figurauit. 2. CÎ.Ôen., 4, 10 (cf. Mallh., 23, 35; Hébr., 11, 4).C. Mon désert, Clément d’Alexandrie, p. 136, souligne avec raison ce que la méthode allégorique a ici de forcé. 3. Par contre, voici la typologie authentiquement chrétienne de ΓAncien Testament. 4. Comme l’explique, à propos du mot grec, saint Basile, In Ilexaem., 8, 176 ü, la pieté filiale des cigognes, qui passaient pour nourrir leurs vieux parents, en avait fait un symbole de la reconnais­ sance: Aristophane, Ai'., 1353-57 ; Platon, Alcib., 135E; Aristote, I CHAPITRE VI 47,2 — 48,2 197 ne soit donc étonné si nous disons que le lait désigne allé­ goriquement le sang du Seigneur : ce sang n’est-il pas éga­ lement désigné par l’allégorie du vin ? 3. « 11 lave son vêtement dans le vin et dans le sang de la vigne son habit 1 » : c’est dans son propre sang, dit-il, qu’il embellira le corps du Logos, comme aussi, sans nul doute, c’est par son propre souffle (esprit) qu’il nourrira les affamés du Logos. Le sang, c’est le Logos : ainsi en témoigne le sang d’Abel le juste qui s’adressait à Dieu 3. 4. Ce ne pou­ vait être le sang lui-même qui émettait le son : il faut croire que c’était le Logos, considéré sous l’allégorie du sang. Le juste ancien était le type du juste nouveau 3 et le sang ancien parlait au nom du sang nouveau. Celui qui s’adresse à Dieu, c'est le sang, qui est le Logos : il indique le Logos destiné à souffrir. 1. La chair elle- 48 même, et le sang qui est en elle, sont irrigués et nourris par le lait, par une sorte de reconnaissance d’amour *. Précisément, la formation de l’embryon a lieu lorsque le sperme s’unit au résidu pur laissé par l’écoulement menstruel 6. La puissance qui est dans le sperme, en coa­ gulant la nature du sang, comme la présure fait prendre le lait, élabore la substance de l’objet formé. Le mélange se révèle vivace, mais l’excès risque de mener à la stéri­ lité e. 2. Lorsqu’il s’agit de la terre, si la semence est inondée par une pluie trop abondante, elle est perdue ; si Hist. anim., IX, 7, 612 b, 19, etc. (le dossier est rassemblé dans Pauly-Wissowa, s. v. Storch). 5. Pour les Anciens, et en particulier dans l’école a pneumatique », la génération s’explique par l'action du sperme, cause efficiente, qui fait «coaguler» le sang menstruel, cause materielle : v. notamment Galien, de usu. part. corp, hum., XÏV, 3, t. IV, p. 147, Kühn. De telles doctrines appartenaient à la culture générale des lettres an­ tiques : v. l’enscinblc des textes rassemblés par J. II. Waszink, ad Tertult.ien, de Anima, 27, p. 342-344 ; A. J. Festugière, ad Hermès Trismegiste, Exc. (S lobée), XV, 5 (t. 111, p. lxxxvixx-xcvii). CL Spanneut, p. 192-194. 6. Clément aime ces considérations sur le ajuste milieu » : cf. cidessous, II, 16, 4. 198 LIVRE I άποξηραίυεται, κολλώδης δέ δ χυμός ών συνέχει τό σπέρμα 3 καί φύει. Τινές δέ καί τό σπέρμα τού ζώου άφρδυ είναι τού α’ίματος κατ’ ούσίαν ύποτίθενται, ο δή τή έμφύτω τού άρρενος θέρμη παρά τάς συμπλοκάς έκταραχθέυ έκριπιζόμενον έξαφροθται κάν ταΐς σπερματίτισιν * παρατίθεται φλβψίν έντεΟθεν γάρ δ Άπολλωνιάτης Διογένης τά άφροδίσια κεκλήσθαι βούλεται. 49,1 Συμφανές τοίνυυ έκ τούτων απάντων αίμα είναι τοΟ άυθρωπίνου σώματος τήν ούσίαν. Καί δή καί τό κατά γαστρός τό μέν πρώτου ύγροΰ έστι σύστασις γαλακτοειδής, έπειτα έξαιματουμένη σαρκοΟται ή σύστασις αυτή, πηγνυμένη δέ έν τή ύστέρα ύπό τοΟ φυσικού καί θερμού πνεύματος, ύφ’ οδ διαπλάττεται 2 τό εμβρυον, ζωογονείται. ’Αλλά καί μετά τήν άποκύησιν αυθις έκτρέφεται τό παιδίον αΐματι τώ αύτφ· α’ίματος γάρ φύσις τοΟ γάλακτος ή ρύσις, καί πηγή τροφής τό γάλα, ω δή καί γυνή δήλη τεκούσα άληθώς καί μήτηρ, δι’ ου καί φίλτρου εύνοιας προσλαμβάνει. Διά τούτο άρα μυστικώς τό έν τφ άποστόλω άγιον πνεύμα τή τού κυρίου άποχρώμευον φωνή 3 « γάλα ύμδς έπότισα » λέγει. El γάρ άνεγεννήδημεν είς Χρι­ στόν, ό άναγενυήσας ημάς εκτρέφει τφ Ιδίω γάλακτι, τφ λόγω* παν γάρ τό γεννήσαν ίοικεν εύθύς -παρέχειν τώ γεννωμένω τροφήν. ΚαΟάπερ δέ ή άναγένυησις, άναλόγως ούτως καί ή 4 τροφή γέγονεν τφ άνθρώπω πνευματική. Πάντη τοίνυυ ήμείς :ι, σ,τ<ρματί::σιν Dindorf : οπίρματίο-.ν FM StSblin 1. Autre théorie médicale classique : Hippoc.hate, De gêner., 1, I. VII, p. 470-471, Littré; Galien, De usu pari., XIV, ‘J, t. IV, p. 183 ; De semine, I, 5, ι. IV, p. 531 Kühn. 2. Fr. 6 Dicte (Diogène fait simplement allusion à la theorie, évoquée ci-dessus, qui voit dans le sperme un sang x écumeux », άφρώοΐΐ). 3. Par cette insistance sur le rôle d’un o souffle » matériel chaud (cf. Edog. proph., 50, 1 : Spanneut, p. 194), Clement exprime bien ] la doctrine des médecins de l’école pneumatique, eux-memes nour­ ris de stoïcisme : G. Vehdeke, I.‘évolution de ht doctrine du pne.uma, Louvain. 1945, p. 431 ; 191 s. Sur la formation de MÉmbryon, v. lo CHAPITRE VI 18,2 -49,4 199 d’autre part elle souffre d’un manque total d’humidité, elle sèche ; c’est une humidité visqueuse qui assure la cohésion de la semence et la fait germer. 3. Certains supposent que la semence de l’être vivant est l’écume du sang, pour la substance *. Le sang, fortement, agité lors des enlacements, échauffé par la chaleur naturelle du mâle, forme de l’écume et se répand dans les veines sper­ matiques. Selon Diogène d’Apollonie, ce phénomène expliquerait, le nom (Vaphrûdisia 3. 1. Toutes ces considérations concordent pour montrer 49 que le sang constitue la substance du corps humain. Ce qui est dans les entrailles de la femme, initialement, a une consistance humide, comme du lait ; ensuite, cette même matière devient du sang et de la chair ; elle s’épais­ sit. dans l’utérus sous l’effet du souffle chaud naturel 3 ; l’embryon se forme et prend vie. 2. Après la naissance, le petit enfant est encore nourri de ce même sang4, puisque l'écoulement du lait est une production du sang. Le lait est. source de nourriture 6 ; il est le signe visible qu’une femme a réellement enfanté et qu’elle est mère ; c’est de lui qu’elle tire aussi le pouvoir de susciter la ten­ dresse. C’est pour cela, donc, que le Saint-Esprit, parlant dans l’Apôtre et reprenant un mot du Seigneur, dit d’une façon mystérieuse : « Je vous ai donné à boire du lait ·. » 3. Si nous avons été régénérés pour le Christ, celui qui nous a régénérés nous alimente de son propre lait, le Logos ; tout procréateur fournit en effet, immédiatement, et c’est naturel, une nourriture à l’être qu’il vient de pro­ créer 7. L’homme a une régénération spirituelle et égale­ ment une nourriture spirituelle. 4. Par tous les moyens, fragment d’Athénaios, le fondateur de l’école, cité par OlUDASE, III, 78 (FestuGIÈrb, ïhrtn. III, p. xcvi-xcvii). 4. Déjà, ci-dessus, § 39, 2 s. 5. Souvenir de Platon, Méncx., 237 E. Ç. Toujours I Cor^ 3, 2. 7. Autre expression tirée du méinc passage du Λ/êwex., 237 E. 200 LIVtlE 1 τά πάντα Χριστό προσωκειώμεθα, καί είς συγγένειαν διά τδ αίμα αύτοΟ, φ λυτρούμεθα, καί είς συμπάθειαν διά τήν άνατροφήν τήν έκ τοΟ λόγου, καί είς αφθαρσίαν διά τήν αγωγήν τήν αύτοΟ· τδ Θρέψαι δ' έν βροτοΐσι πολλάκις πλείω πορίζει φίλτρα τοΟ φθσαι τέκνα. Τδ αύτδ άρα καί αίμα καί γάλα τοΟ κυρίου πάθους καί διδα50,1 σκαλίας σύμβολον. Έφεΐται τοιγαροΟν ήμών έκάστω των νηπίων έγκαυχάσθαι τώ κυρίω, έπιφθεγγομένοις πατρδς δ’ έξ άγαθοίο καί α'ίματος εύχομαι είναι. Ώς δ' έξ α'ίματος γάλα κατά μεταβολήν γίνεται, ήδη μέν σαφές, ού μήν άλλά καί έκ τών ποιμνίων έκ τε των βουκολίωυ έξεστι μαθεΐν. Τά γάρ ζώα ταΟτα τοΟ έτους κατά τήυ ώραν, 2 ήν εαρ καλοθμεν, ύγροτέρου τοΟ περιέχοντος γεγονότος, άλλά καί τής πόας καί τών νομόν εύχύλων τδ τηνικάδε ούσών καί ένίκμων, α'ίματος πίμπλαται πρότερον, ώς έκ τής διατάσεως τών φλεβών, κυρτουμένων τών άγγείων, δείκνυται· έκ δέ τοΟ α'ίματος δαψιλέστερου χειται τδ γάλα· θέρους δ’ έμπαλιν ύπδ τοΟ καύματος συγκαιόμενον καί άναξηραινόμενον 'ίστησι τήν μεταβολήν τδ αίμα, καί ταύτη έλαττον άμέλγονται. 3 Ναι μήν καί συγγένειάν τινα πρδς τδ ΰδωρ φυσικωτάτην έχει τδ γάλα, καθάπερ άμέλει πρδς τήν πνευματικήν τροφήν τδ λου- 1. Fragment Τούτωδέ καί συμπαλαίειν λέγεται, ο‘Υπελείφθη δέ ο, φησίν, α’Ιακώβ μό­ νος, καί έπάλαιεν μετ’ αύτοϋ άνθρωπος», δ παιδαγωγός, 57,1 «μέχρι πρωί.» Ουτος ήν ό άνθρωπος δ άγων καί φέρων, δ συγγυμναζόμενος καί άλείφων κατά τοΟ πονηροϋ τδν άσκητήν ’Ιακώβ. “Οτι δέ δ λόγος ήν δ άλείπτης άμα τφ ’Ιακώβ καί παι­ δαγωγός τής άνθρωπότητος, « ήρώτησεν », φησίν, « αύτόν καί εΐπεν αύτφ· άνάγγειλόν μοι τί τδ όνομά σου. Καί εΐπεν' ϊνα τί τοΟτο έρωτάς τδ όνομά μου » ; Έτήρει γάρ το όνομα τδ 2 καινόν τφ νέω λαφ τφ νηπίω· έτι δέ άνωνόμαστος ήν δ θεός δ κύριος, μηδέπω γεγενημένος άνθρωπος. Πλήν άλλα « δ ’Ιακώβ έκάλεσε το όνομα τοΟ τόπου εκείνου Εΐδος 0εο0· εΐοον γάρ», φησί, « θεόν πρόσωπον πρδς πρόσωπον, καί έσώθη μου ή ψυχή ». Πρόσωπον δέ τοϋ θεοΟ δ λόγος, ω φωτίζεται δ θεός καί γνωρίζεται. Τότε καί ’Ισραήλ έπωνόμασται, δτε εΐδεν τδν 3 θεόν τδν κύριον. Ουτός έστιν δ θεός, δ λόγος, δ παιδαγωγός, δ φήσας αύτφ πάλιν ύστερον κ μή φοβοΟ καταβήναι είς Αϊ- 1. Gen., 17, 2.7. 2. Gen., 28, 15. 3. Gen., 32, 25. Connue tous les Pères des trois premiers siècles, Clément interprète les théophanies de Γ Ancien Testament commo des manifestations du Verbe (Inlroduction, p. 18). 4. Vocabulaire sportif : correspond à notre « entraîneur ». 5. Ici, comme plus explicitement dans Strom., I, 31, 2-4, Clément utilise une distinction de Philos (de Congressu erud. gral., 34-38, résumé dans de Abrah., 52) : les trois Patriarches comme symboles des trois voies d'accès â la vertu : savoir appris, dispositions natu­ relles, olfort, cf. encore Piin.ox, de mul. nom., 84. 6. Gen., 32, 30. 7. Cf. Strom., V, 82, 1 (où il s’agit du problème plus général de la dénomination de Dieu). CHAPITRE VH 56,3— 57,3 213 pédagogie, en lui disant : « sois irréprochable, j’établirai mon alliance entre moi, toi et ta descendance 1 » ; il y a une communication, par le maître, de son amitié. Il est évident qu’il fut également le pédagogue de Jacob ; il lui dit : 4. « Me voici avec toi ; je te garde sur tout chemin où tu chemineras ; je te ramènerai sur cette terre car je ne saurais t’abandonner jusqu’à ce que j’aie accompli tout ce que je t’ai dit 89 . » Et le récit ajoute qu’il combattait avec lui : «Jacob fut laissé seul et un homme— le Pédagogue — combattait avec lui jusqu’au matin » 1. C’était lui, 57 l'homme qui combattait, qui luttait à scs côtés, qui entraînait * contre le Mauvais celui qui s’exerçait5, Jacob. Et comme le Logos était à la fois l’entraîneur de Jacob et le pédagogue de l’humanité, Γ Ecriture dit : « (Jacob) l’interrogea et lui demanda : révèle-moi ton nom. Et le Seigneur dit : pourquoi me demandes-tu mon nom · ? » En effet, il réservait le nom nouveau pour le jeune peuple, le tout-petit. 2. Le Seigneur Dieu était encore sans nom 7, car il n’était pas encore devenu homme. Et cependant « Jacob donna à cet endroit le nom de Vision de Dieu car, dit-il, j’ai vu Dieu face à face et j’ai eu la vie sauve *. » La face de Dieu, c’est le Logos par lequel Dieu est mis en lumière et révélé. Et c’est alors que Jacob reçut le nom d’Israël1011 , lorsqu’il vit le Seigneur Dieu". 3. C’était Dieu, le Logos, le Pédagogue, qui une autre fois, plus tard, lui dit : « N’aie pas peur de des8. 6V/I., 32, 31. 9. On saisit le sens originel du mot πρόσωπον, antérieurement au développement sémantique que lui fera subir la théologie trinitaire au n·® siècle : c’est le « visage », la « face », le mode de présentation concrete de l'Ètre ; il exprime à merveille ce que nous avons appelé la fonction révélatrice du Verbe ; cf. Strom., V, 34, 1 ; VII, 58, 3 ; Exc. Thcodol., 10, 6 ; 12, 1 ; 23, 5. 10. (7en., 32, 29. 11. Sur l'autorité de Philon (ainsi : de Abr., 57), Clément croit que le nom Israël signifie « Qui voit Dieu » : ci-dessous, I, 77, 2 ; Strom., I, 31, 4 ; II, 20, 2 ; IV, 169, 1 ; Exc. Thcodol., 56, 5. 214 Ll VK E 1 γυπτον ». °Ορα πώς μέν ^πεταιτώ δικαίω ό παιδαγωγός, δπως δέ καί άλείφει τδν ασκητήν, πτερνίζειν διδάσκων τδν άντα4 γωνιστήν. Αύτδς γοΟν οδτος καί τδν Μωσέα διδάσκει παιδαγωγειν· λέγει γάρ ό κύριος· «. εϊ τις ήμάρτηκεν ενώπιον μου, εξαλείφω αύτδν έκ τής βίβλου μου. ΝυνΙ δέ βάδιζε καί όδή58.1 γησον τδν λαδν τοΟτον είς τδν τόπον, ον εΐπά σοι. » ΈνταΟΟα διδάσκαλός έστι παιδαγωγίας· καί γάρ ήν ώς άληθώς διά μέν Μωσέως παιδαγωγός ό κύριος τοΟ λαού τοΟ παλαιού, οι' αύτοΟ δέ τοΟ νέου καθηγεμών λαοΟ, πρόσωπον πρδς πρόσωπον. «’Ιδού », γάρ φησι τφ Μωσεϊ, « δ άγγελός μου προπορεύεταί σου», τήν εύαγγέλιον καί ήγεμόνιον έπιστήσας τοΟ λόγου δύ2 ναμιν τδ δέ άξίωμα τδ κυριακδν φυλάττων « ή δ' αν ήμερα έπισκέπτωμαι », φησίν, « έπάξω επ' αυτούς τήν άμαρτίαν αύτών », τουτέοτιν, ή δ’ αν ήμερα κριτής καθεσΘώ, άποδώσω τών άμαρτιών αύτών τά άντάξια· ό γάρ αύτδς παιδαγωγός καί κριτής τούς παρακούσαντας αύτοΟ δικάζει, τδ δέ αμάρτημα αύτών ού παρασιωπά δ φιλάνθρωπος λόγος, έλέγχει δέ, ϊνα μετανοήσωσιν « θέλει γάρ ό κύριος τήν μετάνοιαν τοΟ άμαρ3 τωλοΟ μάλλον ή τδν θάνατον. » ‘Ημείς δέ τάς άλλων άμαρτίας ώς νήπιοι δι’ ακοής παραδεξάμενοι φόβω τής άπειλής τοΟ μή τά βμοια παθεΐν άποσχώμεθα τών ϊσων πλημμελημάτων. Τί οδν ήν ο ήμαρτον ; « ‘Ότι έν τώ θυμώ αύτών άπέκτειναν άνθρώπους καί <έν> τί| επιθυμία αύτών ένευροκόπησαν ταΟρον' έπι59.1 κατάρατος ο θυμός αύτών. » Τίς άν ούν τούτου μάλλον ήμάς φιλανθρωπότερον παιδεύσαι ; Τδ μέν ουν πρότερον τώ πρεσβυτέρω λαώ πρεσβυτέρα διαθήκη ήν καί νόμος έπαιδαγώγει τδν λαδν μετά φόβου καί λόγος άγγελος ήν, καινώ δέ καί νέω λαφ καινή καί νέα διαθήκη δεδώρηται και δ λόγος ■ γεγέ<ν)νηται12 3456’ ». λόγο; γ«γέ7. FM Tengblad : λάγο< <σάρ?> γίγ?/. Markland Stahlin h. γίγί<ν)νηται scripsimus : γίγίνηται FM Stahlin 1. 2. 3. 4. 5. 6. Gen., '.6, 3. Cf. Gen.. 27. 36 : cf. Pjjjlon. Leg. alleg.. Ill, 190. Exod., 32, 33 s. L'oxpression est accommodée de I Cor., 13, 12. Exod., 32, 34. Cf. faéch., 18, 23, 32 ; 33, 11. αίΛΡίτπΕ vti 57,3—59,1 215 cendre en Egypte ». » Vois comme le Pédagogue suit l'homme juste, comment aussi il entraîne l’homme qui s’exerce, en lui enseignant à prendre par ruse l’adver­ saire 2. 4. C’est encore lui. certainement, qui enseigne à Moïse le rôle de pédagogue. Le Seigneur lui dit en effet : « Celui qui a péché contre moi, je l’efface de mon livre. Va maintenant et conduis Je peuple où je t’ai dit 3. » 1. Par ces paroles, il enseigne la pédagogie. Car c’était 58 lui le Seigneur qui, par l’intermédiaire de Moïse, était en réalité le pédagogue du peuple ancien, alors qu’il est en personne le guide du nouveau peuple, face à face *. « Vois, dit-il à Moïse, mon ange te précède », plaçant devant lui pour l’enseigner et le guider la puissance du Logos. 2. Mais son rang de Seigneur, il le réservait en disant : « Le jour où je les visiterai, je les punirai de leur péché 6 », ce qui signifie : le jour où je serai établi comme juge, je leur ferai payer le prix de leurs fautes. Car il est en mémo temps le Pédagogue et le juge qui rend des jugements contre ceux qui transgressent scs commandements ; dans son amour pour les hommes, le Logos ne passe pas sous silence leurs péchés ; au contraire, il leur en fait reproche afin qu’ils se convertissent. « Le Seigneur veut le repentir du pécheur plutôt que sa mort B. » 3. Et nous, comme des tout-petits, lorsque nous entendons parler des fautes des autres, ayons peur d’être menacés de semblables châtiments et abstenons-nous de pareils manquements. Quelle était donc leur faute ? « C’est que dans leur colère ils ont. tué des hommes, dans leur dérèglement ils ont mutilé un taureau ; maudite soit leur colère » 1. Qui 59 donc aurait pu nous éduquer avec plus d’amour que lui ? D’abord, pour l’ancien peuple, il y eut l’ancienne alliance ; la Loi conduisait le peuple comme le fait un pédagogue, dans la crainte ; le Logos était un ange * ; mais pour le peuple nouveau et jeune, une nouvelle et jeune alliance 7. Gcn.i 49, 6-7. 8. Cf. Gai., 3, 24 {vuîr déjà § 31, 1|. Théophanio d'Exod., 3, 2. 216 LIVRE I και δ φόβος είς άγάπην μετατέτραπται καί ό μυστικός έκείνος 2 άγγελος ΊησοΟς τίκτεται. Ό γάρ αύτός ουτος -παιδαγωγός τότε μέν « φοβηθήση κύριον τόν θεόν » ελεγεν, ήμίν δέ « αγαπήσεις κύριον τδν θεόν σου » παρήνεσεν. Διά τοΟτο καί έντέλλεται ήμίν <ί παύσασθε άπδ τών έργων ύμών », των παλαιών αμαρ­ τιών, « μάθετε καλόν ποιεΐν- έκκλινον άπδ κακοΟ καί ποίησον αγαθόν* ήγάπησας δικαιοσύνην, έμίσησας ανομίαν ». Αΰτη μου ή νέα διαθήκη παλαιω κεχαραγμένη γράμματι, Ούκ άρα ή 3 νεότης τοϋ λόγου δνειδιστέα. ’Αλλά καί έν τώ Ιερεμία δ κύριος λέγει- « μή λέγε ότι νεώτερός είμι- προ τοϋ με πλάσαι σε έν κοιλία έπίσταμαί σε, καί πρδ τοΟ σε έξελθειν έκ μήτρας ήγίακά σε.» ΤαΟτα δύναται πρός ήμας ή προφητεία αϊνίττεσθαι τούς πρδ καταβολής κόσμου είς πίστιν έγνωσμένους θεώ, νυν'ι δέ νηπίους διά τήν έναγχος πεπληρωμένην βούλησιν τοϋ θεοΟ, καθδ είς κλήσιν και σωτηρίαν νεογνοί γεγόναμεν. 60,1 Διό καί επιφέρει « προφήτην είς 2θνη τέθεικά σε », προφηχεΟσαι λέγων αύτόν δείν μηδέ όνειδος είναι δοκεϊν τοϋ νεωτέρου τήν προσηγορίαν τοΐς νηπίοις καλουμένοις. Ό δέ νόμος χάρις έστίν παλαιά διά Μωσέως ύπό τοΟ λόγου δοθεΐσα. Διό καί φησιν ή γραφή· «. δ νόμος διά Μωσέως έδόθη », ούχί ύπό Μωσέως, άλλά ύπό μέν τοΟ λόγου, διά Μωσέως δέ τοϋ θεράποντος αύτοΟ- διό καί πρόσκαιρος έγένετο, c ή δέ άίδιος 2 χάρις καί ή άλήθεια διά ΊησοΟ ΧριστοΟ έγένετο. » Όρ&τε τάς λέξεις τής γραφής- επί μέν τοΟ νόμου « έδόθη » φησί μόνον, 1. CL Jean, I, 14. 2. Cf. ·Ι· Baubel, Christos Angelos, Bonn, 1941 {Theophaneia, 3), p. 95-97. 3. Deui., G, 2. 4. Mallh., 22, 37 et parall. Cf. Deui., G, 5. 5. Cf. Is., 1, 16-17. 6. Allusion aux polémiques avec les païens qui reprochaient au christianisme son caractère «récent:· : v. Introduction, p. 27. 7. Jer., 1, 7. 8. Jér.. 1, 5. 9. Cf. Éph., 1, 4 ; Z Pierre, 1, 20. 10. Cf. ci-dessus l, 20. 2. 11. Jir.. 1. 5. CHAPITRE vu 59,1 — 60,2 217 a été conclue, le Logos a été engendré *, la crainte a été changée en amour et cet ange mystique ’, Jésus, a été enfanté. 2. C’est toujours lui, le même Pédagogue, qui disait jadis : « Tu craindras le Seigneur ton Dieu 3 » et qui nous recommande maintenant : « Tu aimeras le Sei­ gneur ton Dieu *. » Aussi nous ordonne-t-il également. : «Cessez vos œuvres», les anciens péchés, «et apprenez à bien agir ; fuis le mal et fais le bien ; tu as aimé la justice et haï l’injustice 4. » C’est ma nouvelle alliance, qui était gravée dans l’ancienne lettre ; aussi ne doit-on pas faire objection à la nouveauté du Logos e. 3. Dans le livre de Jérémie, le Seigneur dit : « Ne dis pas : je suis trop jeune 7 ; avant de te former dans le ventre de ta mère, je te connais ; avant que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré *. » Peut-être cette parole prophétique s’adresset-elle d’une façon détournée à nous : dès avant la création du monde °, nous étions connus de Dieu comme destinés à la foi, mais nous ne sommes encore que de tout-petits enfants, parce que la volonté de Dieu vient de s’accomplir tout récemment; nous sommes des nouveau-nés10, si l’on considère l’élection et le salut. 1. Aussi ajoute-t-il : «Je 60 l’ai établi comme prophète pour les nations 11 » ; il procla­ mait ainsi que Jérémie devait être prophète et que le titre de « trop jeune » ne devait pas être ressenti comme une objection par ceux qui sont appelés des « tout-petits ». La Loi est la grâce ancienne que le Logos a donnée par l’intermédiaire de Moïse. L’Écriture dit : « La Loi fut donnée par l’intermédiaire de Moïse. » Elle fut donnée non par Moïse, mais par le Logos; Moïse son serviteur18 servait d’intermédiaire ; c’est pourquoi elle ne dura qu’un temps. « Mais la grâce éternelle et la vérité sont venues par l’intermédiaire de Jésus-Christ13. » 2. Observez les mots qu'emploie l’Écriture : pour la Loi, elle dit seule12. Expression biblique : Exod., 14, 31 et parall. 13. Jean, 1, 17. 218 1.1 VUE I « ή δέ άλήθεια », χάρις ουσα τού πατρός, εργον έστί τού λόγου αίώνιον καί ούκέτι δΐδοσθαι λέγεται, αλλά « διά Ιησού * γίνεσθαι, « οδ χωρίς έγένετο ούδέ έν ». Αύτίκα γούν δ Μωσής, τώ τελείω προφητικώς παραχωρών παιδαγωγώ τω λόγω, καί τδ δνομα καί τήν παιδαγωγίαν προθεσπίξει καί τώ λαώ παρα3 τίθεται τδν παιδαγωγόν, έντολάς ύπακοής έγχειρίσας· « προ­ φήτην ύμίν άναστήσει », φησίν, « δ θεδς ώς έμέ έκ των άδελφδν ύμώυ », τδν Ίησοθν τδν τού Ναυή αίνιττόμενος τδν ΊησοΟν τδν τού θεοΟ υιόν- σκιαγραφία γάρ ήν τού κυρίου τδ όνομα τδ ΊησοΟ προκηρυσσόμευον έν νόμω. Επιφέρει γούν, τδ λυσιτελές τ£> λαώ συμβουλεύων, « αύτού άκούσεσθε » λέγων, « καί δ άνθρωπος, δς άν μή άκούση ft τού προφήτου τούτου, τούτω άπειλει. Τοιούτον ήμιν ονομα σωτηρίου προφητεύει 61.1 παιδαγωγού. Διά τούτο αύτώ ράβδον περιτίθησιν ή προφητεία, ράβδου παιδευτικήν, άρχικήυ, κατεξουσιαστικήν, ϊν* ούς δ λόγος ό πειθήνιος ούκ Ιδται, άπειλή Ιάσεται, οθς δέ ή άπειλή ούκ ίδται. ή ράβδος ίάσεται, οΟς δέ ή ράβδος ούκ ίδται, τδ πΰρ έπινέμεται. <·: Έξελεύσεται », φησί, « ράβδος έκ τής ρίζης 2 Ίεσσαί. » “Ορα καί τήν επιμέλειαν καί τήν σοφίαν καί τήν δύναμιν τού παιδαγωγού· ι;ού κατά τήν δόξαν », φησί, ·Χ κρί­ νει, ούδέ κατά τήν λαλιάν έλέγξει, άλλα κρίνει ταπεινφ κρίσιυ καί ελέγξει τούς αμαρτωλούς τής γής ». Καί διά Δαβίδ· ιϊ κύριος παιδεύων έπαίδευσέν με καί τώ θανάτω ού παρέδωκέν με »· τδ γάρ ύπδ κυρίου παιδευθήναι καί παιδαγωγηθήναι 3 θανάτου έστιν άπαλλαγή. Καί διά τού αυτού προφήτου φησίν· « έν ράβδω σιδηρά ποιμανεις αύτούς ». Ταύτη καί ό άπόστο1. Jean, I, 3. 2. Deui.. 18, 15 i/lrt., 3. 22 ; 7, 37). 3. Le terme d’* ombre n pour désigner l'image ou le symbole par opposition à la réalité est néo-testamentaire [Col., 2, 17 ; Hébr., 8. 5 ; 10, 1) autant que philonien (Ltfg. alleg.. Ill, 102 ; de plant., 27 ; otc.). 4. Deul., 18, 19. 