Imphimî: KN FhanCH. LA VIE DE RECLUSE LA PRIÈRE PASTORALE Ι9Γ.1, by Las tf.h’iwn* uh r>r/. SOURCES CHRÉTIENNES Directeurs-fondateurs : il. de Lubac, s. e/ J. Daniélou, s. j. Directeur: C. Mondésert, s. j. N* 76 I Sério des Textes Monastiques dOccidcnt. N° VI AELRED DE RIEVAULX LA VIE DE RECLUSE LA PRIÈRE PASTORALE TEXTE LATIN. INTRODUCTION, TRADUCTION BT NOTES PAR Charles DUMONT, o. c. s. o. MOINE DE SCOURMONT les Editions du cerf, 29, bd dk 1961 Latour-.maubouro, paris Mill I. OBSTAT IM FBIMl POTEST : Citeaux, le 16 septembre 1»S9 tr. G. SORTAIS, o. c. 8. o. Abb. gon. IMPRIMATUR ! Parie, le 2 mai I960 J. IIOTTOT vic. gén. INTRODUCTION Les deux opuscule» d'Aelred de Rievaulx (1110-1167) que nous présentons ici, pour la première fois mis en fran­ çais, sont sans doute ce que cet auteur a écrit de plus per­ sonnel. Nous ne connaissons plus aujourd’hui que la Violaine de Claudel, mais la recluse a sa place dans un tableau de de la société du xii® siècle au même titre que le chevalier ou le moine1. La description si vivante que nous en donne 1. La bibliographie concernant les recluses est donnée par Othmar Dobrr, Das Institut der Indusen in Silddeulschland, Munster i. W., 1934, p. vn-xiii ; Dom !.. GougaUD, Ermites d reclus, Ligugé, 1928. p. 56 note I ; Id., « Essai de bibliographie érémilique » (19281933), dans Revue Bénédictine, XLV (1933), p. 280-291. Parmi les travaux plus récents, signalons : B. Schelb, · Inklusen am Oberrhein ·, dans Freiburger Dibzesanarchiv, I.XVIII (1941), p. 174-253; F. Darwin, The English Medieval Recluse, Londres, 1943 ; M. Ber­ nards, Speculum virginum, Geisligkeit und Sedenleben der Frau im Hochmitldalter, Cologne, 1955 ; Dom P. DoYèRE, · L'Érémitisme », dans R. A. Μ., XXXII (1956), p. 349-357, qui donne un premier bilan de l'enquête sur l'érémitisme en Franco, ouverte en 1950 par la « Bibliothèque d'Hisloire des Religions » de la Sorbonne, et dirigée par M. l'abbé J. Sainsaulieu. On trouvera en outre de nombreuses indications sur l'érémitisme et la réclusion dans la tradition béné­ dictine, avec références bibliographiques récentes, dans Dom J. Leclercq, < Pierre le Vénérable et l’érémitisme clunisien », dans Studia Ansdmiana, 40 (1956), p. 98-120, et Dom Philibert Schmitz, Histoire de l'Ordre de S. Benoit, t. VII, Maredsous, 1956, p. 53-58. Les diverses règles pour reclus et recluses ont été recensées par Dom L. Gougaud, Ermites et reclus, p. 62-65, et L. Oliger, Spe­ culum inclusorum auctore anonymo anglico saec. XIV (Lateranum, Nova ser.f IV, 1), Rome, 1938, p. 9-12. Les relations entre les cis­ terciens et les recluses ont été étudiées par B. Griessrr, * Eino Ungodruckle angoblich von CistercienserAbten verfasste inklusenregel », 8 LA VIE DE RECLUSE l’Abbé de Kievaulx nous fait mieux connaître une époque dont la rudesse de mœurs laissait s’épanouir, sous l’in­ fluence du christianisme, des âmes d'une délicatesse exquise, a Nul mieux qu’Aclrcd, sauf peut-être Abélard, écrit Dom Knowles, n’a eu l'art de nous rendre aussi proche ce qui reste malgré tout si lointain1 ». La méditation qui forme la troisième partie de ce traité fera l’objet d’une étude spéciale dans cette introduction : on peut y voir le premier exemple aussi systématiquement développé de l’application des sens, de l’imagination et de l’émotion aux mystères du Christ contemplés dans la suite du récit évangélique. Ce texte mérite donc d’être considéré comme l’une des sources de la spiritualité chrétienne, ou au moins comme une fontaine à laquelle bien des âmes dans Analecta S. O. C., V (1049), p. 81 ss. (la règle en question est contenue dans le ms. Uûle, B III 27 ; une rubrique dit : « Regula haec inclusorum ob abbatibus Cislorciensis ordinis instituta est » ; maie il n'est pas certain qu'cllo ail été composée par des cisterciens) ; voir aussi S. Roisin, > L'oflloresccncc cistercienne et le courant féminin do piété au xm® siècle», dans 1t. II. E., XXXIX (1943), p. 377, et J. Ghrven, Die Anfûngcr der Be.ginnen, Munster i. W., 1912. Nombreuses furent les recluses et les béguines qui entretinrent des rapports avec les cisterciens ; mais ccs relations furent toujours ducs 6 des initiatives particulières. Jamais le Chapitre général ne promul­ gua de législation positive en la matière, et un décret (n« 28) de celui dn 1279 interdira même aux abbés de donner l’habit cistercien aux recluses et de leur conférer une bénédiction qui les affilierait é l’Ordre. 11 semble d'ailleurs que ce décret n’ait guère été observé (cf. O. Doerr, op. cil., p. 61). 1.'histoire a retenu le nom de plusieurs de ces recluses qui dépendaient do l’Ordre cistercien : la H·· llazcka (f 1261) qui vivait sous l'obédience de l'abbé de Sichem, et dont il est dit expres­ sément qu’elle vécut cl mourut portant l'habit cistercien (cf. Ada SS., janv., III. p. 756; cf. Ibid., p. 373); la B·· Yvette (t 1228), qui relevait de l’abbé d’Orval (cf. Ada SS., janv., H, p. 145-169); la Bic AlpaTs de Cudot (f 1211) (cf. Ada SS., nov., II, pp. 167-209, et D. II. G. E., t. II, col. 673-674); la recluse Heylika (cf. Ada SS., janv., II, p. 212). 1. D. Knowles, The monastic Order in England, Cambridge, 1941, p. 241. | INTRODUCTION 9 religieuses sont allées se rafraîchir au cours des siècles. Car ce traité fut écrit pour ces âmes et. leurs émules, dont le désir est moins « de se répandre que de s’approfondir, de s'épuiser (pie d’être comblées1 ». Aux aperçus que maints passages du De inslilulione inclusarum nous livrent sur ce que fut la vie de prière de l’abbé de Ricvaulx, la Prière pastorale, apporte un précieux complément. Aussi avons-nous cru utile de reproduire dans le présent volume ce texte si attachant, publié naguère par Dom Wihnart. 1. Occasion du de institutione inclusarum Les chercheurs qui tour à tour se sont penchés sur les manuscrits et les éditions du traité d’Aelred sur la vie de recluse, le qualifient volontiers de charmant, et de délicieux. Un moine écrit à sa sœur, et le style direct d'une lettre contribue certes au charme qui s’en dégage ; mais l’abbé de Ricvaulx compose sous le regard de Dieu et laisse à tout moment libre cours à son enthousiasme ou à sa prière. Des auteurs cisterciens - et ces remarques vau­ draient pour toute l'école monastique au Moyen Age — Dom Anselme Le Bail a écrit : « Ceux-ci ne peuvent conser­ ver dans leurs écrits ou leur parole le cours tout uniment didactique du professeur ; il faut qu’ils coupent leur exposé par des prières, par des élévations à Dieu, par des chants de louange... Nous pouvons donc estimer que ce mode d’élocution est. aussi une synthèse à sa manière.. Peut-être meme devons-nous voir en ce style la quintes­ sence de la spiritualité cistercienne aux xn« et XIIIe siècles : elle cherche Dieu, et sitôt l’illumination aperçue, le cœur celate en chants de louange2 ». Ce sont ces élans de ferveur, 1. De inst. inc!., 28, p. 109. 2. Dom A. Lf. Bail, < La spiritualité cistercienne >, dans Les cahiers du Cercle thomiste féminin, n° 7 (1927), p. 491. I 10 LA VIE DE RECLUSE de componction ou de gratitude envers Dieu, qui font l’unité de ces pages. Aelred use de termes exacts, originaux sans recherche ; il sait être piquant et s'exalter sans dépasser la mesure : une description de moine ou de recluse, une confidence sur sa vie passée, la présentation d’une scène d’évangile nous font sentir chez lui ce « je ne sais quoi » du poète et de l'artiste. Cependant, l’Abbé de Rievaulx ne composait pas volon­ tiers. Nous le voyons larder à répondre à l’invitation de saint Bernard pour le Spéculum caritatis, dans lequel il finit par rassembler des lettres, un écrit de polémique etdes notes de noviciat1 ; le De spirituali amicitia est une suite d’entretiens dont les participants, lui ont demandé un souvenir1 2 ; le De Jesu puero est une lettre de direction à un jeune moine3 ; les sermons sur Isaïe, De oneribus, sont donnés à la demande expresse de scs moines4. Quand on a fait la part de la fiction littéraire, il reste qu’Aelred attend le stimulant d’un auditoire ou d’un correspondant, ce qui donne à ses ouvrages un ton direct et vivant, et les rend plus universels, finalement, que tant d’écrits anonymes dont l’idéal est de s’abstraire de ces contingences. 1. C. IL Talbot pense que, lorsqu'il compose, Aelred commence souvent par faire un schéma sur lequel il brode ensuite ; et. Ablreo de Rievaulx, Sermones inediti (éd. Talbot), Ruine, 1952, Intro­ duction, pp. 8-9 ; voir également Dom A. HOSTB, « The llrst draft of Aelred of Rievaulx : De Spiritali Amicitia », dons Sacris erudiri, X (1958), p. 186-211. D'autre pari, on comparerait volontiers plusieurs de scs ouvrages h ces volumes dans lesquels certains auteurs modernes rassemblent divers articles ou conférences. 2. « La composition du premier entretien n dû précéder de beau­ coup celle des deux suivants » (J. Dubois, dans Aelred de Rie­ vaulx, L’Amitié spirituelle, Bruges. 1948, Introduction, p. xcm). 3. Cf. Arlrkd de Rievaulx, Quand Jésus eul douze ans (éd. «Sources chrétiennes », 60), Introduction, p. 14. 4. C. Dumont, < Autour des sermons De oneribus <ΓAelred de Rie­ vaulx», dans Collectanea O. C. IL, XIX (1957), p. 115. INTRODUCTION 11 C’est donc sur les instances réitérées de sa sœur recluse, pour laquelle il nourrit une tendre vénération, qu’il rédige ce règlement qu’elle lui avait demandé. « 11 écrivit pour sa sœur, dit son biographe en donnant la liste de scs écrits, un ouvrage à l'intention des recluses, dans lequel il décrit l’institution de cet état, sa ferveur des débuts et sa per­ fection1. » 1. Walter Daniel, The Life of Ailrtd of Rievaulx (éd. F. M. Powicke), Londres, 1950, p. 41. L’authenticité du traité no fait donc aucun doute ; au témoignage de Waller Daniel s'ajoulo d'ailleurs celui du catalogue de la bibliothèque de Rievaulx, rédigé peu après la mort d’Aelred, qui lui attribue un traité De insliiulione inclusarum (Cf. M. R. James, A descriptive Catalogue of the Manuscripts in the Library of Jesus College, Cambridge, 1895}. Néanmoins, c’est sous Je patronage de S. Augustin ou de S. Anselme (pour la triplo médita­ tion) quo les premiers éditeurs placèrent l’ouvrage. Le ms. Mazarine 616 (xv* s.) attribuait déjà lo traité à S. Anselme, ot dès lo xîv® siècle la triple méditation était entrée dans uno collection de méditations anschniennes : elle constitue les Méditations XV, XVI et XVII do l’édition de Gerberon (dans P. I.., 158, 784-798). L'ancien catalogue de Christ Church, Cantorbery (xîv· s.) met lu traité sous le nom do S. Augustin. C’est vraisemblablement par suite d’une conjecture d'éditeur qu'il figure également sous ce patronage dans l’édition de Paris (1558) des œuvres do S. Augustin, d’où il est passé dans celles do Louvain (1577) et dos Mauristes, (l. 1, Appendix, col. 43-56, Paris. 1689) ; ceux-ci le restituent toutefois h son véritable auteur à la suite de Holstenjus, Codex Regularum, Romo 1661, p. 187-239 (pars secunda). La Palrologie Latine, 32, 1451-1474, reproduit l’édition des Mauristes. Ce texte du Pscudo-Augustin est incomplet : Il a été amputé de la Méditation des bienfaits présents. Sur toute cette question, voir C. II. Talbot, «The De institutis inclusarum ot Ailrcd of Rievaulx », dans A noterla S. O. C., VII (1951), p. 167-168. Plusieurs manuscrits donnent pour litre au traité : De institutis inclusarum ou De vita inclusarum (Cf. C. U. Talbot, art. cil., pp. 175177); cependant, l’ancien catalogue do Rievaulx cité plus haut et un certain nombre do manuscrits donnent : De insliiulione inclusarum. Λ cela s’ajoute lo témoignage d’Étienne de Salley qui recommande aux novices l’opuscule d’Aelred» quod Institutio inclusae titulatur» (ci. E. Mikkrrs, * Un Speculum Novilii inédit d'Étienne de Salley », dans Collectanea O. C. IL, VIII (1946). p. 52, 1. 244). « On peut donc conclure avec Dom Wilmart : ‘ Le litre primitif est sûrement De 12 LA VIE DE RECLUSE II. Analyse du traité Comme le ferait un auteur moderne, Aelred a dressé sa table des matières à la fin de son traité. « Te voilà donc en possession, dit-il à sa sœur, de ce que lu m'as demandé : 1) un règlement de vie; 2} un directoire ascétique; et j’ajoute : 3) un exemple de méditation. » Cette méditation, Aelred l’a à son tour divisée en trois considérations sur les bienfaits de Dieu : a) passés (memo­ ria) ; b) présents (experientia) ; c) future (expccialio)*. 1. Le Règlement de vie L’Abbé de Rievaulx s’efforce de L institution justifier ce genre particulier de vie religieuse qu’est le reelusage, et pour ce faire il énumère les raisons qui poussèrent les anciens à instituer la vie érémitique : « Échapper aux dangers de la vie en société, éviter scs ennuis ou bien s’en libérer pour soupirer et languir plus à loisir après l’étreinte du Christ2 ». Un idéal aussi ambitieux que l’érémitisme a des exigences auxquelles il n’est pas facile de satisfaire ; aussi Aelred laisse-t-il libre cours a son humour pour décrire quelques travers des « recluses de notre temps ». En bon cistercien, convaincu institutione Inclusarum 1 » (Dom Λ. Hostk, « Marginalia bij Aelred’s De institutione inclusarum », dans Cilcaux in de Xederlandeti, IX 119581, p. 133). 1. De inst. inet., 38, p. 169 et 165. 2. De inst. incl.,2, p. 45. Ce passage est cite par le ms. Oxford, Bodl. lut. throl. d. 27 (xv« s.) parmi d’autres témoignages sur la vie érémilique. Il ost ainsi introduit : « Qua do causa quae ratione vita inclusionis ab antiquis instituta sil vel usurpata quidam sensatus inter alios quamplures tractans de illa vita sic dicit : Sunt quidam... vivere delegerunt » (fol. 200). Ce même manuscrit contient aussi le présent traité (fol. 181-196). INTRODUCTION 13 des avantages de la vie commune, il n’est pas tendre pour les faiblesses qu’il a rencontrées. La recluse qui fait la classe, ou celle qui, telle une douairière, ne songe qu’à agrandir son domaine, autant de fins croquis où se déploie une verve piquante. Il n’y a pas lieu de commenter ici Le règlement |fif. particularités de cette règle. Dom Gougaud l’a étudiée dans son ouvrage Ermites et ïleclus1. C’est une adaptation de la règle de saint Benoît, dont on reconnaîtra facilement l'ordonnance générale et, à de nombreux détails, l'interprétation cistercienne telle qu’elle devait être donnée au noviciat de Bievaulx. On notera les digressions « plus spirituelles » qui cmaillcnt ce règlement. Le silence, l’éloignement du monde sont destinés à « sau­ vegarder cette tranquillité d’âme et cette paix du cœur» qui préparent aux visites divines. Le Dr Talbot a relevé des allusions discrètes à la vie mystique et notamment la mention de la prière de « celui qui ne sait, plus qu’il prie », réminiscence de saint Antoine et de Cassicn1 2. 2. Le Directoire ascétique La seconde partie du traité est consacrée à la vie morale : vices et vertus. La place occupée par la chasteté et scs combats y semble exagérée et les rigueurs excessives de la mortification corporelle, données comme remède infailli­ ble, ne seront reçues qu’avec réserve. L’exposé sur l'humi­ lité est· rempli de fines remarques. U y a aussi dans cette section un long et pittoresque parallèle entre la vie chré­ tienne et le travail du lin. Cette méditation sur la nappe 1. Dom Gougaud, Ermites d reclus, p. 102-113. 2. C. II. Talbot, « Lo mysticisme du traité De insliltilione inclu­ sarum do Saint-EIrède » (sic), dans Collectanea O. C. H., VI (10301910), p. 251. 14 LA VIE DE RECLUSE d’autel est introduite par une de ces attaques, dont Aelred est coutumier, contre les ornements superflus de l'oratoire, plus destinés à flatter la frivolité qu'à inspirer la dévotion. En fait d’images, l'Abbé de Rievaulx ne veut que le crucifix, qui peut être encadré de la Vierge et de saint Jean. « Dans la pensée des mystiques du xue siècle, promoteurs de cette dévotion, écrit E. Duinoutet, il ne s’agissait pas d’un regard éphémère mais d’une contemplation appuyée, profonde ; écoutons Aelred...1 », et l'auteur cite le passage de la Lettre à sa sœur1234*. Aelred appelle le crucifix o le miroir du chrétien8 », « l’image de la vérité peinte sur la croix », comme dit son biographe qui, parmi une foule de détails conventionnels à propos de la méditation de son abbé, semble pourtant nous avoir donné une idée de la dévotion d’Aclrcd au crucifix quand il écrit que « sa méditation était comme un très long fil qu’il passait par le Christ crucifié et dont il ramenait le bout jusqu’au trône de Dieu le Père. Le fil, c’était son intentio, et la pointe qui le conduisait, son intelligence·1 d. C'est surtout devant le crucifix que la méditation dont nous parlerons plus loin prend toute sa signification d’évocation de présence : « Vous qui voyez, La dévotion au crucifix 1. E. Dumoütbt, Le Christ selon la chair el la vie liturgique, Paris, 1932, p. 24. 2. De inet. inc!., 26, p. 105. 3. Serm. I, in Hamis Palm.; P. L., 195, 263 D : « Tam ipsa crux Christi sit quasi speculum Christiani. » 4. Waltek Daniel, The Life of Aitred of Hievaulz (éd. F. Μ. Powicke), p. 19. Waller Daniel rapporte qu’il assista Aelred agoni­ sant et lui dit : « Regardez, lu croix, Révérend Père, et que vos yeux soient là où est votre cœur. Aussitôt il leva les paupières et tourna les yeux vers l'image de la Vérité peinte sur la croix (ad flguram veritatis depictam in ligno) », ibid., p. 61. Selon les statuta do Clleaux, lo crucifix était un Christ peint sur une croix de bois ; dans le De institutione inclusarum, il s'agit peut-être d'un crucifix sculpté, car Aelred emploie le tenue imago, qu’il avait distingué, au début de ce paragraphe, de pictura. INTRODUCTION 15 dit-il, et considérez comme en votre présence Jésus-Christ sur la croix, qui voyez ces bras étendus comme pour vous embrasser1. « « Les images, écrit-il à sa sœur, doivent donc donner occasion à des élans d’amour et non pas devenir un étalage de vanité. Elles doivent toutes te ramener à l’unité. » L’unité, cette nostalgie des mys­ tiques depuis saint Jean, inspire à Aelred un très bel clan : « Cette unité qui ne se trouve qu’en ΓUnique, auprès duquel il n’est ni changement, ni ombre de vicissitude. » L'influence néo-platonicienne se fait sentir ici a travers saint Augustin. Notre auteur a traité de cette unité dans tous ses ouvrages. Dans le Miroir de la Charité par exemple : a quand tout ce que nous sommes ne fera plus qu'un avec Dieu : un dans l'Un, avec l'Un, par l’Un, ne sentant et ne goûtant plus que l’Un, et parce qu’unifiés à jamais, à jamais dans la paix12. » De même dans le traité de l'/lmttte spirituelle : « Un ami qui adhère à son ami dans l’esprit du Christ ne fait plus avec lui qu’un seul cœur et une seule âme ; ainsi, par les degrés de l'amour, se haussant à l’amitié du Christ, il devient un seul esprit avec Lui3. » L’unitô Après ccttc élévation à l’unité, 1 . . . . Aelred en vient tout normalement a traiter de la charité. Une belle image, et combien féminine, en exprime la vertu unifiante : c’est comme la frange dorée qui borde et « finit o la robe multicolore de toutes les vertus. Un développement similaire se retrouve dans VAmitié spirituelle où toutes les vertus sont aussi ramenées à la charité. «Toutes les vertus se fondent dans la plénitude , . ,4. La charité 1. Sermo XI, in dic sancio Paschae; P. L., 195, 272 A. 2. Spec. car., Ill, 1 ; P. L., 195, 576 D. Voir aussi ibid., I, 5; 509 C : « Ut quid multa ? Quidquid appetis in mullis, in uno est. » 3. De spir. amie., Il ; P. L., 195, 672 D. IG LA VIE DE RECLUSE de la charité1. » C’est ici, croyons-nous, qu'Aelrcd, traitant de la distinction de l’amour de Dieu et du prochain, répond à une question précise qu'a dû lui poser sa sœur. Le même problème se retrouve dans V Amitié spirituelle à propos de l’aide pécuniaire que se doivent les amis : « Mais nous, dit Gautier, qui n’avons pas la permission de recevoir ni de donner quoi que ce soit, comment remplirons-nous ce devoir de l’amitié spirituelle12? » L’abbé y répond comme il le fait ici : « Qu'ils aient le souci les uns des autres, qu’ils prient les uns pour les autres. » Quant à la recluse, elle est complètement dispensée des œuvres de miséricorde. L'or­ ganisation de la charité appartient au clergé et même dans les monastères, dont la vie tient pourtant dans une assez large mesure de celle de Marthe, il y a des préposés aux aumônes et à l’hospitalité. « Qu'elle rassemble tous les malheureux au creux de son amour et qu’elle prie pour eux... » L’admirable prière, en vérité, où l'on croit entendre un écho de ces longues oraisons liturgiques pour tous les états de la chrétienté3. On passe ensuite à une autre distinction qu’il ne faut pas confondre avec la précédente, celle de l’amour effectif et de l'amour affectif. L’amour effectif, ou «charité pra­ tique », est la vie vertueuse, manifestation et résultat de l’ascèse. Ayant traité de l’ascèse dans son règlement de vie, 1. Spec, car., I, 31-32 ; P. L., 195, 535 D-537 B, et ibid., 33 ; 538 B : < Itn tune caetcrae virtutes in caritatis plenitudinem sese refundent, ut in illa felicitate nihil aliud temperantia, prudentia, fortitudine putolur quam caritas. » 2. De spir. amic., Ill ; P. L·, 195, 694 D. 3. Cf. S. Bernard, Sermo de conversione, editi par Dom J. I.Eci.Hucç», Deux sermons de S. Bernard selon une rédaction inédite, dans Analecta monastica, I, p. 133 : < Fac cleernosinam si non potes de terrena substantia, saltem de voluntate bona » ; et Baudouin de Ford, Tract. 1, de SS. Sacramento Euckar.; P. L., 204, 411 C : c Compassio autem misericordiae sempur benevola est, etsi per inopiam rei familiaris non semper benefica ; ideoque in sola voluntate nonnunquam consistit. · INTRODUCTION 17 Aelred aborde ensuite les vertus morales, qui en sont les fleurs1. Cette purification de la vie morale prépare à son tour à l’amour affectif : charité théorique, ou contemplation, qui est le couronnement des exercices spirituels, et tout spécialement de la méditation. On voit donc l’agencement de la vie spirituelle : ascèse, vertus, méditation, contempla­ tion et vie mystique. 3. La Méditation On s’interdirait la pleine intelligence de la méditation médiévale, monastique et cistercienne, si arbitrairement on l’isolait de l’ensemble de la discipline dans lequel elle s’intégre. Aelred distingue ordinairement deux catégories d’exercices : ceux du corps et ceux de l’esprit. Les jeûnes, les veilles et le travail sont les corporalia ; la a lectio » l'oraison et la méditation, les spiritualia. Chacun de ces exercices vient en son temps et a sa valeur respective ; une « salutaire alternance » procure h cette vie un sain équilibre qui favorise la réflexion sur les grandes vérités humaines et chrétiennes qui doivent guider l’action et éclairer l’intelligence et le cœur1 2. On l’a fait remarquer naguère, les exercices spirituels prennent leur source dans cette discipline monastique, « et l'on entend bien par exercices l’application à une médi­ tation déterminée, répondant à un propos de conversion ou de progression spirituelles, comportant des examens de conscience, s’achevant par des résolutions et des prières, 1. Gf. De Icau pue.ro, II, 12 ; ΠΙ, 19-20 ; S. C., 60, p. 75, 93 (Hoste-Dubois). 2. Cf. A. Squibb, · Aelred of Rievaulx and the monastic tradition concerning action and contemplation », dans Downside Review, XXII (1954}, p. 301, et C. Dumont, < L'équilibre humain de la vie cister­ cienne d’après le Bx Aelred de Rievaulx », dans Collectanea O. C. R., XVIII (1956), p. 177-189. 