HOMÉLIES SUR S. LUC SOURCES CHRÉTIENNES Directeurs-fondateurs : II. de Lubac * s. et J. Daniélou, s. /Directeur : (λ Mondésertt s. j. N· 87 ORIGÈNE HOMÉLIES SUR S. LUC TEXTE LATIN ET FRAGMENTS GRECS INTRODUCTION, TRADUCTION ET NOTES PA η Henri CROUZEL, s. J., François FOURNIER, s. j. Pierre PÉRICHON, s. J. -ES EDITIONS DU CERF, 29, ui> 1962 de Latour-Maubourg, PARIS 6 *^ to . S5 * v. S'] NIHIL· OIISTAT ί IMPKIMI POTEST ! Lyon, le /.9 macs If) 61 Lyon, le 30 mars 11)61 H. DE LUBAC, s. j. Cl. MON DESERT, s. j. B. ARM1NJON. s. j. Pr. I’r. Gall. Med. imprimatur : Paris, le 17 avril 1961 J. HOTTOT v. g. AVANT-PROPOS Les volumes consacrés à Origène et déjà parus dans la collection « Sources Chrétiennes » offrent au lecteur les indi­ cations utiles pour comprendre l’exégèse du maître alexan­ drin et s’orienter à travers les grands thèmes de sa doctrine spirituelle12 . L’ouvrage du P. H. de Lubac, Histoire et Esprit ’, a été pour nous, comme il le sera sans doute aussi pour d’autres, la meilleure introduction à la lecture des écrits origéniens sur la Bible. On y trouvera l’analyse de procédés exégétiques parfois étrangers à la mentalité moderne, dont l’interprétation souffre de préjuges tenaces. Les Homélies sur Luc contiennent bien des éléments de théologie mariale. C’est cet aspect, assez peu connu, de la doctrine d’Origènc qui est étudié dans la partie de l’intro­ duction que le P. H. Crouzcl a bien voulu rédiger pour ce volume. Qu’il soit cordialement remercié pour cette impor­ tante contribution qu’il nous a apportée, ainsi que pour la révision soigneuse qu’il a bien voulu faire de notre traduc­ tion et de nos notes. Notre gratitude va aussi au P. E. Ber­ trand, à qui cet ouvrage doit beaucoup. 1. Homélies sur la Genèse. .SC 7. Introd. de 1 I- de Lubac. Homélies sur Γ Exode, SC IG, Introd. de 1Î. dp. Lubac. Homélies sur les Nombres, SC 29, latrod. de J. Méiiat. Homélies sur le Cantique des Cantiques, SC 37, Introd. dé O. Rousseau. Entretien avec Héraelide, SC 67, Introd. de .1. SCUERBR. Homélies sur Josué, SC 71, Introd. do A. JAUBBflT. 2. H. dr Lubac, Histoire et Esprit, L'inMli'jcrtce de l’Ëcriture d’après Origine, Paris, 1950. BIBLIOGRAPHIE I. — Ouvrages d’ensemble. Nous indiquons quelques ouvrages français pour intro­ duire à l’œuvre et à la pensée d'Origène. On trouvera une bibliographie plus complète dans le livre de H. Crouzel, Origène cl la a connaissance mystique », p. 537-578. J. Daniélou : Origène, Paris, 1948. H. de Lubac : Histoire d Esprit, V Intelligence de l’Écriture d’après Origène, Paris, 1950. H. de Lubac : Exégèse médiévale, Paris, 1959 et SUiv. II. Crouzel : Théologie de l’Image de Dieu chez Origène, Paris, 1956. H. Crouzel : Origène et la » connaissance mystique ■·, collec­ tion Museum Lessianum, Paris-Bruges, 1961. F. Bertrand : Mystique de Jésus chez Origène, Paris, 1951. H. von Balthasar : Parole et Mystère chez Origène, Paris, 1957. Ce livre reprend le texte de deux articles parus dans RSR en 1936 et 1937. Dans notre édition nous citons H. von Balthasar d’après ces deux articles. H. — Les homélies sur Luc. Textes et Éditions. J. Merlin : Origenis opéra, Paris, 1512. C. Delarue : Origenis opera omnia, Paris, 1740, I. III, p. 932 et ss. ; édition reproduite dans Mignc, PG 13, col. 1802 et ss. H. E. Lommatzsch : Origenis opéra, Berlin, 1835, t. V, p. 85 et ss. BIBLIOGRAPHIE 9 M. Hauer : GCS (lre éd., 1930 : vol. 35; 2® éd., 1959 : vol. 49) ; vol. 9 des Origenes Wcrke. C'est toujours la seconde édition que nous citons. La traduction de Jérôme se lit aussi dans PL 26, col. 219 et ss., qui reprend le texte de D. Vallarsi. Une traduction française de la version hiérony mienne a été faite par J. Bakeille, Œuvres complètes de S. Jérôme, Paris, 1884, t. X, p. 116 et ss. Articles. Outre les recensions des éditions de Bauer indiquées dans l’introduction, p. 90, η. 1 et 3, nous signalons : T. Zahn : «Die Predigten des Origenes über dasEvangelium des Lukas », dans Neue kirchliche Zeitschrift, XXII (1911), p. 253-258. M. Rauer : « Form und Überlieférung der Lukas-Homilien des Origenes », dans TU 47 (1932). ABRÉVIATIONS PG PL GCS SC DS DTC HE RTL JThS RA M RB RHR RSR TU Z AM Migne grec. Migne latin. Die Griechischen Christlichen Schriftstcllcr, Leipzig. Sources Chrétiennes, Paris. Dictionnaire de Spiritualité. Dictionnaire de Théologie catholique. Histoire et Esprit, H. de Lubac, Aubier, 1950. Ephemerides Theologicae Lovanienses, Louvain. Journal of theological Studies, Oxford. Revue d'Ascétique et de Mystique, Toulouse. Revue biblique, Paris. Revue de l’Histoire des Religions, Paris. Recherches de Science religieuse, Paris. Texte und Untersuchungen, Leipzig. Zeitschrift für Aszese und Mvstik, Innsbruck. 10 BIBLIOGRAPHIE CITATIONS PATRISTIQUES Pour Origène, nous renvoyons au Corpus de Berlin ou à o Sources Chrétiennes » quand les œuvres ont été éditées dans ces collections. Sinon, nous citons Migne. Nous citons les autres Pères d’après Migne, ou « Sources Chrétiennes » quand ils ont été traduits dans cette collec­ tion. SIGNES Le signe [ |, dans le texte latin, indique que le passage compris entre les deux traits a son correspondant en grec dans l’édition de M. Rauer, GCS IX. Nous n’avons pas reproduit le grec quand la traduction de Jérôme est assez fidèle, mais le lecteur connaîtra ainsi l’existence du texte grec et pourra éventuellement s’y reporter. Les fragments grecs d’une certaine importance qui n’appa­ raissent pas dans la traduction hiéronymienne ont été repro­ duits et traduits en appendice, quand leur authenticité ne parait pas douteuse. F. F. ’ INTRODUCTION I. LA THÉOLOGIE MARIALE D’ORIGÈNE Le xne siècle latin a considéré Origène comme un docteur mariai. On peut, en trouver un indice dans le récit de la révélation qu’une moniale rhénane, sainte Élisabeth de Schonau, déclare avoir eue de la Sainte Vierge à son sujet une nuit de Noël. Obéissant à son frère, l’abbé Ekberl. elle posa à Marie la question suivante : « Ma Dame, je vous prie, daignez me révéler quelque chose au sujet de ce grand doc­ teur de l'Église, Origène, qui en tant d’endroits de ses œuvres a chanté vos louanges d'une façon si magnifique. Est-il sauvé ou non ? » Après avoir répondu que les erreurs d’Origènc ne venaient pas de la malice, mais « de la ferveur excessive avec laquelle il s’est plongé dans les profondeurs des saintes Écritures qu’il aimait, et dans les mystères divins qu'il a voulu scruter avec excès », la Mère du Christ ajouta : « Et à cause de la gloire qu’il m’a rendue dans scs écrits, il est éclairé d’une lumière toute particulière à chacune des fêtes où l’on fait mémoire de moil. » Quoi qu'il en soit de cette vision, consignée dans le Liber visionum de la sainte, elle reflète l’estime de cette époque pour Origène, docteur marial*. 1. La traduction française est de J. L«cr.iniCQ, L'mnour des lettres et le désir de Dieu, p. 95. Il donne dans ■ Origène au χιι· siècle », Irenikon, XXTV (1951), p. Ί37, le texte latin original, tiré du Liber Visionum de la sainte, III, 5. 11 ajoute en note : · Ce récit est attesté de façon certaine dans la tra­ dition manuscrite des visions d’Élisabeth. » 2. La bibliographie de notre sujet se compose surtout de l’excellent livre de C. Vagaggini, Maria nellc opère di Origène, Orientalia Christiana CXXX1. On peut citer aussi : A. Agivs, · The Blessed Virgin in Origen and St. Ambrose ·, Downside Review, L (1932), p. 126-137. Parmi les auteurs plus anciens, P. Halloix, Ortgencs defensus, Liège, 1618, p. 157-161 ; B. Maréchal, Concordance des saints Pères de l'Église, grecs et latins, Π, Paris, 1739, p. 205. D’autres études seront citées dans la suite. 12 INTRODUCTION Dans les nombreuses listes de propositions de foi que l’on rencontre dans son œuvre, un seul point du dogme marial est mentionné : Jésus est né de la Vierge Marie >. Celle affir­ mation a deux pointes. Jésus est né d’une femme : il est donc un homme authentique, non une apparence d'humanité. Cette femme était vierge : le miracle de la conception virgi­ nale manifeste la divinité de l’enfant. La double nature de l’IIomme-Dieu est donc ainsi signifiée. Mais Origène affirme aussi très fortement la virginité perpétuelle de Marie. Il souligne sa sainteté et voit en elle un type du « spirituel » selon son cœur. Enfin la scène de la Visitation, qu’il a sou­ vent méditée, lui a fait comprendre le rôle de la Mère de Jésus dans l'économie de la Rédemption. Tels sont les diffé­ rents points que nous allons examiner. 1. JÉSUS EST VRAIMENT NÉ DE LA FEMME. L’insistance d’Orlgène à affirmer que la chair de Jésus a vraiment tiré son origine de la chair de Marie se manifeste souvent à travers les homélies 1 23et les antres œuvres : « Il a pris un corps semblable à notre corps, différent seulement de lui sur ce point, qu’il est né de la Vierge et de l’EspritSaint » . Cette insistance s’explique par la - _ _ polémiqué. Les adversaires sont des contre les Docètes. S. ,. 1 . , . , , , Docètcs qui ne voulaient pas voir dans le Verbe fait chair un homme véritable, mais seulement une apparence d’humanité. Ainsi ôtaient-ils à la Rédemption sa réalité. Selon V Entretien d’Origène avec Γévêque Héradide, le Seigneur a revêtu les trois éléments qui constituent l’homme, corps, âme et esprit, pour le sauver dans son _ 1. Voir Préface du Péri Archon, 4, GCS 10. 9 (Koctschau) ; In Jo. corn., XX. 30 : XXXII. 16. GCS 367. 17 ; 152. 4 (Prcuschcn) ; C. Cels.. I, 7, GCS 60, 22 (Koctschau); In Matth. corn, scr, 33. GCS 61. 5 (KlostcnnannBcnz) ; In I Cor. fragm., VIII. JThS IX. 237, 37 (Jenkins). 2. In Ez. hom., Vil, 8 ; ΧΠ. 4, GCS 214. 18 ; 267, 1 (Bnchrens) ; In Le», hom., I, 1, GCS 280, 5 (Baehrcns). 3. P. Arch., I, praef. 4. GCS 10. 9 (Koelschaii). MARIOLOGIE d'ORIGÈXK 13 entier x. L’argument, qui sera repris par toute la tradition postérieure, est à la racine de l’abondante polémique origénienne contre les Docètes. Ces hérétiques, < qui dissolvent la nativité de Jésus en une scène fantomatique * », sont surtout les gnostiques hété­ rodoxes. Non contents de séparer le Dieu créateur du Père de Jésus, ils ■ nient que le Christ soit venu dans la chair et qu’il soit né de la Vierge, mais ils lui attribuent un corps céleste 3 ». L’Homélie XIV sur Luc explique ce dernier point. Ils pensent que le corps du Seigneur a été fait d’éléments célestes, d’une matière astrale, d’une « nature plus sublime et spirituelle123456 ». Le contexte de cette affirmation est la théorie de l’éther, cinquième élément en plus des quatre éléments classiques, essence commune des astres et des âmes humaines, telle que l’exposait Aristote dans son traité de jeunesse Sur la Philosophie 8. Parmi ces hérétiques Origènc nomme l’un des principaux, Marcion. « Je pense que c’est par une mauvaise interpréta­ tion de paroles authentiques, parce qu’il niait que Jésus fût né de Marie à cause de sa nature divine, que Marcion a affirmé qu’il n’avait pas vraiment été enfanté par Marie, et qu’il a osé pour cette raison ôter de l’Évangile les pas­ sages qui en parlent : soutirent, semble-t-il, d'une maladie semblable ceux qui suppriment son humanité et n’acceptent que sa divinité ·. » Biffer les passages de l’Écriture qui ne cadraient pas avec ses théories, Marcion était coutumier du 1. J. Scherer, Entretien d*Origine aœc Héraclide..., Publications de la société Fouad I de Papyrologie, IX, p. 1.36,1. 13 ; SC 67. p. 69-71. 2. In Ετ. hom., 1, 4, GCS 327. 16 (Bachrcns). 3. In Rom. com., IX, 2, PG 14. 1210 C. 4. Hom. XIV, 3. 5. Voir W. .Jargrr. Aristotle : Fundamentals o/ the history of his develop­ ment, translated by R. Robinson, 2· éd., p. 124. Origènc s’oppose à cette doctrine, car il tient fermement pour l’immatérialité de l’àmc ; il la critique souvent. Ainsi : F. Arch.. Ill, 6, 6, CCS 288. 21 (Koctschau) ; In Jo. corn., XIII, 21, GCS 245, 4 (Prcuschcn) ; C. Cels.. TV. 56, GCS 329,13 (KoeUchau). Mais il l'utilise en rappliquant, non aux âmes, mais aux corps des anges et des ressuscités : In Mall, com., XVII, 30, GCS 671, 17 (Klostermann-Benz). Elle vaudrait par conséquent du corps du Christ après la Résurrection, puisqu’elle est le modèle sur lequel w. fera la nôtre. 6. In Jo. com.. X, 6, GCS 176, 8 (Preuschen). 14 INTRODUCTION fait ». L’Homélie XVII sur Luc 2 signale cette position marcionite. Un fragment du Commentaire sur l’Épitre aux Galales, conservé par saint Pamphile de Gésarée dans son Apologie d’Origène, qui est connue par une traduction latine de Rufin, après avoir longuement démontré l'authenticité du corps terrestre de Jésus, conclut : « I! ne faut pas prêter l’oreille à ceux qui disent que Jésus est né par (per) Marie, non de {ex) Marie. L’Apôtre, prévoyant cette opinion, a écrit : Lorsque vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils, fait de {ex) la femme, fait sous la Loi, pour racheter ceux qui étaient sous la Loi s. Tu vois qu’il n’a pas dit : Fait par {per) la femme, mais fait de (ex) la femme *. a Ce texte s’explique par un passage du Commentaire sur l’RpiIre aux Romains ». Pour les anciens en effet l’enfant sort tout entier de la semence du père : la mère n’est guère que le contenant dans lequel elle se développe. Mais ce ne fut pas le cas du Christ : puisqu’il n’a pas eu de père ici-bas, il a dû tirer de sa mère toute sa substance. Telle n’est pas l’opinion des hérétiques ainsi censurés. Marie a joué le rôle habituel de la mère. Elle n’est pas vrai­ ment l’origine du corps de Jésus, qui n’est humain qu’en apparence : elle a servi simplement d’instrument à une nais­ sance illusoire. Cela est expliqué par un fragment du Com­ mentaire sur l’Épitre à Tile, conservé par la même Apologie de Pamphile : ce texte est un catalogue d’hérésies. Il y en a qui « déclarent le Christ Dieu, mais nient qu’il ait assumé une àme et un corps terrestre. Sous prétexte d’honorer davantage le Seigneur Jésus, ils affirment que tout ce qu’il . ' ! j , ' ■ 1. 11 refusait ainsi tout l'Ancien Testament, œuvre du mauvais Dieu, Je Démiurge, et expurgeait le Nouveau de tout ce qui sc rapportait a ΓΑπ- I clen. Le fragment XXVH1 sur Jean, GCS 505,16 (Prcuschcn), attribue cette « même négation de la maternité de Mario aux manichéens, dont les marc Io­ nites furent en quelque sorte un premier crayon : mais ce texte ne peut pro­ venir d’Origène, car cette doctrine ne fut prêchéc que plusieurs années après sa mort dans les provinces orientales de l’Empire. 2. Hom. XVI1, 4. 3. Gal. 4. 4. 4. PG 11. 1298 A. 5. Ill, 10. PG 14, 956 C : selon Rufln. MARIOLOGIE d’ORIGKNE 15 a fait, il a plutôt semblé le faire qu’il ne l'a (ait vraiment. Us ne le confessent pas né de la Vierge, mais croient qu’il est apparu en Judée à l’âge de trente ans. D’autres pensent qu’il est né de la Vierge, mais prétendent qu’elle a cru l’en­ gendrer, sans l’avoir vraiment engendré : ils déclarent en effet que le mystère de cette génération putative lui a échappé *. » On sait qu’Origène pense souvent dans les perspectives de la préexis­ tence des âmes. Ce n’est pour lui qu'une hypothèse, qu’il a prise au pla­ tonisme, et qu’il ne croit pas, en toute bonne foi, incompatible avec la Révélation chrétienne. Toutes les âmes raisonnables ont donc été créées à la fois, dans une égalité complète, celles des hommes et celles des anges. Elles étaient revêtues de corps éthérés et vaquaient à la contempla­ tion de Dieu, formant l’Église de la préexistence, au sein de la Jérusalem céleste. Mais ces intelligences ont mésusé de leur liberté, elles ont péché, se détournant de la vision divine ; et la profondeur de leur chute les a différenciées en anges, hommes ou démons. Les intelligences humaines, refroidies en âmes (^'/,’ί-ψδχος) 2 ont été mises dans des corps gros­ siers, comme dans des établissements de correction, pour qu'elles puissent s'y racheter ; et le châtiment des anges est dans le ministère qu’ils doivent remplir auprès des hommes. L’âme humaine du Christ a été créée avec les autres, mais fut unie au Verbe dès le début, par l’intensité de son amour, changée dans le Verbe, comme le fer plongé dans le feu devient feu 3. L’Église, de la préexistence était à celte âme comme F Épouse à l'Époux 4. C’est la seule âme à n’avoir pas péché, car son union au Verbe la rendait impeccable, et, se trouvant a sous la forme de Dieu », elle est restée dans L’âme humaine du Christ vient prendre chair en Marie. !. 2. 3. 4. PG 14, 1304 c. P. Areh., II, 8, 3, GCS 157, 15 (Koctschuu). Ibid., II, 6, 6, GCS 145, 17. In Maith. coin., XIV, 17, GCS 325, 27 (Klostcrmann-Bcnz). 16 INTRODUCTIO* la Jérusalem céleste, dans le sein du Père x. Elle a cependant accompli dans ΓAncien Testament certaines missions passa­ gères. C’est en efïct le Verbe qui est pour Origène l’agent de toutes les théophanies, car il est l’intermédiaire entre Dieu et l'homme. Quand il apparaît sous forme d’ange ou d'homme, il se montre à travers son âme, qui est à la fois angélique et humaine, puisqu’elle a gardé, n’ayant pas péché, l’indistinction primitive : et c’est ainsi qu’elle rend visite à Abraham, lutte contre Jacob, se manifeste à Moïse dans la flamme du buisson a. Au moment fixé par le Père, l’âme du Christ, par amour pour son Épouse déchue, l’Église de la préexistence tombée dans la chair, pour la sauver, pour la réintégrer dans la Jérusalem céleste, abandonne la forme de Dieu où elle se trouvait, et assume avec la corporéité grossière la forme de l’esclave 8. « Peut-être que l’âme de Jésus dans sa per­ fection était en Dieu et dans la plénitude (le Plérôme) ; elle sortit de là, envoyée par le Père, et prit son corps dans le sein de Marie *. » Remarquons le < peut-être » qui indique le caractère hypothétique de ces spéculations. L'âme de Jésus est donc en Dieu, par suite de son union au Verbe. Le lieu où elle se trouve est désigné dans ce texte du nom do Plérôme, qui s’applique chez les gnostiques au ciel suprême où sont les Éons ; il exprime sa présence dans la plénitude divine, dans laquelle elle habite et qui habite en elle selon Col. 2, 9. Quant au Verbe, d’une certaine façon il vient sur terre avec son âme, participant à sa kénose ; il ne quitte pourtant pas le sein du Père qui est comme son « lieu »i. Ainsi Origène commente-t-il cette parole de Jérémie : « J’ai abandonné ma maison, j’ai délaissé mon héritage, j’ai livré mon âme très aimée aux mains de scs ennemis ·. » L'homme en Jésus est donc antérieur à l’Incarnation;1 23456 1. In Matth. corn., XIV, 17, GCS 326, 1. Voir aussi : In Jcr. hom., X, 7, GCS 77, 15 (KJostermann). 2. In Jo. coni.. I. 31 ; XX, 12, GCS 39, 1 ; 341, 23 (Prcuschen). | 3. Zn ΛίαΚΛ. com.» XIV, 17, GCS 320, 1 (Klostcrmunn-Bcnz). 4. Zn Jo. com.. XX, 19, GCS 351, 25 (Prcuschèn). j 5. Ibid.. XX, 18. GCS 350. 24. ! 6. Jdr. 12, 7. Dans : /n Jer. hom., X, 7, GCS 77, 8 (Klostermann). NA BIOLOGIE d'oRIGÈNE 17 « Derrière moi, déclare le Baptiste, vient un homme (âv>fp) qui existait avant moi, parce qu’il est plus ancien que moi. » Avec son habituel littéralisme, qui lui cache souvent le contexte littéraire de la phrase, Origène entend de l’homme et non du Verbe cette aînesse de Jésus par rapport à Jean. N’est-il pas écrit : « Un homme qui existait avant moi » ? Or Jean est venu dans la chair six mois avant Jésus : il s’agit donc de la préexistence de l’âme de Jésus, χ L’Écri­ ture dit qu’est venu après Jean un homme qui a été fait avant lui et qui existait avant lui, pour nous apprendre que l’homme qui est dans le Fils de Dieu, mélangé à sa divinité, est plus ancien que sa naissance de Marie x. » Cette même allusion à la préexistence de l’âme de Jésus et à sa descente dans la chair on Marie se retrouve dans le Contre Celse : Origène veut réfuter l’accusation calomnieuse des Juifs, reprise par Celse, d’une naissance adultérine de Jésus. Son argument est curieux : il ne peut s’expliquer que par la théorie de la préexistence. S’adressant à un païen, Origène ne part pas de la divinité de Jésus, mais d’un fait qui manifeste sa grandeur de façon plus visible, la multitude des conversions morales qu’opère la prédication chrétienne : c’est l’argument central de son apologétique. « Est-il rai­ sonnable de penser qu’un homme, qui a entrepris de si grandes choses pour le genre humain, qui a tout fait pour que Grecs et Barbares, dans l’attente du jugement divin, s’éloignent du vice et cherchent dans tous leurs actes à plaire au Créateur de l’univers, n’a pas eu une naissance miraculeuse, mais de toutes la plus illégitime et la plus hon­ teuse ? C’est à des Grecs que je m’adresse, et en particulier à Celse, qui cite constamment des textes de Platon, qu’il les approuve ou non. Est-il concevable que celui qui envoie les âmes dans des corps d’hommes ait contraint à la plus ignominieuse des naissances celui qui a entrepris de si grandes choses, qui a enseigné tant d’hommes, qui en a converti beaucoup des débordements du vice, au lieu de le faire naître à la vie des hommes par un authentique mariage ? N’est-il 1. /n Jo. com., I. 32, GCS 42, 10 (Preuschen). Le texte expliqué est : Jn 1, 30. Onioft.vu, S. Luc. 18 INTRODUCTION pas plus raisonnable et je dis ceci maintenant en suivant Pythagore, Platon et Empédocle que Celse nomme souvent que chaque âme soit introduite dans un corps selon certains rapports mystérieux en vertu de son mérite et de ses mœurs antérieures ? Car vraisemblablement cette âme, venue à la vie des hommes pour l’utilité de beaucoup pour éviter de traiter plusieurs points à la fois je ne dis pas : de tous — sera liée à un corps, qui ne se distinguera pas seulement parmi les corps humains, mais qui sera supérieur à tous l. * Dans ce texte, Origène ne prend pas tout à fait à son compte la doctrine de la préexistence : il prétend seulement développer devant un Grec, disciple de Pythagorc et de Platon, un argument que ce dernier puisse comprendre. Pourtant les spéculations du Peri Archon vont un peu dans le même sens. Il veut en effet expliquer l’inégalité des con­ ditions humaines dès la naissance, en sauvegardant le libre arbitre et la justice divine contre la prédestination stricte des gnostiques. Il suppose donc que la situation dans laquelle les âmes naissent en ce bas monde est déterminée par les mérites acquis dans l’état de contemplation de la préexistence et par la profondeur de la faute précosmique. Certes l’homme ne reste pas toujours dans l’état où il était à la naissance : doué de libre arbitre il peut progresser ou régresser. Mais il est inconcevable que quelqu'un qui a tant fait, comme Jésus, pour le salut et la conversion morale de l’humanité, ait eu une naissance si honteuse, qui aurait sup­ posé dans la préexistence des fautes particulièrement lourdes. Tel est le raisonnement d’Origène. Cette âme du Christ est appelée l’image du Verbe, l’image de l’image de Dieu. Elle est aussi dite, suivant Lam. -1, 20, «l’ombre du Christ Sei­ gneur, ... sous laquelle nous vivons parmi les nations ». En effet son union avec le Verbe la modèle entièrement sur lui ; mais bien qu’elle possède la plé­ nitude de la divinité, elle n’est qu’ombre, elle tamise en Marie a conçu à l’Onibre de la Puissance du Très-Haut. 1. c. Cctü., J, 32, GCS 84, 8 (Koctschuu). MARIOLOGIE l/OlUGÈNE 19 quelque sorte la lumière divine, pour que nos yeux d'hommes puissent la supporter l. Cela permet de comprendre quel sens revêt pour Origène la parole de Gabriel à Marie : « Une puissance du Très-Haut t’ombragera23 . « La Puissance (Ίύ/ααι;) du Très-Haut n’est autre que sa Sagesse et son Verbe, c’est-à-dire son Fils, qui accomplit toute l’activité de Dieu ad extra, qui naît du Père comme la Volonté sort de l'Intelligence : le Peri Archon l’appelle la Virtus Dei, la Vigor Dei Par conséquent l’ombre de la Puissance de Dieu qui va venir sur Marie n’est autre que l’Ombre du Verbe, l’âme préexistante de Jésus. C’est ainsi que la phrase de Gabriel est citée dans le Péri Archon au cours d’un passage consacré à l’explication de iMm. 4, 20 : nous vivons parmi les nations à l’ombre du Christ, car notre vie terrestre se déroule à l’ombre du Verbe, qu'est son humanité. Mais Origène n’explique alors le mes­ sage de l'Archange que par tout le contexte 4. Ce verset du Cantique des Cantiques : « A son ombre j’ai désiré et je me suis assise 5 », ramène le même thème. Dans la seconde homélie sur ce poème, selon la traduction de Jérôme, Origène développe l’idée que tout progrès spirituel doit commencer à l'ombre du Christ, c’est-à-dire par son humanité. « Je pense que la naissance de Jésus a eu son début de (ai») l’ombre et non dans (in) l’ombre, mais elle s’est achevée dans la Vérité. □ Ce mot de vérité est à entendre dans le sens pla­ tonicien habituel à Origène, qui s’oppose à image et à ombre, non à erreur : la vérité, ce sont les réalités divines que figurent les svmboles d’ici-bas ; si l’âme de Jésus est l’ombre du Verbe, le Verbe est la Vérité de cette ombre, e L’Esprit-Saint, dit-il, viendra sur loi, et la puissance du Très-Haut t’om­ bragera. La nativité du Christ a pris de l’ombre son origine : et non seulement en Marie cette naissance a commencé 1. 2n Rom. com., VI. 3. PG 14» 1062 Λ ; In Ps. 3S hom.. II. 2. PG 12, 1402 C. Sur le commentaire de Lam· 4, 20, voir notre Théologie de VImage de Dieu chez Origène. p. 135. 2. Z.c 1. 35. 3. Voir Théologie de Vintage.... p. 90. 4. P. Arch.. II, G, 7, GCS 147, 2 (Koctschau). 5. Card. 2, 3. 20 INTRODUCTION par l’ombre, mais en toi aussi, si tu en es digne, naît le Verbe de Dieu. Fais donc en sorte de pouvoir saisir son ombre, et, lorsque tu auras été fait «ligne de cette ombre, viendra à toi pour ainsi dire son corps d’où naît l’ombre *. » C’est là un des grands théines spirituels origéniens, celui de la naissance et de la croissance du Verbe dans l’âme du fidèle. En ce sens la maternité de Marie est exemplaire, elle doit être imitée par chaque chrétien. Bien mieux, la nativité terrestre de Jésus dans la Vierge ne produit son fruit de salut que si le Christ naît pareillement en chacun. « Λ quoi me sert-il de dire que Jésus est venu seulement dans la chair qu’il a reçue de Marie, si je ne montre pas qu’il est venu aussi dans ma chair 2 ? » Mais il ne suffit pas de laisse! naître le Christ en soi, il faut lui donner la place de grandir. On ne doit pas en rester à l'ombre et à l’image, fût-elle cette ombre privilégiée qu'est l'humanité du Verbe, mais progresser à partir d’elle pour atteindre la Vérité, aller de l’humanité du Christ à sa divinité ; ou plutôt, car il n'est pas possible en cette vie de se passer entièrement de la! médiation de l’homme ·, s’habituer à percevoir de plus en plus à travers lui, comme les trois Apôtres qui ont gravi la Montagne, le Dieu qui le transfigure. Ce texte nous offre ainsi quelques-uns des thèmes majeurs de la mystique d'Origène. La Pr6ftxislcncc de l’âme de Jésus n’est pas à enten(,rc dans un sens nestorien : de nombreux textes montrent que la conception origénienne de l’union hypostatique est correcte dans l’intention qui la guide, même si toutes ses expressions ne sont pas défendables 1 ; l’âme de Jésus est en effet une sorte de principe métaphysique, non une personne. Origène a un sens de la personne qui se manifeste dans sa doctrine Marie Mère de Dieu 1. ht Cant. hom.. Il» 6. Voir SC 37» p. 91 (O. Rousseau). 2. In Gcn. hom.. ΙΓΙ, 7. Voir SC 7» p. 123 (L. Doutreleau). i 3. In Jo. corn.. 1 ï, S, GCS 62, 20. 4. En dépit de certaines affirmât Ions, qui peuvent paraître ncstoricnnCI ou cutychlennes avant la lettre, Origène a un $en$ exact de l'union hyposta­ tique et do la communication des idiomes. Voir les textes cités dans Théo· logic de VImage.... p. 134 et note 14. mariologie d'origène 21 de la grâce el dans toute sa mystique, mais il n’en a pas une idée claire. Il ne comprendrait donc pas le reproche qu'un moderne pourrait lui faire, celui d’attribuer au Logos incarné une double personnalité, celle du Verbe et celle de l’âme. De même, malgré certaines manières de parler qui pourraient donner le change, il met entre le Verbe et l’âme bien plus qu’une union morale. Il n’aurait donc aucune difficulté à appeler Marie Mère de Dieu, dans le sens du Concile d’Éphèse. Le mot Οεοτόχος se lit dans des fragments dont l’authen­ ticité n’est pas tout à fait certaine, sinon quant aux idées, du moins quant aux termes *. Mais Socrate porte le témoi­ gnage suivant dans son Histoire Ecclésiastique : e Les anciens n’ont pas hésité, ils ont eu l’audace d’appeler Marie Mère de Dieu... Origène lui-même, dans le premier tome de ses com­ mentaires sur l’Épitre de l’Apôtre aux Romains, explique comment elle est appelée Mère de Dieu et examine cela lar­ gement · La traduction rufinicnne du Commentaire n’a malheureusement conservé aucune trace de ce développe­ ment. Mais cela ne saurait constituer une objection contre l’information de Socrate. Si Rufin ne semble pas avoir modifié sérieusement les idées d’Origène 3, il a lui-même averti le lecteur des coupes qu’il a faites dans le texte, réduisant à dix livres les quinze tomes primitifs l. On ne voit donc pas 1. Sri. in Dent. 22. 23. PG 12, 813 C. Voir aussi les fragments sur Luc 41 et 80, GCS, p. 214 et 2G0 dans Rawer3 : le second est traduit ici. p. 499. 2. Socrate, Histoire Ecclésiastique, VII, 32, PG 67, 812 A. Ce témoi­ gnage est accepté par E· R. Redepbnning, Origencs. A. v. Harnack, dans Der kirchengeschichtliche Ertrag..., I. Tell, TU, ΧΙ-ΙΓ, 4» p. 87, ne le juge pas Invraisemblable ; de même Fr. J. Dôlger. dans Antike und Chris· lentum. I (1929), p. 119. Dans le tome 1Γ do V Initiation aux Pères de VÊglise de J. Quasten, p. 100, ce témoignage est attribué par erreur à Sozomène. 3. On peut le conclure d’une comparaison avec les nombreux fragments grecs ipii restent : ceux publiés par A. RaMsbotuam dans JThS, XIII et XIV (1911-1913); par K. Staaji dans Hiblische Zeitschrift, XVIII (1927, 1929), p. 72-82; et surtout, d’après les manuscrits trouvés à Toura, par J. Scuerer, Ia Commentaire à* Origène sur Hom. Ill, 5-V, 7, Institut français d'Archéologie Orientale, XXVI1. Dans son introduction ce dernier auteur compare le texte rufinlen et les fragments. 4. Dans la dédicace de sa traduction : PG 14, 831. L’indication des ver­ sets qu’étudiait Origène dans chacun des quinze tomes a été retrouvée dans un codex de YÊpttrc aux Romains qui se trouve à l’Athos, au couvent de Lavra : voir E. v. der Goltz, Eine texlkrUischc Arbeit..., TU. XVII, 4, p. 93. 22 INTRODUCTION de raison pour contester le renseignement si formel et si précis de Socrate *. 2. JÉSUS EST né d’une Vierge. Cependant la naissance de Jésus est extraordinaire et là se manifeste sa divinité. Son corps en effet « n’est pas un temple fait de main d’homme, ce n'est pas par une œuvre humaine que le temple de chair fut édifié dans la Vierge *. ■ L’action directe de Dieu a bâti en Marie ce temple qu’est le corps du Sauveur. Origènc est encore obligé de lutter pour Polémique défendre ce point fondamental de la foi contre les hérétiques. chrétienne. Le fragment du Commentaire sur l'Épitre à Tite mentionne d'autres hérétiques qui disent que Jésus « est né de Joseph et de Marie, comme les Ébionites et les Valentiniens o et d’autres encore « qui nient qu'il soit le Premier-Né de toute créature,· Dieu, Verbe, et la Sagesse, Principe des voies de Dieu..., mais qui le prétendent un simple homme ’ n. La divinité de Jésus est étroitement liée pour Origine à sa conception virginale,; de même que son humanité au fait qu’il est né d’une fcmincJ Parmi les adversaires figurent donc les chrétiens à tendance adoptianiste d’alors, ceux qui voyaient en Jésus un simple homme, adopté par Dieu à cause de ses vertus, tels les deux] Théodote, le corroycur et le banquier, ou Artémon 4 et, un] 1. Cf. la notice consacrée à Socrate par G. Bardy dans le l)TC9 XIV, 2334 : Contemporain plus jeune de suint Jérôme (environ 380-450), H est loyal, s’informe à des sources sûres. qu’il ne suit pas aveuglément, mata critique : · Socrato sc présente avant tout comme un historien d'une haute conscience. > Π y a bien des chances qu’il ait vérifié lui-même ce point dans le texte d'Origènc. Le mol Ûcotôxoç se trouverait déjà chez Aristide et HipJ polytc, mais on y voit souvent des interpolations postérieures ; voir la dis­ cussion dans Fr. J. DOlgbr, Antikc tmd Chrislenlum, I, p. 119 ci fV, p. 1521 De mémo C. Vagaggini, op. eit., p. 106, note 35 ; Fr. Fâsslbr, Der //o^ios-] Btgrift bd Orlgenes, Paradosis, XIII, Fribourg, 1958, p. 48, note 5. 2. /n Ex. hom., VI. 12 (voir SC 16, p. 163 : P. Fortier). De même Inj Jos. horn., XVII, 1, SC 71. p. 371 (A. Jaubert). 3. PG 14, 1304 B. 4. Evsède, Histoire EedMastlque. V. χχνιπ, SC 41. p. 71 (Bardy). MARlOLOGiE O ORlGÈNE 23 peu après la mort, de l'Alexandrin, Paul de Samosate 12; on peut ajouter ceux qui refusaient la préexistence du Christ dans le Logos, Gaius et ses Aloges *. Contre eux Origène avait trouvé la formule concise qu’Athanasc utilisera contre les Ariens : « ούκ ϊστιν ors owe ην, il n'y a pas de moment où il n’était pas 3456. » Deux erreurs sont particulièrement mentionnées dans le texte cité plus haut. En ce qui concerne les Valentiniens, la principale des écoles gnostiques, grands adversaires d’Origène *, ce fragment est le seul passage qui leur attribue la négation de la conception virginale. Il n'en est pas de même des Ébionites, judaïsants attardés qui niaient la divinité du Christ. Ils se donnaient à eux-mêmes le nom de pauvres, Ebion en hébreu, pauvres, plaisante Origènc, < dans la foi en Jésus 1 ». Pour eux la Vierge Mère est un signe de contra­ diction, car ils prétendent que Jésus « est né de l’homme et de la femme, de la même façon que nous · ». Leur argument, c’est qu’il « tire son origine de David 7 ». En effet Jésus est appelé fils de David par l’Évangile : or c’est Joseph qui descend de David, l’Écrlture ne parle pas de Marie ; donc Jésus est fils de Joseph. Ce raisonnement est exposé et réfuté, sans mention des Ébionites, dans le Commentaire, sur l’ÉpUre aux Romains. « Certains nous demandent avec passion comment il peut se faire que le Christ descende de David, alors que selon la Bible il n’est pas né de Joseph, puisque la généalogie qui part de David aboutit à Joseph. 1. Ibid.. VII, xxvn-xxx, SC il, 211-220. Dans le premier concile qui fut réuni pour juger cet évêque d’Antioche figurent quatre disciples directs d’Origène. Flnnilien Vient alors le curieux raisonnement basé sur la préexistence des âmes, que nous avons étudié plus haut * ] 1. 2. 3. 4. C. Ctls., I, 28, GCS 79, 20 (Koctschau). Ibid., I, 29, GCS 80. Ibid., I, 32, GCS 83, 16. Ibid., I, 32-33. GCS 8-1. 8. || | ’ MARIOLOGIE D ORIGÈNE 27 Origène reproche ensuite à Celse de n’avoir pas rnis la discussion, puisque c’est un Juif qui parle, sur la prophétie de la Vierge qui doit enfanter, selon Isaïe Ί, 10-14 ; en fait, si Celse n’en parle pas, c’est qu’il ne la connaît pas, lui qui prétend tout savoir du christianisme *. Origène expose alors les objections des Juifs à l’interprétation matthéenne du passage : « Si un Juif en subtilisant dit qu'il n'y a pas dans le texte : Voici la vierge (xaplfro:), majs ; Voici la jeune fille (vrivt;), nous répondrons que le mot Alma, que les Sep­ tante ont traduit par vierge, que d'autres ont rendu par jeune fille, est employé, comme j|$ le disent eux-mêmes, par le Deutéronome 2 à propos d’une vierge. » Les traductions grecques de la Bible qui ont paru après le Christ, celles de Symmaque, Aquila et Théodotion, versions qu’Origène connaît bien, car il les a collationnées dans scs Hexaples, ont remplacé par le πα&βΐ./Ος des Septante, un peu pour ôter aux chrétiens le bénéfice de ce texte, dans lequel ils lisaient, à la suite de Matth. 23, la prophétie de la conception virginale : vs«vi< peut se traduire par o jeune femme » aussi bien que par ·> jeune fille ». L’hébreu aima est mieux rendu par vwvij, au sens de e jeune fille », car il ne met pas l’accent sur la virginité, mais Sur ja nubilité. La méthode d’Origène, citant le Deutéronome pour établir le sens du mot, paraît impeccable ; cependant le passage en question, comme le remarque Dom Vagaggini », ne contient pas aima, mais belhoula, qui est la traduction exacte de vierge I Ori­ gène avait-il un autre texte ? C’est pourtant bien bethoula que nous lisons encore dans les débris qui restent de ses Hexaples *. Faut-il penser alors que cc grand savant n'a pas vérifié de trop près ? Isaïe ne dit pas que la vierge restera vierge en concevant, mais seulement que celle qui est actuellement vierge conce­ vra. Tel n’est pas l’avis d’Origène qui se met à interpréter le passage dans son ensemble. Quel est le signe promis à 1. Ibid., I. 34. GCS 85. 16. 2. Dent. 22, 23-24. 3. Op. dt, p. 74. •1. PG 15, 875. Ort soit que la discussion <æ trouve déjà chez Justin dans le Dialogue avec Tryphon. 28 INTRODUCTION Achaz ? Pour I’Alcxandrin, ce doit être un miracle, car le mot βημιΐο·/ a les deux sens, a Quel signe y a-t-il si une vcSvt® qui n'est pas vierge enfante ? Et à qui convient-il mieux d’engendrer Emmanuel, c’est-à-dire Dieu parmi nous, à une femme qui a eu des rapports charnels et qui conçoit par suite de ses passions de femme, ou à une autre qui est pure, chaste et vierge ? C’est à cette dernière qu’il appartient d’en­ gendrer l’enfant qui sera appelé Dieu parmi nous l. » La dignité divine exige donc que l’enfant ne naisse pas de rap­ ports charnels ; l’acte conjugal le plus légitime comporte en effet pour notre auteur une souillure, quoique non peccamineuse. La virginité de Marie est intimement liée à la divinité de Jésus : Dieu seul pouvait naître d’une vierge, et inversement seule une vierge devait être choisie pour mettre dignement Dieu au monde 23. Plus loin Origène revient au texte de VAlèthès Logos : « Il ne parait pas nécessaire de lutter contre des arguments que Celse ne présente pas avec sérieux, mais pour se moquer. Est-ce que la mère de Jésus était belle pour que, à cause de sa beauté, Dieu ait voulu avoir rapport avec elle, alors qu’il ne peut pas par nature aimer un corps corruptible ? 11 n'était pas vraisemblable que Dieu l’aimât, puisqu’elle n’était pas fortunée, ni de naissance royale, et que personne ne la connaissait, pas même scs voisins. Il continue à plai­ santer en disant que, lorsque le charpentier se mit à la détester et à la chasser, ce n’est pas la puissance divine qui l’a sauvée, ni sa parole persuasive. Tout cela, dit Celse, est inutile pour le royaume des cieux. d A ces propos pénibles sur la Mère de Jésus, Origène réplique : « En quoi cela diffèrc-t-il des grosses plaisanteries qui se débitent dans les carrefours, et qui ne méritent pas d’être prises au sérieux * ? » La haine passionnée de Cclse pour le christianisme l’empêche de discuter méthodiquement et raisonnablement l’histoire de la conception virginale 4. 1. 2. 3. 4. C. Cels., I, 35, GCS 80. 22. Ibid., GCS 87, 1. Ibid., I, 39, GCS 90, 11. Ibid., ï, 10, GCS 90, 22. MARIOLOGIE b'ORIGËNK 29 Mais Celse tient à ce sujet et il en parle de nouveau, a Celse se répète et revient sur tout ce qu’il a dit plus haut, sur ses moqueries à propos de la naissance virginale de Dieu moqueries auxquelles nous avons répondu dans la mesure de nos possibilités. Il dit : Si Dieu voulait envoyer sur terre un Esprit sortant de lui, pourquoi lui fallait-il le souffler dans le sein d’une femme ? Il savait déjà façonner des hommes : il pouvait donc modeler un corps et ne pas envoyer son propre Esprit dans une telle souillure. Dans ce cas-là on aurait cru en ce dernier, puisqu’il aurait été semé directement d’en haut. » Cette objection manifeste le mépris du Grec pour le corps, qui rendit, si difficile la foi en la Résurrection, et même en la réalité de l’incarnation, comme on a pu le voir avec les Docètes. Origène répond : « Il a parlé ainsi, parce qu’il ne comprenait pas combien virginale et pure, indemne de toute souillure, a été la génération du corps qui devait servir de salut aux hommes. Bien qu’il ait exposé la doctrine stoïcienne et qu’il ait réellement appris l’existence de choses indifférentes, il croit que la nature divine a été jetée dans la fange et s’y est souillée, lorsqu’elle est entrée dans un corps de femme pour s’y former un corps, ou lorsqu’elle a assumé un corps. Il fait comme ceux qui pensent que les rayons du soleil sont salis par les bourbiers et les objets malodorants et qu’ils n’y restent pas purs » L’Alexandrin oppose donc à Celse la conception stoïcienne du mariage comme chose indifférente, qui n’est moralement ni bien ni mal. La prend-il à son compte, ou est-ce pour lui, comme très souvent dans le Contre Cel.se, un argument ad hominem ? Nous avons étudié, surtout à travers le Commen­ taire sur Matthieu et les fragments qui restent du Commen­ taire sur la Première Épilre aux Corinthiens, sa doctrine du mariage et celle de la virginité, qui sont remarquablement développées. En dépit d’un certain pessimisme de la chair, qui entache d’une souillure, difficile à définir, l’acte conjugal, 1. Origène reprend tel vraisemblablement l'expression de Celse : pour lui ο ίως est 1c nom propre du Père, le Fils est Ûeô; sans article ; il possède la nature divine qu’il tient du Père. Voir In Jo. com., Il, 2, GCS 54, 12 (Preuschen). 2. C. Cels.9 VI, 73, GCS 112, IG. 30 INTRODUCTION il a pleinement saisi le caractère sacré du mariage. S’il rcfust d’accorder à son adversaire que la nature divine ait pu êtri salie par son séjour dans la chair, il ne nie pas directemenÎ que la chair ne constitue d'une certaine façon une souillure il semble plutôt l’accepter. Mais sa conception du corp! présente un aspect antithétique : le corps est le temple di Saint-Esprit, dans lequel Dieu réside, par i'intermédiairt de l’âme faite à son image, l’âme qui est le prêtre de ce sanc­ tuaire x. Le mal n'est pas dans la matière, qui constitue ai plus une tentation. L’être matériel est l’image des réalité! suprêmes, il doit diriger vers elles l’âme contemplative. L( péché essentiel, c’est d’arrêter à l'image l’élan de l’intclli gencc, brisant ainsi son dynamisme naturel, c’est d’accor­ der au symbole les hommages destinés à son modèle. Origène parle fréquemment de la concep­ Signification tion virginale. Le corps de Jésus, celui qu’il de la a reçu de la Vierge, est distingué d’un autre conception corps dont il est l’image, Γ Église : tous deus virginale. peuvent être dits des Temples 12 En Jésus il y a le Logos-Dieu et « ce qui fut reçu de la Vierge 3 n. Jésus n’est pas né comme tout enfant ex viro per mulierem, mais ex muliere, car il tire de Marie son unique origine charnelle 45. Le sens spirituel de la naissance virginale rejoint celui du tombeau neuf où son corps fut déposé : a Comme sa généra­ tion avait été plus pure que toute autre génération, car il n’est pas né d’une union charnelle, mais d’une vierge, sa sépulture a eu la même pureté, manifestée symboliquemcnl par le fait que son corps fut déposé dans un tombeau neuf installé sous le roc : ce n’était pas un tombeau édifié avec des pierres brutes, sans unité naturelle, il était creusé dans un unique rocher, tout d’une pièce, équarri et taillé s. » Dans les Séries sur Matthieu Origène rapporte, au sujet 1. Telle est la raison essentielle de la chasteté clirétiennc, dont Origène présente une doctrine toute positive : voir infra. 2. In Jo. com., X, 39, GCS 215, Il (Preuschen). 3. Fragment sur Jean, XL, GCS 515, 22 (Preuschen). ■i. In Hom. com., I fl, 10, PG 1-1, 956 C ; voir p. 14. 5. C. Celt., Il, 69, GCS 191. 11 (Koetschau). MARIOLOGIB DORIGÈNE 31 de Zacharie, père du Baptiste, une légende qu’il a lue dans un apocryphe. Quel est ce Zacharie, fils de Barachie. « que vous avez, tué en plein milieu du temple et de l’autel1 » ? Serait-ce le petit prophète ’? Non. c’est le père de Jean. Suivant un fragment grec que confirme la version latine, « il est venu jusqu’à nous une tradition soutenant qu’il y avait dans le temple un lieu où les vierges avaient la permission d’entrer pour adorer Dieu : mais cette autorisation ne s'éten­ dait pas à celles qui avaient déjà expérimenté la couche de l’homme. Marie, après avoir mis au monde le Sauveur, vint adorer dans le temple et se tint dans le lieu réservé aux vierges. Or ceux qui savaient qu’elle avait engendré voulaient l’empêcher d’y rester : Zacharie intervint en leur disant qu’elle avait le droit d’être dans le lieu des vierges, car elle était encore vierge. Mais comme transgresseur mani­ feste de la Loi, pour avoir permis à une femme de pénétrer dans le lieu des vierges, iis le tuèrent en plein milieu du temple et de l’autel, ceux qui appartenaient à cette génération-là23 .« Avec l’habitude qu’il a de s’arrêter à chaque détail du lan­ gage, sans tenir compte trop souvent du contexte littéraire, Origène trouve dans cette légende une bonne explication du texte. Comment Jésus pourrait-il dire en effet du prophète mort depuis longtemps : < Que pous avez tué » ? C’est aux assassins memes qu’il s’adresse. L’Alexandrin ne voit pas que le vous s’applique au peuple juif dans son ensemble. Marie n’a conçu cependant que sous l’impulsion d’une force venue d’en haut. C’est l’âme préexistante, ombre du Verbe. C’est aussi le Verbe qu’elle a vêtu de chair’ et il est parfois représenté s'unissant à cette chair, sans qu’il soit question de la « médiation 45» de l’àme. De même qu’il est allé se faire entendre d’Ézéchiel, fils de Buzi, « le Verbe de Dieu est venu à celui qui naissait de la Vierge, c’est-à-dire à l’homme, le Verbe qui demeure toujours dans le Père, afin que les deux réalités n’en deviennent qu’une’, et que 1. 2. 3. 4. 5. Afo«h. 23, 35. In Maith. com. .ter. 25, GCS 42, 27 (Klostcnnann-Benz). In /-cp. horn., I, 1. GCS 280, 5 (Bachrcnt). F. .4re/i., II. G. 3, GCS 142, 11. lïphés. 2, I I. 32 INTRODUCTION l'homme, qu’il avait revêtu comme symbole du salut de toute l’humanité, soit associé à sa divinité et à la nature du Fils Unique de Dieu 1 ». Une autre Personne a son rôle dans la génération du Verbe, l’Esprit-Saint. Origène affirme souvent que l’enfant fut conçu de la Vierge et du Saint-Esprit, avec la même préposition pour désigner l’action de chacun : on peut le constater dans les traductions latines et dans les textes grecs indiscutables 23 . Cette descente du Verbe et de l'Esprit en Marie est la source principale de sa sainteté et de son action apostolique. L’Homélie VIII sur le Léoitique, â propos de Léo. 12, 1-2, sur l’impureté de la femme < qui a reçu la semence et engen­ dré un enfant mâle », se demande, puisqu’il n’y a rien d’inu­ tile dans l’Écriture et que chaque détail recèle une profon­ deur de mystère, quelle idée avait le législateur en écrivant la première partie de ce texte, car la seconde la suppose. C'est que Marie devait mettre au monde un enfant mâle sans semence d’homme : Moïse la déclarait indemne de toute impureté et non sujette à la loi. « C’est une exception mys­ térieuse qui met Marie à part de toutes les femmes, parce qu’elle a enfanté sans semence d’homme, par la présence de l'Esprit-Saint et de la Puissance du Très-Haut » Cette souillure dont la Vierge est préservée, c’est celle de l’union conjugale. Origène en voit la preuve dans le précepte du Çévitique. Elle oblige les époux à se séparer pour un temps d’un commun accord lorsqu’ils veulent vaquer à la prière 456, recevoir l'eucharistie », s’adonner aux jeûnes liturgiques Mais elle n’a rien de peccamincux, elle n’adhère en quelque sorte aux époux que dans le temps de leurs rapports, elle ne les empêche pas de présenter au Seigneur leurs corps 1. In Ez. hom., 1, 10, GCS 333, 20 (Baehrens). 2. P. Arch., I, praef. 8, GCS 10, 10 (Koetschan) ; /ri Jo. com., XXXII, 10, GCS -152. 1 (Preusehén) ; In Maith. com.. XVI. 12, GCS 511, 30 (Klostermann-Bcnz). 3. In Uv. hom., VIII, 2, GCS 396, 3 (Baehrens). -1. Suivant I Cor. 7, 5, souvent commenté : par exemple le Truite· de la Prière, XXXI, 4, GCS 398. 5 (Koetschan). 5. Voir le fragment sur 1 Cor., XXXIV, dans JThS IX, 501. 8 (Jenkins). 6. Ibid., ligne 33. MARI0L0G1K û’ORiGÈNE 33 comme une hostie vivante, sainte, agréable à Dieu x. Ils ne peuvent cependant pas offrir un sacrifice perpétuel, leurs relations conjugales l’interrompent1 23 45*7. Bien qu’elles ne soient pas péché, le Saint-Esprit n’y préside pas, même quand elles sont accomplies par un prophète La grâce du mariage vient-elle de l'Esprit-Saint ? Origène le nie dans un texte *, pour l’affirmer cependant, et magnifiquement, dans un autre s. Cette théologie origénienne du mariage, pleine d’antinomies, tantôt exaltante tantôt déprimante, souvent inassimilable pour un moderne, parfois aussi lui découvrant de grandes richesses spirituelles, a marqué, avec celle de la virginité, la tradition postérieure : elle permet de situer la conception virginale dans son contexte de pensée. Parce qu’il est né d’une Vierge, Jésus est exempt de la concupiscence qui souille les enfants dès leur naissance. Suivant l’Apôtre ·, il ne porte pas une « chair de péché », mais « une ressemblance de chair de péché ». Origène utilise ces termes sans intention docétique : le mot ressemblance ne porte pas sur chair seule, mais sur l’expression globale chair de péché. Cette exemption a pour cause l’union par­ faite qui joint l’âme de Jésus au Verbe, l’assimilant à lui, comme le fer dans le feu devient feu ’. Mais il y a un lien étroit entre la divinité, l’absence de concupiscence et la conception virginale. En effet Origène, manifestant, ou peutêtre inaugurant, une tradition que l’Église mettra longtemps à extirper et qui rendra l’immaculée Conception inaccep­ table à des théologiens vénérés parmi les plus grands, voit l’origine de la concupiscence dans le fait d’être né d’une union charnelle. 1. In Rom. com., IX, 1, PG 14, 1205 AB. 2. In Num. hom.. XXIII, 3, SC 29. p. 441-442 (Mttiat). Cette souillure n’existe que · d’une certaine façon (πως) >, ce n’est qu’« une certaine (rive) impureté · : /η Afattfi. com., XVII, 35, GCS C99, 10 (Klostermann-Benz). 3. In Num. hom.. VI, 3. SC 29. p. 129-130 (Méhat). 4. Fragment sur Horn·, HI, JThS XIIT, 213, 1 ÇKamsbotham). 5. Fragment sur I Cor.. XXXV. JThS IX. 503. 40 (Jenkins). G. Rom. 8» 3. 7. P. Arch., Il, 6, 6. GCS 145, 17 (Koetschau). Ohioène, S. Luc. 3 34 INTRODUCTION Un fragment grec du Commentaire sur l'Épttre aux Romain: déclare : « La chair du Fils de Dieu n’était pas péché, mai! ressemblance, parce qu'elle n'était pas née de la semence di l’homme et de la femme se rencontrant dans le sommeil *■. A deux reprises la traduction de ce Commentaire par Ruhr développe le meme raisonnement 12. Pareillement l’Homélù XII sur le Léoltiquc : a Tout enfant qui pénètre en ce mondi est d’une certaine façon souillé... Par le fait qu’il a séjourm dans la matrice de sa mère et qu’il a tiré l’origine de Si matière corporelle de la semence du père, il peut être dit souillé dans son père et dans sa mère 3... Seul Jésus moi Seigneur est entré pur dans cette génération, sans être souilh par sa mère. Il a pénétré dans un corps non contaminé45 6.. Il n’a pas été souillé par sa mère ni par son père. Car Josepl n’est pour rien dans sa conception, il ne lui a donné que sei services et son amour ; et c'est pourquoi, à cause de ses ser vices fidèles, l’Écriture lui a accordé le titre de père4. » Pourquoi Marie Ori,iènc précise souvt'"t qUe JoscP1 était-elle mariée ? ” csl Pas le Pêre, ,'’ùsus ’· Pour quoi sa mère fut-elle mariée ? Dan! VHomélie VI sur Luc, suivant un fragment grec et la ver sion hiéronymienne7, il cite un mot de saint Ignace d’An­ tioche, qui sera repris dans la tradition postérieure : Dieu t voulu cacher à Satan la conception virginale, et par consé­ quent la divinité de l’enfant. Le Seigneur est resté fidèle i cette conduite pendant toute sa vie terrestre, car s’ils avaient su ce qu’il était, les démons ne l’auraient pas fait crucifier consommant leur défaite dans une apparente victoire. Lt thème de l’ignorance ou de l’inconnaissance des anges déchu! en ce qui concerne l’ordre du salut la seule science qui intéresse notre auteur — est fréquent sous sa plume : en effet 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Fragment sur Rom., XLV, JThS XIV, 17, 8 (Rumsbottinm). In Rom. com., V, 9 ; VI, 12 (PG 14, 1046 C ; 1094 C). Cf. Léo. 21, 11. Cf. Sag. 8, 20. In Leu. hom.. XII, 4, GCS 460, 8 (Baehrens). Ibid, ligne 19. In Jo. com., XXXII, 16. GCS 152, 5 (Prcuschcn). Horn. VI, 4. Citation d’Ignace tirée de l’Êpitre aux Ëphisicns, XIX, 1. MAR10L0GIK d'ORIGÈNE 35 des conditions morales s’imposent impérieusement à qui veut connaître Dion et les réalités célestes. Un fragment sur Luc ajoute un autre motif plus prosaïque : c’est afin que Marie « ne fût pas lapidée, pour avoir perdu sa virginité o 3. Marie est toujours restée vierge. Origène possède une doctrine de la virginité qui a pro­ fondément marqué les débuts du monachisme : les noces du Christ et de l’Églisc, dont le mariage chrétien est un sym­ bole qui se réalise dans la chair, s’accomplissent par celles du Verbe et de l’âme. Il a inauguré cette exégèse individuelle et mystique du Cantique *. Mais l’union de l’âme avec le Verbe s’opère plus complètement dans la virginité : celle-ci en clfet est supérieure au mariage, parce qu’elle ne figure pas seulement les noces de l’Églisc avec le Christ, mais qu’elle les fait progresser. Le célibat voulu pour Dieu est la prolongation en ce monde de l’état paradisiaque, la prophétie de l’état eschatologique de la Résurrection. La virginité n’a de valeur que jointe aux autres vertus, inspirée par l’amour spirituel de Dieu recherché par-dessus tout : alors elle libère l’homme, qui peut s’adonner entièrement au service divin ; la chasteté du corps a en effet pour but celle de l’âme. Entre Dieu et celui qui est vierge il y a un don réciproque. Il faut en effet pour cela une grâce, un charisma, qui vient de Dieu, sans lequel la virginité ne saurait être gardée : c’est la Pre­ mière Personne qui la conserve, c’est le Fils qui l’opère, retranchant les passions avec le glaive qu’il est lui-même, et, en tant que charisme, elle constitue une participation au Saint-Esprit. La prière et la mortification lui sont donc nécessaires : elles sont les éléments du sacrifice que, dans le sanctuaire du corps, l’âme, prèlrc de ΓEsprit-Saint, offre à Dieu. La virginité dépasse l’ordre du précepte : elle est 1. Sur Le 1» 26-27 : et /r. 11. Fragment considéré comme douteux par C. Vagaggini, <>p. ett.» p. 21-23. 2. Dans le Nouveau Testament et dims le Commentaire d'Hippolyle de Rome, antérieur à celui d'Origènc» on ne trouve que l'aspect collectif et ecclésial. Voir l'introduction d’O. RofSSP.AU aux Homélies sur le Cantique des Cantiques. 37» p. 13-17. 36 INTRODUCTION du surérogaloire. Enfin clic est féconde en fruits spirituels : à l'exemple de Marie celui qui la professe engendre plus parfaitement Jésus en son âme *. I a virginité ’^u C°mmenta're sur dans a V r* un passage célèbre, Origène déclare que pou pm um. e ^.jarje n>a pas cu (i’ailtre fils qUe Jésus, selon ceux qui pensent sainement (ί>γ«ώί) d’elle 8 ». Cet adverbe indique-t-il seulement qu’une telle croyance est convenable et pieuse, pic creditur 2 Nous avons étudié, à partir des tables de l’édition de Berlin, les mots ύγιής et ί>γ·.ώς dans toute l’œuvre origénienne. Ils ont quelquefois un sens moral, mais dans la plupart des textes ils pourraient se traduire par « véridique » ou » véridiquement ». Ils s’appliquent soit aux opinions vraies tenues par les philosophes, soit, le plus souvent, aux doctrines reconnues vraies par 1* Église ; cet enseignement « sain » est opposé parfois à celui des héré­ tiques ou même identifié explicitement à la règle de foi : « Lorsque tu communies à la règle de ΓÉglise (λλ-.χ τόν έχχληβίασπχόν χανό/α), à l’intention (πρόθ»σιν) de la saine doc­ trine (τηί Ογιοΰς δώχσχαλΐαί), non seulement lu te circoncis, mais tu le fais pour Dieu ’. » La virginité perpétuelle de Marie semble donc être pour Origène partie intégrante de la foi chrétienne : dès la période alexandrine de sa vie l’opi­ nion opposée lui paraît insoutenable pour un chrétien qui veut penser avec l'Église *. Parmi les fragments sur Jean édités par E. Preuschen on lit de même : a Beaucoup se demandent comment Jésus eut des frères, puisque Marie est restée vierge jusqu’à sa mort ·. II n’avait pas de frères par nature, car la Vierge n’avait pas d'autres enfants et il n’était pas lui-même fils de Joseph. 1. Los références seront données dans l’étude que nous publierons plus tard sur la doctrine origénienne du mariage et de la virginité. 2. In Jo. com.. I. 4» GCS 8, 20 (Preuschen). 3. In Jcr. horn.. V, 14. GCS 43, 33 (Klostcrmann). 4. Dom Vagagghii nous parait un peu minimistc quant ù la < note théo­ logique · de cette opinion selon Origène : clic nous semble pour lui. si Ton peut ainsi s’exprimer, au moins proxima fldei. Voir C. Vagacgini, op. ci/., p. 133. 5. Cette phrase ne se trouve pas dans une partie des témoins. MAKJOLOGIE D ORIGÈNE 37 Ils étalent appelés scs frères selon la Loi, et ils étaient fils de Joseph et d’une première femme défunte x. » La mention des frères de Jésus par l'Évangile est l’occasion de la plu­ part des textes qui affirment chez Origène la virginité per­ pétuelle de Marie : il voit toujours en eux des fils nés à Joseph d’un premier mariage *. Un autre texte date du début de l’installation à Césarée : c’est l’Homilie VII sur Luc, selon un fragment grec et la traduction de Jérôme ·. Certains hérétiques prétendent que Marie n’est pas restée vierge. Ils devaient prendre prétexte de la péricopc de Matth. 12,46-50 : « Qui est ma mère et qui sont mes frères ?» et l’interpréter comme un reniement : de là à soutenir que Marie fut reniée à cause des frères en ques­ tion, il n'y avait qu’un pas. Mais qui professait cette opi­ nion ? Le texte montre bien qu’un personnage précis est visé. Serait-ce Marcion ? Th. Zahn le refuse 4 avec le rai­ sonnement suivant : l’hérésiarque niait que Jésus fût vrai­ ment né de Marie ; le Seigneur ne pouvait donc pas la blâmer d’avoir mis au monde des enfants de Joseph. L’ar­ gument n’est peut-être pas aussi fort qu'il le parait : Marie aurait en effet servi d’instrument à une naissance apparente, ou mieux, elle aurait rempli le rôle habituel de réceptacle que les anciens attribuaient à la inère ; ne serait-ce pas suffisant, à cause de la dignité divine, pour fonder le reproche ? Le candidat de Th. Zahn est Tertullicn. Mais il est douteux qu’Origène ait connu ce dernier et il faut remarquer, avec Dom Vagaggini 8, que l’opinion censurée ne correspond pas tout à fait à la sienne. Si, d’après lui, Marie a été reniée par Jésus selon Matth. 12, 48, c’est à cause de son incrédulité, car il lui applique ce qui est dit des frères de Jésus en Jn 7, 5 ’ ; que Marie ait vécu marita1. Fragment sur Jean, XXXΓ, GCS 506, 20 (Preuschen). 2. Voir sur les frères de Jésus la note de M. J. Lagrange, L'Évangile selon saint Marc, Études Bibliques, p. 72·89 : les textes ne favorisent guère la solution d’Origènc, tout semble plutôt montrer des cousins. 3. Horn. VU. 4. •I. Th. Zahn, · Die Prcdigtcn des Origenes ûber dus Evangelium des Lukas ». Neue kirchlUhe Zeitschrift, XXII (1911), p. 262. 5. Op. ci!., p. 131-133. 6. De carne Christ/, VIT; Adiwsws Morcioncrn, TV, 19 (PL 2,767B;401-406). 38 INTRODUCTION lement avec Joseph apres la naissance, cela ne fait pas de doute pour Tcrtullien, qui considère la chose comme louable et non blâmable. Les deux textes où l’Africain explique ainsi Matth. 12, 48, sont empruntés à sa polémique antimarcionitc et confirment plutôt que Marcion est le person­ nage visé par Origène. L’argumentation de ce dernier est forte, mais elle ne prouve pas directement la perpétuelle virginité de Marie, elle établit seulement l’impossibilité d’un reniement par son Fils. Si le Saint-Esprit, parlant par la bouche de la prophétesse Élisabeth, a porté un tel témoignage sur sa sain­ teté, supérieure à celle de toutes les autres femmes à cause de la bénédiction divine, comment supposer qu’elle ait pu déchoir jusqu'à être reniée par le Sauveur ? Il ne dit pas ici que la virginité perpétuelle est une partie intégrante de cette perfection — il le fera ailleurs mais il considère que la foi de l’Église sur ce point est assez nette pour que la preuve du contraire incombe aux adversaires : or ces der­ niers sont incapables de montrer à partir des Écritures ce qu’ils avancent. L’opinion concernant les frères de Jésus est la même que dans le fragment cité plus haut : ce sont des fils de Joseph nés d’une première femme. Un quatrième passage se trouve dans le Commentaire sur Matthieu, œuvre de la vieillesse de ('Alexandrin. Les gens de Nazareth pensaient, des quatre frères de Jésus 1 < qu'ils étaient fils de Joseph et de Marie. Certains disent que les frères de Jésus sont des fils que Joseph avait eus d’une première femme, avec qui il avait vécu avant d’épouser Marie : ils se basent pour cela sur une tradition venant de l’écrit qui a pour litre VÉvangile selon Pierre et du livre de Jacques 2 ». Origène cite donc ses sources, des apocryphes. Il a une opinion ferme sur ces ouvrages : ils contiennent peut-être des renseignements valables, il ne faut pas les rejeter a priori, mais éprouver ce qu’ils disent avec tout son esprit critique, car certains viennent d’hérétiques ; il les distingue avec netteté des livres officiels, qui représentent 1. Matth. 13. 55. 2. In Matth. com., X, 17, GCS 21, 2G (Klosterniann-Benz). MARI0L0G1E DORIGÈNE 39 notre canon actuel, y compris les deutéro-canoniques, avec des hésitations sur quelques points l. Le texte continue : o Ceux qui disent cela veulent conserver jusqu’au bout la dignité qui vient à Marie de sa virginité, afin que le corps qui avait été jugé digne de servir d’instrument à l’accomplis­ sement de cette parole : l’Esprit-Saint viendra sur toi et une Puissance du Très-Haut t’ombragera 2, ne connût pas la couche de l’homme, après que furent entrés en elle l’Es­ prit-Saint et la Puissance venant d’en haut qui l’a ombragée. Et je pense que l’on peut dire avec raison que, si Jésus a été pour les hommes les prémices de la pureté et de la chasteté, Marie le fut pour les femmes. Il ne serait pas convenable d’attribuer à une autre qu’à elle les prémices de la virgi­ nité 3. » La venue de l’Esprit-Saint et de la Puissance du Très-Haut, c’est-à-dire du Verbe, a donc apporté à Marie une grâce si extraordinaire qu’il est inconcevable qu’elle ait connu ensuite la couche de l’homme. La raison de sa virgi­ nité perpétuelle, c’est la sainteté suréminente causée par la descente des deux personnes divines. Marie est restée vierge comme son Fils est resté vierge, tous deux sont pour chacun des sexes les modèles de la chasteté : la Mère dans cette vertu est étroitement unie à son Fils. Un fragment sur Luc étend à « toute âme vierge » la joie causée par la bénédiction qu'a reçue Marie 456. Un fragment sur Matthieu, commentant Matth. 12, 46-50, la péricope du prétendu reniement, s’exprime de même : « Toute âme vierge et incorrompue, ayant conçu du Saint-Esprit pour engendrer la Volonté du Père, est la mère du Christ 4. » L’authenticité des idées que contient ce morceau est cer­ taine. La Volonté du Père est le Verbe, engendré par lui comme la volonté qui sort de l’intelligence ’ ; l’idée de la 1. Voir J. Ruwet, « Les Antilegonicna dans l’œuvre d’Origène », ViMica, XXIII (1942), p. 18 ; XXIV (1943), p. 18; · Les Apocryphes dons l’œuvre dOrigtac », Ibid., XXV (1944), p. 143, 311. 2. Le 1,35. 3. In Maith. com.. X» 17, GCS 21,29 (Klostcmuuui-Bcnz). 4. Sur Le 1, 28. cf. /r. 12. 5. Fragment sur Matthieu, 281, GCS 126 (Klostermann-Bcnz). 6. Voir Tfiéoloflîc de ΓImage de Dieu,.., p. 90-94. 40 INTRODUCTION naissance et de la croissance du Logos en chaque âme est un des grands thèmes de notre auteur. On a vu qu’il donnait sa signification spirituelle à la maternité de Marie : ici la virginité s’y ajoute. Ce passage dégage la valeur symbolique de la conception virginale : il montre comment le chrétien peut imiter sur ce point la Mère de Jésus, comment elle peut être dite les prémices aussi bien de la virginité que de la maternité. Car la virginité est féconde. Après Origène, et même un peu avant lui PU*S(IUC l’idée est déjà contenue dans le Protêoangile de Jacques et l’Apocryphe d’Ézéchiel et qu’elle semble apparaître chez Clément d’Alexandrie, on considère que la virginité perpétuelle de Marie enveloppe l'affirmation de son « intégrité physique :■ dans l’enfante­ ment, la sortie de l’enfant ayant laissé miraculeusement intact le signe corporel habituel de la virginité. Origène a-t-il quelque opinion là-dessus ? Examinons d’abord une question subsidiaire, mais liée à celle-là. L’Homélie VIII sur le Léotllque montre que Marie n'a subi aucune souillure parce qu’elle n’a pas conçu de la semence de l’homme. Si Paul l’appelle femme dans Gai. 4, 4, l'expression doit être prise non pro corruptela, sed pro sexus indicio. L’impureté de la mère n’est donc pas à entendre selon ce texte de l’accouchement lui-même, mais des contacts charnels qui ont entraîné la conception l2. Mais Origène semble apparemment d’un autre avis dans V Homélie XIV sur Luc, quand il explique la purification de Marie après la naissance de Jésus. Le texte sacré, auquel il s’attache sou­ vent avec un littéralisme outré, l’oblige à admettre que non seulement Marie, mais encore Jésus, ont eu besoin de puri­ fication ». On doit donc trouver une souillure qu’ils aient l’un et l’autre contractée : c’est celle de la condition charnelle. Origène en voit la preuve, en ce qui concerne le Seigneur, dans une exégèse allégorique de Zach. 3, 3 : « Jésus était vêtu de vêtements sales » ; négligeant Je grand prêtre Jésus La virûin'té in nai'iit 1. In Leu. hom., VIII. 2, GCS 395, 4 (Bachrens). 2. Le 2, 22 : < leur purifient ion ». MARIOLOGJE DORI GÈNE 41 ou Josué, fils de Josédec, il monte au Christ dont il est l’ho­ monyme et la figure, et lit dans cette phrase la prophétie de la souillure que Jésus accepte en prenant corps ; il polé­ mique alors àprement contre les hérétiques qui lui attribuent un corps céleste l2 . L’impureté de Marie doit donc être inter­ prétée de la condition charnelle comme celle de son Fils : elle n’a rien à voir avec l’enfantement et il n’y a pas de contradiction avec le passage précédent qui ne parle pas de la même chose. Un peu plus loin, la même Homélie XIV sur Luc, suivant un fragment grec et la version latine, explique l’expression : « Tout enfant mâle qui ouvre la matrice » Ce texte ne peut s’appliquer qu’au Christ ; dans la naissance des autres enfants la matrice est déjà ouverte par les rapports charnels qui ont entraîné la conception 3. Origène n’a donc pas la moindre idée d’une liaison quelconque entre la virginité de Marie et la mise au monde de Jésus, il ne voit pas dans l’intégrité corporelle de l’hymen une condition de la virginité perpétuelle, qu’il affirme par ailleurs si fortement. Dom Vagaggini voit ici l’influence du De carne Christi de Tertullien4. La comparaison des deux textes semble exclure cependant une relation directe. En effet l’intégrité physique n’entre en rien dans le concept origénien de la virginité, puisque l’Alexandrin peut affirmer à la fois la reserat io vuluae dans l’enfantement et la virginité perpétuelle. Telle n’est pas la position de son contemporain latin : Marie a conçu Jésus virginalement, mais, puisqu’elle l’a engendré, elle n’est plus vierge. Il va jusqu’à écrire : et si virgo conce­ pit, in parla suo nupsit. C’est contre une position aussi absurde que les Pères postérieurs affirmeront la virginité in parta. Mais saint Jérôme n’avait sans doute pas encore d’idée bien précise à ce sujet lorsqu’il traduisait les homélies : sa fidélité en est un indice, car il n’a pas de scrupule exagéré en fait de traduction 5. 1. 2. 3. 4. 5. Hom. XIV, 3. Ex. 3, 2. Le 2, 23. Hom. XIV, 7. XXIII, PL2,789-790. DnnsC. Vaoagc.ini, op. cff., p. 89-90. Voir C. Vagaggini, op. dt, p. 15. 42 INTRODUCTION En dépit de ce passage si clair, il ne manque pas d'auteurs pour compter Origène parmi les protagonistes de la virginité in parla ». Ils ne mettent guère en avant un scholion que Bauer a publié dans sa première édition 5 et qui développé le symbolisme de la porte fermée d’Ézéchiel ’, car son authen­ ticité est fort improbable. Mais ils voient dans les deux textes qui traitent de la souillure contractée ou non par Marie l'indice d’une évolution de pensée, les Homélies sur le. Lévitique étant notablement postérieures aux Homélies sur Luc., Il n’y a, croyons-nous, aucun changement : il s’agit de deux réalités différentes. Ensuite ils trouvent la virginité in parla dans la phrase suivante tirée de la même Homélie VIII sur le Lévitique : de Maria autem dicitur quia virgo concepit et peperit ♦. Peut-on se fier à une traduction pour le détail· des mots ? Mais admettons que Rufin ait ici rendu exacte-^ ment les termes d'Origène. L’enfantement de Jésus n’a été: virginal que parce que sa conception était virginale : cuiue partus non ex conceptione seminis, sed ex praesentia Sanaa Spiritus cl virtute Altissimi fuerit \ Rien ne permet déi croire qu’Origènc ait en vue l’intégrité physique. Une évo4 lution à partir du texte de V Homélie XIV sur Luc manque de] preuve. Cette position est confirmée par un fragment très origénicn des Selecta in Psalmos e. Si l’Alexandrin avait eu quelque idée de la conservation de l'intégrité physique, aurait-il trouvé meilleure occasion de l’exprimer que ce verset 10 du Psaume 21, avec l’image hardie qu’il contient : « Puisque c'est toi qui m’as tiré du sein, toi mon espoir dès les mamclleâl de ma mère. » Voici son commentaire : « Auprès d’un Dieu naissant, le Père lui-même a fait fonction de sage-femme 1. Vagagglnl proteste aussi contre cette affirmation : p. 91-93. On peut; la trouver dans plusieurs Marlologics ; chez J. C. Pi.umpk, · Some littlc-< known early witnesses to Mary’s virginitas tn partu », Theological .Studies IX (1918), p. 569. J. Qvastkn semble donner ccttc valeur au texte que nous! citons plus loin : Initiation.... II» p. 391. 2. GCS 100, 10 (Rawer1). 3. Éz. 44, 2. 4. In Lev. hom.. VIII, 2, GCS 395, 6 (Baehrens). 5. Ibid.. GCS 396. 5. 6. Sel. in Ps. 21, 10, PG 12, 1251 C. Voir C. VaOaCGINI. op. cit.. p. 95-97J MAHIOI.OGIE o'ORlGÈXE 43 (ψαπ'υσατο) : cela Ini arriva à lui seul, je pense, parmi les êtres qui sont venus à la naissance, parce qu’il était le seul à être du Saint-Esprit. S’il savait déjà espérer en la perfec­ tion, alors qu'il était encore nourri de lait », à cette expres­ sion : C’est toi qui m’as tiré, on dirait qu'il était en butte à des embûches et à des obstacles pour l’empêcher de sortir du sein, au point qu’il eut besoin de Dieu pour l’en tirer. Peut-être existe-t-il une puissance invisible qui fait sortir tout nouveau-né du sein : une puissance sainte, comme pour Paul, séparé dès le sein de sa mère 12345*7; ou une puissance plus mauvaise, comme pour les pécheurs, aliénés dès la matrice 8. Mais seul le Sauveur a été tiré du sein par le Père lui-même, et c’est pourquoi, conscient de ce privilège, il a dit : Puisque c’est toi qui m’as tiré du sein. Les autres hommes ne sont pas tirés, mais sortent : ainsi Ésaü, dit l'Écriture, sortit velu comme une fourrure *. Pour cette raison Jésus fut le seul à ne pas naître dans la stupidité des enfants et dans l’état enfantin : tétant encore, en ce qui concerne le corps, les mamelles de sa mère, il savait espérer en celui qui l’avait tiré du sein. Tous les hommes à leur naissance vont d’abord au mal : mais notre Seigneur, d’après Isaïe 8, avant de con­ naître le bien et le mal, avait renoncé au mal en choisissant le bien. Compare à ceci ce qui est dit de Jean, bondissant dans l’allégresse ·, de Jacob, supplantant son frère dans le sein ’, et de Jérémie, sanctifié avant de sortir de la matrice ·. » Ce passage semble bien en grande partie authentique : l’originalité de l’interprétation ; la distinction entre le Père ό 1. Et non, comme le traducteur latin de la PG : · S’il savait déjà espérer, alors qu’il était nourri du loft de lu perfection ». Cela no peut se soutenir grammaticalement. D’autre part, pour Origènc, le lait est la nourriture des enfants spirituels : le < lait de la perfection » n’a pas de sens. Ce texte souligne le paradoxe de l'Enfant-Dicu : le nourrisson est déjà un parfait. 2. Gal. 1. 15. 3. Ps. 57, 4. 4. Grn. 25, 25. Ces deux dernières phrases seraient d’Évagrc selon M. J. Ronorau dans Orientalia Christiana Periodica, XXVI (lOGO), p. 332. 5. h. 7, 16. G. Le 1, 44. 7. Gen. 27. 36. 8. Jér. 1. 5. 44 INTRODUCTION θεό; et le Fils θεό; ; l'emploi indifférent de γίνομαι et γεννάω, γενεά et γίννησις, dans le sens qui sera réservé plus tard à γεννά età γέννητ; ; la façon deciter l’Écriture et de prouver par elle l’opposition entre le lait, nourriture des enfants spirituel cl la perfection de cet enfant-là ; le thème des anges accoi cheurs 1 cl celui des forces démoniaques qui essaient d’en pêcher la naissance ; l'affirmation de la malice de l’homni dès le début, car Origène n’est pas plus optimiste qu'Augui tin à ce sujet ; enfin la théologie de l’âme du Christ, qui ■ toujours choisi le bien et n’a jamais connu le mal, par suif de son union perpétuelle au Verbe. Nulle part il n’y es question de Marie ni de sa virginité in partit. L’enfantemep est miraculeux, certes, car le Père lui-même a dû déjouer le embuscades des puissances diaboliques : nulle part il n’ei dit qu’il a tiré Jésus du sein sans provoquer l’ouverture de « portes virginales ». 4. La sainteté de Mabie, type du spirituel. Dans la galerie des spirituels origéniens, auprès des troi patriarches, de Moïse, de Josué, de David, et pour en venirj une époque plus récente, auprès de Jean-Baptiste, la Vofc du Logos, la Lampe de la Lumière, symbole et sommet d' l’Ancien Testament qui s’achève en lui, auprès des trol apôtres qui ont gravi la Montagne et vu la divinité trans figurer l’humanité de Jésus, auprès de Paul, enfin, le par fait intendant des mystères divins, qui a répandu partoù la semence de la Parole, le penseur et le mystique chez qii Origène cherche à tout instant la racine de son inspiration Marie est la seule femme qui incarne ce type. D’autres passert incidemment, Sara, l’autre Marie, sœur de Moïse, Débora Anne, mère de Samuel, Élisabeth, mère du Baptiste. Marié 1. Voir In Jo. com.t XIΙΓ. 50, GCS 277. 21 (Preuschen). Il y a des ange qui» sur Tordre divin, mélangent les Ames aux corps dons le sein materne et mènent à sa perfection l’enfant déjà formé. Gen. 1. 26 est ta plupart di temps interprété par Origène d’une parole du Père au Fils : Ici 11 sc demand si Dieu ne s'adresse pas à ces anges. Sur les anges psychopompes voir refe rences dans A. OxBB, Los primos herejes ante ta persecution, Analecta Gré goriana, Rome, 1956. p. 119, noted). mahiologie d’origène 45 elle, a vraiment déposé « la faiblesse féminine 1 » et vaincu peut-être la misogynie de l’Adamantios 2. Sa place est-elle la première dans la série ? Les textes que nous allons étudier ne permettent pas de tirer cette conclusion. On trouve parfois dans des fragments des expressions comme άγία, παναγία, πάνσοφος, appliquées à Marie. Mais ces qualificatifs de dévotion ne peuvent se constater dans les œuvres sûres de l’Alexandrin. Si les textes qui les contiennent sont authentiques, ces termes ont pu être ajoutés postérieu­ rement par les caténistcs, à une époque où la piété mariale avait pris forme 3. La bénédiction que la Vierge a reçue de l’Esprit-Saint, parlant par la bouche d'Élisabeth, est la garantie de sa sain­ teté *. Mais la cause principale de sa per­ fection, celle qui fait d’elle parmi les femmes les prémices de la virginité, c'est la venue de l'Esprit et de la Puissance du Très-Haut, le Verbe, qui l’a couverte de son Ombre, c’est-à-dirc de son âme humaine ·. La descente du Saint-Esprit a donc rendu Marie spiri­ tuelle. Elle s’est produite d’une manière extraordinaire, la distinguant entre toutes les femmes, lui apportant une grâce exceptionnelle. D’après V Homélie VI sur Luc, fragment grec et version latine, la salutation de l’ange s’exprime d’une façon a étrange », on ne trouve nulle part dans l’Écriturc semblable formule : la Vierge, lectrice assidue des Les sources de la sainteté de Marie. 1. In Luc. hom. VIII, 1. 2. Celte misogynie se manifeste assez souvent (Vins des exégèses d’ori­ gine philonlenne : le couple mâle-femelle figure celui de la raison et de la chair ; cf. In Gen. horn., IV, 4. SC 7, p. 129 (Doutreleau). Les fils symbolisent les bonnes œuvres, les filles les œuvres charnelles ; cf. In Ex· itom., II, 2, SC IG, p. 91-95 (Fortier). Les sainte ont des fils, non des filles ; cf. Jn Xum. Λωη., XI, 7, SC 29, p. 225-226 (Mvhat). Voir notamment dans lo Fragment sur J Cor.. LXX IV, JThS X. 41 (Jenkins) l’explication de I Cor. 14, 31-35 : Mulieres lacc.anl in ecclesia. 3. Sur πανάγιος et άνιος appliqués à Marie voir Fr. Fâssler, op. cit., p. 28, 47-50. 4. Cf. In Luc. hom., Vil, 4. 5. In Maith. com., X, 17, GCS 21, 29 (Klostcnnann-Bcnz). 46 IXTRODUCTION livres saints, le sait si bien qu’elle en est. tout effrayée’ L’Homélie VII affirme aussi que dès la conception du Sau vcur elle fut remplie de l’Esprit-Saint 2. C’est pourquoi à 1: Visitation elle porte à Jean l’Esprit prophétique, qu'il coin mimique à sa mère, puis à son père ’. Et elle le manifesté elle-même par la « prophétie virginale ‘ », le Magnificat. Elle est aussi sanctifiée par la présence en elle de l’Honune Dieu, par cet enfantement divin dont clic est l’instrument Dans Vllomélie IX sur Luc, fragment grec et texte hiéro nymien, Origène subtilise, avec son littéralisme habituel sur les termes qu’emploie l’Évangilc pour signifier la venu» du temps des couches chez Élisabeth et chez Marie : pour la première « le temps de son enfantement fut accompli 6 » pour la seconde « les jours de son enfantement furent accoin plis ° ». Une expression semblable est utilisée pour Rébecci mettant au monde ses deux jumeaux et l’Alexandrin fait remarquer, aussi bien dans ce passage que dans ΓHomélie XII sur la Genèse que cette formule ne se trouve dans l’Écrilun qu’à propos des naissances illustres : elle manifeste la per fection de l’enfant. La venue du juste est un accomplisse ment, celle du mauvais un vide. Si on n’y met pas cett< signification, la phrase est superflue : quelle femme peut mettre au monde un fils avant que le temps soit accompli ? Or il n’y a dans la Bible aucun détail inutile B. Mais par là se manifeste aussi la supériorité de Jésus sur Jean. Suivant un fragment sur Le 2, 6-7 ’, il est question pour Jean de « temps », pour Jésus de < jours » ; or le temp! englobe aussi les nuits. Élisabeth engendre un fils, Marié te Fils : l’enfant de la première est un simple homme, celui de. la seconde, le Fils de Dieu incarné, distingué et séparé de tous les autres. On voit jusqu’à quel point de minutie en1. 2. 3. •1. 5. 6. 7. 8. 9. Cf. hom. Vf, 7. Cf. hom. VU, 2. Voir plus loin, p. 59, l'exégèse de la Visitation. Hom. VIII, 1. Ia·. 1, 57. Le 2. 6. In 6>n. hom.. XII, 3. SC 7, p. 208 (Dontrcleau). Cf. hom. IX, 3. Fr. 36. MAIUOI.OGIE DOKIGÈN1Î 47 traîne la conviction que le moindre trait de l’Écriture est intentionnel et plein de mystères. Il n’y a pas de nuit en Jésus : dans le langage symbolique d'Origène il n’est en rien enfant de ténèbres, le péché n’a point de part en lui. Au contraire, malgré la hauteur de perfection qu’il a atteinte dès le sein de sa mère, puisqu’il possédait déjà ce flair spi­ rituel qui lui a permis de reconnaître le Seigneur porté par Marie, Jean-Baptiste a comme tout homme des jours et des nuits. Si l’Alexandrin affirme parfois que le parfait est impeccable, bien des textes montrent qu’il n’est vraiment réalisé que dans la béatitude : ici-bas tout homme est pécheur >. Cette différence met la maternité de Marie audessus de celle d’Élisabeth et de toute autre femme. Malgré les réserves de Dom Vagaggini 1 23 *5,nous pensons avec M. Raucr, qui l’a repris dans sa seconde édition, que ce fragment est authentique : cette manière d’éplucher les mots porte bien la marque origénienne et les thèmes développés aussi. C’est pourquoi Élisabeth se déclare indigne de la visite de la Vierge : Jean-Baptiste de même, il le dira plus tard, ne mérite pas de délier la courroie des chaussures de Jésus ’. Marie est bénie entre toutes les femmes à cause de cet enfan­ tement, et le Saint-Esprit le proclame par la mère du Pré­ curseur ♦. L’honneur de la maternité divine a rejailli sur tout le sexe féminin. Et cependant : « Aucune autre n’a participé ou ne peut participer à une telle grâce. Unique est l’enfan­ tement divin, unique l’enfant divin, unique celle qui a engendré l'Homme-Dieu. Pourquoi me parles-tu donc la première ? (dit Élisabeth). Suis-je celle qui a conçu le Sau­ veur ? C’est moi qui devais venir vers toi. Tu es bénie entre toutes les femmes, tu es la mère de mon Seigneur, tu es ma Dame, loi qui as détruit la malédiction. » Le mot ΜτΟοωποί, Homme-Dieu, a rendu ce fragment suspect à R. Devrecsse 6 1. Ainsi Zn Num. hom., X, 1, SC 29. p. 189-193 (Méhat). Ou bien In Lev. hom., XI. 1, CCS -147, 12 (Baehrens). On trouvera des références dans W. Volkhr. Dos VoUkomtnenheltsidcal des Orlgenes, p. 1C2-16.8. 2. Op. cil.. p. 32-33. 3. Sur Le 1, -13 : Jugé authentique par Vagaggini, op. cil., p. 4G et 59. •1. Cf. hom. VH, 4. 5. Revue Biblique Xi.II (1933), p. 111-145. •18 INTRODUCTION et M. Raucr ne l’a pas réédité 1 : mais Vagaggini l’accepte; faisant remarquer que ce terme semble bien brigénlen ; il est en effet supposé par l’expression Deus Homo dans uni version de Rufin 2 et dans une version de Jérôme3. La venue du Saint-Esprit et l’cnfanteinent sont bien les causes de l’élévation de la Vierge : le Seigneur a regardé soni humilité : « J'étais humble et on m’avait rejetée. Maintenant je passe de la terre au ciel et je suis attirée vers un dessein ineffable4. » La perfection de la connaissance et celle de la sainteté sont des dons qui viennent de l’absolue liberté divine : la réponse d'Origène à des textes de Platon allégués par Celse5, pour ne pas parler de nombreux autres pas­ sages, ne laisse là-dessus aucune ambiguïté. L’Alexandria n’est en rien, quoi qu'on en ait dit, un pélagien, ou même uii semi-pelagien *. Marie connaissait la Loi et les prophètes et chaque jour elle les méditait : 17/wnd lie. VI sur Luc l’affirme7. Il y a là un de$ traits essentiels du spirituel origénicn : la lecture, la méditation, l’étude de l'Écrll ture, Parole de Dieu, sont l’activité privilégiée dans laquelle les Trois Personnes communiquent leurs illuminations ·J Aussi Dieu lui a-t-il fait « mille révélations au sujet de son; Fils », elle sait qu’elle a conçu de ΓEsprit-Saint ·, elle a ejui Marie possède les charismes et les vertus du spirituel. 1. Voir GCS 18, I l (Kriuer1). 2. P. Arch.. II. 6. 3. GCS 142, 13 (Koctschau). 3. In Ez. hom·, ΙΓΙ» 3. GCS 351, 1 (Bachrcns). Voir C. Vagaggint, op. dUj p. 102, note 16 et p. 109» note 47 ; et A. L. Wintersig. Die Heilsbedeuttirif· der XIensckltv.il Jcsu in der vornlztinisdien gricch. Théologie, p. 75. 1. Sur Le 1, 48 : fr. 2G. 5. C. Cels.. VI, 13; VII, 42et 44, GCS83.10:193,16; 194,29 (Koctschau)J 6. Si certains textes peuvent paraître scml-pélagiens, (Vautres, dans lel mêmes œuvres, s’expriment a vcc autant de précision que le concile d’Orange fl voir notre Théologie de l'Image..., p. 242-243. 7. Cf. ftom. VI. 7. 8. Voir entre autres le commentaire de Jvr. 4, 3 dans In Jer. horn., V, GCS 41, 31 et dans le Fragment sur Luc 9, 62 (/r. 68) : les semences des enseignements bibliques sont semées dans la terre qu’est i’ùmc par la mémoire et la méditation. 9. Cf. hom. XIX, 4. La citation entre guillemets est dans un fragment] grec seul, GCS 116, 4 (Ruucr8). MÀR10L0GI8 d’oRIGÈNE 49 < la connaissance ineffable de la conception divine, la grande manifestation des miracles 1 ». La venue de l’Esprit-Saint l’a faite prophétesse : avant la naissance du Sauveur en effet elle prophétise le Magnificat 2. Ces grâces produisent en elle le sentiment mystique par excellence, la joie, celle que donne le « vin » des mystères 3. Si, après l’Annonciation, « poussée par l’Esprit », elle va dans la région des montagnes, c’est un peu pour partager son allégresse avec Élisabeth, qui seule peut la comprendre, à cause de la grande grâce qu’elle a reçue : « Puisque l’ange lui a dit : Voici que. ta parente a conçu, elle partit se réjouir avec elle, parce qu’elle aussi avait conçu contre toute attente 45 6. » Cette joie est soulignée par VHomélie VIII sur Luc dans le commentaire des premiers versets du Magnificat s. Certes cette révélation n’est pas complète, bien des obscu­ rités demeurent. Marie ne comprend pas la réponse de Jésus retrouvé au Temple ·. Mais comment en serait-il autrement ? Sur terre, le pariait n’a de connaissance qu’« à travers un miroir, en énigme » : par comparaison avec celle du « face à face 7 », il n’a encore que l’enseignement des petits enfants, même s’il est de ces grands spirituels qu’Origène considère comme les sommets de l’humanité, Jean-Baptiste ou Paul par exemple 8. Mais dans ces ténèbres mêmes Marie révèle sa grandeur : car elle a le sens du mystère ; elle ne le comprend pas, mais elle sait qu’il est là, aussi garde-t-elle dans son cœur les paroles de Jésus. Elle ne voit pas en lui un enfant de douze ans, mais celui qu’elle a conçu de l’Esprit-Saint et qui progresse chaque jour en sagesse et en grâce devant 1. Cf. horn. XV1 J. Ιλ citation est dans un fragment grec seul. GCS 106, 22 (Raucr3). 2. Cf. hom. VIII, 1. 3. Entre autres textes In Jo. com., J, 30, GCS 37. 13 (Prcuschcn). 4. Fragment sur Luc 1, 38, GCS 237, 8 (Raucr3). 5. A propos de l'exultation de l’« esprit · : cf. hom. VIII, 4. Voir C. Vacaccnn. op. cit., p. 155-156. 6. 1x2. 51. 7. I Cor. 13. 12 ; citations extrêmement fréquentes chez Origine. 8. In Com. com.. X. 10. PG 11.1266 BC ; Sel. in Ps. 22. 5, PG 12.1264 Λ ; In It. hom., VII, 1, GCS 280, 5 (Baclirens) ; In Matth. com., XVI, 16, GCS 527, 22. OniuùxE, S. Luc. 4 50 INTRODUCTION Dieu et les hommes *. Elle repasse en son esprit les évén ments qui ont accompagné la Nativité8, o Elle conservai tout cela comme des trésors, car elle savait reconnaître le réalités mystérieuses «> et les paroles de son Fils étaien pour elle celles d’un parfait3. « Elle ne recevait rien de o qu’il disait ou de ce qu’il faisait suivant le sens obvie, mai; elle gardait tout en clle-mêine : elle en comprenait spirituel lenient une partie, elle recherchait le sens du reste et ell· savait que le moment viendrait où le mystère caché lu serait révélé4. » En dépit de l’incertitude où l’on est de leui forme exacte — les dmx éditions de M. Hauer la mani­ festent» ces fragments sont certainement authentiques par leurs idées et par plusieurs de leurs termes : τΓ/.Γ.-,ς, πράγματα au sens de réalités mystérieuses, ώς ίτοχβν pour désigner le sens corporel ou littéral, voit? pour la compréher sion profonde. 11 s’agit bien ici du spirituel origénien, qu non content du sens obvie, cherche à percer le secret de mystères figurés par l’Écriturc . * A la nouvelle de l’ange, Marie a répondu par une disponi bilité complète : » Voici la servante du Seigneur : qu’il im soit fait selon ta parole » « C’est comme si elle disait : Ji suis une tablette pour écrire (ou « un tableau à peindre ») que l’écrivain (ou « le peintre ») y écrive (ou « y peignes) ci qu’il veut, qu’il fasse ce qu’il veut, le Seigneur de l’uni vers·. » Le traducteur peut hésiter à cause du double sen; de r.-ναξ et de γράφην. Certains doutes sont possibles sur l’au lhenticité du morceau mais l’idée se retrouve dans plusieur; réponses d’Origène à Celse : « Nous, nous affirmons que la 1. Cf. hom. XX. 6. 2. Fragment sur Luc 2, 51 (infra, fr. 49). 3. Fragment publié avec l’homliie XX, GCS 123, 1 (Rauer2). 4. Autre Fragment sur Luc 2. 51 (/r. 50). 5. Les fragments cités dans les trois notes précédentes sont ainsi prés· tés dans ];i seconde édition, alors qu’lis ne formaient qu’un texte dans la première, GCS 134, 10-135, 2 (Raucr1). 6. Dont Vac.aggim n’accepte pa$ l'authenticité : op. eit, p. 41, 157. 7. Le 1, 38. 8. Fragment sur Luc 1. 38 (/r. 17). 9. Il est attribué aussi à Eusébc et à Athanase : voir C. Vagaggini, op. cil,, p. 23-24. MARIOLOGIE D OlifeÉNE 51 nature humaine n’est en aucune façon capable de chercher Dieu et de le trouver dans toute sa pureté, à moins qu’elle ne soit aidée par celui qu’elle cherche. On trouve Dieu lorsque, après avoir fait tout ce qui est en son pouvoir, on reconnaît qu'on a besoin de lui : alors il se manifeste à ceux à qui il le juge bon »... » Il faut faire ce qui est en son pouvoir, c’est-à-dire se mettre par l’ascèse en état de dis­ ponibilité, puis attendre le bon plaisir divin. La pauvreté de la Vierge est mentionnée dans ï'IIornélie VIII sur te Lévitique, plutôt comme un étal de fait que comme une vertu : Jésus a a choisi pour naître une mère pauvre et une patrie pauvre 2 ». Mais son humilité est souvent louée : malgré la supériorité que donnait, à Marie la grâce extraordinaire qu’elle avait reçue, elle va voir Élisabeth et la salue la première. Elle agit ainsi parce qu’elle est « pleine de délicatesse (έτ::ε-./.ηί) envers tous les êtres 3 Cette tetcfxca, qualité bien grecque, traduit originellement le sens de la mesure, la modération, d’où par extension la douceur et la bonté. L’Homélie VU sur Luc voit dans l’humi­ lité qui inspire cette démarche une qualité essentielle de l’apôtre ·. Origène tient à cette idée : il l’avait déjà déve­ loppée dans le Commentaire sur Jean : « Il faut observer que Marie, qui est supérieure, va vers Élisabeth, qui est infé­ rieure, et le Fils de Dieu vers le Baptiste : cela nous apprend qu’il ne faut pas tarder à aider ceux qui sont inférieurs à nous, et nous enseigne aussi la modestie (μ<τρ«ίτηΐ) 4. » Il y a là un des traits essentiels du spirituel : loin de mépriser ceux qui n’ont pas reçu les mêmes grâces et sont encore restés trop charnels, il doit les instruire et mettre à leur portée ce qu’ils peuvent comprendre des mystères qu’il a contem­ plés. Les laisser mourir de leur ignorance serait déchirer la chair du Christ ·. 1. C. Ce!»., VII. 42, GCS 193, 16 (Koetschau). 2. In Lev. hom., VIH, 4, GCS KM). 12 (Baehrens). 3. Fragment xur Luc 1, 40 (Jr. 18). 4. Cf. hom. VU, 1. 5. In Jo. com.. VI, 19. GCS 159, 16 (Prcuscbcn). 6. Fragment du livre X des Stromale», conwrvc par Jérôme, PG il, 105. in Rom. com., IX, 36 et 40, PG 14, 1236 C ; 1240 B. 52 INTRODUCTION L'Homélie VIII sur Luc comprend l’humilité du Magni­ ficat non d’un état de fait, mais d’une vertu x. Origène donne alors beaucoup d’explications pour faire comprendre à des chrétiens de formation grecque que la τ«κ€ίνωσ« a cette signification, loin d’exprimer la bassesse ou l’abjection. 11 la compare aux quatre vertus cardinales des philosophes, car elle est de même nature ·. Pour le prouver il ajoute un argument : « Il n'y a que les vertus qui sont, dignes du regard divin. » Cette, phrase doit être comprise selon l'un des grands thèmes de notre auteur. Dieu ne connaît que les justes, non les pécheurs, parce qu’ils sont les seuls avec qui il puisse « se mélanger 3 » : il connaît cependant les autres » de la science commune à tous4 », puisque rien ne lui échappe6, il les aime puisqu’il essaie de les sauver °. Mais il s’unit seulement aux saints. L’idéal de la connaissance est chez l'Alexandrin essentiellement mystique : elle se confond dans son plus haut degré avec l’union et l’amour. Il termine enfin ses explications sur l’humilité en invoquant les paroles mêmes du Seigneur 7 et en l’égalant à ce que les philosophes appellent άτυφ-α, absence d’orgueil, et perpufa;;, modestie. La foi de Marie est aussi louée par Élisabeth : « Bienheu­ reuse, celle qui a cru e. » Mais selon un fragment sur Luc, que Dom Vagaggini juge authentique *, sa foi a besoin d’être confirmée : elle a cru fermement aux paroles de l’ange, mais la visite qu’elle fait à sa cousine la rend encore plus assurée. Lorsque Marie et Joseph cherchent partout l’enfant resté au Temple, leur affliction n'est, pas causée par le doute : 1. Cf. hom. VIH, 5. 2. Dans l’énumération la sapientia remplace la prudentia, çcdvrç:;, dont Origène parle quelquefois : In Jer. hom., VIII, 1-2, GCS 55-58 (Klostermanu). 3. Entre autres textes : In Jer. hom.. I, 10 ; XVI, 4, GCS 9, 10 ; 136, 16 (Klostermann) ; In Jo. com,, XXXII, 14, GCS 447, 24 (Preuschcn). 4. In Hom. corn.. VI J, 8, PG 14, 1125 B. 5. Voir les passagers qui essaient de concilier le libre arbitre avec la pre­ science universelle de Dieu. 6. In Ez. hom.. VI, 6, GCS 384, 21 (Bachrcns). 7. 11. 29. 8. Le I, 45. 9. Dp. et'L, p. 109, note 46, p. 113, note 28 ; sur Le 1, 39-45, ci. infra, fr, 24 MAinOLOGlE d’ûRIGÈNR 53 ils ne craignent pas qu’il se soit perdu ou qu’il ait péri ; en effet ils ont reçu la révélation de sa nature divine. Mais ils sont comme celui qui cherche à grand-peine le sens mysté­ rieux d’un passage de la Bible, comme le mystique devant qui Dieu se dérobe k Origène témoigne souvent de ces pré­ sences et de ces absences du Verbe 1 23et c’est sur ce point qu’il exprime le plus nettement son expérience. Cependant la foi de Marie n’est pas sans faille a. Le spirituel est toujours en progrès ici-bas æs de la connaissance « à travers un miroir, en e ar e· énigme », il tend vers le a face à face » qu’il atteindra seulement dans la béatitude 4. L’homo vialor loge sous une tente, mobile, qu’il déplace constamment, la maison solide est pour l’Israël de la Résurrection 56 7. Cette ascension durera encore un certain temps après la mort, s’il faut en croire un long développement du Peri Archon ·. Il en est de même pour les vertus : puisqu’elles s’identifient dans leur essence avec le Christ, qui est chaque vertu et toute vertu ’, et comme d’autre part nous ne possédons le Verbe qu'à travers son humanité, son « Ombre », nous n’avons sur cette terre que des ombres de vertus, susceptibles de conti­ nuels accroissements 8 : Marie n’échappe pas à cette loi. Ainsi, dès que l’ange l’a quittée, elle part en hâte dans la région des montagnes visiter Élisabeth. Or toute ascension physique, rapportée par la Bible, est le symbole d’une montée spirituelle, comme celle des trois Apôtres sur la montagne de la Transfiguration ; toute descente, en revanche, figure un relâchement. Ainsi on monte d’Égypte, le pays du péché, du monde, du paganisme, en Palestine, la Terre promise ; r ùrès 1. Cf. hom. XIX. 5. 2. Pur exemple In Cant, horn., I, 7, SC 37, p. 75 (O. Rousseau). 3. Voir infra, p. 55. 4. Voir p. 57. η. 1. 5. In Num. hom.. XV! 1, 4, SC 20. p. 350-351 (Méhat). 6. F. Arch., II, 11. 6-7, GCS 180-192 (Koetschnu). 7. In Jo. com., XXXII, 11. GCS 44-1, 3 (Preuschen). Le Verbe est appelé: » la vertu tout entière, animée et vivante ». Et bien d'autres textes. S. In Rom. com.. VI. 3. PG 14, 1061 C; In Ps. 39 hom.. Il, 2. PG 12, 1102 IJ. 54 INTRODUCTION le meme mouvement conduit la Vierge de la π Galilée des Gentils » en Judée. Suivant un fragment grec de [’Homé­ lie Vil sur Luc 1 : « Il fallait que cette bienheureuse Marie, après la venue de Gabriel et la bonne nouvelle qu’il lui avait annoncée, montât vers la région des montagnes... Et elle partit en hâte, conduite par l’Esprit-Saint qui était venu en elle et par la Puissance du Très-Haut qui l’avait ombragée. » L’allusion au sens spirituel est à peine indiquée par l'expres­ sion « il fallait (cStc) » : mais la nécessité de cette ascension n’est intelligible que sur ce plan. Saint Jérôme l’a rendue un peu plus explicite dans sa traduction : » il lui fallait... ad montana conscendere et in sublimioribus commorari... (et par l’Esprit-Saint dont elle était remplie) ad sublimiora perduci. » Le premier verset du Magnificat suivant Γ Homélie VIII sur Luc exprime pareillement les progrès de Marie 2. Com­ ment magnifier le Seigneur? Il n’est pas possible de le rendre plus grand qu’il est. Origène expose ù ce propos les grandes lignes de sa doctrine de l’image de Dieu. Seul le Verbe est Image de Dieu selon Col. 1. 15 : l’âme humaine a été créée « selon l’image de Dieu » qu’est le Logos ; elle est « image de l’image 3 ». Magnifier Dieu, ce sera donc, par l’imitation de Jésus dans nos pensées, paroles et actions, agrandir cette image du Christ, cette image de l’image de Dieu, qu’est notre propre âme. Au contraire les péchés et les vices marquent sur elle des images de bêles. Le thème du « scionl’image » se rencontre ici avec celui de la croissance ou de la décroissance du Verbe dans l’âme. Le progrès spirituel con­ siste à développer à la similitude du Logos la participation à l’image de Dieu que nous avons reçue au moment de notre création. C’est ainsi que l’âme de Marie magnifie le Seigneur. Et son esprit exulte alors en Dieu son Sauveur. Ce verset est compris en fonction de l'anthropologie trichotomique de notre auteur, distinguant en l’homme l’esprit, don de Dieu, 1. Cf. hom. VII. 2. Pour le fragment grec, GCS 42, 7 (Bauer2). 2. Cf. hom. VIII. 2. 3. Voir Théologie de l’Image..., p. 125-127. HARJOI.OGIE d’oRIGÊNE 55 conscience morale, pédagogue de l’âme, l’âme, siège du libre arbitre et de la personnalité, et le corps : l'esprit et le corps (ou la chair) se disputent l'âme dans le combat spirituel >. Le pneuma de la Vierge, sommet de tout son être, se réjouit donc de voir ]a psyché, son élève, s’assimiler à lui, et à Dieu qu’il représente. Marie a fait bien de monter par le progrès de ses œuvres : d’abord son âme magnifie, ensuite son esprit tressaille de joie. On se réjouit en esprit dans le Dieu Sauveur lorsqu’on vit dans le progrès, et c’est parce qu’on a com­ mencé par magnifier qu’on en est venu là 3 ». Dom Vagaggini voit dans cette seconde phrase une progression de la connaissance du Christ à celle de Dieu : pour cela il sousentend < le Seigneur » après o parce qu’on a commencé par magnifier 3 ». Il ne manque pas de textes clairs, notamment la finale de la lettre à saint Grégoire le Thaumaturge *, qui établissent une montée de la participation du Fils à celle du Père. Mais telle ne semble pas être ici l’intention d'Origène ; le passage s’explique suffisamment par les perspectives que nous venons d’indiquer. Magnifier, c’est agrandir en soi la participation à l’image par le progrès spirituel : le résultat en est l’allégresse de l’esprit, celle que donne le ■ vin » des mystères contemplés, celle que produit la présence des per­ sonnes divines dans l’âme. Origène ne croit pas la Vierge Marie cependant exempte de toute faute : ce n’est n’est pas tout à fait d’ailleurs le cas d’aucun spirituel, tant sans faute. qu’il vit ici-bas. Elle a eu des défail­ lances sous le rapport de la foi. Certes l’Alexandrin est loin de prétendre, comme Tertullien s, qu’elle aurait été reniée par son Fils pour cela ; comment Jésus aurait-il rejeté celle que l’Esprit-Saint avait déclarée bénie entre toutes les femmes? Ce qu’Origènc dit de la sainteté de la Vierge cl qui lui fournit 1. Voir notre article : « L’Anthropologie d’Origène... », JùlAf, 1055, p. 364-385. 2. Fragment grec de V homélie VIII, GCS 50, 4 (Bauer2). 3. Op. cil., p. 154. note 74. 4. PG 11, 02 B. 5. Voir supra, p. 37. 56 INTRODUCTION la preuve de sa virginité perpétuelle écarte l’idée d’une faute grave. Il semble insinuer dans V Homélie I sur la Genèse que la question de Marie à l’ange : a Comment cela se fera-t-il, car je ne connais point d’homme 1 ? «manifeste une certaine incré­ dulité. Dans l’Homélie. XX sur Luc, il interprète par une exé­ gèse allégorique toute gratuite la redescente de Jésus vers Nazareth en compagnie de ses parents : « Parce que Joseph et Marie n’avaient pas encore une foi entière et ne pouvaient rester en haut avec lui 2. » Leur Fils les accompagne, de même qu’il ne demeure pas toujours sur la montagne de la Transfiguration, mais qu'il va dans la plaine soigner les malades et éduquer les enfants spirituels, puisque c’est là le sens de son Incarnation. Origène n'a ici comme argument que l'interprétation ordinaire qu’il donne aux montées et aux descentes. Un autre texte présente des raisons théologiquement plus sérieuses, quoique aussi gratuites. Le glaive de douleur qui, selon la prophétie de Siméon, transpercera à la Passion l’âme de Marie, c’est, d'après V Homélie XVII sur Luc, celui du doute ®. Un premier raisonnement, qui est a fortiori, suppose que la Mère du Seigneur n'est pas plus parfaite que les Apôtres : si ces derniers, suivant la parole de Jésus «, ont été scandalisés, au point que Pierre lui-même l’a renié trois fois, comment ne l'aurait-elle pas été elle aussi 5 ? Puis un second argument intervient. Selon Paul · tous ont péché et ont besoin de rédemption : si elle n’a pas souffert de scan­ dale, alors Jésus n’est pas mort pour elle. L’origine de ce doute est facile à comprendre : c’est le contraste entre les révélations merveilleuses qu’elle a eues sur son Fils et l’état où elle le voit. Et ce moment de défaillance sera court. D’après un fragment sur Luc 7 la prophétie de Siméon !. 2. 3. 4. 5. 6. 7. Le 1, 34- Dans Zn Gcri. ho/n.» 1, 14» SC 7, p. S4 (Doutrdeau). Cf. Aom. XX, 4. Cf. Iiom. XVII, 6-7. Mc 11. 27. Voir C. Vagaggini. op. ciL. p. 161. Bom. 3. 23. Sur Le 2, 35, GCS 257 (Raucr2). MARIOLOGIE d’OIUGÈNE 57 indique à mots couverts c qu’après le scandale que les dis­ ciples et Marie souffriront devant la Croix, une guérison rapide interviendra : elle raffermira dans leurs cœurs la fol qu’ils ont en lui ». L’Alexandrin ne se base donc pas sur l’interprétation obvie d’un passage de l'Écriture : rien ne dit que le glaive désigne le doute, et la parole du Christ citée plus haut ne (s’adresse qu’aux Apôtres. Le second argument s’appuie sur un point de foi, l’universalité de la Rédemption. Origène ne voit pas comment la concilier avec l’absence de toute faute en Marie, comme dans la suite des temps d’autres grands théologiens la jugeront incompatible avec l’imma­ culée Conception : il ne comprend pas que la Vierge ail pu recevoir ce privilège des mérites de son Fils, et rester ainsi soumise à la Rédemption universelle x. 5. Le rôle de Marib dans la Rédemption. Le spirituel origénicn est nécessairement apôtre. Bien qu’il ait été pour une bonne part le maître en spiritualité des Pères du désert, l’Alexandrin n’a jamais conçu sérieusement une vie d’anachorétisme cl de contemplation pure : elle représente plutôt pour lui une tentation, celle d’échapper aux contradictions de la vie apostolique pour se réfugier dans le calme 12. Le rôle de didascalc qui incombe au parfait n’est pas seulement, ni même essentiellement, d’ordre intel­ lectuel : Paul conduit Timothée à la source où lui-même a 1. Selon C. Vagaggini (op. cif.» p. 167-169). le doute contre la fol est carac­ téristique du progressant non arrivé à la perfection, et Marte est 1c type de 1r progressante. Malgré l'affirmation non justifiée de W. Vôlkbr, « Paulus bel Origcnes », Theologischc Studten und Krltikcn, Cil (1930), p. 270, tout parfait reste pour Origène un progressant sur cette terre, fort éloigné de la perfection de la béatitude. 1-a même interprétation du glaive de douleur se trouve Chez saint Basile et elle est contredite par saint Ambroise. On la lit aussi dans le Sel. in Ps. 21, 21, PG 12» 1257 C que Dom Vagaggini croît orlgénicn : mais le mot λογισχός est rare chez Origène et n’a jamais ce sens ; 1’expression την ΐψχχτιχήν n’est pas de lui. Nous penserions plutôt A Évagre, 2. In Jcr. /iom., XX, 8, GCS 189, 31 (Klostcnnann). 58 introduction bu pour qu’il y boive 1 ; le feu surnaturel qui est dans l'âme du prédicateur va enflammer celle des auditeurs 2 afin d'y « cuire » la Parole nourrissante 3 ; la fontaine d’eaux vives que le Verbe met dans le cœur donne naissance à des fleuves qui débordent de partout 45. Plus qu’un enseignement le spirituel doit donner l’occasion d’une venue de l’EspritSaint : c’est dans cette perspective que se situe l’activité de Marie dans la Rédemption. On trouve chez Origène quelques rares allusions au paral­ lèle Ève-Marie, fréquent dans la littérature du n® siècle. Ainsi les premières lignes de V Homélie VH! sur Luc : le péché a commencé par la femme, mais le « début des biens n lui aussi est venu par les femmes, Marie et Élisabeth, qui ont inauguré l'histoire du salut 6. Suivant un fragment sur Luc, Êvc a apporté la douleur et la malédiction à tout le sexe féminin, Marie lui donne la bénédiction et la joie °. Trois passages évangéliques principaux pouvaient four­ nir à Origène l'occasion de mettre en relief l’action aposto­ lique de la Mère de Jésus : la Visitation, les noces de Cana, l’entretien de Jésus en croix avec Marie et Jean. On a malheu­ reusement perdu le livre IX du Commentaire sur Jean qui devait expliquer le miracle de l’eau changée en vin. Son sens général est connu par plusieurs allusions qu'y font les tomes conservés du même ouvrage. Mais rien n’indique le rôle attribué à la Vierge. Dom Vagaggini pense que le pas­ sage perdu n’avait pas de valeur mariologique 7 ; il est cependant peu dans les habitudes de notre auteur de laisser inexploré le moindre détail du texte sacré. Origène a souvent médité sur la scène de la Visitation, par suite de sa grande admi­ ration pour le Baptiste : il en a presque épuisé le sens spirituel. T a Visitation 1. Fragment sur I Cor., XI, J’I'hS IX, 240, 15 (Jenkins). 2. In Ps. 3S kont., J, 7, PG 12, 13‘.>6 A. 3. In Jo. com·, X, IX, GCS 188, 15 (Preuschcn). 4. In Gen. hom. ΧΠΙ, 3, SC, p. 222-223 (Doutrclcau). 5. Cf. hom. VIII. 1. 6. Sur Le 1, 28 (/r. 12). 11 n’a pas la môme forme dans Raucr1 (40,1) et dans Rmier* (235). 7. Op. cil., p. 169-170, note 127. MARlOl.OGIE 1>’OR(GÊXE 59 Un seul texte du Commentaire sur Jean concernant la Visitation insiste sur le rôle de Marie, mais il le fait large­ ment. « D’abord la Mère de Jésus, dès qu’elle l’a conçu, va voir la mère de Jean, qui est elle-même enceinte, pour que celui qui est en voie de formation gratifie celui qui est en voie de formation, d’une formation plus soignée, en le rendant conforme à sa gloire, si bien qu’à cause de cette communauté de forme Jean a été pris pour le Christ *, et Jésus pour Jean ressuscité des morts *, par ceux qui ne savent pas distinguer l'image du sclon-l'image 9. » Cette a formation » est prise ici en deux sens : la formation physique des deux enfants dans le sein de leurs mères ; la formation spirituelle que Jésus apporte à Jean, en le rendant semblable à lui, tellement qu'on les confondra tous deux, sans distin­ guer l’image du Dieu invisible, titre qui convient unique­ ment au Verbe, de la créature raisonnable, faite selon l'image de Dieu, c’est-à-dire selon le Logos. Cette * formation :< est un théine qui revient plusieurs fois dans l’œuvre de l’Alexan­ drin : communication ou restauration de la vie divine, elle désigne la même réalité que la participation à l’image, c’est-à-dire à peu près ce que nous entendons par grâce sanctifiante 4. Cette opinion est traditionnelle : le Baptiste a été justifié à la Visitation. La venue de Marie doit préparer cet enfant à son rôle de Précurseur, de Voix du Logos, de Voix qui porte la Parole : le voyage de la Vierge permet à la Parole de venir « former » sa Voix. 11 va rendre Jean prophète, lui donnant cet Esprit que la Mère du Christ a reçu de la visite de l’Ange. « Il faut observer qu’ici, à cause de la voix de la salutation de Marie qui parvient aux oreilles d’Élisabeth, le petit Jean tressaille dans le sein de sa mère, qui reçoit alors le Saint-Esprit, comme si cela venait de la voix qu’elle a entendue s... A celui qui a pleinement saisi ce qui a été dit sur Jean qui est la Voix et Jésus la Parole, il sera clair que Jean est aidé 1. 2. 3. 4. 5. Iz 3, 15. Mc 6, II. In Jo. corn.. VI. 49, GCS 157, 27 (Preuschen). Voir ThMogic de l'image..,. p. 227. In Jo. coin., VI, 49, GCS 158. 3 (Prenschcn). 60 INTRODUCTION dans sa formation par le Seigneur encore en voie de forma­ tion, quand il vient dans le sein de sa Mère chez Élisabeth. En effet une grande voix a retenti dans cette dernière, rem­ plie du Saint-Esprit par la salutation de Marie123... La voix de la salutation de Marie, résonnant dans les oreilles d'Éli­ sabeth, a rempli son Jean ; c’est pourquoi Jean tressaille, et, devenue comme la bouche de son fils, devenue prophétesse, sa mère pousse un grand cri et dit : Bénie sois-tu *... ». Comme l’a montré Fr. J. Dôlger, l’inspiré parle à voix forte, avec une voix divine, porteuse de l'Esprit-Saint et de la grâce : la voix du spirituel est pour l’auditeur voix de Dieu, car c’est le cri de celui qui est tout rempli de l’Esprit divin ’. Jean criera plus tard « non par l’émission de sa voix, mais par la tension de sa compréhension 4 », par la plénitude mys­ tique du message qu’il doit livrer. Ainsi la voix de Marie, remplie du Saint-Esprit, a retenti dans les oreilles de sa cousine et est parvenue jusqu’à Jean, lui apportant l’Esprit. A son tour Jean crie par l’instrument de sa mère, devenue « la bouche de son fils », sous l'action de l’Esprit qu’il possède. Telle est la signification de cette scène : « Déjà peut nous devenir manifeste le (sens du) voyage hâtif de Marie dans la région des montagnes, (de) son entrée dans la maison de Zacharie et (do) la salutation qu’elle adresse à Élisabeth : tout cela a eu lieu afin que Marie apporte à Jean, qui se trouve encore dans le sein de sa mère, un peu de la Puissance qu’elle a depuis qu’elle a conçu, et que celui-ci fasse parti­ ciper sa mère à la grâce prophétique qui lui a été donnée56. » Cette Puissance, c’est le Verbe lui-même. < Avec raison toutes ces économies s’accomplissent dans la région des mon­ tagnes, car rien de grand ne peut être contenu dans les lieux appelés plaines à cause de leur bassesse ·. » Et Origène insiste 1. In Jo. eci/n., VI, 49, ligne 13. 2. Ibid., ligne 20. 3. Anltke und ChrUUntum. V. p. 218-223. · Es handelt deh uni das lauto Buten in der Ekstase, um das Aufschrclcn des vom Geistc Gottes vôUig ortassten Menschcn. » 4. Fragment sur Jean, X. GCS 491, 27 (Prcuschcn). 5. In Jo. com., VI, 49, GCS 158, 24 (Preusdicn). 6. Ibid., ligne 30. MARIÛLOGIE d'oHIGÈNE 61 sur l’humilité de l’apôtre, qui se met au service de celui qui a besoin de lui x. La raison du voyage de Marie est essentiel­ lement apostolique : elle porte à Jean le Verbe et l’Esprit qu’elle possède. Les mêmes thèmes se retrouvent dans les Homélies sur Luc. Marie va se réjouir avec sa cousine, communier dans la joie des grâces reçues *. Elle est menée par l’Esprit-Saint et par la Puissance du Très-Haut Elle manifeste l’humilité et la prévenance de l’apôtre 4. A travers elle c’est Jésus qui vient aider Jean 6. Elle reste trois mois chez Élisabeth pour continuer par sa présence l’action qu’elle a commencée sur le Baptiste ·. Après son fils et sa femme, Zacharie est rendu prophète : l’influence de la Vierge s’est exercée sur toute la famille T. Marie est donc celle qui donne le Christ et l’EspritSaint. Au début du livre I du Commentaire Marie au pied sur Jean se lit un passage célèbre : « Il de la Croix. faut oser dire que les Évangiles sont les prémices de toute l’Écriture, et que l’Évangile selon Jean est les prémices des Évangiles : personne ne peut en saisir le sens (*oûç), s’il n’a pas reposé sur la poitrine de Jésus et s’il n’a pas reçu de Jésus Marie pour mère. Celui qui doit devenir un autre Jean, il faut qu’il progresse jusqu’à être désigné par Jésus comme étant Jésus lui-même, à l’exemple de Jean. Car si Marie n’a pas eu d’autre fils que Jésus, selon ceux qui pensent sainement d’elle, la parole de Jésus à sa mère : Voici ton fils · — car il ne dit pas : Vois, celui-ci est aussi ton fils — veut dire : Vois, celui-ci est Jésus que tu as engendré. En effet on peut affirmer de tout parfait qu’il ne vit plus, mais que le Christ vit en lui ·, et, 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. Ibid.. 159, 16. Fragment sur Luc 1, 38, GCS 237, 8 (Raucr2). Fragment grec de l'homélie VU, GCS 42, 13 (Kaucr2). Fragment sur Le 1, 40 (,Ιη/ra, fr. 18). Cf. hom. VII, 1. Ct hom. IX, 1-2. CL hom. X, 1-2. Jn 19, 26. Gai. 2. 