5. Attribut obligé du maître, plutôt que du pédagogue à propre­ ment parler : IV-cole antique recourait volontiers aux chùtinicnts corporels. 6. ïs., 11, 1- Clement, cherchant une fois de plus à grossir son CHAPITRE VH 60,2 — 61,3 219 ment qu’elle « fui donnée » : mais la vérité, qui est une grâce du Père, est l’œuvre éternelle du Logos et l’Écriture ne dit plus qu’elle est « donnée » : elle est venue par l’inter­ médiaire de Jésus. « sans lequel rien n’est venu » Moïse, donc, cède d’une manière prophétique la place au Péda­ gogue parfait, le Logos ; il annonce son nom ainsi que sa pédagogie, et il présente au peuple son pédagogue, ayant entre les mains les commandements de l’obéissance : 3. « Dieu’fera se lever pour vous un prophète, comme moi issu devos frères 2 » ; c’est Jésus, fils de Navé, qui désigne symboliquement Jésus, le fils de Dieu. Le nom de Jésus, ainsi désigné par avance dans la Loi, est une esquisse 3 du Seigneur. Moïse continue ensuite à donner l’ordre qui sera profitable au peuple : « Vous l’écouterez et celui qui n’écoutera pas» ce prophète ’, celui-là, il le menace. C’est ainsi qu’il nous annonce prophétiquement le nom du Sauveur Pédagogue. 1. Aussi la prophétie lui at.tri- 61 bue-t-elle un bâton 5 ; c’est le bâton du pédagogue, du chef, le symbole de l’autorité : ceux que Je logos de per­ suasion ne guérit pas, la menace les guérira ; ceux que la menace ne guérit, pas, le bâton le fera ; ceux que le bâton ne guérit, pas, le feu s’empare d’eux. L’Écriture dit. : « Un bâton sortira de la lige de Jcssé °. » 2. Considère quelles sont la sollicitude, la sagesse et. la puissance du Pédagogue : « Il ne juge pas sur l’apparence, il ne se pro­ nonce pas sur ce qu’il entend dire, mais il donne un juge­ ment aux miséreux et adressera des reproches aux pé­ cheurs de la terre » Et par la bouche de David il est dit : « Le Seigneur qui corrige m’a corrigé, et à la mort il ne m'a pas livré ’ » : le fait d’avoir été corrigé par le Seigneur et de l’avoir eu pour pédagogue libère en effet de la mort. 3. Le même prophète dit : « Tu les mèneras avec ton dossier a pédagogique », ne retient que le mot ίά,ίδοί sans se soucier du contexte. 7. R, U, 3-6. 8. Pi. 117,18. 220 LIVRE 1 λος κινηθείς έν τή πρδς Κορινθίους « τί θέλετε; » φησίν, < έν £άθδω έλθω πρδς ύμδς ή έν άγάπη πνεύματί τε πραύτητος; » ’Αλλά καί « £άθδον δυνάμεως έξαποστελεί κύριος έκ Σιών » δι’ δλλου προφήτου λέγει. ‘H δέ παιδαγωγική αδτη < ή £άθδος σου καί ή βακτηρία σου παρεκάλεσάν με », εΐπέν τις έτερος. Αΰτη τοΟ παιδαγωγού ή δύναμις ή σεμνή, ή παρακλητική, ή σωτήριος. CHAPITRE Vil 61,3 221 bâton de fer ». » L’Apôtre, dans le même mouvement, inspiré, écrit aux Corinthiens : « Que préférez-vous ? Que je vienne chez vous avec un bâton ou bien avec charité et un esprit de douceur 12 ? » L’Écriture dit encore par un autre prophète : « Le Seigneur étendra de Sien le bâton de sa puissance 3 » et encore ailleurs : « Ton bâton » — ce bâton du pédagogue — « et ta houlette m’ont appelé 4. » Telle est la puissance du Pédagogue : elle se fait respecter, elle appelle, elle apporte le salut. 1. 2. 3. 4. Ps. 2, 9. I Cor., 21. Ps. 109, 2. Ps. 22, 4. Le bâton du berger est devenu férule! 222 LIVBE I ViII. Πρός τούς ήγουμένους μή είναι αγαθόν τόν δίκαιον. ΈνταΟθα έπιφύονταί τινες ούκ άγαθόν είναι φάμενοι τόν κύριον διά τήν ράβδον και τήν άπειλήν καί τόν φόβον καί παρακούσαντες μέν, ώς έοικε, τής γραφής ώδέ -που λεγούσης « καί δ φοβούμενος κύριον έπιστρέφει έπΐ καρδίαν αύτοϋ », έκλαθόμενοι δέ τό μέγιστον αύτοθ τής φιλανθρωπίας, ότι δι' ημάς 2 άνθρωπος έγένετο. Καί δή οίκειότερον αύτω ό προφήτης προσ­ εύχεται διά τούτων υ. μνήσθητι ήμών, δτι χοΟς έσμεν », τουτέστι συμπάθησαν ήμίν, δτι τήν ασθένειαν τής σαρκός αύτοπαθώς έπείρασας. Ταύτη γοΟν άριστος καί άνεπίληπτός έστιν ό παιδαγωγός δ κύριος, τή έκάστου τών άνθρώπων δι' 3 ύπερβολήν φιλανθρωπίας συμπαθήσας φύσει. «*Ηνγάρ ούδέν 8 μισεί ό κύριος»· ού γάρ δήπου μισεί μέν τι, βούλεται δέ αυτό εΐναι, 8 μισεί, ούδέ βούλεται μέν τι μή είναι, αίτιος δέ γίνεται τοΟ είναι αύτό, δ βούλεται μή είναι, ούδέ μήν ού βού­ λεται μέν τι ’μή] εΐναι, τό δέ έστιν. Εΐ τι &ρα μισεί ό λόγος, βούλεται αύτό μή είναι· ούδέν δέ έστιν, ω μή τήν αιτίαν τοΟ εΐναι ό θεός παρέχεται· ούδέν άρα μισείται ύπό τοΟ θεοΟ, 4 άλλ’ ούδέ ύπό τοΟ λόγου· έν γάρ άμφω,ό θεός, δτι εΐπεν « έν άρχή ό λόγος ήν έν τφ θεφ, καί θεός ήν δ λόγος ». Εί δέ ού 62.1 1. Il s’agit à nouveau des gnostiques. Oiucène reprendra la polé­ mique : Com. in Jo., I, 35 (40), éd. Prouschen (G. C. S.}, p. 44, 31-32, dans les mêmes termes, Contre ceux qui disent : ίτίρον... τον δίκαιον του αγαθού. 2. Sirac., 21, G. 3. Cf. Jean, 1, 14. On observera que Clément parle à la fois de l'amour du Père pour les hommes et de l'incarnation du Fils : le mot Κύριος, comme plus loin (note 7) ό θιός, évoquant à la fois, sans les distinguer, le Père et le Fils. 4. Ps. 102, 14. 5. Cf. Ilébr., 4, 15 ; Quatrmber (p. 128, n. 162) souligne la force de l'expression et sa pointe anti-docétisteG. Cf. Sag., H, 24-26, dont tout le présent paragraphe exprime bien la doctrine; celle-ci implique la théorie, qui sera chère à saint Augustin, de la non-substantialité du mal. CHAPITRE VIII 62,1-4 223 VIII. Contre ceux qui pensent que le Juste n’est pas bon *. 1. Là-dessus, certains s’entêtent 62 à dire que le Seigneur n’est pas bon puisqu’il se sert du bâton, de la menace et de la crainte. Il est probable que ces gens-là interprètent mal tel passage de l’Écriture qui dit : « Celui qui craint le Seigneur se convertit en son cœur 2 » et, d’autre part, ils oublient la plus grande preuve de l’amour de Dieu pour les hommes, qu’il s’est fait homme pour nous ’. 2. C’est d’une manière plus digne du Seigneur que le prophète lui adresse cette prière : « Souviens-toi de nous, car nous sommes poussière 4 », ce qui signifie : « Souffre avec nous, car tu as fais l’expérience de la faiblesse de la chair en souffrant toi-même 6. » Oui, en cela, le Seigneur notre Pédagogue est supérieurement bon et irréprochable : il a souffert avec la nature de cha­ cun des hommes, dans un mouvement d’extrême amour. 3. « Il n’y a rien, en effet, que le Seigneur haïsse ·. » Non, certes, il n’est pas possible qu’il haïsse quelque chose et que, par ailleurs, il veuille l’existence de ce qu’il hait ; ni qu’il désire qu'une chose n’existe pas et que. d’autre part, il soit cause de l’existence de cette chose qu’il veut ne pas être : ni qu’il ne veuille pas l’existence d’une chose, et que celle chose existe. Si le Logos huit quelque chose, il veut qu’elle n’existe pas ; or rien n’existe, si Dieu ne lui fournit pas la cause de son existence ; il n’est donc rien qui soit haï par Dieu, 4. et pas davantage par le Logos ; car ils sont tous les deux un seul être, Dieu ’/selon ce qui est écrit. : « Au principe le Logos était en Dieu et le Logos Amour, justice bonté de Dieu. 7. Autre formule de saveur « inonarchiauistc ® ; ci. Introduction, p. 32-33, et pour l’expression ïv ά;χφω, III, 101, 1. 224 LIVRE I μισεί τών ύπ' αύτοΟ γενομέυων ούδέν, λείπεται φιλείν αύτό. 63.1 Πολύ δή πλέον τών άλλων άγαπήσει τδν άνθρωπον, είκότως, τδ κάλλιστον τών ύπ' αύτοΟ δημιουργηθέυτων καί φιλόθεον ζώον. Φιλάνθρωπος άρα δ θεός, φιλάνθρωπος άρα ό λόγος. Ο δέ φιλών τι ώφελείν αύτδ βούλεται, τδ δέ ώφελοΟν τοΟ μή ώφελοΟντος πάντως άν που κρείττον ειη, τοΟ δέ άγαθοΟ κρείττον ούδέ 8ν, ώφελεί άρα τδ άγαθόν· άγαθδς δέ δ θεδς δμολο2 γειται, ωφελεί άρα δ θεός. Τδ δέ άγαθόν, ή άγαθόν έστιν, ούδέν άλλο ποιεί ή δτι ώφελει· πάντα άρα ωφελεί ό θεός. Καί ού δήπου ώφελει μέν τι τδν άνθρωπον, ούχί δέ καί κήδεται αύτοΟ, ούδέ κήδεται μέν, ούχί δέ καί έπιμελειται αύτοΟ. Κρείττον μέν γάρ τδ κατά γνώμην ώφελοΟν τοΟ μή ώφελοΟντος κατά γνώμην, τοΟ δέ θεοΟ κρείττον ούδέν. Καί ούκ άλλο τΐ έστι τδ κατά γνώμην ώφελειν, ‘ότι μή έπιμελείσθαι [τοΟ άνθρώπου’· κήδεται άρα καί επιμελείται τοΟ ανθρώπου δ θεός. 3 ΤοΟτο δέ ένδείκνυται έργω παιδαγωγών αύτδν λόγω, δς έστι τής τοΟ ΘεοΟ φιλανθρωπίας συναγωνιστής γνήσιος. Τδ δέ άγαθδν είναι ού τώ τήν αρετήν έχειν άγαθδν είναι λέγε­ ται. καθδ καί ή δικαιοσύνη άγαθδν εΐναι λέγεται ού τώ αρετήν έχειν, αρετή γάρ έστιν αύτή, άλλα τώ αύτήν καθ' 64.1 αύτήν καί δι’ αύτήν αγαθήν είναι. Λέγεται δέ καί κατ’ άλλον τρόπου άγαθδν τδ συμφέρον, ού τώ τέρπειν, άλλα τώ ώφελειν. "Α δή πάντα ή δικαιοσύνη, καί ώς άρετή καί ώς δι' αύτήν αιρετή άγαθόν" καί ώς ού τέρπουσα1* Vού . γάρπρδς χάριυ κρίνει, άλλά τοΟ κατ' άξίαν έκάστω έστιν άπονεμητική, έπεται δέ 2 τώ συμφέροντι τδ ώφέλιμον. Κατά πάντα άρα τά μέρη, καθ’ ά τδ άγαθδν εξετάζεται, καί ή δικαιοσύνη χαρακτηρίζεται, τών a. αΐρ«ή άγαθόν ί’Μ : αιρετή j άγαθόν] Schwarz Stalilin 1. J«m, 1, 1. 2. Ce § 63,1-3 est d’inspiration toute stoïcienne ; von Arnini attri­ bue ce passage à Chrysippe : Si. V. F., II, n° 1116. 3. Ci. Strom., II, 66, 3. Définition stoïcienne de la justice : St. V. F., III, n° 266, que Clément peut avoir connue par Philon, Leg. alleg., I, 87 : Voelker, p. 290-291. Chapitre 225 vin 62,4 — 64,2 était Dieu » Or si le Logos ne hait aucun des êtres qui sont venus par lui, il s’ensuit qu’il les aime. 1. Et beau- 63 coup plus que les autres encore, il aimera l’homme ; ce qui est naturel puisque l’homme est la plus belle de toutes ses créatures, que c’est un être vivant aimant Dieu. Or, donc, Dieu aime l’homme et le Logos aime l’homme. Celui qui aime veut être utile à l’objet de son amour. Or être utile est sans aucun doute entièrement supérieur à ne pas l’être et, d’autre part, rien n’est supérieur au bien : le bien est donc utile. Puisque l’on s’accorde à reconnaître que Dieu est bon, Dieu est donc utile. 2. Et ce qui est bon, en tant qu’il est bon, ne fait rien d’autre qu’être utile : Dieu est donc utile en tout. On ne peut pas dire qu'il est utile ii l’homme, mais qu’il ne s’en soucie pas ; ou bien qu'il s’en soucie, mais qu'il ne s’en occupe pas ; car être utile de propos délibéré est supérieur à l’être sans y penser et rien n’est supérieur à Dieu ; et, d’autre part, être utile de propos délibéré n’est rien d’autre que s’occuper de l’objet de ses soins : il s’ensuit donc que Dieu à la fois se soucie et s’occupe de l’homme. 3. Il le montre effectivement eu faisant son éducation par le Logos, qui est le véritable compagnon de travail de l’amour de Dieu pour les hommes. Le bien n’est pas dit tel parce qu’il posséderait la vertu d’etre bon, pas plus que la justice n’est appelée un bien parce qu’elle posséderait une vertu — elle est en effet elle-même une vertu : c’est par elle-même et en ellemême qu’elle est bonne 8. 1. D’une autre façon, on dit 64 que ce qui est utile est un bien, non pas parce que cela plaît mais parce que c’est, profitable. La justice est tout cela : elle est un bien parce qu’elle est une vertu et qu’elle est désirable en elle-même, non pas parce qu’elle plaît, car elle ne juge pas par faveur : elle distribue à chacun selon son mérite La conséquence de ce qui est utile, c’est le profit. 2. Quels que soient donc les points sur lesquels on examine le bien, la justice se trouve avoir les mêmes caractères : les mêmes traits appartiennent à l’un Le Pédagogue. I. * 15 226 MYRE I ίσων έτι’ ϊσης άμφοϊν μετεχόντων· τά δέ τοΐς ϊσοις χαρακτη­ ριζόμενα ϊσα τε άλλήλοις καίδμοια- άγαθδν Spa ή δικαιοσύνη. 3 Πώς ουν, φασίν, εί φιλάνθρωπός έστι καί αγαθός δ κύριος, δργίζεται καί κολάζει; Άναγκαΐον ουν καί περί τούτου ώς οιόν τε διά βραχυτάτων έπεζελθειν· έπεί λυσιτελής πως ή τοιάδε οίκονομία πρδς τήν δρθήν τών παίδων άγωγήν, άναγ4 καίου βοηθήματος Αχούσα τάζιν. Θεραπεύεται δέ πολλά τών παθών τιμωρία καί προστάζει αυστηρότερων παραγγελμάτων καί δή καί διά τής ένίων θεωρημάτων διδασκαλίας. “Έστι δέ οίονεί χειρουργία τών τής ψυχής παθών δ έλεγχος, άπδστασις δέ τά πάθη τής άληθείας, <84 χρή διελέγχειν διαιροΟντα τή 65.1 τομή. Φαρμακεία δέ έοικεν δ δνειδισμδς τά τετυλωμένα άναλύων τών παθών καί τά £υπαρά τοΟ βίου, τάς λαγνείας, άνακαθαίρων, πρδς δέ καί τάς ύπερσαρκώσεις τού τύφου έζομαλίζων, εϊς τδν ύγιή καί άληθινδν άνασκευάζων τδν άνθρωπον. 2 ‘H νουθέτησις οδν οίονεί δίαιτά έστι νοσούσης ψυχής, ών χρή μεταλαμθάνειν συμβουλευτική καί ών ού χρή άπαγορευτική· τά δέ πάντα είς σωτηρίαν καί άίδιον ύγείαν διατείνει. ’Αλλά καί δ στρατηγός χρημάτων ζημίας καί τάς είς αύτά τά σώματα διηκούσας αίκίας μετά δεσμών καί τής έσχάτης άτιμίας προσφέρων τοΐς ήδικηκόσιν, έσθ' 8τε δέ καί θανάτω κολάζων τινάς, τέλος έχει τδ άγαθόν, ύπέρ νουθεσίας τών ύπηκόων 3 στρατηγών. Ωσαύτως καί δ μέγας ήμών εκείνος στρατηγός, δ τών 'όλων ήγεμών λόγος, τούς παρά τδν νόμον άφηνιάζοντας 8: πάθη της άληΟίίας, a inlerpung. Slühliû in ed. 1905 : πάθη, τής άληθ«ίας a inl. SUïhlin in ed. PJ3G. 1. La comparaison des châtiments avec la thérapeutique médi­ cale remonte à Platon : Lois, XI, 934 A ; L’org., 478 D ; ici encore Philon semble avoir été l’intermédiaire : Qu. Gen., I, 89;‘ci. H. Koch, Pronoia uud Paideusif, p- 193-195 ; Voelker, p. 84-85. 2. Dans sa traduction, Stühlin fait de τής χληΟιίας le complément de τή το'Λή. Nous adoptons l’antre construction, en nous appuyant sur des emplois analogues ά'άπόσταβ-.ς chez Clément, par exemple Sir., Il, 55, 1 : ή άπιοτίζ άπόστασ:ς ούσα τής πΐβ:ίω;. CHAPITRE VIH (>$,2—65,3 227 et à l’autre. Or des objets qui sont caractérisés par les mêmes traits sont égaux entre eux et semblables : la jus­ tice est donc un bien. (Je 3. Comment alors, disent-ils, si le Justification de Seigneur est bienveillant pour l’homme la sévérité et bon, sc met-il en colère et punit-il ? Dieu. 11 est indispensable de dire encore quelques mots sur ce sujet, aussi brièvement que pos­ sible, car celte façon de procéder a quelque avantage pour une bonne formation des enfants et elle joue le rôle d’un secours indispensable. 4. La plupart des passions sont soignées 1 par le châtiment, par l’énoncé de commande­ ments assez sévères et en particulier par renseignement de quelques principes. Le blâme est une sorte de chirurgie des passions de l’âme : les passions étant un ulcère de la vérité2, il faut les réduire à néant, en les retranchant par l'amputation. I. Le reproche ressemble à un remède : 65 il dissout les durcissements des passions, il nettoie les souillures de la vie, qui sont les débauches, et encore il aplanit les excroissances de l’orgueil, et il rétablit l’homme dans un état de santé et de vérité. 2. L’admonestation est une sorte de régime de vie que l’on donne à l’âme malade3 : elle lui conseille ce qu’elle doit prendre et lui interdit ce qu’elle ne doit pas prendre4. Tout cela tend à établir un état de santé salutaire et durable. Le général qui inflige aux coupables des peines d’argent ou même des châtiments corporels, punissant de prison et du der­ nier des déshonneurs, parfois même de la mort, a en vue le bien : il exerce son autorité pour corriger scs subor­ donnés. 3. De la même manière, ce grand général qui est le nôtre, le Logos, chef de Γ Univers, corrige ceux qui I 3. Les passions comme maladies de l'àmc (cf. Protrept., 115, 2), notion bien stoïcienne : M. Poiilenz, Die Stoat t. 1, p. 142-143. 4. Nous avons déjà rencontre cette autre formula stoïcienne : §8. 3. 228 LIVRE I τδν αύτοΟ, ύπέρ άπαλλαγής δουλείας καί πλάνης καί τής τοΟ αντικειμένου αιχμαλωσίας είς καταστολήν τών τής ψυχής παθών νουθετών, έπί τήν ΐεράν τής πολιτείας ομόνοιαν 66,1 είρηναγωγεί. Καθάπερ ούν τώ συμβουλευτικφ λόγω παράκειται τδ προτρεπτικόν καί παρακλητικόν εΐδος, οΰτω καί τώ έγκωμιαστικώ τδ λοιδορητικδν καί δνειδιστικδν 'καί έγκωμιαστικόν]. Τδ δέ είδος τοΟτο τέχνη έστί ψεκτική, εύυοίας δέ τδ ψέγειν, ού μίσους σύμβολου. Άμφω μέν γάρ όνειδί£ετον, καί ο φίλος 2 καί 0 μή, άλλ’ δ μέν εχθρός έπιγελών, δ δέ φίλος εύνοών. Ούκ άρα διά μίσος δ κύριος τοίς άνθρώποις λοιόορείται, οΟς καί έξδν αύτώ άπολέσαι παρά τάς Ιδίας αίτίας, 8 δέ ύπέρ ημών καί πέπονθευ· παιδαγωγός γάρ άτε άγαθδς έυτέχνως σφόδρα διά τής λοιδορίας ύποδύεται τδν ψόγον, οίονεί μάστιγι τή βλασφημία τδ νωθρόν τής διαυοίας έπεγείρων, πάλιν τε αυ έν 3 μέρει προτρέπειν έπιχειρεί τούς αύτούς. ΟΟς γάρ δ έπαινος ού προετρέψατο, τούτους παρώξυνεν δ ψόγος, καί οΟς δ ψόγος ούκ έξεκαλέσατο είς σωτηρίαν καθάπερ νεκρούς, τούτους πρδς άλήθειαν ή βλασφημία διανίστησιν. «. Μάστιγες γάρ καί παιδεία έν παντί καιρφ σοφίας. Συγκολλώυ δστρακον καί διδάσκων μωρόν », είς αϊσθησιν άγων, φησί,τήνγήν καί τδν άπηλπισμένον είς σύνεσιν δξύνων. Διά τοΟτο έναργώς έπήγαγεν· « έξεγείρων καθεύδοντα έκ βαθέος ύπνου», δς τών άλλων μάλιστα 4 θανάτω ίοικεν. Καί δή αύτδς περί αύτοΟ σαφέστατα δ κύριος έκφαίνει, τήν πολύτροπον καί πολυωψελή θεραπείαν άλληγορών, όπηνίκα είπών κ εγώ είμι ή άμπελος ή άληθινή, καί δ πατήρ μου δ γεωργός έστιν », εΐτα έπήγαγεν πάλιν « π&ν 1. Termes techniques de la rhétorique antique. 2. Sirac., 22, 6-7, mais le texte reçu, lisant δ δ-.δάσκων et non zaî διδάσκων, exprime une idée opposée ; « C’est recoller des tessons que d’enseigner un sot... n 3. Sirac., 22, 8. CHAPITRE VIH 65,3 — 66,4 229 se regimbent contre la loi qu’il a lui-même donnée ; il veut les délivrer de l’esclavage, de l’erreur et de l’asser­ vissement imposés par l’Advcrsaire et réprimer les pas­ sions de l’âme ; et il les conduit ainsi paisiblement vers la sainte concorde de la vie chrétienne, t. Au genre 66 délibératif s’apparentent les genres persuasif et exhortatif ; de la même manière les genres du reproche et du blâme s’apparentent au genre laudatif 1 : c’est l’art de faire des critiques ; or critiquer est signe de bienveillance et non de haine. On voit en effet deux sortes de personnes adresser des reproches, celles qui aiment et celles qui n’aiment pas ; mais les uns, en ennemis, se moquent tandis que les amis ont des sentiments de bienveillance. 2. Ce n’est point par haine que le Seigneur adresse des reproches aux hommes : alors qu'il aurait pu les détruire à cause de leurs propres fautes, au contraire il alla jusqu’à souffrir pour nous. En bon pédagogue, d’une manière tout à fait habile, il glisse la critique sous le reproche ; c’est comme s’il usait du fouet des paroles injurieuses pour réveiller l’intelligence trop nonchalante ; ensuite, changeant de procédé, il entreprend de convertir les mêmes esprits. 3. Ceux que la louange ne convertit pas, la critique les irrite ; et ceux que la critique ne réussit pas à réveiller, comme des morts, pour les appeler au salut, ceux-là les paroles injurieuses les mettent debout pour rechercher la vérité. « Coups de fouets et correction, voilà en tout temps la sagesse. C’est recoller des tessons et enseigner un sot 2 », c’est, dit-on, essayer de faire comprendre la terre et stimuler, au point de le rendre intelligent, un esprit dont on avait désespéré. Aussi l’Écriture ajoutet-elle sans équivoque : «C’est tirer un homme endormi du fond de son sommeil 3 » et ce sommeil ressemble tout à fait à la mort. 4. Le Seigneur lui-même révèle clairement sa propre façon d’agir en décrivant allégoriquement les soins qu’il donne sous maintes formes et pour diverses utilités. Il dit. : « Je suis le vrai cep et mon Père est. le 230 LIVRE i κλήμα έν έμοί μή φέρον καρπόν αίρει αύτό, καί παν τό καρ­ ποφορούν καθαίρει, 'ίνα καρπόν πλείω φέρη ». Καθυλομανεί γάρ μή κλαδευομένη ή άμπελος, ούτως δέ καί ό άνθρωπος' 5 καθαίρει δέ αύτοΟ τάς έξυδριζούσας παραφυάδας ό λόγος ή μάχαιρα, καρποφορειν, ούκ έπιθυμεϊν τάς δρέξεις άναγκάσας. Ή δέ πρός τούς άμαρτάνοντας έπίπληξις εχει σκοπόν τήν σωτηρίαν, μεθαρμοζομένου μουσικώς τοΟ λόγου κατά τούς οίκείους έκαστων τρόπους, πή μέν έπιτείνοντος αύτοΟ, πή δέ 67.1 άνιέντος. Σαφέστατα γοΟν διά Μωσέως λέλεκται· «θαρρείτε, ένεκεν τοΟ πειράσαι ύμάς παρεγενήθη ό θεός, όπως άν γένηται ό φόβος αύτοΟ έν ύμΐν, ϊνα μή άμαρτάνητε. » ’Εντεύθεν καλώς καί ό Πλάτων μαθών κπάντες μέν γάρ» φησίν « ώς άληθώς άγαθά πάσχουσιν οΐ δίκην διδόντες· ώφελοΟνται γάρ τφ βελτίω 2 τήν ψυχήν αύτοις γίνεσθαι δικαίως κολαζομένοις >. Et δέ άγαθά πάσχουσιν ύπό τοΰ δικαίου οί έπανορθούμενοι καί κατά Πλάτωνα, δμολογεϊται άγαθόν είναι τόν δίκαιον. Αύτός γοΟν δ φόβος ωφελεί καί πρός άγαθοΟ τοίς άνθρώποις εξεύρηται, ότι «. πνεΟμα φοθούμενον κύριον ζήσεται· ή γάρ ελπίς επί τόν 3 σώζοντα αύτούς ». Ό δέ αύτός οδτος λόγος δίκην έπιτιθείς κριτής έστιν, περί ου καί 'Ησαίας λέγει « κύριος παρέδωκεν αύτόν ταΐς άμαρτίαις ήμών », διορθωτήν δηλονότι καί κατευ68.1 θυντήρα τών αμαρτιών. Διά τοΟτο μόνος οΰτος οΐός τε άφιέναι τά πλημμελήματα, ύπό τοΟ πατρός τών δλων ό ταχθείς παιδαγωγός ήμών, μόνος ό τής ύπακοής διακρΐναι τήν παρα­ κοήν δυνάμενος. Ό δέ άπειλών δήλός έστι μηδέν έθέλων πρδξαι κακόν μηδέ άπερ άπειλεΐ έπιτελέσαΓ καταστήσας δέ είς δέος τήν έπί τάς αμαρτίας άνέκοψεν φοράν καί τό φιλάνθρω­ πον αύτοΟ ένδείκνυται, μέλλων έτι καί διασαφώυ οΐα πείσονται, 1. Jean, 15, 1-2. 2. Cf. Hcbr., 4, 12. 3. Métaphore musicale : allusion a l’accord de la lyre. 4. Exod., 20, 20. 5. Clément aime à souligner que la sagesse de Platon s’est ins­ pirée des Écritures juives : Introduction, p. 48. 6. Gorg., 477 A. 7. Sirac., 34, 13 (14). 8. Js., 53, 6- CHAPITRE VIH 66,4— 68,1 231 vigneron », et il ajoute : «Tout sarment en moi qui ne porte pas de fruit, il le coupe ; et tout sarment, qui porte du fruit, il l’émonde pour qu’il en porte encore plus ». » Si l’on ne taille pas la vigne, en effet, elle pousse follement et l’homme en fait de même ! 5. Mais le Logos, qui est « le glaive 2 », émonde ces ramifications insolentes, con­ traint les forces d'élan à porter du fruit, et non à se perdre en désirs. La réprimande qui s’adresse aux pécheurs a pour but leur salut, car le Logos prend des dispositions en harmonie avec les besoins de chacun : tantôt il tend ses cordes, tantôt il les relâche3. 