SOURCES CHRÉTIENNES Directeurs-fondateurs : II. de Lu bac} $. j., el J. Danièlou, s. j. Directeur : C. Mondéserl, s. j. No H6 AUGUSTIN D'HIPPONE SERMONS POUR LA PAQUE INTRODUCTION, TEXTE CRITIQUE, TRADUCTION ET NOTES DU Suzanne FOQUE Agrégée de rUniversilé LES ÉDITIONS DU CERF, 29, bu uk 1966 Latour-Maubourg, PARIS ABRÉVIATIONS Pour les ouvrages et les revues cités le plus fréquemment, les sigles suivants ont été utilisés : CCL Corpus Christianorum. Series Latina. Turn­ hout. CSEL Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latino­ rum de Vienne. DACL Dictionnaire d’Archéologie chrétienne et de Liturgie. DTC Dictionnaire de Théologie Catholique. W/l I et II Miscellanea Agostiniana. Testi c Sludi. Roma 1930-1931. PG Patrologie Grecque de Migne. PL Patrologie Latine de Migne. RB Revue Bénédictine. rea Revue des Études Augüstiniennes. RSR Recherches de Science Religieuse. SC Sources Chrétiennes. Jnunucoupint eslq ’ -xnuT .sniîij.ï -OitÜRj mu· y b Jû V’ Jxmc INTRODUCTION Dans la prédication d'Augustin, les sermons du cycle pascal présentent un intérêt tout particulier, car ils com­ mentent le mystère central de la vie chrétienne. Du fait que les rites d’initiation étaient plus spécialement et plus solennellement conférés pendant les fêtes de Pâques, ils sont une précieuse source pour l’histoire de la liturgie. Mais, dans les éditions, les sermons sont dispersés 12 et, de ce fait, la cohérence de la pensée augustinienne elle-même, bien souvent, échappe. Pour reconstituer une prédication pascale, à Hippone au début du v® siècle, il a donc paru intéressant de présenter, en suite continue, un exemple de chacune des prédications auxquelles donnaient lieu les cérémonies liturgiques, celles du moins pour lesquelles des sermons nous ont été conservés. La célébration pascale, la Ma paschalis solemnilas*, commence avec le début du carême ; le premier temps en est constitué par les «quarante jours très saints 3 ». C’est aussi le moment où s’inscrivent les candidats au baptême et le début de leur préparation. La tradition du Symbole, la tradition du Pater, la célébra­ tion de la Passion, celle de la Nuit pascale, celle du Jour de Pâques, celle enfin de chacun des jours de l’Octave sont commentées dans la prédication. 1. Pour les sermons édités par les Nbmrlxtcs, duns les Sermon» (V 1 cl 2; PL 38 et 39) dispersés dans les différentes sections de scripturis, de tempore, de diu/Tsis, dans If s Eragrncnla ; dans les Tractatus in laannis Euangelium et Epistolam (III, 2 ; PL 35) ; dans les Enarrationes In Psalmos ( IV, 1 : PL 36); le De Symbolo (VI; PL 10); De utilitate leinnli (VI; PL 10). Pour Jcsposf Maurinos rcpcrlL dans le volume édité par Dom Morin, Aftecelfanwi Agosliniana. vol. I. Rome 1930. Enfin pour les sermons publiés par Dom Lam . bot, dans la Revue Bénédictine. 2. S. 210, 9. 3. Hi sunt enim dies sacratissimi toto orbe terrarum. S. 209, I. 10 INTRODUCTION Mais, on le sait, l’ordre des péricopcs liturgiques a changé sous l’épiscopat d’Augustin et ne serait-ce que pour ce motif, sans parler des autres, il serait souhaitable de pré­ senter l’ensemble d'une prédication, en en empruntant les échantillons à des années très voisines ou, ce qui serait l’idéal, à la même année. Or la datation des semions pose un pro­ blème qui n’est pas résolu ’. Par bonheur l’étude de la tradition manuscrite a permis de mettre en lumière quelques données essentielles, du moins pour la semaine de Pâques. Dom C. Lambot · a montré que des homiliaires nous avaient conservé des séries pascales constituées à Hippone, par des auditeurs eux-mêmes, contenant les sermons dans l’ordre où ils furent prononcés, au cours d’une même année. Ainsi en est-il de la collection antique Alleluia (ms. Orléans 155, xe siècle), des sermons contenus dans V Homiliaire de Fleury (vine siècle, aujourd’hui démembré : Orléans 154 et Paris B. N. n. a. 1., 1598-99) et dans un manuscrit tardif de Wroclaw (Uniw. I F 123) ; une troisième série incomplète (elle s'arrête au vendredi) se trouve dans une petite collec­ tion antique en provenance de Cluny (ms. Bruxelles B. R. 14920-22 du xie siècle) ; une quatrième, également incom­ plète, se trouve dans VHomiliaire du Pseudo-Fulycnce. Les séries pascales ainsi conservées vont du dimanche de Pâques au dimanche do l’Octavc, soit un ensemble de dix prédica­ tions. Par la suite, les compilateurs ont démembré les séries pour regrouper les sermons assignés à un même jour. C’est le cas, entre autres, de la célèbre collection Guelferbytana (Wolfenbüttel 4096, du x° siècle) et des homiliaires litur­ giques mixtes. Ces regroupements restaient arbitraires et leur caractère incohérent s'est accentué dans les éditions 1· Cf. A. Kvnzkgmann» · Die Chronologie der Sermones des HI. Augus­ tinus MA H» p. 417-520. En dépit de révident intérêt de cette importante étude, il faut bien constater que tous les sermons ne peuvent être datés. que beaucoup ne Pont été que de façon très vague» que certaines datations sont à réviser. 2. C. Lasîbot, « Collection Antique des Sermons de saint Augustin », RB» I. LVI1 (1947), p. 89-1 OS et · les Serinons de saint Augustin pour les Fêtes de Pâques, Tradition manuscrite ». Mélanges Mgr Andricu (Repue des Sciences Religieuses. 1957), p. 2G3-278. 3. Surcroît de confusion, lorsqu’un · Choix · de sermons de Pâques donne, sous les dehors d’une présentation méthodique, une suite aberrante. Ainsi INTRODUCTION 11 C/cst la suite des sermons de VHomiliaire de Fleury que nous avons choisi d’éditer comme type de prédication pas­ cale. Mais la série de rHomiliaire ne commence qu'avec le sermon du matin de Pâques et il ne pouvait être question de ne pas donner, dans une série pascale, une prédication de la a nuit sainte . Le Sermon 221, restitué en son entier par Dom Morin, d’après le codex Guelferbytanus 4096, en fournit, de toute évidence, le plus éclatant document. Restait à compléter le cycle. Pour la prédication de la Passion, le choix n'était pas très large : il ne nous reste que trois sermons de ce type. Le sermon 218 des Mauristes d'une facture sèche et monotone n'est qu’un résumé très succinct. Des deux sermons publiés par Dom Morin, nous avons retenu le S. Guelferbytanus 3. Pour la tradition du Symbole et du Pater, nous avons choisi les S. 212 et 59 qui se suivent dans une partie de la tradition manuscrite et qui ne semblent appartenir ni à une période trop précoce de l'épiscopat d'Augustin (comme sans doute le S. 215) ni à une période trop tardive par rapport aux semions de l’Homiliaire (comme par exemple le S. 214). Le Sermon 211, pré­ dication de Carême, est si caractéristique de la pensée T. Wrlt.br, .SVtectaf Easter Sermons of Saint Augustine, Saint Louis, U.S.A. 1959. I-e recueil s’ouvre par le 5. Denis I qui n’est sûrement pas authentique. (Cf. P. Vekbraken, « Une laus cerci africaine » dans RB . t. LXX (1900), p. 309). Sous le numéro 7. 1’Enarratio in Ps. 41 (1,2,3 uniquement) est pré­ sentée (p. 263) comme étant préchée pendant le baptême de la nuit de Pâques, ce qui est manifestement erroné. Le n® 12 donne le S. Denis III dont l’authenticité est des plus douteuses. Sous les n®· 16 et 17, curieusement placés entre un sermon de Pâques (n® 15) et un sermon du lundi de l’Octavc (n® 18). trouvent place le S. Mai 89 (qui est du dimanche de l’Oetave) et le S· 255 (qui fut prononcé hors d’HIppone, entre le dimanche de l’Oetave et la Pentecôte). Sous le n° 19, le N. 116 est donné comme prédication du mardi (il fut prêché en réalité un mercredi). Sous le n° 20, le S. 231 est présenté (p. 291) comme le meilleur type de prédication du mercredi (il est du hindi, prêché la veille du S. 232» sermon que T. Weller n’a pas accueilli dans son anthologie). Sous le ti° 23, le S. 146 est donné comme étant du samedi de Pâques (il est plus probablement du dimanche de l’Oetave, du temps d’un premier orrfo). Les Sermones in traditione cl redditione du Symbole et du Pater sont anachroniquemcnt placés après toute la prédication de l’Oetave. 1. Pour les sonnons de la Vigile, contrairement à co qui avait lieu pour ceux de la semaine de Pâques, un recueil de la bibliothèque d’HIppone re­ groupait des prédications de plusieurs années : cf. Possimus, Per uigilias Paschae tractatus niginti 1res. Indiculus, éd. Λ. Wilmart ; MA II. p. 205. 12 INTRODUCTION d'Augustin et de sa manière que nous avons jugé qu’il ouvrirait dignement notre série. Pour introduire ces sermons, il a paru nécessaire de donner des éclaircissements dans trois directions. Les références au mystère de Pâques, ou à telle ou telle étape de la prédication (comme la tradition du Symbole et du Pater, le sermon de sacramentis), ou à tel ou tel rite de l'initiation (par exemple le «sacrement de l’exorcisme»), réclamaient que l’on exposât, de façon suivie, d’une part la signification qu’avait, pour l’évêque d’IIippone, la fête de Pâques en elle-même, d’autre part le déroulement des rites que l’on y célébrait. Ces développements constituent la première partie de l'introduction qui s’intitule : le Sacre­ ment de Pâques. La richesse doctrinale des sermons édités ici apparaît mieux quand on les éclaire par tout le contexte. Ces prédi­ cations reçoivent alors une nouvelle clarté du rapprochement de toutes celles de même type, prononcées d’année en année dans de semblables occasions. La deuxième partie de l’introduction traite donc de la prédication pascale et quelque cent cinquante homélies y font converger leur lumière sur nos quinze sermons. Pour chacune d’elles, on s’est attaché à en préciser l’occasion, à y retrouver l’écho des lectures liturgiques, à la situer chronologiquement par rapport aux autres, assuré que cette investigation métho­ dique, qui n’avait pas encore été tentée, permettrait une meilleure intelligence des textes. Il ne restait plus qu’à présenter les textes eux-mêmes, en étudiant leur style, leur datation, leur tradition manus­ crite, les éditions. C’est le sujet de la dernière partie de celle introduction. CHAPITRE I LE SACREMENT DE PÂQUES Pour la pensée chrétienne et, ce qui nous occupe ici, pour la pensée d’Augustin, la célébration de la Pâque est beaucoup plus qu’une fête anniversaire. Notre but est de montrer, en nous tenant le plus possible aux textes mêmes de sa prédication pascale, comment l’évêque d’Hipponc entendait et commentait le mystère, le sacramentum : Pâques est le sacrement du passage ; de ce passage voici les étapes successives : la Pâque du Christ, la Nouvelle Naissance, le retour des Pénitents, le passage des Fidèles ; voici l’issue : au terme du passage, le Christ-Lumière. Ce seront les chapitres de cette première partie. 1. LE SACREMENT DU PASSAGE Securi agamus Pascha (S. 216, 6). * Faire Pâque », c’est d’abord commémorer la mort et la résurrection du Christ. En cela consiste la sollemnitasx. Son objet est de renou­ veler en nous plus joyeusement le souvenir du fait histo­ rique : « Édifions-nous à croire que le Christ Seigneur est ressuscité. Sans doute le croyions-nous déjà quand nous avons entendu lire l’évangile, sans doute le croyions-nous déjà en entrant aujourd’hui dans cette assemblée, et pour­ tant, je ne sais comment, c’est avec joie qu'on l’entend, car le souvenir en est ravivé » (S. 234, 2). Memoria nostra laetius innouetur ; bien plus : fides nostra clarius illustretur 1. Sollemnitas : le mot, postérieur Λ l'époque classique, est un dérivé de sollemnis qui se dit, dims la langue religieuse, des fêtes qui reviennent annuel­ lement, des fêtes établies et, par suite, comme nous le disons, « solennelles ». Augustin donne l'étymologie (inexacte) : Solemnitas enim ab eo quod solet in anno nomen accepit (S. 267,1). La sollemnitas est donc une fête anniversaire. L’évolution sémantique, qui aboutira au français : fête solennelle, est déjà amorcée, puisque Augustin use parfois du pléonasme : anniuersaria sollem­ nitate celebrari (S. Guel/. 