20. 62 INTRODUCTION puisque le Christ vit en lui, il est dit de lui à Marie : Voici ton fils, le Christ. « Et le texte montre ensuite que pour com­ prendre dignement les Écritures il faut avoir le v«5ç, c’està-dire la mentalité, du Christ \ Ce passage est souvent présenté comme enseignant la maternité universelle de Marie 123. Ce n’est pourtant pas ce à quoi pense Origène. Son point de départ est une règle fon­ damentale de son herméneutique : on n’interprète convena­ blement un écrit qu’en entrant dans la mentalité de celui qui l'a rédigé. Pour voir le sens de l’Évangile de Jean, il faut être un autre Jean. Il faut être un spirituel qui a reposé par sa contemplation sur la poitrine de Jésus : « Je pense que, si l’attitude de Jean, couché dans le sein de Jésus, était symbolique... elle figurait ce qui suit : Jean, couché sur le Logos et reposant dans les réalités les plus mystiques, se trouvait en son sein, comme le Logos lui-même est dans le sein du Père ’. » Or la deuxième caractéristique de Jean, c’est que le Christ vit en lui, tellement qu’il est devenu en quelque sorte Jésus, fils de Marie. Le voîc de l’Évangile de Jean n’est autre que celui du Christ : ne peut comprendre cet écrit que celui qui s’est assimilé, comme Jean, la mentalité de Jésus. L’accent n’est donc pas mis sur la maternité universelle de Marie : Γ Alexandrin ne l’a peut-être pas aperçue. Certes ce texte suppose que tout spirituel, dans la mesure où il s'est assimilé au Christ, devient fils de Marie. Mais l’inten­ tion principale d’Origènc ne vise pas la Vierge : ce qui l’in­ téresse c’est l’assimilation au Christ. ♦ ♦ · On peut juger de la place occupée par Origène dans le développement de la théologie mariale en lisant l’article de 1. In Jo. com., I, 4, GCS 8. 14 (PreuKhen). 2. Ainsi J. Qvastrn, ItMalion.... 11, p. 100. La position de C. Vagaggini» op. eft., p. 111-118, est la même que la nôtre. Voir dans la ZKTh la controverse entre Λ. Kxellf.r (1916, p. 597-612; 1920· p. 021-632), P. GXCutkr (1923. p. 391-429), J. Ernst (1923, p. 617-621). 3. In Jo. com., XXXII, 20, GCS 4G1, 21 (Preuschen). MARIOLOGIE d’ORIGÈKE 63 Mgr Jouassard, Marie à travers la patristique, publié dans le tome I de Maria x. La conception virginale est nettement affirmée par le Nouveau Testament et par la littérature primitive. Mais il n'en est pas de même de la virginité per­ pétuelle : Justin et Irénée ne disent rien de clair, Tertullien la nie, on trouve chez Clément d'Alexandrie une allusion, qui n’est pas très sûre 12. Peut-être Mgr Jouassard minimiset-il un peu ce qui concerne Origène : d’après lui, l'Alexan­ drin présente cette croyance comme une sorte d’opinion libre, professée par certains ascètes, dont lui-même, sans qu’il y ait pour un chrétien obligation d’y adhérer 3. Les textes étudiés semblent montrer plutôt qu’elle est liée à la foi de l’Église. Origène ne fait entrer en aucune façon Γ« intégrité phy­ sique » dans la notion qu’il a de la virginité ; Marie est vierge parce qu’elle n’a jamais connu d’homme. Plus encore, puis­ qu’elle est dite parmi les femmes prémices de cette vertu, elle réalise au plus haut point l'idéal que l’Alexandrin s’en fait : il correspond à un dessein volontaire, mis par Dieu en elle, et il est un des aspects de sa sainteté. Dans cette con­ ception toute spirituelle aucune attention n’est donnée au signe charnel de son état de vierge. Avec Mgr Jouassard nous pensons qu’il faut se garder de majorer l’importance des défaillances qu’Origène prête à Marie sur le chapitre de la foi, au point de cacher le relief considérable qu'il donne à sa perfection et à son rôle apos­ tolique. 11 a scruté cela d’une manière beaucoup plus pro­ fonde et générale que Justin ou Irénée, à l'aide de sa propre vie intérieure et de la doctrine spirituelle très complète qu'il possède 4. Cependant il n’y a pas encore chez lui de « dévotion mariale », bien qu'il soit un grand affectif dans sa piété et que son amour du Christ ne soit pas sans parenté avec celui de saint Bernard. 1. De H. du Manoir» p. 69-157. 2. /Md.» p. 82» note 11. 3. Ibid.. p. 83. 4. Voir notre livre Origène et la · connaissance mystique >» collection Muscum Lcssianurn, Paris-Bruges, 1961» où sont établis plusieurs points indiqués ici. 64 INTRODUCTION Origène marque donc une date importante dans l'histoire de la théologie mariale. Si telle de scs pages est inacceptable, notamment son interprétation du glaive de douleur, l'en­ semble tire sa valeur de la puissante spiritualité qui l'anime. On comprend que moines et moniales latins du xu® siècle aient vu en lui un grand docteur de Notre-Dame. H. CnouzEb, s. j. II. LES HOMÉLIES SUR LUC ET LEUR TRADUCTION PAR SAINT JÉRÔME réfaces ^es Pro^°8ucs Jérôme « sont pleins de a ‘ précautions oratoires, on y retrouve toute la topique de l’exorde traditionnel : incapacité à écrire, raisons qui obligent à le fgire, souci de brièveté, en somme ce que tout le monde se devait de dire dans le même cas * » ; ils n’en contiennent pas moins des renseigne­ ments ou des allusions qui permettent de dater l’ouvrage et de le replacer dans le contexte historique où il est apparu. Le prologue ·> contient presque toujours quelque rensei­ gnement autobiographique et des aperçus sommaires sur l’auteur étudié et son texte. Au besoin les adversaires reçoivent un bon coup de griffe s ». On sait que l’étude méthodique des préfaces hiéronymiennes a permis au P. F. Cavallera d’établir la chronologie des œuvres de Jérôme 3. L’analyse comparée des différents prologues per­ mettrait tout aussi bien de composer une synthèse vivante Les , 1. Jean Leclercq, L'Amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, 1957, p. 239. 2. P. Antix, Int rod. au Commentaire, sur Jonas, SC 43, p. 8-9. 3. Ci. F. Cavallera. Saint Jérôme, sa vie et ion œuvre. 2 vol. ParisLouvain, 1922. Nous Indiquons les références des prologues les plus impor­ tants, en suivant la chronologic du P. Cavallera : Prologue du Commentaire sur Jérémie, PL 24, 679-682. Prologue des Homélies sur le Cantique, SC 37, p. 58. Prologue du Commentaire sur FEcclcsinste, PL 23, 1009-1010. Prologue du Commentaire de FiSpitrc aux Galates. PL 26, 307310. 387, Prologue du Commentaire de Vlîpîlro aux Éphéslcns, PL 26, 439-442. 396, Prologue du Commentaire sur Jonas, SC 43, p. 50-55. 398, Prologue du Commentaire sur saint .Matthieu. PL2» RSR 27 (1937). Dans la thèse déjà ancienne (1906) Saint Jérôme et scs ennemis, J. Brochet, au contraire· prend le parti de Jérôme contre Rufin. Voir aussi F. Cavallera, op. ctt.. t. II. note N, p. 97. sur l’exactitude de Rufin, ainsi que lu noie Q, ibid., p. 115 tout entière consacrée aux Jugements do Jérôme à l’égard d’Origène^ avant, pendant et après la controverse origéniste. 2. Sur les conférences de l’Aventin, consulter F. Cavallera. op. cil., t. I. p. 85-9Û et 102-104 ; P. de Labrioijjî, Histoire de la littérature latine chrétienne. *3 éd.» Paris, 1917. p. 515-520 et l'introduction de J. Labovrt à la correspondance de saint Jérôme» éd. · Les Belles-Lettres >. t. 1. p. xv et xvi. On trouverait une évocation vivante de ces réunions, des amitiés que Jérôme a su éveiller mais aussi des haines et des calomnies qu’il a Miscitéct dans J. Brochet. op. cit„ p. 1-39. CL aussi Lettre 45. 2-3 ; Lahocrt. t. IL p. 97-98. (Nous renvoyons toujours pour la correspondance de Jérôme à l’édition Budé). LES HOMÉLIES SUR LUC 67 En 386, Panic accompagne Jérôme en Palestine et en Égypte avant de s’établir à Bethléem où elle fonde un monastère 1 qu’elle dirigera pratiquement jusqu'à sa mort, survenue le 26 janvier 404. Dans la lettre 108 2, véritable oraison funèbre, composée selon toutes les règles du genre, après avoir évoqué la vie de Paule et manifesté l'éclat de ses mérites et de ses vertus, Jérôme termine par cette épitaphe d’une excellente facture : Eustochii genetrix, Romani prima senatus Pauperiem Christi et Bethlemifiça rura secula esi... Fratrem, cognatos, Romam patriamque relinquens Divitias, subolem. Belhlcmclico conditur antro. Eustochium, flllc cadette de Paule, menait une véritable vie religieuse dans un appartement du palais de sa mère, situé sur l’Aventin 3. Elle accompagne Paule à Bethléem 456. C’est vraiment la fille spirituelle de Jérôme, sans doute celle qu’il préfère ; il lui adresse, sous forme de lettre, un traité sur la vie intérieure pour les vierges consacrées au Seigneur ·. Dans le prologue, Jérôme fait également allusion à Blaesilla, morte en 384. Sœur aînée d’Euslochium, cette jeune patri­ cienne a a su dans la courte durée de sa vie accumuler les vertus d’une longue existence 4 ». Jérôme entreprend donc la traduction des homélies d'Origène sur saint Luc d’abord pour répondre aux désirs et aux besoins spirituels de la communauté de Bethléem. dont Paule était la supérieure. Ce n’est d'ailleurs pas la seule fois que Jérôme répond ainsi aux demandes de « ses filles 7 « et, 1. Sur la vie menée a Bethléem contrastant avec la mondanité de Home, voir la lettre de Panic et Eustochium ft Marcella. Lettre 46, 10-13; t. II. p. 110 s. ; on trouve aussi des détails sur l'organisation «lu monastère dans la Lettre 108, 20 ; t. V, p. 185. Cf. aussi J. Lauooht, introd. à la cor­ respondance, t. 1, p. xx-xxi avec une note du P. Vincent. 2. Corrcspondiuice, t. V, p. 150-201. i 3. Voir correspondance de Jérôme, Lettre 22 ; t. I, p. 110. •1. lettre 108, « ; I. V, p. 161. 5. Lettre 22; t. I. p. 110 et ss. 6. Lettre 31. 2 ; t. Ill, p. 25. La Lettre 39, sur la mort de Blaesilla, contient l’éloge de cette femme ; t. II, p. 71-85. 7. Commentaire sur l'licetésiaxte, PL 23, 1009-1010, aux ÉpMsiens, PL 26, ill a, sur Isatc, PL 24, 17 a. sur ÊzMiicl. PL 25, 16 a. 68 INTRODUCTION' Si l’on ajoute ù ces travaux les nombreuses lettres adressées à Paule et à Eustochium, on voit la place tenue par cer­ taines présences féminines dans l’existence de Jérôme *. Aussi Rufin ne manque pas de lui décocher un jour ce trait cin­ glant : puellis et mulierculis scribens 3 et Jérôme sc justifie par ces mots où perce un peu d’irritation, ù moins qu’ils n’expriment la mélancolie éprouvée par les prédicateurs de tous les temps : « Si les hommes m’interrogeaient sur l’Écri­ ture, je ne parlerais pas aux femmes 3. » Dès les premières lignes de son pro­ Les commentaires logue Jérôme parle d’un commentaire non origéniens sur saint Matthieu qui manque de mentionnés mordant (hebcs). Selon le P. Caval­ par Jérôme. iers ’, il s’agirait d’un ouvrage de Fortunatien d’Aquilée, mentionné par Jérôme dès 377 \ auteur peu connu dont il dit dans le De Viris, « in euangelia, titulis ordi­ nalis, breui et rustico sermone, scripsit commentarios 6 ». Il en reparle au début du commentaire sur saint Matthieu, en 398 : « legisse me fateor ante annos plurimos in Matthaeum Origenis 25 volumina et lalinorum, Hilarii, Viclorini, Forlunatianl opuscula1 ». Or dans notre préface il ne mentionne honorable­ ment qu’Hilaire et Victorious : « Praeterea commentarios viri cloquentissimi Hilarii et beati martyris Viclorini quos in Matthaeum... ediderunt. » Le commentaire peu élégant sur Matthieu est donc, selon toute vraisemblance, le texte de Fortunaticn B. 1. P. de Labrxolle fuit de Jérôme · le premier dans la lignée des François de Sales, des Bossuet et des Fénelon », op. dt, p. 518. 2. Rufin. ApoL 2, 7 ; PL 21. 589 a. 3. Prologue au Commentaire sur Sophonic, PL 25, 1337 b. Dans la Lettre 45, t. II. p. 96-97» Jérôme se défend contre certaines accusations de scs ennemis qui lui reprochaient trop de familiarité avec Paule et Eustochium. 4. F. Cavaï.i.era, op. dt, t. I, p. 143, note 1. 5. Lellre 10, 3 ; t. I. p. 29. 6. De viris 97 ; PL 23, 698 b. 7. PL 26. 20 b. 8. Dom A. Wilma RT a publié quelques fragments do ce commentaire : < Deux expositions d’un évêque Fortunat sur l’Evangile ·, Revue Bénédictine. t. XXXII, 1920. p. 160-174. LES HOMÉLIES SUR LUC. 69 Jérôme a l’intention de faire encore parvenir à Paule les deux autres commentaires latins qu’il connaît, l’un rédigé par saint Hilaire, l’autre par Victorinus. Le commentaire d’Hilaire date des environs de 355 ; c’est, semble-t-il, le premier ouvrage de l’évêque de Poitiers x, vir cloquenlissimus, oie Rhône de l’éloquence latine ·»; Hilaire ca imité les douze livres de Quintilien et par le style et parle nombre 3». Jérôme lui reproche assez souvent ses périodes oratoires *, mais il le félicite d’avoir utilisé son exil en Orient pour faire connaître aux occidentaux l’exégèse d'Origène ». Hilaire a également traduit les Homélies sur .Job, mais il ne reste de cet ouvrage que deux passages assez brefs ·. Dans un style différent diverso sermone un troisième commentaire latin sur Matthieu était connu à cette époque, celui de Victorinus, le martyr. Évêque de Petlau, en Illy­ rie 7, compatriote de Jérôme et à ce titre, sans doute, méri­ tant d’être cité, Victorinus est le premier en date des exé­ gètes latins, exégète d’ailleurs assez médiocre, si l’on en croit Jérôme qui le juge « incapable d’exprimer ce qu’il com­ prend " », « sans grande érudition malgré son désir d’être savant · ·.«. Cet homme assez obscur, que Jérôme juge sans doute trop sévèrement, a su toutefois s’inspirer d'Origène dont il révèle l’exégèse aux Latins111 ·. Dans le De. viris, Jérôme donne la liste des ouvrages composés par Victorinus" mais 1. On trouve quelques passages de ce commentaire dans Migne, VL 9, 918 et ss. 2. JénôMR, In Gal. com., PI. 26, 355 b. 3. Lettre 70. 5 ; t. III, p. 211. 4. Lettre 58. 10; t. III, p. 84. 5. Lettre 57, 6 ; t. III. p. 62 et Lettre 61, 2 ; t. III. p. 111. G. PL 10, 723-72L 7. Victorinus est mentionné également dans la Lettre 61, 2 ; t. Ill, p. 111. 8. Lettre 58, 10 ; t. III, p. 84. 9. t.dire 70,5;t. ΙΙΓ, p. 211. CL aussi Prologue du Corn, d’haie, PL 21.20 c. 10. lettre 81. 7 ; t. IV. p. 131. 11. De vlrls 71 ; PL 23, 683 b-c. · Les couvres de Victorinus malgré l’élé­ vation do leur pensée sont médiocres par leur style. Ce sont les suivantes : les commentaires sur la Genèse, sur i’Exodr, sur le Lévitiquc. sur Isaïe, sur Ézéchlcl» sur Habacnc, sur l’Ecclésiaste, sur le Cantique des Cantiques, sur l’Apocalypse «le Jean, un Traité contre tontes les hérésies, et beaucoup d’autres ouvmges. · 70 INTRODUCTION tons ont disparu sauf le commentaire sur V Apocalypse L Victorious mourut martyr sous Dioclétien probablement en 301. Jérôme souligne ce détail pour éviter une confusion possible avec Marius Victorious, « le maître qui à Rome l'initia aux secrets de la rhétorique 2 ». Après les jugements de Jérôme sur la médiocrité du génie de Victorious et sur l’éclat de l’éloquence d'Hilaire, on com­ prend mieux la différence de style entre ces deux auteurs — diverso sermone mais qu’importe, iis écrivaient tous les deux sous l’inspiration du même Esprit. Outre ces trois commentaires latins sur saint Matthieu, Jérôme fait mention d’un ouvrage consacré à l’Évangile de Luc « qui jongle avec les mots tandis que la pensée est som­ nolente n. Ce trait acéré vise saint Ambroise dont VExpositio in Lucam date des années 386-388 ’. Jérôme n’est pas tendre pour Ambroise, qu’il dépeint à la fin de notre prologue sous les traits d’un corbeau de mauvais augure, sombre et ténébreux, qui, semblable au geai paré des plumes du paon, voudrait dissimuler son indigence sous les richesses d’Origène. Le coup de griffe est dur : Ambroise ne serait qu’un plagiaire, cherchant à s’attribuer quelque chose de la gloire du grand Alexandrin. Si cc trait était isolé, on pourrait le considérer comme une simple boutade, une malice, mise au compte du mauvais caractère de saint Jérôme ; mais, dans l’introduction à la traduction du Traité de Didyme sur le Saint-Esprit, le corvus crocitans réapparaît, au féminin cette fois, sous l’image guère plus gracieuse d’une cornicula informis *. D’autre part dans le De Viris, ouvrage Ambroise et Jérôme. 1. On trouve <·.<· texte dans le CSEL, Vienne. 1916, vol. 49. On a voulu également attribuer à Fortunntien d’Aquiléc ic commentaire anonyme sur 1rs quatre Ivvangilvs Inséré à la suite des œuvres de Jérôme, PL 30, col. 533, réédité dans PL Ill. 862. Voir · Ein ait cria tcinischer Kommcntar über die vier Evangellcn un article de G. Wohlknbero. dans Sludtenj olïcrts à T. Zahn. Leipzig. 1908, p. 419 et 2. Prologue du Commentaire de l'ÉpUrc aux Galates, PL 26, 308 ». 3. Cet important commentaire a été traduit et annoté pur G. Tissot, vol. 45 et 52 de lu collection · Sources Chrétiennes ». 4. PL 23, 103 b. Ou rencontre encore une attaque contre Ambrol· e dans LES HOMÉLIES SUB LUC 71 où Jérôme présente les écrivains chrétiens de l’Église des premiers siècles, il ne fait que nommer Ambroise sans ajou­ ter un mot de ses écrits. Pourquoi ce silence ? Que vaut l'excuse, alléguant qu’il ne convient pas de parler d’un per­ sonnage encore vivant, surtout d’un évêque, pour éviter le risque d’un jugement flatteur ou d’une critique ? Ambro­ sius Mediolensis episcopus, usque in praesentem dicm scribit, de quo, quia superest, meum judicium subtraham, ne in alte­ rutram partem aut adulatio in me reprehendatur aut veritas Que s'était-il donc passé entre Ambroise et Jérôme ? Mgr Duchesne, pourtant habile a déceler les rivalités et les jalousies naissantes entre les différents personnages de l’Église ancienne, ne satisfait pas sur ce point notre curiosité. « Jérôme ne parlait jamais d’Ambroise que pour le décrier. Amplement paré lui-même des plumes d’Origène et d'Eusèbe, il trouvait à redire aux emprunts qu *Ambroise avait faits aux auteurs grecs 2. » Mais pourquoi, à une époque où la notion de propriété littéraire était assez souple, ce souci, plein d’amertume et d’irritation, de révéler les emprunts faits par l’évêque de la Lettre H t, 7 : t. IV, p. 134. Cf. E. Stolz, · Didymus, Ambrosius, Hierony­ mus ·, Tfteoloÿische Quartaltchri/l, 1905. p. 37 t. .1. Steinmann, dans son Sain! Jérôme, p. 191. estime que h· Cornus crocitans ne désigne pas Ambroise mais Butin. Nous ne pensons pus que son argumentation, établie sur le sym­ bolisme de la couleur noire et la géographie palestinienne, suffise à infirmer la tradition historique qui n toujours vu dans ce passage une méchanceté à l'égard d’Ambroise. « Les moines seuls, écrit Stcinmann, étaient vêtus de noir et ce corbeau est tout proche «te Jérôme, ü gauche - côté sinistre. Or Jérôme s’oriente ù La manière «les Anciens, face au soleil levant. La gauche, en Palestine, c’est le Nord, c’est Jerusalem. Ιλ sinistre corbeau noir ne saurait être que Butin. · Si Butin avait été visé par ce passage, l’aurait-il ignoré, au point «te reprocher à Jérôme, ü propos de cette preface inté­ gralement retranscritc, d’avoir « déchiré · Ambroise ? (Rufin. ApoL 2. 23. PL 21. 002 c) Les arguments de Stcinmann no nous ont donc pas convaincu. Signalons enfin une erreur dans la traduction (iôi'L, p. lit!) : ridere coloribus ne veut pas dire se moquer des couleurs mais se parer «les couleurs, sens figuré et poétique ; ridere, au sens de sc numtier de, exige un complément à l’accu * satlt. L’erreur de Stcinmann ne fait d’ailleurs «pie reproduire celle de In traduction de Bmiuille. Œuvres complètes de S. Jérôme, t. X, Paris, 1884, P- H L 1. De viris 121; PL 23, 712 c. 2. L. D«’CHF.sne. Histoire ancienne de l’Église, Paris, 1911, t. Il, p. 564. 72 INTRODUCTION Milan aux Pères grecs de l’école d’Alexandrie ? A dire vrai, nous n’en savons rien. Duchesne émet une simple hypothèse : K Y aurait-il eu quelques froissements entre les salons pieux de Marcelle et de Marcelline, ou Ambroise, qui vint à Borne en 382, au moment où Jérôme s’y trouvait aussi, aura-t-il égratigné par mégarde le plus sensible des épidermes 1 ? » S’agit-il plus simplement d’une rivalité, somme toute assez compréhensible, entre deux auteurs qui puisent aux mêmes sources leur inspiration et qui se proposent le même dessein : faire connaître aux Latins les richesses des Grecs ? N'y a-t-il qu’une opposition de tempérament, alimentant un certain mépris de la part de Jérôme pour l'adaptation un peu hâtive que saint Ambroise avait réalisée des homélies d’Origène ? « Jérôme, écrit Dom Tissot, est le travailleur spécialisé, compétent, que ne peuvent manquer d’exaspérer les impro­ visations, si brillantes soient-elles, de l’ancien magistrat insuffisamment préparé, faute de loisirs studieux, comme le désert en avait fourni à son critique et, malgré tout, ne pou­ vant se dérober au devoir d'expliquer V Écriture à ses ouailles 2. » Il est exact que la culture d’Ambroise fut un peu impro­ visée au gré des circonstances. Selon la phrase souvent citée, Ambroise, catéchumène devenu évêque en l’espace de quelques jours, sans connaissances théologiques bien pous­ sées, avoue qu’il « a dû enseigner avant d’avoir appris 3 ». Mais il ne faut rien exagérer ; entre l’élection épiscopale et le baptême, il fut instruit par Simplicien. ami intime de Marius Victorious ‘ ; aussi convient-il de ne pas minimiser les connaissances d’Ambroise et M. Courcelle pense même que l’évêque de Milan a lu personnellement Plotin, peutêtre aussi Porphyre \ A suivre le témoignage de Jérôme, on risquerait d’être injuste envers un grand évêque, avant tout apôtre et pasteur, beaucoup plus cultivé qu’il ne le paraît. 1. L. Duchesne, iMd., p. 565. 2. G. Tissot, Introd. au Traité sur Vfiuangile de Luc, SC 45. p. 33-34. 3. De ofliclis minislorum, Γ, l. 4. PL 16. 25 a. 4. P. Courcelle, Recherches sur les Confessions de saint Augustin, Paris, 1950, p. 137. 5. P. COVRCelle. op. cil.. p. 10G et SS. LES HOMÉLIES SUR LUC 73 Certes, « sa culture un peu composite décèle chez lui, à défaut d'originalité bien marquée, une remarquable faculté d’adaptation12», mais, si Ambroise n’avait pas possédé une connaissance personnelle des théories cl des idées séduisant les hommes de son époque, aurait-il eu cette influence déci­ sive sur l’évolution de saint Augustin a ? Celui-ci a sans doute assisté à quelques-uns des sermons d’Ambroise consacrés précisément à commenter l’Évangilc de Luc3, dont le texte remanié allait constituer une partie importante de VExpositio in Lucam. En comparant, les textes, il sera aisé de se faire une idée de la dépendance de saint Ambroise à l’égard d’Origène comme aussi de son originalité. 11 y aurait d’ailleurs un tra­ vail intéressant à entreprendre, mais qui dépasse le cadre de cette introduction : comparer le texte grec d’Origène, quand il existe, dans l’édition Raucr du Corpus de Berlin, avec le commentaire d’Ambroise, d’une part, et la traduction latine que Jérôme donne des Homélies sur Luc, d’autre part4. Ce labeur méthodique montrerait, sans aucun doute, que la sévérité de Jérôme à l’égard d’Ambroise est au moins excessive. Si l’évêque de Milan n’a pas la vigueur d’Origène et si son commentaire manque parfois de puissance, la pensée demeure riche et assez libre vis-à-vis du maître alexandrin. Il y a parfois identité entre Origènc et Ambroise, mais le commentaire de l’évêque de Milan n’est pas un simple plagiat ; « qu’on y regarde de plus près, écrit Dom Tissot, 1. P. de Labkiolle, Histoire delà littérature latine chrétienne, Paris, 19-17, p. 389. 2. Voir les Confessions, livre C>. passim, 3. P. Courceixb, op. ciL. p. 213-21G et p. 251. Augustin nous dit qu'il cherchait la réponse à certaines difficultés dans l'exégèse d’Ambroise sur Luc et il cite trois extraits qui correspondraient 6 la première et à la qua­ trième homélie (b 5-6 ; I. 24-27 et II» 93-91) si l'on suit le tableau proposé par J. R. PaLanqur, dans Saint Ambroise el Γ Empire romain, Paris, 1933, p. 451. Il semble même, d’apres P. Conrcelle,,que saint Augustin aurait été préparé ù son baptême en assistant, comme catéchèse, aux homélies d'Am­ broise sur Luc. On a noté d'autre part l'influence d’Ambroise sur l'exégèse d'Augustin ; cf. P. Roi.ï.F.no, L'infiusso dolia « Expositio In Lucam > di Ambroglo ncll* esegesi agostlnlana, Augustinus Magister, t. 1. p. 211 et ss. 4. Pour faciliter cette tâche nous avons indiqué, dans un appendice, p. 563. les parallèles entre Ambroise et le texte que nous éditons. 74 INTRODUCTION on ne tardera pas à s’apercevoir que, dans la plupart des cas, il y a utilisation verbale, matérielle, plutôt que dépen­ dance réelle de la pensée... On a parfois l’impression que la lecture du modèle est avant tout pour l’évêque de .Milan une éveilleusc d’idées : il écoute Origène, Eusèbe ou Hilaire, il enregistre et retient leurs expressions mais, pendant ce temps, il a suivi sa propre pensée et il arrive qu’avec les mêmes mots, il construise un raisonnement assez différent 1 ». Ces différences sont particulièrement sensibles dans l'inter­ prétation des citations de l’Écriture : certains détails de l’exégèse origénicnne ont été sacrifiés au profit d’interpré­ tations plus pratiques, voire plus moralisantes ; beaucoup d’allusions à la « prétendue gnose » ont disparu ; on ne trouve plus trace de l’angélologie d’Origène, ce qui sc comprend aisément, car le climat intellectuel de Milan au iv® siècle n’est pas celui d’Alexandrie au ni® : les spéculations des Valentiniens ne devaient guère troubler les Milanais qui ignoraient le jeu mystérieux des éons et de leurs syzygies ainsi que les théories concernant le jugement dernier et l’apocatastase. , Jérôme nous dit donc clairement dans de la traduction e "U 11 * traduire , .. . les Homélies sur Luc pour répondre au de Jérôme. ... , . désir de Paule et d Eustochium qui ont besoin d’une solide nourriture spirituelle. 11 le fait également « pour montrer à Paule et à Eustochium et à tout le public latin le piètre parti qu’Ambroise de Milan avait tiré dOri­ gène 2 ». Conscient enfin de la valeur de l’œuvre d’Origène, Jérôme veut en faire profiter le inonde latin. De fait « sa connais­ sance approfondie de la langue grecque le mettait en pos­ session des trésors d’une littérature jusque-là parcimonieu­ sement utilisée par quelques écrivains latins comme saint Victorin de Peltau, saint Hilaire, saint Eusèbe de Verceil 1. sc 15, p. 17. 2. P. Antis, /i.ttai &ur S· Jérôme, Paris, 1951, p. 154· C’est la même Intention, somme toute assez peu charitable, qui lui avait fait traduire l’oit· vrngc de Dldyme sur lo Saint-Esprit. en 3SG-387 (PL 23, 101 -KM). LES HOMÉLIES SL K LUC 75 et surtout saint Ambroise. .Jérôme résolut d'en faire profiter abondamment et directement scs compatriotes ». » Grâce à lui, rÉglise latine découvrira les trésors de la théologie alexandrine, découverte qui constituera un approfondisse­ ment pour la foi et un enrichissement pour la culture latine : tune videre poteritis, immo per vos romana lingua cognoscet, quantum boni et ante nescierit cl scire nunc coeperit. Aussi .Jérôme regrette-t-il de ne pas pouvoir traduire toutes les oeuvres de son « cher Adamante 4 «·. A ce sujet, Jérôme fait mention de Les œuvres 26 tomes sur Matthieu, 5 sur Luc et 32 d’Origène sur Jean. Les tomes désignent les com­ mentionnées mentaires d’Écriture sainte, selon l’ap­ dans le prologue. pellation d’Origène lui-même ; les τομοι sont des travaux d’exégèse suivie et plus poussée, tandis que les homélies ou tractatus ont un caractère plus simple, comme il convient ù des conférences prononcées à l’église, dans un but pastoral, pour l’instruction des fidèles. Les « tomes » et les homélies doivent également être distingués des scolies — excerpta — courtes gloses expliquant un passage obscur, simples notes d'exégèse donnant la solution d’une difficulté précise ’. Le catalogue des œuvres d’Origène, édité par Jérôme dans la lettre 33 4, indique seulement 25 tomes sur Mat­ thieu. Ce chiffre doit être retenu de préférence à 26, men­ tionné dans notre préface. Jérôme en effet parle de 25 vo1. J’. Cavali.i »ia. op. ciL, I. I. p. 62-03. 2. Avant les querelles originates l’udmiration de Jérôme est entière» et mime après, malgré scs dénégations, il restera plus origénien qu’il ne veut bien le dire. Adamante, « homine d’acier ·. est un surnom ou un autre nom d’Origène. Cf. Lettre 33, 4 ; t. II. p. 40 : · Adamante a dépensé tant de sueurs qu’il a bien mérité snn surnom d’homme * acter. » Voir les motifs de ce sur­ d nom d’après Huet, PG 17, 638 c. 3. Sur le sens exact do ccs termes, tomi. tractatus. excerpta, et. Jérôme, Lettre 84» 8 : t. IV, p. 135. Prof. sur Jérémie et Êzcchiel. PL 25, 585 a et Prol. sur Isaïe, PL 21, 21 a. Voir aussi R. Dbvrf.esse, art. Chaînes exégétiques, dans le Suppl, mi Diet. dr ta Hible. col. 1106. et J. Quastkn, Initiation aux Pires de V Eglise. t. IT. p. 60-64. I. Lettre 33. ! : t. Π, p. 40-43. 76 INTRODUCTION lûmes dans le prologue du Commentaire sur saint .Matthieu ‘ et Eusèbc retient le même nombre *. Par contre la tradition des 5 tomes sur Luc est préférable aux 15 volumes indiqués par la lettre 33, qui sur ce point doit reproduire une simple erreur de copiste 3. Quant aux tomes sur l'Évangilc de Jean, la lettre 33, tout comme notre prologue, en mentionne 32. Nous possédons le livre 32 qui commente le chapitre. 13 de saint Jean, mais de bonne heure une partie de cet immense commentaire, d’ailleurs inachevé, avait disparu puisque Eusèbe déjà n’en possédait que 22 livres *. * Le prologue nous donne une idée assez .de Jérome. τι a précise de la multiplicité et de la variété des ,, , .. .. ,, , tâches auxquelles se consacrait Jérôme : pour traduire Origène, il est obligé d’interrompre une œuvre personnelle, les Questions Hébraïques ; pour répondre aux désirs de ses filles spirituelles, il laisse quelques temps ses travaux d’exégèse, petistis ut... saltem triginta et novem... omelias \ L'allusion à Blaesilla olim Blacsilla flagitaverat — montre qu’à Rome déjà Jérôme avait été prié de traduire les commentaires origéniens sur l’Évangilc. Il est un homme sollicité de toutes parts : à Constantinople, vers 380, Vincentius lui demandait de traduire tout Origène, il ne lui envoie que quelques homélies sur Jérémie et Ézéchiel ; pour l’ins­ tant, il manque de copiste et l’état de sa vue n’est pas excel- , 1. PL 26. 20 b. 2. Eusimiî, Hist. Eccles., Vf, xxxvi, 2, SC 41, p. 138. 3. Cf. P. CoUKCefXB, Les lettres grecques en Occident. Paris. 1913, p. 96, noie 0. ■1. EosIîbe. op. cit., VI, XXIV, 1. SC -11, p. 12-1. 5. Il faudrait lire toute la correspondance do Jérôme pour comprendre la prodigieuse activité de cet homme. Dans lu Lettre 108. 26 (t. V, p. 195), il avoue quo Paule lui a imposé do relire l’Ancien et Je Nouveau Testament pour répondre à des difficultés. Beaucoup de lettres cou lien nent, au passage, des annotations qui sont des réponses ;i des questions posées afin «le per­ mettre une lecture fructueuse et intelligente de la Bible. Cf., par exemple. Lettre 25 ù Marcella ; t. Il, p. 13 et SS. Voir aussi les Lettres 26. 27, 29. 30, 34. Dans les Lettres 35 et 36, ibid., p. 49 et 65, Jérôme envole à Damasc des réponses à des difficultés concernant le texte biblique «pic le Pape lui avait exposées. LES HOMÉLIES SUR LUC 77 lent l2 . Lors de son retour à Rome, vers 383, le pape Damase souhaite une traduction du gros commentaire sur le Can­ tique, en 10 volumes ; ce travail est trop considérable, Jérôme s’excuse : il n'en a ni le temps ni la force et les moyens financiers lui font défaut ’. Il ne traduit donc que les deux homélies sur le Cantique des Cantiques. On com­ prend l’exactitude de la remarque faite par dom Antin, -> Jérôme est l’homme du travail haché, des besognes inter­ rompues et reprises 34». Parmi les travaux que Jérôme se voit contraint d’inter­ rompre pour quelque temps, le prologue indique les livres des Questions hébraïques. Cet ouvrage * constitue une intro­ duction à la lecture de la Genèse : il contient des remarques sur les étymologies des noms hébreux, des comparaisons entre les différentes éditions, des allusions aux commen­ taires plus anciens ; ouvrage d'apparence modeste, simples notations sans prétention aucune, mais où percent déjà les préoccupations vraiment scientifiques, indispensables pour entreprendre n’importe quelle lâche d’exégète. Comme le livre des Questions hébraïques est unique et que le texte de notre préface en mentionne plusieurs, libros, on peut conjec­ turer que ce pluriel désigne également deux autres ouvrages analogues auxquels Jérôme travaillait simultanément à cette époque, entre 387 et 389, le livre de nominibus hebraicis, lexique des noms hébreux avec leur signification 56 et le livre de situ et nominibus locorum hebraicorum ·. Mais Jérôme a consacré une grande partie de son temps à faire œuvre de traducteur : traduction de la Bible, traduction des commentaires et des homélies d’Origène, traduction du Peri Archôn, du traité du Saint-Esprit de Didyme7. Ce 1. PL 25, 583 d. 2. Prologue des homélies sur le Cantique, SC 37, p. 58. 3. P. Λντιν, Comment, sur Jonas, SC -13, p. 50 et note 2. Cf. Lettre 36, 1 : t. II. p. 51, et Lettre 73. 10; t. IV, p. 26. Voir uussi PL 26, 307 a : mullis retrorsum in medio praetermissis. Cf. le prologue sur Êzéchiel, PL 25, 76 c, celui sur Isaïe, PL 24, 17-22. 4. PL 23, 935-1010. 5. PL 23, 771-858. 6. PL 23, 859-928. 7. On peut sc faire une Idée de l’art du traducteur selon Jérôme, en lisant 78 INTHODUCTIOK travail ne l’attire guère si l'on en croit cet aveu où perce ^affirmation d’un désir d’originalité : « C’est un véritable supplice que d’écrire en suivant le goût d’un autre. » Aveu qu’il ne faut peut-être pas prendre trop au sérieux, car cette confidence pourrait bien n’être qu’une coquetterie d’auteur qui fournil occasion à l’écrivain de montrer sa culture latine en citant un mol de Cicéron : ut ail Tullius l. S’il n’était pas animé du désir de satisfaire les demandes des moniales de Bethléem et emporté plus encore par la volonté de montrer les faiblesses d’Ambroise, Jérôme, semble-t-il, n’aurait pas sur le champ - nunc faciam — entrepris une tâche assez modeste à son gré — quia non sublimiora petistis. Si nous rassemblons les données du Date et lieu prologue, il est facile de préciser la de composition du texte de Jérôme. date de la traduction des homélies d’Origène sur Luc. Le commentaire d'Ambroise sur Luc a dû être achevé en 387-388. La rédaction de cet ouvrage a d’ailleurs nécessité un temps assez long, car, selon toute vraisemblance, il s’agit d’un texte retouché pour unifier un certain nombre d’homé­ lies prononcées en public en diverses circonstances La traduction hiéronymienne est de peu postérieure au texte de saint Ambroise, et antérieure à 392, date du début de la controverse origéniste. Le livre des Questions hébraïques était terminé en 390-391. On peut donc affirmer que la tra­ duction des homélies sur Luc a été rédigée en 389-390. A cet époque Jérôme se trouve à Bethléem où il est ins­ ia lettre à Pammachlus, Lettre 37 : t. III. p. 56 et ss. Voir aussi la Lettre 106. 3; t. V, p. 1U6. Sur cette question, on peut consulter G. Hoberg. De S. Hieron. arte interpretandi. Munster, 1886, et G. Bardy, Hechcrchcs sur l'Hisloire du texte et des versions latines du « De Principiis · d’Origi-nc, Lille, 1923, p. 158-168. Cf. aussi P. CourCBI.I.i!, Les lettres grecques en Occident, p. 42. 1. Allusion à une lettre ad Familiares 7, 1 ; Lettre 127, 2, dans Budé, t. III de la correspondance de Cicéron. p. 28. 2. Voir .J. B. Pai.anqur, Saint Ambroise et l'Empire Jiomain, Paris, 1933, p. *150-451. A titre «le conjecture, l’auteur tente une re«x>nstitutlon des homé­ lies composant VExpositio in Lucam. Cf. aussi P. de Labriolle. Saint Ambroise. Paris, 1908. * 4 éd., p. 10-11 et G. Tissot. Introduction au Traité sur ΓÉvangile de Luc, SC 45. p. 11-14. I.KS HOMÉLIES SUR LUC 79 tallé depuis l’été de 386 *. Le texte de notre préface, où il est fait allusion à son ancienne résidence à Rome, confirme le lieu de son séjour. « Dire qu’autrefois, à Rome, la vénérablc Blaesilla... » A la fin du prologue, l’éditeur a ajouté une phrase qui n’appartient pas au texte de Jérôme : c'est une re­ marque de copiste, affirmant que les homélies sur Luc ont été prononcées les dimanches — dictae in diebus dominicis. Rien n'est moins certain. Certes le plus souvent les prédications avaient lieu le dimanche * ; mais Origène prêchait plusieurs fois par semaine, au moins deux fois, le mercredi et le vendredi et sa prédication fut même souvent quotidienne surtout ù la fin de sa vie, à partir de 230. C’est de cette période en effet, lors de son dernier séjour à Césarée, que datent la plupart de ses homélies sur l’Écriturc sainte. Mais ne sommes-nous pas alors en contradiction avec Jérôme qui semble tenir les Homélies sur Luc pour une œuvre de jeunesse — quasi puerum talis ludere — et qui les oppose aux travaux de sa maturité — alia sunt virilia ejus. M. Raucr, dans son introduction aux Homélies sur Luc 6, estime avec raison qu’il ne faut pas entendre quasi puerum comme une indication chronologique, mais y voir une simple compa­ raison : Origène, à la manière d'un enfant, jongle avec les textes scripturaires et se livre à une certaine fantaisie dont il se départit quand il rédige ses grands ouvrages, le Péri Quand Origène a-t-il prononcé les homélies sur Luc ? 1. Cf. F. Cavallera, op. eft., t. I, p. 127 et 1$. 2. Cf. In Num. hom., XXIII, 4, SC 29, p. M3. 3. Socrate, Hist. Eccles., V, 22, PG 67, 638 a. 4. L'homélie XIII sur les Nombres a été préchéc le lendemain de l'homé­ lie XJI : · Hier, nous avons dit... », SC 29. p. 259. Pamphile donne aussi ce témoignage : tractatus quos pent quotidie in ecclesia hubebai; Apol. pro Orig., PG 17, 545 b. Voir J. Leureton, Histoire de ['Église. Fllchc-Martin, t. II, Paris, 1935, p. 268. Pour se faire une idée de la prédication d'Origène, con­ sulter G. Bardy, · Un prédicateur populaire au * in siècle », Hernie Pratique d'Apologéliquc. 1927, p. 513 et ss et p. 679 et ss et H. PK Lu bac. H. E., p. 131 et ss. 5. GCS 9, p. vin, 2· éd.. 1959. Nos références ru volume 9 des œuvre» d Origène renvoient à cette édition. 80 INTRODUCTION Archôn, le Conlra Celsum, où il manifeste sa pleine autorité de docteur. L’homélie XXI mentionne un certain nombre de voyages : quascumque urbes transivimus... mare quod navigavimus. On a voulu trouver dans ces lignes un écho des pérégrinations d’Origène antérieures à son second exil et de là tirer argu­ ment pour dater les Homélies sur Luc du dernier séjour à Césarée *. Harnack considérait cependant ces homélies comme les plus anciennes 123. De fait, l’argument tiré des voyages ne parait pas très probant : Origène a voyagé assez jeune puisque, selon Eusèbe, il est allé à Rome dans les débuts de son enseignement à Alexandrie Mais ce qui incline à penser que les Homélies sur Luc datent du second séjour à Césarée, c’est la différence men­ tionnée dans l’homélie XVII entre » Γ Église sans tache ni ride » et « ceux qui invoquent le nom du Seigneur 456». Cette expression tirée de I Cor. 1, 2 permet à Origène de distinguer deux catégories de chrétiens et l’on retrouve la môme dis­ tinction dans un fragment du Commentaire de l’É,pitre aux Corinthiens (dont de larges extraits ont été publiés dans le Journal of theological studies B) et dans le livre VI du Com­ mentaire sur Jean *. Comme cette distinction ne se trouve nulle part ailleurs, n’y aurait-il pas lieu de penser que ces trois textes sont à peu près contemporains ? Les Homélies sur Luc sont postérieures au Commentaire de l'Épilre aux Corinthiens puisqu'on lit dans l’homélie XVII : memini, cum interpretarer illud quod ad Corinthios scribitur 7 ; d’autre 1. ht Luc. hom., XXI, 7, p. 299. Selon P. Koktsciiau ce passage montre qu'Orlgènc a déjà voyagé et traversé la mer, Thcologische Lileratitrzeitung, 1931, p. 153. 2. A. Harnack, Die Chronologie lier altchristl. Litteratur, l. Il, l^elpzlg, 1904, p. 45, note 3. 3. Eesftmt, Hist. Eccles., VI, χιν, 10; SC 11. p. 108. Selon Jérôme. Ori­ gine aurait entendu Hippolyte (De viris illustribus, Gl, PL 33, G71-C73). Sur le voyage à Rome et la rencontre avec Hippolyte, voir R. Cadiou, La jeunesse d’Origène, Paris, 1935, p. 02-68. 4. Voir hom. XVII, 11 et la note 2. p. 2G3. 5. JThS (1908), p. 231-2-17. 6. In Jo. com., VI, 59, GCS 4, p. 167. 7. In Luc. hom., XVII, 11. LES HOMÉLIES SUH LUC 81 part le livre VI du Commentaire sur Jean, a été rédigé au début du second séjour à Césarée puisque, dans sa préface, il y est fait allusion aux difficultés rencontrées à Alexandrie ’. Nous pensons donc que les Homélies sur Luc sont de la même époque que le livre VI et, puisque le Conunenlaire des Corinthiens date de 232-233, les Homélies sur Luc ont dû être prononcées au début du second séjour à Césarée en 233-234 12. Jérôme mentionne et traduit 39 homé­ lies d’Origène sur {’Évangile de Luc. Les 33 premières constituent une expli­ cation suivie des chapitres 1 ù 4, 27 du texte évangélique avec cependant quelques lacunes. Ainsi, entre les homélies VI et VII, il manque un commentaire des versets de l'Annonciation sur la naissance virginale de Jésus (Le 1, 32-38). Étant donné l’importance de ce texte, j’in­ cline à penser qu’Origène a dû commenter le verset : o Com­ ment cela se fera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » ; d’ailleurs le commentaire d’Ambroise qui, dans les débuts, s'accorde assez bien avec la traduction de Jérôme consacre plusieurs pages au mystère de l’Annonciation 34. Pourquoi Jérôme, sur ce point, n’a-t-il pas suivi Origène ? Nous pro­ posons l'hypothèse suivante. Par son insistance à montrer que la question de Marie : « Comment cela se fera-t-il ? » n’est pas, malgré les appa­ rences, le signe d’un manque de foi, le commentaire d’Am­ broise semble s'opposer à la pensée d’Origène qui, on le sait, n’hésitait pas parfois à affirmer une certaine incrédulité de la part de la Vierge ‘. L’homélie d’Origène n’aurait-clle pas insisté sur ce manque de foi au point qu'Ainbroisc en aurait été surpris ? Ainsi se justifierait son insistance à témoigner Le nombre des homélies sur Luc. 1. In Jo. com., VI. 2, GCS 4. p. 107. 2. R. Drvrrrsse. RH 12(1033), p. 141, écrit : « les Homélies sur Lite appar­ tiennent à la fin de la première moitié du ni· siècle, mais 11 est difficile de préciser davantage ». 3. Ambroise, Expositio in Lucam, II. 11-18. SC 45, p. 78-St. 4. In Luc. hom., XVil, fi et note 3. p. 256 et In Luc. hom.. XX, 4 ; cf. note 1, p. 284. OllIGH.NE, S. LUC. Ci 82 INTRODUCTION en faveur de la foi de Marie. · Il semblerait que Marie n'a pas eu la foi... mais il est inadmissible qu’une incrédule soit choisie pour enfanter le Fils unique de Dieu. Une foi plus grande devait lui être assurée... Marie ne devait pas refuser de croire... Elle n’a pas refusé la foi, n’a pas mis en doute l’effet. Elle a cru à l’accomplissement... Comme Marie a été prompte à croire ’. Il est clair qu’elle croyait, elle ne semble pas avoir douté l. » Jérôme, lui. aurait simplement laissé de côté le commentaire d’Origène, peu en accord avec la dignité de Marie ou, selon plus de vraisemblance, d’après l’hypothèse de Kauer, Jérôme aurait traduit un texte d’Ori­ gène déjà abrégé et peut-être même expurgé par les soins d’un censeur diligent 2. De même, entre les homélies NI et XII, il manque le com­ mentaire de Le 2, 3-7 et, entre X111 et XIV, celui de 2, 17-20. Les homélies concernant ces versets n’ont-elles jamais été prononcées ? Ont-elles été perdues ? Jérôme n’a-t-il pas jugé bon de les traduire ou, plutôt, le texte qu’il traduisait n’en portait-il aucune trace, nous n’en savons rien. Le com­ mentaire d’Ambroise, au contraire, explique ces passages omis par Jérôme, et il semble bien qu’il faille admettre que le texte d’Origène que traduisait Ambroise était plus long que celui que Jérôme avait à sa disposition, puisque VExposilio in Lucam s’inspire souvent de certains fragments grecs que Jérôme n’a pas traduits 3. 1. Ambroise, op. ciL, p. "8-80 passr'm. 2. GCS 9, p. χνι-χνιπ. L'argumentation de Rimer pormot-ellc de se faire une opinion définitive sur cette question ? Π est très vraisemblable que le recueil des homélies sur Luc σι dû être un peu délesté, au cours des années» pour des raisons d'orthodoxie avant que Jérôme en ait connaissance. Cf. J. Simon, Analecta Bollcmdiaua 40(1931), p. 135. Entre la prédication d'Origène et la traduction de Jérôme 150 mis environ se sont écoulés. Or il est certain que beaucoup d'homélies ont dû sc perdre pendant ce temps. Si l’on en croit Jérôme (Lettre 84» 8 ; L IV, p. 135), Origène aurait public plus d'un millier d’homélies, mille cl «> amplius tractahis qnos in ecclesia locutus est edidit. Los homélies d'Origèm· recensées pur Jérôme clans la Lettre 33 sont bien loin d'atteindre le millier ! Faisons la par! de l'hyperbole, on peut cependant admettre, sans craint© d'erreur, qu'Orlgène a rédigé un nombre d'homélies bien supérieur Λ celui que nous connaissons. 3. Voir M. Kauf.r. TU 47 (1932), p. 34-39, · Die latelnische Form der Homilien nnd tare Vorlage ·. L'auteur donne un certain nombre d'exemples LES HOMÉLIES SUR LUC 83 Alors que dans les 33 premières homélies nous avions un commentaire suivi des premiers chapitres de saint Luc jusqu’en 4, 27, nous passons ensuite, sans aucune transition, à un commentaire de la parabole du Bon Samaritain et, à partir de l’homélie XXXIV, le sujet de la prédication porte sur un choix de textes pris dans différents chapitres. Hom. XXXIV = Le 10, 25-37 XXXV =-12,58-59 XXXVI = 17, 33 et 20-21 XXXVII 19,29-40 XXXVIII 19,41-15 XXXIX — 20, 27-40 et 21-26. Peut-on expliquer ce choix ? A dire vrai, nous sommes réduits à de simples conjectures. Le texte grec de plusieurs homélies a-t-il été perdu ? Certains commentaires prêchés en public n’ont-ils jamais été rédiges par Origène ou par un de ses auditeurs, en vue de la publication 1 ? Origène hii-mème, après avoir commencé un commentaire suivi de l’évangile, en vue de la prédication, s’est-il rendu compte qu’il avait une matière trop abondante pour son enseigne­ ment ordinaire et s’est-il lui-même limité aux péricopcs qui lui paraissaient plus importantes *? Ou bien Jérôme avait-il à sa disposition un texte grec plus long, et aurait-il, peutêtre, omis de traduire certaines homélies par manque de temps ou pour toute autre raison ? Bien ne permet de répondre avec certitude à ces questions. Il est certain cependant qu’Origène a dû prêcher plus de 39 fois sur l’Évangile de Luc. Cette conclusion s'appuie moins sur les lacunes peu probables de la traduction de Jérôme ou sur la fréquence des sermons à Césarée que sur les aveux d’Origène lui-même. Il mentionne explicitement pour montrer que, sans «toute. Ambroise et Jérôme n’avaient pas Je même texte grec d’Origène. L Les homélies XXIV et XXXVI, beaucoup plus brèves, n’ont pas dû être prononcées telles quelles ; on mirait plutôt une sorte «h· résumé des idées principales, un schéma de prédication. A cause de sa brièveté sans doute» l'homélie XXIV n’a pas été retenue par tous les manuscrits. 84 INTRODUCTION deux homélies sur Luc dont on ne trouve aucune trace dans la traduction hiéronymienne. Il s’agit d’un commentaire de la Parabole de la brebis perdue 1 et d’un commentaire sur Le 14, 12 2. La forme «les six dernières homélies est un peu différente des premières, ainsi permettent-elles de penser qu’elles ne datent pas exactement de la même époque. Elles seraient, peut-être, plus tardives. En tout cas, les dernières homélies sont plus unifiées, elles contiennent moins de digressions et chacune forme un tout. Ainsi, l’homélie XXXIV est un commentaire du Bon Samaritain, l’homélie XXXV contient un enseignement sur le Jugement dernier. Quant à l’homé­ lie XXXIX, la dernière de notre texte, elle juxtapose peutêtre deux conférences, ou plutôt deux canevas de sermons sur deux questions différentes, le mystère de la Résurrec­ tion, à propos de l’hérésie des Sadducéens, et la question de l’impôt dû à César 3. A propos de cette dernière homélie, certains ont émis des doutes sur son authenticité car elle ne figure pas dans tous les manuscrits. On allègue, contre l'authenticité, qu’Origènc devait savoir que les Sadducéens n’acceptaient que les 5 livres du Pentateuque ; dès lors comment expliquer la force d’un argument utilisant une citation d’Isaïe 4 ? Rauer, avec raison, croit à l’authenticité de l’homélie XXXIX, car nous possédons, en excellent état, le texte grec du passage contesté : le verset d’Isaïe s’y trouve explicitement cité et la correspondance avec la traduction hiéronymienne est par­ 1. In Matth. com., XIII. 29, GCS 10, p. 261. 2. InJo. corn.. XXXII. 2. GCS 4, p. 426. Nous avons peut-être un extrait de cette homélie perdue dans le fragment 83. p. 538. D’autre part dans la Lettre 121. 6. PL 22. 1021. Jérôme se demande pourquoi il n’a pas rencon­ tré «Uns Origène une explication de la parabole de l'économe infidèle : Ori· Qenis et Dldumi in hanr. parabolani explanationem invenire non potui ; d atrum u ko h’fa sit temporum vetustate an ipsi non scripserint* incertum habeo. Ni les tontes sur Luc. aujourd'hui perdus mais qui· Jérôme possédait, ni les homélies ne commentaient donc cette parabole. 3. Il faut noter également que le commentaire ne suit pas l’ordre des péricopes de Luc, puisque la question de l’impôt (Le 2Û, 21-26) sc trouve traitée dons notre texte après cell»· des Sadducéens {Le 20. 27-40). 4. In Luc. horn.. XXXIX. 3. LEK HOMÉLIES SL’B LUC 85 faite ». Omnis ergo error eorum de prophetica quam non intel­ legunt sermone subrepsit, e quibus illud est in Isaia... Origène reconnaît simplement que les Sadducéens n’ont pas le sens de l’Écriturc et ne comprennent pas les prophéties, πλανώνται τα προφητικά n«ct τόν νουν της γραφής, il ne s’agit pas de la position des Sadducéens sur la canonicité des textes prophétiques. Origène ne veut pas convaincre les Sadducéens de leur erreur mais expliquer et réfuter, pour ses auditeurs, une doctrine hérétique niant la Résurrection. 11 nous reste donc 39 homélies d’Origènc sur Luc. Jérôme les a traduites en suivant le texte grec qu’il possédait et il n’y a pas lien de le contredire quand il affirme dans la pré­ face : sicut in graeco habentur, interpreter. Aucune preuve ne permet d'affirmer que Jérôme ait opéré des coupes dans le texte d’Origènc qu’il avait à sa disposition *. 11 devait toutefois y avoir une tradition grecque plus longue de ces Homélies sur Luc et, comme nous l’avons dit, Ambroise a dû s'inspirer de cette édition plus complète. Le texte grec des homélies ne nous est pas parvenu intégralement ; mais, dans les pas­ sages qui en ont été conservés, on ne peut que remarquer, à quelques détails près, l’exactitude de la tra­ duction. Dès lors comment expliquer les affirmations sans nuances qu’E. de Faye porte sur les traductions hiéronymiennes ? < Jérôme n’a pas le respect de son texte : il en use avec une absolue liberté 3 χ ; « les homélies latines d’Origène n’ont pas plus de valeur documentaire que les autres versions latines de scs écrits 4 n. En fait, de Faye répète certaines générali­ sations hâtives édifiées sur quelques phrases de Rufin ou sur les aveux de Jérôme lui-même B. Jérôme traducteur. ; . 1. M. Hauf.r. Introd. GCS 9, p. XII. 2. C’est l’avis de R. Devrekssb, HB 43 (1933), p. 141 et ss. ; de P. KoetSCHAu, Theoloffisehe Lileraturzeitung. 1931, p. 153 cl ss. 3. E. de Faye, Origine, Paris, 1923, t. 1, p. 59, et plus loin : «On n vu quelle mesure de coulianeo méritent les traducteurs d’Origènc. Les réserves qu’il n fallu formuler s’appliquent également aux homélies ». ibid., p. 108. •i. Ibid., p. 107. 5. Cumque a me tranilatas Origenix septuaginta homilias... in quibus xic k 86 INTRODUCTION Dans son Apologie, Rufin note que Jérôme a tendance à corriger ou à abréger le texte d’Origènc afin que le lecteur latin n’y puisse rencontrer aucune pensée contraire à l’or­ thodoxie l. Deux passages des Homélies sur Luc sont expli­ citement mentionnés par Butin qui relève dans l’un une omission, dans l’autre un ajout : In homiliis secundum Lucae euangelium... ubi de Filio Dei in graeco non recte inveneras, praeterieris in illo loco ubi dicit : Magnificat anima mea Dominum (allusion à Vhorn. VIII, 1) et in illo loco : ... exal­ tavit infans in utero meo, ubi dicis, quod non erat hoc princi­ pium substantiae ejus, deluo addidisti ■>. atque naturae .< (allusion à Vhom. IV, 4). Mais Rufin reconnaît la valeur de la traduc­ tion de Jérôme : Ilaec et mille alia his similia in interpreta­ tionibus tuis, sive in his ipsis homiliis sive in Jcremia vel in Isaia maxime autem in Ezechicle non subtraxisti·. II suffit donc de considérer avec un peu d'attention cri­ tique les jugements de Rufin pour s’apercevoir que les infi­ délités de la traduction hiéronymienne portent sur des détails infimes et que la pensée d’Origènc n’en est pas alté­ rée. Une comparaison méthodique entre le latin de Jérôme et l’original grec conduit à la même conclusion et ce juge­ ment de de Faye concernant les Homélies sur Jérémie est incompréhensible : « Que donne la comparaison du texte et de la traduction ? Que l’on prenne par exemple la dixième homélie, Jérôme trouve moyen d’introduire dans sa version le dogme trinitairc qui ne se trouve nulle part dans l’original. En même temps, par une conséquence forcée, il déforme la eunda limaverim ut nihil in Ulis, quod a fide catholica discrepet, latin us lector inveniat, nunc eosdem libros haereticos criminaris : A pol. adv. Bufinum, 3, 12, PL 23, 466 b. 1. In his, quae de Origene interpretatus est, cum nonnulla offendicula esse videantur in graoco, quae ita tamen interpretando purgaverit, ut nihil in his quod a fide nostra discrepet, lalinus lector inveniat : Apologia 2, 45, PL 21, 621. Dtxi cum (Jérôme) purgasse in latina translatione si qua offendicula fidei videbantur in graeco : ibid., 2, 46. PL 21, 621. 2. Apologia 2, 27, PL 21, 606. Nous suivons redit ion de M. Simonctti qui, d’après les meilleurs manuscrits, restitue non devant subtraxisti (cd. Paoline, Alba. 1957. p. 296)· Cette correction est justifiée dans un mémoire <10 V. Perl, professeur ù Milan, dont le texte n inspiré la rédaction de ce paragraphe. LES HOMELIES SLR LUC 87 doctrine christologique d’Origènc L » Or après avoir minu­ tieusement comparé le grec et. le latin, nous n’avons décou­ vert aucun fondement aux critiques de de Faye, et E. Klostermann a montré, en dressant une liste d'exemples tirés des Homélies sur Jérémie, que les divergences entre la tra­ duction et l’original grec ne portent que sur quelques détails ’. Il en va de même pour les Homélies sur Luc. Nous avons signalé en note les quelques différences entre le grec et le latin. Là aussi, elles ne concernent que des détails secon­ daires. Aussi de nos jours la critique est-elle beaucoup moins sévère à l’égard des traductions latines d’Origènc et il faut admettre que le texte de Jérôme exprime bien les idées du maître d’Alexandrie. . . En trois endroits, Origène, dans les , Homélies sur Luc, s adresse à descatéchumèncs ‘ ; les homelies XIV, XXI, XXII et XXIV traitent explicitement du baptême ou de la préparation nécessaire pour recevoir ce sacrement et l’ho­ mélie XXXIII se termine par une invitation à reproduire la purification de Naaman, figure du baptême chrétien. Ne faudrait-il pas considérer les Homélies sur Luc comme une catéchèse baptismale très ancienne ? Origène s’adresse­ rait à des candidats au baptême et ce souci catéchétique expliquerait l’hésitation du prédicateur qui, dans l’homé­ lie XXXV, consacrée au Jugement dernier et à la réfutation de certaines théories gnostiques, redoute d’aborder un sujet si délicat : « Peut-être est-il téméraire de traiter pareil sujet en public 5. » Et pourtant le milieu auquel s’adressent ces homélies ne comprend pas que des catéchumènes puisque, dans , . 1. E. de Faye. op. cit.» p. 58. 2. E. Ki.osri.RMANN, Die Ubcrlieferung des Jcremiashomilien des Origenes. TU XVI. N. F. ï. 3 (1897). p. 23-26. 3. Voir H. de Li.-iiac, HE, p. 4(1-12 et P. Courcem.r, Les lettres grecques en Occident de Macro bc d Casslodorc. Paris, 1948, p. 42-46. I. Dans Thom. VII, 8 : Obsecro nos. o catechumeni ; (bins i’hom. XXI, 4 : Venite catechumeni. agite poenitentiam ; dans Thorn. XXII, 6 : ad iw, cate­ chumeni et catechumenae, qui disponitis uenirc ad baptismum. 5. Hom.. XXXV, 8. 88 INTRODUCTION l’homélie XXXI1, il est fait mention de « fidèles, femmes, hommes, enfants 12 3». Y a-t-il eu des auditoires différents ? Peut-on expliquer la présence de chrétiens parmi des caté­ chumènes ? C’est, très vraisemblable si on se souvient îles étapes du catéchuménat. Avant Constantin, selon la Tra­ dition d’Hippolyte s, l’instruction des catéchumènes durait normalement trois ans et cette première Instruction était faite, selon Origènc. d’après les livres de la Bible qui se prêtaient davantage à des interprétations morales : Esther, Judith, Tobie et la Sagesse Après ces trois ans, le catéchumène était soumis à un examen qui portait plus sur sa conduite morale que sur ses connaissances religieuses. Après quoi il pouvait écouter l’Évangile, la Bonne Nouvelle du Salut, ce qui se traduisait par une instruction quotidienne concernant les vérités de la foi 4. C’est cette seconde instruction catéchélique que repré­ senteraient les Homélies sur Luc : elles constitueraient des éléments de ces catéchèses qui pouvaient durer assez long­ temps avant la a Tradition du Symbole ». Il faut enfin distinguer cette forme de l’enseignement, des catéchèses de la semaine pascale. On sait, en effet, que pen­ dant la semaine de Pâques les nouveaux baptisés parti­ cipaient chaque jour à la Messe et s’approchaient de la Communion. A cette occasion, ils entendaient les dernières catéchèses sur les Sacrements. Nous avons des exemples de ces catéchèses sacramentaires dans les Catéchèses Mystagogiques de saint Cyrille de Jérusalem, dans le De. Sacramentis et le De Mysteriis d’Ambroise, 5 ou encore dans les Homélies de Théodore de Mopsueste, consacrées au Pater 6. Origène, dans son explication de l’Évangile de Luc, vou­ lait d’abord, semble-t-il, instruire des candidats au baptême, 1. Horn. XXXII. 6. 2. Hippolyte de Rome. La Tradition Apostolique, 17, SC II, p. 46. 3. In Num. hom.. XXVII, 1, SC 29, p. 523. •1. Voir J. A. Jvngmann, Catéchèse (trad, française), Bruxelles, 1952, p. 6-9. 5. Voir le volume 25 bis de · Sources Chrétiennes ». C. Les Homélies caJéc/ié/iqties de Théodore de .Mopsueste, horn. XI et ss ; édition R. Tonneau et B. Drvrkrsse, 1949, p. 281 et ss. LES HOMÉLIES SUR LUC 89 ce qui explique la mention des catéchumènes, mais il n’est pas impossible que son auditoire ait comporté des fidèles, attirés sans doute par la réputation du prédicateur. Le texte grec, édité par Rauer, Les fragments grecs comprend de nombreux fragments des Homélies dont l'authenticité nous semble sou­ sur Luc. vent difficile à établir de façon cer­ taine. Voici quelques points de repère pour s'orienter dans cette question bien obscure. Lorsque les fragments corres­ pondent soit à la traduction de Jérôme soit au commen­ taire d’Ambroise sur Luc, l’authenticité de ces passages est pratiquement garantie. Lorsque la double correspondance est assurée avec Jérôme et avec Ambroise, l'authenticité des fragments s’en trouve renforcée, ce qui d’ailleurs ne veut pas dire que tous les termes soient nécessairement d’Origène lui-même, car même en ce cas les éditeurs ou les copistes ont toujours pu modifier quelques détails du texte. La question devient beaucoup plus difficile dans le cas des fragments qui n’ont pas de correspondants dans la tra­ duction de Jérôme. Les recensions de la première édition du Corpus de Berlin, ont, dans l’ensemble, trouvé Rauer trop généreux dans l’attribution à Origènc de nombreux fragments grecs non traduits L Ces fragments grecs non traduits par Jérôme n’appar­ tiennent sans doute pas au texte des Homélies sur Luc. sauf peut-être quelques passages qui correspondent assez littéralement à la traduction d'Ambroise et qui, dans ce cas, feraient partie de ce que nous avons appelé la tradition plus longue. Dans d'autres cas, les plus fréquents, l’authen­ ticité des fragments demeure douteuse. Dans son ouvrage, Maria nelle opere di Origene, C. Vagaggini s’est livré à un travail critique minutieux pour les textes de mariologie, et il conclut, d’ailleurs peut-être un peu vite, à l’inauthenticité d’un bon nombre de fragments grecs non traduits a. Dans sa seconde édition (1959) Rauer a tenu compte, dans une large mesure, des critiques qui lui avaient été adres1. Voir R. Devreesse. ΒΠ 42 (1953), p. 145. 2. C. Vagaggini, Maria ncllc opère di Origcnr. Rome, 1942. 90 INTRODUCTION sees 1 et il présente un texte allégé qui ne retient pas cer­ tains fragments douteux. D’autre part, un certain nombre de ces passages non tra­ duits, sans faire partie des homélies, peuvent cependant être des fragments des « tomes » sur Luc. Ces « tonies », mentionnés par Jérôme dans la préface, postérieurs au Com­ mentaire sur saint Matthieu, datent des environs auteurs de ΓαηΙΙιμιΙΐό chrétienne. Cet namp/ron, recueilli par A. Rescu, Agraphon 87, TU 30 (1906). p. 112-128, est Irès souvent cité par les Pères. On peut trouver également la mention des principaux passages où cc texte est utilisé. Const. zlpoA/.. PC 1. 687. note 31 de J. B. Cotrlier ; Origène, PG 14, 540, note 19 de C. Delarue ; Jérôme. P/- 22. 979» note a de Vam.arm ; Cassien, PL 49, 510, noie d de A. Gazet. Ignace d'Antioche fait sans doute allusion à cet agraphon dans la lettre aux Magnésiens, 5, 2 : < Il y a deux monnaies, celle de Dieu et celle du monde, chacune d'elle a son empreinte. · SC 10. 2· rd., p. 99. - Ce qui est certain, c’est que · l'apraphon joue un rôle très caractéristique dans l’histoire de la discretio spirituum. depuis Clément et Origène en passant par Jérôme jusqu'il Cassien» qui le fait entrer dans la doctrine classique du discernement des esprits». (11. Raii· NK11, Saint Ignace de Ixtyola et ta genèse des Exercices, Toulouse, 1948, p. 100).— De fuit on trouve cc texte cité dans un passage du P. Gonzalez Davila sur le discernement des esprits, in Monumenta Historica Sac. Jesu, vol, 76. Rome. 1955. p. 520. Voir missi un article du P. H. Rahner, · Wcrdct HOMÉLIE I Sur le Prologue do Luc, jusqu’à ces mots : Écrire pour loi, excellent Théophile 1. Autrefois, chez les Juifs, un grand nombre prétendaient avoir le don de prophétie, mais certains étaient de faux prophètes. Mentionnons, parmi eux, Ananias, fils d’Azor *. D’autres, par contre, étaient d’authentiques prophètes cl le peuple avait un charisme pour discerner les esprits, ce qui lui en faisait admettre certains cl, à la manière de «changeurs très exercés8», en rejeter d’autres. Il en va de même, au temps du Nouveau Testament, où beaucoup «ont essayé» d'écrire des évangiles, mais tous n’ont pas été acceptés. El si vous ignoriez qu’on n'a pas écrit seu­ lement. quatre évangiles mais un plus grand nombre, Les évangiles canoniques. Kundigc Gcldwcchsler », p. 331-341» dans l’ouvrage Ignatius υοη /.ο,'/οία, seine gristlichc Gestalt und sein Vermdchtnis. Wiïrzlmurg» 1956. L'agraphon a été utilisé d’abord pour caractériser le discernement entre la vérité et l’erreur dans le domaine excgético-dogmatique. · La vérité et l’erreur sont comme la banne rl la mauvaise monnaie qu'il faut savoir reconnaître · dit Origène. Irt /.rw. hom.. 111, 8; GCS 6. p. 315. Cf. aussi hi Ez. hom.. Il, 2 ; GCS 8. p. 343. Selon Λτηanasu» le théologien doit être un bon changeur» De Sent. Dyonisii 9. PG 25, 493 a; Sermo Major 24. PG 26. 1276 d; Lettre * ά Serapion 1, 21, SC 15. p. 121. Dr même pour Clément, le vrai gnostique sera un changeur avisé : cf. Sir.» I. 28, 177, 2» SG 30» p. 173 ; II. 4. 15. 4, SC 38. p. 14 ; VI. 10, 81» 2, GCS. II. p. 172 ; VI J. 15. 90» 5. GCS. III. p. 61» tandis que, dans 1rs Constitutions Apostoliques. c’est aux évêques qu’il est dit : · Soyez de buns changeurs. » Const. Apost.. II. 36. 9. Funk, p. 123 ; Didaxcalia, II. 36. 9, Funk, p. 122. Cf. Euscbc. à propos de Denys d’Alexan­ drie. Hist. Eccles.. VH. va, 3, SC 41» p. 172. Avec l’apparition du mona­ chisme» la signification de Yagraphon évolue pour désigner le discernement des esprits dans l'ordre ascético-iny s lique. A l’origine de ccttc évolution, nous rencontrons Origène qui. le premier, a élaboré une théorie du discer­ nement des esprits. P. Arch.. 1Π. 3, 1. GCS 5. p. 260 et ss. Cf. In Luc. hom.. XII, note 2. p. 202, et II. CftouzEL» Origène cl la · Connaissance mystique 1961. p. 487. 100 ORIGÈNE quibus haec, quae habemus, electa sunt et tradita eccle­ siis, ex ipso prooemio Lucae, quod ita contexitur, cogno­ scamus : Quoniam quidem mulli conati sunt ordinare nar­ rationem. [Hoc quod ait : conati sunt, latentem habet accusationem eorum, qui absque gratia Spiritus sancti ad scribenda evangelia prosiluerunt. Matthaeus quippe et Marcus et loanncs et Lucas non sunt, conati scribere, sed Spiritu sancto pleni scripserunt evangelia.] .Mulli igitur conati sunt ordinare narrationem de his rebus, quae manifestissime cognitae sunt in nobis. 2. Ecclesia quatuor habet evangelia, haeresis plurima, C quibus [quoddam scribitur secundum Aegyptios, aliud iuxla Duodecim Apostolos. Ausus fuit et Basilidcs scri­ bere evangeliuin et suo illud nomine titulare. Multi conati sunt scribere,] sed quatuor tantum evangelia sunt, probata, e quibus super persona Domini et Salvatoris nostri proferenda sunt dogmata. Scio 'quoddam evangelium, quod appellatur secundum Thoinam, et iuxta Mathiam : et alia plura] legimus, ne quid ignorare videremur propter eos, qui se putant aliquid scire, si ista cogno­ verint. [Sed in his omnibus nihil aliud probamus nisi quod ecclesia, id est quatuor tantum evangelia reci­ pienda.] Haec idcirco, quia in principio lectum est : mulli conati sunt ordinare narrationem de his rebus, quae confirmatae sunt in nobis. Illi lentaverunt atque conati 1. Le mot · hérétiques ». chez Origéne. désigne la plupart du temps les pseudo-gnosliques. Valentin. Basilide et leur école, d’une part, Marcion et ses disciples, d'autre pari. Voir Coni, de l'Êp. ri Tlte, PG 1 1, 1303-1305 et un art. de A. Harnack, TU 42 (1919), p. 54-81. Les hérétiques sont des « voleurs qui dérobent les vases du temple », In E-. hom.. VII, 2, GCS 8. p. 392, des • adultères qui souillent les chastes dogmes de l’Église ». In Rom. corn., II, 11, PG 1-1, 898 n. 2. L'Évangile selon les Égyptiens est un écrit teinté de gnosticisme, qui ne doit pas être antérieur à la seconde moitié du n· siècle. Cf. A. Purctr, . Histoire de lu Littérature grecque chrétienne, Paris, 1928, t. I, p. 164-165. I Sur les apocryphes mentionnés dans ce passage, consulter A. Pvecu, op. ait., t. I, le ch. 8, consacré aux Évangiles apocryphes, et J. DaniiU-oi», J Théologie du Judéo-christianisme, Paris, 1958, t. 1, p. 31-38. L'Évangile selon SUB S. LUC, HOMÉLIE I, 1-2 101 parmi lesquels ceux que nous possédons ont été choisis et remis aux églises, que le prologue de Luc, dont voici le texte, vous l’apprenne : « Parce que beaucoup ont essayé de composer un récit. » Ces mots « ont essayé » contiennent une accusation cachée contre ceux, qui, sans la grace du Saint-Esprit, se sont lancés dans la rédaction des évangiles. Matthieu, Marc, Jean et Luc n’ont pas « essaye » d'écrire mais, remplis du Saint-Esprit, ils ont écrit les évangiles. «Beaucoup» donc «ont essayé de composer un récit de ces événements qui nous sont par­ faitement connus. » 2. L’Eglise possède quatre évangiles ; les hérétiques un très grand nombre ; ils en ont un qui s’intitule « selon les Égyptiens a », un autre a selon les douze Apôtres ». Basilide même a eu l’audace d’écrire un évangile et de lui donner pour titre son propre nom. Ainsi « beaucoup ont essayé» d’écrire, mais quatre évangiles seulement sont approuvés ; et c’est d’eux que l’on doit tirer, pour le mettre en lumière, ce qu’il faut croire de la personne de notre Seigneur et Sauveur. Je sais qu'il existe un évan­ gile qu’on appelle « selon Thomas », un autre « selon Mat­ thias » ; et nous en lisons quelques autres encore pour ne pas avoir l’air d’être ignorants à cause de ceux qui s’ima­ ginent savoir quelque chose quand ils connaissent ces textes. Mais, en tout cela, nous n’approuvons rien sinon ce qu’approuve l’Église : on doit admettre quatre évan­ giles seulementa. Voilà ce qu’on peut dire sur le texte du prologue : « Beaucoup ont essayé de composer un récit de tous les événements qui se sont accomplis parmi nous », Thomas vient d’être publié par A. GuiHaumont (Leydo, 1959) d’après un manuscrit copte découvert en Égypte en 1945 ; J. Dojœssk, Les Livres secrets des Gnosliqucs d'Égypte, t. 2. L'Évangile selon Thomas ou les Paroles de Jtsus, Paris, 1959; voir J. DanhIi.oc, « L’n recueil inédit de Paroles de Jésus », Études, juillet-août 1959, p. 38-19, ainsi qu’une recension des ouvrages récents consacrés ή cet apocryphe, RSR 49 (1961), p. 585-590. 3. On reconnaît ici la préoccupation constante d’Orlgène de no recevoir que les écrits contenus dans le · kérygme ecclésiastique », P. Arch., III. 1.1, GCS 5, p. 195. CL G. Bardy, · La règle de foi d’Orlgène », RSR 9 (1919), p. 162 et sx, J. Ruwet, «Les antilegomena dans les œuvres d’Orlgène Hlblica 1942, p. 18-42 et 1943, p. 15-58 et H. de Ludac, IIE, p. 61-66. 102 ORIGÈNE sunt de his rebus scribere, quae nobis manifestissime sunt compertae. 3. ■ Affectum suum Lucas indicat ex sermone, quo ait : in nobis manifestissime sunt ostensae, id est « πεπληροφορημένων », quod uno verbo latinus sermo non explicat. Certa enim fide et ratione cognoverat neque in aliquo flu­ ctuabat, utrum ita esset an aliter. Hoc autem illis evenit, qui fidelissime crediderunt et id, quod propheta obsecrat, consecuti sunt et dicunt : confirma me in sermonibus tuis a. Unde et Apostolus de his, qui erant firmi atque robusti, ait : ut sitis radicati et fundati in fide b. ] Si quis enim radicatus in fide est atque fundatus, licet tempestas fuerit exorta, licet venti flaverint, licet se imber effuderit, non convelletur, non corruet, quia super petram aedi­ ficium solida mole fundatum est. Nec putemus [oculis istis carnalibus firmitatem fidei dari, quam mens et ratio tribuit. Infideles quique credant signis atque portentis, a. Ps. 119 (118), 28 b. Éphés., 3, 17 ; Col., 2, 7 ; 1, 23 1. Le commentaire d’έπεχηρησαν donne au mot une signification étran­ gère à La pensée de Luc. IJ manifeste la volonté d’Orfgènc de distinguer le • kérygme ecclésiastique > des apocryphes tentatives manquées, auxquelles faisait défaut l'inspiration du Saint-Esprit. On voit qu'Orlgène souligne les doux éléments qui constituent l’Écriture sainte : inspiration et approbation de l’Égliso. dette Interprétation est conservée dans les chaînes exégétiques. J. A. Cramer, Catenae graccorum patrum in N, T., Oxford. 184-1, t. II. p. 6-7 et J. Sickenberger, Titus oon Uoslra, TU 21 (1901), p. 143. 2. Le grec permet de mieux saisir la valeur du mot πιπληρορορημίνων. Il désigne ici la certitude de la foi, la plénitude de la connaissance religieuse opposées à l’incertitude des apparences— άαφ:ζάλλω. είζάζω et δ·στάζω. Cf. In Lue. (r. 1 b, p. 464. 3. Les mots fol et raison — fldes et ratio — ne doivent pas être compris selon les catégories modernes de la théologie de l’actc de foi. Tout ce déve­ loppement sur la fol montre d’ailleurs assez clairement que la problématique d* * Origène est différente de celle des modernes. Sur le sens de ratio équivalent à λόγος, voir infra la note 6. 4. Allusion à MM. 7, 21-28. La pierre sur laquelle lu maison est fondée représente, d’après d'autres textes, le Christ, selon I Cor. 10, 4, el la maison est alors l'Église, hi Gen. horn.. XIV, 2. SC 7. p. 230-2.31. 5. La foi et la fidélité sont pour l’esprit humain fermeté et robustesse : indice de la connaissance que Jérôme a de l'hébreu puisque le même mot and signifie Λ la fois : fermeté, solidité, foi. fidelité et vérité. Ce rapproche- SUR S. LUC, HOMÉLIE I, 2-3 103 iis ont tenté et «essayé» de rédiger un récit des évé­ nements que nous tenons pour absolument certains *. La foi discerne . 3.' Luc révèle ses sentiments lorsqu’il la vérité CCr,t : K i''0U!’ ont ctc tres Clairement manifestés », selon le sens du grec πεπληροφορημίνων, que la langue latine ne peut pas exprimer d’un seul mol 2. C’est en effet avec la certitude de la foi et de la raison 3 qu’il avait connu les faits et il n’hésitait absolument pas pour savoir si c’était bien ainsi ou autre­ ment qu'ils avaient pu sc passer. C’est ce qui arrive à ceux qui ont cru avec beaucoup de fidélité : ils ont obtenu ce que le prophète demande avec insistance et ils peuvent dire : « Affermis mon âme dans tes paroles a »; c’est pour­ quoi, de ceux qui étaient solides et vigoureux, ΓApôtre dit. de même : « Que vous soyez enracinés et fondés dans la foi b. » Pour celui, en clfel, qui est enraciné et fondé dans la foi, la tempête peut s’élever, les vents souiller, la pluie t omber en averse, rien ne l’ébranlera et ne le fera s’écrouler, car l’édifice a été fondé « sur la pierre 4 », sur une base solide. Et. ne pensons pas que ce soit à nos yeux de chair qu’est accordée la solidité de la foi 6, fruit de l’intelligence et de la raison ·. Laissons les ment est conforme .-ut vocabulaire biblique. Jérôme unit ailleurs fitlelis et robustus, pur exemple Com. sur Osée, PL 25. 923 a. La foi nous Introduit dans l'immuable. W. Vôlker a remarqué que déjà pour Philon la foi est à mettre en relation avec la solidité et la fermeté de la connaissance: For!srhrill und Voltendung bri Philo. TU 19 (1938), p. 249. 6. Mens et Folio correspondent à >ους et λόγος : ils représentent l’intel­ ligence humaine informée par le Logos. Un schéma de l’anthropologie d’Orlgènc permettra de saisir le sens de certaines expressions que nous ren­ contrerons souvent. Nous renvoyons a un article de H. Ckoi.’Zkt., « L’an­ thropologie d’Origéne dans la perspective du combat spirituel ·· dont nous résumons les conclusions (RAM 31» 1955. p. 364 et ss). Ilvcuua — spiritus — esprit — représente l’élément divin, présent en l'homme, qui ne fait pas, à proprement parler, partie de sa personnalité. Pédagogue de l’Amc. il la guide dans son activité morale et dans In contem­ plation mystique. C’est · l’esprit qui est dims l’homme ·. in E·· hom.. 1» 10, GCS 8. p. 340, participation au Saint-Esprit ; mais Origène refuse l'iden­ tification entre · l’esprit de l’homme » et · l’esprit de Dira ·. In Mullh. com.. XIII, 2. GCS 10, p. 180. Νους mens — Intelligence — désigne la partie supérieure de rAmc.qui 104 ORIGÈNE quae humana acies contuetur. Fidelis vero et prudens atque robustus rationem sequatur el verbum et sic diiudicet, quid verum quidve falsum sit. j 4. | Sicut tradiderunt nobis, qui ab initio ipsi viderunt el rainislri fuerunt sermonis. In Exodo scriptum est : populus videbat vocem Domini n. Et corte vox auditur potius quam videtur, sed propterea ita scriptum est, ut. ostenderetur nobis aliis oculis videre vocem Dei, quibus illi adspiciunt, qui merentur. Porro in evangelio non vox cernitur, sed sermo, qui voce praes tantior est. Unde nunc dicitur : sicut tradiderunt nobis, qui a principio ipsi vide­ runt el ministri fuerunt sermonis. Igitur apostoli ipsi vi­ derunt sermonem, non quia adspcxcrant corpus Domini a. Ex., 20, 18 subsiste dans la ύτ/ή déchue ; organe de la contemplation mystique, le vo»ç est le lieu du χατ’(ίκάν«, le siège de l'image de Dieu. La ψνγή dégagée de l'influence du corps terrestre (σώμα) rede vient Ιι· νοδς primitif, 1-e 7O>; enfin est attiré par le πνεύμα. Sur le sens de νους, excellentes remarques do A. MAhat, Introduction aux Homélies sur les Nombres, SC 29. p. 38. Λόγος — ratio — raison — représente dans l’âmo la participation au Λόγος divin, présent en choque homme qui est λογικός : Drus Pater omnibus praestal ut sini, participatio vero Christi, secundum id, quod Verbum vel Ratio est, facit ca esse rationabilia. P· Arch., I, 3. 8, GCS 5. p. 60. Ratio désigne donc à la fois le Λόγος» la Parole de Dieu» le Verbe et la participa­ tion de l’homme au Λόγος» non seulement la raison, au sens des modernes, mais bien davantage ce que nous appelons la grâce sanctifiante. 'Ηγεμονικόν —principale cordis— la bne pointe de l’âme — est une expression stoïcienne qui désigne pour les philosophes la raison immanente à l’homme, parcelle de la Raison universelle qui dirige l’activité humaine. Chez Origène 1’ήγεμονικόν est le principe de la sensibilité spirituelle de la Oxta αϊσΟηοις qui nous fait percevoir les réalités surnaturelles. Cf. L. Lieske, Die Théologie der Logasmi/stik bel Origcnes. Münster, 1938» p. 103 et ss. Sur le sens de ^γεαονικόν et remploi de cette expression chez Origène» voir aussi K. Rahner» · Cœur de Jésus, chez Origène » dans RAM 15 (1934), p. 172-173. Sur l’anthropologie des Pères, consulter M. Spanneut» Le stoï­ cisme des Pire * de Γ Eglise, Paris, 1957. ch. 1» « le composé humain ·» p. 131 et ss. 1. Ici ratio et verbum juxtaposés traduisent un seul mot grec λόγος: c’est le principe spirituel, la source de la connaissance de foi qui est en l’homme, la présence active du Verbe. Pour Origène, les miracles et les pro­ diges sont l’aliment d’une foi imparfaite. In Jo. com., XX, 30. GCS 4, SUR S. LUC, HOMÉLIE 1, 3-i 105 infidèles croire à cause de signes el de prodiges à la portée du regard humain, tandis que le croyant avisé et fort doit se laisser guider par la raison spirituelle 1 et discerner ainsi la vérité de l'erreur. 4. «Comme nous l’ont transmis ceux La connaissance qui, dès le début, témoins oculaires, sensible et sont devenus ensuite serviteurs de la la connaissance Parole.» Dans l’Exode, il est écrit : « Le de foi. peuple voyait la voix du Seigneur».» Sans doute entend-on une voix plutôt qu’on ne la perçoit des yeux, mais l’expression biblique a pour but de nous montrer que voir la voix de Dieu, c’est posséder d'autres yeux qui permettent de voir à ceux qui le méritent. Mais, dans l’Évangile, ce n’est pas la voix que l’on perçoit, mais la Parole, réalité supérieure à la voix 3. Aussi est-il dit maintenant : « Comme nous l’ont transmis ceux qui, dès le début, témoins oculaires, sont devenus ensuite servi­ teurs de la Parole.» Les Apôtres ont contemplé la Parole3, p. 367 ; ils peuvent donner naissance à la foi < au nom do Jésus », non · à Jésus lui-mthne » : ht J<>. coin., X, 44, ibid., p. 222. 2. L’opposition entre vox et sermo, φώνη et λόγο;» est un lieu commun de la philosophie hellénistique. Voir, entre autres. Hermès Trismégiste, I. I, éd. · Les Bell es-Let très ·. Paris. 1945. Poimandrès, I, 4-5. p. 7-8 et XII. 13» p. 179, ainsi qu’une note d’A.-J. Festugièrb, op. cit., p. 13-14. Vox représente lo son, le tonnerre des théophanics, scrmo signifie le langage soumis au Λόγο;» au Verbe de Dieu. Cf. Piiii.on» La Migration d'Abraham, 47-48. SC 17, p. 36- On retrouve la même distinction chez Origine : aliud est sermo, allud est ixît. Jn Ex. hom., XI H, 2, SC 16, p. 259. Ici, la différence entre vox et sermo est une des manières d’exprimer la supériorité du Nouveau Testament sur l’Anclen. In Exodo vox cernitur, porro in Euangelio non vox sed sermo qui praestanlior est. Dans le Commentaire sur saint Jean, II, 32. GCS 4, p. 89-90 et VI. 17» p. 126, ccttc distinction indique la preeminence du Christ sur Jean -Baptiste : Joanncm esse vocem, Jesum vero sermonem· Jésus est b Λόγος, avec l’article, Jean n’est qu’une φώνη, sans article. Cf. H. Crouzel» Origène et la < Connaissance mystique », p. 296. 3. Dans tout ce passage Sermo et Verbum traduisent Indifféremment l’unique mot grec Λόγ<;ς. Nous conservons les deux mots dans la traduction française, Parole ou Verbe, mais l’un et l’autre désigne le Λόγο;, la divinité du Christ, distinguée de son humanité. < Voir la Parole» signifie donc con­ templer lu divinité du Christ à travers son humanité. Cf. hom. Ill, note I, p. 124. On trouvent des lieux parallèles dans IL Crouzel, Théologie de l'image de Dieu chez Origène, Paris» 1956, p. 75 et $$. 106 OHIGÊNE Salvatoris, sed quia Verbum viderant. Si enim iuxta cor­ pus vidisse lesum hoc est : Dei vidisse sermonem, ergo et Pilatus, qui condemnavit lesum, sermonem Dei vidit et ludas proditor et omnes, qui clamaverunt. : crucifige, crucifige eum, tolle de terra talem a, Dei viderunt sermonem. Sed absit, ut quisquam incredulus sermonem Dei videat. Videre sermonem Dei tale est, quale Salvator ait : Qui vidit me, vidit, et Patrem, qui misit me b.J 5. Sicut tradiderunt nobis, qui a principio ipsi vide­ runt et ministri fuerunt sermonis. Clam Lucae sermonibus edocemur, quod cuiusdam doctrinae finis sil ipsa doctrina, alterius vero doctrinae linis in opere computetur.] Verbi gratia : scientia geometriae finem habet ipsam tantum scientiam atque doctrinam. Alia vero scientia est, cuius finis opus exigit, velut medicina. Oportet me rationem et dogmata scire medicinae, non ut tantummodo noverim, quid debeam facere, sed ut faciam, id est, ut secern vul­ nera. victum moderatum castigalumque disponam, aestus febrium in pulsu venarum sentiam, ut curationibus cy­ clicis humorum abundantiam siccem, temperem atque restringam. Quae si quis tantum scierit ct non opere fuerit subsecutus, cassa erit eius scientia. Simile quid scientiae medicinae et operi etiam in notitia ministerioque sermonis est. Unde scribitur : sicut tradiderunt nobis, qui a principio ipsi viderunt et ministri fuerunt sermonis, [ut ex eo, quod dixit : ipsi viderunt, doctrinam et scien­ tiam significari, ex eo vero, quod ait : ministri fuerunt, demonstrari opera cognoscamus. a. Jn, 19, 15 b. Jn, 16, 9 1. Les comparaisons médicales abondent dans hi littérature stoïcienne cl sont reprises par beaucoup de Pères. Voir références dans M. SpannkUT· Le stoïcisme des Pér« de rÉgluc, p. 197 et ss. 2. Lu traduction Inline de Jérôme est un peu faible; les deux mots doctrine et scientia correspondent an grec τό η Otcopta, lû SUR S. LUC, HOMÉLIE I, 4-5 107 non parce qu’ils avaient regardé le corps du Seigneur Sauveur, mais parce qu’ils avaient vu le Verbe. Si, en effet, avoir vu Jésus selon la chair, c’est avoir vu la Pa­ role de Dieu, dans ce cas, Pilate, qui condamna Jésus, a vu la Parole, ainsi que le traître Judas et tous ceux qui vociféraient : « Crucifiez-lc, cnlcvez-le de la terre a » ont vu la Parole. Loin de moi celte pensée que n’importe quel incroyant puisse voir la Parole de Dieu. Voir la Parole de Dieu se comprend dans le sens où le Sauveur a dit lui-même : « Celui qui m’a vu a vu aussi le Père qui m’a envové V b. » 5. « Comme nous l’ont transmis ceux Connaissance qui, dès le début, témoins oculaires, et action. sont devenus ensuite serviteurs de la Pa­ role. n Implicitement les paroles de Luc nous apprennent que la fin d’un savoir peut être le savoir lui-même, mais qu’il y a une connaissance d'un autre genre dont la fin est la mise en pratique de ce qu’elle contient. Ainsi la géométrie a pour fin d’être uniquement une science théorique. Tout autre est la science dont la fin exige la pratique, la médecine par exemple. Dans ce cas, il me faut connaître la méthode et les principes de la médecine, non seulement pour savoir que faire, mais pour agir, c’est-à-dire débrider une plaie, ordonner un régime mesuré et strict, sentir le feu de la fièvre en prenant le pouls, dessécher des humeurs trop abondantes par des soins périodiques, les modérer et les contenir L Se contenter de connaître ces traitements sans savoir les appliquer est un savoir inutile. Il existe une similitude entre science et pratique médicales, d’une part, connaissance et minis­ tère de la Parole,d’autre part. Aussi est-il écrit : «Comme nous l’ont transmis ceux qui, dès le début, témoins ocu­ laires, sont ensuite devenus serviteurs de la Parole. » L'expression « témoins oculaires » indiquent la connais­ sance théorique , * mais le mol «serviteurs» désigne les œuvres. contemplation, tandis que opera traduit το πρακτικόν, ή πρϊ;·.ς, l'action. Cf. DS. art. Contemplation, col. 1769-1772. Sur la relation entre l'action IOS ORIGÈNE 6. Visum est et mihi subsecuto ab initio. Inculcat ac re­ plicat, quoniam ea, quae scripturus est, non rumore cognoverit, sed ab initio ipse fuerit consecutus. Unde et ab Apostolo merito collaudatur dicente : cuius laus in evangelio per omnes ecclesias n. J Hoc enim de nullo alio dicitur, nisi de Luca dictum traditur. Visum est et mihi assecuto a principio omnia dili­ genter ex ordine libi scribere, optime Théophile. Putet aliquis, quod ad Thcophilum quempiam evangelium scri­ pserit. Omnes qui nos auditis loquentes, si tales fueritis, ut diligamini a Deo, et vos theophili estis et ad vos evan­ gelium scribitur. Si quis theophilus est, iste et optimus et fortissimus est, hoc quippe significantius graeco sermone dicitur : « ζφάτιστίς ». Nemo theophilus infirmus est. Et quomodo scriptum est de populo Israhel, quando egre­ diebatur ex Aegypto, quod non fuerit in tribubus eorum * infirmus : sic audacter loquar, quod omnis, qui theo­ philus est, sit robustus, habens fortitudinem et robur tam a Deo quam a sermone cius, ut cognoscere possit eorum verborum, quibus eruditus est, veritatem, intel­ legens sermonem evangelii in Christo] : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Amene. a. II Cor., 8, 18 b. Ps. 105 (104), 37 c. I Pierie, 4, 11 ot la contemplation, voir W. Vor.KEn, Das VaUkammenhe Ilsideal des Ortyenes· Tübingen, 1931, p. 192 et ss. On remarquera que le rapport action-contem­ plation no recouvre pas exactement l’opposition théorie-pratique, caracté­ ristique de la sagesse stoïcienne. SI la contemplation, pour Origène, reste le but dernier de la vie spirituelle, 11 n’en est pas moins vrai qu’elle suscite l'action qui en retour I’cnrichit. γάρ πρϊξις, ούτε θεωρία aveu Garejou. ni action sans contemplation, ni contemplation sans action. In Luc. fragm. 72. p. 523. Cf. PS, art. ci/., col. 1802-1805 et II. CnovzRL, Origène et la « Connaissance mystique. », p. 436. SIK S. LUC. HOMÉLIE 1, 6 109 6. « J ai décide, moi aussi, après m être informe soigneusement, de tout, depuis les origines. » Luc insiste et répète que ce qu'il va écrire, il ne le tient, pas des on-dit. mais qu’il s’est personnel­ lement informe depuis les origines. Aussi, à juste litre, ΓApôtre fait son éloge en ces termes : « Luc, dont la louange en ce qui concerne l’évangile est répandue dans toutes les églises a. » On ne le dit d'aucun autre, mais on le rapporte au sujet de Luc. λ, . T « J’ai décidé moi-même, après Nous sommes tous m’être informé soigneusement de tout des Théophile. depuis les origines, d’en écrire pour toi l’exposé suivi, excellent Théophile. » On pourrait pen­ ser que c’est pour un personnage nommé Théophile qu’il a écrit l’évangile. Vous tous qui écoutez nos discours, si vous êtes des hommes vraiment aimés de Dieu, vous aussi, vous êtes également des « théophi les » cl c’est pour vous que l’évan­ gile est écrit x. Si quelqu’un est. « thcophilc», lui aussi est à la fois « très bon » et « très fort », comme l’exprime de manière plus nette le mot grec χράπστο;. Aucun « théophile » n’est faible et, de même qu’il est écrit du peuple d’Israël, à sa sortie d’Égypte,« qu’il n’y eut pas dans scs tribus d’homme faible b », de même oserai-je dire : tout, homme qui est «théophile» est fort; il tient, sa force et sa vigueur de Dieu et de sa Parole, il peut ainsi connaître « la vérité des paroles qui l’ont instruit », comprenant la parole de l’Évangile dans le Christ « à qui appartiennent la gloire cl la puissance 12 dans les siècles des siècles. Amcnc». 1. Origène semble ne pas reconnaître en Théophile un personnage his­ torique, puisqu'il applique ce nom à toux les nuits de Die». On ne peut pas cependant conclure que. pour lui, Théophile n*nlt pas réellement existé ; très souvent Origène allegorise h partir d’un récit sans nier pour autant son historicité. 2. Co verset de la Prima Pétri, qui sert de conclusion aux 39 homélies, révèle l'intention <1'0 rlgène de glorifier Jésus par sa prédication; Imperium Ddt nullus est nisi Christus Dominus. In. Ez. hom,t I, 4, GCS 8, p. 32S. HOMILIA Π De eo, quod scriptum est : Erani autem îusli ambo in con­ spectu Dei, ambulantes in omnibus mandatis et îusli ficalionibus Domini sine querela ft. I. [Qui volunt peccatis suis obtendere aliquam excu­ sationem, aestimant, nullum esse absque peccato et utun­ tur testimonio, quod in lob scriptum est : nemo mundus a .wrdej, nec si unius quidem, diei [aerii vita eius super ter­ ram · numerabiles autem menses eius Cuius sonum tan­ tummodo proferunt, interpretationem penitus ignorant. Adversus quos breviter respondebimus, quoniam [absque peccato esse in scripturis dupliciter intellegatur, ut sit alterum nunquam omnino peccasse, alterum peccare desisse. Si igitur aiunt eum absque peccato dici, qui nun­ quam peccaverit, et nos assentimus nullum esse absque peccato, quia omnes homines aliquando peccavimus, licet postea virtutem secuti simus.] Si vero sic intellegunt hominem non esse absque peccato, ut negent quempiam post vitia ita se ad virtutes referre, ut nunquam omnino peccet, falsa eorum sententia est. [Potest enim fieri, ut, ) qui ante peccavit, peccare desinens sine peccato esse di­ catur. 2. Sic ct Dominus noster lesus Christus exhibuit sibi gloriosam ecclesiam, non habentem maculam e. non quia ecclesiasticus vir nunquam habuerit maculam, sed a. Le, 1, G b. Job, 14, 4-5 c. Éphés., 5, *27 1. Cf. Contra Ceis. 3. 69, GCS I, p. 262. Sur la question ir cede· sioslicus : non superbit, non inflatur tumore haeretico sed humiliatur cum Deo el cum sanctorum choro fidelis est et robustus, (/expression se trouve égale­ ment chez saint Augustin, v. g. Corn, du Sermon sur la Montagne I. 5, SUB S. LUC, HOMÉLIE 11, 2-3 113 que désormais il n’en aura plus ; « ni ride n, non que la ride « du vieil homme » n'ait pas un jour marqué son visage, mais parce qu’il a cessé de la porter. C’est de cette façon qu’il faut comprendre aussi la suite: « Pour qu’elle soit sainte et sans tache », non qu’à l’origine l’âme fût «sans tache»—on ne peut pas, en effet, imaginer que l’âme humaine n’ait pas été tachée—, mais parce qu’on estime pure el intacte celle où la tache a disparu ». Toutes ces remarques, pour faire comprendre que l’homme qui a cessé de pécher peut être appelé sans péché et sans tache ; aussi est-il écrit très clairement de Zacharie et d’Éli­ sabeth : « Ils étaient tous deux justes devant Dieu, mar­ chant dans tous les commandements et préceptes du Sei­ gneur d’une manière irréprochable. » Ptre iuste aux 3* R?gardons, de plus J. Zacharie el d’Élisabeth que , , . · •veux de Dieu. rapporte dans son récit, près l’éloge de saint Luc 1 . non seulement pour savoir que ces personnes méritèrent ces louanges, mais pour que, faisant, nôtre leur saint zèle, nous deve­ nions nous-mêmes dignes d’éloges. 11 aurait pu simple­ ment écrire : «Tous deux étaient justes, marchant selon tous les commandements. » Mais en fait il ajoute, comme suite nécessaire : « Ils étaient, tous deux justes devant Dieu. » Il peut en effet arriver à quelqu’un d’être juste aux yeux des hommes, sans l’être aux yeux de Dieu. Pre­ nons un exemple : un homme ne trouve aucun mal à dire de moi et, examinant tout ce qui me concerne, ne dé­ couvre rien à me reprocher : je .suis juste aux yeux des hommes. Si tous les hommes ont de moi la même opiPL 34, 1236. C'est là un thème important de la pensée patriotique, cf. II. dp. Lu bac, HE, p. 56, 62, 317, 437. Dans MMilallon sur l’Églire (2· éd., Paris, 1953). p. 209 et ss, le P. de Lubac présente un beau portrait du i>ir ecclesiasticus. 1. Ce passage contient une allusion au péché originel qu’Origène explique parfois hypothétiquement, en fonction de la préexistence des âmes, commo une baisse de ferveur des pures intelligences se relâchant dans la contempla­ tion de Dieu et condamnées, à cause do ccln, h vivre dans des corps ; c/. P. Arch., 2, S, 3-1, GCS 5, p. 155-162. Okigùkk, S. Luc. 8 Ill ORIGÈXE et quaerere, quid detrahant, et tamen invenire non posse, sed consono me ore laudare, iuslus sum in conspectu hominum plurimorum. Verum hominum non est certum iudicium; [nesciunt enim, utrum in abscondito cordis mei aliquando peccaverim, utrum viderim mulierem ad concupiscendum eam, et adulterium mihi in corde sit natum. J 4. Ignorant homines, cum mc viderint secundum vires meas eleemosynam facere, utrum propter manda­ tum Dei fecerim an hominum laudem favoremque quae­ sierim. Difficilis res est in conspectu Dei iustum esse, ut non ob aliam causam quid boni facias, nisi propter ipsum bonum, et Deum tantum quaeras boni operis retribu­ torem. [Tale quid et Apostolus loquitur : quorum laus non ex hominibus, sed ex Deo a. Beatus qui in conspectu Dei iustus est atque laudabilis. [Homines enim, quamvis certum iudicium habere videantur, tamen non possunt ad liquidum pronuntiare, i Evenit quippe interdum, ut laudent eum, qui non est laudabilis, et ei detrahant, qui minime detractione dignus est. [Solus Deus et in laude et in vituperatione iustus est iudex. 5. Unde digne cl nunc additur in laude iustorum : erant iusli ambo in con­ spectu Dei. Ad tale quid et Salomon nos in Proverbiis cohortatur, dicens : provide bona in conspectu Dei et ho­ minum ”. Sequitur Zachariae et Elisabeth alia laudatio : ambu­ lantes in omnibus mandatis et iustificalionibus Domini. Quando bene et recte de aliquibus iudicamus, in iustificationibus Domini gradimur ; quando hoc aut illud facimus, in mandatis illius ambulamus. Unde puto et a. Rom., 2, 29 b. Prov.j 3, 4 1. Allusion à Moffh. 5, 28. 2. Allusion (ι Matth. C, 2. L'exemple de l'aumône ne se trouve pas dans le grec. 3. Le mol juttlflcolio, δ’.καιώμα, désigne, chez Orlgônc» certaines ordon­ nances de la Loi juive, * différente des mandata. Voir lu liste des diverses SUIl S. LLC, HOMÉLIE H, 3-5 U5 ιιίοη, s’ils cherchent en moi un sujet de critique sans pou­ voir le découvrir et inc louent d’une bouche unanime, je suis juste aux yeux d’une multitude. Or, en fait, le juge­ ment des hommes n’est pas sûr : ils ignorent si je n’ai pas un jour péché dans le secret de mon cœur, si je n’ai pas regardé une femme avec concupiscence et n’ai pas enfanté l'adultère en mon cœur1. 4. Les hommes, quand ils me voient faire l'aumône selon mes moyens, ignorent si je la fais pour obéir au commandement de Dieu ou pour rechercher les éloges cl la faveur des hommes ■*. Il est bien difficile d’être juste « devant Dieu », de manière à ne faire le bien pour aucun autre motif que le bien lui-même et pour que Dieu seul soit recherché comme récompense des bonnes œuvres. L'Apôtre dit quelque chose d’analogue, quand il parle de « ceux dont la louange ne vient pas des hommes mais de Dieu » ». Heureux celui qui, « aux yeux de Dieu », est juste et digne d’éloges, car les hommes ont beau paraître avoir un jugement sûr, ils ne peuvent pas ju­ ger en pleine clarté. El, de fait, il leur arrive parfois de louer celui qui n’est pas digne de louanges et de critiquer celui qui ne mérite absolument aucune critique. Dieu seul, en matière d’éloges et de blâmes, est un juge équi­ table. 5. Aussi est-il normal que dans notre verset, on ajoute à la louange des justes : « Tous deux étaient justes aux yeux de Dieu. » Salomon également nous exhorte à une attitude semblable lorsqu’il dit dans les Proverbes : « Recherche le bien devant Dieu et devant les hommes b. » Zacharie et Élisabeth reçoivent Marcher selon ensuite un autre éloge : « marchant les commandements selon tous les commandements et et les jugements préceptes du Seigneur. » Quand du Seigneur. nos jugements sont justes et droits, nous marchons « selon les préceptes 3 » du Seigneur ; mais quand nous faisons ceci ou cela, nous marchons « selon scs sorte de préceptes distinguées par Origène, d'après le Ps. 19 (18), 8-10, * dans In Num. hom.. XI, 1, SC 29, p. 202 ; In Ex. hom., X, 1, SC 16, p. 202 ; In Ex. Sel., PG 12, 293 b et In Ps. 11S Sel., PG 12. 1585 d. 116 0R1GÈNE sanctum Lucam, volentem eos praedicare laude per­ fecta, dixisse : erant iusti ambo, ambulantes in omnibus mandatis el iusti/icationibus Domini. 6. Dicat mihi quispiam : si laus ista perfecta est, quid sibi vult, hoc, quod dicitur : sine querela ? Sufficiebat enim dicere : ambulantes in omnibus viis el iusti/icationibus Do­ mini, nisi posset fieri, ut ambulet quis in omnibus man­ datis Dei, el tamen sine querela non ambulet. Et quomodo potest evenire, ut in omnibus mandatis el iusti'./icationibus Dei ambulans sub querela sit ? Cui breviter dicam : nisi hoc ita esset, nunquam in alio loco nosceremus scriptum referri : iusle id, quod iustum esi, sequere ». Nisi enim esset iustum aliquid, quod non iuste sequeremur, nequaquam nobis praeciperetur, ut iuste id, quod iustum est, seque­ remur. 7. Quando enim facimus mandatum Dei el in conscientia nostra vanae gloriae sorde respergimur, ut placeamus hominibus, aut alia, quaecunquc non placet Deo, boni operis causa praecedit, quamvis faciamus prae­ ceptum Dei, tamen illud absque querela non facimus et iniuste id, quod iustum est, sequimur. Difficile ergo est ambulare in omnibus mandatis el iustificalionibus Domini sine querela, secundum testimonium et laudem Dei in Christo lesu, quae reddenda est in die iudicii j ab eo, cui omnes nos manifestari oporlel ante tribunal eius, ul recipiat unusquisque, quae per coipus gessit, sive bona, a. Deut., 16, 20 1. Ou trouvent un commentaire plus développé de cc verset de Deutéro­ nome 16, 20 dans /n Jo. com., XXVI11, 13. GCS 4, p. 405. 2. Dans toute cette homélie, nous saisissons sur le vif une attitude très caractéristique de la mentalité d’Origène, qui cherche à justifier le texte de rÉcriturc dans sa teneur verbale. Cf. plus loin, Jio/n. XIV, 3, le commentaire de « leur > purification. Le souci de sauver In lettre le conduit paradoxalement à allégoriser. On peut ne voir dans cc procédé que minuties artificielles el arbitraires, étrangères nu texte sacré ; il convient plutôt d’y découvrir la volonté qu’a Origène de comprendre et d’expliquer les moindres altlrmations de rÉcriturc. SUH S. LUC, HOMÉLIE IJ, 5-6 117 commandements». C’est pourquoi, à mon avis, S. Luc, vou­ lant faire d’eux un éloge parfait, a ajouté : « Ils étaient justes tous les deux, marchant selon tous les comman­ dements el préceptes du Seigneur. » pujr 6· θπ me dira peut-être : si celte , . . louange est parfaite, que signifient ces la vaine gloire. mots .°« sans 1reproche i » ·»: ri m j II sulhsait de dire : « Marchant selon toutes les voies et tous les pré­ ceptes du Seigneur», à moins qu’il soit possible de mar­ cher selon tous les commandements de Dieu sans pour autant marcher «sans reproche». Mais comment peut-il se faire qu’un homme, marchant selon tous les comman­ dements et préceptes de Dieu, soit susceptible de re­ proches ? A cette question, je répondrai brièvement : si ce n’était pas possible, nous n’aurions jamais connu ce texte, rapporté en un autre passage 1 : « Suivez avec jus­ tice ce qui est juste n. » S’il n’y avait pas possibilité d’ac­ complir injustement une action juste, il serait vain de nous prescrire de suivre avec justice cc qui est juste 2. 7. Quand, en effet, nous accomplissons le commandement divin et que, dans notre conscience, nous sommes éclaboussés par les taches de la vainc gloire, en cherchant à plaire aux hommes ou bien lorsque, à l’origine de notre action, se trouve n’importe quel autre motif qui ne plaît pas à Dieu, nous avons beau accomplir le commandement de Dieu, nous ne l'accomplissons pas « sans reproche » et nous sui­ vons sans justice cc qui est juste 3. Il est donc difficile de marcher «selon tous les commandements et préceptes du Seigneur de façon irréprochable », conformément au témoignage et à la louange de Dieu, dans le Christ Jésus ; cette louange doit être manifestée au jour du jugement par Celui « devant le tribunal de qui nous devons tous être mis à découvert pour que chacun retrouve ce qu’il aura 3. Cc passage affirme, avec force cl netteté, l’idée que la videur d'un acte humain ne dépend pas seulement de son contenu objectif nuits du jugement de la conscience et de la droiture intérieure. Faut-il souligner l’importance de ccttc vérité dans toute la tradition ? 118 OHIG&NH sive mala a. Omnes enim stabimus ante tribunal Dei *>, ut recipiamus, quod meremur in Christo lesu : cut est gloria el imperium in saecula saeculorum. Amen c. a. Il Cor., 5, 10 b. Rom., 14, 10 c. I Pierre, A, 11 SGK S. LUC, HOMÉLIE U, û 119 accompli durant sa vie, soit en bien soit en mal 3 ». « Tous, en effet, nous paraîtrons devant le tribunal de Dieu b», pour recevoir ce que nous méritons dans le Christ Jésus, «à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen c ». HOM ILIA III De co, quod scriptum est : apparuit ei angelus Domini, stans a dextris altaris incensi Λ. 1. 'Quae corporalia sunt et sensu carent, ut videantur ab alio, ipsa nihil efficiunt, sed tantummodo oculus alte­ rius intentus in ea. sive voluerint illa sive noluerint, videt], quo aciem contemplationemque direxerit. Quid enim potest homo aut alia res, quae crasso circumdatur corpore, cum in praesenti fuerit, facere, ne cernatur ? [E contrario ca, quae superna sunt et divina, etiam cum in praesenti fuerint, non videntur, nisi ipsa voluerint;] ct in voluntate eorum est videri vel non videri. [Gratia Dei fuit, ut appareret Abrahac vel ceteris prophetis, non quod oculus tantum cordis Abraham in causa fuerit, ut cer­ neret Deum, sed quod gratia Dei ultro se adspiciendam praebuerit viro iusto.J 2. Hoc autem non solum super Deo Patre intellegas, sed etiam super Domino Salvatore et super Spiritu sancto et, ut ad minora perveniam, super Cherubim et Seraphim. Fieri enim potest, ut et nunc loquentibus nobis assistat angelus, ct tamen, quia non a. Lc, 1. 11 t. ίλ traduction latine est moins concise ct moins claire que le texte grec. Selon la distinction ch»ssît en chair ct en os pour reconnaître le Logos. L’humanité mnnffesle la divinité au regard de qui a la foi : Aliud in co videbatur ct aliud intelligcbatur. caro cernebatur cl Drus credebatur (In Rom. com., IV, 2, PG 14. 968 b). D’ailleurs Jésus se montre sous diffé­ rentes formes a chacun scion qu’il en est digne. Voir le commentaire de la Transfiguration : · Le Logos a des formes diverses, apparaissant à chacun dans la mesure où cela est utile nu croyant, ne se faisant voir à personne audelà de ce que le croyant peut porter. Jésus peut se transfigurer de telle façon devant certains, de telle autre devant d'autres, au même moment ou non » Saccas >, Bulletin de Littérature ecclésiastique. Toulouse, oct.-déc. 1956» p. 193 et ss. — Quoiqu’il en soit. Origène voit dans sa théorie une tradition authentiquement chrétienne. In Matth. ses. 100. GCS 11. p. 218-219. De fait, sa conception ne présente aucune trace de docétisme : le corps de Jésus, avant kt Resurrection, est un corps humain comme tous les autres. Ce qui n’est pas perçu naturellement, c’est la divinité. C’est 1r une vue spirituelle très profonde : plus on fait confiance au spirituel, plus on perçoit le divin. Ainsi purifié des erreurs gnostiques et de tout docétisme, ce courant de pensée sc retrouve çà et IA dans la patristique, on le rencontre encore au Moyen Age avec saint Bernard, ct Gregoire Palamas. Voir ΰηέοοιηκ de Nysse. Jn Cant. hom. 3, PG 44, 827 d ; Λ>ιηηο)$κ, Epis!. 4G ad Sabinum, PL 16, 1147-1118 ; Augustin. De Trinitate, VIII, 4 et 7. PL 42. 951 : Nom ct ipsius dominicae facies carnis innumerabilium cogitationum diversitate variatur et fingitur, quae tamen una erat ; saint Bernard, In Cant. Sermo 31» 7, PL 183, 943 c-d ; Grégoiiie Palamas. PG 150. 1231 c ct PG 151, 133 b. Pour la tradition mystique orientale : V. Lossky» Essai sur lu théologie mystique de V Église les perspectives d’Origène qui, en plusieurs pus&iges, exprime une certaine réprobation pour l’œuvre de chair. Voir In Gen. hom.. V. 4. SC 7, p. 141. In Xum. hom.. VI. 3. SC 29, p. 130 et hom. XXHl, 3. ib.. p. 442. De Oratione. 31, 4. GCS 2, p. 398. Amokoïse. nu contraire, commentant ce texte souligne l’origine divine cl la grandeur du mariage. I, 30, SC 45, p. 62. Mais, cc faisant, il n’est pas infidèle à la pensée d’Origène qui ne manque pas parfois de reconnaître la noblesse du mariage chrétien. Il faut donc situer ses ailinnsitlims pessimistes dans tout un ensemble ct. si Ton tient compte de tous les textes, on s’aperçoit que la pensée d’Origène sur le mariage est assez équilibrée. Cf. Introd.. p. 30-31. SUR S. LUC, HOMÉLIE IV, 2-4 131 (ois, pour être utile aux autres, a consenti à avoir des enfants 1 et a voulu s’asservir à cette fonction, doit supplier Dieu que son (ils soit capable de faire une pareille entrée dans le monde, et celte naissance lui procurera une grande joie. Il est donc écrit de Jean : « Il sera grand aux yeux du Seigneur. » Ces paroles révèlent la grandeur de l’âme de .Jean, celle qui apparaît aux regards de Dieu, mais il y a aussi une certaine petitesse qu’on aperçoit, à proprement parler, dans la vertu de l’âme 2. 3. C’est ainsi, du moins, que je comprends ce passage de l’Evangile : « Ne méprisez pas un de ces tout-petits qui sont dans ΓEglise a. » « Toutpetit :> s’entend ici par comparaison avec un plus grand. On ne me demande pas de ne pas mépriser celui qui est grand, parce que celui qui est grand ne peut pas être méprisé : mais on me dit : « Ne méprise pas un de ces toutpetits. » El pour que vous sachiez que «tout-petit» et « petit » ne sont pas des mots pris au hasard mais selon le sens que nous avons exposé, il est écrit : « Quiconque scandalise l’un de ces tout-petits » Un tout-petit est scandalisé mais un plus grand ne peut pas éprouver de scandale 3. _ , , 4. Vient ensuite au sujet de Jean : Presence de .. .· . ·. ,, . « El d sera rempli du Saiul-Espnt des * le sein de sa mere. » La naissance de Jean est pleine de miracles. Un archange annonça l’avcncmcnl de notre Seigneur et Sauveur, un archange, de même, 2. La traduction hléronymfenne diffère un peu du texte grec niais le sens est clair : 11 y a une grandeur morale et une petitesse monde. Tô oc ttetiv « ϊοτα: μίγα; » (UycOoç cjxo αίνο τής Ίωίννου ψυχής καί μέγςΟος βλι-όχ£·/θν υπό τού 0<οδ ’ Εχτι γά? τι αίγχύό; ψυχής κατ’ χ&ίτήν, δ ΐστιν οοώμενον χυοίω. και Σαπ τ:ς βαικρ •ΐτης ψυχής. · Les mots il sera grand manifestent lu grandeur de l’âme de Jean, que Dieu perçoit. Il y a, en effet» une certaine grandeur de l’âme en cc qui concerne la vertu, qui est vue par le Seigneur, mois il existe aussi une certaine petitesse de l’âme. » 3. Ce texte de .Matthieu mit le scandale des petits n embarrasse Origènc qui le commente longuement : in Malih. c&m.t XIII, GCS 10, p. 213 et s$. Le petit, c’est le chrétien qui n’est pas parvenu à une connaissance de Dieu très avancée et n’a pas encore une conscience très délicate. 132 OIUGKNE ventum Archangelus nuntiavit, ita et loannis ortum Archangelus nuntiat. Spiritu sancto replebitur adhuc de utero matris suae. [Populus Judaeorum facientem Domi­ num nostrum signa atque portenta Λ et curantem infir­ mitates eorum nequaquam videbat ; Joannes vero adJiuc in matris utero constitutus exsultat et teneri non potest, et ad adventum matris lesu de utero gestit erumpere. Ecce enim, ait Elisabeth, ut facta est salutatio tua in aures meas, exsultavit in gaudio infans in utero meob. Adhuc in utero matris erat Joannes et iam Spiritum sancturn acceperat.J Non enim illud principium erat substantiae eius atque naturae. 5. [Deinde scriptura loquitur, quod plurimos filiorum I Jsrahel convertet ad Dominum Deum ipsorum. Joannes plu- 'J rimos convertit, Dominus autem non plures, sed omnes. IIoc opus illius est, ut. omnes convertat ad Deum Patrem, i Et praecedet coram Christo in spiritu et virtute Ileliae. 1 Non ait : in anima Meliae, sed : in spiritu et virtute He- I liae. 1'uit. in Ilelia virtus el spiritus, sicut in omnibus pro- j phetis,] et secundum dispensationem corporis in ipso 1 a. Cf. Jn. 4, 48 b. T.c, 1, 44 1. A l’occasion à Dieu, In Jo. rom.. Xlll, 25, GCS 1. p. 249. Le spirituel otigénied ne naît pas bis de Dieu, il le devient peu à peu en développant, dans lamesure de son progrès spirituel, le germe de l'adoption divine et il ne sera] pleinement enfant de Dieu qu’en devenant Intérieur au Fils unique, dans la’? restauration finale de toutes choses en Dieu. Cf. In Le. fr. 73, p. 525. 2. l.a distinct inn entre spiritus et anima s’apparente à la trichotomie, cor·! pus, anima, spiritus, traditionnelle depuis saint Paul. Cf. A.·J. h'RSTUGiùRM • 1-a trichotomie de I Thcss. S, 23 et la philosophie grecque ». RSR 20 (193ÛM SUH S. LUC, HOMÉLIE IV, 4-5 133 annonce la naissance de Jean. » 11 sera rempli du SaintEsprit dès le sein de sa mère. » Le peuple juif ne voyait absolument pas que notre Seigneur accomplissait « des miracles et des prodiges a » et guérissait leurs maladies, mais Jean, encore dans le sein maternel, exulte de joie, on ne peut pas le retenir et, à l’arrivée de la mère de Jésus, l’enfant tente de sortir du sein d’Elisabeth. « Dès l’ins­ tant que la salutation a frappé mes oreilles, dit Élisabeth, l’enfant a tressailli de joie dans mon sein b. » Jean était encore dans le sein de sa mère et il avait, déjà reçu le SaintEsprit ; le Saint-Esprit, en effet, n’était pas le principe de sa substance et de sa nature *. 5. L’Écriture dit ensuite « qu’il ramènera de nombreux fils d’Israël au Seigneur leur Dieu. » Jean en ramena « un grand nombre» ; le Seigneur, non pas un grand nombre, mais tous. Ce fut, en effet, son œuvre de ramener tout le monde à Dieu le Père. « Et il marchera le premier en présence du Christ, dans l’esprit et la puissance d’Élie. » 11 ne dit pas dans l’âme d’Élie mais «dans l’esprit 2 et la puissance d’Élie». Il y eut en Élie puissance et esprit comme en tous les pro­ phètes et, de même, selon l’économie 3 de l’incarnation, p. 385-415. Ici l’opposition entre anima et spiritus tend & écarter une inter­ prétation qui pourrait sembler donner quelque fondement aux théories do la inétempsychosc. Cette préoccupation est d'ailleurs fréquente chez Ori­ gène qui. mit ce point particulier, lutte contre les pythagoriciens et certaines spéculations gnostiques, Issues de Matth. 17, 10-13. Voir le fragment grec n* 9. On trouvent dans la dissertation de Huet. PG 17» 915 b et $s» une· longue série de textes où Origène rejette In métempsychose ou. plutôt, la metensomatose. Voir, entre autres, C. Gels.» III» 75, GC.S’I, p. 267 ; TV, 17, ibid., p. 286 ; V, 49. GCS 2. p. 54 ; VIII. 30, ibid.. p. 215 ; In Jo. com.. VI. 10-14. GCS 4. p. 119 et ss ; In Matth. com.. X, 20, GCS 10. p. 27-28 : XI» 17, ibid., p. 64 : XIII, 1-2, ibid., p. 172-173; In Bom. com., V, 1» PG 14. 1015 a-b ot VI. 8. 1083 a ; Λ pot. dû Pamphile, 10. PG 17. 