1. Une parole de 67 Moïse est très nette sur ce sujet : « Ayez confiance ! C’est pour vous éprouver que Dieu est venu et pour que sa crainte, vous demeurant présente, vous garde de pécher 4.» Platon l’avait fort bien appris de là ° et il dit : « Tous ceux qui subissent un châtiment reçoivent réellement de bons traitements, car ils tirent le bénéfice de voir leur âme devenir meilleure, lorsqu’ils sont justement châtiés 2. Si Platon, lui aussi, pense que les hommes corrigés par le Juste reçoivent, de bons traitements, c’est affirmer que le Juste est bon. Oui : la crainte elle-même est pro­ fitable : elle a été inventée pour les hommes par un être bon : « L’esprit qui craint le Seigneur vivra, car son espé­ rance est en celui qui les sauve 7. » 3. Or, ce même Logos, en infligeant un châtiment, est un juge. Isaïe dit à son sujet : « Le Seigneur l’a livré pour nos péchés 8 », c’est-à-dire comme réformateur et correcteur de nos fautes. 1. Aussi seul est-il capable de remettre les 68 manquements, lui le Pédagogue que le Père de l’univers nous a préposé, le seul capable de discerner l’obéissance de la désobéissance. Lorsqu’il menace, il est bien évident qu’il ne veut pas faire de mal, qu’il ne veut même pas mettre ses menaces à exécution. En suscitant la crainte, il interrompt le mouvement qui conduit au péché ; il montre sa bonté pour l’homme, il temporise, il avertit des souffrances que subiront les pécheurs s’ils s’obstinent ; 232 LIVRE I εί παραμενοΟσιν αμαρτωλοί, ούχί δέ ώσπερ δφις έμφύς έδακεν 2 εύθέως. Άγαθδς άρα ό θεός. Καί δ γε κύριος είς πολλά συγχρήται πρδ τοΟ ίργου τώ λόγω. Λ Τά γάρ βέλη μου », φησί, « συντελέσει αύτούς- τηκόμενοι λιμώ καί βρώσει όρνέων, καί όπισθότονος ανίατος- δδόντας θηρίων έπαποστελώ είς αυτούς, μετά θυμού συρόντων έπί τής γής. ” Εξωθεν άτεκνώσει αύτούς 3 μάχαιρα καί έκ τών ταμιείων φόβος. » "Ωστε ούκ δργίζεται τδ θειον, ή τισιν ίδοξεν, άλλα τά μέν πλείστα άπειλείται, τά -πάντα δέ παρήνεσε τήν ανθρωπότητα καί ύπέδειξεν ώς πρακτέα. ’Αγαθή δέ αυτή ή τέχνη, έκφοΒείν ϊνα μή άμάρτωμεν- ■·'. φόβος γάρ κυρίου άπωθεΐται άμαρτήματα, άφοβος δ’ ού δυνήσεται οικαιωθήναι », φησίν ή γραφή. Καί τήν κόλασιν δ θεδς ούχ ύπδ δργής έπιφέρει, άλλα τδ δίκαιον σκοπεί, ώς ού 69,1 συμφέρει παραλειφθήναι τδ δίκαιον δι’ ήμάς. Αίρείται δέ έκαστος ήμών τάς τιμωρίας αύτδς έκών άμαρτάνων· « αίτία δέ έλομένου, δ θεδς αναίτιος, ο « Εί δέ ή άδικία ήμών θεοΟ δικαιοσύνην συνίστησιν, τί έροΟμεν; Μή άδικος δ θεδς δ έπιφέρων τήν δργήν ; μή γένοιτο. » Λέγει γοΟν άπειλών- « παροξυνώ τήν μάχαιράν μου, καί άνθέξεται κρίματος ή χείρ μου καί αύτδς ανταποδώσω δίκην τοίς έχθροις καί τοίς μισοΟσιν άνταποδώσω- μεθύσω τά βέλη μου άφ’ α'ίματος, καί ή μάχαιρά 2 μου φάγεται κρέα άπδ α'ίματος τραυματιών. > Σαφές γάρ ένταΟθα ώς άρα οί μή διεχθρεύοντες τή άληθεία μηδέ μισοϋντες τδν λόγον ούκ αν τήν σφών αύτών μισήσαιεν σωτηρίαν, έκφύγοιεν δ’ άν τής εχθρας τά επιτίμια. « Στέφα3 νος άρα σοφίας », ή φησιν ή σοφία, « φόβος κυρίου. » Σαφέ­ στατα γοΟν διά τοϋ Άμώς τοΟ προφήτου τήν οικονομίαν 1. Deut., 32, 23-25. 2. Toujours les gnostiquos. 3. Sirac., 1, 21-22. 4. Platon, Bep., X, 617 E, passage justement fameux dont Clé­ ment aime à se souvertir : Slrorn., 1, 4. 1 ; II, 75, 3 ; IV, 150, 4 ; V, 136, 4. 5. Boni., 3, 5-6. 6. Dcul., 32, 41-42. 7. Sirac., 1, 18. CHAPITRE vin 68,1—69,3 233 il ne fait pas comme le serpent qui mord aussitôt accroché à sa proie. 2. Dieu, donc, est bon. La plupart du temps, le Seigneur fait usage de la parole avant de passer aux actes. « Mes flèches », est-il écrit, « leur seront meurtrières ; ils seront consumés par la famine et serviront de nourri­ ture aux oiseaux ; ils seront atteints de convulsions incurables ; j’enverrai contre eux les dents des fauves avec la colère des reptiles. Au-dehors, l’épée emportera leurs fils et de leurs greniers sortira la crainte L » 3. Ainsi le divin ne sc met pas en colère, comme certains le croient *, mais, la plupart du temps, il menace et, toujours, il encourage l’humanité et lui montre ce qu’elle doit faire. C’est Là une bonne méthode, qui consiste «à susciter la crainte pour faire éviter le péché. « La crainte du Sei­ gneur supprime les péchés. Sans crainte, il ne sera pas possible d’être justifie 3 », dit l’Écriture. Si Dieu inflige le châtiment, ce n’est pas sous l’effet de la colère, c’est en vue de la justice, dans la pensée qu’il n’est pas bon de négliger la justice à cause de nous. 1. Chacun de nous 69 choisit les châtiments, lorsqu'il pèche volontairement. « C’est la faute de celui qui a choisi ; Dieu n'en est pas responsable *. »« Mais si notre injustice démontre la justice de Dieu, que dire ? Dieu scrait-il injuste en nous frappant de sa colère ? Certes non 4 !» Il parle avec des menaces : « J’aiguiserai mon épée et ma main s’attaquera au crime. Je rendrai la pareille à mes adversaires, je paierai de retour ceux qui me haïssent ; j’enivrerai de sang mes flèches et mon épée se repaît de chair, dans le sang des blessés ·. » 2. De toute évidence, donc, si l’on n’est pas l’ennemi déclaré de la vérité et si l’on n’a pas de haine pour le Logos, on n’a pas de haine non plus pour son propre salut et on n’encourt pas les châtiments mérités par la haine. « C’est le couronnement, de la sagesse — comme le dit la Sagesse — que la crainte du Seigneur » 3. Par la bouche du prophète Amos, le Logos a très clai­ rement révélé les dispositions qu’il prend. Il dit : « Je 234 LIVRE I μεμήνυκευ ό λόγος τήν έαυτοΟ, « κατέστρεψα ύμδς » λέγων, •χ καθώς κατέστρεψεν ό θεός Σόδομα καί Γόμορρα, καί έγένεσθε ώς δαλδς έξεσπασμένος έκ πυράς, καί ούδ’ ώς έπεστρέψατε 70.1 πρός με. λέγει κύριος». Όρατε πώς ό θεός τήν μετάνοιαν ύπδ φιλαγαθίας ζητεί ένδείκνυταί τε παρά τήν οικονομίαν τής άπειλής ήσυχη τδ φιλάνθρωπον τδ έαυτοΰ. « Άποστρέψω ». φησί, « τδ πρόσωπον μου απ' αυτών καί δείξω τί έσται αύτοίς. ’» OS γάρ τδ πρόσωπον κυρίου επιβλέπει, ειρήνη καί άγαλλίασις, οδ δέ άπέστραπται, παρείσουσις γίνεται 2 πονηρίας. Ού βούλεται ουν έφορ&ν τά κακά- άγαθδς γάρ έστι· παρορώντος δέ αύτοϋ έκοντί, διά τήν απιστίαν τήν άνθρωπίνην γένεσιν ϊσχει κακία. >χ ^Ιδε ουν », φησίν δ Παύλος, «χρηστό­ τητα καί άποτομίαυ 0εοΟ· έπΐ μέν τούς πεσόντας άποτομίαν, έπί δέ σέ χρηστότητα, έάν έπιμείνης τή χρηστότητι », τουτέστι τή ε’ς Χριστόν πίστει. "Επεται δέ τώ άγαθώ, ή φύσει 3 αγαθός έστιν, ή μισοπονηρία. Διδ καί κολάζειν μέν αύτδν δμολογήσαιμι τούς άπιστους, ή γάρ κόλασις επ' άγαθώ καί έπ’ ώφελεία τοΟ κολάζομενου, έστι γάρ έπανόρθωσις άντιτείνοντος, τιμωρεισθαι δέ μή βούλεσθαι. Τιμωρία δέ έστιν άνταπόδοσις κακοΟ έπί τδ τού τιμωρουμένου συμφέρον άναπεμπομένη. Ούκ άν δέ έπιθυμήσει τιμωρεισθαι δ ύπέρ τών έπηρεαζόντων ήμάς προσεύχεσθαι διδάσκων. 71.1 ’Αλλά 8τι μέν αγαθός ό θεός, καί άκοντες δμολογοϋσιν οί πάντες- ότι δέ καί δίκαιος ό αύτδς θεός, ού' μοι χρή πλειόνων ετι λόγων τήν εύαγγέλιον τοΟ κυρίου παραθεμένω φωνήν· εν μέν αύτδν λέγει· <ίϊνα πάντες 2ν ώσι, καθώς σύ, πάτερ, έν έμοί κάγώ έν σοί, Υνα καί αύτοί έν ήμιν έν ώσιν, 'ίνα και δ κόσμος πιστεύη, ‘ότι σύ με άπέστειλας. Κάγώ τήν δόξαν, ήν έδωκάς μοι, δέδωκα αύτοίς, 'ίνα ώσιν 2ν καθώς ημείς έ'ν· έγώ 1. Amos, 4, 11. 2. Deut., 32, 20. 3. Cf. Ps. 103. 29. 4. Rom., 11, 22. 5. Clément, qui aime les définitions de mots, reprendra celle-ci dans Strom., VII, 102, 5. 6. Cf. Matth., 5, 44 et paraît. CHAPITRE VIII 69,3—71,1 235 vous ai bouleversés comme Dieu bouleversa Sodome et Gomorrhe et vous avez été comme un tison arraché du feu, et vous n’êtes pas revenus à moi, dit le Seigneur ». » 1. Voyez comment Dieu par bonté recherche le repentir, 70 et comment, lorsqu’il prend le mode de la menace, il montre sans en avoir l’air son amour de l'homme : « Je détournerai d’eux ma face, et je montrerai ce qu’il advien­ dra d’eux *. » Là où le Seigneur tourne sa face, c’est la paix et l’allégresse ; mais là où il ne regarde pas, c’est la porte ouverte au mal. 2. Il ne veut donc pas regarder le mal, car il est bon. Mais si, volontairement, il détourne ses yeux ’, le mal s’empare de l’espèce humaine à cause de son incrédulité. Paul a dit : « Considère donc la bonté et la sévérité de Dieu : sévérité envers ceux qui sont tombés, et, envers toi, bonté, pourvu que tu demeures en cette bonté 1 », ce qui signifie ; dans la foi au Christ. Ce qui accompagne l’être bon, parce qu’il est bon de par sa nature, c’est la haine du mal. 3. Aussi je reconnais qu’il châtie les incrédules — le châtiment, tourne au bien et au profit de celui qui Je subit : il est un redressement de qui se tendait en arrière — mais qu'il n’a pas le désir de se venger. La vengeance, c'est rendre le mal pour le mal 5, et elle est infligée pour le profit de celui qui se venge. 11 ne veut sûrement pas se venger, celui qui nous enseigne à prier pour ceux qui nous maltraitent 1. Que Dieu soit bon, tous le 71 Témoignages scriptu­ reconnaissent, même de mauvais raires sur la bonté gré ; mais que Dieu soit en même et la justice de temps juste, il me suflira, pour le Dieu. montrer sans plus de discours, d’apporter le témoignage d’une parole du Seigneur dans Γ Évangile : il affirme qu’il est lui-même « une seule chose » : «Afin que tous soient un comme toi, Père, tu es en moi et moi en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous afin que le monde croie que tu m’as envoyé. Je leur ai donné la 236 LIVHE I έν αύτοίς καί σύ έν έμοί, ϊνα ώσι τετελειωμένοι είς έν ** έν 2 δέ ό θεός καί έπέκεινα τοΟ ένός καί ύπέρ αύτήν μονάδα. Διό καί τό « σύ * μόριον δεικτικήν έχον εμφασιν τόν όντως μόνον δντα, δς ήν καί έστιν καίέσται, δείκνυσιν θεόν, καθ’ ών τριών χρόνων εν δνομα κείται < δ ών ». νΟτι δέ δ αύτδς μόνος Δν θεός καί δίκαιός έστιν Λ έν τφ αύτφ μαρτυρήσει κύριος εύαγγελίω λέγων « πάτερ, οΟς έδωκάς μοι. θέλω ϊνα όπου είμί εγώ, κάκεινοι ώσι μετ’ έμοΟ, ϊνα Βεωρώσι τήν δόξαν τήν έμήν, ήν έδωκάς μοι, ότι ήγάπησάς με πρδ καταβολής κόσμου. Πάτερ δίκαιε, καί δ κόσμος σε ούκ έγνω. έγώ δέ σε έγνων κάκεινοι έγνωσαν, δτι σύ με άπέστειλας- καί έγνώρισα αύτοίς τό όνομά 3 σου καί γνωρίσω ». Ουτός έστιν α ό άποδιδούς αμαρτίας πατέ­ ρων έπί τέκνα τοίς μισοΟσι καί ποιών έλεος τοίς άγαπώσιν ». ‘O γάρ ϊστάς τούς μέν έκ δεξιών, τούς δέ έξ εύωνύμων, καθό μέν πατήρ νοείται, αγαθός ών. αύτδ μόνον δ έστι κέκληται άγαθός, καθό δέ, υιός ών, δ λόγος αύτοΟ έν τφ πατρί έστι, δίκαιος προσαγορεύεται έκ τής πρός άλληλα σχέσεως άγάπης, ϊσότητι μεμετρημένον ίνομα δυνάμεως. α νΑνδρα >, φησί, a. post ίσ::ν add. h αυτός χα: μόνο: όντως] Ileysc Stahlin 1. Jean, 17, 21-23. 2. Expression da la transcendance divine qui rappelle les formules les plus hardies du néo-platonisme, mais ne nous hâtons pas de faire do Clement un précurseur de Plotin : bien que la perspective de la théologie négative ne lui soit pas étrangère (ainsi, ci-dessous, J II» hymne, v. 34-36 ; Strom., V, 81, 3-6 et le commentaire de Camelot, p. 25 s.|, on ne doit pas lui attribuer dans ce passage d’intentions si profondes ; comme le montre la référence à la révélation du buis­ son ardent, Clément identifie bien ici Dieu à l’fitre. Nous avons surtout ici une réminiscence de Philon, de praem. et poen., 20 : (Dieu est) ce qui est meilleur que le Bien, plus vénérable que la Monade, plus pur que l’Un... * Voir à ce sujet Voelkek, p. 91 et Camelot, p. 108» n. 2, à propos d’un autre texte assez analogue de Philon, Leg. allege 11, 3. 3. Clément exagère : son analyse grammaticale est exacte, mais dans le texte cité le pronom σύ s’oppose simplement, dans la bouche du Christ, a ίγώ. 4. Formule authentiquement platonicienne, mais, sous la plume de Clément, d’un platonisme chrétien qui s’accorde avec la « niéta- CHAPITRE Vlll 71,1-3 237 gloire que tu m’as donnée pour qu’ils soient un commo nous sommes un, moi eu eux et toi en moi, pour qu’ils soient parfaitement un ’. » Dieu est « un » et au-delà de l’un, et au-dessus de la monade elle-même 2. 2. Aussi le pronom « loi », dans son sens démonstratif «, désignet-il le seul Dieu qui existe réellement4, celui qui fut, qui est et qui sera 4 ; pour les trois temps, un seul terme est employé : « Celui qui est °. » Que, d’autre part, ce même être, qui seul est Dieu, soit en même temps « juste », le Seigneur en rend également témoignage dans le même Évangile, lorsqu’il dit : « Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis ils soient aussi avec moi, pour qu’ils contemplent la gloire que tu m’as donnée, parce que tu m’as aimé avant la création du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu et ceux-ci ont. reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai révélé ton nom et le révélerai ’. » 3. C’est lui qui « punit les fautes des pères sur les enfants, pour ceux qui le haïssent, et qui fait grâce pour ceux qui l’aiment 8 ». Celui qui place les uns à sa droite, les autres à sa gauche 3, lorsqu’il est envi­ sagé comme père, parce qu’il est bon, reçoit, de ce qu'il est, l’unique nom de bon10; mais si l’on considère que son Logos, parce qu’il est fils, est dans le Père, on l’appelle « juste » à cause de leur relation d’amour réciproque, ce nom rendant compte de leur égalité de puissance11. physique de ΓExode » ; elle revient encore : Strom., VII, 54, 4 ; Q. div. salv., 7, 2, et bien entendu est aussi venue à Clément par Phi­ lon : cf. Voelker, p. 94. 5. Cf. Apoc., 1, 4 et parall. 6. Exod., 3, 14. 7. dean, 17, 24-26. 8. Exod., 20, 5-6. 9. Cf. Matih., 25, 33. 10. Cf. Matih., 19, 17 et parall. 11. Égalité de puissance, relation d’amour réciproque: deux jalons intéressants à relever pour la théologie trinitaire de Clément. Voir d’autre part ci-dessus p. 223, u. 7. 238 LI VISE 1 « κατά τά έργα αύτοϋ κρίνει », αγαθού ξυγοΟ πρόσωπον ήμίν δικαιοσύνης τόν ΊησοΟν γνωρίσαντος τού θεοΟ, δι' οδ καί τδν 72.1 θεόν, οΐον έκ τρυτάνης ίσοσθενοϋς, έγνωμεν. Έπί τούτου καί ή σοφία διαρρήδην λέγει « έλεος γάρ καί οργή μετ' αύτου »· κύριος γάρ άμφοιν ουτος μόνος· ι( δυνάστης εξιλασμών, έκχέων δργήν· κατά τδ πολύ έλεος αύτοΟ, ούτως καί δ έλεγχος αύτοΟ »· έλέους γάρ καί ελέγχου σκοπδς ή τών έλεγχομένων 2 σωτηρία. Ναι μήν δτι άγαθδς αύτδς « δ θεδς καί πατήρ τοΟ κυρίου ήμών ΊησοΟ », δ αύτδς πάλιν ομολογήσει λόγος, Κ δτι αύτδς χρηστός έστιν επί τούς άχαρίστους καί πονηρούς», καί προσέτι «. γίνεσθε οϊκτίρμονες » λέγων, « καθώς δ πατήρ ύμών οίκτίρμων έστίν », ού μήν άλλά καί όπηνΐκα διαρρήδην λέγει « ούδείς αγαθός, εί μή δ πατήρ μου δ έν τοίς ούρανοίς »· επί τούτοις αύθις « ό πατήρ μου » φησίν « έπιλάμπει τδν ήλιον 3 τδν αύτοΟ έπί πάντας». Παρασημειωτέον ένταΟθα δτι τδν αύτοΟ πατέρα τδν άγαθδν καί δημιουργόν είναι δμολογεί, δίκαιος δέ ό δημιουργός είναι ούκ άντιλέγεται. Καί πάλιν « ό πατήρ μου » φησί « Βρέχει επί δικαίους καί άδίκους». Καί καθδ μέν βρέχει, δημιουργός ύδάτων έστί καί νεφών, καθδ δέ έπί πάντας, δικαίως ίσοστατεί καί άρρεπώς, ώς δέ άγαθός, 73.1 έπί δικαίους καί αδίκους δμοίως. Σαφέστατα τοίνυν ένα καί τδν αύτδν είναι θεόν συλλογιζόμεθα ώδέ πως· « δτι δψομαι τούς ούρανούς, έργα τών δακτύλων σου » καί ί( δ κτίσας τούς ούρανούς έν τοίς ούρανοίς κατοικεί » καί n ό ούρανός θρόνος 1. Sirac., 16, 12. 2. L'expression vient peut-être d’Eumi’inE, fr. 689. Clément a pu aussi penser au «joug (autre sens du mot ζύγον) suave et léger » de Malth., 11. 29-30 : cf. Prolr., 120, 5. 3. Sirac, 16, 11-12. 4. II Cor., 1, 3 et parait. 5. Luc, 6, 35-36. 6. Malth., 19, 17 et paraît. On notera la leçon adoptée par Clé­ ment : sur la tradition manuscrite, complexe, de ce verset cl le rôle de ses variantes dans la polémique des gnostiques, cf. G. Quispel, éd. de Ptolémée, Lettre à Flora (S. G., 24), p. 96-97. 7. Λ/α«Λ., 5, 45. 8. C’était le point essentiel à établir contre les gnostiques. 9. Malth.. 5, 45. CHAPITRE VIII 71,3 — "3.1 239 L’Ecriture dit : « H jugera l’homme selon scs œuvres ’ » ; Dieu a révélé en Jésus une image de la balance équilibrée de la justice 2. car par son intermédiaire nous avons connu également Dieu, comme par une balance dont les poids sont égaux. 1. Au sujet de Dieu, la sagesse s’exprime 72 explicitement : « Pitié et colère lui appartiennent » - · lui seul est, en effet, le Seigneur de l'une et de l’autre — « puissant dans le pardon, répandant sa colère ; autant que sa miséricorde est grande sa sévérité 3. » Pitié et blâme ont pour but le salut des blâmés. 2. Et que le » Dieu et Père de notre Seigneur Jésus 1 » soit lui-même bon, c’est encore le Logos qui le reconnaîtra lorsqu’il dit : « Il est bon, lui, pour les ingrats et les méchants », et en­ suite : « Sovez miséricordieux comme votre Père est misé­ ricordieux *. » Mais il dit aussi explicitement : « Nul n’est bon, sinon mon Père qui est dans les cieux B. » Et ailleurs il dit encore : « Mon Père fait briller son soleil sur tous les hommes 7. » 3. Remarquons à ce propos comment il reconnaît que son Père, qui est « bon », est en même temps le Créateur 8 ; que le Créateur soit juste, cela n’est pas mis en question. Il dit : « Mon Père fait pleuvoir sur les justes cl les injustes ". » En tant qu’il fait pleuvoir, il est le Créateur des eaux et des nuées ; et parce que c’est sur tous, c’est avec justice qu’il répartit ses dons, sans pen­ cher d’un côté10; en tant qu’il est bon, il traite de la même façon les jtistes et les injustes. 1. Nous pouvons 73 donc déduire avec une grande certitude que Dieu est un et identique à lui-même ; le Saint-Esprit a dit dans les Psaumes : « Je verrai les cieux, œuvre de tes doigts11» et ■ celui qui a fait les cieux habite dans les cieux12» et «le 10. En adoptant la correction (au lieu de αρετής) à laquelle s’est finalement arrêté Stahlin (traduction allemande, t. I, p. 268, n. 81. 11. Ps. 8, 4. 12. Cf. Ps. 2, 240 MVHK I σου » τδ άγιον -πνεύμα έψαλλεν· δ δέ κύριός φησιν έν τή -προ­ σευχή «πάτερ ήμώυ δ έν τοΐς ούρανοΐς »· ούρανοί δέ τού κτίσαντος τδν κόσμον είσίν· άναυτίρρητον &ρα μή ούχί καί υίδν είναι τδν κύριου τού δημιουργού. Εί δέ ό κτίστης πρδς πάντων όμολογεΐται δίκαιος, υίδς δέ τοΟ δημιουργού δ κύριος, 2 υίδς Spa τού δικαίου ό κύριος. Διά τούτο καί δ Παύλός φησι κ νυνί δέ χωρίς νόμου δικαιοσύνη θεού πεφανέρωται » καί πάλιν, ϊνα μάλλον ύπολάθης θεόν (δίκαιον), « δικαιοσύνη δέ θεού διά πίστεως ’Ιησού Χριστού, είς πάντας τούς πιστεύον­ τας· ού γάρ έστι διαστολή », καί προσέτι μαρτύρων τή άληθεία μετ' δλίγα επιφέρει « έν τή ανοχή τοΟ θεού, πρδς τήν ένδειξιν τού εΐναι αύτδν δίκαιον καί δικαιούντα τδν έκ πίστεως 3 Ίησούν ». Τδ δέ δίκαιου αγαθόν είδώς φαίυεταί που λέγων « ώστε ό μέν νόμος άγιος, καί ή έντολή άγια καί δίκαια καί αγαθή », καί κατά τής αύτής δυνάμεως άμφω τάσσων τά 74,1 δνόματα. ‘Αλλά καί ούδείς αγαθός, εί μή δ πατήρ αύτού· δ αύτδς Spa πατήρ αύτού, δ έν ών, πολλαΐς μηνυόμενος δυνάμεσιν καί τούτο ήυ τδ β. ούδείς έγνω τδν πατέρα », πάντα αύτδν δντα, πριν έλθεΐν τδν υιόν ώς είναι ταΐς άληθείαις καταφανές τδ τών συμπάντων θεδν ένα μόνον είναι, άγαθόν, δίκαιον, δημιουργόν, υίδν έν πατρί, ω ή δόξα είς τούς αιώνας 2 τών αίώνων, άμήν. Άλλ' ούδέ άλλότριον τού σωτηρίου λόγου κηδεμονικώς λοιδορεΐσθαι. Καί γάρ ουν καί τούτο τής θείας φιλανθρωπίας φάρμακον, έξ οδ τδ τής αίδοΰς ερύθημα έξανθεΐ καί ή πρδς τδ άμαρτάνειν αισχύνη παρεισδύεται. Εί γάρ ψέξαι χρή, καί λοιδορεΐσθαι δει, 2νθα τήν άπηλγηκυΐαυ ψυχήν 1. 10, 4 et parall. 2. .Mattii., 6, 9 et parall. 3. Comme on le voit Clément utilise tour â tour, sans nuance particulière les deux mots κτίστης et δημιουργό; pour rendre l'idée de c Créateur * : v. E. Tengblad, Synlaklischstilislische Bcilrage zur Kritik und Exegese des Clemens, Lund, 1932, p. 8. 4. Rom., 3, 21-22. 5. Rom., 3, 26. 6. Rom., Ί, 12. 7. Cf. Λ/αΠΛ., 19, 17 et parall. 8. Matth., 11, 27. chapitre VUI *3.1 — 74,2 211 ciel est son trône 1 » ; le Seigneur, de son côté, a dit dans sa prière : « Notre Père qui es dans les cieux 4. » Or les cieux sont l’œuvre du Créateur ; il est donc hors de contes­ tation que le Seigneur est aussi (ils du Créateur. Si le Créateur est universellement reconnu comme juste, et si, d’autre part, le Seigneur est fds du Créateur 3, il s’ensuit que le Seigneur est fils du Juste. 2. Aussi Paul dit-il : « Maintenant la justice de Dieu s’est manifestée sans la Loi », et, de nouveau, pour que l’on comprenne mieux que Dieu est juste : « La justice de Dieu se manifeste par la foi en Jésus-Christ, pour tous ceux qui croient. ; car il n’y a pas de distinction 4. » Et il rend encore témoignage à la vérité, lorsqu’il ajoute un peu plus loin : « Au temps de la patience de Dieu, pour manifester qu’il est lui-même juste et qu’il justifie celui qui croit en Jésus s. » 3. Mais il sait que le Juste est bon ; il le montre bien lorsqu’il dit : « Ainsi la loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon · » : et, s’agissant de la même puissance divine, il emploie les deux mots. 1. Mais il dit aussi 74 que : « Personne n'est bon si ce n’est son Père 7»; donc son Père, toujours Je même, lui qui est un, est révélé en de multiples puissances. C’était le sens de la parole : « Per­ sonne n’a connu le Père 8 », car il était lui-même tout, avant que vienne son Fils. Il est donc évident, en toute vérité, que le Dieu de l’univers est seul un, bon, juste, créateur, fds dans le Père, à qui soit la gloire dans les siècles des siècles. Amen B. 2. D’au Ire part, il n’est pas non plus contraire au caractère du Logos salutaire d’adresser des reproches avec sollicitude : c’est là aussi un remède de la bonté de Dieu à l’égard de l’homme, pour faire venir le rouge de la pudeur et donner la honte à l’égard du péché. Car s’il faut blâmer, il faut aussi adresser des reproches lorsque c’est le moment, de blesser un peu l’âme qui s’est laissée aller, pour lui donner non pas la 9. Doxologie néo-testamentaire : CW., 1, 5 et parall. Le Péd&goyue. 