15,1). 14 INTRODUCTION (S. 218, 1). Car l’essentiel de la foi est précisément de croire au Christ ressuscité. Puisque l’occasion lui en est donnée par la sollemnitas, et que la possibilité lui en est offerte par la celebratiol2 3, le pasteur doit veiller à l’authenticité de cette foi : a Que personne ne croie du Christ que ce que le Christ a voulu que l’on croie de lui » (S. 237, 4). Les différents récits de la résurrection servent de point de départ pour lutter contre les diverses hérésies trinitaires et christologiques : a Qu’a voulu me montrer le Christ en ceci, si ce n’est qu’il savait ce qu'il m’est bon de croire et ce qu’il m’est nuisible de ne pas croire ? » (S. 238, 2). Contre les manichéens et les prisCillianistes, il prêche donc la foi au Christ uerbum et caro ’, contre les sabelliens, les ariens, les disciples de Photin, la foi au Christ aequalis Patri9, contre les apollinaristes, la foi au Christ deus et homo 45 6, contre les donatistes, la foi au Christ corpus et caput9, contre les pélagiens enfin la foi au Christ medicus *. Ainsi la fete de Pâques ravive-t-elle l’allé­ gresse du chrétien, en même temps qu’elle éclaire sa foi· « Faire Pâque », c’est plus encore. Car Pâques n’est pas seulement, comme Noël, comme l’Épiphanie, comme bien d’autres fêtes chrétiennes, une sollemnitas, mais aussi un sacramentum. La sollemnitas vise les faits et l’enseignement objectif qu’ils comportent, le sacramentum introduit les fidèles dans une réalité invisible qui les concerne directe­ ment. Que le Christ ressuscité ne meure plus et que la mort n’ait plus sur lui son empire, voilà l’objet de la sollemnitas. Que le Christ ait été livré pour nos péchés, soit ressuscité pour notre justification : voici le sacramentum. C'est du moins ce qu’explique la lettre à lanuarius (Epist. 55, 1-2). A ce sujet le sermon 272 fournit une définition : κ Ceci s’appelle sacramentum parce qu’autre est ce qui y est vu, autre ce qui 1. Cdebralto signifie proprement FaOluence. Ιλ célébration est une céré­ monie qui rassemble un grand concours de jieuple. Co sens est tout ù fait conforme à l’usage classique. 2. S. 238 : S. Mai 95 ; S. 6ud/. Xppend. VII. 3. S. 244 ; S. 246 ; S. Guclf. 11 ; S. Mai 95. 4. S. 237 ; 5. Dentt 5. 5. S. Denis 6 ; Denis 8 ; S. 227 ; 250 : 272. 6. 5. Gudf. 9 ; S. Guelf. 17 ; S. 243 ; S. Mai 95. LE SACREMENT DE PÂQUES 15 y est compris. Ce qui est vu possède une apparence maté­ rielle, ce qui est compris comporte un fruit spirituel >. » Selon la lettre à lanuarius, une célébration liturgique est un sacramentum lorsque la commémoration des faits histo­ riques est telle que l'on comprenne qu'elle signifie un don sacré fait au fidèle à travers elle. « Faire Pâque », c'est rece­ voir ce don invisible, ce fructus spiritalis, cet aliquid quod sancte accipiendum est123. Bien plus, le < sacrement de sa passion et de sa résurrection (S. 231, 7) » est le sacramentum par excellence, car le fait visible, signifiant, est la mort et la résurrection historiques ; le fait invisible mais réel, signifié, le passage de la mort ù la vie. Pâques est le sacrement du passage. Le mot lui-même l’indique : pascha en hébreu signifie transitus ’. Après avoir mis en garde contre l’étymologie fantaisiste qui fait venir pascha de πασ/eiv4, Augustin cite habituellement trois textes : Jean 13,1 : ut transiret de mundo ad Patrem : Jean 5, 24 : Qui credit in me transit de morte ad uitam ; enfin Ro­ mains 4, 25 : traditus est propler delicta nostra, resurrexit propter iustiflcalionem nostram qui souligne moins le fait du passage que sa valeur sacramentelle, a A travers la passion, le Seigneur est passé de la mort à la vie et il nous a ouvert une voie, à nous qui croyons à sa résurrection, 1. Ista, fralres, ideo dicuntur sacramenta, quia in eis aliud uidetur, aliud intdttgîtur. Quod uidetur, speciem habet corporalem, quod (ntclligitur /ructum habet spiritalem (8. 272). 2. Sacramentum est autem in aliqua celebratione, cum rei gestae commemo­ ratio ita fil ut aliquid etiam significari intelligitur, quod sancte accipiendum est (Epist. 55,1). - Pour les divers sens du mot sacramentum, et. C. Coutu­ rier, · Sacramentum et Mysterium dans l’œuvro de saint Augustin », dans Études Augustiniennes (Paris 1953), p. 161-332. — J. dr Giikllinck, Pour PMstotre du mot Sacramentum (Paris 1924), étudie révolution du mot chez les premiers latins (Tertullien, Cyprion et les derniers anténleécns). 3. Cf. En. in Ps. 68.2 ; 120. 6 ; 138. 8 ; Tract, in Jo. Eu. 55, 1 ; Episl. 55, 3. 4. Étymologie assez en usage. Ainsi LacTasce, De diuin. Inst. 4,26 : Denique immolatio pecudis ab iis ipsis qui faciunt, pascha nominatur ίζό του xio/ltv, quia passionis figura est, quam deus prescius futurorum tradidit per Moysen populo suo celebrandam· Dans son étude « Pascha, Passio, Transitus ·, dans Ephemerides Lilurgicae LXVI (1952), fasc. 1, p. 37-52, Ch. Momrmanx, gprèsavoir donné des références pour les deux interprétations Pascha fr.M'/cve et Pascha;transitus, s'attache spécialement (p. 43 et 48-52) û mettre en lumière le commentaire de Paschaltransitus chez saint Augustin, avec de nombreuses citations. 16 INTRODUCTION pour que nous passions, nous aussi, de la mori à la vie... Croire qu’il est mort, ce n’est rien. Les païens, les juifs, les méchants le croient. La foi des chrétiens est une foi en la résurrection. Voilà ce qui est important. H a voulu qu'on ait connaissance de sa résurrection, c'est-à-dire de son pas­ sage. 11 a voulu que l'on croie en lui au moment de son passage » (En. in Ps. 120, 6). 2. LA PÂQUE DU CHRIST La pâque du Christ s’est accomplie dans le temps. Il est venu chez nous, puis il est remonté vers son Père. Il est venu pour procéder à un échange. Sa mission fut une mis­ sion commerciale. L'idée et le mot peuvent étonner ; ils se trouvent dans la prédication d’Augustin où le déve­ loppement de ce symbolisme est très net et souvent repris x. Curieusement, ce thème de l’échange des biens, du troc des marchandises est beaucoup plus développé chez lui (à ne considérer que les sermons qui nous occupent) que ne l’est la mission de sauveur ou même le rôle de rédempteur. Ainsi, à côté des images traditionnelles du Christus saluaior qui délivre ou du Christus redemptor qui paie les dettes, se pro­ filent, comme en surimpression à ceux du Christus medicus qui guérit, les traits originaux et bien dessinés du Christus mercator, venu chez les hommes prendre livraison de la mort, en échange de la vie. Cette mission exige un voyage, le passage d’une frontière : « Venant de son pays... » (S. 233, 4) ; « Notre Seigneur est donc venu d’un autre pays vers ce pays... vers le pays de la mort venant du pays de la vie, vers le pays de la peine venant du pays du bonheur » (S. Guelf. 9, 1). Mercator iste... (S. 233, 4) : on sait que la langue post-classique con­ fond les sens de deux mots distincts, mercator : le commer­ çant, voire le petit boutiquier, et negocialor : l’importateur. Le mercator dont il s’agit ici est plutôt l’homme d’affaires que ses transactions appellent en des terres lointaines, I. Cf. Martin Herz, Sacrum Commercium. Eine begrtffsgescMchtltche Sludte sur Théologie der rSmischcn Liturgiesprache, Munich 1958. S. Poque, · Chrt»tus mercator », dans RSR I960, p. 564-577. LE SACREMENT DE PÂQUES 17 en de barbares contrées. N’oublions pas qu’Hippone était un port, la Numidie une marche du monde romain. Au-delà, c’est le désert où les caravanes ne rencontrent d’abord que la désolation et la soif. Ainsi en est-il de notre marchand : « Le marchand a trouvé dans notre pays ce dont il y a pro­ fusion. Qu’y a-t-il en profusion ? naissance et mort. Voilà les marchandises dont la terre est pleine, naissance et mort » En ce triste pays, il noue cependant, comme tout voyageur antique, des liens d’hospitalité : σ II a mangé avec toi ce qui se trouve en abondance dans la pauvre maison de la misère. 11 a bu ici le vin aigre, il a bu ici le fie!» voilà ce qu’il a trouvé dans ta pauvre maison ; mais en retour il t’a invité à sa grande table du ciel » (S. 231, 5). Les acquisitions sont payées en nature, selon le système du troc. Contre une denrée pour lui totalement exotique, la mort, il donne ce qui fait totalement défaut en ce pays, la vie : e Car à lui, qui est la Parole, d'où lui viendrait la mort ? Et à nous, hommes de la terre, mortels, corruptibles, pécheurs, d'où nous viendrait la vie ? 11 n’avait rien dont il pût tirer la mort, nous n’avions rien dont nous eussions pu tirer la vie ; il a reçu la mort de notre avoir pour, du sien, nous donner la vie » (S. 232, 5). « Notre marchand, en venant de son pays, a transporté ici une valeur d’importance » (.S. 233, 4). < Car ressusciter et vivre pour toujours, qui connaissait cela ? Telle est la nouveauté qu’il apporta dans notre pays » (S. Guelf. 12, 1). * Il est venu en nous portant scs biens, il les portait sans qu’on le sût # (S. Guelf. 9, 1). « Il fit avec nous un extraordinaire commerce, nous avions ce dont il est mort, il avait ce dont nous vivrons » (S. Guelf. 3, 1). Le S. Denis 5 (qui n'est peut-être pas authen­ tique) dit encore plus familièrement : « Faisons un échange : je te donne, tu me donnes. Je prends de toi la mort, prends de moi la vie. » De telles transactions n’enrichissent pas leur auteur, Augustin tenait le renseignement de saint Paul (II Cor. 8, 9) et le présentait ainsi : a Dieu te dit : j'ai rendu mon fils pauvre à cause de toi. C’est en effet à 1. Mercator isle inuenit in regione nostra quod hic abundat. Quid Mc abun­ dat 'l Nasci et mori. Plena est terra his mercibus nasci el mori (S. 233, -1. Cf. S. Guet/. 9, 1 ; S. 231, 5). Augustin d'Hippone. 2 18 INTRODUCTION cause de nous que le Christ, de riche qu’il était, s’est fait pauvre » (S. 239, 6). Il dit encore : Magna mutatio I Ills factus caro, isti spiritus (S. 121, 5). La bonne affaire était si incroyable que le marchand a dû nous laisser un gage : u Vous ne voulez pas croire que je vous donnerai ma vie ? Prenez en gage nia mort ■ (S. 231, 5). < Nous refusera-t-il sa vie, lui qui nous a payé d’avance sa mort ? » (S. 233, 4). Parfois, il achète les fidèles eux-mêmes (idée qui n’avait rien de choquant dans le monde antique) : Quando iacuil lune nos emit (S. Guelf. 1, 5). « Au moment de la vente, il n'a pas caché ce qu'il a acheté. Il en a dressé l’acte. Grâce à Dieu il ne nous a pas fraudés x. » On voit que le thème est proche, mais bien distinct, de celui du redemptor qui rachète de l’esclavage pour dettes, qui déchire la cédule (le chirographum) et fait sortir de prison *. Telle est l'aventure du marchand-voyageur, de l’étranger de passage, peregrinus in mundo (S. 239, 2) 12345. Le passage du Christ tient à une autre raison. Les hommes sont malades. Après la tournée du marchand, la visite du médecin : Venit medicus tunc *... ; Medicus Christus 6... Le symbolisme se fonde cette fois plus explicitement sur les textes scripturaires : Marc 2, 17 et Luc 5, 31-32, textes qu’Augustin ne cite pas, exception faite du S. Bibl. Casin. II, 114, où les versets de Luc fournissent le point de départ de la prédication. Il s’agit d’un sermon de circonstance. Peu avant le carême, chaque année, on encourage les caté­ chumènes à donner leur nom pour le baptême : « Le Christ aime les pécheurs, comme le médecin aime le malade, pour 1. Scd non tacuit in commercio suo quid emerit. Fecit tabula*. Dca rjratias non nos fefellit (In la. Eu. 13, -1). 