608-610. 3. Dispensatio — o’zowjia — désigne le dessein de Dieu, l’économie du salut. Cf. Λ. o’Ai.ftS» · Le mot οίχονομία dans la langue théolugique de saint Irénéc », clans Betmc des fit. grecques 32 (1919), p. 1-9. Nous renvoyons aussi à une note de G. Hardy, dans Eusèbc, Hist. Eccl.9 l. 1. .SC 31. p. 3» n. 4 et au compte rendu de la dissertation do O. Lhxgr. Da$ patristische Worl • oîxovQuia », seine Geschichtr und seine Bedeutung bis au} Origenes. Dissert. Erlangen. 1955. Thcotogische l.itteraturzcitung. 1955, p. 239-240. Chez Origène, comme dans saint Paul (fiphfa. 3, 9), οικονομία est souvent rapproché 134 ORIGÈNE quoque Domino Salvatore, de quo post paululum ad Mariam dicitur : Spiritus sanctus superveniet in te et vir­ tus AUissimi obumbrabit tibi . * [Spiritus ergo, qui fuerat in Hclia, venit in loanncm, et virtus, quae in illo erat, in hoc quoque apparuit. Ille translatus est, hic vero prae­ cursor Domini fuit et mortuus est ante eum, ut et ad inferna descendens illius praedicaret adventum. 6. Ego puto, quod sacramentum loannis usque hodie expleatur in mundo. Quicunque crediturus est, in Chris­ tum lesum, ante spiritus et virtus loannis ad animam illius venit et praeparat Domino populum perfectum, et in cordis asperitatibus planas facit vias et dirigit semitas. Non illo tantum tempore praeparatae sunt viae et direc­ tae semitae, sed usque hodie adventum Domini Salva­ toris spiritus loannis virtusque praecedit. O magna mys­ teria Domini et dispensationis eius ! Angeli praecurrunt lesum, angeli cotidie aut adseendunt aut descendunt super salutem hominum in Christo Icsu : cui est gloria et impe­ rium in saecula saeculorum. Arnen b. a. Le, 1, 35 b. 1 Pierre, 4, 11 de mysterium. Dispensatio et mysteria. In l.uc. horn.. IV. G. Dispensatio et areanum. In Lue. Λοιη.. V. 4. Réalisée par Jésus-Christ. l'économie désigne dans cc passage Γ Incarnation — dispensatio corporis, dispensatio cl assum· ptio corporis. In Luc. horn.. VI, 4; primus aduenlus cl dispensatio carnis. In Luc. hom. XI. 5 et hom.. XIV, Û. I. Sur lo < mystère de .lean >, on retiendra les explications de J. DaxiA· lou, Origène. p. 243. Précurseur, il précède Jésus dans toutes scs manifes­ tations. Il lui rend témoignage avant sa naissance quand il exulte dans le sein de sa mère, In Luc. hom.. VI. 2. Il doit précéder aussi le Christ dans SUR s. LUC, HOMÉLIE IV, 5-6 135 en notre Seigneur et Sauveur lui-même. A ce sujet, il est dit à Marie, quelques versets plus loin : « L’Esprit-Saint viendra en toi cl la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre . * » L’Esprit, qui avait reposé sur Élie, vint sur Jean et la puissance qui habitait Élie apparut en lui. L’un fut transporté au ciel mais l’autre fut le précurseur du Seigneur et il est mort avant lui pour descendre aux enfers annoncer son avènement. 6. Pour ma part, je pense que le mys­ tère de Jean s’accomplit dans le monde jusqu’à maintenant. Quiconque est des­ tiné à croire au Christ Jésus, il faut qu’auparavant l’es­ prit et la puissance de Jean viennent en son âme pour préparer au Seigneur un peuple parfait et, dans les aspé­ rités du cœur, aplanir les chemins et redresser les sen­ tiers. Cc n’est pas seulement en ce temps-là que les routes furent aplanies et les sentiers redressés, mais aujourd'hui encore l’esprit et la puissance de Jean précèdent l’avè­ nement du Seigneur Sauveur l. O grandeur du mystère du Seigneur et de son dessein sur le monde ! Les anges précèdent Jésus les anges chaque jour montent ou des­ cendent pour le salut des hommes dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen b. » Le mystère de Jean. l’âmo du croyant qu’il prépare & l’accueil. F. Bertrand· /.« Mystique de Jfyus chez Origène. Paris, 1951, p. 98-99. En tant que voix de la Parole et lampe de la Lumière, Jean-Baptiste représente H résumé ΓΑ. T., dont il est le plus hunt sommet. 2. Le rôle de Jean est analogue ù celui des anges, et. J. Daniélov, op. ciL, p. 241. HOMILIA V I)c co, quod Zacharias obmutuit». 1. [Zacharias sacerdos, cum in templo offert incensum, silentio condemnatur et reticet, immo tantum nutibus loquitur, et. mutus usque ad ortum loannis filii perse­ verat. Quo haec tendit historia ? Silentium Zachariae silentium prophetarum est in populo Israhel. Nequaquam loquitur cis Deus, et. sermo, gui a principio erat apiul Patrem Deus h, ad nos transiit, nobisque non tacet Christus, apud illos usque hodie silet : quamobrem et Zacharias propheta tacuit. Manifestis­ sime etenim ex sermonibus ipsius comprobatur, quod et propheta fuerit ct sacerdos. Quid sibi vult autem hoc, quod sequilur : annuebat eis et damnum vocis nutibus compensabat ? Ego puto talia esse opera, quae absque sermone atque ratione nihil nutibus differunt. Ubi vero ratio et sermo praecesserit el ita opus fuerit subsecutum, a. Le, 1,20-22 h. Jn, 1, 1 1. Rallo et sermo correspondent dans cc passage au seul mot grec λόγος. Nous traduisons ratio par raison» mais» afin d’éviter toute interprétation d'inspiration rationaliste» nous renvoyons aux notes 6» p. 103 ct 1, p. 10-1. L< Λόγος, Verbe de Dieu, donne aux rites juifs leur λόγος» leur sens spirituel Le mutisme de Zacharie signifie que la Loi. sans le Christ» n’a plus de sens les institutions juives sont devenues des gestes sans signification. Au temps de l’Anclen Testament, les prescriptions de la Loi pouvaient être un hom­ mage rendu Λ Dieu, mats, après la venue du Christ, le salut a déserté les rites juifs. (Je n’observe plus la Pùquc, selon la lettre, In Jot. ào?n., XX. 6, GCS 7, p. 426.) Refuser la révélation du Λόγος, pour s’en tenir aux ordon­ nances de la loi ancienne, c’est demeurer < ami de In lettre », c’est être άλογος, c’est-à-dire méconnaître le Λόγος qui communique à bt Loi sa Vérité ct son sens. Lo Juif dès lors est incapable de rendre comple des rites, λόγον άκο- HOMÉLIE V Sur le mutisme de Zacharie". 1. Pendant que le prêtre Zacharie offre l’encens dans le temple, il est con­ damné au silence et ne peut plus parler ou, plutôt, il ne parle que par signes et demeure muet jus- ' qu’à la naissance de son (ils Jean. Où cette histoire veutelle en venir ? Le silence de Zacharie. Le silence de Zacharie, c’est le silence Le silence des prophètes dans le peuple d’Israël. des prophètes, Dieu ne parle absolument plus aux Juifs qui dès le commencement était Dieu, et « la Parole auprès du Père b», c’est à nous qu’elle est venue; avec nous le Christ, ne reste pas silencieux, mais avec les Juifs, jusqu’à nos jours, il garde le silence : voilà pourquoi le prophète Zacharie ne dit rien. Qu'il ait été prophète et prêtre, ses paroles propres en fournissent une preuve, on ne peut plus claire. Mais que signifie la suite : « Il leur fai­ sait des signes » ct compensait ainsi la perte de la parole. A mon avis, il y a des actions sans parole et sans raison (χωρίς λόγου) et qui ne diffèrent, en rien de gestes sans signification ’. Mais si une parole raisonnable (μ.ετά λόγου) ouvre la voie et qu’une œuvre en résulte, il ne faut pas δοϊναι. rationem reddere i il demeure muet, sans parole (άλογος), comme Moïse, en Égypte, /n lix. hom., III, 1. SC 16. p. 102-103, et son attitude est absurde (άλογο:), sans raison : c'est un aveu de déraison, confessio stultitiae. On voit comment la signification polyvalente de λόγος permet à la pensée origénienne de se mouvoir sur plusieurs plans. Ou trouve, In Num. hom.. XX ! I î, le commentaire détaillé qu'Origènc u consacré aux cérémonies juives ; voir spécialement SC 29. p. 43-1-435 cl 448· . Jusqu’à ce jour, le peuple d’Israël est sourd et muet : il ne pouvait pas ne pas être sourd et muet, le peuple qui avait rejeté la Parole loin de lui. 3. Moïse disait sans doute :« Je suis αλςγος8», ce qui peut se traduire exactement —· quoique le latin s’exprime autrement « sans parole » ou « sans raison ». El après avoir prononcé ces mots, il reçut la raison et la parole qu’il avait, avoué ne pas posséder auparavant. Le peuple d’Israël, en Egypte, avant de recevoir la Loi, se trouvant sans pa­ role et sans raison, était, en un certain sens, muet ; il reçut ensuite la parole dont. Moïse fut l’image. Le peuple ne reconnaît donc pas seulement ce que Moïse avait avoué, à savoir qu’il était muet et άλογος, mais, par ses gestes et par son silence, il manifeste qu’il ne possède pas la parole, qu’il ne possède pas la raison. N’est-cc pas, semble-t-il, un aveu de déraison quand personne ne peut rendre compte des préceptes de la Loi et des oracles des prophètes ? 4. Le Christ a cessé d’ètrc avec eux, Le rejet d’Israël la Parole les a abandonnés, et voilà et le salut qu’est accompli ce qui est écrit dans des nations. Isaïe : « La fille de Sion sera laissée comme une tente dans la vigne, comme une hutte dans une melonnière, comme une ville ravagée b. » Après cet réalités ; nul refais elles ôtaient une prophétie du Christ· niais nuihi tenant, après l'apparition de la vérité, ΓImage est devenue Inutile. 140 ORIGÈNE salus translata est ad nationes, ut illi concitentur ad zelum. Intuenles ergo dispensationem et arcanum Dei, quo­ modo Israhel abieclus sit in salutem nostram, cavere debe­ mus, ne forte et illi nostri causa eiecti sint et nos maiori supplicio digni simus, propter quos et alii derelicti sunt, et nos nihil dignum adoptione Dei et eius clementia fece­ rimus, qua adoptavit nos et in suos filios reputavit in Christo Jesu : cui est gloria et imperium in saecula saecu­ lorum. Arnen ο. I Pierre, 4,11 SUH S. LUC, HOMÉLIE V, 4 141 abandon, le saint est passé aux Gentils, pour que les Juifs soient incités à l’émulation ». Si nous considérons, dans le dessein mystérieux de Dieu, le rejet d’Israël comme condition de notre salut, nous devons bien faire attention à ceci : Israël a été rejeté à cause de nous, nous pouvons donc mériter un supplice plus dur encore ; c’est en notre faveur que d’autres ont été abandonnés et nous n’avons rien fait qui soit digne de notre adoption par Dieu et de sa clémence qui nous a adoptés et comptés au nombre de ses fils, dans le Christ Jésus « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen a n. I. Le rejet <ΓIsraël comme condition du salut des païens reprend La théo­ logie des ch. 9-11 de VÊp. anz Romains. On trouve un développement ana­ logue dans Cvprikn. De Dom, Oral., PL 4. 525 c-526. HOMILIA VI De eo, quod scriptum est : Cum autem concepisset Elisabeth, abscondebat se, usque ad eum locum, ubi ait : Ilie erit magnus a. 1. Quando concepit. Elisabeth, abscondebat se men­ sibus quinque, dicens : quia sic mihi fecit Dominus in die­ bus, quibus respexit auferre opprobrium meum in homi­ nibus. Quaero quam ob causam, postquam intellexit sc esse praegnantem, publicum déclinant. ? Nisi fallor, haec est: Eliam hi, qui nuptiis copulati sunt, non omne tem­ pus coitus liberum inter se habent, sed est tempus, quando recedunt ab opere nuptiarum. Si enim vir senex fuerit et mulier anus, pudoris est maximi servire eos libidini, servire coniugio, quae carie corporis el senecta ct Dei videntur voluntate sublata. Haec autem, quia ad ser­ monem angeli ct dispensationem Dei rursum viro fuerat copulata, erubescebat, quod anus ct pene decrepita ad opus iuvenum revertisset. 2. Unde el abscondebat se men­ sibus quinque, non usque ad nonum mensem, donec partus ingrueret, sed usque quo conciperet et Maria. Quando enim illa concepit el venit ad eam ct facta est salutatio in aures eius, exsultavit in gaudio infans in utero b Eli­ sabeth, et (Elisabeth) prophetavit et Spiritu sancio a. Lc, 1, 24-33 b. Le, 1, 44 1. Dans cette homélie, Origène adopte une position rigoriste concernant l’actc conjugal qui, pour lui, n'est justifié que par la procréation des enfants. Aussi, lorsque les époux ont passé l'âge de procréer, ils ne doivent plus avoir de rapport», Voir la même idée développée â propos de l'inceste des tilles HOMÉLIE VI Sur le texte : Après qu'elle eut conçu, Elisabeth se tint cachée, jusqu'à ces mots : Celui-ci sera grand a. 1. Quand Élisabeth eut conçu, a elle Élisabeth SC tenait cachée cinq mois durant : demeure cachée. voilà donc, se disait-elle, ce qu’a fait pour moi le Seigneur au temps où il m’a regardée pour ôter mon opprobre aux yeux des hommes. » Je me de­ mande pourquoi, dès qu’elle se vit enceinte, Élisabeth ne sc montra plus en public. Si je ne me trompe, c’est que même ceux qui sont unis par les liens du mariage ne peuvent pas toujours se livrer à l’acte conjugal el il vient un temps où ils s’abstiennent de rapports charnels. En effet, si l’homme est un vieillard et si la femme est âgée, c’est vraiment manquer de pudeur que de se livrer à la passion charnelle ct d’accomplir l’acte conjugal que ne semblent plus permettre ni le dépérissement du corps et la vieillesse ni la volonté de Dieu ». Mais Élisabeth qui, scion la parole de l’ange ct l’économie voulue par Dieu, s’était unie une fois encore à son époux, rougissait d’etre revenue, elle déjà âgée et sur le déclin, à un acte de jeu­ nesse. 2. C’est pourquoi «elle se tenait cachée durant cinq mois» ; non pas cependant jusqu’au neuvième mois, jus­ qu’au temps de l’accouchement, mais jusqu’au temps de la conception de Marie. Quand, après avoir conçu. Marie vint trouver Élisabeth et que « sa salutation eut frappé les oreilles de sa cousine, l’enfant tressaillit de joie dans le sein b» d’Élisabeth, qui se mit à prophétiser; remplie de Lot, In Gcn. ho/π., V, 4, S’C 7. p. 139-141. Dons ce dernier texte, il interdit à une femme enceinte d’avoir des rapports avec son mari, car l’union ne peut plus être féconde. 144 ORIGÈNE plena ea locuta est, quae evangelicus sermo describit. Et diffamata sunt, per omnem montanam verba haec “. Quando enim in populo rumor egressus est habere eam in utero prophetam et maius esse homine, quod gestabat, tunc non absconditur, sed tota libertate se prodit et exsultat habere se in utero praecursorem Salvatoris. 3. Deinde scriptura commemorat, quod mense sexto conceptus Elisabeth missus sit angelus Gabriel a Deo in civitatem Galilaeae, cuius nomen Nazareth, ad virginem desponsatam viro, cui nomen loseph de domo David ; et nomen virginis Maria. Rursum in mea mente volvens quaero, quare Deus, cum semel Salvatorem iudicaret nasci ex virgine, non elegerit puellam absque sponso, sed earn potissimum, quae iam fuerat desponsata. Et nisi fallor, haec causa est : Debuit de ea virgine nasci, quae non solum sponsum haberet, sed, ut Matthaeus scribit b, iam viro tradita fuerat, licet eam vir necdum nosset, ne turpitudinem virginis habitus ipse monstraret, si virgo videretur utero tumenti. 4. Unde eleganter in cuiusdam martyris epistola scriptum repperi, Ignatium dico, epi­ scopum Antiochiae post Petrum secundum, qui in perse­ cutione Romae pugnavit ad bestias : « principem saeculi huius latuit virginitas Mariae», latuit propter loseph, latuit propter nuptias, latuit quia habere virum puta­ batur. [Si enim non habuisset sponsum et, ut putabatur, virum, nequaquam potuisset principi mundi huius c abscondi. Slalim enim cogitatio diabolo tacita subrep­ sisset : quomodo ista, quae non concubuit, cum viro, a. Le, 1, 65 b. Cf. Maith., 1, 24 c. i Cor., 2, 6 et Jn, 12, 31 1. Cf. Ignace d'Antioche, Ad Eph. 19, 1. SC 10 (2« id.), p. 89. Jérômr, In Matlh. com., I, 1. PL 26, 24 a, indique quatre motifs de convenance pour les fiançailles de Marie avec Joseph. Le texte d'Ignace a été repris par plusieurs Pires, certains l’ont commenté comme si Dieu avait voulu tromper le démon en lui cachant la naissance virginale. Sur cette discussion SUR S. LUC, HOMÉLIE VI, 2-4 145 du Saint-Esprit, elle prononça les paroles que rapporte l’Évangile. Et « ces paroles se répandirent dans tout le haut pays a. » De fait, quand le bruit se répandit dans le peuple qu’Élisabeth porte en son sein un prophète, plus grand qu’un homme, die ne se tient plus cachée mais se montre en toute liberté et se réjouit d’avoir en clic le précurseur du Sauveur. Le M stère k’Écriture raconte ensuite qu’au . «sixième mois» de la grossesse d’Élie ncarna on sa|)C(|lj (( ]’angC Gabriel fut envoyé par cac e au cemon. θ{βυ dans une ville de Galilée, nommée Nazareth, à une vierge fiancée à un homme, appelé Jo­ seph, de la maison de David ; la vierge s’appelait Marie ». Réfléchissant encore à ces faits, je me demande pour­ quoi Dieu, qui avait une fois pour tontes décidé que le Sauveur naîtrait « d'une vierge », n'a pas choisi de pré­ férence une jeune fille sans fiancé, mais bien Marie déjà « promise en fiançailles ». Sauf erreur, en voici la raison : le Sauveur devait naître d’une vierge qui non seulement serait déjà fiancée mais qui, scion le mot de Matthieu b, serait déjà confiée à un homme qui toutefois ne l'avait pas encore connue, afin de supprimer par cette situation tout motif de honte pour la vierge quand elle paraîtrait enceinte. 4. C’est pourquoi, j’ai trouvé, noté avec finesse, dans la lettre d’un martyr — je fais allusion à Ignace, second évêque d’Antioche après Pierre, qui à Rome fut livré aux bêtes pendant la persécution — : « La virginité de Marie fut cachée au Prince de ce siècle 1 » ; elle fut cachée grâce à Joseph, elle fut cachée grâce aux noces, elle fut cachée parce qu’on pensait qu’elle était mariée. Si elle n’avait point eu de fiancé ct, comme on le pensait, de mari, cette virginité n’aurait jamais pu être cachée « au Prince de ce monde c ». Aussitôt une pensée se serait insinuée secrètement dans l’esprit du diable : « Comment donc cette femme, qui n’a point eu de relations avec un , voir J. Rivière, Le dogme de la Wdemplion. Louvain, 1931, p. G9 ct ss ct Znfrwf., p. 34. Ofugèxr, 5. Luc. 10 146 ORIGÈNE praegnans est. ? debet iste conceptus esse divinus, debet aliquid humana natura esse sublimius. E contrario dis­ posuerat Salvator dispensationem suam et assumptionem corporis ignorare diabolum ; unde et in generatione sua celavit, eum et discipulis postea praecipiebat ne mani­ festum eum facerent . * 5. Et cum ab ipso diabolo lenta­ retur, nusquam confessus est Dei se esse filium, sed tan­ tummodo respondebat : non oportet, ut adorem te, nec ut lapides istos panes faciam, nec ut me de alto prae­ cipitem.] Et cum ista diceret, tacuit semper se esse filium Dei. Quaere cl in alia scriptura, et reperies voluntatis Christi fuisse, ut adventum filii Dei diabolus ignoraret. 'Apostolus enim passionem eius asserens nescisse con­ trarias fortitudines) ait : sapientiam loquimur inter per­ fectos, sapientiam autem non saeculi huius, neque principum saeculi huius, qui destruuntur ; sed loquimur Dei sapientiam in mysterio absconditam, quam nullus principum. huius saeculi cognovit. Si enim cognovissent, nun­ quam Dominum gloriae crucifixissent ”.] Absconditum igitur fuit a principibus huius sacculi mysterium Salva­ toris. 6. Quod autem e contrario obici potest, solvendum mihi videtur, antequam ab alio proponatur, qua ratione, quod principes huius saeculi latuit, daemonem non latuit, qui in evangelic loquebatur : venisti huc ante tempus tor­ quere nos ? scimus te, quis sis, filius Dei ®. Sed considera, quia minor in malitia noverit Salvatorem ; qui vero maior est in scelere et versipellis et nequam, ex eo ipso, quod in malo maior est, impeditur nosse filium Dei. Nos quoque ipsi, si minus habuerimus mali, facilius possumus ad vira. Cf. Matth., 12,16 b. I Cor., 2, 6 et ss c. Matth., 8, 29 1. Dans le /Irch., Ill. 3, GCS ">. p. 256. Origène distingue la « s du monde » et In · sagesse des princes de ce monde · et il voit dans les d les acteurs principaux de la Passion. SUR S. LUC, HOMÉLIE VI, 4-G 147 homme, peut-elle être enceinte ? Cette conception doit être œuvre divine, ce doit être une œuvre qui dépasse la nature humaine. » Au contraire, le Sauveur avait décrété de laisser le diable ignorer l'économie de son Incarnation ; aussi le laissa-t-il dans l’ignorance de sa génération et, plus tard, il commandait aux disciples « de ne pas le faire * connaître n. 5. Lorsqu’il était tenté par le diable luimême, il ne lui révéla en aucune occasion sa filiation di­ vine, mais se contentait de lui répondre : « Il ne faut pas que je t’adore, ni que je fasse des pains de ces pierres, ni que je inc précipite de ce sommet. » En disant cela, il ne cessa de taire sa filiation divine. Cherchez ailleurs dans l’Écriture, vous y trouverez que la volonté du Christ fut de laisser ignorer au diable l’avènement du Fils de Dieu. L’Apôtre, affirmant que les forces adverses ont ignoré la Passion, dit : « C’est une sagesse que nous prêchons parmi les parfaits, ce n’est pas la sagesse du monde ni celle des princes de ce monde 1 qui sont renversés ; mais nous par­ lons de la Sagesse de Dieu, cachée dans le mystère, qu’au­ cun prince de cc monde n’a connue. Car s’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de gloire b. » Le mystère du Sauveur a donc été caché aux princes de ce monde. 6. L’objection qu’on peut faire me paraît pouvoir être résolue avant même d’être proposée : comment se fait-il que cc qui avait échappé aux princes de ce monde n’a pas échappé au démon qui dit dans Γ Évangile : «Tu es venu ici nous tourmenter avant le temps, nous savons qui tu es, Fils de Dieu c. » Mais, constatez-lc, c’est le plus petit en malice qui a reconnu le Sauveur ; mais le plus grand dans le crime, le plus malin, le plus méchant, parce qu’il est plus plus grand dans le mal, n’a pas pu reconnaître le Fils de Dieu Et nous aussi, moins nous appartiendrons au mal, plus nous pourrons facilement 2. L’idée principale do cc passage, c’est «pu· les dénions, à cause do leur malice, so sont rendus incapables de connaître cc qui concerne l’économie de lu Rédemption. Il s’ensuit qu’il y a des degrés de malice chez les dénions et corrélativement des degrés d’inconnaissonce. Le lien entre vérin et con­ naissance do Dieu est constamment affirmé par Origène. 148 ORIGÈNE tutem procedere ; si vero maius fuerit in nobis mali, ingenti labore sudandum est, ut. maiori malitia liberemur.] Haec de eo, quod sponsum habuerit Maria. 7. Quia vero [angelus novo sermone Mariam salutavit, quem in omni scriptura invenire non potui,] et de hoc pauca dicenda sunt. Id enim quod ait : Ave, gratia plena, quod gracce dicitur : [« ζδχαρ’.τωο,ίνη », ubi in scripturis alibi legerim, non recordor ; sed neque ad virum isliusmodi sermo est : salve gratia plene. Soli Mariae haec salu­ tatio servabatur. i Si enim scisset Maria et ad alium quem­ piam similem factum esse sermonem — habebat quippe legis scientiam et erat sancta et prophetarum vaticinia cotidiana meditatione cognoverat — [ nunquam quasi peregrina eam salutatio terruisset. Propter quod loquitur ei angelus : ne timeas, Alaria, invenisti enim gratiam coram Deo. Ecce concipies in utero, et paries filium, et vocabis nomen eius lesum. Hic erit magnus et Filius Altissimi vocabitur. 8. [Dicitur et de loanne : erit magnus3, et. hoc ipsum Gabriel angelus contestatur : sed quando venit fesus vere magnus, vere sublimis, ille, qui prius magnus fuerat, minor effectus est. Ille enim, inquit, fuit lucerna ardens et lucens, et vos voluistis ad horam exsultare in lumine eiusb. Magnitudo Salvatoris nostri non tunc apparuit, quando natus est,] sed nunc, postquam oppressa ab adversariis videbatur, emicuit. :i. Le, 1, 5 b. Jn, 5, 35 1. La méditation quotidienne de l'Écriturc est, pour Origène, nécessaire ή ceux qui désirent progresser dans la voie de In sainteté. Voir l'importance du quotidie dunx le commentaire sur Rébccca, qui chaque jour vient puiser de l’eau au puits des Écritures. In 6<·η. Λοζη., X, 2, SC 7, p. 186. Ct. aussi In Gen. horn., XL 3. ibid.. p. 202, cl Zr| /-CP. Λοζη.. VI. 1, GCS 6, p. 359. Dès lors n’cst-il pas naturel que In Vierge se livre à cette nieditah’o cotidiana de l’Êci iture sainte, puisque Mario est le type du spirituel, du pneumatique origenten ? Voir introd., p. 44 et ss. 2. Le rapprochement magnus-sublimis est fréquent chez Cypiuen : sun S. LUC, HOMÉLIE VI, 6-8 149 avancer sur le chemin de la vertu ; au contraire, plus le mal sera grand en nous, plus grand sera notre travail, plus abondantes nos sueurs, pour nous libérer d’une trop grande malice. Voilà le commentaire sur les fiançailles de Marie. 7. Je dois ajouter quelques mots sur la formule employée par l’ange pour saluer Marie, formule nouvelle que je n’ai pas pu trouver ailleurs dans toute l’Écriture. Voici ces paroles : « Salut, pleine de grâce ! », ce qui se dit en grec, ζεχαικτωμένη. Où aurais-je pu lire cela ailleurs dans l’Écriture ? Je ne m’en souviens pas. Jamais cette for­ mule ne fut adressée à un homme : Salut, plein de grâce. A Marie seule, cette salutation était réservée. Si, en effet, Marie avait su qu'une formule de ce genre avait été adres­ sée également à un autre — elle avait, en effet, la con­ naissance de la Loi, elle était sainte et connaissait par ses méditations de chaque jour 1 les oracles des prophètes, jamais elle n’eût été effrayée de cette salutation qui lui semblait étrange. C’est pourquoi l’ange lui dit : « Ne crains point, Marie, car tu as trouvé grâce devant le Sei­ gneur. Voici que tu concevras et enfanteras un fils, tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand cl sera ap­ pelé Fils du Très-Haut. » La salutation de l’ange. 8. Il est dit aussi de Jean : « 11 sera a g ran eur grantjn » c’est l’ange Gabriel aussi le sus c . *3 qui l’atteste; mais à la venue de Jésus, vraiment grand, vraiment sublime2, Jean qui aupa­ ravant avait été grand est devenu plus petit. « Jean, en effet, dit Jésus, fut une lampe ardente et brillante et vous avez voulu vous réjouir un instant, à sa lumière6.» La grandeur de notre Sauveur n’apparut pas au moment de sa naissance mais maintenant elle resplendit après avoir semblé écrasée par ses adversaires. Ad Donut. 14, PL 4, 220 a. De kab. Dtr(i -, 550-551. 2. Dans ce texte, la Bretagne désigne l’Angleterre et la Mauritanie, le Maroc (Mauritanie tingitane qui a Tanger pour capitale) et l’Oucst algérien (Mauritanie césarienne avec Chcrcliell comme capitale). Pour l'oriental Origène, ce sont les extrémités du monde, les limites occidentales de l’Emplre romain. Le texte ne dit pas clairement que ces régions ont été déjà évangélisées. Noter enfin que dans le latin il y a trois · ct » ct en grec trois 7ΛΪ pour unir ces différents pays. Indice que pour Origène tous les chrétiens ne forment qu’une seule nation. 152 ORIGÈNE tui ; quod ut et singuli mereamur accipere, deprecemur Dominum lesum : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen a. a. 1 Pierre, 4, 11 SCn S. LUC, HOMÉLIE VI, 10 153 notre communauté : mais pour que chacun d’entre nous mérite de la recevoir, prions le Seigneur Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen 3 ». HOMILIA VII De eo. quod scriptum est : Exsurgens autem Maria cum festi­ natione venit in montana, usque ad eum locum, ubi ait : erit consummatio eorum, quae dicta sunt ». 1. i Meliores ad deteriores veniunt, ut eis ex adventu suo aliquid tribuant emolumenti. Sic et Salvator venit ad loannern, ut sanctificaret baptisma illius ; cl Maria statim ut audivit angelum nuntiantem, quod conceperit Salvatorem et quod cognata illius Elisabeth haberet in utero, consurgens cum festinatione venit in montana, et ingressa est domum Elisabeth. lesus enim, qui in utero illius erat, festinabat adhuc in venire matris loannern , positum sanctificare. Denique antequam veniret Maria > et salutaret Elisabeth, non exsultavit infans in utero ; ■ sed statim ut Maria locuta est verbum, quod Filius Dei in ventre matris suggesserat, exsultavit infans in gaudio, ' et tunc primum praecursorem suum prophetam fecit lesus. 2. Oportebat quoque Mariam Dei prole dignissimam , post alloquium angeli ad montana conscendere et in a. Lc, 1, 39-45 1. Voir un autre commentaire d’Origène sur la Visitation. In Jo. coni. J VI, 19. GCS 4. p. 157-158. Beaucoup «ridées contenues dans notre homélie' s’y retrouvent. CL /nfrod..p. 59-61. On peut comparer ers deux commentaires! dans C. Vagagginï. Maria nette opere dl Oriacnc, Rome. 1942, p. 118 et sa 2. Ce n’est pas l’homme qui s’approche de Jésus, mais Jésus qui va à la rencontre de l’homme : l’initiative vient de Dieu. Cf. la rencontre avec la Chananérnne. /n Matth, corn., XI, 16. GCS ÎO, p. 61. Nous avons là une des variations du thème de la συγζατάζασις qui exprime rabaissement du Verbe dans l’Incarnat ion. HOMÉLIE VU Sur le texte : Marie partit ct se rendit en hâte vers la mon­ tagne. jusqu’au passage : L’accomplissement de ce qui lui a été dit ». 1. Les meilleurs vont au devant des . . . moins bons pour leur procurer, par leur venue, quelque avantage. Ainsi le Sauveur vient à Jean pour sanctifier son baptême. Et dès que Marie eut entendu, selon le message de l’ange, qu’elle allait concevoir le Sauveur ct que sa cousine Elisabeth était enceinte, « elle partit, se rendit en hâte vers la montagne et entra dans la maison d’Élisabeth ». » Jésus, dans le sein de la Vierge, sc hâtait de sanctifier Jean-Baptiste, encore dans le sein de sa mère2. Avant, l'arrivée de Marie et la salutation à Élisabeth, le petit enfant « n’exulta pas dans le sein de sa mère»; mais dès que Marie eut prononcé la parole que le Fils de Dieu, dans son sein, lui avait suggérée, « l’enfant exulta dans la joie » et dès lors Jésus fit de son précurseur un prophète *. 2. Marie, après son entretien avec Fange, infiniment digne d’être mère du Fils de Dieu, devait aussi gravir la _ La Visitation. 3. Lu rencontre de Marie ct d'Élisabeth consacre la vocation prophétique de Jean-Baptiste. Lc grec affirme avec plus de précision que la force de l’Esprit-Saint est communiquée au précurseur : ό ποόδροαο; τη ένεργεια του άγιου πνεύματος κινούμενος. Au risque de souligner un rapprochement inattendu» notons quo le Père . B. Capkï.le, Recherches de Théologie Ancienne et Médit· vale 3 (1931). p. *410. Mais pourquoi refuser a Origène la responsabilité de ccttc notation ? 11 n’est pas rare qu’il se réfère, à propos d’un texte, ù plu- SUR S. LUC, HOMÊLIK VH, 2-4 157 montagne et demeurer sur les hauteurs *. C’est pourquoi il est écrit : « En ces jours-là, Marie se leva et se rendit vers la montagne. » Elle devait également, parce qu’elle était attentive et diligente, sc hâter avec zèle et, remplie du Saint-Esprit, être conduite sur les hauteurs, protégée par la puissance de Dieu dont l’ombre déjà l’avait recou­ verte. Elle vint donc a dans une cité de Juda, dans la maison de Zacharie et salua Elisabeth. Lorsque Élisabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant qui était dans son sein tressaillit et elle fut remplie du Saint-Esprit. » 3. C’est pourquoi, sans aucun doute, si Élisabeth fut alors remplie du Saint-Esprit, c’est à cause de son Fils. Ce n’est pas la mère qui mérita la première le Saint-Es­ prit ; mais lorsque Jean, encore enfermé dans le sein maternel, eut reçu le Saint-Esprit, Élisabeth, à son tour, après la sanctification de son fils, « fut remplie de l’Esprit-Sainl ». Vous pourrez le croire si vous savez qu’il s’est produit quelque chose de semblable au sujet du Sauveur. On lit, comme nous l’avons trouvé dans un assez grand nombre d’exemplaires, que la bienheureuse Vierge a pro­ phétisé. Mais nous n’ignorons pas que, selon d’autres manuscrits, ce fut Élisabeth qui a proféré aussi ces oracles 2. Marie fut donc remplie du Saint-Esprit dès l’ins­ tant où elle porta en elle le Sauveur. Dès qu’elle reçut le Saint-Esprit, créateur du corps du Seigneur, ct que le Fils de Dieu eut commencé à exister en elle, Marie aussi fut remplie de l’Esprit-Saint. 4. L’enfant tressaillit donc dans le sein d’Élisabeth, qui fut remplie du Saint-Esprit et s'écria d’une voix forte : «Tu es bénie entre les femmes. » Ici nous devons, pour que les hommes simples ne soient pas trompés 3, réfuter les La virginité de Marie. sieurs versions dHTcrenlcs qu’il a lues «Unis certains manuscrits ; il convient de ne pas oublier qu’il est l’auteur des Fiexaples. 3. Noter le souci pastoral d’Origène qui souvent dans scs homélies réfute ceux qui simplicium corda decipiunt; ct. In Luc. hom.» XVI, 4; In Ex. hom.. III, 2. SC 16. p. 106 ; In Jo. com.. XX, 33, GCS 4, p. 370. 158 ORIGÈNE nere, confutare. In tantum quippe nescio quis prorupit insaniae, ul assereret negatam fuisse Mariam a Salvatore, eo quod post nativitatem illius iuncta fuerit loscph, et locutus est, quae, quali mente dixerit, ipse noverit, qui loculus est. [Si quando igitur haeretici vobis tale quid obiecerinl, respondete eis et dicite : Certe Spiritu sancto plena Elisabeth ait : benedicta tu inter mulieres. Si a Spi­ ritu sancto benedicta canitur Maria, quomodo eam Sal­ vator negavit ? Porro quod asserunt eam nupsisse post partum, unde approbent, non habent ; hi enim fdii, qui Joseph dicebantur “, non erant orti de Maria, neque est ulla scriptura, quae ista commemoret.J 5. Benedicta tu inter mulieres, et benedicius fructus ven­ tris lui. Et unde mihi hoc, ut veniat mater Domini mei ad me? [ Hoc, quod ait tunde mihi hoc ? non ignorans dicit et maxime Spiritu sancto plena, quasi nesciat, quod iuxta Dei voluntatem mater Domini venerit ad eam; sed isto sensu loquitur: quid boni fcci ? quae opera mea tanta sunt, ut mater Domini ad me veniat ? per quam iustitiam, cx quibus bonis, de qua fidelitate mentis hoc merui, ut mater Domini mei veniat ad me ? Eccc enim ut facta est salutatio tua in aures meas, exsultavit in exsultatione infans in utero a. Cf. Matth., 13, 55 1. Origèno désigne un hérétique qu’il semble ne pas vouloir nommer : * ίτολα σί τις. Qui est col hérétique ? T. Ζλην dans son article : · Prcdiglen des Orlgencs uber dns Evangelium dos Lukas ·, Neae kirchtiche Zeitschrift (1911). p. 262 et $s., veut prouver qu'il ne s’agît pas de .Marcion ; mais son argumentation n’est pas très convaincante. Voir introd.. p. 37. A. d'Alùs» dans le Dictionnaire d'Apologétique. art. Marre, Mère de Dieu, t. 1 IL col. 172, pense à Tcrtullien, mais il est très peu probable qu’Origéno ait traité Ter· tullicn d'hérétique. En tout cas, il ne le cite pas dans la liste des hérésies de son temps, Com. Epist. ad Tihun9 PG 14, 1306. Voir la discussion de C. Va­ gaggini, op. oit.. p. 131-133. D’riilleurs, selon Tcrtullien. Marie aurait été reniée par le Sauveur non pour avoir eu d’antres enfants après Jésus, mais pour son manque de foi. Voir textes dans G. Jouassahd, · Murie à travers la patristlquc ». Maria. t. I, p. 78. note 3. et précisément Origène, qui parle I ailleurs d’une foi imparfaite do Marie, n’en dit rien ici. Il est donc plus sage de reconnaître que nous ignorons le nom précis de l'hérétique ici visé. qui. sun S. LUC, HOMÉLIE Vil, 4-5 159 objections habituelles des hérétiques. Au fait, je ne sais qui a pu se laisser aller à une telle folie pour affirmer que Marie avait été reniée par le Sauveur, parce qu’après la nativité elle se serait unie à Joseph *. Voilà ce que quelqu’un a dit et puisse-t-il être capable de répondre de ses paroles et de ses intentions *. Si parfois les héré­ tiques vous font une telle objection, répondcz-leur par ces mots : c’est remplie du Saint-Esprit qu’Elisabeth a dit. : « Tu est bénie entre les femmes. » Si Marie a été proclamée bienheureuse par le Saint-Esprit, comment le Seigneur a-t-il pu la renier ? Quant à ceux qui affirment qu’elle contracta mariage après son enfantement virginal, ils n’ont pas de quoi le prouver, car les fils attribués à Joseph a ne sont pas nés de Marie ; et aucun texte de Γ Écriture ne mentionne ce fait3. 5. «Tu es bénie entre les femmes et le tCS cntra’”ftS est b^n*· D’où me vient cette faveur que la Mère de mon Seigneur vienne à moi ? » Ces mots : « D’où me vient cette faveur ? » ne sont pas signe d’ignorance, comme si Eli­ sabeth toute remplie du Saint-Esprit ne savait pas que la Mère du Seigneur était venue à elle selon la volonté de Dieu. Mais voici le sens de ses paroles : « Qu’ai-je fait de bien ? En quoi mes œuvres sont-elles assez impor­ tantes pour que la Mère du Seigneur vienne me voir ? Suis-je une sainte ? Quelle perfection, quelle fidélité inté­ rieure m’ont mérité cette faveur, une visite de la .Mère du Seigneur ? » «Car votre voix n’a pas plutôt frappé mes oreilles que mon enfant a exulté de joie dans mon sein. » les siens ° somme toute, pourrait bien être Marcion. Au temps de Jérôme, Helvidius prétendait que Marin, vierge Jii-Mpi’A la naissance de Jésus, avait eu d’autres fils dans la suite. Vers 383, Jérôme écrit son De Beatae Mariae Virginitate perpetua centra Helvidium, PL· 23. 183-206. Dix ans après Helvidius, Jovi· nicn à nouveau attaquait la virginité de Marie et Jérôme répond dans l’Acto. Jovinianum, PL 23. 211-338. 2. Le texte latin est une correction de C. Delahue qui laisse subsister quelque obscurité, PG 13. 1817, note 20. 3. Sur les · frères > de Jésus, voir les explications de Jérôme. Contra Helvidium, PL 23, 196 c-199. 160 ORIGÈNE meo. Sancta erat anima beati loannis, ct adhuc in matris utero clausa venturaque in mundum sciebat, quem Israhel ignorabat ; unde exsilivil, et non simpliciter exsilivit, sed in gaudio. Senserat enim venisse Dominum suum, ut sanctificaret servum,J antequam de matris ventre pro­ cederet. Utinam mihi eveniat, ut ab infidelibus stultus dicar, qui talibus credidi. Ipsum opus ostendit el veritas non rne stultitiae, sed sapientiae credidisse, quia hoc, quod stultum apud illos putatur, mihi salutis occasio fit, 6. Nisi enim fuisset caelestis et beata nativitas Salvatoris, nisi habuisset divini aliquid et humanitatem hominum supergredientis, nunquam in toto orbe illius doctrina penetrasset. Si tantum homo fuisset in Mariae utero et non Dei Filius, quomodo poterat fieri, ut et illo tempore et nunc non solum corporum, sed etiam animarum morbi multiplices curarentur ? Quis nostrum non insipiens fuit, qui nunc propter misericordiam Dei habemus intel­ legentiam et scimus Deum ? Quis non incredulus iustitiae, qui nunc propler Christum iustitiam habemus sequimurque iustitiam ? Quis nostrum non errabundus et vagus, qui nunc propter adventum Salvatoris non flu­ ctuamus atque turbamur, sed sumus in via, in illo vide­ licet, qui ait : Ego sum via * ? 7. Possumus ct reliqua congregantes videre, quoniam omnia, quae scripta sunt de co, divina admiratione digna referantur, quod et nativitas illius et nutrimenta ct virtus et passio et resurrectio non solum illo tempore, sed etiam nunc operentur in nobis. Quis vos, o catechumeni, in. a. Jn, 14, 6 1. Être sur le chemin est une manière de suivre Jésus. Voir F. Bertrand^ Mystique de Jfous chez Origène, p. 110-113- Cf. Origène, In Jo. com., VI,J H, GCS 4, p. 128. 2. Nous rencontrons ici le mouvement d'intériorisation du mystère du Christ, caractéristique de la pensée origénicnnc. Les actions du Christ n’ont; pas été seulement accomplies par le Jésus de l'histoire, niais sc prolongent ct se réalisent en nous, dans 17nc ct nunc. Voir plus loin, horn, XXII, 3<. C’est là, d’ailleurs, le principal argument apologétique développé dans te SUR S. LlC, HOMÉLIE Vil, 5-7 161 L’âme du bienheureux Jean était sainte : encore enfermée dans le sein de sa mère et sur le point de venir au monde, elle connaissait celui qu’israël ignorait. C’est pourquoi Jean « exulta », ct il ne fil pas qu’exulter, « il exulta dans la joie». Il avait perçu que le Seigneur, même avant sa naissance, était venu pour sanctifier son serviteur. Puisset-il m'arriver, à moi qui ai foi en de tels mystères, d’etre traite de fou par les incroyants. Les faits eux-mêmes et la vérité ont montré clairement que j’ai cru non à une folie mais à la sagesse, parce que ce qui est estimé folie par ces gens-là est pour moi occasion de salut. 6. Si la naissance du Seigneur n’avait pas été toute céleste ct bienheureuse, si elle n’avait rien eu de divin et de supérieur à la nature humaine, jamais sa doctrine ne se serait ré­ pandue sur toute la terre. Si, dans le sein de la Vierge Marie, il n’y avait eu qu’un homme et non le Fils de Dieu, comment pourraient être guéries, au temps du Christ comme de nos jours encore, des maladies physiques et. spirituelles si variées ? N’avons-nous jamais été insensés, nous qui, aujourd'hui, par la miséricorde divine, avons l'intelligence et la connaissance de Dieu ? N’avons-nous jamais manqué de foi en la Justice, nous qui, aujourd’hui, à cause du Christ, possédons el suivons la Justice? N’avonsnous jamais été dans l’erreur el l’égarement, nous qui, au­ jourd’hui, par la venue du Seigneur, ne connaissons plus ni hésitation ni trouble mais sommes sur le chemin l, c’est-à-dire en Jésus qui a dit : « Je suis le chemin a » ? 7. Rassemblant tout ce qui est rap­ Puissance toujours actuelle porté de Jésus, nous verrons que tout ce qui a été écrit à son sujet est consi­ du Christ. déré comme divin ct digne d’admira­ tion : sa naissance, son éducation, sa puissance, sa pas­ sion, sa résurrection n’ont pas eu lieu seulement an temps marqué, mais opèrent en nous aujourd’hui encore *. Qui C. Oh. et qu’on retrouve ailleurs, en faveur de In vérité du christianisme : la Parole de Dieu accomplit des miracles, des conversions mondes duns te monde entier, en peu de temps et en très grand nombre. Λ l'opposé, Origèn© montre la stérilité de renseignement des philosophes. Origbnr, S. Luc. 11 162 ORIGÈNE ecclesiam congregavi! ? quis stimulus impulit, ut relictis domibus in hunc coetum coeatis ? Neque enim nos domus vestras singillatim circuimus, sed omnipotens Pater virtute invisibili subicit cordibus vestris, quos scit esse dignos, hunc ardorem, ut quasi inviti et retractantes veniatis ad fidem, maxime in exordio religionis, cum veluti trepidi et paventes salutis (idem cum timore sus- ; cipitis. 8. Obsecro vos, o catechumeni : nolite retractare, nemo vestrum formidet et paveat, sed sequimini praeeun­ tem lesum. Ille vos trahit ad salutem, congregat in eccle­ siam nunc quidem super terram, si autem dignos fructus feceretis, in ecclesiam primitivorum, qui scripti sunt in caelestibus a. \ Beata quae credidit, et beatus qui credidit, quia erit perfectio his, J quae dicta sunt ei a Domino. Super quibus et Maria magnificat Dominum lesum. Magnificat autem ' anima Dominum, spiritus Deum. Quae quam habeant j interpretationem, si concesserit Dominus, ut rursus in ecclesiam congregemur, ut festivi veniatis ad domum Dei, et. divinae lectioni praebeatis aures, quaeremus, venti­ labimus, disseremus in Christo lesu : cui est gloria, etl imperium in saecula saeculorum. Anien b. a. Hcb., 12, 23 b. I Pierre, 4, 11 1. Ce passage Indique quOrlgètie s'adresse à des débutants dans la foi. | Lu mention explicite des catéchumènes se retrouve ilnns l'/iom. XXI. 1. ctj dans Wiom. XXII, 6 : catechumeni et catechumenae qui disponitis venire ad1 baptismum. Les homélies sur Luc. ou au moins certaines, auraient-elles été1 utilisées comme catéchèse préparatoire au baptême ? Voir introd., p. 87·38. 1 SUR S. LUC, HOMÉLIE VH, 7-8 163 donc, ô catéchumènes, vous a rassemblés dans l’Église 1 ? Quel aiguillon vous a poussés à laisser vos demeures pour vous rendre à celte assemblée ? Car ce n’est pas nous qui avons fail une à une la tournée de vos maisons mais c’est le Père tout-puissant qui, par sa force invisible, a inspiré en vos cœurs, qu’il en sait dignes, celte ardeur pour venir à la foi, comme malgré vous el rechignai!Is, surtout au début de votre vie chrétienne, quand vous recevez la foi du salut avec crainte, pris, pour ainsi dire, de peur el de tremblement. 8. Je vous en supplie donc, ύ catéchumènes, ne reculez pas. Que nul parmi vous ne cède ni à la peur ni à l'épouvante. Mais suivez Jésus qui marche devant vous. C’est lui qui vous a attirés vers le salut, c’est lui qui, aujourd’hui, vous réunit dans l’Église, terrestre pour l’instant, mais, si vous portez de bons fruits, il vous réu­ nira dans «l’Église des premiers-nés, dont les noms sont inscrits dans les cicux · ». Bienheureux celui cl celle qui ont cru parce que s’ac­ complira ce qui leur a été dit de la part du Seigneur. C’est à leur sujet que «Marie magnifie le Seigneur Jésus». «Son âme magnifie le Seigneur, son esprit glorifie Dieu.» Quelle interprétation donner à ces mots ? Si Dieu le permet, lors de notre prochaine réunion dans cette église, quand vous viendrez joyeux à la maison de Dieu pour accueillir sa parole *, nous chercherons, nous étudierons et en parlerons à loisir dans le Christ Jésus, « à qui ap­ partiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen b ». 2. Lectio divina. Ces mots représentent exactement la lecture de l’Ecriturc sainte faite avant le sermon et sur laquelle le prédicateur doit parler, notre épître et notre évangile. On sait la valeur que prendra cette expres­ sion au Moyen Age. Voir Jean Leclercq. L'Amour des * Lettre d le désir de Dim, Paris, 1957. p. 71-72. HOM ILIA VIII De eo, quod scriptum est. : Magnificat anima mea Dominum, usque ad ilium locum, ubi ait : timentibus se fecit vir­ tutem a. 1. [Ante loannem prophetat. Elisabeth, ante ortum Domini Salvatoris prophetat Maria. Et quomodo pec­ catum coepit a muliere et deinceps ad virum usque pervenit, sic et principium salutis a mulieribus habuit exordium, ut ceterae quoque mulieres, sexus fragilitate deposita, imitarentur vitam conversationem sanctarum carumque vel maxime, quae nunc in evangelio describun­ tur. Videamus ergo vaticinium virginale. Magnificat, ait, anima mea Dominum, et exsultavit spiritus meus in Deo salutari meo.] Duae res, anima et spiritus, duplici laude funguntur. Anima Dominum praedicat, spiritus Deum : non quod alia laus Domini, alia Dei sil, sed quia, qui Deus est, idem ct Dominus est, ct qui Dominus est, idem et Deus est. 2. (Quaeritur, quomodo anima magnificet Dominum. Si enim Dominus nec augmentum nec detrimentum re­ cipere potest et, quod est, est, qua ratione nunc Maria loquitur : Magnificat anima mea Dominum ? Si consi­ derem Dominum Salvatorem imaginem esse invisibilis Dei ” et videam animam meam factam ad imaginem conditoris °, ut imago esset imaginis J — neque enim ania. Le, 1, 46-51 b. Col., 1, 15 c. Gen., 1, 27 1. < Notre homme intérieur est constitué d’un esprit cl d’une âme ». In Gen. hom.. I. 11. SC 7, p. S5. 2. Ce passage contient le> principaux éléments de la théologie de l’imago do Dieu. Voir H. CrOUZEI.» Théologie de Γ Image de Dieu chez Origène, Paris. HOMÉLIE VIH Sur le texte : Mon âme magnifie le Seigneur, jusqu’à ces mots : Sur ceux qui le craignent il a étendu sa puissance “. 1. Avant Jean. Élisabeth prophétise; * avant la naissance du Seigneur notre Sauveur, Marie prophétise. Et de même que le péché a commencé par la faute d’une femme pour atteindre en­ suite l’homme, ainsi le salut fit son entrée dans le monde par l'intermédiaire de femmes afin que toutes, surmontant la faiblesse de leur sexe, imitent la vie ct. la conduite des saintes, en particulier de celles que l’Evangile nous dépeint maintenant. Voyons donc la prophétie de la Vierge. « Mon âme magnifie le Seigneur, dit-elle, et mon esprit exulta en Dieu mon Sauveur. » Deux principes, « l’âme » et n l’esprit », s’acquittent d’une double louange ’. L’âme célèbre le Seigneur, l’esprit célèbre Dieu, non pas que la louange du Seigneur soit différente de celle de Dieu, puisque Dieu est aussi Seigneur et le Seigneur également Dieu. , __ 2. On sc demande comment l’âme L image de Dieu. niagn;pic |e Seigneur. En effet, si le Sei­ gneur ne peut recevoir ni accroissement ni diminution ct s’il est ce qu’il est, dans quelle mesure Marie peut-elle dire maintenant : « Mon âme magnifie le Seigneur » ? Si je considère que le Seigneur notre Sauveur est «l’image du Dieu invisible b» ct si je vois que mon «âme est faite «à l’image du Créateur0», pour être l'image de l’image 2 1956 et H. Rahnkr, · Dns Menschenbild des Origcncs ►, Eranos Jaiirbuch, Zürich. 1947, p. 197-248. a) !.« Christ est l'image de Dieu, b) L'homme est Image de l’image, non pas image mais « selon l'image · ; cf. C. Cels., VI, 63, GCS 2, p. 13.3. et VII, 66, ibid., p. 21G ; Jn Jo. com., VI, 49, GCS 4, p. 158 ; 166 ORIGËN E ma mea specialiter imago est Dei, sed ad simili ludi nem imaginis prioris effecta est - tunc videbo, quoniam in exemplum eorum, qui solent imagines pingere, et uno, verbi causa, vultu regis accepto ad principalem simi­ litudinem exprimendam artis industriam commodare, funusquique nostrum, ad imaginem Christi formans ani­ mam suam, aut maiorem ei aut minorem ponit ima­ ginem, vel obsoletam vel sordidam, aul claram atque lucentem et respondentem ad effigiem imaginis princi­ palis. Quando igitur grandem fecero imaginem ima­ ginis, id est. animam meam, et magniiicavcro illam opere, cogitatione, sermone, tunc imago Dei grandis efficitur, et ipse Dominus, cuius imago est, in nostra anima magni­ ficatur. Et quomodo crescit Dominus in nostra imagine, sic si peccatores fuerimus, minuitur atque decrescit, j 3. Vel certe Dominus nec minuitur nec decrescit, sed nos pro imagine Salvatoris alias nobis imagines induimus, pro imagine verbi, sapientiae, iuslitiae cctcrarumquc vir­ tutum diaboli formam assumimus, ut dicatur de nobis : serpentes, generatio viperarum a. Sed et leonis personam a. Matth., 23, 33 Dr Oratione, XXII. 4, GCS 2. p. 348. c) L'homme est créé · selon I'imngc ·· CL Jn Gen. horn., 1, 13. SC Ί. p. 82. Voir 11. Ciuh.zel, op. cîL» p. 147 et ss. d) Le < selon l'image ■ sc situe dans l'ùmc. < Cc n’est pas ù proprement parler te pneuma qui est le lieu du · selon l'image > ; cc serait plutôt la psyché, ellemême, en tant qu’elle devient pneumatique et qu'elle forme un seul esprit avec le pneuma : l’image de Dieu se situerait dans cette zone que l'esprit influence >» 11. Crovzïîi.» op. c/L, p. 157. I.a psyché en diet, puissance Intermé­ diaire, peut suivre le pneuma et s’unir au Logos ou» au contraire, obéir aux appels de la chair et sc détourner de Dieu, c) Pécher» en cfict, c’est renon­ cer à suivre l'Image de Dieu, pour revêtir · d’autres imagos ·. la forme du diable. (X In Gen. hom.» I» 13, SC 7» p. 83. Sur l'image du diable» voir H. Crovzel» p. 189 et ss. Le diable. hd-méme, est symbolisé par une véri­ table · ménagerie théologique ». H. Grouzel (p. 197 et ss) cite do nombreux textes sur cc thème. /) Par le péché» le Seigneur diminue en nous, mais en son fond, le « selon l’image > est inadmissible. Voir la belle homélie sur les puits creusés par Abraham et comblés par les Philistins, In Gen. hom., X11L 4, SC 7, p. 223-225. — Dans cette homélie, Origènc ne parle ni de la res­ tauration de l'image en l’homme pécheur» ni de la distinction entre image et ressemblance. Les homélies XVI et XXXIX sur Luc contiennent des SUR S. f.UC, HOMÉLIE VIII, 2-3 167 — mon âme en effet n’est pas expressément l’image de Dieu mais elle a été créée à la ressemblance de la première image — je comprendrai alors ceci : à la manière de ceux dont le métier est de peindre des images et d'utiliser leur art ii reproduire un modèle unique, par exemple le visage d'un roi chacun de nous transforme sou âme à I image du Christ 2 et trace de lui une image plus ou moins grande, tantôt délavée ou ternie, tantôt claire et lumineuse, ré­ pondant à l’original. Lors donc que j’aurai fait grandir l’image de l’image, c’est-à-dire mon âme, et que je l’aurai « magnifiée » par mes œuvres, mes pensées et mes paroles, alors l’image de Dieu aura grandi et le Seigneur lui-même, dont notre âme est l’image, sera « magnifié ». De même que le Seigneur croit en cette image de Lui qui est en nous, de même, si nous sommes pécheurs, il diminue et il décroît. 3. Plus exactement, le Seigneur ni ne diminue ni ne décroît, mais nous-mêmes, au lieu de l’image du Seigneur, nous revêtons d’autres images ; au lieu de l’image du Verbe, de la Sagesse, de la Justice et de toutes les autres vertus 3, nous prenons la forme du diable, au point qu’on peut dire de nous : «Serpents, race de vi­ pères a. » Oui, nous revêtons le masque du lion, du dragon, allusions qui complètent la théologie de Γimago; voir horn. XVI» 7 et hom. XXXIX. 5. 1. Allusion probable aux artisans qui reproduisaient on série, dans tout l’Empirc romain, les figurines d’un dieu ou d’un roi à partir d’un original créé par un artiste réputé. Voir le travail do P. Wvilleumiek et Audin, • I^s mé exsultat in Deo ; nisi enim antea cre­ verimus, exsultare non possumus. Quia respexit, inquit, in humilitatem ancillae suae. In quam humilitatem Mariae respexit Dominus ? Quid habebat mater Salvatoris humile atque deiectum, quae Dei Filium gestabat in utero ? Quod ergo dicit : respexit in humilitatem ancillae suae, tale est, quasi dixerit : respexit in iuslitiam ancillae suae, respexit in temperantiam, respexit in fortitudinem atque sapientiam. Dignum quippe est, ut virtutes respiciat Deus. Respondeat aliquis et dicat : intellego, quomodo Deus iuslitiam ancillae suae sapientiamque respiciat. ; quo­ modo autem intendat humilitatem, non satis liquet. Con­ sideret, qui quaerit talia, quoniam proprie in scripturis una de virtutibus humilitas praedicetur. 5. Ait quippe a. Deut., 4, 16-17 b. Rom., 7, 14 1. Sur tes animaux, symbole des passions» voir hom. XXXVII, note 2, p. -138 ; Entretien avec JUraclidc. 13-14» SC 67, p. 83-85. Jrcnéc utilise des comparaisons analogues (I’ciUgic du roi devient l’image d’un chien ou d’un renard) pour montrer les défonnntions que les hérétiques fout subir ii *I écri­ ture, Ado. Iiacr.t I, 8» PG 7, 522 a-l>. 2. Jérôme mentionne treize homélies sur le Deutéronome, Lettre 33. 4» cd. < Les Bclles-Lel t res », Paris. 1951. t. II. p. 42, ct Casslodorc en compto quatre, Dr. Institutione divinarum Litterarum, PL 70» 1112. Aucune de ces homélies ne nous est parvenue. On trouve seulement quelques fragments de commentaire sur le Deutéronome, PG 12. 805-818 ct PG 17. 23-36. 3. Origène vient de citer les quatre vertus cardinales des Grecs» la force, SUR S. LUC, HOMÉLIE VIH, 3-5 169 du renard lorsque nous sommes venimeux, cruels, fourbes, le masque du bouc quand nous sommes trop por­ tés à la luxure. 11 me souvient d'avoir un jour expliqué le passage du Deutéronome * où il est écrit : « Ne faites aucun portrait d’homme ou de femme, aucune image d’animal a. n Je disais, puisque la « Loi est. spirituelleb», que les uns fout une image d’homme, d’autres, une image de femme, celui-ci possède une ressemblance avec des oiseaux, celui-là, avec des reptiles et des serpents, tel autre enfin réalise la ressemblance de Dieu. On com­ prendra le sens de ces mots en lisant le commentaire dont je parle. l’humilité 4· Λ ^mc w Marie magnifie d’abord v le Seigneur et « son esprit » ensuite exulte de la Vierge. θθ sj no|JS n>avons pas d’abord grandi, nous ne pouvons pas exulter. « Parce que, dit-elle, il a jeté les yeux sur l’humilité de sa ser­ vante. » Mais où est celte humilité que le Seigneur a regardée en Marie ? Qu'avait donc d’humble ct d’abject la mère du Sauveur qui portait le Fils de Dieu en son sein ? Ces paroles : « Il a jeté les yeux sur l'humilité de sa servante », équivalent à celles-ci : « il a jeté les yeux » sur la justice de sa servante, « il a jeté les yeux » sur sa tempérance, « il a jeté les yeux » sur sa force et sa sagesse. De fait il est normal que Dieu porte son regard sur les vertus et l’on me dira : je comprends bien que Dieu re­ garde la justice ct la sagesse de sa servante, mais je ne vois pas très bien comment, il peut prêter attention à son humilité’- Celui qui cherche la solution de cette diffi­ culté, remarquera que précisément dans F Écriture l’hu­ milité est considérée comme une des vertus. 5. Le Saula tempérance, la justice ct lu prudence, qu’il appelle ici la sagesse. Lisait-on dans le grec disparu φ^όνησι; cl non σοφία ? Jérôme est-il responsable de la substitution ? Toute l’argumentai ion suppose la difficulté qu’éprouve Origène ù faire comprendre à des Grecs que l'humilité peut être une vertu. La preuve sc ni mène à ceci : Dieu ne connaît que les bons ct ignore les méchants; si donc il regarde l'humilité de Mario, l'humilité est nécessaire­ ment une vertu. 170 ORIGÈNE Salvator : discite a me, quia mansuetus sum et humilis corde, et invenietis requiem animabus vestris a. Quod si vis nomen huius audire virtutis, quomodo etiam a philosophis appelletur, ausculta [eandem esse humilitatem., quam respiciat Dens, quae ab illis « άτυφίχ » sive « μετριότης », dicitur. ! Sed et nos quodam eam possumus appellare cir­ cuitu, cum aliquis non est inflatus, sed ipse se deicit. Qui enim inflatur, cadit secundum Apostolum in indicium diaboli - siquidem et ille ab inflatione coepit atque superbia — ; ut non, inquit, inflatus in indicium incidat diaboli b. Respexit super humilitatem ancillae suae. Humi­ lem me, inquit, et mansuetudinis sectantem deiectionisque virtutem respexit Deus. 6. Ecce enim amodo beatam me dicent omnes generationes. Si simpliciter intellegam omnes generationes, super cre­ dentibus illud interpretor. Si autem altius aliquid fuero perscrutatus, animadvertam, quanti profectus sit dicere : quia fecit mihi magna qui potens est ; quoniam enim omnis qui se humiliat exaltabitur °, respexit autem Deus in humi­ litatem beatae Mariae, propterea fecit illi magna is. qui potens est, et sanctum nomen eius. Et misericordia eius in generationes generationum. Mise­ ricordia Dei non in unam generationem, nec in duas, neque in tres, sed nec in quinque, verum in sempiternum exten­ ditur a generatione in generationem. Timentibus eum fecit virtutem in brachio suo. Licet infirmus ad Dominum acces­ seris, si timueris eum, audire poteris repromissionem, quam tibi ob timorem suum Dominus pollicetur. 7. Quae est ista repromissio ? Timentibus, inquit, se fecit virtutem. Virtus sive imperium potestas est regia. Etenim «κράτος», a. Malth., 11, 29 b. I Tim., 3, 6 c. Lc, 14, 11 Sl.il S. LUC, HOMÉLIE VIH, 5-7 171 veur l’affirme : «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur ; et vous trouverez le repos de vos âmes ®.» Si vous voulez connaître le nom de cette vertu et savoir comment rappellent les philosophes, sachez que la vertu d’humilité que Dieu considère est celle meme que les sages appellent άτυφία ou μετριοτης, « absence d’orgueil » ou «modestie». Mais nous pouvons la définir en une périphrase : c’est, l'état d’un homme qui ne s’enfle pas, mais s’abaisse lui-même. S’enfler d’orgueil, selon l’Apôtre, c’est « tomber sous la condamnation du diable » qui, précisément, a commencé par l’enflure de l’orgueil et de la superbe ; voici la citation : « Afin que, n’étant pas bouffi d’orgueil, il ne tombe pas sous la condamnation du diable b. » « Il a jeté les yeux sur l’humilité de sa ser­ vante. » Dieu m’a regardée, dit-elle, parce que je suis humble et cherche la douceur et l’abjection. Grandeur &· σ que désormais toutes les gé, * ’. aérations m’appelleront bienheureuse.» Si je comprend 1 expression « toutes les gene­ rations» scion le sens le plus simple, je l’interprète des croyants. Mais si je scrute ce verset plus profondément, je m’aperçois qu’il est préférable d’ajouter « car le Toutpuissant a fait pour moi de grandes choses ». Puisque «tout homme qui s’humilie sera exaltéc», Dieu a jeté les yeux sur l’humilité de la bienheureuse Marie, c’est pourquoi «le Tout-puissant, dont le nom est saint, a accompli pour elle de grandes choses ». « Et sa miséricorde s’étend de génération en géné­ ration. » Ce n’est pas sur une, deux, trois ni même cinq générations que s’étend «la miséricorde» de Dieu mais éternellement, « de génération en génération ». « Pour ceux qui le craignent, il a déployé la puissance de son bras.» Malgré ta faiblesse, si lu approches du Seigneur dans la crainte, lu pourras entendre sa promesse en ré­ ponse h ta crainte. 7. Quelle est donc cette promesse du Seigneur ? « Il se fait la force de ceux qui le craignent », dit Marie. La force ou la puissance est un attribut royal. De fait, le terme κράτος, que nous pouvons traduire par 172 ORIGÈNE quod nos imperium possumus appellare, ab eo dicitur, quod imperet, sive sub se universa contineat. Si ergo timueris Dominum, dat tibi fortitudinem sive imperium, dat regnum, ut factus sub rege reguma possideas regnum, caelor uni in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen b. n. Apoc., 19, 16 b. I Pierre, 4, 11 SUB S. LUC. HOMÉLIE VIII, 7 173 « puissance », s'applique à celui qui gouverne ou à celui qui tient tout en son pouvoir. Si donc tu crains Dieu, il te communique sa force ci. sa puissance, il le donne son Royaume, afin que, soumis au « Roi des rois » », tu pos­ sèdes « le royaume des cieux », dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen ” ». HOMILIA IX De co, quod scriptum est : Manebat cum ea mensibus tribus, usque ad cum locum, ubi ait : loquebatur benedicens Deum 3. 1. Tam eorum, quae dicta sunt, quam illorum, quae facta referuntur, debet ratio esse sancto Spiritu digna et Christi fide, ad quam credentes vocamur. Unde et nunc causa quaerenda, quare Maria post conceptum venerit ad Elisabeth ct manserit cum ea mensibus tribus ; aut quid causae fuerit, ut Lucas, qui evangelii scribebat historiam etiam hoc insereret, quod manserit cum ea mensibus tri­ bus, et postea regressa sit in domum suam. Utique debet aliqua esse ratio, quam, si Dominus aperuerit cor nos­ trum, sequens sermo monstrabit. Si enim ex eo, quod tantum venit Maria ad Elisabeth et salutavit eam, exsultavit infans in gaudio, et Spiritu sancio plena Elisabeth prophetavit ea, quae in evangelio scripta sunt, et in una hora tantos profectus habuit, nos­ trae coniccturae relinquitur, quid in tribus mensibus Joannes profecerit, assidente Maria Elisabeth. 2. Valde quippe indignum in puncto horae atque momento exsul­ tasse infantem et quodammodo gaudio lascivissc repletamque fuisse Spiritu sancto Elisabeth, per tres vero menses nec loannem nec Elisabeth ex vicinia matris a. Lc, 1, 56-64 1. Origène ûfilrme également dans Γ/iom. XV, 1, que notre explication de rtëcrilijre doit être digne de Dieu. Il signifie ainsi que l’inlerprélation chrétienne de la Bible doit reconnaître J.-C. //arc ila sentiunt qui Christo quidem credunt, Judaico quodam sensu * scriptura divinus intelligentes, nihil ex Ms dignum divinis pollicitationibus praesumpserunt, P. Arch., II, 2, HOMÉLIE IX Sur le texte : Elle, demeure près d’elle trois mois, jusqu’il ce passage : Et il parlait, louant Dieu tt. 1. Les paroles aussi bien que les faits rapportés doivent avoir un motif digne du Saint-Esprit 1 et de la foi au Christ, à laquelle nous sommes appelés. Nous devons donc maintenant chercher pour­ quoi Marie, après avoir conçu, vint chez Élisabeth et « demeura trois mois avec elle ». Ou bien, pour quelle raison Luc, en écrivant l’histoire évan­ gélique, y a-t-il inséré ce verset : « Elle demeura trois mois avec Elisabeth, et revint ensuite dans sa propre maison. » 11 doit bien y avoir une raison que la présente homélie exposera, si le Seigneur ouvre notre cœur. De fait, s'il a suffi de la venue de Marie chez Elisabeth et de sa salutation, pour que l’enfant « exultât dans la joie » et qu’Élisabeth. « remplie du Saint-Esprit », pro­ phétisât ce qui est écrit dans l’Évangile, si donc, en une seule heure, de telles transformations se sont produites, il nous reste à imaginer quels progrès Jean a pu accom­ plir pendant les trois mois que dura le séjour de Marie chez Élisabeth. 2. Si en une seconde, instantanément, le petit enfant a tressailli et, pour ainsi dire, bondi de joie, si Élisabeth a etc remplie du Saint-Esprit, il est vraiment inconcevable que, pendant trois mois, ni Jean ni Éli­ sabeth n’aient accompli de progrès au voisinage de la Transformation opérée dans les âmes par la présence de Jésus. GCS 5. p. 186. Cette idée que l’interprétation doit ôtro digne do Dieu so rencontre aussi dans l'exégèse allégorique des philosophes grecs : le Ocorif ir.ii est une notion stoïcienne mais elle remonte à la critique de la mythologie officielle par Xenophane de Colophon. Voir XV. Jaeueh, The theology of the early rjrcck philosophers, Oxford 1947, p. 45-50. 176 0K1GÈXB Domini et ipsius Salvatoris praesentia profecisse. Exer­ cebatur ergo et quodammodo in athletico scammate per tres menses unguebatur loannes el praeparabatur in malris utero, ut mirabiliter natus mirabilius nutriretur. Quia enim extra consuetudinem nutritus est, non refertur scriptum, quomodo matris fuerit lactatus uberibus, quo­ modo in sinu gerulae constitutus, sed slatim sequitur : el erat in desertis usque ad diem ostensionis suae ad Israhel ». 3. Deinde legimus : Elisabeth autem completum est tem­ pus, ut pareret, et peperit filium. [Multi putant superflue dici : Elisabeth autem completum est tempus, ut pareret, el peperit filium. Quae enim mulier potest, parere, nisi tempus pariendi ante compleverit ?j Sed qui scripturas diligentissime contemplatur ct audit Paulum loquenlcm : attende * , lectioni [observans tam in veteri, quam in novo instrumento, sicubi scriptum in orlu peccatoris inveniat. : completum est tempus ut pareret, nunquam omnino reperiet. Sed ubicumque iustus nascitur, ibi complentur dies, illic in mundum completur adventus. Ortus iusti pleni­ tudinem habet, peccatoris vero nativitas, ut ita dicam, vacuitatem atque inanitatem. Haec de eo, quod scriptum est : completum est tempus, ut pareret. 4. Deinde sequitur, quod nato loannc congratulabantur matri cius vicini, et cognati et volebant in honorem patris puero nomen imponere, ut vocaretur Zacharias. Porro Elisabeth sancio Spiritu suggerente aiebat. : loannes est a. Lc, 1. 80 b. I Tim., '·, 13 1. Le sens du mystère de la Visitation sc résume ainsi : le Christ vivant en Mûrie communique à Élisabeth l’esprit prophétique, tandis que le pré­ curseur est préparé pour le combat spirituel. Voir Introd., p. 59-60. 2. Celte remarque a un sens spirituel : Jean-Baptiste est adulte dès sa naissance, il n’a pas besoin du lait des enfants, c’est-à-dire de la nourriture imparfaite des simples chrétiens. Lc thème du lait, aliment des commen­ çants. est souvent développé pur Origène, a. a * rents félicitaient sa mère » et qu’en l’honneur du père, ils voulaient donner son nom il l’en­ fant et l’appeler Zacharie. Or Élisabeth, sous l’inspi­ ration du Saint-Esprit, disait : « Jean est son nom. » Tout Paul (I Cor., 3. 1-3: Hébr.. 5. 12-11). Cf. II. CnovzP.L, Orifjine. ct la • Connaissance mystique p. 174. 3. Idée· analogue. In Gcn. Ziozn.. XII, 3, SC 7, p. 2(W. Obioene, S. Luc. li 178 ORIGÈNE nomen eius. Deinde cum illi causas i ustas quaererent, cur loannes potissimum vocaretur, cum in genere illius nullus haberet hoc nomen, interrogant patrem, qui non valens respondere manu et literis est locutus. Scripsit enim in pugillari : loannes est nomen eius. Stat inique ut stilus impressus est cerae, lingua, quae prius fuerat vincta, laxata est et recepit eloquium non humanum. Quamdiu ligata fuit lingua eius, humana fuit ; vinxerat enim eam incredulitas. Statim ut soluta est, humana esse desivit, et loquebatur benedicens Deum et prophetavit ca, quae scripta sunt | in evangelio, de quibus praebente Domino lesu Christo, cum tempus fuerit, disseremus : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. A men . * a. 1 Pierre, 4, 11 SUR S. LUC, HOMÉLIE IX, 4 179 en lui demandant les justes motifs qui lui faisaient pré­ férer le nom de Jean, puisque dans sa famille personne ne portail ce nom, ils interrogent aussi le père qui, inca­ pable de répondre de vive voix, le fit d’un geste de la main et par écrit ; « il écrivit.» sur une tablette : « Jean est son nom » Dès que le stylet eut imprimé le mol sur la cire, « sa langue », jusqu'ici enchaînée, « se délia » ct. il fut doué d’un langage qui n’était, pas humain *. Tant qu’elle était liée, sa langue était humaine ; le manque de foi l’avait lice. Des qu’elle fut déliée, elle cessa d’être humaine, « elle parlait , bénissant Dieu ». Et elle prophétisa ce qui est écrit dans l’Évangile ct. dont nous parlerons en son temps, s’il plaît au Seigneur JésusChrist. « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen a ». t. Le grec ajoute : ώ; πάντα; έχί τούτο £χπλι{ττ<«Οαι καί « τι τό παιδιον ϊσται » στυχχζίσΟχί · en sorte que tous en furent remplis d'étonne­ ment ct se demandaient : que sera cel enfant ? ■ 2. Le grec met mieux en relation le nom île Jean cl la grâce de la parole retrouvée, signe de la foi. tandis que le mutisme symbolisait l'incrédulité. HOMILIA X De eo, quod scriptum est : plenus Spiritu sancto prophetavit, usque ad eum locum, ubi ait : antecedes enim coram Domino, praeparare vias eius “. 1. Plenus Spiritu sancto Zacharias [duas prophetias generaliter nuntiat, primam de Christo, alleram de loanne. Quod manifeste de verbis illius approbatur, in quibus quasi de praesente iam et qui versaretur in mundo loquitur Salvatore, ac deinde de loanne. Repletus enim Spirilu sancto prophetavit dicens : Benedictus Dominus, Deus Israhel, quia visitavit el fecit redemptionem plebis suae.J Visi­ tante enim Deo et volente redimere populum suum, mansit Maria cum Elisabeth, postquam ei locutus est angelus, mensibus Iribus, ut per ineffabilem quandam virtutem non solum loannern, sicut dudum diximus, sed etiam Zachariam, ut nunc evangclicus sermo declarat, praesens Salvator instrueret. 2. Paulatim quippe et hic [per tres menses sancti Spiritus augmenta capiebat ct, dum nescii, erudiebatur et de Christo prophetavit dicens : qui dedit redemptionem populo suo, el suscitavit cornu salutis nobis in domo David, quia de semine David secundum carnem b natus est Christus. Et vere fuit cornu salutis in domo David, quia prophetia ista concinitur : Vinea enim facta est in cornu c. In quo cornu ? in Christo lesu, in illo, dc quo nunc scribitur : suscitavit cornu salutis nobis in domo David, pueri, sui, sicut locutus est per os sanctorum prophetarum suorum. a. Lc, 1, 67-76 b. Rom., 1, 3 c. Ï8., 5, 1 3. Pour saisir le rapprochement entre l’Evangile et le texte d’Isaie. nous traduisons cornu par < somme! >. HOMÉLIE X Sur le texte : Rempli du Sainl-Esprit il prophétisa, jusqu’au passage : Car lu marcheras devant le Seigneur, pour pré­ parer ses voies a. 1. Rempli de l’Espril-Sainl, Zacharie fait deux prophéties assez generales, l’une sur le Christ, l’autre sur Jean-Baptiste. Cela res­ sort nettement de ses paroles, car il parle d’abord du Sau­ veur comme d’une personne déjà présente, vivant dans le inonde, et de Jean ensuite. « Rempli du Saint-Esprit, il prophétisa : Béni soit le Seigneur, Dieu d’Israël, parce qu’il a fait visite cl accordé délivrance à son peuple. » Parce que Dieu visitait son peuple pour le racheter, « Marie resta avec Élisabeth trois mois » après l’Annon­ ciation de l’ange afin que, par une puissance ineffable, le Sauveur présent préparât non seulement Jean, comme nous le disions la dernière fois, mais encore Zacharie, comme l’évangile aujourd’hui nous le montre. 2. De fait, lui aussi progressait, peu à peu, durant ces trois mois, sous l’influence du Saint-Esprit ; sans le savoir, il était formé par Dieu et il fil celle prophétie concernant le Christ : « Qui a accordé la délivrance à son peuple et nous a suscité le sommet 1 du salut dans la maison de David », parce que, « de la race de David selon la chair b ». est né le Christ. En vérité, ce fut vraiment « le sommet du salut dans la maison de David » puisque la prophétie fait écho à ce texte : « La vigne était plantée sur un sommet c. » Sur quel sommet ? Sur le Christ Jésus, sur celui dont il est écrit maintenant : « Il a suscité le sommet du salut dans la maison de David, son serviteur, comme il l’avait dit par la bouche de ses saints prophètes. » , _ .. . 182 ORIGÈNE 3. Salulem de inimicis nostris. Non putemus nunc de corporalibus inimicis dici, sed de spiritalibus. Venit enim Dominus lesus, fortis in praelio a, destruere omnes ini­ micos nostros, ut nos de insidiis eorum liberaret ; de manu omnium inimicorum nostrorum et de manu omnium, qui oderunt nos. Facere misericordiam cum patribus nostris. Ego puto, quod in adventu Domini Salvatoris et Abraham et Isaac et lacob fruit i sint misericordia Dei. Neque enim credi­ bile est, ut qui prius viderunt diem illius el laetati sunt, postea in adventu ipsius el nativitate de virgine nihil utilitatis acceperint. El quid de patriarchis loquor ? Ad altiora scripturarum auctoritatem sequens audacter adscendam, quoniam praesentia Domini lesu et dispensatio illius non solum terrena, sed etiam caelestia iuverit. Unde et Apostolus ait : pacem faciens per sanguinem crucis suae, sive super terram, sive in caelis b. Si autem in caelis et in terra praesenlia Domini profuit, cur paveas dicere, quod adventus illius etiam maioribus profuerit, ut im­ pleatur hoc, quod dicitur : facere misericordiam cum pa­ tribus nostris, et recordari testamenti sancti sui, iuramenti, quod iuravit ad Abraham patrem nostrum, ut daret nobis absque timore de manu inimicorum liberari ? 4. Crebro de hostium manu aliqui liberantur, sed non absque timore. Cum enim metus et discrimen ante prae­ cesserint et ita de inimicorum manu quis fuerit erutus, liberatur quidem, sed non sine timore. Porro adventus Domini lesu de manu inimicorum absque timore nos eruit. Non enim sensimus inimicos nostros nec eos vidimus a. Ps. 24 (23), 8 b. Col., 1, 20 1. Le texte grec précise que 1« venue du Christ auprès des patriarches a eu Heu lors de la descente aux enfers: Ηοό; τούς πατέρα; ή επισκοπή γέγο/Ε έν τή Χριστού επιδημία καί τούτο ή «ΐ< τόν "Λ:δην αυτού αφ:ξ:ς έπραγματεύσατο- !λ Verbe d'ailleurs s'est déjà manifesté dans les théo­ phanies de *1A. T. Cette présence du Chris! aux patriarches est une idée chère à Origène, bien qu’il n’y «il pas de commune mesure entre le don du SUB S. LUC, HOMÉLIE X, 3-4 183 , 3. «Pour nous délivrer de nos enLa délivrance. · .. , . ,■ · · nemis. » 11 n est pas question ici d en­ nemis au sens physique mais d'ennemis spirituels. En effet, le Seigneur Jésus est venu, « fort dans le combat a », détruire tous nos ennemis, nous délivrer de leurs pièges « et nous libérer de la main de tous nos ennemis et de tous ceux qui nous haïssent ». « Pour faire miséricorde à nos pères. » Je pense qu’à la venue du Seigneur Sauveur, Abraham, Isaac et Jacob ont profité de la miséricorde de Dieu. On ne peut pas croire que ces hommes, qui ont prévu ce jour et s’en sont réjouis, n’aient rien gagné à la venue du Seigneur le jour de sa naissance virginale. Que dire encore au sujet des patriarches ? Docile à l’autorité de l’Écriture, j’aurai l’audace de monter encore plus haut ct je dirai que la pré­ sence du Seigneur Jésus et son Incarnation ont profité non seulement à la terre mais an ciel. Ainsi parle saint Paul : « Par le sang de la Croix, faisant la paix sur la terre ct dans les cieux b. » Si donc la présence du Seigneur a été utile à la terre ct au ciel, pourquoi avoir peur de dire que sa venue a été utile aussi aux patriarches ', afin que fût accomplie la parole : « Pour faire miséricorde h nos pères et se souvenir de son alliance sainte, du serment fait à Abraham notre père», de nous accorder «d’être sans crainte, délivrés de nos ennemis ». 4. Souvent les hommes sont libérés de la main de leurs ennemis, mais ils ne le sont pas « sans avoir éprouvé de la crainte ». Lorsqu’on a d’abord eu peur, dans une situa­ tion critique, et qu’on est délivré de ses ennemis, on est bel cl bien libéré mais non sans avoir eu peur. Or la venue du Seigneur Jésus nous a délivrés de « la main de nos enne­ mis sans que nous ayons eu peur ». En effet nous n’avons pas connu nos ennemis et nous ne les avons pas vus nous Christ accordé maintenant par l'incarnation ct celui «les théophanics de l’Ancletuw Alliance. Voir les textes dans Hukt, PG 17, col. 797 ct ss. Sur le profit que les patriarche * ont acquis par l'incarnation, voir le Commen­ taire d'InrtxâB sur le Ps. 45 (44), v. 17 : Pro patribus, nati sunf libi /ilii, • les Pères, par l'incarnation, sont devenus tes (ils », Ilacr., Ill, 22, 4, SC 31, p. 381. 184 ORIGÈNE repugnantes, sed, dum nescimus, repente de faucibus eorum et insidiis erepti sumus. In puncta atque momento transtulit, nos in haereditatem partemque iustorumn et liberati sumus de manu inimicorum sine metu, ut servia­ mus Deo in sanctitate e.l iustilia coram eo omnibus diebus nostris. 5. 7jt tu, puer, propheta Excelsi vocaberis. Apud memetipsum quaerens rationem, quare non quasi de loannc, sed ad loannem ipsum dicens prophetet : et tu, puer, pro­ pheta Excelsi vocaberis, et reliqua — superfluum enim fuit ad non audientem loqui et ad parvulum atque lacten­ tem apostropham facere hanc puto posse mereperire, quod quomodo mirabiliter loannes natus est ct angelo praedicante venit in mundum et tribus mensibus Maria iuxta Elisabeth commorante fusus est in terram, sic etiam cuncta, quae super eo scripta sunt, mirabiliter facta refe­ runtur. Quod si dubitas statim de utero matris effusum posse verba patris audire et scire, quid sit hoc, quod ad se dicitur : et tu, puer, propheta Excelsi vocaberis, consi­ dera multo fuisse mirabilius, quod praecessit : ecce ut facta est vox salutationis tuae in aures meas, exsultavit infans in gaudio in utero meo. 6. Si enim adhuc in matris ventre conclusus audivit lesum et audiens exsilivit atque laetatus est, quare non credas eum iam genitum pro­ phetiam patris et audire et intellegere potuisse dicentem ad se : et tu, puer, propheta Excelsi vocaberis ; antecedes enim coram Domino, praeparare vias eius ? Ideo rcor Zachariam festinasse, ut loqueretur ad parvulum, quia sciebat cum post paululum in eremo moraturum, nec se cius habere posse praesentiam. Puer enim erat in desertis n. Col., 1, 13 1. On retrouve ici lu lütcrnlismc dOrigêne avec ses apories qui viennent de ce qu’il prend tonies les paroles de riScrlturo pour ce qu’elles signifient absolument, hors du contexte littéraire. Voir hom. Iï, note 2» p. 1 IG ; *csl la même idée qui a inspiré In remarque au sujet de l'allaitement de Jean- SUR S. LUC, HOMÉLIE X, 4-6 185 attaquer, mais, sans le savoir, tout à coup, nous avons été arrachés à leurs pièges ct à leurs embûches. « En une seconde, instantanément », nous avons été introduits dans < l’héritage cl le partage des justes * 1», nous avons été délivrés de « la main de nos ennemis sans crainte, pour servir Dieu dans la sainteté et la justice tous les jours de notre vie ». 5. « El toi, petit enfant, tu seras ap­ La grandeur du Précurseur. pelé prophète du Très-Haut. » Je me demande pourquoi Zacharie prophétise, non pas comme s’il parlait de Jean, mais à Jean lui-même : « lit toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du TrèsHaut », et la suite. Il semble inutile en effet de s’adresser à qui n’entend pas, d'interpeller un bébé à la mamelle. Je pense cependant avoir trouvé la raison : Jean eut une naissance merveilleuse, il vint au monde, annoncé par un ange, il fut mis au monde après le séjour de trois mois que fit Marie chez Élisabeth, ainsi tout ce qui a été écrit à son sujet rapporte des faits merveilleux. Si on rnct en doute que dès sa naissance il ait pu entendre les paroles de son père et en comprendre le sens, « ct toi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut», que l’on veuille bien considérer que les événements précédents sont plus merveilleux encore : « Votre voix n’a pas plutôt frappé mon oreille que l’enfant a exulté de joie dans mon sein. » 6. Si donc, dès le sein de sa mère, Jean entendit Jésus ct si, à la voix de Jésus, il exulta de joie, pourquoi refuser de croire qu'après sa naissance il ait pu entendre la pro­ phétie de son père et. comprendre ces paroles 1 : « Et loi, petit enfant, tu seras appelé prophète du Très-Haut, car tu marcheras devant le Seigneur pour préparer ses voies » ? Je pense donc que Zacharie se hâta de s’adresser à l’en­ fant parce qu'il savait que bientôt Jean irait vivre au désert et qu'il ne jouirait plus de sa présence. « De fait, l'enfant vécut au désert jusqu’au jour de sa manifesBaptiste; cf. hor/r. IX, note 2. p. 176; Jean, type du spirituel» est adulte avant sa naissance, dès que le Christ lui a rendu visite en Marie. 186 ORIGÈNE usque ad diem ostensionis suae ad fsrahel.j 7. Et Moyses in deserto moratus est, sed postquam expletis quadra­ ginta aetatis suae annis fugit ex Aegypto, et per alios quadraginta annos lethro pecora custodivit ; Iohannes vero, statim ut natus est, transiit ad deserta, Cl. qui maior fuit inter natos mulieruma, maiori nutrimento dignus apparuit. De quo prophet a loquitur : | ecce mitto angelum, meum ante faciem tuam *». Recte angelus dicitur, qui missus fuerat coram Domino cl prophetantem patrem, statim ut natus est, audire potuit et intellegere.] Quamobrern nos, qui tantis mirabilibus credimus, credamus pariter resurrectioni, credamus ct repromissionibus, quae venturae sunt, regni caelorum, quod nobis cotidie Spi­ ritus sanctus pollicetur. Quae omnia ut scripta sunt mira­ biliter, plus quam senlire possumus, accipiemus in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen c. n. Matth., 11, 11 1». Ex., 23, 20 c. 1 Pierre, 4, 1 i 1. Allusion nux Acto (to Ap. 7. 30. 2. Le séjour au désert est le symbole de la conversion ; thèmes do FExoclc» souvent repris par Origène, p. g. ln .to. hom., VI, p. 179 ct ss : sortie d’Egypte, terre du péché et du paganisme, errance dans le désert «le La vie chrétienne actuelle où l’on est nourri de la manno de l’Écriture, mirée dans )a Terre Promise do la Béatitude- Si Jean accomplit son séjour au désert plus Jeune que Moïse, c’est qu’il est le plus grand saint de l’Anclcn Testament.—t.’allégorie du désert peut expliquer l’influence d’Origène sur le SUR S. LUC, HOMÉLIE X, 6-7 1S7 talion à Israël. » 7. Moïse, lui aussi, demeura dans le désert, mais ce ne fut qu’après avoir fui l’Egypte, à qua­ rante ans révolus et, pendant, quarante ans encore, il garda les troupeaux de Jéthro *. Jean, au contraire, dès sa naissance, passa au désert4, et lui, qui «fut le plus grand parmi les enfants des femmes a », parut digne d’une éducation plus élevée. C’est de lui que parle le prophète : « Voici que j’envoie mon ange devant la face » On a raison d’appeler « ange » celui qui, envoyé devant le Seigneur3, entendit et comprit la prophétie de son père, dès sa naissance. C’est pourquoi, nous autres qui avons foi en tant de réalités merveilleuses, croyons de la même façon à la résurrection, croyons aussi aux promesses qui doivent s’accomplir concernant le royaume des cieux, promesses que le Saint-Esprit nous garantit chaque jour. Toute Γ Ecriture est encore plus admirable que nous ne pouvons le percevoir, nous l’apprendrons dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen c ». monachisme primitif mais, sur ce point, il y a entre lui et les Pères du désert une divergence fondamentale, car il n’a jamais conçu une vie purement contemplative ; il n’Imaglnc pas un spirituel (pii ne soit pas, comme JeanBaptiste, en même temps un didascale. Prise dans le sens purement littéral, runneborèse dans le désert est pour Origène une tentation, la tentation de cpiiller la vie apostolique a cause de ses difficultés. Voir comment il commente cette tentation chez Jérémie» fn J. HOMILIA Χί De eo, quod scriptum est : Puer autem crescebat et conforta­ batur spiritu, usque ad cum locum, ubi ait : Haec est des­ criptio prima, quae facta est sub praeside Syriae Cyrino a. 1. * Bifariam in scripturis sanctis crescere quid dicitur, unum corporaliter, ubi voluntas humana nihil prodest, alterum spiritaliter, ubi causa crescendi in studio con­ sistit humano. De hoc ergo, quod secundum posuimus, id est spiritali, nunc evangelist a narrat : puer autem cre­ scebat ct confortabatur spiritu. Quod dicit, talc est : crescebal spiritu, nec in eadem permanebat mensura, qua coeperat, sed semper crescebat in eo spiritus, et per sin­ gulas horas atque momenta spiritu sucrescente anima quoque sua incrementa capiebat.] Et non solum anima, sed etiam sensus ct mens augmenta spiritus sequebantur. [Illud quod praecipit Deus : crescite et multiplicamini b, qui simpliciter et iuxla 1 i teram accipiunt, quomodo pos­ sint exponere nescio. Esto enim multiplicamini referatur ad numerum, ut, dum plures fiunt, quam prius fuerant, multiplicatio habeat locum, hoc vero quod sequitur : crescite non est in nostra potestate. 2. Quis enim hominum a. Lc, 1, 80-2, 2 b. Gcn., 1, 22 1. Nous avons rencontre au début de la troisième homélie sur Luc la même distinction entre les réalités physiques soumises â In nécessité cl *le créatures spirituelles douées de liberté. Sur l’idée que se full Origène de la créature spirituelle, voir J. DaniôlOU, Orhjcnt, Paris. 1918. p. 208 et s$. ' 2. Nous retrouvons dans ce paragraphe tous les termes de l’anthropolo­ gie d’Origènc : esprit (rrvç^xa) et ûme (ψυχή), tandis que les deux mots *latinsmens ct sensus traduisent Tunique mot grec vov;. Plus loin. mens, * comme tendance h la contemplation (νο5ς * i :. το otocατιζον) s’oppose à po/unias, la tendance au bien ("ροαίρισις Η: το άγχΟον) et à memoria» la faculté qui HOMÉLIE XI Sur le texte : Or l'enfant croissait et se fortifiait en esprit, jusqu’au passage : C’est le premier recensement qui eut lieu, Cyrinus étant gouverneur de Syrie a. 1. Selon l’Écrilurc sainte, il y a deux La croissance sortes de croissances : la croissance phy­ spirituelle. sique où le vouloir humain n’intervient pas, ct la croissance spirit uelle assurée par l'effort humain L C’est, la seconde croissance, la croissance spirituelle, que mentionne maintenant l’évangéliste : «L’enfant croissait et se fortifiait en esprit. » C’est bien ce qu’il affirme : « Il croissait en esprit », et l’esprit en lui n’en restait jamais à la mesure qu’il venait d’atteindre, mais il croissait sans cesse et, l’esprit s’accroissant à chaque heure et à chaque instant, l’âme aussi progressait ; ct non seulement l’âme, mais aussi la pensée et l'intelligence suivaient les progrès de l’esprit 2. Cet ordre de Dieu : « Croissez ct multipliezvous1’». ceux qui l’entendent au sens physique et à la lettre, je ne sais pas comment ils peuvent l’expliquer. Admettons que « multipliez » se rapporte au nombre et qu’ainsi, lorsque il y a accroissement numérique, il y ail place pour une multiplication : mais exécuter la suite, «croissez», n’est pas en notre pouvoir3. 2. Quel est permet d’agir d'après l'expérience acquise ίπί τό 8ρα3::κώτιρον). Enfin, au terme du paragraphe, on trouve mentionnée la chair, σάρξ. le pôle opposé au pneuma, mais appelée aussi à devenir pneumatique. Cc texte montre bien qu’l! faut entendre les diverses composantes de Vôtre humain non comme des réalités Isolées et statiques mais comme des tendances dynamiques s’interpénétrant les unes les autres. Ainsi Origène décrit l'homme comme dynamisme spirituel et Ja vio chrétienne comme un incessant progrès. 3. L'opposition entre multiplication numérique ct croissance spirituelle »c trouve déjà dons l'exégèse de Puil.ON ; ci. La Migration (ΓAbraham 53-55, SC 47. p. 37-88. 190 O1UGÈNE non velit ad staturam suam adjicere a, ut longior fiat ? Si ergo propterea quid praecipitur, ut fiat. stultum est quippe praecipere, quod is, cui praecipias, facere non possit — et praecipitur nobis, ut crescamus, utique id praecipitur, quod facere possumusj. Vis scire, quomodo intellegatur : crescite? Ausculta, quid Isaac fecerit, de quo dicitur : Isaac proficiebat et maior fiebat, donec fa­ ctus est magnus, vel vehementer nimis b. Semper enim voluntas illius ad meliora se tendens habebat profectus suos, mens divinius aliquid contemplabatur et exercebat se memoria, ut plura in thesauro suo conderet et firmius retineret. Atque in hunc modum evenit, ut qui omnes virtutes suas in animae agro excoluerit, impleret man­ datum praecipiens crescite. 3. Quamobrem et loannes adhuc parvulus crescebat et multiplicabatur ; perdifficillimum autem est parvulum spiritu crescere et inter mortales perrarum. Puer autem crescebat et confortabatur spiritu. Aliud est crescebat, aliud confortabatur. Infirma est humana natura et, ut fieri possit fortior, divino auxi­ lio indiget. Legimus : caro infirma. Quo igitur auxilio confortanda est ?J Utique spiritus; spiritus enim prom­ ptus, caro autem infirma c. Qui vult fortior fieri, non debet nisi spiritu confortari. Multi confortantur came, corpore roborantur ; athleta autem Dei spiritu roborandus est et, cum sic fuerit confortatus, sapientiam carnis elidet et spiritalis effectus subdet corpus animi imperio. Non pute­ mus ergo simplicem de loanne historiam esse conscriptam, et quae nihil ad nos pertineat, in eo quod dicitur : cre­ scebat et confortabatur spiritu, sed ad imitationem nostram, ut multiplicati spiritaliter iuxla eum, quem diximus, sen­ sum incrementa capiamus. n. Mattb., 6, 27 b. Gen., 26, 13 c. Matth., 26, 41 1. Voir un commentaire de ce verset, 7 π G/n. hom., XII, 5, SC 7, p. 211. La croissance d'Isaac est interprétée allégoriquement comme le symbole de son progrès spirituel, cf. PG 14, 1302 c. 2. Allusion à II 7'tni. 2, 3-5. sun S. I.uc, HOMÉLIE XI, 2-3 191 l’homme en effet qui ne voudrait, «ajouter à sa taille a » afin de devenir plus grand ? Or tout ordre peut être exé­ cuté (un ordre impossible à réaliser n’a aucun sens) ; si donc on nous ordonne de grandir, nous avons à coup sûr la possibilité d’exécuter cet ordre. Voulez-vous savoir comment comprendre «croissez»? Ecoutez ce qu’a fait Isaac, dont il est dit 1 : « Isaac progressait et grandissait jusqu’à devenir grand, extrêmement grand b. » Sans cesse, sa volonté tendue vers le plus parfait faisait des progrès, sans cesse son intelligence contemplait quelque réalité plus divine, sans cesse il s’exerçait à enfouir plus de ri­ chesses dans le trésor de sa mémoire et à les y conserver plus fidèlement. Ainsi celui qui a cultivé toutes les vertus dans le champ de son âme accomplit cet ordre : « Crois­ sez. » 3. C’est pourquoi Jean, encore petit, enfant, crois­ sait et se multipliait ; il est pourtant très difficile à un petit enfant de croître spirituellement et c’est chose très rare parmi les mortels. « Or l’enfant croissait et se forti­ fiait spirituellement. » Il y a une différence entre « croître » et «se fortifier». La nature humaine est faible et, pour devenir plus forte, elle a besoin du secours divin. Nous lisons : « La chair est faible. » Qui doit venir à son aide pour la fortifier ? Sans aucun doute, l’esprit; car «l’es­ prit est. prompt, mais la chair est faible c. » Celui qui veut devenir plus fort ne peut compter que sur l’esprit pour se fortifier. Beaucoup se fortifient physiquement, leur corps prend des forces ; mais l’athlète de Dieu 2 doit, prendre des forces spirituelles cl, une fois fortifié, il fou­ lera aux pieds la sagesse de la chair; devenu spirituel, il soumettra le corps à l'empire de l’esprit. N’allons pas croire que ces mots : « 11 croissait, et se fortifiait spirituel­ lement », ne contiennent qu’une simple histoire relatée au sujet de Jean, histoire qui ne nous concerne en rien ; non, c’est une histoire proposée à noire imitation pour que, multipliés spirituellement, au sens que nous avons dit, nous réalisions des progrès 3. Celte idée que la Bible n’est pas un livre écrit pour l'historien ou Γιυτchcologuc mais Je lieu où l’Esprit-Saint s’adresse à chacun des chrétiens est une des raisons profondes de Vexcgésc spirituelle. 192 ORIGÈNE 4. [Et erat in desertis usque ad diem ostensionis suae ad Israhel. Dixi nuper, quod et conceptus loannis stu­ pendum quid habuerit, quando exsultavit infans in utero Λ ct suum necdum genitus Dominum recognovit, et nati­ vitas non impar miraculum, quando ad eum velut audien­ tem Zachariae prophetantis sermo convertitur, dicens : ct tu, puer, propheta Excelsi vocaberis b. Digne igitur, qui sic conceptus fuerat et natus, non exspectavit, ut a patre nutriretur ct matre usque ad diem ostensionis suae ad Israhel, sed recessit, fugiens tumultum urbium, populi frequentiam, vitia civitatum, et abiit in deserta, ubi purior aer est et caelum apertius et familiarior Deus, ut quia necdum sacramentum baptismi nec praedicationis tempus advenerat, vacaret orationibus] et cum angelis conversaretur, appellaret Dominum et illum audiret re­ ft. Lc, 1, 44 1>. Le, 1, 76 1. Sur lo sens mystique du désert, domaine de la purification et de la familiarité divine, voir In Ex. horn., Ill, 3, SC 16. p. 108-111. Pour Origine, vivre au désert n’est pas sc retirer en un lieu solitaire mats adopter une a titud «spirituelle : segregari autem dicimus non locis sed actibus, ncc regio­ nibus sed conversationibus, In Lev. horn,, XI, I» GCS 6, p. 448. La spiri­ tualité du desert ext un thème biblique repris par les Pères dans leurs com­ mentaires du Pontatcuque, concernant le cycle «le FJSxode. On sait aussi cpie l’appel du désert, surtout après la paix de Constantin» était un idéal de vie chrétienne, conçu comme substitut do la vocation au martyre. CL M. ViirJLBR. · Lc Martyre ct l'Ascèse ». RAAf G (1925). p. 115 et ss. Voir aussi J. Monciianin» · La spiritualité du désert ·, Dieu Vwoftf. 1. p. 47 et ss. Do plus, avons-nous peut-être ici l’écho d’une tentation d’Origène ? Voir horn. X, note 2, p-186. Ne pense-t-il pas à sc rel irer loin des critiques humaines, lui qui eut à souffrir de beaucoup d'incompréhensions, voire de calomnies, alii vero tractatus nostros calomniantes, In Lue. horn., XXV, <> ? 2. Le mot sacramentum équivaut au grec υυστήο’ον. On sait combien ce mot est difficile à traduire en français, car il ne désigne pas ce que nous appelons un sacrement. Lc mystère est une réalité cachée, révélée par le Christ, concernant l’économie du salut, c’est-à-dire en définitive l’union du Christ et de l'Iiiininnité rachetée. La révélation plénière est uùio sacra­ mentorum XXXVIII, 3), c’csl-à-tUrc vision de toute la réalité sur·! naturelle que la prédication de Jean-Bnptl$tc annonce, que (’Évangile pré-, ché par le Christ accomplit et qui, dans l’Évangile éternel, atteindra sa plénitude, l-e sacramentum Joannis, hom. IV, 6, est Fullimc préparation annonçant la Nouvelle Alliance, le sacramentum euangelii, horn. XI, 6; SUR S. LUC, HOMELIE XI, 4 193 .. Λ 4. « El il était au desert jusqu au jour Jean au desert. de . sa manifestation r . .· □ ? iIsraël.i » devant J’ai dit dernièrement combien la conception de Jean fut extraordinaire, puisque « l’enfant exulta de joie dans le sein de sa mère0» ct, avant d’être ne, reconnut le Sei­ gneur ; j’ai montré aussi le miracle non moins grand que fut sa naissance, lorsque Zacharie prophétise et adresse la parole à l’enfant, comme si celui-ci l’entendait : « Et toi, dit-il, jeune enfant, tu seras appelé prophète du TrèsHaut b. » Après une telle conception ct une telle nais­ sance, il était donc normal que Jean n’attendît pas d’être élevé par son père et par sa mère «jusqu’au jour de sa manifestation à Israël», mais il convenait qu’il se retirât, fuyant le tumulte des villes, l’affluence du peuple, les vices des cités et qu'il s’en allât dans le désert, où l’air est plus pur, le ciel plus découvert et Dieu plus familier 1 ; et cela, puisque ni le mystère 2 du baptême n’était révélé ni l’époque de la prédication arrivée, afin de vaquer à la prière et de vivre avec les anges 3, afin d’appeler le SeiXXXII, 5 ; XXXfH»2. Dans notre texte, comme dans Yhom. XIV, 6 et dans Phom. XXXIII, 5, on rencontre la formule sacramentum baptismi, où Γοη voit poindre le sens sacramentel. Lo mystère se révèle partout· à ceux qui sont capables de l'accueillir. Sont mystères, le Christ cl ses actions humano-divines, l’Écriture et tous les événements qui y sont mentionnés, l’Église avec sa hiérarchie visible, les sacrements proprement dits et tes rites liturgiques. Voir II. Crouzel, Origène et la < Connaissance mystique », ch. I ct 2. — Sur le sens de sacramentum. il existe une bibliographie abondante, depuis l'ouvrage déjà ancien du P. de Giirllinck, Pour l'histoire du mot Sacramentum, Louvain (1924). Citons, entre autres, C. Couturier, « Sa­ cramentum ct Mysterium dans l'œuvre de saint Augustin >, duns Etudes Augustinicnncs, Paris, 1953, p. 153-268; H. Féret, ■ Sacramentum dans le langage théologique de saint. Augustin », Revue des Se. phiL et théol. 29 (1949), p. 218 et ss ; G. Fittkaü, Der Regriff des Mysterium bel Johannes Chrysostomus, Bonn, 1953 : W. de Vries, Satcramcnten Théologie bel den Syrischen Monophysilen, Rome, 1910. p. 29-37. 3. La solitude et l’ascèse du désert introduisent l'Ame dans un état de vie angélique. Cf. In Num, horn.. XVII, 4, SC 29, p. 354. Ce thème sera développe plus tard pour définir la vio du moine dans des perspectives dépassant d’ailleurs la pensée d’Origène, qui no pensait pas encore au mona­ chisme. Cf. Grégoire de Nyssr, PG 46, 972 a. En particulier, la virginité est une imitation de la vie angélique. Voir h ce sujet A. Lamy, * Bios ange­ rs ·, Dieu Vivant, n<> 7, p. CG et ss ; A. Stolz, Théologie de la Mystique, Chévetogne, 1939, p. Ill ; L. Bouyer, Le sens de la vie monastique. TumhoutOriG&kb, S. Luc. 13 194 ORIGÈNE spondentem atque dicentem : cccc adsum. Sicut enim Moyses loquebatur et. Deus respondebat cib, sic puto, quod Joannes locutus fuerit in deserto el Dominus responderit ei. 5. Hoc autem arbitror eerta de scripturis ratione com­ motus. Si enim maior in natis mulierum, foanne Baptista fuit nemo', Moysi autem respondit Deus, consequenter respondit et loanni, qui maior Moyse fuit, qui est nutritus in cremo, cuius nativitatem idem Archangelus qui et Domini nuntiavit, cuius paler, qui cum nasci non cre­ debat, obmutuit. Erat, igitur in deserto loannes et nutrie­ batur novo et extra humanam consuetudinem modo, idipsum [Matthaeo memorante : cibus autem eius erant locustae et rnel silvestre d. Quia enim minister fuit primi Salvatoris adventus ct tantummodo dc dispensatione carnis Dominicae loquebatur ac prophetia illius cum, qui natus fuerat ex virgine, praecinebat, non habuit domes­ ticum mei el humana diligentia percolatum, sed sil­ vestre mei, et volucre, quod cibus eius erat, volucre non grande, non in sublime se elevans, verum volucre par­ vum el vix a terra consurgens et saliens potius quam volans. Quid plura ? Manifestissime dicitur, quod lo­ custae fuerint cibus eius, parvum animal el mundum. Con­ siderate ergo, fratres carissimi, quod, qui nove natus fuerat, nove ct nutritus est. 6. Post quae scriptura subjicit : Factum est in diebus illis, exivit edictum a Caesare Augusto, ut profiteretur omnis\ orbis. Haec fuit descriptio prima, sub praeside Syriae: Cyrino. Dicat aliquis : evangelista, quid me invat ista a. Ex., 3, '· b. Ex., 19, 19 c. Lc, 7, 28 d. Mattii., 3,4 Paris, 1950. p. 13-69 : J. Daniéi.ou, Les Anges el leur Mission, ChévctogiM 1952, p. 119-128, ct Jean LiiCLBRCQ, L'Amour des Lettres et le Disir de Diet Paris. 1937, p. 59. 1. La diflércncc entre le miel sauvage et le miel travaillé marque la «lilli rcncc entre Jean-Baptiste el le Christ, ΓAncien ct le Nouveau Testament SUR S. LUC, HOMÉLIE XI, 4-6 195 gneur et de l’écouter lui répondre : « Mc voici a. « « Moïse parlait et Dieu lui répondait1* », ainsi, je pense, Jean dans le désert a dû parler ct le Seigneur lui aura répondu. 5. Et cette pensée m’est suggérée pour une raison déci­ sive, tirée de l’Ecrilure. Si « personne ne fut plus grand que Jean-Baptiste parmi les enfants des femmes®», et si Dieu répondit à Moïse, il répondit donc aussi à Jean qui fut plus grand que Moïse, qui fut nourri au désert, dont la naissance a été annoncée par un archange — le même archange qui avait annoncé celle du Sauveur — et dont le père devint muet parce qu’il ne croyait pas à sa nais­ sance. Jean était donc « dans le désert » et se nourrissait d’une manière nouvelle et inaccoutumée pour un homme : selon ce que nous rappelle saint Matthieu, « sa nourriture était faite de sauterelles et de miel sauvage ° ». Parce que Jean fut le ministre du premier avènement du Sauveur, parce qu’il parlait uniquement de l’économie dc son In­ carnation, parce que ses prophéties célébraient celui qui était né d’une vierge, il ne prit pas un miel qui venait d’abeilles et qui avait été purifié par le soin des hommes, mais du miel sauvage x. Quant à l’insecte ailé dont il faisait sa nourriture, ce n’était pas un bel oiseau qui s’élève bien haut dans les airs, mais un petit insecte qui se soulève à peine de terre et saute plutôt qu’il ne vole *. Que dire de plus ? C’est très clair : les sauterelles, ani­ maux tout-petits et purs, furent sa nourriture. Vous voyez, mes frères bicn-aimés, une manière nouvelle de naître entraîne un mode nouveau de se nourrir. Le recensement APrf!s ccla i’Écrilure continue : du monde entier. “ ! ar.r,va ,cn c0? 'lue Parut u," edit de Cesar Auguste soumettant le monde entier à un recensement. Ce fut le premier recen­ sement, Cyrinus étant gouverneur de Syrie. » On dira peut-être à l’évangéliste : Mais à quoi me sert ce récit. k premier avènement du Sauveur dans le mystère de l’Incarnation ct le second lors de la Paronsie. 2. Description analogue de la sauterelle par Jérôme, dans le Commentaire sur Jonas, SC 43» p. 113. 196 ORIGÈNE narratio, quoniam prima descriptio universi orbis sub Caesare Augusto fuerit, et inter omnes etiam Joseph cum Maria desponsata sibi atque praegnanle nomen retulerit in censum ac, priusquam descriptio completur, ortus fuerit lesus ? Diligentius intuenti [sacramentum quoddam videtur significari, quia in totius orbis professione de­ scribi oportuerit et Christum, ut cum omnibus scriptus sanctificaret omnes et cum orbe relatus in censum com­ munionem sui praeberet orbi, ut post hanc descriptionem describeret quoque ex orbe secum in librum viventium , * ut, quicunque credidissent in eo, postea cum sanctis illius scriberentur in caelis b : J cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen c. a. Apoc., 20, 15 ; Phil., 4, 3 b. Lc, 10, 20 c. 1 Pierre, 4, 11 SUR S. LUC. HOMÉLIE XI, 6 197 qui raconte à la fois «le premier recensement» de l’uni­ vers entier au temps de l’empereur César Auguste. le voyage de « Joseph, accompagné de Marie son épouse enceinte », allant, au milieu de tout le monde, se faire inscrire lui aussi sur les listes du cens ct la venue au monde de Jésus, avant la fin du recensement ? Pour qui y regarde de plus près, ces événements sont le signe d’un mystère 1*: il a fallu que le Christ aussi fût recensé dans ce dénom­ brement de l’univers, parce qu’il voulait être inscrit avec tous pour sanctifier tous les hommes, ct être men­ tionné sur le registre avec le monde entier pour offrir à l’univers de vivre en communion avec lui ; il voulait, après ce recensement, recenser tous les hommes avec lui sur « le livre des vivants3 », ct tous ceux qui auront cru en lui les «inscrire dans les cieux b» avec les saints de Celui « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen ° ». 1. Le sens allégorique du recensement contient toute uno théologie de l’incarnation : Jésus s'est fait recenser avec tous les hommes parce qu’il est réellement devenu homme, comme eux, ct le but de ΓIncarnation est d’opérer l'unité du genre humain dans le Christ. HOMILIA XII De eo, quod scriptum est angelum venisse de caelo et ortum Domini nuntiasse pastoribus ». 1. Natus est Dominus meus lesus, el angelus descendit de caclo annuntians nativitatem eius. Videamus itaque, quem quaesierit, ut eius nuntiaret adventum. | Non venit Hierosolymam, non quaesivit scribas et Pharisaeos, non synagogam ingressus est ludaeorum, sed pastores repperil super grege suo vigilias excubantes eisque loquitur : natus est vobis hodie Salvator, qui est Christus Dominus. \ 2. Putasne nihil aliud divinius scripturarum sermo significat, sed tantum hoc dicit, quod ad pastores venerit angelus et cis locutus sil ? Audite pastores ecclesiarum, pastores Dei, quod semper angelus eius descendat c caelo et annuntiet vobis, quoniam natus est vobis hodie Sal­ vator, qui est Christus Dominus. Etenim pastores eccle­ siarum, nisi ille pastor advenerit, per se bene gregem servare non poterunt : infirma est eorum custodia, nisi Christus cum eis paverit atque servaverit. Dudurn in Apostolo lectum est : Dei cooperatores sumus b. Pastor bonus, qui imitatur pastorem bonum, cooperator est Dei ct. Christi : et propterea pastor bonus est, qui habet securn a. Lc, 2, 8-12 b. 1 Cor., 3, 9 1. On a signalé avec raison le retour assez fréquent chez Origène de la formule · mon Seigneur Jésus >, comme l’expression d’une relation person­ nelle avec le Christ ; cet accent de tendresse pour Jésus est cnruetéristiquo de la foi d’Orlgène. Dans les horn. sur Luc, on retrouve trois fols cette nuance, dans ce passage ct plus loin, ?io?n. XV11I. 1 : hom. XXII, 4. Voir d’autres références dans H. de Li >«ac, HE. p. 60, n. 90. · Celte note personnelle est si bien devenue une habitude qu’il arrive ft Origène de l’introduire à HOMÉLIE XII Sur le texte : Lrn ange est venu du ciel et a annoncé aux pas­ teurs la naissance du Seigneur ,l. 1. Mon Seigneur Jésus 1 est né et un aPpe ange descendit du ciel pour annoncer es >ergers. sa naissance. Voyons qui l’ange a été chercher pour annoncer Γavènement du Christ. Il n’est pas venu à Jérusalem, il n’a pas été chercher les scribes et les pharisiens, il n’est pas entré dans la synagogue des Juifs, mais il alla trouver « des pasteurs qui passaient la nuit à garder leurs troupeaux » et il leur dit : « Il vous est né aujourd’hui un Sauveur, qui est le Christ Seigneur. » 2. Pensez-vous que la parole de , 1 1 . . 1 Ecriture n a pas un sens plus divin et ne signifie rien de plus que ceci : un ange vint trouver des pasteurs et leur a parlé ? Ecoutez, pasteurs des églises, pasteurs de Dieu, son ange continue à descendre du ciel cl à vous annoncer « qu’il vous est né aujourd’hui un Sauveur qui est le Christ Seigneur. » En effet, si ce Pas­ teur n’est pas venu, les pasteurs des Eglises ne pourront pas, par eux-mêmes, bien protéger leurs troupeaux : défaillante est leur garde, si le Christ ne fait pas paître le troupeau et. ne le garde pas avec eux. Nous venons de lire dans l’Apôtre : « Nous sommes les collaborateurs de Dieu b. » Un bon pasteur qui imite le Bon Pasteur est le collaborateur de Dieu et du Christ ; ct, par le fait même, un bon pasteur est celui qui, uni au meilleur des pasteurs, _ „ _ * Le Bon Pasteur. rinlt'ricur de scs citations IL Lvrac, op. d/., p. 60. n. 02. Cf. aussi F. Bertrand» La Mystique de Jésus chez Origine. p. 147 ct I. Haushehr» « Noms du Christ et Voies d’oraison ·, Orfrntalfa Christiana Analecta 157. Rome, I960, p. 45 et ss. 200 ORI GÈNE pastorem optimum compascentem sibi. Posuit enim Deus in ecclesia apostolos, prophetas, evan gei i. stas, pastores, doctores, omnia in perfectionem sanctorum “. El haec quidem sint dicta simplicius. 3. Ceterum si ad secretiorem oportet adsccndcrc intel­ legentiam, dicarn quosdam fuisse pastores angelos, qui res humanas regerent, et, cum horum unusquisque suam custodiam conservaret et diebus ac noctibus vigilans iam laborem ferre non posset et hoc ageret industrie, ut gentes, quae sibi creditae fuerant, gubernaret, venisse angelum nato Domino i et annuntiasse pastoribus, quod verus esset pastor exortus. Verbi gratia, ut ad exemplum veniam, erat quidam pastor Macedoniae, hic necessarium habebat auxilium Domini : propterea apparuit in somnis vir Macedo Paulo, dicens : transiens in Macedoniam adiuva nos b. Quid de Paulo loquar, cum haec non Paulo, sed, qui in Paulo erat, locutus sit Icsu ? Indigent itaque pastores praesentia Christi. Quamobrem angelus descendit de caelo 'et ait : nolite timere; ecce enim annuntio vobis gau­ dium magnum. 4. Vere gaudium magnum his, quibus hominum fuerat et provinciarum cura permissa, Christum venisse in mundum. ' Mullum utilitatis accepit angelus, qui dispensabat Aegyptias res, postquam Dominus des­ cendit c caelo, ut Aegyptii christiani fierent. Profuit cunctis, qui diversas provincias obtinebant, verbi causa praesidi Macedoniae, praesidi Achaiae reliquarumque regionum. Neque enim fas est credere malos angelos sina. I Cor., 12, 28; Éphés., 4,11-12 b. Act., 16, 9 1. L’interprétation allégorique voit dans les bergers de Bethléem lof anges des nations. Cette homélie et la suivante» ainsi que les Λωη. XXIII et XXXV contiennent les éléments principaux de l’angélologie d’Origène. Çfl Dissertation de Hurt, PG 17, 815-893. Il convient de remarquer que le commentaire d’Ambroise n’a retenu aucun do ces développements sur les anges. 2. Sur le minlstèro des anges auprès des nations» ci. In Gen. hom., IX, 3, SC 7, p. 180 ; In Ex. hom.. VIII. 2. SC 10. p. 188 : In Num. hom,9 XI, 4. SC 29. p. 215-217 ; et In Jos. hom.. XXIII. 3. SC 71. p. 459-463. Voir égale­ SUR S. LUC, HOMÉLIE XII, 2-4 201 s'associe à lui dans la tâche de faire paître le troupeau. « Dieu, en effet, a placé dans l’Église, des apôtres, des pro­ phètes, des évangélistes, des pasteurs, des docteurs, tout cela en vue du perfectionnement des saints n. «Voilà pour le sens immédiat. . . .. 3. Mais, s’il faut nous élever à un sens des andes P us mystérieux, je «ira * qu il faut voir, ε ’ dans certains pasteurs, les anges char­ gés de gouverner les affaires humaines *. Chaque ange assurait sa garde et veillait jour et nuit, mais il ne pou­ vait plus supporter la tâche don! il s’acquittait avec soin, la tâche de gouverner les nations à lui confiées 2 ; aussi, un ange du Seigneur est-il venu, après la naissance du Sauveur, annoncer aux pasteurs que le vrai Pasteur était né. Ainsi, pour donner un exemple, il y avait un pasteur en Macédoine : il avait besoin du secours du Seigneur ; c’est pourquoi un Macédonien est apparu en songe à Paul « et lui a dit : Passe en Macédoine, aide-nous b». Mais pour­ quoi parler de Paul, puisque ces paroles n’étaient pas adressées à Paul, mais à Jésus qui vivait en lui ? Les pas­ teurs ont donc besoin de la présence du Christ ; c’est pour cela qu’un ange descend du ciel et dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une grande joie. » 4. Grande joie, certes, pour ceux à qui était confiée la charge des hommes et des provinces, que le Christ soit venu dans le monde. Grand avantage aussi, pour l’ange qui gouver­ nait les affaires d’Égypte : la venue du Seigneur permet­ trait aux Egyptiens de devenir chrétiens. Profit, enfin, pour tous les autres anges qui s’occupaient des diffé­ rentes provinces, par exemple pour le gardien de la Macédoine, pour le gardien de l’Achaïe et pour ceux des autres régions. Il n’est pas juste, en effet, de croire que - ment J, Daniéloc, Origine., p. 222-235, et les Anges et leur Mission, p. 26 et ss. Cette aftlmmtio» est constante depuis Clément u’Alexanomik, Sir., VI, 17, PG 9,390 t> jusqu’il S. AUGUSTIN, In Ps. S3, 3, PL 37, 1121. Elle remonte d’ailleurs à d'anciennes traditions juives. Cf. J. Danïéï.ou, ■ Les Sources juives do la doctrine des anges des nations, chez Origûiu * ·, R.ÇE 38 (1951), p. 132-137. 202 ORIG&NE gulis praecssc provinciis et bonos non easdem provincias atque regiones habere permissas. Hoc autem quod de singulis provinciis dicit, puto et de universis hominibus generaliter debere credi. [Unicuique duo assistunt angeli, alter iustitiac. alter iniquitatis. Si bonae cogitationes in corde nostro fuerint et in animo iustitia pullulaverit, haud dubium, quin nobis loquatur angelus Domini. Si vero malae fuerint in nostro corde versatae, loquitur no­ bis angelus diaboli. Quomodo igitur per singulos homines bini sunt angeli, sic opinor ct in singulis dispares esse provinciis, ut sint et boni, sint et mali. 5. Verbi gratia, in Epheso propter cos, qui in illa urbe peccatores erant, pessimi angeli praesidebant. Rursum quia multi erant credentes in ea, erat et angelus ecclesiae Ephesiorum utique bonus. Hoc autem, quod de Epheso diximus, super omnibus provinciis cognoscendum.] Ante adven­ tum Domini Salvatoris isti angeli parum poterant creditis sibi utilitatis afferre et conatus eorum sequi non valebat effectus. Quodnam est signum, quia parum poterant pro1. La croyance à l’ange gardien apparait dès les plus anciens textes chré­ tiens. C.t. llnnMAS, Le Pasteur. 