2 18 LA VIE DE RECLUSE des demandes de grâces pour ce faire1 ». On se rendra compte, à la lecture du traité, combien il répond à cette description et comme il en réunit tous les éléments. Il est facile de s’imaginer comment l’abbé de Rievaulx pratiquait lui-même ces exercices spirituels : tous ses écrits en sont comme un fidèle reflet. Il a la Bible sous les yeux, il lit lentement, un mot le frappe, de son cœur jaillit une courte invocation, l’ora/to : demande de grâce de ferveur. Puis son esprit se laisse aller à la méditai ion, l’imagination ayant ici le rôle essentiel ; ensuite vient une concentration de la pensée qui se fixe sur une vérité intimement vécue, «réalisée», jusqu'à ce que l’esprit soit ravi pour un instant en l’unité d’un acte de contemplation pure. Semences Un des grands soucis des maîtres de méditation spirituels du Moyen Age est de maîtri­ ser, par un entraînement de l’esprit, les imaginations déréglées et les divagations des désirs. Aclred a décrit ce désordre de la vaine curiosité, de la science inutile, de la fausse philosophie qui mêle les Bucoliques aux Évangiles, qui confond Horace parmi les prophètes et Tullius avec Paul. On écrit des vers, des chansons d’amour, et c’est tout cela qu'Aelred appelle des seminaria uanilalis, des pépinières de vanité12. On lira la fine description psycholo­ gique qu’il donne du résultat désastreux des bavardages de la recluse à sa fenêtre : laissée à elle-même, tout prend des proportions fantastiques. Par contre, les mystères du Christ « répandent dans l’esprit de riches semences de 1. A. Le Baii., · Les Exercices spirituels dons l’Ûrdre de Cîleaux >, dans B. A. Λ/., XXV (1949), p. 260. 2. Spec. car., 11, 24 ; P. 195, 573 C. Aelrcd nous dit qu’il s’as­ treignit à écrire certaines réflexions rassemblées dans le Spéculum pour brider une imagination trop riche et en contenir les divagations : *... propria mo coegit necessitas... vagos et inutiles luxuriantis animi mei excursus harum meditationum vinculis alligare necessarium duxi > (ibid., Ill, 41 ; 620 D). INTRODUCTION 19 meditation1 » et « chassent les mauvaises pensées2 ». Ce que se propose Aclrcd dans la méditation-type qu’il envoie à sa sœur, comme dans celle du De Jesu puero, ressemble un peu , dans Revue des /toutes Augustiniennes, VIII (1057), p. 174. 28 LA VIE DE RECLUSE encore à peindre les passions de l’adolescent dans l’Oratson pastorale et dans les pages autobiographiques du De spirituali amicitia1 ». Le maladroit camouflage de son pieux biographe, déjoué immédiatement par deux contemporains, suffirait à nous convaincre de l’authenticité de confidences que l’hagiographe moderne n’essaye plus de falsifier, bien au contraire1 2. C'est cette meme intention d'a édifier» qui a fait escamoter cette méditation du présent dans des manus­ crits tardifs. Néanmoins, les Confessions ne sont pas d’abord « une autobiographie, mais une méditation priante et philoso­ phique sur les réalités de la vie humaine comme elles apparaissent dans la vie d’Augustin... La pensée augustinienne exprime le mouvement réel de l’âme, progressant par décisions, en la présence de Dieu... Pensée extraordi­ nairement claire, puisqu’elle met sans cesse en lumière les différences essentielles qualitatives du Bien et du Mal, de Dieu et du Monde3 ». Et c’est bien cela encore que nous trouvons dans ce chapitre de saint Aelred. On notera, dans l’énumération des bienfaits présents, l’allusion aux grâces d'illumination des sens spirituels de l’Écriture4, particulièrement caractéristique de l’expérience spirituelle des anciens moines. 1. Ibid., p. 164. 2. Walter Daniel avait affirmé qu’Aelred avait vécu comme un moine à la cour d’Écosso. Deux prélats avaient aussitôt fait objection. Walter, dans sa Lettre à Maurice, donne une réponse fort embarrassée, expliquant qu’il faisait usage d’une figure de style 1 Cf. Walter Daniel, The Life of Λ Ured of Rievaulx (éd. F. M. Powicke), p. 76. 3. P.-L. Landsûerg, « Les sens spirituels chez S. Augustin », dans Dieu uivanl, 11, p. 101. 4. L’illumination des sens spirituels était considérée comme une grâce et un signe de perfection spirituelle. Cf. p. ex. De spir. amie., III (P. L., 195, 692 Λ) et Sermo XXVI de Otter. (467 A-B), où l’on voit bien qu’il s’agit de l’intelligence spirituelle de l’Ecriture. INTRODUCTION 29 La meditation ï-æ troisième panneau du triptyque dos bienfaits futurs : est consacré à une méditation sur les eschatoioaîe fins (]ern^res . ja mor^ l’enfer et te ciel. L’abbé de Rievaulx a souvent parle de l’horreur de la mort1, mais aussi de la foi qui en triomphe et qu’expé­ rimente tout spécialement celui qui «soupirant sous le fardeau de notre servitude, aura connu un jour les brises plus pures de son ùmc plus libre ». Cette expression, qui se retrouve dans le Miroir de la Charité : « in auras conscientiae purioris citius respirabit», est encore une expression augustinienne2. Dans un sermon de Carême nous trouvons même fies expressions qui font penser à la réminiscence platonicienne : « Oh, si nous avions toujours à la mémoire où nous étions et où nous sommes maintenant3 !» ; et plus loin il blâme ceux « qui prennent l’exil pour la patrie et 1. Cf. Sermo I de Oner., 12 ; P. I.., 184, 823 C : > Sub hoc timoris onero lotum vivit genus humanum... » 2. Voir Spec, car., I, 21 (P. L., 195, 570 C) : «...in conscientiae serenitatem ac caritatis proficiet libertatem ; ...in auras conscientiae purioris citius respirabit»; ibid., I, 8 (512 D) : «sortitur pennas columbae deargentatas, quibus ad illud sublimo ct purum bonum evolet » ; ibid., I, 34 (544 B) : « exuto huius carnis involucro, liberio­ ribus, ut ita dixerim, pennis ad illud sublime et purum bonum evolat»; Sermones inediti (éd. Talbot), p. 128 : «liberis pennis ad illum purum evolet lumen » ; ibid., p. 49 : < qui ab istis tristibus emergentes et quasi in auram libertatis respirantes. » Cf. S. Augustin, Solii., Γ, xiv, 24 ; P. L., 32, 882 : « Penitus esse ista sensibilia fugienda, cavendumquo magnopere dum hoc corpus agimus, ne quo eorum visco pennae nostrae impediantur, quibus integris perioctisquc opus est, ut ad illam lucem ab his tenebris evolemus : quae se ne ostendere quidem dignatur in hac cavea inclusis, nisi tales fuerint ut ista vel effracta vol dissoluta possint in auras suas evadere. » M. Pierre Courcelle a bien voulu me signaler encore les textes suivants : Confess., VIII, vrr, 18 ; Contra Acad., Il, ni, 7 ; ISnarr. in Psalm. CXXXVIII, 13 (C. C. L., 40, p. 1999, 1. 10), textes que M. Courcelle commente dans un article : · La colle et le clou de fûme dans la tradition néo­ platonicienne ct chrétienne (Phtdon 82 il faul >’ insister· devra garder un silence plein de rete­ nue. Il y a dans le silence grande paix et grand profit. « Le silence, c’est le culte de la justice4 », et, comme le dit L« silence •I. Is., 32, 17. 54 DE INSTIT. INCLUSARUM et sicut ait leremias : Bonum est cum silentio expectarc salutare Dei. Et iterum : Bonum est viro cum portaverit iuguin, ut sedeat solus, et taceat. Unde scriptum est : Audi Israel, et tace. Fac ergo quod ait Propheta : Dixi custo­ diam vias meas, ut non delinquam in lingua mea ; posui ori meo custodiam. Sic inclusa timens casum linguae, quam secundum Apostolum lacobum, nemo hominum domare potest, ponat custodiam ori suo, sola sedeat et taceat ore, ut spiritu loquatur, et credat se non esse solam, quando sola est. Tunc enim cum Christo est, qui non dignatur in turbis esse cum ea. Sedeat ergo sola, taceat, Christum audiens et cum Christo loquens. Ponat custodiam ori suo, primum ut raro loquatur, deinde quid loquatur, postremo quibus et quomodo loqua­ tur attendat. Raro loquatur, id est certis et constitutis horis de qui­ bus postea dicemus. Quid loquatur, id est de necessitate corporis vel animae aedificatione. Quibus loquatur, id est certis personis et quales ei fuerint designatae. Quomodo loquatur, id est humiliter, moderate, non alta voce, nec dura, nec blanda, nec mixta risu. Nam si hoc ad quemlibet virum honestum pertinet, quanto magis 1. Lament., 3, 26. 2. Ibid., 3. 27-2«. 3. Deu!., 27, 9 selon les I.XX (cité sous cette formo par S. Jékômk, Epis!. CXXV, 15 ; P. L., 22, 1081 Λ). 4. Ps. 38, 2. 5. Cf. Jac., 3, 8. 6. Sur cet entretien intérieur de l'âme et du Verbe, cf. S. Bernard, Sermo XLV in Cant., 7 ; P. L., 183, 1002 C-D ■ Spiritus est Verbum, spiritusque anima, et habent linguas suas... Et Verbi quidem lingua favor dignationis eius, animae vero, devotionis fervor. » LA VIE DE RECLUSE, 5 55 Jérémie, « il est bon d’attendre en silence le salut de Dieu ’». Et de même : a II est bon à l’homme de porter le joug, pour qu’il s’asseye, solitaire, et se taise2. » Aussi est-il encore écrit : « Écoute, Israël, et lais-loi3. » Fais donc ce que dit le Prophète : « J’ai dit : je garderai mes voies pour ne pas pécher par la langue ; je mettrai une garde à mes lèvres4. » Que la recluse de même mette une garde à scs lèvres, de crainte de pécher par cette langue dont l’Apôtrc Jacques dit que « personne ne peut la dompter5 ». Qu’elle s'asseye, solitaire, et impose le silence à sa langue, pour parler dans son cœur6 ; et qu'elle croie qu’elle n’est pas seule quand elle est seule7, car elle est alors avec le Christ, qui ne veut pas sc trouver avec elle au milieu de la foule8. Qu’elle s'asseye donc solitaire, qu'elle sc taise pour écouter le Christ et lui parler. Qu’elle mette une garde a ses lèvres, afin de parler rarement, de veiller à ce dont elle parle, et de prendre garde à qui elle parle et comment. Parler rarement : il nous faudra fixer des moments bien déterminés. Nous en traiterons plus loin. De quoi parler? Des nécessites du corps et. de l’édification de l’âme. A qui parler? A un certain nombre de personnes, qui lui auront été désignées. Comment parler? Humblement, avec modération ; pas à voix haute, ni criarde, ni doucereuse, ni entrecoupée d'éclats de rire. Si tout cela ne sied pas à un honnête 7. Cf. le mot attribué à Théophraste par S. Jérôme, Ado. Inuin. I, 47 ; P. I.., 23, 290 c : « Si hominum inopia fuerit, loquitur cum Deo. Numquam minus solus erit quam cum solus erit. » La même maximo est prêtée à Scipion l’Africain par Cicéron, De Officiis, III, 1, cité par S. Ambroise, De Officiis rninislr., III, 2 ; P. I.., 16, 145 C-146 B, et Episl. XLIX, 1 ; ibid., 1153 D. Pascrase Radbert, Expositio in Ps. XLIV; P. J.., 120, 995 ; Guillaume de Saint-Thirhry, Episl. ad iralrcs de Manlc-Dci. I, iv, 10 ; P. L., 184, 313 D. 8. Cf. S. Augustin, In lah., XVII, v, 11 ; C. C. L., 36, p. 176, (Willoms) : « Noli lesum quaerere in turba. > 50 DE INST IT. INCLUSARUM ad feminam, quanto magis ad virginem, quanto magis ad inclusam? Sede itaque, soror mea, et tace, et si compelleris loqui, parum loquere, humiliter ct modeste, sive de corporalium rerum necessitate, sive de animae salute, sermo incubuerit. 6. lam nunc personas quibus loqui debet designemus. Felix illa quae nec Martinum admisit, nullum virorum nec videre volens, nec alloqui. Sed quaenam inclusarum hoc sequeretur exemplum? Sufficiunt illis quae modo sunt si hanc corporalem castitatem conservent, si non onusto ventre extrahantur, si non fletus infantis parium prodi­ derit. Quibus quia perpetuum nc cum viris indicere possumus silentium, cum quibus honestius loqui possint videamus. Igitur, si fieri potest, provideatur in vicino monasterio vel ecclesia presbyter aliquis senex, maturis moribus et bonae opinionis. Cui raro de confessione et dc animae aedificatione loquatur, a quo consilium accipiat in dubiis, in tristibus consolationem. Verum quia inclusum membris malum illud quod timemus plerumque suscitat et emollit emortuam senectutem, nec ipsi manum suam tangendam praebeat vel palpandam. Nulla vobis dc macie vultus, de exilitate brachiorum, dc culis asperitate sermocinatio sit, nc ubi quaeris remedium incurras periculum. 7. Haec libi, soror, gratias Deo dicenda non fuerant, sed quia non solum propter te, sed etiam propter adoles- 1. Cf. Solpice Sévère, Dialog., II, 12; C. S. E. f.., I, p. 194195 (Halm). Ce récit de Sulpicc Sévère est évoqué dans PseudoJÉRÔME, Epiât. XLII, 10; P. L., 30, 300 D-301 A, qu’utilise Abélard, Epis!. VIII ; P. L., 178, 264 D-265 A. 2. Cf. S. JÉRÔME, Epist. XXII, 13; l.abuurt, I, p. 122, 1. 27 : « Piget dicere quot quotidie virgines ruant... Quas nisi tumor uteri ol infantium prodiderit vagitus... » LA VIE DE RECLUSE, 5-7 57 homme, combien moins à une femme, et moins encore à une vierge ; que dire alors d’une recluse? Assieds-toi donc, ma soîur, et fais silence. S’il t'arrive dc devoir parler, fais-lc en peu de mots, humblement, modestement, et qu’il ne s'agisse que des nécessités maté­ rielles ou du salut de ton âme. 6. Voyons à présent, les personnes auxquelles on pourra parler. Heureuse celle qui n’a même pas admis Martin, nc voulant voir aucun homme, ni lui parler1 ! Mais trouve­ rait-on une recluse pour suivre cet exemple? Dc nos jours, c’est déjà bien beau si elles gardent l’intégrité corporelle, si une grossesse ne vient pas mettre fin à leur réclusion, si des pleurs d’enfant, nc trahissent pas qu’elles sont devenues mères2 ! Mais puisqu’on ne peut leur imposer le silence complet, même avec les hommes, voyons avec lesquels elles pourront parler en toute honnêteté. Que la recluse se cherche donc, si possible, dans quelque monastère ou église du voisinage, un prêtre Agé, de vie réglée et de bonne réputation. Elle ne s’adressera à lui que rarement, uniquement pour se confesser et pour l'édification de son âme. Elle se fera conseiller par lui dans scs doutes et consoler dans ses épreuves. Elle nc lui donnera pas la main à serrer ou à toucher, car le mal redoutable inocule dans nos membres peut nous impressionner jusqu’au déclin de la vieillesse. Qu’il ne soit question ni de la maigreur du visage ou des bras, ni de la rugosité de la peau, de peur que là où l’on cherche un remède, on n’aille éveiller un danger. 7. Grâce à Dieu, mu sœur, tout cela, ce n’est pas à toi qu’il fallait le rappeler. J’ai cru bon cependant d’insérer ces quelques remarques, car ce n’est pas pour toi seule que tu m’as demandé d’écrire ce règlement de vie, mais égale- 58 DE 1NSTIT. INCLUSARUM centiores quae similem vitam tuo consilio arripere gestiunt, hanc tibi formulam scribi voluisti, haec inserenda putavi. Si aliqua magni nominis vel bonae aestimationis per­ sona, abbas scilicet aut prior, cum inclusa loqui voluerit, aliquo praesente loquatur. Nullam certe personam te frequentius visitare vellem, nec cum aliqua te crebrius visitante familiare te vellem habere secretum. Periclitatur enim fama virginis crebra certe alicuius personae salu­ tatione, periclitatur et conscientia. Nam quanto saepius eumdern videris vultum, vel vocem audieris, tanto expres­ sius eius imago tuae memoriae imprimetur. Et ideo inclusa etiam facie velata loqui debet cum viro et eius cavere conspectum, cui cum timore solum debet praestare audi­ tum. Nam eamdem viri vocem saepe admittere, quibusdam periculosum esse non dubito. Adolescentium et suspectarum personarum devita collo­ quium, nec unquam tecum nisi in audientia illius qui tibi pro patre est loquatur, et hoc si certa necessitas poposcerit. Cum nullo itaque advenientium praeter episcopum aut abbatem vel magni nominis priorem sine ipsius presbyteri licentia vel praecepto loquaris, ut ipsa diflicultas loquendi lecuin, maiorem tibi praestet quietem. Nunquam inter te et quemlibet virum quasi occasione exhibendae caritatis, vel nutriendi affectus, vel expetendae familiaritatis aut amicitiae spiritalis discurrant nuntii, ncc eorum munuscula litterasque suscipias, nec illis tua dirigas, sicut plerisque moris est, quae zonas vel marsupia, diverso stamine vel subtegmine variata et caetera huiusmodi adolescentioribus monachis vel clericis mittunt. Quod fomentum est amoris illiciti, et magni materia mali. Operare proinde ea quae vel necessitas poscit vel praes­ cribit utilitas, et eorum pretium luis usibus cedat. Quibus 1. Il s’agit du prêtre servant do Père spirituel ; et. paragraphe précèdent. LA VIE DE RECLUSE, 7 59 ment pour les jeunes filles qui, sur tes conseils, s'efforcent de mener une vie pareille à la tienne. Si quelque personnage de marque ou de haute réputation, — un abbé, par exemple, ou un prieur, — voulait parler à une recluse, il ne le fera qu’en présence d’un tiers. Je voudrais d’ailleurs que personne ne vînt te rendre visite trop souvent, et que tu ne le livres pas à des confidences avec un hôte trop assidu. En effet, à de trop fréquentes rencontres avec la meme personne, la réputation d'une vierge ne peut que perdre, et sa conscience de même. Car plus tu reverras souvent le meme visage, plus tu entendras souvent la même voix, plus la représentation s’en impri­ mera dans ta mémoire. Aussi une recluse doit-elle encore baisser son voile pour s’adresser à un homme ; elle se gardera de dévisager celui qu’elle doit seulement écouler, et cela dans la crainte. Car j’en suis sûr, pour certaines, entendre trop souvent la meme voix d’homme ne va pas sans danger. Évite la compagnie des adolescents et des personnes peu sûres. Ne leur parle qu'en présence de celui qui le sert de père1, et seulement si la nécessité l’exige. Sauf aux évêques, abbés ou prieurs bien connus, ne parle à aucune personne de passage sans la permission ou l'ordre exprès du prêtre. Ton abord sera ainsi rendu si difficile, qu'on te laissera dans une profonde tranquillité. N'aie jamais de communication avec aucun homme par l'entremise de messagers, et cela sous quelque prétexte que ce soit : témoignage de sympathie, exhortation à la ferveur, recherche d'affinités ou d'amitiés spirituelles. Ne reçois, ni n’envoie ces lettres et ces petits présents, ces ceintures et ces bourses lissées et brodées de couleurs, que l’on offre — la coutume n'est que trop répandue ! — aux jeunes moines et aux clercs. Ce sont là occasions d’affections défendues et l’origine de bien des misères. Confectionne plutôt des objets utiles et pratiques dont le bénéfice ira t>0 DE INSTIT. INCLUSARUM si non egueris, aut. ecclesiae, aut pauperibus, sicut diximus, tribuatur. Ornet etiam omnes motus omnesque sermones inclusae verecundia, quae linguam compescat, iram mitiget, iurgia caveat. Nam quam pudere debet honesta loqui, quantae impudentiae est ut inhonesta, aut lacessita iniuriis aut stimulata furore, loquatur? Inclusa igitur litiganti non respondeat, detrahenti non improperet, lacessenti non contradicat, sed in omnibus quae in occulto vel publico aut obiciuntur aut susurrantur, ex conscientiae serenioris arce contemnat, dicens cum Apostolo : Mihi autem pro minimo est ut a vobis indicer. Super omnia enim inclusa studere debet, ut tranquillitatem spiritus et pacem cordis iugiter retinens, illum sui pectoris aeternum habeat inha­ bitatorem, dc quo scriptum est : In pace factus est locus eius. Et alias Dominus per prophetam : Super quem, inquit, requiescet Spiritus meus, nisi super humilem ct quietum et trementem sermones meos? Hunc sacratissimum mentis statum, non solum stulti­ loquia, sed etiam multiloquia evertunt, ut advertas, nihil tibi magis esse sectandum quam silentium. 8. De temporibus loquendi et tacendi8, lam nunc tempus loquendi a tacendi tempore distinguamus. a. De temporibus loquendi et tacendi U: Quibus debet loqui Talbot. 1. Ct. Spec. Car., I, 31 ; P. I.., 195, 534 D-535 B. On rapprochera cette tranquillité intérieure, qui coïncide avec le plein épanouissement do la charité dans Pâme, do ΓάπάΟεια dc la tradition monastique orientale. 2. / Cor., 4,3. 3. Ps. 75, 3. Cf. Sermones inediti (éd. Talbot), p. 141 ; « Eia, fratres, in pace factus est Incus cius, id est Dei, et ideo nullus ei alius locus in anima quam pax cordis et tranquillitas mentis. » Aelred semble dépendre ici de Cassien, Coni. XII, 11 ; C., 54, p. 138 I,A VIE DE RECLUSE, 7-8 61 à ton entretien personnel. Donne le superflu, comme je l’ai dit plus haut, pour les frais du culte et les pauvres. Que tous les actes, tous les entretiens de la recluse soient ornés de celte retenue qui refrène les excès de la langue, apaise les mouvements de colère, et évite les dis­ putes. S’il lui faut déjà rougir de dire honnêtement des choses honnêtes, quelle honte si elle en arrive aux dés­ honnêtes, provoquée par des mots blessants ou sous le coup de la colère ! La recluse ne répondra donc pas à qui lui cherche noise, ne s'en prendra pas à qui la ravale, ne résistera pas à qui la provoque. Elle n’aura que dédain pour toutes les accusations et les insinuations malveillantes dont on la chargera, en public ou dans l’ombre. Parfaite­ ment sereine dans la citadelle de sa conscience1, elle redira avec Γ Apôtre : « Pour moi, il m’importe peu d’être jugé par vous2. » Par-dessus tout, elle s’efforcera de garder toujours la tranquillité de l’âme cl la paix du cœur, pour qu’en son intérieur habite l'IIôte éternel, dont il est écrit : κ Son lieu, c'est la paix3. » Ailleurs, le Seigneur ne dit-il pas par le Prophète : « Sur qui se reposera mon Esprit, sinon sur l’humble et le pacifié qui m’écoute dans la crainte···? » Ce saint étal de l’âme se perd non seulement par des bavardages scandaleux, mais par tout excès dans l’usage de la parole. Rien ne mérite donc autant ton attention que Je culte du silence. 8. Quand faut-il parler, et quand se taire? Déterminons à présent des moments pour parler, et des moments consa­ crés au silence’. (Plchery), écho lui-même de renseignement d’Évagro le l’ontiquo eur ΓάπάΘβια, condition de la contemplation, et sur les rapports entre lo «Hou de Dieu » dans l’àme et la contemplation. 4. Is., 66, 2. 5. Cf. Ecd., 3, 7. 62 DE INST IT. INCLUSARUM Igitur ab exaltatione sanctae crucis usque ad quadra­ gesimam post completorium usque ad auroram silentium teneat. Et tunc dicta prima, si aliquid de diurna necessitate voluerit suggerere servienti, paucis hoc faciat verbis, nihil cuiquam postea usque ad tertiam locutura. Inter tertiam vero et nonam his qui supervenerint per­ sonis si admittendae sunt competenter respondeat, ct ministris quod placuerit iniungat. Post nonam sumpto cibo omne colloquium, et dissolutionis materiam caveat, ne impingatur ei illud quod scriptum est : Sedit populus manducare ct bibere, ct surrexerunt ludere. Porro vesper­ tina laude soluta, cum ministra usque ad tempus colla­ tionis de necessariis conferat. Tempore vero quadragesimae, inclusa semper tenere silentium deberet, sed quia durum hoc irnpossibilcquc putatur, cum confessore suo et ministra rarius quam aliis temporibus loquatur, ct cum nullo alio, nisi forte aliqua reverenda persona ex aliis provinciis supervenerit. Post pascha vero usque ad tempus praedictum a comple­ torio usque ad solis ortum silentio custodito, cum horam primam in divinis obsequiis celebraverit, cum ministris suis loquatur ; si oportuerit, cum supervenientibus inter nonam ct vesperam. Finita hora vespertina, disponat cum ministris, si quid opus fuerit usque ad collationem. 9. His inspectis, operi manuum, lectioni et orationi certa tempora deputemus. Otiositas quippe inimica est animae, quam prae omnibus cavere debet inclusa. Est enim omnium malorum parens, 1. Col horaire s'inspire de Regula S. Bcnolicli, XI.11 : « Ut post completorium nemo loquatur >, et XLVIII : « A Pascha usque kalendas octobres... A kalendis au Lem octobris usque caput Quadragesimae... n Quadragesimae vero diebus... · 2. Ex., 32, 6. 