2. J^e symbolisme du redemptor s’exprime chez Augustin dans les termes de debitor, debere, liberare, redemptor, redimere, chirographum. 3. L’idée de commerce et celle de voyage étaient si communément asso­ ciées que lorsque Optât de Mii.ève veut mettre en parallèle l’état de nutria, de soldat cl tic commerçant, il s’exprime ainsi : comparasti merces, peregri· nalus es, cgisli nundinas, lucri causa quod emeras vendidisti (CSEL, XXVI, iv, 3). 4. S, Guelf. Append. VII, 2. <’.f. Medicus tantus uenit (S. Mai 16); /Id aegrotos medicus uenit (S. Mai 19) ; Et enim uenit ille medicus humilis (S. Mai 22). 5. S. Guelf. 9, 3. LE SACREMENT DE PAQUES 19 tuer la fièvre et le sauver lui. Il ne veut pas qu’il soit tou­ jours malade pour avoir toujours à le visiter, mais il veut le guérir... Donc le meilleur des médecins, pour qui nulle maladie n’est incurable, a commencé à te soigner. Ne crains pas les crimes passés que tu as pu commettre, pour mons­ trueux, pour incroyables qu’ils soient ; grandes sont tes maladies, mais plus grand le médecin » (S. Bibl. Casin. II, 114, 1, 2). Le thème se trouve chez d’autres auteurs dans la litté­ rature patristique. Chez Augustin, ce meilleur des méde­ cins (optimus medicus, medicus artifex. S. Guelf. 17) est aussi un medicus humilis (S. Mai 22)l23. C'est assez dire qu'il guérit de la présomption et qu'il joue un rôle dans la polémique anti-pélagicnne. Pierre a besoin d’un diagnostic qui lui révèle sa native faiblesse, d’un traitement qui lui donne des forces nouvelles1. Cependant ce n’est là qu’un aspect secondaire de la mission du médecin, telle que la met en lumière la prédication pascale. Comme le thème du marchand, celui du médecin revêt une coloration sobre­ ment pathétique, l’un venant fournir la vie en échange de la mort, l’autre (et c'est le meme) venant guérir les bles­ sures par l’attouchement de scs cicatrices. « Christ aurait pu si bien guérir les plaies de sa chair qu’on n’aurait même pas vu la trace de ses cicatrices, mais il voulut garder des cicatrices en sa chair pour enlever du cœur des hommes la plaie de l’incrédulité, guérir les plaies véritables par la marque de ses propres plaies » (S. Mai 95, 2) ’. « Le médecin ne les a pas laissés partir ainsi, il s’est approché, il leur a fourni un remède, il voyait les blessures de leur cœur et, 1. Cf. II. Aiuiesmann, · Christ the medicus humilis », dans Augustinus Magister t. 11 (1954), p. 023. — Pour l’étude philologique du thème, cf. P. C. G. Etgkenboom, liet Christus-Medicus molit/ in der Prekcn van sint Augustinus, Nimègue I960. 2. Cf. S. 253 ; S. Guet/. 17. 3. Pour Ambroise (ExpJ. Euang. sec. Luc., X, 170), Jésus a voulu con­ server la marque de scs plaies, non seulement pour affermir notre foi, mais encore pour aiguillonner notre attachement. De plus, il voulut ainsi « mon­ trer à Dieu Père le prix payé pour notre liberté ». Au contraire, le commen­ taire de Luc 5, 27-39 présente le Christ-médecin : «j’ai trouvé un médecin qui habite dans le Ciel », comme venant cautériser nos plaie* · parce qu’il n’en connaît pa* lui-même · (ièid.. V, 27). 20 INTRODUCTION pour guérir la blessure de leur cœur, il portait en son corps les cicatrices »(5. 237, 3) *. Ce genre de développement a peut-être son point de départ dans le texte de Pierre (/ Pierre 2, 24) citant Isaïe 53, 5 : cuius liuore sanati estis. Il ne semble pas qu’Augustin l’ait cité a. Le Christ ne cesse de passer parmi les hommes pour guérir et sauver. En celte pâque mystérieuse, où il est à la fois ici et en haut, auprès d’eux et auprès du Père, on voit s’éclairer la nature de sa pAquc historique, sa fonction de mediator : « Il s’est fait fils d’homme, il n’a pas cessé d’etre Ois de Dieu. Pour cela, il est médiateur au milieu. Que veut dire : au milieu ? Ni en haut, ni en bas. Comment ni en haut, ni en bas ? Ni en haut puisqu’il est chair, ni en bas puisqu’il n’est pas pécheur. Et cependant, en tant que Dieu, toujours en haut. Car il n'est pas venu vers nous de telle sorte qu’il quitterait le Père. Il est parti de chez nous et il ne nous a pas quittés, il viendra vers nous et il ne le quittera pas » (S. 121, 5). Il est donc venu chez les hommes pour leur donner ce que les chrétiens appellent le salut. Le mot latin est certaine­ ment beaucoup plus riche de signification, parce qu’il est beaucoup plus concret ’. Salus, c’est d’abord la santé, c’est aussi ce qui l’assure et la conserve *. Dieu est la source de celte santé qui nous fait vivre. La pâque du Christ vient transformer une santé transitoire, une vie éphémère, que nous partageons avec les animaux (cf. le commentaire donné 1. Cf. s. 237. 3 ; 212, G ; 243, 3 ; 23S. 2 ; 116, 1-2 : S. Bibl. Casin. IlJ, 136 ; S. Guelf. Append. VU, 2. 2. Vocabulaire du thème dans les sermons de la prédiction pascale : medicus, artifex, uuînur, cicatrix, medicamentum, freneticus, sanitas, ualetudo, salus, uires, dolores, morbum, ucna, aeger, infirmus, aegrotus, morbi· dus, uulneratus, periculosus, perniciosus, sanare, curare. aegrotare, procurare, pati, cuaderr, urnam inspicere, ucnam tangere, aegroto renuntiare morbum. 3. Si la déesse Salus, dont le culte est marqué dans les plus anciennes traditions latines, n’était pas primitivement une déesse de la santé indi­ viduelle mais du salut de l’iîtat (son temple le plus ancien s’élevait sur le Quirinal), elle tut très lôt identifiée avec VHugieia grecque et associée au culte d’/lselepîos. Elle avait un temple à Auzla en Mauritanie, qui avait été consacré en 250 (Ins. Latin. L, VIII, sup. 20747). 4. CL S. 116, 1. LE SACREMENT DE PÂQUES 21 au Ps. 35, 10, dans le S. 233), en une santé qui ne passe pas (quae non transit). Ce qu’affirme le S. 116/1 : ■ Notre salut, c'est le Christ » ; le S. 233, 4 écarte finalement la médiation de toute image : Ipsa salus hic ucnit..., « le Salut lui-même est venu ici ». En ces solennités de Pâques, où se donne l’initiation baptismale, il est naturel de reprendre, avec le verset 10 du Ps. 35, le symbolisme qui baigne toutes les Écritures, de la Genèse à Jean : Christas est fons uilac (S. 232, 2), Venit ipse fons uitae (S. Wilmart 11). L’image familière aux premières générations chrétiennes reste parti­ culièrement chère à Augustin. Telle est la pâque du Christ. 3. LA NOUVELLE NAISSANCE La fontaine de vie, jaillissant en source baptismale, fait accéder les fils d’hommes à la condition de fils de Dieu. Cette nouvelle naissance se prépare par une lente gestation dans le sein de l'Église, qui enfante en la nuit pascale ces vivants de la vie divine *. Des termes techniques marquent les différentes étapes de leur croissance spirituelle ; ils sont d’abord catechumeni, puis competentes, enfin, dès leur bap­ tême et pendant toute une semaine, on les appelle officiel­ lement : infantes, les Nouveau-nés ’. Bien que le baptême puisse être conféré dans d’autres circonstances, il reste étroi­ tement rattaché à la célébration pascale, et cela, en fait, car c'est â Pâques qu’avait lieu le plus grand nombre de baptêmes ’, et en droit, car l’initiation chrétienne est pré­ sentée comme une participation au mystère pascal. La pré­ dication qui commence ù l’entrée du Carême, pour se ter­ miner au dimanche de l’Octave, s'adresse donc aux fideles, mais tout particulièrement aussi, avant Pâques, à ceux qui vont recevoir le baptême (baptizandi) : les competentes ; 1. Vulua matris, aqua baptismatis (S. 119. 4). secunda natiuitas ex dea et ecclesia (S. 121, 4), ex dec palrc et matre ecclesia spiritaliter nasci (S. Mai 94,1), nus genuit ccclcsia malcr (S. Mai 92), sacramentum naliuitatis (Tr. in Ιο. Ep. V, 6). 2. Sauf exception (S. Mai 86, 3), on ne trouve pas dans la prédication neophytus, terme dont Augustin se sert ailleurs (e/. Epist. 55, 32). 3. Cf. S. 210. 2. 22 INTRODUCTION après Pâques, à ceux qui viennent de le recevoir (modo baptizati) : les infantes. Nos textes fournissent peu de pré­ cisions sur les rites d’initiation mais ils les supposent con­ nus ; il est bon de rassembler ici ce que le reste de l’œuvre nous apprend à leur sujet. Nous passerons donc en revue successivement la pénitence pré-baptismale et les rites d’initiation : scrutin, bain baptismal, onction, eucharistie. A. La pénitence pré-baptismale L’inscription au baptême. Les futurs baptisés se recrutent parmi les catéchumènes qui sont déjà instruits et par une catéchèse privée (dont le De calechizandts rudibus indique la teneur, retrace les moda­ lités) et par les instructions de l'assemblée chrétienne, à laquelle ils assistent jusqu’à la missa catechumenorum, le ren­ voi des catéchumènes ’. C’est pour cela qu’on leur donnait le nom d'audientes, ce dont Augustin témoigne (S. 132. 1), bien qu’il emploie habituellement lui-même le terme de catechumeni ®. Les catéchumènes sont déjà des chrétiens 1 234*8, leur participation à la communauté ecclésiale est marquée par des rites qui leur sont propres : l’exorcisme par impo­ sition des mains, le sel, et par un rite qui, après leur avoir été conféré, leur devient commun avec les fidèles : la slgnation de la croix ♦. Us ont reçu ces rites pour la 1. Ecce post sermonem fit missa catechumen is, manebunt fideles (S. 49, 8). 2. Peut-être afin d’éviter la confusion avec les Audientes des Manichéens. 3. « Voici ce que nous demandons au sujet des tout petits enfants : Le bébé est-il chrétien ? — Il l’est. — Catéchumène ou fidèle ? — Fidèle (S. 291, 14). Cf. Tr, in Jo. Eu. 44, 2. 4. · Quund tu commences à croire, tu as reçu sur le front le signe du Christ » (S. 213, 5). « Si nous demandons Λ un catéchumène : Crois-tu au Christ ? Il répond : Oui et il se signe. Il porte déjà la croix du Christ sur son front ■ (Tr. in lo. Eu. 11, 3). Pour la question de savoir si ce signe était matérialisé par une incision, une peinture, cf. H. Rondet. · La croix sur le front · dans Λ5Η» t. XLII, (1954), p. 388-394, qui penche pour l’nfilrmative, en donnant toutefois une conclusion très nuancée. Beaucoup d’ex pressions au gustinlennes semblent faire allusion Λ une marque extérieure visible, mais il faut penser que les anciens accordaient une importance beaucoup plus grande que nous à la réalisation d’un geste concret. Le geste marquait véritablement l’être, même s’il ne laissait pas sur lui de trace apparente. Dans cette mentalité, on était sans nul doute très sensible ù la valeur des signes sacramentels. J’inter- LE SACREMENT DE PÂQUES 23 première fois à l’issue de la catéchèse privée et ils leur sont réitérés *. Il nous rosie un texte de l’exhortation solennelle qu’Augustin adressait à ses catéchumènes, chaque année, au début du carême pour les engager à demander le baptême : le S. 132. Los catéchumènes entendent (ne sont-ils pas au­ dientes ?) tous les textes, mais ils ne les comprennent pas (ils ne sont pas intelligentes). Seuls les fideles peuvent saisir le sens, par exemple de Jn 6, 56 : < Ma chair est une vraie nourriture, mon sang un vrai breuvage. » Pourtant ce sens voilé leur serait dévoilé si, audientes, ils consentaient à ne pas rester sourds : « Voici la Pâque, donne ton nom pour le baptême » (.S. 132, 1). Un autre texte témoigne encore de l’invitation solennelle au baptême : « Hier, j’ai encouragé Votre Charité à renvoyer tout prétexte de retard pour vous hâter, vous tous qui êtes catéchumènes, vers le bain de régénération 2. » En cette occasion, l’assemblée chantait le Ps. 41 : « Et certes on peut bien comprendre qu’il prête voix à ceux qui, n’étant encore que catéchumènes, se hâtent vers la grâce du saint baptême ’. Aussi chaque année on chante ce psaume pour qu’ils aient le désir de la source des eaux o (En. in Ps. 41, 1). Au cours du Carême, le pasteur entre­ tenait encore chez les competentes le désir du baptême, dissipait leurs hésitations (* Ne dites pas : J’ai peur de devenir fidèle, de crainte de pécher par la suite S. Bibl. prétends volontiers dans ce sens le graffito du tombeau du Viale Manzoni, reproduit dans J. Carcopino, De Pgthugore aux Apôtres^ Paris 1956, p. 94, flg. 2. 