36, 1-3, SC 53, p. 173. et Psp.C'doBarxabé, 18, PG 2, 778 n. Mais c’est Origène qui lui a donne tout son développement» P. Arch., 1,8, 1, GCS 5» p. 95. Cette protection s’étend-clic à tout être humain ou bien l'homme ne reçoit-il un ange gardien qu’aprés son baptême ? Origène oscille entre les deux théories. Tout homme a un ange gardien. In Luc. hom., XXXV, 3 ; In Matth. com., XIII, 5. GCS lu. p. 191. Ailleurs le croyant seul jouit de ccttc protection, In Num, hom.. XX, 3, .S’C 29, p. 406, ct horn. XXIV, 3, ibid., p. 4G9 ; In Et. hum. 1, 7, GCS 8. p. 331 ; et celui dont la conduite est indigne, est privé par Dieu de son tuteur. P. Arch., Il, 10, . 7. GCS 5. p. 181. .Jérôme retient la première théorie qui deviendra ensuite l’opinion commune : chaque âme possède, depuis sa naissance, un ange I chanté de la garder, In Maltk. com., III. 8. PL 26, 130 b. Même doctrine chez Grégoire de Nysse, Vie de Moue. 2. 33, SC 1» 2· éd.» p. 43. Mats Basile est partisan de la seconde. In Ps. 33. 5, PG 29, 363 n-b ; In Ps. 48. ] 9, ibid., 454 a ; zlda. Eunom. 3. 1, ibid.. 655 b. ainsi que Chkvsostome, In Matth. hom. 59, 4, PG 58. 579 et /n Col. hom. 3,4» PG 62. 322. Voir J. Dvur, DS, art. Anges, col. 586-587. 2. Affirmation non moins traditionnelle dans ri\glisc primitive : un démon a pour rôle de détourner les hommes du bien. Cf. Pseudo-Barnabé, 18. PG 2, ΊΊ3 a. pour qui l’existence de deux anges, un bon et un mauvais. | coïncide avec les « deux voles ·. Voir aussi Hermas, Le Pasteur, 36. 2. SUR S. LUC, HOMÉLIE XII, 4-5 203 seuls (le mauvais anges président aux destinées de chaque province et que ces mêmes provinces et régions n’ont pas aussi de bons anges pour les diriger. Mais ce qu’on dit de chaque province, il faut, à mon avis, le croire également de tous les hommes sans distinction. Chacun a l’assistance de deux anges, un ange de justice, un ange d’iniquité. Si de bonnes pensées occupent notre cœur el si la justice a produit de nombreux fruits en nous, nul doute que ce soit l’ange du Seigneur qui nous parle 1 ; mais si ce sont de mauvaises pensées qui s’agitent dans notre coeur, c’est l’ange du diable qui nous les suggère *. El si chaque homme a deux anges, de même, à mon avis, y a-t-il dans chaque province des anges différents : il y a les bons cl les mauvais. 5. Ainsi, de très mauvais anges étaient gardiens d’Éphèse à cause des pécheurs qui se trouvaient dans celle ville. Mais, parce qu’il s’y trouvait beaucoup de croyants, il y avait aussi un ange de l’église d’Ephèse, vraiment bon. Et ce que nous avons dit d’Éphèse, il faut l’entendre de toutes les provinces. Avant la venue du Seigneur Sauveur, les anges avaient un pou­ voir bien restreint pour aider ceux qui leur étaient con­ fiés, leurs efforts n’étaient pas suivis de résultats très brillants ’. Quel signe donner de ce pouvoir limité des SC 53, p. 173. Origène d’ailleurs reconnaît sa dépendance à l'égard d’IIcrmas. P. Arch., ΙΓΙ, 2, 4. GCS 5, p. 251 et. plus loin, hom. XXV, 3. Celte conception de deux esprits attachés & chaque homme pour l'attirer au bien on le pousser vers le mal a, sans doute» son origine dans certaines traditions Juives. On rencontre ccttc Idée dans le Manuri de Discipline des Essénicns. 3. 20-21 ct chez. Pnn.ox, QuacsL in Exod. 1, 23: · Dans toutes les Ames, au moment de leur naissance, surviennent el pénètrent en même temps deux vjvâui::» Fune bienfaisante, l’autre nuisible. » Voir J. Daniéloi.·» DS, art. Démon, col. 163-167. Mais la presence d’un mauvais ange ne détruit pas le libre arbitre. Origène insiste dans le P. Arch, pour montrer l’erreur de ceux qui trouvent commode de su décharger sur les démons de la responsa­ bilité de leurs mauvaises actions. L’opposition des deux anges, qui fait de l'homme l’enjeu du combat spirituel entre les ténèbres et la lumière, annonce l’importance du discernement des esprits. In Num. hom.. XX» 3. SC 29, p. 4O4-4OG. Voir F. Maiity, < Le discernement des Esprits dans 16 Péri Arcbôn >. itlAf 34 (195S), p. 147 et ss. Ccttc idée retenue par GnéGOmi·. ne. Xvssir., Vie de AXoïxe. 2. 45, .SC 1. 2· êd., p. 44. se retrouve duns Cassïp.N, Conférences, 8, 17» SC 51, p. 24-25. 3. I.'impuissance des anges à empêcher le débordement du mal avant 204 ORIGRNK desse subieclis ? Ausculta, quod dicimus : Quando an­ gelus Aegyptiorum Aegyptios adiuvabat, vix unus pro­ selytus credebat in Deum ; ct hoc fiebat Aegyptios angelo dispensante. 6. Denique quia plerique de Aegyptiis el Idumaeis proselyti accipiebant fidem Dei, proptcrca scriptura dicit : non abominaberis Aegyptium, quoniam, advenae eratis in terra Aegypti, el Idumaeum, quia frater tuus est. Filii si nati fuerint eis, in generatione tertia intra­ bunt ecclesiam Dei a. 'Atque ita fiebat, ut. dc omnibus gentibus nonnulli proselyti fierent, et hoc ipsum angelis, qui gentes habebant subditas, adnilenlibus. j Nunc autem populi credentium accedunt ad fidem lesu, et angeli, quibus creditae fuerant ecclesiae, roborati praesentia Salvatoris multos adducunt proselytos, ut congregentur in omni orbe conventicula Christianorum. Quapropter consurgentes laudemus Dominum et fiamus pro carnali Israhcl spiritalis Israhel. Benedicamus omnipotenti Deo opere, cogitatione, sermone, in Christo lesu : cui est glori et imperium in saecula seaculorum. Arnen υ. a. Deut., 23, 7-8 b. I Pierre, 4, 11 Γ Incnrnsitinn sc retrouve chez Eusèbe. Dém. Évang. 4, 10, PG 22, 273 d; Théophanie 5, 1, PG 21» 629 b-c ; chez Hilaire. Co/zt. du Px. 32, PL 9 335 c-d. Voir .J. Danièlou, Les Anges ct leur Mission. p. 38 ct $$. 1. L’Incarnation du Verbe π donné au ministère des anges une puissance) nouvelle pour soumettre l'humanité nu règne du Seigneur. Cf. aussi HilaibK) Corn. du Ps. 2, PL 2S0 a-b. et Corn, sur Matth.. PL 9, 955 a-b. 2. Λ la venue du Christ, la division des mitions est périmée, tous lei peuples ne font qu’un dans Tunique Église. C’est l'antithèse dc la Tour di Babêl» qui fut à l'origine dc la division des nations, soumises, depuis ce temps là au ministère des anges. C. Celt.. V. 29-32. GCS 2. p. 29-34. Et Origen· adiniro Texnansion du christ innisine. Sun S. LUC, HOMÉLIE XII, 5-6 205 auges à l’égard de ceux qui leur étaient soumis ? Écoutez attentivement ce que nous disons : quand l’ange des Égyptiens aidait les Egyptiens, c’est à peine s’il y avait un prosélyte à croire en Dieu et, pourtant, un ange s’oc­ cupait des Égyptiens. 6. Par la suite, la plupart des pro­ sélytes égyptiens et iduméens accueillirent la foi en Dieu, ct c’cst pour cela que l’Écriture dit : «Tu n’auras point en abomination l’Égyptien. car vous avez été étrangers sur la terre d’Égypte ; ni l’Iduméen, car il est ton frère. S’il leur naît des fils, ils entreront dans Γ Église de Dieu à la troisième génération 11. » Ainsi, toutes les nations don­ naient un petit nombre de prosélytes, grâce aux efforts des anges à qui elles étaient soumises. Mais, maintenant, ce sont des peuples dc croyants qui accèdent à la foi en Jésus 1 et les anges, à qui les églises avaient été confiées, fortifiés par la présence du Sauveur, conduisent des pro­ sélytes en grand nombre afin de rassembler par toute la terre des communautés chrétiennes ’. C’est pourquoi levons-nous 3 tous ensemble, pour louer le Seigneur et, à la place dc l’Israël charnel, devenons l’Israël spirituel. Bénissons le Dieu tout-puissant, en œuvres, en pensées et en paroles, dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amenb». 3. Celle notation rappelle que, pour prier, rassemblée chrétienne se tenait généralement debout, les mains levées, comme le montre l’iconographie des orantes. Voir aussi in 7,wc. hom., XXXVI, 3, ct XXXIX, 7. Cf. Tehtuli.îen. De Orat. 14» ΡΛ 1, 1169 et Augustin, firtar. in Ps. 62. 13· PL 36. 755, Dans son traité 5wr la Prière. Origènb consacre le ch. 31 aux attitudes dc la pricrc. On prie à genoux, en signe d'humilité, surtout lorsqu’on s’ac­ cuse à Dieu de ses propres péchés. Mais on peut également prier assis» mémo couché, prier sans en avoir l’air, Dr Oraligne, 31. 2-3, GCS 2, p. 396. On serait tenté de rapprocher ces conseils dc ceux que donne saint Ignace dans les Exercices Spirituels. HOMILIA XIII De eo, quod scriptum est : eZ [acia est multitudo exercitus caelestis, usque ad eum locum, ubi ait : invenerunt Mariam et lesum positum in praesepi ·. 1. Dominus noster atque Salvator nascitur in Bethleem, ct 'multitudo caelestis exercitus laudat Deum et dicit : Glo­ ria in excelsis Deo, et super terram pax in hominibus bonae voluntatis. Haec autem loquitur multitudo caelestis exer­ citus, quia iam defecerat praebere hominibus auxilium et videbat se opus, quod sibi creditum fuerat, implere non posse absque eo, J qui vere salvare poterat el praesules, quoque ipsos iuvare, ut homines salvarentur. Quomodo igitur scriptum est in evangelio, quod quidam remis sul­ cantes mare adversus contrarios ventos iam fessi erant ct viginti quinque sive triginta stadiis laborantes portum tenere non poterant, ct postea Dominus supervenit ct. quiescere fecit fluctus tumentes navemque, cuius hinc inde latera tundebantur b, ab imminenti discrimine liberavit, 2. sic intellege, quoniam ct angeli volebant quidem hominibus praebere auxilium et eis ab aegrota-j tionibus suis tribuere sanitatem, quia omnes sunt. αρροΛ rilores spiritus, in ministerium missi propter eos, quii consecuturi sunt salutem K, ct, quantum in suis erat viribus! homines adiuvabant ; videbant autem multo inferiorem i a. Lc, 2, 13-16 b. Ct *. Jn, 6, 18-21 c. Héb., 1, 14 1. Nous Interprétons le sens Immédiat de la Vulgate d’après les explica­ tions d'Origènc, aussi n’avons-nous pas traduit hominibus bonae voluntatis par ■ les hommes de bonne volonté » comme l'exigerait Je latin de Jérôme. Sur le sens de l'expression « (φηνη cvSox'.a; ·. consulter un art. de J. Jérémias dans Zeitschrift für die N. T. Wissenscha/t, 2S (1929), p. 15. HOMÉLIE XIII Sur le texte : Et il arriva qu’une troupe de l’armée céleste, jusqu’au passage : Ils trouvèrent Marie et Jésus placé dans une crèche ». 1. Notre Seigneur et Sauveur naît à Bethléem, et « une troupe nombreuse de l’armée céleste» loue Dieu et dit : « Gloire à Dieu dans les hauteurs, et paix sur la terre aux homines, objets de la bienveillance divine L » I .a « mul­ titude de l’armée céleste» parle ainsi parce qu’elle n’était pas en mesure d’offrir son secours aux hommes et qu’elle voyait son incapacité à s’acquitter de l’œuvre qui lui avait été confiée, sans celui qui pouvait apporter le véritable salut et les aider, eux, les guides des hommes, à sauver ainsi le genre humain s. L’Evangile rapporte que des hommes, fatigués d’avoir fendu la mer de leurs rames en s’opposant aux vents contraires, ne pouvaient pas, après avoir peiné vingt-cinq ou trente stades, atteindre le port. ; le Seigneur survint alors et, apaisant les flots tumultueux, sauva d’un péril imminent le bateau dont les flancs étaient, de tons côtés, battus 23 par les vagues b. 2. Il en va de même, comprenez-le, pour les anges qui voulaient offrir leur secours aux hommes et leur accorder la santé en les guérissant de leurs maladies. « Ils sont tous des esprits destinés à servir, envoyés en mission auprès de ceux qui doivent parvenir au salut °. » Ils aidaient donc les hommes, dans la mesure de leurs forces, mais ils voyaient leurs remèdes bien inférieurs à ce que la guérison des Le cantique des anges. 2. Tout cc début reprend une idée développée dans l'homélie précédente, note 3, p- 203, note 1, p- 2043. Selon la Suggestion de F. Petit, Recherches de Théologie ancienne, et médiévale, 27 (1960), p. 362, nous avons retenu la leçon tundebantur au lieu de fundebantur. 208 ORIGÈNE suam esse medicinam, quam illorum cura poscebat. Porro ut de exemplo possis intellegere, quod dicimus, vide mihi urbem, in qua aegrotent plurimi et medicorum frequens adhibeat ur manus ; sint diversa vulnera et cotidie in emor­ tuam carnem serpens putredo penetret, et tamen medici, qui adhibiti sunt, ad curandum, nequeant alia ultra inve­ nire medicamina et artis suae scientia magnitudinem mali vincere : cum haec in tali statu sint, veniat aliquis archiater, qui habeat summam in arte notitiam, et illi, qui prius sanare nequiverant, cernentes magistri manu putredines cessare vulnerum non invideant, non livore crucientur, sed in laudes erumpant archiatri et praedicent Deum, qui et sibi et aegrotantibus tantae scientiae homi­ nem miserit. 3. In hanc ergo similitudinem et multitudo exercitus angelorum audita est, dicens : Gloria in excelsis Deo, et super terram pax in hominibus bonae voluntatis. Postquam enim [ Dominus venit ad terram, pacem fecit per sanguinem crucis suae, sive eorum, quae in terra erant, sive eorum, quae in caelis a. Siquidem volentes angeli, ut recordarentur homines creatoris sui, cum fecissent omnia, quae in suis viribus erant, ut sanarentur, et noluissent illi recipere sanitatem, cernunt eum, qui sanare potuit, et glorificantes dicunt : Gloria in excelsis Deo, et super terram pax. 4. Diligens scripturae lector inquirat, quomodo Sal­ vator loquatur : Non veni pacem mittere super terram, sed gladium b, et nunc angeli in eius nativitate decantent : a. Coi., 1,20 b. Matth., 10, 34 I. Les médecins des corps sont le symbole des médecins des Ames. Les prophètes étalent envoyés pour guérir Israël malade, /n Jer. hom·, XIV, 1-2, GCS 3, p. 106-107 ; les apôtres également ont pour mission de soigner les pécheurs mais ce ne sont que les serviteurs de Tunique médecin qu’est Je Christ, car il n’y n en réalité qu’un seul médecin des âmes, lo Verbe de Dieu. Cf. Ignace d'Antioche, Ad Eph. 7, 2, SC 10, 2· éd., p. 75; Clî.mrnt d’Alexandrie, Pédag.. 1, 1, 1, SC 70, p. Ill ; I, 1, 3, ibid.. p. 113 ; I, 2, 6, ibid., p. 119 (voir p. 118, note 3) ; A Diopnête, IX, 6, SC 33, p. 75 et p. 192, SUR S. LUC, HOMÉLIE XIII, 2-4 209 hommes exigeait. Pour pouvoir comprendre d'après un exemple ce que nous disons, regardez une ville avec un très grand nombre de malades, où est employé un corps médical nombreux 1 ; supposons des blessures de toutes sortes, la gangrène qui s’est infiltrée dans la chair morte gagne de jour en jour tandis que les médecins employés à soigner ces plaies ne peuvent plus trouver de remèdes ni vaincre l'étendue du mal par leurs connaissances médicales ; les choses en sont. là, quand arrive un médecin extraordi­ naire qui possède une très haute connaissance de son métier. Ceux qui auparavant n'avaient pas pu guérir les malades, lorsqu’ils voient sous l’action du maître la gan­ grène s’arrêter, n’en sont pas envieux ; ils ne sont pas rongés de jalousie, mais ils éclatent en louanges à l’adresse de ce médecin exceptionnel et célèbrent hautement Dieu, qui leur a envoyé, à eux et aux malades, un homme d'une si grande science ? 3. C’est pour une raison semblable que l’on entend une multitude d’anges dire : « Gloire à Dieu dans les hauteurs, et paix sur la terre aux hommes, objets de la bienveillance divine. » Car le Seigneur, une fois venu sur la terre, « a pacifié par le sang de sa croix les êtres qui étaient sur la terre tout comme ceux qui étaient au ciel a ». Ainsi, les anges voulaient que les hommes se souviennent de leur Créateur : ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour guérir les hommes, mais les hommes n’ont pas voulu recevoir la santé, aussi les anges se tournent-ils vers celui qui a pu les guérir et le glo­ rifient-ils en disant : « Gloire à Dieu dans les hauteurs el paix sur la terre aux hommes objets de la bienveillance ai vine. » 4. Un lecteur attentif de l’Écriture cherchera comment le Sauveur peut dire : « Je ne suis pas venu apportez la paix sur la terre, mais le glaive b », alors que maintenant Réponse à une objection. note 4. Origène n’a fait que reprendre une idée traditionnelle ; lu Ez. hom., I, 2, GCS 8, p. 321-322 ; In Ixv. horn., VI 11, 1, GCS û. p. 393 ; P. Arch., II, 10, GCS 5, p. 179. Sur cc sujet, consulter A. Harnack, « Mcdicinischcs aus der attestai Kirchcngeschichte ·, TU S (1892), p. 125 et ss. OniGKNK, S. Luc. Il 210 ORIGÈNE super terram pax siquidem et in alio loco ex persona ipsius dicitur: Pacem meam do vobis, pacem relinquo vobis ; non. sicut mundus iste dat pacem, ego do pacem . * Videat ergo quod inferimus, an possit, solvere quaestionem. Si scripturi esset : super terram pax et hucusque esset finita sententia recte quaestio nasceretur. Nunc vero id, quod additum est, hoc est, quod post pacem dicitur : in hominibus bonae voluntatis, solvit quaestionem. Pax quoque, quam non dat Dominus super terram, non est pax bonae volun­ tatis. Neque enim ait simpliciter : non veni pacem mittere sed cum additamento : super terram ; neque e contrario dixit : non veni pacem mittere super terram bonae volun­ tatis. ] 5. Haec locuti sunt angeli ad pastores, qui non solum CO tempore loquebantur ; sed usque hodie, nisi locuti fuerint ad pastores et sua eis opera copularim, fdicittu ad eos : Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum labo­ raverunt, qui aedificant eam ; nisi Dominus custodierit civi­ tatem, in vanum vigilat, qui custodit eam b. Si audacter expedit loqui [scripturarum sensum sequenti, per sin­ gulas ecclesias bini sunt episcopi, alius visibilis, alius invisibilis, ille visui carnis, hic sensui patens. Et quomodo a. Jn, 14, 27 b. Ps.127 (126), 1 1. Ces subtilités, qui donnent au commentaire un aspect artificiel, révèlent blé» le souci d’Orlgéne d’éviter toute apparence de contradiction dans le texte même de l’Êcriture, mais surtout, de ces discussions un peu formelles, Origène sait tirer des conclusions du plus grand intérêt pour la vie spiri· tucllc : la terre est ici le lieu du péché, c'est pourquoi Jésus ne peut pas y apporter la paix qui vient de la bienveillance divine, c'rst-ùnlire du désir qu’a Dieu de- la réponse des hommes ù son initiative d’amour : la terre no produit que le refus, aussi Jésus lui npportc-t-il la guerre, la contradiction du combat spirituel. Mais sur celle terre» il y a cependant des homines objet de la bienveillance divine, parce qu’ils ont réprimé le péché» autant que faire se peut. Λ ceux-là, Jésus apporte la paix, puisque le combat spirituel a en eux cessé, d’une certaine façon, par la victoire de l’esprit sur la chair. 2. Le grec est plus clair. O’ov γάο χοινωνοί αμφότεροί επίσκοπο·., ό νοητός λίγ<.> δη ο άγγελος ό πεπιστπμίνος την ίχχλησίαν και ό αισθητός. Idée très origénicnnc. selon laquelle la hiérarchie ecclésiastique visible est le signe de la hiérarchie invisible, dans le Royaume de Dieu oû SIJH S. I.I.'C, HOMÉLIE XIII, 4-5 211 les anges chantent, à sa naissance : « Paix sur la terre », et qu'également, dans un autre passage, au sujet de sa propre personne, il est dit : « Je vous donne ma paix, je vous laisse ma paix, je ne vous la donne pas comme le monde la donne3. » Voyons si ce que nous avançons per­ met de résoudre la difficulté. S’il avait été écrit : « Paix sur la terre », et que la phrase se fût arrêtée là, l’objection serait valable ; mais, en réalité, la suite, ce qui est dit après le mot « paix » : « Aux hommes, objets de la bienveillance divine », résoud la difficulté. De plus, la paix que le Sei­ gneur n’apporle pas « sur la terre », ce n’est pas la « paix de la bienveillance divine ». El il ne dit pas tout simple­ ment : « Je ne suis pas venu apporter la paix », mais il ajoute « sur la terre » ; inversement il n’a pas dit : « Je ne suis pas venu apporter sur la terre la paix de la bien­ veillance divine *. » 5. Ces paroles, les anges les ont. adres­ sées aux pasteurs, mais ceux qui par­ laient ce jour-là, parlent aujourd'hui encore ; si les anges n'ont pas parlé aux pasteurs et n’ont pas collaboré avec eux, les pasteurs s’entendent dire : « Si le Seigneur n’a pas bâti la maison, ceux qui la bâtissent ont travaillé en vain ; si le Seigneur n’a pas gardé la cité, en vain veille celui qui la garde b. » Si l’on permet une certaine audace de langage à celui qui suit le sens de l’Écrilure, je dirai qu’il y a deux évêques par église, l’un visible et l’autre invisible, l’un sc manifeste aux yeux de la chair, l’autre à l’intelligenceSi un L’ange des Églises. le Christ seul est. en définitive, le veritable < episcope ». L’cvéque visible est l’antitype terrestre de l’ange de l’Églisc. Voir IL von Balthazar, • Le Mystcrion d’Origènc >, K.SK 27 (1937), p. 45 et ss, cl K. IUiixbr, « L:i Doctrine d’Origéne sur lu Pénitence ·, JLS'K 37 (1950), p. 50-51. — La présence d’un ange chargé de veiller sur chaque Église particulière est une croyance qui a son fondement dans les premiers chapitres de YApocalypse, cf. plus loin, In Lite. hom., XXIII, 8. Voir aussi In Num. hom., XI, 4, .SC 29, p. 217 et hom. XX. 3. ibid., p. 100 ; ainsi que P. Arch.» I. 8. 1» GCS 5, p. 95. On trouve celte aïlirmation dans Hilaire» Com. in Pt. 129. PL 9. 722 a ; dans EvsfcOK. Corn, in Ps. 47, PG 23, 428 c» et In P$. 9û, bid., 11G1 a; les Pères grecs du iv· siècle retiennent aussi celle 212 ORIGÈAB homo, si commissam sibi dispensationem bene egerit, laudatur a Domino, si male, culpae et vitio subiacet, sic ct angelus. Scriptum est enim in Apocalypsi loannis : sed habes ibi nomina pauca, quae non polluerunt a, vel illud et rursus : habes ibi, qui doctrinam Nicolaitarum doceant *, ac deinde : habes illa vel illa peccata facientes, et accu­ santur angeli, quibus creditae sunt ecclesiae. 6. Si autem angelis sollicitudo est. quomodo ecclesiae gubernentur, quid ncccssc est de hominibus dicere, quan­ tum metum habeant, ut possint cum angelis laborantibus laborantes salutem consequi ? Ego puto inveniri simul posse et angelum et hominem bonos ecclesiae episcopos, et quodammodo unius operis esse participes.] Quod cum ita sit, petamus omnipotentem Deum, ut angeli ct homi­ nes ecclesiarum episcopi adiumento sint nobis, et scia­ mus, quoniam utrique pro nobis a Domino iudicentur. Quod si illi fuerint iudicati, et vitium atque peccatum non in eorum incuria, sed in nostra neglegentia fuerit inven­ tum, nos arguemur atque plectemur. Illis enim universa facientibus et pro nostra salute nitentibus nos nihilo­ minus peccatis vacabimus. Porro frequenter evenit, ut nobis laborantibus illi suum officium non expleant et in culpa sint. 7. Et factum est, inquit, cum abiisseni ab eis angeli in caelum, pastores dixerunt ad invicem : Transeamus usque] Eethleem, et videamus verbum hoc, quod factum est, quod a. Apoc., 3, 4 b. Apoc., 2, 15 tradition : cf. Basile, Com. in Z$., I, 46, PG 30, 208 b ct Ghêgoihe du Nazcanze, PG 30, 470 a. Chez les latina, Ambroise adopte cette conccp· * tion, In Ps. 118, Sermo I, 9, 10, PL J 5, 1203 b. Mais Augustin ne Fa pas conservée. 1. Le jugement de Dieu discernera les anges qui ont bien accompli leur tâche de ceux qui ont failli à leur mission. CL ht Xum. âom., Χί, 4, SC 29/ p. 214 et hom. XX, 4, Ibid., p. 410-113. 2. Si la faute ne provient pas de la négligence des épiscopes mais de la SU» S. LUC, HOMÉLIE XIII. 5-7 213 homme a bien accompli la tâche qui lui était confiée, il est loué par le Seigneur ; sinon, il tombe sous le coup d’une faute et d’un vice ; il en va de même pour l’ange. Car il est écrit dans l’Apocalypse de Jean : « Mais tu as ici peu de personnes qui n’aient pas de souillures ·. » Ou ccci encore, un peu plus haut : «Tu en as ici qui enseignent la doctrine des Nicolaïlcsb », et plus loin : « Tu en as qui font tel ou tel péché. » Par ces mots, les anges à qui ont été confiées les églises se trouvent mis en accusation l. 6. Si donc les anges éprouvent de l’inquiétude pour la manière dont ils gouvernent les églises, est-il besoin de parler des hommes et de la crainte qui doit être la leur lorsqu’ils doivent atteindre le salut, en travaillant en colla­ boration avec les anges ? Pour ma part, je pense possible de trouver à la fois un ange et un homme, qui soient de bons évêques de l’Église et qui participent en quelque sorte à eux deux à une œuvre unique. Puisqu’il en est ainsi, demandons au Dieu tout-puissant que les évêques des églises, anges et hommes, nous viennent en aide, et sachons que les uns et les autres seront jugés d’après ce qu’ils auront fait pour nous. Et si, après jugement, on n’a pas trouvé de vices et de péchés dans une mauvaise gestion de leur part, mais si on en trouve dans notre négligence, c’est nous qu’on accusera et qu’on châtiera 2. Car ceux-ci ont beau faire tous leurs efforts pour nous procurer le salut, nous n'en serons pas, pour autant, exempts de péchés. Néanmoins, il arrive fréquemment que nous nous donnions de la peine tandis qu’eux n’ac­ complissent pas leur office et sont en faute. 7. «Et il arriva, dit l’Écriture, que e mys re jes pasleurSf |orSqUe les anges les eurent e a cr c e. quittés pour le ciel, se dirent entre eux : passons jusqu’à Bethléem et voyons la réalisation de paresse humaine, ce sont les hommes qui seront condamnés. Cf. In Num. km., XI, 4, SC 29. p. 214 ; hom. XX, 4. ibid., p. 410-411 ; k>m. XXIV. 3. ibld., p. 409, et Ao/n. XXV, 5, tMd., p. 485. L’idée sera reprise par Jérôme, In Mick, 2, 6, PL 25, 120G c-d. 214 0H1GÈNK Dominus ostendit nobis. Et venerunt festinantes, et inve­ nerunt Mariam et loseph et puerum. fQuia festinantes venerant, et non pedetentim neque fesso gradu, ideo inve­ nerunt] loseph dispensatorem ortus Dominici et Mariam, quae lesum fudit in partum, et ipsum Salvatorem iacentein in praesepi. | Pracscpc illud erat, de quo propheta vaticinatus est dicens : cognovit bos possessorem suum, et asinus praesepe domini sui3. Bos animal mundum est, asinus animal immundum. Cognovit asinus praesepe do­ mini sui. Non populus Israhcl cognovit pracscpc domini sui, sed immundum animal ex gentibus] : Israhel vero, ait, me non cognovit, et populus meus me non intellexit b. Intellegentes hoc praesepe nitamur cognoscere Dominum et. digni fieri scientia cius, assumere quoque non tantum nativitatem et resurrectionem carnis eius, sed et incly­ tum secundae maieslatis adventum : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen e. n. 1$., 1, 3 b. Is., 1, 3 c. 1 Pierre, 4, 11 1. Pour trouver JCsus, il faut le chercher avec empressement, sans nonchalnnce. Voir F, Bektiiand, La Mystique de * Jésu chez Origène, p. 58. 2. Joseph dispensator : cc litre souligne bien le rôle de Joseph clans la dispensatio, dans réconnmio du sulul. SUR S. LUC, HOMÉLIE XUI, 7 215 cette parole que le Seigneur nous a fait connaître. Et ils vinrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph ct l’enfant.1.» Parce qu’ils étaient venus en hâte, sans lenteur, ne mar­ chant pas comme des gens fatigués, ils trouvèrent Jo­ seph qui avait tout préparé 2 pour la naissance du Sei­ gneur, Marie qui mit Jésus au monde, et le Sauveur lui-même «couché dans une crèche ». C’était cette crèche que le prophète avait annoncée en disant : « Le bœuf a connu son propriétaire et l’âne la crèche de son maître®. » Le bœuf est un animal pur, l’âne, un animal impur 3. « L’âne a connu la crèche de son maître» ; ce n’est pas le peuple d’Israël qui a connu la crèche de son maître, mais un animal impur venant de chez les païens : « or Israël ne m’a pas connu, dit l’Écriture, et mon peuple ne m’a pas compris b. «Comprenons le sens de cette crèche, efforçonsnous de découvrir le Seigneur, méritons de le connaître et d’assumer non seulement sa nativité ct. sa résurrection mais aussi le second avènement glorieux de la majesté de celui « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen c ». 3. Vulr la distinction entre les animaux purs ct impurs dans le Dent. 14, 3. Cf. Origène, Jn Deut. Sel., PG 12, 813 b. On trouve le mime symbolisme dans le Commentaire de Jérflme sur Isaïe, 1,1, PL 24, 27 a-b : Uns juxta anagogen rrfcrlur ad Israel qui legis pariavit jugum ct mundurn animal est. Asinus peccatorum onere praegravatus, gentium populus accipitur. Mais c’est Origène» semble-t-il. qui inaugure la tradition, dans la dépendance d’Isaïe, de représenter le bœuf et i’àne à la crèche. HOMILIA XIV De eo, quod scriptum est : Cum autem impleti essent dies cir­ cumcisionis eius, usque ad cum locum, ubi ait : par turtu­ rum aut duos pullos columbarum a. 1. [(tarxf mortuus est Christus, peccato mortuus est b ; non quia ipse peccaverit. — neque enim peccatum fecit, nec inventus est dolus in ore eius e — sed mortuus est, ut. nos, qui mortui sumus, illo moriente peccatis, ncquaquanl peccato et vitiis viveremus. Unde scribitur : Si commortui sumus, el convivemus rt ; sicut igitur commortui sumus tunc illo moriente et conresurreximus resurgenti, sic cum eo circumcisi sumus ct post circumcisionem sollemni purga­ tione mundati. Unde nequaquam iam indigemus circum­ cisione carnali. Et ut. scias propter nos illum fuisse circum­ cisum, audi Paulum manifestissime praedicantem : in quo habitat, inquit, omnis plenitudo divinitatis corporaliter, et estis in illo repleti, qui est caput omnis principatus et potes­ tatis ; in quo el circumcisi estis circumcisione sine manibus, in exspoliatione corporis carnis, in circumcisione Christi, consepulli ei in baptismate, in quo el conresurreximus per fidem operationis Dei, qui suscitavit eum a mortuis c. Et mors igitur et resurrectio et circumcisio eius pro nobis factae sunl.j a. Lc, 2, 21-24 b. Rom., 6, 10 <1. Rom., 6, 8 e. Col., 2, 9-12 c. I Pierre, 2, 22 1. Origène applique à l'humanité le mystère du Christ, et. dans In cita­ tion de saint Paul, Jérôme a opéré un glissement grammaticalement incor­ rect de la seconde ii In première personne du pluriel : circumcisi mis... consurreximus. Comparer le début de cette homélie avec Je Commentaire HOMÉLIE XIV Sur le texte : Lorsque les jours de sa circoncision furent accom­ plis, jusqu'au passage : Une paire de tourterelles et deux jeunes colombes ». r , , , i itu 1. Le Christ « dans sa mort, est mort au Péché b * ’ non CIU " a,t Itn-meme ‘ ’ péché, « car il n’a pas commis de faute, et il ne s’est point trouvé de mensonge en sa bouche c », mais il est mort, afin que, grâce à sa mort pour les pé­ chés, nous qui étions morts, nous ne vivions absolument plus dans le péché el les vices. Aussi est-il écrit: « Nous sommes morts avec lui, et nous vivrons avec lui d » ; si « nous sommes morts avec lui », au jour de sa mort, et ressuscités avec lui, au jour de sa résurrection, de même, circoncis avec lui, avons-nous été, après la circoncision, purifiés par une purification solennelle. Nous n’avons donc absolument plus besoin désormais de circoncision char­ nelle. Et, afin que vous sachiez que c’est à cause de nous qu’il a été circoncis, écoutez ce que Paul proclame de la façon la plus claire : « En lui, dit-il, habile corporellement toute la plénitude de la divinité et vous êtes comblés en celui qui est la tête de toute principauté ct de toute puissance ; en lui aussi vous avez été circoncis d’une cir­ concision qui n’est pas de main d’homme, par le dépouil­ lement de votre corps charnel, dans la circoncision du Christ ; ensevelis avec lui dans le baptême, dans ce bap­ tême aussi nous sommes aussi ressuscités avec lui par la foi dans la puissance de Dieu qui l’a ressuscité des morts ®. » Sa mort, sa résurrection ct sa circoncision ont donc eu lieu pour nous L de Cyrille d'Alexandrie, /n Luc. com.9 PG 72,498 b-c. Sur la circonci­ sion spirituelle, voir Jn Gen. horn.9 III, 5-7, SC 7, p. 118-124. 218 ORIGÈNE 2. Cum impleti, inquit, essent dies circumcidendi pue­ rum, 'vocatum est nomen eius /esus, quod vocatum fuerat ab angelo, antequam conciperetur. Vocabulum lesu glo­ riosum omni adoratu cultuquc dignissimum, nomen quod est super omne nomen a, non decuit primum ab hominibus appellari neque ab eis efferri in mundum, sed ab excellen­ tiori quadam maiorique natura.] Unde signanter evangelisla addidit, dicens : et vocatum est nomen eius /esus, quod vocatum fuerat ab angelo, antequam conciperetur in utero. 3. Deinde sequitur : cum impleti essent dies purgationis eorum, secundum legem. Moysi, duxerunt cum in Hierosolymam. Propter purgationem, inquit, eorum. Quorum eorum ? Si scriptum esset : propter purgationem eius, id est Mariae, quae pepererat, nihil quaestionis oriretur et audacter diceremus Mariam, quae homo erat, purga­ tione indiguisse post partum. Nunc vero in eo, quod ait : a. Phil., 2, 9 1. Encore un trait ile la dévotion d’Orlgène à la personne de Jésus : son respect pour le nom du Sauveur. On a noté l’émotion avec laquelle 11 salue la première apparition du nom de Jésus dans la Bible» In Ex. hom.. XI, 3, SC 16, p. 234 ct Jn Jos. hom.. I» 1, SC 71. p. 95-97. Le nom de Jésus est le parium répandu sur toute la terre, In Cant, horn., I, 4» SC 37, p. 67-68. 2. Origène ici ne reconnaît pas ce que le dogme cl la théologie appelleront la virginitax in parlu. Cf.Hurt. Dissert.. PG 17. 838-342. Voir G. Jouassard, « Marie à travers la patrtstique «. Λίατία. I. p. 81. Selon certains la *S homélie sur le Lévitiquc. GCS 6. p. 38-1-396. postérieure d’uno dizaine d’années aux homélies sur Luc, serait en contradiction avec notre texte, de Maria autan dicitur quia virgo concepit ci peperit. Λ. v’Alè-s parle d’une rétractation, Diet, *d Apologétique, art. Marie, 170-171 et 200. G. Jouassard, op. cil~i p. 81, note 13, attribuerait plutôt la différence des deux points de vue A la différence de traducteurs. Rufin qui a traduit les homélies sur le Lévitiquéj aurait modifié un peu le texte pour le rapprocher de sa croyance personnelle. Voir un autre essai de solution dans C. Vacaoctnt, Maria nette opère dl Origene. p. 80 et ss. Mais ces discussions nous semblent Inutiles, ci. Introd., p. 40-41. Origène. en eftet. dans Y Hom. VIII sur te Lévitiquc. veut simplement dire que Marie a mis au monde un enfant sans avoir connu d’homme, oirgo concepit ct peperit. Dans Worn. sur te LMtiquc. la souillure dont Marie est indemne représente donc la souillure non pcccamincusc qui est» pour Ori­ gène, inhérente à l’acte conjugal comme tel. Dans cette Hom. sur Luc, la souillure dont il est question est différente, c’est celle qui se trouve dans le SUR S. LUC, HOMÉLIE XIV, 2-3 219 2* «Lorsque, dit l’Écrilure. les jours °Ù 1 °n ^eva^ circonc*rc l’enfant furent accomplis, on lui donna son nom de Jésus, nom que l’ange lui avait, donné avant sa concep­ tion. » Jésus, ce nom glorieux et éminemment digne de recevoir tous les hommages de l’adoration et du culte «ce nom au-dessus de tout nom5», il n’aurait pas con­ venu qu’il fût mentionné en premier lieu par des hommes, ni qu’il fût introduit par eux dans le monde, mais ce devait être par une nature plus élevée et plus parfaite. L’évangéliste a donc ajouté expressément : « Et on lui donna son nom de Jésus, nom indiqué par l’ange, avant sa conception dans le sein de la Vierge. » Le nom Jésus 3. Et l’évangéliste poursuit :« Lorsque a de'17ésus ,On furent accomplis les jours de leur puri* * ‘‘ fi cation, selon la loi de Moïse, ils con­ duisirent l’enfant à .Jérusalem. » A cause, dit-il, de «leur» purification. Qui représente ce mot «leur»? Si l’on avait écrit : à cause de sa purification, c’est-à-dire de celle de Marie qui avait enfante, aucune question ne se poserait et nous dirions avec une certaine audace : Marie, qui appartenait à la race humaine, avait besoin de puri­ fication après l’enfantement *. Mais puisqu’il est dit : , monde d<· la génération et do la chair. Jésus, par le fait qu’il a pris un corps» n’en est pas phis indemne que Marie. Ce n’est ni le péché ni la concupiscence, car Origène ûlllmie nettement que Jésus n’a pas une · chair de péché » mais qu’il a été fait in similitudinem carnis peccati, dans le sens où l’entend saint Paul, en rejetant toute interprétation docétiste. Il y a dans celle notion de souillure un mélange do judaïsme (impureté légale) et de platonisme (un certain pessimisme à l’égard du corps); quoi qu’l! on soit, reconnaître en Jésus l’existence de cette souillure, inhérente à toute ψυχή» dès lors qu’elle so trouve unie à un corps, c’est une manière d’affirmer lo réalisme de l’incarnation contre les tendances docètes, nettement combattues dans ce passage. On perçoit d’ailleurs dans l’œuvre d’Orlgène de nombreux échos de sa lutte contre le docétisme. Voir références dans de Lujjac, MB, p. 93, note 11. Citons enfin, pour mémoire» une Interprétation, d’ailleurs peu satisfaisante, de Sixte de Sienne au sujet de notre homélie : /ntclllffit fortasse Origenes non de purgatione ab immunditiis e! sordibus partus quibus, nulli dubium est, Mariam non fuisse obnoxiam ; xed de ritibus et caerimoniis Quibus Moyses puerperas lustrari f usserat, has necesseerat servari a matre illius qui legem impleturus venerat, non destructurus. HibK Sanctae, !.. 6, nnnot. 136. 220 ORIGÈNE dies purgationis eorum, non videtur unum significare, sed alterum sive plures. Ergo lesus purgatione indiguit et immundus fuit aut. aliqua sorde pollutus ? Temerarie forsitan videor dicere, sed scripturarum auctoritate com­ motus. Vide, quid in lob scriptum sit : nemo mundus a sorde, nec si unius quidem diei fuerit vita eiusa. Non dixit : nemo mundus a peccato, sed : nemo mundus a sorde. Neque enim id ipsum significant sordes atque peccata ; et ut scias aliud sordem, aliud sonare pec­ catum, Isaias manifestissime docet, dicens : lavabit Do­ minus sordem filiorum et filiarum Sion, ct sanguinem mundabit de medio eorum, spiritu iudicii sordem ct spiritu combustionis sanguinem b. 4. Omnis anima, quae humano corpore fuerit induta, habet sordes suas.J Ut autem scias Icsuin quoque sordidatum propria voluntate, quia pro salute nostra humanum corpus assumpserat, [Zachariam prophetam ausculta dicentem : lesus erat indutus ves­ tibus sordidisc. Quod quidem adversus eos facit, qui negant Dominum nostrum humanum habuisse corpus, sed de caelestibus ct. spiritalibus fuisse contextum.] Si enim de caelestibus et, ut illi falso asserunt, de sideribus et alia quadam sublimiori spiritalique natura corpus eius fuit, respondeant, qui potuerit spiritale corpus esse sor­ didum aut quomodo hoc interpretentur, quod posuimus : lesus erat indutus vestibus sordidis. Si autem fuerint neces­ sitate compulsi, ut suscipiant spiritale corpus sordidum a. Job, 14, 4 b. Is., 4, 4 c. Zach., 3, 3 1. L’interprétation christologiquc de ce verset de Zach. est fréquente ches. les Pères. Ci. J. Lécvyer, < Sur Jésus fils de Josédcc ct son Interprétation patriotique », JISB 43 (1955), p. 82-103- Jérôme a beaucoup amplifié cette exégèse. In Zach. com. I, 3, PL 25. 143Ô c et 14.37 b, niais la source de: Jérôme pourrait bleu être Dldÿmc FAveugte, si l’on en croit le commentaire, inédit que vient de publier L. Doutreleau, !n Zach., I. 214. SC S3, p. 305.’ Raueb. à propos de co verset, transcrit en note, p. 86, un passage d’un des Traclalus Origenis, édités par P. Batiffol ct A. Wilmaut. Paris, 1900. Après de nombreuses discussions, les éditeurs ont renoncé à l’authenticité érigé- SLR S. LUC, HOMÉLIE XIV, 3-i 221 « Les jours de leur purification », il ne s’agit pas, semblet-il, d’une seule personne mais de deux ou même de plu­ sieurs autres. Jésus eut-il donc besoin de purification ct fut-il impur ou sali de quelque souillure ? Il peut sembler que je parle de façon téméraire, mais j'y suis amené par l’autorité de l’Écriture. Regardez ce qui est écrit dans .Job : « Personne n’est exempt de souillure, même si sa vie n’a duré qu’un seul jour a. » Il n'a pas dit : « Personne n’est exempt de péché », mais « Personne n’est exempt de souillure ». Car « souillure » n'est pas synonyme de « pé­ ché » cl pour que vous sachiez que « souillure » signifie une chose ct « péché » une autre, Isaïe l’enseigne très clai­ rement lorsqu’il dit : « Le Seigneur lavera la souillure des fils et des filles de Sion et il purifiera le sang répandu au milieu d’entre eux, il lavera la souillure au souille du jugement ct Je sang au souille de la destruction b. » 4. Toute âme, revêtue d’un corps humain, a ses souillures. Vous devez savoir que Jésus aussi a été souillé, de sa propre volonté, parce qu’il avait pris un corps humain pour notre salut : écoulez donc avec attention ce que dit le prophète Zacharie 1 : « Jésus était revêtu de vêtements souillés c. » Cette phrase est dirigée contre ceux qui affirment que le corps de notre Seigneur n’était pas un corps humain mais qu’il avait été formé d’éléments célestes ct spirituels. Si, en effet, son corps a été formé d’éléments célestes et, selon les partisans de cette affirmation erronée, de matière astrale ct. d’une autre nature plus sublime et plus spiri­ tuelle », il leur faut dire pourquoi un corps spirituel a pu être souillé et comment ils interprètent ce que nous avons avancé : « Jésus était revêtu de vêtements souillés. » Or, s’ils ont été contraints d’accepter «corps spirituel» au nicnno de ce tractatus, attribué actuellement» selon plus de vraisemblance, ù Grégoire d’El vire. qui nous transmettrait là une vieille tradition romaine. 2. Scion Marcion, le corps du Christ était pure apparence, tandis que pour son disciple Aprllc c’ctait un corps véritable formé de matière astrale. Ces théories font écho plus ou moins directement à la théorie aristotéli­ cienne de l’éther, substance intellectuelle d’oü sont tirés les Ames humaines ct les astres-dieux. Origène proteste souvent contre cette théorie tenue par Aristote dans le dialogue do Jeunesse, Sur la Philosophé, dont parlent Cicé­ ron ct plusieurs Pères. Cf. W. Jaeger. ArisMlcs, Oxford, 1950, p. 300 et ss. 222 ORIGÈNE intellegi vestimentum, [debent consequenter dicere, quo­ niam illud, quod in repromissionibus ponitur, completum sit, id est : seminatur corpus animale, surgit corpus spi­ ritale11 [et] quod polluti et sordidi resurgamus, quod etiam cogitare piaculum est,] maxime cum quis sciat scriptum esse : seminatur in corruptione, surget in incorruptione · seminatur in ignobilitate, surget in gloria : seminatur in infirmitate, surget in fortitudine : seminatur corpus ani­ male, surget corpus spiritale . * 5. [Oportuit ergo, ut pro Domino et Salvatore nostro, qui sordidis vestimentis fuerat, indutus ct terrenum corpus assumpserat, offer­ rentur ea, quae purgare sordes ex lege consueverant. Quod frequenter inter fratres quaeritur, loci occasione commotus retracto. [Parvuli baptizantur in remissionem peccatorum c. Quorum peccatorum ? vel quo tempore pec­ caverunt ? aut quomodo potest illa lavacri in parvulis ratio subsistere, ni iuxta illum sensum, de quo paulo ante diximus : nullus mundus a sorde, nec si unius quidem diei fuerit vita cius super terram d ? Et quia per baptismi sacra­ mentum nativitatis sordes deponuntur, propterea bapti­ zantur et parvuli j : nisi enim quis renatus fuerit ex aqua el spiritu, non poterit intrare in regnum caelorum °. a. I Cor., 15, 44 b. I Cor., 15, 42-44 d. Job, 14, 4 e. Jn, 3, 5 c. Aci., 2, 38 1. t.e corps terrestre est le corps matériel «les hommes vivant sur la terre, différent du corps éthéré des préexistants et des anges. Cc corps terrestre, dans les perspectives orlgéniennes, a été donné à l’homme après le péché, dans la seconde création. A la place du corps éthéré d'autrefois, le voue, refroidi en en a reçu un autre, le corps terrestre. Mais la matière n’est pas directement cause ou effet du mid. et. C. Cels., IV, 66, GCS 1, p. 336. La matière est d’ellc-mèmc indifférente, le mal consiste à s’attacher à la cliair ct au corps. Voir IL Cuovzel, «L’Anthropologie d’Origène », Λ4Μ 31 (1955), p. 381-383. 2. Affirmation très nette du baptême des entants au temps d’Origène. Cf. In Lev. hom., VIII, 3, GCS 6, p. 398, el ht Hom. am,, V, 9, PG 14, 1047 b. Orlgèno lui-même a vraisemblablement été baptisé dès le plus jeune âge. Voir G. Bardy, Orlqtne, Paris, 1931. p. 5. Mais pourquoi baptisc-t-on SUR S. LUC, HOMÉLIE XIV, 4-5 223 sens de « vêtements souillés», puisque toute promesse doit s’accomplir, entre autres celle-ci : « On sème un corps animal, il ressuscite un corps spirituel a », il leur faut, logi­ quement conclure que nous devons ressusciter salis et souillés. Pensée impie, surtout quand on sait, qu’il est écrit : « Semé dans la corruption, le corps ressuscitera dans l’incorruption ; semé dans l’ignominie, il ressuscitera dans la gloire ; semé dans la faiblesse, il ressuscitera dans la force ; semé corps animal, il ressuscitera corps spirituel *’. » 5. Π a donc fallu, pour notre Seigneur el Sauveur, qui avait urevêtu des vêlements souillés» et assumé un corps terrestre *, qu’on offrît ce qui, selon la loi et la coutume, purifiait des souillures. Je profile de l’occasion qui se pré­ sente pour traiter à nouveau une ques­ tion sur laquelle fréquemment nos frères s’interrogent. Les enfants sont baptisés « pour la rémis­ sion des péchés •λ » De quels péchés s’agit-il? Quand ont-ils bien pu pécher ? Comment peut-on retenir pareil mot if pour le baptême des enfants si on n'admet pas l’in­ terprétation que nous venons de donner : « Personne n’est exempt de souillure, même si sa vie sur la terre n'a duré qu'un seul jour 11 » ? C’est parce que les souillures de la naissance sont, enlevées par le mystère du baptême qu’on baptise aussi les enfants3, car, «si quelqu'un n’est pas né à nouveau de l’eau et de l’esprit, il ne peut pas entrer dans le Rovaurne des deux c. » *» Le baptême des enfants. les enfants ? pour la rémission de quelle faute ? Notre texte témoigne qu’il y a des discussions parmi 1rs chrétiens, non pas sur le fait du baptême des enfants» mais sur sa raison d’être. Voir Ph. IL Mrnoud, Le Baptême des enfants dans VÊglise Ancienne. Ncuchûtcl, 1943, p. 15-26. Quant à la nature de lu souillure contractée à la naissance, on ne peut y voir qu’un pressenti­ ment du péché uriginel. Sur cc point la théologie d'Origènc est bien insuf­ fisante, puisque la souillure dont l'enfant sera purifié est assimilée à celle qu’a contractée le Christ en révélant un corps humain, souillure, on l'a vu phis haut, qui n’a rien de pcccamineux. Selon G. Trichtwrikr. Die Sun· dcnlchre des Origenes. Regensburg. 1958, p. 92-101, il n’y a pas de péché originel dans la doctrine d’Origène. Il faudrait nuancer ccttc affirmation, mais on volt cc qu'elle a de fondé. 224 ORIGÈNE 6. Cum, inquit, expleti casent dies purgationis eorum. ' [Explentur dies et mystice. Neque enim statim, ut nata fuerit anima, purgatur, nec potest perfectam in ipso ortu consequi puritatem ; sed sicut scriptum est in lege : Si masculum pepererit, septem diebus sedebit mater in san- i guine immundo ac deinde triginta tribus in sanguine puro, ; et ad extremum ipsa et infans sedebunt in sanguine pu­ rissimo B, sic quia lex spiritalis est b et umbram habet futurorum bonorum c, possumus intellegere purgationem veram nobis evenire post tempus. Ego puto, quod et post resurrectionem ex mortuis indigeamus sacramento cluente nos atque purgante nemo enim absque sordibus resur­ gere poterit —, nec ullam posse animam reperiri, quae universis statim vitiis careat.J Unde in regeneratione baptismi assumitur sacramentum, ut, quomodo Icsus secundum dispensationem carnis oblatione purgatus est, ita etiam nos spiritali regeneratione purgemur. 7. Duxerunt eum secundum legem Moysi in Hierosolymam, offerre ante conspectum Domini. Ubi sunt, qui Deum legis negant, qui aiunt non istum, sed alium a Christo fuisse in evangelio praedicatum : Misit Deus Filium suurn, factum ex muliere, factum sub lege Λ ? Ergo putandum est, quod Filium suum bonus Deus sub lege fecerit. Creatoris et sub inimici iure, quod ipse non dede­ rat ? Quin potius ideo sub lege factus est, ut redimeret eos, n. Lév., 12, 2-4 <1. Ga!.. 4, 4 b. Rom., 7, 14 c. Hcb., 10, t 1. Voir un commentaire de ce verset» Jn Leo. /torri., VIII, 2-3, GCS 6, p. 391-398. 2. Cf. In Num. hom., XXV. 6. SC 29» p. 486 : « Quiconque est sorti de cotte vie a besoin de se purifier. » Origène a souvent mentionné la nécessité d’un second baptême après la mort, le baptême do feu. Voir plus loin. horn. XXIV. 2. Mais Jérôme ici n commis une erreur do traduction en situant ce baptême post resurrectionem ex mortuis, tandis qu’Orlgènc semble en faire une condition de lu resurrection. iiy άναστώυιΐν 7cxp&7 [6lô|xt0a του] μ,νττηρίου χζΟχίροντος ήμϊς. Dans ce passage, Origène affirme la réa­ lité mystérieuse du Purgatoire» dont le Baptême est le signe sacramentel. Cf. In Matth. corn.. XV» 23, GCS 10. p. 417. Le Baptême rend pur « à trn- SL’R S. LUC, HOMÉLIE XIV, 6-7 225 J e mystère “ ^jOrscIue’ dit l’évangéliste, les du bantê jours de leur purification furent accomp ‘ plis. » L’accomplissement des jours a aussi une signification spirituelle. L’âme, en effet, n’est pas purifiée dès sa naissance, et le jour même de sa nais­ sance elle ne peut pas atteindre la pureté parfaite ; mais comme il est écrit dans la Loi : « Si une mère a mis au monde un enfant mâle, elle sera sept jours dans le sang impur, trente ensuite dans le sang pur1, et à la fin l’en­ fant et la mère seront dans un sang très pur ft. » Ainsi, parce que « la Loi est spirituelle b » et « l’ombre des biens h venir c », nous pouvons comprendre que notre vraie purification a lieu apres un certain temps. Voici ma pensée : même après la résurrection des morts *, nous aurons besoin d’un mystère pour nous laver et nous puri­ fier — personne, en effet, ne pourra ressusciter sans souil­ lure — et on ne peut trouver aucune âme exempte ins­ tantanément de tout vice. Aussi dans la régénération du baptême un mystère s’accomplit-il : tout comme .Jésus, selon l’économie de l’incarnation, fut purifié par une offrande, ainsi devons-nous cire également purifiés par une régénération spirituelle. 7. « Ils conduisirent l’enfant à Jéru­ salem, selon la loi de Moïse, pour l’offrir en présence du Soigneur. » Où sont les gens qui ne reconnaissent pas Je Dieu de la Loi el affirment que cc n’est pas lui, mais un Dieu différent 3 qui a été révélé par le Christ dans Γ Évangile : « Dieu a envoyé son Fils formé d’une femme, placé sous la Loi d. » Faut-il donc penser que le Dieu bon aurait soumis son Fils à la loi du Créateur cl au pouvoir d’un ennemi, à un pou­ voir qu’il n’aurait pas lui-même accordé? Dites plutôt Jésus offert au temple. vers un miroir. en énigme · ; le Purgatoire, « bain de feu et d’Esprlt », rend pur · face à face ». Voir H. CnoczEt, Théologie de l'image de Dieu chez Origène, p. 25ü. 3. Allusion à Marcion et â ses disciples qui prétendent que le Démiurge, le Dieu créateur de ΓΛ. T., u’csl pas 1c Dieu dû l’Évangile, le Dieu bon dont le Christ nous a manifesté l’Auiour. Οηιοέκβ, S. Luc. 1ô 226 ORIGÈNE qui sub lege erant , * et aliae legi subiccret, de qua cludum lectum est : Attendite, populus meus, legem meam , * et reliqua. Adduxerunt ergo eum, ut statuerent ante conspec­ tum Domini. Cuius scripturae praecepta complentes ? Nempe illius : sicut scriptum est, inquit, in lege Moysi, quia omne masculinum, quod aperit vulvam, sanctum Do­ mino vocabitur c et : 1er per annum apparebit omne mas­ culinum in conspectu Domini Dei d. i Masculina, quae ex eo, quod vulvam matris aperuerunt, sancta erant, offe­ rebantur ante altare Domini : omne, inquit masculinum, quod aperit vulvam, sacratum quippiam sonat. Quem­ cunque enim de utero effusum inarem dixeris, non sic aperit vulvam matris suae ut Dominus lesus, quia omnium mulierum non parius infantis, sed viri coitus vulvam reserat. 8. Matris vero Domini co tempore vulva reserata est, quo et partus editus, quia sanctum uterum et omni di­ gnatione venerandum ante nativitatem Christi masculus omnino non tetigit. Audeo quid loqui, quia ct. in eo, quod scriptum est : Spiritus Dei veniet, super te, et virtus Altissimi obumbrabit te e, principium seminis et conceptus fuerit, et sine vulvae reseratione novus in utero foetus adole­ verit. Unde et ipse Salvator loquitur : ego autem sum ver­ mis et non homo, opprobrium hominum ct abieclio plebis f. Videbat in matris utero immunditiam corporum, viscea. Gal., 4, 5 d. Ex., 34, 23 b. I»s. 78 (77), 1 c. Ex., 13. 2 ; Nombr., 8,16 e. Le, 1. 35 f. P$. 22 (21), 7 1. Même affirmation d»ns Tertullien qui. dans sa polémiqué contre les dociles et les marcionitcs, présente l’enfantement du Sauveur comme un enfantement ordinaire, Ado. Mare. 3, 11. PL 2. 330 a«c; I. 21. ibid. -Ill b•112 b ; De Carne Christi, 4, ibid. 758 b-7G0 a ct * 23, 20 ibid. 785 b-790c. 2. C.Vagaggini, Maria nette opere di Origcnc, p. 80-90. rapproche ce texte de Tj:iitci.(.h:n, De Carne Christi, 23, PL 2, 790 a. On peut noter un autre rapprochement entre Origine ct Tertullien : In Es. hom., 1, 4, GCS S, p. 328 ct De Carne Christi 6, ibid. 701 n ; et. un i>eu plus loin, le réalisme d’Origènc fait encore penser à celui de Tertullien, De Carne Christi 4, ibid. 758 b. De ces ressemblances peut-on conclure à une dépendance d'Orfgéne sun S. LUC, HOMÉLIE XIV, 7-8 227 qu’il a été placé sous la Loi « afin de racheter ceux qui étaient sous la Loi “» ct de les soumettre à une autre loi, qui vient d’être mentionnée dans la lecture du texte : « Sois attentif à ma loi, ô mon peuple b », et la suite. « Ils amenèrent donc l’enfant pour le mettre en présence du Seigneur. » Dans quel passage de l’écriture se trouve le précepte qu’ils accomplissent. ? Certainement celui-ci : « Il est écrit dans la loi de Moïse : tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur e » et ailleurs : « Trois fois par an, toute la population mâle se présentera devant le Seigneur Dieu ·’. » Les fils consacrés, parce qu’ils étaient les prerniers-nés, étaient offerts devant l’autel du Sei­ gneur. « Tout mâle, dit l’écriture, qui ouvre le sein de sa mère. » Cc verset a un sens spirituel, sinon on dirait : tout mâle sorti du sein de sa mère, et non pas : « Qui ouvre le sein maternel », comme l’a fait le Seigneur Jésus ; car, pour toute femme, ce n’est pas la naissance de l’enfant qui ouvre son sein, mais l’union avec son mari. 8. Pour la mère du Seigneur, son sein s’est ouvert au moment même de l’enfantement 1 puisque, avant la nais­ sance du Christ, aucun homme n’avait approché ce sein consacré et digne du plus grand respect. Je me permets de traiter ce sujet puisqu'il est dit : « L’Esprit de Dieu viendra sur loi et la vertu du Très-Haut le couvrira de son ombre c »: c’csl là l’origine de la conception, l’enfant s’est développé dans le sein de Marie qui n’avait pas été ouvert 2. Par là aussi s’expliquent les paroles du Sau­ veur : « Je suis un ver et non un homme, l’opprobre des hommes cl le rebut du peuple f. » Dans le sein maternel, il voyait l’impureté des corps et, entoure qu’il était par par rapport à Tertullien ? Λ. Harnack pense que i’Apologctiquo de TcrtulUen a dû être traduite en grec peu après sa première publication, TU 8 (1892), p. 1-36, ct quOrigènc aurait probablement connu le Dr. Monogamia, TU 42 (1919), p. 54. Une influence directe de Tertullien sur Origène n’est donc pas impossible, mais clic paraît bien Invraisemblable. SI, dans notre texte, on peut relever certaines analogies entre Origène et Tertullien, si * doux auteurs, contre les docctcs, n'hésitent pas à employer des expres­ ce sions très réalistes pour montrer que le corps du Christ est vraiment un corps humain, il faut toutefois insister sur la différence des points de vue concernant la Virginité de Marie. Voir 7nfro4., p. 37-38. 228 ORIGÈNE ribus cius hinc inde vallatus terrenae faecis patiebatur angustias ; unde assimilât se vermi et dicit : ego sum ver­ mis et non homo. Ex mare quippe ac femina homo nasci solet, ego vero non ex masculo ct femina, secundum ritum hominum atque naturam, sed in exemplum vermis natus sum, cuius non aliunde semen, sed in ipsis et ex ipsis, in quibus coalescit corporibus, origo est. 9. Propter quod, quia omne masculinum, quod aperit vulvam, sanctum Domino vocabitur, ductus est in Hierosolymam, ut appa­ reret ante conspectum Dei. et propter illud, quod sequi­ tur : ut daretur munus pro eo, quod in lege Domini scri­ ptum est : par turturum aut duo pulli columbarum. Turturum par et duos pullos columbarum pro Salva­ tore videmus oblatos. Ego et aves istas beatas puto, quae pro ortu Domini oblatae sunt ; et quomodo asinam Ba­ laam miror et felicitate accumulo, quia digna fuerit non solum videre angelum Dei, sed etiam ore reserato in huma­ num sermonem erumpere, sic multo amplius has volucres praedico atque sustollo, quod pro Domino nostro et Sal­ vatore ante altare oblatae sunt. Ut offerrent pro eo par turturum aut duos pullos columbarum. 10. Novum quid forsitan videar inferre, sed pro maiestale rei parum di­ gnum. Sicut nova fuit generatio Salvatoris non cx viro ct muliere, sed cx sola tantum virgine, sic et par turtu­ rum et duo pulli isti columbarum non fuerunt, tales, quales oculis carnis adspicirnus, sed qualis Spiritus sanctus est, qui in specie columbae descendit et venit a super Salvaa. Lc, 3. 21-22 1. Ct. C. Cels., IV, 57, ÇGS 1, p. 330. Cette idée sur l’origine des vers ou du serpent so trouve duns la littérature païenne : Ovide, Aféfa/n., 15, 389390 ; Pline. IJfisf. NaL, 10. 66. 2. Allusion A Niwri. 22, 25 ct ss. L’infériorité de l’Anessâ de Balaam pas rapport aux tourterelles et aux colombes de l’Evangile, c’est l’infériorité, de ΓΑ. T. qui, lorsqu'il voit les vraies * réalité (l’Anesse volt l’ange de Dieu)' en la personne des patriarches ct des prophètes, ne les volt qu’en espérance» alors que le N. T., représenté par les oiseaux qui manifestent la présence du SUB 3. LUC, HOMÉLIE XIV, 8-10 229 les entrailles de sa mère, il souffrait les étroitesses de la fange terrestre : c’est pourquoi il se compare à un ver de terre : « Je suis, dit-il, un ver et non un homme. » L’être humain normalement naît de la rencontre de l’homme et de la femme mais moi je ne suis pas ne d’une telle rencontre selon la loi de la nature humaine ; je suis né comme un ver qui ne trouve pas son origine dans un germe étranger mais dans les corps mêmes où il se développe L 9. Parce que « tout garçon premier-ηό sera consacré au Seigneur », on conduisit Jésus « à Jérusalem » afin de paraître en pré­ sence du Seigneur et également « afin d’offrir en sacri­ fice pour lui ce qui avait été indiqué dans la Loi : une paire de tourterelles ou deux jeunes colombes ». Nous voyons une paire de tourterelles et deux jeunes colombes offertes pour le Sauveur. Pour ma part, j’estime heu­ reux ces oiseaux offerts en sacrifice pour la naissance du Seigneur : et, si j’admire l’ânessc de Balaam que je mets au comble du bonheur parce qu'elle fut digne non seu­ lement de voir l’ange de Dieu, mais aussi de pouvoir ou­ vrir la bouche pour s’exprimer en langage humain ’, de même je célèbre encore bien plus ct place très haut ces oiseaux qui furent offerts en sacrifice devant l’autel, pour notre Seigneur et Sauveur. «Afin d’offrir pour lui une paire de tourterelles ou deux jeunes colombes. » 10. Mon commentaire semble peut-être introduire quelque nouveauté sans relation avec la grandeur du sujet. Mais si la naissance du Sauveur fut une nouveauté, puisqu’il n’est pas né de la rencontre entre un homme et une femme, mais uniquement d’une vierge, de même la paire de tour­ terelles et ces deux jeunes colombes ne furent pas de celles que nous voyons de nos yeux de chair, mais elles représentent l’Esprit-Saint, qui « descendit, sous la forme d’une colombe et. vint s » au-dessus du Sauveur, le jour L'offrande des victimes. Saint-Esprit, possède la Vérité. C’est en cela que F Incarnation est une nou­ veauté radicale. Sur la colombe, figure du Saint-Esprit, voir, entre autres. In Cant, corn., HI, GCS 8, p. 173. 230 ORIGÈNE torcm, quando in Iordane baptizatus est. Tale fuit et par turturum : non erant illae volucres, ut istac, quae per aerem volitant, sed divinum quiddam el humana con­ templatione augustius sub specie columbae et turturis apparebat, ut non talibus victimis, qualibus omnes ho­ mines, ille, qui pro toto mundo nascebatur el pati habe­ bat, coram Domino mundaretur, sed, ut dispensatio eius nova omnia, ita novas quoque haberet hostias, secundum voluntatem omnipotentis Dei in Christo lesu : cui est gloria el imperium in saecula sacculorum. Arnen a. a. I Pierre, 4,11 SCR S. LUC, HOMÉLIE XIV, 10 231 dc son baptême dans le Jourdain. Il en va dc même pour la paire de tourterelles : ces oiseaux n’étaient pas de ceux qui volent dans les airs, mais la colombe et la tour­ terelle manifestaient une présence divine et une majesté au-delà de toute contemplation humaine ; dc la sorte, celui qui naissait et devait souffrir pour le monde entier, ne serait pas purifié, aux yeux du Seigneur, avec les mêmes victimes que le reste des hommes, mais, puisque l’éco­ nomie divine renouvelait 1 tout, il fallait aussi des vic­ times nouvelles, selon la volonté du Dieu tout-puissant, dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen a ». 1. L*Incarnation renouvelle tout. On pense au mot célèbre cl’IrénéO : omnem novitatem attulit, semetipsum afjcrens, Ado. Hacr. 4,34, PG 7, 1083 c. Jésus-Christ est la Jeunesse du monde ct le peuple chrétien exl un « peuple nouveau · (Λ Diognète. 1.1» SC 33, p. 53) qui doit de venir · l’ftme du monde » (ièû/., 6, p. 65). HOMILIA XV De Simeone, quod in spiritu ad templum venerit, usque ad eum locum, ubi ait : Nunc dimidis servum tuum, Domine, in pace 1. Digna Dei munere quaerenda est ratio, quomodo Simeon vir sanctus et Deo placens, sicut in evangelio scriptum est, exspectans consolationem Israhcl, responsum acceperit a Spiritu sancto non se prius morte obiturum, quam videret Christum Domini. Quid ei profuit videre Christum ? Utrum hoc tantum in repromissione habuit, ut videret illum nihilque ex visu eius consequeretur uti­ litatis, an latet, aliquod donum dignum Deo, quod bea­ tus Simeon et meruit el accepit ? Fimbriam vestimenti lesu mulier tetigit et sanata est b. Si illa ad extremam par­ tem vestimenti tantum emolumenti habuit, quid putan­ dum est de Simeone, qui in suas ulnas accepit infantem et in brachiis tenens laetabatur atque gaudebat, videns par­ vulum a se gestari, qui ad vinctos venerat resolvendos seque ipsum nodis corporis liberandum, sciens neminem posse de claustro corporis quempiam emittere cum spe futurae vitae, nisi eum, quem in brachiis continebat ? 2. Unde et ad eum loquitur : nunc dimittis, Domine, ser­ vum tuum in pace : quamdiu enim Christum non tenebam, quamdiu illum meis brachiis non artabam, clausus eram n. Lc, 2, 25-29 b. Lc, 8, 44 1. Nous traduisons respontum par assurance, car une réponse· de l'EspritSaînt est certitudo : les piu-olcs de Dieu sont normatives. Cf. In Luc. hormJ XVIΠ, 4 : Quad aulrm responsio, non vicissitudinem sermocinandi sed doc· trinam in scriptitrh tandis sonri. 2. Pensée d'origine platonicienne qui rappelle l'apparente analogie entre HOMÉLIE XV Au sujet de Siméon ct de sa venue an temple, poussé par l’Esprit, jusqu’au passage : C’esi maintenant, Seigneur, que tu laisses ton serviteur s’en aller en paix a. 1. Nous devons chercher un motif . une m t s. convcna))]e pour bien expliquer la fa­ veur de Dieu à l'égard de Siméon ; comment cet homme, saint ct agréable à Dieu, attendant la consolation d’Is­ raël, reçut-il de l’Esprit-Saint, selon le texte de l’Évangile, l’assurance 1 qu’il ne mourrait pas avant d’avoir vu le Christ du Seigneur ? Quelle utilité pour lui de voir le Christ ? La promesse n’a-t-elle concerné que le simple fait de voir le Christ, sans en retirer aucune utilité ? Ou bien ne cache-t-clle pas une faveur digne de Dieu, que mérita et reçut le bienheureux Siméon ? « Une femme tou­ cha la frange du vêtement de Jésus ct elle fut guérie b. » Si cette femme, à toucher l’extrémité du vêlement en retira tant d’avantages, que penser de Siméon qui « re­ çut l’enfant dans ses bras », ct, le tenant dans ses bras, s’abandonnait à la joie, voyant qu’il portait l’enfant venu pour libérer les captifs, et que lui-rnême allait être délivré des liens du corps ? 11 savait que personne ne pouvait faire sortir quelqu’un de la prison du corps * avec l’espoir de la vie future, sinon celui qu’il tenait dans ses bras. 2. Et c’est à lui qu’il s’adresse : a C’est maintenant, Seigneur, que tu laisses ton serviteur s’en aller en paix. » Car aussi longtemps que je ne tenais pas le Christ, aussi longtemps que je ne le pressais pas dans mes bras, j’étais empricroua et σήμα, P/tMre, 250 c et Gorgias. 493 a. Ch Pun.ON, lu Migration Abraham, 9, SC 47» p. 20. Selon l’plphano (lettre à Jean de Jérusalem parmi les lettres de Jérôme 51. 4 · Les Belles-Lettres ·, t. 2» p. 162). Origène aurait plusieurs fois retenu cetto étymologie. 234 OHIGÈNE et de vinculis exire non poteram. Hoc autem non solum de Simeone, sed de omni humano genere sentiendum est. Si quis egreditur e mundo, si quis e carcere et vinctorum domo dimittitur, ut ad regnandum vadat, sumat lesuin in manibus suis et circumdet eum brachiis suis, totum habeat in sinu suo, ct tunc exsultans ire poterit, quo desi­ derat. Considerate, quanta dispensatio praecesserit, ut Filium Dei Simeon mereretur tenere. Primum responsum a sancto Spiritu acceperat non eum videre mortem, nisi prius vidisset Christum Domini. 3. Deinde non fortuitu ac sim­ pliciter ingressus est, templum, sed venit ad templum in spiritu Dei ; quotquot enim spiritu Dei. ducuntur, hi filii Dei sunt». Spiritus igitur sanctus cum duxit in templum. Tu quoque si vis tenere lesum et amplexari manibus et dignus fieri exire de carcere, omni labore nitere, ut ducem habeas spiritum veniasque ad templum Dei. Ecce nunc stas in templo Domini lesu, hoc est in ecclesia cius ; hoc est templum e vivis lapidibus b exstructum. Stas autem in templo Domini, quando vita tua et conversatio ecclesiae fuerit appellatione dignissima. 4. Si veneris in spiritu ad templum, invenies parvulum lesum, levabis illum brachiis tuis et dices : Nunc dimittis servum tuum., Domine, in pace secundum verbum tuum. [Simulque attende quod solutioni et dimissioni pax ad­ dita sit. Non enim ait: dimitti volo, sed cum additamento a. Rom., 8, 14 b. I Pierre, 2, 5 1. Bien que le symbolisme d'Origène ne nous oriente guère dans ce sens, ne pourrait-on pas voir là une allusion possible à l’Jïuchnristic ? On sait en effet que les premiers chrétiens recevaient dans leurs mains le pain consacré. 2. Toute cette homélie déborde de tendresse pour Jésus, trait fondamental de la mystique d’Origène. Cf. F. Bertrand, La Mystique de Jésus chez Orione. p. 126-129. Dans ces ligues < retentissent quelques-uns des premiers accents de cette piété humaine envers Jésus dont il nous semble que notre religion n’est plus séparable », 11. de Lubac, HEt p. 59. Voir aussi Jn Kor/t. com., Vf!!, 4, PG 14, p. 1165-1166. Nous avons sans doute, dans cette dévo- SUR S. LUC, HOMÉLIE XV, 2-4 235 sonné et ne pouvais sortir de mes liens. Ces mots, d’ail­ leurs, ce n’est pas seulement de Simeon, mais de tout le genre humain qu’il faut les entendre. Si quelqu’un quitte le monde, si quelqu’un est libéré de la prison et de la demeure des captifs pour obtenir la royauté, qu’il prenne Jésus dans ses mains 1 et l’entoure de scs bras, qu'il le tienne tout entier sur son cœur, et alors, bondissant, de joie, il pourra se rendre où il désire 2. Considérez combien tout a été pré­ paré à l’avance pour que Siméon ait mérité de tenir le Fils de Dieu. Il avait reçu d’abord l’assurance de l’Esprit-Saint «qu’il ne ver­ rait pas la mort avant d’avoir vu le Christ du Seigneur. » 3. Puis ce n’est pas par hasard et tout bonnement qu’il est entré dans le temple, mais « il vint au temple sous la conduite de l’Espril de Dieu», «car tous ceux qui sont conduits par l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu a. » L’Es­ prit-Saint le conduisit donc au temple. Toi aussi, si lu veux tenir Jésus, le serrer· dans tes mains ct mériter de sortir de prison, fais tous tes efforts pour te laisser gui­ der par l’Esprit et venir au temple de Dieu. Et. voici que maintenant tu te tiens dans le temple du Seigneur Jésus, c’est-à-dire dans son Église, le temple construit « de pierres vives b. » Tu es dans le temple du Seigneur quand ta vie et ta conduite sont vraiment dignes du nom qui désigne Γ Église. Prendre Jésus dans ses bras. 4. Si c’est «en esprit que lu es venu au temple », tu trouveras l’enfant Jé­ sus, tu l’élèveras dans tes bras et tu diras : « C’est maintenant, Seigneur, que tu laisses ton serviteur s’en aller en paix selon ta parole. » Et remarque, en même temps, que la paix s’ajoute à l'affranchis­ sement et à la délivrance ; car Siméon ne dit pas : je veux mourir, mais il ajoute : qu’on me laisse mourir « dans la Mourir dans la paix. Uon ίι Jésus, un des signes les plus certains de i’influcncc d'Origène sur saint Bernard· 236 ORIGÈNE in pace dimitti. Nam et beato Abrahae hoc idem promis­ sum est : lu autem vades ad paires tuos in pace,] enutritus in senectute bona “. Quis est, qui morialur in pace, nisi ille, qui habet pacem Dei, quae omnem sensum superat cuslodilque cor ” possessoris sui ? [Quis est, qui de saeculo isto recedit in pace, nisi is, qui intellegit, quod Deus erat in Christe mundum reconcilians sibi c, nihilque inimicum habet ct adversarium Deo. sed omnem pacem atque con­ cordiam bonis in se operibus assumpsitj ct sic in pace dimittitur pergere ad sanctos patres, ad quos et Abra­ ham profectus est ? 5. Quid de patribus loquar ? Ad ip­ sum quoque patriarcharum principem ct. dominum est ire, lesum, de quo dicitur : melius est resolvi et esse cum Christo d. Ille habet lesum, qui audet loqui : vivo, iam non ego, vivit autem in me Christus . * Ut igitur ct nos stantes in templo et tenentes Dei Filium arnplexantesque eum digni remissione ct profectione ad meliora simus, oremus omnipotentem Deum, oremus ct. ipsum parvulum lesum, quem alloqui et tenere desideramus in brachiis, cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen.1. a. Gen., 15,15 b. Phil., 4, 7 c. Π Cor., 5, 19 1, 23 e. Gal., 2, 20 f. I Pierre, 4, 11 d. Phil., SV R S. LUC. HOMÉLIE, XV, 4-5 237 paix ». Le bienheureux Abraham aussi reçut cette même promesse : «Toi, lu rejoindras tes pères, dans la paix, après avoir vécu dans une heureuse vieillesse ·. » Qui peut mourir dans la paix, sinon celui qui possède « la paix de Dieu, paix qui surpasse toute intelligence et garde le cœur de qui la possèdeb » ? Qui peut quitter ce monde dans la paix, sinon celui qui comprend que « Dieu était dans le Christ ct s'y réconciliait le inonde c », celui qui n’entretient ni inimitié ni opposition à l’égard de Dieu mais qui, après avoir atteint par ses bonnes œuvres la plénitude de la paix et de la concorde, s’en va dans la paix retrouver les saints patriarches, qu’Abraham a rejoints ? 5. Mais pourquoi parler des patriarches ? 11 s’agit d’aller rejoindre Jésus lui-même, prince et seigneur des patriarches, ce qui a fait dire : « Il est meilleur de mou­ rir et d’être avec le Christ <*. » Il possède Jésus, celui qui ose dire : « Ce n’est plus moi qui vis, mais c’est le Christ qui vit en moic. » Afin donc que nous aussi, debout dans le temple, tenant, le Fils de Dieu ct le serrant dans nos bras, nous soyons dignes d’être libérés ct de partir vers des réalités meilleures, prions le Dieu tout-puissant, prions aussi l’enfant Jésus lui-mêmex, avec qui nous désirons converser, en le tenant dans nos bras, lui « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen 1 ». 1. Ccttc invocation à l’Enfant Jésus ne scmbk-t-cllc pas contredire l'af­ firmation du Traité sur la Prière, ù peu prés contemporain des Homélies sur Lue, selon laquelle il no faut pas prier le Fils ? De Oratione, 15» 4» GCS 2» p. 335. Selon lo P. F. Prat» Origène. Paris» 1907. p. 60-61, il ne s'agirait dans le Traité sur la Prière que de la prière liturgique qui aujourd’hui encore s’adresse le plus souvent au Père par le Fils- HOMILIA XVI De eo, quod scriptum est : lirant pater eius et mater admi­ rantes super his, quae dicebantur de eo, usque ad locum, ubi ait : ecce iste positus est in ruinam et resurrectionem multorum in Israhel a. 1. Et erant, inquit, pater illius et mater admirantes super his, quae dicebantur de eo. Congregemus in unum ea, quae in ortu lesu dicta scriptaquc sunt de eo, et tunc scire poterimus singula quaeque digna esse miraculo. Quamobrem mirabatur et paler — sic enim appellatus CSt et loseph, quia nutricius fuit —, mirabatur et mater super omnibus, quae dicebantur de eo. Quaenam ergo sunt, quae de parvulo lesu fama disperserat ? Pastores erant in regione illa, vigilantes et. observantes custodias noctis super gregem suum. Venii angelus sub ipsa hora nativi­ tatis lesu et ait ad eos : Annuntio vobis gaudium magnum ; ite et invenietis infantem involutum pannis et positum in praesepi. Necdum angelus verba finierat, et ecce mulliludo caelestis exercitus laudare coepit et benedicere Deum. Cum hoc pastores trepidi perspexissent et angelus reces­ sisset ab eis, dixerunt ad se invicem : Eamus Belhleem et videamus factum, quod Dominus ostendit nobis. Venerunt et invenerunt parvulum. Tam illi quam [parentes quae facta fuerant, mirabantur. 2. Super hoc et de Simeone scribitur, quod rumorem auxerit et miraculi vel magna pars fuerit. Tenuit enim puerum in brachiis suis et ait : Nunc dimittis, Domine, servum tuum in pace, secundum a. Lc, ‘2, 33-34 HOMÉLIE XVI Sur le texte : Son père el sa mère étaient dans l’admiration de ce ct introduisaient ainsi une division mortelle dans l’unité de ht Révélation. L’ouvrage de Marcion, /.« Antithèses^ était, selon TcrtuUicn, ad scpara/fonc/n Legis cl Ewmgelil, Adv. Marc., 4, 1. PL 2, 3G1 a. Panni toutes les hérésies, le niarclonisme a beaucoup préoc­ cupé Origène ct · c’est surtout à Gésarée, semble-t-il. qu’il se heurte au inarcionismc dont 1rs églises bien organisées étaient puissantes en Syrie », dB Lubac, HE. p. 52. Sur la réfutation de Marclon par Origène, voir les ch. 4 cl 5 du livre lit du P. Arch.. GCS 5, p. 126-139. Cf. J. Daniéloo, « L’Unité des deux Testaments dans l’œuvre d’Origènc ·, Rev. des Sc. IMig. 22 (194$), p. 27-56. Mais sont également visés dans cc passage Valentin et ses adeptes. Marclon et les pseudo-gnostiques sont les adversaires que combat Origène dans toute son œuvre. 2. Origène montre que l’on trouve dons le N. T. des expressions qui pa­ raissent, à première vue, aussi étranges que certains passages de i’A. T. SL’R S. LUC, HOMÉLIE XVI, 4-C 213 la vie, je frapperai et je guérirai, et il n’y en a pas un qui puisse échapper de mes mains4.» Ils retiennent, «je donnerai la mort, n et ne retiennent pas « je rendrai la vie.» Ils retiennent l'expression «je frapperai» et ils négligent, de retenir « ct moi, je guérirai ». Et ils pro­ fitent de telles occasions pour calomnier le Créateur *. 5. Aussi, avant, toute interprétation sur le sens de la phrase : « Moi je donnerai la mort et je rendrai la vie, je frapperai et je guérirai », je leur opposerai le témoignage de l’Evangile et je dirai contre les hérétiques — car il y en a un très grand nombre qui admettent l'évangile selon Luc — : si le Créateur est sanguinaire ct uniquement un juge cruel, parce qu'il a dit : « Moi je donnerai la mort et je rendrai la vie, je frapperai ct je guérirai », il est évi­ dent que Jésus est le Fils du Créateur. La même chose en effet a été écrite à son sujet : « Voici qu’il a été établi pour la chute et le relèvement d’un grand nombre en Israël », non seulement a pour le relèvement», mais aussi « pour la chute ». Si donc il est mal de donner la mort, ce doit être mal aussi « de venir pour la chute ». Que répondrontils ? Cesseront-ils do l’honorer ou bien chercheront-ils quelque autre interprétation et échappatoire, en faisant appel au sens figuré selon lequel « être venu pour la chute » signifierait plutôt bonté que sévérité 2 ? 6. Est-ce une méthode honnête ? Quand on trouve dans l’Évangile une phrase de ce genre, on recourt à des allé­ gories et à des interprétations nouvelles mais, quand Cet argument exégétique se retrouve ailleurs, par exemple ht λ! ailh. corn., XVII, 18, GCS 10, p. 636-637. Les mots benignitatem et severitatem font allusion à Hom. 11, 22. Voir /toni. XXXVI11, note 2. p. 449. 3. Origène critique ici les lecteurs · hétérodoxes » de la Bible qui font appel à Pallégoric pour se débarrasser de lu lettre. Cf. In Jo. com., XIII, 9, GCS 4. p. 233. ct X X» 20. Ibid.. p. 352. Mais. ce faisant» Origène ne condamnet-il pas lo sens allégorique dont il fail lui-même un si grand usage ? Nous ne le pensons pas. car pour Origène il y û des allégories authentiques ct tradi­ tionnelles qui découvrent le Christ dans ΓΑ. T. ct les allégories inauthen­ tiques qui ont pour but de se débarrasser d’uoc lettre gênante. Cf. W. Dns Boi:r. « Hermeneutic problems in early Christian littérature ·» Vigiliae Christianae. vol. 1. * n 3» p. 130 et ss. La distinction entre ces deux emplois bien diiTércnts du mot « allégorie · pourrait dissiper bien des confusions ct éviter des malentendus. Voir H. de LudaC» HE. p. 121-124 ; · Typologie ct 241 0R1GRNK gere, quando vero in veteri instrumento, statirn accusare et nullam explanationem, quamvis probabilis sit, recipere î Sed ct hoc, quod sequitur : in iudicium ego peni in mun­ dum istum, ul non videntes videant et qui vident caeci fiant, quamvis quaerant, ut edisserant, implere non poterunt. Ego vero, qui opto esse ecclesiasticus el non ab haere­ siarchae aliquo, sed a Christi vocabulo nuncupari el ha­ bere nomen, quod benedicitur super terram, et. cupio tam opere quam sensu ct esse el dici Christianus, aequalem et in veteri el in nova lege quaero rationem. 7. Loquitur Deus : ego interficiam ; libenter habeo, ut interficiat Deus. Quando enim vetus in mc homo est et vivo adhuc quasi homo, cupio, ut occidat in mc Deus veterem hominem ct vivificet me ex mortuis. Primus enim, ait, homo de terra terrenus, secundus homo de caelo caelestis. Sicut portavimus imaginem terreni, portemus et imaginem caelestis Secundum hunc sensum intellegitur ct illud : in iudicium ego veni in mundum istum, ut qui non vident videant el qui vident caeci fiant. Habemus in nobis omnes homines el adspeclum el caecitatem. Adam et videbat et non videbat. E va quoque, antequam aperi­ rentur oculi eius, vidisse describitur : vidit, inquit, mulier lignum, quia bonum ad comedendum et optimum oculis ad a. I Cor., 15, 47-49 Allégorismc », RSR 34 (1947), p. 180-226, et ■ Sur un vieux distique, la doc­ trine du quadruple sens », A/éloripes Cuuallera, Toulouse. 1918, p. 347-366, — lin nous mettant en garde contre des analogies artificielles. Origène nous rappelle quo le sens spirituel n’est pas à chercher derrière la lettre mais toujours au-dedans ; le véritable sens allégorique est un sens dogmatique, enraciné dans l’histoire. Les « nouvelles interprétations · sont des allégories fantaisistes, sans aucun fondement dans la Tradition. L’exégète chrétien doit · remplir · le texte sacré, adimplere, dans le sens où le Christ donne ft la Loi sa plénitude et l'interprétation orthodoxe découvre dans la Bible cette présence qui la remplit. 1. Littéralement, · mon vœu est d’étre ecclésiastique », voir hom. II, 2, note 2, p. 111. 2. Sur le nom de Jésus, voir ftom. XIV, 2, note 1, p. 218. Origène rappelle SUR S. LUC, HOMÉLIE XVI, 6-? 245 il s’agit de l’Ancien Testament, on se pose aussitôt en accusateur sans vouloir accepter aucune explication si vraisemblable soit-elle. Et le passage que voici : « Moi, je suis venu dans ce monde pour le juger, pour que les aveugles voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles », ils ont beau chercher à l’expliquer, ils ne pour­ ront. pas lui donner son sens. Quant à moi, mon vœu est d’appartenir h l’Eglise 1 et de ne pas être appelé du nom d’un hérésiarque quelconque, mais de celui du Christ, ct de porter cc nom béni sur la terre 1 ; mon désir, aussi bien dans mes actes que dans mes pensées, est d’être chrétien et déclaré tel par les hommes ; aussi j’applique à l’an­ cienne el à la nouvelle Loi la même méthode d’interpré­ tation. 7. Dieu dit : «Moi, je donnerai la mort. » J’accepte volontiers que Dieu donne la mort. Et quand il y a en moi un vieil homme et que je vis encore comme un homme terrestre, je désire que Dieu tue en moi le vieil homme et me ressuscite d’entre les morts. « Le premier homme en effet, dit ΓApôtre, sorti de la terre est terrestre : le second, venu du ciel, est céleste. Et de même que nous avons revêtu l'image du terrestre ’, il nous faut revêtir aussi l'image du céleste®. » Selon cette interprétation, on com­ prend aussi ce verset : « Je suis venu dans ce monde pour le juger, afin que les aveugles voient ct que ceux qui voient deviennent aveugles. » Hommes, nous jouissons tous de la vue et en même temps nous sommes aveugles. Adam jouissait de la vue et en même temps il était aveugle. Eve aussi, avant que ses yeux fussent ouverts, jouissait de la vue, dit l’Écrilurc. « La femme vit que l’arbre était bon à manger el très agréable à voir, ct preMise à mort du « vieil homme ». avec fonce que la devotion à Jésus nourrit le désir de vivre selon la foi ortho­ doxe, dans toute sa pureté, cc qui revient à être · l'homme de l’ÉgUso ». Cc passage peut être aussi un rappel discret des Actes, 11, 26. 3. L’image du terrestre est pour Origène le Diable et non Adam ; l’image du céleste représente !c Christ. Cf. H. Cuouzel, Théologie de V Image de Dieu chez Origène. p. 182-1X9. 246 ORIGÈNE videndum ; et tollens de fructu ligni comedit et dedit viro suo, et comederunt . * Igitur non erant caeci, sed videbant. 8. Deinde sequitur : et aperti sunt oculi eorum. Ergo caeci fuerant nec videbant, quorum oculi postea sunt aperti ; sed qui bene ante viderant, postquam manda­ tum Domini praetergressi sunt, coeperunt videre male ct adspectum oboedientiae subrepente delicto postea per­ diderunt. Ego sic intellego ct illud, quod dicit Deus : Quis fecit mutum el surdum, videntem ct caecum ? Nonne ego, Dominus Deus b ? Est oculus corporis, quo terrena ista conspicimus, ocu­ lus secundum sensum carnis, de quo scriptura ait : frustra incedens inflatus sensu carnis c. Cui habemus alium con­ trarium meliorem et divina sapientem ; qui quia caecus in nobis erat, venit lesus, ut faceret cum videre, ut, qui non videbant, viderent, qui autem videbant, caeci fierent, luxta hunc ergo sensum ct hoc, quod nunc habemus in manibus, intellegendum : ecce, iste positus est. in ruinam ct resurrectionem mullorum in Israhel. 9. | Habeo aliquid in me, quod male stat et peccati superbia se erigit : hoc cadat, hoc subruatur, quod si ceciderit, id quod ante cor­ ruerat, surgens stabit. Interior homod meus quondam iacebat elisus, et exterior « stabat erectus. Antequam cre­ derem in lesum, bonum in me iaccbal, malum stabat. a. Gen., 3, 6-7 e. 11 Cor., 4, 16 b. Ex., 4, 11 c. Coi., 2, 18 d. Rom., 7, 22 1. · Il y a deux sortes d’yeux : les uns s’ouvn-ut par le péché, les autres servaient à Adam et Ève avant que ceux-ci s’ouvrissent. » ht Num. ?iom.» XVII. 3, SC 29, p. 3Ί3. Les yeux sensibles ne sont donc pas les yeux cor· porcls d’Adam ct d’ïïve, ils représentent ici le regard de la convoitise char­ nelle. 2. L’œil du corps est l'intelligence charnelle, c’est-à-dire la partie infé­ rieure de l’âme en tant qu’elle est soumise à la concupiscence. Dt Orations XXIX, 2, GCS 2. p. 382 ; Centra Ctls., IV, 85, GCS 1. p. 356. Voir H. Ciiovzel, « L’Anthropologie d’Origène », RAM 31 (1955), p. 375-377. 3. Le Seigneur est venu pour nous aveugler, c'est-à-dire détruire en nous le regard charnel, « rendre aveugles les yeux qui se sont ouverts sur le conseil SUR S. LUC, HOMÉLIE XVI, 7-9 247 nanl du fruit de l'arbre clic en mangea ct en donna à son mari et ils en mangèrent». » Ils n’étaient donc pas aveugles, ils voyaient. 8. Le texte continue : « Et leurs yeux s’ou­ vrirent. « Ils avaient donc été aveugles ct ils ne voyaient pas, puisque leurs yeux (charnels) par la suite s’ou­ vrirent ; par contre, leurs yeux (spirituels) qui aupara­ vant voyaient bien, après qu’ils eurent transgressé le com­ mandement du Seigneur, commencèrent à mal voir ct, sous l’effet du péché de désobéissance, perdirent ensuite la vue x. C’est ainsi que je comprends également cette parole que prononce Dieu : u Qui a fait le sourd et le muet, celui qui voit et celui (pii ne voit pas ? N’est-ce pas moi, le Seigneur Dieu b ? » Il y a l'œil du corps, que nous utilisons pour regarder ces pauvres réalités terrestres ; c’est de cet œil, entendu selon l’intelligence de la chair 2, que l’tëcriture dit : « C’est en vain qu’il s’avance, celui qui tire vanité de ses pensées charnelles ®. » Nous avons aussi un autre œil. opposé au premier et meilleur que lui, capable de goûter les choses de Dieu. Et parce que cet œil était aveugle en nous, Jésus vint pour lui donner la vue, de sorte que les aveugles voient et que ceux qui voient deviennent aveugles 3. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le texte que nous avons actuellement entre les mains : « Voici que celui-ci sera établi pour la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. » 9. Ce qui en moi se dresse à tort et que l'orgueil du péché fait se lever, que ce mal tombe et s’écroule. Quand cela sera tombé, ce qui auparavant gisait à terre se redressera el se tiendra droit. En moi, « l'homme inté­ rieur’1 » gisait autrefois à terre, écrasé et a l'homme exté­ rieur®» se dressait bien droit. Avant, que j’eusse la foi en Jésus, ce qu’il y avait de bon en moi gisait à terre, ce du serpent ■ ct inversement rendre la vue aux yeux fermés par le péché, incapables de voir Dieu. Cf. In Num. hom., XVI!, 3, SC 29. p. 344-3 *15. Voir aussi In Ez. Zio/n., II, 3, GCS X. p. 345 : A Hi quippe in nobis oculi «uni meliorem his quos habemus in corpore. Qui oculi aid Jex uni Dominum uldcnt aul caeci sunt, si percolor sum, nihil video. Les regards charnels dc lu concupiscence que l'homme pécheur jette sur le monde sont ainsi opposés aux yeux spirituels qui volent Dieu. 24S ORIGÈNE Postquam ille venit, tunc quod in me malum fuit, corruit ct expletum est illud : semper mortificationem, lesu in cor­ pore circumferentes » ct illud : mortificato membra vestra super terram, fornicationem, immunditiam, luxuriam, idolatriam, veneficia b et cetera.] 10. Horum omnium utilis ruina facta est. [Et dc hac ruina dicitur : Ubicunque fuerit cadaver, illuc congregabuntur aquilaec. Cadaver quippe a casu nomen accepit. Bona est haec ruina, ad quam primum venit lesus,] nec potest facere resurrec­ tionem, nisi ruina praecesserit. Veniat ante destruere, quod in me malum fuit, ut illo destructo ct mortificato consurgat in me et vivificetur id quod bonum est, ut consequamur in eo regnum caelorum : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen ·’. a. II Cor., 4, 10 d. I Pierre, 4, 11 b. Coi., 3, 5 c. Matth., 24, 28 1. En toni homme, Il y a « l’homme intérieur · c'est-ù-dire l'homme spi­ rituel qui vit selon l'image tic Dieu, et « l'homme extérieur · qui représente l'homme pécheur. Le combat spirituel est l’alTrontcment de ces deux hommes. SUR S. LUC, HOMÉLIE XVI, 9-10 249 qu’il y avait de mauvais se tenait droit *. Après la venue dc Jésus, le mal en moi s’écroula et furent accomplis ces deux textes : le premier : « Portant toujours dans notre corps la mort de Jésus a », cl le second : « Faites donc mourir vos membres terrestres, la fornication, l'impu­ reté, la luxure, l’idolâtrie, la cupidité b» et tout le reste. 10. L’efTondrcmcnt de tous ces vices a été utile. Et dc cct effondrement il est dit : « Où sera le cadavre se rassem­ bleront les aigles ®. » En effet, le mol « chute » a donné le mot «cadavre 2 ». Cette chute est bonne, Jésus est venu d’abord pour elle, car il ne peut pas accomplir le relè­ vement. si auparavant la chute n’a pas eu lieu. Qu’il vienne donc d’abord détruire le mal en moi pour que, par cette destruction ct cette mise à mort, ce qui est bien se redresse en moi et prenne vie, ct qu’ainsi nous puis­ sions atteindre le Royaume des cieux, en Celui à qui « ap­ partiennent la gloire ct la puissance dans les siècles des siècles. Amen d ». 2. Le rapprochement entre cadaver et cado. πτώαα et πίπτω, est fondé sur une étymologie ancienne· approuvée par Eknout-Meillet. Diet. Etyrn. de la langue latine, t. I, p. 145. Origène semble avoir retenu plusieurs fois cette étymologie. Cf. Lettre d’Épipbanc à Jean dc Jérusalem parmi les Lettres de Jérôme. 51, -I ; · Les Belles-Lettres »· t. 2, p. 162. Dans cette lettre. Epiphane l’interprète en mauvaise part, dans un sens qu’Origène ne lui donne pas, au moins ici. N’est-il pas curieux de noter «pie le P. G. Fbssard fait le même rapprochement dans son commentaire des · Exercices Spiri­ tuels % Dialectique des Exercices Spirituels de S· Ignace de Loyola, Paris, 1956, p. 120. HOMILIA XVII De eo, quod scriptum est: Erant pater cius et mater admirantes super his, quae dicebantur de co, rursum usque ad eum locum, ubi de Anna scribitur a. 1. Lucas, qui scripsit : Spiritus sanctus veniet super te, et virtus Altissimi obumbrabit te ; propter hoc el quod ndluin­ fuerit sanctum, vocabitur Filius Deib, et [qui manifeste nobis tradidit, quoniam virginis filius fuit lesus nec de humano conceptus est semine, iste patrem cius loseph testatus est dicens : Et erat pater illius et mater admirantes super his, quae dicebantur de eo. Quae igitur causa exstitit, ut eum. qui paler non fuit, patrem esse memoraret ? Qui simplici expositione contentus est, dicet : honoravit eum Spiritus sanctus patris vocabulo, quia nutrierat Salva­ torem. Qui autem altius aliquid inquirit, potest dicere : quoniam generationis ordo a David usque ad loseph dedu­ citur, ne videretur frustra loseph nominari, qui pater non fuerat Salvatoris, ut generationis ordo haberet locum, pater appellatus est Domini.] Admirabantur igitur pater illius et mater super his, quae dicebantur de eo tam ah angelo quam a multitudine caelestis exercitus nec non et a pastoribus. Omnia quippe haec audientes vehemen­ tissime mirabantur. 2. Deinde scriptura ait : Benedixit eis Simeon et dixit ad Mariam, matrem eius : Ecee, iste positus est in ruinam et in resurrectionem multorum in Israhel, el in signum, cui a. Luc, 2, 35-38 b. Le, 1, 35 1. Selon Origène, I.uc a nommé Joseph, père du Seigneur, pour fall comprendre que Joseph qui n'est pas père, au sens charnel, est toutefois le lien indispensable pour donner une signification â lu généalogie du Christ ; HOMÉLIE XVII A nouveau sur le texte : Son père et sa mère étaient dans l’ad­ miration de ce qui se. disait de lui, jusqu’au passage où il est question d’Anne “. 1. Luc qui écrivit : «Le Saint-Esprit viendra sur toi et. la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; c’est pour­ quoi celui qui naîtra sera saint, il sera appelé Fus de Dieu ·’ », ct qui, par ces mois, nous a clairement affirmé que Jésus fut. fds d’une vierge sans avoir été conçu d’une semence humaine, ce même Luc a rendu témoignage que Joseph est père de Jésus lorsqu’il dit : « Son père et sa mère étaient dans l’admiration de ce qui se disait de lui. » Quelle raison y a-t-il donc de mentionner comme père celui qui en réalité ne fut pas son père ? Si l’on se contente d’une explication élémentaire, on dira : le SaintEsprit a honoré du titre de père celui qui avait nourri le Sauveur. Mais qui cherche un sens plus profond peut dire ceci : la généalogie du Christ part de David pour arriver h Joseph et, pour que Joseph ne paraisse pas nommé en vain, celui qui n'avait pus été effectivement le père du Sauveur est appelé « père » du Seigneur et. l’ordre généalogique garde ainsi son sens . * «Son père et sa mère étaient donc dans l’admiration de ce qui se disait à son sujet», tant par l’ange que par la multitude de l’année céleste et par les bergers. A entendre toutes ces merveilles, ils étaient saisis d’une très grande admiration. La paternité de Joseph. 2. L’Écriture dit ensuite : «Si­ meon les bénit et dit à Marie sa mère : Voici que cet enfant a été établi pour la chute ct le relèvement d’un grand nombre en Israël et. pour être un signe de contradiction. La chute et le relèvement d’un grand nombre. c'est par l'intermédiaire de Joseph que Jésus sc rattache à David. Ct. In Rom. com.. 1, 5. PG 1 1. 85U c. 252 0K1GÈNE contradicetur. Et tuam ipsius animam pertransibil gladius, ut revelentur ex mullis cordibus cogitationes. Quomodo Salvator in ruinam el in resurrectionem multorum venerit, est contemplandum, [ Qui simpliciter exponit, potest dicere in ruinam eum venisse infidelium et in resurrectionem credentium.] Qui vero curiosus interpres est, dicit nequa­ quam cum cadere, qui ante non steterit. Da mihi igitur, qui fuerit ille, qui steterit, et in cuius ruinam Salvator advenerit, nec non et eum, qui consurgat. Nam utique ille consurgit, qui ante corruerat. [Videndum est itaque, ne forte Salvator non aliis atque aliis in ruinam venerit et in resurrectionem, sed eisdem et in ruinam et in resur­ rectionem venerit.] In iudicium, ait, ego veni, ut, qui non videbant, videant et, qui videbant, caeci fiant a. Est enim in nobis aliud, quod videbat prius et postea videre desivit, et aliud, quod non videbat et postea coepit videre. Verbi gratia, volo videre illis oculis, quibus antea non videbam et qui mihi postea reserati sunt, quoniam post inoboe­ dientiam et Adam et Evae oculi sunt aperti, de quibus superiori sermone tractavimus. 3. Nunc autem interpretandum, quid sibi velit hoc, quod ait : Ecce, hic positus est in ruinam et in resurrec­ tionem multorum in Israhcl. [Me oportet primum cadere et, cum cecidero, postea bene surgere, ne Salvator causa mihi fuerit malae ruinae. Sed propterea cadere me fecit, ut consurgam, et multo mihi ruina utilior fuerit, quam illud tempus, quo videbar stare. J Stabam enim peccato eo tempore, quo peccato vivebam ; et quia peccato stabam, a. Jn, 9, 39 I. Vofo indique le désir de l'homme charnel et s’entend de notre Mtuntlon de pécheur. lui lecture note, selon certains manuscrits, désignerait, au con­ traire, le refus du regard charnel. De toute façon, te sens généra) de ce SUR S. LUC, HOMÉLIE XVI!, 2-3 253 Et un glaive te transpercera l’âme afin que soient révé­ lées les pensées intimes d’un grand nombre. » Comment le Sauveur est-il venu « pour la chute et le relèvement d’un grand nombre », tel doit être l’objet de notre con­ templation. Suivant une explication élémentaire, on peut dire qu’il est venu «pour la chute» des infidèles et le « relèvement » des croyants. Mais une interprétation approfondie de l’Ecriture reconnaît que, pour faire une chute, il faut auparavant être debout. Indiquez-moi donc qui se lient debout, « pour la chute » de qui le Sauveur est-il venu et qui peut sc relever. Il est évident que, pour se relever, il faut être auparavant tombé à terre. Aussi il faut bien se rendre compte que le Sauveur n’est pas venu «pour la chute» des uns et «le relèvement» des autres mais « pour la chute et le relèvement » des mêmes personnes. « Je suis venu, dit-il, pour accomplir le juge­ ment et pour que ceux qui étaient aveugles voient, et que ceux qui jouissaient de la vue deviennent aveugles a. » Il y a toute une part de nous-mêmes qui auparavant jouissait de la vue (spirituelle) et qui a cessé de voir et une autre qui était aveugle et qui ensuite se mit à voir. C’est ainsi que je veux 1 voir avec des yeux (charnels) qui auparavant étaient aveugles et qui par la suite sc sont ouverts, puisque, après la désobéissance d’Adam et d’Eve, leurs yeux (charnels) s'ouvrirent, comme nous l'avons exposé dans la précédente homélie. 3. Mais il faut expliquer maintenant cc que veut dire ce texte : « Voici qu’il a été établi pour la chute et le relè­ vement d’un grand nombre en Israël. » Il me faut d’abord tomber, et, une fois tombé, bien me relever pour éviter que le Sauveur n’ait été pour moi cause d’une chute fu­ neste. Mais c’est pour que je me relève qu’il m’a fait tom­ ber et cette chute aura été beaucoup plus utile pour moi que la période où je paraissais me tenir debout. C’est le péché qui me faisait tenir droit à l’époque où je vivais du péché ; mais parce que je me tenais droit, appuyé sur passnge est clair, surtout si Ton sc souvient de l'homélie précédente. Voir notes 1 et 3, p. 2-16. 254 Ô1UGÉNE prima mihi utiiitas fuit, ut caderem cl. peccato morerer. Denique cl sancti prophetae, quando augustius aliquid contemplabantur, cadebant in faciem suam ; propterea autem cadebant, ut peccata per ruinam plenius purga­ rentur. Hoc ipsum et Salvator tibi primum concedit, ut corruas. Ethnicus eras, cadat in te ethnicus ; diligebas scorta, primum iri te scortator intereat ; peccator eras, cadat in te peccator, ut possis dehinc resurgere ct dicere : ό·ΐ commortui sumus, et convivemus “. ct : si conformes facti sumus mortis, conformes ct resurrectionis erimus ”. 4. Iste igitur in ruinam et in resurrectionem multorum positus est in Israhel, hoc est in his, qui plena possunt acie et ratione conspicere, et in signum, cui contradicetur. Omnibus, quae narrat historia dc Salvatore, contradi­ citur. Virgo mater est, signum est, cui contradicitur : Marcionitae contradicunt huic signo et aiunt penitus eum de muliere non esse generatum ; Hebionitae contradicunt signo, dicentes cx viro et muliere ita natum esse, ut nos quoque nascimur. Habuit corpus humanum, ct hoc si­ gnum est, cui contradicitur : alii enim dicunt euin venisse de caelis, alii tale, quale nos, corpus habuisse, ut per similitudinem corporis etiam nostra corpora redimeret a peccatis et daret nobis spem resurrectionis. Resurrexit a a. II Tim., 2, II b. Rorn., 6, 5 1. CC. Itoni. XVI. 9. 2. Allusion à l'étymologie d’Israël, qui signifierait · voir Dieu ·. Cette interprétation est traditionnelle depuis Philon ; cf. Clament d’Alex an vu ik, Pécfag., Γ. 56, 3, SC 70, p. 213, note 11. Origène a retenu cette signification:· /n Gen. hom.t XV, 3, SC Ί, p. 210 ; lu Num. hom.. XI. 4, SC 2D, p. 216 et hom. XVII, 4, p. 351 et plus loin frag. 28 ct 42g. Voir F. Wlîz, < Onomastica Sacra », TU II (1914), p. 88-89 ct p. 526. On sait toutefois rpic le texte biblique donne un autre sens au mot Israël, après ta lutte de Jacob avec fange (Gen. 32. 29). 3. Marcion et ses disciples refusaient ΓΑ. T. et ainsi n’accordaient aucune valeur au temps des préparations : ils étaient lugiipies avec leurs principes en rejetant aussi l’humanité de Jésus à qui ils refusaient toute naissance charnelle. Origène, au contraire, englobe en une mémo défense la réalité de son corps dc chair ct la réalité de sa préparation en Israel. SUR S. LUC. HOMÉLIE XVII, 3-4 255 le péché, il me fut très utile tout d’abord de tomber et de mourir au péché *. D’ailleurs les saints prophètes eux-mêmes, lorsqu’ils avaient une vision grandiose, tom­ baient la face contre terre ; c’est pour cela qu'ils tom­ baient à terre, pour expier plus pleinement leurs péchés par cette chute. A loi aussi le Seigneur t’a d’abord ac­ cordé la grâce de tomber. Tu étais païen, que le païen en toi tombe ; tu aimais les prostituées, que le débauché en toi meure ; tu étais pécheur, que le pécheur en toi tombe afin que lu puisses ensuite te relever et dire : «Si nous sommes morts avec lui, avec lui aussi nous ressuscite­ rons a » et « Si nous avons/partagé sa mort, nous partegérons aussi sa résurrection b. » 4. Π a donc» été établi pour la chute ct le relèvement d’un grand nombre en Israël », c’est-à-dire de ceux qui ont un regard pénétrant et spirituel 2, et «il a été établi comme un signe de contradiction. «Tout ce qui est raconté dans l’histoire du Sauveur est objet de contradiction. Une vierge est mère, voici un signe de contradiction ; les Marcionites s’opposent à ce signe et affirment avec insistance que le Christ n’est pas né d’une femme 3 ; les ftbionit.es 4 s’opposent à ce signe et disent qu’il est né d’un homme et d’une femme, comme c’est le cas pour notre naissance à nous. Il eut un corps humain, voilà encore un signe de contradiction : les uns disent que ce corps est venu du ciel®, les autres qu’il cul un corps absolument, comme le nôtre, pour racheter du péché nos corps eux-mêmes avec un corps semblable aux nôtres B et nous donner l’espoir de la résurrection. Il est ressuscité des morts, voilà encore Le signe de contradiction. •1. Les Ébionites sont des « pauvre * ·, des chrétiens judaïsants. Voir leurs théories, DTC, art. Ébionites, coi. 1987-1995, ct J. Daniéloi*. Théologie du JudéfrChristianismC' p. 68-76. b, Cf. bom. XIV, note 2, p. 221. 6. Cet argument est chez les Pères Fargument majeur contre le docétisme : Jésus est authentiquement homme» sans quo! il n’aurait pris pu vraiment racheter l'humanité. On trouve le même raisonnement dans l'E/rfrdicn avec H&aclide. SC 67, p. 71. 256 ORIGENE mortuis, et hoc signum est, cui contradicitur : quomodo resurrexerit, utrum ipse et talis, qualis mortuus est, an certe in melioris substantiae corpus resurrexerit ; 5. el est infinita contentio, aliis dicentibus : fixuram clavorum Thomae monstravit in manibus suis, aliis e regione tractantibus : si idem corpus habuit, quomodo clausis ingressus esi ostiis el stetit . * Vides igitur, quemadmodum argumentis variis etiam resurrectionis eius quaestio conci­ tetur, et sit signum, cui contradicitur. Ego el hoc, quod prophetarum ore praedictum est, puto signum esse, cui contradicitur ; sunt enim plures haeretici, qui asserunt eum a prophetis penitus non fuisse praedictum. Et quid me ncccsse est multa prosequi ? Omnia, quae de eo nar­ rat historia, signum est, cui contradicitur, non quo con­ tradicant hi, qui credunt in eum — nos quippe omnia scimus vera esse, quae scripta sunt — sed quia apud incredulos universa, quae de eo scripta sunt, signum sit. cui contradicitur. 6. I Deinde Simeon ait : el luam ipsius animam perlransibit gladius. Quis est iste gladius, qui non aliorum tan­ tum, sed etiam Mariae cor pertransiit ?J Aperte scribitur, quod in tempore passionis omnes sint apostoli scandali­ zati, ipso quoque Domino dicente : omnes vas scandali­ zabimini in node hacb. Ergo scandalizati sunt universi in tantum, ut Petrus quoque, apostolorum princeps, terlio a. Jn, 20, 2G b. Mc, 14, 27 1. Cette seconde opinion sur le corps ressuscité est celle d'Origtae. La continuité entre le corps terrestre et le corps glorieux tient à une είδος σωμα­ τικόν ou à un λόγος σπερματικός. non à la matière qui ne définit inêmc pas le corps terrestre (elle est en lui dans un flux perpétuel) et ne saurait en rien convenir ù un corps glorieux puisqu’elle est principe de limitation et d’inflrmité. L'opinion opposée, qui exige la même matière dans lo corps ter­ restre et dans le corps glorieux, est attestée par Méthode d’Olympc. 2. 11 s'agit toujours des marcionites. 3. Le glaive qui transperce rame de la Vierge représente pour Origène le doute et le scandale qu'éprouvera Marie au moment de la Passion. Lu pré­ tendue infidélité de Marie semble établie sur un double argument : a) si SUR S. LUC, HOMÉLIE XVII, 4-1» 257 un signe de contradiction : comment est-il ressuscité ? Avec son propre corps mortel ou bien a-t-il sans doute retrouvé un corps formé d’une substance supérieure 1 ? 5. Et les discussions se multiplient, à l'infini, les uns disent : il a montré à Thomas la place des clous dans ses mains ; les autres objectent au contraire : s’il a repris le même corps, comment « est-il entré toutes portes fermées et s’est-il trouvé là α » ? Vous voyez donc par la variété des arguments comment la Résurrection elle-même sou­ lève des controverses et devient signe de contradiction. Pour ma part, je pense que les prédictions des prophètes sont également un signe de contradiction, puisque plu­ sieurs hérétiques affirment que le Christ, n’a nullement été annoncé par les prophètes 2. D’ailleurs est-il nécessaire de poursuivre longtemps ? Tout ce que l’histoire raconte du Sauveur est signe de contradiction ; contradiction non pas pour ceux qui croient en lui, car nous savons bien que tout ce qu’allirme l’Ecriture est vrai ; mais, pour les incroyants, tout ce qui a été écrit au sujet du Christ est signe de contradiction. 6. Siméon dit ensuite : « Un glaive te transpercera l’âme à loi aussi. » Quel est ce glaive qui a transpercé le cœur des autres et également celui de Marie 3 ? L’Ecriture dit clairement qu’au temps de la Passion, tous les Apôtres ont été scandalisés au sujet du Christ. Le Seigneur même l’a dit : «Tous vous serez scandalisés cette nuit » Oui, tous ont été scandalisés au point que Pierre lui-même, le Le scandale de Marie. h's Apôtres et spécialement «urit Pierre furent scandalisés, la Vierge n’a pas <1Λ échapper à cette défaillance ; l>) si la Vierge n’a pas é»6 atteinte par le doute, comment a-t-elle pu être rachetée ? C’est le omnes peccauerunt de saint Paul. qui. en afllnnuiil l’unlycrsalité du péché, rend difficile l’intelli­ gence de l’impcccahilité de Marie. Cf. In Ps. 21 corn., PG 12. 125“ c. Ori­ gène n’a toutefois trouvé aucun péché en Marie. Voir Introd., p. 55-56. Cette interprétation du glaive comme tentation contre la foi est commune à plusieurs Pères. Voir Basile, Ep. 260, PG 32, 967 a; Cyhjllk u’Ai.exannntB, /n Luc. corn.. PG 72, 505 c, cl /ri Jo. corn., PG 7-1, 661 h-663 a ; TnComrrB u’Axcyre, PG 77, I «00 b; Psecpo-Cickysostomu, In Ps. 13 com., PG 55, 555: Psrudo-Ny$sr, PG 16. 1176 b. ÛlUGÈXE. S. Luc. 1? 258 0R1GE.NE dcnegarit. Quid putamus, quod scandalizatis apostolis rnatcr Domini a scandalo fuerit immunis ? Si scandalum in Domini passione non passa est, non est mortuus lesus pro peccatis eius. Si autem omnes peccaverunt et indigent gloria Dei, iustificati gratia eius et redempti utique et Maria illo tempore scandalizata est. 7. Et hoc est, quod fnunc Simeon prophetat dicens : el luam ipsius animam, quae scis absque viro peperisse te virginem, quae au­ disti a Gabriele : Spiritus sanctus veniet super te, et virtus Altissimi obumbrabit libi , * perlransibit infidelitatis gla­ dius et ambiguitatis mucrone ferieris, et cogitationes tuae te in diversa lacerabunt, cum videris illum, quem Filium Dei audieras cl sciebas absque semine viri esse generatum, crucifigi et mori et suppliciis humanis esse subieclumj et ad postremum lacrimabiliter conquerentem atque dicentem : Pater, si possibile est, perlranseat calix iste a me °. Et tuam ergo animam perlransibit gladius. 8. [Ut revelentur ex multorum cordibus cogitationes. Cogi­ tationes erant malae in hominibus, quae propterea reve­ latae sunt, ut prolatae in medium perderentur et inter­ fectae atque emortuae esse desinerent, el occideret eas ille, qui pro nobis mortuus est. Quamdiu enim abscon­ ditae erant cogitationes nec prolatae in medium, impos­ sibile erat eas penitus interfici. Unde et nos si peccave­ rimus, debemus dicere : peccatum meum notum feci tibi, el iniquitatem meam non abscondi.\ Dixi : annuntiabo iniuslitiam meam contra me Domino d. Si enim hoc fece­ rimus et revelaverimus peccata nostra non solum Deo, sed et his qui possunt mederi vulneribus nostris atque peccatis, delebuntur peccata nostra ab eo, qui ait : ecce, a. Rom., 3, 23 (31), 5 b. I.c, 1, 35 c. Matth., 26, 39 d. Ps. 32 1. Allusion à lu pénitence ecclésiastique, qu’il ne faut sans doute pas entendre au sens de pénitence privée ». comme une absolut ion secrète. SUR S. I.UC, HOMÉLIE XVII, 0-8 259 chef des Apôtres, a renié Jésus trois fois. Pourquoi pen­ ser que, si les Apôtres ont été scandalisés, la mère du Sei­ gneur, elle, a été préservée du scandale ? Si, pendant, la Passion du Seigneur, elle n’a pas été sujette au scandale, Jésus n’est pas mort pour ses péchés, mais si « tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu, si tous sont jus­ tifiés et rachetés par sa grace a », Marie aussi fut à ce moment-là sujette au scandale. 7. Et c’est ce que Siméon prophétise maintenant : « Et ton âme à toi » qui sais avoir enfanté dans la virginité, sans le concours d’un homme, qui as entendu Gabriel te dire: « Le Saint-Esprit viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre b », « le glaive » de l'infidélité la «transpercera», tu seras blessée par la pointe de l’incertitude cl tes pensées te déchireront en tous sens ; celui que tu avais entendu nommer Fils de Dieu el que tu savais être né sans l’in­ tervention d’aucun homme, lu le verras crucifié, en train de mourir, soumis aux supplices inventés par les hommes et. pour finir, pleurer et se plaindre en disant : « Père, si c’est possible, que ce calice s’éloigne de moi °. » Un glaive te transpercera l’âme. Le éché 8’ ** ^fin tIue soænl révélées les pen. 1, sées d’un grand nombre. » Les pensées mis a nu. , . ». · x · des hommes étaient mauvaises, mais elles ont. été dévoilées et mises au grand jour, pour être détruites, tuées définitivement, anéanties, et mises à mort par celui qui est mort pour nous. De fait, tant que nos pensées étaient cachées el qu’elles n’étaient pas mises au jour, il était impossible de les anéantir parfaitement. C’est pourquoi nous aussi, si nous avons péché, nous de­ vons dire : « Je vous ai fait connaître ma faute et je ne vous ai pas caché mon iniquité. J’ai dit : à mes dépens, je confesserai au Seigneur ma propre injustice d. » Si donc nous faisons cet aveu et si nous découvrons nos fautes non seulement à Dieu mais à ceux qui peuvent guérir nos blessures et nos fautes *, nos péchés seront Cf. K. Rahnp.u, . La doctrine d’Origéne sur lu Pénitence ». RSR 37 (1950), p. 452-455. 260 ORIGÈNE delebo ut nubem iniquitates luas et sicut caliginem peccata tua a. 9. Post Simconis prophetiam, quia necesse erat, ut mulieres etiam salvarentur, venit prophetes mulier, de qua scribitur : et erat Anna prophetes, filia Phanuel, de tribu Aser. Quam pulcher ordo · Non venit ante virum mulier, sed primus venit Simeon], qui apprehendit infan­ tem et tenuit in brachiis suis, deinde mulier, cuius non sunt quidem verba digesta, sed dictum est generaliter, quod confessa sit Domino et locuta de eo omnibus, qui exspectabant redemptionem Hierusalem. [Et iusle sancta mulier spiritum prophetandi meruit accipere, quia longa castitate longisque ieiuniis ad hoc culmen adseenderat. 10. Videte, mulieres, testimonium Annae, c|. imita­ mini illud ! Si quando vobis evenerit, ut perdatis viros, considerate, quid de ea scriptum sit : septem annis vixit a virginitate sua cum viro et reliqua ; proptcrca prophetes fuit ; neque enim ut libet et fortuito Spiritus sanctus habi­ tavit in ea. Bonum est ct. primum, si qua potest virgini­ tatis gratiam possidere ; si autem hoc non potuerit, sed evenerit ei, ut perdat virum, vidua perseveret. Quod qui­ dem non solum post mortem viri, sed etiam, cum ille vivit, debet habere in animo, ut etiam, si non evenerit voluntas ipsius et propositum, a Domino coronetur] ct dicat : hoc voveo atque promitto, si mihi humanum aliquid, quod non opto, contigerit, nihil aliud faciam, quam incontaminata et vidua perseverem. Nunc vero et secundae et tertiae et quartae nuptiae, ut de pluribus taceam, in ecclesia reperiuntur, et non ignoramus, quod tale coniugium eicict nos de regno Dei. Sicut cnirn ab ecclesiasticis dignitatibus a. Is., 44, 22 1. Comparer avec le commentaire de I Cor. 7. S, dans les « Chaînes exé· géliques », éd. J. Λ. Cramer, t. 5, p. 127, ou dans C. Jenkins, JTS 9, 1908· 1909, p. 503. SUR S. LUC, HOMÉLIE XVII, 8-10 261 détruits par celui qui a dit : « Voici que je disperserai comme une nuée vos iniquités ct comme un brouillard vos péchés n. » 9. Après la prophétie de Siméon, parce qu’il fallait que les femmes aussi soient sauvées, vint une prophétesse dont il est écrit : « Il y avait aussi Anne, une prophétesse, Cille de Phanuel, de la tribu d’Aser. » Quelle magnifique ordon­ nance ! La femme ne vient pas avant l’homme, Siméon passe le premier, lui qui saisit l’enfant et le tient dans ses bras ; suit la femme dont les paroles, à dire vrai, ne sont pas rapportées, mais dont il est dit d’une façon générale « qu’elle confessa le Seigneur et qu’elle parla de lui à tous ceux qui attendaient la rédemption de Jérusalem. » Et c’est à juste litre que celte sainte femme mérita de rece­ voir l’esprit de prophétie; une longue chasteté et des jeûnes prolongés lui avaient permis d’atteindre ce sommet. Anne, la prophétesse. 