3. Regula S. Benedicit, XLVIII. LA VIE DE RECLUSE, 8-9 63 Depuis l’Exaltation de la sainte Croix jusqu'au Carême, qu’on observe le silence depuis Complies jusqu’à l’aurore1. Après Prime, si la recluse veut donner quelques indications aux servantes pour le travail de la journée, qu'elle le fasse brièvement, et qu’elle ne parle ensuite à personne jusqu'à Tierce. Entre Tierce et None, si quelqu’un se présente qu’il faut recevoir, qu’elle lui réponde ce qui convient ; elle pourra également donner scs ordres à ses servantes à ce moment. Après None, le repas terminé, qu’elle se garde de tout colloque ou de tout ce qui pourrait donner lieu à la dissi­ pation, de peur qu'il ne lui arrive ce qui est écrit : « Le peuple s'assit pour manger et boire, puis ils se levèrent pour jouer2. » Après Vêpres, toutefois qu’elle s'entretienne avec les servantes des différentes choses nécessaires, jusqu’à la collation. Durant le Carême, la recluse devrait garder constamment le silence ; mais puisque cette rigueur est considérée comme excessive et même impossible, qu’elle parle donc avec son confesseur et scs servantes, niais plus rarement qu’en autre temps ; jamais cependant à d’autres personnes, à moins que ne survienne un personnage de marque venant d’une province éloignée. Après Pâques et jusqu'à l’époque déjà indiquée, gardant toujours le silence de Complies au lever du soleil, elle parlera avec scs servantes après la célébration de l’heure de Prime. Avec les visiteurs, elle ne se le permettra qu’entre None et Vêpres, s'il y a quelque opportunité. Vêpres terminées, elle donnera aux servantes du travail jusqu’à la collation, s’il y a lieu. 9. Ccci réglé,’ voyons à disposer le · , , temps pour le travail manuel, la lecture ct la prière. L’oisiveté, comme on sait, est l’ennemie de Tâmc3 ; la recluse s’en gardera très particulièrement. L’oisiveté en effet est la mère de tous les maux : elle „Emploi . . du . ,temps 61 DE INST1T. INCLUSARUM libidinis artifex, pervaga lionurn altrix, nutrix vitiorum, fomentum acidiae, tristitiae incentivum. Ipsa pessimas cogitationes seminat, affectiones illicitas creat, suscitat desideria. Ipsa quietis fastidium parit, horrorem incutit cellae. Nunquam proinde te nequam spiritus inveniat otiosam. Sed quia mens nostra quae in hac vita subdita est vanitati, nunquam in eodem statu permanet, otiositas exercitiorum varietate fuganda est, et quies nostra quadam operum vicissitudine fulcienda. Itaque a Kalendis novembris usque XL secundum aestimationem suam plus media nocte repausct, et sic surgens cum qua potest devotione secundum formam Regulae beati Benedicti nocturnas vigilias celebret. Quibus mox succedat oratio quam secundum quod eam Spiritus sanctus adiuverit, aut protelare debet aut abreviare. Caveat autem, ne prolixior oratio fastidium pariat. Utilius est enim saepius orare breviter, quam semel nimis prolixe, nisi forte orationem devotio inspirata, ipso nes­ ciente qui orat, prolongaverit. Post orationem, in honore beatae Virginis debitum 1. L’acédio, qui a été remplacée par la paresse dans notre liste des péchés capitaux, est l’un des huit vices catalogués par Évagre le Politique ; et G. Bahdy, art. Acedia, dans Dictionnaire de Spiritualité, I, col. 166-169. 2. Cf. S. JimoMR, Epist. CXXV, 11 ; P. L., 22, 1078 B : t Facito aliquid operis, ut te semper diabolus inveniat occupatum. > 3. Ci. Pom., 8, 20. 4. .lob, 14, 2. /Voiced insiste souvent sur cette mutabilité de la créature, cf. p. ex. Sermo XVII de Oner. ; P. L., 195, 431 B, et De Icsu puero, II, 11 ; C., 60, p. 71 (Hoste-Dnbois). 5. Les auteurs monastiques ont souvent insisté sur la nécessité d’alterner les occupations pour éviter l’acédio, cf. déjà Apophlegmala Patrum, ser. alph.. Antoine 1 ; IIjldemab, Expositio Itegulae, cité dans Dictionnaire de Spiritualité, il, col. 1937 : «Si autem videmus nos superari a cogitationibus et iam non delectamur in oratione iacere, surgendum est ; deinde aut legendum aut psallendum aut operandum est. » LA VIE DE RECLUSE, 9 65 engendre la sensualité, nourrit le vagabondage et les vices, alimente le feu de l’acédio1 et de la tristesse. C’est l'oisiveté qui sème les mauvaises pensées, qui incite aux affections illicites et qui allume les désirs coupables. C’est elle qui rend fastidieux le calme de la solitude et fait prendre la cellule en aversion. Que l’esprit malin ne te trouve donc jamais oisive2. Mais notre esprit, soumis à la précarité de cette vie3, ne peut sc fixer d’une façon stable4. C’est donc par la variété des exercices qu’il nous faudra combattre l’oisiveté, et ce sera par une certaine alternance d'occupations5 que nous affermirons notre paix. Ainsi donc, des calendes de novembre au Carême, la recluse reposera un peu au-delà de minuit, selon son esti­ mation6. Qu'elle se lève alors et célèbre avec toute la dévotion qu'elle peut les Vigiles nocturnes, selon l'ordon­ nance de la Règle de saint Benoit. Après les Vigiles viendra l’oraison, qu’il faudra prolonger ou abréger selon que l’Esprit y aidera ou non. Que l’on prenne garde pourtant qu’une oraison longue n’engendre l'ennui. Il est plus expédient de prier brièvement mais à maintes reprises, que longuement et tout d'une traite7, à moins que sous l’effet d’un mouvement de ferveur inspiré par la grâce8, l'oraison ne vienne à se prolonger à l'insu meme de celui qui prie8. Après l’oraison, elle s’acquittera de 1 Office en l’honneur G. Cf. Régula S. Bencdicli, VIII. 7. Cf. Cassicn, /nsi., II, 10; C. S. E. L., 17, p. 26 (Petschonîg) : • Utilius censent breves quidem orationes sed creberrimas flori » ; 11 ; loc. eil., p. 27 : < Illud omnimodis providens ne quod tae­ dium... generetur prolixitate psalmorum. > 8. Cf. /legula S. Benedicti, XX : » Et ideo brevis debet esscu t pura oratio, nisi forte ex affectu inspirationis divinae gratiae protendatur. » *J. Cf. la maxime de S. Antoine rapportée par Cassœn, Coni. IX, 31 ; S. C.. 54, p. GG (Pichery) : « Non est, inquit, perfecta oratio, in qua se monachus vel hoc ipsum quod orat inlelligil. » 66 DE 1NSTIT. INCLUSARUM solvat officium, sanctorum commemorationes afficiens. Cave autem nc de numero psalmorum aliquam tibi legem imponas, sed quandiu tc psalmi delectant, utere illis. Si tibi coeperint esse oneri, transi ad lectionem, quae si fastidium ingerit, surge ad orationem, sic ad opus manuum his fatigata pertransiens, ut salubri alternatione, spiritum recrees, et pelles acidiam. Finitis commemorationibus quarum numerum non propositi vel voti necessitas extorqueat, sed inspirans devotio dictet, tempus quod restat usque ad auroram operi manuum cum psalmorum modulatione deserviat. Albescente aurora, matutinas laudes cum horae primae hymnis persolvat, et sic in alternatione lectionum, ora­ tionum, psalmorum quorum prout ea devotio variaverit, tertiam expectct. Qua dicta, in opere manuum usque ad horam nonam occupetur. Cibo autem sumpto, et gratiis Deo solutis, ad praescriptam vicissitudinem redeat, spiri­ talibus exercitiis opus corporale interserens usque ad vesperam. Facto autem parvo intervallo aliquam lectionem de Vitis Patrum, vel Institutis, vel miraculis eorum sibi secretius legat, ut oria cx bis aliqua compunctione, in quodam fervore spiritus completorium dicat, et cum pec­ tore pleno devotionis, lectulo membra componat. Illa sane quae litteras non intclligit, operi manuum 1. L'office de la Sainte Vierge s’est largement répandu dans le monachisme occidental à partir de la lin du Xe siècle (cf. Dom IL Bkuli£rf., L'ascése bénédictine des origines à la fin du XII' s., Maredsous, 1927, p. -l'J). Cependant, cet office nc figurant pas dans la Règle de S. Benoit, les cisterciens n'en autorisèrent d’abord dans leurs monastères que la récitation privée ; la récitation chorale n’en fut définitivement admise que par le Chapitre général de 1378, et nc devint quotidienne qu'en 1656. Il semble que la pratique cister­ cienne primitive ail été de placer la récitation privée do cet office après la partie correspondante de l’Office canonial (cf. Conrad D'EukhuaCII, Exordium magnum Cislercii, I, 27) ; c’est ce qu'Aelred prescrit ici à sa sœur. 2. Cf. Dom U. Berlière, op. cil., p. 181 : « Dans la dévotion I.A VIE DE RECLUSE, 0 67 de la Bienheureuse Vierge1, en y ajoutant. les coininémo* raisons des saints. Aie bien garde de ne pas t’imposer de règle quant au nombre des psaumes. Sers-toi des psaumes aussi longtemps que tu t’en trouves bien2 ; s’ils commencent à le peser, passe à la lecture ; au moment où elle t’ennuie, lève-toi pour l’oraison. Fatiguée enfin de ces divers exer­ cices, adonne-toi au travail manuel. C'est ainsi que par une salutaire alternance tu le récréeras l'esprit et que lu mettras l’acédie en fuite. Les commémoraisons terminées — tu ne dois jamais te lier par vœu ni t’obliger à en dire un nombre fixe, mais suivre en cela ta dévotion — le temps qui restera jusqu'à l'aurore sera occupé par le travail manuel accompagné de la récitation de psaumes. Au point du jour, la recluse s’acquittera des Laudes matutinales, auxquelles elle joindra les hymnes de Prime. Elle attendra Tierce en alternant ainsi lectures, oraisons et psaumes, au gré de sa dévotion. Après Tierce, qu’elle vaque au travail manuel jusqu'à None2. Ensuite, après le repas et les grâces, elle reprendra jusqu'à Vêpres l’alternance susdite de travail et d’exercices spirituels. Un court intervalle suivra les Vêpres, puis elle lira quelques pages de la Vie des Pères, de leurs Règles ou de leurs miracles4. Elle en retirera un certain sentiment de componction, de sorte que ce sera avec une vraie ferveur d’esprit qu'elle récitera Complies ; puis, le cœur lout rempli de dévotion, elle s’étendra sur sa couche. La recluse qui ne pourrait pas lire s’appliquera plus diligemment au travail manuel. Après avoir travaillé un privée, C’éluit par les psaumes surtout que l'on priait. I.o psautier était le moule de la prière individuelle. » Lu discrétion préconisée par Aclred est conforme à la meilleure tradition du monachisme et ft l’esprit primitif de Citeaux, cf. Guillaume de Saint-Thierry, Episl. ad traites de. Monte Dei, I, x, 29 ; P. L., 184, 326 D. 3. L’horaire proposé par Aclred dans co paragraphe et dans les suivants s'inspire de la Règle de S. Benoit, notamment du ch. XLVIII. 4. CL liegnla S. Benedicti, XLIL 68 DE INSTIT. INCLUSARUM diligentius insistat, ita ut cum paululum fuerit operata, surgat et genua flectat et breviter oret Deum suum, et statim opus quod intermiserat, resumat. Et hoc faciat tempore utroque lectionis scilicet et laboris, dominicam orationem crebrius inter operandum repetens, cl si quos psalmos noverit interserens. 10. Λ Pascha vero usque ad praedictas Kalendas sic surgat ad vigilias ut finitis nocturnis hymnis et oratio­ nibus, parvissimo intervallo praemisso, matutinas incipiat, quibus expletis, usque ad plenum solis ortum orationibus vacet et psalmis, et tunc dicta prima, sacrificium diurni operis inchoet, usque ad horam tertiam. Inde lectione usque ad sextam spiritum occupet. Post sextam sumpto cibo pauset in lectulo suo usque ad nonam, et sic usque ad vesperam manibus operetur. Post vesperam vero, orationibus vacet et psalmis, horam collationis ita temperans ut ante solis occasum lectulus membra recipiat. Cavendum est enim omni tempore ne totam diei lucem nox antequam dormitum eat suis obducat tenebris, et dormire cogatur cum vigilare debet. 11. De tempore quadragesimae locuturi, primo excellen­ tiam eius credimus commendandam. Cum multa sint Christianorum iciunia, omnibus excellit quadragesimal© iciunium, quod divina auctoritate non singulis quibusque personis, non illius vel illius ordinis hominibus, sed omni­ bus indicitur Christianis. Habet autem testimonium excellentiae a lege, a pro1. Cf. Regula S. Benedicli, XLI, in line. 2. Ct. Sermones itiedHi {éd. Talbot), p. 52, et S. Bernard, Sermo 111 in Quadrag., 1 ; P. L., 183, 174 D, et Sermo VII in Quadrag., 4 (ibid., 185 Λ) : ·■ Nunc oniin generali quodam lotius orbis exercitu contra diabolnrn Salvator congreditur : beati qui sub tali duce strenue militaverint. > LA VIE DE RECLUSE, 9-11 69 moment, clic se lèvera, fléchira les genoux, et fera quelque courte prière à son Dieu ; puis elle reprendra aussitôt le travail interrompu. Elle se comportera ainsi durant le temps de la lecture et du travail, recitant fréquemment la Prière du Seigneur au cours de son ouvrage, et y mêlant quelques psaumes, si elle en connaît. 10. Depuis Pâques jusqu’aux dites calendes de novembre que la recluse se lève pour les Vigiles de façon à ce que les hymnes et les oraisons de la nuit soient terminées lorsqu’elle devra commencer les Matines, tout en gardant un très court intervalle entre les deux offices. Les Matines finies, qu’elle vaque aux oraisons et aux psaumes jusqu’à ce qu’il fasse grand jour. Ce sera le moment de dire Prime ; puis commencera le sacrifice du travail quotidien, qui se poursuivra jusqu’à Tierce. Ensuite, jusqu'à Sexte, qu’elle s’occupe l’esprit par la lecture. Après Sexto et le dîner, elle se reposera sur sa couche jusqu’à None. Puis clic travaillera manuellement jusqu'à Vêpres. Après Vêpres, clic reprendra les oraisons et les psaumes. L’heure de la collation sera fixée de façon à ce que la recluse puisse aller s'étendre sur sa couche avant le coucher du soleil1. Il faut en effet prendre garde en tout temps à cc que la nuit ne soit pas complètement tombée avant que l’on aille se coucher, afin de n’être pas accablé de sommeil quand c’est le moment de veiller. 11. Ayant à parler du temps du Carême, il faut, je crois, faire ressortir en premier heu son excellence. 11 y a beaucoup de jeûnes chez les chrétiens, mais le jeûne quadragesimal les dépasse tons. Car c’est par ordre divin qu’il fut prescrit, non à telle ou telle personne, non à telle ou telle catégorie d'indi­ vidus, mais à tous les chrétiens2. Des preuves de cette excellence, on en trouve dans la Le Carême 70 DE INST1T. INCLUSARUM phctis, ah evangelic. Nam Moyses fumulus Domini iciunavit quadraginta diebus et quadraginta noctibus, ut legem Domini mereretur accipere. Elias etiam propheta cum manducasset dc pane subcinericio aquamque bibisset quam ei angelus ministraverat, ieiunavit quadraginta diebus et quadraginta noctibus, et tunc vocem Domini audire promeruit. Dominus etiam Salvator noster cum ieiunasset quadraginta diebus et quadraginta noctibus superavit Lentalorcm, et accesserunt angeli et ministra­ bant ei. Est ergo iciunium contra omnia ten ta menta impenetra­ bile scutum, in omni tribulatione utile refugium, orationi­ bus nostris irrefragabile fulcimentum. Quantae autem virtutis sit ieiuniurn ipse Christus non tacuit. Qui interro­ gantibus discipulis cur demonem qui lunaticum invaserat, eicere non poterant : Hoc genus, inquit, demoniorum non potest eici, nisi in ieiunio et oratione. Licet autem religionis comes semper debeat esse ieiuniuin, sine quo castitas tuta esse non potest, haec tamen quadragesimalis observatio magnum in se continet sacra­ mentum. Primus locus habitationis nostrae paradisus fuit, secundus mundus iste plenus aerumnis, tertius in cocio cum angelicis spiritibus. Significant autem isti quadra­ ginta dies lotum tempus ex quo pulsus est Adam de para­ diso usque ad ultimum diem in quo plene liberabimur ex hoc exilio. Hic autem sumus in timore, in labore, in dolore, proiecti a facie oculorum Dei, exclusi a gaudiis paradisi, ieiuni ab alimento coelesti. Semper autem deberemus hanc mise­ riam nostram considerare et deplorare, et ostendere in 1. Les considérations qn'Aolred développe ici sur le symbolisme du Carême (ci. aussi Sermones inediti (éd. Talbot] p. 54-55) s’inspirent du données traditionnelles ; cf. J. Daniéeov, «Le symbolisme des quarante jours», dans La Maison-Dieu. n° 31, p. 19-33. 2. Cf. Ex., 24f 18 ; 34. 28. LA VIE DE RECLUSE, 1) 71 Loi, dans les Prophètes et dans l’Évangile1. En effet, Moïse, ce serviteur de Dieu, a jeûné quarante jours et quarante nuits pour mériter de recevoir la Loi du Seigneur2. Élic, le prophète, après avoir mangé du pain cuit sous la cendre et bu de l'eau apportée par l’ange, jeûna quarante jours et quarante nuits, et obtint alors d'entendre la voix du Seigneur3. Et ce fut quand il eût jeûné quarante jours et quarante nuits que notre Seigneur et Sauveur put vaincre le tentateur, et que des anges s'approchèrent et le servirent4. Le jeûne est donc un impénétrable bouclier contre toutes les tentations, un précieux refuge dans toutes sortes de tribulations, et pour nos oraisons, un soutien à toute épreuve. Quelle est sa puissance, le Christ lui-même l'a révélé, quand, à propos du démon que les disciples ne parvenaient pas à chasser du lunatique, il leur répondit : « Ce genre de démons ne peut être mis en fuite que par le jeûne et la prière5*.» Vie religieuse et jeûne vont de pair, car sans le jeûne, la chasteté n’est jamais à l’abri. Mais il y a plus : l’obser­ vance quadragésimale a éminemment valeur de signe. Le premier lieu de notre séjour fut le paradis ; le second, ce monde plein de tribulations ; le troisième sera au ciel, avec les anges et les esprits. Les quarante jours représentent tout le temps compris entre l'expulsion d’Adam du paradis et ce dernier jour où nous serons définitivement libérés de cet exil. Ici-bas. nous sommes dans la crainte, le travail, la souf­ france, chassés loin de la vue de Dieu8, exclus des joies paradisiaques, sevrés des nourritures célestes. Nous devrions toujours avoir devant les yeux cet état de misère, le déplo3. 4. 5. G. Cf. I Bois, 19, 8. Cf. Mallh., 4, 1-11. Mallh., 17, 20. Cf. Ps. 30, 23. Ί'ί DE INSTIT. INCLUSARUM operibus nostris quod sumus advenae el peregrini in mundo. Sed quia hoc facile non potest humana fragilitas, consti­ tuit Spiritus sanctus certum tempus quo id faciamus, et quasdam observationes in Ecclesia fieri ordinavit quibus ipsius temporis causam animadvertere valeamus. Nam ut ostendat nos pulsos esse ct addictos morti propter pecca­ tum. verbum ipsum quod dixit Dominus ad Adam, cum cum expelleret de paradiso, cum cinerum aspersione dici­ tur nobis : Pulvis es et in pulverem reverteris. Ut sciamus etiam quod in hoc exilio negatur nobis visio Dei, oppan­ ditur velum inter nos et sancta sanctorum. Verum ut reducamus ad memoriam quam longe sumus ab eorum societate de quibus scriptum est : Beati qui habitant in domo tua, Domine, in saecula saeculorum laudabunt te, usitatum verbum laudis, id est Alleluia, intermittimus. Quod vero nos tempore hoc arctiori ieinnio constringimur recordari nos facit quod in hac vita coelesti pane non satiamur. In hoc igitur tempore omnis Christianus aliquid addere debet solitis obsequiis, ct diligentius et ferventius circa cordis orisque custodiam occupari, sed inclusa maxime quae temporis huius rationem tanto melius intclligit, quanto eam in propria vita sua expressius recognoscit. Jn bis proinde sacris diebus Christo praecipue placere desiderans tota se Deo voveat atque sanctificet, omnes delicias respuat, omnes confabulationes abiuret, et quasi dies nuptiarum hoc tempus existimans, ad amplexum Christi omni aviditate suspiret, Frequentius solito incum­ bat orationi, crebrius se pedibus Icsu prosternat, crebra 1. Ct Hib., 11, 13. 2. Gen., 3, 19 ; cf. rite de l’imposition des cendres. 3. L’usage de tendre une courtine entre le sanctuaire et la nef, fort répandu au Moyen Age (cf. Durand de Mende, nationale div. offîc.) I, m, 34-36 ct VI, xxxu, 12), a été conservé par les cisterciens jusqu’à une date très récente. -L La pratique primitive des cisterciens, conforme à la lettre de LA VIE DE RECLUSE, 11 73 rer, et montrer par nos actes que nous sommes des étrangers et des voyageurs en ce monde1. Cela n’est pas facile à la faiblesse humaine, aussi l’Esprit-Saint a-t-il déterminé un temps spécial pour nous y exercer, et prescrit certains rites à observer dans l’Église, afin d’attirer notre attention sur ce qui est signifié par ce temps. Pour nous montrer que nous sommes en exil ct soumis à la mort pour le péché, on nous impose des cendres en répétant les paroles que le Seigneur dit ù Adam lorsqu'il le chassa du paradis : «Tu es poussière et tu retourneras en poussière2. » Pour nous rappeler que la vision de Dieu nous est refusée dans cet exil, on tend un voile entre nous et le saint des saints3 ; et l’on interrompt le chant de l’Alléluia1. notre habituelle louange, pour nous faire sentir combien nous sommes loin de la compagnie de ceux dont il est écrit : « Heureux ceux qui habitent votre maison, Seigneur, ils vous loueront dans les siècles des siècles*. » Et si nous sommes astreints en ce temps à un jeûne plus strict, c’est pour nous rappeler que le pain céleste ne nous rassasie pas en cette vie. Tout chrétien doit ajouter quelque chose durant ce temps à ses dévotions habituelles0 et s’appliquer plus jalousement et avec plus de ferveur à la garde du cœur et des lèvres. La recluse plus que n’importe qui, car elle saisit mieux l’esprit du Carême, puisque c’est aussi le sens de toute sa vie. Durant ces saints jours, prise du désir de plaire au Christ par-dessus tout, qu’elle se voue ct se consacre tout entière â Dieu. Qu’elle se refuse tout agrément, toute conversation. Qu’elle prenne ce temps pour des jours de noce, et qu’elle soupire avidement après l'étreinte du Christ. Elle se livrera plus fréquemment à la prière, elle ira plus la Règle de S. Benoit, était de garder le chant de l'AtMuia pendant le temps de la Septuagésimo, et de ne l'interrompre que pendant io Carême; cf. Pierre Adélard, Episl, X ; P. L·., 178, 339 D. 5. Ps. 83, 5. 6. (X Rtguia S. Benedicli, XLIX. 74 DE INSTIT. INCLUSARUM dulcissimi nominis illius repetitione compunctionem exci­ tet, lacrymas provocet, cor ab omni pervagalione compes­ cat. Finitis itaque sacris vigiliis, intervallum quod a noctur­ nis laudibus dividit matutinas orationi et meditationi subserviat, dictaque post matutinas prima, usque ad plenam tertiam psalmis et lectionibus vacet. Tertiae vero horae laude completa, operi manuum usque ad horam decimam devota insistet, breves per intervalla orationes interserens. Dicta post haec vespera, corpus reficiat, et sic tempus completorii psallens cxpectet. 12. lam de cibi vel potus qualitate vel quantitate ex abundanti quidem est tibi legem imponere soror, quae ab ipsa infantia usque ad senectutem quae nunc tua membra debilitat parcissimo cibo vix corpus sustentas ; pro aliis tamen quibus id utile futurum arbitraris certam de his praescribere regulam ten tabo. Beatus Benedictus libram panis et eminam potus concedit monacho, quod nos inclusis delicatioribus et infirmioribus non negamus. Adulescentulis tamen et cor­ pore robustis, ab omni quod inebriare potest abstinere utillimum est. Panem nitidum et cibos delicatos, quasi pudicitiae venenum evitet. Sic necessitati consulat, ut et famem repellat, et appetitum non satiet. Itaque quae ad perfectiorem abstinentiam progredi non valent, libra panis et emina lautioris potus contentae sint, sive bis comedant, sive semel. Unum habeat de oleribus vel leguminibus pulmentum, 1. Cette fréquente invocation du nom : « Do quotidiana lectione aliquid quotidie in ventrem memoriae dimittendum est. quod fidelius dige­ ratur, et sursum revocatum crebrius ruminetur... quod delineat animum ut aliena cogitare non libeat » ; ibid., xi, 34 ; 329 D : » Iturus ergo ad somnum semper aliquid defer locum in memoria vel in cogitatione, in quo placide obdormias, quod nonnumquam etiam somniare iuvet... « ; Formula honestae vitae (niimi.), 9 ; P. L., 184, 9-1 DE INST1T. INCLUSARUM animum suum virgo debet assuescere, ut aliud volens, non possit aliud meditari. Cogitanti de Scripturis somnus obrepat, evigilanti primum aliquid de Scripturis occurrat, dormientis somnia haerens memoriae aliqua de Scripturis sententia condiat. 21. Sed quidam a salutaribus exercitiis quodam retra­ huntur timore, ne videlicet propter nimiam abstinentiam vel vigilias immoderatas incidant in languorem, et ita efficiantur aliis oneri, sibi autem dolori. Haec excusatio nostra in peccatis nostris. Quam pauci, quam pauci sunt hodie, quos talis fervor ignivit. Omnes sapientes sumus, omnes providi, omnes discreti. Procul odoramus bellum, et sic morbum corporis antequam sen­ tiatur formidamus, ut languorem animae quern praesentem sentimus, territi negligamus, quasi tolerabilius sit flammam libidinis quam ventris tolerare rugitum, aut non multo melius sit continuo languore carnis vitare lasciviam, quam sanum et incolumen in eius redigi servitutem. Quid enim interest utrum abstinentia an languore caro superbiens comprimatur, castitas conservetur? Sed remissio, inquit, cavenda est, ne forte occasione infirmitatis, incurramus illecebras voluptatis. Certe si languet, si egrotat, si tor­ quentur viscera, si arescit stomachus, quaelibet deliciae oneri magis erunt quam delectationi. 1170 G : «Ruminantem psalmos somnus te occupet, ul in somno somnies U dicere psalmos ». Ccttc incessente · rumination > des Écritures est l’un des traits essentiels de la spiritualité monastique, ci. p. ex. Cassibn, Con/. I. 17 ; S. C., 42, p. 98 (Pichcry), et /nsL, II, 14-15; C. S. 2i. L·., XVII, 29-30 (Pctsclienig) ; S. Jérôme, Epis!. XXII, 37 ; Labourt, I, p. 153 ; 5. Césaihe d'Arles, Statut. indus.. 22, etc. 1. Cf. Ps. 140, 4. LA VIE UE RECLUSE, 20'21 95 familière qu’il lui deviendra impossible, le voudrait-elle de s’entretenir intérieurement d’autre chose. Que le sommeil te trouve tout occupée à des pensées de l’Écriture ; qu'à ton réveil, aussitôt quelque passage t’en revienne à l’esprit, et, durant ton sommeil, qu’un verset de l’Écriture encore, hantant la mémoire, vienne illustrer tes songes. 21. 