1. L’exorcisme, avec le rite en deux temps de rexMitllatlon et de l’im­ position des * , main va rester, pour les competentes, le rite principal de leur préparation au baptême. Trois rites (croix, imposition des mains, pain d'exorcisme) sont rapprochés dans le De peccatorum meritis et remissione II. 12. 2. C. Lambot, · Nouveaux Sermons do saint Augustin · dans KB. t. EX II (1952). p. 103. Hesterno dic hortatus sum caritatem uestram quicumque cate· thumeni estis ut ad lavacrum regenerationis festinetis. 3. Et quidem non male intelligttur uox esse eorum qui cum sunt catechumeni ad gratiam sancti lauacri festinent... La confrontation de ce texte avec celui de la note précédente ne montrc-t-cllc pas que le Ps. 41 était chanté pour l’in­ scription au baptême ? Ad gratiam sancti lauacri festinare peut s’entendre jusqu’à la Nuit de Pâques; on assignait d'habitude le Ps. 41 â cette seule date. 24 INTRODUCTION Cas. II, 114), excitait leur ferveur et leur confiance (cf. Tr. in lo. Eu. xi) x. Les competentes étaient non seulement des habitants d’Hippone, mais de toutes les contrées environnantes : sauf cas d’urgence, tous les candidats au baptême devaient en effet se rendre au siège épiscopal au début du carême et y séjourner jusqu’après Pâques 3. L’aspect pénitentiel de la préparation est très fortement accentué 3. Il s’inscrit dans la tradition biblique du baptême de pénitence et dans la perspective chrétienne d’un sacrement qui est présenté, dans les catéchèses du iv« siècle, comme enseve­ lissement dans la mort du Christ, et résurrection en sa vie ♦. Les competentes sont soumis aux « observances » du Carême, abstinence de vin, de viande, de bain, continence, veilles 6. Ils sont soumis plus fréquemment aux rites d'exorcisme que connaissent déjà les catéchumènes : a Vous avez donné vos noms, vous avez commencé à être moulus par les jeûnes et les exorcismes » (S. 229). « Vous avez été moulus par 1. J’ai longtemps pensé que le Tr. in lo. En. XI était une exhortation pour l’inscription nu baptême et devait donc être daté du début du Carême, car, à s’en tenir nu texte lui-même (particulièrement Tr, XI, 1.3,4 et Tr. XII, 3) cette conclusion s’impose à l’esprit. Mais A. M. La Bonnaiu>iï, dans Augustinus Magister, t. I, Paris 1954, p. 151-1C0. 26 INTRODUCTION A la prédication de la doctrine s’associe la réforme des mœurs. Le De fide et operibus insiste singulièrement sur la nécessité de la catéchèse morale. Les dispositions et la conduite des competentes étaient soumises à examen ’. B. Les Rites. Le premier acte vraiment décisif était la a) Le Scrutin. lradilion du Symbole. D’après le S. Cuelf. I, 1 et 2, le S. 58, 1 et 13, le S. 59, 7, le S. 213, 8, elle avait lieu, à Hippone, quinze jours avant Pâques ·. Cependant il ne s’agissait encore que d’un enseignement. Pendant une semaine, les competentes, avec l’aide de leurs parents et de leurs hôtes *, devaient apprendre le texte et se préparer à la « reddition du Symbole «, c’est-à-dire à sa récitation en public. Huit jours avant Pâques, au chant du coq, à la fin d'une nuit passée en prières «, avait lieu la première céré­ monie rituelle. Exorcisme solennel, renonciation à Satan, 1. Exemple de co type de prédication : le 392. « Certaines églises se sont laissé aller à la négllgcnrc, si bien que dans les Instructions aux conipetcntes, on n’enquête pas sur ces vices et on ne les flétrit pas » (De fide et operibus 35). 2. Pour P. VerbraXen · Les sermons CCXV el LV1 de Saint Augustin ». dans / (p. 41). 4. ... doceant... quomodo vigiletis ad galHcantum, ad orationes quas hic cele­ bratis (S. Guelf. I, 11). LE SACREMENT DE PÂQUES 27 reddition du Symbole se succédaient. Le S. 216 a été prêché à cette occasion. C’est la cérémonie du Scrutin (scrutatio) ». Augustin prononce rarement le mot (S. 216; De fide et operibus 9). Il s’agit d'une épreuve différente des exorcismes habituels, c’est V exorcismi sacramentum selon l’expression du S. 227. 11 comportait sans doute un examen corporel (« En vous félicitant nous vous invitons à garder en vos cœurs la santé qu’on a pu constater en vos corps » S. 216, 11) 12. Mais l’essentiel se déroulait devant l'assemblée, entière. Le candidat était « examiné », c’est-à-dire éprouvé par l'humiliation du dernier et du plus solennel des exorcismes (o Nous avons maintenant la preuve que vous êtes indemnes des esprits du mal » S. 216, 11). De fait, quand dévêtu, alourdi de sommeil, le ventre creux, mal lavé, pieds nus, tête baissée, le candidat au baptême recevait l’haleine insul­ tante de l’exorciste, entendait les imprécations contre le mystérieux occupant de son être et déclarait renoncer au train du siècle, sa fierté était mise à l’épreuve et « l’homme ancien ■ commençait à mourir en lui. Cet exorcisme comprenait exsufflation, imposition des mains, formules. Le geste de l’exsufflation, qui nous paraît un peu étrange, avait une signification claire pour les hommes de ce temps; c’était un signe de mépris, de sens intermédiaire entre notre « siffler » et notre » cracher sur » ; quand on l’adressait aux statues de l’empereur, on était puni pour crime 1. Voir Δ co sujet les études de A. DoNOEYNB, · Lu discipline des scrutins dans l’Église latine avant Charlemagne », Rev. d’Hist. lioclés., t. XXVIII, (1932), p. 5-33 ; B. Cafelle, · L’Introduction an Catéchuménat ft Rome ·, Reeh. de Théot. Ane. et Mid., 1933, p. 120-154 : J. Quastrn, · Ein Taufcxorclsmus bel Augustinus », Mémorial G. Bardy, REA, 1956, p. 101-108. 2. B. Bosch, De initiatione Christiana secundum doctrinam sancti Augus­ tini, Rome 1939, p. 71, pense qu’il s’agit de savoir si le candidat au baptême est exempt de la lèpre ou de maladie contagieuse. Pour A. Dondeyxe, art. cil., p. 16, on voulait se rendre compte si l’on n’était pas en présence de ma­ nifestations physiologiques que l’on attribuait alors ft In possession diabo­ lique. On trouvera chez Jean Chrysostome (Huit catéchises baptismales, SC 50,1957, V, 10, p. 205) une description de · possédé ». Pour Dotn Capku.k analysant la tradition d’Hippolytc (art. cit., p. 148), les exorcismes du catéchuménat étaient destinés Λ délivrer le candidat au baptême de la présence physique de Satan, non pas d’une possession proprement dite qui comporte­ rait des violences extérieures, mais d’une habitation invisible et agissante installée dans l’étre Λ la suite du péché. 28 INTRODUCTION de lèse-majesté ’. La formule de malédiction contre Satan (c Nous accumulons contre lui les malédictions que mérite sa méchanceté » S. 216, 6) nous est connue, au moins dans une de scs formes, par Optat de Milève : « Maudit, va-t-en a. » L’imposition des mains complétait l’œuvre de l'exsuffla­ tion. C'est par l’invocation de Jésus-Christ (« ce que nous faisons en vous, en adjurant le nom de votre Rédempteur», S. 216, 6), c’est au nom de la Trinité (« quand on le mena­ çait dans la toute puissance de la redoutable Trinité», ibid., 11), que Satan est mis en fuite. Alors commence de s’opérer ce passage des ténèbres à la lumière célébré par le texte paulinien Éphésiens 5, 8 : « car vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur », qui, avec le verset Colossicas 1, 13 ’, devait jouer un rôle dans la liturgie de l’exorcisme. Le fait de se dévêtir et de se tenir debout sur le cilice était un rite particulier à l’exorcisme du scrutin. Le cilice est une peau de chèvre, ou plus exactement un tissu grossier de poils de chèvre *. La station sur le cilice est indiquée dans une phrase un peu obscure du S. 216, 10 : « Vous n'étiez pas revêtus du cilice, mais vous vous teniez mysti­ quement sur le cilice. » Se tenir mystiquement sur le cilice, c’est fouler aux pieds matériellement la peau de chèvre et intentionnellement le péché dont elle est le symbole 6. 1. B. Busch cite à ce sujet : Non enim legibus huius mundi alio crimine tenetur reus, quisquis imaginem, quam ais non tamen uiuam imperatoris exsufflat (Op. imp. contra lulianum III, 195). 2. Maledicte. exi foras (V. 7). L’expression mittere foras revient souvent chez Augustin» en référence à Jn 12. 31 : · le prince de ce monde est jeté dehors » (De agone Christiano 1 ; S. 143» 5 ; Op. imp. contra lulianum I. 50 ■ II» 151). 3. Col. 1. 13 est très souvent rapproché d’une allusion à l’exorcisme ; et De nupt. et concupisc., I» 22 ; II. 50» 51 ; De peccato origin. 45 ; Contra lut. ' pria g., I» 14 ; VI. 11 ; Opus lmp. contra lui.. I» 50 ; II. 120. 151 ; III. 182; IV. 77. 4. Textum ex pilis caprinis factum, postea omnino uclanientum asperum\ (Thesaurus linguae latinae. Suppt. Nomina Propria Latina) ; cette sorte de tissu ayant été appelé cilice, parce que In tonte des chèvres s’est pratiquée d’abord en Cilicie (et. Vahiion. Bust. 2,11). 5. ■ 11 faut fouler aux pieds les péchés et les peaux de chèvres» Il faut dé­ chirer les lambeaux du cuir des boucs placés à gauche > (S. 216, 11). De plus, chez Augustin, le cilJcc est aussi le symbole de la condition mortelle, séquelle LE SACREMENT DE PÂQUES 29 C’est un rite de renonciation. Inconnu à Constantinople, à Rome et Milan, en Gaule, on le trouve à Antioche, à Édesse, en Afrique (Carthage et Hippone) ; il sera plus tard attesté en Espagne *. La station debout était peut-être précédée d'une prostration 2. La Renonciation elle-même est la déclaration que le candidat adresse, non à Satan 3, mais d’après les traités pseudo-augustiniens ·, à Dieu et aux Anges, secrétaires de rengagement. « Ce n’est pas aux hommes, mais ù Dieu et à ses Anges qui prennent votre inscription (conscribentibus) que vous avez dit : Je renonce... etc. o (Fs. Aug. Ill, 1). Aussi le terme de professio est-il fréquemment employé pour la renonciation. La formule était la même à Hippone et à Carthage : « Renuntio diabolo, pompis et ungetis eius » (ci. S. 215, 1 et Ps. Aug. I, 2 ; III, 1). Augustin ne com­ mente pas le terme de pompae. ». La mention de la conuersio suit, chez Augustin, celle de la renuntiatio. Le terme revient si fréquemment dans cet emploi, que nous devons penser qu’il est liturgique. Il est souvent associé A credcre. En fait, renonciation-conversion est un unique rite en deux temps, chacun d’eux compre­ nant une déclaration. Le candidat se détourne d'abord de du péché, Λ laquelle le candidat au baptême échappe par la naissance à une vie nouvelle (et. En. in Ps. 29, 12 ; in Ps. 34, 13). 1. Le rite a été étudié dans l’article cité supra : J. Quastex. Ein Taufexorcismus bel Augustinus. 2. latentes surgile, surgenles state, stantes adsistile, adsistentes persistite (S. 216, 10). 3. Comme chez Hippolyte de Rome · Je renonce à toi, Satan, et à toutes tes pompes et ή toutes tes œuvres », Cyrille de Jérusalem , Ambroise de Milan, Jérôme, Jean Ghrysostome, Nil d’Ancyrc, Procope de Gaza et dans durè­ rent s rituels , d’après le relevé de II. Kirsten. Die Taufabsage, Berlin 1960, p. 39-51. 