10. Voyez, femmes, le témoignage rendu par Anne et imitez-le. S’il vous arrivait, un jour de perdre votre mari, voyez, ce que dit l’Ecriture : « Après son mariage elle a vécu sept ans avec son mari», et le reste; aussi eut-elle le don de prophétie et ce ne fut pas à l’improviste et par hasard que le Saint-Esprit habita en elle. Il est bien en premier lieu, si on le peut, de conserver la grâce de la virginité x. Mais si on ne l’a pas pu et qu’on vienne à perdre son mari, il faut demeurer veuve. Et ce n’est pas seulement après la mort de son mari, c’est de son vivant meme, qu’on doit avoir ce désir pour qu’il soit couronné par Je Seigneur, mémo si cette volonté et ce propos ne se réalisent pas, et il faut dire :«Jc fais vœu ct je promets, s’il m’arrive un malheur que je ne souhaite pas, de ne rien faire d’autre que de garder la continence dans mon veuvage. » Mais maintenant on trouve dans l'Église des personnes qui se marient deux, trois ct même quatre fois pour ne pas dire plus ; nous n’ignorons pas que de tels mariages nous rejetteront hors du Royaume de Dieu. Car Mariage et virginité. 262 OHIGÈNR non solum fornicatio, sed et secundae nuptiae repellunt — neque enim episcopus nec presbyter nec diaconus nec vidua possunt esse digami -, sic forsitan et de coetu primitivorum immaculatorunique a, ecclesia, quae non habet maculam neque rugam· *, eicietur digamus; non quo in aeternum mittatur incendium, sed quo partem non habeat in regno Dei. 11. Memini, cum interpretarer illud, quod ad Corin­ thios scribitur : ecclesiae Dei, quae est Corinthi, cum omni­ bus, qui invocant. '■ eum, dixisse mc diversitatem esse eccle­ siae et eorum, qui invocant nomen Domini. Puto enim monogamum et virginem et eum, qui in castimonia per­ severet, esse de ecclesia Dei, eum vero, qui sit digamus, licet bonarn habuerit conversationem et ceteris virtutibus polleat, tamen non esse de ecclesia et dc co numero, qui non habet rugam aut maculam, aut quid istiusmodi, sed esse dc secundo gradu et de his, qui invocant nomen Do­ mini, et qui salvantur quidem in nomine lesu Christi, nequaquam tamen coronantur ab eo : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen d. a. Héb., 12, 23 d. I Pierre, 4, 11 b. Éphés.» 5, 27 c. I Cor., I, 2 1. Origène ne condamne pas les secondes noces mais, pour lui, les per­ sonnes qui sc remarient ne font pas partie des · parfaits ·, sans pour autant être hors dc PÉglisc, In .ter. hom., XX, GCS 3, p. 132-183. Origène juge les secondes noces comme une imperfection car elles sont, pour lui, le signe quo l’on n’a pas encore dominé ses passions. A cela il ajoute une raison mystique, le fait que le Christ n'a qu'une seule Epouse, {'Eglise, ct c'est précisément pourquoi les hommes remariés ne peuvent pas accéder aux dignités ecclé­ siastiques puisqu'ils doivent être le type du Christ. Cf. Fragments édités pur C. .Jenkins, loc. cil., p. 503-301; /n Maith. com., XIV, 22, GCS 10, p. 33G-338. SUR S. LUC. HOMELIE XVII, iÛ-ii 203 non seulement la fornication mais même les secondes noces nous écartent des dignités ecclésiastiques. En effet, ni un évêque, ni un prêtre, ni un diacre, ni une veuve ne peuvent s’être mariés deux fois. De même, qui s’est marié deux fois sera peut-être rejeté de rassemblée des «premiers-nés et des immaculés a » de l’Eglise «qui n’a ni tache ni ride h » ; non pas qu’il doive être jeté au feu éternel, mais il ne doit pas avoir de part au Royaume de Dieu *. 11. Je me rappelle, lorsque j’expliquais ce texte adressé aux Corinthiens: «/V l’Église de Dieu qui est à Corinthe et à tous ceux qui l’invoquent c », avoir parlé de la dif­ férence qu’il y a entre « l’Église » et « ceux qui invoquent le nom du Seigneur *. » Je pense en effet que ceux qui ne se sont mariés qu'une fois, ceux qui sont restés vierges et ceux qui persévèrent dans la chasteté font partie de l’Église de Dieu ; mais ceux qui se sont mariés deux fois, malgré leur bonne conduite et toutes leurs autres vertus, ne font pas partie de l’Eglise ni du nombre dc ceux «qui n’ont ni tache ni ride ni aucun défaut de cette sorte », mais ils sont placés au second rang avec «ceux qui in­ voquent le nom du Seigneur» cl qui sont sauvés au nom de Jésus-Christ, sans être pourtant couronnés par lui, «à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen d ». 2. On trouve trace du commentaire de ce verset de Γ/?ρ. aux Cor. dans les fragments de C. Jenkins, loc. cit.. p. 232. et dans J. Λ. ('.iumi:h, Catenae, t. 5. p. 7. Origène distingue ailleurs l’Église des « sans tache ■ et · ceux qui invoquent le nom du Seigneur ·. In Jo. com.. VI. 59. GCS 1. p. 167. Π Indique ainsi deux catégories de croyants : les parfaits, qui sont l’Église. éclairés directement par le Christ, ct · ceux qui invoquent ·, éclairés par l’in­ termédiaire de l’Église (les parfaits. Cf. IL Ciiouzel, Oriqèneet la · Connais, xance mys/tyue·, p. 478. HOMILIA XVIII Dc eo, quod scriptum est : Puer autem crescebat et conforta­ batur, usque ad eum locum, ubi ait : Nescitis, quoniam in patris mei oportet me. esse a ? 1. Natus est Dominus incus lesus, ct adseenderunt parentes eius Hierosolymarn, ut complerent ea, quae fuerant in lege praecepta, et offerrent pro eo par turturum aut duos pullos columbarum. Tenuit, eum brachiis suis Simeon, utduduin lectum est, ct prophetavit dc eo, quae narrat historia. Et postquam omnia ex more completa sunt, revertuntur parentes. Quotum lesus tunc agebat annum ? Utique adhuc parvulus erat ct tamen crescebat et confortabatur et replebatur sapientia et gratia ; nec­ dum quadraginta dies purgationis impleverat, necdum Nazareth venerat, et iam totam sapientiam recipiebat. [Potuit scriptura dicere : crescebat ct confortabatur, et acci­ piebat spiritum ; sed quia evacuaverat se. formam servi accipiens b, statim ut pro mundatione eius sacrificium oblatum est, id quod vacuefecerat, adimplevit |, non quo corpus cius illico maius fuerit effectum, sed quod sacratius quippiam demonstraretur, scriptura referente : puer autem crescebat et confortabatur et replebatur sapientia. a. Lc, 2, 40-49 b. Phil., 2, 7 1. Le grec fait mieux ressortir l'antithèse entre εχένωσεν et Lc vide appelle la plénitude. ’ Εδύνζτο Si sczsiv : πρόίζοπτε λαυιδάνωχ σοφίαν, άλλ * «πεί, ότε « ΰίνωσίν εαυτόν », ε·πεν « πληρούμε νον »,· Γνα δ<ίξη, οτ: Ο ίχίνωσεν ζα· ό.άμβανε χάλιν ταυτα άφ’ ων εζών ζεχενωτο. · L'Écriture aurait pu dire : Il progressait en sagesse, mais puisque. dès le début, H s'est vidé. clic dit : il était rempli aün de montrer qu’il remplit HOMÉLIE XVIII Sur le texte : L’Enfant grandissait et se fortifiait, jusqu’au passage : 2Ve savez-vous pas que je dois être dans la demeure dc mon Père a ? 1. Jésus mon Seigneur est. né, scs pa­ rents sont montés à Jérusalem pour accomplir les prescriptions de la Loi et offrir pour lui un couple de tourterelles ou deux petites colombes. Simeon l’a tenu dans scs bras, comme on l’a lu auparavant, ct a prononcé à son sujet, les prophéties que rapporte le récit. Quand tout fut accompli, selon l’usage, les parents reviennent. Quel était alors l’âge de Jésus ? 11 était encore petit enfant et pourtant «il gran­ dissait, se fortifiait et était rempli de sagesse ct de grâce ». Il n’avait pas encore accompli les quarante jours de puri­ fication, il n’était pas encore venu à Nazareth, que déjà il recevait la sagesse en plénitude. L’Écriture a pu dire : « 11 grandissait, se fortifiait et recevait Γ Esprit. » Mais parce qu’ «il s’était anéanti en prenant la forme d’es­ clave b », dès que fut offert le sacrifice pour sa purifica­ tion, il recouvra dans sa plénitude ce dont il s’était dé­ pouillé ‘, non qu’il se soit mis à grandir soudainement, mais en ce sens qu’il manifestait une plus grande sain­ teté scion ces mots de Γ Écriture : « L’enfant grandissait, La croissance de Jésus. ce dont il s’était vidé ct qu’il reprit cc dont il s’était vidé volontairement. > Origène conçoit ainsi la kénosc du Verbe : l’âme humaine de Jésus quitte, par amour peur son Épouse déchue, lu forme de Dieu qu’elle possédait par son union au Verbe ct prend la forme de l’esclave. In Matth. con\,% XIV, 17, GCS 10, p. 326 ; In Jer. hom.t X, 7. GCS 3. p. 77. Quant au Verbe, il est sur terre avec son âme participant à sa kénosc ct en même temps il reste dans le Père qui est comme sa demeure. In Jo· coin., 20, 1S, GCS 4, p. 350. Le Logos descend vers nous sans quitter son trône, C. Ceis., IV. 5, GCS 1. p. 277. 266 0R1GÈNE 2. Quaeramus, sicubi alibi de parvulo scriptum sit : crescebat el confortabatur, ut ex collatione inultorum, quid plus in Domino nostro dicatur, intellegere valeamus. Legimus de loanne : puer autem crescebat et confortabatur et tamen non additur : et replebatur sapientia, sed : con­ fortabatur spiritu. Hic vero de Domino : crescebat, inquit, el confortabatur et replebatur sapientia, el gratia Dei erat super eum. Haec omnia de puero, qui necdum duodecim annos impleverat, dicta sunt. Cum autem duodecim esset annorum, remanet Hieru­ salem. Parentes eius ignorantes quaerunt eum sollicite et non inveniunt. Quaerunt inter affines, quaerunt in comitatu, quaerunt inter notos, et in his omnibus non reperiunt. Quaeritur ergo lesus a parentibus suis, a patre, qui nutricius el comes fuerat Aegyptum descendentis, et tamen non slatim, ut quaeritur, invenitur. Non enim inter cognatos et carnis propinquos invenitur lesus, non in his, qui ei corporaliter iuncti sunt. In mullorum comitatu lesus meus non potest inveniri. 3. Disce, ubi eum quaerentes repererint, ut et tu quae­ rens cum loseph Mariaque reperias. Et quaerentes, inquit, invenerunt illum in templo. Non ubicunque in alio loco, sed in templo, neque in templo simpliciter, sed in medio doctorum, audientem et interrogantem eos. Et tu ergo quaere lesum in templo Dei, quaere in ecclesia, quaere cum apud magistros, qui in templo sunt et non egrediuntur ex eo ; a. ï.c, I, 80 1. Cette homélie et la suivante expriment le chant ilnulourcux de l'ùmc à la recherche de Jésus en même temps qu'elles nous montrent fittuéraire à «livre pour le découvrir. Voir F. Bertrand» La Mystique de Jésus chez Origine, p, CO-66. SUR S. LUC, HOMÉLIE XVIII. 1-3 267 se fortifiait et était rempli de sagesse. » 2. Cherchons s’il existe un autre passage de l’Écrilure où l’on rapporte à propos d’un enfant qu’il grandissait cl se fortifiait, pour que le rapprochement de plusieurs textes nous permette de saisir ce qui est dit de plus dans le cas de notre Seigneur. A propos de Jean, nous lisons : « L’enfant grandissait et se fortifiait a. » Le texte pourtant n’ajoute pas : « Il était rempli de sagesse », mais « il se fortifiait en esprit. » Saint Luc dit ici du Seigneur : « Il grandissait, sc fortifiait, était rempli de sagesse el la grâce de Dieu était sur lui. » Toutes ces paroles s’appliquent à l’enfant qui n’avait pas encore atteint ses douze ans. , , , , Mais, à l’âge de douze ans, il reste à A la recherche . nt i ι de Jésus Jerusalem, fse le sachant pas, ses pa­ rents Je cherchent avec inquiétude et ne le trouvent pas. Ils cherchent « parmi leurs proches parents », ils cherchent « parmi leurs compagnons de roule», ils cherchent «parmi leurs connaissances», mais, parmi tous ces gens-là, ils ne le trouvent pas. Jésus est donc recherché par ses parents et par son père nourricier qui l’avait accompagné quand il descendait en Égypte ; et pourtant ils ne le trouvent pas immédiatement dès qu'ils le cherchent. C’est qu’on ne trouve pas Jésus parmi scs parents et ses proches selon la chair ; on ne le trouve pas dans sa famille charnelle. Mon Jésus ne veut pas être trouvé dans la foule *. 3. Apprenez donc où l’ont trouvé ceux qui le cherchaient, pour qu’ac­ compagnant Joseph et Marie dans leurs recherches, vous puissiez le découvrir. « Et, nous dit l’évangéliste, à force de recherches ils le trouvèrent dans le temple. » Non pas n’importe où, mais « dans le temple » ; et pas simplement « dans le temple », mais « au milieu des docteurs qu’il écoutait et qu’il interrogeait». Vous aussi, cherchez donc Jésus « dans le temple » de Dieu, chcrchcz-le dans Γ Église, cherchez-le auprès des maîtres qui sont «dans Je temple» et qui n’en sortent pas. Si vous cherchez de cette façon, Où trouver Jésus ? 268 OIUGÈNK si enim ita quaesieris, invenies eum. Porro si quispiam se dicit magistrum esse et lesum non habet, iste nomine tan­ tum magister est, et ideo apud cum non potest inveniri lesus, verbum Dei ct sapientia. Inventus est, inquit, in medio doctorum. Quomodo in alio loco de prophetis scri­ ptum est, sic et nunc intellege in medio doctorum. Si, inquit, alteri revelatum fuerit sedenti, primus taceat a. In medio doctorum sedentem inveniunt cum, el non solum sedentem, sed et sciscitantem et audientem eos. Et nunc praesens est lesus, interrogat nos et audit loquentes. Et mirabantur, inquit, omnes. Super quo mirabantur ? Non super inter­ rogationibus eius, licet ct ipsae mirabiles erant, sed super responsionibus. Aliud est enim interrogare, aliud respon­ dere. 4. Interrogabat magistros et, quia interdum respondere non poterant, ipse illis, dc quibus interrogaverat, respon­ debat. Quod autem responsio non vicissitudinem sermo­ cinandi, sed doctrinam in scripturis sanctis sonet, lex divina te doceat.. Moyses loquebatur, Deus autem respon­ debat ei *voce . Responsio illa eorum erat, super quibus ignorantem Moysen Dominus instruebat. Interdum in­ terrogat lesus, interdum respondet, et sicut supra dixi­ mus, quamquam mirabilis eius interrogatio sit, tamen multo mirabilior est responsio. Ut igitur et nos audiamus eum et proponat nobis quaestiones, quas ipse dissolvat, obsecremus illum el cum labore nimio et dolore quaera­ mus, el tunc poterimus invenire, quem quaerimus. Non enim frustra scriptum est : ego et pater tuus dolentes quae­ rebamus te. 5. Oportet eum, qui quaerit lesum, non negle­ genter, non dissolute, non transitorie quaerere, sicut quaerunt, nonnulli et ideo invenire non possunt. Nos autem dicamus : dolentes quaerimus te. a. I Cor., 14, 30 b. Ex., 10, 10 SUR S. LUC, HOMÉLIE XVIII. 3-5 269 vous le trouverez. De plus, si quelqu’un prétend être un maître et ne possède pas Jésus, il ne possède que le titre de maître et c’est pour cela qu’on ne peut pas trouver auprès de lui Jésus, Verbe de Dieu et Sagesse. « On le trouva, dit Luc, au milieu des docteurs. » D’après un autre passage de l’Ecriturc au sujet des prophètes, comprenez ce que veut dire ici : « Au milieu des doc­ teurs. » « Si celui qui est assis, dit l’Apôtre, a une révéla­ tion, que le premier se taise a. » Ils le trouvent « assis au milieu des docteurs », et non seulement « assis », mais « les interrogeant ct les écoutant. » Maintenant encore, Jésus est ici : il nous interroge et nous écoute parler. « Tous étaient, dans l'admiration », dit Luc. u Qu’admiraientils » ? Non pas ses questions qui pourtant étaient admi­ rables, mais «ses réponses». Interroger est une chose, répondre en est une autre. 4. Jésus questionnait les maîtres, et comme de temps en temps ils ne pouvaient pas répondre, il répondait luimême à ses propres questions. « Répondre» ne veut pas dire simplement que l’on parle après un autre, mais cela signifie, dans Γ Écriture sainte, un enseignement, puisse la Loi divine te l’apprendre. « Moïse parlait et Dieu lui répondait par une voix b. » Par ce genre de réponse le Seigneur apprenait à Moïse cc qu’il ignorait. Tantôt Jésus interroge, tantôt, il répond et, comme nous l’avons dit plus haut, si admirables que soient ses questions, ses réponses sont plus admirables encore. Pour que nous puissions l’entendre nous aussi et qu’il nous pose des questions qu’il résoudra lui-même, supplîons-le, em­ ployons. à le chercher, un effort intense et douloureux ct nous pourrons alors trouver celui que nous cherchons. Ce n’est pas sans raison qu'il est dit dans Γ Écriture : « Ton père et moi nous te cherchions dans la douleur. » 5. Il faut en effet que celui qui cherche Jésus ne le fasse pas avec négligence el mollesse, d’une manière intermittente, comme le font certains qui le cherchent avec tous ces défauts ct, pour ce motif, ne le trouvent pas. Pour nous, disons : « Nous te cherchons dans la douleur. » 270 ORIGÈNE Et cum hoc dixerimus, ad laborantem animam nostram ct cum dolore quaerentem respondebit ct dicet : nescitis, quia in patris mei oportet mc esse? Ubi sunt haeretici, ubi impii atque vesani, qui asserunt non esse patris lesu Christi legem et prophetas ? Certe ïesus in templo erat, quod a Salomone constructum est, ct confitetur templum illud patris sui esse, quem nobis revelavit, cuius filium esse se dixit. Respondeant, quomodo alter bonus ct alter sit iustus Deus. Quia igitur Salvator Creatoris est filius, in commune Patrem Filiumque laudemus, cuius lex, cuius et templum est : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen a. a. I Pierre, 4, 11 SUR S. LUC, HOMÉLIE XVIII, 5 271 Et quand nous aurons dit ces mots, il répondra à notre âme, qui peine et cherche dans la douleur : « Ne savezvous pas que je dois être dans la demeure de mon père 12? » Où sont les hérétiques, où sont les impies ct les insensés qui affirment que la Loi et les Prophètes ne relèvent pas du Père de Jésus-Christ ? Il est certain que Jésus était dans le temple, construit par Salomon, et il affirme que ce temple est la demeure de son Père qu’il nous a révélé el dont il se dit le Fils. Qu’ils nous répondent, comment autre est le Dieu bon et autre le Dieu juste 8 ? Puisque le Sauveur est le fils du Créateur, louons ensemble le Père et le Fils de qui dépendent la Loi ct le temple el « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen a ». La demeure du Père. 1. Nous traduisons l’expression in patris met par < la demeure de mon Père ·. B s’agit très précisément du temple de .Jérusalem, figure de Γ Eglise. Si on retenait la traduction courante» « les affaires de mon Père ·. l’argument contre les hérétiques perdrait toute sa vigueur. L’expression iv τοί< τού, dans la koinè signifie d’ailleurs exactement « chez ». « dans la maison de ». On retrouvera la mémo argumentation dans Γλο/η. XX, 3, cl dims Cyhili.e i>’Ai.£XANDiub» In Luc. corn.. PG 72. 509 a. 2. Nouvelle réfutation du marcionismc ct de la gnose hérétique. HOMILIA XIX Rursum de co, quoi! scriptum est : Puer an leni crescebat et confortabatur, usque ad cum locum, ubi seniores in templo interrogat B. 1. Quia nonnulli, qui sanctae scripturae videntur cre­ dere, quasi in gloriam omnipotentis Dei divinitatem Salvatoris negant, iustum mihi videtur, ut ipsarum scri­ pturarum auctoritate doceantur in humanum corpus quid­ dam venisse divinum, et non solum in humanum corpus, sed in humanam quoque animam. Quamquam, si dili­ genter sensum intendimus scripturarum, plus aliquid anima illa habuit, quam ceterae hominum animae. Omnis quippe anima hominis, antequam ad virtutem veniat, vitiis sordidatur. Porro anima lesu nunquam peccati sorde maculata est. Siquidem antequam ad duodecimum aeta­ tis pervenerit annum, Spiritus sanctus de eo in Lucae scribit evangelio : Puer autem crescebat et. confortabatur et replebatur sapientia. Hoc hominum natura non recipit, ut ante duodecim annos sapientia compleatur. Aliud est partem habere sapientiae, aliud sapientia esse comple­ tum. 2. Non ambigamus ergo divinum aliquid in lesu carne apparuisse, et non solum super hominem, sed super omnem quoque rationabilem creaturam. [Et crescebat inquit. Humiliaverat enim se formam serai accipiens b, ct eadem virtute, qua se humiliaverat, crescit. a. Lc, 2, 40-46 b. Phil., 2, 7 1. Origène vise probablement l’adoptianisme, ime hérésie trinitnire qu pour sauvegarder l'Unité divine, afllrmo que seul h· Père est vraiment Diet k Fils n’csl qu’un homme divinisé, adopte par k Père. Cf. II. Ciiouztf Théologie tic ΓImage de Dieu chez Origène, p. 111. HOMÉLIE XIX Dc nouveau sur le texte : L’enfant croissait ct sc fortifiait, jusqu’au passage où il interroge les anciens dans le temple ·. 1. Puisque certains, qui ont l'air de croire h la sainte Écriture, nient la divi­ nité du Sauveur eu egard, disent-ils, h la gloire du Dieu tout-puissant *, il me semble juste de leur apprendre, en m’appuyant sur l’autorité de l’Écri­ ture elle-même, que quelque chose de divin est venu dans un corps humain ; et non seulement dans un corps hu­ main, mais aussi dans une âme humaine a. Du reste, à considérer avec soin le sens de l’Écriture, nous voyons que cette âme eut quelque chose de plus que les autres, car toute âme humaine, avant de parvenir à la vertu, est recouverte des souillures du vice. Or l’âme de Jésus n’a jamais été souillée par la tache du péché. La preuve en est qu’avant même qu’il eût atteint sa douzième année, le Saint-Esprit écrit à son sujet dans l’évangile de Luc : « L’enfant grandissait, se fortifiait et était rempli de sa­ gesse. » Il n’appartient pas à la nature de l’homme d’être rempli de sagesse avant l’âge de douze ans. Autre chose est d’avoir part à la sagesse, autre chose de la posséder en plénitude. 2. 11 n’y a aucun doute que dans la chair de Jésus est apparu un clément divin qui surpassait non seulement l’homme, mais aussi toute créature raison­ nable. «Il croissait», dit ΓÉvangile. « Il s’était humilié, en effet, en prenant la forme de l’esclave b » cl la même puisLa divinité de Jésus. 2. Sur la conception orlgénlennc de l’âme Je Jésus, voir H. Cuouzel. op. ert.· p. 129 et ss. Oiiige.xk, S. Lac. 18 274 ORIGÈNE Apparuerat infirmus, quia infirmum corpus assumpserat, ct. ob id iterum confortatur. Evacuaverat se Filius Dei, ct. propterca rursum completur sapientia. Et gratia. Dei erat super eum. Non quando venit ad adolescent iam, non quando manifeste docebat, sed adhuc cum esset par­ vulus, habebat gratiam Dei ; et. quomodo omnia in illo mirabilia fuerant, ita el pueritia mirabilis fuit, ut Dei sapientia compleretur. 3. Ibant itaque parentes eius iustta consuetudinem in Hie­ rusalem ad sollemnem diem Paschae. Et cum factus esset annorum duodecim. Diligenter observa, quia, priusquam duodecim esset annorum, sapientia Dei ct ceteris, quae de eo scripta sunt, complebatur. Cum ergo, ut diximus, duodecim esset annorum et iuxta morem dies sollemni­ tatis expleti essent el reverterentur parentes, remansit puer in Hierusalem et nesciebant parentes eius. Et hic sublimius quiddam, quam humana natura patitur, intel­ lege. Non enim simpliciter remansit ct. parentes cius, ubi esset, ignorabant, sed quomodo in loannis evangelio scri­ ptum est n, quando insidiabantur ei ludaei ct. elapsus est de medio eorum et non apparuit, sic et nunc puto reman­ sisse puerum in Hierusalem et parentes eius, ubi reman­ serit. ignorasse. Nec miremur parentes vocatos, quorum alter ob partum, aller ob obsequium matris et. patris meruerunt vocabula. 4. Sequitur : dolentes quaerebamus te. Non puto cos idcirco doluisse, quia putarent errasse puerum vel perm­ isse ; nec poterat accidere, ut Maria, quae sciebat, se de Spiritu sancto concepisse, quae el angelum loquentem et a. Cf. .In, 8, 59 ct 10, 39 SUR S. LUC, HOMÉLIE XIX, 2-4 275 sance qu’il avait employée à s’humilier, il remploya à grandir. Il était apparu faible, parce qu’il avait pris un corps faible et pour cela meme il recouvrait la force. Le Fils de Dieu «s’était anéanti», et pour cette raison il était à nouveau rempli de sagesse. « El la grâce de Dieu était sur lui. » Ce n’est pas quand il parvint, à l’adoles­ cence ni quand il enseignait en public, mais c’csl quand il était encore enfant qu’il possédait la grâce de Dieu ; ct comme tout en lui avait été admirable, aussi admirable fut son enfance au point de posséder en plénitude la sagesse de Dieu. 3. « Ses parents allaient donc, suivaut la cou tume. à Jérusalem pour célébrer la Pâq ue : Jésus avait, douze ans. » Remarquez bien qu'avant sa douzième année, il possédait déjà en plénitude la sagesse et les autres dons qui lui sont, attribués dans l’Écriture. Il avait donc douze ans, nous l’avons déjà dit, et quand, la fête achevée selon les usages, ses parents étaient sur le chemin du retour, « l’en­ fant à leur insu resta à Jérusalem. » 11 y a là, comprencz1c, un événement qui dépasse les limites de la nature humaine. Il ne faut pas dire tout, simplement : « Il resta », et ses parents ignoraient où il était, mais de même qu’il échappa aux Juifs ct disparut le jour où ils lui tendaient un piège, comme Je rapporte l’évangile de Jean a, ainsi aujourd’hui, l’enfant, à mon avis, reste à Jérusalem et scs parents ne savent pas où il est resté. Ne nous étonnons pas de voir appeler « parents » ceux qui avaient mérité le titre de père et de mère, l’une par sa maternité, l’autre par les services rendus. Jésus reste dans le temple. 4. Le .texte, continue : « Nous le cher. , . chions dans la douleur. » Je ne pense · · 1 pas qu’ils se désolaient parce qu’ils croyaient l’enfant perdu ou mort. Marie ne pouvait pas craindre que son enfant s’égarât cl se perdît, elle qui savait avoir conçu par l’opération du Saint-Esprit, qui avait été témoin des paroles de l’ange, de l’empressement ,La recherche . . . (le JvSUS . . 276 0B1GÈNB currentes pastores et Simeonern audierat, prophetantem, timeret, ne puerum perderet oberrantem. Abice hanc ; opinionem maxime de Joseph,] cui ab angelo praeceptum, fuerat, ut tolleret puerum et Aegyptum pergeret a, qui audierat : ne timeas tollere Mariam uxorem tuam ; quod enim in ea natum est, de Spiritu sancto est11. Nunquam ( fleri poterat, ut perditum formidaret infantem, queml divinum esse cognoverat. .Aliud quiddam dolor et quaes- i tio parentum, quam simplex lector inlclligit, sonat. ! 5. | Quomodo tu, si quando scripturas legis, quaeris in cis? sensum cum dolore quodam atque tormento, non quo j scripturas errasse aut perperam quid habere arbitreris, ] sed quod illae intrinsecus habeant veritatis sermonem atque rationem,] et tu nequeas invenire, quod verum est : ita et illi quaerebant lesum. ne forlc recessisset ab cis, ne relinquens cos ad alia transmigrassel et, quod magis] puto, ne revertisset ad caelos, cum ilii placuisset, iterum ' descensurus. ’Dolentes ergo quaerebant Filium Dei. Et, cum quaererent, non invenerunt, inter cognatos. Nequcj! enim poterat humana cognatio Dei Filium continere. U Non invenerunt inter notos, quia divina virtus maior crati notitia scientiaque mortali. Ubi igitur inveniunt eum ? ; In templo ; ibi enim invenitur Filius Dei. Si quando et tu quaesieris Filium Dei, quaere primum templum, illucj propera, ibi Christum, Sermonem atque Sapientiam, id est Filium Dei, reperies. a. Mat th., 2, 13 b. Mat th., 1, 20 1. Scion In suggestion de F. Petit, Recherches de Théologie ancienne d* médiévale 27 (1960), p. 362. nous avons retenu la leçon abice au lieu dd amove. 2. Chercher Jésus, c’est d'abord scruter FÉcrlture pour en découvrir le? sens spirituel qui est le sens vrai, quod verum est ; souvent chez OrlgèdS surtout dans le Commentaire sur le Cantique, l'illumination sur le sens dw l'itcrihire manifeste la présence de Jésus. Cf. Jn Cant. cam.. Ill, GCS 8» p. 202. Le sens spirituel. qu’Origènc d’ailleurs n'oppose pas ici au sens litté­ ral (car le sens littéral est lubméme spirituel), est donc lo véritable sens d®' SL’R S. LUC, HOMÉLIE XIX, 4-5 277 des bergers et de la prophétie de Simeon. Ecartez1 abso­ lument cette interprétation à propos de Joseph qui avait reçu de l’ange le commandement de prendre l’enfant et d’aller en Egypte a, qui avait entendu ces paroles : « Ne crains pas de prendre Marie pour épouse, car celui qui est né en elle est le fruit du Saint-Esprit b. » 11 ne pouvail pas craindre de perdre reniant, qu’il savait être Dieu. La souffrance des parents et les questions qu'ils se posent nous suggèrent un sens different de celui que saisit le lecteur ordinaire. 5. Si vous lisez quelquefois l'Écriturc, vous peinez et vous souffrez pour en chercher le sens ; vous ne pensez pas pour autant que l’Écriture se soit trompée ou contienne des assertions fausses, mais c’est qu’elle cache en elle une vérité spirituelle et que, vous, vous ne pouvez pas découvrir ce sens qui pourtant est le vrai *. Il en va de même pour Marie et Joseph, ils cher­ chaient Jésus, désolés à l’idée qu’il pouvait s’être éloigné d’eux, que, les ayant quittés, il était peut-être passé en d’autres lieux ou plutôt, selon moi, retourné au ciel pour en descendre à nouveau quand il le jugerait bon. Us cher­ chaient « dans la douleur » le Fils de Dieu. Et malgré leurs recherches, ils ne le trouvèrent pas « panni leurs proches » : la parenté humaine ne pouvait pas retenir le Fils de Dieu. Ils ne le trouvèrent pas a parmi leurs connaissances» : sa puissance divine dépassait la connaissance et la science des hommes. Où donc le trouvent-ils ? « Dans le temple»; c’est là en effet que l’on trouve le Fils de Dieu. Vous également, si vous cherchez un jour le Fils de Dieu, cherchez d’abord le temple, pressez-vous d’y aller et vous y trouverez le Christ, Verbe et Sagesse, c'est-à-dire Fils de Dieu ·. l'Écriturc. Voir plus loin. Λοιη. XXXIII, 2 : plus juxta sacramentum qttam /iix/a litteram verum esse quod dicitur, et dans le C. Cefe.» II, 69, GCS 1» p. 190 : • Dans les événements de la vie de Jésus, il ne faut pas s’arrêter nu sens immé­ diat et littéral de l’histoire, comme si toute la vérité y était enfermée. > Cf. aussi In Luc. XXI, note 2, p. 291. Sur cette question, voir les préci­ sions de vocabulaire données pur II. dk Lcbac, HE, p. 113-125 et ss. 3. Chercher Jésus, c’est aussi découvrir Γ Église. On notera, au passage. In richesse et l'équilibre de la pensée d’Origéne : l’Églisc et l’Écriture sont les signes de la présence de Jésus dans l’Unlvcrs, les lieux privilégiés de la ren­ contre avec le Christ. 278 ORIGÈNE 6. Quoniam vero parvulus erat, invenitur in medio praeceptorum sanctificans et erudiens eos. f Quia parvulus erat, invenitur in medio non eos docens, sed interrogans, et hoc pro aetatis olficio, ut nos doceret, quid pueris, quamvis sapientes et eruditi sint, conveniret,] ut audiant potius magistros, quam docere desiderent, et se vana ostentatione non iactent. Interrogabat, inquam, magis­ tros, non ut aliquid disceret, sed ut interrogans erudiret. Ex uno quippe doctrinae fonte manant et interrogare ct respondere sapienter; et eiusdem scientiae est scire, quid interroges quidvc respondeas. Oportuit primum Salva­ torem eruditae interrogationis magistrum fieri, ut postea interrogationibus responderet iuxla rationem Dei atque sermonem : cui est gloria et imperium in saecula saecu­ lorum. Arnen ft. a. I Pierre, ύ, Il 1. Les quaestiones c! responsiones constituent un véritable genre littô· raire. un peu artificiel, utilisé comme procédé d'exposition par les auteurs profanes aussi bien que par les Pères. Voir G. Hardy» < LO littérature pal ris· tique des quaestionem cl des responsionem sur ΓÉcriture Sainte ». KO, 1932 ct 1933. Nous trouvons «les traces de ce procédé dans nos homélies : dans l’ftom. X HI. 4» où In formule : diligens lector inquirat (ζητήσαι τ:ς) est suivie SUR S. LUC, HOMÉLIE XIX, G 279 , ,, 6. Parce qu’il était, tout petit, on Sagesse e . sus. lrouva « au milieu des maîtres », occupé à les sanctifier, à les former. Parce qu’il était tout petit., on le trouva «au milieu d’eux», il ne les enseignait pas mais « il les interrogeait. » En cela, suivant les obligations de son âge, il nous apprenait ce qui convient, aux enfants : tout sages ct instruits qu’ils soient, qu’ils écoutent leurs maîtres plutôt que de vouloir leur en apprendre et se mettre en avant par une vaine ostentation. Il interrogeait, dis-je, les maîtres, non pour s’instruire mais pour les for­ mer par ses questions. Interroger ct répondre avec sagesse découlent d’une seule ct môme source de doctrine ; c’est la marque d’une môme science de savoir quelles questions poser et quelles réponses donner '.lia fallu que le Sei­ gneur nous enseignât d’abord à interroger comme il faut, pour qu’ensuile il répondît, aux questions posées, selon le Verbe de Dieu, « à qui appartiennent la gloire cl la puissance dans les siècles des siècles. Amen ». * trois fois du mol quaeslio dans le développement qui suit ; dans Γ/tom. XIV» 3 : prophT purqatiotiem coru/n. quorum eorum ? suivi également du iiml quaestio ; même formule dans l’hom. XXIII, 1 : si,.. nulla quaestio oriretur. Oxins Phom. XXXIX, Je mot quaestio revient trois foi * (XXXIX, 1, 2 et 4>. On trouve enfin. pour Introduire une objection, quaeritur, porro quaeritur, p. ff. hom. XXIII, 4, formule stéréotypée, destinée à attirer l'attention des auditeurs. HOMILIA XX De eo, quod scriptum est : Quid quoniam quaerebatis me ? usque ad eum locum, ubi ait : conservabat Maria omnia oerba in corde suo a. 1. Quaerebant Maria et Joseph inter affines lesum et non inveniebant, quaerebant in comitatu el invenire non poterant. Quaesierunt in templo et non simpliciter in templo, sed apud magistros, el. in medio praeceptorum. inveniunt eum. Ubicunque magistri fuerint, ibi in medio magistrorum invenitur lesus, si tantum magister sedeat in templo el nunquam egrediatur cx eo. Profuit lesus magistris suis el cos, quos interrogare videbatur, docuit in medio eorum loquens. el quodammodo concitabat cos ad quaerenda, quae ignorabant, el inves­ tiganda, quae usque ad id locorum, utrum scirent, an igno­ rarent, nosse non poterant. 2. Invenitur ergo lesus in medio magistrorum et inven­ tus dicit quaesitoribus suis : Quid quoniam quaerebatis me? \Nesciebatis, quia in patris mei oportet me esse ? Pri­ mum simpliciter sentientes armemur adversus impios haereticos, qui dicunt non esse Conditorem patrem Christi lesu neque Deum legis et prophetarum. Ecce pater Christi Deus templi asseritur. Erubescant Valentiniani audientes lesum dicentem : in patris mei oportet me esse. Erubescant a. Lc, 2, 49-51 1. Le mot · maître · est évidemment pris dans le sens de didascales qui enseignent des disciples et non de possesseurs qui dominent des esclaves. 2. Pour tout ce qui concerne la gnose Valentinienne, consulter l'ouvrage de F. Sagnard, La gnose Valentinienne et le témoignage de S. Jrénée. Paris, 1947. HOMÉLIE XX Sur le texte : Pourquoi donc me. cherchiez-vous ? jusqu’au passage : Marie conservait toutes ces paroles dans son cœur a. 1. Marie et Joseph cherchaient Jésus ■ , .* , « parmi leurs proches » et ils ne le trou­ vaient pas ; ils le cherchaient « parmi leurs compagnons de route » et ils ne pouvaient pas le trouver. Ils allèrent le chercher « dans le temple » et pas simplement « dans le temple » mais « auprès des maîtres » ; de fait, c’est « au milieu des maîtres» qu’ils le trouvent. Partout où il y a des maîtres, c’est là, au milieu d’eux, que l’on trouve Jésus, à condition toutefois que le maître 1 soit assis « dans le temple » et n’en sorte jamais. ,, . , Jésus retrouve. Jésus rendit service à scs maîtres et, ceux qu’il semblait interroger, il les a enseignés en parlant « au milieu d’eux ». En un sens, il les stimulait à chercher ce qu’ils ignoraient et à découvrir des vérités dont, jusqu'ici, ils étaient inca­ pables de savoir s’ils les connaissaient ou s’ils les igno­ raient. 2. On trouve donc Jésus «au milieu des maîtres » et, une fois découvert, il dit à ceux qui le cherchaient : « Pour­ quoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il faut que je sois dans la demeure de mon Père ? » Nous en tenant d’abord au sens le plus simple, armons-nous contre l’impiété des hérétiques qui prétendent que ni le Créa­ teur ni le Dieu de la Loi et des Prophètes n’est Père de Jésus-Christ. Or voici affirmé que le Père du Christ est le Dieu du temple. Qu'ils rougissent done de confusion, les Valentiniens2 en entendant les paroles de Jésus : « Il faut que je sois dans la demeure de mon Père. » Qu’ils Jésus au milieu des docteurs. 282 OniGÈNF. omnes haeretici, qui cvangelium recipiunt J secundum Lucam et, quae in co sunt scripta, contemnunt. Haec, ut dixi, sint intellecta simplicius. 3. Quoniam vero infertur : ipsi autem non intellexerunt sermonem, sensum scripturae diligentius ventilemus. [Sic erant stulti et insipientes, ut nescirent, quid diceret, quia hoc, quod ait : in patris mei me esse oportet, significaret in templo ? \n aliud quiddam altius significat,] et quod magis aedificet audientes, unusquisque nostrum si bonus fuerit atque perfectus, possessio Dei Patris est ? Gene­ raliter igitur de omnibus Salvator docuit, quod non de­ beat esse alibi nisi in his, qui patris sunt. Si quis vestrum Dei Patris est, habet in medio sui lesum.] Credamus quippe dicenti : quoniam, in patris mei me oportet esse. [Et magis rationabile atque vivens et verum templum Dei hoc esse suspicor, quam illud, quod typice terreno opere constructum est. Unde in illo templo ut typice fuit, ita recessit et typice. Egressus est enim de templo a terreno dicens : ecce, relinquetur vobis domus vestra deserta h, et relinquens illam domum venit ad possessionem Dei Patris, ecclesias in toto orbe dispersas,] et dicit : in patris mei me oportet esse. Tunc ergo non intellexerunt verbum, quod locutus est eis. 4. Simul et illud attendite, quod, quamdiu in posses­ sione patris sui fuit, sursum erat. Et quia necdum ple­ nam fidem loseph et Maria habebant, propterea sursum a. Matth., 24, 1 b. Matth., 23, 38 1. Cf. hom. XVIII. note 1. p. 271. 2. Encore un exemple du mouvement d'intériorisation déjà rencontré dans ITiom. VII, voir note 2, p. 160. Voir un développement plus explicite mais d’inspiration analogue dans un texte de Clément d’Alexandrie {PG 9, 768-769) étudié par C. Moxdüsert. RSR 3G (1949), p. 580 et ss. Sur la signM fleation spirituelle du Temple, lire J. Daniélou, Le signe du Temple. Purin 1942 ct Y. CONGAfi, le Mystère du Temple, Paris, 1958. p. 181 ct ss. Nous rencontrons ici un des grands thèmes orlgéniens : celui de la naissance et de la croissance du Christ dans les âmes. Ci. II. Bahxer. · Die Lettre der SUR S. LUC, HOMÉLIE XX, 2-4 283 rougissent de confusion tous les hérétiques qui admettent l’évangile selon Luc ct méprisent cc qu’il contient. Voili» exposé le sens le plus simple de cc passage *. 3. Mais, puisque le texte porte : «Ils ne comprirent pas ces paroles », étudions avec plus de soin le sens de F Écriture. Ils manquaient d’intelligence et de sagesse au point de ne pas savoir cc que Jésus voulait dire : car ces paroles « être dans la demeure de mon Père » signifiaient-elles « être dans le temple », ou bien ces mots ont-ils un sens plus profond, capable d’édifier davantage les auditeurs. Cha­ cun de nous, s'il est bon et parfait, appartient à Dieu le Père, Et ainsi d’une façon générale, à propos de tous les hommes, le Sauveur nous a appris qu’il ne doit pas se trouver ailleurs qu’on ceux qui appartiennent au Père. Si l’un d'entre vous appartient à Dieu le Père, il possède Jésus en lui. Ayons donc foi en la parole de Jésus : « Il faut que je sois dans la demeure de mon Père. » Et je pense qu’il y a là un temple de Dieu plus spirituel, plus vivant et plus vrai que le temple construit à litre de symbole, par la main des hommes a. Ainsi, tout comme la présence de Jésus dans le temple, sa sortie également a un sens symbolique3. « Il sortit du temple a » terrestre en disant : « Voici votre maison abandonnée cl déserte ” » et, délais­ sant cette maison, il s’en alla dans le domaine de Dieu le Père, c’est-à-dire dans les églises dispersées sur toute la surface de la terre et dit : « 11 faut que je sois dans la demeure de mon Père. » « Ils ne comprirent pas la parole qui leur avait été adressée. » 4. Faites donc attention en même temps à ceci : tant qu’il s’est trouvé dans le domaine de son Pore, il était sur les hauteurs et Joseph et Marie qui n’avaient pas encore La demeure du Père. Kirchonviiter von der Geburl Christi in Herzen der Glnübigen », dans Ztilschr. fur kalh. T/ieûhf/ie 59 (1935), p. 351-359. Le Logos grandit ou diminue dans l’àme chrétienne seton le degré de sa vertu on do son péché. 3. L’adverbe typice. · symboliquement », · de manière figurative », a le sens technique que lui donne le vocabulaire de l’exégèse spirituelle qui est typologique ; le type annonce la réalité. 284 ORIGÈNE cum eo permanere non poterant, sed dicitur descendisse cum eis. Crebro lesus descendit cum discipulis suis, nec semper versatur in monte nec absque fine sublimia tenet. In monte cum Petro est. cum lacobo. cum loanne a, et rursum in alio loco cum ceteris discipulis. Porro quia non valebant hi, qui variis aegrotationibus laborabant, in montem conscendere, idcirco descendit el venit b ad eos, qui deorsum erant. Nunc quoque scribitur : descendit cum eis et venit Nazareth ct subiciebatur cis. 5. Discamus, filii, subiecli esse parentibus nostris : maior minori subicitur, qui, quia maiorem loseph vide­ bat aetate, propterea eum parentis honore coluit, [ omni­ bus filiis exemplum tribuens, ut subiciantur patribus ct, si patres non fuerint, subiciantur his, qui patrum hono­ rem habent.] Quid loquor de parentibus ct filiis ? Si lesus Filius Dei subicitur loseph et Mariae, ego non subiciar episcopo, qui mihi a Deo constitutus est paler, non sub­ iciar presbytero, qui mihi Domini dignatione praepositus est. ? Puto, quod intellegebat loseph, quia maior se erat lesus, qui subiciebatur sibi, et sciens maiorem esse sub-, iectum trepidus moderabatur imperium. Videat ergo a. Cf. Lc, 9. 28 b. Cf. Matth., 8, 1 1. Ce passage sur la foi imparfaite de la Vierge (cf. /torn. XVII. note 3» p. 256) pent sembler étrange au premier abord» car .la plénitude de grâce en Marie lui communique aussi la plénitude des vertus. Tout en reconnaissant les imprécisions de la théologie orlgénlenne sur ce point, on peut toutefois comprendre que les progrès dans l'intelligence de la foi ne sont pas Je signe d’une imperfection, au contraire, puisque, selon Origène, la perfection de la créature spirituelle consiste dans un incessant progrès orienté vers la * con templa t Ion permanente du Logos. Ici. en liaison avec l’allégorie des montées et des descentes, c’est tout le mystère de la Transfiguration qui est évoqué. Jésus descend dans la plaine pour guérir les malades qui le voient « sans apparence ni beauté ■ parce qu’ils n’ont pas les yeux spirituels qui permet­ traient do saisir dans l'homme la divinité du Verbe. Pour voir Dieu, dans le Christ, il faut, comme les trois Apôtres, gravir la montagne où Jésus apparaît transfigure. Dans ce texte, Mario et Joseph no sont pas comptés au nombre des simples croyants car ils ont déjà gravi la montagne, ils so trouvent à Jérusalem ; iis font partie des « progressants » qui no peuvent SCR S. LL’C, HOMÎÎLIE XX, 4-5 285 une foi entière ne pouvaient pas, par )c fait même, de­ meurer avec lui sur les hauteurs *. Aussi est-il dit qu’il descendit avec eux. Souvent Jésus descend avec ses dis­ ciples ; il ne se tient pas toujours sur la montagne et n’oc­ cupe pas indéfiniment les sommets. Il est sur la montagne avec Pierre, Jacques cl Jean a, mais de nouveau il rejoint, dans un autre endroit, le reste des disciples. Et comme ceux qui souffraient de maladies de toutes sortes n’avaient pas la force de gravir la montagne, « il descendit et vint b » vers ces gens qui demeuraient en bas2. Main­ tenant aussi il est écrit : « Il descendit avec eux, vint à Nazareth et il leur était soumis. » .La soumission , , 5. Apprenons, Ids, à être soumis à , , . , de Jésus n0S parents : le plus grand se soumet au plus petit; voyant Joseph plus âge que lui, Jésus pour cela l’honora du respect que l’on doit h un père, donnant à tous les fils un exemple de soumission à leur père ou, s’ils sont orphelins, à ceux qui détiennent l’autorité paternelle3. Pourquoi parler des parents et des enfants ? Si Jésus, le Fils de Dieu, est soumis à Joseph et à Marie, moi, je ne serais pas soumis à l’évêque, que Dieu m’a donné pour père ? Je ne serais pas soumis au prêtre préposé par le choix du Seigneur ? Je pense que Joseph comprenait que Jésus lui était supérieur tout en lui étant soumis, et, connaissant la supériorité de son infé­ rieur, Joseph lui commandait avec crainte et mesure. Que pas rester indéfiniment sur les hauteurs car. sur cette terre, Dieu ne sc commimique dans l’extase que de façon transitoire. Cf. horn. VU, note 1, p. 156. Sixth DK Sibnn'b, Hibliolh. Sanctae, L. G. annot. MO. comprend ainsi cc texte d’Origèm· : la plénitude de la foi représente la connaissance entière de tous les mystères du Christ que la Vierge n’avait pas encore à ce moment, mais clic possédait une foi très assurée de tout ce qu’elle pouvait alors con­ naître de son Fils. 2. Retenons ce conseil dOrlgène : < Quand nous lisons l'Éeriturc. il nous faut remarquer, en chaque passage, l’emploi des mois monter ct descendre >, Zn Gen. horn., XV. 1, SC 7. p. 237. 3. Nous préférons dans le texte latin la leçon du ms. C. honorem, au lieu de aetatem des autres mss, conservée par Raucr. Honorem traduit mieux Gîcîç : dans le grec sont opposés les parents naturels, του; γονιί; τού; Çjset ct les parents d’adoption, τού; 8;osi. 286 ORIGINE unusquisque, quod saepe melioribus praepositus sit in­ ferior et nonnunquam accidat, ut ille, qui subiectus est, melior sit eo, qui sibi videtur esse praepositus. Quod cum intellexerit dignitate sublimior, non elevabitur superbia ex eo, quod maior est, sed sciet ita sibi meliorem esse subiectum, quomodo et lesus subiectus fuit loseph. 6. Deinde sequitur : [Maria autem conservabat omnia verba haec in corde suo. Plus aliquid quam de homine sus­ picabatur ; unde et custodiebat omnia verba eius in corde suo,j non quasi pueri, qui duodecim esset annorum, sed eius, qui de Spiritu sancto conceptus fuerat, quem vide­ bat proficere sapientia el gratia apud Deum el homines. lesus proficiebat sapientia et sapientior per singulas vide­ batur aetates. Nunquid sapiens non erat, ut sapientior fieret ? An quoniam evacuaverat se, formam servi acci­ piens », id, quod amiserat, resumebat et replebatur vir­ tutibus, quas paulo ante assumpto corpore visus fuerat relinquere ? Proficiebat ergo non solum sapientia, sed aetate. Est et aetatis profectus. Duae inscripturis feruntur aetates, altera corporis, quae non est in potestate nostra, sed in lege naturae ; altera animae, quae proprie in nobis sita est, iuxta quam, si volumus, cotidie crescimus 7. ct ad summitatem eius venimus, ut non simus ultra parvuli et fluctuantes et qui circumferamur omni vento doctrinae ”, sed esse parvuli desinentes incipiamus esse viri atque dica­ mus : quando factus sum vir, destruxi ea, quae erant par­ vuli0. Huius, ut dixi, aetatis profectus, qui incrementum habet animae, in nostra est potestate. Si autem hoc non sufficit testimonium, etiam aliud de Paulo sumamus exem­ plum : donec perveniamus, inquit, omnes in virum pcrfeca. Phil., 2, 7 b. Éphés., 4, 14 c. I Cor., 13, 11 1. Ksl-il besoin de souligner l'actualité pcrnuincnla cr$onne)lc ; ce simple rappel peut éviter des étonnements et des révoltes inutiles. 2. Même développement, In Lev. hom., XII, 2, GCS 6, p. 457. Voir Je début de l'ftom. XI» p. 189. SUR S. LUC, HOMÉLIE XX, 5-7 287 chacun y réfléchisse : souvent un homme de moindre va­ leur est placé au-dessus des gens meilleurs que lui, cl. il arrive quelquefois que l’inférieur a plus de valeur que celui qui semble lui commander ». Lorsque celui qui est élevé en dignité aura compris cela, il ne s’enflera pas d’or­ gueil à cause de son rang plus élevé mais il saura que son inférieur peut être meilleur que lui. tout comme Jésus fut soumis à Joseph. 6. Le texte poursuit : « Marie conser·. . . 1 , > vait toutes ces paroles dans son cœur. » Elle soupçonnait qu il y avait la quelque chose qui dépassait l'homme. Aussi « conservait-elle dans son cœur toutes les paroles de son Fils », non comme les paroles d un enfant de douze ans, mais bien comme les paroles de celui qui avait été conçu du Saint-Esprit, de celui qu’elle voyait « progresser en sagesse et en grâce aux yeux de Dieu et des hommes ». Jésus « progressait en sagesse» et d’année en année il paraissait plus sage. N’était-il donc pas sage pour progresser en sagesse ? Ou bien « parce qu’il s’était anéanti, prenant la forme de l’es­ clave a », recouvrait-il ce qu’il avait perdu? Retrouvait-il eu plénitude les vertus qu’il avait semblé abandonner auparavant, lors de son incarnation ? « Il progressait » donc non seulement « en sagesse » mais « en âge ». Car il y a aussi un progrès en âge. L’Écriture nous parle de deux sortes d’âges : l’âge physique qui ne dépend pas de nous mais que régit une loi naturelle, l’âge spirituel qui est vraiment en notre pouvoir 2 ct selon lequel, si nous le voulons, nous pouvons croître chaque jour 7. et parvenir jusqu’à la perfection, « au point de ne plus être de petits enfants ballottés et emportés à tout vent de doctrine b » ; cessant d’être « des enfants », commençons à devenir rr des hommes» : « Devenu homme, j’ai fait disparaître ce qui appartenait à l’enfance c. » Le progrès de ccl âge, c'està-dire la croissance spirituelle, dépend de nous. Si ce pre­ mier témoignage ne suffit pas, prenons un autre exemple chez Paul : « Jusqu’à ce que nous soyons parvenus à l’état d’homme parfait, dans la force de l’âge qui réalise la pic- , . . Les progrès . ta, , 288 ORIGÈNE tum. in mensuram aetatis plenitudinis corporis Christi . * In nobis ergo est, ut ad mensuram perveniamus aetatis cor­ poris Christi ct, si in nobis est, omni labore nitamur depo­ nere parvulum et destruere illum el ad aetates reliquas pervenire, ut nos quoque audire possimus : Iu autem ibis ad patres tuos cum pace, nutritus in senectute bonab, utique spiritali, quae est vere senectus bona, canescens et ad finem usque perveniens in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen c. a. Éphés., 6, 13 b. Gcn., 15, 15 c. I Pierre, 6, 11 1. Des textes comme celui-ci ont fait accuser Origène dc pélagianisme ou de semi-pélagianisme. Jérôme en particulier fuit ce reproche ù Origène : voir F. CavaLLHRA, Sain! JMine. t. Il, p. 120-126. En fait, si ce passage ne semble pas contenir toutes les nuances voulues, il ne faut pas oublier qu’il a été écrit avant les controverses sur la grâce : Origène n’a pas prévu le sens pélagicn que pourrait prendre plus tard telle ou telle de ses formules. 11 veut tout simplement souligner que, par opposition au monde de la nature 289 SUR S. LUC, HOMÉLIE XX, 7 nitude du corps du Christ1*.» Il est donc en notre pouvoir « de parvenir à la mesure de l’âge du corps du Christ 1 », el, si tel est notre pouvoir, travaillons dc toutes nos forces ù dépouiller cl à détruire ce qui en nous appartient à l’en­ fance pour atteindre les autres étapes dc la croissance cl pouvoir entendre nous aussi ces paroles : « Tu iras en paix auprès de les pères, ayant vécu une heureuse vieillesse b », vieillesse spirituelle bien sûr, qui est vraiment la bonne vieillesse, vieillesse chenue 8 qui trouve son achèvement dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la puissance ct la gloire dans les siècles des siècles. Amen c ». physique, régi par les lois du déterminisme, l’esprit est liberté. Cf. hom. Ill, note I, p. 120 et hom. Xi. note 1. p. 188. Voir liUBT, in PG 17, 919 ct ss. La liberté est d’ailleurs le domaine du κατ’ t:x4ya, c’est-à-dire, selon les catégories orlgénicnnes. participation à l'imago dc Dieu. Ci. il. Crouzjkl. TMologie de ΓImage dc Dieu chez Origène, p. 13-14 ct 244. 2. l a véritable vieillesse est perfection spirituelle. Cette idée sc trouve esquissée dans les Propertes. 20, 29, VEccïMaettque, 25. 3-6 et surtout dans le Livre dc la Sagesse, 4. 8Ό, mais tout le développement sur les différents âges spirituels est très origénicn. Cf. In Jos. hom., XVI, 1, SC 71, p. 358 ct ss. ÛRioisr. S. Luc. 19 HOMILIA XXI De eo, quod scriptum est : Quintodecimo anno imperii Tiberii Caesaris, usque ad eum locum, ubi ait ; redas facite semi­ tas eius 1. [Quando ad ludacos tantum sermo propheticus mit­ tebatur, ludaici reges ponebantur in titulo. Verbi gratia : Visio, quam vidit Isaias filias A mos adversus ludaea/n et adversus / / ierusaient, in regno Oziac et loath am et Achaz et Ezechiae b ; ncc alium quemquam, exceptis ludaeae regibus, Isaiae video tempore designatum. In quibusdam prophetis et Israhel reges legimus, sicut ibi : el in diebus Hieroboam filii, loas regis Israhel e. Quando vero sacra­ mentum evangelii praedicandum erat et in toto orbe evangelium disseminandum, cuius princeps Joannes in eremo fuit, el orbem terrarum Tiberii regebat imperium, tunc in quintodecimo eius anno verbum Domini ad Ioannem. factum esse describitur. El si tantum his, qui de nationibus credituri erant, annuntianda salus fuisset, et penitus excludendus Israhel, suffecerat dicere : in quin­ todecimo anno Tiberii Caesaris, praeside ludaeae Pontio Pilato. 2. Quia vero et de ludaea et de Galilaea multi credituri erant, idcirco et haec regna ponuntur in titulo diciturquc : tetrarcha Galilaeae Herode, et Philippo fratre eius tetrarcha n. Lc, 3, 1-4 1>. Ie., 1, 1 c. Amos, 1, 1 I. < Avant l'arrivée de mon Seigneur Jésus-Christ, le soleil ne sc levait pas pour tout le peuple d’Israel. Λ l'intérieur de la Judée, était enfermée la science de Dieu, comme dit le Prophète : ■ Dieu est connu en Judée », Jn Ps· coin., PG 12, 1536 b. Jean-Baptiste, le dernier des prophètes, la HOMÉLIE XXI Sur le texte : La quinzième année du règne de Tibère César, jusqu’au passage : Aplanissez ses sentiers 11. 1. Quand les prophéties ne s’adres, , saient qu au peuple juif, seuls les rois de Juda étaient mentionnes dans leur litre x, par exemple : « Vision que vil Isaïe, fils d’Amos, contre la Judée et contre Jérusalem sous les règnes d’Osias et de Jonathan, d’Achaz et d’Ézéchias h. » Et, mis à part les rois de Judée, je ne vois personne antre men­ tionné au temps d’Isaïe. Dans quelques prophètes, nous lisons aussi les noms des rois d'Israël, comme dans ce pas­ sage : « Et dans les jours de Jéréboam, fils de Joas, roi d'Israël c. » Mais quand il s’est agi de publier le mystère de l'Evangile 2 et de répandre sur toute la terre la bonne nouvelle dont Jean, au désert, fut le premier messager, alors que l’Empire de Tibère gouvernait le monde, «la quinzième année de son règne, la parole du Seigneur », dit. l’Ecriture, « fut adressée à Jean. » Si le salut avait dû être annoncé aux seuls païens qui allaient embrasser la foi et si Israël avait dû en être totalement exclu, il eût sulli de dire : « La quinzième année de Tibère César, Ponce-Pilate étant gouverneur de la Judée. » 2. Mais comme beaucoup de croyants devaient venir aussi de Judée et de Galilée, ces royaumes sont, également mentionnés dans le titre : « Hérode étant tétrarque de τ ,λ lampe qui annonce la Lumière répandue sur le inonde entier, dilate les ironItères de la connaissisncc de Dieu. 2. Le N. T. est aussi mystère et doit être reçu comme tel. Après avoir cherché avec soin le sens exact du texte. Il faut encore en découvrir la signi­ fication mystique. « transformer l'évangile sensible en évangile spirituel >f Jn Jo. coai., I, S, GCS 1. p. 13. L'histoiro signifie le mystère. Ci. H. de Lvn\c, HE, p. 206 et ss. 292 ORIGENE Ituraeae et Trachonitidis regionis, et Lysania tetrarcha Abilenae,] sub principibus sacerdotum Anna et Caipha, fa­ ctum est verbum Domini ad loanncm, filium Zachari.ae, in deserto. Olim verbum Dei fiebat ad II ieremiam, filium Chelciae, qui erat de sacerdotibus Λ tempore illius vel illius regis ludac ; nunc 'sermo Dei fit ad loanncm, filium Zachariae, qui nunquam factus est ad prophetas in deserto. Sed quia plures filii credituri erant desertae quam eius, quae habet virum b, idcirco factum est. verbum Dei ad Ioan· nem, filium Zachariae, in deserto.] 3. Simulque considera, quod magis rationem habeat, si mystice intellegatur desertum et non secundum sim­ plicem lilcram. [Qui enim in deserto praedicat, superflue facit ibi vociferari, ubi se loquentem nullus exaudiat. Praecursor ergo Christi el vox clamantis in deserto prae­ dicat in deserto animae, quae non habet, pacem. Non solum autem tunc, sed etiam in praesenti primum lucerna ardens el lucens c venit ct praedicat baptisma poenitentiae in remissionem peccatorum ; deinde lux vera d subsequi­ tur, quando lucerna ipsa loquitur : illum oportet crescere, me autem minui e. Fit verbum Dei in deserto, ct venit a. Jér., 1, 1 b. Gal., 4, 27; Is., d. Ju, 1, 9 e. Jn, 3, 30 c. Jn, 5, 35 1. Le grec précise davantage la signification mystique du désert : Ουδέποτε « γέγονε ρήμα Οέού >» έπί τινα τών προφητών « ίν τή έρημο» >·, <’· μη *'3 μόνον δ'ά revd μυστ:χήν θεωρίαν, Έπε-.δή δε ήμελλε « πολλά τα τέκνα τής ερήμου μάλλον .·· είναι, * τουτ εστι τής ; ξ εθνών εκκλησίας, « ήπερ τής Ιχούσης ώς α-δρα » τον νόμον, τής Ιουδαίων φηα: συναγωγής. δια τούτο « ίγενετο ρήμα θεοΰ προς Ίωαννην έν τή έρήμω ». « Jamais la parole de Dieu ne s’est fait entendre à un prophète dans le désert, si ce n’est mainte­ nant. en un sens mystique. (Lc désert), c’est lu femme délaissée, c’cst-àdirc F Église des Gentils qui allait avoir plus d'enfants que celle qui a poui mari la loi, je veux dire lu synagogue des Juifs; c’est pourquoi la parole de Dieu s’adressait ù Jean dans le désert. · La même citation d’Isaïe est déji utilisée en ce sens par saint Paul (Cat. 1.27). Elle est reprise à nouveau dans l'ftorn. XXXIII, I. Sur la signiücatlon spirituelle du désert, voir une autre interprétation, hom. XI. note 1, p. 192. 2. Nous traduisons simplex lütcra ct plus loin, hom. XXXVII, I, simple historia par la formule, · le sens littéral pur et simple ·. U s’agit du seni SUH S. LUC, HOMÉLIE XXI, 2-3 293 Galilée, Philippe, son frère, étant tétrarque de l’Iturce et de la région de la Trachonitide, Lysanias étant tétrarque de l’Abilène, sous les grands prêtres Anne et Caïphe, la parole du Seigneur fut adressée à Jean, fils de Zacharie, au désert. » Jadis, «la parole de Dieu s’était fait entendre à Jérémie, fils d’Elchias, membre de la famille sacerdotale a », au temps de tel ou tel roi de Juda ; maintenant c’est « à Jean, fils de Zacharie, que s’adresse la parole de Dieu. » Or jamais elle n’avait été adressée aux prophètes «dans le désert». Mais «les fils de la femme délaissée » allaient embrasser la foi « en plus grand nombre que ceux de la femme mariée b. » Et c’est pour cette raison (pie «la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie, au désert. » , „ 4. 3. Remarquez en même temps que *' pre C ,.,,On_ la signification est plus riche si l'on e ean au ( esert. enlenj H désert » au sens spirituel1 et non selon le sens littéral pur cl simple 2. Car celui qui prêche « dans le désert » y dépense sa voix en pure perte, puisqu’il n’y a personne pour l’entendre parler. Le pré­ curseur du Christ, « la voix de celui qui crie dans le dé­ sert », prêche donc dans le désert de fame, privée de la paix 8. Aujourd’hui comme alors 4, « c’est une lampe ar­ dente ct brillante c » qui vient d’abord ct « prêche le bap­ tême de la pénitence pour la rémission des péchés ». « La lumière véritable d » vient ensuite quand la lampe ellemême dit : « 11 faut qu’il croisse ct que je diminue ®. » La , immédiat des mots, ce qu’Orlgène Appelle, ailleurs, le sens corporel, qu’il Lmt distinguer du sens littéral, tel que l’entendent les exégètes. Lc sens mystique, spirituel, est intérieur au sens corporel, cc qui ne idc en aucune façon In vérité historique de l’épisode considéré mais en dégage 1a signification symbolique qui est réalité. Cf. II. Chovzel, Ori/jènc et tu « Connaissance mystique », p. 245. note 5. 3. Interprétation différente, In Jo. com.. VI, 18. GCS 4, p. 127. Le désert de l’Amc, c’est l’âinc privée do Dieu et déserte de la Vérité. 1. Lc mystère de Jean est toujours actuel; cf. horn. IV, note 1, p. 135. Jean, figure de ΓΑ. T., doit Introduire le Christ et *$elTncer devant lui. Le pêché des Juifs est d’avoir refusé que ΓΛ. T. s'efface devant celui qu’il annonçait, Zn Lev. hom.. XII, 1. GCS 6, p. 455 ; Jn Jo. com., XXVIII, 12, GCS 4, p. 402; In Maith. corn., XV H. 11, GCS 10, p. 614. 294 ORIGÈNE ad omnem circaregionem Iordanis. Quae enim alia loca debuit circuire Baptista, nisi vicina Iordani, ut qui­ cunque voluisset agere paenitentiam, praesto esset ad lavacrum aquae ? 4. Porro Iordanis descendens interpretatur. Descendens autem et largo impetu currens fluvius Dei Salvator nos­ ter Dominus est, in quem baptizamur aqua vera, aqua salutari. In remissionem quoque peccatorum baptisma praedicatur : Venite catechumeni, agite poenitentiam, ut in remissionem peccatorum baptisma consequamini. [In remissionem peccatorum ille accipit baptisma, qui peccare desistit. Si quis enim peccans ad lavacrum venit, ei non iit remissio peccatorum. I Propterea obsecro vos, ne absque cautela et diligenti circumspectione veniatis ad baptismum, sed ostendatis primum fructus dignos poenitentiae ' Facite aliquid temporis in conversatione * bona, mundos vos a cunctis sordibus vitiisque servate, et tunc vobis remissio peccatorum fiet, quando coeperitis ct ipsi propria peccata contemnere. Dimittite delicta vestra, et dimittentur vobish. 5. Hoc autem ipsum, quod nunc de veteri instrumento ponitur, [in Isaia propheta scriptum legimus. Ibi enim dicitur : Vox clamantis in deserto : parate viam Domino, a. Lc, 3, 8 b. Cf. Le, 11, 4 1. Cette Interprétation se rencontre déjà dans Philon; Origène la men­ tionne aussi, lu Jo. com.., VI,-12. GCS 1. p. 151. Elle est reprise· par Jéhû.mu, Dc nom. hebr., PI. 23, 731 ; Jonas, 1. 5. SC 43, p. 107, ct conservée par Amuroisf., De Abr., 11,6,43, PL 14, 171 a; De interpet. Job ct David. II, 4, 14, ibid. 81C d et Emu·. itt Ps. 37, 10, ibid. 1013 <1. Voir F. Wutz, On»>mûstica Sacra, TU 41 (1914). p. 432 cl 745. 2. Origine insiste sur les dispositions intérieures necessaires au baptême, pour montrer que l'initiation chrétienne, il la différence des mystères païens, exige une conversion ct ne consiste pas en un rite magique. Cl. aussi lu Ez. hom.. VI, 5, GCS S, p. 3S3 ; In Num. hom., Ill, I, .SC 20, p. 00 et In Lev. horn., VI, 2, GCS 6, p. 361. Mais Origène enseigne, aussi l'cfllcacltc du sacre­ ment en lui-même, In Luc. fraom. 51, ct In Jo. com., VI, 33, GCS 4, p. 142. Voir sur ce sujet K. Rahner, «Taule und gelstlichen Leben bei Ori- SUH S. LUC, HOMÉLIE XXI. 3-5 295 parole de Dieu est proférée « dans le désert » et « s’étend à toute la région avoisinant le Jourdain ». Quels lieux le Baptiste devait-il parcourir, sinon les environs du Jour­ dain ct ainsi tous ceux qui voulaient faire pénitence étaient sur place pour recevoir l'ablution de l’eau. . 4. Jourdain veut dire « descente *. » .a préparât on j e fleuve (|e Dicu « qui descend » avec au baptême. la ■ puissance · i> . c· est . d un i large courant, notre Sauveur et Seigneur en qui nous sommes baptisés dans l’eau véritable, l'eau du salut. C'est aussi « pour la rémission des péchés » qu'il prêche le baptême : venez, catéchumènes, faites pénitence afin dc recevoir le bap­ tême pour la rémission des péchés. Il reçoit le baptême « pour la rémission des péchés », celui qui cesse de pécher. Mais quelqu’un vient-il au bain du baptême, endurci dans le péché, pour lui il n’y a pas de rémission des péchés *. Aussi, je vous en conjure, ne vous approchez pas du bap­ tême sans précaution ni réflexion attentive mais montrez d’abord «des fruits dignes dc la conversion3. » Ayez pen­ dant quelque temps une conduite honnête, gardez-vous purs de toute souillure et de tout vice : la rémission dc vos péchés vous sera accordée, lorsque vous vous serez mis vous aussi à mépriser vos propres péchés 3. « Quittez vos fautes ct on vous en tiendra quittes b. » 5. Le passage de l’Ancien Testament cité maintenant, nous le lisons dans le prophète Isaïe : « Voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, redressez Aplanir les sentiers. gènes ·. ZAM 7 (19.32). p. 205-223 et ks excellentes remarques dc H. von Balthasar» < Le Mysterlon d'Orlgène ·, HS H 27 (J 937), p. 55-58. 3. « Origène concevait une purification de conscience qui ne s’identifie pas simplement en fait avec la communication du Saint-Esprit, si bien qu’il pouvait attribuer cette purification à la préparation personnelle ou bap­ tême ct donner pour effet au sacrement même la communication du SaintEsprit. » K. Rahner, < La doctrine d'Origtac sur la Pénitence ·, RSH 37 (1950), p. 438-139. Les baptisés ne reçoivent que le typus tantummodo mys· tertorum sans leur virlus et ratio, In Horn, cam., V, 8, PG 14, 1040 b. Voir aussi Athanank, Lettres d Strapion, 4. 9-10, SC 15, p. 187-188. 296 ORIGÈNE reclas facile semitas eius a. Vult Dominus in vobis reperire viam, qui ut possit in vestris animabus ingredi et iter suum facere,] praeparate ei semitam, de qua dicitur : redas facile semitas eius . Vox clamantis in deserto. Vox clamat : praeparate viam; [prima enim vox ad aures per­ venit, deinde post vocem, iinmo cum voce, auditum sermo penetrat. J lux ta hunc sensum a loannc annuntiatus est Christus. Videamus ergo, quid vox de verbo annuntiet. Praepa­ rate, inquit, viam Domino. Quam viam Domino praepa­ remus ? rNumquid corpoream? Aut potest sermo Dei tali itinere pergere ? An intrinsecus via praeparanda est Domino, et in corde nostro rectae et aequales semitae componendae ?J Haec est via, per quam ingressus est sermo Dei, qui in humani cordis capacitate consistit. 6. Magnum est cor hominis et spatiosum et capax, si tamen mundum fuerit. Vis cius magnitudinem latitudinemque cognoscere : vide, quantam divinorum sensuum magnitudinem capiat. Ipse ait : Dedit mihi eorum, quae sunt, notitiam veram : scire rationem mundi et opera ele­ mentorum, principium et finem et medietatem sacculorum, temporum varietates et translationes mensium, annorum, circulos et siderum sedes, naturas animalium et furores bes­ tiarum, spirituum violentias ct cogitationes hominum, diver­ sitates arborum et vim * . radicum Vides non parvum esse cor hominis, quod tanta capiat. Neque in corporis quan­ titate, sed in fortitudine sensus magnitudinem eius intel­ lege, quae tantam scientiam capiat veritatis. 7. Ut autem a. Ts., 40, 3 b. Sag., 7, 17-20 1. Idée familière à Origène, te Verbe grandit en l'ftine si on lui en laisse la place. Cf. H. Crouzkl, Théologie de l'image . cîL, p. 280 ct ss. et p. 372-377. ton. okigèni·: 310 ponam, si quidem in cantico Exodi scribitur : Vertantur in lapides, donec pertranseal populus tuus, Domine, donec pertranseal populus tuus iste, quem possedisti Rogatur itaque Deus, ut paulisper gentes convertantur in lapides — hoc enim graecus sermo significantius sonat « àro/j.Ocôvτωσ«ν » — donec pertranseal populus ludaeorum. Haud dubium, quin postquam illi transierint, gentes lapideae esse cessabunt et pro duro corde recipient humanam in Christo rationabilemquc naturam :Jcui est gloria et impe­ rium in saecula sacculorum. Amen . * a. Ex., 15, 16 b. I Pierre, 'i, 11 1. Commentaire analogue, In Ex. hom., Vi, 9, SC 10, p. 157.15$ SLR S. LLC, HOMÉLIE XXII, 10 311 pos des pierres. Il est écrit dans le Cantique de 1* Exode : n Qu'ils soient changés en pierres tant que passe votre peuple, Seigneur, tant que passe voire peuple, dont vous avez pris possession û. » On prie Dieu que les Gentils soient un moment changés en pierres (car tel est bien le sens assez expressif du mot grec ά-ολιΟ^οντωσαν) «jusqu’à ce que passe le peuple » juif. 11 est hors de doute qu’après le pas­ sage des Juifs, les Gentils cesseront d’être « des pierres » 1 et, à la place de leurs cœurs durs, ils recevront une nature vraiment humaine et raisonnable * dans le Christ « à qui appartiennent la gloire ct la puissance dans les siècles des siècles. Ainenb». 2. En sc convertissant, les païens acquièrent une nature spirituelle, ratio­ nabilis nalura, ct deviennent ainsi homines (et. ύοπι. XXXVII, note 2, p. UW). La nature humaine se définit par sa participation au Logos. Si roZto traduit λόγος» rationabilis correspond à Àoycxoç et le mot λογικός aura un sens aussi riche et aussi varié, que λόγος. Voir C. MondéSRRT, · Voca­ bulaire de Clément d’Alexandrie, le mot λογίχο; ». RSR 42 (1954). p. 258 et ss. Cc qui est dans l'homme λογιχόν» c’est non seulement la rationalité rl l'intelligence, mais surtout ce qui le rattache Λ Dieu ct au Logos divin. HOMILIA XXIII De eo, quod scriptum est : Ecce, securis ad radicem arborum posila esi, usque ad eum locum, ubi ait : venerunt autem et publicani, ut baptizarentur ab eo a. 1. loanne» illo iam tempore loquebatur : ecce, securis ad radicem arborum posila est. Et si quidem iam ingrueret consummatio et temporum finis instaret, nulla mihi quaes­ tio nasceretur. Dicerem enim hoc, quod ait : ecce, securis ad radicem arborum posila est, et illud : omnis ergo arbor, quae non facit fructum bonum, praecidetur el in ignem mit­ tetur, proptcrca prophetatum, quia illo lernpore com­ plebatur. Cum autem tanta post saecula fluxerint et tam innumerabiles anni ab illo lernpore usque ad praesentem diem transierint, quomodo Spiritus sanctus in propheta dicat : ecce, securis ad radicem arborum posila est, debemus inquirere. Ego puto Israhelitico populo prophetari, quod praecisio eius vicina sit. Ilis enim, qui egrediebantur ad eum, ut baptizarentur, inter cetera loquebatur : facite fructus dignos poenitentiae, et quasi ludaeis dicebat : ne incipiatis dicere in vobismetipsis : patrem habemus Abra­ ham. Dico enim vobis, quia potest Deus de lapidibus istis suscitare filios Abraham. Hoc ergo, quod ait : ecce, securis ad radicem orborum posita est, ludaeis loquitur. 2. Cui sensui et Apostolicum illud congruit fractos esse ab hac securi infidelitatis ramos atque succisos, ut ampu­ taret ex arbore non radicem, sed ea, quae de radice pul­ lulaverant, ut in radicem pristinae arboris rami possint oleastri inseri »>. Omnis ergo arbor, quae non facit frudum a. Lc, 3, 9-12 b. Cf. Rom., 11, 17 HOMÉLIE XXIII Sur le texte : Voici que la cognée est à la racine de l'arbre, jusqu’au passage : Or des publicains vinrent aussi se faire baptiser par lui tt. 1· ^ès cc t-cmps-là, Jean disait : « voici que la cognée est a la racine des arbres. »Si la consommation des siècles était imminente et la fin des temps prochaine, je n’aurais pas de questions à me poser : je dirais que ces mots : « Voici que la cognée est à la racine des arbres j», ainsi que ccl autre verset : ■i Tout, arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu », sont des prophéties de ce qui s’accomplis­ sait en ce temps-là. Mais bien des siècles se sont écoulés el des années sans nombre ont. passé depuis cc temps-là jusqu’à nos jours, aussi faut-il se demander comment Je Saint-Esprit a pu dire par son prophète : « Voici que la cognée est à la racine des arbres. » Pour ma part, je pense que cette prophétie annonce au peuple d’Israel qu'il va bientôt être retranché. Car « à ceux qui sortaient pour se faire baptiser», Jean disait entre autres choses : «Pro­ duisez des fruits qui soient dignes de la conversion », et s’adressant à eux comme à des Juifs : « Ne vous mettez pas à dire en vous-mêmes : Nous avons Abraham pour père, car je vous le dis, Dieu peut de ces pierres mêmes susciter des fils à Abraham. » Ces paroles : « Voici que la cognée est à la racine des arbres», s’adressent aux Juifs. 2. Ce verset rejoint d’ailleurs la pensée de l’Apôtre : ce sont les rameaux infidèles que cette cognée a brisés et tranchés; de la sorte, ce n’est pas la souche de l’arbre qui a été amputée, mais les gourmands issus de la souche, pour que sur la souche de l’arbre ancien on puisse greffer les sauvageons1*. «Tout arbre qui ne produit pas de bons . «Uf Λ·ΐ^η 314 origène bonum, praecidetur et in ignem mittetur. Hunc enim finem habet, ut incendio concremetur. Deinde [ 1res ordines inducuntur sciscitantium loannem super salute sua : unus, quem scriptura appellavit popu­ los exeuntes ad baptisma, alius, quem publicanos nominat, tertius, qui militum appellatione censetur. Interrogabant eum turbae dicentes : Quid faciemus ? Qui respondens aii eis : Qui habet duas tunicas, det ei, (pii non habet, el qui habet cibos, similiter faciat, quod quidem nescio, si tur­ bae conveniat praecipi. 3. Magis enim apostolis quam vulgo congruit, ut qui duas tunicas habet, unam tribuat non habenti. Et ut scias magis hoc apostolis convenire quam populis, audi, quid a Salvatore dicatur ad eos : neque duas tunicas tollatis in via a. Duplex itaque vestimentum, quo unusquisque vestitur et praecipitur, ut alterum tribuat non habenti, aliam intel­ legentiam sonat. Vult enim nos Salvator, quomodo non debemus duobus dominis servire b, sic nec duas habere tunicas nec duplici veste circumdari, ne sit unum indu­ mentum veteris hominis et alterum novi.] E contrario autem cupit, ut exspoliemus nos veterem hominem et indua­ mus novum Hucusque facilis expositio est. 4. ‘Porro quaeritur, quomodo iuxta hanc interpreta­ tionem iubeatur nobis non habenti tribuere vestimentum. Quisnam est ille, qui ne unum quidem super carnem suam indumentum habet, qui nudus est. qui omnino nulla veste coopertus ? Neque vero hoc dico, quo non praecipiatur a. Matth., 10, 10 b. Lc, 16, 13 ; Matth., 6, 24 c. ColJ 3, 9-10 1. On trouve une formule identique· « τρία ταγματα ». chez Cyiihxi In Luc. corn., PG 72, 517 b, reproduite cfrin.% les Chaîne extfgétlqucs, J. Λ. Ckamkr, Catenae, t. 11, p. 30. 2. Sur la videur de quaeritur, ct. hom. XIX, note 1. p. 278. d'Alexandrie. SUR S. LUC, HOMELIE XXIII, 2-4 315 fruits sera donc coupé ct jeté au feu » ; c’est, ainsi qu’il doit finir, consumé dans les flammes. ,La prédication , Sont introduites ensuite trois caté, , . . . ,* _ , _ goncs 1 de personnes qui viennent de Jean-Baptiste. b ,, Jean , 1. . , 1 consulter sur ,leur salut : la pre­ mière que Γ Ecriture a appelée : « Les foules qui sortent pour se faire baptiser» ; une autre qu’elle nomme : « Les publicains », et la troisième qu’elle désigne du nom de « sol­ dats ». « Les foules l’interrogeaient en disant : Que faut-il faire ? Il leur répondit : Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a pas ; que celui qui a des vivres fasse de même. » Je me demande pourtant si de pareils préceptes conviennent à la foule. 3. Car c’est un devoir pour les Apôtres plutôt que pour Je peuple de donner une de scs tuniques à celui qui n’en a pas, quand on en pos­ sède deux. Et pour que vous sachiez que ce conseil con­ vient aux Apôtres plutôt qu’aux foules, écoutez ce que le Sauveur leur dit : « N’emportez pas deux tuniques pour la roule a. » A C’est pourquoi ces deux vêlements . emportez pas jont on est revêtu. dont on doit céder deux tuniques. 1 un a celui . · · qui n en a pas, ont une autre signification. De même que nous «n’avons pas deux maîtres à servir b n, le Sauveur ne veut pas nous voir pos­ séder deux tuniques ni nous envelopper d’un double vêle­ ment. car l’un serait le vêtement du vieil homme, l’autre, celui de l’homme nouveau. Il désire vivement au contraire que « nous nous dépouillions du vieil homme pour nous revêtir de l'homme nouveau'-». Jusque-là l’explication est aisée. 4. Mais une question ’ se pose maintenant : comment, selon celte interprétation, nous est-il enjoint de donner un vêtement à qui n’en a pas ? Quel est l'homme qui n’a même pas un vêtement sur la chair, qui est nu, qui n’est couvert d’absolument aucun habit ? Je ne refuse pas de voir ici le précepte de la libéralité, de la pitié pour 316 ORIGEN» liberali tas et in pauperes misericordia et hyperbolica cle­ mentia, ut etiam nudos altera tunica protegamus. Sed hoc aio, quod el profundiorem, locus iste recipiat intellectum I et oporteat nos dare ei tunicam, qui omnino non habeat. Quis est ergo iste, qui tunicam non habet ? Nempe ille, qui penitus Deum non habet. Debemus igitur exuere nos et ei dare, qui nudus est. Alius habet Deum, [alius omnino non habet, contraria videlicet fortitudo. Et quomodo scriptum est, ut in profundo maris praeci­ pitemus delicta nostra , * sic proici oportet a nobis vitia atque peccata el iacere super eum, qui eorum nobis causa exstitit. El qui habet, inquit, cibum, similiter faciat. Qui habet cibos, tribuat non habenti, ut non solum ei vesti­ mentum, sed etiam id, quod possit comedere, largiatur, j 5. 'Venerunt autem et publicani baptizari ab eo. Hoc et iuxta simplicem intellegentiam doceat publicanos nihil amplius quaerere, quam in lege praeceptum est ; qui enim plus exegerint, non foannis mandatum praevaricantur, sed Spiritus sancti, qui locutus est in loanne.J Nescio autem, utrum et secundum αναγωγήν aliud quiddam excel­ lentius sermo significet, ct an debeamus in tali auditorio res tam mysticas prodere, maxime inter eos, qui scri­ pturarum medullas non introspiciunt, sed tantum supera. Midi., 7, 19 1. Origène, là encore, s’il tente une explication spirituelle de l’ficriturc, ne méprise pas les prescriptions tes plus concrètes de l'Êvangile. · il pensait, dit Eusèbc. qu’il fallait par-dessus tout observer les préceptes évangéliques du Sauveur qui nous recommandent de n'avoir pas deux vêtements el de ne pas sc servir de sandales », Hist. Ecctfs., VI, in, 10. SC 41. p. 8». On sait qu'Originc vivait dans In plus extrême pauvreté : · on raconte que pendant plusieurs années, il marcha sans jamais se servir de sandales », Eusèbe, op. cil., VJ, hj, 12, ibid., p. 90. 2. Le grec plus concis est plus clair : * 0 3:άόολ<κ ό μηδέν ίχων αγαθόν, ό τόν Οιό- μη εγων. ■ l.e «liable est celui qui n’a rien de bon el ne possède pas Dieu. > 3. Le latin de Jérôme omet la signification spirituelle du verset concer­ nant celui qui a de quoi manger : Τό aàtô xaî ëxi των βοωαάτων· κατά SUR 8. LüC, HOMÉLIE XXIII, 4-5 317 les pauvres et de la bonté portée à son comble qui consiste à couvrir ceux qui sont nus, même avec une de nos tu­ niques b Mais j’affirme que ce passage est sus­ Interprétation spirituelle. ceptible en même temps d’une significa­ tion plus profonde : il nous faut donner une tunique à celui qui en est complètement, démuni. Quel est donc cet homme sans tunique ? C’est celui qui est tota­ lement privé de Dieu. Nous devons nous dépouiller pour donner à celui qui est nu. L’un possède Dieu, l’autre, c’està-dire la puissance adverse, en est totalement privé 2. Et de même qu’il est écrit : «Précipitons nos fautes au fond de la mer4 », ainsi faut-il rejeter loin de nous vices et péchés pour les lancer sur celui qui en fut pour nous la cause. « Et que celui qui a des vivres, fasse de même. » Que celui qui a des vivres en donne à qui n’en a pas pour qu’il reçoive non seulement des vêtements, mais aussi de quoi manger3. 5. « Des publicains vinrent aussi rece1 ° C1|C vo,r 1° baptême de Jean, n Selon Findès publicains. . x. . simple, · i la i consigne ‘ terprétation toute donnée aux publicains serait de ne rien demander au-delà des ordonnances de la Loi ; ceux qui exigent davantage transgressent non pas la consigne de Jean, mais celle du Saint-Esprit qui a parle par la bouche de Jean. Mais je me demande si ccs paroles n’ont pas. selon le sens anagogique, une signification plus riche, et s’il s’impose, devant un auditoire comme celui-ci, de proposer de tels mys­ tères, d’autant que nos auditeurs ne pénètrent pas la moelle des Ecritures mais sont satisfaits d’une lecture îxlv τό noo/jeoov μίταδοτίον τ·ΰ αη îyovrt τροφτ’ν, κατά oe το χρπτορνον τχ ραΛα το < δχ:μύσ·.ν αποροιπτίον. · Mômeι explication pour tes nil menu : au sens Immédiat, 11 taut partager notre nourriture avec celui qui en est dépourvu ; selon le sens caché, il faut rejeter sur les démons ce qui est vil. » Dans les trois exemples analysés par Origène au cours de cette homélie, tes vêtements, la nourriture ct tes publicains, on remarquera l'identité du pro­ cédé oxégétiquo : après avoir exposé le sens Immédiat» κατά τό rpo/cccov, simplex inldli'jcntia, il découvre te sens spirituel caché, κατά το κρυ^το«U .O7, κατ’ αναγωγήν» prp/u/idtor intellectus, sacrate inldlcQcndiun est. 318 ORIGÈNE ficie delectantur. Periculosum quidem est, sed tamen strictim breviterquc tangendum. Cum exierimus e saeculo el. haec vita nostra fuerit com­ mutata, erunt quidam in finibus mundi sedentes, velut publicanorum officio diligentissime perscrutantes, ne quid sui in nobis rcperianl.j 6. Videtur mihi princeps saeculi huius quasi publicanus esse, i unde scriptum est de eo : venit princeps mundi istius, el in me habet nihil ».j Illud quoque, quod in Apostolo legimus : reddite omnibus debita ; cui Iributum, tribulum ; cui vectigal, vectigal; cui honorem, honorem. ; nemini quid debeatis, nisi ut invicem diligatis b. sacrale intellegendum est. Quamobrem consideremus, fquantis periculis sulnaccamus, ne forte, cum non habue­ rimus, quod pro vectigali queamus reddere, j ipsi trahamur oh debitum, ut solet apud saeculi quoque fieri vectigales, quando quis pro debito ipse rei publicae serviturus in­ cluditur. Quamplures c nobis ab isliusmodi publicanis a. Jn, 14, 30 b. Rom., 13, 7-8 1. Origène s'est souvent demandé s’il convenait de dévoiler le sens spiri­ tuel aux auditeurs superficiels, In Num. hom.. XIIL 7, SC 20. p. 275; Entretien avec Héracllde. 15. .SC 67, p. 87 ct plus loin. In Lac. hom.. 35. S. Ci. 11. CftOUZKL» Origène cl la • Connaissance mystique », p. 155 ct ss. Origène d’ailleurs sc plaint plus d’une fois du manque de profondeur de scs auditeurs : In Gen. hom., X, 1, SC 7. p. 181-185 ct hom. Xi, 3. ibid., p. 202 ; In Ex. hom.. XII. 2, SC 10, p. 247 ; In Num. hom., XIII. 7, SC 29. p. 275. 2. L’interprétation des publicains comme étant des anges qui Jugeront les Ames après la mort est étudiée ct replacée dans son contexte grec et gnostique par A. Orde. Los primeras hcrcjcs ante la persecution, Esludios Valentiniunos V. Analecta Gregoriuna 83, Rome, 1956. p. 122-123. Voir aussi un commentaire de notre texte dans Jean Rivière. · Rôle du démon au jugement particulier, chez les Pères ·. Renar des Sciences Religieuses I •1 (1924), p. 14-49· Cf. missi jr. 54. Cette conception a des origines dans le paganisme. Voir I·’. Cumont, Recherches sur le symbolisme funéraire des \ Romains. Paris. 1942. p. 144, note 1 : · Les démons accusent l’ômc et Fem- j pêchent d’entrer au Paradis ·. Ohioène. In Rum. Com., VIî, 12. PG 14, 1135 a ; In Ps. 36 hom. 5. 7. PG 12, 1366 b-c. Cf. J. Daniéi.ov» Les anges j et leur mission, p. 135. On retrouve la môme idée chez Aikanase, Vie de I S. Antoine 65, PG 26, 933-936 : chez Basile. In Ps. 7. 2. PG 29, 232 c ; I chez Epurem. .Serruo de secundo adventu et judicii. Opera omnia, éd. J. Asse· I mani. t. Ill, p. 276. Voir l'article du P. M. J voie, « M doctrine des fins I SUB S. LUC, HOMÉLIE XXIII, 5-0 319 superficielle ». L’entreprise est risquée sans doute, mais il faut pourtant loucher au sens spirituel, ne serait-ce que d’un mol, en passant. Après notre mort, quand notre vie présente aura été changée, certains seront assis aux frontières du inonde ; comme s’ils étaient chargés d’un rôle de publicains, ils chercheront avec le plus grand soin s’il n’y a pas en nous quelque chose qui leur appartienne. 6. Le prince de ce inonde, me semble-t-il, est comme un publicain 1 ; aussi est-il écrit de lui : « Le prince de ce inonde vient, mais il ne possède rien en moi a. » Ces autres paroles que nous lisons dans l’Apôtre : « Rendez à tous ce qui leur est dû : h qui l’impôt, l’impôt ; à qui le tribut, le tribut ; à qui l’honneur, l’honneur ; ne soyez en dette avec personne, si ce n’est de l’amour mutuel b », ces paroles sont aussi à entendre au sens spirituel. C’est pourquoi, prenons con­ science des graves dangers qui nous menacent : nous cou­ rons le risque, faute d’avoir de quoi payer le tribut, d’être mis en état d’arrestation, à cause de notre dette 3, comme il arrive d’ordinaire aussi aux contribuables de ce monde, quand ils sont mis en prison ct condamnes à être esclaves, au service de l'Etat, en compensation de leurs dettes. Beaucoup d’entre nous doivent être saisis par des publidernières dans l’Église gréco-russe >, Ér/ios d* Orient 17 (1914). p. 17-21 : • L’idée essentielle de cette théorie, écrit-il. est quo Dieu n intcrvicnt * pas directement lul-mémc nu jugement particulier mais emploie, pour juger rame et décider de son sort, le ministère des bons ct des mauvais anges. > Les théologiens · orthodoxes · modernes acceptent encore Cette théorie sous le nom de · doctrine des félonies ». Quant à la ressemblance entre publicains et démons, cf. /n G’en. hom.. L 13, SC 7, p. 83 : < Matthieu était un publicain Ct son image ressemblait au diable. · 3. Tout ce passage fait allusion aux prétendus droits du démon sur l’ânin pécheresse. Le Christ nous aurait rachetés en payant ά Satan la dette con­ tractée par le péché. Cf. In Rom. com., IL 13, PG 14, 911 c; IIL 7, ibid. 915 b. et V, 3. iMd. 1026 c ; In Jo. corn., VL 53, GCS4, p. 162. Celle théorie sera reprise en particulier par Grégoire de Nysse. Or. Catéch. 23-26. PG 45. 61-69. Elle n’a pas été retenue dans la suite mais, au reste, n'a-t-on pas durci, sur ce point, la *pensé» des Pères ? Les expressions d’Orlgène ne seraientelles pas de simples métaphores ? Voir sur ce sujet Jean Rivière, Le dogme de ht Rédemption, Louvain. 1931, p. 165 Ct SS, et L. Richard, Le Redemption. Paris, 1932, p. 99-105. 320 ORIGÈNE tenendi sunt, quos lacob ille vir sanctus non magnopere formidabat nec verebatur, ut de publicanorum vectiga­ libus in eo aliquid reperiretur. 7. [Unde audacter ad publi­ canum illum loquebatur Laban : cognosce, si quid tuarum rerum est apud me . * Super quod agit, testimonium scri­ ptura dicens : et non cognovit Laban apud lacob quidquam . * ] Docet igitur Salvator noster et Spiritus sanctus, qui locutus est in prophetis, non solum homines, sed etiam angelos et virtutes invisibiles. Quid loquar de Salvatore ? Prophetae quoque ipsi et apostoli omne, quod resonant, ut scias verum, attende, inquit, caelum, ct loquar °, et : in conspectu angelorum psallam libi*, et : laudate Domi­ num, caeli caelorum, et aquae, quae super caelos sunt, lau­ dent nomen Domini °, ct : laudent cum angelir, et : in omrii loco p'olestatis eius benedic, anima mea, Domino *. Invenies pluribus in locis, et maxime in Psalmis, ct ad angelos ser­ monem fieri, data homini potestate, ei tamen, qui Spiritum sanctum habet, ut et angelos alloquatur. E quibus unum exemplum ponam, ut sciamus angelos quoque humanis vocibus erudiri. Scriptum est in Apocalypsi loannis : Angelo Ephesiorum ecclesiae scribe : habeo aliquid contrt te h. Et rursum : /inge/o ecclesiae Pergami scribe : habe· quidpiam contra te *. Certe homo est, qui scribit angelis et aliquid praecipit. 8. Ego non ambigo ct in coctu nostro adesse angelos, non solum generaliter omni ecclesiae, sed etiam singil latim, dc quibus Salvator ait : angeli eorum semper viden faciem Patris mei, qui in caelis est L Duplex hic adesi a. Gen., 31, 32 h. Gen., 31, 33 c. Deut., 32, 1 d. Ps. 138 (137), 1 c. Ps. 148, 4-5 f. Ps. 148, 2 g. Ps. 103 1102), 22 h. Apoc., 2, Ί-4 i. Apoc., 2, 12-14 j. Matth., 18f 10 1. Sur les singes de l’Êgllse et la double hiérarchie, visible et invisible, cf. horn. X111, note 2. p. 210 ; sur la croyance en l’ange gardien, voir hom. XII, noie 1. p. 202. Si'll S. LUC, HOMÉLIE XXIII. li-8 321 cains de celte espèce, que Jacob, cet homme saint, ne redoutait guère, assuré qu’on ne trouverait rien sur lui du tribut dû aux publicains. 7. Aussi disait-il hardiment ii Laban, ce publicain : « Viens voir s’il y a en ma pos­ session rien qui t’appartienne a. » Là-dessus, le témoignage de l’Ecriture est net : « Laban ne trouva rien chez Jacob b. » Notre Sauveur, et le Saint-Esprit qui a parlé par la bouche des prophètes, n'instruisent donc pas sculeinentles hommes niais aussi les anges et les puissances invisibles. Pourquoi parler du Sauveur ? Les prophètes aussi et les Apôtres prêchent tout ce qu’ils annoncent, non seulement aux hommes, mais aussi aux anges. Voici pour le prouver : «Cieux prêtez l’oreille, dit l’Ecriture, ct je parlerai·3.» π A la face des anges, je vais chanter pour toid. » « Louez le Seigneur, cieux des cieux, et que les eaux qui sont audessus des cieux louent le Seigneur «. » «Que les anges le louentf. » « En tout lieu où s’exerce sa puissance, bénis le Seigneur, ô mon âme » Vous trouverez en maints passages, spécialement dans les Psaumes, des cas où ces paroles sont adressées aux anges eux-mêmes, l’homme ayant reçu la puissance, si toutefois il possède l’EsprilSaint, de s’adresser même aux anges. Je n’en citerai qu’un exemple, pour que vous sachiez que les anges euxmêmes peuvent être instruits par des mots humains. Il est écrit dans l’Apocalypse de Jean : « Ecris à l’ange de l’Église d’Éphèse : J’ai quelques griefs contre toi h. » Et encore : « Écris à Fange dc l’Église de Pergame : J’ai quelques griefs contre toi ». » C’est bien un homme qui écrit aux anges pour leur communiquer un mes­ sage. „ , , 8. Pour ma part, je n’hésite pas Présence des anges. . > . assemblée A. * à penser que dans notre aussi les anges sont présents, puisqu’ils veillent non seu­ lement sur toute l’Église, prise dans son ensemble, mais aussi sur chacun d’entre nous l. C’est d’eux que parle le Sauveur quand il dit : « Leurs anges voient sans cesse la face de mon Père qui est dans les cieux J. » Il y a ici deux églises : celle des hommes et celle des anges. Si ce que nous Ortifttaœ, .S. Amc. 21 322 ORIGÈNE ecclesia, una hominum, altera angelorum. Si quid iuxta rationem et iuxta scripturarum dicimus voluntatem, lae­ tantur angeli et oranl nobiscurn. El quia praesentes angeli sunt in ecclesia, in illa dumtaxat, quae meretur et Christi est. propterea orantibus feminis praecipitur, ut habeant super caput velamen propter angelos a. Quos­ nam angelos ? Utique illos, qui assistunt sanctis cl lae­ tantur in ecclesia, quos quidem nos. quia peccatorum sor­ dibus oculi nostri obliti sunt, non videmus, sed vident apostoli lesu, ad quos loquitur : Amen, amen dico vobis, videbitis caelum apertum el angelos Dei adscendenles et descendentes super lilium hominisb. 9. Quod si haberem hanc gratiam, ut quomodo apostoli sic viderem et sicut Paulus adspexit intuerer, cernerem nunc multitudinem angelorum, quos videbat Hclisaeus, et Giezi, qui cum eo steterat, non videbat. Iu metu erat Giezi, ne ab hos­ tibus caperetur, solum llelisaeum videns. Sed Helisaeus ut propheta Domini deprecatur et dicit : o Domine, aperi oculos pueri istius, et videat, quoniam mullo plures nobiscum sunt quam cum illis °. Et statiin ad preces sancti viri angelos, quos Giezi prius non videbat, intuitus est. Haec idcirco diximus, ut ostenderemus publicanos doceri a loanne, non solum eos, qui rei publicae vectiga­ libus serviunt, sed etiam illos, qui veniebant ad paenitentiam ct alii erant a corporalibus publicani, sicut et alii milites, qui egrediebantur ad baptismum pacnilentiac. Venit enim non loannes et prophetae tantum, sed etiam ipse Salvator et hominibus et angelis et virtutibus ceteris salutarem paenitentiam praedicare, ut in nomine lesu omne genu flectatur, caelestium, terrestrium et infernorum, et omnis lingua confiteatur, quia Dominus lesus Christus in gloria est Dei Patris “ : cui est gloria el imperium in sae­ cula saeculorum. Amen °. a. I Cor., 11,10 b. Jn, 1,51 2,10-11 c. I Pierre, 4,11 c. II Rois, G, 17 d. Pliil., SUR S. LUC, HOMÉLIE XXIII. 8-9 323 disons est conforme à la pensée divine et à l'intention de l’Écriture, les anges se réjouissent et prient avec nous. Et c’est parce que les anges sont présents dans les églises, dans celles tout au moins qui le méritent et qui appar­ tiennent au Christ, qu’il est prescrit aux femmes, pendant la prière, « d’avoir un voile sur la t.cte à cause des anges a ». De quels anges s’agit-il ? Sans aucun doute, des anges qui assistent les saints et sc réjouissent dans l’Églisc ; certes, nous ne les voyons pas parce que la bouc du péché nous souille les yeux, mais les Apôtres de Jésus les voient et c’est à eux qu’il est dit : « En vérité, en vérité je vous le dis : vous verrez les cicux ouverts et les anges de Dieu montant et descendant sur le Eils de l'homme’’.» 9. Si j’avais la faveur de les voir comme les Apôtres ct de les regarder comme Paul les contempla, j’apercevrais main­ tenant la multitude d’anges que voyait Elisée et que Ghiézi, à ses côtés, ne voyait pas. Ghiézi avait peur d’etre pris par les ennemis, parce qu’il voyait Élisée tout seul. Mais Élisée en sa qualité de prophète du Seigneur, sc met en prière et dit : « O Seigneur, ouvre les yeux de ce ser­ viteur et qu’il voie qu'il y a beaucoup plus de monde avec nous qu’avec eux c. » Et aussitôt, à la prière de ce saint, Ghiézi aperçut les anges qu’il ne voyait pas auparavant. Tout cela pour montrer que les publicains instruits par Jean ne représentaient pas seulement les préposés aux impôts de l’Etat, mais aussi ceux qui venaient pour se convertir ct qui n’étaient pas des publicains en chair et en os ; et il en va de même pour les soldats ; il y avait aussi ceux qui sortaient pour le baptême de la conver­ sion, car, non seulement Jean et les prophètes, mais le Sauveur lui-même est venu aussi prêcher la conversion et le salut aux anges, aux hommes, et à toutes les puis­ sances célestes, pour « qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur la terre et aux enfers, et que toute langue confesse que Jésus-Christ est Seigneur, dans la gloire de Dieu le Père d », « à qui appartiennent la gloire ct la puissance dans les siècles des siècles. Amen e ». HOMILIA XXIV De eo, quod scriptum est : Ego quidem baptizo vos aqua, usque ad eum locum, ubi ait : ipse vos baptizabit in Spiritu sancto et igni a. 1. Ioannem, qui minor erat Christo, suscepit populus, reputans et cogitans, ne forte ipse esset Christus ; cum vero, qui maior illo venerat, non suscepit. Vis causam scire ? Cognosce : loannis baptisma videbatur, Christi baptismus invisibilis erat. Ego enim, inquit, baptizo vos in aqua; qui autem post me venit, maior me est, ipse, vos baptizabit in Spiritu sancto et igni. Quando baptizat lesus Spiritu sancto, et rusum, quando igni baptizat ? Numquid uno atque eodem tempore el Spiritu el igni baptizat, an vario atque diverso ? Vos autem, ait, baptizabimini Spiritu sancio non post multos hos dies b. Baptizati sunt apostoli post adseensionem cius ad caelos Spiritu sancto ; quod autem igni fuerint baptizati, scriptura non memorat. 2. Sed quomodo loannes iuxla Iordanem fluvium ve­ nientes ad baptismum praestolabatur et alios abigebat dicens : generatio viperarum et reliqua, porro eos, qui cona. Lc, 3, 16 b. Act., 1, 5 1. Sur le baptême de Jean 3-4>66. Origènc toutefois n’opposc pas les deux baptêmes puisque sou­ vent dans rÉcriturc l’Esprlt est figuré par l’eau. Ainsi. In Jo. frag. 30. CCS 1. p. 511, il sc demande si l’eau et l’Esprit ne diffèrent pas seulement par Γφίηοια, à cause d’une façon humaine de considérer les choses, et non par In substance (ύπ(5σταβι$). Cela tend ù montrer que le baptême d’eau de Jésus est «usai un baptême d’Espril, le baptême dans une eau visible repré­ sente et réalise le baptême dims les · eaux d’en haut ·, dans l’Esprit-Satnt, In Horn. corn., V, 8, PG 14, 1038 c. 3. La Pentecôte est pour Origènc le baptême des Apôtres. 326 ORIGÈNE fitebantur vitia sua atque peccata, suscipiebat, sic stabit in igneo flumine Dominus Icsus Christus iuxta ftammacam romphaeam % ut quicunque post exitum vitae huius ad paradisum transire desiderat et purgatione indiget, hoc eum amne baptizet et ad cupita transmittat, eum vero, qui non habet signum priorum baptismatum, lavacro igneo non baptizet. Oportet enim prius aliquem baptizari aqua et Spiritu b, ut, cum ad igneum fluvium venerit, ostendat se et aquae et Spiritus lavacra servasse et tunc mereatur etiam ignis accipere baptismum in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. A men °. a. Geu., 3. 24 b. Jn, 3, 5 c. 1 Pierre, 4, 11 1. Origène, selon une conception commune nux premiers siècles, se repré­ sente le Paradis entouré d’un fleuve de feu. Les âmes seront purifiées par ce feu. Si cette idée du retour nu Paradis peut contenir quelques résonances mythiques (le fleuve des Enfers qu’il faut traverser pour parvenir aux Champs-Elysées), clic s’inspire surtout de la Bible. Voir C. M. Edsman, Le Baptême de /eu, Upsala, 1910, p. 1-15. L’idée d’un jugement ct d’une puri­ fication par le feu est bien un des thèmes majeurs du prophétisme de ΓΑ. T. Cf. Amos 7, 4 : Is. 31, 9 ct CG, 15. et pour Origène l’épée de feu est le sym- : bole du Purgatoire qui brûle cc qui reste à consumer mais laisse passer celui qui peut entrer. In Leu. hom., XIV, 3, GCS 6. p. 482. 2. Dans les perspectives origénîcnncs, il faut distinguer un triple bap­ tême. Le premier, le baptême d’eau, celui de Jean, est un baptême figuratif qui annonce celui du Christ. Voir J. Thomas, Le mouvement Baptiste en Palestine et en Syrie, Gcmbloux, 1935, p. 61 et ss. Le second. Je baptême du Christ, dans l’Esprit-Saint, qui est a la fols réalité par rapport â In ligure ct figure par rapport à l’eschatologie. Le troisième enfin, le baptême de feu, < qui nous introduit dans la gloire. Cf. In Ex. hom., VF, 3, SC 1G. p. 153. Mais ce dernier baptême suppose les deux premiers ; pour le recevoir, fl faut avoir été marqué du sceau du Christ. La nécessité du baptême chrétien se trouve aussi affirmée dans l’autre grand texte d’Origènc sur le purgatoire : « C’est SCR S. LUC, HOMÉLIE XXIV, 2 327 confessaient leurs vices et leurs péchés, ainsi le Seigneur Jésus se tiendra-t-il dans le fleuve de feu, auprès de «l’épée flamboyante 3. » De la sorte, quiconque, au sortir de cette vie, souhaite passer au paradis ct a besoin de puri­ fication, il le baptise dans cc fleuve et le fait parvenir au lieu de son désir 1 ; mais celui qui ne porte pas le sceau des baptêmes précédents, il ne le baptisera pas dans le bain de feu2. Car il faut d'abord cire baptisé «dans l’eau et l'Esprit b n, pour pouvoir, arrivant au fleuve de feu. faire la preuve qu’on a conservé les purifications «de l’eau et de l'Esprit » et, dès lors, mériter de recevoir aussi le bap­ tême du feu dans le Christ Jésus « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen c ». par Je bain do la renaissance qu’on parvient à cette seconde renaissance. · Zn Mailh. coin,, XV, 22 23, * CCS 10, p. il7. Cette page contient donc une véritable synthèse de théologie sacramcntnirc ; la milité d’un caractère, σφραγίς, signum, y est mentionnée ainsi que le rapport entre l’eincaclté du signe qui opère la communication de l'Esprit-Saint et la signification cschatologique qui manifeste le sens de l'histoire du salut, intérieure à la structure mémo du sacrement. Noire texte a été étudié longuement par C. M. Edsman. op. ciL, dans des perspectives eschatologiqucs d'ailleurs discutables, car il n’est pus nécessaire de considérer les · trois » baptêmes comme trois instants différents ; on peut en faire comme trois moments, intérieurs les uns aux autres, de l’unique baptême chrétien. Voir H. vox Baltuasah, · Le Mysterion d’Origènc », /LSK 27 (1937). p. 56-58. La néces­ sité du baptême do feu. pour brûler les dernières souillures, en liaison avec la théologie du purgatoire, montre qu'Orlgèno distingue assez nettement ce que nous appelons péché mortel et péché véniel. Voir J/οπι. XXXV. note 2. p. 128. Cf. un fragment du Corn. de VÉp. aux Cor.. JTS 9, 1908. p. 2-12 : · Je pense, «lit Origène. qu'il y a une distinction entre charnel ct terrestre. Si tu pèches pour la mort, tu n’es pas charnel mais terrestre ; si tu pèches, mois non pour la mort, tu n’es pas tout à fait terrestre, tu n'as pas perdu la grâce du Christ, mais tu es alors charnel. · Le charnel n’a pas rompu scs attaches avec, le Verbe, avec l’image du Céleste, il reste λογικός et n'est pas άλογος. Le baptême de feu. après la mort, enlève ces souillures avant l'admission parmi les celestes, au jour de la restauration de toutes choses. IIOMILIA XXV De suspicione, quam habebat populus de loannc, ne forte ipse csscl Christus Λ. 1. Habet periculum et dilectio, si modum transeat. Debet enim, qui aliquem diligit, naturam ct causas con­ siderare diligendi ct. non eum plus diligere, quam meretur. Nam si mensuram caritatis modumque transcenderit, et qui diligit cl qui diligitur in peccato erunt. Quod ut manifestius fiat, ponamus exemplum loanncm. Populus mirabatur ct diligebat eum, ct revera eral dignum miraculum, ut plus ei quam celeris hominibus deferretur, qui aliter quam cuncti mortales vixerat. Nos omnes non sumus simplici contenti cibo, sed varietate delectamur escarum, unum nobis ad potandum vinum non sufficit, varii gustus vina mercamur ; 2. loannes vero semper locustis, semper vescebatur meile silvestri h et contentus erat simplici et. tenui cibo, ne corpus illius cras­ sioribus pulmentis pinguesceret el exquisitis dapibus gra­ varetur. Huiuscemodi quippe naturae corpora nostra sunt, a. Lc, 3» 15 b. Mutth., 3/i 1. Origène ne veut pas dire que la charité doit être proportionnée à la valeur de la personne aimée, ce serait la négation de i'agapè chrétienne, mais qu'il ne faut pas accorder à la créature l’amour total qui n’est dû qu’à Dieu. C’est l’idée essentielle de toute Fliomélic. Pour le vocabulaire, dilectio, caritas sont pratiquement synonymes ct nous les traduisons Indifféremment par amour ou charité. Cf. II. PiVniÉ, Caritas, filiales sur le vocabulaire laliri de la charité chrétienne. Louvain, 1948. p. 62-100. Nous rencontrons dans cette homélie la notion de l'ordinala caritas qui tiendra une si grande place dans la pensée du Moyen Age. Voir IL PÈrné, · Ordinata caritas, un ensei­ gnement d’Origène sur la Charité », HS R 41 (1954). p. 40-57. La perfection consiste en une ordinata dilectio. Origène précise en quoi consiste l’ordo HOMÉLIE XXV Sur le doute du peuple au sujet de Jean : N’était-ce pas lui le Christ » ? 1. Même 1 amour offre un danger , c. · Λ ... Λ s il dépasse la mesure, bi on aime une personne, on doit en effet tenir compte de la nature et des motifs de l’amour et ne pas l’aimer au-delà de ce qu'elle mérite L Si on dépasse la mesure ct la convenance dans la charité, la personne qui aime et la personne aimée, toutes deux, seront dans le péché. Pour le mettre en lu­ mière, prenons Jean comme exemple. —_ Ordinata caritas. ,.. Le peuple l’admirait et l’aimait ; certes, Jean était extraordinaire et il mé­ ritait de recevoir plus d’admiration que le reste des hommes, lui dont la vie avait été si différente de celle de tous les mortels. Tous, nous ne nous contentons pas d’une nourriture sans apprêt, mais recherchons le plaisir d’une alimentation variée ; nous ne nous contentons pas de boire un seul vin, mais achetons des vins de différents goûts. 2. Jean, lui. ne voulait d’autre nourriture « que des sauterelles et du miel sauvage υ » ; il se contentait d’une nourriture simple el frugale, pour ne pas grossir avec des mets trop gras ni s’alourdir avec des repas trop recherchés : c’est bien une loi de notre naL’admiration pour Jean-Baptiste. caritatis. In Cant, coin., IIT» CCS 8, p. 186-191 ct Vidée sera reprise surtout pa rsaInt Augustin. Doc/. Christ.. I. 27-28 ; PL 34,29-30. Λ l’inverse, le péché manifeste une inordinata dilectio. Res quae bonae sunt per naturam, dam male eis abutimur nos ad peccata deducunt. In Cant. hom.. II. 1, SC 37, p. 80. On sait epic saint Augustin formulera avec netteté la distinction entre frai ct abuti, DocL Christ.. I, 4, PL 34, 20-21, distinction traditionnelle dans la théologie spirituelle· CL saint Ignace. Exercices spirituels. Méditation sur le Fondement. 330 ORIGENE ut escis superfluis aggraventur et, cum corpus fuerit aggra­ vatum, anima quoque oneretur, quae per lotum diffusa corpus passionibus illius subiacct. Quamobrcm recte prae­ cipitur cis, qui observare possunt : Bonum est non mandu­ care carnem neque bibere vinum, neque in quo frater tuus scandalizatur n. Erat igitur loannis vita mirabilis et mul­ tum ab aliorum hominum conversatione diversa. Non habebat sacculum, non famulum, non saltem vile tugu­ rium. 3. Morabatur in deserto, non solum usque ad diem ostensionis suae ad Israhel, verum et eo tempore, quo paenitentiam populo praedicabat ; erat in solitudine ludaeac ct aqua simplici irrigabatur, ut et in potu esset diversus a ceteris. Nos qui versamur in urbibus, qui in medio populorum sumus, vestes quaerimus lautiores et cibos ct habitacula ; ille vero, qui in eremo morabatur, videte quali vestimento indutus fuerit : de pilis camelorum sibi tunicam fecerat et zona pellicea cingebatur. Omnia ergo in illo nova erant, ct. propter dissimilitudinem vitae universi, qui videbant, admirabantur eum et mirantes studiosissime colebant super omnia, quod paenitentes in remissionem peccatorum baptizabat. 4. Quas ob causas diligebant quidem eum justissime, sed non servabant in caritate modum : cogitabant enim ne forte ipse esset Christus. Quam inordinatam et irratio nabilem caritatem cavens apostolus Paulus dc semetipst loquebatur : Timeo autem, ne quis de me cogitet supra id, quod videt aut audit ex me ; et ne magnitudo revelationum extollat me b et cetera. Quod metuens, ne etiam ipse ina. Rom., 14, 21 b. II Cor., 12, 6-7 1. Origène suivit ces conseils à la lettre. · Pendant de très longues années, il s’abstint de l'usage du vin ct de tout ce qui n’étalt pas Indispensable pour nourrir, au point que sa santé en fut altérée. » Eusêbe, Hist. Ecrite., VI, ni, 12. SC 41, p. 90. 2. Opposition fréquente entre le désert et la ville. Voir hom. XI, note 1, p. 192. SLR S. LUC, HOMÉLIE XXV, 2-+ 331 turc, une alimentation superflue alourdit les corps ; et une fois le corps alourdi, l’âme elle-même est accablée, car. diffuse dans le corps tout entier, elle en ressent toutes les affections. Aussi est-ce un précepte très juste quand on peut l’observer 1 : « Il est bon de ne pas manger de viande, de ne pas boire de vin. de ne rien faire qui puisse scanda­ liser ton frère 3. » Jean menait donc une vie admirable, très différente de la façon de vivre des autres hommes. Il ne possédait ni besace ni serviteur, pas même une misé­ rable chaumière. 3. Il demeurait dans le désert non seu­ lement «jusqu'au jour de sa manifestation à Israël», mais, quand il prêchait au peuple de se convertir, il était encore dans le désert de Juda, et s’abreuvait d’eau claire, différent des autres jusque dans le choix de sa boisson. Nous qui vivons dans les villes 2, au milieu des foules, nous recherchons l’élégance dans le vêtement, l’alimen­ tation et l’habitation ; mais lui qui demeurait dans le désert, voyez de quels vêtements iï se couvrait. 11 s’était fait une tunique « de poils de chameau » et était ceint «d'une ceinture de cuir. » Tout en lui était inédit, sa vie extraordinaire faisait l’admiration de tous ceux qui le voyaient et celle admiration sans borne devenait un culte passionné, parce qu'il baptisait « pour la rémission des péchés » ceux qui faisaient pénitence. 4. Aussi leur amour avait-il de très bons motifs ; mais, dans leur charité, ils ne gardaient pas une juste mesure, puisqu’ils se demandaient si, par hasard, «il n’était pas le Christ3». C’est parce qu’il redoutait cet amour désor­ donné et non spirituel que l’Apôtre Paul disait de luimême : « Je crains qu’on ne se fasse de moi une idée supé­ rieure à ce que l’on voit en moi ou à ce qu’on m’entend dire, et que la grandeur des révélations ne m’enfle d’or­ gueil b », et la suite. Dans la crainte de tomber lui aussi Les excès de l’amour. 3. Certaines sectes Juives tenaient JeaivBnptbtc pour le Mmic. Recogni­ tiones Pseudo-Clcmenttnae, î, 54 ct 60. PG 1, 1240 b ct 1258 u. Saint Ëpukkm. au iv· siècle, y fuit encore allusion. Euangelii concordantis expositio, éd. G. Mossinof.r. Venise» 1876. p. 288. 332 0B1GBNE currat, nolebat omnia dc se indicare, quae noverat, ne quis de eo plus arbitraretur esse, quam cerneret, ct men­ suram honoris excedens diceret, quod dictum fuerat de loanne, quia ipse esset Christus. Quod quidem nonnulli etiam de Dosithco Samaritanorum haeresiarcha dixerunt, alii vero etiam dc luda Galilaeo. Denique in tantam qui­ dam dilectionis audaciam proruperunt, ut nova quaedam et inaudita super Paulo monstra confingerent. 5. Alii enim aiunt hoc, quod scriptum est sedere a dextris Sal­ vatoris et sinistris A, dc Paulo et de Marcione dici, quod Paulus sedeat a dextris, Marcion sedeat a sinistris. Porro alii, legentes : mittam vobis advocatum, Spiritum veritatis b, nolunt intellegere tertiam personam a Patre et Filio et divinam sublimcmque naturam, sed apostolum Panium. Nonne tibi hi omnes videntur plus amasse, quam expedit, et dum virtutem uniuscuiusque mirantur, dilectionis per­ didisse mensuram ? 6. Quod quidem et. nos in ecclesia patimur ; plcrique enim, dum plus nos diligunt, quam meremur, haec iactitant et loquuntur sermones nostros doctrinamque lau­ dantes, quae conscientia nostra non recipit. Alii vero tractatus nostros calomniantes ea sentire nos criminantur, quae nunquam sensisse nos novimus. Sed neque hi, qui a. Matth., 20, 21 b. Jn, 14, 16-17 1- Dosithéc est nommé plusieurs fois par Origène, entre autres In Jo com., XIII. 27. GCS 4, p. 251 cl C. (lets.. I, 57, GCS 1. p. 1Ô8. Il est men­ tionné aussi par Eusèbc. HixL Ecetes., IV. xxii. 5. SC 31. p. 201 (voir uni note dc G. Bakijy» ibid.. p. 2'11. note 11) et les Jlccognitiones P$cu Griefs contre Origène >. Origène lui-même a souvent fait allusion aux critiques dont II fui l’objet : · Si je commence à examiner les paroles des anciens et à y chercher un sens spirituel, si je m’efforce de soulever Je voile dc la Loi et de montrer que ce qui est écrit est allégorique, 334 OIUGENE plus diligunt, neque illi, qui oderunt, veritatis regulam tenent, et alii per dilectionem, alii per odium mentiuntur. Unde oportet caritati quoque frena imponere et tantum ei vagandi permittere libertatem, quantum in praerupta non corruat. Scriptum est in Ecclesiaste : ne sis iustus multum neque ampliora te cogites, ne forte obstupescas “. Quod exemplum sequens possum simile quid dicere, ne diligas hominem ex toto corde tuo et ex tota anima tua et ex tota virtute tua, ne ames angelum ex toto corde, ex tota anima, ex tota virtute, sed praeceptum hoc iuxta eloquium Salvatoris soli serva Deo. Diliges enim, inquit, Dominum Deum tuum ex toto corde tuo el ex tota anima tua et ex tota virtute tua b. 7. Respondeat mihi aliquis et dicat : Salvator prae­ cepit : Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo et ex tota anima tua et ex tota virtute tua, el proximum tuum tanquam te ipsum. Volo diligere el Christum : doce ergo me, quomodo eum diligam. Si enim dilexero eum ex loto corde meo et ex lota anima mea et ex tota virtute mea, contra praeceptum facio, ut alterum absque uno Deo sic dili­ gam. Sin autem minus eum dilexero quam omnipotentem Patrem, timeo, ne in primogenitum universae, creaturae0 impius et profanus inveniar. Doce me et ostende ratio­ nem, quomodo inter utrumque medius incedens diligere debeam Christum. Vis scire, qua caritate Christus dili­ gendus sit ? 