11 s’en trouve cependant qui , . . , . . abandonnent ces exercices salutaires, de peur de tomber en faiblesse à la suite d’une trop grande abstinence ou de veilles immodérées. Ils craignent, disentils. de devenir à charge aux autres aussi bien qu’à euxmêmes. La voilà bien, notre excuse dans nos péchés1 ! Bien rares, oui, bien rares sont de nos jours ceux qu’une excessive ferveur embrase. Nous sommes tous sages, tous pré­ voyants, tous pleins de discrétion. Nous sentons de loin venir le combat ; nous avons une telle frayeur de la maladie du corps, avant même d’en éprouver l’atteinte, que, terrifiés, nous ne songeons même pas à la maladie de l'âme qui nous envahit déjà. Comme si les feux de la concupiscence étaient plus supportables que les brûlures de l’estomac ! Comme s’il n’était pas de loin préférable d’éviter les pussions de la chair par un continuel affaiblissement de celle-ci, que de leur livrer en servitude un corps débordant de santé ! Peu importe que cc soit par l’abstinence ou par la maladie, pourvu que l’orgueil de la chair soit maté et la chasteté sauvée. « Mais le relâchement, dira-t-on, est à craindre : on prendra excuse de l’infirmité pour céder à l’attrait du plaisir. » Ah oui ! lorsqu'on est languissant, malade, quand les entrailles se tordent, quand l’estomac se dessèche, les meilleures choses deviennent bien plus un poids qu’une jouissance2 ! , , ... La fausse discrétion , 2. Cf. supra, les dernières lignes du § 16. 96 DE INSTIT. INCLUSARUM 22. Vidi hominem qui cum in puerilia sua, vi consuetu­ dinis oppressus, continere non posset, tandem in se reversus supra modum erubuit, et mox concaluit cor eius intra cum, et in meditatione cius exarsit ignis. Deinde salubriter irasccns sibi, invectione gravissima irruit in seipsum, et bellum indicens corpori, etiam ei quae necessaria videbantur ademit. Successit gravitas levitati, loquacitati silentium. Nemo eum postea vidit iocantem, ridentem nemo cons­ pexit, nemo ex orc cius otiosum sermonem audivit, temporales consolationes et quicquid carni suave putabat, ita contempsit et exhorruit, ut nullam sibi requiem, nullam in cibo vel potu consolationem indulged pateretur. Cogi­ tationum suarum ita sollicitus et scrupulosus erat, ut in hoc solo nimius videretur. Ita demisso vultu oculisque deiectis stabat, sedebat, et incedebat, ut tremens et timens divinis tribunalibus videretur assistere. Talibus armis gloriosum retulit de tyranno triumphum. Nam gravissimum stomachi incurrens incommodum post diuturnum languorem, cum iam dormitionis cius instaret hora : Sine, inquit, eccc Icsus venit. 23. Nec hoc dico ut discretioni, quae omnium virtutum et mater et nutrix est, derogem ; sed vitiorum materias, gulam, somnum, requiem corporis, feminarum et effemi­ natorum familiaritatem atque convictum infra metas necessarias cohibeamus, qui saepe falso nomine discretionis palliamus negotium voluptatis. Vera enim discretio est 1. Il s'agit très probablement de l'ami dont Aclrcii parle dans le De. epirilali amicitia; P. I.., 195, 688 B, 698 B-700 B, et qu'il faut sans doute identifier avec Geoffroy do Dinan (cf. F. M. Powickb, dans Walter Daniel, The Life of Ailred of Rieoaulz, Introduction, p. lxvii, et J. Dunois, dans Aelred de Rievavlx, L'amilii spiri­ tuelle, Introduction, p. lxxxvhi). 2. Cf. Pt. 38, I. 3. Cf. Cassi EN, Coni. II, -1; S. C.» 42, p. 116 (Pichory) : «Omnium namque virtutum generatrix, custos moderatrixque discretio est. » 4. La conception de la discrétion qui s’exprime ici pourra paraître I.Λ VIE DE RECLUSE, 22-23 97 22. J’ai connu quelqu’un1 qui, dans sa jeunesse, ne pouvait être continent, tenaillé qu’il était par la force de l’habitude. Faisant retour sur lui-même, il sc mit à en rougir, son cœur s’échauffa, et, à force d’y songer, le feu flamba2. Il s’irrita contre lui-même, pour son salut, et s’adressa de violentes invectives. Il déclara la guerre A son corps, et alla jusqu'à lui refuser le nécessaire. La légè­ reté fit place à la gravité, le bavardage au silence. Personne ne le vit plus jamais plaisanter ou rire. On ne l'entendit plus tenir de conversations oiseuses. Il prit en dédain, en horreur même, toute consolation humaine, tout ce qu’il craignait pouvoir être agréable à la chair ; au point qu'il refusait qu’on lui accordât quelque repos ou le moindre soulagement dans le boire ou le manger. Il était tellement inquiet et scrupuleux dans scs pensées, qu'en cela seulement il semble avoir été trop loin. Debout, assis, et dans toutes ses démarches, il avait le visage baissé et les yeux fixés à terre. On eût dit qu'il comparaissait, tremblant de crainte, au tribunal divin. Avec de telles armes, il remporta sur le tyran une victoire éclatante. Après avoir enduré une très grave maladie d’estomac, quand, après un long épuisement, arriva l'heure de son dernier sommeil, il dit simplement : « Laissez, voilà Jésus qui vient. » 23. Je ne te raconte pas cela pour déroger à la loi de discrétion, laquelle reste bien la mère de toutes les vertus3 ; mais à l'égard de ce qui donne prise aux passions : gour­ mandise, sommeil, aises, familiarité et relations avec les femmes et les efféminés, bornons-nous au strict nécessaire ; trop souvent, nous masquons le jeu de la volupté en la faisant passer sous le faux nom de discrétion. La véritable discrétion4, c’est de faire passer l’âme avant le corps, de singulière ; pour l’interpréter, il faut tenir compte d'autres textes plus nuancés; cf. notre article « L’équilibre humain de la vie cister­ cienne d'après le Bx. Aelred de Rievaulx», dans Collectanea O. C. R., XVI11 (1956), p. 188-189 et notes 33 à 35. 98 DE INSTIT. INCLUSARUM animam carni praeponere, et ubi periclitatur utraque, nec sine huius incommodo illius potest salus consistere, pro illius utilitate istam negligere. Haec diximus, ut quanta tibi debeat in conservanda pudicitia esse sollicitudo adverteres. Quae cum omnium virtutum flos sit et ornamentum, sine humilitate tamen arescit atque marcescit. 24. Hoc est certum atque securum virtutum omnium fundamentum, extra quod quicquid aedificas ruinae patet. Initium omnis peccati superbia est quae angelum de caelo, hominem expulit de paradiso. Huius pessimae radicis cum multi sint rami, omnes tamen in duas species dividuntur, in carnalem scilicet et spiritualem. Carnalis superbia est de carnalibus, spiritualis de spiritualibus superbire. Carnalis praeterea in duas subdividitur species, iactantiam scilicet et vanitatem. Vanitatis est si ancilla Christi intus in animo suo glorictur se nobilibus ortam natalibus, si se divitiis paupertatem praetulisse pro Christo delectetur, si se pauperibus ct ignobilioribus praeferre conetur, si se contempsisse divitum nuptias quasi magnum aliquid admi­ ratur. Est etiam quaedam species vanitatis in affectata aliqua pulchritudine etiam intra cellulam delectari, parietes variis picturis vel celaturis ornare, oratorium pannorum et imaginum varietate decorare. Haec omnia, quasi professioni tuae contraria cave. Qua enim fronte de divitiis vel natalibus gloriaris quae 1. Cf. Spec. car., Ill, 37; P. £., 195, 615 C-D, ct l’exemple d’Aeked lui-même, dans Walter Daniel, Vite Ailrcdi, 41 (Powicke, p. 50). 2. Sag. Sir., 10, 15. 3. Pour la description de la jactance, omise ici, voir Sermones inediti (éd. Talbot), p. 69 : < lactantia, quando bona, si fuerint, a nobis incaute produntur. · 4. Le souci d’intériorité qui se manifeste ici et au paragraphe suivant est caractéristique de la spiritualité d’Aclred, et en général LA VIE DE RECLUSE, 23-24 99 sorte que si tous deux venaient à être menacés, si ie salut de l’âme ne pouvait être assuré sans dommage pour le corps, il faudrait laisser le corps pour sauver l’âme1. Si je t’ai dit tout cela, c'est pour que tu te rendes compte rie la sollicitude que tu dois déployer pour conserver la chasteté. C’est la fleur et la parure de toutes les vertus ; sans l’humilité cependant, cette fleur se fane et se dessèche. 24· Le fondement sûr et solide de toutes les vertus, c est ( humilité. Tout ce qui s’édifie en dehors d’elle est voué à la ruine. L’origine de tout péché, c’est l’orgueil2, qui chassa l'ange du ciel et l’homme du paradis. Sur ce tronc funeste poussent de nombreuses branches. Elles se ramènent toutes cependant à deux principales : l’orgueil de la chair et l’orgueil de l'esprit. L’orgueil de la chair consiste à s’éle­ ver à l'occasion des choses charnelles, l’orgueil de l'esprit à l'occasion de celles de l’esprit. L’orgueil charnel sc subdivise en deux especes : la jac­ tance3 et la vanité. La vanité, c’est qu’une servante du Christ tire gloire en son for intérieur de sa noble naissance, qu’elle sc félicite d’avoir préféré pour le Christ la pauvreté aux richesses, ou qu’elle essaie d’éclipser celles qui sont plus pauvres ou moins nobles qu’elle, ou encore qu’elle sc croie admirable d'avoir — la belle affaire ! — repoussé quelque brillant parti. Il y a même de la vanité à se piquer d’élégance jusque dans l'aménagement de sa cellule. On couvre les murs de peintures ct d’ouvrages d’orfèvrerie. On décore son oratoire de tentures et d’images de toutes sortes. Évite tout cela comme allant à l’encontre de ta profession4. De quel front irais-tu te glorifier de tes richesses ou de ta TL· ·>.Humilité des premiers cisterciens. Ci. Spec, car., II, 24 ; P. f.., 195, 572 C : < Ergo ad exteriorem pertinent curiositatem omnis superflua pulchri­ tudo... · 100 DE INSTIT. INCLUSARUM illius vis sponsa videri, qui pauper factus cum esset dives, pauperem matrem, pauperem familiam, domum etiam pauperculam, et praesepii vilitatem elegit? Ita nc glorian­ dum tibi est quod Dei Filium hominum filiis praetulisti, quod foeditatem carnis pro virginitatis decore sprevisti, quod aeternas cocli divitias atque delicias materiis ster­ corum commutasti. Si gloriaris, in Domino glocieris, serviens ei cum timore. Sed illam te nolim quasi sub specie devotionis sequi gloriam in picturis vel sculpturis, in pannis avium vel bestiarum, aut diversorum florum imaginibus variatis. Sunt haec illorum qui nihil intus in quo glocientur habentes, exterius sibi comparant in quibus delectantur. 25. Omnis enim gloria filiae regis ab intus, in fimbriis aureis circumamicla varietatibus. Si tu iam filia regis es, utpotc Filii Regis sponsa, Patrisque vocem audisti dicentis : Audi, filia, et vide, et inclina aurem tuam. Sit tua omnis gloria ab intus. Vide ut gloria tua sit testimonium cons­ cientiae tuae. Ibi sit pulcherrima virtutum varietas, ibi diversi colores sibi sic conveniant et sic iungantur, ut alterius pulchritudinem alter augeat, et qui in sui natura minus lucet, alterius collatione lucidior appareat. Jungatur castitati humilitas, et nihil erit splendidius. Prudentiae 1. Cf. 11 Cor., 8, 9. 2. Cf. / Cor., 1, 31. 3. Cf. Ps. 2, 11. 4. P». 44, 14-15. 5. Ibid., 11. G. Ci. 1 Cor., I, 12. Ce texte, rapproché de Ps. 44. 14, est utilisé pour illustrer la même doctrina par S. Bernaud, Sermo XXV in Cant., 7 ; P. L., 183, 901 D-902 R : « Merito proinde omnis cura sanctorum, spreto ornatu cultuque superfluo exterioris sui hominis, qui ccrlo corrumpitur, omni se diligentia praebet et occupat exco­ lendo ac decorando interiori illi, qui ad imaginem Dei est, et renovatur de dio in diem... Propteroa omnis gloria eorum intus, non foris esi... Unde ot dicunt : Gloria nostra haec est, testimonium conscientiae LA VIE DE RECLUSE, 24-25 101 naissance, toi qui veux être regardée comme l'épouse de celui qui, se faisant pauvre de riche qu’il était1, a choisi une mère pauvre, une famille pauvre, une pauvre petite maison et la misère d’une crèche? Et quelle gloire peut-il y avoir à préférer le Fils de Dieu aux fils des hommes, à mépriser cette chair répugnante pour les splendeurs virginales, à avoir échangé toutes ces misérables choses destinées au fumier pour les richesses et les joies éternelles du Ciel ? Si tu as à te glorifier, glorifie-toi dans le Seigneur2 et sers-le dans la crainte8. Mais de grâce ne va pas, sous couleur de dévotion, te mettre en quête de splendeur dans toutes ces peintures et sculptures, dans ces tapisseries ornées d’oiseaux, d’animaux et de fleurs multicolores. Laisse cela à ceux qui, ne trouvant nulle splendeur en leur intérieur, vont chercher au-dehors des objets qui les charment. 25. «Tout, intérieure est la gloire de la fille du roi ; des franges d'or bordent sa robe diaprée4. » Toi aussi, lu es fille de roi, en ta qualité d’épouse du Fils du Roi. Aussi écoute la voix de ton Pore quand il dit : « Écoute, ma fille, et incline l’orcillc5. » Que ta gloire soit tout intérieure, fais-la résider dans le témoignage de ta conscience12. Là doit briller toute la merveilleuse gamme des vertus. Le jeu de leurs couleurs s’y harmonisera ; elles mettront mutuellement leur beauté en valeur de telle sorte que celle qui de sa nature aurait moins d'éclat prendra du brillant par contraste. Quoi de plus magnifique que l'harmonie de l’humilité et de la chasteté, de plus éclatant que l’accord de la prudence et de la simplicité, de plus agréable que nostrae... Non mediocris plane gloria ilia quae intus est, in qua glo­ riari dignatur et Dominus gloriae, dicente David : Omnis gloria eius filiae regis ab intus. » 102 DE INSTIT. INCLUSARUM societur simplicitas, et nihil erit lucidius. Copuletur mise­ ricordia iustitiae, et nihil erit suavius. Adde fortitudini modestiam, et nihil erit utilius. In hac varietate tuae mentis oculos occupa, hanc in anima tua omni studio forma, cui si fimbrias aureas addas, vestem polymitam in qua te Sponsus cum summa delectatione conspiciat texuisti. Fimbria extrema pars, quasi finis est vestimenti. Finis autem prae­ cepti caritas est, de corde puro et conscientia bona et fide non ficta. 26. In his glorieris, in his delecteris, intus non foris, in veris virtutibus, non in picturis et imaginibus. Panni linei candidi tuum illud ornent altare, qui casti­ tatem suo candore commendent, et simplicitatem prae­ monstrent. Cogita quo labore, quibus tunsionibus terrenum in quo crevit linum colorem exuerit, et ad talem candorem pervenerit, ut ex eo ornetur altare, Christi corpus veletur. Cum terreno colore omnes nascimur, quoniam in iniquita­ tibus conceptus sum, et in peccatis incis concepit me mater mea. Primum igitur linum aquis immergitur, nos in aquis baptismatis Christo consepelimur. Ibi deletur iniquitas, sed necdum sanatur infirmitas. Aliquid candoris recepimus in peccatorum remissione, sed necdum plene terreno colore exuimur pro naturali, quae restat, corruptione. Post aquas linum siccatur, quia necessc est post aquas baptismatis corpus per abstinentiam maceratum illicitis humoribus vacuetur. Deinde linum malleis tunditur, et caro nostra multis Lcntationibns fatigatur. 1. Cf. / Tim., 1, 5. 2. Aelred connaît bien le travail du lin ; c’était sans doute l’une des industries de Rievaulx. Cf. un autre détail technique sur ce métier dans Sermo XXV. de. Ji. V. M,; P. L·., 195, 360 D. 3. Ps. 50, 7. 4. Cf. Horn., 6, 3-4. LA VIE DE RECLUSE, 25-26 103 l’union de !a justice et de la miséricorde, de plus précieux que la modestie venant s’allier à la force? Que la contem­ plation de celte harmonie occupe les yeux de ton esprit, et applique-toi à la former dans ton âme. Quand tu l'auras brodée de franges d’or, tu te seras tissé la robe chatoyante dans laquelle l'Époux sera souverainement heureux de le regarder. Car c’esl la frange, la bordure, qui fait le fini d'un vêlement. De même, c’est la charité qui donne à la Loi son achèvement, a charité d’un cœur pur, d’une bonne conscience el d’une foi sincère1 ». 26. Voilà de quoi le glorifier. Trouve ton bonheur dans ces réalités intérieures cl non pas au-dehors ; dans de vraies vertus et non pas dans des images ou des peintures. Lo travail du lin, 0ue dcs nappes de lin recouvrent image ton autel ; par leur blancheur même, de la vio chrétienne cjjcs parleront de chasteté et de simplicité. Pense aux traitements énergiques que ce lin a dû subir pour être débarrassé de la couleur de la terre où il a poussé et arriver à celte pureté qui le rend digne d’orner ton autel, de recouvrir le corps du Christ2. Or tous nous sommes couleur de terre quand nous naissons, car a dans le mal j’ai été conçu, pécheur ma mère m’a enfanté3 ». Le lin, en tout premier lieu, sera donc plongé dans l’eau ; tout comme nous qui sommes ensevelis avec le Christ dans les eaux du baptême4. La culpabilité est supprimée, mais notre faiblesse n’en est pas guérie du même coup ; nous acquérons bien quelque blancheur par la rémission des péchés, mais nous ne sommes pas débarrassés de celte couleur de terre, de cette corruption qui adhère à notre nature. Au sortir de l’eau, le lin est séché ; ainsi faut-il que notre corps, après les eaux du baptême, soit macéré par l’absti­ nence pour le libérer des humeurs mauvaises. Le lin est ensuite écrasé avec des maillets, et de même notre chair est harcelée d'une foule de tentations. 104 DE INST1T. INCLUSARUM Post haec linum feneis aculeis discerpitur, ut deponat superflua, et nos disciplinae ungulis rasi, vix necessaria retinemus. Adhibetur post haec lino suaviorum stimulorum levior purgatio, ct nos victis cum magno labore pessimis passio­ nibus a levioribus et quotidianis peccatis simplici confes­ sione et satisfactione mundamur. lam tunc a nentibus linum in longum producitur, et nos in anteriora perseverantiae longanimitate extendimur. Porro ut ei perfectior accedat pulchritudo, ignis adhi­ betur et aqua, ct nobis transeundum est per ignem tribu­ lationis ct aquam compunctionis, ut perveniamus ad refrigerium castitatis. Haec tibi oratorii tui ornamenta repraesentent, non oculos tuos ineptis varietatibus pascant. Sufficiat tibi in altario tuo Salvatoris in cruce pendentis imago, quae passionem suam tibi repraesentet quam imi­ teris, expansis brachiis ad suos invitet amplexus, in quibus delecteris, nudatis uberibus lac tibi suavitatis infundat quo consoleris. Et si hoc placet, ad commendandam tibi virginitatis excellentiam, Virgo Mater in sua et virgo discipulus in sua iuxta crucem cernantur imagine, ut cogites quam grata sit Christo utriusque sexus virginitas, quam in Matre ct prae ceteris sibi dilecto discipulo consecravit. Unde cos pendens in cruce tanto foedere copulavit, ut illam discipulo 1. Cf. Ps. 65, 12. 2. Cf. Introduction, p. 14. 3. Cf. ./n, 19, 26-27. i LA VIE DE RECLUSE, 26 105 Puis le lin est écorché au moyen de pointes de fer qui le dépouillent de toutes les matières superlines ; nous pareille­ ment, nous sommes dépouillés par les ongles dc la règle et c'est à peine si nous gardons le necessaire. Apres quoi, on applique au lin un nettoyage plus léger au moyen dc pointes plus douces ; il en est ainsi pour nous qui, libérés à grand peine des passions les plus mauvaises, nous purifions de nos fautes plus légères et quotidiennes par la simple confession et la satisfaction. Le lin est enfin étiré en longs fds par les filateurs ; et nous egalement, une longue ct inlassable persévérance nous entraîne toujours plus avant. Mais pour donner au lin un éclat supérieur, on lui fait subir un traitement à la chaleur et à l’eau ; ct nous dc même, nous avons à passer par le feu dc la tribulation ct l’eau dc la componction avant dc parvenir à la fraîcheur dc la chasteté1. Voilà ce que les ornements de ton oratoire doivent te représenter, au lieu de repaître ton regard de fantaisies ridicules. Sur ton autel, il suffira que tu aies une image du Sauveur pendant à la croix2. Elle te rendra présente sa passion, cette passion qu’il te faut imiter. De ses bras grands ouverts, il t’invite à ces étreintes qui feront ton bonheur, et dc sa poitrine découverte il te donnera le lait dc sa douceur qui sera ta grande consolation. Si tu veux, tu peux encadrer la croix des images de la Vierge Mère et du disciple vierge, qui te mettront sous les yeux l'éminente dignité de la virginité. Tu te rappelleras ainsi combien est chère au Christ la virginité de l’homme et de la femme, virginité qu’il a consacrée en sa mere ct en ce disciple aimé plus que les autres. Lorsqu’il pendait à la croix, il voulut à ce point les unir qu’il donna l'une pour mère à son disciple, et l'autre comme fils à sa Mère3. lOG DE INST1T. INCLUSARUM Matrem, illum Matri filium delegaret. 0 beatissimum hoc testamento Iohannem. cui totius humani generis decus, spes mundi, gloria coeli, miserorum refugium, afflictorum solatium, pauperum consolatio, desperatorum erectio, peccatorum reconciliatio, postremo orbis domina, coeli Regina, testamenti auctoritate committitur. Haec tibi incentivum praebeant caritatis, non specta­ culum vanitatis. Hinc enim omnibus ad unum necesse est ut conscendas, quoniam unum est necessarium. Illud est unum quod non invenitur nisi in uno, apud unum, cum uno, apud quem non est transmutatio, nec vicissitudinis obumbratio. Qui adhaeret ei unus cum eo spiritus efficitur, transiens in illud unum quod semper idem est, et cuius anni non deficiunt. Adhaesio ista caritas, quasi spiritalis ornatus finis et fimbria. 27. Vestis quippe nuptialis ex virtutum varietate contexta, oportet ut fimbriis aureis, id est caritatis splen­ doribus ambiatur, quae omnes virtutes contineat, et constringat in unum, et suam singulis claritatem impertiens, de multis unum faciat, et cum multis uni adhaereat, ut iam omnia non sint multa, sed unum. Caritas autem in duo dividitur, in Dei videlicet dilec­ tionem et proximi. Porro, dilectio proximi in duo subdivi­ ditur, innocentiam et beneficentiam videlicet, ut nulli noceas, benefacias autem quibus potueris. Scriptum quippe est : Quod tibi non vis fieri, alii ne feceris. Et haec innocen­ tia. Et Dominus in Evangclio : Omnia, inquit, quaecumque 1. Un texte de structure lit unique analogue se retrouve dons Sermo VIH, in ΛηηιιηΙ. 13. V. Μ.; P. 1. , 195, 255 D. 2. Z.c, 10, 42. Sur cette nostalgie de l’unité, cf. Introduction, p. 15. 3. Jac., 1, 17. 4. Cf. / Cor., G, 17. 5. Cf. Ps. 101, 28. 6. Innocentia : et. Spec, cor., 111, 5; P. L·, 195, 581 C-D. l I LA VIE DE RECLUSE, ’26-27 107 Oh ! que te voilà bienheureux, Jean, grâce à ce testament : ainsi t’est confiée, par document authentique, la peric du genre humain, l’espoir du monde, la gloire du ciel, le refuge de ceux qui sont dans la misère, le soulagement de ceux qui souffrent, la consolation des pauvres, le recours des désespérés, la réconciliation des pécheurs, la suzeraine enfin de celte terre et la reine des cicux’. Les images doivent donc donner occasion à des élans d’amour et non pas devenir un étalage de vanités. Elles doivent toutes te ramener à l’unité, parce qu’une seule chose est nécessaire2. Cette unité ne se trouve qu’en (’Unique, auprès de l’Unique, avec l’Unique, auprès duquel il n’y a plus ni changement ni ombre de vicissitude3. Celui qui adhère à lui ne fait plus avec lui qu’un seul esprit4. Il est transporté en cet Unique toujours identique à luimême, dont les années ne passent pas6. Cette adhésion, c’est la charité, c’est la frange et le fini de la parure de l’âme. _ ... 27. Car cette robe nuptiale, tissée 1 . de toutes sortes de vertus, doit encore être brodée tout autour avec les franges d’or de la scin­ tillante charité. La charité en effet réunit toutes les vertus et les ramène ù l'unité. Elle leur communique son propre éclat et les ayant ainsi unifiées, elle adhère avec elles à l’Unique, de sorte que toutes ensembles elles ne font plus qu’une vertu. Mais la charité se divise en amour de Dieu et en amour du prochain. EL l’amour du prochain sc subdivise en inno­ cence6 : ne faire de tort à personne, et en bienfaisance : faire du bien à tous ceux que l’on peut. 11 est écrit en effet : a Ce que tu ne veux pas qu’on le fasse, ne le fais pas à autrui7. » C’est l’innocence. Mais le Seigneur dit aussi dans l’Evangile : « Tout ce que vous désirez que les hommes . La chanté 7. Regula S. Dencdicli, IV, LXI, LXX ; cf. Tab.. -1, 6; Λ/α/ΖΛ., 7, 12; Le. 6, 31. 108 DE INST IT. INCLUSARUM vultis ut faciant vobis homines, ct vos facite illis. Et haec beneficentia. Quantum ad te duo ista pertineant, diligenter adverte. Primum ut nulli noceas, deinde ut nulli velis nocere. Primum illud facile tibi, cum nec id possis, nisi forte lingua percusseris. Secundum illud, non erit difficile, si propositum attendas tuum, si professam dilexeris nudi­ tatem. Non enim ibi esse poterit erga aliquem malae volun­ tatis materia, ubi cupiditas nulla, ubi nihil diligitur quod possit auferri, nihil tollitur quod debeat amari. Deinde bene velis omnibus, prosis quibus possis. In quo, inquis, cum mihi non liceat, vel modicum quod egentibus tribuam possidere? 