1. 16 242 LIVRE I καιρός έστι τρώσαι, ού θανασίμως, άλλα σωτηρίως, δλίγης 3 άλγηδόνος άίδιον κερδάναντα θάνατον. Πολλή δέ ή σοφία -περί τήυ -παιδαγωγίαν αύτοΟ, καί ό τρό-πος τής οικονομίας αύτοΟ ποικίλος είς σωτηρίαν. Προσμαρτυρεί μέν γάρ τοΐς άγαθοίς ό παιδαγωγός, έκκαλεϊται δέ τούς κλητούς έπί τά βελτίω καί τούς άδικεΐν σπεύδοντας άποτρέπει τής ορμής, μεταθεσθαι δέ 4 είς άμείνω βίου παρακελεύεται. Ουδέτερον γάρ άμάρτυρον θατέρου προσμαρτυρούμενου, ή τε χάρις έκ μαρτυρίας μεγίστη, άλλα καί τδ εμπαθές τής δργής, εί δή δργήυ τήν νουθεσίαν αύτοΟ χρή καλείν, φιλάνθρωπον έστιν είς πάθη καταθαίνοντος τοΟ θεοΟ διά τδν ανθρώπου, δι1 δν καί γέγονεν άνθρωπος ό λόγος τοΟ θεοΟ. CHAP1THK VIII 74,2-4 243 mort mais le salut : petite souffrance qui fait faire 1 éco­ nomie d'une mort éternelle. 3. La sagesse de la péda­ gogie divine est grande ; multiples sont les modes de dispo­ sition qu’elle prend pour notre salut. Le Pédagogue témoigne en faveur de ceux qui font le bien et il appelle les élus à faire mieux ; il détourne de leur élan ceux qui courent vers les péchés, et il les encourage à adopter une meilleure vie. 4. Aucun n’est laissé sans qu’il lui soit rendu témoignage *, chacun des deux recevant une pleine confirmation, et le bienfait que l’on tire de ces témoi­ gnages est immense. Et même, l’accès de colère de Dieu — s’il faut appeler vraiment colère les reproches qu’il nous adresse — est un signe de sa bonté pour l’homme : c’est Dieu qui condescend à prendre les sentiments humains à cause de l’homme, pour qui aussi le Logos de Dieu s’est fait homme 1 2. 1. l.e mol est peut-être une réminiscence d’/U/., 14, 17. 2. Ou notera l’insistance de Clément à revenir sur les thèmes île la philanthropie divine, de l'anthropocentrisme et de la réalité de ΓIncarnation. On peut comprendre η'ς πάθη χβιχ&κνο/το; το5 OîoÜ soit de l’incarnation (voir Quatember, p. 129, n. 163), soit de la colère pedagogique de Dieu (tô ijwtxOij τξς 244 LIVRE I IX. “Οτι τής αύτής δυνάμεως καί εύεργετεΐν καί κολάζειν δικαίως, έν ω τίς δ τρόπος τής παιδαγωγίας τοΟ λόγου. Παυτί τοίνυν οδεύει ο τής άνθρωπότητος παιδαγωγός, δ θειος ήμών λόγος, πόση καταχρώμενος σοφίας μηχανή, σώ£ειν έπιδέθληται τούς νηπϊους, νουθετών, έπιτιμών, έπιπλήττων, ελέγχων, Απειλούμενος, Ιώμενος, έπαγγελλόμενος, χαριζόμενος, κ πολλούς τισιν οίονεί χαλινοίς ιΐ τάς Αλόγους τής Ανθρω2 πότητος « δεσμεύων » δρμάς. Συνελόντι γοϋν εϊπείν, ούτως δ κύριος πρδς ήμας, ώς καί ήμείς πρδς τά τέκνα ήμών. « Τέκνα σοί έστιν; παίδευσον αυτά», ή σοφία παραινεί, «καί κάμψον αυτά έκ νεότητος αύτών. Θυγατέρες σοί εϊσι; πρόσεχε τώ σώματι αυτών, καί μή ίλαρώσης πρδς αύτάς τδ πρόσωπόν σου. » Καίτοι τά τέκνα ήμών, υιούς τε καί θυγατέρας, σφόδρα καί 3 ύπέρ π&ν ότιοΟν άγαπώμεν. Έπεί δ’ οί μέν πρδς χάριν δμιλοϋντες δλίγον αγαπώσιν δ μή λυποϋσιν, οί δέ πρδς ώφέλειαν έπιστύφοντες, εΐ καί παραυτίκα λυπηροί, αλλά εϊς τδν έπειτα εύεργετοΟσιν αίώνα, ού τήν παραυτίκα ηδονήν ό κύριος, Αλλά τήν μέλλουσαν έσκόπησε τρυφήν. Έπίωμεν δέ ήδη καί τδν τρόπον αύτοΟ τής φιλάνθρωπου παιδαγωγίας μετά μαρτυρίας προφητικής. 75.1 1. Platon, Lote, VU, 808 D. 2. Sirae., 7, 23-24. 3. Toutc la tradition antique, judéo-orientale aussi bien que grécolatine, place l’éducation sous le signe de la sévérité et estime dan­ gereux tout adoucissement de la discipline : ci. H. I. Ma«ROU, His­ toire de l’Éducation..., p. 307-308 et n. 16. 4. Par contre, il serait exceptionnel, dans un tel contexte péda­ gogique, de voir prendre en bonne part le mot τρυφή qui évoque normalement au contraire la «mollesse:· issue du luxe, le relâche­ ment des mœurs, symptômes inquiétants de décadence : H. I. Markou, op. cil., p. 324 et n. 12. Mais son emploi ici pour désigner les CHAPITRE IX 75,1-3 245 IX. II appartient à la même puissance d’accorder les bienfaits et de châtier selon la justice ; quelle est, sous ce rapport, la méthode péda­ gogique du Logos ? 1. De toute sa force, donc, le Pédagogue de l’huma· 75 nité, notre Logos divin, sc sert des procédés divers de la sagesse et sc charge de sauver les tout-petits : il corrige, il blâme, il réprimande, il accuse, il menace, il guérit, il fait des promesses, il accorde des grâces et, « comme par des freins multiples, il bride 1 » les élans déraisonnables de l’humanité. 2. Bref, le Seigneur agit à notre égard comme nous à l’égard de nos enfants : « As-tu des enfants ? fais leur éducation », recommande la Sagesse, « et fais-les fléchir dès leur enfance. As-tu des filles ? Veille sur leur corps et ne leur montre pas un visage riant *. » Et pour­ tant, nos enfants, garçons et filles, nous les aimons beau­ coup et par-dessus tout’. 3. On constate que certaines personnes, dont la conversation ne vise qu’à plaire, ont peu d’affection pour les autres, tout en ne leur faisant pas de critiques ; que d’autres, au contraire, qui font toutes les remontrances utiles, ont un comportement bienfaisant pour l’avenir, infime si, sur le moment, elles sont désa­ gréables. Le Seigneur, lui, ne vise pas notre plaisir du moment, mais notre bonheur futur 4. Venons-en main­ tenant à la méthode pédagogique, pleine de bonté, du Logos, telle que nous la montre le témoignage des pro­ phètes. joies . 2 Μέγιστον γάρ τεκμήριου τής φιλανθρωπίας αύτοϋ, δτι καίτοι σαφώς εϊδως τήν αναισχυντίαν τοϋ έκλακτίσαυτος λαοΟ καί άποσκιρτήσαντος, δμως έπί τήν μετάνοιαν παρακαλεΐ καί ψησιν διά τοΟ Ιεζεκιήλ· « υιέ άνθρώπου. έν μέσω σκορπίων σύ κατοικείς, πλήυ λάλησον αύτοίς, εάν δρα άκούσωσιν. » 3 Άλλα καί τώ Μωυσεί «πορεύου » φησίυ « καί είπέ τώ Φαραώ, ϊνα έξαποστείλη τδν λαόν, εγώ δέ οΐδα δτι ού μή έξαποστείλη αύτούς ». Εμφαίνει γάρ δμφω, καί τδ θείου προειδώς τδ έσόμενου, καί τδ φιλάνθρωπον τδ αύτοϋ τώ αύτεξουσίω τής 4 ψυχής άφορμάς μετανοίας χαριζόμενος. Νουθετεί δέ καί διά Ήσαίου κηδόμενος τοϋ λαοΟ, δπηνίκα λέγει· «ό λαός ουτος τοις χείλεσιν αύτών τιμώσί με, ή δέ καρδία αύτών πόρρω έστιν άπ' έμοΰ », τοϋτό έστι ψόγος έλεγκτικός· «μάτην δέ σέθονταί με διδάσκοντες διδασκαλίας έντάλματα ανθρώπων. » ΈνταΟθα ή κηδεμονία φανερώσασα τήν αμαρτίαν έκ παραλ­ λήλου δείκνυσι τήν σωτηρίαν. 76.1 1. Ici commence une série de douze paragraphes consacrés à défi-1 nir et à illustrer d'applications tirées de l'Écriturc douze termes pédagogiques exprimant l'idée de « reproche ο (ψόγος ; ce treizième mot servant à expliquer les douze autres} ; cf. déjà I. 65, 4, où avaient été étudiés trois termes analogues, dont deux sont, repris ici . (§ 78, 2 et 76, 1). 11 est difficile de trouver on français des équiva- I lents, correspondant aux nuances, à peine perceptibles, que Clé-S ment croit pouvoir établir entre ces notions. On observera que les textes cités de ΓEcriture sont présentés comme des paroles du Péda- · goguc : 76, t ; 78, 1 ; 81, 1. 2. Jeu de mots étymologique, νουθέτησις· νοΰ ή*το:ητ:ζ.<>; difficilement traduisible. 3. MaUh., 23, 37 et paraiI. 4. .Jérém., 3. 9 ; 7, 9, etc. L'article féminin devant Baal s'explique par l'usage juif qui, pour éviter de prononcer le nom abhorré de Baal, lisait ù sa place Bosel, «la honte », en grec ζΐσ/όνη, mot féminin. CHAPITRE IX 76,1-4 247 Douze formes L ^avertissement1 est un reproche 76 de reproche. Plciu.dc sollicitude, qui rend l’esprit averti *. C’est ce que fait le Pédagogue quand il avertit, par exemple lorsque, dans F Évangile, il dit : « Que dc fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous n’avez pas voulu 3 ! » L'Écriture elle aussi avertit lorsqu’elle dit. : «Et ils ont commis l’adultère avec la pierre et le bois et ils ont encensé Baal ·. » 2. Et voici bien la plus grande preuve de son amour pour les hommes : alors qu’il connaît parfaitement bien l’impu­ dence de ce peuple rétif et rebelle, il l’appelle cependant au repentir et dit, par la bouche d’Ézéchiel : « Fils d’homme, tu es assis au milieu des scorpions ; parle-leur cependant pour le cas où ils t’écouteraient 4. » 3. Et il dit également à Moïse : « Va et dis à Pharaon dc laisser partir le peuple ; et pourtant je sais bien qu’il ne les lais­ sera pas partir * ! » Il manifeste ainsi à la fois sa divinité, puisqu’il connaît l’avenir, et son amour des hommes, puisqu’il accorde en grâce à la libre volonté de l’âme le premier mouvement du repentir à. Il avertit encore par la bouche d’Isaïe, quand il dit avec beaucoup de sol­ licitude pour le peuple : « Ce peuple m’honore dc scs lèvres mais son cœur est loin de moi R» — cela, c’est un reproche accusateur ° ; « c’est en vain qu’ils me rendent un culte, car ils enseignent des doctrines qui sont des commandements d’hommes ». Dans ces paroles, la solli­ citude. tout en révélant le péché, montre en contraste la voie du salut. 5. Ézéch., 2, 6-7 (citation non littérale). 6. Exod., 3, 18-19 (rd.J. 7. On sait l'insistance dc Clément à souligner le ■ libre arbitre » de l'homme : il est remarquable de le voir on faire état à propos dc l'épisode déterministe type qu'est rendurcissement du Pharaon. 8. L«., 29, 13 cité dan» Matlh., 15, 8-9 et parall. 9. Encore une précision technique d'ordre loxicographîquc. 248 77.1 2 3 4 78.1 LIVRE I ΈπιτΙμησις δέ έστι ψόγος έπ’ αίσχροΐς οίκειών πρός τά καλά. ΤοΟτο ένδείκνυται δια Ίερεμίου· ο. ϊπποι θηλυμανείς έγενήθησαν, έκαστος έπί τήν γυναίκα τοΟ πλησίον αύτοΟ έχρεμέτιζεν. Μή επί τούτοις ούκ έπισκέψομαι; λέγει κύριος· ή έν λαώ τώ τοιούτω ούκ εκδικηθεί ή ψυχή μου ; » Παραπλέκει δέ πανταχοΟ τόν φόθον, δτι ο. φόβος κυρίου άρχή αίσθήσεως. » Καί πάλιν διά Ώσηέ « ούκ έπισκέψομαι » φησίν β. αύτούς ; δτι αύτοί μετά των πορνών συνεφύροντο καί μετά τών τετε­ λεσμένων έθυον, καί ό λαός δ συνίων συνεπλέκετο πόρνη ». Δείκνυσιν αύτών φανερώτερον τδ αμάρτημα, συνιέναι αύτούς δμολογών, ώς έκόντας άμαρτάνοντας Καί ή σύνεσις δψις έστί ψνχής. Διδ καίδ ’Ισραήλ δ όρων τδν θεόν, τουτέστιν δ συνίων τδν θεόν. Μέμψις δέ έστι ψόγος ώς υλιγωρούντων ή άμελούντων. Κέχρηται τώ τρόπω τούτω τής παιδαγωγίας διά ‘Ησαίου λέγων* « άκουε, ουρανέ, καίένωτίζου, γή, δτι κύριος έλάλησεν· υΙούς έγέννησα καί ύψωσα, αύτοί δέ με ήθέτησαν. "Εγνω βοΟς τδν κτησάμενον καί όνος τήν φάτνην τοΟ κυρίου αύτοΟ, ’Ισραήλ δέ με ούκ 2γνω. » Πώς γάρ ού δεινόν, εί ό είδώς τδν θεδν ού γνώσεται τδν κύριον, άλλ' δ μέν βοΰς καί ό δνος, τά νωθή ζφα καί τά μωρά, είσεται τδν τρέφοντα, δ δέ ’Ισραήλ άλογώτερος καί τούτων εύρεθήσεταί; Καί διά Ίερεμίου πολλά καταμεμψάμενος τδν λαδν έπιφέρει· « καί εμέ έγκατέλιπον, λέγει κύριος ». Έπίπληξις δέ έστιν έπιτίμησις έπιπληκτική ή ψόγος 1. Jér., 5, 8-9. 2. Prop., 1.7 (où Clement lit α·σθ4σε<*>ί & I·1 pl^cc de σοφία;). Pour la portée (spirituelle, non psychologique) «lu mot, cf. Strom., I, 58, 3-4. 3. Osée, 4, 14 (d’après les Septante : lo texte hébreu au contraire porte, pour le dernier stique : «le peuple intelligence va ù sa perte »). 4. I.a comparaison, d'origine platonicienne, avec la vision de l'œil vient de Philon : cf. Voelker, p. 366. 5. Nous avons déjà rencontré celle interprétation fantaisiste, venue elle aussi de Philon, ci-dessus, § 57, 2. 6. Par contre ici Clément a bien interprété l'expression biblique « voir Dieu » : ci. Voelk en, p. 405. CHAPITRE ix 77,1 — 78,1 249 1. Le blâme est un reproche formulé à propos d’actes 77 mauvais pour disposer au bien. (Le Pédagogue) en donne un exemple dans Jérémie : « Ils devinrent comme des étalons en rut ; chacun hennissait après la femme de son voisin ; et je nc les reprendrais pas ? dit le Seigneur ; ou d’une nation comme celle-là, mon âme nc tirerait pas ven­ geance ’ ? » Et partout il entremêle la crainte, parce que « la crainte est le commencement du sens spirituel 2 ». 2. Ailleurs, il dit dans Osée : « Ne les reprendrai-je pas, dit-il, puisqu’ils se mêlaient aux prostituées et sacri­ fiaient avec les initiés et que le peuple intelligent s’unis­ sait à la prostituée 3 ?» Il montre plus manifestement leur faute en allirmant qu’ils comprennent, comme des gens qui pèchent de propos délibéré. La compréhension est la vue de l’âme 4. Aussi Israël est-il celui qui voit Dieu s, c’est-à-dire celui qui comprend Dieu ♦. 3. La désapprobation est un reproche qui s’adresse à des gens négligents ou insouciants. (Le Pédagogue) utilise ce procédé pédagogique par la bouche d’Isaïe : « Écoute, ciel, et prête l’oreille, terre, car le Seigneur a parlé : j’ai engendré des (ils et je les ai élevés, mais ils se sont révoltés contre moi. Le bœuf reconnaît son acquéreur et l’âne la crèche de son maître, mais Israël ne m’a pas reconnu » 4. N’est-il pas épouvantable, en effet, que celui qui a vu Dieu nc reconnaisse pas le Seigneur ? Le bœuf et l’âne, ces bêtes sottes et stupides, reconnaîtront celui qui les nourrit tandis qu’Israël sera trouvé, plus que ces bêtes encore, dépourvu de raison. Et il marque beaucoup de désapprobation à son peuple par Jérémie : « Et ils m’ont abandonné, dit le Seigneur ·. n 1. La réprimande est un blâme destiné à réprimer, 78 ou un reproche cinglant (Le Pédagogue) use de ce 7. Is., 1, 2-3. 8. Jér., 2, 13.19. 9. Encore une explication étymologique : ixf—πλήξις,— πληκτική, πληχτ«χος. 250 TJ VUE i πληκτικός, κέχρηται δέ καί ταύτη τή θεραπεία δ παιδαγωγός διά ‘Ησα'ίου λέγων· ο. ούαί τέκνα άποστάται, τάδε λέγει κύριος· έποιήσατε βουλήν ού δι' έμοΟ, καί συνθήκας ού διά τού πνεύ­ ματός μου. » Στύμματιδέ αύστηροτάτω παρ’ έ'καστα προσχρήται τώ φό8ω, άυαστομών άμα καί έπιστρέφων δι' αύτοΟ πρδς σωτηρίαν τδυ λαόν, καθάπερ καί τά βαπτόμενα τών ερίων προστύφεσθαι φιλεΐ εις βεθαίαυ εύτρεπι&όμευα τής βαψής παραδοχήν. 2 ‘Ελεγχος δέ έστιν προφορά αμαρτίας εις τδ μέσον φέρουσα. Τούτω μάλιστα συγχρήται ώς άυαγκαίω τώ τρόπω τής παιδα­ γωγίας διά τό έκλυτου τής τών πολλών πίστεως. Λέγει μέν γάρ διά ‘Ησα'ίου «έγκατελίπετε τδν κύριον καί παρωργίσατε τόν άγιον τοΟ ’Ισραήλ. « Λέγει δέ καί διά Ίερεμίου· <ϊ έξέστη δ ούρανδς επί τούτω καί έφρίξεν επί πλείω ή γή· δτι δύο καί πονηρά έποίησεν δ λαός οδτος* έμέ έγκατέλιπον, πηγήν δδατος ζώντος, καί ώρυξαυ λάκκους συντετριμμένους, οΐ ού δυυήσον3 ται συσχειν ύδωρ.» Καί πάλιν διά του αύτοΟ· « αμαρτίαν ήμαρτεν Ιερουσαλήμ· διά τοΟτο εις σάλον έγέυετο* πάντες οί δοξάζοντες αύτήν ήτίμασαν αύτήν. δτι είδον άσχημοσύνην 4 αύτής. > Τδ δέ αύστηρδν τοΟ ελέγχου καί έπιπληκτικδν διά Σολομώντος παραμυθούμενος λέγει αϊνιττόμευος κατά τό παρασιωπώμενον τδ φιλότεκνου τής παιδαγωγίας* « υιέ μου, μή δλιγώρει παιδείας κυρίου, μηδέ έκλύου ύπ’ αύτοΟ ελεγχό­ μενος* 8ν γάρ άγαπδ κύριος, παιδεύει, μαστιγοί δέ πάντα υιόν, ου παραδέχεται», "ότι α άμαρτωλός άνθρωπος έκκλίνει έλεγμόν. » ’Ακολούθως τοίνυυ « έλεγχέτω με δίκαιος» ή γραφή λέγει < καί παιδευσάτω με, έλαιον δέ άμαρτωλοΟ μή λιπανάτω τήν κεφαλήν μου ». 79,1 Φρένωσις δέ έστι ψόγος φρενών έμποιητικός. Ούδέ τούτου 1. 2. £>., 3. 4. 5. 6. If., 30, 1. La comparaison avec la teinture sc retrouve chez Sénèque,. 71, 31. Je., 1, 4. Jér., 2, 12-13. 1, 8. Prop., 3, 11-12. CHAPITRE IX ‘8,1—79,i 251 remède lorsqu’il dit par Isaïe : « Hélas, les enfants se sont révoltés ; voici ce que dit le Seigneur : vous avez fait un projet, qui n’est pas le mien et des pactes que je n’inspire pas '. » Dans chaque cas, il fait usage de la crainte, comme d’un astringent très rude ; par la crainte, il ouvre les plaies en même temps qu’il convertit le peuple au salut ; c’est ainsi que l’on a l’habitude de traiter par des astringents les brins de laine teints, afin qu’ils soient bien préparés à recevoir la teinture a. 2. Le blâme est l’exposé public des fautes. (Le Péda­ gogue) se sert beaucoup, parce que c’est nécessaire, de cette méthode pédagogique à cause du relâchement de la foi du grand nombre. Il dit par la bouche d’Isaïe : « Vous avez abandonne le Seigneur cl vous avez méprisé le saint d’Israël 8 » et, par Jérémie : « Le ciel a été stupéfait de cela et la terre a frémi davantage, car c’est un double méfait que mon peuple a commis: ils m’ont abandonné, moi, la source d’eau vive, et ils se sont creusé des citernes lézardées qui ne tiendront pas l’eau ♦. » 3. Et, de nou­ veau, par le même prophète : « Jérusalem a péché et h cause de cela clic a été agitée; tous ceux qui l’honoraicnt la mé­ prisent, car ils ont vu son indécence6.» 4. (Le Pédagogue) atténue la rudesse et le ton répressif de l’accusation, lorsqu’il encourage par la bouche de Salomon, pour faire comprendre par prétérilion l’indulgcnco de sa pédagogie : «Mon fds, ne méprise pas la correction du Seigneur et ne te dérobe pas à ses accusations ; car le Seigneur corrige celui qu’il aime et il fouette tout fds qu'il reçoit’», car «l'homme pécheur évite le reproche78 .» Et, par la suite, l’Ecriture dit encore : « Que le juste m’accuse et qu’il me corrige; mais que l'huile du pécheur n’orne jamais ma tète · ! » 1. La remontrance est un reproche qui rend plus 7. Sirac., 35,17 (32,21). 8. Pit. Vi0,5. 252 LIVRE I άπέσχηται τοϋ τρόπου τής παιδαγωγίας, άλλα διά Ίερεμίου φησίν· «έως τίνος κεκράξομαι καί ούκ είσακούσονται; ιδού απερίτμητα τά ώτα αύτών. » Ώ τής μακαρίας άνεξικακίας. Καί πάλιν διά τοϋ αύτοΟ* « άπερίτμητα πάντα τά έθνη, ό δέ λαός ουτος άπερίτμητος καρδία. » «. 'Ότι λαός άπειθής έστιν, οι υίοί », φησίν, ο οΐς ούκ έστι πίστις». 2 ‘Επισκοπή δέ έστιν έπίπληξις σφοδρά. Κέχρηται τώ εϊδει τούτω έν εύαγγελίω* «Ιερουσαλήμ 'Ιερουσαλήμ, ή άποκτείνουσα τούς προφήτας καί λιθοβολούσα τούς άπεσταλμένους πρδς αύτήν. » Καί ή έπαυαδίπλωσις τοϋ δνόματος ισχυράν τήν έπίπληξιν πεποίηται. Ό γάρ είδώς τδν θεδν πώς τούς 3 διακόνους τοϋ θεοϋ διώκει; Διά τοϋτο φησίν· « άφίεται δ οΐκος ύμών έρημος, λέγω γάρ ύμιν άπάρτι ού μή ΐδητέ με, έως άν εϊπητε· εύλογημένος δ ερχόμενος έν δνόματι κυρίου. » Εί γάρ ού δέχεσθε τήν φιλανθρωπίαν, έπιγνώσεσθε τήν έξουσίαν. 80,1 Λοιδορία δέ έστι ψόγος έπιτεταμένος. Κέχρηται δέ τή λοιδορία έν φαρμάκου μοίρα διά Ήσαίου λέγων <■ ούαί έθνος άμαρτωλόν, υίοί άνομοι, λαός πλήρης άμαρτιών, σπέρμα πονηρόν » κάν τώ εύαγγελίω διά Ίωάννου « όψεις » φησίν « γεννήματα έχιδνών ». 2 "Εγκλησις δέ έστι ψόγος άδικούντων. Τούτω τώ παιδαγωγήματι διά Δαβίδ κέχρηται, « λαός, δν ούκ έγνων », λέγων « έδούλευσέν μοι καί είς άκοήν ώτίου ύπήκουσέν μου, υίοί άλλότριοι έψεύσαντό μοι καί έχώλαναν άπδ τών τρίδων αύτών », καί διά Ίερεμίου" « καί έδωκα αύτή βιβλίου άποστα1- Toujours ces à-peu-près étymologiques : φρέναβκ, ρρενών έμπο·.ηπκόί. 2. Jêr., fi, ΙΟ et cf. Hab. I,2. 3. Jêr., 9, 26. 4. Cf. Is.. 30, 9. 5. Terme biblique (il est très rare chez les auteurs païens) qui évoque la «visite» redoutable de Dieu, le ajoura do Yahvé : I Pierre, 2, 12. Cf. Beyer dans Kittbl, Theol. Wbrterbuch, t. II, p. 602-604. 6. Mallh., 23, 37. 7. Mallh., 23, 38-39. chapitre IX 79,1 —80,2 253 réfléchi x. (Le Pédagogue) ne se prive pas non plus de ce mode de pédagogie. Il dit par la bouche de Jérémie : « Jusques à quand vais-je crier sans qu’ils m’écoulent ? Voici : leurs oreilles sont incirconcises 8. » O bienheureuse résignation ! Et il dit encore par le même prophète : u Toutes les nations sont incirconcises, mais ce peuple-là a le cœur incirconcis 3 !» « Car c’est un peuple indocile », dil-il, « ce sont des fils qui n’ont pas de foi *. » 2. La réprobation 5 est une réprimande sévère. (Le Pédagogue) l’utilise dans Γ Evangile : « Jérusalem, Jérusa­ lem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés “. » La répétition du nom rend plus forte la répri­ mande. Comment en effet celui qui connaît Dieu peut-il persécuter les serviteurs de Dieu ? 3. C’est pourquoi il ajoute : « Votre maison est laissée déserte, car je vous le dis : désormais vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez : béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » Si en effet vous ne recevez pas la bonté (de Dieu), vous connaîtrez son autorité. 1. L’invective est un reproche très fort. Le Pédagogue 80 fait usage de l'invective, en guise de médication, lorsqu’il dit par la bouche d’Isaïe : « Ah '. nation pécheresse, enfants iniques, peuple chargé de crimes, race malfaisante ® ! » et lorsqu’il dit dans Γ Évangile, par la voix de Jean : « Ser­ pents, race de vipères 6 ! » 2. L’accusation est un reproche adressé aux pécheurs. Le Pédagogue utilise ce procédé par l’intermédiaire de David : «Un peuple que j'ignorais, dit-il, s’est mis à mon service et dès qu’il m’entendit il m’obéit. Les fils étrangers m’ont trompé et boitent en quittant leurs sentiers habi­ tuels 10 »; et par la voix de Jérémie il dit : « Je lui ai donné 8. h., 1, 4. 9. Ces paroles sont en réalité placées dans la bouche de Jésus {.Mallh., 23, 33) ; Clément a dans l'esprit les invectives du Baptiste, Matth., 3, 7 et pareil., où figure bien l'expression « race de vipères », mais non « serpents » ! 10. Pi. 17, 44-46. 254 L1VBE I σίου, καί ούκ έφοδήθη <ή> ασύνδετος ’Ιούδα », αυθίς τε· « καί ήθέτησεν είς έμέ δ οίκος ’Ισραήλ, καί δ οΐκος Ιούδα έψεύσατο τφ κυρίφ. » 3 Μεμψιμοιρία δέ έστι λάθριος ψόγος, τεχνική βοηθεία καί αύτή σωτηρίαν οίκονομουμένη έν παρακαλύμματι. Κέχρηται δέ αύτή διά Ίερεμίου* « πώς έκάθισεν μόνη ή πόλις ή πεπληΘυμμένη λαών ; έγενήθη ώσεί χήρα· άρχουσα χωρών έγενήΒη είς φόρους· κλαίουσα εκλαυσεν έν νυκτί. » 81,1 Διάσυρσις δέ έστι ψόγος διασυρτικός. Καί τούτφ κέχρηται τφ βοηΟήματι δ θείος παιδαγωγός διάΊερεμίου λέγων* « δψις πόρνης έγένετό σοι, άπηναισχύντησας πρδς πάντας. Καί ούχ ώς οίκον έκάλεσάς με καί πατέρα καί άρχοντα τής παρθενίας σου ; » Καί «πόρνη καλή καί έπίχαρις, ήγουμένη φαρμάκων ί. Τεχνικός πάνυ τήν παρθένον τώ τής πορνείας ένυθρίσας όνόματι. αύθις επί τήν σεμνότητα έντρέπων μετακαλεΐται. 