4. Il s’agit des Traités sur le Symbole «pii suivent, dans l’édition des Maurlstes, t. VI, le Sermo ad catechumenos de Symbola (PL 40) et qui sont parfois attribués à Quodvultdeus (on trouvera un exposé de la question dans QcoDVUi.roEus, Livre des Promesses et des Prédictions de Dieu, K. Braun, SC 101, p. 88-113). Nous les désignons dans les lignes qui suivent par Ps. Aug. 5. Ps. Aug. l’explique tantôt par · les désirs illicites qui souillent l’ômc, désirs de la chair, des yeux, ambitions du siècle » (II, 1), tantôt, comme Tertullicn, par : « les spectacles des histrions » (III, 1). Cf. J. H. Waszink, • Pompa Diaboli », Vigiliae Christianae, 1947, p. 13-41. 30 INTRODUCTION Satan et 1'annonce (auersione ac pia renuntiatione. S. 216, 6). Ensuite il sc tourne vers Dieu et le déclare (praebete consensum ; conuertere et redi ad dominum tuum. S. 216, 10). Si la formule de la renuntiatio nous est connue, quelle est celle du consensus ? C'était, tout donne à le croire, la reddition du Symbole *. Un passage comme celui-ci mérite d’être lu attentivement : « Quand on répond que l’enfant croit... on répond qu’il a la foi, à cause du sacramentum fidei et qu'il se tourne vers Dieu à cause du sacramentum conuersionis, parce que celte réponse elle-même fait partie de la célébration du sacramentum » (Episl. 98, 9). On voit que le sacramentum fidei est mis en exact parallélisme avec le sacramentum conuersionis ; ce n’est donc pas le sacrement du baptême en lui-même, si nous entendons par ce dernier ce qu’Augustin appelait le sacramentum fontis et baptismi, mais c'est le fait de dire : credo, de donner son adhésion au Symbole, c’est enfin très précisément le rite qu’Au­ gustin appelle ailleurs : sacramentum symboli (S. 228, 3). Quand on trouve les termes d’auersio et de conuersio, on songe au geste, attesté dans d'autres rituels, par lequel le candidat se détourne de l’occident, symbole de la puis­ sance des ténèbres, et se tourne vers l’orient, symbole du Christ-Lumière ; mais en vérité rien, chez Augustin, n'auto­ rise à en parler. Disons donc que Renonciation et Reddition du Symbole se présentent chez lui, comme les deux temps d’un unique rite, chacun de ces temps comprenant une altitude, au moins spirituelle, et une déclaration. Pour désigner le premier temps, on a retenu la déclaration et on l’appelle la Renonciation, pour désigner le second temps, Augustin a retenu l’attitude et parle de conuersio. Auersio et conuersio, Renonciation et Symbole, se complètent et il est nécessaire que l’un précède l’autre (cf. S. 368, 3 ; En. 1. Il ne faut pas prendre Λ la lettre le passage du 5. 216, 5 : « Les uns après les autres {singuli quique), vous allez crier : « Il m'est bon de in’attactier à Dieu (Ps. 72, 28) ·. Il me semble qu'Augustin suggère ici un en du cœur» qui se formulera à voix hante par la profession de foi du Symbole. L’En. in Ps, 72, 31 nous permet d’ailleurs de comprendre le sens de sfnpuli quique : chacun possède Dieu tout entier, talum singuli possidebitis et totum omnes habebitis. LE SACREMENT DE PÂQUES 31 in Ps. 9, 10 ; De duabus anirn. contra Man. 10), car le chré­ tien doit renoncer au siècle avant d'être libre de s’attacher à Dieu. Dans ces conditions, on comprend que si l'exor­ cisme n’est pas réitéré aux candidats au baptême qui ont déjà reçu (ou plutôt « tenu *) le Symbole, cl qui par conséquent sont déjà des fidèles, il n'y a aucun inconvé­ nient à répéter les formules de renonciation et de profession de foi, ce qui se fera au moment des interrogations du baptême. Des < cantiques spirituels », les traités pseudo-augustiniens nous l’apprennent, font partie intégrante de la liturgie de l’exorcisme majeur (Ps. Aug. Ill, 1). En ce domaine, chaque église d’Afrique devait avoir scs traditions. A Hippone, le chant de la cérémonie était le Psaume 26. < La recrue du Christ (tiro Christi) dit en accédant à la foi : Le Seigneur est ma lumière et mon salut. » Si l’En. in Ps. 26, I, 1 ne nous avait pas donné cette précision, le S. 216 nous l’aurait sans doute fournie. En effet, l’cxorde, à y regarder de près, choisit le Psaume pour point de départ, ce qui est souvent le cas pour l’un ou l’autre des textes liturgiques. Le nom des competentes y est expliqué à partir du verset -1 : Unarn petii a domino 1. On trouve ensuite une allusion au verset 4 (delectationem qui est le mot de la version augustinienne pour uoluptalem de la Vulgate. S. 216, 2), une autre allusion au même verset (uotum rappelant petii. S. 216,8), une cita­ tion du verset 13 (216, 5) et du verset 10 (216, 8), peutêtre encore une allusion au verset 2 (illuminat. S. 216, 11). Enfin le verset 10 est commenté de façon assez semblable en 216, 8 et dans l’En. in Ps. 26, II, 18) : BabyloniaJerusalem. » Nous avons connu une autre mère Jérusalem du ciel, ...nous avons abandonné Babylone », avec l’écho du rite de renonciation : « Nous avons connu un autre Père, nous avons abandonné le diable ». Le commentaire du psaume dans le S. 216 prouve que le psaume tout entier était chanté et non le seul verset ; le lecteur chantant ou lisant le psaume, l’assistance reprenant l’antienne, comme 1. Pour B. Bvsch, op. eit., ft cause de l'explication du mot competentes, le S. 216 serait du début du Carême ; mais l'explication n'cxt donnée ici que pour commenter le verset du psaume. 32 INTRODUCTION nous l’apprennent d’autres sermons augustiniens (cf. S. 351, 1 ; En. in Ps. 132, 1, etc.). Parmi les autres psaumes cités (Ps. 2, 16, 18, 23, 33, 35, 41, 71, 72, 94, 141, 147), deux autres ont assurément un emploi liturgique dans la préparation au baptême : le Psaume 41, dont nous avons dit qu'on le chantait aux jours de l'inscription des competentes (il pouvait les accompagner dans leur préparation jusque, et y compris, au baptême), le Psaume 35 qui devait jouer à peu près le même rôle, à voir l’abondance des allusions qui y sont faites dans la pré­ dication pascale. Enfin un quatrième psaume est peut-être à ranger parmi les « cantiques spirituels » du Scrutin. En effet, le Psaume 33 est cité à quatre reprises (versets 2, 3, 4, 6). Le verset 6 : « Allez vers lui pour être illuminé » (cité en 216, 4) répond à Ps. 26, 2 : « Le Seigneur est ma Lumière et mon Salut. «· Etre illuminé, dans la langue d’Augustin, est l’équivalent de croire et, dans le contexte baptismal, quatre termes semblent interchangeables : se tourner vers Dieu, accéder à la foi, croire, être illuminé. Les rites d’exorcisme étaient-ils renouvelés lors de la grande Vigile pascale, avant la réception du Baptême ? Je ne le pense pas. Leur caractère unique semble souligné par la finale du S. 216 : les competentes viennent de sortir indemnes d’une épreuve particulière ; ce dont on les félicite et l'on en parle au passé. Or, cela ne peut avoir lieu pendant la Vigile pascale, comme le pense W. Rôtzer x, parce que tout le contexte suggère un délai assez notable avant la réception du baptême1 23 . D’autre part, on croit pouvoir conclure au caractère singulier des rites de l’Exorcisme majeur à partir de la relation Exorcisme-RenonciationSymbole telle qu’elle apparaît dans les sermons d’Augus­ tin, comme dans les traités pseudo-augustiniens ’. Le Sym1. XV. Rortzbr, Dw JMUgen Augustinus Sdiri/ten als liturgiegeschichtliche Quelle, Munich 1930. p. 150. 2. Outre que l'exhortation au jeûne et à la pénitence (10) serait intem­ pestive en la nuit pascale. 3. Cet aspect du contrit passé avec Dieu, dont le Symbole est l’énoncé, est très fortement marqué chez Théodoiik de Mopsuestk, ainsi que le rap­ port de l'exorcisme et du Symbole. L’exorcisme est un · grand jugement », un < procès contre le diable » ; Λ l’issue de ce procès, le catéchumène, libéré de LE SACREMENT DE PÂQUES 33 bole est le signe d’un contrat passé avec Dieu : a Le Seigneur commence avec vous un contrat (inchoat pac­ tum)... Voici qu'avec la vente et le marché de la foi, le royaume des deux vous est proposé à l’achat (cum auctione et mercalu fidei) » S. 216, 2, 3. Désormais Satan doit abandonner ses prétentions sur des biens qui sont deve­ nus biens de Dieu et cela conformément au droit (istc nos iure derelinquet. S. 216, 2). Il est donc évident que l’on ne peut « tenir > le Symbole qu’après avoir renoncé à Satan et surtout après avoir été débarrassé de Satan. Mais ensuite le Symbole devient lui-même une défense contre les retours offensifs : « Couvrez-vous de la protection de votre Sym­ bole » (de symbolo 1). Telle est donc la première étape de Vordo curationis 1 : être débarrassé de Satan par l’exorcisme du Scrutin et s’être détourné de lui par la Renonciation, c’est le sacra­ mentum conuersionis 2, s’engager à Dieu dims la « reddition » du Symbole, c’est le sacramentum fidei ». b) L’immersion Le bain baptismal est la seconde baptismale. vers le salut. Mais la prédication et même l’ensemble de l’œuvre se montrent ici avares de détails ; de plus on hésite souvent à interpréter les allusions qu’on y rencontre et l'on aimerait bien avoir vu en songe, comme le curiatis Curma, l’évêque d’Hipponc officier dans sa basilique et le baptistère attenant *. Le samedi, veille de Pâques, après une veillée beaucoup plus solennelle que celle du scrutin et devant une assemblée la captivité de Satan, peut établir un contrat avec Dieu : · Faisant avec notre Seigneur Dieu des engagements et pactes en la récitation du Credo » (Homélie XIII, 27). Les Homélies Catéchétiques de Théodore de Mopsueste. Studi c testi 145, Rome 1919. Traduction et notes de R. Tonneau et R. Devrecssc. 1. De fide et operibus 36. 2. Episl. 98, 9. 3. Ibidem. Cette conception de l’engagement est d’ailleurs traditionnelle; on sait qu’elle a souvent emprunté le symbolisme de l’engagement militaire· Tertullicn rapproche fréquemment le sacramentum fidei du sacramentum militiae (le serment militaire). (Ci. les références données dans Tertulliex, De Baptismo. SC 35, Introduction, p. 49). Augustin emploie à l’occasion l’image de Ja · recrue · (S. 216, 2 ; En. in Ps. 26, 1). 4. De cura pro mortuis gerenda 15. Augustin d'Hippone. 3 34 INTRODUCTION beaucoup plus nombreuse, les candidats au baptême renou­ velaient leur profession de foi x. La cérémonie se déroulait ensuite au baptistère ». Elle débute par la bénédiction de l’eau. Le rite est très ancien, mais il a revêtu une plus grande importance aux ive et v« siècles ». L’eau est bénie par le signe de la croix. Cette bénédiction est rapprochée de la Signation du catéchuménat, de la bénédiction du chrême, de la consécration eucharistique *. C’est un rite important et qui paraît même nécessaire : « Parce que le baptême, ou plutôt parce que l’eau du salut n'est pas eau du salut si elle n’est pas consacrée par le nom du Christ qui a répandu son sang pour nous, l’eau est marquée du signe de la croix · 352, 3). « C’est pourquoi le baptême ou plutôt l’eau où nous sommes plongés est marquée du signe de la croix > (S. 213, 8). Le competens descend ensuite dans la piscine 123*5*7. C’est alors qu'ont lieu les interrogations rituelles ·. D’après les allusions fournies en guise d’arguments pour la polémique, soit antidonatiste, soit anti-pélagiennc, il semble que l’évêque faisait une triple interrogation. Il demandait à chaque candidat s’il renon­ çait au diable, s'il se tournait vers Dieu, s’il croyait en Dieu 1. Quicumquc aulcm uestrum non bene Symbolum reddiderunt habent spatium. teneant quia dic sabbati audientibus omnibus qui aderant reddituri estis, dic sabbati nonissimo quo die baptizandi estis. (S. 58. 1). 