8. Breviter ausculta ! Dilige Dominum Deum tuum in Christo nec te putes diversam habere posse in Patre et Filio caritatem. Simul dilige Deum ct Christum; dilige Patrem in Filio, Filium in Patre ex toto corde el ex lota λ. F.ccl., 7, 17 b. Lc, 10, 27 c. Col., 1, 15 je creuse des puits, mais aussitôt les amis dc la lettre lanceront la cakmm! contre mol, Ils me tendront des pièges, me susciteront des inimitiés cl «les persécutions sous prétexte que la vérité ne peut tenir que sur la terre », In Gen. hom.. XIII, 3, SC Ί. p. 219; cf. aussi lu Gm. Λο/n., VII, 2, ibid., p. 155. SUH S. LUC, HOMÉLIE XXV, G-8 335 ni ceux qui nous haïssent ne gardent la règle de la vérité 12: ils mentent, les uns par charité, les autres par haine. Il faut par conséquent mettre un frein à l’amour lui-même ct ne pas lui laisser la liberte de se porter çà et là, au point, de le voir sombrer dans le gouffre. Il est écrit dans Γ Ec­ clesias le : « Ne sois pas juste à l'excès, ne remue pas de trop vastes pensées, pour ne pas tomber dans l’hébé­ tude a. » Suivant cet exemple, je puis dire de même : n’aime pas un homme «de tout ton cœur, de toute ton âme, mere les impuretés, il éclaire les saintset les embrase d'amour. Cf. In Malth. com., XVII, 19, GCS 10, p. 639-G10. Voir aussi H. db Lubac, UE, p. 23» 236. 3. Nouveau symbolisme du vent, qui n'est pas en conlradlction avec k début dc l’homélie. Le Christ demeure toujours le grand souffle purilîam, puisque les tentations permises pur Dieu ont pour but d'éprouver ct manifester la fidélité du croyant. SUR S. LUC, HOMÉLIE XXVI, 2-4 311 logues : « Le feu de ma colère s’est allumé » non pas jus­ qu’au ciel mais «jusqu’au fond du séjour des morts» et « il consumera » non pas le ciel, mais « la terre et ses germes * ». 3. A quel propos ai-je rappelé tout cela ? C’est que le baptême de Jésus est aussi un baptême « dans l’EspritSaint et dans le feu ». Sans oublier ce que j’ai dit précé­ demment, ni perdre de vue l’explication donnée plus haut l, je veux apporter une nouvelle interprétation. Si tu es saint, tu seras baptisé dans l’Esprit-Saint ; si tu es pécheur, lu seras plongé dans le feu : le même baptême deviendra condamnation et feu pour les pécheurs indignes; mais les saints qui se convertissent au Seigneur avec une foi entière, recevront la grâce du Saint-Esprit et le salut *. a Celui qui baptise dans l’Esprit-Saint et dans le feu», comme le dit l’Écriture, « a le van à la main et va nettoyer son aire ; il ramassera le blé dans son grenier et brûlera la paille au feu qui ne s’éteint pas ». Je voudrais découvrir quels motifs a notre Seigneur de tenir « le van », ct par quel souffle la paille légère est emportée ça et là, tandis que le blé plus lourd tombe tout au même endroit, car, en l’absence de vent, on ne peut séparer le blé ct la paille. 4. Le vent, je crois, désigne ici les tentations ’ qui, dans le tas mêlé des croyants, révèle que les uns sont de la paille, les autres du froment. Car, lorsque votre âme s’est laissée dominer par quelque tentation, ce n’est pas la tentation qui l’a changée en paille, mais c’est parce que vous étiez de la paille, c’est-à-dire légers et sans foi, que la tentation a dévoilé votre nature cachée. En revanche, quand vous affrontez courageusement la tentation, ce n’est pas elle qui vous rend fidèles et patients, mais elle révèle au grand jour les vertus de patience et dc force, présentes en vous, mais de façon cachée *. « Car, dit le Seigneur, penses-tu Baptême ct jugement. ■j. Cette conception de la tenUHion. comme épreuve destinée h manifester la solidité de la fol· est une pensée très biblique. Ce thème est formel lenient exprimé en Judith 8, 25-27. mais c’est une des constantes dc Γ Écriture. Voir art. Tentation, Vocabulaire Biblique de J. J. vox Αιχμήν, Neuchâtel· 342 ORIGÈNE medium.] Putas enim, ail Dominus, aliter me tibi locutum fuisse, quam ut appareres iuslus ? * El alibi : afflixi te et affeci penuria, ut manifesta fierent, quae erant in corde tuo b. In hunc modum ct tempestas non facit super are­ nam aedificium consistere, sed, si vis aedificare, super petram « ; quae cum fuerit exorta, id quod super petram fundatum est, non evertet, quod vero super arenam fluc­ tuat, probat illico non bene fuisse fundatum. 5. Qua­ propter antequam oriatur tempestas, antequam vento­ rum flabra consurgant, priusquam intumescant flumina, dum adhuc silent universa, omne studium nostrum ad aedificiorum fundamenta vertamus, aedificemus domum nostram variis firmisque lapidibus praeceptorum Dei, ut cum persecutio saevierit, et adversus Christianos dirus turbo surrexerit, ostendamus nos habere aedificium super petram 11 Christum lesum. Si quis autem — quod procul absit a nobis negaverit, iste sciat non sc illo tempore, quo negasse visus est, Christum negasse, sed semina et radices habuisse negandi iam veteres, tunc vero fuisse agnitum, quod habebat, et in medium esse productum. Oremus igitur Dominum, ut simus firmum aedificium, quod tempestas nulla subvertat, fundatum super petram Dominum nostrum lesum Christum : cui est. gloria ct irnpe * rium in saecula saeculorum. Arnen ·. a. Job. 40, 3, (LXX) b. Dent.» 8, 3-5 d. I Cor.. 10, 4 c. 1 Pierre. 4,11 c. Matth.. 7. 24-! Paris, 1054. Cf. Okigènb, Exhort. ad Martyrium 6. GCS 1» p. 8, oü sc trouve? cité le DeuL 13, 4 : · Le Seigneur vous éprouve pour savoir si vous nimez le Seigneur votre Dieu, de tout votre cœur et de toute votre àmc. » 1. Ln pierre est le Christ, selon I Cor. 10, 4. Cf. Jn Gen. hom., XIV. 2, SC 7. p. 230. 2. Cette homélie a peut-être été prononcée quelques mois seulement avant la persécution de Maximin qui commença en 235. C’est à cette occae SUR S. LUC, HOMÉLIE XXVI. 4-5 343 que j’avais un autre but en te parlant ainsi que de te {aire paraître juste n ? » et ailleurs : « Je t’ai affligé et frappé de dénuement, c’était pour manifester le contenu de ton cœur b. » De la même manière, la tempête ne permet pas qu'un édifice bâti sur le sable tienne bon, mais elle laisse debout ce qui est construit « sur la pierre0. » La tempête, une fois soulevée, ne pourra pas renverser un édifice fondé «sur la pierre 1 », mais elle fait voir sur le champ la fragilité des assises de la maison qui vacille «sur le sable ». 5. Aussi, avant que la tempête s’élève, avant que se déchaînent les rafales Ct. que s’enflent les torrents, tandis que tout demeure encore dans le silence, apportons tout notre soin aux fondations de la bâtisse, construisons notre maison avec les pierres solides el varices que sont les commandements de Dieu ; ct, quand la persécution sévira, quand la rafale des calamités sera déchaînée contre les chrétiens, nous pourrons montrer que notre édifice est fondé « sur la pierre d», le Christ Jésus2. Mais si quelqu’un le renie alors — loin de nous ce malheur —, qu’il le sache bien, ce n’est pas à l’instant de son renie­ ment visible qu’il a renié le Christ, mais il portait en lui des semences et des racines de reniement déjà anciennes ; ce qui était en lui s’est révélé à ce moment el s’est mani­ festé au grand jour ». Aussi, demandons au Seigneur d’être un édifice solide qu’aucun ouragan ne puisse renverser, « fondé qu’il sera sur la pierre », sur notre Seigneur Jé­ sus-Christ « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen 6 ». Mon qu’Origène a rédigé son Exhortation au Martyre, admirable petit traité aux pages de feu destiné ù encourager les chrétiens à ne pas faiblir. GCS 1. On peut lire une traduction française de cct ouvrage par G. Bardy, Paris, 1932, p. 203 et ss. Selon Eusèbc. Origène a souvent exhorté les autres au martyre. Hfsf. Eccles., VI, n, 5, SC 41, p. 84. el. enfant, sa mère dut lui cacher scs vêtements pour Fcmpécher de courir au martyre. Voir aussi /n Ez. hom.. X, 5. GCS 8, p. 422-423. 3. La chute visible n’est que la manifestation d’un reniement intérieur. Le péché comme acte d’un instant est le signe d’un état dont la durée coïn­ cide avec l’histoire personnelle. HOMILIA XXVI! De co, quod scriptinn : Mulla quidem el alia exhorlans an­ nuntiabat, usque ad cum locum, ubi ait : Spiritus sanctus descendit super eum R. 1. f Qui evangelii sermonem docet, non unam rem annun­ tiat, sed plurimas. Hoc quippe scriptura significat dicens : mulla quidem et alia exhorlans annuntiabat. Itaque etiam alia quae scripta non sunt, loannes populo praedicabat;] quae autem scripta sunt, considerate, quanta fuerint. Annuntiavit Christum, monstravit eum, baptismum Spi­ ritus sancti praedicavit, publicanos salutem docuit, milites disciplinam, arcam purgari, succidi arbores et cetera, quae evangelii narrat historia. Exceptis ergo his, quae scripta sunt, ctiain alia, quae scripta non sunt, annuntiasse mons­ tratur in eo, quod dicitur : multa quidem et alia exhortons annuntiabat populo. 2. Et quomodo in evangelio secun-. dum loannem de Christo refertur, quia multa et alia locu­ tus est, quae non sunt scripta in libro isto b, quae si scri­ berentur, neque ipsum puto mundum capere potuisse hbran qui scribendi erant c : sic et in praesenti loco intellege, [ quod forsitan Lucas, quoniam maiora quaedam a loanne annuntiabantur, quam ut deberent literis credi, noluerit ea nominatim dicere,] sed tantum significaverit, quod dicta sint, et idcirco dixisse : multa quidem el alia exhor­ tons annuntiabat populo. a. Lc, 3, 18-22 b. Jn, 20, 30 c. Jn, 21, 25 L Les textes où Origènc commente cc verset. Jn 21» 25, sont nombreux. Ce n’est pas le nombre des vérités qu’OrJgène y volt mais leur mystère qui HOMÉLIE XXVII Sur ce texte : El par bien d’autres exhortations il annonçait, jusqu'au passage : L’Esprit-Saint descendit sur lui “. 1. Enseigner l’Évangile, c’est an­ noncer non pas une mais plusieurs vérités. Tel est bien le sens de cc pas­ sage de l’Ecriture: * Dans scs exhortations, Jean annon­ çait encore bien d’autres choses. » Ainsi, Jean prêchaitil au peuple bien d’autres vérités qui n’ont pas été écrites. Quant à celles qui ont été écrites, voyez leur importance. Il a annoncé le Christ, il l’a montré du doigt et il a prêché le baptême du Saint-Esprit; il a enseigné le salut aux publicains, et aux soldats les principes d’une bonne conduite; il a dit qu’il fallait nettoyer l’aire et abattre les arbres, sans parler du reste de son enseignement contenu dans l’Évangile. Mais outre ce qui est écrit, il a annoncé encore d’autres choses qui n’ont pas été confiées à l’écri­ ture, comme en font foi ces paroles : « Dans scs exhorta­ tions, il annonçait au peuple encore bien d’autres choses. » 2. Au témoignage de l’évangile selon Jean, le Christ a dit beaucoup d’autres choses encore « qui ne sont pas écrites dans ce livre b ». au point que, a si on les écrivait, notre monde lui-même, je crois, ne pourrait contenir les livres 1 qu’il faudrait écrire °. » De même, pour notre pas­ sage, parce que Jean-Baptiste annonçait certaines vérités trop élevées pour pouvoir être confiées à l’écriture, Luc, c’est compréhensible, a peut-être renoncé à les rapporter expressément et s’est contenté de mentionner qu’elles furent dites ; c’est pourquoi il écrit. : « Dans ses exhortations Jean annonçait au peuple encore bien d’autres choses. » L’Évangile annoncé par Jean. par le fait même les rend Inexprimables. Voir hom. XXIX, 2 et In Jo. cwn.. XIII, 5, GCS 4. p. 230 ; ibid.9 XIX, 20. p. 309 ; ibid.. XX. 31. p. 372. 346 ORIGÈNE Miremur loannem et ex his quidem, quae sequuntur, maxime quod inter natos mulierum maior loanne Baptista nemoa fuerit ct in tantam opinionem merito virtutis adscenderil, ut a picrisque Christus putaretur. 3. Sed illud multo mirabilius : Herodes tetrarcha habebat regiam potestatem et poterat eum, cum voluisset, occidere ; et [cum rem fecisset iniustam ct contra legem Moysi, ut uxorem fratris sui acciperet,] quae habebat filiam de priori viro, [non eum timuit, non accepit personam, non cogitavit, ut dixi, regiam potestatem, non formidavit interitum — sciebat enim, etiam si propheta non esset, quod lacessitus eum posset occidere — haec igitur uni­ versa cum nossct, libertate prophetica corripuit Ilerodcrn et incestas nuptias arguit, ctob id clausus in carcere, non de morte sollicitus, non de incerto iudicio, sed in vinculis dc Christo, quem annuntiaverat, cogitabat. Et quia ipse ad eum ire non poterat, mittit discipulos suos sciscitans : tu es, qui venturus es, an alium exspectamus b ? 4. Animad­ verte, quod et in carcere docuerit. Unde enim et in illo loco discipulos habebat, ct quam ob causam ibidem per­ severantes, nisi quod el in carcere magistri fungebatur officio et eos divinis sermonibus erudiebat. ? Tnter quae etiam, cum dc lesu orta esset quaestio, mittit ex discipuli» el interrogat : tu es, qui venturus es, an alium exspectamus? Revertuntur discipuli et. nuntiant magistro, quae Sal­ vator iusscrat nuntiari, cuius verbis loannes armatus/ ad praelium confidenter emoritur et libenter capite truna. Lc, 7, 28 b. Matth., 11, 3 1. Cf. horn. XXV, note 3, p. 331. 2. Cc piis.Migc est comme un hymne chanté à la gloire dc Ir liberté prophéî tique, car la «ατρησία, c’est l'assurance indéfectible, don de l'Esprll-Salnt, qui permet dû parler avec franchise et entière liberté, snns avoir peur des menaces, des épreuves, des calomnies ni même de In mort. Voir H. Jaegeû, • ΙΙαορησία et fiducia ». TU 63 (1957), p. 221-210. La est une» des caractéristiques des premiers prédicateurs de l’ÊvangUc dans l’ÉgliseJ primitive. Actes des Apôtres 4. 13 ; 4, 29-31 ; 13, 46 ; 14, 3 ; 19, 8; 26, 26 Γ 28, 31 ct saint Paul. Il Cor. 3, 12 : 3, 12 el 6, 19 ; I Tint. 3,13. Dan.x le SUB S. LUC. HOMÉLIE XXVil, 2-4 347 T „ ... .■ Admirons aussi Jean-Baptiste surtout Jba liberte . , ., .1 du prophète. à CaUS€ du tém018nage suivant : « Parmi 1 ' les enfants des femmes, personne ne dépassa Jean-Baptiste a », et il mérita de s’élever à une telle réputation de vertu que bien des gens pensaient qu’il était le Christ *. 3. Mais il y a bien plus admirable encore : Ilérode le tétrarque jouissait du pouvoir royal et était à même de le faire mourir quand il le vou­ drait. Or, il avait commis une action injuste ct contraire à la loi de Moïse en prenant la femme de son frère, laquelle avait une fille dc son premier mari. Jean, sans avoir peur de lui, ni faire acception de la personne, sans se soucier, comme je l'ai dit, du pouvoir royal, sans craindre la mort — car il savait, même sans être prophète, qu’une fois exaspéré, le prince était capable de le mettre à mort. — sans se dissimuler tous ces dangers, il réprimanda Ilérode avec la liberté des prophètes * ct lui reprocha son mariage incestueux. Jeté en prison pour cette audace, il ne se préoccupe ni de la mort ni d’un jugement à l’issue incer­ taine; mais, dans ses chaînes, ses pensées allaient au Christ qu’il avait annoncé. Ne pouvant aller le trouver en personne, il envoie scs disciples pour s’informer : « Esl.u celui qui doit venir ou faut-il en attendre un autre b ? » 4. Notez bien que. jusque dans sa prison, Jean enseignait. Car d’où vient que même dans ce lieu il avait des dis­ ciples, et. pour quelle raison y demeuraient-ils sinon parce que, même en prison, Jean accomplissait son devoir de maître et les instruisait par des entretiens sur Dieu ? Dans ces circonstances, le problème de Jésus se trouva posé, Jean lui envoie donc quelques disciples pour demander au Christ : « Es-tu celui qui doit venir, ou faut-il en at­ tendre un autre ? » Les disciples reviennent et rapportent à leur maître cc que le Sauveur les avait chargés d’an­ noncer ; cette réponse est pour Jean une arme pour af­ fronter le combat : il meurt avec assurance ct de grand Commentaire sur Matthieu à l'occasion dc la jnort dc Jean-Baptiste. Ori­ gène insiste également sur l'intransigeance du prophète qu'il nous montre • paré de la παρρησία prophétique », ζεζοσμημέ’/ος jzpoerjxcxfj παρρησία. Jri Λ/aWh. com./x, 22, GCS 10, p. 29-31. 348 ORIGÈNE catur ipsius Domini voce firmatus verum esse Dei Filium, quem credebat. Haec de loannc et libertate eius, ct de Herodis insania, qui super multa scelera etiam hoc addidit, ut loannem primum carcere clauderet ct postea decol­ laret. 5. Quia vero Dominus baptizatus est et caeli aperti sunt ct Spiritus sanctus descendit super eum voxque do caelis intonuit dicens : hic est Filius meus dilectus, in quo mihi complacui, dicendum est. baptismo lesu caelum esse reseratum, el ad dispensationem remissionis peccatorum, non illius, qui peccatum non fecerat, neque, inventas est dolus in ore eius », sed ad totius mundi apertos esse caelos et Spiritum sanctum descendisse, ut, postquam Dominus adseend isset in excelsum, captivam ducens captivitatem b, tribueret nobis Spiritum, qui ad se venerat, quem quidem et dedit resurrectionis suae tempore dicens : Accipite Spiritum sanctum. Si cui dimiseritis peccata, dimittentur ei - si cui tenueritis, tenebuntur °. Descendit autem Spi­ ritus sanctus super Salvatorem in specie columbae, 'avis mansuetae, innocentis et simplicis. Unde et nobis prae­ cipitur, ut imitemur innocentiam columbarum rt.J Talis est Spiritus sanctus, mundus et volucris et in sublime consurgens. 6. Qnamobrem orantes dicimus : Quis dabit mihi pen­ nas ut columbae, ct volabo et requiescam ft? id est : quis dabit mihi pennas Spiritus sancti ? El in alio loco sermo propheticus pollicetur : Si dormieritis inter medios cleros, pennae columbae deargentatae, et posteriora dorsi eius in virore aurir. Si enim inter medios cleros veteris et novi j testamenti requieverimus, dabuntur nobis pennae colum- _ bae deargentatae, id est sermones Dei, ct posteriora eius , a. I Pierre, 2, 22 ; Is., 53, 9 b. Ps. 68 (67), 19; Éphés., 4, 8 c. Jn, 20, 22-23 d. Cf. Matth., 10, 16 e. Pe. 55 (54), 7 f. Ps. 68 (67), 14 SUA S. LUC, HOMÉLIE XXVII, 4-6 349 cœur se laisse décapiter, assuré par la parole du Seigneur lui-même que celui en qui il croyait était, vraiment le Fils de Dieu. Telle fut la liberté de Jean-Baptiste, telle fut la folie d’IIcrode qui, à de nombreux crimes, ajouta d'abord l’emprisonnement, puis la décollation de JeanBaptiste. , presence , , 5. Le, Seigneur recul La du . \II7 le .baptême, A . . , les _ , „ . cieux s ouvrirent, « 1 Esprit-Saint descendit » sur lui et une voix venue du ciel, comme un tonnerre, dit : « Voici mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis mes complaisances. » Aussi doit-on dire : grâce au baptême do Jésus le ciel s’est ouvert ; pour accorder la rémission des péchés — non à celui « qui n’avait pas commis de péché et dans la bouche duquel il ne s’est trouvé aucune fausseté a», mais au monde entier —, les cieux se sont ouverts et le Saint-Esprit est descendu, pour qu’après « être monté dans les hauteurs, emmenant des prisonniers b », le Seigneur nous communiquât l’Espril qui était venu à lui ; et, de fait, il nous l’a donné une fois ressuscité, en prononçant ces mots : « Recevez le Saint-Esprit. Celui à qui vous remettrez les péchés, ils lui seront remis, ct celui à qui vous les retiendrez, ils lui seront retenus0. » « Le Saint-Esprit descendit sur le Sau­ veur, sous la forme d’une colombe», l’oiseau de la dou­ ceur, symbole de l’innocence ct de la simplicité. Aussi nous est-il prescrit d'imiter « l'innocence des colombes d». Tel est ΓEsprit-Saint, pur, ailé, s’élevant dans les cieux. 6. C’est pourquoi nous disons cette prière : a Qui me don­ nera des ailes comme celles de la colombe, je volerai et me reposerai e ? », c’est-à-dire : « Qui me donnera les ailes du Saint-Esprit ? » El dans un autre passage, une pro­ phétie contient cette promesse : «Si vous reposez entre les murs de l’enclos, les ailes de la colombe sont argentées el les plumes de son dos brillent de l’éclat de Γογ vertr. » De fait «si nous reposons entre les murs » de ΓAncien et du Nouveau Testament, nous recevrons «les ailes ar­ gentées de la colombe», c’est-à-dire la Parole de Dieu et 350 OR1GÈ.XB auri fulgore et virore radiantia, ut sensus noster Spiritus sancti sensibus compleatur, id est, ut sermo ct mens illius compleatur adventu ct nec loquamur aliquid nec intelle­ gamus, nisi quod ille suggesserit, omnisque sanctificatio tam in corde, quam in verbis et in opere a sancto Spiritu veniat in Christo lesu : cui est gloria el imperium in saecula saeculorum. Arnen ». a. I Pierre, 4, 11 1. Voir un essai d’interprétation de ce verset difficile dans une note du P. R. Pautreu RSR 33 (1916), p. 359 ct ss. Sur k symbolisme de Tor et de l'argent scion Origène, voir In Cant. com.. II, GCS 8. p. 159-160. L’or SUB S. LUC, HOMÉLIE XXVII, h 351 « les plumes de son dos, brillant de l’éclat de l’or vert1 » ; notre pensée trouvera ainsi sa plénitude dans les pensées du Saint-Esprit *, notre langage et notre intelligence trou­ veront leur plénitude dans sa venue ; nous ne dirons ct ne penserons rien qu’il ne nous ait suggéré ; ct toute sain­ teté, celle du cœur comme celle de nos paroles ct. de nos actes, viendra du Saint-Esprit dans le Christ-Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen n ». représente le Logos, la Vérité invisible et éternelle ; le simill-or ct l'argent, c’est la loi juive, image de l’or véritable. 2. Lc premier sanus désigne le vo5; humain ; la seconde fois» * .wnsibtr représente les interprétations spirituelles de l’Écriture suggérées par le Saint-Esprit. HOMILIA XXVIII De genealogia Salvatoris, ct quod in Matthaeo ct in Luca diversi eius ferantur auctores a. 1. Dominus noster atque Salvator, qui mullo Mclchisedech, cuius generationem scriptura non docuit, melior fuit, nunc [ secundum patrum ordinem natus esse descri­ bitur ; et cum divinitas eius humano non subiaccat exor­ dio, propter te, qui ortus in carne es, nasci voluit. Et tamen non aeque ab cvangclislis nativitatis eius ordo narratur, quae res nonnullos plurimum conturbavit. Matthaeus enim incipiens nativitatis illius seriem texere ab Abraham usque ad id pervenit, ut diceret : Christi autem lesu generatio sic erat, et describit non eum, qui baptizatus est, sed qui venit, in mundum. Lucas vero exponens nativitatem cius non a superioribus ad infe­ riora deducit, sed cum baptizatum ante dixisset, usque ad ipsum pervenit Deum. 2. Nec eaedem personae sunt in generatione eius, quando descendere dicitur ct quando conscendere. Qui enim facit eum de caelestibus descen­ dentem, ct mulieres non quaslibet, sed peccatrices et, quas scriptura reprehenderat, introducit ; qui vero bapti­ zatum narrat, nullius facit mulieris mentionem. In Mat­ thaeo ergo, ut diximus, nominatur Thamar, quae cum socero fraude concubuit, et Ruth Moabitis nec de genere a. Matth., 1, 1-17 ct Lc, 3, 23-2S 1. Matthieu commence son évangile en donnant une généalogie du Christ ; Luc expose une généalogie diiïérentc à la fin du ch. 3, après avoir mentionné le baptême de Jésus. 2. Les fortunes mentionnées par Matlh.nc sont pus toutes des pécheresses·· Ruth n’a pas péché et (’Écriture fait réloge de sa vertu. .Mais Ruth est HOMÉLIE XXVIII Sur la généalogie du Sauveur ct les divergences entre Mat­ thieu et Luc à propos des ancêtres du Christ a. 1. Bien supérieur à Melchisédech, dont .es g n a og es |»gcrj^ure a laissé dans l’ombre la généalogic, notre Seigneur et Sauveur, lui, est issu d’une lignée d’ancêtres que nous rapporte 1’Écri­ ture. Or, puisque la divinité en lui n’est pas soumise & une naissance humaine, c’est à cause de toi, ne dans la chair, qu’il a voulu naître. Cependant sa généalogie n’est pas semblable dans les recensions des évangélistes, dif­ ficulté qui a jeté beaucoup de trouble dans bien des es­ prits. Matthieu énumère la série de ses ancêtres en commen­ çant par Abraham, pour arriver au verset où il est dit : « La naissance de Jésus arriva comme ceci. » Car il s’in­ téresse non pas à celui qui a reçu le baptême mais à celui qui vient dans le monde l. Luc, au contraire, pour dres­ ser la généalogie du Christ, ne procède pas par ordre des­ cendant, mais, comme il vient de parler de son baptême, il remonte jusqu’à Dieu lui-mêrne. 2. En outre, on ne trouve pas les mêmes personnages dans la généalogie du Christ, suivant qu’on la donne en remontant ou en des­ cendant. Matthieu, qui le montre descendant des cieux, y fait entrer des femmes, ct pas n’importe lesquelles, mais des pécheresses 3 blâmées par l’Écriture. Luc, qui parle du Christ après son baptême, ne mentionne aucune femme. Matthieu, comme nous l’avons dit, nomme Thamar, qui par ruse devint concubine dc son beau-père, Ruth, la , étrangère au peuple de Dieu ct si Matth. nomme ces femmes» c'est parce qu’elles appartiennent ù la gcntiUté» voulant ainsi manifester l'universalité du salut oITert aux patens. ΟηιυέκΒ. S. Luc. 23 354 ORIGÈNE Israhcl, et Rachab, quae unde sumpta sit scire nequeo, et coniux L'riac, quae violavit mariti thorum. Quia enim Dominus noster atque Salvator ad hoc venerat, ut homi­ num peccata susciperet, ct cum, qui. non fecerat peccatum, pro nobis peccatum fecit n Deus, propterea descendens in mundum assumpsit, peccatorum hominum vitiosorumque personam el nasci voluit dc stirpe Salomonis, cuius pec­ cata conscripta sunt b, el Roboam °, cuius delicia referun­ tur, et ceterorum, e quibus multi fecerunt malum in con­ spectu Domini d. 3. Quando vero de lavacro conscendit et secundo ortus describitur, non per Salomonem, sed per Nathan nascitur, qui eius arguit patrem super Uriae morte ortuque Salomonis. Sed in Matthaeo semper generationis nomen adiungitur ; hic vero penitus siletur. Scriptum est enim ibi : Abraham genuit Isaac, Isaac genuit lacob, lacob genuit ludam el fratres eius, ludas genuit Phares et Zaram de Thamar, el usque ad finem genuit semper apponitur. In Luca vero, ubi de lavacro conscendit, lesus, filius dicitur, sicut putabatur loscph ; et in tam multa serie nominum nunquam, excepto quod putabatur filius loseph, genera­ tionis nomen adseriptum est. 4. In Matthaeo non est scriptum : incipiebat ; hic vero, quia de baptismate conscensurus erat, incipiebat legitur scriptura referente : et ipse erat lesus incipiens. Quandd enim baptizatus est et mysterium secundae generationi: a. 11 Cor., 5, 21 b. Cf. I Rois, 11, 6 et ss 14, 21 et as d. Cf. I Rois, 15, 26.34, passim c. Cl. I Roil 1. Cette phrase sur Rahnb est surprenante cur Origène parle souvent cl· cctlc femme. Elle est pour lui l’image dc l'Église, venue des nations, I . Jo * VU. 5. GCS 7. p. 337. Dans le Corn, sur MaUh.. XII, 4. GCS H p. 75, il l'identifie avec in pécheresse d·· Luc 7, 38. comme symbole dc 1 conversion dc la gentilité qui reçoit Jésus. 2. Ici. Origène Identifie faussement Nathan, le fils de David el i’ancêti de Jésus, selon Luc 3, 31, avec Nathan, le prophète qui reprocha à Davi son adultère, 11 Sam. 12. Ce genre de confusion n’est pa% rare, par exempj SUR S. LUC, HOMÉLIE XX'. Ill, 2-4 355 moabite, qui n’ctail même pas de la race d’Israël, Rahab, dont, je ne saurais dire d’où elle vient1 et. la femme d’Urie qui souilla le lit conjugal. C’est que notre Seigneur et Sauveur était venu précisément pour prendre sur lui les péchés des hommes, et Dieu « a fait péché pour nous celui qui n’avait pas commis de péché α » ; aussi, descendant dans le monde, il a assumé le rôle des hommes pécheurs et vicieux ct il a voulu naître de la souche de Salomon, dont les péchés ont été rapportés dans l’Écriture b, dc Roboam c dont les transgressions sont mentionnées et des autres, dont beaucoup « firent le mal aux yeux du Seigneurd». 3. Mais lorsqu’il remonte du bain baptismal ct qu’est alors décrite son origine, cc n’est pas du lignage de Salomon qu’il naît, mais de celui dc Nathan qui repro­ cha à son père la mort d’Urie et la naissance de Salomon *. Alors que Matthieu emploie chaque fois le mot « engen­ drer », ici il est omis. Matthieu écrit : « Abraham engendra Isaac ; Isaac engendra Jacob. Jacob engendra Juda et ses frères ; Juda engendra Phares et Zaram de Thamar», ct jusqu’à la fin le mot « engendra » reparaît. Chez Luc, au contraire, lorsqu’il remonte du bain baptismal, Jésus est appelé « celui qu’on croyait fils de Joseph », et, dans cette longue liste de noms, nulle part le mot « génération » n’est employé, sauf dans celte phrase : « On le croyait Ills dc Joseph 3. » 4. Matthieu ne dit pas : « 11 commençait», mais dans Luc, parce qu’il venait d’être baptisé, nous lisons : « Il commençait» ; selon cc témoignage de l’Écriture, « Jésus lui-même en était à son commencement. » Il reçut le bap­ tême et assuma le mystère de la seconde naissance pour Origine confond Jéroboam, auteur du schisme, avec Ader ridmnécn. dans b lettre à Grégoire le Thaumaturge, PG 11, 89 c. Origène va parfois un peu vite en besogne, surtout lorsque cela lui permet dc découvrir un beau symbolisme spirituel. Avant son baptême, Jésus descend des rois pécheurs. Salomon, Iloboam et les autres ■ qui firent le mal aux yeux du Seigneur », mais, après le baptême, il a pour ancêtre Je vertueux prophète Nathan qui eut lo courage dc reprocher h son père son adultère avec Bethsabée ! 3. Le grec est plus clair que la traduction dc Jérôme : Ο^οαμοί ένταδΟα γίν/.',σ:; άλλα μονον νομίζετα:. « 11 n'est nulle part ici question de pénératton mais on dit seulement : on /e croie (ills de Joseph). » 356 ORIGÈNE assumpsit, ut tu quoque priorem nativitatem destruas et in secunda regeneratione nascaris, tunc dicitur incepisse. Et quomodo populus ludaeorum, quando erat in Aegypto, non habebat initium mensium, quando vero egressus est ex Aegypto, tunc dicitur ad cum : mensis iste, initium mensium, primus erit vobis de mensibus anniΛ, sic, qui necdum est baptizatus, nec incepisse narratur. Neque enim frustra additum putemus ad id, quod dicitur : ipse erat lesus, quod sequitur : incipiens. 5. Sed ct hoc, quod ait : quasi annorum triginta, consi­ derandum. loseph triginta annorum erat b, quando dimis­ sus est c vinculis et interpretatus somnium Pharaonis Ae­ gypti effectus est princeps ubertatisque tempore triticum congregavit, ut famis tempore haberet, quod distribueret. Ego puto, quod triginta anni loseph in typo triginta anno­ rum praecesserint Salvatoris. Iste enim loseph non tale trilicum congregavit, quale in Aegypto ille loseph, sed triticum verum atque caeleste, ut tempore ubertatis tri­ tico congregato haberet, quod distribueret, cum fames esset missa in Aegyptum, non fames panis neque siti. a. Ex., 12, 2 b. Geu., 41, 46 l. Cette homélie sur les généalogies du Christ n’est sans doute * qu'uni extrait d’un ensemble plus vaste, adapté à la signification du baptêmt seconde, naissance et commencement de la vie véritable. Notons, au passagt l’utilisation do la typologie de l'Exode, comme figure du commencement Le grec d’ailleurs a un sens plus universel que la traduction latine : alor| que Jérôme met seulement eu parallèle In sortie d’Egypte ct le baptême di Christ (çui necdum est baptizatus s'applique nu Christ à cause de la conclu sion renvoyant au texte de l'Evangile, narratur), le texte grec concerne tou baptisé : ούτως ό uîv μ.η$ίπω βαπτ·.σά;Αίνθΐ ούδί ήρ;ατο, ό oè ,ζαζπσίνίνο ήρξατο, ■ Celui qui n’a pas encore reçu le baptême n’a pas même com mencé. celui qui est baptisé a commencé. ■ Que tout co passage fasso partie d'un commentaire plus vaste, la compti raison avec Ambroise en fournit un indice quasi certain. Dans le Traité su ΓÉvangile de Lue, le livre III est tout entier consacre a la généalogie di Christ (SC 45, p. 119-149). D'autre part, le problème que pose lu divergent des évangiles au sujet de la généalogie du Christ a de tout temps préoccuj les Pères et les exégètes. Parmi les tout premiers citons Jt i.p.s l'Africai: SUR S. LUC, HOMÉLIE XXVIII, i-5 357 que vous détruisiez, vous aussi, votre première naissance et puissiez naître une seconde fois. L’Écriture peut alors dire : « 11 commençait. » Le peuple juif, durant son séjour en Égypte, n’avait pas l’habitude de considérer un mois comme le premier de l’année et ce n’est qu’à sa sortie d'Égypte qu’on lui dit : « Ce mois viendra pour vous en tête des autres et sera pour vous le premier des mois de l’année » Ainsi du Christ : avant son baptême, le récit ne dit pas qu'il a commencé. Ce n’est donc pas sans raison, croyons-nous, qu’aux mots : a Jésus lui-même était», on a ajouté « à son commencement 1 ». 5. Examinons maintenant cette phrase : «Agé d’environ trente ans.» «Joseph avait trente ans b » quand il fut libéré de prison et, après avoir expliqué le rêve du Pharaon, fut nommé intendant d’Égypte ; il em­ magasina du blé au temps de l’abondance pour pouvoir en distribuer au temps de la disette. Los trente ans de Jo­ seph, à mon avis, anticipaient en figure 3 les trente ans du Sauveur. Car le second Joseph qui est Jésus entasse un autre blé que le premier en Égypte, il entasse le fro­ ment véritable et céleste, pour avoir, grâce à ce blé, amassé au temps de l’abondance, de quoi distribuer le jour où la faim reviendrait sur l’Égypte, non «pas une faim de pain ni une soif d’eau ’, mais la faim d’entendre la parole de Joseph préfiguration du Christ. Epiai. ud Arht., PG 10, 52 ct SS; EosftBB reproduit en partie le texte de cette lettre. Hist. Eccles., I, vu, SC 31, p. 25 cl sx, et Quaestiones ad Sicphanuin, PG 22. 900-901. 2. Zn typo : τύυο; sert le plus souvent à indiquer une relation de res­ semblance voulue par Dieu entre doux personnes ou deux réalités. Dans le rapport entre l’Ancien et le Nouveau Testament, le type, emprunté à Γ Ancien» annonce ct figure la réalité qui s’accomplira en Jésus-Christ dans la Nouvelle Alliance. « Il y a accord des figures entre le Nouveau et l’Ancien Testament », Jn Gen. hom., X» 5, SC 7» p. 193. Sur Joseph · type » du Christ» voir Zn Ex. ho/n.» I, 4, SC 16. p. «3-84. Cf. H. Crouzet.» Origène et la < Con­ naissance mystique.. p. 221. 3. On rencontre un développement analogue, Zn Gcn. hom.» XVI, 4, SC 7, p. 253. Origène cite souvent ce verset d’Amos, en particulier dans les homé­ lies sur l’Hexateuque. La faim et la soif de In Parole de Dieu sont le châtiment des pécheurs et des Juifs qui n’ont plus de prophètes. 358 ORIGÈNE aquae, sed fames audiendi sermonem Dei ·. 6. Congregat itaque de prophetis, dc lege, de apostolis verba abun­ dantiae, ut quando iam non scribuntur libri nec novum aliquod conficitur instrumentum nec mittuntur apostoli, ea, quae ab lesu in horrea apostolorum fuerant compor­ tata, hoc est in animas eorum omniumque sanctorum, tunc distribuat, ct nutriat Aegyptum fame periclitantem maximeqiic fratres suos, de quibus scribitur : narrabo nomen tuum fratribus meis, in medio ecclesiae cantabo te *. Habent et alii homines verba patientiae verbaque iustitiae et reliquarum verba virtutum ; hoc est triticum, quod loseph Aegyptiis distribuit. Sed aliud est frumen­ tum, quod dat fratribus, id est discipulis suis, de Gessen terra, de ea, quae ad orientem respicit : triticum evangelicum, triticum apostolicum. De hoc tritico debemus panes facere, ita tamen, ut non commisceantur veteri fer­ mento0 habeamusque panem novum de scripturarum tri­ tico farinaque commolitum] in Christo lesu : cui est gloria el imperium in saecula saeculorum. Arnen rt. a. Arnos, 8, 11 d. I Pierre, 4, 11 b. Ps. 22 (21), 23 c. I Cor., 5, 7 1. Le temps de l'abondance est la période où l'Écriturc sc constitue. Mais quand le Jésus de l'histoire aura disparu, nous vivrons dc la tradition de rage apostolique, nous ne serons pas dans la disette, et l'Égypte, c’està-dire le monde (scion une précision du texte grec), aura toujours dc quoi se nourrir spirituellement. 2. Le froment, pour Origène, est le symbole dc l’Écriturc et de la Parole de Dieu. Voir In Matth. ser. 85, GCS 11, p. 196-197 ; In Num. hom., XVI, 9, SC 29. p. 334 ; c’est In vérité qui illumine l’âme, De Oratione, ch. 27, GCS2, p. 363 et ss. Tout comme le vin de Cana représente la doctrine révélée par le Christ, In Jo. com., X, 31, GCS 4, p. 541 et In Cant, com., I. 2, GCS 8, p. 94. Bien plus, les textes qui mentionnent explicitement l'Eucharistie, Origène les interprète comme s’appliquant à la manducation dc la ParolcJ In Jo. Coni., XXXII, 24, GCS 4. p. 468 ct l’homélie suivante sur Luc, SUR S. LUC, HOMÉLIE XXVlll, 5-6 i 359 Dieu a. » 6. Jésus recueille donc dans la Loi, dans les écrits des Prophètes el des Apôtres, les paroles du temps dc l’abondance, pour que, une fois les derniers livres écrits, la dernière alliance conclue ct la mission des Apôtres achevée, on puisse alors distribuer les paroles amassées par Jésus dans le grenier des Apôtres, c’est-à-dire dans leurs âmes et dans celles de tous les saints et ainsi nourrir l’Égypte menacée dc lamine, en premier lieu scs frères1 dont il est écrit : « Je dirai ton nom à mes frères ; je te chanterai au milieu de rassembléeb. » D’autres hommes ont bien aussi des paroles de patience, des paroles dc jus­ tice et des autres vertus : c’est là le froment que Joseph distribua au Egyptiens. Mais autre est le froment que Jésus donne à scs frères, c’est-à-dire à scs disciples, venus dc Gcsscn, la terre qui regarde l’orient : c’est le froment de l'Évangile, le froment des Apôtres s. Avec ce blé nous devons faire du pain, en nous gardant pourtant d’y mé­ langer du «vieux levain0 », pour avoir du pain nouveau, fuit du blé et de la farine des Écritures, moulus dans le Christ Jésus 8, «à qui appartiennent la gloire et la puis­ sance dans les siècles des siècles. Amen ,l ». p. 365 : · L’homme ne vit pas seulement dc pain mais dc tonte parole qui sort de la bouche dc Dieu. » La parole est donc, nourriture, l’itcriture est une « incorporation du Logos ·. Mais Origène ne nie pas pour autant la réalité dc l’Euchnristic. CL hom. XXXVIII, 6. L’Eucharistie est figure sacramentelle du Verbe nourrissant les finies. Sur le rapport entre la Parole et l’Euchnristic· voir une bonne mise au point du P. I L de Lubac, p. 355-373, cl IL von Balthasab, < Le Mysterion d’Origènc », RSR 26 (1936), p- 548-554. 3. C’est toute l'exégèse de ΓΑ. T. dont le principe est ici exprimé. Cf. in Jos. hom.. IX. 8. SC 71. p. 259-263 : il faut que Jésus me lise ΓΑ. T. pour que la lettre qui tue perde son pouvoir de mort. La meilleure illustration de ce passage est un chapiteau dc Vézelay. Un personnage dc l'Aiicienne Loi verse le froment dc FAncicnnc Alliance dans’un moulin marqué du signe dc la croix, symbole du Christ, ct saint Paid recueille le blé dc Moïse et des Prophètes transformé en belle farine. CL E. .Male, L'art religieux du X27· sttcfc en Fronce, Paris, 1922, p. 167-168. HOMILIA XXIX De co, quod scriptum est : lesus autem plenus Spiritu sancio reversus est, et de tentatione eius prima a. 1. Quando legis in evangelio : lesus autem plenus Spi­ ritu sancto reversus est, et in Actibus Apostolorum, ubi de cis scribitur, quod repleti fuerint Spiritu sancto b, vide nc aequales putes esse apostolos Salvatori, sed ct lesum et apostolos et alium quemlibet sanctorum plenos Spiritu sancto cognosce secundum mensuram vasculi sui ; et quo­ modo, verbi gratia, si volueris dicere : haec vasa plena sunt vino vel oleo, non statim indicas, quod aequali men­ sura plena sint— siquidem aliud sextarium capere potest, aliud urnam, aliud amphoram —, eodem modo et lesus ct Paulus pleni erant Spiritu sancto; sed multo vas Pauli minus erat vase lesu, et tamen erat secundum mensurani; suam utrumque completum. 2. Accepto itaque baptismo Salvator plenus Spiritu sancto, qui super eum in specie columbae de caelis venerat, ducebatur a Spiritu. Quia enim quotquot spiritu Dei ducuntur, hi filii sunt Dei °, iste autem extra omnes proprie Filius Dei erat, ideo ct ipsum opor­ tebat Spiritu sancto duci. Scriptum est siquidem : duce­ batur autem in desertum a Spiritu quadraginta diebus et tentabatur a diabolo. Quadraginta diebus tentatur lesus et, quae fuerint tentamenta, nescimus ; quae ideo forsitan praetermissa sunt, a. I,c, 4, 1-4 b. Act.., 2, 4 c. Rom., 8, 14 1. Idée analogue, hi Is. hom.. Ill, 2. GCS 8, p. 255. l.e Saint-Esprit a repose sur Jésus et y demeure d’une façon durable tandis qu’il ne repose sur aucun prophète, il n’y vient qu’en passant car tout prophète reste pécheur. Ί HOMÉLIE XXIX Sur le texte : Jésus plein de l’Esprit-Saint s’en retourna ct sur la première tentation du Christ n. Jésus conduit par .Λ Quand vous !.lsc,z da“ 1LÉva.n; 8.'le : " Jesus remP'i du Saint-Esprit, s en retourna », et dans les Actes des Apôtres le passage où il est écrit à leur sujet : « Ils furent remplis du Saint-Esprit b», n’allez pas penser à une éga­ lité entre les Apôtres et le Sauveur *, sachez que Jésus, les Apôtres et n’iinporte quel autre saint sont remplis du Saint-Esprit, mais à la mesure de leur capacité ; si vous dites par exemple : ces récipients sont pleins de vin ou d’huile, vous n’entendez pas indiquer d’emblée qu’ils sont remplis d’une quantité égale — l’un peut contenir un setier, l’autre une urne, l'autre une amphore 2 —, de même, Jésus et Paul étaient tous deux remplis du SaintEsprit, mais le vase de Paul était beaucoup plus petit que celui de Jésus et cependant l’un et l’autre étaient comblés selon leur mesure. 2. Donc, après son baptême, le Sau­ veur, a rempli du Saint-Esprit», descendu sur lui du ciel « sous la forme d’une colombe », « était conduit par ΓEs­ prit ». Car « tous ceux qui sont conduits par l’Esprit sont fils de Dieu c » ; or Jésus seul était à proprement parler Eils de Dieu ; aussi fallait-il qu’il fût, lui aussi, conduit par l’Esprit-Saint. C’est bien ce qui est écrit : il était con­ duit au désert par l’Esprit pendant quarante jours, et il était tenté par le diable. le Saint-Esprit. .. tΛ Pendant quarante jours, Jésus est Jésus est tente. . .. rv n . . tente. De quelles tentations s agit-il ? Nous l’ignorons. Peut-être ont-elles été passées sous si2. Un setier équivaut ù un demi-litre : l’urne est une mesure de capacité d’environ 13 Utres et l’nmphorc contient deux urnes. 362 OtUGÈ.XE quia maiora erant, quam ut literis crederentur. Et si sic oportet dicere, quomodo mundus capere non poterat omnes libros a, si scripta fuissent, quae docuit et fecit lesus, sic quadraginta dierum tentationes, quibus lentatus esi Domi­ nus a diabolo, mundus ferre non poterat, si scriptura docuisset, sufficit nobis hoc tantum scire, quod quadror ginta diebus in deserto fuerit et lentabatur a diabolo et non comederit quidquam in diebus illis ; mortificabat enim sensum carnis iugi continuoquc ieiunio. 3. Et cum completi fuissent dies, esuriit. Dixit autem ei diabolus : Si filius Dei es, dic lapidi huic, ut panis fiat. Dic, inquit, lapidi huic. Cui lapidi ? utique quem monstrabat diabolus, quem vult, panem fieri ? Quaenam est ista tentatio, ut rogato patre a filio panem nec dante lapidem h iste quasi adversarius versipellis et fallax det lapidem pro pane ? Iloc est omne, quod diabolus voluit, ut lapis panis fieret, cl non panem homines, sed lapidem vescerentur, quem diabolus pro pane monstraverat ? Ego puto, quod usque hodie lapidem diabolus ostendat et hortetur sin­ gulos ad loquendum : dic, ut lapis iste panis fiat. Omni tenlatione, qua lentandi erant homines, primus secun­ dum assumptionem carnis tentatus est Dominus. Tentatur autem ob id, ut nos quoque illo vincente vincamus. 4. Obscurum fit forte, quod dico, nisi manifestius exemplo fiat. Si videris haereticos dogmatum suorum mendacium pro pane comedere, scito lapidem eorum esse sermonem, quem monstrat diabolus.] Neque vero existimes unum eum habere lapidem ; habet plures lapides, de quibus a Matthaeo introducitur loquens : dic, ut lapides isti panes\ . fiant * Dixit Marcion, et lapis diaboli ei factus est panis. a. Jn, 21, 25 b. Cf. Lc, 11, 11 c. Matth., 4,3 sun s. LUC, HOMÎCI.IE xxix, 2-4 363 lence parce que trop fortes pour être confiées à l’Écriture. De même que a le monde n’aurait pas pu contenir tous les livres * » qu’il aurait fallu écrire pour mentionner les ensei­ gnements et les actions de Jésus, ainsi les tentations de quarante jours que le Seigneur eut à subir de la part du diable, le monde n’aurait pas eu la force de les supporter, si l’Écriture nous les avait, apprises. Il nous suffit de savoir o qu’il fut dans le désert pendant quarante jours, qu'il y était tenté par le diable et ne mangea rien durant ces jourslà », car il mortifiait, le désir de la chair par un jeûne assidu el continuel. 3. « Et quand ces jours furent achevés, il cul. faim. Le diable lui dit : Si tu es fils de Dieu, dis à celle pierre de se changer en pain.» «Dis à cette pierre», mais à quelle pierre? Sans doute à celle que montrait le diable, à celle qu’il veut voir se changer en pain. Quelle est donc cette ten­ tation ? « Un père à qui son fils demande du pain ne va pas lui donner une pierre b », et voici que le diable, en adversaire sournois et trompeur, donne une pierre au lieu de pain ? Est-ce là tout ce que le diable voulait, que la pierre devienne pain et que les hommes se nourrissent, non de pain mais de la pierre que le diable leur avait mon­ trée en guise de pain ? Pour ma part, je pense qu’aujourd’hui encore, le diable montre une pierre et incite chacun à prononcer la parole : « Ordonne à cette pierre de se chan­ ger en pain. » Toutes les tentations que les hommes de­ vaient subir, le Seigneur les a subies le premier dans la chair qu’il a assumée. Mais, s’il est tenté, c’est pour que, nous aussi, nous puissions vaincre par sa victoire. 4. Mes paroles restent peut-être obscures, sans un exemple qui les rende plus claires. Si vous voyez les hérétiques manger, en guise de pain, le mensonge de leurs doctrines, sachez que leur discours est la pierre que montre le diable, mais ne croyez pas qu’il ne dispose que d’une seule pierre. Il en possède plusieurs mentionnées dans le texte de saint Matthieu : « Ordonne à ces pierres de se changer en pain c. » Marcion a donné cet ordre el la pierre du diable est deLa première tentation. 36-1 ORIGÊNB Dixit Valentinus, et alius lapis ei versus est in panem. Habuit ct. Basilidcs eiusmodi panem et ceteri haeretici. Unde sollicite providendum, nc forte diaboli lapidem comedentes putemus nos pane vesci Dei. [Alioquin quae erat tentatio de lapide panem fieri et a Salvatore comedi ?] Fingamus enim, quod diabolo proponente Dominus lapi­ dem in panem verterit ct id, quod virtute sua ipse fecerat, comederit et saliariL esuriem : quaenam esset123*ista tenta­ tio, quae victoria diaboli, si haec simpliciter scriberentur ? 5. Quae, ut diximus, ratione perspecta et. tentationem ostendunt fuisse, si fierent, ct victoriam, quod contempla sunt, fieri. [Simulque monstratur istum panem, qui de lapide fiat, non esse verbum Dei, quod pascit hominem, de quo scri­ ptum est : non in pane solo vivet horno, sed in omni, verbo, quod egredietur per os Dei., vivet homo 8. J Respondeo tibi, o versipellis ct nequam, qui me tentare non metuis : alius est panis sermonis Dei, qui vivificat hominem, f Simulque videamus, quod haec loquatur non Filius Dei, sed homo,] quem Filius Dei est dignatus assumere·, [quasi de homine enim respondet Ct dicit : Scriptum est : non in pane solo a. Deut., 8, 3 ; Matth., 4, 4 1. SI le pain est le symbole do la Parole de Dieu, hom. XXVIII» note % p. 358. la pierre représente les doctrines des hérétiques. C’est la pierre du diable ·» habituellement la Pierre, c’est le Christ. 2. La leçon ewcf, attestée par certain* manuscrits, est peut-être préféS rablc à est conservé par M. Bauer. 3. La formule nssumpîus homo, on le sait, a fait couler beaucoup d’cncrû. On en trouve un équivalent dans ce passage, homo. quem dignatus est assiA mere, et plus loin, dans Vhom. XXXIV. 7. p. 408. hominem dignatus assumere. On retrouve cette expression dans la christologie de saint Augustin cl jusque chez Duns Scot. Voir Mgr A. Gaudei.» « La théologie de I'/lSAu/npfus homfl Histoire ct Valeur doctrinale, »i propos du livre ilu P. Déodat de Bnsly », Revue des Sciences Religieuses, 17 el IS (1937-1938); 11. M. Dïf.pen, . F A ssumptus homo h Chalcédoine ». Rei>. Thomiste 51 (1951). p. 573 et ss ; T. va· Havel, Recherches sur lu christologie de saint Augustin, Fribourg, 1954; L. Skili.eb, VActivité humaine du Christ selon Duns Scot, Paris. 1944. tnndfl qn’aprè* la publication de l’ouvrage de Mgr P. Parente » L'Io de Christon SCII S. LUC, HOMÉLIî: XXIX, 4-5 365 venue son pain. Valentin a donné le même ordre et une autre pierre s’est changée pour lui en pain. Basilide éga­ lement cl. tous les autres hérétiques avaient du pain de cette sorte. Aussi, faut-il veiller avec soin : qu’il ne nous arrive pas de manger la pierre du diable en croyant nous nourrir du pain de Dieu *. D’ailleurs où était la tentation dans le cas d’une pierre changée en pain et mangée par le Sauveur ? Imaginons que, sur la proposition du diable, le Seigneur, après avoir change la pierre en pain, ait mangé ce qu’il aurait réalisé par sa propre puissance et ait apaisé sa faim; où serait 4 la tentation, où serait la victoire sur le diable, si tout cela n’avait pas un sens spirituel ? 5. Or, comme nous l’avons dit, un examen approfondi des faits montre h la fois la réalité de la tentation, dans l’hypothèse où l’offre pouvait s’accomplir et aussi la victoire, puis­ qu’elle fut, en fait, négligée. 11 nous est montré en même temps que cc pain fait d’une pierre n’est pas la Parole de Dieu qui nourrit l’homme ct dont il est écrit : « L’homme ne vivra pas seulement de pain, toute parole qui sortira de la bouche de Dieu fera vivre l’homme a. » Je te réponds, être sournois et méchant qui ne crains pas de me tenter : il y a un autre pain, celui de la Parole de Dieu, qui fait vivre l’homme. Et, remarquons-le en même temps, ce n’est pas le Fils de Dieu qui parle ainsi mais l’homme que le Fils de Dieu a daigné assu­ mer 3. C’est en sa qualité d’homme qu’il répond eu disant : « Il est écrit : L’homme ne vit pas seulement de pain», le P. P. Galtjer reprenait cette question, « La conscience humaine du Christ ·, Gregorlanum 32 (1951), p. 525 ct ss. Les difficultés autour de l’essumpltts homo viennent de cc que la formule laisse subsister une certaine ambiguité, homo pouvant désigner la nature humaine ou bien s’entendre aussi de In personne. Au temps d’Origène, avant les grandes controverses christologiqucs, le vocabulaire n'a pas encore acquis toute la précision souhaitée; ainsi, dans cette homélie, en opposant en J.-C. Dieu et l’homme, Origène semble oublier que le mystère de la tentation réside précisément en ceci : c’est le Fils de Dieu qui fut tenté. Mais, malgré certaines formules pas très heureuses, si l'on considère l’ensemble de l'oeuvre d’Origène, · on trouve nettement affirmées l’unité et la distinction des natures ainsi que la communication des idiomes », H. Crouzhl, T/téoloflie de l'image de Dieu chez Origine, p. 134-135, spécialement les noies 43 et 44. 366 ORIGÈNE vivet homo, ex quo manifestum est non Deum, sed homi­ nem fuisse tcntatum. 6. Scripturae sensum diligenter eventilans rcor inve­ nire me causam, quare loanncs tentationem Domini non descripserit, sed tantum Matthaeus, Lucas et Marcus.; loanncs enim, quia a Deo exordium fecerat,] dicens : In principio erat Verbum, et Verbum erat apud Deum, el Deus erat Verbum3, [nec poterat divinae generationis ordinem texere,] sed tantummodo, quod ex Deo et cum Deo esset, expresserat, adiecit : Et Verbum caro factum * . est Porro quia Deus tentari non potest, dc quo ci erat sermo, ideo, tentari illum a diabolo non introducit. Quia vero liber generationis lesu Christi c de eo in Matthaei evangelic narratur homine, qui natus fuerat ex Maria, ct in Luca generatio eius describitur, ct in Marco homo est, qui tentatur, proptcrca cius fertur simile responsum : non in pane solo vivet horno. Si igilur Filius Dei Deus pro tc homo factus est ct tentatur, tu, qui natura homo cs, non debes indi­ gnari, si forte tenteris. 7. Quod si lentatus illum imitatus fueris hominem, qui pro tc lentatus est, et omne viceris tentamentum, habebis spem cum eo, qui tunc homo fuit, nunc autem homo esse cessavit. Nam qui quondam homo erat, postquam tenta tus est, ct recessit ab eo diabolus usque ad tempus d morlis, a mortuis resurgens ultra non moritur3. Omnis homo morti subiacct ; iste ergo, qui nequaquam moritur, iam non est homo, sed deus est. Si autem deus est, qui quondam homo fuit, et oportet te a. Jn, 1, 1 e. Boni., 6, 9 b. Jn, 1, 14 c. Matth., 1, 1 d. Lc, 4, 13 1. Le Principe est. pour Origène. la Sagesse, épinoia première C’est donc principalement à Origène que nous devons dans sa formulation explicite ridée de ce combat exprimée par les images d’une campagne mili­ taire ct de deux cités adverses. Voir 11. ni: Ludac, HE. p. 187-191» ct J. Da­ ni élou. Le Combat spirituel chez Origine art. Démon. DS. col. 182-185. Noter que Cassîf.n, Conference. IV. SC 42, p. 167 ct ss» décrit le combat spirituel en s’inspirant d’un chap, du P. /lre/r.» III, 4, GCS 5, p. 263 ct ss. 372 ORIGÈNE ici est, regnum suum, quomodo regnaret, in mundo, ut cohortans cum facere, quod volebat, inciperet etiam Chris» tum habere subiectum. J Vis, inquit, in omnibus his regnare ? Ostendit innu­ merabiles hominum multitudines, quae suo tenebantur imperio. Et revera, si miseriam ct infelicitatem nostram simpliciter volumus confiteri, paene totius mundi rex dia· bolus est ; unde et princeps istius saeculi “ a Salvatore vocitatur. Quod ergo dicit, hoc est : vides hos homines, qui sub meo regno sunt ? — ct ostendit ei in puncto tem­ poris, hoc est in praesenti temporum cursu, qui ad com­ parationem aeternitatis puncti instar obtinet. 3. Neque enim necessarium habebat Salvator, ut ei diutius saccu] h istius negotia monstrarentur ; statim ut aciem luminun suorum ad contemplandum vertit, et peccata regnantia et eos, qui regnarentur a vitiis, conspexit ct ipsum princi­ pem saeculi diabolum superbientem atque gaudentem in propriam perniciem, quia tantos sub suo habebat impe­ rio. Dicit ergo ad Dominum diabolus : [In eo venisti, ut adversum me dimices et tollas de imperio meo, quos nunc subiectos habeo ? Nolo contendas, nolo nitaris, ne habeas ullam in certando molestiam ; unum est, quod precor : pro­ cidens adora me, et accipe regnum omne, quod teneo. Verum Dominus noster atque Salvator vult quidem regnare et omnes gentes sibi esse subiectas, ut serviant iustitiae, veritati celerisque virtutibus, sed vult regnare quasi lustitia, ut absque peccato regnet, ut nihil faciat indecorum, et non vult, absque labore subiectus diabolo coronari nec sic regnare ceteris, ut ipse regnetur a diabolo. a. Jn, 12, 31 ; 16, 11 1. Le mot monde signifie ici tout ce qui est sujet à l’empire de Satan. Origène veut dire que la scène de la tentation ne s’est pas passée « corpo: tellement », car il est impossible de trouver un site d'oü l’on puisse voir tou· SUH S. LUC, HOMÉLIE XXX, 2-3 373 royaumes du monde», ce qui signifie : il montra son empire1, sa façon de dominer le monde, pour l’engager à exécuter sa volonté et commencer par là à s’assujettir le Christ. Veux-tu, lui dit-il, régner sur tous ccs êtres ? Et il lui montre les masses innombrables d’hommes qu’il tenait en son pouvoir. Et à vrai dire, si nous consentons à recon­ naître en toute simplicité notre misère et notre infortune, le diable est roi de presque tout l’univers ; aussi le Sei­ gneur l’appclle-t-il d’ordinaire « le prince de ce monde ft. » El quand le diable dit à Jésus : « Vois-tu ccs hommes sou­ mis à mon pouvoir», il «les lui montre en un instant», c'est-à-dire dans le cours actuel des temps qui, en com­ paraison de l’éternité, n’est, qu’un instant. 3. En effet le Sauveur n’avait pas besoin qu’on lui montrât plus lon­ guement les affaires de ce monde ; à peine a-t-il tourné son regard vers ce spectacle qu’il voit le règne du péché, tous ceux qui sont esclaves de leurs vices ct « le prince de ce monde » lui-même, le diable, qui s’enorgueillit et se réjouit, pour sa propre perle, d’avoir tant de monde sous son empire. Alors le diable dit au Seigneur : « Est-ce pour lutter contre moi que tu es venu Cl pour arracher à mon pouvoir tous ceux que j'ai maintenant pour sujets ? Non, n’essaie pas de le mesurer avec moi. Non, ne te donne pas ce mal, ne va pas t’exposer aux difficultés du combat. Voici tout ce que je te demande : prosterne-toi à mes pieds, adore-moi, el tout le royaume qui m’appartient est à loi. » Sans doute, notre Seigneur et Sauveur veut bien être roi et s’assujettir toutes les nations pour qu’elles servent la justice, la vérité et tontes les autres vertus, mais il veut régner en tant que Justice pour régner sans péché et ne rien faire de mal ; il ne consent pas, assujetti au diable, à être couronné sans peine ni à régner sur les autres en subissant lui-même la loi du diable. La seconde tentation. les Hcnx du monde ; la tentation s’est passée en réalité dans l’Ame de Jésus : cô serait une vision intérieure décrite, dans l’ÉvanRilc» eu termes convenant à des réalités matérielles. 374 ORIGÈNE 4. Unde loquitur ad eum : scriptum est : Dominum Deum tuum adorabis, el ipsi soli servies ft. Hos, inquit, omnes propterea volo mihi esse subiectos, ut Dominum Deum adorent et ipsi soli serviant ; haec est cupido regni inci. Tu autem a me vis incipere peccatum, quod ego disso­ luturus huc veni, quod etiam a ceteris auferre desidero. J Scito atque cognosce me in hoc manere, quod dixi, ut adoretur Dominus Deus solus, et hos omnes sub meam faciam potestatem meoque regno subiciam. Cui gaudemus nos quoque esse subiectos, ct dcprcccmur Deum, ut ro gnans peccatum in corpore ” nostro mortificet et regnet in nobis solus Christus lesus : cui est gloria el imperium in saecula saeculorum. Amenc. a. Deui., 6, 13 b. Rom., 6, 12 c. 1 Pierre, 4, 11 SUR 8. LUC, HOMÉLIE XXX, 4 375 „ .. z^. . * 4· C’est pourquoi il lui réplique: Le i gne u .irs . n y est écrit: lu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui a. » Aussi ma volonté est-elle que tous ces hommes deviennent mes sujets pour qu'ils adorent le Seigneur et. ne servent que lui. Tel est le désir dc mon règne. Et toi, tu voudrais que par moi commence le péché que je suis venu détruire ct dont je veux délivrer tous les hommes ? Apprends et sache que je m’en tiens à ce que j’ai dit ; que le Seigneur Dieu lui seul soit adoré et que tous ces hommes soient soumis à nia puissance, dans mon royaume1. Quant à nous, réjouis­ sons-nous d’être scs sujets et prions Dieu qu'il fasse mou­ rir « le péché qui règne dans notre corps b ». et que seul règne en nous le Christ Jésus, «à qui appartiennent la gloire Ct la puissance dans les siècles des siècles. Amen c». 1. Ces formules seraient à rapprocher de lu contemplation du Règne dans tes Exercices Spirituels de saint Ignace. Λ Γoccasion dc celte homélie» G. Bardy» Origène. Paris» 1931, p. 78» avail déjà rapproché la vision des deux royaumes, celui dc Satan ct celui du Christ, et la méditation des deux Étendards. HOMILIA XXXI De tertia tentatione Salvatoris s. 1. Scrutamini scripturas, ut el in his, quae putantur esse simplicia, reperiatis non minima sacramenta. Scru­ temus principium cvangelicae lectionis, quod hodie audi­ vimus, ct id, quod latebat, procédai in medium. Adduxit, ait, diabolus lesum in Hierusalem. Hoc incredibile est, ut diabolus duceret. Filium Dei et ille sequeretur. Seque­ batur plane quasi athleta ad tentationem sponte profi­ ciscens. Non formidabat tentantem neque insidias cal­ lidissimi pertimescebat inimici, el quodammodo loque­ batur : duc quo vis, tenta ut placet, ad tentandum sponte me tribuo, sustineo quae suggesseris, praebeo me in quibuscunque lentaveris ; invenies mc in omnibus fortiorem. 2. Adduxit ergo eum in Hierusalem, el posuit super pin­ nam templi et dixit ei : si filius Dei es, mitte te hinc deor­ sum. Adduxit cum in culmen ad summitatem templi ct hortatur, ut se inde praecipitet. Quod cum ille fraudu­ lenter proponeret et sub ostentatione gloriae aliud nite­ retur, dicebat Salvator : Scriptum est : non tenlabis Domi­ num Deum tuum b. Simulque considera, quomodo tentet diabolus. Non aliunde tentare audet, nisi de divinis libris, Ct de Psalmis sumens testimonium ait : Si filius Dei es, mitte te deorsum. Scriptum est enim, quia angelis suis man­ davit de te, el in manibus tollent te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum c. Unde tibi, diabole, scire, quod ista a. Lc 4, 9-13 b. Dent., 6, 16 c. Ps. 91 {90), 11-12 HOMÉLIE XXXI Sur la troisième tentation du Sauveur ». 1. Scrutez de façon à dé, 1 ,Écriture . couvrir, meme dans les passages en appa­ rence les plus simples, des mystères qui ne manquent pas de grandeur. Examinons le début du texte de l’Évangile que nous avons entendu aujourd’hui ct mettons en lumière son contenu caché. « Le diable, dit-on, conduisit Jésus à Jérusalem. » Voilà qui est incroyable : le diable conduit le Fils de Dieu et celui-ci marche à sa suite. Jésus suivait, sans aucun doute, sem­ blable à l’athlète qui se rend de lui-même à l’épreuve. Il ne craignait pas le tentateur, ni les pièges d’un ennemi très rusé Ct il devait s’exprimer à peu près en ces termes : K Conduis-moi où tu veux, tente-moi selon ton bon plaisir. Je m’offre spontanément à la tentation. Je supporte tes suggestions. Je me livre à toutes sortes de tentations pos­ sibles : en toutes, tu me trouveras le plus fort. » 2. « Il le conduisit donc à Jérusalem, le plaça sur le pinacle du temple ct lui dit : Si tu es le Fils de Dieu, jettetoi en bas. » 11 le conduisit sur le faîte, au sommet du temple ct il 1’exhorte à se précipiter de là-haut. Mais cette proposition était hypocrite et, sous prétexte de révéler la gloire du Christ, elle visait un autre but ; aussi le Sau­ veur répondait: « Il est écrit: Tu ne tenteras pas le Sei­ gneur ton Dieu » Considérez aussi la façon dont le diable tente le Christ. Il n’ose le faire qu’en invoquant le témoi­ gnage des livres saints et des psaumes : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ; car il est écrit : Il a donné pour vous des ordres à scs anges, ils vous porteront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre ®. n Comment sais-tu. ô diable, que ces mots sont ..... Λ La troisième tentation 378 0R1GEBE scripta sunt. ? Nunquid legisti prophetas vel divina elo­ quia cognovisti ? Licet tu taceas, ego pro te respondebo. Legisti, non ut ipse ex lectione sanctorum melior Cieris, sed ut de simplici litera eos, qui amici sunt literae, inter­ ficias. Scis, quia, si de aliis ei voluminibus loqui volueris, non decipies, neque habere poterunt auctoritatem asser­ tiones tuae. 3. Sic legit scripturas Marcion ut diabolus, sic Basilides, sic Valentinus, ut cum diabolo dicerent Salvatori : Scri­ ptum est, quia angelis suis mandatât de te, et in manibus tollent te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum. Si quando testimonia de scripturis audieris, vide nc sta tira loquenti adquiescas, sed considera illum, cuius vitae, cuius sententiae, cuius sit voluntatis, nc forte simulet sanctum sc esse, quod non est, et venenis infectus hae­ resces sub ovis pelle lupus latitet ne forte loquatur in eo diabolus de scripturis. Quomodo autem diabolus pro occasione temporum dc scripturis loquitur, sic c contrario Paulus pro eorum utilitate, qui audiunt, non solum dc scripturis, sed etiam de saecularibus libris assumit testi­ monium et ait : Cretenses semper mendaces, malae bestiae venires pigri b, et rursum de alio : ipsius enim et geniu sumusc, nec non et de comico : corrumpunt mores bonoi a. Cf. Matth., 7, 15 b. Tit., 1,12 cit. d’Épiincnide 17, 28 cit. d’Aratus, Phenom., 5 C. Act. 1. |.n lettre tue. aussi Origène rccoinmaudc-t-ll la prudence devant un citation d’Écriturc sainte : · Ne vous hâtez pn$ d’y souscrire ». Un de critères dc la vérité est de considérer l’intention dc celui qui utilise In Parol ile Dieu. ear les hérétiques, comme le diable, s’appuient sur l’Ëcriture pou tromper ct pour tuer. Saint Paul au contraire veut sanctifier ses auditeurs dès lors, certains textes, mémo profanes» peuvent prendre une valeur d’éd fleation spirituelle. 2. Ces alla uoluniina représentent lex libri sacculares, les HUcrac gentile dont il est question un peu plus loin. La ruse du démon consiste à utili.M ù des fins mauvaises l’autorité de la Révélation» mais il n’a plus ce pouvol s’il cite des ouvrages profanes qu’il nc peut pas parer du privilège de i’insp ration. C’est Je thème du démon déguisé en ange dc lumière. 3. S. Jérôme, dans Lettre 70, 2. « Les Belles-Lettre» »» t. ΠΓ. p. 200-211 revendique aussi pour les chrétiens le droit d’utllher les auteurs païens i SLR S. LLC. HOMÉLIE XXXI. 2-3 379 dans l’Écriture ? As-tu lu les Prophètes ou connais-tu la Parole de Dieu ? Tu peux bien te taire, je répondrai pour toi. Tu as lu les livres saints, non pour devenir toi-même meilleur, mais pour tuer au moyen de la simple lettre les amis de la lettre >. Tu sais que si tu veux parler au Christ d’autres ouvrages tu ne le tromperas pas et que tes assertions ne pourront avoir aucune autorité. Λ ,, 3. Ainsi Marcion lit-il les Écritures, on re ex g se comme ]c diable, de même Basilide, Va­ des gnostiques. kntjn> lor$que avcc le diable ils digent au Sauveur : « Il est écrit : Il a donné pour vous des ordres à ses anges, ils vous porteront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre. » S’il vous arrive parfois d’entendre invoquer le témoignage de ΓÉcri­ ture, veillez à ne pas y souscrire immédiatement. Consi­ dérez plutôt la vie de votre interlocuteur, ses pensées et son intention ; il simule, peut-être, une sainteté qu’il n’a pas, sous la toison d’une brebis peut se cacher un loup n infecté du poison de l’hérésie ct ce peut, être le diable qui parle en lui, dans son commentaire de l’Écriture. Voilà comment, selon l’occasion du moment, le diable parle en s’appuyant sur l’Écriture. Paul au contraire, dans l’in­ térêt de ses auditeurs, en appelle au témoignage non seu­ lement de l’Écriture mais encore des livres profanes3 quand il dit : « Crétois, toujours menteurs, méchantes bêles, ventres paresseux b. » Et il cite un autre auteur : a Nous sommes aussi de sa race c. » Et même un co­ mique : a Les bavardages méchants corrompent les bonnes cause · de la beauté du stylo ». La littérature profane serait. pour Jérôme, un moyen «l'expression plus élégant. Mais, dans les milieux cultivés d'Alexan­ drie, le lion entre philosophie ct christianisme est moins extrinsèque : surtout depuis Clément, s'était répandue l’idée que le Logos divin était la lumière dr toute intelligence humaine ct que même les païens participaient d'une certaine façon à la Révélation du Verbe ou, tout au moins, l'annonçaient à leur manière. Cette sympathie envers la culture profane n’étalt d'ailleurs 5»as partagée par tous les apologistes ; Je rigorisme d’un Talion, par exemple, s'opposait nettement à la tendance humaniste. Origène, sur cc point, réalise un certain équilibre entre la tendance pessimiste (Taticn, Tertullien, Hip­ polyte) et le courant plus optimiste (Justin, Clément). 380 OB1GÈXE colloquia mala Λ. Sed neque si diabolus de scripturis locu­ tus fuerit, poterit me hac occasione decipere, neque si Paulus de gentilibus literis aliquod exemplum sumpserit, a suo me eloquio deterrebit. Ideo enim assumit. Paulus verba etiam de his, quae foris sunt, ut sanctificet ea. 4. Videamus ergo, quid de scripturis diabolus loquatur ad Dominum : Scriptum est enim, quia angelis suis man­ davit de te, et in manibus tollent te. ne forte offendas ad lapi­ dem pedem tuum. Vide quomodo et in ipsis testimoniis versipellis est. Vult enim imminuere gloriam Salvatoris, quasi angelorum indigeat auxilio offensurus pedem, nisi eorum manibus sublevetur. Assumit testimonium et inter­ pretatur illud de Christo, quod non de Christo,] sed de sanctis generaliter scriptum est. Libere quippe el lota confidentia contradico diabolo super Christi persona hoc non posse intellegi. [Neque enim indiget angelorum auxi­ lio, qui maior angelis] ct melius ipsis haeredi ta te conse­ cutus est nomen. Nulli unquam angelorum dixit Deus : Filius meus es tu, ego hodie genui, te, b. Ad nullum eorum quasi ad filium locutus est : qui facit angelos suos spiritus, et ministros suos ignem urentem c, sed ad lilium proprie suum, de quo innumerabilia loquitur in prophetis. 5. Non indiget, inquam, angelorum auxilio Filius Dei. Quin potius 'disce, diabole, quod, nisi iesns adiuverit angelos, offendunt pedem suum. Et si quis angelorum visus est offendere, dc quibus dndum lectum est : quia· angelos indicabimusd, ideo offendit, quia non extendit a. I Cor., 15, 33 cil. de Ménandre c. Ps. 104 (103), 4 d. I Cor., 6, 3 b. Hcb., 1, 5-7 ; Pe. 2, 7 1. Origène combat une Interprétation du Fs. 91 qu’il attribue nu démon. In Num. hom., V, 3, SC 29, p. 110. L'application dc cc verset à la personne du Christ semble être assez fréquente chez les hérétiques. CL InéNÉE. Adv. Haer., V. 21, PG Ί, 118Û c. Jérôme y revient In Mallh. com., I. 5, 21, PL 26. 32 h. 2. Nous répétons la prendere partie de la citation, « Tu es mon Fils >, SDR S. I.L’C, UOMÊLIK XXXI, 3-5 3δ1 mœurs a. » Mais ni le diable, citant l’Écriture, ne pourra en cette occasion me tromper, ni Paul, tirant quelque exemple des lettres profanes, ne m’éloignera de son ensei­ gnement. C’est en effet pour les sanctifier que Paul a pris à son compte les paroles même de ceux qui ne sont pas des nôtres. 4. Voyons donc le passage de l’Écriture que le diable propose au Seigneur : « Il est écrit : Il a donné pour vous des ordres à ses anges ; ils vous porteront sur leurs mains de peur que votre pied ne heurte contre une pierre. » Voyez comme il est sournois dans le choix même des témoi­ gnages. Il veut diminuer lu gloire du Sauveur, comme si Jésus avait besoin du secours des anges, comme s’il allait faire un faux pas sans le soutien de leurs mains. Le diable allègue un témoignage et applique au Christ un verset de l’Écriture qui ne concerne pas le Christ mais les saints en général x. En toute liberté et avec une entière assu­ rance, j’affirme, contrairement au diable, que ces paroles ne peuvent pas s’entendre de la personne du Christ. Car il n’a pas besoin du secours des anges, lui qui est. plus grand qu’eux ct possède en héritage un nom bien supé­ rieur au leur. A aucun ange Dieu n’a jamais dit : «Tu es mon Eils, je t’ai engendré aujourd’hui ”. » A aucun d’entre eux il ne s’est adressé comme à un fils, quand il a dit : « lia fait de ses anges des souilles et de scs serviteurs, un feu brûlant0», mais [il adresse ces mots2: «Tu es mon Fils, aujourd’hui je l’ai engendré»], à son propre Fils, dont il parle dans les prophètes en des passages innombrables. 5. Lc Fils de Dieu, dis-je, n’a pas besoin du secours des anges. Sache donc plutôt, ô diable, que les anges feront des faux pas, si Jésus ne leur vient pas en aide. Et si, parmi eux, on a vu trébucher tel ou tel dont on vient de lire : « Nous jugerons les anges d», il a trébuché parce qu’il n’a L’exégèse du diable. car co sont ces paroles que le Père n'a pas adressées aux anges mois à son Fils ; au contraire, ce qui fut dit aux anges, ne leur a pas été dit comme à des fils, selon l'exégèse de l’Ép. aux Iiêbr.9 1, 5-7. 382 ORIGÈNE manum suam ad Icsum, ut apprehensus ab eo non offen­ deret. Quando enim aliquis in propria virtute confidens non invocat praesidium lesu, offendit ct corruit. Et tu, diabole, propterea quasi fulgur de caelo n cecidisti, quia credere in Icsum Christum Filium Dei noluisti. Ut autem scias, quod male interpretatus es, et non dc Christo, sed de sanctis intellegi, quae sequuntur, ausculta. A ruina el daemonio meridiano b non Icsum Christum liberat Deus, sed sanctos. Lege nonagesimum psalmum, cuius principium est : Qui habitai in adiulorio Allissimi, in protectione Dei cadi commorabiturc, et invenies haec magis iusto viro, quam Dei Filio convenire : cadent a latere tuo mille, el decem milia a dextris tuis, ad te autem non adpropinquabit ; verumlamen oculis luis videbis, et retributionem peccatorum adspicicsû et reliqua, super per­ sonam iusti interpretans.] 6. Sed et. sic quoque perverse assumens diabolus testimonia, ut assereret ca, quae dc iustis dicebantur, super Salvatore intellegi, silet el transit versiculos, qui contra se scripti sunt. Cum enim dixisset : angelis suis mandavit de te, el in manibus tollent te, ne forte offendas ad lapidem pedem tuum, tacuit illud, quod [sequi­ tur : super aspidem el basiliscum ambulabis, el conculcabis leonem el draconem c. Quare ista, diabole, siles, nisi quod tu es basiliscus, tu es omnium serpentium regulus, nocentiora habens venena quam ceteri, qui statim ut videris aliquem interficis ? Scis et aliam fortitudinem esse contraa. Lc, 10. 18 b. Ps. 91 (90). G 91 (90), 7-8 e. Ps. 91 (90), 13 c. Ps. 91 (90), 1 d. Ps. 1. Le grec n’attribue pas la chute de Satan au retus dc croire en la divinité du Christ. Le péché du diable est l'affirmation dc son auto-suffisance. Καί· σ» Sex τούτο « ίξ ουρανού», ΙπειΖήπιρ αυτάρκη έαυτόν €νόμ:σα<1 £·να·. και αη SuaOai rïfc του Ίτοού βοηθέίας. «Tues tombé du del. parcel que tu ns pensé te suffire ù toi-niénic ct n’avoir pas besoin du secours de Jésus. » Dans une homélie sur les Nombres, XII, 4, SG 29, p. 251-255, Ori- SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXI, 5-C 383 pas tendu la main à Jésus, afin que, saisi par lui, il ne bronchât pas. Si on se fie à ses propres vertus, sans invo­ quer l’assistance do Jésus, on trébuche et on tombe. Et toi, diable, si lu es tombé « comme la foudre du ciel n », c’est que tu n’as pas voulu croire en Jésus-Christ, Fils dc Dieu *. Mais pour que tu reconnaisses ton erreur d’interpré­ tation, fais attention que la suite aussi doit également s'entendre non pas du Christ mais des saints. Cc n’est pas Jésus-Christ mais les saints que Dieu delivre « de la ruine et du démon dc midi b. » Lis le psaume 90 dont voici le début : « Celui qui sc tient sous l’aide du Très-Haut, demeurera sous la protection du Tout-Puissant r. » Tu constateras que le passage suivant, concerne plutôt le juste que le Fils de Dieu : « Mille tomberont à ton côté et dix mille à la droite, mais, toi, lu restes hors d’atteinte. Il suilit que tes yeux regardent et lu verras le salaire des pécheurs 11 », et. le reste. Ce verset egalement concerne la personne du juste. 6. Mais en alléguant avec une inten­ tion perverse les témoignages pour affirmer du Sauveur ce qui est dit des justes, le diable passe sous silence et omet les versets écrits contre lui. De fait, après avoir dit : α II a donné pour vous des ordres à ses anges ; ils vous por­ teront sur leurs mains, de peur que votre pied ne heurte contre une pierre », il passe la suite sous silence : « Sur l'aspic et le basilic tu marcheras, tu fouleras le lion et le dragon °. » Pourquoi, ô diable, gardes-tu le silence sinon parce que lu es « le basilic », le roitelet s de tous les serpents, armé de venin plus nocif que tous les autres, puisque tu causes instantanément la mort dc celui que tu regardes a. Tu sais bien qu’il existe à les côtes une autre gène ;i(Hrnic nettement que le péché do Satan est un péché d'orgueil. Cette ailirmntion est une nouveauté car, depuis Justin, la chute dc Satan s’ex­ pliquait par la jalousie envers les hommes. CL J. Turmfx, . Histoire de l’angélologic ·, lieu. d'Hitt. et de LU. rclig. 3 (189$), p. 291 ct ss. 2. Le grec seul permet le jeu de mots entre basilic ct roitelet car le même nom jjak. S. Luc. 25 HOMILIA XXXII Dc eo, quod scriptum est : Reversus est lesus in virtute Spi­ ritus, usque ad eum locum, ubi ait : et omnium oculi erant in synagoga inluentcs in eum Λ. 1. Primum quidem lesus plenus Spiritu sancto reversus est a Iordane et agebatur Spiritu in deserto diebus qua­ . draginta * Cum tentaretur a diabolo el [quia adhuc certaturus erat adversum eum, el semel et bis absque additamento aliquo spiritus ponit ur. Quando vero 1res tenlationes, quas scriptura commemorat, pugnando superavit, vide, quid de Spiritu signanter cauteque ponatur. lesus, ait, reversus est in virtute Spiritus. Virtus addita esi. quia conculcaverat draconem ct tenlalorem comminus vice­ rat.] Reversus est ergo lesus in virtute Spiritus in Gali­ laeam terrarn, el fama exivit per omnem circaregionem de eo. El ipse docebat in synagogis eorum et glorificabatur ab omnibus. 2. Quando legis : docebat in synagogis eorum et glorifi­ cabatur ab omnibus, cave, ne beatos tantum illos iudices ct te arbitreris privatum esse doctrina. Si vera sunt, quae scripta sunt, non solum tunc in congregationibus ludaeorum, sed ct hodie in hac congregatione Dominus loquitur : et non solum in hac, sed etiam in alio coctu et. in toto orbe docet lesus, quaerens organa, per quae doceat. Orate, ut me quoque compositum ad canendum aptumque reperiat ! a. Lc, 4, 14-20 b. Le, 4, 1-2 1. Encore un exemple de l’attention d’Origène à n’omettre aucun détail du texte sacré. 2. Ix Mystère est actualisé pour nous grâce au double mouvement do l’J’Sprlt : intériorisation ct universalisation. HOMÉLIE XXXII Sur le texte : Jésus s'en retourna avec la puissance de l’Esprit, jusqu’au passage où il est dit : Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui a. 1. Au début, Jésus « rempli de aH|S a pu,s$ancc l’Esprit-Saint revint des bords du * perspectives universalistes sont exigées par tout le contexte dc cette homélie mil parle dc FÉvungile annoncé aux pauvres, c’est-ù-dire aux Gentils. SUIl S. LUC, HOMÉLIE XXXII, 2-4 389 le Dieu tout-puissant, cherchant des prophètes, au temps où la prophétie faisait défaut aux hommes, trouve par exemple Isaïe, Jérémie, Ézéchiel, Daniel, ainsi Jésus cherche des instruments pour transmettre sa parole, pour enseigner les peuples dans leurs synagogues 1 et être glorifié par tous. Aujourd’hui Jésus est davantage a glorifie par tous» qu’au temps où il n’était connu que dans une seule province. „ _ _ où Dans ,la synagogue .. 3. « .Il vint ... ensuite ,, . à .Nazareth, . ’ . . X·,,. " avait ete eleve, entra, selon la coutume, le jour du sabbat, dans la synagogue ct sc leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe el, déroulant le livre, il tomba sur le passage où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi, c’est pourquoi il m’a consacré par Ponction tt. » Ce n’est pas simple hasard mais intervention de la divine Providence si Jésus déroula le livre ct trouva dans le texte le chapitre qui prophétisait à son sujet. S’il est écrit «qu'un moineau ne tombe pas dans un filet sans la vo­ lonté du Père » et que « les cheveux dc la tète » des Apôtres «sont tous comptés b », serait-ce un effet du hasard que le choix du livre d’Isaïe de préférence à un autre et la lec­ ture de ce texte qui précisément exprimait le mystère du Christ : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a consacré par Fonction » ? C’est le Christ en effet qui rappelle ce texte et il faut penser que rien ne s’est pro­ duit selon le jeu de la fantaisie et du hasard mais selon le dessein de la divine Providence. , . „ 4. Dans ces conditions, considérons La bonne nouvelle. . . , , ’ le sens des paroles du prophète et l’application que Jésus dans la synagogue s’en fait ensuite à lui-même. « Il m’a envoyé, dit-il, porter la bonne nou­ velle aux pauvres. » Les pauvres désignent les Gentils. De fait, ils étaient pauvres, eux qui ne possédaient abso­ lument rien, ni Dieu, ni Loi, ni Prophètes, ni justice, ni aucune autre vertu. C’est pour ce motif que Dieu l’a envoyé, comme messager auprès des pauvres : pour « an- 390 ORIGÈNE sionem. Captivi nos fuimus, quos tantis annis vinxerat t Satanas habens captivos sibique subiectos. ] Venit lesus ' praedicare captivis remissionem et caecis, ut viderent ; ser­ mone quippe et praedicatione doctrinae cius caeci vident. Praedicatio ergo ίτ.'ζ zsivoO intellegatur non solum super captivis, sed etiam super caecis. 5. Emittere confractos in libertatem. Quid ita fractum atque collisum fuit ut homo, I qui a lesu dimissus est et sanatus ? Praedicare annum Domini acceptum “. luxta simplicem intellegentiam aiunt uno anno Salvatorem in ludaea evangelium praedicasse, et hoc esse, quod dicitur : praedicare annum Domini accep-M tum et. diem retributionis, nisi forte quiddam sacramenti in praedicatione anni Domini divinus sermo significat. Futuri sunt enim alii dies, non tales, quales nunc in mundo cernimus, et menses alii et kalendarum ordo diver­ sus. Sicut igitur ista alia, sic et annus Domini futurus cstV placens. Ista autem omnia praedicata sunt, ut post visio- I nem ex caecitate, post libertatem ex vinculis, post sani­ tatem a diversis vulneribus veniamus ad annum Domini acceptum. 6. Cum autem haec legisset lesus, involvens librum dedit ministro et sedit, et omnium oculi, erant in synagoga atten-, dentes in eum. Et nunc, si vultis, in hac synagoga coctuque possunt oculi vestri attondere Salvatorem. Cum enim principalem cordis lui direxeris aciem ad sapientiam et a. Is., G1, 2 L ’Από zov/Ov» a communi. est le nom d'une figurede rhétorique qui con­ siste (i transcrire nn mot une seule fois, sans le répéter dans la seconde partie de la proposition que pourtant il détermine également. Dans notre cas^ praedicare capitals remissionem ct caecis ul vidèrent praedicare captluU remissionem ct (praedicare) caecis at y Merent. 2. Cette interprétation littéral·.! devait être courante chez les hérôtlquèi puisque Ikénée la réfute déjà : < Le prophète ne parle pas d’un jour de 12 heures ni d’une année de 12 mois. L’année de grâce du Seigneur est le temps qui s'écoule depuis l’avènement du Christ jusqu’à la consommation du siècle, cl le jour de rétribution est le jour du Jugement où le SclgnéH rendra à chacun selon ses œuvres. · .M», Jfacr.» Iî, 22, PG 7, 781-782. SUfl S. LUC, HOMÉLIE XXXIJ, 4-6 391 noncer aux captifs la délivrance ». Captifs, nous l'avons été, nous que, depuis tant d’années, Satan tenait en­ chaînés. prisonniers et assujettis à son pouvoir. Jésus est venu « annoncer la délivrance aux captifs et aux aveugles le retour à la vue ». Sa parole et la prédication de sa doc­ trine rendent la vue aux aveugles. Il faut donc com­ prendre que cette prédication a une portée générale 1 cl s’adresse non seulement « aux captifs » mais encore « aux aveugles». 5. « Rendre la liberté aux opprimés. » Y a-t-il eu nn être plus opprimé et plus meurtri que l’homme, avant qu’il soit libéré et guéri par Jésus ? « Proclamer une année de grâces du Seigneur a. » Selon l’interprétation littérale pure cl simple, on dit que le Sauveur a prêché Γ Évangile en Judée pendant un an 2 et que c’est le sens de l’expression : « Proclamer une année de grâces du Sei­ gneur et le jour de la rétribution. » Mais peut-être en di­ sant : « Proclamer une année du Seigneur », la parole de Dieu veut-elle signifier un mystère. Les jours futurs seront différents, en rien comparables à ceux que nous voyons aujourd'hui en ce monde, les mois aussi seront différents ainsi que l’ordre des calendes. Si donc tous les temps sont différents, il en va de même, dans l’avenir, de l’année du Seigneur porteuse de grâces. Et toutes ces réalités ont été annoncées, afin qu’a près être passés de l’aveuglement à la vision et de l’esclavage à la liberté, guéris de nos di­ verses blessures, nous parvenions « à l’année de grâces du Seigneur ». 6. «Après avoir lu ces paroles ct roulé le livre, Jésus le rendit au servant ct s'assit ; et tons, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. » Même actuellement, si vous le voulez, dans notre synagogue3, dans notre assemblée, vous pouvez fixer les yeux sur le Sauveur. Dès lors que vous dirigez le regard le plus profond de votre cœur 4 vers la contemplation de Voir Jésus. 3. I/assemblée chrétienne, l’Urnel nouveau» Γîsrni l selon l’esprit. devient la véritable synagogue. L:i prédication du Christ a ciTcctué le passage du type à la vérité. Les vrais Israélites» ce sont les chrétiens. 4. Principale cordis est la traduction latine la plus fréquente du mot 392 ORIGÈNB veritatem Deique Unigenitum contemplandum, oculi tui intuentur Icsum. Beata congregatio, de qua scriptura tes­ tatur, quod omnium oculi erant attendentes in eum ! Quam vellem istum coetum simile habere testimonium, ut om­ nium oculi, et catechumenorum ct fidelium, ct mulierum ct virorum et infantium, non corporis oculi, sed animae adspicerent lesum ! Cum enim respexeritis ad eum, de lumine eius et intuitu clariores vestri vultus erunt ct dicere poteritis : Signatum est super nos lumen vultus tui, Domine · : cui est gloria el imperium in saecula saeculorum. ' Arnen h. a. P». 4, 7 b. I Pierre, 4, 11 ηγ$αθ7€/.<ίν. emprunté au vocabulaire stoïcien. Cf. plus loin. Jtom. XXXV, S ; In Ex. hom.. IX. I. SC 16. p. 216. Voir aussi Jérôme. Jonas. 2. 6. SC 13, p. 8G, note 1. Cette expression est très souvent employée par les Pères. Dans l'anthropologie d’Origènc Γ.^γε χον.κον est le lieu du κατ’ sîzova. · le principe des sens spirituels· de cet œil, dc cette ouïe, dc cc toucher, de ce goût et de cet odorat spirituels qui nous font percevoir les réalités Minuk turelles ·. H. Crouzf.l. Théologie de Γ Image de Dieu che: Origène. p. 159-160. Cf. K. Rahner, · Le début d'une doctrine des cinq sens spirituels chez Ori- SLR S. LUC, HOMÉLIE XXXII, 6 393 la Sagesse, de la Vérité ct du Fils unique dc Dieu, vous avez les yeux fixés sur Jésus. Bienheureuse assemblée, dont l’Écrituro atteste que tous avaient les yeux fixés sur lui ! Que je voudrais que cette assemblée puisse rece­ voir un témoignage semblable, que tous, catéchumènes et fidèles, femmes, hommes el enfants 1 y aient les yeux, non pas ceux du corps mais ceux de fame, occupés à regarder Jésus ! Quand vous le regarderez, sa lumière el sa contemplation rendront vos visages plus lumineux cl vous pourrez dire : « Elle a laissé sur nous son empreinte, la lumière de ta face , * ô Seigneur5», «à qui appar­ tiennent la gloire el la puissance dans les siècles des siècles. Amen b ». gène ». RAM 13 (1932). p. 113 et ss. et M. Ot phe-Gallia w>, « Les sens spiri­ tuels dans ('histoire ·. dans l'ouvrage collectif Nos tens el Dieu. fitudes Carmêlilalnes. 1954, p. 184 ct ss. 1. Indication intéressante sur la présence des enfants dans rassemblée chrétienne· 2. Origène donne souvent une interprétation mystique dc cc verset du Ps. 4 : la lumière dc Dieu transfigure la face du contemplateur comme la gloire de Yahvé illuminait Moïse. Les deux textes principaux où sc trouvent cette Interprétation sont In Ps. 4. 7, PG 12, 1164-11G5 et De Oratione. IX, 2, GCS 2. p. 319. IIOMILIA XXXIΠ De eo, quod scriptum est : Utique dicetis mihi parabolam istam, et celera, usque ad eum locum, ubi ait : sed nullus eorum mundatus esi nisi Naaman Syrus 1. In Capharnaum, quantum ad Lucae historiam per­ tinet, necdum moratus est lesus nec aliquod in ea signum fecisse describitur, quippe in qua non fuit. Porro ante­ quam veniret Capharnaum. in patria sua. hoc est in Naza­ reth, fuisse signatur el loquitur ad cives suos : Utique dicatis mihi parabolam istam : Medice, cura te ipsum. Quae­ cunque audivimus [acta in Capharnaum. [ac el hic in patria tua. Unde puto aliquid in sermone praesenti latitare mys­ terii, et Nazareth in typo Judaeorum, Capharnaum in typo praecessisse gentilium. Sciens itaque lesus, quod non haberet in patria sua honorem, nec ipse nec prophetae nec apostoli, noluit ibi praedicare, sed praedicavit in gen­ tibus, ne sibi a patriae suae hominibus diceretur : Utique dicetis mihi parabolam istam : Medice, cura te ipsum. 2. Erit enim tempus, quando dicturus est populus ludae­ orum : Quaecunque audivimus facta in Capharnaum apud gentes signa atque portenta, [ac el apud nos in patria tua ; quae ostendisti universo orbi, ostende et nobis ; praedica sermonem tuum populo tuo Israhel, ut saltem, cum sub­ intraverit plenitudo gentium, tunc omnis Israhel salvusa. Lc, 4, 23-27 1. Origène constate une invraisemblance dans le texte de Luc. Comment les Nazaréens peuvent-ils reprocher n Jésus de n’avoir pnx (ait à Nazareth les miracles accomplis ;‘i Capharnaum, puisqu'il n’a pas encore séjourné ù Capharnaum ? il verra la présence d’un mystère dans celtt· anomalie que les exégètes actuels expliquent par un procédé de composition : Luc a groupé les visites à Nazareth au début du ministère de Jésus. HOMÉLIE XXXIII Sur le texte : Sans doute vous allez me citer ce dicton et la suite, jusqu’au passage où il est dit : Et aucun d'eux ne fut guéri, mais seulement Naaman le Syrien a. 1 · A s’en tenir au seul récit de Luc, Jesus n a pas cn?ore séjourné a Capharnaüm et on ne dit pas qu’il ait accompli des miracles en cette ville puisqu’il n'y a pas été *. Mais avant sa venue h Capharnaum, on signale sa présence dans sa patrie qui est Nazareth. « Sans doute, dit-il h ses concitoyens, allez-vous me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Tout ce qu’on nous a dit s’être passé îi Capharnaum, fais-le également ici dans ta patrie. » Un mystère, je pense, est caché dans ce passage-ci où Capharnaüm, figure des Gentils, passe avant Nazareth, figure des Juifs *. C’est pourquoi Jésus sachant que per­ sonne n’est à l’honneur dans sa patrie, ni lui-même, ni les prophètes, ni les Apôtres, ne voulut pas y prêcher mais il prêcha parmi les Gentils de peur que ses compatriotes ne lui disent : « Sans doute allez-vous me citer ce dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. » 2. Viendra en effet un temps où le peuple juif dira : a Tout ce qu’on nous a dit s’être passé à Capharnaüm, les miracles et les prodiges accomplis parmi les Gentils, fais-les aussi chez nous, dans ta patrie. Ce que tu as montré an monde entier, montre-lenous aussi. Prêche ton message à Israël ton peuple, afin qu’au moins, « quand la totalité des païens sera entrée, T et les Gentils 2. Les deux villes sont les symboles de deux peuples, tonnant l'unique JÎRlise. Pour illustrer celte idée traditionnelle on |x>urrait évoquer la 1110ssiïqnc /„ 2. 375 n-b. homilia XXXIV De eo, quod scriptum est : Magister, quid faciens vitam aeternam possidebo '? usque ad eum locum, ubi ait : Vade, et tu fac similiter 1. [Cum multa in lege praecepta sint, haec tantum in evangelio Salvator posuit ; quae quodam compendio ad aeternam vitam oboedientes ducerent. Ad id enim, quod legis doctor interrogaverat eum dicens : Magister, quid faciens vitam aeternam possidebo ?j quae lectio secundum Lucam hodie vobis recitata est, respondit lesus : In lege quid scriptum est ? quomodo legis ? Diliges Dominum Deum tuum ex toto corde tuo, et ex tota anima tua, ct ex tota virtute tua, ct ex tota mente tua ; el proximum tuum quasi te ipsum Ac deinde : [ bene, ait, respondisti ; hoc fac, ct vives °. Haud dubium quin sempiterna vita *, de qua ct legis doctor interrogaverat et Salvatoris sermo fuerat. J Simulquc per­ spicue docemur in lege praeceptum, ut diligamus Deum. [ In Deuteronomio : audi, inquit, Israhel, Dominus Deus tuus Deus unus est, el : diliges Dominum Deum tuum ex tota mente tua et reliqua, et proximum quasi te ipsum d. Et a. Lc, 10, 25-37 d. Deut., 6, 4-5 b. Ci. Deut., 6, 5 c. Cf. Lev., 18. 5 1. Jusqu’ici Origène commentait d’une façon suivie févangile de Luc. | Sans aucune explication· sans transition, l’homélie XXXIV interrompt, cc commentaire suivi. Nous passons dc la Tentation du Sauveur (Le 1. 27);; π In parnbolc du Bon Samaritain (Le 10· 25-27). Voir introduction p. 83· 2. Une phrase grecque, qui n'apparaît pas dans la traduction de * ! Jérôme contient une nouvelle réfutation des théories dc Marclon. Σαφώς τούτθ:ς πα>:στχται, δτι ή ζατχ τον δημιουργόν του χόσχου Ο&όν ζαί τας άπ’ αύτου γταφχ; παλχςάς χηρυσχομίνη ζωή ή αίών:ό; ίστιν, ήν καΐό σωτήρ κχταγγίλλς:. · Il est clairement établi dans ce passage que la vio annon- HOMÉLIE XXXIV Sur le texte : Matlre, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? jusqu'au passage où il est dit : Va el toi aussi fais de même a. 1. II y a beaucoup de préceptes dans la Loi, mais le Sauveur a seu­ lement retenu dans l’Évangilc, en une sorte de résumé, ceux dont l’observance conduit à la vie éternelle *. C’est à quoi se rapporte la demande qu’un docteur de la Loi adressait à Jésus : a Maître, que dois-je faire pour posséder la vie éternelle ? » On vous a lu aujourd’hui le texte de S. Luc. Jésus répondit : « Qu’y a-t-il d’écrit dans la Loi ? Qu’y lis-Lu ? — 'l u aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute Ion âme, de toutes tes forces et de tout ton esprit, et ton prochain comme toi-même b. » «Tu as bien répondu, dit Jésus, fais cela ct lu vivras c » de la vie éternelle, sans aucun doute 3 ; telles furent la question du docteur de la Loi ct les paroles du Sauveur concernant la vie éternelle. Ce précepte de la Loi nous enseigne en même temps d’une façon claire à aimer Dieu. « Écoute, Israël, dit le Deutéronome, le Seigneur ton Dieu est le seul Dieu », et. « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton esprit » et la suite, et « le prochain comme toi-même d ». Et le Sauveur a rendu La parabole du bon Samaritain L cée par le Dieu créateur du monde ct dans les Écritures qui sont do Lui, c’est la vie éternelle que le Sauveur lui aussi annonce. » 3. Nous adoptons une correction, suggérée par le P. A. Vaccaki, quo M. Raurr n’a pas retenue, voir BiMica 13 (1932), p. 109. Hcc fac el vives. Haud dubium, quin sempiterna est vita, dc qua. Tel est le texte de Bauer. Le changement dc ponctuation et la suppression dent, attestée par les m$$ C et D, se Justifient par une construction fréquente dans le latin de Jérôme : f. 9· Hfjressus est rex in occursum ei, haud dubium quin Abraham. Lettre 73, 9, t. IV, p. 26. Videbunt autan haud dubium quin Deum, hi Is. coni,,fiï, 13, PL 24, G62 C. OfUGE.VK, S. Luc. 26 402 OKIGENE Salvator super his testatus est dicens : In his duobus man­ dai is lota lex pendet cl prophetae a. _ 2. Volente autem doclore legis justificare semelipsum et ostendere, quod nemo sibi esset proximus, atque dicente : quis esi meus proximus ? intulit Dominus parabolam, cuius exordium est : Homo quidam descendebat de Hierusalem in Hiericho, et reliqua. El docet nullius fuisse proximum descendentem, nisi eius, qui voluerit custodire prae­ cepta ct praeparare se, ut sit proximus omni homini, qui auxilio indiget. Hoc enim est, quod post parabolam in fine ponitur : Quis de his tribus videtur tibi proximus esse eius, qui in latrones incidit ?J Nec enim sacerdos nec levites proximi cius fuerunt, sed, ut ipse quoque flegis doctor respondit, ille, qui fecit misericordiam, proximus cius fuit. Unde et a Salvatore dicitur: Vade, el tu fac similiter. 3. Aiebat quidam de presbyteris, volens parabolam interpretari, hominem, qui descenderit, esse Adam, Hie­ rusalem paradisum, Hiericho mundum, latrones contra­ rias fortitudines, sacerdotem legem, Levi ten prophetas, Samariten Christum, vulnera vero inoboedientiam, ani­ malcorpus Domini, pandochium, id est stabulum, quod universos volentes introire suscipiat, ecclesiam interpre­ tari ; porro duos denarios Patrem ct Filium intellegi, staa. Matth., 22, 40 1. Ιλ mention Hiericho, quia voluit ipse descendere, propterea in latrones incidit. Latrones autem nulli sunt alii, nisi de quibus Salvator ait : omnes, qui ante me venerunt, fures fuerunt et latrones b. Vcrumtamen non incidit in fures, sed in multo furibus nequiores latrones, qui descendentem eum de Hierusalem, cum incidisset in illos, spoliaverunt et imposuerunt ei pla­ gas. Quae sunt plagae, quae vulnera, quibus vulneratus | est homo ? [Vitia atque peccata.] 5. Deinde quia latrones, qui nudaverant eum et vulneraverant, non assident nudo sed plagis rursus impositis derelinquunt eum, idcirco scriptum est : spoliantes eum et vulnera apponentes abie­ runt el dereliquerunt eum non mortuum, sed seminecem. Fa­ ctum est autem, ut in eadem via primum sacerdos, deinde levitas descenderent, qui forsitan aliis hominibus bona quaedam fecerant, non tamen huic, qui descenderat de Hierusalem in Hiericho. Hunc enim vidit [sacerdos, puto ; lex, vidit lévites, ut reor sermo propheticus ;j el cum : vidissent, transierunt ct reliquerunt. Servabat quippe i a. Matth., 15, 24 b. Jn, 10, 8 1. Pour tout homine hi descente du Paradis de la béatitude dans le monde est la conséquence d'une chute; pour le Christ, il n’en va pas de même puis­ qu'il est « descendu » pour sauver l'immunité. En ce sens, la parabole con­ cerne le Christ ct le mystère dc son Incarnation rédemptrice. 2. Telle est In différence entre le Christ qui est descendu en ce monde pur obéissance uu Père. < il y a été envoyé », et Λ dam qui y est descendu parce SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXIV, 3-5 405 telier le chef de l’Église chargé de l’administrer; quant à la promesse faite par le Samaritain de revenir, elle figurait le second avènement du Sauveur. Sens ^cttc interPr^tation est spirituelle . . ’ , etséduisantc mais on ne doit pas penser & * pour autant qu elle puisse s appliquer à tout homme *. « Tout homme, en effet, n’est pas descendu (volontairement) dc Jérusalem à Jéricho», et ce n’est pas pour cc motif que tous les hommes demeurent dans le siècle présent, mais le Christ, lui, o y a été envoyé ct y est venu à cause des brebis perdues de la maison d’Israëla ». L’homme qui «descend de Jérusalem à Jéricho tombe aux mains des brigands» précisément parce qu’il a luimême voulu descendre2. Les brigands ne peuvent, être que ceux dont le Sauveur dit : « Tous ceux qui sont, venus avant moi ont été des voleurs et des brigands b. » Il ne tombe d’ailleurs pas au milieu de voleurs mais « de bri­ gands » bien plus terribles que dc simples voleurs puis­ qu’ils ont volé ct couvert dc plaies cet homme qui, « des­ cendant de Jérusalem », était tombé entre leurs mains. Quelles sont ces plaies ? Quelles sont ces blessures dont l’homme est atteint? Les vices el les péchés. 5. Puis les brigands, après l’avoir dépouillé dc scs vêtements ct cou­ vert dc blessures, ne le secourent pas dans sa nudité ct, après l’avoir roué de coups encore une fois, l’abandonnent; c’est pourquoi l’Écriture dit : « L’ayant dépouillé et cou­ vert de blessures, ils s’en allèrent, le laissant » non pas mort, mais « à demi mort ». Or voici que par le même che­ min descendaient « un prêtre » d’abord, puis « un lévite », qui avaient peut-être fait du bien à d’autres personnes mais n’en firent pas à celui « qui était descendu de Jéru­ salem à Jéricho ». Le prêtre, à mon avis figurant la Loi, voit le Samaritain et de même le lévite qui, selon moi, représente les Prophètes, le voit aussi. Tous deux l’ont vu mais ils passèrent et l’abandonnèrent là. Mais la Provi­ dence laissait cet. homme à demi mort aux soins de celui que, dans son libre arbitre, I! a choisi la chute, « il a lul-mtmc voulu des cendre ». 406 ORIGÈNE seminecem providentia ei, qui fortior erat lege et pro­ phetis. Samaritano videlicet, qui interpretatur custos. Iste est, qui non dormitat neque dormit custodiens fsrahel *. ] Propter seminecem profectus est iste Samarites, non de Hierusalem in Hiericho sicut sacerdos et levita de­ scendens, aut si descendit, idcirco descendit, ut salvaret custodiretque moriturum, ad quem locuti sunt ludaci : Samaritanus es tu el daemonium habesb et qui, cum negasset se habere daemonium. Samariten negare se noluit ; sciebat enim se esse custodem. 6. Itaque cum venisset ad seminecem ct vidisset cum in suo san­ guine volutari, misertus accessit ad eum, ut fieret eius proximus, ligavit vulnera, infudit oleum vino mixtum ne­ que dixit, quod in propheta legitur : non est malagma imponere neque oleum neque alligaturas c. Iste est Sama­ ritanus, cuius cura et auxilio omnes, qui male habent, indigent, cuius vel maxime Samaritani indigebat auxilio, qui de Hierusalem descendens inciderat in latrones et vul­ neratus ab cis semianimis fuerat derelictus. Ut autem scias, quod iuxta providentiam Dei Samarites iste de­ scenderit, ut curaret eum. qui inciderat in latrones, mani­ feste doceberis ex eo, quod sccum habebat, alligaturas, secum oleum, sccum vinum, quae quidem ego puto non propter istum unum seminecem, sed propter alios quoque, qui ob varias causas fuerant vulnerati et. indigebant alli­ gaturis ct oleo et vino, sccum portasse Samariten. 7. Habebat oleum, de quo scriptum est, ut exhilaret faciem in oleo u, haud dubium quin eius, qui curatus fuerat. Oleo, ut tumores vulnerum sedarentur, sed et vino mundat vul­ nera asperitatis aliquid admiscens cumque, qui fuerat vulneratus, ‘imposuit iumento suo, id est proprio corpori, a. Ps. 121 (120), 4 (103), 15 b. .Jn, 8,48 c. Js., 1,6 d. Ps. 104 1. Cctlc étymologie que l’on trouve In Jo. com., XX, 35, GCS 1. p. 375, est conservée par Ambroise et Augustin, loc. parai. Voir F. Wurz. · Onomnstkii Sacra TU 41 (1914), p. 117. 546 et 747- SUB S. LUC, HOMÉLIE XXXIV, ;i-7 407 qui était plus fort que la Loi cl les Prophètes, c’est-àdire du Samaritain, dont le nom signifie « gardien 1 ». C’est lui qui « ni ne sommeille ni ne dort en veillant sur Israël a ». C’est pour secourir l’homme à demi mort, que le Sama­ ritain s’est mis en route ; il nc descend pas « de Jérusa­ lem h Jéricho » comme le prêtre et le lévite, ou plutôt, s’il descend, il descend pour sauver le moribond et veiller sur lui. Les Juifs lui ont. dit : «Tu es samaritain et un démon te possède11. » Après avoir affirmé n’être pas pos­ sédé du démon. Jésus ne voulut pas nier qu’il fût sama­ ritain *, car il se savait gardien. 6. Aussi, après être venu jusqu’à l’homme à demi mort, l’ayant vu baigner dans son sang, il en eut pitié et s’approcha de lui pour devenir son prochain. « 11 banda ses blessures, versa de l’huile mêlée de vin », et ne dit pas ce qu’on lit dans le pro­ phète : « Il n’y a ni pansement ni huile ni bande à appli­ quer0. » Voilà le Samaritain dont, les soins et les secours sont nécessaires à tous ceux qui sont malades, et il avait spécialement besoin du secours de ce Samaritain, l'homme qui, «descendant de Jérusalem, était tombé entre les mains de brigands » qui l’avaient blessé et. laissé pour mort. Mais afin que vous sachiez que la Providence divine conduisait ce Samaritain, descendu pour soigner un homme « tombé aux mains de brigands », il est clairement spécifié qu’il portait avec lui des bandes, de l'huile et du vin ; à mon avis, ces objets, le Samaritain ne les emportait sans doute pas avec lui pour cet unique moribond mais pour d’autres aussi, blessés de diverses façons et qui avaient également besoin de bandes, d’huile et de vin. 7. Il avait de l'huile dont l’Ecriture dit : «Que l’huile fasse luire le visage d », le visage sans aucun doute de celui qui avait été soigné. Pour calmer l’inflammation des blessures, il les nettoie avec de l’huile, et avec du vin mêlé de je ne sais quel produit amer. Puis il « chargea le blessé sur sa monture », c’est-à-dire sur son propre corps : 2. Dans le Commentaire sur Jean. op. cit.» p. 374-375, Origène Indique trois raison * pour lesquelles le Christ n’a pas refusé d’être appelé Samaritain. 408 ORIGÈNE iuxta id, quod est hominem dignatus assumere.J Iste Samaritanus peccata nostra portata et pro nobis dolet, portat seminecem, inducit in [ pandochium, id est in eccle­ siam, quae omnes suscipit et nulli suum auxilium denegat, | ad quam cunctos provocat lesus dicens : Venite ad rue omnes, qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos b, 8. Et postquam induxit cum, non statim recedit, sed uno die in stabulo cum seminece perseverat ct curat vul­ nera non solum in die, verum etiam in nocte, reliquam sollicitudinem suam et industriam tribuens. Cumque vel­ let mane proficisci, de probato argento suo, dc probata pecunia sua [tollit duos denarios et honorat stabularium, haud dubium quin angelum ecclesiae, cui praecipit, ut diligenter curet eum ct ad sanitatem usque perducat, quem pro angustia temporis etiam ipse curaverat. Duo denarii notitia mihi videtur esse Patris ct FiliiJ ct scientia sacramenti, quomodo Pater in Filio et Filius in Patre sit, qua vel ut mcrcede donatur angelus, ut diligentius curet hominem sibi commendatum, [et promittitur ei, quid­ quid de suo in medelam seminecis expenderit, illico esse reddendum. J 9. Vere lege et prophetis custos animarum iste vicinior, qui fecit misericordiam ei, qui inciderat in latrones, et proxi­ mus eius apparuit non tam sermone quam opere. Quia ergo possibile est iuxta illud, quod dicitur : Imitatores mei estote, sicut et ego Christi c, imitari nos Christum et mise­ reri eorum, qui inciderant in latrones, accedere ad cos, ligare vulnera, infundere oleum et vinum, imponere super a. Match., 8,17 (Is., 53, ··) b. Matth., 11, 28 c. I Cor., 4,16 1. Cf. hom. XXIX. note 3 sur assumptus homo, p. 364. 2. On trouve affirmée duns ce texte l'intériorité mutuelle du Père et du Fils qui est, pour Origène, une manière d’ufBrmer l’unité de la nature divine. Si Origène semble parfois réserver au parfait la contemplation du mystère dc la Trinité (Zn J-ca. ?ιο.·η., XI1J, 3. GCS 6, p. 472), ailleurs il considère ce mystère comme objet indispensable de. la foi de tout chrétien (/n Ιλμ. hom., V, 3. tb(d.9 p. 340). Cf. Zn Luc. hom., XXXV11, 5. Indice qu’il convient SUB S. LUC, HOMÉLIE XXXIV, 7-9 409 il a, en effet, daigné assumer l’humanité l. Ce Samaritain a porte nos péchés * » et souffre pour nous ; il porte le moribond et le conduit dans une auberge, c’est-à-dire dans l’Églisc qui accueille tous les hommes, ne refuse son secours à personne et où tous sont conviés par Jésus : « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et qui ployez sous le fardeau, el je vous soulagerai b. » 8. Et après avoir conduit le moribond à l’auberge, il ne le quitte pas immédiatement, mais demeure avec lui toute une journée pour soigner scs blessures, non seu­ lement pendant le jour, mais encore durant la nuit, lui consacrant ainsi toute sa sollicitude et son savoir-faire. Lorsque, le matin, il s’apprêtait à partir, il prélève sur son argent, sur ses fonds personnels, « deux deniers n de bon aloi, ct il en gratifie l’aubergiste, sans aucun doute l’ange de l’Églisc, en lui prescrivant de soigner conscien­ cieusement et de mener jusqu’à la guérison cet homme que lui-même avait soigne durant un temps trop bref. Quant aux deux deniers donnés à l’ange comme salaire pour qu'il soigne bien l’homme à lui confié, ils représentent, me semble-t-il, la connaissance du Père et du Fils ct la connaissance de ce mystère : le Père est dans le Fils et le Fils dans le Père Promesse est également faite à l’hô­ telier de lui rembourser immédiatement tous les frais que nécessite la guérison du moribond. 9. Ce gardien des âmes est apparu vraiment plus proche des hommes que la Loi et les Prophètes, « en fai­ sant miséricorde à celui qui était tombé entre les mains dc brigands » et il s’est montré son prochain non pas tellement en paroles mais en actes. 11 nous est donc pos­ sible, suivant ce qui est dit : « Soyez mes imitateurs, comme je le suis du Christ c », d’imiter le Christ et d’avoir pitié des hommes « tombés aux mains des brigands », d’aller à eux, de bander leurs plaies, d’y verser dc l’huile et du vin, de les charger sur notre propre monture et de de nuancer l’opposition établie· par le P. J. Lrbrbton’ entre le parfait ct le simple croyant, · Les degrés de ta connaissance religieuse d'après Ori­ * ent », 12 (1922). p. 2G5-29G. 410 O1UGÊNE proprium iumentum et ferre onera ipsorum, propterca ad talia nos cohortans Filius Dei non tam doctori legis quam nobis quoque omnibus loquitur : Vaile. et tu fac simi­ liter ; quae si similiter fecerimus, vitam conscquemur aeternam in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Anien ». a. 1 Pierre, 't, 11 SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXIV. 9 411 porter leurs fardeaux et c’est pour nous y exhorter que le Fils de Dieu ne s’adresse pas seulement au docteur dc la Loi mais à nous tous : « Va, toi aussi, et fais dc même. » Si nous agissons de la sorte, nous obtiendrons la vie éternelle dans le Christ Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Ainena». HOMILIA XXXV De co, quod scriptum est : Quando uadis cum adversario luo usque ad eum locum, ubi ait : et novissimum minulun reddes a. 1. Nisi esset nobis natura insitum id, quod iuslum est iudicandi, nunquam Salvator diceret : quare autem et a vobismetipsis non, quod iuslum est, iudicalis b ? Verum ne ad probationem huius sententiae longius evagemur, maxime cum multo difficiliora huic capitulo subnexa sint tantum super hoc significasse sufficiat, quin potius ani marum nostrarum ad Deum vela pandamus deprecemur que adventum sermonis eius, ut. interpretetur parabolam dc qua scribitur : Quando vadis cum adversario tuo ad prin cipem in via, da operam, ul libereris ab eo, ne forte trada te iudici, et index tradet te exactori, et in carcerem mittaris Arnen dico libi : non inde exies, donec novissimum minu tum reddas. Quatuor personas poni video, adversarii principis, indicis, exactoris ; et quia videtur evangelists Matthaeus simile quid locutus in eo, quod ait : Esto bene volas adversario tuo, dum es in via cum eo c, quaero, utrun idem sensus sit. an aliqua sit vicinia, siquidem [apud Mat thaeum una persona praetermissa est ct alia immutata a. Le, 12, 58-59 b. Lc, 12, 57 c. Matth., 5, 25 1. Uafllrmatlon selon laquelle il existe en tout homme une capaclt naturelle à juger le bien et le mal réiuto certaines théories gnns tiques su la corruption totale de la nature humuinc. Selon H. Chadwick, cette pcnsii d’Origènc pourrait être un écho de la inonde de Sextus. Cf. T/ie Sentence of Sextus, Cambridge, 1059. p. 161. 2. Origène demande souvent à ses auditeurs dc prier pour comprendra le sens des passages difficiles dc ^Écriture : ht Ez. hom., IV, 3, GCS 8. p. 36· et hom. XI, 2, ibid., p. 425 ;/n Gen. hom.. VI. 1, SC 7. p. 146 ct hom. XII, 1 HOMÉLIE XXXV Sur le texte : Lorsque tu te rends avec ton adversaire, et la suite, jusqu’au passage où il est dit : Tu paieras jusqu'au dernier centime ». 1. S il n y avait pas en notre nature un sens inné pour apprécier la justice, jamais le bauveur n aurait dit : « Pour­ quoi ne jugez-vous pas par vous-mêmes cc qui est juste b ? » Mais pour ne pas nous étendre trop longuement, à exa­ miner cette pensée d’autant que des questions bien plus difficiles se rattachent à ce chapitre, il nous suffira de découvrir le sens dc ce passage. Déployons donc les voiles dc nos âmes vers Dieu et prions pour demander la venue dc sa Parole afin d’interpréter celte parabole dc l’Écriturea : a Lorsque tu vas avec ton adversaire devant le prince, en chemin lâche d’en finir avec lui, de peur qu’il ne te traîne devant le juge et que le juge ne te livre à l’exé­ cuteur et que tu ne sois jeté en prison. En vérité je te le dis, tu ne sortiras pas de là avant d'avoir payé le dernier centime. » Je vois quatre personnages : l’adversaire, le prince, le juge cl l’exécuteur. Il semble que l’évangéliste Matthieu a exprimé une pensée semblable quand il dit : ■·■ Mets-toi d’accord avec ton adversaire tandis que tu chemines avec lui c. » Aussi je mc demande si ces mots ont le même sens que le texte de Luc ou s’ils n’ont avec lui qu’un rapport plus ou moins lointain : dans Matthieu, en , _ . , . . . ibid.. p. 201. Le commentaire qu'Arabroise donne dc cette parabole est assez dînèrent· In Luc.» VII, 119-159. SC 52. p. 6347. Les variantes entre le texte de Matthieu et celui do Luc sont interprétées dc tout autre manière; quant ft la signification de · l’adversaire ». Ambroise oscille entre une personnification de Satan cl la parole des Apôtres ou des Prophètes pour s’arrêter finalement au péché (habitudes perverses, pensées Injustes» mauvaise conscience). Tout cc qui concerne l’angélologle a disparu. 