2 Κατανεμέσησις δέ έστιν έπιτίμησις νόμιμος ή έπιτίμησις τών υιών12345678παρά τοπροσήκον έπαιρομένων. Ταύτη διά Μωσέως έπαιδαγώγει, « τέκνα » λέγων « μωμητά, γενεά σκολιά καί διεστραμμένη, ταΟτα κυρίω ανταποδίδατε ; Οδτος λαός μωρός καί ούχί σοφός. Ούκ αύτδς οδτος δ πατήρ έκτήσατό σε; » Καί διά ‘Ησαίου φησίν· «. οί άρχοντές σου άπειθοΟσιν, κοινωνοί κλεπτών, άγαπώντες δώρα, διώκοντες άνταπόδομα, δρφανοίς ού κρίνοντες. » 3 Καθόλου δέ ή περί τδν φόβον αύτοΟ τεχνολογία σωτηρίας έστι πηγή, άγαθοϋ δέ γε τδ σώζειν· « έλεος δέ κυρίου επί πάσαν σάρκα· έλέγχων καί παιδεύων καί διδάσκων ώς ποιμήν a. υ:.ών Hervel : όδ' ών Μ1 άδών corr. Slülilin Γ.αίδων Diiidorf νόμφ Schwartz δγζω? Mi'mzel 1. Jêr., 3, 8. 2. Jér., 5, 11-12. 3. ÏMmertl., 1, 1-2. 4. Jér., 3, 3-4. 5. Nidtum, 3, 4. 6. Texte incertain : nous lisons υιών avec liervct, au lieu de οδών (de όδ'ών M1, que garde Stiihlin). 7. De.id., 32, 5-6. 8. Is., t, 23. CHAPITRE IX 80,2—81.3 255 son acte de divorce et la perfide Juda n’a pas ch de crainte1», et encore : « Et la maison d’Israël m’a trahi et la maison de Juda a renié le Seigneur 2. » <3. La plainte est. un reproche déguise ; par un secours habile, elle aussi travaille à notre salut, d’une façon voilée. Le Pédagogue en use dans Jérémie : « Comment s’est-elle assise à l’écart, la ville si populeuse ? Elle est devenue comme une veuve. Princesse parmi les contrées, elle est réduite «à la corvée ; elle passe ses nuits à pleurer ®. » 1.La raillerie est un reproche fait pour railler. Le divin 81 Pédagogue utilise également ce moyen d’aider, lorsqu’il dit par Jérémie : « Tu pris un visage de prostituée, tu as rejeté toute pudeur devant tout le momie. Et ne m’as-tu pas appelé à la maison, moi ton père et le maître de ta jeunesse 3 4*?» « La belle et gracieuse prostituée, maîtresse en l’art des remèdes 6 ! » Avec beaucoup d’habileté, il a insulté la jeune fille du nom de prostituée et ensuite, changeant de ton, il l’invite à retrouver sa dignité. 2. La réprobation est un blâme fondé sur la loi ou encore un blâme adressé aux fils* qui se sont révoltés contre le devoir. C’est de cette manière qu’il faisait son office de Pédagogue en disant par Moïse : «Enfants blâmables, géné­ ration fourbe et tortueuse, est-ce là ce que vous rendez au Seigneur ? Ce peuple est insensé et sans sagesse. N’est-ce pas lui, ton père, qui t’a acquis 7 ? » Et par la voix d’Isaïe il dit : «'l’es princes n’obéissent pas, ce sont des compagnons de gredins, ils sont avides de cadeaux, ils courent après les récompenses, ils ne font pas droit aux orphelins 8. » 3. D’une façon générale, l’emploi La valeur péda­ fort habile qu’il fait de la crainte est gogique de la source de salut *. Or sauver est un crainte. acte de bonté. « La pitié du Seigneur est pour toute chair ; il accuse, il corrige, il enseigne, 9. Après ce dossier lexicographique, Clément revient à la thèse anti, gnostiquedu présent chapitre : la sévérité de Dieu n'exclut passa bonté. 256 Livni·: ι τό ποίμνιον αύτοΟ. Τούς ενδεχομένους παιδείαν έλε& καί τούς κατασπουδάζοντας εις κόλλησιν αύτώ»· καί ταύτη τί} άγωγή « έξακοσίας χιλιάδας πεζών, τούς έπισυναχθέντας έν ή έσχον σκληροκαρδία, μαστιγών, ελεών, τύπτων, Ιώμενος, έν οίκτιρμφ καί παιδείφ διεφύλαξεν 9. « Κατά γάρ τδ πολύ έλεος αύτοΟ, ούτως καί δ έλεγχος αύτοΟ. » Καλάν μέν γάρ τά μή άμαρτειν, άγαθάν δέ καί τά άμαρτόντα μετανοειν, ώσπερ δριστον τά 82.1 ύγιαίνειν άεί, καλάν δέ καί τά άνασφήλαι τής νόσου. Ταύτη τοι καί διά Σολομώντος παραγγέλλεται1 « σύ μέν £άβδω πάτα­ γον τδν υιόν, τήν δέ ψυχήν αύτοΟ εκ θανάτου ρϋσαι. » Καί πάλιν· « μή άπόσχη νήπιον παιδεύων, εύθυναι δέ αύτδν £άβδω, 2 ούγάρ θανειται. » * Ελεγχος γάρ καί έπίπληξις, ώσπερ ουν καί τούνομα αίνίττεται, αδται πληγαί ψυχής είσι, σωφρονίζουσαι τάς άμαρτίας καί θάνατον άπείργουσαι, είς δέ τήν σωφροσύ3 νην άγουσαι τούς είς άκολασίαν ύποφερομένους. Ταύτη τοι καί Πλάτων τήν μεγίστην τής έπανορθώσεως δύναμιν καί τήν κυριωτάτην κάΟαρσιν τδν έλεγχον είδώς άκολούθως τώ λόγφ τδν τά μέγιστα άκάθαρτον δντα άπαϊδευτόν τε καί αισχρόν γεγονέναι διά τά άνέλεγκτον είναι βούλεται, ή καθαρώτατον καί κάλλιστον έπρεπεν τδν δντως έσόμενον εύδαίμονα είναι. 4 Εϊ γάρ « οί άρχοντες ούκ εϊσί φόβος τφ άγαθώ έργω », πώς ό φύσει αγαθός θεάς φόβος έσται τώ μή άμαρτάνοντι ; « ’Εάν δέ 83.1 τά κακόν ποιής, ψοβοΟ », ή φησίν δ άπόστολος. Διά τοΟτό τοι καί αύτός δ άπόστολος έπιστύφει παρ’ έκαστα τάς έκκλησίας κατ' εικόνα κυρίου καί συναισθόμενος τής έαυτοΟ παρρησίας καί τής τών άκουόντων άσθενείας πρδς τούς Γαλάτας λέγει' 1. 2. 3. 4. 5. Sirac., 18, 13. Cf. Sirac., 16, 10 et suiv. Sirac., 16, 12. Cf. ci-dessus § 4, 3. Comparaison empruntée à PiiiLON, de Abrah., 26 ; v. enco: Sextus le Pythagor., Sentences, 283 (p. 44 Chadwick). 6. Proi»., 23, 14. 7. Cf. Prov., 23, 13. 8. Platon, Soph., 230 DE. 9. Pom., 13, 3. 257 CHAPITRE IX 81,3- 83,1 comme le berger son troupeau. Il a pitié de ceux qui reçoivent, sa correction et qui cherchent avec zèle à s’unir à lui *. » Par ce traitement, a six cent mille hommes à pied, qui s’étaient ligués dans la dureté de leur cœur, en frappant, en ayant pitié, en battant, en guérissant, il les garda dans la compassion et dans la correction 2 ». « Autant que sa miséricorde, est grande sa sévérité 3. » Car s'il est beau de ne pas pécher, il est beau aussi que le pécheur se convertisse 4, exactement comme la santé perpétuelle est chose excellente, mais chose bonne aussi de retrouver la santé après la maladie R. 1. C’est ainsi qu’il proclame 82 par Salomon : « Frappe ton fils du bâton, mais son âme, délivre-la de la mort ° », et encore : « Ne ménage pas au tout-petit la correction, rcdressc-le d’un coup de bâton, et il ne mourra pas » 2. Le blâme et la réprimande, comme leurs noms l’indiquent, sont des coups qui frappent l’âme : ils modèrent les péchés, repoussent la mort, et mènent à la tempérance ceux qui se laissent aller à la licence. 3. Platon, lui aussi, reconnaît la très grande force de la correction et l’immense purification qu’est le blâme ; et, s’accordant en cela avec le Logos, il soutient que l’homme qui a commis les plus grandes impuretés est devenu incorrigible et vicieux parce qu’on ne l’a pas blâmé, alors qu’il convenait à l’homme réellement destiné à la félicité d’être tout à fait pur et beau *. 4. Si, en effet, « les magistrats ne sont pas à craindre quand on fait le bien ’», comment Dieu, qui est naturellement, bon, seraitil à craindre pour qui ne pèche pas ? «Mais si tu fais le mal, crains », dit Γ Apôtre 1. C’est pourquoi lui-même 83 adresse des remontrances aux Églises, l’une après l’autre, suivant l’exemple du Seigneur. Conscient de sa propre assurance et en même temps de la faiblesse de ses audi­ teurs, il dit aux Galates : « Suis-je devenu votre ennemi 10. Rom., 13, Le Pédagogue. î. 17 258 LIVRE I 2 ο: εχθρός ύμών γέγονα άληθεύων ύμΐν ; » ‘Ως δέ οί ύγιαίνοντες ού χρήζουσιν ίατροΰ, -παρ’ δσον έ’ρρωνται, οί δέ νοσοϋντες έπιδέονται τής τέχνης, ούτως καί ήμεΐς οί έν τώ βίω , νοσοϋντες -περί τε τάς επιθυμίας τάς έπονειδίστους περί τε τάς άκρασίας τάς έπιψογους καί περί τάς αλλας των παθών φλεγμονάς τοϋ σωτήρος έπιδεόμεθα· 8 δέ ού μόνον τά ήπια έπιπάσσει φάρμακα, άλλά καί τά στυπτικά. Ί στάσιν γοϋν τών ι άμαρτιών τάς νομάς αί πικραί τοβ φόθου ρίζαι· διό καί σωτή- | ριος, εΐ καί πικρός, ό φόβος. 3 Εικότως άρα σωτήρος μέν οί νοσοϋντες δεόμεθα, οί -ιεπλανημένοι δέ τοϋ καθηγησομένου καί οί τυφλοί τοϋ φωταγωγήσοντος καί οί διψώντες τής πηγής τής ζωτικής, άφ’ ής οί μεταλαδόντες ούκέτι διψήσουσιν, καί οί νεκροί δέ τής ζωής ένδεείς καί τοϋ ποιμένος τά πρόβατα καί οί παϊδες τοΟ παιδαγωγού, άλλά καί πάσα ή άνθρωπότης Ίησοϋ, ϊνα μή άνάγωγοι καί αμαρτωλοί είς τέλος τής καταδίκης έκπέσωμεν, διακριθώμεν δέ τών άχυρμιών καί εϊς τήν πατρώαν αποθήκην σωρευθώμεν· « τό γάρ πτύον έν τή χειρί (■ τοϋ κυρίου, ω άποκρί84,1 νεται τοΟ πυροϋ τό άχυρου τό όφειλόμενον τώ πυρί. Εξόν δέ, εΐ βούλεσθε, τοϋ παναγίου ποιμένος καί παιδαγωγού, τοϋ παντοκράτορος καί πατρικού λόγου, τήν άκραν σοφίαν καταμανθάνειν ήμιν, ένθα άλληγορεί. ποιμένα εαυτόν προβάτων 2 λέγων· έστι δέ παιδαγωγός νηπίων. Φησίν γοϋν διά ’Ιεζεκιήλ πρδς τούς πρεσθυτέρους αποταθείς καί τινα αύτοις σωτήριον παρατιθέμενος εύλογου φροντίδας ύπογραμμόν « καί τό χωλόν 1. Gal., 4, 16. 2. Cf. Mallh., 9, 12 ci pa rail 3. Expression homérique : Iliade, IV, 218; XI, 515, 830. 4. Souvenir J'Esuhyle : v. J. Dumortier, Le vocabulaire rnédi- \ cal d’Eschyle cl les écrits hippocratiques, Paris, 1935, p. 59 et GO, n. 1. 5. Expression classique : cf. Aputonios dans Spenoel, Rhetores, Graeci, 11, p. 23, 1, 14. G. Cf. Jean, 4, 14. 7. Cf. ci-dessus §11, 2, la même réminiscence de Platon, Lois, VU, 80S D. 8. Cf. Mallh., 3, 12 et paraît. 9. On reconnaît le titre (cf. aussi 1 ί I, hymne, v. 12} que l’Apoc., chapitre ix 83,1 —84,2 259 en vous disant la vérité 1 ? » 2. Les gens en bonne santé n’ont pas besoin du médecin 2 tant qu’ils vont bien ; les malades au contraire réclament son art. De la même manière, nous qui dans cette vie sommes malades par nos désirs répréhensibles, par nos intempérances blâmables, par toutes les autres inflammations de nos passions, nous avons besoin du Sauveur. Il nous applique de doux remèdes 3* , mais également des remèdes amers : les racines amères ‘ de la crainte arrêtent les ulcères des péchés 6. C’est pourquoi la crainte, même si elle est amère, est salutaire. .Le Logos , . sauveur, 3. Nous avons donc besoin,. nous ,berger, peda. . les, malades, de . .’ du Sauveur ; égarés, ® . £Ogue celui qui nous guidera ; aveugles, de celui qui nous donnera la lumière ; assoiffés, de la source d’eau vive, et ceux qui en boiront n’auront plus jamais soif e ; morts, nous avons besoin de la vie : troupeau, du berger ; enfants, du pédagogue 7 ; et toute l’humanité a besoin de Jésus : de peur que, sans éducation, pécheurs, nous ne tombions dans la condamna­ tion finale ; il faut, au contraire, que nous soyons séparés de la paille et entassés « dans le grenier » du Père. « La pelle à vanner est. dans la main» du Seigneur et avec elle il sépare du blé la baie vouée au feu 8. 1. Si vous le 84 voulez, nous pouvons comprendre la suprême sagesse du très saint Berger et Pédagogue, qui est le Maître de tout fl et le Logos du Père, lorsqu’il emploie une allégorie et se donne le nom de berger du troupeau10 ; mais il est aussi le pédagogue des tout-petits. 2. C’est ainsi qu’il s’adresse assez longuement par Ézéchiel aux anciens et qu’il leur donne l’exemple salutaire d’une sollicitude bien avisée : 1, 8 donne au «Seigneur Dieu » : une foi» de plus, Clément ne dis­ tingue pas entre Père et Fils ; cf. pareillement Hippolyte, c. Noël., 6, p. 2Ί5, 1. 14-16 Nnutin. 10. Jean, 10, 2 s. 260 LIVRE I καταδήσω καί τά όχλούμενον ίάσομαι καί τά πλανώμενον έπ ιατρέψω καί βοσκήσω αύτούς έγώ είς τά δρος τά &γιόν μου. » ΤαΟτ' έστιν άγαθοΟ ποιμένος επαγγέλματα· βόσκησον ήμδς 3 τούς νηπίους ώς πρόδατα. Ναι, δέσποτα, τής σής πλήρωσον νομής, τής δικαιοσύνης· ναί, παιδαγωγέ, ποίμανον ήμδς είς τά άγιόν σου δρος, πράς τήν έκκλησίαν, τήν ύψωμένην, τήν ύπερνεφή, τήν άπτομένην ούρανών. « Καί έσομαι », φησίν, « αύτών ποιμήν καί έσομαι εγγύς αύτών » ώς ό χιτών τοΟ χρωτάς αύτών σώσαι βούλεται μου τήν σάρκα, περιβαλών τδν 4 χιτώνα τής αφθαρσίας, καί τάν χρώτά μου κέχρικεν. « Καλέσουσί με », φησί, « καί έρώ· ιδού πάρειμι. » Θάττον ύπήκουσας ή προσεδόκησα, δέσποτα* « καί έάν διαθαίνωσιν, ούκ όλισθήσουσι, λέγει κύριος. » Ού γάρ πεσούμεθα είς φθοράν οί διαδαίνοντες είς αφθαρσίαν, δτι άνθέξεται ήμών αύτός· έφη γάρ αύτάς καί ήθέλησεν αύτός. 85,1 ΤοιοΟτος ήμών ό παιδαγωγός, άγαθάς ένδίκως. « Ούκ ήλθου », φησί, « διακονηθήναι, άλλα διακονήσαι. » Διά τοΟτο είσάγεται έν τώ εύαγγελίω κεκμηκώς, δ κάμνων ύπέρ ήμών καί « δοΟναι τήν ψυχήν τήν έαυτοΟ λύτρου άντί πολλών » 2 ύπισχνούμενος. Τούτον γάρ μόνον ομολογεί άγαθάν είναι ποιμένα· μεγαλόδωρος ούν δ τά μέγιστον ύπέρ ήμών, τήν ψυχήν αύτοΟ, έπιδιδούς, καί μεγαλωφελής καί φιλάνθρωπος, δτι καί άνθρώπων, εξόν είναι κύριου, άδεί,φάς είναι βεθούληται· δ δέ καί είς τοσοΟτον άγαθάς ώστε ήμών καί ύπερ3 αποθανεϊν. "Αλλά καί ή δικαιοσύνη κέκραγεν αύτοΟ· « έάν όρθοί 1. Cf. Ézéch., 34, 16. 2. Cf. Ézich., 34, 14. 3. On notera le ton lyrique de cette prière et la densité des rémi­ niscences scripturaires : cf. l's. 14, 1 et paraît ; Ps. il, 2-3 ; Matth. 5, 14 ; Apoc., 21, 2 ; cf. Introduction, p. 69. 4. Cf. Ézich., 34, 23. 5. Cf. 1 Cor., 15, 53 ; l’image de la e tunique » étant un souvenir des o tuniques de peau » de Gen., 3, 21. 6. Cf. Is., 58, 9. 7. Cf. /s.. 43, 2. 8. Cf. I Cor., 15, 42. 9. Mutlh., 20, 28 et paraît CHAPITRE lx 84,2 — 85,3 261 « Je panserai celui qui est boiteux cl je guérirai celui qui est accablé ; je convertirai l’égaré 1 et je les ferai paître sur ma montagne sainte 2. «Telle est la promesse d’un bon berger. Fais-nous paître, nous les tout-petits, comme un troupeau ; 3. oui, Maître, donne-nous avec abondance ta pâture, qui est la justice ; oui, Pédagogue, sois notre berger jusqu’à la montagne sainte, jusqu’à ΓEglise qui s’élève, qui domine les nuages, qui touche aux cieux 3 ! « Et je serai », dit-il, « leur berger et je serai près d’eux 4 », comme la tunique sur leur peau. Il veut sauver ma chair, en la revêtant de la tunique d'incorruptibilité 6, et il a oint ma peau. 4. « Ils m’appelleront », dit-il, « et je dirai : me voici 4 ». Tu as entendu plus vite que je ne m’y attendais, Seigneur. « S’ils traversent, ils ne glisseront pas, dit le Seigneur ». » Nous ne tomberons pas dans la cor­ ruption, en effet, nous qui traversons pour aller vers Fincorruptibilité ", puisqu'il nous soutiendra. Il l’a dit et il l’a voulu. Justice et * C' est nolrc Pédagogue : bon avec jus- 85 « .a tice. « Je ne suis pas venu, dit-il, pour être servi, mais pour servir » (, est pourquoi, dans Γ Évangile, on nous le montre fatigué10, lui qui se fatigue pour nous et qui promet « de donner son âme en rançon pour une multitude11. » 2. Seul le bon berger, dit-il, fait, ainsi12. Quel magnifique donateur, qui donne pour nous ce qu’il y a de plus grand, son âme 13 ! ô le bien­ faiteur, l’ami des hommes, qui a voulu être leur frère14, alors qu’il pouvait être leur Seigneur ! II poussa même sa bonté jusqu'à mourir pour nous ! 3. Mais sa justice s’est 10. Cf. Jean, 4, 6. 11. Malth., 20, 28 et parall. 12. Cf. Jean. 10, 11. 13. Ci. Jean, 15, 13. 14. Cette belle idée, qui aura dans la piété chrétienne une réso­ nance profonde, trouve sa racine dans Hébr., 2, 11. 262 LIVRE 1 πρός με ήκητε, κάγώ δρθδς πρδς ύμάς- εάν -πλάγιοι πορεύησθε, κάγώ -πλάγιός, λέγει κύριος των δυνάμεων >, τάς επιπλήξεις 4 τών άμαρτωλών πλαγίας αιυιττόμενος δδούς. 'H γάρ εύθεΐα καί κατάφύσιν, ήν αίνίττεταιτδ ιώτα τοϋ ΊησοΟ, ή άγαθωσύνη αύτοΟ, ή πρδς τούς έξ ύπακοής πεπιστευκότας άμετακίνητός τε καί άρρεπής. « 'Επειδή έκάλουν καί ούχ ύπηκούετε, λέγει κύριος, αλλά άκύρους έποιεΐτε τάς έμάς βουλάς, τοΐς δέ έμοΐς ελέγχους ού προσείχετε. ο Ούτως δ Κυριάκός έλεγχος 86,1 ωφελιμότατος. Περί τούτων καί διά Δαβίδ λέγει- nγενεά σκολιά καί παραπικραίνουσα, γενεά ήτις ού κατεύθυνεν τήν καρδίαν αύτής, καί ούκ έπιστώθη μετά τοϋ Οεοΰ τδ πνεύμα αύτής. Ούκ έφυλάξαντο τήν διαθήκην τοϋ θεοϋ καί έν τώ νόμω αύτοΟ ούκ ήθελον πορεύεσθαι. ΐ< Αυται αίτίαι παραπικρασμοΟ, οι’ άς δ κριτής έρχεται τήν δίκην έποίσων τοΐς τήν 2 εύξωίαν έλέσθαι μή βεβουλημένοις. Διά τοϋτο αύτοΐς τραχύτερον ένθένδε προσενήνεκται, εϊ πως άναχαιτίσαι τής έπί τδν θάνατον ορμής. Λέγει γοϋν διά Δαβίδ σαφεστάτην* αιτίαν τής Απειλής- « ούκ έπίστευσαν έν τοΐς θαυμασίοις αύτοϋ. "Οταν άπέκτεννεν αύτούς, έξεζήτουν αύτδν καί έπέστρεφον καί ώρθριζον πρδς τον θεδν καί έμνήσθηοαν, δτι δ θεδς βοηθός αύτών έστιν καί δ Οεδς δ ϋψιστος λυτρωτής αύτών έοτιν. » 3 Ούτως οίδεν έπιστρέφοντας αύτούς διά τδν φόβον, τής δέ φιλανθρωπίας αύτοΟ καταπεφρονηκότας. Όλιγωρεΐται μέν γάρ ώς έπίπαν τδ άγαθδν χρηστευόμενον άεί, θεραπεύεται δέ 87,1 ύπομιμνήσκου τώ φιλανΟρώπω τής δικαιοσύνης φοβω. Διττόν a. σαοίοτάτην FM : σαφέστατα την Jackson SUihliil 1. Cf. Lèvil., 26, 21.23.27. 2. Co texte nous a été transmis de façon un peu différente par les chaînes : éd. Stahlin, t. 3, p. 227, n° 58 ; pour le symbolisme, v. Introduction, p. 25-26. 3. Cf. Hom., 1, 5 et parall. 4. Prov., 1, 24-25. 5- Ps. 71, 8.10. 6. Réminiscence du mythe de l’attelage dans le Phèdre, 246 A 8. 7. P$. Π, 32.34-35. 8. La distinction remonte à Platon, Lois, I, 646 E ; cf. Aristote, fr. 184 Rose3. Elle est reprise, avec la meme référence à la crainte CFI A PITH E IX 85,3—87,1 263 écriée : « Si vous venez à moi avec droiture, je serai, moi aussi, droit avec vous ; si vous prenez des chemins tor­ tueux, je me ferai moi aussi tortueux, dit le Seigneur des Puissances *. » Ce qu’il appelle allégoriquement des chemins tortueux, ce sont les réprimandes qu’il adressera aux pé­ cheurs. 4. Sa bonté, elle, est droite et naturelle — clic est symbolisée par la lettre iota du nom de Jésus 2 ; elle est immuable et inébranlable pour ceux qui, par l’obéissance, sont venus à la foi3. « Puisque j’ai appelé et que vous avez refusé, dit le Seigneur, que vous avez négligé mes conseils, et que vous n’avez pas prêté attention à mes reproches ’...» C’est ainsi que le reproche du Seigneur est très utile. 1. Il dit aussi à leur sujet par David : « Une génération 86 tortueuse et exaspérante, une génération qui n’a pas le cœur droit, dont l’esprit n’est pas lidèle à Dieu. Ils n’ont pas gardé l’alliance de Dieu et ils ont refusé de marcher dans sa loi s. » Tels sont les griefs d’exaspération pour lesquels le juge vient rendre le jugement contre ceux qui n'ont pas voulu choisir la bonne conduite. 2. Aussi s’est-il porté ensuite à leur égard à une rudesse plus grande, pour voir s’il pourrait freiner e l’élan qui les mène à la mort. Par la voix de David, il expose très clairement la raison de la menace: « Ils n’eurent pas foi en scs mer­ veilles ; quand il les massacrait, ils le recherchaient et revenaient et veillaient devant Dieu, et se souvenaient que Dieu est leur secours et que Dieu le Très-Haut est leur rédempteur » 3. 11 sait qu’ils sc convertissent sous l’effet de la crainte mais qu’ils font fi de son amour pour eux. Car, d’une façon générale, le bien qui est constamment serviable est tenu en médiocre estime, tandis qu’il est tenu en grand honneur, celui qui ravive le souvenir en suscitant la crainte pleine de bonté de la justice, I. Il 8Ί y a deux sortes de craintes * : l’une s’accompagne de filiale, dans Strom., II, 53, 4. Voet.kbk (p. 269, n. 2) en rapproche saint Ihékjîe, Adv. haer., IV, 13, 2,4. Voir déjà, ci-dessus, 1,33, 3. 261 L1VKE 1 δέ τδ είδος τού φόθου, ών τδ μέν έτερον γίνεται μετά αΙδοΟς, ώ χούνται πολιται μέν πρδς ηγεμόνας άγαθούς καί ήμεις πρδς τδν θεόν, καθάπερ οί παΐδες οί σώφρονες -πρδς τούς •πατέρας· « ίππος γάρ », φησίν, «άδάμαστος έκβαίνει σκληρός, καί υίδς άνειμένος έκδαίνει προαλής* » τδ δέ έτερον είδος τοΟ φόθου μετά μίσους γίνεται, ω δοΟλοι πρδς δεσπότας κέχρηνται χαλεπούς καί 'Εδραίοι δεσπότην ποιήσαντες, ού 2 πατέρα, τδν θεόν. Πολλώ δέ, ο’μαι, καί τώ παντί τδ έκούσιον καί κατά προαίρεσιν τού κατά άνάγκην είς εύσέδειαν δια­ φέρει. » Αύτδς γάρ φησίν, « οίκτίρμων έστίν, ίάσεται τάς άμαρτίας αύτών καί ού διαφθερει· καί πληθυνεί τοΟ άποστρέψαι τδν θυμδν αύτοΟ καί ούκ έκκαύσει πάσαν τήν δργήν αύτοϋ. :♦ “Ορα πώς τδ δίκαιον έπιδείκνυται τοΟ παιδαγωγού τδ περί τάς επιτιμήσεις καί τδ αγαθόν τοΟ ΘεοΟ τδ περί τάς 3 οίκτειρήσεις. Διά τοΟτο δ Δαδίδ, τουτέστι τδ πνεΟμα τδ δι12345 αύτοΟ, άμφω περιλαδών έπί τοΟ αύτοΟ ψάλλει ΘεοΟ· β δικαιο­ σύνη καί κρίμα ετοιμασία τοΟ θρόνου σου* έλεος καί άλήθεια προπορεύσονται πρδ προσώπου σου. » Τής αύτής είναι δυνάμεως δμολογει καί κρίνειν καί εύεργετεΐν ίΐμα γάρ άμφοιν ή 88,1 εξουσία ίή κρίσις." τοΟ δικαίου διακρίνουσα τά εναντία. Καί ό αύτδς δίκαιος καί άγαθός, ό όντως θεός, δ ών αύτδς τά πάντα καί τά πάντα δ αύτός, δτι αύτδς θεός, δ μόνος θεός. Ώς γάρ τδ έσοπτρον τώ αίσχρώ ού κακόν, δτι δεικνύει αύτδν οΐός έστιν, καί ώς ό ίατρδς τώ νοσοΟντι ού κακός δ τδν πυρετόν άναγγέλλων αύτώ, ού γάρ αίτιος τοΟ πυρετοΟ δ ιατρός, άλλά έλεγχός έστι τοΟ πυρετοΟ, ούτως ούδέ δ ελέγχων δύσνους τφ κάμυοντι τήν ψυχήν· ού γάρ έντίθησι τά πλημμεa. [ή κρίσΐί] scripsimus : [η] κοίσ:; Willamowilz Slalilîn 1. Écho de l’optimisme politique du siècle des Antonins et plus généralement du Haut-Empire (cf. Korn.. 13, 3-4 et parall.). 2. Sirac., 30, 8. 3. Meme opposition dans Quis dives salv.9 42. 4. Pô·. 77, 38. 5. P*. 88, 15. CHAPITRE IX 87,1—88,1 265 respect ; c’est la crainte qu’éprouvent les citoyens à l’égard des bons chefs ’, celle que nous éprouvons à l’égard de Dieu, comme les enfants raisonnables l’éprouvent à l’égard de leur père. L’Ecriture dit : « Un cheval mal dressé devient rétif, un enfant laissé à lui-même devient effronté2. » L’autre sorte de crainte s’accompagne de haine : c’cst la crainte des esclaves à l’égard de leurs maîtres sévères, celle des Hébreux qui considéraient Dieu comme un maître, non comme un père. 2. Je pense qu’il y a une différence importante, une différence radi­ cale, entre la piété libre et volontaire et la piété de con­ trainte 3. L’Ecriture dit : « Lui, il est compatissant; il guérira leurs fautes au lieu de les anéantir ; il ne cesse pas de revenir de sa colère au lieu d’enflammer sa fureur *.» Vois comment le Pédagogue révèle sa justice en distri­ buant les châtiments et Dieu sa bonté, en accordant ses miséricordes. 3. Aussi David — c’est-à-dire l’Esprit par son entremise — réunit-il les deux fonctions lorsqu’il dit dans son psaume à propos du même Dieu : « Justice cl jugement sont la préparation de son trône ; pitié et vérité marcheront devant sa face °. » Il reconnaît ainsi que juger et accorder les bienfaits appartiennent, à la meme puissance : dans ces deux activités s’exerce l’auto­ rité du Juste qui discerne les contraires. 