28. Agnosce conditionem luam, carrissima. Duae erant sorores, Martha et Maria. Laborabat illa, vacabat ista. Illa erogabat, ista petebat. Illa praestabat obsequium, ista nutriebat affectum. Denique non ambulans vel dis­ currens huc vel illuc, non de suscipiendis hospitibus sollicita, non cura rei familiaris distenta, non pauperum clamoribus intenta, sedebat ad pedes Icsu, ct audiebat verbum illius. Haec pars tua, carissima, quae saeculo mortua atque sepulta, surda debes esse ad omnia quae saeculi sunt audiendum, et ad loquendum mula, nec debes distendi sed extendi, impleri non exhauriri. Exequatur partem suam Martha, quae licet non negetur bona, Mariae tamen melior praedicatur. Numquid invidit Marthac Maria? Illa potius 1. .Mallii., 7, 12. 2. Cf. Spec, car., I, 31 ; P. Λ., 195, 534 D-535 A. 3. Cf. Le, 10, 38-12. 4. S. Augustin, Sermo CIV; P. L., 38, 616 (=· Breu. cisl., In Assumpt. B. V. M., ad Vigilias, led. in III Nocturno}. I.A VIE DE RECLUSE, 27-28 109 fassent pour vous, vous de même faites-le pour eux1. » C’est la bienfaisance. Vois maintenant comment tu pourras pratiquer la charité sous ces deux formes. En premier lieu, tu ne dois ni faire de mal, ni même en vouloir, à personne. Pour le premier point, cela te sera facile : tu es dans l’impossibilité materielle de nuire à qui que ce soit, sinon peut-être par quelques coups de langue. Quant au second point, tu n'auras pas de difficulté là non plus, si tu restes fidèle à ta résolution, si tu aimes le dénue­ ment dont tu us fait profession : car pourquoi voudrait-on du mal à quelqu'un, si on ne convoite plus rien, si on n’est attaché à aucune de ces choses qu'on pourrait nous ravir2, si rien ne peut nous être enlevé qui nous tienne à cœur? En second lieu, tu dois vouloir du bien à tout le monde, et en faire à qui tu le peux. — Faire le bien ! me dis-tu ; mais avec quoi? Il ne m’est pas permis d’avoir la moindre chose que je puisse donner à ceux qui sont dans le besoin. 28. Prends donc conscience, très chère, de ta condition. 11 y avait deux sœurs, Marthe et Marie3. L’une travaillait, l'autre vaquait ; l’une donnait4, l’autre demandait ; l'une se multipliait en attentions ; l’autre ne nourrissait que des affections ; celle-ci enfin ne s’agitait pas, ne courait pas de tous côtés, ne s’affairait pas pour recevoir les hôtes, n'était pas tiraillée par les soins du ménage, ne s’occupait pas des requêtes des pauvres ; mais elle était assise aux pieds de Jésus et l’écoutait parler. Voilà la part, très chère. Morte au monde et ensevelie, tu dois être sourde et muette pour les choses du monde. Tu n'as pas à te répandre, mais à t’approfondir ; Lu n’as pas à t’epuiscr, mais à être comblée. Que Marthe garde sa part : on ne lui refuse pas qu’elle soit bonne, mais on dit que celle de Marie est meilleure. Marie envie-L-clle Marthe? L lio DE INSTIT. INCLUSARUM isti. Ila etiam qui optime videntur vivere in saeculo, luam vitam aemulentur, non illorum tu. Ad ipsos spectat eleemosynarum largitio, quorum est terrena possessio, vel quibus credita est rerum ecclesiasti­ carum dispensatio. Quae enim sacrosanctis ecclesiis a fidelibus collata sunt, episcopi, sacerdotes et clerici dispen­ sanda suscipiunt, non recondenda, nec possidenda, sed eroganda. Quicquid habent pauperum est, viduarum et orphanornm, et eorum qui altario deserviunt, ut de altario vivant. Sed et ea quae in usus servorum Christi monasteriis conferuntur, a certis personis dispensari oportet, ut quod necessitatibus superest fratrum, non includatur marsupiis, sed hospitibus, peregrinis atque pauperibus erogetur. Et hoc illorum interest, quibus pars est Marthac commissa, non qui salutari otio vacant cum Maria. Itaque claustralibus nulla debet esse pro pauperibus sollicitudo, nulla pro hospitibus suscipiendis distentio, quippe quibus nulla debet esse de crastino cura, nulla cibi potusve providentia. Nutriantur potius in croceis, spiritua­ libus pascantur deliciis, ili autem qui contemptibiles sunt constituti ad iudicandum, amplexentur stercora. Ipsi quippe sunt boves, quorum piger stercoribus lapidatur. Sunt enim quidam qui circa spiritalia desides et pigri instar populi peccatoris, super manna coeleste nauseant, videnlesque alios circa temporalia occupatos, invident, detrahunt, murmurant, et pro stercoribus quibus ipsi foedantur, zeli et amaritudinum stimulis feriuntur. De 1. Les claustrales sont les simples moines, distingués des obocdientialcs (moines chargés d'une obédience dans le monastère) et des praclali (supérieurs). Cf. Sermo XV, in die SS. Pelri et Pauli ; P. L., 195, 295 B-D : «Alium locum habent, monachi claustrales, alium oboedientiales, alium praelati... Locus claustralium regularis est observantia... Locus oboedientialium est caritas, misericordia, cura hospitum et pauperum, et caetera huiusmodi... Locus praelatorum est indicium et disciplina. » 2. Cf. Maith., 6. 34. LA VIE DE RECLUSE, 28 III C’est bien plutôt l’inverse. De même, ce sont les gens du monde, même ceux qui semblent les plus favorisés, qui ont à envier La vie, et non toi la leur. Distribuer des aumônes, c’est l'affaire de ceux qui possèdent les biens de cc monde, ou de ceux qui sont chargés de la dispensation des biens d'église. C’est aux évêques, aux prêtres et aux clercs de disposer de cc que les fidèles donnent aux saintes églises. Et ils n’ont pas à se l’approprier ni ù thésauriser, mais uniquement à distribuer ce qu’ils reçoivent. Tout cc qu’ils ont appartient aux pauvres, aux veuves, aux orphelins et à ceux qui desservent l’autel et doivent vivre de l’autel. Pour cc qui est des dons faits aux monastères pour l’usage des serviteurs du Christ, la dispensation doit en être confiée à quelques-uns, de telle sorte que cc qui excède les besoins des frères soit distribué aux hôtes, aux pèlerins ou aux pauvres, au lieu de rester enfermé dans les coffres. Cela, c’cst l'affaire de ceux qui ont reçu la part de Marthe, non de ceux qui vaquent avec Marie à une très salutaire désoccupation. Aussi les « cloitriers1 » n’ont-ils pas à se tracasser au sujet des pauvres, ni à s’affairer pour les hôtes, eux qui ne doivent même pas avoir souci du lendemain2, ni prévoir ce qu'ils auront à manger ou à boire. Qu'ils se nourrissent plutôt de fleurs de safran3, qu’ils se rassasient de douceurs spiri­ tuelles, et que ceux qui sont constitues juges des choses méprisables aillent se vautrer sur le fumier. Ce sont les bœufs dont la bouse sera jetée sur le paresseux4. Car il y a des paresseux et des nonchalants ès choses spirituelles, chez qui la manne du ciel ne provoque que nausée, à l'instar du peuple pécheur5. Quand ils voient les autres occupés du temporel, ils sont remplis d’envie, ils critiquent, ils murmurent, ils éprouvent les aiguillons de la jalousie 3. Cf. Lam., 4, 5. 4. Ci. Sag. Sir., 22, 2. 5. Ci. Nornbr., 21, 5. 112 DE INSTIT. INCLUSARUM quibus si forte aliquam temporalium dispensationem fuerint adepti, convenienter dici potesl : qui nutriti erant in croceis, amplexati sunt stercora. Cum igitur nec illis qui in coenobiis sunt, quibus cum Martha non parva communio est, circa plurima occupari conceditur, quanto minus tibi, quae totam te sacculo exuisti, cui non solum non possidere, sed nec videre, nec audire licet quae sacculi sunt? Cum enim nihil Libi quis­ quam det ad erogandum, unde habebis quod eroges? Si ex tuo aliquid habes labore, da, non tua, sed alterius manu. Si aliunde Libi provenit victus, unde tibi aliena distribuere, cum nihil supra necessarium tibi liceat usurpare? Quid igitur beneficii impendes proximo? Nihil ditius bona voluntate, ait quidam sanctus. Hanc praebe. Quid utilius oratione? Hanc largire. Quid humanius pietate? Hanc impende. Itaque lotum mundum uno dilectionis sinu complectere, ibi simul omnes qui boni sunt considera ct congratulare, ibi malos intuere ct luge. Ibi afflictos conspice et oppressos, et compatere. Ibi occurrant animo miseria pauperum, orphanorum gemitus, viduarum desolatio, tristium maestitudo, necessitates pcrcgrinanlium, vota virginum, pericula navigantium, tentationes monachorum, pro his Luas preces effundas. Haec eleemosyna Deo gratior. Christo acceptior, tuae professioni aptior, his quibus impenditur fructuosior. Huius 1. Cf. Larn., 4, 5. 2. S. Grégoire le Grand, Homil. V in Euang., 3 ; P. L., 76,1094 B : • Nihil quippe offertur Deo ditius voluntate bonn. » ! 113 I.A VIE DE RECLUSE, 28 à la vue. du fumier qui les souille. Ce serait bien le cas de dire, si quelque charge temporelle venait à leur être confiée : « Ceux qui se nourrissaient de fleurs de safran sont allés se vautrer sur le fumier1. » On ne permet donc pas à ceux qui vivent dans les monastères d’avoir de nombreuses occupations, et leur vie pourtant tient beaucoup de la condition de Marthe. Combien moins alors te seront-elles permises à toi qui as complètement quitté le monde, qui non seulement ne peux rien en posséder, mais qui ne dois même plus rien en voir, ni en entendre parler. Puisque personne ne te fournit de quoi distribuer, d’où irais-tu donner quelque chose? Si tu retires quelques ressources de ton travail, donne, mais par l’entremise de quelqu’un. Puisque ta nourriture te vient du dehors ct que tu n’as droit qu'au strict nécessaire, que pourrais-tu bien donner? Comment faire du bien au prochain dans ces conditions? a Rien de plus riche, a dit un saint, qu’une bonne volonté2. » Voilà ce qu’il te faut donner. Quoi de plus utile que la prière? Donne-la aussi. Quoi de plus humain que la pitié? Répands-Ia sans compter. Rassemble ainsi le monde entier au creux de ton amour ct là, tout ensemble, contemple les bons ct les méchants, réjouis-Loi sur les uns et pleure sur les autres. Là, fixe ton regard sur ceux qui souffrent, sur ceux qui sont opprimés, et souffre avec eux ; que s’y donnent rendez-vous la misère des pauvres, les sanglots des orphelins, la désolation des veuves, le chagrin des abattus, les besoins de ceux qui vont par les chemins, les soupirs des vierges, les périls de ceux qui sont en mer, les tentations des moines, les soucis des prélats, les souf­ frances de ceux qui sont au combat. A tous ouvre un cœur plein d'amour, verse pour eux tes larmes et répands tes prières. Cette aumône-là sera plus agréable à Dieu, plaira davantage au Christ, sera plus conforme à ton état ct plus fructueuse pour ceux à qui tu en ieras largesse. Les obli8 114 DK 1NSTIT. INCLUSARUM munus beneficii tuum propositum adiuvat, non perturbat ; dilectionem proximi auget, non minuit ; mentis quietem servat, non impedit. Quid his plura dicam, cum sancti ut perfecte possent proximos diligere studuerint in hoc mundo nihil habere, nihil appetere, nihil vel sine appetitu possidere? Agnoscjs verba, beati Gregorii sunt. Vide quam contra multi sapiunt. Ut enim caritatis impleant legem, quaerunt ut habeant quod erogent, cum cius perfectionem ipsis adseribat, qui nihil habendum, nihil appetendum, nihil vel sine appetitu possidendum arbitrabantur. 1. Id., ibid., 4 ; 1094 C (S. Grégoire écrit « nihil amaro » au Heu de •nihil habere *). LA VIE DE RECLUSE, ?8 115 galions qu’entraîne celte façon de faire le bien ne trouble­ ront pas ta vocation, niais au contraire l’aideront ; l’amour du prochain, au lieu de s’affaiblir, ira toujours croissant ; la paix du cœur, au lieu d’être troublée, n’en sera que mieux gardée. El que pourrais-je dire de plus, quand « les saints, pour Îêtre ά même d’aimer les autres plus parfaitement, s’appli­ quaient à ne rien avoir en ce monde, à n’y rien désirer, à n’y rien posséder, même sans s’y attacher1 ». Tu reconnais ce passage : il est du bienheureux Grégoire. Mais vois combien nombreux sont ceux qui en jugent tout autrement. Pour remplir la loi de la charité, ils cherchent à avoir de quoi donner, tandis que le bienheureux Grégoire, lui, attribue la perfection de la charité à ceux qui sont décidés à ne rien avoir, à ne rien désirer ct à ne rien posséder, même sans s’y attacher. 29. His de proximi dilectione praemissis, dc dilectione Dei pauca subiungarn. Nam licet n traque soror Deum proximumque dilcxcrit, specialiter tamen circa obsequium proximorum occupa­ batur Martha, cx divinae vero dilectionis fonte hauriebat Maria. Ad Dei vero dilectionem duo pertinent, affectus mentis, et effectus operis. Et opus hoc in virtutum exercitatione, affectus in spiritualis gustus dulcedine. Exercitatio virtu­ tum in certo vivendi modo, in ieiuniis, in vigiliis, in opere, in lectione, in oratione, in paupertate, et ceteris huiusmodi commendatur, affectus salutari meditatione nutritur. Itaque ut ille dulcis amor Icsu in tuo crescat affectu, triplici meditatione opus habes, de praeteritis scilicet, praesentibus et futuris, id est de praeteritorum recordatione, de expe­ rientia praesentium, de consideratione futurorum. Cum igitur mens tua ab omni fuerit cogitationum sorde virtutum exercitatione purgata, iam oculos defaecatos ad posteriora retorque, ac primum cum beata Maria, ingressa cubiculum, libros quibus Virginis partus et Christi pro- 1. Sur lo couple ufjectuslefjectus, cf. Introduction, p. 1C. 2. Cf. Introduction, p. 22. TROISIÈME PARTIE LA TRIPLE MÉDITATION 29. Λ ccs considérations sur l’amour du prochain, j’ajoute quelques mots sur l’amour de Dieu. Les deux sœurs aimaient Dieu l’une et l’autre, bien sûr, mais tandis que Marthe était plus particulièrement sou­ cieuse du service du prochain, Marie, elle, puisait à la fontaine de l’amour divin. L’amour de Dieu comprend deux choses : le sentiment intérieur et l'accomplissement des œuvres1. Celles-ci consistent dans la pratique des vertus, tandis que le sentiment intérieur réside dans la douceur du goût spirituel. La vie vertueuse implique une vie réglée, les jeûnes, le travail, la lecture, l’oraison, la pauvreté, etc. Le cœur, lui, se nourrit de la pensée de l’œuvre du salut. Aussi, pour que cc très doux amour de Jésus grandisse en ton cœur, as-tu besoin de cette triple méditation : le passé, le présent, le futur. Évocation des bienfaits passés, expé­ rience des bienfaits présents, et considération des bienfaits à venir2. L Les bienfaits du passé Quand la pratique des vertus aura purifié ton esprit des pensées qui le souillaient, jette un regard en arrière, les yeux dessillés, vers le passé. ■ .· d’abord dans la chambre de L Annonciation , Entre ,. la bienheureuse Marie, et, avec elle, relis les livres prophétiques qui parlent de la naissance DE INSTIT. INCLUSARUM 118 phctatur adventus evolve. Ibi adventum angeli praestolare ut videas intrantem, audias salutantem, ct sic repleta stupore et extasi dulcissimam dominam tuam cum angelo salutante salutes, clamans et dicens : Ave, gratia plena, Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus. Haec crebrius repetens, quae sit haec gratiae plenitudo, de qua lotus mundus gratiam mutuavit quando Verbum caro factum est et habitavit in nobis, plenum gratiae et caritatis, contemplare, et admirare Dominum qui terram implet et coelum, intra unius puellae viscera claudi, quam Pater sanctiiicavit et Filius fecundavit, obumbravit Spiritus sanctus. O dulcis domina, quanta inebriaris dulcedine, quo amoris igne succendebaris, cum sentires in mente et ventre maiestatis praesentiam, cum de tua carne sibi carnem assumeret, ct membra in quibus corporaliter omnis plenitudo divini­ tatis habitaret, de tuis sibi membris aptaret. Haec omnia propter te, o virgo, ut Virginem quam imitari proposuisti diligenter attendas, et Virginis Filium cui nupsisti. lam nunc cum dulcissima domina tua in montana cons­ cende, et sterilis ct virginis suavem intuere complexum, et salutationis officium, in quo servulus dominum, praeco indicem, vox verbum, inter anilia viscera conclusus, in Virginis utero clausum agnovit, ct indicibili gaudio salu­ tavit. Beati ventres in quibus totius mundi salus exoritur, pulsisque tristitiae tenebris, sempiterna laetitia prophe­ tatur. Quid agis, o virgo? Accurre, quaeso, accurre, ct tantis gaudiis admiscere, prosternarc ad pedes utriusque, et in unius venire tuum Sponsum amplectere, amicum vero eius in alterius utero venerare. 1. 2. 3. 4. 5. 6. Ct. Ct. Cf. Cf. Cf. Cf. Jn. 1, 14. Jcr., 23, 24. Le, 1, 35. Coi., 2, 9. Introduction, p. 25. Le, 1, 39 sq. - i LA VIE DE RECLUSE, 29 119 virginale et de la venue du Christ. Là, attends l’arrivée de l’ange pour le voir entrer, pour l’entendre faire sa salutation. Alors, toi aussi, remplie de stupeur et comme hors de toi, salue avec lui ta très douce Dame en t’écriant : « Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous, vous êtes bénie entre toutes les femmes. » En répétant souvent cette formule, contemple cette plénitude de grâce, à laquelle le monde entier a participé lorsque le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous, plein de grâce ct de charité1. Vois avec étonnement le Seigneur qui emplit le ciel ct la terre2 enfermé dans le sein d’une jeune fille que le Père a sancti­ fiée, que le Fils a rendue féconde, et que l’Espril-Saint a recouverte de son ombre3. O douce Dame, quelle ivresse de bonheur, quel feu d'amour a dû vous embraser, lorsque vous avez senti dans votre âme et dans votre sein la présence d'une telle majesté, lorsque de votre chair Dieu a pris chair, et de vos membres il a pris ces membres dans lesquels allait habiter corporelle­ ment la plénitude de la divinité4. Tout cela pour toi, vierge : aussi fixe un regard attentif sur la Vierge que tu veux imiter5 et sur le Fils de la Vierge, dont tu es l’épouse. _La ... .. .. Suis maintenant la très douce Dame Visitation . et gravis avec elle la montagne®, vois comme s’embrassent tendrement la stérile ct la vierge, comment elles échangent leurs salutations ! Alors, enfermé dans le sein de sa mère déjà vieille, le serviteur reconnaît son Seigneur enclos dans le sein de la Vierge ; le héraut reconnaît le Juge, la voix le Verbe, ct le salue avec une joie indicible. Bienheureux seins, dans lesquels point l’au­ rore du salut du monde; toute ombre de tristesse est dissipée, une joie éternelle est prophétiquement annoncée ! Mais que restes-tu là ainsi, vierge? Cours, cours donc, ct unis-loi à tant de bonheur ! Prosterne-toi aux pieds de ces deux femmes, embrasse en l’une ton époux, et venère en l’autre l’ami de l’époux. 120 DE 1NST1T. INCLUSARUM Hinc matrem euntem in Bethleem cum omni devotione prosequere, et in hospitium diverlens cum illa, assiste et obsequere parienli, locatoque in praesepi parvulo, erumpe in vocem exullationis, clamans cum Isaia : Parvulus natus est nobis, filius datus est nobis. Amplectere dulce illud praesepium, vincat verecundiam amor, timorem depellat affectus, ut sacratissimis pedibus figas labia, et oscula gemines. Exinde pastorum excubias mente pertracta, angelorum exercitum admirare, coelesti mclodiae tuas interpone partes, corde simul et ore decantans : Gloria in excelsis Deo, et in terra pax hominibus bonae voluntatis. 30. Noli in tua meditatione magorum munera praeterire, nec fugientem in Aegyptum incomitatum relinquere. Opinare verum esse quod dicitur, eum a latronibus deprehensum in via, et ab adolescentuli cuiusdam beneficio ereptum. Erat is, ut dicunt, principis latronum filius, qui praeda potitus, cum puerulum in matris gremio cons­ pexisset, tanta ei in eius speciosissimo vultu splendoris maieslas apparuit, ut eum supra hominem esse non ambi­ gens, incalescens amore amplexatus est eum, et : 0, inquit, beatissime parvulorum, si aliquando se tempus obtulerit mihi miserendi, tunc memento mei, et huius temporis noli oblivisci. Ferunt hunc fuisse latronem qui ad Christi dexteram crucifixus, cum alterum blasphemantem corri­ puisset, dicens : Neque tu limes Deum quod in eadem 1. Cf. l.c, 2, 7. 2. Is., 9, 6. 3. L'idée se retrouve plus loin, cf. 31. p. 131. •1. l.c, 2, 14. Ce passage (» Hinc matrem... bonae voluntatis. >) est cité par Ludolpuk j.e ChaHTECX, Vita Christi, 1, 9. 5. Ludolphe i.r Chahtkeux, ibid., 11, intercale un long passage sur la contemplation do Jésus dans les bras de Marie (« Verum dum hunc parvulum... »), passage qui ne se trouve dans aucun des manuscrits collationnés et a sans doute été ajouté dans un manuscrit où le texte d'Aelred so trouvait parmi les méditations do S. Anselme. 6. Celle légende dérive sans douta de L'Évangile de l'enfance, LA VIE UE RECLUSE, 29-30 121 De là, avec un saint empressement, accompagne la mere à Bethléem, retire-toi avec elle dans l’asile qui la reçoit, aidc-la, assistela quand elle enfantera ; et quand le nouveau-né aura été dépose dans la crèche1, en un grand cri de joie proclame avec Isaïe : « Un enfant nous est né, un Fils nous a été donné2 ! » Va entourer de tes bras ce berceau ; que l’amour vainque la timidité, que l’alïcction chasse la crainte8, presse longuement tes lèvres sur ccs pieds très saints, couvre-les de baisers. Revois en esprit la veillée des bergers, regarde, émerveillée, les armées des anges, prends part au concert céleste, chante de cœur et de bouche : « Gloire à Dieu dans les cieux et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté4 ' » , „ ,, .4. 30. Ne vas pas maintenant oublier dans ta méditation les cadeaux des mages, ni fausser compagnie à celui qui doit fuir en Égypte5. On raconte® — dis-toi que c’est une histoire vraie — que l’enfant aurait été pris par des voleurs sur la route et qu'il aurait été sauvé grâce à la générosité d'un jeune homme ; c’était, dit-on, le fils du chef de la bande. Au moment d’emmener sa capture, il regarda l’enfant blotti sur le sein de sa mère ; sur son très beau visage, il vit rayonner l’éclat d’une telle majesté, qu’il n’eut plus de doute que ce fût là plus qu'un homme et l’embrassa tout brûlant d’affection en disant : « O le plus heureux des enfants, si un jour l’occasion se présente de m'épargner à mon tour, souviens-toi de moi et n’oublie pas ce jour-ci. » On dit que c’était le larron qui fut crucifié à la droite du Christ et qui disait quand l’autre blasphémait : « Ne crainstu donc pas Dieu, toi qui subis la meme peine? Pour nous, La Fuite on Egypte XXIII (dans fivangites apne.ruphes, trad. I*. Pektrrs [coll. Hemmer et Lejay], II, p. 2«-27). 122 DE INST1T. INCLUSARUM damnatione es, et nos quidem iuste, nam digna factis recipimus. Hic autem quid? Nihil male fecit. Conversus ad Dominum, cum in illa quae in puerulo apparuerat intuens maiestate, pacti sui non immemor : Memento, inquit, mei, cum veneris in regnum tuum. Itaque ad incentivum amoris haud inutile arbitror hac uti opinione, remota omni affirmandi temeritate. Praeterea nihilne libi suavitatis aestimas accessurum, si eum apud Nazareth puerum inter pueros contempleris, si obsequentem matri, si operanti nutricio assistentem intuearis? 31. Quid si duodennem cum parentibus Icrosolymam ascendentem, ct, illis redeuntibus et nescientibus in urbe remanentem, per triduum cum matre quaesieris? 0 quanta copia fluent lacrymac, cum audieris matrem dulci quadam increpatione filium verberantem : Fili, quid fecisti nobis sic? Eccc pater tuus et ego dolentes quaerebamus te? Si autem Virginem sequi quocumque ierit delectet, alliora cius ct secretiora scrutare, ut in Iordane flumine audias in voce Patrem, in carne Filium, in columba videas Spiritum sanctum. Ibi tu ad spirituales initiata nuptias, sponsum suspicis datum a Patre, purgationem a Filio, pignus amoris a Spiritu sancto. Exinde solitudinis tibi secreta dicavit, sanctificavit ieiuniuin, ibi subeundum docens cum callido hoste conllic- 1. Lc, 23, 40-41. 2. Lc, 23, 42. 3. Aolrcd distingue toujours prudemment ce qui est simple opi­ nion , dans Catholic Historical Revie.it), XVII (1931), p. 309. 4. P. L., 158, 675 sq. Aux quatre mss do la prière du ps.