414 ORIGÉNE 2. Praetermissus est princeps et pro exactore, minister insertus ; adversarius vero et iudex similiter ab utroque sunt positi, j Imus itaque cum adversario nostro ad principem et oportet nos, dum adhuc in via sumus, fortiter laborare, ut liberemur ab eo. A quo ? Ambiguum quippe verbum est et potest tam ad principem, quam ad adversarium referri : ne forte tradat te sive adversarius, sive princeps iudici, et iudex tradat te exactori, ct : non inde exits, donec novissimum minutum reddas, pro quo Matthaeus ait : do-i nec reddas novissimum quadrantem a. Verbum novissimum uterque servavit, discrepare autem sunt visi, quod hic quadrantem, ille minutum posuit. 3. Quaedam mihi sunt secretiora tangenda, ut intelle­ gamus alium esse adversarium, alias tres personas, id est principem, iudicem, exactorem. Legimus — si tamen cui placet huiuscemodi scripturam recipere iustitiae et-, iniquitatis angelos super Abrahae salute et interitu dis-· ccptanles, dum utraeque turmae suo eum volunt coetui vindicare. Quod si cui displicet, transeat ad volumen, quod titulo Pastoris inscribitur, ct inveniet [cunctis honii-j nibus duos adesse angelos : malum, qui ad perversa exhor­ tatur, et bonum, qui ad optima quaeque persuadeat.]! Scribitur ct alibi, quod assistant homini sive in bonam,.1 a. Matth., 5, 26 1. Allusion à un texte apocryphe; Λ. Hahxacx. GeschMite der aUehr.4 Lilleratur, t. I, p. 857, pense qu’il s’agit d’un livre sur Abraham. Voir E. Sckuiikb, Geschichtc. des füdischen Volkes< I' éd.» Leipzig, 1909, L II i. I p. 33« et ss. 11 se peut également qu’Origéne désigne ici un commentaire i appartenant à l’école de Cnrpocrato. Cf. Iiiénée» Adu. Hacr.. I. 25. 4, PG 7,1 «83 b-(>81 a. L’angciologie tenait une place importante dans la pensée * roll < gîeuse juive nu début de l’ère chrétienne. Voir J. B. Frrv, · I/AngélologiM juive au temps de J.-C. », Rev. Sc. PMI. et T/iéoL, 1911. p. 75 ct ss. 2. On sait l'importance donnée nu Pastear d'IIcrmas dans la primitive i Église. Orlgène croît cc livre inspiré (In Ram. cwn.9 X. 31, PG 14, 1282 b), il en recommande la lecture (In Et. hom.t XIII, 3, GCS 8, p. 449), tout en SUH S. LUC, HOMELIE XXXV, 1-3 415 effet, une personne est omise, une autre est changée. 2. « Le prince» est laissé de côté et. «l’exécuteur» est remplacé par « le serviteur » tandis que « l’adversaire » et «le juge » sont mentionnés dans les deux textes. « En compagnie de notre adversaire » nous allons donc trouver « le prince » et pendant que nous sommes « en che­ min », il nous faut lutter avec courage pour nous libérer de lui. Mais nous libérer de qui ? De fait le mot est ambigu et peut sc rapporter aussi bien au prince qu’à l’adversaire : « De peur qu’il ne te livre», soit l’adversaire soit le prince, « au juge et que le juge ne te livre à l’exécuteur et tu ne sortiras pas de là avant d’avoir payé le dernier centime ». Au lieu de ces derniers mots, Matthieu dit : « Jusqu’à ce que tu rendes le dernier quart d’as a. » Les deux évangé­ listes ont conservé le mot « dernier », mais ils semblent en désaccord puisque l'un a employé le ternie «quart d’as », l'autre le mot « lepton » (centime). 3. Je dois toucher à quelques vérités . . plus mystérieuses pour comprendre que I adversaire et les trois autres person­ nages, le prince, le juge et l’exécuteur représentent cha­ cun une personne différente. Nous lisons - si l’on veut du moins recevoir ce genre d’écriture 1 — que les anges de la justice el les anges de l’iniquité sc disputent le salut et la perte d’Abrahani, tandis que les deux troupes reven­ diquent la présence du patriarche dans leur propre parti. Si cela ne plaît pas à tel ou tel, qu'il se reporte au volume intit ulé : « Le Pasteur â » et il y trouvera deux anges au­ près de tout homme : un mauvais, qui l'incite au mal, et un bon, qui l’oriente vers le bien. Il est écrit ailleurs que deux anges assistent les hommes pour accomplir soit le , élevant des doutes sur sa canonici té, H erd larnen libellus ille recipiendus vide· fur (In Ps. 37 corn., PG 12. 1372 b). En fait, il ne Γη pas compté parmi les livres canoniques. C(. M.-J. Lagrange. Histoire ancienne du Canon du Nomvtau Testament. Pari . * 1033. p. 101-1Û2. Tout CO développement sur les bons ct les mauvais anges. l’ange gardien et les anges des Églivs, avec l'allusion â l’évêque, puisque la hiérarchie visible est le type do la hiérarchie céleste, ne fuit que reprendre les idées déjà exprimées dans les homélies XII ct XIII. 41G ORIGÈNE sive in malam partem duplices angeli. Dc bonis etiam Sal­ vator meminit dicens : Angeli eorum semper vident faciem Patris mei, qui in caelis est». Simul quaere, [utrum par­ vulorum in ecclesia semper videant angeli faciem Patris\ ct aliorum angeli non habeant libertatem vultum Patris attendere. Neque enim sperandum est omnium angelos semper videre faciem Patris, qui in caelis est. Si fuero de ecclesia, quamvis minimus sim, habet libertatem et fidu­ ciam angelus meus semper videre faciem Patris, qui in caelis est. 4. Si autem forinsecus ncc de illa ecclesia quae non habet maculam aut rugam vel quid istiusmodi b, ct ipsa re probor alienus esse a tali congregatione, non habet fiduciam angelus meus respiciendi vultum Patris, qui in caelis est. Quam ob causam angeli pro bonis solliciti sunt, scientes quod, si nos bene gubernaverint et ad salutem usque perduxerint, habeant etiam ipsi fiduciam videndi faciem Patris. Quomodo enim, si per curam eorum ct industriam salus hominibus comparatur, faciem Patris semper attendunt, sic, si per neglegentiam eorum homo corruerit, etiam sui periculi rem esse non nesciunt. Et sicut bonus episcopus et optimus ecclesiae dispensator scit sui meriti esse atque virtutis, si oves gregis sibi crediti fuerint custoditae, ita intellege et dc angelis. Ignominia angelo est, si homo sibi creditus fuerit, si peccaverit, ut e con­ trario gloria est angelo, si creditus sibi saltem minimus in ecclesia fuerit, si profecerit. Videbunt enim non ali­ quando, sed semper faciem Patris, qui in caelis est, cum alii semper non videant. Secundum meritum enim eorum, quorum angeli sunt, aut semper aut nunquam, vel parum vel plus, faciem Dei angeli contemplabuntur. Cuius rei a. Matth., 18, 10 b. Éphés., 5, 27 1. H ne s’nsit pas ici des enfants, nu sens physique, mais des simples croyants. 2. Cf. fti Num. from., XX, 3. SC 29, p. 406. 417 SUH S. LUC, HOMÉLIE XXXV, 3-4 bien soit le mal. Le Sauveur fait aussi mention des bons anges lorsqu’il dit : « Leurs anges voient sans cesse la face dc mon Père qui est. dans le ciel a. » En même temps de­ mandez-vous si les anges des petits 1 qui appartiennent à l’Église « voient toujours la face du Père » tandis que les anges des autres n’ont pas la liberté de regarder le visage du Père. De fait il ne faut pas nourrir l’espoir que les anges de tous voient sans cesse la « face du Père qui est dans les cieux a. » Si j'appartiens ù l’Eglise, tout petit que je sois, mon ange est libre et assuré de voir sans cesse la face du Père qui est dans les cieux. 4. Mais si je suis dehors ct n’appartiens pas à cette Eglise < qui n’a ni tache ni ride ni aucun défaut de cette sorte b » et s’il est prouvé effectivement que je suis étranger à cette assemblée, mon ange n’a pas l’assurance de voir « la face du Père qui est dans les cieux. » Pour celle raison les anges ne manquent pas de sollicitude pour les bons : ils savent que s’ils nous dirigent bien et nous conduisent au salut ils auront eux aussi l’assurance de voir la « face du Père». Si leurs soins et leur savoir-faire permettent aux hommes d’acquérir le salut, les anges voient sans cesse la « face du Père » ; inversement, si leur négligence conduit l’homme à la chute, ils n’ignorent pas que l'af­ faire ne va pas sans danger pour eux. De la même façon, un bon évoque, excellent administrateur de l’Eglise, sait qu’il revient à son mérite et à sa valeur que les brebis du troupeau à lui confiées soient bien gardées. Ainsi, cornprencz-le, en est-il des anges ; c’est une honte pour un ange si l'homme qui lui est. confié a péché : tout comme au contraire c'est une gloire pour lui si l’homme qui lui est confié, fût-il le plus petit dans l’Église, fait des progrès. Ils verront, en effet, non pas une fois ou l’autre mais «sans cesse la face du Père qui est dans les cieux», tandis que les autres ne la verront pas toujours. Selon le mérite de ceux qu’ils dirigent, les anges contempleront toujours ou jamais, ou bien avec plus ou moins d’intensité la face de Dieu 8. 3. Les anges aussi seront * jugé p. 214. Cf. hom. XIII, 6. Ontoù.xK. S. Luc. par Dieu. In Num. hom., XI. 4, SC 29, 2" 418 origène notitiam ad liquidum Deus noverit, et si quis, licet raro, fuerit inventus, quem Christus instruxerit. 5. Videamus ergo primum, quis sit adversarius, cum quo iter faciamus. Semper nobiscum est adversarius : infelices nos atque miserabiles ! Quotiescunque peccamus, adversarius noster exsultat sciens, quoniam habet facul­ tatem apud principem saeculi huius, qui se miserat, exsultandi et gloriandi, eo quod adversarius, verbi gratia huius vel illius, eum fecerit principi saeculi huius esse subiectum per talia totque peccata, per hoc illudve delic­ tum. Evenit autem interdum, ut. si quis fuerit praepa­ ratus armatura Dei et ex omni parte se texerit, conetur quidem adversarius vulnus inferre, sed facultatem non habeat percutiendi. Semper nobiscum adversarius gra­ ditur. nunquam nos deserit, quaerit occasionem insidia­ rum, si quomodo nos subvertere queat ct in principali cordis nostri malam subiciat cogitationem. 6. Quando vadis ad principem. Quisnam iste princeps est ? Quando dividebat Altissimus gentes, quando disse­ minabat filios Adam, statuit terminos nationum secundum numerum angelorum Dei, et facta est pars Domini populus eius lacob, funiculus hacreditatis eius Israhel a. Igitur prin­ cipibus, id est angelis, ab exordio terra divisa est. Daniel quippe manifestius, quos Moyses angelos nominarat, prin­ cipes esse testatur dicens : \princeps regni Persarum et princeps regni Graecorum et Michael princeps vester 6 ; sunt itaque principes gentium. J Et unusquisque nostrum securn habet adversarium cohaerentem, cuius opus est a. Deut., 32, 8-9 b. Dan., 10, 20-21 1. La connaissance du mystère des unges est réservée au parfait : elle est le fruit d'une illuminât ion spéciale, elle fait sans doute partir de ces quaedam secrciiora dont parle Origène rt celte homélie semble une initia· lion à lu conmdssnncc parfaite. 2. Principale rurdis. cf. Ικι/η. XXXII, note 1. p. .391. 3. Sur la répartition des anges dans l’univers, voir In Ex. hom.. VIII, 1-2· SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXV, 4-0 ■119 Dieu a une connaissance claire de ce mystère ; quant à l’homme, il peut l’avoir·, s’il se trouve en avoir etc instruit par le Christ, ce qui est assez rare x. ’ dversair 5‘ ^°y°ns 'abord qui est « l’adver' a 'orsa,re· sairc » avec lequel nous faisons roule. L’adversaire est toujours avec nous, malheureux ct misé­ rables que nous sommes. Chaque fois que nous péchons, notre adversaire tressaille de joie : il sait qu’il peut exulter el se glorifier auprès du prince de ce monde qui l’avait envoyé ; en effet, adversaire de tel ou tel, par exemple, il a rendu cet homme sujet du prince de ce monde à cause de tant de péchés, à cause de tels péchés, pour cette faute ou pour cette autre. Mais il arrive parfois ceci : si l’on est équipé avec l’armure de Dieu ct protégé de toutes parts, l’adversaire essaiera, bien sûr, d’infliger une bles­ sure mais il n’a pas la possibilité de frapper. L’adver­ saire marche toujours avec nous, il ne nous abandonne jamais, il cherche une occasion de nous tendre des pièges et la façon de pouvoir nous renverser en nous glissant une pensée mauvaise au fond du cœur *. Le rince « ^orstïue 1,1 ,c rends chez un p ‘ prince... » Chez quel prince ? « Quand le Très-Haut divisait les peuples, quand il répartissait les fils d'Adam, il fixa les limites des peuples selon le nombre des anges de Dieu. La part de Dieu, ce fut son peuple, Jacob et le lot de son héritage, Israël ». » Donc dès les origines la terre a etc divisée entre les princes, c’està-dire les anges ·. Et de fait le témoignage de Daniel est assez clair : il appelle « princes » ceux que Moïse avait nommés « anges », « le prince du royaume des Perses, ditil, le prince du royaume des Grecs et Michel votre prince b» ; ce sont donc les princes des nations. Et chacun de nous a un adversaire qui fait corps avec lui et dont la tâche est SC IC», p. 188-189. et surtout C. Ctls.. V. 25-33. GCS 2, p. 25 ct ss. Noire homélie coudent sans doute une allusion discrète ft VEcrlMastique 17. 17 : « Λ chaque peuple, il a préposé un prince. · 420 ORIGÈNE ducere nos ad principem et dicere : 0 princeps, verbi gratia regni Persarum, iste, qui sub te erat, tibi cum, ut fuerat, custodivi ; nullus eum de reliquis principibus ad se potuit transducere, ne ille quidem, qui ad hoc se venisse 1 iactabat, ut de cunctis hacreditatibus Persarum sive Graecorum omniumque nationum raperet homines et ... hacreditati Dei faceret esse subiectos. 7. Christus Dominus noster omnes principes vicit et terminos eorum transiens captivos populos ad se transtulit in salutem. Et tu de parte I alicuius principis cras; venit lesus et rapuit te de potes-1 late perversa ct Deo Patri obtulit. Adversarius ergo noster ambulat ducens nos ad principem suum. Unde ego ere- i' dens omnia scripturarum verba habere rationem non puto frustra iudiccm apud Graecos cum articulo positum, qui singularitatis significator est, principem vero sine arti­ culo scriptum esse simpliciter. Quando, inquit, vadis cum adversario luo. Signanter ait : J tuo. Neque enim omnes omnium sunt adversarii, sed sin-1 guli singulos habent, qui ubique eos sequantur et sint ,r comites. Quando vadis cum adversario tuo ad principem. 1 Non cum articulo principem posuit, ne certum videretur ostendere, sed sine articulo, ut e pluribus unum esse mons- I traret, quod apud Graecos magis intellegitur. 8. Unus-ij quisque enim nostrum non habet proprium principem ;] sed si quis Aegyptius est, habet Aegypti principem, qui Syrus, sub Syrorum principe est, et unusquisque sub suae gentis est principe, si tamen hucusque processisse me suf­ ficit et non ab hac disputatione ad aliam transire maiorem,; ut ceteras quoque gentes esse commemorem. Unde dici­ tur : videte Israhel secundum carnem . * Prudenti coepisse a. I Cor., 10, 18 1. Ici Fange des nations est évidemment un démon, opposé au Christi. alors que dans i’ftom. XII. 3. les anges des nations figurés par les bergers I étaient de bons anges qui se réjouissaient de la venue du Christ. SUR S. LUC, UO.MÉUË XXXV, 6-8 421 de le conduire h un prince pour lui dire : « Prince du royaume des Perses, par exemple, celui-ci qui était ton sujet, je te l’ai gardé tel qu’il était ; aucun des autres princes n’a pu l’attirer à lui, pas même celui qui se van­ tait d’être venu arracher les hommes à la domination des Perses, des Grecs et de toutes les nations pour en faire les sujets de l’héritage de Dieu h » 7. Lc Christ notre Sei­ gneur a vaincu tous les princes el, franchissant leurs fron­ tières, il attira vers lui les peuples captifs, pour les sau­ ver a. Et. toi, tu appartenais au parti d'un prince, Jésus est venu, il t’a arraché à la puissance du mal et t’a offert à Dieu le Père. Ainsi notre adversaire chemine cl nous conduit à son prince. Quant à moi, croyant que tous les mots de l’Écriture ont une raison d’etre, je ne pense pas que chez des Grecs on ail écrit sans motif «le » juge avec un article, ce qui indique une personne unique tandis que le mot « prince » est écrit sans article, tout sim­ plement. a Lorsque, dit. l’Écriture, tu te rends avec ton adver­ saire », elle fait ressortir « ton ». Tous en effet ne sont pas les adversaires de tous, mais chacun a son adversaire particulier qui le suit partout comine un compagnon. « Lorsque tu te rends avec ton adversaire chez un prince », le mol « prince » n’est pas précédé de l’article afin de ne pas paraître indiquer un personnage déterminé mais l’ab­ sence d’article montre qu’il s’agit d’un prince pris entre plusieurs autres, ce qui se comprend mieux pour les Grecs. 8. En effet chacun de nous n’a pas son prince à lui. Mais un Égyptien dépend du prince d’Égypte, un Syrien est sujet du prince de Syrie, chacun est soumis au prince de son propre pays. Il me suffit d’en rester là el point n’est besoin de passer de celle discussion à un autre développement plus long, pour énumérer également toutes les nations les unes après les autres. Aussi est-il dit : « Voyez Israël selon la chair11. » Pour le sage, avoir com2. Affirmation de la catholicité de FftgUse ; toutes les frontières sont abolies. 3. Lc juge est le Christ, voir plus loin, p. -125. 422 ORIGENE dixisse est : licet et hoc ipsum temerarium sil super tali re in populo coepisse sermonem. Qui te vult, inquit, ducere ad principem suum ct ab alio principe transducere, quando vadis cum adversario luo ad principem in via, da operam, ut libereris ab eo. Ni omni studio laboraveris, ut (libereris dum adhuc viam carpis, antequam ingrediaris ad principem, priusquam princeps tradat te indici ab adversario praeparatum, pos tea frustra conaberis. 9. Da ergo operam, ut libereris ab adversario tuo sive a principe, ad quem te trahit adver­ sarius. Da operam, ut habeas sapientiam, iuslitiam, for­ titudinem, temperantiam, ct tunc complebitur : eccc homo et opera cius ante faciem suam ». Nisi dederis operand non poteris adversarii pactum infringere, cuius amicitia inimicitia est in Deum v. Quando vadis cum adversario luo ad principem in via, da operam. Latitat in hoc loco nescio quid, et secretum est : in via da operam. [Salvator ait : Ego sum via et veritas et vitae.\ Si dederis operam, ut libereris ab adversario, esto in via : ct cum steteris in eo, qui dicit : ego sum via, stetisse non sufficit, sed da operam, ut libereris ab adversario. Nisi enim dederis operam, ut ab adversario libereris, quae te sequantur, ausculta. Tra­ hit te ad iudicem adversarius sive princeps : cum te sus­ ceperit ab adversario, trahit te ad iudicem. [Quam elegans sermo : trahit, ut ostendat quodammodo retractantes et nolentes ad condemnationem trahi ct ire compelli !J Quis enim homicida concito gradu pergit ad iudicem ? Quis a. Is., 62, 11 b. Jac., \ c. Ja, 14, 6 1. Le sage est le parfait qui reçoit communication «le la Sagesse divine, cf. In Jo. coni., i, 34, GCS 4, p. 43 ; In Jer. hom.. VIII, 2. (iCS 3, p. 37. Lu difficulté de cette homélie vient en grande partie de ce qu’elle est une réfu­ tation de certaines interprétations gnostiques concernant la parabole du jugement dernier. On peut se faire une idée de cct enseignement ésotérique d’après Iréxùe· « l’adversaire est l’ange mauvais qu’ils appellent diable, le prince est le premier des démiurges, la prison représente le corps... ; les mots « tu ne sortiras pas de là > sont interprétés comme si personne ne SUH S. LUC, HOMÉLIE XXXV, 8-9 423 mcncé, c’est avoir dit : peut-être est-il même téméraire d’avoir commencé à traiter pareil sujet en public *. Celui qui veut te conduire à son prince en te faisant changer de maître, « lorsque tu te rends avec ton adver­ saire chez un prince, en chemin, lâche d’en finir avec lui ». Si, en elfel. lu ne fais pas tous tes efforts « pour en finir», lorsque tu es encore sur la route, avant d’entrer chez le prince, avant de te voir livrer par lui au juge, quand l’adversaire t’a bien préparé à cela, lu ne pourras plus rien faire dans la suite. 9. « Tâche donc d’en finir» avec l’adversaire ou avec le prince chez qui t’entraîne l’adversaire. Efforce-toi de posséder la sagesse, la jus­ tice, la force, la tempérance a et alors sera accomplie la parole : « Voici l’homme, ses travaux sont devant son visage5.» Si tu ne fais pas effort, tu ne pourras pas briser le pacte de ton adversaire dont « l’amitié est ini­ mitié contre Dieu b. » « Lorsque tu te rends avec Ion ad­ versaire chez un prince, en chemin fais effort. » Dans le passage « en chemin, fais effort » se cache je ne sais quelle vérité, il y a un mystère. Le Sauveur dit : « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie®.» Si tu fais effort pour être délivré de ton adversaire, sois dans le Chemin ; et si tu te tiens en Celui qui dit : « Je suis le Chemin », cela ne suf­ fit pas, mais « fais effort pour être délivré de l’adversaire ». Si tu ne fais pas effort, pour être délivré de l’adver­ saire, écoute ce qui t’attend. L’adversaire « te lraine chez le juge», ou bien le prince, après l’avoir reçu de 1 adver­ saire, «te traîne chez le juge». «Traîner» est un terme bien choisi pour montrer en quelque sorte comment ceux qui regimbent et ne veulent pas être traînés à la condam­ nai ion sont pourtant obligés de s’y rendre. Quel homicide se rend chez le juge avec empressement ? Qui se hâte pouvait échapper au pouvoir dos anges ». /Idi *. Hacr^ I, 25» 4, PG 7, 683 b684 a. Ainsi, scion la gnose hétérodoxe. 11 est impossible de sc libérer de l'em­ prise des nages. A l'inverse, toute l'argumentation d’Orlgène tend à affir­ mer, une fois de plus, la liberté de l'homme qui doit faire effort pour se libérer du pouvoir des forces adverses, 2. Nouvelle énumération des vertus cardinales déjà mentionnées dans Vhom. VIII, 4. voir note 3. p. 168. 424 ORIGÈNE gaudens ad condemnationem suam ire festinat, et non invitus trahitur ac repugnans ? Scit enim se ad hoc ire, ut sententiam mortis accipiat. 10. .Ve forte trahat te ad iudicern. Quis putas iste iudex est ? [Ego nescio alium iudicern nisi Dominum nostrum lesum Christum,j de quo et alibi dicitur : statuet oves a dextris, haedos autem a sinistris a ct iterum : qui confessus fuerit me coram hominibus, confitebor et ego eum coram Patre meo, qui in caelis est ; qui autem negaverit me coram horni· nibus, negabo eum coram Patre meo, qui in. caelis est b. Ne forte trahat te ad iudicern, et iudex tradat te exactori. Unus­ quisque nostrum per singula peccata damnum sustinet, et iuxta qualitatem rationemque delicti damni magni­ tudo reputatur. Debeo aliquod dc scripturis afferre tes­ timonium super damno multaque pecuniae. Alius dam­ num sustinet quingentorum denariorum et. debet eos, alius quinquaginta denariis condemnatur ; quae summa ambo­ bus a creditore conceditur. Porro alius, sicut scriptura dicit : oblatus est ei unus, qui debebat decem milia talenta °, decem milium talentorum debito condemnatur. Et quid me neccssc est plura persequi ? 11. Unusquisque pro qua­ litate ct quantitate peccati diversam multae sententiam excipit. [ Si parum est, quod peccas, ferieris damno minuti, ut Lucas scribit, ut vero Matthaeus, quadrantis. J Verumlamen etiam necesse est hoc ipsum, quo exstitisti debitor, solvere ; non enim exies de carcero, nisi et minima quae­ que persolveris. Qui vero fidelis est, nullo damno percu­ titur, sed cotidie ditatur ; totus enim mundus divitiarum a. Matth., 25. 33 b. Matth., 10, 32-33 c. Matth., 18, 24 1. Même idée» Jn Num. horn,. VIII, 1, SC 29, p. 160. 2. Alors que In traduction inline semble identifier minutum (λ;πτό·/) ct quadrans (ζο^ροίνττ,ς), le grec les différencie nettement. Un lepton signifie un tout petit péché ; le quadrans, selon l'expression de Matthieu, représente un grand nombre dc péchés. Cette distinction sera utile pour saisir la fin de cette homélie. Il faut également se souvenir de In valeur comparée des dif­ férentes monnaies afin dc comprendre qu'il y a des degrés dans le péché. SUK S. LUC, HOMÉLIE XXXV, 9-11 425 dans la joie d’aller à sa propre condamnation et n’y est pas traîné contre sa volonté qui s’insurge ? Car il sait qu’il va pour être condamné à mort. jc !θ· ® Oc pûtir que par hasard il ne le Juge. traîne chez le juge. » A votre avis qui est ce juge ? Je ne connais pas d’autre juge que notre Seigneur Jésus-Christ, dont il est dit ailleurs : « Il mettra les brebis à droite ct les boucs à gauche °. » Et de nou­ veau : « Quiconque me confessera devant les hommes, je le confesserai aussi devant mon Père qui est dans les deux. Mais quiconque me reniera devant, les hommes, je le renierai aussi devant mon Père qui est dans les deux b. » « De peur, par hasard, qu’il ne te traîne chez le juge ct que le juge ne te livre à l’exécuteur. » Chacun de nous, pour chaque péché, souffre une peine et l’intensité de la peine est mesurée d’après la qualité et la nature des fautes *. Je dois apporter un témoignage de l’Écriture à propos de la peine et. dc l’amende à payer. L’un est condamné à payer cinq cents deniers et il les doit vraiment, un autre est condamné à cinquante deniers, somme que chacun sc voit remise par le créancier. Puis un autre, selon l’Écri­ ture, « lui fut présenté qui devait dix mille talents c », et il fut condamné à payer dix mille talents. Λ quoi bon con­ tinuer davantage. 11. Selon la nature et le nombre des péchés, chacun est condamné à une amende différente. Si ton péché est petit, lu seras frappé d’une peine «d'un lepton », comme écrit Luc, ou «d’un quart d’as», selon Matthieu ». Il est pourtant indispensable dc payer éga­ lement cette petite somme qui t’a rendu débiteur, car «lu ne sortiras pas » de prison avant d’avoir payé même la plus petile somme. Cependant celui qui est fidèle n’est frappé d’aucune amende, mais chaque jour il s’enrichit, a une multitude dc richesses est à lui tandis que l’infidèle Le /.«π τον» minutum la moitié d’un quadrans (ΛΛ> 12, 42). Le κοοράντης» quadrans 1 /4 d’ns. L’obolc, obolus — 1 /G dc drachme. lui drachme, monnaie nttlqiic, équivaut nu denier, drnerius. monnaie romaine. Le talent repré­ sente 6 mines. In mine vnul 100 drachmes et Je dernier 10 as ou 4 sesterces. Le stater — i drachmes ct enlln le nummus. 2 as 1/2. 426 OniGÈNE eius est : infidelis autem nec obolum habet a. Alius condem­ natur denario, alius mna, alius talento. Est quaesitor huius negotii, qui mensuras universorum noverit pecca­ torum et dicat : Hoc delicium talento condemnatur, illud peccatum mullam istiusmodi meretur. Scriptum esi enim : cum autem coepisset facere, rationem h. Supputanda est omnibus nobis ratio. Non est aliud tempus faciendae rationis nisi tempus indicii, quando liquido cognoscetur, quid nobis creditum sit et quid lucri quidvc detrimenti fecerimus, quis nostrum acceperit mnam, quis unum talen­ tum, quis duo, quis quinque c. Quid necesse est plura replicare, cum hoc in commune dixisse sufficiat reddi­ turos nos esse rationem et, si debitores inventi fuerimus, trahi ad indicem et a indice exactori tradi ? 12. Singuli exactores proprios habemus, omnis vero multitudo pluribus traditur, secundum id, quod in Isaia scriptum esi : Populus meus, exactores vestri spoliant vos et, qui potentes sunt, dominantur vestri Λ — dominantur exactores, si debuerimus aliquid. Si autem habuerimus fiduciam et fronte libera dixerimus : Servavi praeceptum iubens : reddite omnibus debita, cui tributum, tributum, cui timorem, timorem, cui vectigal, vectigal, cui honorem, hono­ rem e — si omnibus universa reddidero, venio ad exac­ torem et intrepida mente respondeo : Nihil tibi debeo. 13. Venit exactor ad reposcendum — resisto ei ; scio enim, quia, si nihil debuero, in me non habet potestatem. Quod si debitor fuero, mittet, me exactor meus in carcerem, illo ordine, qui praedictus esi. Adversarius enim me ducit ad principem, princeps ad iudicem, index tradet exactori, exactor miltet in carcerem. Quae esi lex carccris istius? Non egredior ex eo, neque me exactor patitur exire, nisi debitum omne persolvero. Non habet exactor potestatem, ut mihi saltem quadrantem et minimam portionem valeat a. Prov., 17, 6 a, (LXX) 25, 15 et s$ ; Lc, 19, 13 et ss b. Matth., 18. 24 c. Cf. Matth., d. Is., 3, 12 e. Rom., 13, 7 SfH S. LUC, HOMÉLIE XXXV. U-13 127 n’a même pas une obole a. » L’un est condamné à payer un denier, un autre, une mine, un autre, un talent. Le juge dc celle affaire connaît l'importance de tous les pé­ chés et dit : Pour cette faute, on est condamné à payer un talent, pour ce péché telle amende. Car il est. écrit : « Quand il commencera le règlement, des comptes b. » Le compte doit être établi pour nous tous. Il n’y a pas d’autre temps pour régler nos comptes que le temps du jugement, quand on connaîtra clairement ce qui nous a été prêté, ce que nous avons gagné ou perdu, la somme que chacun de nous a reçue : une mine, un talent, soit deux, soit cinq c. Λ quoi bon entrer dans plus de détails, puisque l’explication générale suffît ? nous devrons régler nos comptes et, si nous sommes trouvés débiteurs, nous serons traînés devant le juge et livrés à l’exécuteur par le juge. ,, , . L’exécuteur. 12. Nous avons chacun nos propres . t . rfoule i estJ rlivrée * exécuteurs, mais toute ;ï plusieurs exécuteurs, selon ce qui est écrit, dans Isaïe : « Mon peuple, vos exécuteurs vous pillent et les puis­ sants régnent sur vous <* » ; les exécuteurs sont nos maîtres si nous sommes débiteurs. Mais si nous avons confiance, si nous pouvons dire le front haut : « J’ai gardé le pré­ cepte. qui ordonne de rendre à chacun ce qui lui est dû, à qui l’impôt, l’impôt, à qui la crainte, la crainte, à qui les taxes, les taxes, à qui l’honneur, l’honneur e » et. j’ai rendu à tous tout ce que je leur devais, alors je vais trouver l’exécuteur et je lui réponds sans crainte : je ne te dois rien. 13. L’exécuteur revient à la charge, je lui tiens tête ; car je sais que, si je ne dois rien, il n’a aucun pouvoir sur moi. mais, si je suis débiteur, mon « exécuteur me mettra en prison » suivant le processus indiqué : l'ad­ versaire me conduit chez un prince, le prince chez le juge et le juge me livrera à l’exécuteur et l’exécuteur me mettra en prison. Quelle loi régit cette prison ? Je n’en sortirai pas et l’exécuteur ne me permettra pas de sortir, si je n’ai pas payé ma dette. L’exécuteur n’a pas la faculté de me faire grâce ni d’un « quart d'as n, ni même de « la plus petite » somme ; il n’y en a qu’un qui puisse faire 428 ORIGÈNE concedere ; unus est, qui debitoribus non habentibus, unde persolvant, potest concedere. Accessit, inquit, ad eum unus, qui debebat quingentos denarios, et alius quin­ quaginta ; et cum non haberent, unde redderent, ambobus donavita. Qui donavit, dominus erat ; iste vero, qui exac­ tor est, non est dominus, sed a domino ad exigenda debita praepositus. 14. Non fuisti dignus, ut tibi quingenti sive quinquaginta denarii donarentur, nec audire meruisti : dimissu sunt tibi delicta tua b ; mitteris in carcerem ct ibi exigeris per laborem ct opera sive per poenas atque sup-. plicia, et non inde exies, nisi reddideris quadrantem vel novissimum minutum, quod graece tenue dici potest. Peccata nostra aut pinguia sunt — scribitur enim : incrassatum est cor populi huius c — aut ad compara­ tionem maiorum tenuia atque subtilia. [Beatus est igitur primum, qui non peccat, secundo, ut in collationem ali­ quis saltem tenue peccatum habeat.] 15. Et inter ipsa quoque tenuia atque subtilia est diversitas peccatorum. Nisi enim inter tenue atque subtile peccatum esset aliud subtilius, nunquam diceretur : non exies inde, donec red­ das novissimum quadrantem. Quomodo, si pecuniam diceret novissimum minutum — minutum, quod est denarius sive nummus sive obolus sive stater — ; quid, si magnam pecuniam debuerimus sicut ille, qui scribitur decem milia talenta debuisse; quanto tempore claudamur in carcere, donec reddamus debitum, non possum manifeste pronuntiare. Si enim, qui parum debet, non egreditur, nisi exsolvat minutum quadrantem, utique, qui tanto debito fuerit obnoxius, infia. Lc, 7, 41-42 b. Lc, 7, 48 c. Is., 6, 10 1. Le mot λιχτόν. tiqer, conformément à un mode de pensée platonicien, appelle son contraire, r.xyô. gros, et cette opposition annonce un développe­ ment sur les divers péchés. 2. Il y η des péchés «raves ct des péchés légers, mais parmi ces derniers tous ne sont pas égaux en gravité. Si le quadrans symbolise un péché sans SCR S. LUC, HOMÉLIE XXXV, 13-i5 429 grâce aux débiteurs insolvables. « Un, dit l’Écriture, qui devait cinq cents deniers s’approcha de lui, et un autre qui en devait cinquante. Comme ils n’avaient pas de quoi s’acquitter, il fit grâce à tous les deux “. » Celui qui a fait grâce était le Seigneur ; l’exécuteur, lui, n’est pas le Sei­ gneur, mais il est préposé par lui pour exiger les dettes. 14. Tu n’as pas été digne qu’on le fît grâce de cinq cents au de cinquante deniers, ni mérité d’entendre : « Tes pé­ chés te sont remis b », tu seras envoyé en prison, cl là on te fera payer en t’imposant du travail et des tâches à accomplir ou bien des peines el des supplices et tu ne sor­ tiras pas de là avant d’avoir soldé le « quart d'as » ou « le dernier lepton ». Ce mot grec signifie « léger ». Parmi nos péchés, certains sont épais l, car il est écrit : U Lc cœur dc ce peuple s’est épaissi c », d’autres, en com­ paraison avec les péchés plus graves, sont légers cl infimes. Bienheureux d’abord celui qui ne pèche pas et en second lieu, s’il pèche, puisse-t-il n’avoir, quand on comptera ses fautes, qu’un péché léger. 15. Mais il y a également des différences parmi les fautes légères et infimes car, si dans le domaine des fautes légères cl infimes il n’y avait pas de plus et de moins, jamais l’Evangile n’aurait dit : «Tu ne sortiras pas de là jusqu’à ce que tu aies rendu le dernier quart d’as 2. » La manière (de payer notre dette), s’il fallait entendre d'une somme d’argent l’expression «le dernier lepton » — une toute petite somme, c’est-à-dire un denier, un écu, une obole ou un statère —; la nature de ce que nous paye­ rons, si nous devons une grosse somme d’argent comme celui dont il est écrit qu'il devait dix mille talents; la durée enfin du temps pendant lequel nous resterons enfer­ més en prison pour payer notre dette, je ne peux pas le dire clairement. En effet, si celui qui doit peu, ne sort pas dc prison avant d’avoir payé « le plus petit quart d’as », le gravité» le Zcp/ort» qui vaut la moitié moins, représente une taule encore plus légère, Cf. In l.cv. horn., XIV. 3, <>CS 6. p. 482. Sur les différents degrés dans le péché, voir K. Haiinew. « l.a doctrine dOrigènc sur la Pénitence ». ftSK 37 (1950), p. 35-60. ct G. TEicnrwEiun. Die Sündcnlchrc des Origenes, Hcgensburg, 1958, p. 2.30-232. 430 ORIGÈNE nita ei ad reddendum debitum saecula numerabuntur. Quapropter demus operàm, ut liberemur ab adversario. dum sumus in via, ct iunganiur Domino lesu : cui esi gloria et imperium in saecula saeculorum. Amen n. a. I Pierre, 4, 11 SUR S. LUC. HOMÉLIE XXXV, 45 431 débiteur d’une grande somme se verra compter un nombre infini de siècles pour payer sa dette. C'est pourquoi :: efforçons-nous d’en finir avec notre adversaire » pendant que nous sommes en chemin et unissons-nous au Seigneur Jésus, « à qui appartiennent la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen 11 ». HOM ILIA XXXVI Dc co, quod scriptum est : Qui voluerit animam suam salvare, perdet earn, usque ad eum locum, ubi ait : regnum Dei intra vos est n. 1. Qui quaesierit, inquit, animam suam salvare, perdet eam, et qui perdiderit eam, salvabit eam. Martyres quaerunt salvare animam suam ; proptcrca perdunt, ut salvent cam. Qui vero volunt salvare animam suam et non perdunt eam, hi et corpus et animam perdunt pariter in gehennam h. Quamobrem nolite, ait, timere eos, qui possunt corpus occidere, sed timete magis cum, qui potest animam el corpus perdere in gehennam. Hoc ad propositum iuxta vires ingenii nostri breviter dixerimus ; animalis autem homo non recipit ea, quae sunt spiritus °, et idcirco salvari non potest. Semi­ natur corpus animale, surgit corpus spiritale Porro qui adhaeret Domino, spiritus unus e efficitur. Si ergo, qui Domino copulatur, cum animalis esset, per id in spiritalem vertitur ct unus est spiritus, nos quoque perdamus ani­ mam nostram, ut adhaerentes Domino in unum spiritum transformemur. 2. Sed ct de regno Dei interrogatus Salvator a Pharisacis, quando venerit, respondit : Non venit regnum Dei cum observatione, neque dicunt : ecce hic, aut ecce ibi. Rea. Lc, 17. 83.20.21 b. Matth., 10, 28 1 Cor., 15, 44 e. I Cor.. 6, 17 c. I Cor., 2,14 d. I. Le mot anima ne signifie pas d'abord l'Ame au sens philosophique du terme, mais la vie. Comme on l’a dit, la pensée biblique n'est pas dmdisto ct lu distinction Aine-corps est un apport de Khcllénlsmo que d'ailleurs la tradition chrétienne prendra à son compte. Notre texte n’arrivc pas A unifier pleinement la pensée grecque ct la pensée hébraïque· le dualisme d'inspira­ tion platonicienne, corps-âme· ct la division tripartite» corps-âme-esprit» caractéristique de l'anthropologie biblique. Cf. hom. IV» note 2» p. 132. Au HOMÉLIE XXXVI Sur le texte : Celui qui voudra sauver son âme lu perdra, jusqu’au passage : Le royaume de Dieu est en vous a. ,L’„homme spirituel. . , 1· « Qui cherchera, dit Jésus, à , 1 sauver *·son aine .la perdra et... qui la perdra, la sauvera. » Les martyrs cherchent « à sauver leur âme » ; ils la perdent donc pour la sauver l. Mais ceux qui veulent « sauver leur âme » sans la perdre, perdent ù la fois «leur corps el. leur âme dans la géhenne b ». « Ne craignez donc pas, dit Jésus, ceux qui peuvent tuer le corps, mais craignez davantage celui qui peut perdre l’âme ct le corps dans la géhenne *. » Λ ce sujet, disons quelques mots selon la capacité de notre esprit ; « l’homme animal n’accueille pas ce qui vient de l’esprit e » ct, partant, il ne peut pas être sauvé. «On sème un corps anima], il ressuscite un corps spirituel d. » Enfin, « celui qui s’unit au Seigneur n’est avec lui qu’un seul esprit ° ». Si donc « celui qui s’unit au Seigneur », d’animal qu'il était, sc trouve transformé par cette union en homme spi­ rituel et « est un seul esprit» avec le Seigneur, nous aussi, perdons notre âme pour adhérer au Seigneur el être trans­ formés en un seul esprit avec lui. 2. Le Sauveur, interrogé par les Pharisiens également sur le temps de l’avènement du royaume de Dieu, répondit : « Le royaume de Dieu ne sc laisse pas observer et on ne saurait, dire : il est ici, il Le royaume de Dieu et le royaume des péchés. début du paragraphe, ύυ·/ϊ[ représente l’ûme opposée nu corps et, à la fin, désigne · l'homme animal » opposé â « l’homme spirituel ». Perdre «ι yu/ji signifie alors vivre selon Ιο π·/έύ·.·α du Seigneur. 2. Origène utilise ce texte dans son Exhortation au Martyre, ch. 31. GCS 1. p. 31. OlUGÙNR, S. Luc. 28 434 ORIGÈNE gnum enim Dei inlra vos est. Non omnibus Salvator dicit : regnum Dei. intra vos est, siquidem in peccatoribus regnum peccati est ct absque ulla ambiguitate aut regnum Dei in corde nostro imperat aut peccati. Unde sive quae faci­ mus, sive r Je bref exemple pour faire comprendre ce que vais dire *. L’Écriture dit, dans Isaïe : « La vision des animaux dans 30. /oc. ci/., p. 204, conservée pur JAkôme, In Matth·, III, 21, F/- 26· l l(> b. Voir différentes interprétations dans !·’. Wutz. op. cil., p. 39-11. 4. Sur la signification de l’âne et de l’ânon. voir OiiigAnk, In Jo. com.. X, 29. GCS4, p. 201. L’Anesse est la lettre dc ΓΑ. T. * «déliée par les disciples, ct l’ânon ol lu Nouvelle Alliance. On trouve une signification analogue dans r/iom. XVf! sur la Genèse, PG 12, 259 e-d. Cette similitude pourrait bien être un Indice en faveur dc l'nullicnlicitô de cette homélie que W. A. Babiirens n’a pas retenue dans son édition, GCS 6. p. xxix. Dans l'ftom. XV. 3 sur Josué les · ânes > sont ceux qui croient parmi les Gentils; SC 71, p. 337. A.Mfjmiisi·, Traité sur l'Êv. dc Luc, IX, 4, SC 52, p. 142» donne une Interprétation tout nuire. 438 ORIGENE ad cum locum, ubi ait : non proderunt eis divitiae aspi­ dum *. Unusquisque nostrurn consideret, quantas opes aspidum ante portaverit, quantas divitias bestiarum, ct quomodo nunquam rationabilis homo sederit super asi­ num nostrum, non sermo Moysi, non Isaiae, non Hieremiae nec reliquorum omnium prophetarum, ct videbit tunc sedisse super nos Sermonem Dei atque Rationem, quando venit Dominus lesus et. praecepit discipulis suis, ut euntes solverent pullum asinae, qui prius vinctus fuerat ut liber incederet. Solutus itaque pullus asinae adducitur ad lesum, ad cuius solutionem mittens discipulos [dixe­ rat : Si quis vos interrogaverit, quare solvitis pullum, dicite ei : quia Dominus necessarium illum habet. 3. Mulli erant domini huius pulli, antequam Salvator cum haberet necessarium ; postquam vero ille coepit esse dominus, plures esse domini cessaverunt: nemo enim potest Deo servire el mammonae b. Quando malitiae ser­ vierimus, multis sumus passionibus vitiisque subiecti.j Solvitur ergo pullus, quia Dominus necessarium illum ha­ bet. Et nunc Dominus pullum necessarium habet. Vos estis pullus asinae. Quid vestri Filius Dei necessarium habet ? quid a vobis expetit ? Salutem vestram necessarium habet, cupit vos solvi vinculis peccatorum. 4. Deinde mittunt discipuli vestes suas super asinum et sedere faciunt Salvatorem. [Assumunt Sermonem Dei ct imponunt eum super animas audientium ; vestibus exuuntur, substernunt eas in via. Super nos sunt vcslia. 1».. 30, 6 b. Matth., 6. 24 1. Voir un commentaire de ce texte ρ«ιχ<ότ«;.οι). (.c rapprochement entre la con­ naissance mystique et Jérusalem se comprend si l’on se souvient de l'étymologie retenue par Origène : Jérusalem oisio pacis. SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXVHl, 2-4 445 salcm : « Si, en ce jour, dit-il, tu avais connu toi aussi le message dc paix ; mais maintenant il demeure caché à tes yeux » et la suite, jusqu’au passage : « Parce que lu n’as pas reconnu le temps où tu as été visitée. » 3. Un auditeur pourrait dire : le sens sus p cure parojes est évident ; elles ont été sur . erusa eni. accomp|jeg effectivement au sujet dc Jérusalem : l’année romaine l’a assiégée et ravagée jus­ qu’à l’extermination et il viendra un temps où il ne res­ tera plus d'elle pierre sur pierre. Je ne nie pas que cette Jérusalem ait été détruite à cause des crimes dc ses habi­ tants, mais je demande si par hasard ccs pleurs ne con­ viennent pas aussi à cette Jérusalem qui est la nôtre. .Nous sommes en effet la Jérusalem sur qui Jésus a pleuré, nous dont le regard spirituel semble être plus pénétrant Si, après avoir connu les mystères dc la vérité, la parole de l’Évangile ct l’enseignement de l’figlise, si, après avoir eu la vision des mystères de Dieu, l’un de nous pèche, on se lamentera et l’on pleurera sur lui, car on ne pleure sur aucun des païens mais sur celui qui, après avoir appar­ tenu à Jérusalem, a cessé d’en faire partie. 4. On pleure sur notre Jérusalem, parce qu’après ses péchés « les enne­ mis l’assiégeront », à savoir les puissances adverses, les esprits mauvais ; ils établiront autour d’elle un retran­ chement pour l'assiéger el « ils n’en laisseront pas pierre sur pierre»; c’est cc qui a lieu surtout quand, après une parfaite continence, après plusieurs années passées dans la chasteté, un homme vaincu par les attraits de la chair, ne supporte plus les exigences de la pureté 2. Si vous com­ mettez l’impureté, « ils ne laisseront pas pierre sur pierre en vous ». Car on lit dans un autre passage : a Je ne me souviendrai plus des œuvres de justice qu’il a pratiquées ; je le jugerai dans son péché où il a été surpris a. » Voilà donc la Jérusalem sur laquelle on pleure. 2. Allusion ή la lutte contre les puissances adverses et reprise du thème du combat spirituel. Cf. ftorn. XXX, note 3. p. 370. Voir P. Arch., Ill· 2, GCS 5. p. 211 ct ss. · comment le diable et les puissances adverses com­ battent contre la race humaine >. 44(> ORIGENE 5. Post quae dicitur : ingressus est in templum, quod, cum fuisset ingressus, eiecit eos, qui vendebant columbas. ; Non eiecit ementes ; qui enim emit, quod emerit, possi­ det. Illos eiecit de templo patris lesus, qui vendunt et abiciunt, quod habuerant, in similitudinem illius luxu­ riosi lilii, qui substantiam accepit a patre et universa per­ didit] nimie potando0. Si quid ergo vendit, eicitur, prae­ cipue si vendebat columbas. Quare alias aves non posuit nisi columbas ? Hoc animal simplex est et decorum. Vereor, ne ct in nobis isliusmodi vitium deprehen­ datur. Si enim ea, quae mihi a sancto Spiritu revelata sunt et credita, ut in vulgus efferrem, pretio vendidero et absque merccde non docuero, quid aliud facio, nisi columbas, id est Spiritum sanctum, vendo?] Quem cum vendidero, cicior de templo Dei. 6. Quapropter rogemus Dominum, ut omnes emamus potius quam vendamus. Si enim non vendiderimus, cognoscemus et intellegemus salutem nostram ; alioquin inimici circumdabunt urbem nostram. Quod si semel nos hostilis exercitus cinxerit, lacrimas Domini non merebimur. Surgamus ergo dilu­ culo et obsecremus Deum, ut saltem micas, quae dc mensa eius cadunt12», comedere possimus. Miratur scriptura regi­ nam Saba venisse ab extremo terrae, ut audiret sapientiam Salomonis c ; quae, cum vidisset prandium et supellec­ tilem et ministeria domus eius, obstupuit et tota in miraa. Ci. Lc, 15,11 etss Ci. I Rois, 10, 4-5 b. Cf. Malth., 15,27 c. Lc, 11,31 : 1. Comparer ce passage avec le commentaire d’Ambroise IX. 18, SC 52, p. 146 ct les lieux parallèles d’Origène, In Malth. com., XV J. 20-23, GCS 10, p. 513 ct ss. ct In Jo. com., X, 2S. GCS I. p. 202. Les vendeurs chassés du temple sont le signe de l’abolition dc la Loi ct du culte juif, le service du temple passe aux païens qui croient en Dieu, dans le Christ. C’est aussi le symbole de notre purification intérieure pour préparer l’habitation de Dieu dans le temple de nos àincs. 2. Dans le commentaire sur Matthieu IC. 22. op. cil., p. 540, Origène pense que les vendeurs dc colombes sont ceux qui trudunt ecclesias avurix SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXVIII, 5-6 4 17 5. Il est dit ensuite : « Il entra dans le temple » et une fois entré, « il chassa ceux qui vendaient des colombes ». Il ne chassa pas les acheteurs, car l’acheteur est proprié­ taire de ce qu’il a acheté. Jésus chassa du temple de son Père ceux qui vendent leurs biens et s’en dépouillent1 ; ils ressemblent à ce fils voluptueux qui reçut « une part dc la fortune paternelle et la dilapida tout entière dans l’ivresse ®», Si quelqu’un se fait vendeur, il est chassé; surtout s’il vend des colombes. Pourquoi n’a-t-il pas mentionné d’autres oiseaux que des colombes ? Cet ani­ mal est simple et beau. Je crains qu'on ne trouve en moi ce genre dc faute. Si ce qui m’est révélé et confié par le Saint-Esprit, pour le faire connaître au peuple, je le vends pour de l’argent ct si je ne l’enseigne pas gratuitement, je ne fais pas autre chose que de vendre les colombes, c’est-à-dire le SaintEsprit. Si je le vends, je suis chassé du temple de Dieu 2. 6. C'est pourquoi prions le Seigneur d’être tous acheteurs plutôt que vendeurs. Car si nous ne sommes pas vendeurs, nous aurons la connaissance et l’intelligence de notre sa­ lut, autrement les ennemis assiégeront notre ville. Et si l’année ennemie nous investit, nous ne mériterons pas les larmes du Seigneur. Levons-nous donc au point du jour et prions Dieu de pouvoir manger au moins les miettes qui tombent de sa * . table L’Ecriture admire la reine de Saha parce qu’elle est venue « de l’extrémité de la terre pour entendre la sagesse de Salomon c » et, à la vue du repas, du mobilier el du service de la maison royale, elle fut frappée de stupeur et tout émerveillée. Nous, si nous . Jésus chasse les vendeurs. ef tyrannicis el imlocli * ct irreligiosis episcopis, Allusion évidente à ceux qui cherchent à promouvoir aux dignités ecclésiastiques les membres de leur famille pour lour assurer uno position honorable sans se soucier de leur valeur spirituelle. Origène s’est souvent montré sévère pour le clergé. Cf. Jn Mallh. com.. XVI. 8, GCS 10. p. 492 ct Com. ser. 11, GCS 11. p. 21 ; In Num. hom., II» 1. SC 29, p. 82. Jérôme, dans son commentaire, reprendra les mêmes critiques en visant non seulement les membres du clergé mais aussi les laïcs et toute la foule contre qui le Christ naius criminis habet vendentes pariter el ementes, In Mattii. com.. Ill, 21. PL 26, 151 b. 448 ORIGÈNE culo fuit. Nos si tantas Domini nostri opes, tantam ser­ monis supellectilem et abundantiam doctrinarum non libenter amplectimur, si non comedimus panem vitae , * si non carnibus lesu vescimur et cruorc potamur, si contem­ nimus dapes Salvatoris nostri, scire debemus, quod habeat Deus et benignitatem el severitatem b ; e quibus benigni­ tatem magis eius nobis orare debemus, in Christo lesu Domino nostro : cui est gloria el imperium in saecula sae­ culorum. Arnen °. a. Jn, fi, 35 b. Hom., 11, 22 c. I Pierre, 4, 1'1 1. Origène met encore en parallèle ('Eucharistie et la Parole dc Dieu. CL Iwm. XXVI H, note 2, p. 358. SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXVIII. 6 449 n’embrassons pas de grand cœur les prodigieuses richesses de notre Seigneur, le merveilleux ameublement que cons­ titue sa Parole, l’abondance de ses enseignements, si nous ne mangeons pas le « pain de vie B », si nous ne nous nour­ rissons pas de la chair de Jésus et ne buvons pas son sang x, si nous méprisons le banquet du Sauveur, nous devons savoir que Dieu « fait preuve dc bonté et aussi de sévérité b ». 11 vaut mieux pour nous implorer sa bonté 2 dans le Christ Jésus notre Seigneur, « à qui appartiennent, la gloire et la puissance dans les siècles des siècles. Amen e ». 2. Λ propos de cc verset de VÉp. aux Rom.. Origène note : cum nero ct benignitas ct severitas quaedam sil Dci, qui habitant in domo Domini videbunt in bonitate Dei facunditatem ; qui autem extra domum ejus sunt, severitatem ejus experiuntur, In Ps. 26, PG 12, 1280 n. Or:GÊ>b. S. Lue. 29 HOMILIA XXXIX De quaestione Sadducaeorum, quam proposuerunt Domino, mulieris eius, quae septem viros habuit, ct rursum de denario, quem sibi Salvator iussil ostendi ft. 1. Est haeresis ludaeis, quae dicitur Sadducaeorum; haec resurrectionem mortuorum negat ct putat animam inte­ rire cum corpore nec post mortem sensus ultra residere. Hi igitur quaestionem Domino proponentes composuerunt fabulam mulieris septem virorum, quae post primum virum, ad resuscitandum semen prioris, alterum duxerit, quo mortuo tertium quoque et rursum quartum, atque in hunc modum ad septimum usque pervenerit. Quaeritur ergo, in resurrectione mortuorum quis eam sibi e septem fratribus sit vindicaturus uxorem. Hoc autem problema insidiantes verbis Salvatoris eo tempore proposuerunt,] quo eum viderunt de resurrectione docere discipulos. 2. Quibus respondens Salvator ait : Erratis, nescientes scripturas neque virtutem Dei. In resurrectione enim mor­ tuorum neque nubent neque nubentur, sed erunt sicut angeli in caelis b. Qui erunt sicut angeli, utique angeli erunt. a. Lc, 20, 27-40 ; 20, 21-20 b. Matth., 22, 29-30 1. Même présentation de lu secte des Sadducéens. in Matth. com., XV11, 29 et ss. GCS 10. p. 665 ct ss. Les Saddticéens non seulement nient In résurrection de la chair niais ** i au l’immortalité de l’&mc, cc qui entraîne l’anéan­ tissement de tonte activité spirituelle immédiatement après la mort physique. Cette homélie manque dans le manuscrit C. Voir Infrotf.» p. 84-85. 2. Fabula, μύθος. a ici le sens d’hûdoirc imaginée, concernant des faits irréels comme In Gen. hom.. X. 2, SG 7, p. 186, mais le mot peut signifier également histoire vraie, ïn Gen. horn., V, 3, ibid., p. 138 et 2n Conf, com·, III, GCS S. p. 201. Dans le vocabulaire de Jérôme, fabula a aussi cc double HOMÉLIE XXXIX Au sujet de la question que les Sadducéens posèrent au Seigneur concernant la femme qui eut sept maris, et également à propos du denier que le Seigneur se fit mon­ trer a. 1. H y a une secte juive qu’on appelle la secte des Sadducéens : ils nient « la resurrection des morts » et ils pensent que l’âme meurt avec le corps et qu’après la mort nos facultés spirituelles disparaissent L Les Sadducéens po­ sèrent. une question au Seigneur et inventèrent, l’his­ toire 4 d’une femme qui avait eu sept maris. Après la mort de son premier mari, afin de lui susciter une postérité, elle en épousa un second ; à la mort de celui-ci, elle en épousa un troisième, puis un quatrième et ainsi de suite jusqu’au septième. La question se pose donc : « A la résurrection des morts », qui des sept frères doit la récla­ mer pour femme ? Pour prendre en défaut l'enseignement du Sauveur*, les Sadducéens soulevèrent, ce problème quand ils le virent instruire les disciples au sujet de la résurrection. La question our qui le roi était considéré comme une présence visible dc Dieu. 458 ORIGÈNE mus, sed, postquam ci dederimus, nobis id ipsum tribuat in salutem.] Quod ut manifestius fiat, ponam parabolam mnarum a. f Qui unam acceperat mnam ct fecerat decem ct obtulit Domino, a quo sibi credita mna fuerat, accepit et aliam, quam antea non habebat.] 7. Illius enim mnam, qui non multiplicaverat, quod accepit, iubet Dominus auferri et dari ei, qui alias habet; \ tollite, inquit, mnam et date ei, qui habet decem mnas. Atque in hunc modum, quae dederimus Deo, nobis ea ipsa restituet] cum his. quae antea non habueramus. Exigit ct postulat a nobis Deus, ut habeat occasionem donandi, ut ipse tribuat, qui erogavit. Ipsius enim gratia duplicata est mna, et dignis quibusque plus datum est quam sperabant. Quapropter surgentes oremus Deum, ut digni simus oiferre ci munera, quae nobis restituat ct pro terrenis caelestia largiatur, in Christo lesu : cui est gloria et imperium in saecula saeculorum. Arnen to. Expliciunt omcliae triginta novem Adamanlii Origcnis in evangelium Lucae a beato Hieronymo presbytero de graeco in latinum translatae. a. Cf. I.c, 19, 11-27 b. I Pierre, 4, 11 SUR S. LUC, HOMÉLIE XXXIX, 6-7 459 dons, mais pour nous rendre, en vue de notre salut, ce que nous lui aurons donné. Pour expliquer cela plus clai­ rement, je citerai la parabole des mines ». Un homme avait reçu une seule mine, il en avait gagné dix, il offrit cette somme au Seigneur qui lui avait confié la première mine et il en reçut une nouvelle qu’il ne possédait pas. 7. Car le Seigneur ordonne d’enlever la mine à celui qui l’avait reçue sans la faire fructifier et dc la donner à celui qui en avait gagné d’autres :« Enlevez-lui la mine, dit Jésus, et donnez-la à celui qui en a dix. » Ainsi, cc que nous aurons donné à Dieu, il nous le rendra ct il y ajoutera autre chose que nous ne possédions pas auparavant. Dieu exige, Dieu demande, pour avoir l’occasion dc nous donner, pour dis­ tribuer lui-même ses dons. Car c’est grâce à lui que la mine s’est multipliée cl que ceux qui le méritent ont reçu plus qu’ils espéraient ». Aussi levons-nous el prions Dieu d’être dignes de lui offrir scs dons, il nous les restituera ct, à la la place des biens de la terre, il nous accordera ceux du ciel, dans le Christ Jésus, « ù qui appartiennent la gloire ct la puissance dans les siècles des siècles. Amen b ». Fin des trente-neuf homélies d’Origènc Adamante sur l’évangile dc Luc, traduites du grec en latin par le bien­ heureux Jérôme, prêtre. 1. Ce pnssage suffirait Λ montrer qu’Origène n*c$t la lettre. CL hom. XX, note 1, p, 288. pas un pélagien avant LES FRAGMENTS GRECS Dans l’édition de 1959, M. Rawer, à la suite de la tra­ duction hiéronymienne des 39 homélies sur Luc, édite 257 fragments grecs. Par rapport à la première édition de 1930, Rauer a allégé son ouvrage en retranchant les fragments à l’authenticité trop incertaine. N’en a-t-il pas encore trop conservé ? Il faut bien reconnaître qu’il n’est pas facile de résoudre avec certitude un certain nombre de cas douteux. Comme nous l’avons noté dans l’intro­ duction, ces fragments en effet ne proviennent pas, pour la plupart, du texte des homélies origéniennes ; ils sont soit des bribes des Tomes sur Luc soit, le plus souvent, de simples scolies, des notations rapides, pour expliquer un verset de Luc. Ces scolies ont été reprises ensuite par les catcnistes qui, tout en en conservant la substance, ont modifié certains détails, supprimé ou ajouté quelques remarques, dc sorte qu’il est très difficile de faire le tri entre cc qui est vraiment d’Origènc ct ce que les manus­ crits attribuent à Origène. D’autre part Rauer a édité des fragments que l’on trouve littéralement reproduits dans les œuvres de Cyrille d’Alexandrie, dc Basile ou d’Eusèbe. Ra. Fr. 26 Ra. Fr. 28 GCS IX, — Ra. Fr. 66 b-c Ra. Fr. f>~ Ra. Fr. 69 — — p. 237 = Eusèbe PG 23,1341 d-1344a p. 238 = Eusèbe PG 24, 532 c Athanase PG 27, 1391 c p. 254 = Cyrille d’Alexandrie PG 72, 504 c p. 255 ■ Basile PG 32, 965 a p. 256 = Basile PG 32, 965 c 162 Ra. Fr. 70 Ra. Fr. 71 Ra. Fr. 78 0H1GÈNE CCS IX, p. 256 = Basile PG 32, 068 a — p. 257 s» Basile PG 32, 968 a ct J. Cramer, t. 2, p. 24 (sous le noin de Cyrille) — p. 259 Cyrille d’Alexandrie PG 12, 509 a-b Que conclure de ces rapprochements ? Les éditions reproduites par Migne ont pu attribuer à Basile, Cyrille ou Eusèbe des passages appartenant à l’œuvre d’Origène ou bien ces auteurs ont vraisemblablement pris à leur compte des scholies d’Origène transmises par les chaînes exégétiques et la substance dc ces textes est origénicnnej Mais un doute subsiste sur l’authenticité de ces fragments,] aussi ne les avons-nous pas traduits, sauf le fr. 69 qui apparaît dans ï'Expositio in Lucam dc saint Ambroise. Enfin un certain nombre des fragments édités par Rauer commentent un verset de Luc parallèle à Matthieu et l’on peut dès lors se demander s’ils n’appartiendraient pas plutôt au commentaire sur Matthieu. Comme ils ont été déjà édites parmi les fragments sur Matthieu (GCS 12, E. Bcnz), nous ne les retiendrons pas et nous renvoyons à l’édition Rauer qui mentionne toutes les références dans le cas où les fragments sur Luc sont identiques à des frag­ ments sur Matthieu. Nous ne traduisons que les passages qui ajoutent des nuances à la pensée des homélies ou qui éclairent un point intéressant et caractéristique dc l’exégèse origé-, nienne. Nous avons fait un choix et notre traduction des· fragments grecs est plus un recueil de morceaux choisis qu’une édition complète des scolies d’Origène sur l’évan-: gile de Luc et c’est à l'ouvrage du Corpus de Berlin qu’il faudra se reporter pour étudier tout ce que nous con-J naissons actuellement des textes origéniens consacrés à saint Luc. LES FRAGMENTS GRECS 463 Les fragments traduits sont, numérotés de 1 à 91. Pour chaque fragment nous indiquons la numérotation de Rauer, le verset de Luc commenté et, dans certains cas, les points d’attache possibles avec la traduction hiéronymicnne des homélies. Fr. 1 — Ra 1 (a) ’Επειδή ύπέρογκον ήν τδ επιχείρημα ανθρώπου δυτα θεού διδασκαλίαν και βήματα συγγράφειν, είκότως άπολογειται έν τώ προοιμίφ. (bl Ούχ απλώς δέ πεπιστευμένων εΐπεν, άλλα «πεπληροφορημένων », τδ απαράβατον τοϊς λεγομένοις μαρτυρών. (c) «Πραγμάτων» δέ φησιν, έπειδήπερ ού κατά φαντασίαν κατά τούς τών αιρετικών παίδας έδραματούργησεν ΊησοΟς τήν ένσαρκον αύτοθ παρουσίαν, αλλά τυγχάνων « άλήθεια » πρδς άλήθειαν ένήργησε τα πράγματα. Fr. 2 — Ra 5 "Οτι μέν ούν παρά τών αύτοψία θεασαμένων καί αύτηκόων γενομένων παρέλαδεν, σαφώς ώμολόγησεν είπών· ν. καθώς παρέδοσαν ύμίν οί απ' άρχής αύτόπται καί ύπηρέται γενόμενοι τοΟ λόγου». Καί χρή τούτω μέν καί Μάρκω πείθεσθαι, ώς άπερ άκηκόασιν άκριβώς άναγραψαμένοις, ’Ιωάννη δέ καί Ματθαίφ, ώς απερ έωράκασι γράφουσιν. Τά οδν νόμιμα εύαγγέλια τιμητέον έξ ίσου, μή νόμον τήν δψιν τών έωρακότωυ τιμώντων, αλλά καί τήν ακοήν τών άκηκοότων αληθείς γάρ άληθών διάδοχοι καί τδπαραδοθέν αύτοΐς φώς είς ήμ&ς παραπέμπουσιν, έπαινον κομιζόμενοι δίκαιον παρ’ ημών. Fr. 3 —Ra 6 τοϊς αύτόπταις καί ύπηρέταις, ϊνα μή τήδε κάκεΐσε περιφε­ ρόμενος12» άποτραπί^ς τής εύθείας όδοΟ· ού γάρ έτερα κατηχηa. Cf. Éphés. 4, 14. 1. Sur le seris de · πιπληροφβρημίνων », voir hont. I, note 2, p. 102. 2. πράγματα indique la réalité du mystère. Ce passage anthnarcionit* se retrouve dans Titus de Bostra, cf. J. Sickenuerobr, TU 21 (1001), p. 143. Fr. 1 — Le, 1, 1 Horn. 1, 3 a) Parce que la tentative de consigner par écrit l’en­ seignement ct les paroles d’un Dieu était pour un homme une entreprise démesurée, il est normal que Luc, dans son prologue, se justifie. à) Luc n’a pas dit simplement « ce qui est cru » mais « ce qui est manifestement connu 1 », rendant ainsi témoignage au caractère inviolable de ce qui est dit. c) Luc dit « réalités 2 », parce que précisément Jésus n’a pas joué le drame de son Incarnation comme une fic­ tion, selon les affirmations des hérétiques, mais, étant « Vérité », il a accompli scs œuvres en vérité. Fr. 2 — Le, 1, 2 Hom. 1, 5 Luc avoue clairement qu’il a recueilli comme docu­ ments des faits vraiment vus et des récits vraiment en­ tendus : « Comme nous l’ont transmis, dit-il, ceux qui, dès le début, furent témoins oculaires et serviteurs de la Parole. » Il faut lui faire confiance ainsi qu’à Marc et croire qu’ils ont rédige exactement ce qu’ils ont entendu dire ; il faut croire aussi que Jean et Matthieu ont décrit ce qu’ils ont vu. Il faut donc accorder la même valeur aux évangiles légalement reconnus, car, pour fonder cette valeur, a force de loi aussi bien le témoignage de ceux qui ont vu que celui de ceux qui ont entendu. Vrais héri­ tiers des vraies réalités, ils nous transmettent la lumière qui leur fut communiquée, méritant ainsi de notre part un juste éloge. Fr. 3 — Le, 1, 2 Horn. I, 4 (Luc s’est appuyé) sur les témoins oculaires cl les ser­ viteurs de la Parole, afin que, n’étant pas ballotté a çà et OfiiofacBi S. Luc. 30 466 ORIGÈNE Βεις, έτερα νθν παρά τήσδε τής γραφής ένηχηθήση, άλλά « περί ών ο τήν γνώσιν εϊληφας τελεωτέραν δέξη « τήν Ασφά­ λειαν ». Fr. 4 —Ra 9 Λόγος έστί παραγραπτέος Ίωάννην έτι περιόντα βίω επί Νέρωνος τά συγγεγραμμένα ευαγγέλια συναγαγείν καί τα μέν έγκρίναι καί άποδέξασθαι, ών ούδέν ή τοΟ διαβόλου επιβουλή καθήψατο, τά δέ άπολέξασθαι καί καταργήσαι, οσα μή τής άληθείας έχόμενα συνέγνω. Fr. 5 —Ra 10 (a) Ναί, έπαινός έστι τέλειος τδ εΐναι δίκαιον κ ένώπιον τοΟ ΟεοΟ »· αύτδς γάρ έπίσταται καί τών ανθρώπων τάς καρδίας μονώτατος “. (b) i ΟΙ γάρ άνθρωποι ούκ οΐδασι κατ’ άξίαν έπαινεΐν ' πρδς τδ φαινόμενον μόνον όρώντες, άγνοοΟντες δέ τά κεκρυμμένα, παρ' οΐς πρδς τής απλανούς ή πεπλανημένη δόξα πολλάκις εύημερεί, καί έτέρως μέν αύτοί, έτέρως δέ τδ θείον τοΟς βίους δοκιμάζει· οί μέν έκ τών φανερών, τδ δέ έκ των κατά ψυχήν αοράτων λογισμών. (e) Μόνος δέ ό θεός οΐδεν άξίως καί έπαινέσαι τον επαινετόν καί τοΟ ψεκτοϋ τήν κρϊσιν άξίως ποιήσαι,’ επειδή « βλέπει έν τώ κρυπτώ ι> » καί ού μόνον τάς πράξεις, άλλά καί τούς λογισ­ μούς· γυμνή γάρ αύτώ των πραγμάτων ή φύσις θεωρείται καί δ σκοπός κατανοειται. Fr. 6 —Ra 12 (a) Διά συγκαταβάσεως « ώφθη δ άγγελος :♦ τώ Ζαχαρία· ούδέ a. I. Rois, 8, 39 b. .Mattii., C, 4 1. Cf. Eusèbe, Hist. Eccles., Ill, xxiv, 7, $C 31, p. 130-131. Ce morceau appartient peut-être au Commentaire sur saint Jean. L’expression σνγγίγραμμένα ευαγγέλια cWsiRnc également les apocryphes. Origène attribue â Jean le tri entre les évangiles canoniques ct les apoeiyphes et ne veut pas dire que les passages des synoptiques qui n’ont pas été repris par Jean portent l’empreinte du diable. FRAGMENTS GRECS 3-G 467 là, tu ne te détournes pas de la voie droite, car lu n'as pas reçu un enseignement différent de celui que te donnera maintenant ce texte, mais tu recevras « une certitude » plus parfaite sur ce dont tu avais pris connaissance. Fr. 4 — Le, 1, 2 Il faut mentionner également que Jean, vivant encore à l’époque de Néron, a rassemblé les écrits évangéliques; apres réflexion, il a retenu ceux qui étaient entièrement exempts de l’emprise du diable, tandis qu’il a refusé cl laissé de côté tout ce qu’il reconnut hors de la vérité ’. Fr. 5 — Le, 1, 6 Hom. 2,3-5 a) Oui, être juste « aux yeux de Dieu » constitue un éloge parfait z, car 11 est vraiment « le seul à connaître les cœurs des hommes R. » b) Les hommes ne savent pas louer selon le mérite, parce qu'ils ne voient que les apparences et ignorent ce qui est caché ; auprès d’eux, une opinion erronée a sou­ vent autant de succès que la vérité. Les hommes appré­ cient les vies d’une façon, la divinité les juge autrement, les hommes, d’après ce qui se voit, la divinité, d’après les pensées invisibles du fond de l ame. c) Dieu seul sait louer d’une manière juste ce qui est louable et condamner justement ce qui est blâmable, puisqu’il «voit dans le secret b» non seulement les actes mais les pensées. La nature des œuvres apparaît au regard divin sans aucun voile et les intentions sont clairement connues. Fr. 6 — Lc, 1,11 Hom. 3, 1-2 a) C’est par condescendance que « l’ange a été vu » par 2. Ce fragment semble origônlcn car il inspire également le commentaire de saint Ambroise sur Luc, 1, 18. SC 45, p. 55-5G. On le trouve aussi dans L A. Cramhh, Calenae, t. 11. p. 7. 468 OIUGÊNE γάρ φθαρτού σώματος δφθαλμοίς δύναταί τις ίδειν δφθαρτον σώμα. (b) « Έκ δεξιών δέ ώφθη » εστώς δ * άγγελος τοΟ Θυσιαστη­ ρίου ι>, "ότι αίσια αύτώ ήμελλε προαγγειλαι. (c) « ΤοΟ θυσιαστηρίου δέ τοΟ θυμιάματος » είπεν, έπειδή ήν καί ?τερον θυσιαστήριον χαλκοΟν τδ τών δλοκαρπωμάτων. Fr. 7 — Ra 13 (a) Έτιειδή πάντες οίδρώντες άγγέλους έφοΘοΟντο, μήπως ώς μέλλοντες λαβείν αύτώυ τάς ψυχάς παρεληλύθεισαν η, ώς καί δ Μανώέ φησιν. διά τοΟτο λύων αύτοΟ τήν άγωνίαν « δ άγγε­ λος είπεν τό· μή φο6ο0 »· ού γάρ μόνον ού τελευτ&ς, φησίν, ?.υθα λύπη καί δάκρυα, άλλα καί ζής καί τεκνοποιείς καί « χαρά μεγάλη εσται σοι· γεννήσει γάρ σοι υίδν ή ’Ελισάβετ S, ού ού γέγονε « μείζων έν γεννητοίς γυναικών ». (b) Είτά φησιν· «. πολλοί έπί τή γεννήσει αύτοΟ χαρήσονται».. Εί γάρ καί μή πάντες ’Ιουδαίοι, άλλα « πολλοί» έχάρησαν έπί. τή παρουσία τοΟ προδρόμου διαγγέλλοντος τήν τοΟ σωτήρος έπιδημίαυ, τήν πάντων ήμιυ γεγονυΐαν τών άγαθών πρόξενον. Fr. 8 — Ra 16 Ό λόγος αίνΐττεται, 8τι σχεδόν είπειν οί ’Ιουδαίοι πάντες ήσαν έκ τής δδοΟ πλανηθέυτες τοΟ νόμου’’ καί £εμ6όμενοι περί α. έντάλματα καί διδασκαλίας άνθρώπων c », έξ ών «πολ­ λούς » έπέστρεψεν ή διδασκαλία Ίωάννου έπί τδν Χριστόν τόν « κύριον καί θεόν » τών δλων δς έστιν ή άληθής « δδός d ». a. Cf. Juges, 13, 22 d. Jn, 14, 6 b. Cf. Sag., 5. 6 c. Mc, 7, 7 1. Origène admet pour les anges une corporéité éthérée. Dieu seul est incorporel. Cf. In Matlh. com., XVII, 30, GCS 10, p. 071 : « A la Résurrec­ tion, nos corps deviendront semblables aux corps des anges, éthérés, comme une lumière étincelante. · 2. Voir Ammrotsr, op. ell., I, 2G, ibid., p. 60 et I, 28. ibid., p. 61. FRAGMENTS GRECS β-8 469 Zacharie, car avec les yeux du corps corruptible on nc peut pas voir un corps incorruptible ». b) « C’est h droite dc l’autel de l’encens » que l’ange est apparu, parce qu’il allait annoncer d’heureuses nou­ velles .* c) « De l’autel de l’encens» précise l’Écriture, puisqu’il y avait un second autel en airain, celui des holocaustes 3. » Fr. 7 — Le, 1, 13-15 Hom. 4, 1 et 5 a) Tous ceux qui voyaient des anges avaient peur qu’ils nc viennent leur ôter la vie », comme le dit aussi Manohé 4 ; c’est pourquoi, pour mettre fin à son angoisse, l ange dit à Zacharie : « Ne crains point», non seulement tu ne vas pas mourir, ce qui te causerait tristesse et larmes, mais tu vas vivre, lu auras un fils et « tu connaîtras une grande joie, Élisabeth t’enfantera un fils, et il n’y en a pas eu de plus grand parmi les enfants des femmes. » b) Il dit ensuite : « Un grand nombre se réjouiront, de cette naissance. » De fait, ce ne sont pas tous les Juifs, ruais «un grand nombre» qui se sont réjouis de l’avè­ nement du précurseur annonçant la venue du Sauveur, venue qui nous a apporté tous les biens. Fr. 8 — Le, 1, IG L’Écriture fait allusion aux Juifs qui, pour ainsi dire, erraient tous hors du chemin dc la Loi b ct tournaient çà et là, « autour de préceptes et d’enseignements humains0». Parmi eux, « beaucoup », grâce à l’enseignement de Jean, se sont tournés vers le Christ, « Seigneur et Dieu » de tontes créatures, qui est « le Chemin d » véritable. 3. Cette dernière remarque p. 8. 4. Origène met en parallèle wince de Samson (Juges, ch. contient un récit appartenant sus trouve dans J. A. Cramrr. op. ci/., f. H, le message de l’ange ù Zacharie avec la nais13). De fait, ce passage du Livre des Juges an genre littéraire des annonctatlons. 470 ORIGÈNE Fr. 9 —Ra 17 (a) Λέγεται «δυνάμει Ηλίας» δ ’Ιωάννης καί ώς -πρόδρομος γεγονώς τής πρώτης τοΟ ΧριστοΟ παρουσίας ώς καί δ Θεσδίτης τής δευτέρας». (b) Λέγεται « έν δυνάμει 'Ηλιου » δ ’Ιωάννης, άλλα καί ώς άσκητής καί ώς παρθένος καί ώς έν έρήμοις τά πολλά διάγων καί ώς πεπαρρησιασμένως ελέγχων τούς άμαρτάνοντας βασι­ λείς τε καί ίδιώτας. (c) Διδ καί εικότως έκλήθη «δυνάμει ‘Ηλίας »· ού γάρ έναργεί πράγματι ήν ‘Ηλίας δ Ιωάννης, ώς φασιν οι μετεμψύχωσιν δοξάζοντες, λέγοντες, ί>τι ή φυχή Ήλιου είς Ίωάννην ήλθεν. ιό; Πλήν καί ό ‘Ηλίας ούπω άπέθανεν, καί ού δυνατόν, ούδέ κατά τδν εκείνων λόγον, μίαν ψυχήν έν έυί καιρώ έν δύο σώμασιν ένεργείν. (e) Άλλ’ ούδέ τοίς πρδς μετεμψύχωσιν βουλομένοις τδ £ήμα βιάζεσθαι χώραν δίδωσιν ή Ιστορία. Έτόλμησαν γάρ πολλοί ταύτην έπιρρίψαι τήν θεωρίαν τή τού κυρίου φωνή b. Καί εί ήν ‘Ηλίας άποθανών, έδίδοτο πρδς τοΟτο χώρα αύτοις· (f) εί δέ μετά σώματος άνελήφθη °, πως ψυχή ή ένσώματος είς έτερον σώμα μετεκομίσθη ; άλλα τό· « έν πνεύματι», ώς άποδέδοται, έν τώ προφητικό λέγει χαρίσματι. Fr. 10 —Ra 18 Έτι άπιστήσας δ Ζαχαρίας τφ άγγέλλοντι τήν γένεσιν τής δεικνυούσης τδν λόγου φωνής άπόλλυσι τήν φωνήν, (άνα)λαμα. Cf. Mal., 3, 23 b. Cf. Mallh., 17,10-13 c. Cf. II Rois, 2, 11 1. On peut discuter l’authenticité dc cc fragment. Origène n’emploie jamais le terme · métcmpsychose · mais le mol · métensomatose >. Dans le Com. sur Jean, it interprete ainsi le rapport entre Jean et Élic : Jean-Bap­ tiste, précurseur du Christ» dans sa descente aux enfers, sera aussi son pré­ curseur ii lu seconde parousie, car c’est hii, scion λίαΙΙΙι. 11, 14, · l’Elte qui doit revenir >; In Ja. cam.. II, 37. CCS 4, p. 96. On trouve cependant quelques traces du texte grec dans AsinnotSB, I, 36. SC. 15, p. 64-65. l.es Idées de cc fragment en tous cas sont origénicnncs car Origène n’a jamais retenu les théories de la mélcmpsychose. Cf. J. Daniélou, Origine. p. 216247 et hom. IV, p. 132, n. 2. FRAGMENTS GRECS 9-10 Fr. 9 — Le, 1, 17 •171 Hom. 4, 5 n) Il est dit dc Jean qu’il est un Élic « par la puis­ sance», parce qu’il fut le précurseur du premier avènement du Christ, tout comme le Thcsbite le sera du second a. n b} Il est dit de Jean qu’il était « dans la puissance d’Élie » également parce qu’il était ascète et vierge, parce qu’il vivait la plupart du temps au désert et reprenait avec assurance les pécheurs, fussent-ils rois ou simples particuliers. c) C’est donc à bon droit qu'il est appelé un Élic «par la puissance », car Jean, de toute évidence, n’était pas Élie, comme le prétendent les partisans de la métempsychose lorsqu’ils affirment que l’âme d’Élic est venue en Jean x. d) D’autre part, Élic n’est pas encore mort, et il n’est pas possible, même d’après le raisonnement de ces genslà, qu’une seule âme, au même instant, puisse animer deux corps. e) Le récit ne permet pas davantage aux partisans de la mctempsychosc de violenter le sens des mots, car beau­ coup ont eu l’audace de lancer ccttc théorie en s’appuyant sur la parole du Seigneur b. Si Élie était mort, il leur se­ rait permis d’en venir là ; f) mais s’il fut enlevé avec son corps ®, comment une âme qui est dans un corps peut-elle passer dans un autre corps ? L’expression « en esprit », suivant notre expli­ cation, indique un charisme prophétique. Fr. 10 — Le 1, 20 Hom. 5, 1 Au moment où Zacharie n’a pas cru à l’ange lui annon­ çant la naissance de la voix qui devait montrer la Parole, Après la controverse origéniste, dans une lettre à Avitus» vers 409, donc 20 ans environ après la traduction des Homélies sur Luc, Jérôme accuse Origène d’avoir professé la mclcmpsychose, PL 22, !0fil-10tt3. Ccttc accu­ sation» souvent répétée dans la suite, est bien peu fondée. Cf. G. Baiioy. DTC. art. Origène, col. 1533 et If. Cimuzrx, Théologie de VImage de Dieu chez Origène, p. 202-205, qui propose une explication de l'attitude de Jérôme. 472 ORIGÈNE βάνων αύτήν καί παυόμενος τής έπιπόνου σιωπής, δτε γεννάται ©πρόδρομος, τού λόγου φωνή, καί δτε γράφει, δτι « ’Ιωάν­ νης έστίν τδ δνομα αύτοΟΛ ». Ένωτίζεσθαι ουν δει φωνήν, ΐν' δ νοΟς τδν ύπ' αυτής δεικνύμενον δέξηται λόγον. Fr. 11 — Ra 20 (a) Τδ οδν ύπέρβατον οΰτως έχει· « άπεστάλη ό άγγελος πρδς παρθένον έξ οϊκου Δαβίδ, καί τδδνομα τής παρθένου Μαριάμ, μεμνηστευμένην άνδρί, ώ δνομα Ιωσήφ ». Ούκ άπεστάλη οέ πρδς τδν ’Ιωσήφ δ άγγελος, επειδή ούδέν ήν κοινόν τώ Ιωσήφ πρδς τήν τοΟ κυρίου γέννησιν. (b) Ού γάρ διά τδ είναι αυτής μνηστήρ ώνομάσθη άνήρ, άλλ' οίκονομήσαντος τοΟτο διά πολλά τοΟ ΘεοΟ, πρώτον μέν ϊνα ύποπτευθή παρά τισιν, δτι έξ αύτοΟ έκύησεν ή Μαρία, καί μή λιθοθοληθή ώς έκπαρθενεύσασα, έπειτα οέ καί διά τδν άρχοντα τοΟ αϊώνος, Υνα άπατηθείς καί αύτδς οίηθή τδν ΊησοΟν έκ τοΟ ’Ιωσήφ όντα καί ώς άνθρώπω έπίθηται καί ήττηθείς πέση, καί άνακληθή τδ πτώμα τής άνθρωπότητος έν Χριστώ καί καταβληθή δ διάβολος. Fr. 12 —Ra 21 (a) ’Επειδή εΐπεν ό θεός τή Εύα· < έν λύπαις τέξη τέκνα123»», διά τούτο λέγει δ άγγελος- « Χαιρε, κεχαριτωμένη »· αβτη γάρ ή χαρά λύει εκείνην τήν λύπην· (b) εί γάρ διά τήν τής Εύας κατάραν διέβη ή άρά έπΐ παν τδ τών θηλειών γένος. ούκοΟν στοχαστέον, δτι διά τής προς τήν a. Le, 1, 63 b. Gen., 3, 16 1. Ce fragment est authentique, la relation entre οωνη et λόγο; est origénicnnc et l’absence d’article devant φωνή opposée à ό λόγο;, avec l’ar­ ticle, souligne encore Jn manière d’Orlgène. Voir hom. 1, p. 104, note 2. 2. Ce qu’il faut expliquer, c’est que l'ange s’adresse non pas â un homme mais ίι une jeune fille. Ce renversement de l’ordre des préséances a une signi­ fication. Λ propos des Idées contenues dans ce fragment voir Amiiiioisb, II. 1, NC 45, p. 71 et II, 3, ibùl., p. 72. 3. On trouve ce fragment duns les Chaînes (J. A. Cramer, t. U, p. il). FRAGMENTS GRECS 10-12 473 il perd la voix ; il la retrouve et ce silence pénible cesse quand naît le précurseur, voix de la Parole *. et quand il écrit : « Jean est son nom n ». 11 faut donc entendre une voix afin que l’intelligence reçoive la Parole manifestée par la voix. Fr. II — Le, 1, 26-27 Hom. 6, 3-4 a) L'adresse de l’ange ne suit pas l’ordre normal 2 : « L’ange fut envoyé auprès d’une Vierge de la maison de David ct le nom de la Vierge est Marie, fiancée à un homme du nom de Joseph. » L’ange ne fut pas envoyé auprès de Joseph, parce que Joseph n’avait aucune part dans la naissance du Seigneur. b) Ce n’est pas parce qu’il était fiancé à la Vierge que Joseph fut appelé son époux, mais parce que Dieu en a ainsi disposé pour plusieurs raisons : d’abord pour que certains puissent croire Marie enceinte des œuvres de Joseph et qu’elle ne soit pas lapidée comme ayant perdu sa virginité ; ce fut ensuite à cause du prince de ce monde, afin que, s’y étant trompé, lui aussi crût que Jésus était le fils de Joseph, qu’il s’attaquât à Lui comme à un homme ordinaire, qu’une fois vaincu, le diable tombât ct que dans le Christ l’humanité fût relevée de sa chute et le diable abattu. Fr. 12 — Le, 1, 28 a) Dieu avait dit à Eve : «Tu enfanteras dans la dou­ leur ” », c’est pourquoi l’ange dit : « Réjouis-toi, pleine de grâces » ; cette joie-ci en effet abolit l’ancienne douleur .* b) Si en effet, à cause de la malédiction d’Ève, la malé­ diction s’est transmise à toutes les femmes, il faut donc Le parallélisme Êvo-Mnric est traditionnel depuis frénée. Cf. Démonttrallon de la Prédication ApotMiqite, 33» SC 02, p. 834 5. * Voir G. Jouassard, < Mario ù travers In Patrl&liqiie », Λ/uria, t. I. p. 73-71 ct « Le parallèle Ève-Murle aux origines de la Patriotique · (chez Justin. Irénéc ct Tcrtulllen), Bible et VU Chrétienne 7 (sept.-nov. 1951), p. 18-31. Cf. aussi une note de H. I. Mar· ηου. A DlogncU. SC 33, p. 239-210. 474 OillGÈ.NE Μαρίαν εύλογίας πλατύνεται ή χαρά επί πάσαν ψυχήν παρθέ­ νον. (c) « Ό κύριος μετά σοΟ »· ήν γάρ μετ' αύτής ό μικρόν ύστερον έξ αύτής. (d) « ‘Ο κύριος μετά σοΟ »· ίστέον ότι άμα τώ εύαγγελίσασθαι εύθύς συνέλαβεν ή παρθένος παραδόξως. Fr. 13 — Ra 22 (a) ΈπεΙ « έταράχθη » ξένην ΐδοΟσα τήν τού αγγέλου 5ψιν, επιστρέφει άπό τής ταραχής καί άνακτάται αύτήν εϊπών· κ μή φοθοΟ Μαριάμ· εύρες γάρ χάριν παρά τώ θεώ ». (1>) Τό μέν οΰν « εύρες χάριν » κοινόν ήν * εύρον γάρ πρό αύτής καί άλλαι χάριν· τό δ’ είπείν « συλλήψη » ούκέτι κοινόν ήν, άλλ' Ιδιάζον εις έπαγγελίαν παρθένω. Fr. 14 —Ra 23 « Εύρες γάρ χάριν παρά τώ θεό, διό μή φοθοΟ »· παντός γάρ φόβου άφαίρεσις ή τού σωτήρος επιδημία. Fr. 15 —Ra 24 < "Εσται δέ μέγας » ούχ ώς ’Ιωάννης, άλλ' ώς δεσπότης καί δημιουργός καί κύριος τού παντός· μέγας καί ώς διήκων πανταχοΟ· μέγας, γάρ φησι Δαυίδ, « ό κύριος ημών καί μεγάλη ή ισχύς αύτοΟa »· ούτος γάρ μέγας άληθώς. Fr. 16 —Ra 27 (a) * Ως εύγνώμων οδσα ή Μαρία έφη πρός τόν άγγελον· « Ιδού ή δούλη κυρίου· γένοιτό μοι κατά τό £ήμά σου. » (b) Ό δέ δεξάμενος τήν δμολογίαν τής πίστεως τής παρθέ­ νου άπήλθεν άπ' αύτής. a. Ps. 147 (146), 5 1. Allusion Λ ce passage dans Amjjkoise, II, 10, SC 45, p. 75 ct ΙΓ, 13, ibid., p. 77. FRAGMENTS GRECS 12-16 475 conjecturer qu’à cause de la bénédiction accordée à Marie la joie s’étend à toute âme vierge. c) « Le Seigneur est avec toi. » En effet il était avec la Vierge, celui qui peu après sc formait à partir d’elle. d) « Le Seigneur est avec toi. » Il faut savoir qu’à l'ins­ tant même de l’annonce de la bonne nouvelle, la Vierge conçut d’une façon miraculeuse. Fr. 13 — Le, 1, 30 Hom. 6, 7 a) Comme « elle fut troublée» en voyant que la vision de l’ange était étrange, il la détourne de son trouble ct la réconforte par ces mots : « Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grace auprès de Dieu. » b) L’expression «lu as trouvé grâce» s'appliquait à d'autres personnes, car, avant Marie, d'autres femmes ont trouvé grâce, tandis que les mots «tu concevras» ne s’adressaient plus à plusieurs mais concernaient uni­ quement la Vierge, en vue de réaliser une promesse. Fr. 14 — Le, 1, 30 Hom. 6, 7 « Car tu as trouvé grâce auprès de Dieu », aussi « ne crains point. » La venue du Sauveur, en effet, fait dispa­ raître toute crainte. Fr. 15 — Le, 1, 32 Hom. 6, 8 « Il sera grand », non à la manière de Jean, mais parce qu’il est Maître, Créateur et Seigneur de toutes choses 1 ; grand, parce qu’il pénètre toutes choses, grand, parce que selon la parole de David : « Notre Seigneur est grand et sa force immense a»; oui, il est vraiment grand. Fr. 16 — Le, 1, 38 Hom. 7, 2 a) Marie avec toute sa générosité dit à l’ange : « Voici la servante du Seigneur, qu’il me soit fait selon ta parole. » b) L’ange, ayant reçu la profession de foi de la Vierge, la quitta. 476 ORIGÈNE (c) Ή δέ πρδς τήν συγγενίδα άπήει άναβαίνουσα « έπί τήν δρεινήν μετά σπουδής », άναγκαζομένη ύπό τοΟ πνεύματος, 3 έπεληλύθει αύτή ύπό τής δυνάμεως τοΟ ύψίστου. (. Fr. 20 — Ra 32 (a) Οίονεί γάρ τοΟτό φησιυ ή ’Ελισάβετ πρός τήν παρθένον, τί μοι τοίνυν πρώτη προσαγορεύεις ; μή γάρ εγώ είμι ή τόν σωτήρα τίκτουσα ; εμέ έχρήν έλθεΐν πρός σέ· fb) ούοεμϊα γάρ τής τοιαύτης χάριτος κοινωνός ούτε γέγονεν ούτε γενέσθαι δύναται. (c) Ή όντως γάρ τεκνογονία καί ταύτην έποίει τιμίαν. ώσπερ ή θεία τεκνογονία τήν Μαρίαν καί τό σόμπαν δι’ έκείνην γυναι­ κών γένος, ώς λέγει καθ' ’όλου περί γυναικών δ Παύλος, 'ότι « σωθήσεται ή γυνή διά τής τεκνογονίας11», τοϋτ' έστι γυνή τδν Χριστόν έτεκνογόνησεν. Fr. 21 — Ra 33 (â) « Καρπόν δέ κοιλίας » είπεν κατά τήν παρά τοΟ θεού πρός τόν Δαβίδ έπαγγελίαν τήν λέγουσαν· κ έκ καρποΟ τής κοιλίας σου Οήσομαι έπί τδν θρόνον σου b». ,b' Καλώς δέ «καρπόν κοιλίας» τό κύημα τής παρθένου ή Ελισάβετ ώνόμασε διά τό μή εξ άνδρός είναι τό κυοφορούμε­ νου, άλλ’έκ μόνης τής Μαρίας πνεύματος αγίου ένοικήσαντος έν αύτή καί τής τού « ύψίστου » δυνάμεως έπισκιασάσης αύτή· οί γάρ έκ τών πατέρων τήν σποράν έ'χοντες εκείνων είσί καρποί, (c) καθώς καί τώ Δαβίδ έρρήθη· « έκ καρποΟ τής κοιλίας σου », τοϋτ' έστιν οί πρόγονοι τής παρθένου καί ή παρθένος έκ σπο­ ράς άνδρών τοΟ γένους σου γεννηθέντες. a. I Tim., 2.15 b. Ps. 132 (131), 11 Ignatius v. AntiocMen, Kclsiis unci Origcnes », zln/ife und Chrlatentum 5, MOnstcr, 19315, p. 218-223. A propos «les cris de Jean-Baptiste, In Jo. coin., VI, IS. GCS 1, p. 127. 1. Voir J. A. Cramkr, t. II, p. 13-1-1. 2. Origène paraphrase les snots · unde hoc mlhi », l.c 1, 13. FRAGMENTS GRECS 19-21 479 des paroles prophétiques ct disait à la Vierge : « tu es bénie entre les femmes *. » Fr. 20 — Le, 1. 43 Hom. 7, 5 a) Elisabeth s’adresse à la Vierge à peu près en ces termes : « Pourquoi viens-tu me saluer la première ? Estce moi la mère du Sauveur ? C’est moi qui aurais dû aller te trouver 2. b) Aucune femme en effet n’a jamais eu part ni ne peut avoir part à une si grande grâce. c) L’enfantement rendait Élisabeth elle aussi vraiment respectable 3, comme l’enfantement divin a rendu Marie vénérable et, par elle, tout le sexe féminin ; Paul le dit en parlant des femmes en général : « La femme sera sauvée en devenant mère a », ce qui veut dire qu’une femme a enfanté le Christ. Fr. 21 — Lc, 1, 42 «) Élisabeth dit « le fruit de tes entrailles », selon la pro­ messe que Dieu avait, faite à David : « C’est le fruit de tes entrailles que je placerai sur ton trône *>. » b) Élisabeth use d’une expression très heureuse quand elle appelle l’enfant que la Vierge porte en elle, « le fruit dc tes entrailles », puisqu’aucun homme n’est intervenu dans cette conception, qui vient de la Vierge seule, habitée par l’Esprit-Saint et recouverte de l’ombre de la puis­ sance du Très-Haut. Les hommes, nés d’une semence paternelle, sont les fruits de leurs pères. c) Selon ce qui fut dit à David : « Du fruit de tes en­ trailles. » Ces mots désignent les ancêtres de la Vierge et la Vierge elle-même parce qu’ils sont nés de la semence des hommes de ta race. 3. Il s'agit peut-être également dc la génération spirituelle. Si tout véri­ table enfantement est gage dc salut, cela est éminemment vrai pour la Vierge. 480 ORIGÈNE Fr. 22 — Ra 34 Σύμφωνα δέ φθέγγεται τφ υίφ ή ’Ελισάβετ· κάκεΐνος γάρ Αν­ άξιον εαυτόν τής πρδς τδυ Χριστόν παραστάσεως έλεγεν, οϋτως καί αύτή άναξίαν έαυτήν τής παρουσίας τής παρθένου. Fr. 23 — Ra 35 (a) Μητέρα καλεί τήν έτι παρθένον, φθάνουσα προφητικό λόγω τήν έκθασιν. : b) Θεία μέν οΰν οίκονομία τήν Μαρίαν ήγαγε πρός τήν ’Ελι­ σάβετ, ϊνα καί ή μαρτυρία Ίωάννου έκ μήτρας είς τόν κύριον πληρωθή διά τής Ιδίας μητρός. Fr. 24 — Ra 36 (a) Είχε δέ καί ή πορεία τής παρθένου τήν οίκείαν αυτής σπουδήν· ήλθε γάρ δψομένη τήν ’Ελισάβετ καί τό έν αύτή παράδοξον κύημα καί ΐδειν καί πιστεύσασθαι, κατά τήν τοΟ άγγέλου φωνήν, 'ίνα διά τούτου δ κατ’ αύτήν μείξων πιστευθή τοκετός, δ έξ αύτής, φημί, τής παρθένου· καί συντρέχει πρός τήν πίστιν ταύτην δ λόγος τής ’Ελισάβετ λέγούσης· it καί μακαρία ή πιστεύσασα, Ατι έσται τελείωσις τοίς λελαλημένοις αύτή παρά κυρίου. > (b) Βεδαιοτέρα γάρ προς τήν πίστιν ταύτην έκ τούτων έγίνετο των βημάτων ή παρθένος μακαριξομένη, 8τι έπίστευσεν άγγέ­ λου τε προσημαίνοντος καί τής συγγενίδος τα παραπλήσια προφητευούσης. Fr. 25 —Ra 39 (a) « Ήγαλλίασε » τοίνυν « τό πνεΟμα μου επί τφ θεφ τφ σωτήρι μου. » Σωτήρ γάρ μου έστίν ό θεός σωτήρα έξ έμοΟ χαριξδμενος τφ κόσμφ. (b) Τινές δέ « πνεΟμα » καί ο ψυχήν » τό αύτό φασιν. 1. En faveur dc l'authenticité dc cc passage noter un parallélisme avec VI, 40, GCS 4, p. 158. 2. Origène, nu contraire, distingue soigneusement esprit ct âme. Voir hom. VIH, p. 1G4, note 1. In Jo. corn., 481 FRAGMENTS GRECS 22-25 Fr. 22 — Le, I, 43 Hom. 7. 5 Les paroles d’Élisabeth sont en parfait accord avec celles de son fils. Celui-ci en effet, se disait indigne dc se tenir aux côtés du Christ, tout comme Élisabeth s’ctail déclarée indigne dc la venue dc la Vierge. Fr. 23 — Ley 1, 43 a) Élisabeth appelle du nom dc mère, celle qui est en­ core Vierge, devançant par ce mot prophétique l’accom­ plissement du mystère. b) Le dessein de Dieu conduisit Marie chez Élisabeth afin que, dès le sein maternel, le témoignage dc Jean à l’égard du Seigneur s’accomplît par l'intermédiaire de sa propre mère Fr. 24 — Le, 1, 39 et 45 n) La Vierge accomplissait son voyage avec la hâte qui lui est particulière. Elle est venue voir Élisabeth, voir le fruit miraculeux de sa conception et y croire, selon la voix de l’ange, afin que par là elle-même crût aussi à l’en­ fant plus grand qu’elle portait en elle (je veux parler dc l’enfant qui naîtrait de la Vierge). Et les paroles d’Éli­ sabeth tendent à confirmer cette foi : «Bienheureuse celle qui a cru à l’accomplissement de ce qui lui a été dit de la part du Seigneur. » b) Plus assurée dans sa foi à la suite dc ces paroles, la Vierge fut proclamée bienheureuse parce qu’elle avait cru à l’annonce de l’ange ct aux prophéties à peu près semblables prononcées par sa cousine. Fr. 25 — Lc, 1, 46 Hom. 8, 1 a) « Mon esprit tressaille de joie en Dieu, mon Sau­ veur. » En effet, Dieu est mon Sauveur, puisque, par moi, il donne un Sauveur au monde. b) Selon certains, « esprit », et « âme » désignent la même réalité 2. Origèxb, .$. Luc. 31 482 ORIGÈNE Fr 26 — Ra 40 Είτα καί τήν αίτίαν λέγει τοΟ δείν « μεγαλύνειν τδν κύριον » καί τοΟ άγαλλιάσθαι επ' αύτώ έπαγαγοϋσα δτι· « έπέβλεψεν δέ τήν ταπείνωσιν τής δούλης αύτοΟ ». Τίς γάρ είμι έγώ ττρδς τοσοΟτον Ιργον ; αύτός « έπέβλεψεν >, ούκ εγώ προσεδόκησα· ταπεινή γάρ ήμην καί άπερριμμένη, καί νΟν άπδ γής είς ούρανόν μεταβαίνω καί εις άρρητον οΙκονομίαν έλκομαι. Fr. 27 — Ra 43 κ’Εποίησε δέ κράτος » καί τά έξής, επειδή τής τοΟ θεοϋ χειρός, ούκ Ανθρώπου τδ έργον· καί βραχίων τοϋ πατρδς δ υίδς κατά τό· <έλυτρώσω έν τω βραχίονί σου τδν λαόν σου»». Fr. 28 — Ra 45 (a) Ένταϋθα καί πρδς «τδν κατά σάρκα Ισραήλ ” » αρμόζει· πολλαί γάρ έξ αύτών μυριάδες πιστεύσασαι τω κυρίω έσώθησαν. ιΊ>) Δύναται δε καί πρδς τδν νοητδν Ισραήλ νοηθήναι, τδν έν τώ νοΐ δρωντα θεόν — τοΟτο γάρ Ισραήλ ερμηνεύεται— οϊτινές έσμεν οι έξ έθνών πιστεύσαντες. Fr. 29 —Ra 46 Έγώ νομίζω, δτι κατά τδν ευαγγελιστήν « πληρωθέντος τοΟ χρόνου τοΟ τεκείν τήν Ελισάβετ» ή Μαρία « είς τδν οίκον a. Ps. 77 (76), 16 b. I Cor., 10, 18 1. Dans J. Λ. Cramer, t. Il, p. 15. 2. H s'agit du verset : · Il a porté secours à Israel, son serviteur. · 3. Israël veut dire · vision de Dieu >. Signification assez fréquente dans l'œuvre d'Origène. Voir Jn Lac. hom., XVII, 4, ct [r. 42 g. In hom., XI, 4, SC 29, p. 216.— Cette exégèse, qui s'inspire de Gen. 32, 29-31, se trouve très souvent dans les commentaires de Philon. CI. Wvtx, Onomaslica Sacra, TU -Il (1913). p. 21 et p. 527. Mais Philon est-il la source du rapprochement entre 1c nom d'Israël et l'idée de voir Dieu ? On lira sur ce sujet une discus­ sion intéressante dans Μ. E. Boismaro, Du Baptême à Cana, Paris, 1956, p. 99-101. L’auteur cite un grand nombre de textes patristlques et en vient FRAGMENTS GRECS 26-29 Fr. 26 — Le, 1, 48 483 Hom. 8, 4 Elle dit ensuite pourquoi il faut « magnifier le Seigneur » cl « tressaillir de joie » en Lui, quand elle ajoute : « Il a regardé l’humilité de sa servante. » Qui suis-je en effet pour une œuvre pareille ? C’est lui qui « m’a regardée », moi, je ne m’y serais pas attendue, car j’étais humble et on m’avait rejetée. Maintenant, je passe de la terre au ciel ct je suis attirée vers un dessein ineffable. Fr. 27 — Lc, 1, 51 « Il a déployé la force... » et la suite x, parce que c'est l’œuvre de la main de Dieu et non l’œuvre d’un homme. Le Fils est le bras du Père, selon ce verset : « Tu us racheté ton peuple par ton bras ». » Fr. 28 — Le, 1, 54 «) Ce passage 2 convient aussi à « Israël selon la chair b », car des milliers de Juifs furent sauvés pour avoir cru au Seigneur. b) Mais on peut le comprendre comme désignant éga­ lement ΓIsraël spirituel, c’est-à-dire celui qui dans l’in­ telligence voit Dieu (telle est en effet la signification du mot Israël a) et c’est nous qui sommes Israël, nous qui avons cru, venant du monde païen. Fr. 29 — Le, 1, 56 Je pense 4 que. selon l'évangéliste, « quand fut accompli le temps d’enfanter pour Élisabeth », Marie « s’en rea conclure qu'lndépendammcnt do. Philon» le rapprochement entre le nom d’Ixniél ct Vidée do voir Dieu était assez répandue ù l’époque où Jean écri­ vait son évangile. Cette exégèse pourrait donc remonter directement aux écrits johanniques. 4. Cette remarque, introduite par ίγώ νοαιζω est-elle d'Origène 7 N'cstce pas un ajout d'un eaténlste ou d’un écrivain postérieur ? •184 ORIGAE αύτής » άνεχώρησευ· εί γάρ «( τώ έκτφ μηνί ;' 'ι^ ‘Ελισάβετ » άπεστάλη δ Γαβριήλ πρδς τήν παρθένον είς Ναζαρέτ » εύαγγελιζόμενος αυτή, Εδραμε δέ α είς τήν όρεινήν » -πρδς τήν έαυτής συγγενίδα ή παρθένος καί ο Εμεινευ εκεί ώσεί μήνας τρεις », δήλον δτι « πληρωθέντος τοΟ χρόνου » τής συλλήψεως ν είς τδν οίκον » έαυτής άνεχώρησεν. Fr. 30 — Ra 47 (a) Τίνος δέ χάριν * ; «έμεινεν ϊσως καί έκεΐ τοΟ παραδόξου Θεωρήσαι τήν Εκβασιυ καί επί τοϊς καθ’ έαυτήν άποροΟσά τε καί έκπληττομένη καί τί δεήσειγευέσθαι βουλευομένη. (b) “Εθος δέ έστιν ύποχωρείν τάς παρθένους, δτε μέλλει I τίκτειν ή Εγκυος. (c) Διό ΰτε ήλθον αί ήμέραι « τοΟ τεκείν » τήν ’Ελισάβετ, ύπεχώρησευ ή Μαρία ώς παρθένος καίπερ οδσα έγκυος· καί ύποπτευομένη μέν παρά τοϊς ούκ είδόσι τδ μυστήριου γυνή συνειληφυΐα έξ άνδρός, τή δέ άληθεία οΰσα παρθένος καί άνέπαφος άνδρός, Εγκυος δέ φύσει καί άληθεία ύπέρ φύσιν καινοπρεπώς. Fr. 31 — Ra 48 ’Ιωάννης μέν οδυ χάρις ΘεοΟ έρμηνεύεται, μνήμη ΘεοΟ, ’Ελισάβετ ΘεοΟ μου όρκος. Ζαχαρίας δέ Fr. 32 —- Ra 49 Επειδή γάρ έρμηνεύεται Ζαχαρίας μέν μνήμη ΘεοΟ, Ιωάν­ νης δέ δ δεικνύς, μέμνηται δέ τις τοΟ άπόντος, δείκνυσι δέ τδν παρόντα, διά τοΟτο οί τοΟ παιδδς τούτου γεννήτορες ούκ ήνέσχοντο αύτδν καλειν Ζαχαρίαν, άλλα μ&λλον Ίωάννην όνο- ; μάζειν ήθελον, διότι ήμελλεν ούχί μνημονεύειν ΘεοΟ ώς άπόυ1. Ccttc pensée sur le doute de la Vierge est origénienne ; voir Introd., 1 p. 55-57. 2. On retrouve les même· étymologies. In Jo. com., II. 33. GCS 4, p. 90. 1 FRAGMENTS GRECS 20-32 485 tourna chez elle ». De fait, si c’est au « sixième mois » de la grossesse d’Élisabeth que Gabriel «fut envoyé auprès de la Vierge, à Nazareth », pour lui annoncer la bonne nouvelle, si la Vierge courut alors « vers le pays des mon­ tagnes », chez sa cousine, et « demeura là environ trois mois », il est évident qu’elle est retournée chez elle « quand fut accompli le temps» de la grossesse d’Elisabeth. Fr. 30 — Le, 1, 56-57 a) Pourquoi Marie est-elle « demeurée » ? C’est peutêtre pour contempler là aussi l’accomplissement du mi­ racle, car elle est dans l’incertitude en ce qui la concerne elle-même, elle est frappée de stupeur ct se demande ce qui doit arriver .* b) C’est une coutume que les jeunes filles vierges se retirent quand une mère va accoucher. c) C’est pour cela que Marie se retira, quand, pour Éli­ sabeth, vinrent les jours « d’enfanter», parce qu’elle était vierge, bien qu’elle fût enceinte. Ceux qui ignoraient le mystère la soupçonnaient d’être enceinte des œuvres d’un homme, mais en réalité elle était vierge ct pure de tout contact avec un homme ; elle était enceinte réellement, comme le veut la nature, mais d’une manière toute nou­ velle, au-delà de la nature. Fr. 31 — Le, 1, 59 Jean signifie « grâce de Dieu », Zacharie, « mémoire de Dieu » ct Élisabeth, « serment de mon Dieu *. » Fr. 32 — Le, 1, 59 Parce que Zacharie signifie « mémoire de Dieu » et Jean «celui qui montre», parce qu’on se souvient d’une per­ sonne absente et qu’on montre une personne présente, pour ces motifs, les parents de cet enfant ne consentirent pas à l’appeler Zacharie, mais ils voulaient lui donner le nom de Jean : car il n’avait pas à rappeler le souvenir ORIGÊN'E 486 τος, άλλ’ αύτόν έκεινον μονονουχΐ τφ δακτύλω δεικνύει * παρόντα καί λέγειν· « ϊδε ό άμνός τοθ 8εο0 a ». Fr. 33 —Ra 51 (a) Ποιας δέ διαθήκης έμνήσθη καί πο(ου δρκου πρός τόν Αβραάμ γενομένου, ή πάντως τοΟ· κ ένευλογηθήσονται έν τφ σπέρματί σου πάντα τά έθνη b ». (b) Κάν γάρ νΟν τοθτο γέγονεν, άλλ’ έκπαλαι προανεφωνήθη — τοθτο γάρ έστιν τό « μνησθήναι διαθήκης c » — καί άδύνατον ήν μή έκβήναι τούς λόγους εις έργον· δρκω γάρ έβεδαίωσε τάς έπαγγελίας διά τό άπαράβατον, 'ότι πάντως έσται· καί νΟν οί πιστοί σ άφόβως έκ χειρός » τών νοητόν θύονται. Fr. 34 — Ra 53 Πώς δέ « έτοιμάσαι τάς όδούς αύτοθ » φησιν : τό ποιήσαι γνωναι τούς άνθρώπους, δτι παραγέγονεν δ τοίς πιστοϊς συγχωρών τά αμαρτήματα αύτών. « Λαόν » γάρ αύτοθ τούς πιστούς ώνόμασεν· τούτοις γάρ τής σωτηρίας παρέσχε τήν γνώσιν έπιγνώναι θελήσασιν, ούκ « έξ έργων νόμου d >, άλλά διά τό δφατον αύτοθ έλεος. Fr. 35 — Ra 54 « Στείρα » ή μήτηρ « καί άμφότεροι » πρεσβύτεροι οί γο­ νείς, τήν δέ τοιαύτην γένεσιν δ άπόστολος κατά πνεθμα είναι λέγει ώς έπΐ τοθ δμοίως γεννηθέντος ’Ισαάκ, δτι κατά πνεθμα γεγέννηται τοθτ' έστι κατά δύναμιν καί χάριν τοθ πνεύματος. Τό δέ « έν πνεύματι » γεγονός « έν πνεύματι » καί ηύξάνετο· τοιοθτον γάρ έδει είναι καί τόν ύπηρέτην τοθ κυρίου, τόν ύπερδάλλοντα προφήτας πάντας. a. Jn, 1, 29 d. Rom., 3, 20 b. Gen., 28,14 1. Allusion à Cal. 4, 28. c. Cf. Héb., 6,13 et se FRAGMENTS GRECS 32-35 487 φθόνω ήμελλον διαπρίεσθαι, οδτοι δέ άπλαστοι ήσαν, τήν παλαιάν πολιτείαν s 4ηλο0ντες τών πατριάρχων καί αύτοϋ Μωυσέως· ποιμένες γαρ ήσαν καί ουτοι. Fr. 38 — Ra 58 (a) Ποιμέσι πρώτον Αποκαλύπτεται τδ ύπδ τών Αγγέλων ύμνούμενον μυστήριον ο'ίτινες τύπον έπέχουσι των τάς εκκλη­ σίας μελλόντων ποιμαίνειν· καί μάλα εικότως. b) Αύτούς γάρ έδει τό· « Έπί γής ειρήνη » κατά τήν πρώτην τάξιν άκούειν, οϊτινες ήμελλον τήν ειρήνην έπιφωνειν παντί τφ τής εκκλησίας πληρώματι. Τδ δέ των ποιμένων πρόσωπον καί ή δι’ άποκαλύψεως αύτοις γενομένη χαρά σημαίνει σαφώς, 1. Ce symbolisme du Jour ct de la nuit est bien dans la manière d’Origène. Voir une allusion â ce fragment dans Ambroise, II, 29, SC 45, ·■; p. 85. 2. Ce fragment répond à la question posée au début de Πιο/n. XII : · Pour­ quoi les anges n’ont-ils pas annoncé le mystère do la Nativité mix gens cul­ tivé» de Jérusalem mais à dc pauvres bergers ? · On trouve ce passage dans J. A. Cramer, t. II, p. 20-21. 3. Sur In signitlcation des bergers, voir Λοπι. XII, p. 200. note 1. FRAGMENTS GRECS 36-38 Fr. 36 — Le, 2, 6-7 489 Hom. 9, 3 Il faut savoir aussi qu’au sujet de Jean il est écrit : a Pour Élisabeth le temps d’enfanter fut. accompli », tandis que, pour Marie, «les jours furent accomplis». Ce n’est en effet pas du tout la même chose « d’accomplir les jours » ou « d'accomplir le temps ». Le temps comprend aussi des nuits cl quand il s'agit du Christ, il n’y a absolument pas de nuits, seuls les jours sont accomplis pour cet enfan­ tement \ D’autre part Élisabeth enfante « un » fils, Marie, « le » Fils, avec l'article, afin dc signifier d’une façon plus nette qu’Élisabeth a donne naissance à un fils, à un homme tout simplement, tandis que la Vierge n’a pas enfanté sim­ plement un homme, mais le Fils de Dieu fait chair. C’est pour cela que dans un cas l’article était nécessaire pour signifier quelqu’un de remarquable, distingué du reste des hommes, dans l'autre cas il n’y en avait pas besoin. Fr. 37 — Le, 2, 8 C’est que les premiers (les Juifs) étaient corrompus et la jalousie allait les faire frémir de rage, tandis que les autres (les bergers) étaient simples, cherchant à imiter le genre de vie des anciens patriarches et de Moïse luimême, puisque ces derniers étaient aussi des pasteurs a. Fr. 38 — Le, 2, 8-14 Hom. 12, 1-2 a) C’est à des bergers qu’est d’abord révélé le mystère célébré par le cantique des anges, parce que ces gens-là sont une figure 3 de ceux qui devaient être les pasteurs des églises ; et tout cela est très normal. b) Ils devaient être les premiers à entendre : « Paix sur la terre », parce qu’ils allaient annoncer la paix 1 au plérôme de l’Église. Le rôle des pasteurs et la joie que leur 4. Allusion possible Λ In salutation liturgique que l’évêquo adresse ή l’assemblée chrétienne. 490 ORIGÈNE ώς έπί « τδ πλανώμενον πρόβατου » ήλΟεν a δ ποιμήν δ καλός a ». (c) Ποιμένας γάρ ούδέν οΰτως εύφραίνει, ώς ή τοϋ απολωλό­ τος βοσκήματος εϋρεσις, δπερ ούκ ήν έτέρου τινδς εύρειν ή « τοΟ άρχιποιμένος ΧριστοΟ b ». Fr. 39 — Ra 59 (a) Διά μέν γάρ τοΟ είπειν μετ' έπιτάσεως· « έν τοϊς ύψίστοις » ένέφηναυ τήν πασών ύψηλοτέραν δόξαν όφειλομένην άναπέμπεσθαι τφ Χριστφ· (b) ούδενδς γάρ εστι τών « έπΐ γής » άναπέμπειν τήν έπί τή καταβάσει τοΟ ύψίστου δοξολογίαν, μόλις δέ τών « έν ΰψει > δυνάμεων, αϊτινες διά τοϋ άυυμνειν τδν ΰψιστον μάλλον ύψοΟνται· καί ώς δτι αί « έν ύψίστοις » πασών τών δυνάμεων δύνανται ποσώς ύμνολογήσαι τδν Χριστόν· (c) επειδή δέ βρέφους αύτοϋ δντος υμνουν αύτδν αί άνω δυνά­ μεις ώς « έν κόλποις » όντα « τοϋ πατρός c », γέγονε κ καί έπί γής » τοΟτο· διά γάρ τοϋτο εϊπεν· « καί έπί γής ειρήνη καί έν άνθρώποις εύδοκίας»· έπειδή δ ούρανδς καί ή γή ήμελλον είς ένότητα συνάπτεσθαι. καί οί άνθρωποι ήμελλον εύχαριστεΐν τώ πέμψαντι ειρήνην καί άπαλλάξαντι τής πρδς θεδν έχθρας. Fr. 40 —Ra 60 (a) ”Π τύπου μυστηρίου θεοπρεποΟς· Βηθλεέμ γάρ οίκος άρτου μεθερμηνεύεται. ΠοΟ δέ ήμελλον οί ποιμένες μετά τδ κήρυγμα τής εΙρήνης ή έπί τδν πνευματικδν οίκον τοΟ ούρανίου άρτου ΧριστοΟ, τοΟτ’ έστιν τήν εκκλησίαν έπείγεσθαι; a. Jn, 10, 11 b. I Pierre, 5, 4 c. Jn, 1, 18 1. Raucr note que le manuscrit est en mauvais état ; cc qui explique, sans doute, l'obscurité de ce passage contenant des allusions aux dilTércnts degrés de la hiérarchie angélique : seuls ceux qui sont « au plus haut des deux > peuvent chanter dignement l’hymne au Très·! laut. 2. Il n’y a pas d’opposition entre le Christ dans le sein du Père et Jésus devenu homme» car le Verbe, le Christ dans sa divinité, selon Origène. no quitte pas le sein du Père. D’une certaine façon, il descend sur la terre avec son Ame» mais, d’une autre, il reste toujours en Dieu qui est < son lieu ». FRAGMENTS GRECS 38-40 491 a apportée cette révélation indiquent clairement que «le Bon Pasteur» est venu « pour la brebis égarée n. » e) Rien en effet ne réjouit autant des pasteurs que de retrouver la brebis perdue ; la retrouver n’appartenait à personne d'autre qu’au « Christ, le Chef des pasteurs b ». Fr. 39. — Lc, 2, 13 el ss. Hom. 13, 1-3 «) Grace à ces mots prononcés avec force : « Au plus haut des cieux », les anges ont manifesté que c’est la gloire la plus élevée de toutes que l’on doit faire remonter aux cieux en l’honneur du Christ. b) Il n’est en effet possible à personne « sur terre » de faire monter l’hymne de gloire pour honorer la descente du Très-Haut ; c’est difficile pour les puissances «dans les hau­ teurs », qui précisément s’élèvent davantage parce qu’elles chantent un hymne au Très-Haut. Quant à celles des puis­ sances qui sont « dans les cieux le plus haut » qu’il est pos­ sible, elles peuvent d’une certaine façon chanter un hymne au Christ, ». c) Lorsque les puissances d’en haut célébraient Jésus, devenu petit enfant, comme étant « dans le sein du Père c», cela s’est produit aussi « sur terre 8 ». Et. il est dit : « Paix aussi sur terre aux hommes, objets de la bienveillance divine», parce que le ciel et la terre allaient s'unir entre eux et les hommes étaient, sur le point de rendre grâces à celui qui leur envoyait, la paix et les délivrait de l’inimitié à l’égard de Dieu. Fr. 40 — Le, 2, 15 a) 0 symbole d’un mystère digne de Dieu ! Bethléem, en effet, signifie « maison du pain ». \rers quel lieu les ber­ gers pouvaient-ils bien se hâter après l’annonce de la paix, sinon dans la maison spirituelle du pain du ciel qu’est le Christ, c’est-à-dire dans l’Église ? Telle est l’opinion d’OrlgCne sur la kënose. cf. In Jo, corn., XX, 18, GCS 4, p. 350, 492 ORIGÈNE ■ (b) έν p μυστικός καθ’ έκάστην ίερουργειται « δ έκ τοϋ ούρανοΟ καταθάς άρτος® » καί ζωήν διδούς τθ> κόσμφ; Χριστός δέ έστιν « δ άρτος δ ζών δ έκ τοΟ ούρανοΟ καταδάς καί δοθείς ύπέρ τής τοΟ κόσμου ζωής», ως αύτδς έν εύαγγελίοις φησιν. Fr. 41 — Ra 61 Τίνος χάριν ούκ άλλαχοΟ τδ σημείον, άλλ’ έν τή τοΟ αιδοίου •περιτομή ; επειδή δι’ οδπερ δργάνου τήν εύπαιδίαν ?δει γενέσθαι, δι' αύτοΟ καί τήν τής εύπαιδίας σημείωσιν εδει φαίνεσθαι. I Fr. 42 — Ra 66 (a) Οδτος « ήν κεχρηματισμένος ύπδ τοΟ άγιου πνεύματος » μή πρότερον τελέσαι τδν βίον, έως σ αν ϊδη τδν Χριστόν >· έξεδέχετο ούν ίδείν τδν Χριστόν κυρίου πρΙν τελευτήσαι, έξεδέχετο τήν έπαγγελίαν, έμενεν έν τώ ναό εσω εκείνο λέγων έν έαυτδ· δπου αν γένηται, πάντως ένταΟθα άπαντά. (b) καί δεξάμενος β. είς τάς άγκάλας ο αύτοΟ τδν ΊησοΟν . « ηύλόγησε τδν θεόν » λέγων· « νΟν απολύεις τδν δοΟλόν σου, δέσποτα ». Πόθεν άπολύεις : έκ τοΟ βιωτικοΟ σκάμματος· λύτρα γάρ καί δεσμωτήριον ό βίος. (ο) Ό γάρ μέλλων είρηνοποιείν τδν κόσμον παρεγένετο, δ συνάπτων τδν ούρανδν τή γή, δ κατασκευάζων τήν γήν ούρανδν διά τής εύαγγελικής διδασκαλίας. (d) « ‘Ότι είδον οί όφΟαλμοί μου τδ σωτήριόν σου >· πρότερον μέν γάρ, φησίν, έπίστευον έν διανοία, τΰ λογισμΰ έγίνωσκον, νΟν δέ καί τοίς τής σαρκδς δφθαλμοίς μου τεθέαμαι, ώς τετεa. Jn, 6, 51 1. Le Christ dans l’Église donne aux hommes le pain, en leur révélant la connaissance des mystères. Le pain est la Parole dc Dieu, mais l'image du festin .sacrificiel évoque aussi l’Euchnristic. 2. On trouve une allusion à ce passage dans Amukoise. H, 59. SG 45, p. 98. La source semble donc bien être Origène. mais le texte lui-mCme pourrait être plus tardif puisque les deux fragments b ct c se trouvent littéralemcnt dans Cyiklle d’Alkxandhif.. PG 72, 501 c. L’idée que la vie est un lieu d’épreuve Oti l'Ame se rachète de In faute do Jn préexistence est bien origénicnne. FRAGMENTS GRECS 40-12 493 b) N’est-ce pas là que mystiquement chaque jour est distribué en sacrifice « le pain descendu du ciel n » qui donne la vie au inonde 1 ? Le Christ est «le pain vivant, descendu du ciel et donne pour la vie du inonde », comme il le dit lui-même dans les évangiles. Fr. 41 — Le, 2, 21 Pourquoi le signe ne se trouve-t-il pas ailleurs que dans la circoncision de l’organe sexuel ? Puisqu’il devait être l'instrument d’une belle descendance, il fallait que fût montrée par lui une marque visible de cette belle des­ cendance. Fr. 42 Le, 2, 26 ct ss Hom. 15 a) Siméon « avait eu révélation dc l’Esprit-Saint » qu’il nc terminerait pas sa vie « avant d’avoir vu le Christ»; il s’attendait donc à voir le Christ du Seigneur avant de mourir, il attendait l’accomplissement de la pro­ messe cl restait à l’intérieur du temple se disant en luimême : « Quand cela se produira, c’est certainement en cc lieu que l’événement arrivera. » b) Et ayant reçu « dans ses bras » Jésus, «il bénit Dieu» et dit : « Maintenant tu délivres ton serviteur, ô Maître » ; tu le délivres de quoi ? Tu le délivres de ccttc arène qu’est la vie, car la vie est une rançon à payer ct une prison ». c) Était présent celui qui devait pacifier le monde, celui qui unit le ciel à la terre el prépare la terre à devenir ciel, grâce à l’enseignement dc Γ Évangile. d) a Parce que mes yeux ont. vu ton salut». Avant, en effet, dit-il, je croyais grâce à l’intelligence, je connais­ sais par la pensée, mais maintenant je contemple avec mes yeux dc chair parce que j’ai atteint la perfection ». 3. En commentant le Nwrte ce fragment indique Ici progrès dc la connaissance spirituelle dont la contemplation est le sommet. Ccttc pro­ gression est une idée bien odgénienno. Cf. hom. Ill. 4. C’est le thème de Jé>u$ contemplé par chacun selon ses dispositions. Siméon volt le Sauveur dans cc petit enfant commo les Apôtres voyaient Dieu en Jésus. 494 ORIGÈNE λείωμαι' « εΐδον γάρ τό σωτήριόν σου », 'ός έστι Χριστός· τοΟτο δέ δ εΐδον ού μόνον σωτηρία έστιν ’Ιουδαίων, άλλα καί -παντός τοΟ κόσμου. (e) Τί δέ εΐδον; ΰ τό σωτήριόν σου», φησίν, «δ ήτοίμασας κατά πρόσωπον > ού τοΟ λαοΟ τοΟ ενός ούτε τοΟ ’Ισραήλ μόνον ούτε των ’Ιουδαίων, άλλά ε κατά πρόσωπον πάντων τών λαών ». (f) « Φώς είς άποκάλυψιν έθνών »· φως δέ έστιν εθνών δ Χριστός, επειδή τά έσκοτισμένα έθνη ήμελλεν φωτίσαι τή διδασκαλία· νθν γάρ είσεδέξατο ό πατήρ τούς έξ έθνών σύν­ θημα δούς αύτοις ειρήνης, τήν σωτηρίαν τήν διά τής είς Χριστόν πίστεως. (g) « Καί δόξαν λαού σου ’Ισραήλ »· ώδε δόξα, εκεί άποκάλυψις· εκεί γάρ τοις εθνεσι διδασκαλίας άρχή, ενταύθα δέ τφ Ισραήλ ακόλουθος ή μάθησις· εϊ τις τοίνυν οΐδεν τόν Χριστόν, ούτος ’Ισραηλίτης, εϊ τις μή οΐδεν, ούκ έστιν ’Ισραηλίτης· « ’Ισραήλ » γάρ έρμηνεύεται νοΰς ορών θεόν. (h) « Καί δόξα λαοϋ σου ’Ισραήλ»· δόξα δέ ’Ιουδαίων έστιν τό είς Χριστόν πιστεΟσαι τόν κηρυχθέντα ύπό τών προφητών· δόξα γάρ τών προσδοκώντων ή άπάντησις τοΟ προσδοκουμένου. Fr. 43 — Ra 69 ‘Ρομφαίαν λέγει τόν λόγον τόν πειραστικόν, τόν « διίκνούμενον άχρι μερισμού ψυχής καί πνεύματος, αρμών τε καί μυελώνη, καί κριτικόν ενθυμήσεων». Fr. 44 — Ra 72 ‘Ως άπαραλείπτως ύποσχόμενος δ εύαγγελιστής πάντα είπειν ούδέ τό τής νΑννης παρεσιώπησε πρόσωπον, άπό δύο προφη­ τών τό άληθές συνιστών τών λαληθέντων περί ΧριστοΟ· καί γάρ καί αύτή ώς ο προφήτις » πασιν έλεγεν, οτι αύτός έστιν δ a. Héb., 4, 12 1. Sur la signification d’Israël, Vision do Dieu, voir hom. XVII, p. 254, note 2 ct /r. 28, p. 482, note 3. 2. Cc passage est identique à Basile, PG 32, 905 c. Cependant le glaive, symbole de la Parole dc Dieu, scion la citation dc lîébr. 4. 12, se retrouve dans Amuroisr, II, 61, SC 45, p. 99. Nous avons donc conservé ce passage. FRAGMENTS GRECS 42-44 495 « .J’ai vu ton salut », c’est-à-dire le Christ ; ce que j'ai vu n’est, pas seulement le salut des Juifs, mais celui du monde entier. e) Qu'ai-je vu ? « Ton salut », dit Simeon, que tu as pré­ paré à la face non d’un seul peuple ni d’Israël ni des Juifs seulement, mais « à la face de tous les peuples ». [} « Une lumière pour éclairer les nations. » Le Christ est lumière des nations, puisque les nations, plongées dans les ténèbres, devaient recevoir la lumière grâce à son ensei­ gnement. Car le Père a accueilli les païens en leur accor­ dant un traité de paix : le salut par la foi au Christ. g) «Et gloire de ton peuple Israël.» (Pour Israël), c’est la gloire, (pour les païens), la révélation, car pour eux c’est un début d’enseignement tandis que pour Israël c’est la suite de leur instruction. Si donc quelqu’un connaît le Christ, c’est un Israélite ; s’il ne le connaît pas, ce n’est pas un Israélite, puisque « Israël » signifie : l’intelligence qui voit Dieu ’. h) « El gloire de ton peuple. » La gloire des Juifs, c’est de croire au Christ annoncé par les prophètes ; la gloire de ceux qui attendent est de rencontrer l’objet de leur attente. Fr. 43 — Le, 2, 35 Hom. 17, 6 Le glaive désigne la parole qui éprouve et pénètre «jusqu’à diviser l’âme et. l’esprit, les articulations et les moelles qui juge les pensées * ». Fr. 44 — Le, 2, 36-38 Horn. 17, 9 Comme l’évangéliste a promis de tout dire, sans rien omettre, il n’a pas passé sous silence la personne d’Anne, établissant ainsi par deux prophètes la vérité de ce qui fut dit alors au sujet du Christ. En effet, Anne également, en tant que « prophétesse », disait à tous qu’il était le Les autres fragments dc Raver, 67-71 sc retrouvent littéralement dans une lettre bien connue dc Basile dc Césarée. Voir les références, p. 461-162. 496 ORIGÈNE Χριστός δ μέλλων λυτρώσασθαι τήν ’Ιερουσαλήμ, τοΟτ’ έστι τήν τών έν 0εοσε6εία διαπρεπόντων καί έν γνώσει γραφών πάλιν· Ιερουσαλήμ γάρ δρασις ύψίστου ερμηνεύεται. Fr.45 — Ra 74 (a) “Ηιδεί μέν ή -παρθένος μή τέκνον αύτδν είναι τοΟ ’Ιωσήφ, άλλ’ εις πατέρα τούτω τδν έαυτής εγκρίνει μνηστήρα διά τήν I των Ιουδαίων ύποψίαν, οϊομένων αύτδν έκ πορνείας γεγεννήσθαι. Διά τοΟτο καί φησιν· « τί 'ότι έζητεϊτέ με: ούκ ήδειτε ότι έν τοίς τοϋ πατρός μου δεί εΐναί με ; » (1>) Καί έπειδή είπεν 8τι « δ πατήρ σου κάγώ δδυνώμενοι έ£ητοΟμέν σε», δ σωτήρ πρός τοΟτο λέγει· «ούκ ήδειτε δτι έν τοις τοΟ πατρός μου δει είναι με ; ού συνήκαν δέ τδ £ήμα, δ έλάλησεν αύτοϊς », τδ περί τού ίεροΟ. Fr. 46 —Ra 76 Ού τή πρώτη δέ ή τή δευτέρα « ηδρον αύτόν », άλλα τή τρίτη, δτε αύτδς ήθέλησεν έμφανής γενέσθαι τοις ζητουσιν αύτόν. I “Εχει δέ καί αίνιγμα δ λόγος· έν τώ δωδεκάτω έτειτρείς ήμέρας κρύπτεται, πρδ τοΟ πάθους τδ πάθος καταγγέλλων τδ έπί τών δώδεκα μαθητών, δτε δή καί τούτους έλαθε καί πάλιν άναστάς έφάνη πρδ τών τριών,] τδν τριήμερον κηρύσσων πρδ τοΟ καιροΟ καιρόν. Fr. 47 — Ra 77 Διό καί αύτή ώς έκείνου πατέρα τδν ’Ιωσήφ ώνόμασε διά τούς I ’Ιουδαίους. Αύτδς τήν ύπόνοιαν έκκόπτων ταύτην πάλιν έλεγεν· «ούκ ήδειτε 8τι έν τοις τοΟ πατρός μου δεί εΐναί με», ·|| πατέρα αύτοΟ δηλών τδν θεόν, άλλ' ού τδν Ιωσήφ· « έν τοις I 1. On peut sc demander si la dernière phrase est bien d’Origène qui inter­ prète ordinairement Jérusalem dans le sens dc · Vision dc Paix ». Dc Hieru­ salem frequenter diximus quod visio pads interpretatur, tn Jos. hom., XXI, 2, GCS Ί, p. 431. Voir missi In Jer. hom., IX, 11, GCS 3, p. 65; In Horn. j corn., X. 14, PG 1 1, 1271 a, et I. Witz, Onainaslica Sacra. TU 11 (1911), | p. 109, 585 el 745. 2. Ct. C. Cels., I. 32, GCS 1. p. 83. 3. On trouve trace de co fragment dans Ambroise, II, 63, SC 45, p. 100. ' 497 FRAGMENTS GRECS 44-47 Christ, celui qui devait racheter Jérusalem, c'est-à-dire la cité dc ceux qui vivent dans la piété ct la connaissance des Écritures. Jérusalem, de fait, signifie « vision du TrèsHaut 1 ». Fr. 45 — Lc, 2, 48 Hom. 19, 4 et 20, 3 а) La Vierge savait que l'enfant n'était pas celui de Jo­ seph, mais elle admet que son fiancé passe pour le père dc Jésus à cause du soupçon des Juifs ’qui croyaient que cette naissance était le fruit dc relations impures. C’est pour cela que le Christ également, dit : a Pourquoi me cher­ chiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être dans la demeure de mon Père ? » б) Après que la Vierge eut dit : « Ton père ct moi, nous te cherchions dans la douleur», le Sauveur répondit: « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la demeure de mon Père ? et ils ne comprirent pas le sens des paroles qu’il leur avait adressées », paroles qui concernaient le temple. Fr. 46 — Le, 2, 46 Cc n’est ni le premier ni le second jour « qu’ils le trou­ vèrent » mais le troisième, quand il consentit à se montrer à ceux qui le cherchaient. Ces mots sont symboliques. Λ douze ans, Jésus se cache pendant trois jours : avant la Pas­ sion, il prophétisait la Passion telle qu’elle sera vécue par les douze disciples quand précisément il disparut à leurs yeux el, une fois ressuscité, leur apparut ; il annonçait ainsi, avant le temps, le laps de temps des trois jours 3. Fr. 47 — Le, 2, 48-49 Hom. 20, 3 La Vierge avait nommé Joseph comme s’il était père de Jésus à cause des Juifs; mais le Christ, détruisant celte fiction, répétait : « Ne saviez-vous pas que je dois être dans la demeure de mon Père ? », manifestant que Dieu était son père, et non pas Joseph. Il dit « dans la demeure OlUGKNB, S. Luc. 32 498 ÔHIGÈNF, τοΟπατρός » δέ εΐπεν διά τδν ναόν, έν ώ ήν, δπου καί εύρέθη ζητούμενος. Fr. 48 — Ra 79 [Καί ποιώσιν, δσα έπιτάσσουσι] πλήν εκείνων, δσα είς θεοσέ­ βειαν βλάπτει· διά τοΟτο γάρ καί « έμεινεν » έν τφ υαώ, ΐνα προτίμηση τήν θεοσέβειαν καί τδν αληθή πατέρα αύτοϋ καί θεόν τών κατά σάρκα συγγενών. Fr. 49 — Ra 80 Ποια δέ βήματα « συνετήρει » ή παρθένος ή δσα δ άγγελος είπε πρός αύτήν, δσα ot ποιμένες, δσα δ Συμεών καί ή “Αννα καί δσα νΟν αύτδς πρός αύτούς· εί γάρ καί μή τελείως 2γνωσαν τά εϊρημένα παρ' αύτοΟ, πλήν συνήκεν ή Θεοτόκος, δτι θεία ύπήρχον καί ύπέρ άνθρωπον. Fr. 50 —Ra 81 Ούδέν γάρ ώς έτυχεν ή λαλούμενου ή γινόμενον έδέχετο, άλλ’ είχε πάντα έν έαυτή, τά μέν νοοΟσα, τα δέ περιεργαζομένη, είδυΐα, ‘ότι εσται καιρός, καθ' δν τδ κεκρυμμέυον έν αύτώ Φανερωθήσεται. Fr. 51 — Ra 84 Πού δέ έδει τδν βαπτιστήν κηρύσσειν ή « εϊς τήν περίχωρον τοϋ Ίορδάνου », 'ίνα έάν τις βούληται μετανοείν, εύθέως εύπορή τού ποταμού πρός τδ βαπτίζεσθαι ; άλλως τε Ιορδάνης ερμη­ νεύεται καταβαίνων, έφ' δ κατέβη ή ποταμός τοΟ θεοΟ, τδ άληθινδν πόμα, τό τής ζωής δδωρ, δ Χριστός. Κηρύσσει δέ « βάπτισμα εις άφεσιν αμαρτιών » τίνι ή τώ μηκέτι άμαρτά- Le mot Οεοτόχοζ,selon le témoignage de Socrate, Hist. Eccl. VH, xxxir, a été employé par Origène. Voir JnCrod., p. 21. 