2. Dans 1’insula chrétienne, mise au Jour Λ Hippone, la basilique est flan­ quée au nord-nord-est d’un baptistère, lui-même compris dans un complexo architectural ; le baptistère proprement dit, avec cuve et ciborium à colonnes» est précédé d’une salle rectangulaire cl flanqué d’une chapelle à abside où l’on a vu tantôt un calechumencum (Marrou), tantôt un cons ignator ium (Ma­ rée). tantôt uno Memoria (Lambat). Bien qu’on n’ait pas eu la possibilité d’identifier avec certitude en cct ensemble une basilique catholique, il se peut que ce soit la Basilica pacis ou Basilica maior dans laquelle Augustin a prêché si souvent, administré le baptême tant d’années. Cf. E. Marec, Λίοηπmenls chrétiens d9 Hippone. Paris 1958. II. I. Maiihou. « La basilique chré­ tienne d’Hippone », RE Λ 1960, p. 109-151. 3. H. Kirsten, Die Tau/absage. Berlin I960, p. 137. Cf. Cvriuns· Epist. 70, 1 ; Ambroise, De sacramentis. 1. 15. •1. Tr. in îo. Eu. 118, 5. 5. Descenderunt isti in aquam (S. 258, 2). G. Interrogamus enim eas... (Epis!. 98, 7). 7. Quando ergo dictums erat cum renuntiare diabolo quando converti ad deum ?... credere inter caetera remissionem peccatorum ? (De peccatorum LE SACREMENT DE PÂQUES 35 C’était pour la troisième fois \ le renouvellement du sacra­ mentum conucrsionis et fidei. La profession de foi, troisième élément de ce rite, était elle-même proposée par une triple interrogation à laquelle le candidat au baptême répondait chaque fois : credo *. Ambroise décrivait le bap­ tême (De sacramentis II, 20) de cette façon 3. Plusieurs textes augustiniens donnent à penser qu’ù Hippone, ΓοίΓιciant récitait le texte du Symbole, en trois fragments et sous forme interrogative, en s’interrompant pour la triple réponse de profession, une première fois au Père, une deuxième fois au Fils, une troisième fois à l’Esprit et à son action dans l’Église 4. C’est le rite décrit par Hippo­ lyte de Rome s. Ce qui est sûr, c’est que le baptême se don­ nait en référence à la foi trinitaire, ce qu’Augustin désigne toujours par les mots : uerba euangelica, e les paroles évanmeritis et remissione î. 63). Et : Nec nos ίηίατορατί utrum ad me eonuertere· mini sed ad drum uiuum nec utrum in me credideritis sed in Patrem ct Filium et Spiritum sanctum (Contra Litteras Prti/iani 3, 9). J. M. Hansskns «Sacra­ mentum conversionis·. Gregarianum, vol. XLII, 1, 1961, p. 113-116) apporte d’intéressantes conclusions, mais une enquête approfondie reste ù faire sur le sujet. 1. Une première fois lors du scrutin, huit Jours avant Pâques; une deuxième fois par la reddition solennelle du Symbole, au cours de la veillée do Pâques ; In troisième fois en répondant mix interrogations dans la piscine baptismale. 2. Interrogamus enim eos a quibus offeruntur e! dicimus : Credit in deum ? ... respondent : Credit, et ad caetera sic respondetur singula quae quaeruntur. (Epist. 98. 7). 3. Interrogatus es : Credis in deum patrem omnipotentem ? Dixisti : Credo, et mersisti, hoc est seputtus es· Iterum interrogatus es : Credis in *domi num nostrum lesum Christum et in crucem eius ? Dixisti : Credo, ct mersisti,.. Tertio interrogatus es : Credis ct in spiritum sanctum ? Dixisti : Credo, tertio mersisti. (Ambroise, De sacramentis II, 20). 4. Ce qui parait découler des textes suivants : Quomodo ergo dicturus erat cum... credere inter caetera remissionem peccatorum (De pec. meritis et remis­ sione I. 63). Quis nesciat non esse baptismum Christi si uerba euangelica quibus symbolum constat illic defuerint (De baptismo 6, 47). Est-cc ce que Tertulukk veut faire entendre dans le Dc corona 3 : amplius aliquid respondentes quam dominus in euangelio determinavit ? A noter que dnns Ic Symbolo africain chacune des trois articulations trlnitaires était introduite par credimus (P. Verbrakex, · Le Sermon CCXIV et le Sermon LVI dr saint Augustin ». PD, 1958. p. 19. note 17). 5. Hippolyte de Rome, Im Tradition apostolique, éd. B. Botte, SC 11, p. 50-.>l. 36 INTRODUCTION géliqucs précises sans lesquelles le baptême ne peut être consacré... le baptême du Christ, c'est-à-dire celui qui est consacré par les paroles évangéliques x. » Après le bain baptismal, on proc. net on. cédait à une onction suivie de Imposition «les mains. rimposition d(!S lnains , Augustin met souvent en rapport 1’« onction » du chrétien, dont la signation du catéchumène ou du fidèle est déjà un sacra­ mentum, avec l’onction sacerdotale et royale du Christ (ci. En. in Ps. 26, 11, 2), tout chrétien étant par définition un ■ oint ». Mais l'onction post-baptismale, matérielle celle-ci, est mise en relation avec le don de Γ Esprit. C’est ainsi que le S. 227 explique le rapport huile-feu-Esprit : fonction (chrisma) représente le feu, a et en effet l’huile, nourricière de feu, est le sacrement de l’Esprit... donc l’Esprit-Saint est venu (sur les nouveaux baptisés), après l’eau, le feu 123». Le S. 219, 3 fait allusion à l’invocation qui accompagnait l’imposition des mains : « L’Esprit est invoqué sur les bap­ tisés pour que Dieu leur donne, selon le prophète, l'esprit de sagesse et d’intelligence... etc. » A vrai dire l’immersion baptismale elle-même sanctifiait déjà par l’Esprit qui plane sur les eaux : le texte de la Genèse est appliqué au baptême, σ L'Esprit de Dieu planait sur les eaux ; les nouveaux bap­ tisés que vous voyez ici sont descendus dans l’eau ; sur les eaux était porté l’Esprit de Dieu ; les ténèbres des péchés ont été chassées » (S. 25S, 2). C’est ainsi que l’on renaît de l’eau et de l’Esprit, ex aqua et spiritu, Jn 3, 5 (cf. S. 71, 19). Mais « autre chose est de naître de l’Esprit, autre chose de se nourrir de l’Esprit » et « la parfaite charité est le don parfait de l’Esprit » (ibid.). Ce perfectum donum spiritus sancti a été transmis aux Apôtres par le feu de la Pentecôte 1. De baptismo 6, 47. Λ ce sujet, W. Rdtzer remarque quo Si Augustin fait allusion, en phis do quarante textes, à Ja formule trinitairc du baptême, il ne dit rien sur la façon de faire en la circonstance. 2. ΒαρΙϋα/wt est, sanctificatus est, unctus est, imposita est ei manus. (5. 324). 3. Quid ergo significat ignts9 hoc est chrisma olei ? Etenim ignis nutritor spiritus sancti est sacramentum... Accedit ergo spiritus sanctus, post aquam ignis. LE SACREMENT DE PÂQUES 37 et aux nouveaux baptisés par Fonction d’huile, ignis nutri­ tor (S. 227) «. Les nouveaux baptisés sont d) Lavement des pieds. alors revêtus des robes blanches qu’ils garderont pendant, toute la semaine 2, leur tête est voilée 3. C’est peut-être le moment où l'on procède au lave­ ment des pieds. Ce rite post-baptismal, inconnu des litur­ gies orientales et romaine, est attesté par la liturgie mila­ naise 4. On le retrouvera en Afrique après Augustin ; il existait en Espagne jusqu’au Concile d’Elvire 9. La lettre à Januarius qui le mentionne ° indique que, de crainte qu’il ne soit confondu avec le baptême proprement dit 7, cer­ taines églises le retardait jusqu'au mardi, feria tertia, ou même au dimanche de l’Octave e. De toutes façons, il avait 1. La question des rites destinés à transmettre l’Esprit est controversée. Nous nous en sommes tenus ft ce que disent les textes de la prédication pas· cale, sans chercher à étudier le problème en sol. Notons qu’un sermon de lu veille de la Pentecôte (S. 266) s’attache, dans une intention polémique, à indiquer les sources scripturaires du don do l’Esprit. On y volt Augustin : 1° y établir, d’après les récits des Actes, une nette distinction entre baptême et don de l’Esprit, 2° parler de l’imposition des mains comme du rite normal» 3° prendre le point de départ de scs développements au mot oleum (otai au(cm pcccci/orte. Ps. 140, 5). 2. Veslesquc nitidas per quas in nouitale uituc uestrae lucidurn germen in memoria uobis tanquam uerbo uisibili scribitur. (S. Mai 91. 7). 3. Rcuclanda sunt capita eorum quad est indicium libertatis (S. 376, 2). 4. Amukoise, De sacramentis 3, 4-7. Voir Ambroise dk Milan, Des sa· cremcnts. Des mystères, SC 25, B. Botte. Introduction, p. 27-28. 5. Th. Schaefer, Die Fusswuchung im monastichen ftrauchtum und in der laleinischcn Liturgie, Beuron 1956, p. 1-19. 6. Epist. 55, 33. 7. C’est pour cola, explique-t-elle, que cc rite n’a Jamais été reçu dans cer­ taines églises (lisez : Orient, Rome), a été banni par d’autres (Espagne, Concile d’Elvire,) n été différé ailleurs, au mardi (Hippone?) ou au dimanche (Hip­ pone ? Ps.-Fulgence. évêque africain du v· ou *vi siècle). Th. Schaefer (op. eft., p. 13-14) tire justement argument de cette crainte pour montrer que, dans la Lettre ft lanuarius, il ne s’agit nullement d’un lavement des pieds du Jeudi saint, qui n'aurait pas risqué d’ôtre confondu avec le baptême conféré trois jours plus tard et qu’il s’agit bien, pour la même raison, d'un lavement des piedN aux nouveaux baptisés. 8. S'il en était ainsi ft Hippone, on comprend pourquoi l’évêque dit ce jour-là, au cours de sa deuxième homélie, qu’il ne doit pas s’attarder car il a beaucoup ft faire : .Ve moras faciamus, acturi multa (S. 260). Le lavement des 38 INTRODUCTION donc sa place dans les rites d’initiation à Hippone, soit dans la nuit de Pâques, soit le mardi, soit le dimanche de l’Octave. Ne faut-il pas en rapprocher la coutume supersti­ tieuse dont l’évêque parle avec une réprobation à peine dissimulée, suivant laquelle les nouveaux baptisés évitaient soigneusement de toucher le sol de leurs pieds nus pendant les huit jours de l'octave 1 ? L’existence elle-même de cette coutume semble indiquer que le lavement des pieds avait lieu à Hippone la nuit de Pâques. Les signes sacramentels du baptême (immersion, onction, vêtements blancs, lave­ ment des pieds avec allusion à Jn 13, 10) constituent un ensemble cohérent : ils sont empruntés à l’usage profane du bain, tel qu’il était pratiqué dans l’antiquité a. . _ . . el Eucharistie. Maintenant prêts pour la «table du Sei, . .. . , gneur«, les nouveaux baptises entrent dans la grande basilique où ne sont restés que les seuls fidèles *. « Nouveau-né » d’une grande famille *, chacun d’eux y est accueilli par des manifestations de joie. Déjà l’évêque au sortir de la piscine l’avait embrassé 5 ; voici que les fidèles l'en­ tourent : » Dec grattas ! Tous le félicitent, on cite à haute voix les paroles de l’apôtre : Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur ·. » Ensuite on se rassemble autour de l’autel7 et, pour la première fois, les « Nouveau-nés » (infantes) vont assister à l’eucharistie pieds nu dimanche de l’Octave est attesté par quatre sermons du PS. Fui· tfcnce qu’un compilateur postérieur a attribué au Jeudi saint * bien que le texte lui-même donne Vindication du jour oh l’un d’eux a été prononcé (PL 65 * col. 891). Cf. Th. Schaefer* p. 14. 1. Epist. 55, 35. 2. Th. Schakfür, op. Cil.» p. 1. 3. Car païens et catéchumènes ne peuvent assister ni nu baptême ni Λ l’eucharistie. Quid est quod occultum est ei non publicum in ecclesia ? Sacra· menturn baptismi. sacramentum eucharistiae (En. In Fs. 103, *14). 4. Et quod signum crucis habent in fronte catechumeni iam de domo magna sunt sed fiant ex serais filii. (Tr. in Io. Eu. XI, 4). 5. Contra duas epistolas pdag. 4, 23. 