-Anselmo, que cite D. Wilmarl, ajouter Mons, Bibliothèque de la Ville, 239, xiii’ siècle, f. I52r-I52v (provient de Cambron). INTRODUCTION 17B Sources de l’Oraison Pastorale « On pourrait dire », écrit dom Wilmart, « que cette oralio intime est le fruit d’une lectio assidue selon le principe bénédictin1 ». C’est l’appréciation d’un moine. Un exquis humaniste comme le professeur Povvicke estime qu’une telle prière n’a pu jaillir que d’une âme sereine et affinée, et n’a pu être rédigée que par un fin lettré, cueillant au vol, au cours de ses lectures, une expression savoureuse, une image réussie, une pensée exaltante12. Biblo et liturgie Remarquable à plusieurs points de vue, cette prière se distingue surtout par ce que dom Wilmarl appelle sa « couleur biblique ». Mais n’cst-ce pas là décrire d’une formule trop terne ce jeu enivrant d’allusions scripturaires, qui s’enchaînent, s'appellent, se font écho : sans aucune recherche ni virtuo­ sité, mais comme le fruit naturel d’une sève profonde? Aelred recueille dans l’évangile de saint Jean le symbole du bon Pasteur : «Je suis le bon Pasteur. Le bon Pasteur donne sa vie pour ses brebis3. » Souvent, dans ΓAncien Testament, Yahweh apparaît comme un berger veillant sur Israël4. Lui, le pasteur suprême — άρχίποιμην —, K le grand Berger », — ποιμήν ό μεγας — comme on le nomme dans la Prima Pétri (5, 4) et dans la lettre aux Hébreux (13, 20), n’abandonne jamais son troupeau. Une citation de l’Écrilure Sainte ne revient pas sous la plume d’Aelred à la façon d'un argument pour étayer une thèse : « La liturgie crée le climat spirituel dans lequel s’unifient la lectio diuina, la méditation et la célébration 1. A. Wh.mart, art. cit., p. 265. 2. F. M. Powicke, Waller Daniel's f.ife of Ailred, Abbol of Ricvaulx, Londres, 1950, p. ucvii. 3. Jn, 10, 11-14. 4. Cf. Éz., 34, 11 ; 34, 23 ; Jir., 23, 1 : Is., 40, 10-11. 176 LA PRIÈRE PASTORALE de l'office1. » Réminiscences bibliques, expressions de provenance liturgique, ne forment pas l’enluminure de quelque dissertation ; une vie intérieure nourrie par elles se retraduit dans les formes mêmes qui l’ont fait éclore. Influence réciproque d’une spiritualité aimante qui vivifie de l’intérieur des formules traditionnelles auxquelles elle s’est elle-même abreuvée : mens concordet voci, prescrit saint Benoît à scs disciples {Règle, chap. 19). Rien d'étonnant alors que la prière d’Aelred, tout autant que ses sermons1 2, soit parsemée d’expressions liturgiques, et comme imprégnée des grands thèmes et du style de la liturgie. De *’avis de dom Wilmarl>la Pri"C Pastorale « fait songer, par endroits, aux Confessions de saint Augustin3». M. Pierre Courcelle a rendu récemment de grands services en identifiant les passages empruntés par Aelred à saint Augustin45 . Nous ne nous y arrêterons pas davantage, la préférence d’Aelred pour les écrits de l’évoque d’Hippone ayant déjà été notée par ailleurs. „ , , Il a été signalé, à propos d’un autre ouvrage d Aelred, le De spinlali amicilia, que l’abbé de Clairvaux s’est survécu dans les écrits de son meilleur disciple, Aelred de Rievaulx6. Dans la Prière Pastorale également se retrouvent des analogies de pensée et d’expression. Les deux abbés sont conscients Saint Augustin 1. J. Lbci.brcq, «Les Méditations d’nn moineau XII° siècle»,dans Revue Mabilton, XXXIV (1944), p. 19. 2. Cf. C. II. Talbot, Sermones inediti ü. Actredi Abbatis Rievaltenais, Rome, 1952, p. 37, 57, G2, 94, J44, 101, 163, 175. 3. A. WlLMART, art. cil., p. 265, note 4. 4. P. CouncELLB, · Ailrcd de Rievaulx à l’écolo des Confessions », dans Revue des Études Auguslinienncs, Hl (1957), p. 164, note 4. 5. J. de La Croix Bouton, · La Doctrine de l'amitié chez saint Bernard », dans Revue d'Ascclique et de Mystique, XXIX (1953), p. 3-19. INTRODUCTION 177 l’un et l’autre de ne réaliser que fort imparfaitement — indignement, disent-ils— le nom de père et de pasteur1. C’est à peine si leurs prières ct leurs larmes parviennent à couvrir leurs propres péchés, cl les voilà chargés de subvenir aux besoins des autres12 ! Abbés, Bernard et Aelred souhaitèrent intensément de se conformer en tout à chacune des âmes qui leur étaient confiées ; et tous deux utilisent les mêmes termes : « quasi unus ex illis3 ». Les autres écrits C. II. Talbot a remarqué, en d’Aelred comme éditant les Sermones inedili, qu’Aelred l’Orniio Pasioraiis reprenait souvent, dans scs traites ct scs sermons, des idées ct meme des phrases entières à scs ouvrages anterieurs4. Cette habitude sc remarque très particulièrement dans la Prière Pastorale, qui est en quelque sorte une synthèse de sa vie spirituelle. Des idées qu'il avait développées auparavant dans ses sermons, sc présentent ici spontanément à son esprit. Le fil d'or qui traverse la vie d’Aelred est tissé d’amour ct de souci pour scs frères. Ainsi, ce cri d’une àmc affectueuse : « Quod vivo, quod sentio, quod discerno, lotum impendatur illis et totum expendatur pro illis» (7, 8-10), est-il repris des Sermones de oneribus (P.L., 195, 422) ct rcvicndra-t-il encore dans les Sermones inedili (éd. Talbot, p. 112). Et celle idée, d’une sensibilité si exquise, qu'il prie pour autrui plus par sympathie que par devoir d'étal (7, 3), figure déjà dans les Sermones de oneribus (P.L., 195, 365) et dans les Sermones inedili (éd. Talbot, p. 37). 1. S. Bernard, Epistola CXI.IV (P. /.., 182, 301 A) ; Aelred, Oral. Past., 1, 2-6. 2. S. Bernard, Sermo XXX (P. L., 183, 936} ; Sermo LXXVI (P. !.. 183, 1154); Sermo XXX in canlic. (Édit. Leclercq, Talbot, Hochais, p. 213, 1. 20-25) ; Aelrf.d, Or. Pas!., 3, 7 sq. 3. S. Bernard, Traclalus de moribus el officio episc. {P. I.., 182, 831 A) ; Aelred, 8, 10. 4. C. H. Talbot, Sermones inedili, p. 9 : » The repetition of ideas and even of whole phrases is a phenomenon of normal occurrence in Aclrcd's writings. > 12 178 LA PRIÈRE PASTORALE Quant aux autres sources — les Méditations de .Jean de Fécamp et quelques prières authentiques dc saint Anselme — elles ont été signalées avec toute la netteté désirable par dom Wilmart. L’influence ni·: l’Oraison Pastorale Dom Anselme Lc Bail et, à sa suite, l’abbé J. Dubois affirment qu’on a lisait l’Oraison Pastorale encore au xvie siècle dans les monastères de la filiation de Rievaulx1 ». Cependant, ils ne renvoient à aucune spurce qui pourrait étayer cette affirmation. Si, au xve siècle, un copiste ajouta à la Prière Pastorale quelques lignes concernant l’abbé Aelred, cela prouve que son souvenir n'avait pas été perdu, mais nc signifie pas que sa prière était très répandue, d’autant plus qu’il ne nous en reste qu’une seule copie. Nous croyons donc, avec dom Wilmart, que : u la prière 0 bone pasior Ihesu n’a jamais dû sortir du milieu de Rievaulx ; elle y est demeurée comme un héritage de famille12 ». dans l’histoire DE LA SPIRITUALITÉ L’Oraison pastorale Il n’est pas difficile dc situer la Prière Pastorale d’Aelred dans toute une série dc prières qui s’adressent à Jésus en tant que Bon Pasteur, et le prient pour le salut personnel de l’auteur, en même temps que pour le salut des frères qui lui sont confiés. Ce sentiment d’inquiétude pour le troupeau confié à sa garde, ces doléances sur scs propres défauts, sur son indignité, reviennent avec insistance dans ce u genre littéraire » proprement abbatial. Saint Benoît 1. A. Lu Bail, Aelred, dang Diet, de Spiritualité, I (1937), 227; J. Dunois, Aelred de Hievattlx, L'amitié Spirituelle, Bruges, 1948, p. XXII. 2. Art. cil., p. 266. INTRODUCTION 179 en parle, en des termes précis, dans le chapitre relatif à l’abbé1. Avant lui, Horsièsc, successeur dc Théodore comme «abbé-président» des monastères dc Tabcnnesi, en avait parlé, avec beaucoup de réalisme, à ses moines1234. Les biographes coptes de Pacôme nous donnent des images saisissantes de la vie et de la prière d’Apa Pacôme8. Mais avant de rencontrer une prière de ce genre en style direct, il nous faut attendre le vmft siècle. De cette époque, il en reste une, très humble ct très douce, d’Ambroise Aulpert, abbé dc Saint-Vincent du Vulturne. Comme Aelred, il se demande ù quoi sert de montrer aux autres la voie de la perfection, quand on ne la parcourt pas soi-même1. Récemment dom J. Leclercq a édité une prière analogue, d’un abbé qu’il n’a pu identifier, du milieu du ix« siècle5*. Deux prières de l’abbé Jeannelin dc Fécamp marqueront profondément l’Oraison Pastorale®. Parmi les prières authentiques de saint Anselme, VOraiio praelati ad quemcumque sanctum ecclesiae suae patronum est tant par son contenu que par son style, une des plus belle dc la série. C'est une variante de plus du thème connu : « Pastor nominor, sed esse nequeo ; episcopus dicor, sed non sum7. » A propos d’une autre prière dc saint Aelred nous avons déjà pu constater combien les premiers écrivains cisterciens étaient imprégnés par cet esprit de prière, si typique pour 1. Regula S. Benedicti, c. il. 2. Voir le texte dans L. Th. Lejoht, Les Vies Coptes de saint PacMme ct de ses premiers successeurs, Louvain, 1943 (Bibliothèque du Muséon, XVI), p. 350. 3. L. Th. Lefokt, op. cil., p. 69, 169. 4. Citée par IJ. Behlièke, L'Ascèse bénédictine des origines à la fin du XII' siècle, Maredsous, 1927, p. 181. 5. J. Lbcleucq, < Anciennes prières monastiques », dans Studia Monastica I (1959), p. 381-383. G. Meditatio XVIII et XXIX (P. 15», 793 et 921). 7. Oratio LXXV (P. L., 158, 1012-1016 ; Êdit. F. S. Schmitt, S. Anselmi Cant. Episc. Opera Omnia, III [1946], p. 68 [Oratio XVII]). 180 LA PRIÈRE PASTORALE un nouvel ordre monastique qui se répandit très rapide­ ment, et où de très jeunes abbés, hier encore novices, curent souvent à charge d’importantes fondations. Rien d’étonnant que cette angoisse de ne pouvoir su Hire à leur tâche perce jusque dans les sermons qu'ils avaient à donner chaque jour au chapitre1. Guillaume de Saint-Thierry souffre de sc savoir un pasteur indigne et incapable12. Gucrric d'Igny prie l'Esprit-Saint, ainsi que le fit Aelred, de lui inspirer le mot juste et convaincant, lorsqu’il aura à parler à scs fils34 . Un texte, publié récemment, du cistercien Gervaisc de Louth Park (xii® siècle), nous rappelle, plus clairement encore, l’esprit de la Prière Pastorale d’AcIrcd*. Nous y trouvons, exprimé avec insistance, le thème invariable : « Oh ! quelle horrible et terrifiante perspective, que de devoir rendre compte de tant d'àmcs, une centaine et même plus, dont devra se justifier quelqu’un qui n’a meme pas de quoi rendre compte de sa propre petite âme à lui ! » Jean, abbé de Ford dans le Devonshire, traduit, sur un ton moins angoissé, les soucis et la responsabilité de l’abbaliat : comme Aelred il veut porter à Dieu une offrande de louanges et contribuer, dans toute la mesure de scs forces, à l’édification et à la formation spirituelle de ses frères5. C’est plus tard seulement, semble-t-il, après la grande désolation du xivc siècle, que le sentiment aigu des respon­ sabilités abbatiales s’exprima en des formes analogues chez les moines noirs. Au xv« siècle, nous retrouvons les memes idées chez Jean Rode, abbé de Saint-Mathias ù 1. Λ. Hoste, «Marginalia bij Aclrûd’s De institutione inclusa­ rum », dans Cileanx in de Ncdcrlanden, IX (1958), p. 135. 2. P. L., 180, 237 C-242 A. 3. Sermo in diebus Rogationum [P. L., 185, 151-154). 4. C. H. Talbot, « The Testament of Gcrvase of Louth Park·, dans Analecta Sacri Ordinis Cislcrc., VII (1951), p. 32-46. 5. Textes cités par E. Mikxbhs, « Les sermons inédits de Jean do Ford sur le Cantique des Cantiques », dans Collectanea O. C. Λ., V (1939), p. 250-261. INTRODUCTION 181 Trêves1, ainsi que dans une Oratio de cura pastorali de Conrad de Rodenbcrg, un des défenseurs ct propagateurs les plus hardis de la réforme de Bursfcld12. Conclusion juste titre, dom Wilmart estime que l’Oraison Pasto­ rale est « un des plus beaux écrits où s’exprime la religion du monachisme médiéval34 5». Nous y trouvons une finesse de sensibilité qui nous révèle un aspect du Moyen Age, que souvent on ne soupçonnerait guère. Au xme siècle on qualifie Aelred de « pastor pius in Rievalle* », et plus près de nous Dalgairns le caractérisera avec bonheur comme « l’abbé par excellence6 ». Ainsi saint Aelred continua-t-il à vivre dans cette image idéale de l'abbé, but de tous ses efforts : «le bon pasteur, qui paît ses brebis et les conduit à Punique bergerie ». « O pas­ teur illustre et prudent..., plus sensible à la charité qu’à la rigide justice6 », s’écrie Walter Daniel dans sa biographie d'Aclred. N’cst-cc pas le plus bel éloge qu’on pourrait décerner à l’auteur de la prière «0 bone pastor Ihesu »? Steenbrugge. D. Anselme Hoste O.S.B. 1. Tractatus de bono regimine abbatis. Édit. B. Pcz, Bibliotheca Ascelica, I, p. 157-204. 3. Edit. Freber, Opera hist., 1601, p. 164-165 et Catalogus de Scriptoribus ccclcsiusl., p. 375. Voir aussi les prières de Nicolas de Clarnanges, contemporain de Conrad : J. Lkci.frcq, « Les prières inédites de Nicolas do Clamanges », dans Revue d'Ascttique et de Mystique, XXIII (1947), p. 175 : < amantissimus pastor Jesus*. 3. Rev. Bên., XLI (1929), p. 74. 4. A. Wilmart, · Les Mélanges de Matthieu, préchantre de Rievaulx, au début du xni* siècle», dans Rev. Bén., LII (1940), p. 15-84. 5. J. B. Dalgairns, dans Newman's Lives of the English Saints, V, London, 1901, p. 53 : «Others come down to us as holy bishops, martyrs or confessors, but Ailred was preeminently the Abbot of England. » 6. Vita Ailredi. Edit. Powicke, p. 51. 182 LA PRIÈRE PASTORALE Note additionnelle « Il paraît bien qu’Aclrcd connaissait les prières de saint Anselme. Je retrouve dans la rédaction même qu'on va lire des échos distincts d’Or. LXXV, qui est certaine­ ment authentique ct s’adresse au patron du lieu ; cette page était sans doute familière à l’abhé de Rievaulx et, tout naturellement, il en a repris plusieurs termes (voir ci-dessous 1,2-6 ; 3,1-8 ; 4,2 ; 7,23 sq. ; 10,1 et rapprocher P. L·., 158, 1013 Λ ligne 2 sq. ct 12 ; 1014 B 7 ; 1013 B 8sq., 12; G 2; 1014 A 1). Une autre formule est encore plus proche de l’oraison d'AcIred par le cours des pensées : celle de Jean de Fécamp qui porte le titre Gratiarum actiones pro beneficiis divinae misericordiae, Metz 245, fol. 93 r., devenue Med. XVIII dans la grande série anselmicnne (P. L., 158, 798, et cf. 147, 462). On ne cons­ tate plus, il est vrai, une relation verbale ; mais l'analogie des situations est frappante. Avec un profond esprit religieux, les deux abbés montrent l’intime de leur être, en présence de l’unique pasteur, ct nous voyons que les mêmes sentiments les animent. Je n’ai pas le loisir de procéder à une comparaison de ces admirables morceaux ; on peut les relire parallèlement. .J’indiquerai en outre, à ce propos, que la célèbre Oratio sancti Ambrosii (Or. XXIX de Gcrberon-Mignc), dont l’attribution à Jeannclin ne fait plus de doute pour moi (ce que je n'ose pas dire pour Or. XXVI), a quelque rapport littéraire avec le texte d’Aclred (voir ci-dessous, 4,4 et 5,32, ct cf. P. L., 158, 923 B 1, 924 C 7) ; quoique ces passages soient tout d’abord scrip­ turaires, je suis porté à croire qu’Aclrcd les avait notés, en récitant la belle prière de l’abbé de Fécamp, ainsi qu’un troisième, plus caractéristique (5,35 sq., cf. P. L., 158, 921 G 12, 922 A 3}.» (Dom Wilmart, Auteurs spirituels..., p. 289, note 2 ; nous avons adapté le texte de l’auteur au système de références utilisé dans le présent volume). INCIPIT ORATIO PASTORALIS [Oratio oen. Aelredi Abbatis Itieoallensis Propria praelatorum maxime abbaium*\ [Ab eo composita ei u$itaiab] 1. O bone pastor lesu, pastor bone, pastor clemens, pastor pie, ad te clamat miser et miserabilis quidam pastor ; etsi infirmus, etsi imperitus, etsi inutilis, ovium tamen tuarum qualiscumque pastor. Ad te, inquam, clamat, o bone pastor, iste non bonus pastor ; ad te clamat, anxius pro se, anxius pro ovibus tuis. 2. Recogitans enim pristinos annos meos in amaritudine animae meae, pavesco ct contremisco ad nomen pastoris : cui me indignissimum si non sentio, certe desipio. Sed etsi misericordia tua sancta est super me ut erueres de inferno inferiori miseram animam meam, qui misereris cui volueris ct misericordiam praestas in quem tibi pla­ cuerit, ita peccata condonans, ut nec damnes ulciscendo, a. Oratio... abbatum ait. manu A111" s. b. Ab... usitata ail. manu XIV-XV* s. 1. Cf. .7«, 10, 11-14. 2. Cf. Jn, 21, 17. 3. Cf. Λ. 101, 1-2. ICI COMMENCE LA PRIÈRE PASTORALE Prière, du vénérable Aelred, Abbé de liievaulx, destinée aux Prêtais,,et spécialement aux Abbés, composée et souvent récitée par lui. 1. O bon pasteur Jésus1, pasteur si au Bon Pasteur bon, pasteur plein d’indulgence et de tendresse, un pauvre et misérable pasteur crie vers vous, un pasteur faible, malhabile ct inutile, mais pasteur quand même, ct comme il peut, de vos brebis2. Vers vous, dis-je, ô bon PasLeur, crie ce pasteur qui n’est point bon ; vers vous il crie, angoissé3 pour lui-meme, angoissé pour ses brebis. Appel 2. Quand dans l’amertume de mon âme je repasse mes années passées4, je m'effraie et je tremble au seul nom de pasteur : ne serait-ce pas folie, d’ailleurs, que je ne m’en sente infiniment indigne? Je sais bien que votre sainte miséricorde est sur moi ct veut sauver ma pauvre âme des profondeurs de l'abîme6, ô vous qui faites miséricorde à qui vous voulez et accordez votre pitié à qui il vous plait0, vous qui remettez les A . . ... ■1. Cf. Is., 38, 15; Héb., 10, 32. 5. Cf. Ps. 85, 13. 6. Cf. Ex., 33, 19. ORATIO PASTORALIS 186 nec confundas improperando, nec minus diligas imputando : nihilominus tamen confundor ct conturbor, memor quidem bonitatis tuae, sed non immemor ingratitudinis meae. Ecce enim, eccc est ante te confessio cordis mei, confessio innumerabilium criminum meorum, a quorum dominatu sicut placuit misericordiae tuae liberasti infelicem animam meam. Pro quibus omnibus, quantum conari possunt, grates et laudes exsolvunt tibi omnia viscera mea. Sed non minus debitor tibi sum etiam et pro illis malis quaecumque non feci, quoniam certe quicquid mali non fcci, te utique gubernante non feci, cum vel subtraheres facultatem, vel voluntatem corrigeres, ve! resistendi dares virtutem. Sed quid faciam. Domine Deus meus, ct pro his quibus adhuc iusto iudicio tuo aut fatigari aut prosterni pateris servum tuum filium ancillae tuae? Innumerabilia enim sunt, Domine, pro quibus sollicita est in oculis tuis peccatrix anima inca, quamvis non ea contritione ncc tanta cautione quantam exigeret necessitas mea vel affectaret voluntas mea. 3. Confiteor itaque tibi lesus meus, salvator meus, spes mea, consolatio mea ; tibi confiteor Deus meus, me ncc pro praeteritis esse adeo contritum vel timidum ut deberem, ncc pro praesentibus adeo sollicitum ut oporteret. Et tu, dulcis Domine, talem constituisti super familiam tuam, super oves pascuae tuae ; et qui parum sollicitus sum pro mcipso, iubes ut sollicitus sim pro illis ; et qui pro meis peccatis orare nequaquam sufficio, iubes me orare pro illis, et qui me ipsum parum docui, iubes ut doceam illos. Miser ego quid fcci, quid praesumpsi, quid consensi? 1. 2. 3. 4. Ct. Ct. Cf. Cf. Je'r., 31, 26, CU. P.t. 115. 16, etc. Malik., 24, 35. Pa. 73, 1 ; 78, 13. L'ORAISON PASTORALE, 2-3 187 péchés et ne condamnez point, par vengeance, ni n’accablez personne sous vos reproches, ct qui n’aimez pas moins ceux que vous châtiez. Malgré tout, je reste confus ct troublé, car si je me souviens de votre bonté, je ne puis oublier mes ingratitudes. Je vous ouvre donc mon cœur, je confesse devant vous ces innombrables crimes dont il a plu à votre miséricorde de délivrer ma pauvre âme asservie. A leur Occasion, du plus profond de mon cœur1 et de tontes mes forces, je vous rends grâces et je vous loue. Mais je ne suis pas moins votre débiteur pour tout le mal que je n’ai pas fait, car évidemment si je ne l’ai pas fait c’est que votre providence m’en empêchait, en m’enle­ vant les moyens de mal faire, ou en rectifiant ma volonté, ou en me donnant la force de résister. Et que faire encore, Seigneur mon Dieu, pour tout le mal dont par un juste jugement vous souffrez que votre serviteur, le fils de votre servante2, soit accablé ct tour­ menté ? Innombrables sont les raisons, Seigneur, qu'a mon âme pécheresse de se troubler sous votre regard ; et malgré tout, mon regret ct ma vigilance sont loin d’etre ce qu’ils devraient être, ce que je voudrais qu’ils soient. Examen 3. Λ vous je le confesse, mon Jésus, sur la charge d’abbé mon sauveur, mon espoir et ma conso­ lation ; à vous je le confesse, mon Dieu, je ne suis pas aussi contrit ni aussi pénétré de crainte que je devrais l’être en raison du passé, ct je ne me soucie pas du présent comme il conviendrait. Et vous, doux Seigneur, vous avez établi un tel homme à la tête de votre famille3, des brebis de votre troupeau4 ! Moi qui ai si peu souci de moi-même, vous voulez que je me soucie d'eux ; moi qui ne suffis pas à prier pour mes propres péchés, vous voulez que je prie pour eux aussi ; moi qui ai si peu appris, vous voulez que j’apprenne aux autres. Malheur à moi, qu’ai-je fait, qu’ai-je entrepris, à ORATIO PASTORALIS 188 Immo Lu, dulcis Domine, quid de hoc misero consensisti? Obsecro, dulcis Domine, nonne haec est familia tua, populus tuus peculiaris, quem secundo eduxisti de Aegypto, quem creasti, quem redemisti? Denique de regionibus congre­ gasti eos ct habitare facis unius moris in domo. Cur ergo, fons misericordiae, tales tali, tam caros tibi tam proiecto ab oculis tuis commendare voluisti? An ut responderes affectionibus meis et traderes me desideriis meis, essemque quem artius accusares, districtius damnares, nec pro meis tantum peccatis sed etiam pro alienis punires? Itane, o piissime, ut esset causa manifestior cur unus peccator acrius puniretur, dignum fuit ut tot et tales periculo exponerentur? Quod enim maius pericu­ lum subditis, quam stultus prelatus et peccator? An, quod de tanta bonitate dignius creditur, suavius experitur, ideo talem constituisti super familiam tuam, ut manifesta fieret misericordia Lua et notam faceres sapientiam Luam, ut sublimitas virtutis Luae, non ex homine, ut si forte placuerit benignitati tuae per talem bene regere familiam tuam, non glorielur sapiens in sapientia sua, nec iustus in iustitia sua, nec fortis in fortitudine sua : quoniam cum bene regunt populum tuum illi, tu potius regis quam illi? Sic sic non nobis, Domine, non nobis sed nomini tuo da gloriam. 4. Verum qualicumque iudicio me indignum et pecca­ torem in hoc officio posuisti vel poni permisisti, quandiu tamen pateris me praeessc illis, iubes me sollicitum esse 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Cf. Mallh., 21, 45. Dent., 7, 6, etc. Ps. 80, 11, etc. Ps. 108, 2. Ps. G7, 7. Pom., 1, 24. Ps. 18, 14. Matlh., 24, 45. Ps. 105, 8. 11 Cor., 4, 7. L’ORAISON PASTORALE, 3-4 189 quoi ai-je consenti? Mais vous surtout, doux Seigneur, qu’avez-vous laissé faire de ce malheureux? Car enfin, doux Seigneur, n'est-ce pas ici votre famille1, votre peuple choisi2, qu’une seconde fois vous avez fait sortir d’Égypte3, que vous avez créé, racheté? Vous les avez rassemblés de tous les pays4 pour les faire habiter ensemble et vivre la vie commune dans cette maison·'·. Pourquoi donc, Source de bonté, alors qu’ils sont ce qu’ils sont ct que je suis ce que je suis, avoir voulu les confier, eux qui vous étaient si chers, à moi, si condamnable à vos yeux? Était-ce pour donner libre cours à mes passions, pour me livrer à mes désirs8, afin d’avoir davantage à me reprocher et de me condamner plus sûrement et plus sévèrement, non seulement cette fois pour mes propres péchés, mais encore pour ceux des autres7? Mais valait-il la peine, pour rendre plus manifeste le châtiment d’un seul pécheur, d’exposer tant d’âmes — et quelles âmes ! — au danger? Y a-t-il en effet pire danger pour des sujets qu’un prélat insensé et pécheur? Ou bien — ceci me semble plus digne de votre bonté et de l’expérience que nous en avons — avez-vous mis à la tête de votre famille3 un homme tel que votre miséricorde et votre sagesse en soient rendues plus manifestes9? N’avcz-vous pas voulu, quand il a plu à votre bénignité de bien gouverner votre famille par un tel homme, que rien ne lui soit dû, mais tout à votre puissance11’, pour que le sage n’ait pas à se vanter de sa sagesse, ni le juste de sa justice, ni le fort de sa force11 : car s'ils gouvernent bien votre peuple, c’est plutôt vous qui le gouvernez qu’eux? Alors, Seigneur, non pas à nous, mais à votre nom donnez-en toute la gloire12. 