1. Le même 88 être est juste et bon, il est véritablement Dieu, il est luimême toutes choses et le même en tout, parce qu’il est Dieu, le seul Dieu. De même que le miroir n'est pas mau­ vais à l’égard de l’homme laid parce qu’il le montre tel qu’il est : de même que le médecin n’est pas mauvais pour le malade lorsqu’il lui annonce qu’il a la lièvre le mé­ decin n’est pas responsable de cette lièvre : il l’accuse ; ainsi n’est pas davantage mauvais celui qui accuse dure­ ment l’homme dont l’âme est malade 6. Il n’introduit pas G. Cette double comparaison est empruntée à Épictète, II, 14, 21. 266 LIVRE I λήματα, τά δέ προσόντα έπιδείκνυσιν αμαρτήματα είς τήν 2 τών δμοίωυ επιτηδευμάτων αποτροπήν. 'Ώστε άγαθός μέν δ θεάς δι' έαυτόν, δίκαιος δέ ήδη δι* ή μάς, καίτοθτοδτι αγαθός. Τό δίκαιον δέ ήμίν διά τοΰ λόγου ένδείκνυται τοΟ έαυτοΟ έκειθεν άνωθεν, "όθεν γέγονεν πατήρ. Πριν γάρ κτίστην· γενέσθαι θεός ήν, αγαθός ήν, καί διά τούτο καί δημιουργός είναι καί πατήρ ήθέλησεν· καί ή τής αγάπης εκείνης σχέσις δικαιοσύνης γέγονεν άρχή, καί τόν ήλιον έπιλάμποντος τόν αύτοΟ καί τόν υιόν καταπέμποντος τόν αύτοθ· καί πρώτος ουτος τήν εξ ούρανών αγαθήν κατήγγειλεν δικαιοσύνην, « ούδείς 2γνω τόν υίόν εί μή ό πατήρ > λέγων, « ούδέ τόν 3 πατέρα εί μή δ υιός ». Αϋτη ή άντιταλαντεύουσα γνώσις έπ’ Ισης δικαιοσύνης αρχαίας σύμβολον. “Επειτα δέ έπί τούς άνθρώπους καταθέθηκεν ή δικαιοσύνη καί γράμματι καί σώματι, τώ λόγω καί τώ νόμω, εις μετάνοιαν τήν άνθρωπότητα βιαξομένη σωτήριον· άγαθή γάρ ήν. Άλλ' ούχ ύπακούεις τώ θεώ· σεαυτόν αίτιώ τόν κριτήν έπισπώμενος. a. χτίστην Μ : χτίσιν 1·' χτίστης Jackson Stahlin CHAPITRE IX 88,1-3 267 en lui les défauts : il montre les fautes qui sont là, afin d’empêcher le retour de pareilles habitudes. 2. Ainsi, Dieu est bon en lui-même : il est. juste, maintenant, à cause de nous, et cela parce qu’il est bon. Or il nous montre sa justice par l’entremise de son propre Logos depuis le moment, aux origines, où il est devenu Père. Avant d’être créateur, en effet, il était Dieu, il était bon, et c’est pour cela qu’il a voulu être aussi créateur et père ’. Cette disposition à l’amour est le principe de sa justice, aussi bien quand il fait luire son soleil 1 2 que lors­ qu’il envoie son fils. Et, le premier, celui-ci annonça la bonne justice venue du ciel 3 : « Nul n’a connu le Fils », dit-il, « sinon le Père », et « Nul n’a connu le Père sinon le Fils 45 . » 3. Cette connaissance réciproque et équilibrée est une image de la justice qui était aux origines ; puis, la justice est descendue chez les hommes, dans la lettre et dans la chair — c’est-à-dire par le Logos et par la Loi 6 — pour contraindre l’humanité à une conversion salutaire : c’est bien qu’elle était bonne. Seulement, tu n’obéis pas à Dieu ! Considère que tu es toi-même respon­ sable de la venue du Juge. 1. Que kl création est issue de la bonté de Dieu : c'était là une autre des prises de position essentielles de la polémique anti-gnostique. De façon plus précise on relèvera dans ce passage le lien établi entre la « génération » du Verbe et la création, caractéristique de la théologie du temps : cf. P. Nautin, Hippolyte, Contre les hérésies, Paris, 1949, p. 196-197, 201-202. 2. Cf. Mallh.t 5, 45. 3. Voelker (p. 83) souligne avec raison cotte belle expression qui résume la these de ces chapitres anti-gnostiques : Justice et Bonté, loin de s’opposer, ne font qu’un en Dieu ; meme doctrine, dans le même contexte polémique, chez saint InÉNéc, III, 25, 2-3. 4. MaUh.t 11, 27 et pareil. 5. Chiasme : la lettre de la Loi et le corps du Verbe incarné. 268 LIVRE I X. ϋΟτι δ αύτδς θεός διά τοϋ αύτοΟ λόγου καί άπείργει τών αμαρτιών άπειλών καί σώζει τήν ανθρωπότητα παρακαλών. Et τοίνυυ τήν περί τδ έπιστύφειν τήν ανθρωπότητα οικο­ νομίαν, αγαθήν ούσαν καί σωτήριον, άναγκαίως ύπό τοΟ λόγου παραλαμβανομένην έπεδείξαμεν πρός τε μετάνοιαν καί πρός τών αμαρτιών τήν κώλυσιν εύθετον γενομένην, εξής &ν εϊη σκοπείν τδ ήπιον του λόγου· δίκαιος γάρ ούτος άποδέδεικται καί τάς ιδίας παρατίθεται γνώμας τάς πρδς σωτηρίαν παρακλητικάς, δι’ ών καί τδ καλδν καί τδ συμφέρον πατρικό 2 θελήματι γνωρίζειν ήμίν βούλεται. Σκόπει δέ ταΟτα’ τδ μέν καλδν τοΟ έγκωμιαστικοΟ, τδ δέ συμφέρον τοΟ συμβουλευτικο0· καί γάρ οδν τού μέν συμβουλευτικού σχέσις τδ προ­ τρεπτικόν καί άποτρεπτικόν, τοΟ δέ εγκωμιαστικού (τδ), επαινετικόν τε καί ψεκτικδν γίνεται. Πώς γάρ έχουσα ή διάνοια ή συμβουλευτική προτρεπτική γίνεται καί πώς έχουσα 3 αποτρεπτική. Ωσαύτως δέ καί τδ Εγκωμιαστικόν πώς μέν έχον ψεκτικδν γίνεται, πώς δέ εχον επαινετικόν· περί δ κατα­ γίνεται μάλιστα δ παιδαγωγός ό δίκαιος δ τού ήμετέρου 4 συμφέροντος έστοχασμένος. Άλλά γάρ τδ μέν ψεκτικδν καί αποτρεπτικόν ε’δος ύποδέδεικται ήμίν ήδη πρότερον, νθν δέ αΰ τδ προτρεπτικόν καί επαινετικόν μεταχειριστέον καί καθάπερ έπί ζυγού τάς ϊσοστασίους άντισηκώσωμεν τοΟ δικαίου πλάστιγγας. 90.1 Τή μέν ουν έπί τά συμφέροντα προτροπή δ παιδαγωγός διά Σολομώντος ώοέ πως χρήται* ν„ εγώ ύμδς, άνθρωποι, παρα­ καλώ καί προίεμαι έμήν φωνήν υίοις άνθρώπων έπακούσατέ μου, σεμνά γάρ έρώ * καί τά εξής. Συμβουλεύει δέ τά 89.1 1. Rappel du § S3, 1. 2. De nouveau (ci. § 66, 1) appel au vocabulaire technique de la rhétorique.·: v. H. I. Μλλπογ, Histoire de Γ tiducalion..., p. 239. 3. Prou., 8, 4.6. CHAPITRE X 89,1—90,1 269 X. Le même Dieu, par l’intermédiaire du même Logos, détourne l’humanité des péchés, en la menaçant, et la sauve, en l’encourageant. 1. Nous avons donc montré que ic procédé qui consiste 89 à adresser des reproches à l’humanité est bon et salutaire 1 et. que, par nécessité, le Logos l'a adopté parce que c’est un procédé capable d’amener an repentir et de faire éviter le péché ; mais il nous reste maintenant à examiner la douceur du Logos. Le Logos est juste, avons-nous démon­ tré. Il offre scs propres avis qui encouragent au salut et par lesquels il veut, de par la volonté de son Père, nous faire connaître le beau et l’utile. Examinons ceci : 2. Le beau est l’objet du genre de l’éloge ; l’utile, celui du genre du conseil. Le genre du conseil a deux formes, l'une qui persuade, l’autre qui dissuade. Le genre de l’éloge en a deux, une pour louer, l’autre pour blâmer. L’intelligence qui conseille, sous un certain aspect, se fait persuasive ; sous un autre, elle se fait dissuasive ; 3. de même, le genre de l’éloge devient sous un aspect un blâme, sous un autre, une louange 2. Voilà ce à quoi s’occupe surtout le Pédagogue juste, qui s’est donné pour but notre intérêt. Mais puisque nous avons déjà parlé du genre du blâme et de la dissuasion, il nous faut maintenant traiter du genre persuasif et laudatif. Nous mettrons ainsi en équilibre, comme sur une balance, les deux plateaux égaux du Juste. Les consens, les en1 La persuasion en vue du 90 couragements et les lc en use lorsqu’il louanges ( Par Salomon : « Humains, c’est vous que j’appelle ; je crie vers les enfants des hommes : écoutez-moi car je vais vous dire des choses importantes 3 » et la suite. Il donne des conseils 270 LIVRE I σωτήρια, δτι ή συμβουλή πρδς αϊρεσίν έστι καί φυγήν έπιτήδειος, καθάπερ ποιεί οιά τοΟ Δαδίδ λέγων « μακάριος άνήρ δς ούκ έπορεύθη έν βουλή ασεβών καί έν όδώ αμαρτωλών ούκ £στη καί έπί καθέδραν λοιμών ούκ έκάθισεν· άλλ' ή έν τώ 2 νόμω κυρίου τό θέλημα αύτοΟ ». Τής δέ συμβουλίας μέρη τρία, τό μέν έκ τών παρεληλυθότων χρόνων λαμβάνον τά παρα­ δείγματα, oîov τΐ έπαθον οΐ Εβραίοι τώ χρυσω είδωλολατρήσαντες έν μόσχω, καί τί έπαθον έκπορνεύσαντες καί τά δμοια, τό δέ έκ τών παρόντων χρόνων κατανοούμενον, oîov αισθητικός καταλαμβανόμενον, ώς εκείνο εϊρηται πρδς τούς έρομένους τόν κύριου «. εί αύτός εί ο Χριστός, ή άλλον περιμένομενϊ· « άπέλθετε καί είπατε ’Ιωάννη· τυφλοί άναβλέπουσιν, κωφοί άκούουσιν, λεπροί καθαρίζονται, άνίστανται νεκροί, καί μακάριός έστιν δς εάν μή σκανδαλισθή έν έμοί». ΤοΟτ’ άρα ήν δπροφητεύων ειρηκεν Δαβίδ « καθώς ήκούσαμεν, ούτως 91,1 καί εϊδομεν ». ‘Εκ δέ τών μελλόντων τό τρίτον συνίσταται μέρος τής συμβουλίας, ω τά άποβησόμενα κελεύει φυλάττεσΟαι· καθδ κάκείνο εΐρηται· οί δέ άμαρτίαις περιπεσόντες «. βληβήσονται είς τό σκότος τό εξώτερον- εκεί έσται δ κλαυθμός καί ό βρυγμός τών δδόντων » καί τά παραπλήσια- ώς έκ τού­ των είναι συμφανές διά πάσης θεραπείας χωροΟντα τόν 2 κύριον είς σωτηρίαν έκκαλεισθαι τήν άνθρωπότητα. Τή δέ παραμυθία παρηγορεί τά άμαρτήματα, μειών μέν τήν επιθυ­ μίαν, άμα δέ καί ελπίδα ένδιδούς είς σωτηρίαν. Φησί γάρ δι' ‘Ιεζεκιήλ- « έάν έπιστραφήτε έξ ‘όλης τής καρδϊας καί εϊπητε πάτερ, άκούσομαι ύμών ώσπερ λαοΟ αγίου. » Καί πάλιν λέγει· 1. Ps. 1, 1-2. 2. Noter au § 87, 1, l'emploi péjoratif du terme « Hébreux ». 3. Cf. Exod., 32. 4. Terme biblique pour désigner l’idolâtrie d’Israël, infidèle à son divin Époux. 5. Cf. Matth., 11, 3-6 et paraît 6. Ps. 47, 97. Matth., g, 12 et paraît 8. Ce texte ne se trouve pas tel que! dans notre ftzèchicl des Septante ; il peut s’agir de réminiscences amalgamées d’Ézéch., 18, 2'1.33.11, etc. Mais comme on lit à peu près exactement la même CHAPITRE X 90,1 —91,2 271 salutaires, le conseil étant, fait pour qu’on le choisisse ou qu’on le rejette. Par exemple, il dit par David : « Heureux est l’homme qui n’est pas allé au conseil des impies, ni dans la voie des égarés ne s’est arrêté, ni au banc des rieurs ne s’est assis, mais sa volonté est dans la loi du Seigneur b » 2. Il v a trois manières de donner des conseils : l’une est de prendre les exemples dans les temps écoulés, par exemple de dire ce qu’ont subi les Hébreux 2 pour avoir rendu un culte idolâtre au veau d’or 3 cl ce qu’ils ont subi pour s’être livrés à la débauche *, ou d’autres exemples semblables. La seconde est de considérer les temps présents, en les saisissant pour ainsi dire sui­ le vif ; c’est par exemple le conseil qui a été donné aux hommes qui demandaient au Seigneur « Es-tu le Christ, ou devons-nous en attendre un autre ?» : « Allez et dites à Jean : les aveugles voient, les sourds entendent, les lépreux sont guéris, les morts ressuscitent et heureux celui pour qui je ne serai pas une occasion de chute °. » Et c’était cela que prophétisait David lorsqu’il disait : « Comme nous l’avions entendu dire, nous l’avons vu également c. » 1. La troisième manière de donner des 91 conseils utilise les événements futurs : elle invite à prendre garde aux conséquences. C’est ainsi qu’il est dit : Ceux qui seront tombés dans des fautes « seront jetés dans les ténèbres extérieures ; là seront les pleurs et les grin­ cements de dents 7. » 11 y a d'autres textes semblables. Ces textes montrent clairement que le Seigneur, par toute sorte de soins, entreprend d’appeler l’humanité au salut. 2. Par l’encouragement, il allège les fautes : il diminue le désir et en même temps il communique l’espérance du salut. 11 dit par la bouche d’Ézéchiel : « Si vous vous tournez de tout votre cœur et dites : Père, — je vous écou­ terai comme un peuple saint s » ; et ailleurs : « Venez à citation dans / Clem., 8. 3, il faut plutôt y voir l’écho d’un rnidrash judéo-chrétien du prophète : v. J. Daniéloo, Théologie du JudéoChristianisme, Paris, 1958, p. 119. 272 LIVRE ι β δεύτε πρός με πάντες οί κοπιώντες καί πεφορτισμένοι, κάγώ αναπαύσω ύμδς » καί τά έπί τούτοις, <&/ αύτοπροσωπεί δ 3 κύριος. Σαφέστατα δέ έπί τήν αγαθοσύνην καλεί διά Σολομώντος λέγων· « μακάριος άνθρωπος, ος ευρεν σοφίαν, καί θνητός, δς ευρεν φρόνησιν. » Τδ γάρ άγαθδν τώ ζητοΰντι εύρίσκεται καί δρδσθαι τώ εύρόντι φιλει. Ναι μήν καί δι’ Ίερεμίου τήν φρόνησιν έξηγείται, « μακάριοί έσμεν, Ισραήλ», λέγων, « δτι τά άρεστά τδ θεδ γνωστά ήμιν έστι », γνωστά δέ διά τοΟ λόγου, δι' δν μακάριοι καί φρόνιμοι. Φρόνησις γάρ ή γνδσις διά τοϋ αύτοϋ προφήτου μηνύεται λέγουτος « άκουε, 4 Ισραήλ, έντολάς ζωής, ένωτίσασθε γνδναι φρόνησιν ». Διά δέ Μωσέως έτι καί προσυπισχνειται δωρεάν διά τήν ύπάρχουσαυ φιλανθρωπίαν τοίς σπεύδουσιν είς σωτηρίαν. Φησί γάρ· α καί είσάξω ύμάς είς τήν γην τήν άγαθήν, ήν ωμοσεν κύριος τοίς πατράσιν υμών »■ πρδς δέ « καί είσάξω ύμάς είς τδ δρος τδ 92,1 άγιον καί εύφρανδ ύμδς » διά ‘Ησαίου λέγει. “Εστι δέ καί άλλο είδος αύτοϋ παιδαγωγίας, ό μακαρισμός· καί « μακάριος έκείνος » διά Δαβίδ λέγει , φησίν] ο δ μή άμαρτών, καί εσται ώς τδ ξύλον τδ πεφυτευμένον παρά τάς διεξόδους των ύδάτων, δ τδν καρπόν αύτοϋ δώσει έν καιρώ αύτοΟ καί τδ φύλλου αύτοϋ ούκ άπορρυήσεται », ταυτί μέν καί πρδς τήυ άυάστασιυ ήυίξατο, « καί πάυτα δσα έάυ ποιήση, κατευοδωθήσεται αύτώ». Τοιούτους ήμδςγενέσθαι βούλεται, ϊν’ ώμεν μακάριοι. 2 “Εμπαλιν δέ τδ άντισοϋυ τοϋ τής δικαιοσύνης ένδεικνύμευος ζυγοϋ ίί [άλλ12 345678 ή] ούχ ούτως :< φησίν « οί άσεβείς, ούχ ούτως, άλλ' ή ώς ό χυοϋς, δν έκριπτεί δ άνεμος άπδ προσώπου τής γής ». Τδ επιτιμίου τών άμαρτωλών καί τδ εύδιαφόρητον 1. Matlh., 11, 28. 2. Prov., 3, 13. 3. Cf. Matlh., Ί, Ί et parall. 4. Baruch, 4, quo Clement attribue à Jérémie; of. ci-dessous,' p. 274, n. 2. 5. Bar., 3, 9. 6. Cf. Deut., 31, 20. 7. Is., 56. 7. 8. Terme qui appartient aussi à la langue de la rhétorique clas­ sique (ainsi Aristote, Rhel., 1367 b, 33), mais qui a ici l'acception CHAPITttE X 91.2 — 92,2 273 moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et moi je vous soulagerai ’ », et encore d’autres paroles que Je Seigneur a prononcées lui-même. 3. Par la bouche de Salomon, il nous convie d’une façon expresse au bien lorsqu’il dit : « Heureux l’homme qui a trouvé la sagesse, le mortel qui a trouvé la science ». » Le bien, en effet, est trouvé par qui le cherche et, d’ordinaire, il se laisse voir par qui l’a trouvé 3. Quant à la science, c’est par la bouche de Jérémie qu’il l’explique : « Heureux sommes-nous, Israël, car ce qui plait à Dieu nous fut révélé ♦. » Oui, ce fut révélé par l’intermédiaire du Logos, et gr«âce à lui nous sommes heureux et savants. Le meme prophète nous indique en effet que la connaissance est une science : il dit : « Écoute. Israël, les principes de vie, tends l’oreille pour connaître la science 4. » 4. Et encore, par Moïse, il promet, à cause de la bonté qui est en lui, un don à ceux qui se bâtent vers le salut. Il dit : « Je vous conduirai en celte bonne terre que le Seigneur a promise à vos pères 4 » et même, il ajoute par Isaïe : « Je vous conduirai à la montagne sainte et je vous réjouirai » 1. Il 92 existe encore une autre forme de sa pédagogie, celle par laquelle il proclame « bienheureux 6 ». Il dit, par David : « Heureux l'homme qui n’a pas péché et qui sera comme l’arbre planté près du cours des eaux, qui donnera son fruit en son temps et dont la feuille ne tombera pas » et, par là, il évoquait la résurrection — « et tout ce qu’il fera réussira. » 11 veut que nous devenions tels, afin que nous soyons bienheureux. 2. Mais dc nouveau il réta­ blit l’équilibre de la balance de sa justice en disant : « Rien de tel pour les impies, rien de tel. Non, ils sont comme la baie emportée par le vent dc la face dc la terre ·. » technique qu'il a reçue (depuis Boni., 4, 6 ; I Clcm., 50, 7) dans la langue chrétienne où il désigne en particulier les Psaumes commen­ çant par lo mot paxxpof, uazactot (Ps. 1, 31,40, 111, 118,127). Cf. Hauck dans Kittel, Theol. Würterbuch, IV, p. 360-367, 370-372. 9. Pe. 1, 1.3.4. Le Pédagogue. I. 1S 274 l.l VUE 1 αύτών καί τδ ΰπηνέμιου δείξας δ παιδαγωγός άπετρεψατο τής αίτιας διά τής έπιτιμίας, καί τήν κόλασιν έπανατεινάμενος τήν κατ’ αξίαν, τής ευεργεσίας ένεδείξατο τήν εύποιίαν, τεχνικώτατα έπί τήν χρήσιν ήμάς καί τήν κτήσιν τών καλών 3 διά ταύτης καλών. Ναι μην καί έπί τήν γνώσιν παρακαλεΐ διά μέν τοΟ Ίερεμίου λέγων- ι. τή δδφ τοΟ θεοθ εΐ έπορεύθης, κατώκεις &ν έν εΙρήνη εις τόν αιώνα. » Ύποδεικνύων γάρ ένταΰθα τόν μισθόν τής γνώσεως εις έρωτα αυτής τούς συν­ ετούς έκκαλεΐται καί τώ πεπλανημένω συγγνώμην νέμων «έπίστρεφε γάρ, έπίστρεφε, ώς δ τρυγώυ επί τόν κάρταλλον αύτοΟ » λέγει. 'Ορ8ς τό άγαθόν τής δικαιοσύνης μετανοειν 93,1 συμθουλευούσης ; *Έτΐ δέ διά Ίερεμίου φωτίζει τοΐς πλανωμένοις τήν αλήθειαν- ο: τάδε λέγει κύριος- στήτε έπί ταΐς όδοΐς καί ϊδετε καί έρωτήσατε τρίδους κυρίου αΐωνίας, ποία έστίν ή τρίδος ή άγαΟή, καί βαδίζετε έν αύτή, καί εύρήσετε άγνισμόν ταις ψυχαΐς ύμών. » ‘ Αγει δέ έπί τήν μετάνοιαν σωτηρίας χάριν τής ήμών. Διά τοΟτό φησιν- εάν μετανοήσης, «. περικαθαριεΐ κύριος τήν καρδίαν σου καί τήν καροίαν τοΟ σπέρμα2 τός σου. » Ένήν μέν οδν συνηγόρους ήμϊν τής ζητήσεως ταύτης έπισπάσασθαι φιλοσόφους, οϊ φασιν επαινετόν είναι μόνον τόν τέλειον, ψεκτόν δέ τόν φαΟλον τυγχάνειν. Άλλ’ έπεί συκοφαντοΟσί τινες τό μακάριον, ώς πράγματ’ ούκ έχον ούτε αυτό ού'τε άλλω τω παρεχόμενου, τήν φιλανθρωπίαν άσυνετοΟντες αύτοΟ, διά τούτους δή καί τούς έ'τι τό δίκαιον ού προσάπτοντας τώ άγαθώ, δδε ο λόγος ήμϊν παρητήθη. 3 Επόμενον γάρ ήν φάσκειν ήμας τό έπιπληκτικόν καί ψεκτικόν 1. Ici Clément ouvre sa perspective jusqu'à l’horizon lointain de l'enseignement du a Maître ». 2. Clément attribue à Jérémie ce verset de Baruch, 3, 13. I.'attri­ bution au grand Prophète du livre de Baruch est fréquente à tra­ vers toute la Patristique : depuis Ihénée, V, 35, 1. 3. Jér., 6, 9. 4. Jér.. 6, 16. 5. Deul.. 30. 6. 6. Il s'agit des stoïciens : cf. Chrysippe, St. V. F., Ill, n° 29 s. CHAPITRE X 92,2 —93,3 275 Lorqu’il montra ainsi le châtiment des pécheurs, et comme il est facile de se débarrasser d’eux, et leur peu de poids dans le vent, le Pédagogue détourna de la faute par révocation du châtiment et, en brandissant la menace de la punition méritée, il révéla la qualité du service qu’il rend, puisque, avec beaucoup d’habileté, par ce moyen, il nous convie à l’usage et à l'acquisition des biens. 3. Oui, certes, il nous convie également à la connaissance l, lorqu’il nous dit par Jérémie : « Si tu marchais dans la voie de Dieu, lu habiterais dans la paix pour toujours '< )> Lorsqu’il suggère ainsi la connaissance promise en récom­ pense, il convie les hommes intelligents à la désirer ; quant à l’homme égaré, il lui accorde le pardon en disant : « Reviens, reviens, comme le vendangeur revient vers sa corbeille 3. » Vois-tu comme sa justice est bonne, elle qui conseille le repentir ? 1. Et encore, par la voix de 93 Jérémie, il met en pleine lumière la vérité pour la montrer aux égarés : « Ainsi parle le Seigneur : placez-vous sur les chemins, voyez et renseignez-vous sur les voies éternelles du Seigneur. Quelle est la voie du bien ? Prencz-la donc et vous trouverez la purification de vos âmes «. » Il nous pousse au repentir pour nous sauver. Aussi dit-il : Si tu le repens, « le Seigneur circoncira ton cœur et le cœur de ta postérité 5. » 2. En cette recherche il aurait été possible de prendre les philosophes comme garants, car ils disent : Seul l’homme parfait est digne de louange, l'homme mauvais est blâmable *. Mais comme certains d’entre eux dénigrent l’Êlre bienheureux, en disant qu’il n'a pas de soucis et qu’il n'en cause à personne, parce qu’ils ignorent sa bonté pour l’homme T, à cause d’eux, et également à cause de ceux qui n’associent pas le juste et le bon, nous avons écarté cc raisonnement. 3. Car il eut fallu dire, en conséquence, que la pédagogie prend la 7. Ici, par contre, il s’agit d’ÉpicvnE : cf. Usener, Epicurea, Sent., I, p. 71. 276 LIVRE I είδος τής παιδαγωγίας αρμόδιον είναι τοϊς άνθρώποις, έπεί πάντας άνΟρώπους φαύλους λέγουσι· σοφός δέ δ Θεός μόνος, άφ' οδ ή σοφία, καί τέλειος μόνος, διά τούτο καί μόνος έπαι94.1 νετός. Άλλάού συγχρώμαι τώ λόγω τώδε, φημί δ' ουν έπαινον ή ψόγον ή έπαίνω τι έοικός καί ψόγω μάλιστα πάντων τοϊς άνθρώποις άναγκαιότατα φάρμακα. Οί μέν ουν δυσίατοι, καθάπερ δ σίδηρος προς τοΟ πυρδς καί σφύρας καί άκμονος, τουτέστιν άπειλής, ελέγχου, έπιτιμήσεως έλαύνονται, οί δέ αυτή προσέχοντες τή πίστει οΤον αύτοδίδακτοι καί προαιρετικοί αύξονται τώ έπαίνω· άρετά γάρ έπαινεομένα δένδρον ως άέξεται. Καί μοι δοκεϊ συνείς τούτο δ Σάμιοςπαραγγέλλειν Πυθαγόρας· δειλά μέν έκπρήξας έπιπλήσσεο, χρηστά δέ τέρπου. 2 Τδ δέ έπιπλήσσειν καί νουθετεϊν καλείται, τδ δέ ετυμολογεί­ ται ή νουθέτησις νού ένθεματισμός, ώς είναι τδ έπιπληκτικδν είδος νοΟ περιποιητικόν. ’Αλλά γάρ μυρίαι <5σαι προσεζεύρηνται παραγγελίαι εις κτήσιν άγαΟών καί φυγήν κακών· 3 « τοϊς γάρ άσεδέσιν ούκ έστιν ειρήνη, λέγει κύριος. » Διά τούτο φυλάττεσθαι τοϊς νηπίοις διά Σολομώντος παραγγέλλει· 0 υιέ, μή πλανήσωσί σε αμαρτωλοί, μηδέ πορευθής μετ' αύτών δδούς, μηδέ πορευΟής, εάν παρακαλέσωσίν σε λέγοντες· έλθέ μεθ' ήμών, κοινώνησον αίματος αθώου, κρύψωμεν δέ εις γήν άνδρα δίκαιον αδίκως, άφανίσωμεν αύτδν ώσπερ “Αιδης 95,1 ζώντα. ι Τούτο μέν ουν καί περί τού κυριακού προφητεύεται πάθους· ύποτίθεται δέ καί δι’ ’Ιεζεκιήλ ή ζωή τάς έντολάς· 1. Clément énonce son enseignement, à la première personne, se substituant en quelque sorte au Verbe-pédagogue (v. QuatBMBer, p. 37. ad n. 79). 2. Bacchylide, fr. 56, Snell. 3. Ps.-Pythaoore, Vers doris, 44. 4. Variation sur le thème ou τόπο; de l'étymologie : cf. déjà, presque do même, I, 76, 1. 5. 1$., 48, 22 et paraît. G. Prov., 2, 10Ί2, cité librement (2, 10 a combiné avec 2, 15 a). 7. Remarquable rappel de la typologie cliristologique dans ce CHAPITRE X 93,3—95,1 277 forme (lu reproche et du blâme, d’une façon bien «adaptée aux hommes, parce que tous les hommes, comme ils disent, sont mauvais; Dieu seul est sage, et de lui vient la sagesse ; lui seul est parfait et par conséquent seul digne de louange. 