6. Tr. In Ιο. Ep. 1,11. Le vocabulaire employé dans ce texte se rapporte à l’entrée dans le catéchuinrnat (ex pagano factus est Christianus), mais le Tr. in lo. Eu. XI. 4 précise que cela se passe aussi après le baptême : Menait autem ex aqua et spiritu quid audiunt ab apostolo 'i etc. 7. Venietur ad locum orationis (S. 19, 8). LE SACREMENT DE PÂQUES 39 qu'ils ne connaissent que par d’obscures allusions >. La cérémonie de la nuit a été trop chargée pour qu’on la pro­ longe par une nouvelle prédication ; ce sera au matin de Pâques, au cours de la seconde oblation, que l’évêque leur commentera les rites. Us voient donc sur l’autel les oblats : des pains et une coupe. Ils écoutent les prières, ils entendent, sans savoir encore y répondre a, le dialogue : Dominus uobiscum. Sursum cor. — liabemus ad dominum. — Gratias agamus domino deo nostro. — Dignum et iuslum est 1 234567. Pour la première fois ils « prient » le Pater, qu’ils ont « reçu », il y a huit jours, et récité la veille *. Us se frappent la poi­ trine au Dimitte nobis b> échangent avec les autres le baiser de paix e, suivent les fidèles qui chantent un psaume en allant recevoir l’eucharistie ’, tendent à leur tour vers l’évêque s leurs deux mains jointes 8910: Corpus Christi — Amen J0, boivent au calice que leur présente le diacre ll12 . Leur initiation est achevée ia. Dans son passage de la mort à la vie, dans sa Pâque, le Fils unique a décidé de leur adoption, les prenant pour frères. C’est ce que leur évêque leur dira, dans quelques heures, au cours de la prédication du matin 13. 1. S. 132, 1 ; 232, 7 ; 234. 2 ; 235, 3 ; S. Mat 86, 3 ; En. in Ps. 21, I, 28, r/c. 2. S. Denis 6, 3. 3. 5- Guelf. 7, 3 ; S. Denis 6. 3 ; S. 227 ; S. 67. 5. etc. 4. Non enim orabitis hanc orationem nisi post baptismum ; ad octo enim dies reddituri illanx estis non oraturi (S· 59, 7). 5. S. 351, 6. 6. S. 227 ; En· in Ps. 30, II, 3 ; Contra liti· Pelii. 2, 53 ; Contra duas epist. pela g. 4, 23. 7. ...morem qui tunc esse apud Carthaginem coeperat ut hymni ad altare dicerentur de psalmorum libro slue ante oblationem slue cum distribueretur populo quod fuerat oblatum (Jielract. 2, 11). On ne devait pas être en retard à Hippone pour ce genre d’innovation, cf. Epist. 55, 34. 8. Epist. 151, 9. 9. In cuius manibus eucharistiam ponebatis ((Contra Utt. pct. 2, 53), ... ab co celeri contundis manibus accipiebant (ibidem, 2» 13). Les bébés que l’on avait baptisés participaient aussi à Peuchnrlstie (S. 174, 7). 10. Audis enim : Corpus Christi et respondis ; Amen. (6*. 272). 11. Cf. S. 304, 1. 12. A ma connaissance, on ne trouve pas trace dans l’œuvre d'Augustin, de l'usage, en vigueur en Afrique à cette époque, de donner aux nouveaux baptisés du miel et du lait. 13. Voir infra, la prédication pascale» p. 82. 40 INTRODUCTION 4. LE RETOUR DES PÉNITENTS « Vous qui êtes nés de nouveau, pourquoi mourez-vous ? » (S. 392, 3). « Tu pleures un mort, pleure davantage un pécheur » (S. 65,7). Si le baptême est naissance à la vie, le pécheur retombe dans la mort, dont la pénitence le délivre. Pendant la période quadragésimale, les paenilentes, comme les competentes, sont en marche vers la source de vie. Trois textes de la prédication pascale témoignent de leur présence dans l’assemblée chrétienne, car ils participent eux aussi au sacrement de Pâques. e Ceux que vous voyez faire pénitence, explique Augustin aux competentes, ont commis des crimes, soit des adul­ tères, soit d’autres actes horribles. C’est pour cela qu’ils font pénitence » (S. de symbolo, 15). Un mardi de Pâques, l’évêque constate : « Les pénitents sont ici en grand nombre, quand vient le moment de leur imposer les mains, ils forment une longue file. Priez, péni­ tents 1 Et les pénitents se mettent â prier. J’inspecte les pénitents et je trouve des gens qui vivent mal. Comment se repent-on de ce que l’on a fait ? Si l’on s’en repent, qu'on ne le fasse plus. Si on le fait encore, le nom de pénitent trompe, le crime demeure. Certains d’entre eux ont gagné d’eux-mêmes le lieu de la pénitence, certains y ont été réduits par notre excommunication. Et ceux qui l’ont choisi volontairement continuent d’agir comme ils agissaient et ceux qui y ont été réduits par notre excommunication ne cherchent pas à en sortir, comme s’ils avaient élu euxmêmes ce lieu de la pénitence. Ce qui devrait être le lieu de l’humiliation devient ainsi le lieu de la perdition. Je m’adresse à vous... Que vous dirai-je? Vais-je vous louer? Je n’ai pas sujet de vous louer, mais je gémis et je pleure. Et qu’est-ce que j’y fais? On me prend pour· une vieille rengaine. Je supplie : Changez de vie, changez de vie... Je songe que je suis en train de parler comme j’ai l’habitude de parler et certains d’entre vous continuent de faire ce qu’ils ont l’habitude de faire... Je secoue mes vêtements en présence de Dieu. J’ai trop peur qu’il ne me soit reproché d’avoir peur. Je fais mon devoir. Je cherche votre bien » (S. 232, 8). LE SACREMENT DE PÂQUES 41 Enfin, un samedi de Pâques, à propos du rôle de Pierre, Il parle du pouvoir des clefs : « Si cela a été dit pour Pierre seulement, Pierre seul a pu lier et délier, il est mort et c’est fini. Qui peut lier et délier maintenant ? Je ne crains pas de l'affirmer : nous aussi nous avons les clefs. Vais-je donc dire que c’est nous qui lions et délions ? Vous aussi, vous liez ; vous aussi, vous déliez. En effet, celui qui est lié est séparé de votre communauté (uestra consortio) cl puisqu’il est séparé de votre communauté, il est lié par vous. Quand il est réconcilié, il est délié par vous, car vous aussi, vous priez Dieu pour lui » (S. Guelf. 16, 2). On saisit tout de suite l'intérêt de ces textes. Le dernier met en valeur un aspect essentiel de la pénitence, en sou­ lignant son caractère social, qui est celui de toute la litur­ gie sacramentelle dans l’Église chrétienne. Ils manifestent combien l’Église, à l’encontre du manichéisme et du dona­ tisme, reste consciente d'être un rassemblement de pécheurs. Aussi la pénitence est-elle, de fait, présente dans toute la vie du chrétien : pénitence pré-baptismale des competentes, pour les péchés du vieil homme dont le baptême délivre, quelque grands, quelque nombreux qu’ils soient ; pénitence quotidienne des fidèles et de l’évêque lui-même, pour les péchés quotidiens, ces minuta que l’homme nouveau tient de sa fragilité mortelle et pour lesquels il se frappe chaque jour la poitrine en disant : Remcts-nous nos dettes ; troisième sorte de pénitence enfin (VhumiUima poenitentia, Episl. 53, 7), pour des faits plus graves et qui entraînent la mort du pécheur (mortiferum, lelhale nulnus. S. 352, 8). Ces fautes sont théoriquement les péchés contre le Décalogue et la Loi (cf. S. 351, 7), spécialement l’adultère, l’homicide, l’idolâtrie (cf. De fide et operibus 34 ; S. 352, 8). Pour grave que soit le péché, il peut être pardonné par la miséricorde de Dieu (Enchiridion 17-LXV) *. Quel est donc ce péché contre l’Esprit qui ne peut être remis (cf. 11 Tim. 2, 19) ? C’est précisément le refus de la pénitence. Car pardonner les péchés est l’œuvre de l’Esprit dans l’Église (cf. Jn 20, 1. On est donc bien loin des courants rigoristes des siècles précédents et spécialement pour l'Afrique, du montanisme et du schisme do Novation. Cependant on persiste à n'accorder Ja réconciliation qu'une fois (Episl. 153,3). 42 INTRODUCTION 22-23). L'Esprit est esprit d’union ; le Père n’est père que du Fils et le Fils n'est ills que du Père, niais l’Esprit est esprit du Père et du Fils (S. 71, 33). C’est donc lui qui sus­ cite notre communion (societas) « par quoi nous devenons le corps unique de l’unique Fils de Dieu» (S. 71, 28). Par conséquent refuser le don de Dieu, ce don du pardon qui nous intègre ou nous réintègre dans le corps du Fils, par la régénération du baptême ou la réconciliation de la péni­ tence, c’est cela, pécher contre l’Esprit (S. 71, passim). Que Judas ait livré le Seigneur, cela lui eût été pardonné. Il est mort pour avoir désespéré de la miséricorde. En se pendant, il s’est refusé, de corps, au souille de la vie, de cœur, au souffle de l’Esprit (cf. S. 352, 8). Le De fide et operibus 48 énumère les différents traite­ ments qui délivrent le fidèle de scs fautes. C’est d’abord la récitation du Pater, remède (medela) pour les peccata minuta de chaque jour (cf. S 56 ; 17, 5, etc.). Vient ensuite, seul à seul, la médication des réprimandes, correptiones (qui­ busdam correptionum medicamentis), en référence à Maith. 18, 15 (cf. S. 17 et 82). Enfin la guérison des cas plus graves peut être obtenue (sananda esse) par l’humilité de la péni­ tence « telle qu’elle est donnée dans l’Église à ceux qu’on appelle proprement les pénitents ». On ne sait donc trop quel nom donner aux fidèles soumis en privé à la correptio de l’évêque ni d’ailleurs en quoi consiste exactement cette correptio. D’après le S. 17, 6, il devait y avoir une confession à l’évêque : * Dis : j’ai mal fait, j’ai péché. Car tu ne mourras pas si tu le déclares, non certes à moi, crois-le bien, mais à Dieu. Qui suis-je moi ? Je suis un homme comme vous. » Après quoi, l'évêquo pouvait convaincre de faire pénitence (persuadeo poeni­ tentiam. S. 82, 11), sans qu’il y ait eu sentence publique d’excommunication. Cette cure secrète reste pour nous assez obscure L 1. O» connaît les opinions divergentes émises A ce sujet par Karl Adam et B. Poschmann. E. Amann, dans l'article Pénitence, DTC. 1.12, c. "22-845, a essayé de présenter les conclusions de trente années de discussion (1933). Sur la pratique pénitcnticlle â l'époque pa tristique, un bon exposé de vnlgftrisntion dans .1. A. Junomann, La liturgie des premiers siècles, Paris 1962. 1Λ chapitre « I-a deuxième rémission des péchés » de l’ouvrage de P. va» LE SACREMENT DE PÂQUES 43 Quand le pécheur revient à la vie. le moment de la con­ fession de ses fautes marque le moment de sa résurrection : « car tu ne mourras pas, si tu déclares : j’ai péché ». Chaque fois qu’Augustin commente une des trois résurrections du récit évangélique (fille de Jaïre, garçon de Naïm, Lazare), il explique la résurrection du pécheur dans la pénitence x, car a les gestes miraculeux du Seigneur sont des paroles qui éclairent les sacrements » (domini facta miraculorum uerba sunt mysteriorum. S. Mai 125, 2). Le cadavre dans la maison (domi), c’est le péché intérieur et le repentir du cœur ressuscite qui a péché dans son cœur ; le cadavre qui n’est pas encore enterré, comme à Naïm, est le péché isolé ; mais le péché habituel, réitéré, enferme le pécheur au tom­ beau, iam foetet. « Que ceux donc que l’habitude du péché accable, souffrent violence. Christ frémit pour les ressus­ citer. La parole de Dieu les interpelle vigoureusement, l’Êcriture crie vers eux. nous crions nous aussi vers eux, afin d’etre entendus et de nous réjouir comme de Lazare rendu à la vie. Enlevez la pierre. Pourrait-il ressusciter sans repousser le poids de l’habitude pécheresse ? Criez donc, encerclez-le (ligate), suppliéz-le, accusez-lc, ébranlez la pierre. N'épargnez rien quand vous en rencontrez de tels. Vous vous donnez du mal, mais vous ébranlerez la pierre. Alors lui, lui dont la voix porte jusqu’au cœur, qu’il crie : ‘ Lazare, sors ! ’ Sors, c'est-à-dire : vis. Sors du sépulcre, change de vie, quitte la mort. Et le mort s’avança, lié de bandelettes. Car bien qu’il ait cessé de pécher, il est encore coupable de ce qu’il a commis. Il doit prier, il doit faire pénitence pour ce qu’il a fait..., il est encore lié. Aussi le Christ dit aux serviteurs de son Église qui imposent les mains aux pénitents : ‘ Déliez-le et laissez-lc aller Déliez, déliez. ‘ Ce que vous déliez sur terre sera délié dans le ciel ' » (S. Mai 125, 2). DER Mer», Saint Augustin, pasteur d’âmes, II, p. 101, brosse un tableau riche, nuancé et suggestif. Pour les rites de In Pénitence : W. Rôtzer, Des Helllgen Augustinus Sehriften als lilurgicgeschMitHehe Quelle. Munich 1030. 1. S. 07, 2 : 98, 7 ; 128, 14 ; 352, 8 ; S. Mai 125 ; In la. Eu. 19, 3, 24; En. in Ps. 101, II, 3. Ln péricopc de la résurrection de Lazare se lisait à Jour fixe, en dehors du temps du Carême, cf. S. Mai 125, 1. 44 ϊΝτηοηχ,’ΩτιοΝ Ainsi donc confesser sa faute, avec la volonté d’y renoncer désormais, c’est, à l'appel du Christ, sortir du tombeau. Mais le pécheur rendu à la vie reste lié, tant que les dis­ ciples n’ont pas dénoué les bandelettes du ressuscité, tant que l'évêque n’a pas réintégré le pécheur dans la société des fidèles. 