4. Quelle qu’ait été votre intention d’ailleurs en me plaçant ou en me laissant placer en cette charge, moi indigne et pécheur, tant que vous me souffrirez à leur tête, Introduction à la pricrc pour soi-même et pour ses subordonnés 11. Cf. Jér., 9, 23. 12. Ci. Ps. 113 b, I. ORATIO PASTORALIS J 90 pro illis el attentius orare pro illis. Ergo, Domine, non in justificationibus meis prosterno preces ante faciem tuam, sed in miserationibus tuis multis, et ubi tacet meritum, clamat officium. Sint igitur oculi tui super rnc, ct aures tuae ad preces meas. Sed quoniam, ut sanxit lex divina, officium sacer­ dotis est pro se primo [orare0 . deinde pro populo sacrificium offerre : qualecumque hoc orationis sacrificium pro peccatis meis primum tuae immolo rnaiestati. 5. Ecce vulnera animae meae, Domine. Omnia videt oculus tuus vivus et efficax, ct pertingens usque ad divi­ sionem animae et spiritus. Vides certe, Domine mi, vides in anima mea et praeteritorum peccatorum meorum vestigia, ct praesentium pericula, causas etiam ct materias futurorum. Vides haec, Domine, et sic volo ut videas. Tu enim scis, o inspector cordis inci, quia nihil est in anima mea quod vellem latere oculos tuos, etiam si eorum possem cavere conspectum. Vae illis (piorum voluntas est ut abscondantur a te. Non enim efficiunt ut non vidantur a te : sed potius ut non sanentur ct puniantur a te. Vide me, dulcis Domine, vide me. Spero enim in pietate tua, o misericordissime, quia aut pius medicus videbis ut sanes, aut benignissimus magister ut corrigas, aut indulgentissimus pater ut ignoscas. iloe est igitur quod rogo, o fons pietatis, confidens de illa omnipolenlissima misericordia tua ct misericordissima omnipotentia tua, ut in virtu le suavissimi nominis tui ct a. orare ftrp. all. manus, (orlasse reclc see. WUmori. L 2. 3. 4. Ct. Cf. Cf. Cf. Pan., 9, 18. Ps. 33, 16. Liv., 9, 7 ; Iléb., 5, 3. Sag. Sir., 23, 27. L'ORAISON PASTORALE, 4-5 191 vous m’ordonnez d’avoir soin d’eux et de prier avec zèle pour eux. Ce n'est donc pas de mes mérites que je fais état en me prosternant en prières devant votre face ; je me confie simplement en votre grande miséricorde1, afin qu’où le mérite se tait, la fonction parle. Que vos yeux soient donc sur moi et vos oreilles atten­ tives à mes prières2. Cependant, puisqu'il est dit dans la loi divine que le devoir du prêtre est de prier pour lui-même d’abord et d’offrir ensuite le sacrifice pour le peuple3, j’offre donc à votre Majesté ce pauvre sacrifice de prières d’abord pour mes péchés. 5. Voici les plaies de mon âme, Seigneur. Votre regard voit tout4, il est vivant ct efficace ct atteint jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit56. Vous voyez certainement dans mon âme, Seigneur, et les traces de mes péchés, et les dangers immédiats, et les raisons de craindre pour l’avenir. Vous voyez tout cela, Seigneur, ct c’est mon désir que vous le voyiez. Vous savez bien, vous qui scrutez mon cœur0, qu’il n’est rien dans mon âme que je veuille cacher à vos yeux, à supposer que ce fût possible. Malheur à ceux qui veulent se cacher de vous7, car c’est bien en vain, ct au lieu d’être guéris, ils seront punis par vous. Regardez-moi donc, doux Seigneur, regardez-moi. .J’espère en votre pitié, ô très miséricordieux, car comme un bon médecin vous regardez pour guérir, comme un maître compréhensif pour corriger et comme un père très indulgent pour pardonner. Voici ce que je demande, Source de pitié : confiant en votre toute-puissante miséricorde, en votre miséricor­ dieuse toute-puissance, par votre nom suave et efficace et Prière pour soi-même 5. Cf. Jléb., 4, 12. 6. Cf. Prou., 24, 12. 7. Cf. /«., 29, 15. 192 ORATIO PASTORALIS mysterii sacrosanctae humanitatis tuae, dimittas mihi peccata mea ct sanes languores animae rncae, memor bonitatis tuae, immemor ingratitudinis meae. Et contra vitia et passiones malas quae adhuc impugnant eam, sive cx antiqua consuetudine mea pessima, sive cx quotidianis ct infinitis negligentiis meis, sive ex infirmitate corruptae et vitiatae naturae meae, sive cx occulta malignorum spirituum tentalionc, virtutem et fortitudinem administret mihi dulcis gratia tua, ut non consentiam neque regnent in meo mortali corpore, neque praebeam eis membra mea arma iniquitatis, donec perfecte sanes infirmitates meas, et cures vulnera mea, et deformia mea formes. Descendat Spiritus tuus bonus ct dulcis in cor meum, et praeparet in eo habitaculum sibi mundans illud ab omni inquinamento carnis et spiritus, ct infundens ei fidei, spei et caritatis augmentum, compunctionis, pietatis et humanitatis affectum. Aestus concupiscentiarum .rore suae benedictionis extinguat, libidinosas commotiones et carnales affectiones sua virtute mortificet. Praestet mihi in laboribus, in vigiliis, in abstinentia fervorem et discre­ tionem ; ad te amandum, laudandum, orandum, medi­ tandum, et omnem secundum te actum et cogitatum, devotionem et efficaciam, et in his omnibus usque ad finem vitae meae perseverantiam. 6. Et haec quidem necessaria mihi sunt propter me, o spes mea. Sunt alia quibus indigeo non solum propter mc, sed et pro illis quibus me iubes prodessc magis quam praccssc. Postulavit aliquando quidam antiquorum sapien- 1. Ct. Horn., 6, 12-13. 2. Ct. Ps. 112, 10; Sag. Sir., 21, 27. 3. Cf. Ps. 32, 14. 4. Cf. 11 Cor., 7, 1. 5. Cf. Régula S. Benedicti, LXIV : « Sciatquc abbas sibi oportere prodesse magis quam praeesso. · L’ORAISON PASTORALE, 5-6 193 par le mystère de votre sainte humanité, que vous me remettiez mes péchés ct que vous guérissiez les langueurs de mon âme, ne vous souvenant que de votre bonté et oublieux de mon ingratitude. Quant aux vices et aux passions mauvaises qui assaillent encore mon âme par l’effet d’une mauvaise habitude invétérée, ou de ces innombrables négligences quotidiennes, ou encore à cause de la faiblesse de ma nature corrompue, ou d’une tentation cachée de l’esprit malin, que votre douce grâce mc donne la force et la vertu nécessaires pour ne pas y consentir, pour que ccs passions ne regnent pas dans mon corps mortel, pour que je ne leur livre pas mes membres pour en faire des armes d’injustice1, jusqu’à ce que vous ayez guéri complètement mes infirmités, cicatrisé mes plaies et redressé mes difformités. Que votre Esprit de bonté et de douceur2 descende en mon cœur ct qu’il s’y prépare une demeure3, la purifiant de toute souillure de la chair et de l’esprit4, et y infusant un accroissement de foi, d’espérance et de charité, de sentiments de componction, de tendresse ct de douceur. Qu’il éteigne le feu des concupiscences par la rosée de sa bénédiction, qu’il détruise par sa puissance les mouvements impurs et les affections charnelles. Qu’il mc donne la ferveur et la discrétion dans les travaux, les veilles et les abstinences. Qu’il m’accorde la volonté généreuse ct le pouvoir de vous aimer, de vous louer, de vous prier, de réfléchir, d'agir ct de penser en toutes choses selon vous. Qu’il m’accorde enfin de persévérer en tout cela jusqu’à la fin de ma vie. Demando spéciale 6. C’est pour moi-même que tout de sagesse cela m’est nécessaire, ô mon Espé­ rance ; mais il est d’autres biens dont j'ai besoin non seulement pour moi-même, mais pour ceux que je dois plus aider que régir5. Un ancien demanda autrefois que la sagesse lui fût donnée, afin qu’il sût gouverner votre 13 194 ORATIO PASTORALIS tiam dari sibi, ut sciret regere populum tuum. Rex enim erat, et placuit sermo in oculis tuis, et exaudisti vocem eius, et necdum in cruce obieras, necdum illam miram caritatem ostenderas populo tuo. Eccc, dulcis Domine, ccce in conspectu tuo populus tuus peculiaris, ante quorum oculos crux tua, et signa passionis tuae in eis. Hos regendos commisisti huic pecca­ tori servulo tuo. Deus meus, tu scis insipientiam meam, et infirmitas mea a te non est abscondita. Peto itaque, dulcis Domine, non aurum, non argentum, non lapides pretiosos dari mihi, sed sapientiam ut sciam regere populum tuum. Emitte eam, o fons sapientiae, dc sede magnitudinis Luae, ut mecum sit, mccum laboret, mccum operetur, in me loquatur, disponat cogitationes, sermones, et omnia opera inca;‘ et consilia mea, secundum beneplacitum tuum, ad honorem nominis tui, ad eorum profectum et meam salutem. 7. Tu scis, Domine, cor meum : quia quicquid dederis servo tuo, voluntas mea est ut totum impendatur illis, et totum expendatur pro illis. Insuper ct ipse libenter impen­ dar pro illis. Sic fiat. Domine mi, sic fiat. Sensus meus sermo meus, otium meum et occupatio mea, actus meus ct cogitatio mea, prosperitas mea ct adversitas mea, mors mea et vita mea, sanitas ct infirmitas mea, quicquid omnino sum, quod vivo, quod sentio, quod discerno, lotum impendatur illis et totum expendatur pro illis, pro quibus Iu ipse non dedignabaris expendi4. Doce me itaque servum tuum, Domine, doce me, quaeso, a. mea fortasse delendum coniccit Wilmart. b. suppi. Wilmart pour le parallèlisme des membres». c. suppi. Wilmart, ut supra. ri. expendi fortasse legend, expandi (i. e. · crucifier coniccit Wilmart. 1. Cf. Il Chr., I, 10. LOBA ISON PASTO H A I. E, 6-7 195 peuple*. C’était un roi. et son langage vous a plu et vous l'avez exauce, et pourtant vous n’étiez pas encore mort sur la croix, vous n'aviez pas encore montré à votre peuple cette étonnante marque de charité. Voici votre peuple, doux Seigneur, le voici devant vous, lui qui a sous les yeux votre croix ainsi que les signes de votre passion. Et c’est à moi. pécheur, votre humble serviteur, que vous en avez confié le gouvernement. Mon Dieu, vous savez mon peu de sagesse, ct ma faiblesse ne vous est pas inconnue2. Je ne vous demande, doux Seigneur, ni or, ni argent, ni pierres précieuses, mais la sagesse pour que je puisse régir votre peuple. Envoyez-la du siège de votre grandeur, Source de sagesse, pour qu’elle soit avec moi, qu’elle agisse et opère3 avec moi, qu’elle parle en moi, qu'elle dispose mes pensées, mes discours, toutes mes actions ct toutes mes décisions selon votre bon plaisir et à l’honneur de votre nom, pour leur avancement et mon salut. Protestation 7. Vous connaissez mon cœur, de dévouement ; r· · t , demande d'assistance Seigneur . I.O11L CC (jUC vous Π1 3VÔZ pour le bien de tous donné, à moi votre serviteur, je veux le leur donner sans réserve4 cl l’employer entièrement pour eux. Je veux surtout me dépenser moi-même pour eux de grand cœur. Qu’il en soit ainsi, mon Seigneur, qu’il en soit ainsi ! Mes sentiments ct mes conversations, mes occupations ct mon repos, mes pensées ct mes actions, mes succès ct mes échecs, ma vie et ma mort, la santé et la maladie, tout ce que je suis, ce que je vis, ce que je sens, ce que je comprends, que tout leur soit, donné, à eux pour qui vous-même n’avez pas dédaigné de vous donner. Apprcncz-moi donc, à moi votre serviteur, Seigneur, 2. Cf. Ps. 68, 6. 3. Cf. Sag., 9, 10. 4. Cf. Il Car., 12, 15. 196 ORATIO PASTORALIS per Spiritum sanctum tuum, quomodo me impendam illis et quomodo me expendam pro illis. Da mihi, Domine, per ineffabilem gratiam tuam, ut patienter sustineam infirmi­ tates eorum, pie compatiar, discrete subveniam. Discam magisterio spiritus tui maestos consolari, pusillanimes roborare, lapsos erigere, infirmari cum infirmis, uri cum scandalizatis, omnibus omnia fieri, ut omnes lucrifaciam. Da verum sermonem cta rectum et bene sonantem in os meum, quo aedificentur in fide, spe et caritate, in castitate ct humilitate, in patientia et obedientia, in spiritus fervore et mentis devotione. Et quoniam tu dedisti illis hunc caecum ductorem, indoctum doclorcm, nescium rectorem, et si non propter me, propter illos tamen docc quem doctorem posuisti, duc quem alios ducere praecepisti, rege quem rectorem statuisti. Docc me itaque, dulcis Domine, corripere inquietos, conso­ lari pusillanimes, suscipere infirmos, et unicuique pro natura, pro moribus, pro affectione, pro capacitate, pro simplicitate, pro loco et tempore, sicut tu videris expedire, memetipsum conformare. Et quoniam vel propter infirmi­ tatem carnis meae, vel propter pusillanimitatem spiritus mei, vel propter vilium cordis mei, parum vel certe nihil aedificant eos labor, aut vigiliaeb, aut abstinentia mea, aedificet eos, rogo, largiente misericordia tua, humilitas mea, caritas mea, patientia mea el misericordia mea. Aedificet illos sermo meus et doctrina mea, et prosit illis semper oratio mea. a. et fortasse delendum see. Wilmarl. b. labor aut vigiliae : labor meus aut vigiliae meae coniecil Wllmarl < d'après l'analogie des autres termes ». 1. Cf. U Cor, 11, 29. 2. Cf. / Cor., 9, 19. 22. 3. Cf. Malth., 15, 14. L’ORAISON PASTORALE, 7 197 apprencz-moi par votre Esprit-Saint, à me donner à eux ct ù me dépenser pour eux. Donnez-moi, Seigneur, par votre grâce ineffable, de supporter leurs faiblesses avec patience, de compatir avec bonté et de les aider avec discernement. Que j’apprenne à l’école de votre Esprit à consoler ceux qui sont tristes, ù réconforter les pusillanimes, à relever ceux qui sont tombes, à être faible avec ceux qui sont faibles, à m’indigner avec ceux qui s’indignent1, à être tout à tous pour les gagner2. Mettez sur mes lèvres une parole exacte ct claire pour qu’ils en soient édifies en foi, espérance et charité, en patience ct obéissance, en ferveur d’esprit et dévotion du cœur. Et puisque vous leur avez donné ce guide aveugle3, ce docteur ignorant, ce chef sans savoir, enseignez vousmême celui que vous avez établi comme docteur, guidez celui que vous avez voulu pour guide, gouvernez celui qui doit être leur chef ; faites-le, sinon pour moi, du moins pour eux. Apprenez-rnoi donc, doux Seigneur, à corriger les turbulents, ù consoler les pusillanimes, à aider les faibles4, à m’adapter au caractère de chacun, à sa nature, à ses dispositions, à ses capacités ou à sa simplicité, selon les circonstances de temps et de lieu, comme vous le jugerez bon. .Je sais que, soit en raison de mes infirmités physiques56, soit à cause de la pusillanimité de mon esprit® ou de la corruption de mon cœur, je ne les édifie guère ou meme pas du tout quant au travail, aux veilles et aux jeûnes. Qu’ils soient alors édifiés, je vous demande ce don de votre miséricorde, qu’ils soient édifiés par mon humilité, ma charité, ma patience ct ma miséricorde. Que ma parole et mon enseignement leur fasse du bien, et qu’en tout cas ma prière les aide. 4. Cf. I Théss., 5, 14. 5. Cf. nom., 6, 19 ; Gai., 4, 13. 6. Cf. Ps. 54, 9. ORATIO PASTORALIS 198 8. Tu autem misericors Deus noster, exaudi me pro illis, quem ad orandum te pro illis et officium compellit ct invitat allectus, animat autem consideratio tuae beni­ gnitatis. Tu scis, dulcis Domine, quantum diligam eos, quomodo cfTusa sint in illos viscera mea, quomodo liquescat super illos affectus meus. Tu scis, mi Donpine, quoda non austeritate neque in potentia spiritus mei imperem illis, quomodo optem in caritate prodesse magis quam praeesse illis, in humilitate substerni illis, affectu autem esse in illis, quasi unus cx illis. Exaudi me itaque, exaudi me, Domine Deus meus, ut sint oculi tui aperii super illos, dic ac nocte. Expande, piissime, alas tuas, et protege eos ; extende dexteram tuam sanctam ct benedic cos ; infunde in corda eorum Spiritum tuum sanctum ; qui servet cos in unitate Spiritus ct vinculo pacis, in carnis castitate ct mentis humilitate. Ipse adsit orantibus, et adipe ct pinguedine dilectionis tuae repleat viscera eorum, et suavitate compunctionis reficiat mentes eorum, ct lumine gratiae Luae illustret corda eorum ; spe erigat, timore humiliet, caritate inflammet. Ipse eis preces suggerat quas tu velis propitius exaudire. Ipse dulcis Spiritus tuus insit meditantibus, ut ab co illuminati cognoscant te et memoriae suae imprimant quem in adversis invocent ct consulant in dubiis. In tentatione laborantibus ipse pius consolator occurrat et succurrat, et a. quod fortasse legend, quomodo coniecil Wilmar! : · le subjonctif qui suit est, en tout cas, anormal ». 1. 2. 3. 4. 5. 6. Cf. Ct. Cf. Cf. Cf. Cf. Job, 16, 14. R:., 34, 4. supra, p. 192, n. 5. / Rois, 18, 37. I Rois, 8, 29. Deul., 32, 11, etc. LORAISON PASTORALE, 8 199 Prière pour 8. Vous donc, notre Dieu de misâ­ tes subordonnés; , ,. demande de ncorde, exaucez cette prière que je l’Esprit-Saint forme pour eux, à laquelle m’oblige ma fonction et m'incline mon cœur. La considération de votre mansuétude me rend audacieux. Vous savez, doux Seigneur, combien je les aime, et que mon cœur leur est donné1, et que toute ma tendresse leur est acquise. Vous savez, mon Seigneur, que ce n'est pas dans un esprit de rigueur ni de domination que je leur commande2, que je désire leur être utile dans la charité plutôt que de dominer sur eux3, que l'humilité me pousse à leur être soumis ct l'affection à être au milieu d’eux comme l’un d'entre eux. Aussi écoutez-moi, écoutez-moi, Seigneur mon Dieu4, et que vos yeux soient ouverts sur eux jour et nuit5. Étendez vos ailes* et protégez-les, Seigneur très bon, étendez votre droite sainte ct bénissez-lcs ; répandez dans leurs cœurs votre Esprit-Saint7, et qu’il les garde dans l’unité d'esprit et le lien de la paix8, dans la chasteté de la chair ct l’humi­ lité de l’âme. Que cet Esprit vienne assister ceux qui prient, qu’il remplisse l’intime de leur âme de l’onction de votre amour9, qu’il restaure leur esprit par la suavité de la componction, ct que par la lumière de votre grâce il illumine leur cœur ; que par l’espérance il les relève, que par la crainte il les rende humbles, et que par la charité il les réchauffe. Que votre doux Esprit leur suggère lui-même les prières que vous désirez exaucer ; cju’il soit en ceux qui méditent afin qu’illuminés par lui ils apprennent à vous connaître et impriment en eux le souvenir de celui qu’ils doivent invoquer dans le malheur et consulter dans le doute. Qu’à tous ceux qui peinent dans les tentations, cc tendre 7. Cf. Missel cistercien, oraison Infunde, in celebratione, capituli yericrali. 8. Cf. Ζ?ρΛ., 1, 3. 9. Cf. Ps. 62, G. 200 ORATIO PASTORALIS in angustiis et tribulationibus vitae huius adiuvet infirmi­ tatem eorum. Sint, dulcis Domine, ipso Spiritu tuo operante, et in se ipsis, et ad invicem, ct ad mc pacati, modesti, benevoli, invicem obedientes, invicem servientes el supportantes invicem. Sint spiritu ferventes, spe gaudentes, in pauper­ tate, in abstinentia, in laboribus et vigiliis, in silentio et quiete, per omnia patientes. Repelle ab cis, Domine, spiritum superbiae et vanae gloriae, invidiae ct tristitiae, acidiac ct blasphcmiae, desperationis ct diffidentiae, fornicationis et immunditiae, praesumptionis et discordiae. Esto secundum fidelem promissionem tuam in medio eorum ; ct quoniam tu scis quid cuique opus est, obsecro ut quod infirmum est in illis tu consolides, quod debile non proicias, quod morbidum sanes, quod maestum laetifices, quod Lepidum accendas, quod instabile confirmes : ut singuli in suis necessitatibus et tentationibus tuam sibi gratiam sentiant non deesse. 9. Porro de his temporalibus quibus in hac vita miseri huius corpusculi sustentatur infirmitas, sicut videris et volucris provide servis Luis. Hoc unum peto a dulcissima pietate tua, Domine mi, ut quicquid illud fuerit, sive parvum sive multum, facias mc servum tuum omnium quae dederis fidelem dispensatorem, discretum distribu­ torem, prudentem provisorem. Inspira et illis, Deus meus, ut patienter sustineant quando non dederis, moderate utantur quando dederis ; ct ut de mc servo tuo, ct propter te etiam illorum, semper 1. Cf. viant. » 2. Cf. 3. Cf. 4. Cf. 5. Cf. 6. Cf. Ilcgula S. lienedicti, XXXV : c Fratres sibi invicem ser­ Coi., 3, 13. Hom., 12, 11-12. I Thus., 5, 14. II Cor., 6, 5. Mat»., 18, 20. L’ORAISON PASTORALE, 8-9 201 consolateur vienne en aide, ct qu’il seconde leur faiblesse parmi les épreuves et les difficultés de cette vie. Que sous l'action de votre Esprit, doux Seigneur, ils aient la paix en eux-mêmes, entre eux et avec moi ; qu’ils soient modestes, bienveillants, s’obéissant, s’entr'aidant1 et se supportant mutuellement2 ; qu’ils aient la ferveur d’esprit, la joie dans l’espérance3, une endurance inlassa­ ble4 dans la pauvreté, l’abstinence, les travaux et les veilles5, le silence et le recueillement. Chassez d'eux, Seigneur, l’esprit de vaine gloire et de superbe, de tristesse et d’envie, d’accdic et de blasphème, de défiance et de desespoir, de fornication et d’impureté, de discorde et de présomption. Soyez au milieu d’eux ainsi que vous l’avez promis*. Et puisque vous savez ce dont chacun a besoin, je vous en prie, raffermissez en eux ce qu’il y a de faible7, ne rejetez pus ce qui est débile, guérissez ce qui est malade, apaisez leurs chagrins, ranimez les tièdes, rassurez les instables, que tous se sentent aidés de votre grâce dans leurs besoins et leurs tentations. Prière 9. Et pour ce qui est des biens pour le temporel temporels dont nos pauvres corps doivent bien se soutenir durant cette misérable vie, procurez-en à vos serviteurs selon que vous le jugerez bon ct le voudrez. Mais quelles que soient l'abondance ou la disette de ces biens, je ne demande qu'une chose à votre très douce tendresse, mon Seigneur : faites de moi un bon dispensateur8, pour que je distribue avec discerne­ ment. ct que j'administre avec prudence tout ce que vous nous donnerez. Inspirez-leur, mon Dieu, de supporter patiemment que vous ne donniez rien, ct d’user avec modération de ce que vous donnerez. Et pour moi qui suis votre serviteur ct 7. Cf. 2jz., 34, 4. 8. 1. Cf. Le, 12, 42. 202 ORATIO PASTORALIS hoc credant et sentiant quod utile sit illis ; tantum diligant et timeant me, quantum videris expedire illis. 10. Ego autem commendo eos sanctis manibus tuis et piae providentiae tuae, ut non rapiat eos quisquam de manu tua nec dc manu servi tui cui commendasti eos, sed in sancto proposito feliciter perseverent, perseverantes autem vitam aeternam obtineant : te praestante dulcissimo Domino nostro qui vivis et regnas per omnia saecula saeculorum. Arnen. 1. Ct. Bcgula S. Benedicti, LXXI1 : «Abbatem suum sincera ct humili caritate diligant. » 2. Ct. Jn, 10, 28. L’ORAISON PASTORALE, 9-10 203 le leur à cause de vous, inspirez-leur ά mon égard des pensées et des sentiments qui leur fassent du bien. Qu’ils m’aiment* et me craignent dans la mesure où vous jugerez que cela leur est utile. 10. Je les remets entre vos mains recommandation saintes et je les confie à votre tendre providence; que personne nc les ravisse de votre main2, ni dc la main de votre serviteur à qui vous les avez confiés. Qu’ils persévèrent joyeusement dans leur désir de sainteté, et qu'en persévérant ils obtiennent la vie éternelle, moyen­ nant votre secours, notre doux Seigneur, vous qui vivez et régnez dans les siècles des siècles. Amen. Suprême Le texte latin de La Vie de recluso a été reproduit auec. l'aimable autorisation des Analecta Sacri Ordinis Cistcrcicnsis ; le texte de la Prière pastorale l'a été auec celle de la Revue Bénédictine et des Éditions Rloud et Gatj. INDEX DES CITATIONS BIBLIQUES Les chiffres renvoient aux pages de la traduction Job Genèse 147 73 147 125 91, 143 147 1, 18 3, 19 4, 14 22, 24 sq. 32,26 37,20 Exodo 71 63 185 71 24, 18 32, 8 33, 19 34,28 Lévitique 191 9,27 Nombres 111 21,5 Deutéronome 189 55 199 7,6 27,9 32, 11 I Rois 199 199 71 8,29 18, 37 19,8 Π Chroniques 195 1, 10 Tobie 4,6 107 65, 145 199 14,2 16, 11 Psaumes 1,4 2, 11 7, 3 7, 10 9, 17 12, 1 18, 14 21,3 26,8 26, 12 29,6 30, 23 32, 14 33, 16 38,2 38,4 41, 4 44, 3 44, 7 44, 11 44, 12 44, 14-15 50, 7 50, 14 54, 6 54,9 62, 6 157 101 149 89 136 127 189 127 127 93 127 71 193 191 55 97 167 83 137 101 83 101 103 127 161 197 199 INDEX 206 149 103 147 189 195 187 61 141 187 189 73 185 185 107 189 189 189 157 187 95 193 64, 4 65, 12 65, 16 67, 7 68, 6 73, 1 75, 3 77, 16 78, 13 80, 11 83, 5 85, 13 101, 1-2 101, 28 105,8 106, 2 113b, 1 115,15 115, 16 140, 4 142, 10 Proverbes 83 89 157 191 3, 16 6, 27 10, 28 24, 12 Isaïe 61 147 Cantique 83 141 141 131, 167 141 141 1,11 1, 12 2, 14 2, 16 4. 3 5, 1 Sagesse 195 9, 10 Ecelésiastique (Sag. Sir.) 10, 15 22,2 99 111 121, 137 157 191 53 185 137 61 9, 6 14, 19 29, 15 32, 17 38, 15 53, 7 66,2 Jérémie 9, 23 23, 24 31,20 189 119 187 Lamentations 3, 26 3, 27-28 3,28 111, 4, 5 Ézéchiel 33, 11 199, 34, 4 55 55 45 113 149 201 Daniel 191 9, 18 Eeclésiaste 3, 7 7, 14 191 83, 193 83 23, 27 24, 27 34, 9 Matthieu 4, 1-11 6,21 6, 26 sq. 6, 34 7. 