1. Mais je n’accepte pas ce raisonnement ; 94 je dis au contraire 1 que louange et. blâme, et tout ce qui ressemble à la louange et au blâme, sont des remèdes plus que tous autres nécessaires aux hommes. Ceux qui sont difficiles à guérir, comme le fer est travaillé par le feu, le marteau cl l’enclumc, ils le sont, eux, par la menace, le reproche et le blâme. Les autres, qui d’eux-mêmes se donnent à la foi, comme des gens qui s’instruisent seuls et librement, tireront profit de la louange : « La vertu que l’on complimente comme un arbre s’accroît *. » Pythagore de Samos me semble l’avoir bien compris, lorsqu’il proclame : « Quand t u as fait le mal. réprimande-loi ; quand tu as fait le bien, réjouis-toi 3. » 2. « Reprendre» se dit aussi avertir; or, d’après l’étymo­ logie, l'avertissement est ce qui rend l’esprit averti * ; la répréhension csl donc créatrice d’intelligence. Des milliers d’autres sentences ont. été inventées pour encourager à rechercher le bien et à fuir le mal : « 11 n’y a point, dit le Seigneur, de paix pour les impies 4. » 3. Aussi est-il recommandé aux tout-petits, par Salomon, de prendre garde : « Mon fils, si les pécheurs veulent te séduire, ne fais point route avec eux ; n’y va pas, s’ils t’appellent et te disent : viens avec nous, partageons le sang innocent, faisons disparaître sous la terre injustement l’homme juste, enlevons-Io tout vivant, comme fait l’Hadès ·. » 1. Et cela, c’est en même temps une prophétie de la 95 passion du Seigneur T. Par l’intermédiaire d’Ézéchiel, la contexte moral, qui invitait pourtant à no voir dans les Proverbes que leur sens littéral. 278 LIVRE I « ή ψυχή ή άμαρτάνουσα άποθανείται. '0 δέ άνθρωπος (δς) ίσται δίκαιος, ό ποιόν τήν δικαιοσύνην, ούκ επί των δρέων φάγεται, καί τούς δψθαλμούς αύτοΟ ούκ εθετο επί τά ένθυμήματα οικου Ισραήλ, καί τήν γυναίκα τοΟ πλησίον αύτοΟ ού μή μιάνη, καί πρδς γυναίκα έν άφέδρω ούσαν ούκ έγγιεϊ, καί άνθρωπον ού καταδυναστεύσει, καί ένεχυρασμδν δφείλοντος 2 άποδώσει καί άρπαγμα ούχ άρπάσει, τδν άρτον αύτοΟ τφ πεινώντι δώσει καί γυμνόν περιθαλεί, τδ άργύριον αύτοΟ έπί τόκω ού δώσει καί πλεόνασμα ού λήψεται, καί εξ αδικίας άποοτρέψει τήν χείρα αύτοΟ, καί κρίμα δίκαιον ποιήσει άνά μέσον άνδρδς καί άνά μέσον τοΟ πλησίον αύτοΟ, έν τοίς προστάγμασί μου πεπόρευται καί τά δικαιώματά μου πεφύλακται τοΟ ποιήσαι αύτά· δίκαιος οδτός έστι, ζωή ζήσεται, λέγει κύριος. » ΤαΟτα ύποτύπωσιν Χριστιανών περιέχει πολιτείας καί προτροπήν αξιόλογον είς μακάριον βίον, γέρας εύζωίας, ζωήν αίώνιου. CHAPITRE X 95,1-2 279 Vie 1 donne également des préceptes : « L’âme qui pèche mourra ; l’homme qui sera juste, c’est celui qui fait la justice, qui ne mange pas sur les montagnes, qui n’a pas posé ses regards sur les idoles 23de la maison d’Israël, qui n’a pas souillé la femme de son voisin, qui ne s’approchera pas d’une femme pendant son impureté menstruelle, qui n’opprimera personne, qui rendra ce qu’il a pris en gage, ne commettra pas de rapines, 2. qui donnera son pain ù l’affamé et habillera celui qui est nu, qui ne prêtera pas son argent avec usure et ne prendra pas d’intérêt, qui détournera sa main du mal, et rendra un jugement véri­ dique entre un homme et son voisin, qui s’est conduit selon mes lois et a observé mes prescriptions pour les mettre en pratique, celui-là, est juste, il vivra de vie, dit le Sei­ gneur ». » Ces paroles contiennent une esquisse de la vie chrétienne, un appel admirable à la vie heureuse, à la récompense d’une bonne vie, à la vie éternelle. 1. Clément attribue volontiers au Logos l’inspiration du Γ Ancien Testament (Quatembek, p. 54) ; exceptionnellement il dit ici la Vio, pour le Verbe, on souvenir de Jean, 14, 6. 2. Littéralement : les «imaginations », inventions vaincs. 3. Ézêch., 18, 4-9 (LXX ; le même passage est cité, Strom., II, 135, d’après une autre traduction : Théodotion ?). 280 LIVRE I XI. 'Ότι διά νόμου καί προφητών δ λόγος έπαιδαγώγει. Ό μέν δή τρόπος τής φιλανθρωπίας αύτοϋ καί παιδαγωγίας ώς ένήν ήμίν ύποδέδεικται. Διόπερ παγκάλως αυτός αύτδν έξηγούμενος ο. κόκκω νάπυος » εϊκασευ, καί τοΟ σπειρομένου λόγου τδ πνευματικόν καί τδ πολύχουν τής φύσεως καί τδ μεγαλοπρεπές άμα καί εύαυξές τής δυνάμεως τής λογικής, πρδς δέ καί τής έπιτιμήσεως τδ δηκτικόν καί τδ άνακαΟαρτι2 κδν όνησιφόρον είναι ύπδ δριμύτητος αϊνιττόμενος. Δι" όλίγου γοϋν τοΟ κόκκου τοΟ άλληγορουμένου πάμπολυ, τήν σωτηρίαν, άπάση χαρίζεται τή άνΟρωπότητι. Τδ μέν ούν μέλι γλυκύτατου δν χολής έστι γεννητικόυ, ώς τδ άγαθδυ καταφρονήσεως, δ οή αίτιον τοΟ έξαμαρτάυειν, τδ δέ νάπυ καί τής χολής μειωτικόν, τουτέστι τοΟ ΟυμοΟ, καί τοΟ φλέγματος διακοπτικόν, τουτέστι τοϋ τύφου· έξ οΰ λόγου ή αληθής τής ψυχής ύγεία καί ή 3 άίδιος εύκρασία περιγίνεται. Πάλαι μέν ουν διά Μωσέως δ λόγος έπαιδαγώγει, επειτα καί διά προφητών προφήτης δέ καί δ Μωσής· δ γάρ νόμος παιδαγωγία παίδων έστί δυσήνιων. « Χορτασθέυτες γοΟν », φησίν, ο. άνέστησαν παίζειν », τδ 97.1 άλογον τής τροφής πλήρωμα χόρτασμα, ού βρώμα εϊπών. Έπεί δέ άλόγως κορεοθέντες άλόγως έπαιζον, διά τοϋτο αύτοΐς καί δ νόμος καί ό φόβος ε’ίπετο εϊς άυακοπήν αμαρτημάτων καί προτροπήν κατορθωμάτων, καταρτίζων <εϊς) εύηκοίαν αύτούς τοΟ άληθοΟς παιδαγωγού, τήν εύπείθειαν, εΐς καί δ αύτδς 96.1 1. Cf. Maith., 13, 31 et pareil. 2. Bon exemple de la minutie avec laquelle les Pères scrutent l’Écriture : du grain de moutarde, la parabole évangélique ne sou­ ligne que la petitesse ; Clément trouve ingénieusement à commen­ ter aussi ses propriétés alimentaires ou pharmaceutiques ! 3. Érudition médicale : cf. Galien. De ali/ntnl. facult., III, 39, t. VI. p. 742, Kühn. 4.Souligner l'unité d'inspiration des deux Testaments a une pointe anli-gnôstiquo ot par là cc ch. XI continue bien les précédents. GHAPlTHE XI 96,1 — 97,1 281 XI. Le Logos était le pédagogue par l’intermédiaire de la Loi et des prophètes. I. Nous avons montré, autant que nous avons pu le 96 faire, le caractère de sa bonté cl de sa pédagogie. Il s’est lui-même décrit, en termes excellents, lorsqu’il a fait la comparaison avec un grain de moutarde 1 : il désignait allégoriquement la nature spirituelle et féconde du Logos que l’on sème, sa puissance déjà très grande et encore susceptible d’accroissement, et signifiait en outre que son blâme mordant et purifiant possède une âcrcté béné­ fique 2. 2. Par le moyen de ce petit grain, compris au sens allégorique, c’est une grande chose, le salut, qui est. accordée à l’humanité tout entière. Le miel, qui est. très doux, peut, engendrer la colère, comme le bien, le mépris et c’est la cause du péché ; en revanche, la moutarde peut diminuer même la bile, c’est-à-dire la colère, et elle peut arrêter l’inflammation, c’est-à-dire l’orgueil 3 ; c’est de ce Logos que proviennent pour l’âme la véritable santé et l’équilibre durable. 3. Autrefois, c’était par l’intermédiaire de Moïse que le Logos était pédagogue, puis ce fut par l’intermédiaire des prophètes *. Prophète, Moïse lui aussi le fut. : la Loi est la pédagogie destinée aux enfants difficiles : « Après s’être rassasiés », est-il écrit, « ils se levèrent pour s'amuser 5 » — l’abondance déraison­ nable des aliments est désignée par le mot « se rassasier » au lieu de « sc nourrir ». 1. Mais, comme après s’être 97 déraisonnablement rassasiés, ils s’amusaient déraisonna­ blement, la Loi et la crainte les convoyaient pour refouler leurs péchés, pour les provoquer à des actions droites et les préparer à obéir au véritable Pédagogue, en toute 5. Cf. Exod., 32. 6, cité par I Cor., 10, 7. 282 LIVRE I ών λόγος πρός τά κατεπεϊγον άρμοττόμενος· « τδν νόμον 2 δοθήναι 3 γάρ φησιν ό ΠαΟλος ο. παιδαγωγόν εις Χριστόν 9, ώς έκ τούτου συμφανές εΐναι ένα μόνον άληβινόν, αγαθόν, δί­ καιον, κατ' εικόνα καί όμοίωσιν τοΟ πατρδς υιόν ΊησοΟν, τδν λόγον τοΟ ΒεοΟ, παιδαγωγόν ημών εΐναι, ω παρέδωκεν ήμάς δ θεός, ώς πατήρ φιλόστοργος γνησίω παιδαγωγώ παρακατατι­ θέμενος τά παιδία, διαρρήδην παραγγείλας ήμιν· κουτός έστί 3 μου ό υιός ό αγαπητός, αύτοΟ Ακούετε. » 'Αξιόπιστος ό θειος παιδαγωγός τρισί τοίς καλλίστοις κεκοσμημένος, επιστήμη, εύνοία, παρρησία· επιστήμη μέν 8τι σοφία έστί πατρική, « πάσα σοφία παρά κυρίου καί μετ' αύτοΟ έστιν είς τδν αιώνα »· παρρησία δέ δτι θεός καί δημιουργός, « πάντα γάρ δι' αύτοΟ έγένετο καί χωρίς αύτοΟ έγένετο ούδέ έν »· εύνοία δέ δτι μόνος ύπέρ ημών ίερειον εαυτόν έπιδέδωκεν, ►; δ γάρ Αγα­ θός ποιμήν τήν ψυχήν εαυτοί) τίθησιν ύπέρ τών προβάτων » καί δή έθηκεν. Εύνοια δέ ούδέν άλλ' ή βούλησίς έστιν άγαθοΟ τώ πλησίον, αύτοΟ χάριν εκείνου. 1. Cf. Gal., 3, 24. 2. Remarquable application à la génération éternelle du Vorbo du fameux verset Gcn., 1, 26, relatif à la création de l'homme. 3. Il fallait ajouter cette précision, pour que l'image du pédagogue ne fût pas indigne du Verbe : v. Introduction, p· 16, n. 4. 4. .Matth., 17, 5 et paraît. 5. Le choix de ces trois vertus vient de Platox, Gorg., 487 A. Mais ces termes philosophiques recouvrent en fait des idées chré­ tiennes et ne sont appuyées que par des citations scripturaires : chapitre: xi 97,4-3 283 docilité : c’était le même unique Logos, qui s’adapte selon la nécessité. Paul a dit, en effet : « La Loi a été donnée comme pédagogue pour conduire au Christ1 », 2. ce qui montre clairement que nous avons un seul Pédagogue, seul véritable, bon, juste, fils à l’image et à la ressemblance du Père2, Jésus, le Logos de Dieu, pédagogue auquel Dieu nous a confiés comme un père affectueux remet scs petits enfants à un véritable 3 pédagogue ; et il nous a expressément prescrit ceci : « Celui-ci est mon fils bienaimé, écoulez-le \ » 3. Le divin Pédagogue est bien digne de notre confiance, car il a reçu les trois plus beaux ornements : la science, la bienveillance, l’autorité 5. La science, parce qu'il est la sagesse du Père — « toute sagesse vient du Seigneur et elle est auprès de lui à ja­ mais * » : l’autorité, parce qu’il est Dieu et créateur — « tout fut par lui et sans lui rien ne fut 7 » ; la bienveil­ lance, parce qu’il s’est livré lui-même comme victime unique en notre faveur. «Le bon berger donne sa vie pour scs brebis8», et il la donna, certes. Or la bienveil­ lance n’est rien d’autre que de vouloir le bien de son pro­ chain, pour lui-même °. cf. Quatembeh, p. 76, cl. les observation» générales, si justes, de P. Nautin, « Notes sur le Stromate 1 de Clément d’Alexandrie », Revue d'Hisloire Ecclésiastique, 47, 1952, p. 631. 6. Sirac., 1,1. 7. Jean, 1, 3. 8. Jean, 10. 11. 9. On retrouve cette définition de la « bienveillance ■< dans Strom., II, 28, 3 : elle vient du stoïcien Anoiio.mkos {St. V. III, n° 432, 31}, sans doute par Philon, De plant., 106. 284 LIVRE 1 XII. "Οτι άναλόγως τή πατρική διαθέσει κέχρηται δ παιδαγωγός αύστηρία καί χρηστότητι. 98,1 Τούτων ήδη προδιηνυσμένωυ επόμενον &ν εϊη τδν παιδαγω­ γόν ήμών Ίησοϋν τδν βίον ήμίν τδν άληθινδν ύποτυπώσασθαι καί τδν έν Χριστώ παιδαγωγήσαι άνθρωπον. *Έστι δέ δ χαρα­ κτηρισμός ού φοθερδς άγαν αύτοΟ ούδέ έκλυτος κομιδή ύπδ χρηστότητος. Έντέλλεται οέ άμα καί χαρακτηρίζει τάς έντο2 λάς <ώς ήμ&ς) αύτάς έκτελείν δύνασθαι. Καί μοι δοκεί αύτδς οδτος πλάσαι μέν τδν άνθρωπον έκ χοός, άναγεννήσαι δέ δδατι, αύξήσαι δέ πνεύματι, παιδαγωγήσαι δέ ρήματι, είς υιοθεσίαν καί σωτηρίαν άγίαις έντολαΐς κατευθύνων, ϊυα δή τδν γηγενή είς άγιον καί έπουράνιον μεταπλάσας έκ προσθάσεως άνθρωπον, έκείνην τήν θεϊκήν μάλιστα πληρώση φωνήν· « ποιήσωμεν άνθρωπον κατ' είκόνα καί καθ' δμοίωσιν ήμών. » 3 Καί δή γέγονεν δ Χριστός τοΟτο πλήρες, 8περ εϊρηκεν ό θεός, δ δέ άλλος άνθρωπος κατά μόνην νοείται τήν είκόνα. 'Ημείς δέ, ώ παίδες άγαθοΟ πατρός, άγαθοΟ παιδαγωγού θρέμματα, πληρώσωμεν τδ θέλημα τοΟ πατρός, άκούωμεν του λόγου καί τδν σωτήριον όντως άναμαξώμεθα τοΟ σωτήρος ήμών βίου· ένθένδε ήδη τήν έπουράνιον μελετώντες πολιτείαν, καθ' ήν έκθεούμεθα, τδ άειθαλές εύφροσύνης <καί) άκήρατον εύωδίας 1. Cf. Gen., 2, 7 (qui ne parle que de la ■■ terre » et de l’a esprit » : Clément ajoute la mention de l'eau, impliquée, si l’on veut, dans l’image du modelage, mais qui, surtout, permet d’introduire une allusion, en filigrane, au baptême). 2. Gen., 1, 26, cité cette fois selon son sens obvie. 3. Notion paulinienne : le Verbe incarné comme l'Ilomme par excellence. 4. Nous trouvons ici nettement exprimée la doctrine dynamique de l'image et de la ressemblance, qui a joui d'une telle faveur dans la Patristiquc grecque l'image inamissible, la ressemblance à recon­ quérir) : ci. Introduction, p. 38. Staeulin a ingénieusement montré que cette exégèse avait pu être élaborée pour répondre à celle des gnostiques selon lesquels l'homme terrestres, -/oïxdî· est « à l'image », CHAPITRE XII 98,1-3 285 XII. Le Pédagogue, dans des dispositions analogues à celles d’un père, utilise sévérité et bonté. 1. La conclusion de tout cc que nous avons déjà 98 exposé est que notre pédagogue Jésus nous a donné l’es­ quisse de la vie véritable et a fait l’éducation de l’homme dans le Christ. Son caractère propre n’est pas une exces­ sive sévérité ni non plus un relâchement excessif sous l'effet de la bonté : il donne ses commandements en leur imprimant un tel caractère que nous pouvons les exécu­ ter. 2. C’est bien lui, me semble-t-il, qui d’abord a modelé l’homme avec de la terre, qui l’a régénéré avec de l’eau, qui l’a fait croître par l’Esprit *, qui l’a éduqué par la parole, qui le dirige par de saints préceptes vers l’adoption filiale et le salut, et cela pour changer et façon­ ner l’homme terrestre en un homme saint et céleste, et qu’ainsi soit pleinement réalisée la parole de Dieu : « Fai­ sons l’homme à notre image et ressemblance 2. » 3. Le Christ, lui, réalisa pleinement3 cette parole que Dieu avait dite, tandis que les autres hommes sont entendus au sens de l’image seule ·. Quant à nous, fils d’un Père bon, enfants 5 d’un bon Pédagogue, réalisons la volonté du Père, écoutons le Logos, imprimons en nous la vie réellement salutaire de notre Sauveur. Pratiquant dès maintenant sur terre la vie céleste qui nous divinise recevons l’onction de la joie toujours jeune, du parfum de pureté ’, en considérant le mode de vie du Seigneur le psychique a à la ressemblance», le pneumatique ζατ* ίδιαν (Excerpta ex Theodoto, 54, 2 ; cf. 51, 1 s. ; Strom., IV, 90, 3-4). 5. Le mot vient de Pi.atok, Lois, VI, 777 B. 6. Sur la divinisation du chrétien selon Clément, cf. toujours Introduction, p. 39. 7. Cf. Ps. 44, 8. 286 LIVRE I έπαλειφώμεθα χρίσμα, εναργές υπόδειγμα άφβαρσίας τήν πολιτείαν έχοντες τοΟ κυρίου καί τά ίχνη τοΟ ΘεοΟ διώκοντες· ω μόυω προσήκει σκοπεϊυ καί δή μέλει πώς καί τίνα τρόπον 4 ύγιεινότερος αν ό τών ανθρώπων βίος γένοιτο. ’Αλλά καί πρδς αύτάρκειαν τού βίου καί άπεριττότητα έτι τε εύζωυόν τε καί εΐίλυτον οδοιπορικήν ετοιμότητα είς άιδιότητα ευζωίας παρα­ σκευάζει, αυτόν αύτοΟ έκαστον ήμών ταμιειον είναι διδάσκων. « Μή γάρ μεριμνάτε », φησί, « περί τής αύ'ριον », χρήναι λέγων τδν άπογεγραμμένον Χριστώ αυτάρκη καί αύτοδιάκονον καί προσέτι εφήμερου έπαναιρεισθαι βίον. Ού γάρ έν πολέμω, 99.1 άλλ' έν ειρήνη παιδαγωγού μέθα. Πολέμω μέν ούν πολλής δει τής παρασκευής δαψιλείας τε χρήζειή τρυφή· ειρήνη δέ καί άγάπη, αφελείς καί άπράγμουες άδελφαί, ούχ δπλων δέονται, ού παρασκευής ασώτου· λόγος έστιν αύταις ή τροφή, δ τήν ένδεικτικήν καί παιδευτικήν ήγεμονίαυ κεκληρωμένος λόγος, παρ’ oC τδ ευτελές τε καί άτυφου καί τδ δλον φιλελεύθερον καί φιλάνθρωτιον φιλόκαλόν τε έκμανθάνομεν, ένί λόγω μετ’ 2 οίκειότητος άρετής έξομοιούμενοι τώ θεώ. Άλλ' έκπόνει καί μή άπόκαμυε· έση γάρ οίος ούκ ελπίζεις ούο’ είκάσαι δύναιο άν. 'Ως δέ έστι τις άλλη μέν φιλοσόφων άγωγή, άλλη δέ ρητό­ ρων, παλαιστών δέ άλλη, ούτως έστιν γενναία διάθεσις φιλοκάλω προαιρέσει κατάλληλος έκ τής ΧριστοΟ παιδαγωγίας περιγιυομένη, καί τά τής έυεργείας πεπαιδευμέυαι σεμναί διαπρέπουσιυ πορεία καί κατάκλισις καί τροφή καί ύπνος καί κοίτη καί δίαιτα καί ή λοιπή παιδεία12 3456 ού γάρ ύπέρτονος ή 100,1 τοιάδε άγωγή τοϋ λόγου, άλλ' εύτονος. Ταύτρ ουν καί σωτήρ 1. Nous retrouvons le thème ile l’imitation du Christ. 2. Première suggestion de la ligne de conduite qui sera préconi­ sée, de façon précise et détaillée, dans les différents chapitres des livres 11*111. 3. MaUh., 6, 34. 4. Souvenir de Pi.Xton, Tkcél., 176 A. 5. Terminologie stoïcienne (et. philouienne) de l'ascèse : cf. Voel­ ker, p. 454. 6. Les deux types caractéristiques de la culture intellectuelle de l’antiquité. CHAPITRE XII 98,3—100,1 287 comme un exemple éclatant d’incorruptibilité et en sui­ vant les traces de Dieu *. A lui seul revient Je soin — et il s’en soucie — de considérer comment, et de quelle manière, la vie des hommes sera meilleure. 4. Pour nous donner une vie simple 2 cl. sans recherche, il nous pro­ pose le mode de vie d’un voyageur, facile à mener et facile à laisser, pour aller jusqu’à l’éternelle vie heureuse. Il nous enseigne que chacun d’entre nous est, pour lui-même, son propre trésor à provisions. «Ne vous inquiétez pas du lendemain 3 », dit-il : celui qui s’est enrôlé à la suite du Christ doit opter pour une vie simple, sans serviteur, menée au jour le jour. Car ce n’est pas pour un temps de guerre, mais pour un temps de paix que nous recevons notre éducation. 1. En temps de guerre, il faut faire 99 beaucoup de préparatifs et le bien-être réclame l’abon­ dance. La paix et l’amour, au contraire, ces deux sœurs simples et paisibles, n’ont pas besoin d’armes ni de pré­ paratifs extraordinaires : le Logos, telle est leur nourriture, le Logos qui a reçu la charge de montrer la voie et d’édu­ quer, lui auprès duquel nous apprenons la simplicité, la modestie, tout l’amour de la liberté, des hommes et du bien, lorsque, pour le dire en un mot, nous acquérons la ressemblance de Dieu par une parenté de vertu ♦. 2. Travaille sans perdre courage 6. Tu seras tel que tu ne l’espères pas et que, même, tu ne saurais l’imaginer. De même qu’il y a un mode de vie des philosophes, un autre des rhéteurs °, un autre encore des lutteurs, ainsi égale­ ment y a-t-il une noble disposition de l’âme, accordée à une libre volonté tournée vers le bien, issue de la péda­ gogie du Christ. Et pour les actes de notre comportement, cette éducation leur confère une belle noblesse : marche, repos, nourriture, sommeil, couche, régime et toute l’édu­ cation ; car la formation du Logos, telle qu’elle est, n’est pas tendue à l’excès mais mesurée7. 1. C’cst ainsi 100 7. Métaphore musicale : termes techniques relatifs à l’accord de la lyre. 288 LIVRE I δ λόγος κέκληται, δ τά λογικά ταΟτα έξευρών άνθρώποις είς εύαισθησίαν καί σωτηρίαν φάρμακα, έπιτηρών μέν τήν εύκαιρίαν, έλέγχωνδέτήν βλάβην καίτάς αιτίας τών παθών διηγού­ μενος καί τάς ρίζας των άλόγων έκκόπτων επιθυμιών, παραγγέλλων μέν . Et τοίνυν ή πρός τδν λόγον άπείθεια αμαρτίας έστί γεννητική, πώς ούχί έξ άνάγκης ή τοΟ λόγου ύπακοή, ήν δή πίστιν φαμέν, 2 τοΟ καλούμενου καθήκοντος έσται περιποιητική: Καί γάρ ή άρετή αύτή διάθεσίς έστι ψυχής σύμφωνος τώ λόγω περί 8λον τδν βϊον. Ναι μήν τδ κορυφαιότατον, αυτήν φιλοσοφίαν έπιτήδευσιν λόγου ορθότητος άποδιδόασιν, ώς έξ άνάγκης είναι τδ πλημμελούμενον π5ν διά τήν τοΟ λόγου διαμαρτίαν γινόμε3 νον εικότως καλείσθαι αμάρτημα. Αύτίκα γοϋν δτε ήμαρτεν ό πρώτος άνθρωπος καί παρήκουσεν τού θεού, « καί παρωμοιώθη », φησί, « τοίς κτήνεσιν ». 'O άνθρωπος παρά τδν λόγον έξαμαρτών εικότως άλογος νομισθείς εικάζεται κτήνεσιν. 101,1 1. On sera frappé du caractère très philosophique (et en parti­ culier stoïcien) de ce chapitre final, qui présente une morale toute intellectualiste, au point d’en compromettre, en apparence, l’inspi­ ration proprement chrétienne : v. Spaxxeijt, p. 312-314 ; Stelzenderc.er, p. 166-170, 226-228, 261,323-327. Pour que la traduction reflète l’unitô de langage de l’original, le mot togos est ici encore simplement transcrit bien qu’en fait, dans ce chapitre, logos signifie presque partout « raison », avec quelques variations signalées n. 4. 2. Formule stoïcienne : Si. V. F., 111, n° 500 ; v. Stelzbnbrrgrr, p. 167. 3. Von Arnim a cru pouvoir attribuer celle phrase à Chrysippe : St. F. F., III, n° 445 : classification et définitions stoïciennes des passsions : Si. F. F., 111, n° 391 s. Ainsi pour la crainte, la meme définition revient ailleurs chez Clément : cf. Strom., if, 32, 3 (= St. F. F., 111, n® 411). 4. Clement a joué, une fois de plus, sur l’ambivalence du mot CHAPITRE XII! 101,1-3 291 XIII. L’action droite est un acte conforme au Logos droit ; en revanche, la faute est un acte contraire au Logos ’. 1. Tout acte contraire au Logos droit est une faute 2. 101 C’est justement ainsi que les philosophes pensent pouvoir définir les passions les plus générales : le désir, comme un clan qui n’obéit pas au Logos; la crainte, une dérobade qui n’obéit pas au Logos ; le plaisir, une poussée de l’âme qui n’obéit pas au Logos ; le chagrin, un resserrement de l’âme qui n’obéit pas au Logos3. Si la désobéissance au Logos engendre les fautes, comment ne pas en conclure que l’obéissance au Logos — ce que, justement, nous appelons la foi4 — fait naître ce que l’on appelle le devoir ? 2. La vertu, en effet, est une disposition de l’âme qui s’accorde bien au Logos dans la vie tout entière G. Et, ce qui est le plus important, on définit la philosophie ellemême comme une recherche de la rectitude du Logos ®. 11 s’ensuit que tout manquement provoqué par la mécon­ naissance du Logos reçoit naturellement le nom de faute. 3. C’est ainsi que le premier homme, lorsqu’il commit la faute et désobéit à Dieu, «fut, dit Γ Écriture, assimilé aux bêtes 7 ». Parce qu’il a commis une faute contre le Logos, l’homme est tout naturellement considéré comme privé de I.OgO$ : nous sommes passes do la raison, humaine, philosophique, au Verbe divin, et du même coup celte morale d’apparence stoï­ cienne se révèle, en profondeur, toute chrétienne : cf. VoELRER, p. 260. 