2. Cette attitude est caractéristique du spirituel origénien. Cf. Introd·, p. 49-50. 3. Cf. Hom. XXI. note 2, p. 294. I KAGME.XTS C.HECS 4-7-51 199 du Père », à cause du temple où il se tenait cl où éga­ lement on l’a trouvé, quand on l’a cherché. Fr. 48 — Le, 2, 51 Hom. 20, 5 (Que les enfants accomplissent tout ce que leurs parents leur ordonnent), sauf en ce qui nuit à la piété envers Dieu. Car c’est pour cela qu’il « demeura » dans le temple, pour mettre au premier plan, avant les parents selon la chair, la piété, son véritable père et Dieu. Fr. 49 — Le, 2, 51 Hom. 20, 6 Quelles sont les paroles que la Vierge « conservait » ? celles que l’ange lui avait adressées, celles des bergers, celles de Siinéon et d’Anne, cc que maintenant le Christ leur disait. Bien que Joseph et Marie n’aient pas parfai­ tement compris les paroles de Jésus, la Mère de Dieu *, cependant, a compris qu’elles étaient divines et dépas­ saient l’humain. Fr. 50 — Le, 2, 51 La Vierge n’accueillait rien tel quel de ce qui se disait ou s’accomplissait, mais elle conservait tout en elle-même ; elle en comprenait spirituellement une partie, elle recher­ chait le sens du reste ®, parce qu’elle savait que viendra un temps où ce qui est caché, sera manifesté dans Je Christ. Fr. 51 — Le, 3, 3 Hom. 21, 3-4 Où le Baptiste devait-il faire sa proclamation, sinon dans « la région voisine du Jourdain », afin que celui qui voudrait se convertir pût aussitôt s’approcher du fleuve pour recevoir le baptême ? Surtout que Jourdain veut dire « descente » ct c’est là qu’est descendu le fleuve dc Dieu, la véritable boisson, l’eau de la vie, le Christ. Jean annonce « un baptême pour la rémission des péchés », à 500 ORIGÈNE νοντι ; τδ μέν γάρ Χριστοί) βάπτισμα τελείως έχει άφεσιν άμαρτιών εξ αύτοΟ τοΟ βαπτίζεσθαι * τδ δέ Ίωάννου, εί καί είχεν άφεσιν άμαρτιών, άλλά διά μετάνοιας· άτελές γάρ ήν, εί καί τών’Ιουδαϊκών βαπτισμάτων τελειότερον ύπήρχεν. ’Επειδή δέ δ ’Ιωάννης πρόδρομος ήν έτέρου λόγου, εϊκότως ♦. φωνή » ώνόμασται, ού λόγος· παράγει γάρ τον 'Ησαίαν τδν λόγον βεβαιών καί φησίν, ώς γέγραπται· α φωνή βοώντος έν τή έρήμω * ». Fr. 52 — Ra 88 Εικότως τοίνυν «γεννήματα έχιδνών » πάντας τούς απίστους καλεί· δ γάρ μή καταλιμπάνων τά έν αύτώ έθη ού μόνον ού λαμβάνει καλώς τδ βάπτισμα, άλλ’ έστι γέννημα έχίδνης, έν έαυτφ τδν Ιδν τής πονηριάς έχων. Fr. 53 — Ra 89 Οί μέντοι κατ' αναλογίαν τού πλήθους καί τοΟ μεγέθους τών προημαρτημένων εργαζόμενοι τδ άγαθδν ποιοΰσι « καρπούς» τοΟ πνεύματος «άξιους τής μετανοίας », δι * ους οί πρότερον γευόμενοι « γεννήματα έχιδνών » μεταθαλόντες γίνονται « υίοί τοΟ έν ούρανοις πατρός 1| ». Fr. 54 — Ra 90 Νόει δέ καί τελώνας τάς άντικειμένας δυνάμεις, α’ίτινες καθέζονται έν τοΐς τέρμασι τοΟ βίου ήμών, έάν εΰρωσί τινά έχοντά τι τών αύτοις προσηκόντων δ έστιν άμαρτίαν, αύτδν κατέχουσι δλον είς τδ τιμωρηθήναι άνθ' ών έπραξεν. Fr. 55 — Ra 92 « Αύτδς ύμάς βαπτίσει »· Θεοπρεπές άξίωμα μεμαρτύρηκε τώ Χριστώ· τίς γάρ δ είς άγιον πνεύμα βαπτίζων τούς άνθρώa. Is., 40, 3 b. Maith., 5, 45 1. Origène ici affirme bien l'efficacité du baptême du Christ par rapport aux rites et aux ablutions qui l'ont précédé. 2. Cf. hom. I, p. 104. note 2. ct fr. 10. 3. Cf. Entretien note Jiéraclide, 14, SC 67, p. 35. •1. Voir hom. XXIII, p. 31$, note 2. FRAGMENTS GRECS 54—55 501 qui, sinon à celui qui ne pèche plus. En effet, le baptême du Christ contenait en perfection la rémission des péchés, du seul fait de le recevoir ; tandis que celui de Jean contenait bien la rémission des péchés mais grâce à la conversion, car il était imparfait, tout en étant plus par­ fait que les baptêmes des Juifs L Parce que Jean était précurseur d’une autre Parole, il est tout naturellement appelé « voix » et non « parole 2 ». Il introduit Isaïe pour attester la Parole et dit, comme il est écrit : « Voix de celui qui cric dans le désert a. » Fr. 52 - Le, 3, 7 Hom. 22, 6 C’est avec raison qu’il appelle « races de vipères » tous les infidèles. En effet, celui qui ne renonce pas aux habi­ tudes qu’il porte en lui, non seulement ne reçoit pas bien le baptême, mais il est de la race de la vipère, conservant en lui le venin du mal. Fr. 53 — Le, 3, 8 Hom. 22, 8 Ceux qui font le bien en proportion dc la multitude et de la grandeur de leurs fautes passées, produisent « des fruits » de l’Esprit, « qui sont dignes de la conversion 3 » ct grâce auxquels ceux qui étaient auparavant « races de vipères » sc transforment ct deviennent « fils du Père qui est dans les Cieux b ». Fr. 54 — Le, 3, 12 Hom. 23, 5 Comprends que le mot « publicains » désigne les puis­ sances adverses qui siègent au terme de nos vies : si elles découvrent qu’un homme possède quelque chose qui leur appartient, c’est-à-dire du péché, elles le retiennent com­ plètement afin de le faire expier pour tout cc qu’il a fait 4. Fr. 55 — Le, 3, 16 Hom. 24, 1 « C’est lui qui vous baptisera. » Le témoignage de Jean attribue au Christ une prérogative qui convient à Dieu. 502 ORIGÈNE πους, τίς δέ δ τούς άπειθήσαντας τώ εύαγγελίω βαπτίσων ώς κριτής τώ « πυρί » τής γεέννης; δρα ούχ ώς θεάς δ Χριστός; Fr. 56 — Ra 96 Ό Μάρκος καί δ Λουκάς εΐπον, δτι < έν τεσσαράκοντα ήμέραις ήν πειραζόμενος », ώς είναι δήλον, δτι έν έκείναις μέν πόρρωθεν αύτδν έπείραζεν δι' ύπνου, δι' άκηοίας, διά δειλίας καί των τοιούτων· έπεί δέ 2γνω πεινάσαντα, λοιπόν προοήλθεν εγγύς καί φανερώς προσβάλλει· καί σκόπει, τί ποιεί. ’Ήκουσε καί παρά του Ίωάννου καί παρά τής ένεχθείσης άνωθεν φωνής, δτι « ουτός έστιν (υιός) τοΟ θεού3 », καί άγνοών, δτι ό υιός τοΟ θεού ένηνθρώπησεν — έλαθε γάρ αύτδν ή Απόρ­ ρητος ένανθρώπησις — ύπέλαδεν, δτι άνθρωπος ών ηύδοκήθη τώ Οεώ διά τάς άρετάς αυτού, καί λοιπόν έφθόνησεν αύτώ τής τηλικαύτης τιμής, ώσπερ καί τώ παλαιώ ‘Αοάμ, καί έσπευσεν ώσπερ έκείνον έκθαλείν καί τούτον αύτής- διό καί προσελθών έγγύς πρώτην προσάγει πείραν τής γαστριμαργίας, δι’ ής είλε καί τδν πρώτον Άδάμ. Καί έπεί ούδαμοΟ βρώσιμόν τι ήν διά τήν άγαν ερημιάν, έγίνωσκε δέ τή πείνη τόν άρτον είναι κατάλληλον, αύτός μέν ού προσφέρει, διότι ούκ ήμελλεν αύτδν παρά τού πολεμουμένου λαβειν δ Χριστός, επιτάσσει δέ αύτώ ποιήσαι τούς ύποδεικνυμένους λίθους άρτους· καί ‘ίνα μή νόηση τήν επιβουλήν δ Χριστός, δρα μηχανήν καί πονηρίας ύπερβολήν· ούκ εΐπεν απλώς, δτι· ποίησον τούς λίθους άρτους, Αλλά προσέταξε τό· « εΐ υίδς εΐ τοΟ θεού», 'ίνα δείξη, δτι πρδς άπόδειξιν τού εΐναι αύτδν υιόν θεού ζητεί γενέσθαι τούτο- φετο γάρ, δτι παρακνηθήσεται τώ λόγω, καθάπερ όνειa. Jn, 1, 34 1. Nous traduisons ainsi ακηδία, un des péchés capitaux dans les listes dressées par les auteurs spirituels de l’antiquité et du Moyen Age. C’est Cassien qui le premier u bien analysé cette maladie spirituelle (ennui, insa­ tisfaction perpétuelle, incapacité de se fixer, découragement) si fréquente dans les monastères et les communautés de tous les temps. Voir G. Bahdy, art. .teedia, DS, 166-169. 2. Le diable, père des hérétiques, professe ù l’égard du Christ des opinions adoptlanistcs. FRAGMENTS GRECS 55-56 503 Qui est celui qui baptise les hommes dans l’Esprit-Saint ? Qui baptisera, comme juge, « dans le feu » de la géhenne ceux qui auront refusé de croire à l’Évangilc ? N’est-ce pas le Christ, en tant que Dieu ? Fr. 56 — Le, 4, 4 Hom. 29, 2-3 Marc et Luc disent qu’il « fut tenté pendant quarante jours », ce qui indique clairement que pendant cette pé­ riode le diable, d'abord de loin, faisait éprouver au Christ diverses tentations : sommeil, découragement *, pusil­ lanimité et autres épreuves analogues. Puis, quand il se fut rendu compte que Jésus avait faim, il s’approcha dé­ sormais tout près de lui et l’attaqua ouvertement. Re­ garde ce qu'il fait : il avait entendu affirmer de la bouche de Jean et par une voix venue d’en haut que « c’est le Fils de Dieu ft », ct ignorant que le Fils de Dieu s’était incarné — le mystère ineffable de l’incarnation est resté caché au démon — le diable supposa que, étant, homme, Jésus avait plu à Dieu à cause de scs vertus >; dès lors, il porta envie à cet homme à cause d’un pareil honneur, comme il l’avait déjà fait à l’égard de l’ancien Adam et il s’efforça, comme pour le premier homme, de le faire dé­ choir de cet honneur. C’est pourquoi, s’étant approché de Jésus, il lui présente la première tentation, celle de la gourmandise, qui avait séduit le premier Adam. Comme il n’y avait nulle part de quoi manger, puisque c’était le désert complet et que le diable savait que, pour apaiser la faim, le pain est une nourriture bien choisie, il ne va pas certes en apporter lui-même au Christ, puisque Jésus ne pouvait rien accepter de son adversaire, mais il lui ordonne de transformer en pains les pierres qu’il lui montre. Et pour que le Christ ne reconnaisse pas ce des­ sein insidieux, voici la ruse employée et le comble de la perversité : il ne dit pas simplement. : « Fais de ces pierres des pains », mais il ajoute : a Si tu es le Fils de Dieu », pour indiquer que chercher l’accomplissement de ce prodige a pour but de prouver qu’il est Fils de Dieu. Il croyait donc que Jésus allait être piqué par ces paroles qui * lui 504 ORIGENE δισθείς έπί τώ μή είναι υίδς ΘεοΟ, καί άγνοών τδν δόλον μεταθαλεί τούς λίθους είς άρτους, ώς έχων έκ ΘεοΟ δύναμιν, καί λοιπόν Ιδών αυτούς πάνυ πεινών ήττηθήσεται τής γαστρός. Άλλ' ούκ έλαθε τδν « δρασσόμενον τούς σοφούς έν τή πα­ νουργία αύτών3»· δ δέ άποκριθείς είπεν· « γέγραπται· ούκ έπ' άρτφ μόνω ζήσεται άνθρωπος » καί τά έξής, συνείς τήν πανουργίαν αύτοΟ· τδ μέν έπιζητηθέν σημείου ούκ έποίησεν, διότι τά σημεία δι’ ώφέλειαν τών όρώντων εϊωθε γίνεσθαι, δ δέ διάβολος ούδέν ήμελλεν έντεΟθεν ώφεληθήναι- καί γάρ ύστε­ ρον Ιδών πάντα, δσα έποίησεν δ Χριστός, ούδέν μετεδλήθη· πρδς δέ τδν κεκρυμμένον αύτοϋ σκοπόν απολογείται καί άπδ τής έν τή βίδλω τοΟ Δευτερονομίου γραφής έπιστομίζει αύτδν ώσανεί λέγων· τί μοι ποιειν άρτους έκ λίθων επιτάσσεις; πάντως διά τήν συνέχουσάν με πείναν, 'ίνα φαυέντων δελεασθώ· Ί άλλ’ ούκ έπ' άρτω μόνω ζήσεται άνθρωπος1* »· άλλ * έστι καί έτερος τρόπος τροφής· καί γάρ « παν £ήμα έκπορευόμενον διά στόματος ΘεοΟ » επί τδν πεινώντα δίκην τροφής συνέχει τήν ζωήν αύτοΟ καί αρκεί αύτώ- ούτως μακροθύμως άπεκρούσατο τήν τής γαστριμαργίας μηχανήν. Fr. 57 — Ra 97 (a) ΕΙπών δέ δ εύαγγελιστής δτι « έδειξεν αυτώ πάσας τάς βασιλείας τής οικουμένης έν στιγμή χρόνου », άντί τοΟ· διέγραψε τώ λόγω τήν οικουμένην, φησί, καί ώσπερ τρόπον τινά έν τή διανοία αύτοΟ ύπεδείκνυεν ώς * ώετο ούδέν ήγνόει δ πάντα ποιήσας. (b) El γάρ μή τουτό έστι, πώς ήδύνατο αύτδς τούς τών περάτων τόπους είς ενα τόπον πρδς θεωρίαν σωματικήν άγαγειν : a. I Cor., 3, 19 (Job, 5, 13) b. Matth., 4, 4 (Deut.. 8, 3) 1. Origène a bien compris l’impossibilité de contempler l'univers ft partir d’un point quelconque situé sur la terre. Cf. Λοη». XXX, p. 372, note 1. FRAGMENTS GRECS 56-5? 505 faisaient l’injuro de mettre en doute sa qualité de Fils de Dieu, il croyait, que le Christ, ignorant la ruse, allait changer les pierres en pains, puisqu’il possédait une puis­ sance venant de Dieu et qu’alors, à la vue des pains, très affamé, il serait vaincu par son appétit. Mais tout cela n’échappa point « à celui qui prend les sages à leur propre astuce 8 ». Le Christ répondit par ces mots : « Il est écrit, l'homme ne vivra pas seulement de pain » ct la suite, parce qu’il avait compris l’astuce du diable. Il n’accomplit pas le miracle recherché parce qu'il avait l'habitude de faire des miracles pour l’utilité des gens qui les voyaient et le diable, lui, ne pouvait en retirer aucun avantage. De fait, dans la suite, après avoir vu tout ce qu’avait fait le Christ, il ne fut en rien transformé. Le Christ se défend contre le dessein secret du diable et, à partir du texte du Deutéronome, il lui ferme la bouche, disant en quelque sorte : « Pourquoi m'ordonnes-tu de transformer des pierres en pain ? » C’est certainement à cause de la faim qui me presse, pour que je sois séduit par le sensible, « mais l’homme ne vivra pas seulement de pain », il existe une nourriture d’un autre ordre, « toute parole qui sort de la bouche de Dieu b », va vers celui qui a faim, soutient sa vie à la manière d'une nourriture et lui suffit. Ainsi, avec patience, le Christ repoussa la ruse de la gourmandise. Fr. 57 — Le, 4, 5 Hom. 30, 2 a) L’évangéliste dit : « Il lui montra tous les royaumes de la terre en un instant », pour signifier : il fit oralement une description de la terre et d’une certaine façon la montra à l'intelligence du Christ, comme il la concevait. M;.'s celui qui a tout créé n’ignorait rien. b) De fait, s’il n’en est pas ainsi, comment le diable pouvait-il réunir en un lieu unique les lieux situés aux extrémités de la terre pour les faire contempler à des yeux corporels 1 ? 506 ORIGÈNE Fr. 58 — Ra 99 Νομίζω δέ αύτόθεν καθαίρεσιν μάλλον είναι τής δόξης τοθ ΊησοΟ ήπερ σύστασιν τής έν αύτώ θεότητος, τδ δεισθαι αύτδν Αγγέλων ΘεοΟ αίρόντων αύτδν « έττί τών χειρών » ύπέρ τοθ μή προσκόψαι « πρδς λίθον τδν πόδα αύτοθ ». Fr. 59 —Ra 103 Περί δυσμάς δέ τούτους προσήγον ήτοι μεθ' ή μέραν- αίσχυνόμενοι, ή τούς Φαρισαίους φοβούμενοι, ή καί περί έτερα ασχο­ λούμενοι, ή τάχα νομίζοντες μή έξειναι θεραπεύειν έν σα66άτω· έπεσημήνατο γάρ δ εύαγγελιστής δτι « ήν διδάσκων αύτούς έν σα66άτω» », διά τοθτο περί δύσιν ήλίου τούς κακώς έχοντας -προσέφερον οί προσήκοντες, δ δέ « αύτούς έθεράπευσεν ». Fr. 60 —Ra 113 ‘Η μέν ούν τελειοτέρα ψυχή, καλώς λατρεύσασα τώ λόγω τοθ ΘεοΟ, παρρησίαν έχει επ’ αύτήν έλθειν τήν κεφαλήν — « κε­ φαλή δέ Χριστοϋ ο θεός1»» — ώστε καταχέαι μύρον αύτής καί εύωδίαν τή δόξη τοθ ΘεοΟ περιποιήσαι- δοξάζεται γάρ ό θεδς διά τής εύωδίας τοθ βίου τών δικαίων- ή δέ άτελεστέρα γυνή καί ψυχή περί τούς πόδας καί τά ταπεινότερα στρέφεται, ής έγγύς έσμέν ημείς- ούδέ γάρ μετενοήσαμεν άπδ τών Αμαρτη­ μάτων ήμών- ποΟ ήμών τά δάκρυα, ποΟ δ κλαυθμός, ϊνα καν παρά τούς πόδας ΊησοΟ έλθεΐν δυνηθώμεν; έπ' αύτήν γάρ ούπω δυνάμεθα φθάσαι τήν κεφαλήν- Αγαπητόν δέ μετά τά αμαρτήματα φέρειν μετάνοιας εύωδίαν, ΐνα τις δυνηθή ή δευτέρα εΐναι, ή τούς πόδας άλείφουσα, αλλά μή τήν κεφαλήν, τοΟτ' έστιν ή μή άπτομένη τών τελεωτέρων καί ύψηλοτέρων, άλλά τών άκρων καί τελευταίων. a. Le, 4, 31 b. I Cor., 11. 3 1. Nous avons traduit co fragment qui apparaît clairement dans le com­ mentaire d’ÂMBROiSR, VI, 11-16, SC 45, p. 233-234. Γ 507 FRAGMENTS GRECS 58-60 Fr. 58 — Le, 4, 10 et ss. Hom. 31, 4 Je pense, d’après ce texte, que c’est supprimer la gloire de Jésus plutôt qu’affirmer sa divinité que de croire qu’il a besoin des anges de Dieu pour le porter « sur leurs mains afin que son pied ne heurte pas de pierre ». Fr. 59 — Le, 4, 10 Λ l’heure voisine du coucher du soleil ou après la jour­ née, ils amenaient (les malades). En effet, ils avaient honte ou bien ils avaient peur des Pharisiens, ou encore étaientils occupés à d’autres tâches, ou peut-être pensaient-ils qu’il n’est pas permis de guérir pendant le sabbat. L’é­ vangéliste avait indiqué « qu’il les enseignait pendant le sabbat* », aussi, aux environs du coucher du soleil, les parents amenaient les malades et « il les guérissait ». Fr. 60 Le, 7, 37 L’âme plus parfaite », après avoir bien servi le Verbe de Dieu, a l’assurance 8 de s’approcher de la tête même du Christ — « et la tête du Christ, c’est Dieu b » -, si bien qu’elle peut y répandre un parfum el procurer une bonne odeur à la gloire de Dieu. Dieu, en effet, est glorifié par la bonne odeur de la vie des justes. Au contraire, la femme ct l’âme imparfaites demeurent aux pieds du Christ et auprès des membres plus humbles. Nous sommes proches de cette seconde attitude, nous qui ne nous sommes même pas repentis de nos fautes ; où sont nos larmes, où sont nos gémissements pour pouvoir au moins nous approcher des pieds de Jésus ? Nous ne pouvons pas encore nous approcher de la tête du Christ. Après tous nos péchés, il faut nous estimer heureux d’apporter un parfum de con­ version pour pouvoir prendre la seconde attitude, celle de l’onction des pieds ct non de la tête, c’est-à-dire celle qui n’atteint pas le sommet de la perfection mais prend la dernière place, à l’endroit le plus éloigné. 2. Sur le M-ns du mot παρρησία· voir XXVII. p. 346, note 2. 508 ORIGÈNE Fr. 61 — Ra 120 Ού περί αισθητού λύχνου, άλλά νοητού ταύτα λέγεται· ούκ &ν γάρ τούτον « άψας » τις καλύψαι « σκεύει ή ύποκάτω κλίνης » θείη, « άλλ’ επί τής έν αύτφ λυχνίας >. Εϊη δ' άν σκεύη μέν οϊκίας αΐ τής ψυχής δυνάμεις· κλίνη δέ το σώμα· « εϊσπορευόμενοι :ο οέ οι άκροαταί τού μεταδιδόντος· λυχνία δέ τδ ηγεμονικόν τόπος οΰσα τού λόγου ήγουν τδ στόμα ήνίκα τις αύτδ άνοίξει λόγω Θεού καθ' έκάτερον γάρ δψονται « τδ φως » οι πρδς θεόν τήν είσοδον ποιησάμενοι άνθρωποι — φως δέ ήν έφώτισεν έαυτώ γνώσιν. Fr. 62 —Ra 124 Πέμπει αύτόν « είς τδν οΐκον » αύτού· ού γάρ τοσούτον μέτ­ ρου δυνάμεως είχεν ό άνήρ, ‘ίνα πρδς τδ καθίσαι π παρά τούς πόδας τού ΊησοΟ [ματισμένος > χωρήση καί τδ « εΐναι σύν αύτώ»· των δέ άπο τής περιχώρου τήν ’Ιησού παρουσίαν ού χωρούντων ούδέυ ήττον προενοήσατο τής τώυ δυναμένων εκεί άκούειν σωτηρίας, τδν αύτάρκως παρακαθίσαντα τοϊς ποσίν αύτού άπολύσας, ϊυα διδάσκη, έποίησευ » αύτώ ·) ό θεός »· 1 εΐεν δ' άν τινες τού τοιούτου άκροαταί καί μαθηταί, πλείονα μέν ού χωρήσαντος. έξ δλίγων δέ ων εϊληφε κηρύσσοντος, Άυαφέροις δ' άν τδν λόγον καί έπΐ τήν άνθρώπου φύσιν τού 2ξω ’Ισραήλ, δι' 8ν καταπλεί ’Ιησούς έπί τήν χώραν τδν Γεργεσηνών και πρδς δν έξεισιν Ιησούς έπί τήν γήν. « Ίμάτιον Β δέ, φησίν, ϋ. ούκ έυεόιδύσκετο » ό άνθρωπος· ούκ ένεδύσατο γάρ τδ καλύτιτου αύτού τήν άσχημοσύνην· « καί έν οϊκω ούκ εμευεν»· ού γάρ ήν ώς ’Ιακώβ <ϊ άνθρωπος άπλαστος ο’κών I οίκίαν ΛΒ· διδ καί τούτον « αύτδυ απέλυσε λέγων· ύπόστρεφε είς τδν οΐκδυ σου »· καί « έν τοϊς μνήμασιν έ'μενεν, ού μετά a. Gen., 25, 27 1. Sur le sens de cette expression d’origine stoïcienne, voir hom. I, p. Î03, note 6, ct surtout hom. XXXII» p· 391. note 4. FRAGM12KTS G H RCS 61-G2 509 Fr. 61 — Le., 8, 16 Le Christ ne parle pas ici d’une lampe matérielle mais spirituelle. En effet, « après avoir allumé » cette lampe, quelqu'un n’irait pas la cacher en la déposant «dans un vase ou sous un lit » mais la mettrait « sur le chandelier » qui est en lui. Les vases d’une maison symbolisent les puissances de l’âme, le lit représente le corps ; ceux qui entendent celui qui se communique à eux, sont « ceux qui entrent»; le chandelier étant le siège du Verbe serait l’hégémonikon 1 ou bien la bouche, quand on l’ouvre pour la Parole de Dieu ; en effet, dans les deux cas, les hommes qui sont entrés auprès de Dieu verront « la lumière », lumière qui représente la connaissance dont on s’est éclairé soi-même. Fr. 62 — Le, 8, 39 ct ss. Il le renvoie « dans sa maison » ; cet homme en effet n’avait pas assez de force pour aller jusqu’à s’asseoir «vêtu, aux pieds de Jésus ct demeurer avec lui». Ceux qui venaient de la région environnante ne pouvaient pas saisir la présence de Jésus ; le Christ cependant se préoc­ cupa tout autant du salut de ceux qui pouvaient là-bas écouter, puisqu’il a renvoyé l’homme qui s’était suffi­ samment assis à ses pieds, pour lui faire enseigner « cc que Dieu avait fait pour lui ». Il y aurait des auditeurs et des disciples de cet homme qui, tout en n’ayant pas compris beaucoup de choses, annonçait le peu qu’il avait saisi. On pourrait appliquer le sens de ce passage également à la nature de l’homme de l’Israël du dehors pour qui le Christ est descendu jusque chez les Gergéséniens, Israël vers qui il est sorti en venant sur la terre. L’homme, dit l’Écriture, «ne portait pas de vêtement», car il n’avait pas revêtu de quoi cacher sa laideur. « Et il ne restait pas dans une maison », il n’était pas comme Jacob, « homme simple, demeurant dans une maison a » ; c’est aussi pour cela « qu’il l’a renvoyé avec ces mots : retourne dans ta maison». Et «il demeurait dans les tombeaux», non 510 OlllftÊ.NE τών ζώντων, μετά νεκρών δέ· « ήν δέ/ι, φησίν, κ αγέλη χοί­ ρων Ικανών βοσκομένη έν τφ δρει»· μήποτε δέ χοίροι ού βόσκονται έν τφ δρει, πώς οδν « κατά τοΟ κρημνού ώρμησεν ή αγέλη >; μη ποτέ οδν οί φιλήδονοι καί γαστρί καί τοις ΰπδ γαστέρα φίλοι, δπου τα μνημεία, καί πλησίον « τού λεγεώνος » τών δαιμόνων βόσκονται; άγαθότητι δέ ’Ιησούς τήν ζωήν τών χοίρων άφανίζει έν τφ ϋδατι καί τών φίληδόνων καί φιλοσωμάτων κακών εμποδίζει τή άναπνοή διά δαιμόνων· τάχα καί σωφρονεί ό τοιοΟτος· εϊ τις δέ σωφρονεί, παρά τφ ΊησοΟ έστίν, άλλ' ο άρχόμενος σωφρονειν «παρά τούς πόδας » έστίν αύτοΟ. Fr. 63 —Ra 125 Πλήν άλλά τοιαύτη μέν ή τού θαύματος ιστορία, χρή δέ ίσως καί ίσχνότερον αύτήν θεωρήσαι καί ύψηλότερον· οί μέν οδν άπλούστεροι καί άκεραιότεροι θαυμαζέτωσαν τά μεγαλεία τού θεοΟ κατά ταΟτα * οίκοδομει γάρ καί σωματικός νοούμενα. Οί δέ δυνάμενοι διαθαίνειν έπί τό βλέπειν, δτι καί κ ταΟτα τυπικώς συνέθαινεν έκείνοις, έργάφη δέ δι'ήμδς“ », εύξάμενοι τφ θεφ αίτήσωμεν λόγον έλθεΐν τδν σαφηνίζοντα καί ταΰτα, πώς δ ’Ιησούς πρός τήν άρχισυναγώγου θυγατέρα προηγουμένως άπήει, ού πρός τήν αίμορροούσαν καί έν τή όδφ αύτφ άπαντώσαν, καί δτι προηγουμένως άπιόντος αύτού πρός έκείνην πρώτη α’ύτη θεραπεύεται· ήλθε γάρ δ υιός τού θεού προηγου­ μένως μέν πρός τήν τοΟ άρχισυναγώγου θυγατέρα, τήν τών ’Ιουδαίων συναγωγήν, καί εδρεν αύτήν νοσούσαν καί άποθανούσαν· τά γάρ παραπτώματα τού ’Ισραήλ πεποίηκεν αύτήν άποθανείν ή δέ αίμορροοΟσα, ή έν τή δδω, ή ακαθαρσίας πεπληρωμένη, ή £έουσα e ούκ έν καιρφ άφέδρου ’> t, άλλ * άεί αίμορροούσα καί νοσούσα τήν φοινικήν αμαρτίαν, ή έξ έθνών έκκλησία, αϋτη πρό εκείνης πιστεύει τφ υίφτού θεού. Καί εκεί a. I Cor., 10, 11 b. Lév., 15, 25 1. Cf. /r. 60. « Être dans la maison · slgnille >ôtre dans l’Église ». Entretien avec Héraelide, 15, SC 67, p. 87. 2. Allusion à Isaïe, 1, 18. FRAGMENTS GRECS 62-63 511 avec les vivants mais avec les morts. « Et il y avait, dit l’Écriture, un troupeau considérable de porcs, en train de paître dans la montagne. » Des porcs ne vont jamais paître sur la montagne, dès lors comment « le troupeau s’cst-il élancé du haut de l’escarpement » ? Les amis du plaisir, qui chérissent leur ventre et ce qui est au-dessous, ne seraient-ils pas en train de paître, là où se trouvent les tombeaux, tout près de « la légion » des démons ? Mais par bonté Jésus détruit la vie des porcs en les précipitant dans l’eau et les vices, amis des plaisirs et des corps, il leur ôte la respiration que leur procurent les démons. Ainsi le pécheur est-il vite devenu sobre. Si quelqu’un est sobre, il est près de Jésus, mais s'il commence seulement à être sobre, il se trouve « à ses pieds >. » Fr. 63 — Le, 8, 41 et ss. Bref, voilà l’histoire du miracle, mais il faut peutêtre la contempler d’une façon plus dépouillée et plus élevée. Que les gens plus simples, dans leur candeur, ad­ mirent les hauts faits dc Dieu tels qu’ils sont ; ils édifient, même quand on les comprend selon le sens corporel. Mais il y a ceux qui peuvent aller jusqu’à voir que « tout cela aussi leur est arrivé comme des figures et. fut écrit pour nous a ». Par notre prière, demandons à Dieu de trouver un sens spirituel qui éclaire aussi ce mystère : comment Jésus était-il allé, pour commencer, trouver la fille du chef de la synagogue, non l’hémorroïse venue à sa ren­ contre sur la route, et pourquoi, alors qu’il sc rendait pour commencer chez la fille de Jaïre, est-ce l’autre femme qui est guérie la première ? Le Fils de Dieu alla donc pour commencer auprès de la fille du chef de la synagogue, c’est-à-dire auprès de la synagogue juive, ct il l’a trouvée malade et mourante : les transgressions d’Israël l’avaient fait mourir. L’hémorroïsse qui était sur la route, remplie d’impureté, qui perdait du sang « non seulement au temps de scs règles ” », mais à tout instant et qui était malade de son péché «écarlate z », c’est l’Eglise des Gentils. Elle croit au Fils de Dieu avant la synagogue cl, tandis que le 512 ORIGÈNE μέν ούτος άπέρχεται, αύτη δέ άκολουθοθσα κ&ν « κρασπέδου τοΟ ίματίου αύτοθ ι< &ψασθαι θέλει. 'O δέ Λουκάς, ο μή είπε Ματθαίος, προσέθηκεν, δτι δωδεκαετής ήν ή τοϋ άρχισυναγώγου θυγάτηρ καί ή αίμορροοΟσα δώδεκα έτη ε^χεν «ίμορροοΟσα· ούκοΰν Κμα τή (ενέσει έκείνης αΰτη αίμορροεΐ. Έν άπειθεία γάρ έστιν έκείνη, δσον χρόνον ζή ή συναγωγή, καί δ αύτδς δρος τοΟ χρόνου τοΟ τέλους εκείνης καί τής άρχής τής σωτηρίας ταύτης έστίν· δώδεκα γάρ ετών έκείνη αποθνήσκει, καί δώδεκα ετών τοΟ πάθους αύτη πιστεύσασα θεραπεύεται, ϋ ήτις ούκ ϊσχυσεν ύπ' ούδενδς jt> τών ιατρών « θεραπευθήναι »· πολλοί γάρ Ιατροί τούς άπδ τών εθνών ύπέσχοντο θεραπεΟσαι· έάν ϊδης τούς ψιλοσοφοϋντας έπαγγελλομένους αλήθειαν, ιατροί είσι θεραπεΟσαι πειρώμενοι· άλλ' αυτή δαπανήσασα τα παρ' έαυτής πάντα « ούκ ϊσχυσεν ύπ' ούδενδς » τών ίατρών « θεραπευθήναι »· άψαμένη δέ τοΟ κρασπέδου ΊησοΟ τοΟ μόνου ψυχών καί σωμάτων ίατροΟ διά τής έμπύρου καί θερμής πίστεως ίάθη παραχρήμα· έάν ίδωμεν τήν πίστιν ήμών τήν είς Χριστόν ΊησοΟν καί νοήσωμεν, πηλίκος έστίν ό υίδς τοΟ θεοΟ καί τίνος ήψάμεθα αύτοΟ, δψόμεθα, δτι πρδς σύγκρισιν τών έν αύτώ κρασπέδων κρασπέδου ήψάμεθα· άλλ' δμως τδ κράσπεδον θεραπεύει ήμδς καί ποιεί ήμδς άκούειν άπδ τοΟ ΊησοΟ· •ί θύγατερ, ή πίστις σου σέσωκέ σε »· καί έάν θεραπευθώμεν, καί ή θυγάτηρ άναστήσεται τοΟ άρχισυναγώγου· δταν γάρ φησι ατδ πλήρωμα τών έθνών είσέλθη, τότεπδςΙσραήλσωθήσεται 11)). I | Fr. 64 —Ra 129 Έστι τις αμαρτία ψυχής θάνατος, ήν ό Ιωάννης β. άμαρτίαν πρδς θάνατον b > λέγει· καί έστιν αμαρτία ψυχής άσθένεια καί έστιν αμαρτία ψυχής ζημία, ώς ένταΟθα εϊρηται τδ « ζημιω-,Α a. Rom., 11, 25 b. I Jn, 5, 1G 1. M Christ est Je seul médecin capable «le nous guérir. Cf. hom. XIII, 2. p. 20S. note 1. 2. Cf. hom. XXXIII, passim. 3. Sur la distinction des différents péchés, cf. hom. XXXV, 11. Il semble qu'on ait lù ce qui correspondrait à la distinction entre péché mortel et péché véniel. Une glose suit cc fragment : ταυτα Ωριγένη; ιΐ-ών, τήν διαφοράν 4 | FRAGMENTS GRECS 63-64 513 Christ s’avance, elle le suit et cherche à toucher au moins « la frange dc son manteau ». El. Luc a ajouté un détail que Matthieu n’a pas rap­ porté : la fille du chef de la synagogue avait douze ans et il y avait aussi douze ans que l’hérnorroïsse avait un écoulement de sang. Le début de sa maladie coïncide donc avec la naissance de l’enfant. Elle demeure dans l’incré­ dulité tant que la synagogue est vivante et le même mo­ ment voit la fin du salut pour l’une, le début pour l’autre. L’une meurt à douze ans ; l’autre, après douze ans de souf­ frances, ayant eu la foi, est guérie de l’infirmité « qu’aucun médecin n’avait pu guérir ». Il y avait, en effet, chez les païens beaucoup de médecins qui promettaient la gué­ rison ; si l’on considère les philosophes, ils font profession de vérité, ce sont des médecins qui essayent de guérir les hommes, mais cette femme, après avoir dépensé tout son avoir personnel, « ne put être guérie par aucun des méde­ cins ». Or à peine a-t-elle touché la frange du manteau de Jésus, l’unique médecin des âmes et des corps l, qu’elle fut guérie à cause de sa foi enflammée et ardente. Si nous considérons notre foi dans le Christ-Jésus, si nous pensons à la grandeur du Fils dc Dieu et à la personne que nous avons touchée, nous verrons que, par rapport aux franges de son vêtement, nous n’en avons touché qu’une seule, mais c’est pourtant cette frange qui nous guérit et nous permet d’entendre ccs mots de la bouche du Christ: «Ma fille, ta foi t’a sauvée. » Et quand nous serons guéris, la fille du chef de la synagogue ressuscitera également’, «quand la to­ talité des païens sera entrée, tout Israël sera alors sauvé·». Fr. 64 — Le, 9, 25 Il y a un péché qui est mort de l’âme, c’est celui que Jean appelle « péché pour la mort b >» ; il y a aussi un péché qui est faiblesse de l’âme et un autre qui est dommage pour l’âme ’, puisque c’est le mot « dommage » qui est où zçosÉOr.xcv. En disant cela Ori^ne n’a pas ajouté cette différence. Le copiste souligne ainsi qu’Orlgène a trouvé dans {’Écriture la distinction entre les péchés. Origène, S. Luc. 33 514 ORIGÈNE θείς », καί παρά τό άποστόλω τό· « εϊ τίνος <τδ> έργου κατα· καήσεται, ζημιωβήσεται a ». Fr. 65 — Ra 139 Σύμβολου δέ at εξ ήμέραι τής κοσμοποιίας, τοΟτ’ έστιν μετά τδν κόσμον τούτον. Τότε γάρ άναβιβάζει ο Ιησούς « εΐζ τδ δρος τδ ύψηλόν ». έάν ή τις Πέτρος ή ’Ιάκωβός ή Ιωάννης· άλλος γάρ ούδείς άυαβαίυει παρά τούς τρεις, ϊνα ιδη τήν μεταμόρφωσιν ’Ιησού καί τούς δφθέυτας έν δόξη Μωϋσήν καί ‘Η λίαν. Fr. 66 —Ra 154 Εί μέν ούν έτοιμος εΐ, ω ουτος, δμοίως έμοί ούκ έχοντι « πού τήν κεφαλήν κλίναι», αίρήση διά τήν έμήν διδασκαλίαν τδ άκατάστατον ένταΟθα έλπίδι τής των ουρανών βασιλείας, [έπ ούδενΐ] τήν άνάπαυσιν ένταΟθα μή προσδοκών, άλλ' έν τ2> αίώνι τώ μέλλουτι. Οίγάρ έμοί μαθηταί δικαιοσύνην άσκούντες « έν τω κόσμω θλίψιν εξουσιν *» »· «. πονηροί δέ καί γόητες >, άλώπεξι καί πετεινοις ούρανού παραβαλλόμενοι έν τό βίω τούτω, « προκόψουσι πλανώντες καί πλανώμενοι0 ». Μάλιστα δέ αρμόζει πρδς τό· « δ υίδς τού άυθρώπου ούκ έχει πού τήν κεφαλήν κλίναι » τδ « άστατοΰμενd » ύπδ Παύλου, έν ώ Χριστός έλάλει, £ηθέν. Fr. 67 — Ra 1.56 Υψηλότερου δέ· δτε έτεθνήκει τφ νεανίσκο δ πατήρ καί ήν νεκρός, τότε ύπδ τού σωτήρος έκλήθη. Νομίζω δέ βτι, ώσπερ δ κόσμος Παύλω έσταύρωτο * ’ καί νεκρός ήν, έπεί τέβνηκεν αύτώ τά τοΟ κόσμου πράγματα, μηκέτι αύτά σκοπούντι ώς « βλεπόμενα καί πρόσκαιρα f », ούτως έκάστω δικαίω τέθνηκεν a. I Cor., 3, 15 b. Ju, IG, 33 c. II Tim., 3, 13 <1. 1 Cor., 4, 11 e. Gal., G, 14 I. 11 Cor., 4, 18 1. CL ΛΜΒΠοίδε, VII. 7, SC52, p. II. Voir In Lev. hom. XIII, 5, GCS G, p. 175. FRAGMENTS GRECS 64-67 515 ici employé. On trouve celle expression également, chez l’Apôtre : « Si l’œuvre de quelqu’un est consumée, il su­ bira un dommage A » Fr. 65 — Lc, 9, 28 Les six jours sont le symbole de la création \ c’est dire que (la Transfiguration figure ce qui se passe) après ce monde-ci. Jésus en effet fail, alors monter «sur la mon­ tagne élevée» quiconque est Pierre, Jacques ou Jean; aucun autre ne monte excepté les trois Apôtres pour voir la Transfiguration de Jésus et la glorification dc Moïse et d’Élie. Fr. 66 — Lc, 9, 58 Si lu es prêt à vivre comine moi qui n’ai pas « où re­ poser la tête », lu choisiras, à cause de mon enseignement, l'insécurité ici-bas, avec l’espérance du Royaume des Cieux, sans attendre aucun repos ici-bas mais seulement dans le siècle à venir. Mes disciples, en effet, parce qu’ils pratiquent, la justice, « auront à souffrir dans le monde h » ; « les méchants ct les charlatans » que l’on peut comparer aux renards et aux oiseaux du ciel, dans celte vie, «se­ ront. de plus en plus à la fois trompeurs et. trompés 0 ». Ce verset. : « Lc Fils de Γ Homme n’a pas où reposer la tête » est parfaitement en harmonic avec ce mot rapporté par Paul, que le Christ prononçait en lui : « Nous errons çà et là A » Fr. 67 — Le, 9, 59-60 11 existe une signification plus élevée : c’est après la mort de son père, quand celui-ci était un cadavre, que le jeune homme fut appelé par le Sauveur, et je pense ceci : de même que pour Paul le monde était crucifié® el était un cadavre puisque pour lui les réalités du monde étaient, mortes et qu’il ne les considérait plus que comme « des choses visibles qui n’ont qu’un temps r », ainsi, pour tout homme juste, le diable est mort, tandis que le diable était 516 ORIGÈNE δ διάβολος, 'όστις αύτώ εζη άμαρτάνοντι- πάς γάρ e δ -ποιόν τήν άμαρτίαν έκ τού διαβόλου γεγένηται» », παντί δέ άμαρτάυοντι καί σκοποθντι τά τήδε ξή ο -πονηρός -πατήρ. Παντί δέ, ώ τέθνηκεν δ -πονηρός, λέγοιτ' &υ ύπό τού σωτήρος τό· « άκολούθει μοι »· καί τάχα τοιούτόν έστι μυστικός νοούμενου τδ δείν μισείσθαι ύφ’ ημών τδν -πατέρα, εί μέλλοιμεν άξιοι έσεσθαι τού ’Ιησού. Τδ δέ- « τούς νεκρούς θάψαι τούς εαυτών νεκρούς » άλληγορειται μόνον- θάπτουσι γάρ -πως νεκροί « τούς εαυτών νεκρούς » έν έαυτοίς, τάφοι καί μνημεία αύτών γενόμενοι. Τέλεον δέ καταλείπει τδν νεκρόν καί ούδαμώς ετι αύτού άιττεται δ -πειθόμενος τώ ’Ιησού- οΐδε γάρ δτι δ άπτόμενος νεκρού μολύνεται b. Fr. 68 —Ra 157 “Εκαστος ημών έαυτοΰ άρότης έστίν γην έχων τήν Ιδίαν ψυχήν, ήν δφείλει νεούν άρότρω λογικώ συναγαγών τούς βούς τούς έργάτας άπό τών γραφών τών καθαρών- τότε γάρ νέαν ποιήσει τήν ύπδ πολλής αργίας τής έν τώ παρελθόντι χρόνφ παλαιωΒείσαν ψυχήν καί πολλήν έξενεγκούσαν κακίαν καί έργα άκαρπα, & έκτεμών τώ άρότρω τού λόγου καί ποιήσας νέωμα σπερει άπδ τής θείας διδασκαλίας σπέρματα νομικά, προφη­ τικά, εύαγγελικά, μεμνημένος καί μελετών αύτά- διό ψησι καί διάΊερεμίου τού προφήτου δ τών όλων θεός- ε νεάσατε έαυ­ τοίς νεώματα, καί μή σπείρετε επ' άκάνθαις^»· ού γάρ έστι θειον απλώς δέξασΒαι σπόρον καί καρποφορήσαι, μή πρότερον έκκαθάραντας τάς ψυχάς καί πάν έκβαλόντας πάθος καί τάς βιωτικάς μέριμνας καί ήδονάς, αϊ εϊσιν αί άκανθαι- διό ψησιν< έκκλινον άπδ κακού καί ποίησον άγαθόν <1 ». a. I Jn, 3, 8 d. Ps. 37 (36), ‘27 b. Cf. Nonibr., 19, 16 c. Jér. 4, 3 1. Le diable était notre père avant que Dieu le devienne. Si tout pécheur est né du diable, nous sommes engendrés par le diable chaque fois que nous péchons. In Jtr. liant., IX, 4, GCS 3. p. 69. FRAGMENTS G KEGS 67-68 517 vivant quand l’homme était pécheur. Quiconque en effet « commet le péché est né du diable n » ; car ce mauvais père vit en tout homme \ lorsqu’il pèche et arrête son regard aux choses d’ici-bas. Mais celui en qui est mort le malin peut entendre le Sauveur lui dire : « Suis-moi », Et c’est sans doute le diable, le père que. selon cette inter­ prétation spirituelle, nous devons haïr, si nous voulons devenir dignes de Jésus. L'expression « les morts ense­ velir leurs morts » n’a qu’un sens allégorique : les morts, d’une certaine façon, ensevelissent leurs morts en euxmêmes, puisqu'ils sont devenus leurs propres sépulcres et leurs propres tombeaux. Celui qui obéit à Jésus aban­ donne parfaitement le mort et n'y touche plus désormais, car il sait que loucher un cadavre, c’est se souiller b. Fr. 68 — Le, 9, 62 Chacun de nous est son propre laboureur puisqu’il pos­ sède comme terre son âme, qu’il doit rajeunir en la labou­ rant avec une charrue raisonnable et en y conduisant les bœufs qui travaillent à partir de l’Écriture parfaitement pure. Il rajeunira alors son âme vieillie à cause de beau­ coup de paresse dans le passé ct qui produit quantité de mal et d’œuvres stériles ; une fois retranché tout cela avec la charrue du Verbe et après avoir laissé son âme en jachère, il sèmera en prenant dans renseignement divin des semences de la Loi, des Prophètes, de l’Évangile, ce qui a lieu quand on repasse l’Écriture en sa mémoire et qu’on essaye de la mettre en pratique 2. C’est pour cela que le Dieu de toutes choses dit également par la bouche de Jérémie : « Rajeunissez votre terre avec de nouveaux sil­ lons et ne semez pas dans les épines c. » Il ne suffit pas de recevoir une semence divine pour produire du fruit, mais il faut auparavant purifier entièrement son âme. la débar­ rasser de toute passion, des soucis concernant la vie ter­ restre ct des plaisirs (c’est ce que représentent les épines). Aussi est-il dit : « Évite le mal et fais le bien d. » 2. Môme vocabulaire ct idées semblables» In Jer. hont., V, 13> GCS 3, p. 42-13. 518 ORIGÈNE Fr. 69 —Ra 158 Άλλ' δ μέν Λουκάς ταύτα περί τών έδδομήκοντά φησιν, δ δέ Μάρκος λέγει, δτι ο: προσκαλεσάμενος τούς δώδεκα, άπέστειλεν Αυά δύο δύο, οούς αΰτοίς έξουσίαν πνευμάτων Ακα­ θάρτων Μ. Τούτο δέ τδ « άνά δυο » ύπηρετείσθαι τώ λόγω βουλήματι θεού ίοικεν είναι Αρχαίου Απο Μωϋσέως καί Άαρών έν τώ κ έξελθεΐν τδν λαδν έκ γής Αίγύπτου b » έξήγαγε γάρ τδν Ισραήλ δ Θεδς « έν χειρί Μωϋσέως καί Άαρών ». Καί « ’Ιησούς δέ δ τού Ναυή καί Χαλέδ δ τοΟ Ίεφονή ° », οί άμφότεροι όμονοήσαντες, κατέστειλαν τδν λαδν παροξυνόμενου ύπδ τών δέκα· καί Έλδάδ καί Μωδάδ Αμφότεροι προεφήτευου11 έν τή σκηνή όμονοήσαντες. Άλλα καί ύστερον Παύλον καί Βαρνάβαν έξαπέστειλεν είς τα έθνη, καί παράδειγμά γε οί τοιούτοι ή σαν τών συμφωνούντων « δύο επί τής γής « ». ’Εφαρ­ μόσεις δέ τούτοις καί τό· « άδελφδς ύπδ Αδελφού βοηθούμενος, ώς πόλις Αχυρά1 », καί τό· « αγαθοί οί δύο ύπέρ τδν ?να~ ». Τδ δέ κατά δύο τετάχθαι καί τούς δώδεκα έμφαίνει έν τώ καταλόγω αύτών δ Ματθαίος, κατά συζυγίαν αύτούς τάξας * 1. Fr. 70 —Ra 166 Ταύτα δέ ειρηται προς τούς Απδ Ούαλεντίνου καί Βασιλείδου καί τούς άπδ Μαρκϊωνος έχουσι γάρ καί αύτοί τάς λέξεις έν τφ καθ' εαυτούς εύαγγελίω - - καί φήσομεν πρδς αύτούς· δ μαρτυρήσας τφ· δτι « αγαπήσεις κύριον τδν θεόν σου » τήν έντολήν άπδ τοΟ νόμου είρηκότι ού περί άλλου ή περί τού Δημιουργού είρημένον καί ψήσας έπί τούτοις αύτώ· Κ όρθώς άπεκρίθης ». τί Αλλο βούλεται ή μάς πράσσειν ύπέρ τού ζήσαι τήν αιώνιον ζωήν ή άγαπδν τδν θεόν τον έν νόμω καί προφήταις « έν δλη καροία καί έν όλη τή ψυχή καί έν δλη τή ϊσχύΐ αύτού καί έν 'όλη τή διανοία αύτού»; a. Mc, 6, 7 b. Nombr., 33, 1 d. Cf. Nombr., 11, 26 e. Matth., 18,19 g. Eccl., 4, 9 h. Cf. Matth., 10, 2-5 c. Nombr., 14, 6 f. Prov., 18» 19 1. Argument contre ceux qui opposent le Dieu créateur dc l’Ancicn Tes­ tament et le Dieu bon dc l’Kvangile. FRAGMENTS GREGS 69-70 519 Fr. 69 — Le, 10, I Voilà cc quo 'lit- Luc des soixanic-dix disciples, tandis que Marc dii : « Il appela les douze cl. les envoya en mis­ sion, deux par deux, en leur donnant autorité sur les es­ prits impurs a. » Le fait d’être « par groupes de deux » pour servir la Parole, selon la volonté dc Dieu, semble une an­ cienne disposition qui remonte à Moïse ct à Aaron, au temps «de Γ Exode du peuple, hors delà terré d ’ Egypte b » ; Dieu fit alors sortir Israël « sous la conduite de Moïse et d’Aaron ». Et « Jésus, fils de Navé ct Caleb, fils de lephunné c », tous les deux en parfait accord, apaisèrent l’excitation du peuple soulevé parles dix: de même Eldad et Medad d, tous les deux en parfait accord, prophétisaient dans la tente. Plus tard aussi Paul cl Barnabe furent envoyés en mission auprès des païens et. ils étaient bien un exemple dc ceux qui unissent leurs voix, a par groupe de deux, sur la terre e. » H y a une harmonie entre tout cela et le verset : « Un frère aidé par son frère est une place forle f », et cet autre : « Deux hommes ensemble sont meilleurs qu’un seul g. » Cette répartition des Douze par groupes dc deux est visible enfin dans la liste de Matthieu, qui les a classés par couples b. Fr. 70 — Lc, 10, 27 Hom. 34, 1 Ces mots (« tu as bien répondu ») vont contre les dis­ ciples de Valentin et de Basilide et contre ceux de Marcion, car eux aussi possèdent ces textes dans leur évan­ gile. Nous leur dirons : si Jésus a approuvé l’homme qui lui a répondu : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu », ct qui a exprimé ce commandement énoncé dans la Loi ne con­ cernant que le Créateur du monde, si à ces mots Jésus a dit : « Tu as bien répondu », que veut-il que nous fassions pour vivre de la vie éternelle, sinon aimer dc « tout notre cœur, de toute notre âme, de toutes nos forces el de toute notre intelligence » le Dieu dont parlent, la Loi et les Pro­ phètes 520 ORIGENE Fr. 71 — Ra 168 Διαγράψωμεν τοίνυν ώς £v βραχεί λόγω τήν έννοιαν τής παρα­ βολής· Ανάγεται δ Ανθρωπος είς τδν Άδάμ ήτοι είς τδν περί ανθρώπου καί τής προηγούμενης αύτοΟ ζωής καί τής διά παρακοής καθόδου λόγον- ή δέ Ιερουσαλήμ είς τδν παράδεισον (ή) είς τήν άνω Ιερουσαλήμ- ή δέ Ιεριχώ είς τδν κόσμον- οι δέ λησταί είς τάς Αντικειμένας ένεργείας ήτοι τούς δαίμονας ή τούς πρδ ΧριστοΟ έλθόντας ψευόοδιδασκάλους- τά τραύματα είς τήν παρακοήν καί τάς Αμαρτίας- ή δέ τών ίματίων Αφαίρε­ σής είς τήν τής Αφθαρσίας καί Αθανασίας γύμνωσιν καί απάσης Αρετής στέρησιν- τδ δέ ήμιθανή καταλιπεΐν τδν άνθρωπον δηλοι τδ εις ήμισυ τής φύσεως προχωρήσαι τδν θάνατον — Αθάνατος γάρ ή ψυχή —· δ ίερεύς είς τδν νόμον- δ Λευίτης είς τδν προφητικόν λόγον- δ Σαμαρείτης είς Χριστόν, τδν έκ Μαρίας σάρκα φορέσαντα- το κτήνος είς τδ σώμα Χριστού- δ οίνος είς τδν διδασκαλικόν καί έπιστύφοντα λόγον- τδ έλαιον είς τδν τής φιλανθρωπίας καί ελέους ήτοι εύσπλαγχνίας λόγοντδ πανδοχείου είς τήν έκκλησίαν- δ παυδοχεύς είς Αποστόλους καί τούς τούτων διαδόχους έπισκόπους καί διδασκάλους τών έκκλησιών ή τούς τής εκκλησίας έπιστατοΟντας Αγγέλους- τά δύο δηνάρια είς τάς δύο διαθήκας, τήν παλαιάν καί τήν καινήν ή'τοι τήν είς θεόν Αγάπην καί τήν είς τδν πλησίον ή είς τήν περί πατρδς καί υΐοΟ γνώσιν- ή επάνοδος τού Σαμαρέως ή δεύ­ τερα ΧριστοΟ επιφάνεια. Fr. 72 —Ra 171 Εικότως γοΟν έκλάβοις Μάρθαν μέν είς τήν πρΑξιν, Μαρίαν δέ είς τήν θεωρίαν- συμπεριαιρεΐται γάρ τώ πρακτικώ τδ τής 1. Ce fragment «joute quelques détails intéressants qui ne se trouvent pus dans la traduction hiéronymlcnnc de Thom. XXXIV et qui sorti pourtant très origéniens : allusion à la préexistence ct ù la double création, 1rs faux triailrvs qui représentent les philosophes païens, évocation discrète, s'i propos de la nudité d'Adam ct d'fivc, du thème ries · tuniques dc peau · remplaçant l'immortalité et la béatitude du Paradis. Cf. C. Cels., IV, -10, GCS 1. p. 313 ct In Lett, hom., Vf, 2, GCS G, p. 362. Ce dernier thème sera repris ct développé surtout par Grégoire de Nysse. Voir .1. Daniécou, Platonisme cl Théologie mystique. *2 éd. Paris. 1051. p. 55-60. FRAGMENTS GRECS 71-72 Fr. 71 Le. 10, 30 et ss. 521 Hom. 34, 3 Nous allons donner en peu dc mots la signification de la parabole *. Cet homme, on peut l’entendre d’Adam ou bien de la doctrine qui concerne l’homme, la vie qu’il menait dans le principe et la chute causée par la déso­ béissance. Jérusalem signifie le Paradis ou la Jérusalem d’en-haut. Jéricho, c'est le monde. Les brigands sont les puissances adverses, soit les démons, soit les faux maîtres qui se présentent avant le Christ. Les blessures sont la désobéissance ct les péchés. L’homme est dépouillé de ses vêtements, c’est-à-dire qu’il perd l’incorruptibilité et l'immortalité et qu’il est privé de toute vertu. Il est laissé à demi-mort parce que la mort a atteint la moitié de la nature humaine, car son âme demeure immortelle. Le prêtre, c’est la Loi ; le lévite, cc sont les Prophètes. Le Samaritain, c’est le Christ qui a revêtu la chair par Marie ; la bête de somme, c'est le corps du Christ. Le vin, c’est sa parole qui instruit et qui corrige. L'huile, c’est la doc­ trine de la charité et celle dc la pitié ou miséricorde. L’hô­ tellerie représente l’Église ct l'hôtelier, l’ensemble des Apôtres ct dc leurs successeurs, évêques ct didascalcs des églises, ou encore les Anges préposés à la garde de l’Église. Les deux deniers sont les deux Testaments, F Ancien et le Nouveau, ou la charité envers Dieu et envers le prochain, ou bien encore la connaissance du Père et du Fils. Le retour du Samaritain enfin, c’est le second avènement du Christ. Fr. 72 — Le, 10, 38 On pourrait admettre avec vraisemblance que Marthe symbolise l’action, Marie la contemplation 2. Le mystère de la charité 3 est ôté à la vie active si l’enseignement et 2. Cc symbolisme deviendra un lieu commun de lu tradition spirituelle. Voir In Jo. fragm. 80. GCS l, p. 547. Cf. Ambroisr, VII, 35, SC 52, p. 36. Sur la relation entre action et contemplation, cf. Λο/η. I, p. 107, note 2. Pour Origène Faction est la prédication de la Parole do Dieu. Cf. H. Crovzel, Origène et la Connaissance mystique^ p. 431 ct ss. 3. Lo mot « mystère » indique seulement ici la valeur surnaturelle des actes de charité. 522 ORIGÈNE άγάπης μυστήριον, εϊ μή πρδς τδ θεωρειν έληταί τις τδ διδάσκειν καί προτρέπειν έπί πράξιν· ούτε γάρ πρδξις ούτε θεωρία άνευ θατέρου· μάλλον μέν ούν λεκτέον, 'ότι ή Μάρθα σωματικώτερον ύπεδέξατο τδν λόγον έν τή έαυτής οικία τή ψυχή, ή δέ Μαρία πνευματικές ήκουεν αύτοΟ καί « περί πόδας » ούσα, καθ' ο τα μέν έν είσαγωγή κατ' οικονομίαν παραδιδδμενα τοΟ καταργήσαντος « τά τοΟ νηπίου a » άφαιρείται, τα δ' ώς τέλεια ούκέτι. Δΰναταιδέ Μάρθα μέν εΐναι καί ή έκ περιτομής συναγωγή εις τά ίδια δρια δεξαμένη τδν ΊησοΟν, περισπωμένη περί τήν έκ τοΟ γράμματος τού νόμου πολλήν λατρείαν, Μαρία δέ ή έξ εθνών έκκλησία α τήν άγαθήν « τοϋ «πνευματικού νόμου Μ « μερίδα » έκλεξαμένη άναφαίρετον καί μή « καταργουμένην c > ώς ή έπί τοΟ προσώπου Μωυσέως δόξα, δλίγα τά χρήσιμα έκ τοΟ νόμου έπιλέξασα ή πάντα άναφέρουσα εϊς εν τδ « άγαπήσεις ». Καί είς μέν τό· « ενός έστι χρεία » χρήση τό· « άγαπήσεις τδν πλησίον σου ώς σεαυτόνd », είς δέ τδ· « όλίγων έστίν » « τάς έντολάς οΐδας· ού μοιχεύσεις· ού φονεύσεις » καί τά έξης ®. νΕτι δύναται Μάρθα μέν είναι οί έκ περιτομής πιστοί καί ίουδαίξοντες, φυλάττοντες ίουδαϊκώς τά τοΟ νόμου, Μαρία δέ οί τούτων άπηλλαγμένοι καί « έν κρυπτώ Ιουδαίοι1» καί μόνοις τοϊς ΊησοΟ ποσί προσκαθεξόμενοι, οί « τά άνω ξητοΟντες, ού τά έπί τής γης κ >· διαφόρως γάρ έπιδάλλων εύρήσεις Μάρθαν μέν σωματικωτέραν καί «περί πολλά >» είλουμένην, Μαρίαν δέ τή θεωρία μόνη καί τοις πνευματικοΐς προσανέχουσαν. a. T Cor., 13, 10 b. Rom., 7, 14 c. II Cor., 3. 7 d. Mc, 12, 31 e. Le, 18, 20 f. Rom., 2, 29 g. Col., 3, 1-2 — 1, · S'approcher des pieds du Sauveur > correspond Λ une étape dc lu vie spirituelle. Cf. fr. 60 ct 62 in fine. C’est le temps de l'effort spirituel qui suit )n conversion, cc n'est pus encore la perfection. Ici, cc symbolisme s'unit au thème des âges dc la vie spirituelle (» j'ai évacué cc qui chiit de l'enfant ·) et à l'idée du dépassement de la Loi juive par l’Iwangilc, du sens corporel par le sens spirituel, tandis que le choix des mots évoque le vocabulaire de l'initiation mystérique. Origène enfin oppose sans «lotite ici, comme il le fait souvent, la perfection terrestre « a travers un miroir » fi la perfection FRAGMENTS GRECS 72 523 l’exhortation morale n’ont pas pour but la contemplation : car l’action ct la contemplation n’existent pas l’une sans l’autre. Il faut dire en outre que Marthe a reçu d’une ma­ nière plus corporelle le Logos (la Parole) dans sa propre maison, en son âme, tandis que Marie l’écoutait de façon spirituelle en se tenant « à ses pieds » ; ainsi (dans le cas dc Marie), on n'a plus affaire à l’enseignement d’intro­ duction, qui est donné par pédagogie et que reçoit celui qui a détruit « ce qu’il avait de puéril a», mais ce n’est pas encore (le moment) de l’enseignement parfait *. Marthe peut aussi représenter la Synagogue qui vient de la circoncision ct a reçu Jésus dans scs propres fron­ tières, accaparée par les nombreuses ceremonies qu’exige la lettre de la Loi ; Marthe est l'Église venue des nations 3, qui a choisi « la bonne part » de la « loi spirituelle b », celle qui nc lui sera pas « ôtée », « qui ne sera pas détruite ° » comme la gloire qui éclairait la face de Moïse ; clic a choisi dans la Loi les quelques points qui sont utiles et elle rap­ porte tout à l’unique commandement : «Tu aimeras.» Il faut interpréter les mots : « Une seule chose est néces­ saire ». par : «Tu aimeras ton prochain comme toi-même d», et ceux-ci : « Il est besoin de peu », par : « Tu connais les commandements : tu ne feras pas d’adultère, tu nc tueras pas », el la suite ®. Marthe peut encore représenter les fidèles venus de la circoncision qui pratiquent les coutumes juives, obser­ vant à la juive les préceptes de la Loi, Marie, ceux qui y ont renoncé, les « Juifs f dans le secret3 », assis seulement aux pieds de Jésus, «cherchant les réalités d’en haut, non celles de la terre»»; en effet, en réfléchissant de différents points dc vue, on trouvera Marthe trop corporelle, impliqucc«dans beaucoup d’affaires», tandis que Marie s’a donne seulement, à la contemplation ct aux choses spirituelles. < face ù face > réalisée dans la vision béatiüquc où disparaîtra l’enseignement considéré comme parfait ici-bas. 2. Sur la synagogue ct l’église des Gentils cf. /r. 63 et hom. XXXIII, p. 395, note 2. 3. Les « Juifs dans le secret > représentent les chrétiens dont les < Juifs à découvert ·, les Juifs proprement dits, sont le type. 524 ORIGÈNE Fr. 73 — Ra 174 Οΐμαι δέ, δτι ούδείς άν λέγοι τώ Οεώ τδ « πάτερ », μή Ξεπλη­ ρωμένος τοΟ τής «υιοθεσίας πνεύματος:ι », καί υιός δοξάξων πατέρα λέγοι άν η. πάτερ », φυλάξας δέ καί τήν εντολήν τήν λέγουσαν· « άγαπ3τε τούς εχθρούς ύμών, προσεύχεσθε ύπέρ τών διωκόντων ύμάς, δπως γένησθε υιοί τοΟ πατρδς ύμών τοΟ έν τοϊς ούρανοίς, δτι τδν ήλιον αύτοΟ άνατέλλει επί πονηρούς καί άγαθούς καί βρέχει επί δικαίους και άδικους1»»· ετι γεννάταί τις έκ τοΟ ΘεοΟ κ ποιών δικαιοσύνην <: » καί γεννώμενος λέγοι αν « σπέρμα έν έαυτώ 11 » τοΟ ΘεοΟ λαθών, διά τδ « μηκέτι δύνασθαι άμαρτάνειν », τδ « πάτερ ;· ετιγεννδταί τις έκ ΘεοΟ, « ούκ έκ σποράς φθαρτής, άλλα διά λόγου ζώντος ΘεοΟ καί μένοντος καθ'δ γέγραπται· φησί γάρ ’Ιωάννης· « 8σοι δέ έλαθον αύτόν, έδωκεν αύτοϊς εξουσίαν τέκνα ΘεοΟ γενέσθαι, τοϊς πιστεύουσιν είς τδ όνομα αύτοΟ, ο? ούκ έξ αιμάτων ούδέ έκ θελήματος σαρκδς ούδέ έκ θελήματος άνδρός, άλλ’ έκ ΘεοΟ έγεννήόησανf »· τοΟτο δέ φησιν ούκ είς φύσιν ήμας άνάγωυ ΘεοΟ, άλλα χάριτος μεταδιδούς καί τδ έαυτοΟ αξίωμα ήμϊν χαριζόμενος· λέγει γάρ ήμάς καλεϊν πατέρα τδ θεόν. Εΐτα Ματθαίος μέν έπιφέρει τώ· ι( πάτερ ήμων » τό· « έν τοϊς ούρα­ νοίς κ », άτε περί βασιλείας διαλεγόμενος ούρανών καί πάντας τούς παρόντας διδάσκειν διηγούμενος τδν σωτήρα μετά τούς μακαρισμούς καί τδν περί τής προσευχής λόγου. Λουκάς οέ περί βασιλείας διδάσκων ΘεοΟ έν δλω τώ κατ' αύτδν εύαγγελίω έσιώπησε τό· « έν τοϊς ούρανοΐς », ώς ύψηλότερον καί , τόπου κρεϊττον τδ θεϊον είναι διδάσκων καί ιδία τοϊς μαθηταϊς ώς ύψηλοτέροις τών λοιπών τδν Χριστόν ύφηγούμενον τδν τής εύχής λόγον, ούδέ τό· <Χ ^υσθήναι άπδ τοΟ πονηροΟ11 » έπιφέ- I ρουτα, καθά Ματθαίος φησιν. a. Rom., 8,15 b. ΛΓαΙΧΗ., 5, 44-45 c. 1 Jn, 2, 29 d. I Jn, 3, 9 p. I Pierre 1, 23 f. Jn, 1, 12-13 g. Mat th., 6, 9 h. Matth., G, 13 FRAGMENTS GRECS 73 525 Fr. 73 — Le, 11, 2 Personne, à mon avis, ne peut appeler Dieu « Père », s'il n’est rempli de l’« esprit d’adoption u » ; un fils peut donner ce titre à Dieu en le glorifiant et en observant le commandement : « Aimez vos ennemis, priez pour vos persécuteurs, afin de devenir les fils de votre Père qui est aux cieux, qui fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons el pleuvoir sur les justes et les injustes”.» On est encore né de Dieu, quand «on pratique la justice c»; on peut alors prononcer ce mot : « Père», après avoir reçu en soi-même, parce qu’on ne peut plus pécher x, «la semence d » de Dieu. On est encore né de Dieu, « non d’une semence périssable, mais grâce au Verbe du Dieu vivant qui demeure à jamais e », selon ce qui est écrit par Jean : « A tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir en­ fants de Dieu, à ceux qui croient en son nom, qui sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de celle de l’homme, mais de Dieu r. » Ces paroles ne signifient pas que le Christ nous élève à la nature de Dieu, mais qu’il nous communique sa grâce et nous confère sa propre dignité. En effet, il nous demande d’appeler Dieu : Père. Aux mots : « Notre Père », Matthieu ajoute : « Qui êtes aux cieux * » : car il parle du Royaume des cieux et il décrit le Sauveur lorsqu’il révèle à tous les assistants les Béatitudes 12 cl leur apprend à prier. Luc, qui parle du Royaume de Dieu dans tout son évangile, a omis ce membre de phrase, pour montrer que le divin est une réa­ lité au-delà de toute expression locale. Selon Luc, le pas­ sage sur la prière est adressé par le Christ aux Apôtres en particulier, car ils sont plus avancés que la foule ; et il n’ajoute pas la demande : « Dclivrez-nous du malin h », comme le fait Matthieu. 1. Au sujet de rinipcccabllité, cf. hom. II, p. 110, note 1. 2. Lo Christ est la réalisation effective des Béatitudes. Horn. XXXVIII, 1-2. 526 ORIGENE Fr. 74 —Ra 177 « Έλθέτω ή βασιλεία σου », 'ίνα καταργηθή μέν « -πάσα άρχή καί έξουσία καί δύναμις », * έτι δέ καί πάσα βασιλεία τοΟ κόσμου, καί ή βασιλεύουσα έν τοις θνητοίς ήμών σώμασιν άμαρτία, -πάντων δέ τούτων βασιλεύση δ θεός. Fr. 75 —Ra 180 Έπεί δέ οί άπό Μαρκίωνος έχουσι τήν λέξιν οΰτως· « τδν άρτον σου τδν έπιούσιον δίδου ήμϊν τδ καθ’ ημέραν », έπαπορήσωμεν αύτοΐς, άλληγορίας καί άναγωγάς φεύγουσιν· τίς έστιν ό άρτος τού θεού ; εί μέν γάρ, ώς άποδεδώκαμεν, διηγήσονται, δηλονότι άλληγοροθσιν· εί δέ τδν σωματικόν άρτον ύπολήψονται, -πώς οδτος τοϋ κατ’ αύτούς έστιν άγαθοΟ; άναγκαίως δέ καί το < καθ’ ήμέραν » πρόσκειται. Οίονεί γάρ έπισκευαστή έστιν ήμών ή ζωή ή αληθινή, ϊνα κατά θεόν ζήση « ό έσω άνθρωπος ” ». Fr. 76 — Ra 182 Τδ μέν οΰν « τίς έξ ύμών » πρδς τούς μαθητάς λέγεται, τδ δέ· ■ ίίζει φίλον », ϊνα εϊπη τδν θεόν φίλον τυγχάνοντα τοις άγίοις, ώς <τφ> ΜωΟσή καί τώ ’Αβραάμ c· τάχα δέ καί μεσο­ νύκτιον ό « συνεσταλμένος4 » οδτός έστι « καιρός» του βίου, δτε δ δλοθρευτής εισέρχεται είς πάσαν οίκίαν τής έν κόσμω ΑΙγύπτου^. ίνθα μή κέχρισται ή φλιά τών θυρόν τφ τοΟ Χρίστου αΐματν αίτεί δέ δ μαθητής τδν φίλον ο τρεις άρτους >. βουλόμενος θρέψαι τή περί τής τριάδος θεολογία τδν γινόμε- a. I Cor., 15, 24 b. Il Cor., 4,16 c. Cf. Jac., 2, 23 et Sag., 7, 27 <1. 1 Cor., 7, 29 e. Cf. Ex., 12, 29 1. Il s’ngit des démons hostiles au Bègue τ a iuipa I· t — : il s'agissait alors, selon le sens spirituel. · ζητήσεις δέ, μήποτε « οί κοπιώντες καί πεφορτισμένοιb » τούς έαυτών κόπους παρέχωμεν τώ σωτήρι, διό « τάς άσθενείας ήμών φέρει καί περί ήμών δδυν&ται0 »· ή ώσπερ τώδε μέν ύπνοι ό θεός. άλλφ δέ άμαρτάνοντι δργίζεσθαι λέγεται, οϋτω καί κόπους έχειν άπό τοθ παρέχοντος αύτώ. Fr. 77 —Ra 185 Tl έστι τδ «διέρχεσθαι τδ πνεθμα τδ πονηρόν δι’ άνύδρων τόπων, ζητοΟν άνάπαυσιν καί μή εύρίσκον»; άνυδροι τόποι ύπήρχον οί έξ εθνών τδ πρότερον, νυνί δέ πεπλήρωνται ΰδατος θείου καί ούκέτι παρέχουσιν άνάπαυσιν αύτώ. Ποιείται τοίνυν επιστροφήν πρδς τδ πρότερον αύτοθ δοχείον, τούς έξ Ισραήλ, δ Σατανάς- οδτοι γάρ έν Αίγύπτω δντες, ένοικον ήν αύτοις τδ πνεθμα τδ πονηρόν διά τδ ήθεσί τε καί νόμοις τών Αιγυπτίων συναναστρέφεσθαι, έπειδή δέ λελύτρωνται διά Μωϋσέως έλέει ΘεοΟ, (έξήλθεν). ΝΟν δέ επειδή ού πεπιστεύκασιν είς Χριστόν, άλλ’ άπώσαντο τδν λυτρωτήν, έπεπήδησεν πάλιν * έπ αύτούς « τό άκάθαρτον πνεθμα », καί ώς εδρεν αύτούς ούκέτι θειον έχοντας έν αύτοις ούδέν, άλλ’ έρήμους δντας καί σχολάζοντας αύτώ πρδς ένοίκησιν, κατωκήσατο δηλαδή μετά πάσης αύτοθ τής δυνάμεως. Τοθτο γάρ φαίνεται δηλοΟν « επτά λέγων έτερα πνεύματα » μετ' αύτοθ, καθάπερ εΐωθεν έπί πλή­ θους δνομάζειν ή θεία γραφή τδν τοσοΟτον άριθμόν, έπειδάν λέγη, δτι « στείρα έτεκεν επτά καί ή πολλή έν τέκνοις ήσθένησεν d ». Ούδέ γάρ «. τδ πνεθμα τδ άκάθαρτον », όποιον έσχον έν Αίγύπτω, τοιοϋτο έχουσιν οί είς τδν υίόν μου άπιστήa. Jn, 15. 5 d. I Sam., 2, 5 b. Maith., 11, 28 c. Is., 53, 4 (Maith., 8,17) 1. C’est déjà le thème pascaJlca : Jésus en agonie jusqu'il la fm du monde dans les membres de son Corps mystique. Cf. 11. oc Lü«ac Exéfjlse médié­ vale, Paris, 1959, p. 281-284, â propos de ΓΛο/n. V11 d’Origène sur le Lévtltque. FRAGMENTS GRECS 7G-77 529 chez lui, puisque le Christ a dit : « Sans moi vous ne pou­ vez rien faire !‘. » Mais comment l'ami peut-il répondre de l’intérieur : « Ne me donne pas de peine. » On peut se demander si nous, qui « peinons ct ployons sous le far­ deau b », nous ne communiquons pas nos peines au Sei­ gneur : et c’est pourquoi « il porte nos infirmités et il est affligé à cause de nous c. » Tout comme en celui-ci on dit que Dieu sommeille ou qu’il est irrité en cet autre qui pèche, de même il peine à cause de l’homme qui lui com­ munique ses peines ’. Fr. 77 — Le, 11, 24 Comment comprendre « cet esprit, mauvais qui circule dans des lieux arides, cherchant son repos et ne le trou­ vant pas » ? Ces lieux arides, c’était autrefois les Gentils, mais maintenant ils sont arrosés par l’eau divine cl ne permettent plus à l’esprit mauvais de se reposer en eux. Satan revient alors à son premier domicile, les Israélites : en effet, au temps de leur séjour en Égypte, l’esprit per­ vers habitait en eux, parce qu’ils vivaient selon les mœurs et les lois des Égyptiens, mais lorsque la miséricorde de Dieu les eut rachetés par la main de Moïse, il les quitta. Mais maintenant ils n’ont pas cru au Christ, ils ont re­ poussé le Rédempteur : c’est pourquoi «l’esprit impur» a fait irruption en eux. Il les a trouvés privés de toute présence divine, déserts 51 et vacants, prêts à cire habités par lui : il s’y est manifestement installé avec toute sa puissance. Ce dernier trait est montré, semble-l-il, par « les sept autres esprits » qu’il prend avec lui. La sainte Écriture a en effet la coutume de désigner par ce chiffre une multitude ; par exemple lorsqu’elle dit 2 3 : « La stérile a engendré sept fois et celle qui avait beaucoup d’en­ fants a été sans force d. » Ceux qui n’ont pas cru dans mon Fils n’ont pas seulement l’esprit impur qu’ils pos­ sédaient en Égypte mais ils sont remplis d’autres esprits 2. Sur ce sens donné- au mot « désert ·, voir Λωη. XX x, p. 293, note 3. 3. Môme Idée, môme citation dans Ambroise, VII» 95, SC 52» p. 42. Origùnb, S. Lnc. 34 530 OH1GÈNE σαντες, πεπλήρωνται δέ καί άλλων πνευμάτων πονηρών, καί γέγονεν αύτοϊς « τά έσχατα χείρονα τών -πρώτων »■ χείρονα γάρ τών έν Αίγύπτω νΟν -πάσχουοιν, έπειδήπερ είς ΊησοΟν Χριστόν ού πεπιστεύκασιν, άλλά « τδν Αρχηγόν τής ζωής άπέκτειναν“ », δθεν έστερήθησαν τής ζωής· καί ούκέτι λέγει έν αύτοις -προφήτης, τάδε λέγει κύριος, ούκέτι σημεΐον έν αύτοϊς, ούκέτι τέρας, ούκέτι σημεϊον έπίφανείας καί-παρου­ σίας τοΟ θεού· μεταβεβηκε γάρ τα αγαθά έφ' ημάς τούς εξ έθνών κατά τδν τοΟ Ιησού λόγον είρηκότος· α άρθήσεται άπ * αύτών ή βασιλεία τοΟ θεού καί δοθήσεται έθνει ποιοΟντι τούς καρπούς αύτής ” .»· ήμεΐς έσμέν τδ δθνος, οΐς έδόθη « ή βασι­ λεία τού θεού », ή εύαγγελική πολιτεία. Fr. 78 —Ra 186 Δοκεΐ γάρ μοι έν τφ· «: δ λύχνος τού σώματός έστιν δ οφθαλ­ μός ‘λ τοιούτόν τι άποψαίνεσθαι- τδ διορατικόν έν τή δλη ψυχή, έν τφ δλω άνθρώπω δ νοΰς έστιν. Ίνα δέ τούτου επιμέ­ λειαν ποιώμεθα, εϊρηται τό- « έστωσαν ύμϊν οι λύχνοι καιόμενοι »· οίονεί γάρ άπτομεν τδν έν ήμϊν λύχνον, έπιμέλειαν τής έν ήμΐν νοητικής δυνάμεως ποιούμενοι. Τοιούτόν έστι καί τό· α ούδείς λύχνον άψας είς τήν κρύπτην τίθησιν, άλλ' επί τήν λυχνίαν »· άπτουσι γάρ λύχνον οΐς μέλει σοφίας καί λόγου καν τής περί τά θεία γυμνασίας, ϊνα γένωνται τέλειοι, ούκ άλλως έγγινομένης τής τελειότητός τινι ή έκ τής κατά τά θεία αισθητήρια καί νοητά γυμνασίας δπερ σαφές έποίει Παύλος λέγων· ατελείων δέ έστιν ή στερεά τροφή τών διά τήν έξιν τά αισθητήρια γεγυμνασμένα έχόντων Πρδς διάκριοιν καλού τε καί κακού <■ »· ουτοί είσιν οΐς δύναται λαλεϊσθαιή τοϊς τελείοις· λαλουμένη σοφία, περί ής φησιν· ο: σοφίαν δέ λαλούμεν έν τοϊς τελείοις d »· οφθαλμόν γε μήν κυρίως φησιν τδν έν ήμϊν νοΟν, περί ‘όν έστιν ή άρχή έν μόνω τω σπουδαίω τής άπλότηa. Act,, 3, 15 2, 6 1>. -Matlh., 21,43 c. Iléb., 5, 14 d. I Cor., 1. liaison, toujours au sens de « connaissance suniuturelle ». Cf. hom. I, p. 104, note 1. FRAGMENTS GRECS 77-78 531 mauvais ; « pour eux la fin est pire que le début ». En effet ils souffrent maintenant plus qu’en Égypte, puisqu’ils n’ont pas cru en Jésus-Christ, mais qu’ils « ont mis à mort le prince de la vie n » ; c’est pourquoi ils ont été privés de la vie. Il n'y a plus chez eux de prophète pour dire : « Voici ce que dit le Seigneur » ; ils ne voient plus ni mi­ racle ni prodige ni signe de la manifestation et de la visite de Dieu : les biens célestes ont émigré chez nous, qui venons des Gentils, selon la parole de Jésus : « Le royaume de Dieu leur sera Ô1.é cl donné à une nation capable de porter ses fruits b. » Nous sommes la nation à qui a été donné le Royaume de Dieu, le christianisme. Fr. 78 — Le, 11, 34 Voici ce que me semble signifier la phrase : « La lampe du corps est l’œil. » Pour l’âme tout entière, pour l’homme tout entier, l’intelligence est la faculté de vision. Afin que nous prenions soin d’elle, Jésus ajoute : « Que vos lampes soient allumées » ; nous allumons pour ainsi dire la lampe qui est en nous en prenant soin de notre faculté de com­ préhension. Dans le même sens il dit : « Personne n’al­ lume une lampe pour la placer dans la cachette, mais pour la mettre sur le chandelier » ; on allume une lampe en se préoccupant de sagesse et de raison >, en s’exerçant à comprendre les réalités divines, pour devenir parfait ; la perfection ne s’obtient en effet qu’en exerçant les sens divins et intelligibles 3, ce que Paul exprimait clairement par ces mots : «Aux parfaits convient la nourriture solide, à ceux qui par l’habitude ont les sens exercés au discer­ nement du bien et du mal c. » On peut leur révéler la sagesse dont on parle aux parfaits, selon ces paroles de l’Apôtre : « Nous parlons de la sagesse parmi les par­ faitsd. » L’œil désigne très exactement l’intelligence qui est en nous : c’est en elle que se trouve chez l'homme ver2. Sur les sens spirituels, voir K. Rahnek. RAM 13 (1932), p. 113 cl ss, hom. XXXII, p. 391, noie 4, ct Entretien avec Héraclide, 17-20, SC 67, p. 9195. 532 ORIGÈNE τος, μηδεμίαν δχοντι διπλόην καί δόλον καί σχίσιν καί διάστασιν καί μερισμόν έν αύτφ· έν δέ τφ φαύλω τής πονηρίας καί ■παντός άμαρτήματος. Έπίσκεψαι δέ, εί δύνασαι τροπολογήσαι ακολούθως τφ β δφθαλμφ > καί τό « σώμα », ώστε ήτοι τήν δλην ψυχήν, κ&ν μή σωματική τυγχάνη, φασκειν νΟν λέγεσθαι τό σώμα — νοΟν γάρ έν ψυχή άνθρώπου ό θεός έτχοίησεν ή τό λοιπόν παρά τόν νοΟν, τοϋτ' έστι τό σύνθετον έκ τής λοιπής ψυχής καί τοΟ σώματος, λέγειν είναι τό σώμα- φωτίζεται γάρ ύπό τοΟ νοΟ κυρίως μέν όλη ψυχή, εϊποι δ' &ν τις, δτι φθάνει καί έπί τό σώμα τοΟ νοΟ ήτοι άπλότης — άγόμενον ύπ' αύτοΟ — ή πονη­ ριά, χρώμενον αύτφ οργανικώς είς αμαρτίαν· καί μή θαυμάσης δέ, εϊ έν τφ· « δ λύχνος τοΟ σώματός έστίν δ δφθαλμός » τροπολογικώς τό σώμα έπί τής ψυχής λαμβάνομεν, καίτοι γε τφ ίδίω λόγω ούσης άοράτου καί άσωμάτου — κατά γάρ τήν εικόνα γέγονε τοΟ αοράτου θεοΟ —, έπείπερ τροπολογικώς καί τάς δυνάμεις τής ψυχής εύρίσκομεν όμωνύμως τοις σωματι­ κούς μέρεσιν ούκ ούσας σώματα δνομαζομένας· έν γάρ τφ· < ψώτισον τούς δφθαλμούς μουn » ού σωματικοί δηλοΟνται δφθαλμοί, άλλα καί έν τφ· « προσέθηκέ μοι ώτίονϋ » ού περί σωμάτων έστίν δ λόγος, ούδ' δταν λέγη· κ δ έχων ώτα άκούειν άκουέτω0 >· έν δέ τφ "Αισματι τής νύμφης, ήτοι έπί τήν τοΟ άνθρώπου ψυχήν άναγομένης νυμφίω κοινωνούσης τφ Χριστφ ή έπί τήν έκκλησίαν, καί τρίχωμα ιδίως καί δδόντες καί χείλη καί μήλον καί τράχηλος καί μαστοί έπαινοΟνται ύπό τοΟ νυμφίου, άναγομένων τούτων, έάν περί ψυχής έρμηνεύηται, έπί τάς δυνάμεις αύτής· εύροις δ’ άν καί τό· « δ πούς μου ού μή προσκόψη0 » άναφερόμενον έπί τήν πορευτικήν τής ψυχής δύναμιν· πολλά δ’ άν καί αύτός εύρήσεις τοιαΟτα έπιστήσας a. Ps. 13 (12), 4 <1. Cant., 4, 1 et’ss b. Is., 50, 4 e. Ps. 91 (90), 12 c. Matth. 11, 15 et parai. 1. Pour Origène, comme pour Plotin, l'unité et la simplicité sont les signes du divin, tandis que lu multiplicité est issue do la création et du péché. 2. Origène a toujours affirmé la parfaite incorporéité de Dieu ct «le l'ômc contre les tendances anthropomorphites et millénaristes. EllAGMENTS C.HECS "8 533 tueux le principe de sa simplicité, car il n’a en soi ni dupli­ cité, ni ruse, ni brisure, ni division, ni séparation mais, pour l’homme mauvais, elle est le principe de la perver­ sité et dc toute sorte dc fautes. Ne pourrait-on pas, comme on l’a fait pour « l’œil », donner « au corps » une signification allégorique ct voir en lui l’âme tout entière, bien qu’elle ne soit pas corporelle 2, car Dieu a placé l’intelligence dans l’âme de l’homme. Ou bien le corps désignerait, le reste de l’homme, en dehors de l’intelligence, c’est-à-dire le composé formé du reste de l’âme ct du corps Car l’âme tout entière est vraiment éclairée par l’intelligence et l’on pourrait dire que le corps se ressent de la simplicité dc l’intelligence, quand il est mû par elle, ou de sa perversité, quand elle se sert de lui comme instrument de péché. Rien d’étonnant à voir allégoriquement l’âme dans le corps, à pro­ pos dc la phrase : « L’œil est la lampe du corps », bien que l’âme soit de nature invisible et incorporelle, puisqu’elle a été créée à l’image du Dieu invisible : en effet les facultés de l’âme sont désignées allégoriquement par les mêmes noms que les membres du corps, alors qu’elles ne sont pas corporelles. Dans la phrase : «Éclaire mes yeux®», il ne s’agit pas des yeux corporels ; dans cette autre : « Il m’a donné une oreille b », il n’est pas question dc corps, ct non plus lorsqu’il est dit : « Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende0. » Dans le Cantique, les membres du corps de l’Épouse, qu'il s’agisse de l’âme humaine en communion avec l’Époux, le Christ, ou dc l’Église 34, sont loués l’un après l’autre par l’Époux : ses cheveux, scs dents, scs lèvres, sa joue, son cou, ses seins d ; si on les rapporte à l’âme, il faut les entendre de ses facultés. «Que mon pied ne heurte point °» doit s’interpréter de la faculté qu’a l’âme d’aller d’objet en objet. En réflé­ chissant, on peut trouver dans les Ecritures beaucoup dc 3. Sur ccs distinctions, cf. H. Crouzbl, Théologie de l'image dc Dieu chez Origène, p. 159. •1. Origène est à la source dc l'interprétation mystique du Cantique qui voit en l’épouse l’ûmc individuelle ct non seulement l’Êglixc. Cf. O. Roussbau, Intrvd. aux Homélies sur le Cantique. SC 37, p. 16. 534 ORIGÈNE τή γραφή κείμενα, Αφ’ ών δυνήση μή προσκόψαι τή Αποδώσει τοϋ πώς τδ σώμα εΐρηται έν τώ * ft δ λύχνος τοϋ σώματος έστίν δ οφθαλμός » καί τοϊς έν τώ τόπω δμοίοις· εύρήσεις δέ έν ταΐς Παροιμίαις τδ « αϊσθησιν θείανa » έν επαγγελία λεγό­ μενον, πρδς Αντιδιαστολήν τής μή θείας αισθήσεως· ού θεία μέν γάρ αϊσθησις, ής καί τά άλογα ζώα κεκοινώνηκεν, δρώντα καί Ακούοντα, γευόμενά τε καί δσφραινόμενα καί Απτόμενα· θεία δέ ής ουδέ πΑντες Ανθρωποι μετέχουσιν, άλλ' ot τοιαϋτα ποιήσαντες, οΐς έπιφέρεται τό· «αϊσθησιν θείαν εύρήσεις»· διόπερ μή θαυμάσης, εί καί τδ τοϋ σώματος δνομα ΑνΑλογον τοΐς δνόμασι των μερών τοϋ σώματος Αναγομένοις έπί τάς δυνΑμεις τής ψυχής έπί ύλην Αναφέρεται τήν ψυχήν έν τώ· α δ λύχνος τοΰ σώματός έστιν δ δφθαλμός »· ού φαμέν δέ ταΰτα ώς πανταχοΟ τής δνομασίας τοΟ σώματος τροπολογουμένης· ΐσμεν γάρ καί έπί Αλλων τετάχθαι τδ τοϋ σώματος βνομα, ώς έν τώ· « μή φοδεισθε Απδ των Αποκτεννόντων τδ σώμα b », καί· « ύμεις έστε σώμα Χριστοϋ c ». Fr. 79 — Ra 187 Τοϋ δέ έφεξής £ητοΟ τοιοΟτον είναι τδν λόγου νομίζω * εϊπερ οδν δια τό· « τδ σώμά σου φωτεινόν » γεγονέναι, φωτισθέυτος ύπδ τοϋ λύχνου τοϋ σώματος, μηδέν έστιν έν σοί μέρος ετι σκοτεινόν, μηδαμώς ΑμαρτΑνουτι ετι, ούτως εσται φωτεινόν τδ δλον σώμα, ώς παραθάλλεσθαι τάς αύγάς αύτοϋ λύχνω έν φωτιζούση Αστραπή, κδν φωτίζη, ού σκότος λύοντι * Αστραπή μέν γάρ εοικε λαμπρότατη δ απδ τοϋ νοϋ φωτισμός, λύχνω δέ έν Αστραπή φωτιζούση τδ έν τώ σώματι φώς, πεφυκότι είναι σκότος, Αγομένω, δπου δ νοϋς βούλεται· εί οδυ τών έν Αμαθία καί Αγνοία δ νοϋς τή φύσει φώς τυγχάνων σκότος έστίν, πάν­ τως καί δλον τδ σώμα, τοϋτ' έστι τδ παθητικόν μέρος τής a. Prov., 2, 5 b. Le, 12, 4 c. I Cor., 12, 27 1. Origène après Clément retient la leçon αΐσΟηοιν θεία·», le texte le plus connu porte έόίγνωσιν Οεοΰ· FRAGMENTS GRECS 78-79 535 passages semblables et. ils permettent, dc comprendre sans se tromper dans quel sens le corps est. désigné par la phrase : « La lampe du corps est l'œil », et par les textes analogues. I.cs Proverbes promettent une «sensibilité divine a », distinguée de celle qui n’est pas divine *. La sensibilité qui n'est pas divine nous est commune avec les animaux sans raison, qui jouissent dc la vue, dc l’ouïe, du goût, dc l’odorat et du toucher ; quant aux sens divins, tous les hommes n’y participent pas, il faut, pour cela, faire ce qui est requis pour « trouver une sensibilité divine». II n’y a donc rien d’étonnant, puisque les noms des parties du corps sont rapportés aux puissances de l'âme, à voir le mot corps pris pour lame tout entière dans le texte « la lampe du corps est l’œil ». Nous ne vou­ lons pas dire par là qu'il faille partout allégoriser l’appel­ lation de corps : car nous savons qu’elle s’applique aussi à d’autres réalités. Ainsi : « Ne craignez pas ceux qui tuent, le corps b » et : « Vous clés le Corps du Christ c. » Fr. 79 — Le, 11, 34 Voici à mon avis le sens de l’expression qui vient en­ suite : « Puisque ton corps est devenu lumineux», éclairé que tu es par la lampe du corps, il n’y a plus rien en loi d’obscur, parce que tu ne pèches plus. La façon dont le corps est tout, entier lumineux permet de comparer ses rayons à une lampe au milieu de la clarté qui rayonne : même si elle éclaire, elle ne détruit pas les ténèbres. En effet, l’illumination qui vient de l’intelligence ressemble à une clarté très brillante ; quant à la lumière qui luit dans le corps — il est ténèbres par nature — elle est sem­ blable à la lampe placée au milieu de la clarté qui rayonne quand le corps est conduit où l’intelligence le veut. Si donc chez les êtres ignorants et incultes 2 l’esprit, qui est par nature lumière, se trouve être ténèbres, certainement leur corps tout entier — il faut entendre par là la partie 2. 11 s’agit d'une ignorance coupable provoquée par un refus volontaire dc la lumière. 536 ORIGÈNE ψυχής, δπερ έστι τδ θυμικδν καί επιθυμητικόν, πολλδ μάλλον σκότος έστίν. Fr. 80 —Ra 195 Τδν έν άγνεία ζώντων « αί δσφύες έζωσμέναι ϊ> είσίν- έπειδή δέ καί νύξ δ βίος ήμδν, λύχνου δεόμεθα, 8ς έστι νοΟς δφθαλμδς δν ψυχής, καί εΐ έν τδ « εσω άνθρώπω3» έστι εγρή­ γορσή. εύλόγως τά πολλά ή πάντα έν τδ βίω τούτφ έγρηγόρσεως ήμίν δει, διά τε τούς έφεδρεύοντας. « άρχάς δή λέγω καί εξουσίας b 3, πρδς S ή πάλη, ίϊνα εύρωμεν τφ κυρίω τόπον, σκήνωμα τδ 0εδ 'Ιακώβ c », έστι δ’ δτε, ϊνα άνοίξωμεν κρούσαντι τδ δεσπότη- τήρει δέ, ότι καί δ τοΟ έγρηγορέναι μισθός δίδοται- a περιζώσεται », γάρ φησιν, εστι δέ « διεζωσμένος τήν δσφύν » κατά τό· « ένεδύσατο κύριος δύναμιν καί περιεζώσατο <» », έν ή κατ' αξίαν έκαστον κ άνακλινεί 3 καί κατ’ άξίαν έκάστω « διακονήσει », άποδιδούς « έκάστφ κατά τά έργα αύτοΟ ° ». Fr. 81 —Ra 202 ’Επειδή δέ τά έν τδ εύαγγελίω πρόσωπα έξ έστι, ρητέον, δτι τδ έν πρόσωπον, τδ τής νύμφης, τέμνεται είς δύο, εις νύμφην καί θυγατέρα έν τδ πρδς τήν μητέρα καί τήν πενθεράν διαμάχεσθαι τήν αύτήν καί ούτως άπαντά τρεις έπί δυσί καί δύο έπί τρισί διαμάχεσθαι. Πρδς άναγωγήν δέ- ώς έν ένί οϊκω τδ άνθρώπω αί πέντε αισθήσεις, πριν μέν έλθεΐν αύταΐς τδν λόγον, δμονοοθσιν έν ταις ήδοναΐς, έπιδημήσαντος δ* αύτοΟ μερίζονται- δύο μέν αί φιλοσοφώτεραι, δρασις, δι' ής όρωντες κόσμον καί τήν τάξιν αύτοΟ θαυμάζομεν τδν κτίστην, καί a. Rom., 7, 22 <1. Ps. 93 (92), 1 b. Éphés., 6, 12 c. Rom., 2, 6 c. Ps. 132 (131), 5 1. Dans ce fragment comme dans le précédent la partie inférieure «le l'âme, par opposition ii In partie supérieure qui est l'intelligence, est dési­ gnée par Je mot corps : c'est le principe des {Missions nommé en termes pla­ toniciens, Ουμιχο'ν et .:mCvur.r:zov. Cf. H. Cjiouzel. «L'anthropologie d'Orlgène dans la perspective du combat spirituel ·, RAM 31 (1955). p. 376, où cc texte est étudié. FRAGMENTS GRECS ‘9-81 537 passible de l’âme, c’est-à-dire l’irascible et le concupiscible 1 — sera encore bien plus ténèbres. Fr. 80 — Le, 12, 35-37 Ceux qui vivent dans la chasteté ont «les reins ceints ». Puisque notre vie est une nuit, nous avons besoin d’une lampe2, c’est l’intelligence, l’œil de Pâme. Si 1’« homme intérieur a » doit être en état de veille, il nous faut vrai­ ment. dans la plupart des circonstances de notre vie ou meme dans toutes,être en état de veille,à cause «des prin­ cipautés ct des puissances1*» qui nous dressent des pièges 3: contre elles nous devons lutter, «pour trouver au Sei­ gneur une place, une demeure au Dieu de Jacob0», et, le moment venu, pour ouvrir au Maître qui frappe 4. Re­ marque qu’à la vigilance est accordée une récompense. « Il sc ceindra », est-il dit, car «il a les reins ceints ». En effet « le Seigneur revêtit sa puissance et se ceignit d ». En même temps il fera asseoir chacun à table selon son mé­ rite et il servira chacun selon son mérite, rendant « à cha­ cun selon ses œuvres ° ». Fr. 81 — Lc, 12, 52 Dans ce récit évangélique il y a six rôles, mais une seule personne, la belle-fille, en joue deux, celui de bellefille et celui de fille, scion qu’elle s’oppose à sa belle-mère ou à sa mère : et ainsi peut-il se faire que trois luttent contre deux ct deux contre trois. Accédons au sens spi­ rituel. Dans cette maison unique qu’est l’homme, les cinq sens, avant la venue du Logos, s’accordent pour vivre dans les plaisirs, mais, quand il est là, ils se séparent: d’un côté les deux sens plus philosophiques : la vue, qui nous permet de voir l’ordre du monde et d’admirer le Créa2. Cf. Ambroise. Traité sur ΓÉvangile de Luc. VU. 132. SC 52, p. 56. 3. Il s'agit toujours des démons. -i. I.o thème de la naissance» de l'habitation et de la croissance du Logos dans l'àme Adèle est une des idées maîtresses «Γ Origène. Cf. G. Aeby» Les Missions divines de saint Justin à Origène. Fribourg (Suisse). 1058» p. 164· 182. 538 ORIGÈNE άκοή, δι’ ής μαθητευόμεθα τώ λόγω τού θεού, έπειτα τάς λοιπάς τρεις· γεύσιν, δσφρησιν, άφήν, τάς άνδραποδώδεις καί ού πεφυκυίας πρδς φιλοσοφίαν, αί δέ τρεις επί τάς δύο άντιπράττουσι μάλλον. Τδ οδν <χ διαμερισθήσεται πατήρ έπί υίώ » άφ’ έτέρας άρχής άναγνωστέον, ούκ έχόμενα τών πρώτων, δ £ητώς μέν τδν τών πιστών άπδ τών άπιστων δηλοΐ μερισμόν· συμβολικώς δέ « πατήρ » νοΟς μερίζεται « έπί υίώ » μοχθηρώ λογισμώ μή συγκατατι8έμενος αύτώ· ι: καί υίδς έπί πατρί », ό τδν άποθανόντα μή θάπτων πατέρα· «μήτηρ έπί θυγατρί>, ψυχή τδν μοχθηρόν αύτής ούκ άποδεχομένη καρπόν· « 8υγάτηρ έπί μητέρα τήν ύλην ή μηκέτι ένουμένη αύτή ψυχή- « πενθερά έπί νύμφην», ή τοΟ νόμου άνδρδς τής ύπ’ αύτώ ψυχής μήτηρ, λέγω δή τδ άγιον πνεύμα, καταλιπδν τδν έκ περιτομής λαόν· « νύμφη έπί τήν πενΟεράν », ό διά τοΟ άμαρτάνειν λαός χωρισθείς τοΟ πνεύματος. Fr. 82 —Ra 205 Έτέρως ?στι λαβειν τήν μέν γυναίκα είς τήν εκκλησίαν, τήν δέ ζύμην είς τδ πνεύμα τδ άγιον, σάτα δέ τρία σώμα, πνεύμα, ψυχήν· άγιάζεται δέ ταύτα τή ζύμη τού άγιου πνεύματος, ώστε γενέσθαι πρδς τδ άγιον πνεύμα êv φύραμα, ϊν * « δλόκληρον ήμών τδ σώμα καί τδ πνεύμα καί ή ψυχή άμέμπτως τηρηθείη έν τή ήμερα τού κυρίου ήμών ’Ιησού Χριστού3 », ώς φησιν δ θεσπέσιος Παύλος. Fr. 83 — Ra 209 Άλλ' οΰτω μέν κατά τδ ρητόν κελευόμεθα μή φίλους καλείν καί γείτονας, άλλα « πτωχούς καί άναπήρους, χωλούς καί τυφλούς »· εί δέ μή οίκονομικώς καί ώς έν παραδολαις λέγει a. 1 Thcss., 5, 23 1. Voir le fr. 67, j>. 514. 2. Le mot νόμος est masculin : la Loi peut donc être le mari dc l’Amo. Cf. Hom. 7, 1-3. FRAGMENTS GRECS 81-83 539 leur, l'ouïe, par où nous vient l’enseignement du Verbe de Dieu ; dc l’autre, les trois sens qui restent : le goût, l’odo­ rat, le loucher, sens serviles, qui ne sont pas doués pour la philosophie. Ce sont ces trois sens qui s’opposent aux deux premiers. La phrase : « Lc père sera divisé contre le fils », doit être lue à partir d’un autre principe, sans lien avec ce qui pré­ cède : clic désigne littéralement la séparation des fidèles et. des infidèles. Au sens symbolique « le père », l’intel­ ligence, « s’oppose an fils », le raisonnement pervers en désaccord avec lui ; « et le fils contre le père », c’est le fils qui n’enterre pas son père mort 1 ; « la mère contre la fille », c’est l’âme qui n’accepte pas son fruit mauvais ; «la fille contre la mère»: la mère est la matière, la fille, l’âme qui ne s’est pas encore unie à elle ; « la belle-mère contre la bru » : la mère de la loi, mari 2 de l’âme qui lui est soumise, c’est le Saint-Esprit el elle abandonne le peuple de la circoncision; «la bru contre la belle-mère», c’est le peuple qui s’est séparé dc l’Esprit-Saint par son péché. Fr. 82 - Le, 13, 21 D’une autre façon, on peut prendre la femme pour l’Église, le levain pour l’Esprit-Saint, les trois mesures pour le corps, l’esprit et l’âme ’. Ils sont sanctifiés par le levain du Saint-Esprit, jusqu'à devenir avec lui une seule pâte, afin que « tout votre corps, votre esprit et votre âme soient conservés sans reproche au jour de ΓAvè­ nement de notre Seigneur Jésus-Christ 3 », comme le dit le divin Paul. Fr. 83 — Lc, 14, 12 Ce texte nous exhorte, au sens littéral, à ne pas inviter des amis el des voisins, mais « des pauvres, des estropiés, des boiteux ct. des aveugles ». Mais si cc n’est pas de façon 3. Sur cette division trichotonüquc, cf. hom. IV, p. 132, note 2. 540 ORIGÈNE ταΟτα, ϊνα καί οί άκεραιότεροι ώς έγχωρεί ώφελώνται ταΟτα, καί άποτρέπει τών καθηκόντων· ού σοφοΟ γάρ \έστι) πτωχούς μή πιστούς καλειν ή φίλους πιστούς πτωχούς μή καλεΐν. Τάχα ουυ μυστικός φίλοι οί χαίροντες λόγω τοϊς τής άληθείας δόγμασιν, αδελφοί οί έχοντες άδελφά δόγματα, συγγενείς οί πορρώτεροι μέν, πλησιάζειν δ’ ήμιν θέλοντες έν δόγμασιν, γείτονες οί μή πάντη μακράν έχοντες τά οικοδομήματα τών ήμετέρων δογμάτων· κατά κοινοΟ μέν οδν « πλουσίους » άκουστέον· ό δέ πλουτών έν οΐς οϊεται άληθέσι δόγμασι, κληθείς έπί τόν όντως άληθή λόγον, άντιλέγων τή άληθεία οΐον άντικαλεί τόν διδάσκοντα· έπεί δέ « ού πολλοί » μέν έν ήμιν «σοφοί’1», τινές δέ, ζητητέον εϊ καί τούτους κλητέον οί μέν γάρ ακροάσεις καταγγέλλοντες πλουσίους καί ού πτωχούς καλοΟσιν, ο δέ πρός δόξαν άληθή διακονών τώλόγω κενοδοξίας άπήλλακται· « κάλει δέ πτωχούς », φησίν, τούτ’ έστιν άπόρους λόγων, 'ίνα πλουτίσης, «αναπήρους », τοΟτ’ έστιν βεβλαμμένους τό φρόνημα, 'ίνα ύγιάσης, « χωλούς » τούς σκάζοντας τώ λόγω, "ν’ « δρθάς τροχιάς h » ποιώσι, c τυφλούς » τούς τό θεωρητικόν μή έχοντας, 'ίνα βλέπωσι τό φώς τό άληθινόν· τό δέ· « ούκ έχουσιν άνταποδοΟναί σοι » ίσον έστίν τφ· ούκ ϊσασι πρός έρώτησιν ή άπόκρισιν διεξάγειν λόγου καί διαλεκτικώς· « άριστον » μέν γάρ οί εισαγωγικοί λόγοι ή ηθικοί ή τά παλαιά λόγια, α. δείπνου » δέ οί έν προκοπή λόγοι μυστικοί ή οί τής νέας διαθήκης· « άνάστασιυ οέ δικαίων « » ένταΟθα λέγει, ήν Ιωάννης πρώτην έν (τή> ‘Αποκαλύψει φησίν. Fr. 84 —Ra 212 Ό δέ ζεύγη βοών άγοράσας πέντε ούδ’ ούτως έδοκίμασεν εξ άρχής <£ έώνηται· έστι δέ δ τής νοητής καταφρουώυ ψύσεως, a. I Cor., 1, 2G b. Hcb., 12, 13 c. Apoc., 20, 5 1. Sur la différence entre le déjeuner ct le diner, cf. In Matth. corn., XVJ1, 15, GCS 10, p. 623 et In Jo. cam., XXXII, 2, GCS 1, p. 126. FRAGMENTS GRECS 83-8$ 511 pédagogique qu i! dit cela et par manière de parabole, pour aider les plus simples dans la mesure du possible, il dé­ tourne des convenances : ce n’est pas l’œuvre d’un sage d’inviter des pauvres qui ne sont pas croyants ou de ne pas inviter des croyants amis qui sont pauvres. Au sens mystique, les amis sont peut-être ceux qui jouissent rai­ sonnablement des doctrines de la vérité ; les frères, ceux qüi possèdent des doctrines sœurs ct les parents, ceux qui se tiennent plus loin, mais veulent sc rapprocher dc nous du point de vue des doctrines, tandis que les voisins représentent ceux qui ne sont pas tout à fait éloignés des demeures de nos propres doctrines. Le mot « riches » s’applique à tous les termes précédents : le riche dans les doctrines qu’il croit vraies, invité à adhérer à celle qui est. réellement vraie, lorsqu’il s’oppose à la vérité paraît inviter en retour celui qui l’enseigne. Puisque chez nous il n’y a pas « beaucoup de sages a », mais quelquesuns seulement, on peut se demander s’il faut les inviter. Ceux qui annoncent des conférences publiques invitent les riches ct non les pauvres : mais celui qui est au service des croyances vraies est debarrassé des discours inspirés par la vaine gloire. « Invite les pauvres », dit-il, c’est-à-dire ceux qui sont dépourvus de doctrine, pour les enrichir, « les estropiés », c’est-à-dire les esprits faus­ sés, pour les guérir, «les boiteux», à la doctrine chan­ celante, « pour redresser leurs pas b », « les aveugles », qui n’ont pas la faculté contemplative, pour qu’ils voient la vraie lumière. La phrase : « Ils ne peuvent pas te le rendre », signifie : ils ne savent pas mener un raisonne­ ment par demande et réponse el de manière dialectique. Le déjeuner, ce sont les doctrines d’introduction, la morale, les textes dc l’Ancien Testament; le dîner, ce sont les doctrines mystiques des progressants ou celles du Nouveau Testament1. «La résurrection des justes0» est celle que Jean dans l’Apocalypse appelle la première. Fr. 84 Le, 14, 18 et ss. Celui qui a acquis les cinq paires de bœufs ct n’a pas mis à l’épreuve dès le début cc qu’il a acheté, c’est celui 542 ORIGÈNE •περί δέ τά αισθητά φιλοσόφων ώς ’Ιουδαίοι Έβιωναίοι’ ούχ επτά έπτά ώς καθαρά λαμβάνων αύτά, δύο δέ δύο ώς τά άκάθαρτα είσήλθεν είς τήν κιβωτόν, τοΟ σωτήρος κτίζοντος « είς ενα καινόν άνθρωπον τούς δύο » * καί λέγοντος· «εγώ καί ό πατήρ ëv έσμεν”». Εί δέ δύο αριθμός έστι Ολης, οδτος καί τά αισθητά καί τά ύλικά τιμά· διό καί ουτος παρήτηται τό νοητόν δείπνον· 'όθεν καί ëv τισιν άντί τού· ι( ερωτώ σε » « καί οιά τοΟτο ού δύναμαι έλθεΐν » κεϊται· οί γάρ αίρώντες τά αισθητά φασι μή δύνασθαι άσώματον καταλαβεΐν· δ δέ έτερός έστιν ό είπών· « γυναίκα εγημα », ό δοκών εύρηκέναι σοφίαν καί ταύτης κοινωνήσας παραιτούμενος τήν άληθή ή δ τή σαρκί ένούμενος, φιλήδονος μάλλον ή φιλόθεος°· « οί δέ έν σαρκί δύτες Οεώ άρεσαι ού δύνανται * 12». Fr. 85 —Ra 216 Νοήσεις οέ καί ούτως τό έπιθυμείν, κορεσθήναι τόν άσωτον έκ τών κερατίων· ή λογική φύσις έν άλογία γενομένη επιθυμεί, καν μή έν κρείττοσι λόγοις, έν όποίοις γοΟν καταντήσαι· έπεί δέ τά κεράτια γλυκάζει μέν καί πιαίνει τό σώμα, τώ δέ σκυβάλω ού δίδωσιν οδόν, εΐεν αν ταΟτα φιλούλων καί φιλοσωμάτων λόγοι πιθανοί, τήν ήδονήν λεγόντων άγαθόν, « κνηθομένων τήν άκοήν καί έπί τούς μύθους έκτρεπομένων c ». « Καί ούδείς έδίδου »· τοις γάρ εύφυέσι τά σαθρά μαθήματα ού παραδιδόασιν οί φαΟλοι, 'ίνα μή έλέγχωνται· άλλως τε οί τών ίξωθεν λόγοι άτροφοι καί τό χωρητικόν καί άναδοτικόν τών λογικών τροφών έμπλήσαι ού δύνανται. a. Éphcs., 2, 15 b. Jn, 10, 30 d. Rom., 8, 8 e. II Tim., 4, 4 c. Cf. Π Tint., 3, 4 1. Sur les Ébionites, cf. hom. XVII, p. 255, note 4. 2. L’arche représente (’Église. Si deux est le chiffre dc lu matière, sept est celui de la perfection. Les Ébionites, chrétiens judûîsants, ne comprcnnenl pas que le Sauveur a fondu les deux peuples, .Juifs et Gentils, en un seul, le peuple nouveau. J’Églisc, puisqu’ils veulent garder dans l'Église ce qui les distingue en tant que juifs. FRAGMENTS GRECS 81-85 543 qui méprise la nature intelligible et philosophe au sujet, du sensible, comme les Juifs ébionites l. Ne les prenant pas sept par sept comme des animaux purs, mais deux par deux comme des animaux impurs, il est entré dans l’arche a, alors que le Sauveur fond «les deux en un seul homme nouveau a » ct dit : « Mon père et moi nous sommes un b. » Si deux est le chiffre de la matière, cet homme honore le sensible el le matériel. C’est pourquoi il refuse d’assister au dîner intelligible : de lù vient que certains manuscrits, au lieu de : « Je l’en prie », portent : « Λ cause dc cela je nc peux pas venir. » Ceux qui choisissent le sen­ sible prétendent être incapables de concevoir l’incor­ porel. L’autre dit : « J’ai pris femme » : c’est celui qui croit avoir trouvé une sagesse el, parce qu’il participe à elle, refuse la vraie sagesse, ou celui qui s’est uni à la chair, ami du plaisir plus que de Dieu ° ; « ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu d. » Fr. 85 — Le, 15, 16 Il faut comprendre ainsi le désir qu'a le débauché d’être rassasié des caroubes. La nature raisonnable, lorsqu'elle tombe dans la déraison, désire parvenir, sinon aux doc­ trines les meilleures, du moins à quelque doctrine. Les caroubes ont un goût, sucré et gonflent le corps 3, mais nc produisent pas d’excrément : ce sont, semble-il, les doc­ trines spécieuses des matérialistes et des partisans du corps, qui font du plaisir un bien, « qui chatouillent les oreilles et dévient les esprits vers les fables e». « Personne nc lui en donnait»; aux bonnes natures, les méchants ne livrent pas leurs enseignements pervers de peur d’être réfutés. Ou bien, peut-on dire, les doctrines du dehors, n’étant pas nourrissantes, ne peuvent pas remplir l’es­ tomac et ne sont pas digestibles, comme les nourritures spirituelles. 3. Cf. A.MunoiSR, op. cit. 7. 217-218. SC 32. p. 90. 544 OKIGÈNE Fr. 86 — Ra 231 «* Αρατε oüv », φησίν τοίς παρεστώσιν, « άπ' αύτοΟ τήν μνδν >, τοΰτ' έστιν τήν χάριν τού άγίου πνεύματος, έπειδή ού δύναται ταύτην έχων κολασθήναι εί μή πρώτον ταύτης γυμυωθή, « καί δότε τώ τάς δέκα μνάς εχοντι »· άντιχαρίζεται γάρ ήμΐν ό θεός τά άγαθά μετά προσθήκης· τώ γάρ ποιήσαντι τήν μίαν μνδν δέκα άντεχαρίσατο « τάς δέκα μνδς », προσθείς αύταΐς καί άλλην μνδν τήν τοϋ μή εργαζομένου. Fr. 87 — Ra 232 Ό μέν γάρ ί:χων, φησίν, άρετήν έκ πόνων καί ιδρώτων καί προσθήκην λαμβάνει παρά θεοΟ, otov <τώ) πίστιν εχοντι τήν έκ τοΟ έφ' ήμϊν, δοθήσεται χάρισμα πίστεως, καί άπλώς τώ εχοντι <τι> τών έκ κατασκευής φυσικώς ένυπαρχόντων αυτό βελτιωθέν προσοχή καί έπιμελεία τδ ένδέον άπό ΘεοΟ δοθήσε­ ται· ό δέ πονηρός καί μή μεταδιδούς είς πολλούς ?ώγον, οΰτος αποστερείται, ου είχεν, καί τιμωρείται. Fr. 88 — Ra 235 *Έργον γάρ έστι τών λυόντων τδν δεδεμένον πώλον μαθητών άγαγεΐν λελυμένον πρδς τδν Ίησοϋν καί τά εαυτών ίμάτια, έν οΐς έκοσμοΟντο, τοΟτ’ έστι τάς πράξεις καί τούς λόγους, τά πλείονα έπιρρίψαι τώ πώλω καί μετά ταΟτα έπιβιβάσαι καί ένιδρύσαι αύτώ τδν Ίησοϋν καί πάλιν ύποστρώσαι τά ίμάτια αυτών έν τή δδώ, ϊν’ ίματίων μαθητικών έπιβαίνη δ λελυμένος πώλος, ω έπιβέβηκεν ό Ίησοϋς, Fr. 89 — Ra 236 ΤοΟ μέν γάρ πλήθους « τών μαθητών μεγάλη » αίνούντων ft φωνή τδν Οεδν » σιωπώσιν οί λίθοι- σιωπησάντων δέ τοϋ 1. Ce fragment a une allure stmü-pêlagienne, mais d’autres passages d’Origènc expriment déjà la doctrine du Concile d’Orange (voir hom. XX, p. 288. note 1 ei hom. XXXIX. p. 459. note 1). Il ne convient pas de deman­ der à un auteur d’i-tre sensible & un problème qui ne s’est posé clairement que plus tard. 2. Le sens spirituel dc ccttc scène est le suivant : le converti, que les dis- FRAGMENTS GRECS 8C-89 Fr. 86 Le, 19, 24 545 Hom. 39, 7 « Enlevez-lui la mine ». dit-il aux assistants, c’est-à-dire la grace de l’Esprit-Saint, parce qu’il ne peut pas, la pos­ sédant, être châtié ; il doit en être d'abord dépouillé. « Donncz-la à qui en a dix. » Dieu nous donne en retour ses dons en y ajoutant quelque chose : à celui qui a fait fructifier la mine et en a gagné dix, Dieu a rendu « les dix mines », avec une en plus, la mine du serviteur qui n’a pas travaillé. Fr. 87 — Le, 19, 26 Celui qui possède, dit Jésus, une vertu, acquise par ses travaux et ses sueurs, reçoit de Dieu quelque chose en plus : ainsi, à celui qui a la foi, pour autant que cela est en notre pouvoir, sera accordée la grâce dc foi. Plus sim­ plement, celui qui a par nature une qualité innée ct l’a améliorée par son application et ses soins, obtiendra de Dieu ce qui lui manque. Mais le méchant, qui n’a pas com­ muniqué à la foule la doctrine, sera privé de ce qu’il avait et sera puni x. Fr. 88 — Le, 19, 30 Hom. 37, 4 C’est l’œuvre des disciples qui ont détaché l’ânon de le conduire délié à Jésus et de jeter sur lui une bonne partie des vêtements dont ils se parent, c’est-à-dire leurs ac­ tions et leurs paroles, puis d’y faire monter Jésus, de l’y faire asseoir, et d’étendre ensuite leurs vêtements sur le chemin, afin que sur les vêtements des disciples marche l’ânon détaché, monté par Jésus 2. Fr. 89 — Le, 19, 37,40 Hom. 37, 5 Lorsque la foule « des disciples loue Dieu d’une voix forte », les pierres se taisent, mais si la foule des disciples clplcs ont libéré des fausses doctrines ct conduit à Jésus par Ja sainteté de leur vie. est désormais habité par le Verbe. Voir hom. XXXVII. 2-5. Oiuoàw, S. Luc. 35 546 •πλήθους τών μαθητών, δπερ, « εάν ελθη ή άποστασία 3 », γίνε­ ται, « οί λίθοι » κεκράξουσιν. Fr. 90 — Ra 241 Τδ « ώς άγγελοι τοΟ ΘεοΟ έν ούρανώ1»» (φησιν/, ούχ δτι τους άνθρώπους έσεσθαι έν ούρανώ λέγει, άλλ' ώς τούς ουρανίους άγγέλους, καθά δή καί Μάρκος έφρασε λέγωυ· «άλλ' είσίν ώς άγγελοι έν τοϊς ούρανοις® »· ώσπερ γάρ τδ άγγελικδν πλήθος πολύ μέν δν, ού μήν έκ γενέσεως αύξηθέν, άλλ' έκ δημιουργίας ύπάρχον, οΰτω δή και τδ άνιστάμενον π?«.ήθος. Fr. 91 — Ra 242 “Ισμεν δέ, ‘ότι καί πρδς τήν λέξιν ταύτην οί άπδ Μαρκίωνος καί Ούαλεντίνου ?τι διαμάχονται είς ψυχάς άνάγοντες τδν λόγον· ταύτας γάρ ζήν καί περί τούτων είρηκέναι τδν κύριου ώς τούτων δντος ΘεοΟ τοΟ ΘεοΟ· ούδέπω δέ Σαδδουκαίοις περί ψυχών ήν ή αντιλογία, άλλά περί σωμάτων, ώστε περί τούτων ή άπόκρισις· λέγεται δέ τότε άνίστασθαι ό νεκρός, ‘ότε μετά σώματος ή ψυχή, ούχ ώς έν τώ μεταξύ τής ψυχής διαλελυμένης, άλλ’ ώς άπρακτούσης καί τά τής ζωής ίδια, 8σα μετά σώματος, ούκ έχούσης· εν γάρ τι τδ συναμφδτερόν έστιν, άνθρωπος καί ή ζωή κοινή, καί έκατέρων δει πρδς τδ τήν έκ θανάτου ζωήν πάλιν συστήναι. a. 11 These., 2, 3 b. Mat th., 22, 30 c. Me, 12, 25 1. L'authenticité de cc fragment n’est pas certaine puisque le manuscrit D l'attribue A Apollinaire, mais il donne une precision conforme à la pensée origénienne. Grégoire de Nysse reprendra celte idée que le mariage ct la génération humaine sont une conséquence du péché et de la perte de l'im­ mortalité : · Afin de ne pus enlever aux âmes humaines la possibilité de se multiplier une fois qu’elles curent perdu le mode d’accroissement selon la FRAGMENTS GRECS 89-91 547 se tait, ce qui arrivera «quand viendra l’apostasie®», « les pierres » crieront. Fr. 90 Le, 20, 36 Hom. 39, 2 L’expression a comme les anges de Dieu dans le ciel b » ne signifie pas que les hommes seront au ciel, mais qu’ils seront comme les anges célestes. Marc dit de même : « Mais ils sont comme des anges dans les cieux c. » La multiplicité des anges ne vient pas d’un accroissement par génération, mais de leur création, ainsi en sera-t-il de la foule des ressuscités *. Fr. 91 — Le, 20, 38 Nous savons que les Marcionites ct les Valentiniens attaquent encore ce texte en appliquant cette parole aux âmes : il s’agirait de leur survie et le Seigneur aurait dit que Dieu est leur Dieu. L’opposition des Sadducécns ne visait pas les âmes, mais les corps : c’est donc à leur sujet que Jésus répond. Le mort ressuscitera lorsque l’âme sera réunie au corps : dans le temps intermédiaire, elle n’est pas dissoute, mais comme oisive et privée de tout ce qui est propre à la vie, dont clic jouissait lorsqu’elle était unie au corps : les deux ensemble ne forment qu’un, l’homme et la vie commune 2, et il faut les deux pour que la vie issue de la mort réapparaisse. manière angélique. Dieu établit, pour notre nature humaine» un moyen plus adapte à notre glissement dans le péché : au Heu de to noblesse des anges, il nous donne de nous transmettre la vie les uns aux autres comme des ani­ maux. · PG 44, 189 e-cl. 2. La vie commune désigne, selon Origène, la vie biologique. Image de In vie véritable, le Christ cl la grâce. INDEX DES CITATIONS SCRIPTURAIRES L'astérisque (*) indique une allusion Λ un passage qui n’est pas cite littéralement.; fr. = fragment grec; hom. homélie; le 2e chiffre renvoie à la division en paragraphes. Ancien Testament Genèse 1, 22 27 3, 6-7 16 24 6, 12 12, 1 15, 15 25, 26, 28, 31, 41, 27 13 14 32-33 46 Exode 3, 4 4, 10 11 12, 2 * 20 13, 2 15, 16 19,10 20, 18 23, 20 34, 23 hom. XI, 1 - VIII. 2; — XXXIX, — XVI, 7 fr. 12 hom. XXIV, 2 — XXII, 7 — XXII, 5 — XV, 4; — XX, 7 fr. 62 hom. XI, 2 fr. 33 hom. XXIII, 7 — XXVIII, hom. XI, 4 — V, 3 — XVI, 8 — XXVIII, fr. 76 horn. XIV, 7 — XXII, 10 — XI, 4; — XVIII, 4 — 1,4 — X, 7 — XIV, 7 Lévitlque 12, 2-4 15, 25 ’18, 5 hom. XIV, 6 fr. 63 hom. XXIV, 1 Nombres 8, 16 *11, 26 14, 6 *19, 16 *22, 25 33, 1 horn. XIV, 7 fr. 69 — 69 — 67 hom. XIV, 9 fr. 69 Deutéronome 4, 16-17 24 6, 3-5 13 16 7, 13 8, 3 10, 16, *18, 23, 32, • 3-5 12 20 3 7-8 1 8-9 9 hom. VIII, 3 — XXVI, 1 — XXXIV, 2 — XXX, 4 — XXXI, 2 — XXXIX, 3 — XXIX, 5; fr. 56 hom. XXVI, 4 — XXXIX, 6 — II, 6 — XXXVII, 1 — XII, 6 — XXIII, 7 — XXXV, 6 — IV, 2 550 32, 22 39 Juges *13, 22 I Samuel 2, 5 I Rois 8. 39 10, 4-5 ‘11, 6 s. *14, 21 *15, 26.34 ‘17, 9 II Rols ‘ 2,11 5, 10 14 6, 17 Psaumes 1, 2 2, 7 4, 7 13 (12), 4 19 (IS), 5 22 (21), 7 23 24 {23), 8 32 (31), 5 37 (36), 27 55 (54), 7 68 (67), 14 19 77 (76), 16 78 (77), 1 91 (90), 1.6-8 11-12 12 13 93 (92), 1 102 (101), 27 103 (102), 22 INDEX hom. XXVI, 2 — XVI, 4 /r.7 fr. n fr. 5 horn. XXXVIII, 6 — XXVIII, 2 — XXVIII, 2 — XXVIII, 2 — XXXIII, 4 fr.9 hom. XXXIII, 5 — XXXIII, 5 — XXIII, 9 hom. XXXIX, 2 — XXXI, 4 — XXX11, 6 fr. 78 hom. VI, 9 — XIV, 8 — XXVIII, 6 — X, 3 — XVII, 8 fr. 68 hom. XXVII, 6 — XXVII, 6 — XXVII, 5 fr. 27 horn, XIV, 7 — XXXI, 5 — XXXI, 2 fr. 78 hom. XXXI, 6, 7 fr. 80 hom. XXII, 7 — XXIII. 7 hom. XXVI, 1 — XXXI, 4 15 — XXXIV, 7 105 |104), 37 — I, G 115 (113 B), 8 - XXII, 9 119 (118), 28 — 1, 3 121 (120), 4 — XXXIV, 5 127 (126), 1 — XIII,5 128 (127), 3-5 - XXXIX, 3 fr. 80 132 (131), 5 11 —21 138 (137), 1 hom. XXU1, 7 fr. 15 147 (146), 5 148. 2, 4-5 hom. XXIII, 7 104 (103), 4 Proverbes 2, 5 3, 4 17, Ga(LXX) 18, 19 fr. 78 hom. Il, 5 — XXXV, 11 fr. 69 Ecelésiaste 4, 9 7, 17 fr. 69 horn. XXV, 6 Cantique des Cantiques 4,1 s. fr- 78 .J Job 5,13 14, 4 4-5 40, 3 (LXX) fr. 56 hom. XIV, 3, 5 — U, 1 — XXVI, 4 Sagesse 1, 2 * 5, 6 7, 17-28 27 hom. Ill, 4 fr. 8 hom. XXI, 6 fr. 76 Isaïe 1,1 3 G 8 * 18 hom. XXI. 1 — XIII, 7 — XXXIV, 6 - V, 4 fr. 63 551 CITATIONS SCRIPTURAHIES 3, 12 4, 4 5,1 6, 10 30, 6 40, 3 44, 22 50, 4 53, 4 54, 1 61, 1 o 62, 11 65, 23 hom. — — — — XXXV, 12 XIV, 3 X, 2 XXXV, 14 XXXVII, 2 XXI, 5 fr. 51 hom. XVII, 8 fr. 78 hom. XXXIV, 7 ; fr. 76 hom. XXI, 2 ; — XXXIII, 4 — XXXII, 3 — XXXII, 5 — XXXV, 9 — XXXIX, 3 Jérémie 1,1 4, 3 hom. XXI, 2 fr. 68 •11, 21 *28 passim hom. XXXIII, 3 — I, 1 Ézéchiel 18, 24 hom. XXXVIII, 4 Daniel 10, 20-21 hom. XXXV, 6 Amos 1, 1 8. 11 hom. XXI, 1 — XXVIII, 5; — XXXIII, 4 Miellée 7, 19 hom. XXIII, 4 Zacharie 3, 3 hom. XIV, 4 Malachie * 3, 23 /M Nouveau Testament Matthieu 1,1 1-17 20 * 24 2, 13 3,4 4, 3 4 5, i 4 5 9.10 25 2$ • 28 hom. XXIX, 6 — XXVIII, 1 — XIX, 4 — VI, 3 — XIX, 4 — XI, 5; — XXV, 2 — XXIX, 4 — XXIX, 5; fr. 56 hom. XX, 4 — XXXVIII, 1 — XXXVIII,2 - XXXVII 1,1 — XXXV, 1 — XXXV, 2 - II. 3 44-45 45 * 6, 2 4 9.13 24 27 * 7, 15 24-25 • 24-28 8, 1 17 29 10, 2-5 10 • 16 fr. 73 — 53 hom. II, 4 fr. 5 — 73 hom. XXIII, 3 ; — XXXVII, 3 — XT, 2 — XXXI, 3 — XXVI, 4 — I. 3 — XX, 4 — XXXIV, 7 ; fr. 76 hom. VI, 6 fr. 69 hom. XXIII. 3 — XXVII, 5 .52 INDEX 10, 28 32-33 34 11, 3 11 28 29 12, 16 13, 55 15, 22 24 27 17, 10-13 18, 6 10 19 24 20, 21 21, 43 22. 19 29 29-30 30 40 23, 33 38 24, 1 12 28 25, 15 s. 33 26, 39 41 hom. XXXVI, 1 — XXXV, 10 — XIII, 4 — XXVII, 3-4 — X. 7 — XXXIV, 7; fr. 76 hom. VIII, 5; — XXXVIII,! — VI, 4 — VII, 4 — XXXIII, 4 — XX XIV, 4 — XXXVIII,6 fr. 9 hom. IV, 3 — IV, 3 — XXXIII,8; — XXXV, 3 fr. M hom. XXXV, lOll — XXV, 5 fr. ΊΊ hom. XXXIX, 5 — XXXIX, 4 — XXXIX, 2 fr. 90 hom. XXXIV, 1 — VIII, 3 — XX, 3 — XX, 3 — XXXVII, 5 — XVI, 10 — XXXV, 11 — XXXV, 10 — XVII, 7 — XI, 3 Ware 6. 7 7, 7 2, 25 31 fr. 69 —8 — 90 — 72 14, 27 TLUC »·Λ 1, 1 1-4 2 5 6 11 13-15 13-17 16 17 20 20-22 24-33 26-27 28 30 32 35 38 39-45 41 3. 42 43 44 46-51 46 48 51 54 56 56-64 56-57 59 63 hom. XVII, 6 fr· 1 hom. I fr. 2, 3 hom. VI, 8 — Π; fr.5 hom. Ill ; fr.G —7 hom. IV fr.8 —9 — 10 hom. V — VI fr. 11 — 12 — 13; 14 — 15 hom. IV, 5 ; — XIV, 8; — XVII, 1, 7 fr. 16 ; 17 hom. VII ; fr. 25 — 19 — 21 — 20.22.23 hom. IV, 4 ; — VI, 2; — XI, 4 — VIII fr. 25 — 26 — 27 — 28 — 29 hom. IX fr. 30 — 31 ; 32 — 10 citations scripturaires 1, 65 67-76 72 76 80 80-2, 2 2, 6-7 8 8-12 8-14 13 R. 13-16 15 21 21-24 25-29 26 s. 33-34 35 35-38 36-38 40-49 40-46 46 48 48-49 49-51 51 3, 1-4 3 5-8 7 8 9-12 12 15 16 17 hom. VI, 2 — X fr. 33 hom. XI, 4; fr. 34 hom. IX, 2 ; — XVIII, 2; fr. 35 hom. XI fr. 36 — 37 hom. XII fr. 38 — 39 hom. XIII fr. 40 — 41 hom. XIV — XV fr. 42 hom. XVI fr. 43 hom. XVII fr. 44 hom. XVIII — XIX fr. 46 — 45 — 47 hom. XX fr. 48 ; 49 hom. XXI fr. 51 hom. XXII fr. 52 — 53; hom. XXI, 4 ; — XXXVII, 5 hom. XX H fr. 54 hom. XXV — XXIV; fr. 55 hom. XXVI 3, 18-22 21-22 23-28 4, 1-2 1-4 4 5 5-8 10 s. 9-13 13 14-20 23-27 31.40 7, 28 37 41-42 48 8, 16 39 s. 41 s. 44 9, 25 • 28 59 59-60 62 10, 1 18 19 20 25-37 27 30 s. 38 11, 2 3 * 4 5 • 11 553 hom. XXVII -- XIV, 10 — XXVIII — XXXII, 1 — XXIX fr. 56 — 57 hom. XXX fr. 58 hom. XXXI — XXIX, 7 — XXXII — XXXIII fr. 59 hom. XI. 5 ; — XXVII, 2 fr.7 — 60 hom. XXXV, 13 — XXXV, 14 fr. 61 — 62 — 63 hom. XV, 1 fr. 64 hom. XX, 4 ; fr. 65 — 66 — 67 — 68 — 69 hom. XXXI, 5 — XXXI, 7 — XI, 6 — XXXIV — XXV, 6 ; fr. 70 — 71 — 72 — 73 ; 74 — 75 hom. XXI, 4 fr. 76 hom. XXIX, 3 INDEX 554 11, 24 31 34 12, 4 7 35-37 49 52 57 58-59 13, 21 14, 11 12 18 s. 15, 11 s. 16 16, 13 17, 20.21.33 18, 8 20 ‘19,11-27 * 13 s. 24 26 30 29-40 37.40 41-45 20, 21-26 27-40 36 38 fr. 78 ; 79 — 78 hom. XXXI1, 3 fr. 80 hom. XXVI, 1.2 fr. 81 hom. XXXV, 1 — XXXV fr. 82 hom. VIH, G fr. 83 — 84 hom. XXXVIII, 5 fr. 85 hom. XXIII, 3 XXXVI — XXXVH, 5 fr. T2 hom. XXXIX, 6 — XXXV, 11 — XXX1X.7; fr. 86 — 87 — 88 hom. XXXVII fr. 89 hom. XXXVIII — XXXIX,5s. — XXXIX, 1 s. fr. 90 — 91 Jean 1, 1 9 12-13 14 18 29 34 51 3, 5 fr. Tl hom. V, 1 ; — XXI,3 — XXI, 3 fr. 73 hom. XXIX. 6 fr. 39 — 32 — 56 hom. XXIII, 8 ' 30 4, 24 · 48 5, 35 * fi, 18-21 35 51 8, 48 ‘ 59 9, 39 10, 8 11 30 • 39 12, 31 14, 6 8-9 9 16-17 23 27 30 15, 5 16, 11 33 19, 15 20, 22-23 2C 30 21, 25 hom. — — — — — — XIV, 5 ; XXIV, 2 XXI, 3 XXVI, 1 IV, 4 VI, 8; XXI, 3 Xlll.l — XXXVII 1,6 fr. 40 hom. XXXIV, 5 — XIX, 3 — XVI, 3 ; — XVII, 2 — XXXIV, 4 fr. 38 — 83 hom. XIX, 3 — VI, 4; — XXX, 2; — XXXIX, 5 — VII, 6 ; — XXXV, 9; fr. 8 hom. III, 4 — I, 4 - XXV, 5 — XXII, 4 — XIII, 4 XXIII, 6 fr. 76 hom. XXX, 2 fr. 66 hom. I, 4 — XXVII, 5 — XVII, 5 — XXVII, 2 — XXVII, 2; — XXIX, 2 Actos 1. 5 2, 4 38 hom. XXIV, 1 — XXIX, 1 — XIV, 5 555 CITATIONS SCHIPTURAIKKS 3, * 7, 9, 16, 17, 15 30 15 9 28 fr. ΊΊ hom. X, 7 — XXXIX, 3 — XII, 3 — XXXI, 3 Romains 1, 3 2, 5 6 29 3, 20 23 6, 5 8 9 10 12 7, 14 22 8, 8 14 15 38-39 10,18 11, 11 17 22 25-26 13, 7 7-8 14, 10 21 16, 18 hom. X, 2 — XXII, 7 fr. 80 hom. II, 4 ; fr. 72 — 34 hom. XVII, 6 — XVII. 3 — XIV, 1 — XXIX, 7 — XIV, 1 XXX, 1.4; — XXXVI, 2 — VIII, 3; — XIV, 6 fr. 72 hom. XVI. 9 ; fr. 80 — 84 hom. XV, 3 : — XXIX, 2 fr. 73 hom. XXV, 8 — VI, 9 — XXTI, 2 — XX11I, 2 XXXVIII,6 — XXXIII,2; fr. 63 hom. XXXV, 12 — XXIII, 6 — 11. 7 — XXV, 2 — XVI, 4 Corinthiens 1, 2 hom. XVII, 11 • 1, 24 26 2, 6 6 s. 14 3, 9 15 19 4, 11 16 5, 4 7 6. 3 17 7, 29 10, 4 18 11, 3 10 12, 27 28 13, 10 13, 11 12 14, 30 15, 24 33 42-44 44 47-49 49 hom. VI, 9 fr. 83 hom. VI, 4 ; fr. 78 hom. VI, 5 — XXXVI, 1 XII, 2 fr. 64 — 56 — 66 hom. XXXIV, 9 — VI, 9 — XXVII 1,6 XXXI, 5 — XXXVI, 1 fr. Ί(> hom. XXVI, 5 XXXIII, 5; XXXV, 8; fr. 28 — 60 hom. XXIII, 8 fr. 78 hom. XII, 2 fr. 72 hom. XX, 7 — Ill, 4 — XVIII, 3 fr. V hom. XXXI, 3 — XIV, 4 XXXVI, 1 XVI, 7 — XXXIX, 6 II Corinthiens 3, 7 16-17 4, 10 16 18 5, 10 19 fr. T2. hom. XXVI, 1 XVI, 9 — XVI, 9; fr. 75 — 67 hom. II, 7 — XV, 4 556 5, 21 8, 18 12, 6-7 INDEX hom. XXVIII, 2 — I, 5 XXV, 4 Galates 1, 4 2, 20 4, 4-5 26 27 • 28 5, 22-23 6, 14 hom. 111,3 — XV, 5; — XXII, 3 — XIV, 7 — XXXIX, 4 — XXI, 2 fr. 35 hom. XXII, 8 fr. G7 Éphésiens 1. 3 2, 14 15 3, 17 4, 8 10 11-12 13 14 5, 27 6, 12 hom. XXXIX, 3 — XXXVIII,1 fr. 84 hom. I, 3 XXVII, 5 — VI, 10 — XII, 2 — XX, 7 — XX, 7; /r.3 hom. 11,2; XVII, 10; — XXXV, 4 — XXXIX, 5 Phlllppiens 1, 23 2, 7 9 10 10-11 4, 3 7 Colosslens 1,13 hom. — — — — — — — XV, 5 XVIII, · 1 ; XIX, 2 ; XX, 6 XIV, 2 VI, 10 XXIII, 9 XI, 6 XV, 4 hom. X, 4 1, 15 20 23 2,7 9-12 18 3, 1-2 5 9-10 hom. VIII, 2; XXV, 7 — X, 3; — XIII,3 — 1,3 — 1. 3 — XIV, 1 — XVI, 8 fr. T2 hom. XVI, 9 XXIII, 3 II Thessaloniciens 2, 3 fr. 89 I Timothée 2, 15 3, 6 16 4,13 fr. 20 hom. VII1, 5 — VI, 10 — IX, 3 Il Timothée * 2, 3-5 11 * 3, 4 13 4,4 hum. XI, 3 — XVII, 3 fr. 84 — 6G — 85 Tite 1, 12 3, 5 hom. XXXI, 3 — ΧΧΧ1Π, Hébreux 1, 5-7 7 14 4, 12 14 5, 14 6, 13 s. 10, 1 • 29 12, 13 23 hom. XXXI, 4 — XXVI, 1 — XIII, 2 fr. 43 hom. VI, 10 fr. 78 — 33 hom. XIV, 6 XXXI, 7 fr. 83 hom. VII, 8 ; — XVII, 10 CITATIONS SCRIPTURAIRES Jacques * 2, 23 4, 4 I Pierre 1, 23 2, 5 22 4, 11 5, 4 I Jean 2, 29 fr. 76 hom. XXXV, 9 fr. 73 hom. XV, 3 — XIV, I ; — XXVII, 5 finale f. â la Fac. de Théol. de Fourviérc (trad. seule) (1915)............................................................................ Épuisé 10. Ignacr d'Axtiooir : Lettres. — Lettre et Martyre de PotrcAHFK Di< Smyiinb. P.-Th. Camelot, O. P., prof, aux Fac. dominie, du Saulchoir (3· édition, 1958)..................... 12,00 11. Ηηίόι.υτκ dk Rome : La Tradition apostolique. B. Botte, O. S. B., au Mont-César (1916)............................................. Épuisé 12. Jean Mosckvs : Le Pré spirituel. M. J. Rouet de Journcl, S. J.» prof, à l’Inst. cath. de Paris {trad, seule) (1946).... Épuisé 13. JkaxCunvsosTOMK : Lettres A Olympias. A. M. Malingrcy, agr. de l’Université (1947)...................................................... Épuisé Trad, seule .... 8,70 14. H1PPOI.YTK : Commentaire sur Daniel. G. Bardy et M. Le­ fèvre (1947)............................................................................ Épuisé Trad, seule .... 9,60 NF 15. AtetaNasr u’Ai.kxandhir : Lettres à Sérapiou. J. Lebon, prof, à rUniv.de Louvain (trad, seule) (1047)....................... 8,10 te. Oriopnb : Homélies sur l'Exode. U. de Lubaç, S. J., cl J. Fortier, S. .1. (Irad. seule! (1917)..................................... 10,50 17. Basilr nu Cksahkr : Traité du Saint-Esprit. B. Pruche, O. P (1947)............................................................................. Épuisé Trad seule.... 10.50 18. Atiianasr 11’Λι.ΒΧΑΐίηηΐΒ : Discours contre les païens. De l'incarnation du Verbo. P. Th. Camelot. O. P. (1947)., 12,30 19. Hii-AtiiRon Poitiers Traité des Mystères. P. Brisson, prof. à l'Univ. de Poitiers (1917)................................................... 7,50 20. TiiAophii.r u'Antiochb ; Trois livres à Autolycus. J. Sender <1948}....................................................................................... 10.80 Trad, seule.......... 7,20 21. Ëtiibrib : Journal de voyage H. Pctré, prof, .! SainteMarie deNeuilly (réimpression1957)................................. 11,70 22. Lbo.x i.i! Grani» : Sermons, t. 1. J. Leclercq, O. 5. B., et R. Dolle, O.S. B., à Clcrvaux(1949).................................... Épuisé 23. Ci.Amrnt î/Ar.rxAMiniH : Extraits de Théodote. F. Sagnard, O. P., prof, aux Fac. du Saulchoir (1948)............................... Épuisé 24. Ptoi.bmkic : Lettre à Flora. G. Quispcl, prof, è l’Univ. d'Utrecht (1949)..................................................................... Épuisé 25 bis. Amaroisb γ»β Milan · Des sacrements. Des mystères. B. Botte. O. S. B <1961 j................................... 13,20 26. Basilr ns Cksarkb : Homélies sur l’Hexaéméron. S. Gict, prof, à l'Univ. de Strasbourg (1950)................................... 19,50 27. Homélies Pascales : t. L P. Nautin, chargé de recherches au C. N. K.S. (1951)........................................ 8,40 28. Jean Chrysostoxb : Sur l'incompréhensibilité de Dieu. F. Caval lcra, S. J., prof. A l’inst. cath. de Toulouse, J. Daniélou, S. J., et B. Fiacelièrc. prof, à lu Sorbonne (1951)...................................................................................... Épuisé 29. Orihkxb : Homélies sur les Nombres. J. Mchat, ngr. de l’Univ. (trad, seule) (1951).................................................... 21,00 30. Cmoiknt n Alrxandhir : Stromate I. C. Mondéserl, S. J., et M. Caster, prof, à l'Univ. de Toulouse (1951)............ Épuisé 31. EirsRDK ns Cbsarkk : Histoire ecclésiastique, t. 1. G. Baril y (1952)...................................................................................... 17,40 32. Grbgoirb lb Grand : Morales sur Job. H. Gillet, O.S.B., cl A. de Gaiidemaris, O.S.B., à Paris (1952).................. 14.40 33. A Diognéte. H.-l. Marrou, prof. A la Sorbonne (1952)........... 11,70 34. !r forth; dr Lyon : Contre les hérésies. livre III. F. Sagnard. o. P. (1952)............................................................................ Épuisé 35. Tbrtulubn : Traité du baptême. F. Refoulé. O. P. (1952).. Épuisé 39. Homélies Pascales, t. 11. P. Nautin (1953).......................... 5,85 NF 37. Origknb : Homélies sur le Cantique. O. Rousseau, O.S.B., à Chêvctognc (1954j............................................................. 38. Ci.Amknt d'Ai.bxandhir : Stromate II. P. Camelot. O. P., ct C. Moiidéscrt, S. J. (1954;................................................... 39. Lactancu : De la mort des persécuteurs. 2 volumes. J. Moreau, prof, à l'Uni versi te delà Sarre (1954)................. 40. Thkodoiikt : Correspondance, t. I. Y. Azéma. agr. de l'Univ. (1935)....... :............................................................................. 4t. Euskbr i»r Crsakkr : Histoire ecclésiastique, t. 11. G. Hardy (1955)...................................................................................... 42. Jran Cassi en : Conferences, I. I. E. Pichery, O.S.B., à Wisqucs (1955)..................................................................... 43. S. Jbiiômb : Sur Jouas. P. Antin, O.S. B., à Lîgugé (1956).. 44. Pkilox&nk dr Maooouo : Homélies. E. Lemoine (trad. seule) (1956)........................................................................... 45. Amdroisr dk Milan : Sur S. Luc, t. 1. G. Tissot, O.S.B., é Quarr Abbey (1957).......................................................... 46. Trrti.llîrn : De la prescription contre les hérétiques. P. de Labriolle et F. Refoulé, O. P. (1957}........................... 47. Philon ι»Άι.κχλνιιπικ: La migration d’Abraham. B. Cad ion, prof. Λ rinsl. Cathol. de Paris (1957)................................... 48. Homélies Pascales, t. 111. P. Nautin et F. Flocri {1957;. .. 49. Lkon lb Grand : Sermons, t. II. R. Dolle, O.S.B. (1957) . 50. Jban Chrysostdmk : Huit Catéchèses baptismales inédites. A. Wenger, A. A.s do l'Inst. fr. des Et. by«. (1957} .... 51. Symi^on lk nouveau Théologien : Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques. J. Darrouzès, A. A. (1957)......... 52. Amdhoisb db Milan : Sur S. Luc. t. II. G. Tissot, O.S. B. (1958)..................................................................................... 53. IIbrmas Le Pasteur. R. Joly (1958)..................................... 54. JuanCassibn : Conferences,t. ILE. Pichery, O.S.B. (1958).. 55. El-sèdr dr Chsarée : Histoire ecclésiastique» t. III. G. Bardy (1958).................................................................... 56. Atiianasb d'Albxandiiib : Deux apologies. J. Szymusiak, S. J. (1958)............................................................................. 57. Thkodoiikt dk Cyr : Thérapeutique des maladies hellé­ niques. 2 volumes. P. Canivet, S. J. (1958)........................ 58. Denys l'Arbopaoitb : La hiérarchie céleste. G. Heil, R. Roques, prof, ù la Fac. de Théol. de Lille, et M. de Gandillac. prof, à la Sorbonne (1958}.............................. 59. Trois antiques rituels du baptême. A. Salles, de lOratoirc (1958)............................................................................. 60. Ablrbd de Rirvaulx : Quand Jésus eut douze ans... Dom Anselme Hoste. O.S.B., à Stecnbrugge et J. Dubois (1958). 61. Guii4.AU.MR dr Saint-Thierry : Traité do la contemplation de Dieu. Dom J. Ifourlicr, O.S.B., à Solcsmes (1959}... θ»30 10.80 25.80 7,80 19,20 19,50 8,10 21,00 21,00 9,60 6.00 7,80 7,20 16,50 9,60 18.00 19,50 21.00 17,50 12.90 48,00 24.00 3,60 6.60 8,40 62. In bn kb DK Lyon : Démonstration de la prédication aposto­ lique L. Froidevaux, prof, à l'institut catholique de Paris. Nouvelle trad. sur l'arménien (trad, seule} (1959).. 6.3. Bichahd db Saint-Victor : La Trinité. G. Salet, S. J., prof, à la Fac. deThcol. dc Lyon-Fourvière. {19591. 6i. Jban Cassikn : Conférences, t 11 I. E. Pichcry,O.S.B. (1959). 65. Gki.ask 1° : Lettre contre les Lupercales et dix-huit messes du sacramentaire léonien. G. Pomarés, Dr en thcol. {1960}.......................................................................... 66. Adam db Pkkskionb : Lettres. t. I. J. Bouvet, supr du grand séminaire du Mans {I960)................................................. . .. 67. Origénk : Entretien avec Heraclide. J. Scherer, prof, à l’Uni v. de Besançon ( 1960}................................................... <»6. Marius Victori nus : Traités théologiques sur la Trinité. P. Henry. S. J., prof, à l'institut catholique dc Paris, et P. HadoU chargé dc reuh. au C-N.R.S. Tome I. In trod., texte critique, traduction (I960;. 69. Id. — Tome 11. Commentaire et tables (I960). Les 2 vol. 70. Clbmbnt d’Alrxandrik : Le Pédagogue, t. I. H.-I. Marrou ct M. Harl, prof, â la Sorbonne (1960)............................... 71. Oriobnr . Homélies sur Josué. A. Jaubert,agrégée de l'Uni­ versité (1960)......................................................................... 72. Amkdbk uk Lausanne : Huit homélies mariales <·. Bavaud, prof, à Fribourg, J. Déchusses ct A. Dumas, O.S.B. à Haul.ecombc (i960)............................................................. 73. E· suus dr Cksahkr: Histoire ecclésiastique, t. IV. Introd. générale dc G. Hardy cl tables de P. Périchon (1960)....... 74. Leon lr Grand : Sermons. L. III. Il Dolle, O.S. B. (1961). 75. S. Augustin : Commentaire de la Ire Épitro de S. Jean. P. Agacssc, S. J., prof, à la Fac. dc Philos, de Valsprès-Lc-Puy (1961)................................................................ 76. Abi.rbd DK Kirvaulx : La vie de recluse. Ch. Dumont, O. C. S. O., à Scourmont (1961)........................................ 77. Dbi-bnsiiii dk Ligvgk : Le livre d'étincelles, t. I. II. Ho­ chais. O. S. B., à l.igugé (1961).......................................... 78. GniooiRB dr Naukh : Le livre do Prières. 1. Kechichian,S J. (lrad. seule; (1961j................................................................ 79. Jkax Chrysgstomb : Sur la Providence de Dieu. A. M. Ma· lingrey (lv6!)........................................................................ 60. Jban Damascrnr : Homélies sur la Nativité et la Dormi­ tion. P. Voulel, S. J. (1961)...................................... 81. Nicûtas Strtimtos : Opuscules ct lettres. J. Dorrouxés, A. A. (1961)........................................................................... 82. Guiij.aumb db Saini-Tkibrio : Expose sur le Cantique des Cantiques. Dom J.-M. Déchanct, O. S. B. (1962).... NF 9.60 24,00 15,00 13,80 10,50 9,60 49,50 16.80 30,00 15,00 24,00 15,60 18.00 13,80 18.00 25,20 19,50 14,70 39.00 21,00 NF 83. Didymb i/Avbi'glb : Sur Zacharie. Texte inédit. Γ.. Doutreleau, S. J. Tome I. Introduction et livre l (1962). 84. Id. — Torne II Livres Π cl III (19b2J. 85. Id. — Tome Hl. Livres IV ct V, Index (1962). Les 3 vol ... 84,00 86. Dkfex.aok dr Ligugk : Le livre d’étincelles, l. H. H. Ho­ chais, O. S. B. à Ligugé (1962). 87. Oiugène : Homélies sur S. Luc. II. CrouzcL F. Fournier cl P. Périchou, S. J. (1962) SOUS PRESSE : Catéchèses. Texte cri­ tique. 3 volumes. B. Krivochcinc et J. Purainclle, S. .L Symko.x lb Novvbau Thrologibv : S. Axsbi.mk : Cur Deus homo. H. Roques. Vio do sainte Melanie. Dr Denys Gorce. Lettre d’Aristéo à Philocrato. A. Pelletier. S. J. Baudouin i»r For» : Le sacrement de l'autel. J. Morson. O. C.S. O r E. de Solms. Û.S. B.. J. Leclercq, O. S. B. Également aux Éditions du Cerf : LES ŒUVRES DE PHILON D’ALEXANDRIE publiées sous la direction