12 13, 49 15, 14 17,4 17,20 18, 20 19. 12 20, 15 21, 9 24,35 24, 45 25,33 71 153 153 111 107, 109 159 197 133 71 201 81 127 131 187 189 159 207 INDEX SCRIPTURAIRE 161 161 161 135 135 135 135 135 137 144 25. 34 25,41 25, 46 26, 37 26. 38 26, 40 26, 47 sq. 26, 51 27, 19 28, 9 Marc 127 127, 129 131 133 135. 157 129 131 131 131 141 2, 3 sq. 2, 5 13, 5 13, 8 13, 25 14, 3 14, 4-5 14, 6 14, 15 15, 43 Luc 1, 35 1, 39 sq. 1, 63 2, 7 2, 14 2, 35 2, 42 sq. 2, 48 3, 21-22 4, 1 sq. 4, 13 5, 19 sq. 6,31 7.36 10, 38-42 10, 42 12, 31 12, 42 22, 44 22, 61-62 23, 34 23, 40-41 119 119 133 121 121 139 123 123 123 123 91 127 107 125 109 107 49 201 135 135 139 123 123 Ill 141 23, 42 23, 43 24, 1 sq. Jean 119 125 125 125 185 203 129 129 129 165 130 165 133 133 137 137 103, 139 141 141 143 143 185 1, 14 8, 3 sq. 8, 7 8, 10-11 10, 11-14 10, 28 11,5 11,36 12, 2 14,21 14, 31 17, 3 17, 11 17,24 19,5 19,23-24 19, 26-27 19, 34 19, 39 20, 16 20, 17 21, 17 Romains 1,24 6, 3-4 6, 12-13 6, 19 8,20 8, 33-34 9, 18 12, 11-12 13, 13 189 103 193 197 65 125 127 201 89 I Corinthiens I, 12 1, 31 2,9 4, 3 4, 7 6, 17 101 101 165 61 151 107 INDEX 208 81 197 1G5 159 7, 32-34 9, 19-22 13, 12 14,25 I Timothée 1,5 2, 5 2,8 II Timothée Π Corinthiens 189 201 193 101 197 195 4, 7 6, 5 7, 1 8,9 11,29 12, 15 197 Éphésicns 155 199 1,23 4, 3 Philippicus Hébreux 4,12 5,3 10, 32 11, 13 Colossicus 2,3 2,9 3, 11 3, 13 191 191 185 73 Jacques 1, 17 3,8 107 55 I Pierre 1, 12 2,25 87 3,8 127 4,2 Galates 4, 13 103 139 127 165 147 I Jean 164 3,2 133 119 155 201 I Thessaloniciens 5, 14 197, 201 Apocalypse 6, 11 14,4 14, 13 14, 14 21,4 157 83, 123 157 85 163 INDEX DES NOMS PROPRES Los chiffrée renvoient aux pagos Abélard, 8, 32, 56, 73. Alain-Foürnibr, 38. Alciier de Claihvaux, 34. AlpaIs de Cudot, 8. Ambroise (S.), 55, 83, 86. Ambroise Autpert, 179. Ancrcne liiwle, 34. Anselme (S.), Il, 35, 162, 174, 178, 182. Antoine (S.), 13, 65. Apophlcgmala Palrum, 44, 64. Augustin (S.), 11, 15, 19, 27, 28, 29, 31, 37, 55, 86, 90, 146, 174, 176. Balthasar H. Urs von, 37. Bardy G., 64. Baudouin de Ford, 16. Berlière U., 66, 179. Berlioz, 39. Benoît (S.), 48, 62, 65, 66, 67, 68, 73, 74, 76, 79, 89, 107, 178,192, 200, 202. Bernard (S.), 10, 16, 19, 22, 24, 31, 33, 35, 36, 44, 54, 68, 100, 156, 174, 176, 177. Bernards M., 7. Bertrand F., 37. Bonaventure (S.}, 34. Bouton J. do la C., 176. Breviarium Cisterciensc, 86, 88, 132, 150. Bright L., 36. Cassi en, 13, 60, 65, 94, 96. Césaire d'Arles (S.), 94. Chapitre général do Cltoaux, 66. Cicéron, 18, 55. Claudel P., 7, 38. Conrad d’Eberbach, 66. Conrad de Rodenrerg, 181. Courcelle p., 27, 29, 176. Dalgairns .J. B., 181. Daniélou J., 30, 70. Darwin F., 7. De Coninck L., 24, 25. Delfgaauw P., 24. Doerr O., 7, 8. Doyère P., 7. Dubois J., 10, 96, 178. Ducet W. M., 174. Dumoutbt E., 14. Durand de Mende, 72. Étienne de Salley, 11, 33. Évagre le pontique, 61, 64. Évangile del’Enfance, 120-121. Friedrich E., 173. Gerberon, 11. Gilson E., 19, 22. Gougaud L., 7, 13, 77. U 210 INDEX Gervaise de Louth Park, 180. Grégoire le Grand (S.), 31, 90, 112, 114. Grrvkn J., 8. Gjuesser B., 7. Guerric d’Igny, 180. Guigues Ier, 45. Guillaume de SaintThierry, 20, 55, 67, 93, 132, 146, 180 . Hausherh I., 44. Haz.eka (Bsc), 8. Héloïse, 32. Huy UK a, 8. Hildemar, 64. Holstenius, 11. Horace, 18. Hohsièse, 179. Horstmann C., 34. Hoste A., 10, 12, 34, 37, 10, 90, ISO. Ignace de Loyola (S.), 34, 35. Isidore de Séville (S.), 42. Jacques de Voragine, 36. Jambs M. R., 11, 174. Jean de Fécamp, 171, 178, 179, 1S2. Jean de Ford, 180. Jean Rode, 180. Jérôme (S.), 52, 54, 55, 56, 61, 88, 92, 94. JÉRÔME (PSEUDO-), 56. Jobit P. (Mgr.), 39. Knowles D., 8. Landsberg p. L., 28. Le Bail A., 9, 18, 178. Leclercq J., 7, 25, 40, 92, 176, 179, 181. Lefort L. Th., 179. Lemaître J., 52. Ludolphe le Chartreux, 35, 120, 165. Martin (S.), 56. .Meunier, 34. Mikkers E., 11, 33, 180. Misxale. Cinlercicnse, 199. Montesino A., 36. Morente M. G., 38. Nicolas de Clam anges, 181. Oliger L., 7, 31. Orcgéne, 37. Orvai. (L’abbé d‘), 8. Pachômb (S.), 179. Pasciiasr Radmeht, 55. Péguy C1l, 38.’ Pères du Désert, 42 ; v. Apnphlegmutu Patrum, CaSSIEN, I·’vague le PonTIQUE. Powicke F. M„ 96, 175. Haitz von Frentz, 36. Regula S. Benedicit, v. Benoît (S.). Richard Rolle, 34. Rivière J., 38. Roisin S., 8. Sainsauubu J., 7, 10. Soln M., 34. SCHELIl B., 7. Schmitz Ph., 7. Scipion l'africain, 55. Sichem (L’abbé de), 8. Smits van Wanberghe M., 36. Squire A., 17. Sulpicb-Sévère, 56. Talbot C. IL, 10, 11, 13, 32, 34, 35, 40, 176, 177, 180. INDEX DES NOMS PROPRES Théophraste, 55. Thiry A., 36. Van den Bosch a., 2-1. Vh.i.er M., 3-1, 35. Walker Λ., 37. 211 Walter Daniel, 11, 14, 28, 98, 181. Walter Espec, 23. Wehr G-, 37. Wilmart A., 9, il, 19, 173, 174, 175, 176, 178, 181, 182. Yvette (Bse), 8. INDEX DES MOTS ET EXPRESSIONS Les chiffres renvoient aux pages Acldia, 64, 66. Affectus, 103, 120, 128, 152, 154, 164, 166, 192, 198. Alleluia, 7'2. Alternance des occupations, 64, 6G. Amplexus (Christi), 44, 72. 82, 104, IGG. Ange gardien, 86, 88 ; ange qui assiste les mourants, 30,156. Annonciation, 116 sq. Apparition à Madeleine, 140. Apalheta (équivalents chez Aelred), 60 ; v. Tranquillitas cordis et Conscientiae serenitas. Attente des saints (avant la Parousio), 156. Aumône. La recluse n'y est pas tenue, 48, 50, 110-114; elle doit distribuer son superflu par intermédiaire, 50, 60 ; aumône spirituelle. 16, 112. Aumônier, 56, 58. Austérités corporelles, 13, 88, 90, 96. Autel, 102. Autobiographiques (passages), 27-28 ; 88-90 ; 114-150. Baptême, 102. Baptême du Christ, 122. Béthanie (Onction de), 128. Donc Jesu, 124, 126, 134. Carême, 68-74. Cendres, 72. Cène, 130-132. Cénobites, 110-112. Charité, 15, 10G ; affectivo et effective, 16, 108, 116 ; envers Dieu, 116 ; envers le prochain, 10G-114. Chasteté, 13, 80-98 ; v. Virginité. Ciel, 30-32 ; 152, 156, 160. INDEX DES MOTS 213 Claustrales, oboedientlalcs, praelati, 110. Compunctio, 66, 74, 104, 192, 198. Confessio et satisfactio, 104 ; confessio, satisfactio, contritio, 126 ; contritio et confessio, 128 ; confessio cordis mei, 132. Connaissance de la divinité et de l'humanité du Christ, 132. Conscientiae serenitas, 29, 60, 154. C. testimonium, 100. Côté percé du Christ, 140. Corporalia (et spiritualia}, 42, 66, 168. Courtine de Carême, 72. Crucifix, 14, 104-106. Crucifixion, 136-140. Cupiditas, 148. Désir de Dieu, du Christ. Termes qui l'expriment : anhelare, 44 ; desiderium, 164, 166 ; suspirare, 44, 72. — Permanence du désir dans la béatitude, 31, 164. Devotio, 64, 66, 80, 100, 126, 128, 132, 138, 196. Discrétion, 78, 96-98 ; fausse d., 94. Dulcedo, 116, 118, 132, 150, 152, 164. Dulcis Dominus, 186, 188, 190, 194, 196, 198, 200; dulcissimus Dominus, 202; dulcis lesu, 142; dulcissimum nomen, 74; dulcis humanitas, 138 ; dulce corpus, 140 ; dulcissimum dorsum, 136; dulcis oculus, 142; dulces manus (et pedes), 134, 136; dulcis vox, 124 ; dulcissimum pectus, 138 ; dulce praesepium, 120; dulcis gratia, 192; dulcissima pietas, 196; dulcis amor lesu, 116; dulcis Spiritus, 192, 196; dulcis Domina, 118; dulcissima Domina, 118. Dulciter, 130, 140. École. La recluse ne doit pas enseigner les enfants, 52. Écriture sainte. Arme contre les tentations, 92-94. V. Psaumes, Sens spirituel. Examen de conscience, 86. Exemples ascétiques, 86, 88-90, 96. Exercitatio virtutum, 116. Exercitia spiritualia, 66 ; e. salutaria, 94. Experientia, 42. Femme adultère (Épisode de la), 124. Fervor, 94 ; /. spiritus, 66, 196, 200; /. antiquitatis, 78. Fins dernières, 29-32, 154-164. Fuite en Égypte, 120. Garde du cœur, 72, 74, 84, 92-94, 96. 214 INDEX Horaire de la recluse, 13, 64>75. Hôtes. La recluse doit éviter d'en recevoir, 48, 50, 110. Humanité du Christ. Dévotion envers elle, 23-27 ; dulcis humanitas, 138; sacrosancta humanitas, 192. V. Connaissance de la divinité et de l’humanité du Christ. Humilité, 93-103. Illettrées. Leur prière, GG-68. Imitation du Christ, 25-26, 104, 118, 124. Immersions ascétiques, 90. Intériorité, Sui pedoris aeternus habitator, In pace factus est locus eius, GO ; Taceat Christum audiens el cum Christo loquens, Credo! $e non esse solam quando sola est, 54 ; Sil tibi omnis gloria ab intus, 100-102. Jeûne, 68, 70, 76, 96. Jugement, 96, 158, 1G0. Larmes, 74, 86, 122, 124, 138, 112, 166; aqua compunctionis, 104. Lavement des pieds, 130-132. Lecture, 66-68, 7-1. Lin (Travail du), 102. Magisterium Spiritus, 196. Marthe et Mario, 108-110, 129-130. Maicstas (Christi), 120, 122, 138. Marie (La T. S. V.). Titres, 106; Mystères, 116-144 passim; Image, 104-106. Méditation, 17-32, 33, 37, 74 , 92-94, 96, 116, 164, 168, 198. Memoria Dei, 19-21, 52. Miseria, 70. Mort (Pensée do la), 152, 154. Mutabilité de la créature, 64, 144. Nativité du Christ, 120. Nom de Jésus, 74, 190. Nourriture céleste, coeleslis panis, "Λ ; alimentum coelestis, 70. Nourriture de la recluse, 74-76, 84. Obocdienlialcs, 110. Office de la T. S. V., 64-6G. Oraison, 74, 80 ; brève et fréquente, 64, 72-74 ; prolongée sous l’action do la grâce à l’insu de celui qui prie, G4 ; arme contre ht tentation, 90 ; prière do Jésus, 72-74 ; intercession uni­ verselle, 112. INDEX DES MOTS 215 Oratoire, 99-107. Otiositas, 62-64. Paralytique (Guérison du), 126. Passion du Christ, 134-140. Pater, comme prière des illettrées, 68. Pauvreté, 48, 100, 112-111, 152-154 ; Pauper cum pauperibus, 48. Pécheresse chez Simon, 124-126. Pères. Instilula Patrum, 42 ; Patrum vitae, institutiones et miracula, 66. Praelati, 110. Présence de Dieu, 88. Présents, 50, 58. Prière, v. Oraison. Propositum, 50, G6, 80, 112, 152. Psaumes, leur usage dans la prière privée, 66-68, 74, 90. Réclusion. Ses motifs, 12, 44. Salutation angélique, 118. Sedere solus, 44, 50, 54, 56. Sons spirituels de Γ Écriture, 152. Servantes de la recluse, 50-52. Signe de la Croix, 86. Silence, 52-G2 ; 72 ; 84. Simplicité, 98-100. Sommeil, 64, 68, 86. Soucis du temporel, 46-48. Spiritualia, 42, 66. Suavis, 118, 124, 130; suavissimus, 134, 190. Suavitas, 104, 122, 132, 148, 164. Temple (Jésus perdu au), 122. Tentation du Christ, 122-124. Tranquillitas spiritus, pax cordis, 60; tranquillitas, par, puritas conscientiae, 126. Travail manuel, 44, 48, 50. 62. 66, 74. Uniis spiritus, lOG ; utiilas, 15, 106. Vanitas, 98, 106. Vertus, 15, 17, 100-102, 106, 116. Vêtements de la recluse, 76-78. Vie solitaire. Ses motifs, 42-44. Virginité, 80-98 ; 100-104 ; 132. Visitation, 118. TABLE DES MATIÈRES ΡΜΡβ LA VIE DE RECLUSE Introduction..................................................................... 7 I. Occasion du De institutione inclusarum............ 9 du traité................................................. règlement de vie.................................... directoire ascétique............................... méditation.............................................. 12 12 13 17 IL Analyse 1. Le 2. Le 3. La III. Le De institutione inclusarum dans l’histoire de ]a spiritualité.................................................. 32 Note sur la présente édition............................................ 40 Liste des sigles................................................................... 41 Texte et traduction....................................................... 42 I. La vie des recluses............................................... II. Directives morales................................................ III. La triple méditation............................................... 42 80 116 LA PRIÈRE PASTORALE Introduction....................................................................... Texte et traduction........................................................... 171 184 INDEX Index des citations bibliques.............................................. Index des noms propres.................................................. Index des mots et expressions........................................ 205 209 212 SOURCES CHRETIENNES LISTE COMPLETE DE TOUS LES VOLUMES PARUS N. H. — L'ordre suivant est celui de la date de parution (η® 1 en 1942), et il n'est pas tenu compte ici du classement en séries : grecque, latine, byzantine, orientale, textes monastiques d'Occident ; et série annexe : textes para-chrétiens. Sauf indication contraire, chaque volume comporte le texte original, grec ou latin, souvent avec un apparat critique inédit. La mention bis indique une seconde édition. NF 1 bis. Grégoire de Nysse : Vie de Moïse. J. Daniélou, S. J., prof, ά l’Inst. cath. de Paris ( 1956)....................................... 14,10 2 bis. Clément d’Alexandrie : Protreptique. C. Mondésert, S. J., prof, aux Fac. cath. de Lyon, avec la collaboration d'A. Plassarl, prof, â la Sorbonne (1949)............................ 12,00 3. Atrénagore : Supplique au sujet des chrétiens. G. Bardy (trad, seule) (1943)..................................................................Épuisé 4. Nicolas Cadasilas : Explication de la divine Liturgie. S. Satavi Ile, A. A., de l’Inst. fr. des El. byz. (trad, seule) (1943)........................................................................................ Épuisé 5 bis. Diadoquk de Piiotîcé : Œuvres spirituelles. E. des Places, S. J., prof, à l’Inst. biblique de Rome (1955)........ 14,10 6. Grégoire de Nysse : La création de l’homme. J. Laplace, S. J., et J. Daniélou, S. J. (trad, seule) (1944)...................... Épuisé 7. Oui gène : Homélies sur la Genèse. IL de Lubac, S. J., prof. A la Fac. de Théol. de Lyon, et L. Doutreleau, S. J. (trad, seule) (1944)..................................................................Épuisé 8. Nicétas Stétiiatos : Le paradis spirituel. M. Cbalendard, doct. ès lettres (1945)..............................................................Épuisé 9. Maxime lk Confesseur : Centuries sur la charité. J. Pégon S. J., prof, à la Fac. de Théol. de Fourviêrc (trad, seule) (1945)........................................................................................ Épuise 10. Ignace d'Antioche : Lettres. — Lettre et Martyre de Polycarpe de Smyrne. P.-Th. Camelot, O. P-, prof, aux Fac. dominie, du Saulchoir (3e édition, 1958)...................... 12,00 11. Hippolyte dk Rome : La Tradition apostolique. D. Botte, O. S. B., au Mont-César (1946).............................................. Épuisé 12. Jean Moschus : Le Pré spirituel. M. J. Rouet do Journal, S. J., prof, à l’Inst. cath. de Paris (trad. seule) (1946)........Épuisé 13. Jean Ciirysostome : Lettres à Olympias. A. M. Malingrey, agr. de l’Univcrsilé (1947)...................................................... Épuisé Trad, seule... 8,70 14. Hippolyte : Commentaire sur Daniel. G. Bardy et M. Le­ fèvre (1947)............................................................................ 15,30 Trad, seule.......... 9,80 NF 15. Athaxase d’Alexandrie : Lettres à Sérapion. J. Lebon, prof, à l’Univ. de Louvain (trad. seule) (1947).................. 8,10 16. Origéne : Homélies sur l’Exode. II. de Lubac, S. J., et J. Fortier, S. J. (trad, seule) (1947)...................................... 10,50 17. Basile de Césarée : Traité du Saint-Esprit. B. Pruche, O. P. (1947)............................................................................. Épuisé Trad, seule. — 10,50 18. Athanasb d'Alexandrie : Discours contre les païens. De l’incarnation du Verbe. P.-Th. Camelot, O. P. )1947). 12,30 19. Hilaire de Poitiers : Traité des Mystères. P. Brisson, prof, à l’Univ. de Poitiers (1947)........................................... 7,50 20. Théophile d’Antioche : Trois livres à Autolycus. J. Sen­ der (1948)....................................................................... 10,80 Trad, seule.... 7,20 21. Éthérie : Journal de voyage. H. Pêtré, prof, à SainteMarie de Neuilly (réimpression 1957)................................ 11,70 22. Léon le Grand : Sermons, t. I. J. Leclercq, O. S. B., ct R. Dolle, O. S. B., à Clervaux (1949).................................... Épuisé 23. Clément d'Alexandrie : Extraits do Théodote. F. Sagnard, O. P., prof, aux Fac. du Saulchoir (1948)............................ Épuisé 24. Ptolémée : Lettre à Flora. G. Quispel, prof, à l’Univ. d’Utrecht (1949)......................................................................Épuisé 25 bis. Ambroise de Milan : Des sacrements. Des mystères. B. Botte, O. S. B. (1961)...................................................... 13,20 26. Basile de Césarée ; Homélies sur l’Hexaéméron. S. Gict, prof, ù l’Univ. de Strasbourg ( 1950).................................... 19,50 27. Homélies Pascales : t. I. P. Nautin, chargé de recherches au C. N. R. S. (1951).............................................................. 8,40 28. Jean ChhysostOme : Sur l’incompréhensibilité de Dieu. F. Cavalière, S. J., prof, à l’Inst. cat h. de Toulouse, J. Daniéiou, S. J., et R. Flaceliëre, prof, à la Sorbonne (1951)...................................................................................... 12,90 29. Oricéne : Homélies sur les Nombres. J. Méhat, agr. de l’Univ. (trad, seule) (1951).................................................... 21,00 30. Clément d’Alexandrie : Stromate I. C. Mondésert, S. J., et M. Caster, prof, à l’Univ. do Toulouse (1951)................ 14,40 31. Eiisêre de Césarée : Histoire ecclésiastique, 1.1. G. Bardy (1952)...................................................................................... 17,40 32. Grégoire le Grand : Morales sur Job. R. Gillet, O. S. B., et A. de Gaudemaris, O. S. B., à Paris (1952)...................... 14,40 33. A Diognète. H.-l. Marron, prof, à la Sorbonne (1952)........ 11,70 34. Irénék de Lyon : Contre les hérésies, livre III. F. Sagnard, O. P. (1952)..............................................................................Épuisé 35. Tertullien : Traité du baptême. F. Refoulé, O. P. (1952). 5,70 36. Homélies Pascales, t. II. P. Nautin (1953)............................ 5,85 NF 37. Origénk : Homélies sur le Cantique. O. Rousseau, O. S. R., à Chôvetognc (1951)............................................................. 38. Clément d’Alexandrie : Stromate H. P. Camelot, O. P., el C. MondâSôrt, S. J. (1954)................................................ 39. Lactance : De la mort des persécuteurs. 2 volumes. J. Moreau, prof, à l'Université do la Sarre (1954).............. 40. Théodoret : Correspondance, t. I. Y. Azéma, agr. de l’Univ. (1955)....................................................................... 41. Eusènc dr Césarée : Histoire ecclésiastique, t. Il- G. Bardy (1955)......................................................................... 42. Jean Cassien : Conférences, t. 1. E. Pichcry, O. S. B., ù Wisques (1955)..................................................................... 43. S. Jérôme : Sur Jonas. P. Anlin, O. S. B., à Ligugé (1956). 44. Philoxènb de Mabboug : Homélies. E. Lemoine (trad. seule) (1956)......................................................................... 45. Ambroise de Milan : Snr S. Luc, t. I. G. Tissot, O. S. B., à Quarr Abbey (1957)............................................................ 46. Tertullibn : De la prescription contre les hérétiques. P. de Labriolle et F. Refoulé, O. P. (1957)...................... 47. Philon d’Alexandrie : La migration d’Abrabam. R. Cadlou, prof, à l’Inst. calhol. de Paris (1957).................... 48. Homélies Pascales, t. III. P. Nautin ct F. Floëri (1957)... 49. Léon le Grand : Sermons, t. II. R. Dollc, O. S. B. (1957). 50. Jean Chrysostome : Huit Catéchèses baptismales inédites. A. Wenger, A. A., de l’Inst. fr. des Ét. byz. (1957).......... 51. Syméon le nouveau Théologien : Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques. J. Darrouzès, A. A. (1957)............ 52. Ambroise de Milan : Sur S. Luc, t. II. G. Tissot, O. S. B. (1958)...................................................................................... 53. Hermas : Le Pasteur. R. Joly (1958).................................... 54. Jean Cassien : Conférences, t. II. E. Pichery, O. S. B. (1958)...................................................................................... 55. Eusède de Césarée : Histoire ecclésiastique, t. III. G. Bardy (1958)..................................................................... 56. Athanasb d’Alexandrie : Deux apologies. J. Szymusiak, S. J. (1958)........................................................................... 57. Théodoret de Cyr : Thérapeutique dos maladies hellé­ niques. 2 volumes. P. Canivet, S. J. ( 1958).......................... 58. Denys l’Aréoragjte : La hiérarchie céleste. G. Heil, R. Roques, prof, à la Fac. do Théo!. de Lille, et M. de Gandillac, prof, à la Sorbonrio (1958}.................................. 59. Trois antiques rituels du baptême. A. Salles, de l’Oratoire (1958)...................................................................................... 60. Aelred de Rievaulx : Quand Jésus eut douze ans... Dom Anselm Hoste, O. S. B., à Steenbrugge et J. Dubois (1958)...................................................................................... 61. Guillaume de Saint-Thierry : Traité delà contemplation de Dieu. Dom J. Hourlier, O. S. B., à Solesmes (1959).... 6,30 10,80 25,80 7,80 19,20 19,50 8,10 21,00 21,00 9,60 6,00 7,80 7,20 16,50 9,60 18,00 19,50 21,00 17,50 12,90 48,00 24,00 3,60 6,60 8,40 NF 62. Irénée de Lyon : Démonstration do la prédication aposto­ lique. L. Froidevaux, prof, à l'institut catholique de Paris. Nouvelle trad, sur l'arménien {trad, seule) (1959).. 9,60 63. Richard de Saint-Victor : La Trinité. G. Salet, S. J., prof, à la Fac. de Théol. de Lyon-Fourvière (1959).......... 24,00 64. Jean Cassïen : Conférences, I. 111. E. Pichcry, O. S. B. (1959)...................................................................................... 15,00 65. Gélase Ier : Lettre contre les Lupercales et dix-huit messes du sacramentaire léonion. G. Pomarês, Dr on théol. (I960)........................................................................... 13,80 66. Adam de Perseignu ; Lettres, I. I. J. Bouvet, supr du grand séminaire du Mans ( 1960).......................................... 10,50 67..Origénr : Entretien avec Héraclido. J. Scherer, prof, à l'Univ. de Besançon (1960)......................................... 9,60 68. Marius Victorinus : Traités théologiques sur la Trinité. P. Henry, S. J., prof, à l'institut catholique de Paris, cl P. lladol, attaché au C. N. H. S. Tome I. Introd., texte critique, traduction {I960). 69. Id. — Torne H. Commentaire et tables (19G0). Les 2 vol. 49,50 70. Clément d’Alexandrie : Le Pédagogue, 1.1. H.-I. Marrou et M. Harl, prof, à la Sorbonne (I960).................................. 16,30 71. Orïgéne : Homélies Sur Josué. A. Jauhert, agrégée de rUniversilé (1960)................................................................ 30,00 72. Amédée de Lausanne : Huit homélies mariales. G. Bavaud, prof, à Fribourg, J. Dcsbusses et A. Dumas, O. S. B. à Haulecombe (I960).......................................... 15,00 73. Euséuk de Césahéb : Histoire ecclésiastique, L. IV. Intro­ duction générale de G. Hardy et tables (1960).......... 24,00 74. Léon le Grand : Sermons, t. III. R. Dolle, U.S.B. (1961). 15,60 75. S. Augustin : Commentaire de la I'° Épitro de S. Jean. P. Agaësse, S. .L, prof, à la Fac. de Philos, de Valsprès-Le-Puy (1961)............................................................... 18,00 76. Aelred de Rievaulx : La vio de recluse. La prière pastorale. Ch. Dumont, O. C. S. O., à Scourmont(1961). 77. Defensor de Ligugé : Le livre d’étincelles. I. L II. Rochais, O. S. B., à Ligugé (1961 ;...................................... SOUS PRESSE Grégoire de Narbk : Le Livre de Prières. L Kéchichian, S. J. Nicétas Stéthatos : Opuscules et lettres. J. Darrouzès, A. A. Jean Ckrysostome : Sur la Providence de Dieu. A. M. Malingrcy. Jean Damascene : Homélies sur la nativité et la Dormition. P. Voulel, S. J. Didyme l'aveugle : Sur Zacharie. Texte inédit. 3 volu­ mes. L. Doulrélcau, S. J. IMPRIMERIE A. BONTEMPS, LIMOGES (FRANCE) Registre des travaux : Imprimeur : 21595 — Éditeur : 5078 Dépôt légal : 1er trimestre 1961