5. Von Arnim a relevé ce passage dans ses St. V. F., Ill, sous le n° 293. En rapprocher le n° 262. 6. Encore une définition stoïcienne : St. V. F., 11, n° 36 in.}, 131 (p. 41, 28). 7. Px. 48, 13.21 : sens aecommodaticc, car le contexte ne sc rat­ tache en rien au péché d’Adam. 292 LIVRE 1 102,1 ΈντεΟθεν καί ή σοφία λέγει· « ϊτιτιος είς δχείαν δ φιλήδονος καί δ μοιχός », άλογίστω κτήνει παρομοιωθείς, διό καί επι­ φέρει· « παντός ύποκάτω έπικαθημένου χρεμετίζει. » Ούκέτι λαλεί, φησίν, δ άνθρωπος- ού γάρ έστιν λογικός έτι δ παρά λόγον άμαρτάνων, θηρίον δέ δή άλογον, έκδοτον έπιθυμίαις, ώ 2 πδσαι έπικάθηνται ήδοναί. Τό δέ κατορθούμενον κατά τήν τοΟ λόγου ύπακοήν προσήκον καί καθήκον Στωϊκών δνομάζουσιν παίδες· τό μέν ούν καθήκον προσήκόν έστιν, ύπακοή δέ θεμελιοΟται έντολαϊς· αυται δέ ταις ύποθήκαις αί αύταί ούσαι τήν άλήθειαν έχουσαι σκοπόν, επί τό έσχατον δρεκτόν, ο τέλος νοείται, παιδαγωγοϋσιν· τέλος δέ έστιν θεοσεδείας ή άίδιος άνάπαυσις έν τώ θεώ, τοΟ δέ α’ώνός έστιν άρχή τό ήμέτερον 3 τέλος. Τό μέντοι τής θεοσεδείας κατόρθωμα δι’ έργων τό καθήκον έκτελεί· δθεν είκότως τά καθήκοντα περί τάς πράξεις, ού τάς λέξεις, συνίσταται· καί έστιν ή μέν πράξις ή τού Χριστιανοί) ψυχής ένέργεια λογικής κατά κρΐσιν άστείαν καί δρεξιν άληθείας διά τοΟ συμψυοϋς καί συναγωνιστοθ σώματος 4 έκτελουμένη· καθήκον δέ ακόλουθον έν βίω θεώ καί Χριστώ βούλημα έν, κατορθούμενον άιδϊω ζωή· καί γάρ ό βίος δ Χριστιανών, 8ν παιδαγωγού μέθα νΟν, σύστημά τί έστι λογικών πράξεων, τουτέστιν τών ύπό τοΟ λόγου διδασκομένων άδιάπτω- 1. Sirac. 36(33),6. 2. Celte notion stoïcienne du péché comme irrationnel appa­ raissait déjà au début du livre, § 5, 2. 3. Ironique, par opposition à la Sagesse inspirée du § 102, 1 ; nous avons rencontré une expression analogue, les < enfants des grammairiens », ci-dessus, § 20, 1 ; cf. Protr., 122, 1 ; Slrom., Il, 9, 4 (< enfants des philosophes o) ; Protr., 25, 3 ; Pédag., II, 34, 2 {k en­ fants des poètes »). 4. Clément met en œuvre la distinction, à la vérité si classique qu'elle est élémentaire, chère aux stoïciens entre καθήκον et κατόρ­ θωμα (cf. Diogène Laërce, VII, 103), également familière à PhiIon : cf. Voelker, p. 287, n. 6. 5. Σκοπός, τέλος : autre distinction stoïcienne : St. V. F., III, n08 2-3, souvent reprise par Clément : ci-dessous, II, 83, 1 ; Strom., II, 136, 6; IV, 129. 2. 6. Ce tenue de « repos n est cher à Clément pour définir l'idéal CHAPITRE XIII 102,1-4 293 logos et comparé aux bêtes. 1. C’est pour cela aussi 102 que la sagesse dit : « Un cheval en rut, voilà le voluptueux et l’adultère », en comparant l’homme à une bête dépour­ vue de raisonnement ; et elle ajoute : « Dès qu’on veut le monter, il hennit1 ». L’homme, veut-elle dire, ne parle plus : il n’est plus doué de logos, celui qui commet une faute contre le Logos 2 ; il est un animal sans logos, livré aux désirs, que chevauchent tous les plaisirs. 2. I.’acte droit accompli par obéissance au Logos, les enfants des stoïciens 3 l’appellent le convenable et le devoir4. Le devoir est convenable, et de son côté l’obéissance est fondée sur les préceptes. Ceux-ci, identiques aux com­ mandements, ont pour but la vérité ; ils conduisent jus­ qu’au point extrême du désir, que l’on conçoit comme la fin *. Or la fin de la religion, c’est le repos éternel en Dieu % et notre propre fin est le début de l’éternité. 3. L’acte vertueux, inspiré par la religion, réalise donc le devoir par les actes ; aussi est-il naturel que les devoirs consistent en des actes, non en des paroles. Le comportement du chrétien, c’est l’activité d’une ârne accordée au Logos, activité accomplie avec un jugement intelligent et le désir de la vérité, par le moyen du corps, qui est l’allié naturel et le compagnon de combat de l’âme ’. 4. Le devoir, par conséquent, c’est, en cette vie, d’avoir une volonté unie à Dieu et au Christ, ce qui est un acte droit pour la vie éternelle. La vie des chrétiens, que nous sommes en train d’apprendre de notre Pédagogue, est un ensemble d’actions conformes au Logos ", la mise en pra­ tique sans défaillance des enseignements du Logos, ce du vrai gnostique : Strom., ΙΓ, 52, 4, etc. : cf. Voelker, p. 519520, 601 11 a ici sa valeur cscbatologique. 7. Sens tout stoïcien de l'unité du compost humain, où le corps est. le compagnon, l'allié de l’âme et non son ennemi : cf. Introduc­ tion, p. 32. 8. Clément suit toujours, en le transposant an besoin, l'enseigne­ ment stoïcien : St. V. F., III, n° 293 ; cf. Voelker, p. 259, n. 1. 294 LIVRE 1 103,1 τος ένέργεια, ήν δή πίοτιν κεκλήκαμεν. Τά δέ σύστημα έντολαΐ κυριακαϊ, αί δή δόξαι οδσαι θεϊκαί ύποθήκαι πνευματικά! ήμίν αύτοίς άναγεγράφαται, πρός τε ή μάς αυτούς καί πρδς τούς πέλας εύθετοι· καί δή καί αΰται αδθις πρδς ή μάς άνταναστρέφουσι, καθάπερ πρδς τδν βάλλοντα ή σφαίρα διά τήν άντιτυπίαν παλινδρομούσα· ’όθεν καί δστιν άναγκαΐα τά καθήκοντα είς παιδαγωγίαν θεϊκήν, ώς ύπδ θεού παρηγγελμένα καί είς 2 σωτηρίαν πεπορισμένα. Καί έπεί των άναγκαίων τά μέν πρδς τδ ζην έστι τδ ένταΟθα μόνον, τά δέ ένθεν πρδς τδ εδ ζήν έκείσε άναπτεροι, άναλόγως καί τών καθηκόντων τά μέν πρδς τδ ζήν, τά δέ πρδς τδ εδ ζην διατάττεται. "Οσα μέν οδν πρδς τδ έθνικδν ζήν παραγγέλλεται, ταΟτα καί παρά τοίς πολλοις δεδήμευται, α δέ πρδς τδ ευ ζήν άρμόττει, έξ ών τδ άίδιον εκείνο περιγίνεται ζήν, ταΟτα δέ έν ύπογραφής μέρει έξ αύτών άναλεγομένοις τών γραφών έξέστω σκοπείν. 1. On observera qu'ici, et déjà plus haut on I, 101, 1, la foi appa­ raît comme la mise en pratique des préceptes du Christ, et non comme l’adhésion à un Credo. 2. Le mol serait-il un souvenir de l’attelage ailé du Phèdre, 246 E ? 3. On peut hésiter sur le sens de ce terme, comme hésite Stàhlin (dans son index : gewohnlich ; dans sa traduction, fiir dan Leben der Heidcn). S’agit-il de la vie « païenne a ou de la vie ordinaire, celle qui est commune à tous les hommes ? Voir la note 5. 4. Pour le sens de cette expression, cf. Pédagogue, II, 41, 3. 5. Celle dernière phrase, dont l’obscurité est peut-être intention­ nelle (dans un but d’ésotérisme), s’éclaire par un passage des Stroniates, VI, 111, 3, où tout en continuant d'utiliser le vocabulaire CHAPITRE XIII 102,$·— 103,2 295 que justement nous avons appelé la foi L 1. Cet 103 ensemble est constitué par les préceptes du Seigneur, qui, étant des maximes divines, nous ont été prescrits comme commandements spirituels, utiles h la fois pour nousmêmes et pour nos proches : ils nous reviennent, comme la balle s’en retourne en rebondissant vers celui qui la lance. Il s'ensuit, que, dans le plan de la pédagogie divine, les devoirs sont nécessaires : ils ont etc ordonnés par Dieu et ils ont été fixés en vue de notre salut. 2. Or, parmi les choses necessaires, les unes le sont seulement pour notre vie ici-bas, les autres donnent des ailes 2 pour aller d'ici jusqu’à la vie heureuse de là-haut ; de la même manière, parmi les devoirs, les uns concernent la vie, les autres sont ordonnés en vue de la vie heureuse. Tous ceux qui sont prescrits pour la vie commune 3 sont bien connus de la multitude. En revanche, ceux qui sont faits en vue de la vie heureuse, ceux d’où provient la vie éternelle de là-haut, ceux-là, puissions-nous les découvrir sous leur forme esquissée ’, en les recueillant dans les Ecritures mêmes \ technique du stoïcisme. Clément révèle le fond de sa pensée, d’une sévérité théologique quasi augustinienne : a toutes les actions des païens sont péché » ! CL Spaxnevt, p. 245. L'idée parait être ici : il y a d'un côté les préceptes relatifs à la vie quotidienne (ceux sur lesquels les livres II-I11 vont s'étendre à loisir), morale oxoterique que les chrétiens ont en commun avec les païens; il y a d'autre part (le (it est très fort) les préceptes qui s’ordonnent à la vie parfaite, — celle, doit-on comprendre, du guoslique — : ceux-là, il faut ap­ prendre à les découvrir dans les Écritures qui no les présentent qu'en passant, sans en faire l’objet d'un exposé ex professo, et, sousentendu, cette étude u'est plus du ressort du Pédagogue : elle ferait proprement l'ohjet de l’enseignement du Maître. TABLE DES MATIÈRES INTRODUCTION GÉNÉRALE I. L'ouvrage, son titre et son plan................................. La notion dc pédagogue............................................... Le thème du Pédagogue............................................... 7 14 20 chrétiennes ............................. 23 L'esprit d'enfance.......................................................... Jeunesse et nouveauté chrétiennes.............. ............ Polémique anti-gnostique............................................ L'amour de réciprocité.................................................. 23 26 29 34 III. La morale............................................................................. Le contenu des livres IIet III..................................... Une morale philosophique.......................................... Une morale rationnelle................................................ Une morale évangélique.............................................. 43 43 46 52 57 IV. L'intérêt historique ou a Pédagogue *...................... Un document sur l'histoire sociale duchristianisme. Un document pour l'histoire dc la culture chrétienne et classique................................................................... Un style « artiste »................................................ Les classiques......................................................... La grammaire.......................................................... L'érudition................................................................ La rhétorique.......................................................... Influence de la diatribe........................................ Un document pour l'histoire des mœurs................... 62 62 V. Texte, traductions, commentaire.............................. La tradition manuscrite.............................................. Les éditions.................................................................... L'annotation...................................................... 92 92 93 95 IL Spiritualité et pensée 66 69 71 75 77 81 83 86 298 TAHLE DES MATIÊBES LIVRE I Remarques du traducteur sur le plan, le contenu, la LANGUE ET LE STYLE................................................................................................. Ch. I. — Ce que promet le Pédagogue.............................. Ch. Π. — Nos péchés nécessitent la direction du Péda­ gogue ................................... llô Ch. III. — Le Pédagogue aime l'homme............................. Ch. IV. — Le Logos est également le pédagogue des hommes et des femmes.... 128 Ch. V. — Tous ceux qui s'attachent à la vérité sont des enfants aux yeux de Dieu. 132 Ch. VL — Contre ceux qui soutiennent que les noms d’1· enfants» et de «tout-petits» désignent symboliquement l'enseignement des con­ naissances élémentaires.... 136 Ch. Vil. — Le Pédagogue et sa pédagogie........................... 98 198 122 206 Ch. VIII. — Contre ceux qui pensent que le Juste n’csl pas bon....................................... 222 Ch. IX. — H appartient à la même puissance d'accorder les bienfaits et de châtier selon la justice ; quelle est. sous ce rapport, la méthode péda­ gogique du Logos............... 244 Ch. X. —· Le même Dieu, par l'intermédiaire du meme Logos, détourne l'humanité des péchés, en la menaçant, et la sauve, en l’encourageant. Ch. XL — Le Logos était le pédagogue par l'intermédiaire de la Loi cl des prophètes. 280 Ch. XII. — Le Pédagogue, dans des dispositions analogues à celles d'un père, utilise sévérité et bonté. Ch. XIII. — L'action droite est un acte conforme au Logos droit ; en revanche, la faute est un acte con­ traire au Logos.................. 290 I.es Indices seront publiés à la fin du livre Ill. 268 284 SOURCES CHRÉTIENNES LISTE COMPLÈTE DE TOUS LES VOLUMES PARUS iV. B. — L’ordre suivant est celui de la date de parution (nrt 1 en 1942), et il n’est pas tenu compte ici du classement en séries : grecque, latine, byzantine, orientale, textes monastiques d'Occidcnl; et série annexe : textes paru-chrétiens. Sauf indication contraire, chaque volume comporte le texte original, grec ou latin, souvent avec un apparat critique inédit. La mention bis indique une seconde édition. NI· 1 bis. Grégoire me Nissr : V:e de Moïse. J. Danîélon, S. J., prof, a rinst. cath. de Paris (1956)...................................... 14,4 2 bis. Clément i»’Ai.exanuki>< : Protroptique. C. Mondésert, S. J., prof, aux Fac. cath. de Lyon, avec la collaboration d’A. PI assart, prof, à la Sorbonne (1.949)........................... 12.00 3. Atiiknagohr : Supplique au sujet des chrétiens. G- Bardy (trad. seule) (1943).................................................................. Épuisé 4. Nicolas Cahasilas : Explication de la divine Liturgie. S. Salaville, A. A., de l’tnst. fr. des Èt. byz. (trad, seule) (1943)....................................................................................... Épuisé 5bis. Diaiwqvu i>u Piiotick : Œuvres spirituelles. E. des Places, S. J., prof, à l’Insl. biblique de Rome (1955).... 14,40 6. Ghkgoirb î>b Nyssk : La création do l’homme. J. Laplace, S. J., et J. Daniélou. S. J. (trad, seule) (1944)................. Épuisé 7. Oiugênr : Homélies sur la Genèse. 11. de Lubac, S. J., prof, à la Fac. de Théo). de Lyon, et L. Dûutrelean, S. J. (trad, seule) (1944)..................................................................Épuisé 8. Nicétas Stkthatos : Le paradis spirituel. M. Chalendard, doct. es lettres (1945)............................................................ Épuisé 9. Maxime lk Confessbuii : Centuries sur la charité. J. Pégon, S. J., prof, ù la Fac. de Théol. de Fourvière (trad. seule) (1945).............................................................................Épuisé 10. (gkacr d'Antiociik : Lettres. — Lettre et Martyre de Polvcaupe nu Smyrne. P.-Th. Camelot. O. P., prof, aux Fac. dominie, du Saulchoir (3· édition, 1958)_____ _____ 12,00 11. Hippolyte πε Rom i: : La Tradition apostolique. B. Botte, O. S. B., au Mont-César ( 1916)............................................ Épuisé 12. Jran Moschus : Le Pré spirituel. M. J. Rouet de Journet, S. J., prof, à rinst. cath. de Paris (trad, seule) ;1946).... Épuisé 13. Jean Chrysostomκ : Lettres à Olympias. A. M. Maliugrey, agr. de ITJniversité (1947)................................. Épuisé Trad, seule .... 8,70 NF 14. ΗίΓΡοηττκ : Commentaire sur Daniel. G. Bardy et M. Le­ fèvre (1917).......................................................................... 45,30 Trad, seule .... 9,60 15. Athax. ask h’ALBXAxniuE : Lettres à Sérapion. J. Lebon, prof, à l'L’niv. de Louvain (trad, seule) (1947)....................... 8,10 16. Orig&xr : Homélies sur l’Exodo. 11. de Lubac, S. J., et J. Fortier’ S. J. (Irad. seule) (1947)..................................... 10,50 17. Basile rm Cksarée : Traité du Saint-Esprit. B. Pruche, O. P (1947)............................................................................. Épuisé Trad, seule.... 10,50 18. Atua.xase h’Alrxanihuh : Discours contre les païens. De l'incarnation du Verbe. P.-Th. Camelot. O. P. (1947).. 12.30 19. Hir.Axmc on Poitibhs : Traité des Mystères. P. Brisson, prof. à FUniv, de Poitiers (1917)................................................... 7,50 20. Théophile ü'Axtiociik : Trois livres à Autolycus. J. Sender (1948)....................................................................................... 10,80 Trad, seule........................ 7,20 21. Éthérir : Journal do voyage. II. Pétréf prof, à SainteMarie deNeuilly(réimpression 1957).................................. 11,70 22. Lbon lp. Gkam» : Sermons, t. I. J. Leclercq, Û. S. B., cl R. Dollc, O.S.B., Λ Clervaux1949)......................................Épuisé 23. Clbmbxt i/Aî.rxax. dihh : Extraits de Théodoto. F. Sagnard, O. P., prof, aux Fac. du Saulchoir (1948)............................... Épuisé 24. Ptolrmrp. : Lettre à Flora. G. Quispel, prof, â l’tJniv, d’Ulrccht (1949)...................................................... Épuisé 25 bis. Ambroise he Mii.ax : Des sacrements. Des mystères. B. Botte, O. S. B........................................................ Sous presse 26. Basile db Chsarbb : Homélies sur l’Hexaéméron. S. Gict, prof, à FUniv. de Strasbourg (1950).................................. 19,50 27. Homélies Pascalos : t. 1. P. Nautin, charge de recherches auC.N.R.S. Ί951)............................................................... 8.40 28. Jbax Chrysostoms : Snr l’incompréhensibilité de Dieu. F. Cavallera. S. J., prof. Λ l’Inst. calli, de Toulouse, J. Daniélou, S. J., et R. Flacelièrc, prof. à la Sorbonne (1951)..................................................................................... 12,90 29. Orioèxr : Homélies sur les Nombres. J. Mchal, agr. de FUniv. (trad, seule) (1951).................................................... 21,00 30. Clkmk.vt o'Albxaxdrib : Stromate I. C. Mondésert. S. J., 31. Euskbh i>b Cksarbr : Histoire ecclésiastique, t. 1 G. Bardyz (1952)...................................................................................... 17,40 32. Grégoire ls Graxo : Morales sur Job. R. Gillet. O.S.B.. et A. de Gaudemaris, O.S.B., A Paris (1952)............. 14,40 33. A Diognéte. H.-I. Marrou, prof. A la Sorbonne (1952)........... 11,70 NF 34. Irenes pb Lyon : Contre les hérésies, livre III. F. Sagnard. O. P. (1952) ....................................................................... Épuisé 35. Tkiitullibn : Traité du baptême. F. Refoulé. O. P.............. 5,70 36. Homélies Pascales. I. II. P. Nautin (1953)........................... 5.85 37. Origènb : Homélies sur le Cantique. O. Rousseau, O.S.B.. Λ Chèvclognc (1954).............................................................. θ·30 38. Clément n'Ai.HXAKPfuB : Stromate II. P. Camelot, O. P., et C. Mondéeert, S. J. (1954)................................................... 10,80 39. Lactancr : De la mort des persécuteurs. 2 volumes. J. Moreau, prof.à rUniversilé delà Sarre (1954)................. 25,80 40. Théodorkt : Correspondance, t. I. Y· A ténia, agr. de rUniv. (1955)....................................................................................... 7,80 41. Ecsèbe pe Crsaiiéb : Histoire ecclésiastique, t. Il. G. Bardy (1955)......... 19,20 42. Jban Cassien : Conférences, t. I. E. Pichery, O.S.B., à Wisques (1955;...................................................................... 19,50 43. S. Jérôme : Sur Jonas. P. Antin, O.S.B., à Ligugé (1956).. 8,10 44. Philoxene db Mabbovg : Homélies. E. Lemoine (Irad. seule) (1956)........................................................................... 21,00 45. Amproisr or Milan : Sur S. Luc, t. I. G. Tissot, O.S. B., 46. Tkrtullir.n : Do la prescription contre les hérétiques. P. de Labrtolleel F. Refoulé. O. P. (1957)........................... 47. Philon d’Alexanurib: La migration d Abraham. R. Cadiou, prof, à l’Inst. calhol. de Paris (1957).................................... 48. Homélies Pascales, t. 111. P. Nautin cl F. Floëri (1957). .. 49. Léon le Grand : Sermons, t. IL R. Dollc, O.S.B. (1957) . 50. Jean Cmhysostonk : Huit Catéchèses baptismales inédites. Λ. Wenger, A. A., de l’Inst. fr. des El. byz. (1957)........ 51. Symkon le nouveau Théologien : Chapitres théologiques, gnostiqnes et pratiques. J. Darrouzès, A. A. (1957).......... 52. Ambkoisr de Milan : Sur S. Luc, t. IL G. Tissot, O.S.B. (1958)..................................................................................... 53. Hermas : Le Pasteur. R. Joly (1958)..................................... 54. Jean Cassikn: Conférences, t. ILE. Pichery, O.S.B. (1958).. 55. Ecsèbe pr Chsahkr : Histoire ecclésiastique. I. III. G. Bardy (1958).................................................................... 56. Athanasb d’Alexandrie : Deux apologies. J. Szymusiak, S. J. (1958)............................................................................. 57. Tiiéodoret db Cru : Thérapeutique dos maladies hellé­ niques. 2 volumes. P. Canivet, S. J. (1958)........................ 58. Drnys l’Améopaoitb : La hiérarchie céleste. G. Hcil, R. Roques, prof. A la Fac. de Théol. de Lille, et M. de Gandillac, prof. Λ la Sorbonne (1958).............................. 9,60 6,00 7.80 7,20 16,50 9,60 18,00 19,50 21,00 17,50 12,90 48,00 24,00 NF 59. Trois antiques rituels du baptême. A. Salies, de lOratoire (1958)............................................................................. 60. Aklhbd dk Rirvaülx : Quand Jésus out douze ans .. Boni Anselm Hoslc, O.S.B., Λ Stcenbruggc et J. Dubois (1958)...................................................................................... 61. Guh.lacmk iik Saint-Thierry : Traite de la conlemplation de Dieu. Dom J. Hourlier, O.S.B., à Solcsmcs (1959)... 62. IrknAr i>k Lyon : Démonstration de la prédication aposto­ lique. L. Froide vaux. prof. A Γ Institut catholique de Paris. Nouvelle trad, sur l'arménien (trad, seule) {1959}.. 63. Richard db Saint-Victor : La Trinité. G. Salct. S. J.. prof, à la Rac. de Then!, de Lyon-Fourvièrc. (1959 ........... 61. Jean Cassikn : Conférences, t. 111. E. Pichcry, O.S.B. (1959)...................................................................................... 65. Gélasb !