11 est ·: séparé de l’autel », séparé du corps du Seigneur, sacrement de l’unité, séparé du Christ, tête et membres, jusqu’au jour de la réconciliation. Telle est la doctrine de la Pénitence exposée par Augustin. La pratique n’est pas aussi simple. Tous les chrétiens d’Hippone n’avaient pas une conscience très délicate ni très avertie. Il en est qui avaient l’habitude de dire : « Dieu ne se soucie pas du péché de la chair ! » (S. 82, 11). Quelques nouveaux baptisés avaient beaucoup de peine à comprendre que les amours ancillaires étaient proscrites aussi bien que l'adultère ou la fréquentation des prostituées (S. 224, 3). Recourir aux astrologues (mathematici) ou aux sorciers (incantatores) était une tentation quotidienne que les vrais fidèles repoussaient comme péché d’idolâtrie (S. 56, 12). Mais la gourmandise, l’ivresse sont aussi des fautes graves (S. 278, 8) *. L’évêque invitait souvent l’assemblée à une exigeante révision de vie. Il rappelait qu’on ne peut, en même temps, commettre le péché et participer au corps et au sang du Seigneur : « Vous êtes tristes de m’entendre dire : Si vous ne gardez pas la chasteté, n’approchez pas de ce pain. Et je voudrais bien ne pas le dire 1 mais qu’y faire ? Pour ne pas peiner des hommes, vais-je taire la vérité ? » (S. 132, 4). En plus de ces avertissements généraux, il adresse parfois en public, mais sous forme anonyme, des blâmes précis (correptiones) qui restent souvent infructueux : « Je reprends publiquement beaucoup d’entre vous, tous me louent, puisse l’un ou l’autre m’entendre I » (S. 82, 15). La respon­ sabilité de tant de. consciences fourvoyées parait accablante ‘ à l’évêque : « Nous gémissons sur les péchés de nos frères i et nous souffrons violence et nous sommes tourmentés en 1. Aux chrétiens mal informés qui revendiquent leur autonomie, il rappelle qu’ils sont devenus temples do Dieu, qui sera en droit de leur dire, s’ils font un usage Immodéré de nourriture, boisson, relations sexuelles : < Où habi­ terai-je ? dans ces ruines ? dans ce taudis ? » (S. 278, 8). LE SACREMENT DE PAQUES 45 notre cœur. Parfois nous les blâmons (corripimus) ou plutôt nous ne cessons de les blâmer. Tous ceux qui gardent le souvenir de nos paroles peuvent m’en être témoins ; constam­ ment les frères qui pèchent sont blâmés par nous et sévè­ rement blâmés... Seigneur, tu sais ce que j’ai dit, tu sais ce que je n'ai pas lu, tu sais ce que j’ai dit de tout mon cœur, lu sais que j’ai pleuré devant toi quand je parlais et n’étais pas entendu (S. 137, 14, 15). Quand il lui arrivait d'être entendu, c’est-à-dire quand le pécheur entrait au rang des pénitents (locus paenitentiae), ce n'était encore qu’une première victoire. Car il ne semble pas que, dans la pratique du moins, les pénitents d’Hippone aient mené la vie ascétique (jeûne, continence, cilice) qu’on décrit habituellement comme étant celle des pénitents. Il semble même que beaucoup d’entre eux continuaient allè­ grement leur vie de péché (cf. S. 232, cité supra). Sans doute confessaient-ils, par leur place même, qu’ils étaient exclus de la société des fidèles. Il y fallait un certain cou­ rage, car on rougit de perdre l’estime des hommes 1 23; cer­ tains pécheurs continuaient hypocritement à se mêler au corps des fidèles, tant que le scandale n’amenait pas leur excommunication. Augustin semble avoir été peu prompt à y recourir : a Nous sommes lents à excommunier, à rejeter de l’Église » (S. 17, 3). On le lui reprochait et il devait s’en expliquer : c’est, disait-il, qu’on le croyait mieux informé qu’il ne l’était ; même bien informé, il préférait user de patience afin que le remède ne soit pire que le mal ’ ; seul informé, il ne jugeait pas nécessaire de signaler un criminel à la justice civile ; enfin, à péché secret, blâme secret (par exemple, les adultères que les épouses venaient dénoncer) (S. 17, 3 et 82, 11) 4. 1. Cf. S. 82, 15 : <... Je parle sur Tordre de Dieu ; parce que je le crains, je ne me tais pas. Car qui ne choisirait de se taire et de ne pas avoir à rendre compte de vous ? Mais nous avons reçu une charge que nous ne pouvons ni ne devons enlever de nos épaules. « 2. Enchiridion 22. 3. En illustration, l’exemple volontairement caricatural donné dans le Tr. in lo. Eu. X, 5, qui se termine par : < Quand tu entends : Mets-Je hors de l’Église, tu dis : Je m’en vais chez les donatistes. » 4. Ailleurs cette attitude de discrétion est expliquée un peu différemment ; 46 INTRODUCTION Quand avait retenti la formule d’excommunication : « Mets-le hors de l'Êglise » (Tr. in lu. Eu. X, 5), ou quand le pécheur avait de lui-même confessé sa faute, il sollicitait la pénitence. Dès lors, dans cette lente remontée de la mort, la démarche des pénitents devient parallèle à celle des catéchumènes *. Comme eux, ils occupent, â l’église, une place en dehors de la communauté ; comme eux, ils ne parti­ cipent pas à l’eucharistie (peut-être même n’y assistent-ils pas : ne sont-ils pas séparés de l’autel » ?) a; comme eux, ils s’avancent processionncllcment pour recevoir l’imposi­ tion des mains (S. 232, 8). .Mais, comme eux aussi, ils se montrent peu pressés de rompre avec leurs habitudes de vie ; comme eux, ils font le mauvais calcul de retarder la récon- I dilation, comme on retarde le baptême, car on ne peut être baptisé et on ne peut être réconcilié qu’une seule fois (Episl. 153, 3). Tout cela explique l’admonestation aux Pénitents du mardi de Pâques dans le texte que nous avons cité. Après les fêtes pascales, seuls restaient au rang des Pénitents ceux dont la période pénilenlielle n’était pas close ’, mais surtout ceux qui s’accommodaient d’une situation qu’ils dans le 5. 351, 10 (dont l’authenticité est discutée), l'excommunication est présentée comme la sentence d’un tribunal ecclésiastique; dés lors, on ne dis­ pose pas toujours de faits suffisamment précis ; sans preuves certaines, les bons chrétiens hésitent ù accuser et les juges ecclésiastiques â ajouter foi aux accusations : « Quant à nous, nous ne pouvons éloigner quelqu'un de la com­ munion (quoique cet éloignement soit non mortel, mais médicinal), s'il no confesso pas spontanément sa faute ou s’il n'a pas été condamné par un tri­ bunal civil ou ecclésiastique. Car qui oserait être à la fois accusateur et Juge?. (S. 351. 10). 1. Bien des textes augustinlens mettent en parallèle baptême et récon­ ciliation, catéchumènes et jiénitcnts. · lut grâce de la régénération ou de la reconciliation qui existe dans Γ Eglise en l’Esprit-Saint » (S. 71, 23). Cf. aussi Episl. 223, 8 : alü baptizantur.·, alii reconciliantur. Au chrétien en danger de mort, on donnait sans délai, s’il était catéchumène, le baptême, s’il était pénitent, la réconciliation. 2. La question est controversée. Mais les textes d'Augustin avancés par les tenants de la thèso de non exclusion ne paraissent pas convaincants aux tenants de l'autre. 3. Cf. Enchiridion 17. Fixer le temps de la pénitence revient à ceux qui président aux destinées de lu communauté afin que chaque pécheur accom­ plisse une pénitence en rapport avec son péché (secundum modum sui cuiusque peccati). LE SACREMENT DE PÂQUES 47 jugeaient moins exigeante, des pénitents en somme qui n’ont de pénitent que le nom, un nom qui donne hypocrite­ ment le change : Nomen errai, crimen manet x. il est probable qu’au début du Carême, Augustin lançait, en même temps qu'un appel au baptême, un appel à la pénitence. Nous en avons deux témoignages : les allusions du S. 132 et le sermon déjà cité, publié par Dom Lambot 123: < Hier nous avons exhorté votre charité, vous tous qui êtes catéchumènes, à vous hâter sans retard vers la fontaine de vie ; vous tous qui vivez pour votre perdition dans les péchés, les turpitudes et la débauche, à changer de vie, à faire pénitence (et ce que vous aimez, ce n’est pas la péni­ tence mais la licence), à changer de vie et à vous préparer tous à la réconciliation, selon la volonté de Dieu. » 11 y avait donc parmi les pécheurs, ceux qui demandaient la péni­ tence et parmi les pénitents ceux qui, demandant la récon­ ciliation ’, devaient s’y préparer (ut parati silis), comme les competentes se préparaient au baptême. Ceux-là, au côté de la communauté des fidèles tout entière, entraient avec sérieux 45 dans la pénitence des Quarante Jours et prati­ quaient la prière, les veilles, le jeûne, la continence, l’au­ mône, pour obtenir de Dieu la rémission de leurs péchés *. 1. Le mauvais pénitent avait sur le pécheur non repentant l’avantage d’étre pris en charge par (’Église. Du pécheur on pouvait dire : · S’il attend la fin de sa vie, il ne sait pas s’il pourra recevoir la pénitence et confesser scs péchés à Dieu et au prêtre · (S. 393, I). Au contraire, on réconciliait sur leur Ut de mort les pénitents, fussent-ils adultères notoires, même s’ils ne pou­ vaient donner le moindre signe de vie (De coniugtts adulterinis 1, 35)· 2. C. Lambot, · Nouveaux Sermons de saint Augustin », RB, l. LXII (1952). p. 103. 3. Le pénitent faisait une démarche personnelle quand il voulait être admis à la réconciliation, cl. 5. 206, 12. •i. Parmi tant de constatations pessimistes sur les pénitents, on relève avec plaisir cette notation : · Parfois la pénitence des péchés améliore les hommes... » (S. 00, 12). 5. Augustin ne nous fournit aucune précision ni sur la date ni sur les rites de la réconciliation. Il dit, à propos des réconciliés in extremis, que l’Église leur donne les · arrhes de sa paix · (De adult, caning. 1, 35). 48 INTRODUCTION 5. LA PÂQUE DES FIDÈLES Le Baptême, < sacrement de la Résurrection 1 », introduit le fidèle dans une vie nouvelle, qui commence avec la rémission des fautes du passé, mais qui ne sera parfaite que dans la résurrection des corps 2. De cette vie les Nouveaunés connaîtront la maturité, non la mort3*. Ils ont part désormais à une pleine santé (sains), bien plus inappréciable que celle, déjà précieuse, du règne animal *, car elle ne se détériore pas (non Iransil). Ainsi la miséricorde de Dieu qui a créé les hommes les recrée 5*7. Le Sacrement de Pâques consiste à passer sans cesse de la mort à la vie, à accéder dès maintenant à cette vie nouvelle ; ce passage s’accomplit dans la Pâque du Christ ; sa résurrection est le sacrement par excellence qui préfigure et signifie : « Si donc nous sommes morts en lui, nous ressusciterons aussi en lui et lui-même meurt en nous et ressuscite en nous, car il est lui-même l’unité de la tête et du corps ♦. Car le passage de cette vie mortelle à l’autre vie, immortelle, c'est-à-dire de la mort à la vie nous est démontré dans la passion et la résurrection du Seigneur Par sa passion, le Seigneur est passé de la mort à la vie et, à nous qui croyons en sa résurrection, il a ouvert un chemin, pour que nous passions nous aussi de la mort à la vie 8. L’espérance a été donnée aux membres 1. S. 210, 3. 2. Hoc habet ipsa uis sacramenti, sacramentum enim est uitae nouae quae in hoc tempore incipit a remissione praeteritorum omnium peccatorum, perfi­ cietur autem in resurrectione mortuorum .(S. Omis 8, 1). 3. Fac filios tuos nouos de paruulis senes, sed non de senibus mortuos. In Ista sapientia senescere licet, mori non licet. (S. 225, 4). •I. Cf. le commentaire du Psaume 35, dans le S. 233, 2. 5. Hoc fecit misericordia eius qui nos creauit et recreauit, qui nos fecit et reficit. (S. Wilmart 3, 1). G. Si ergo in illo mortui sumus et in illo resurreximus et ipse in nobis mbritur et in nobis resurgit, ipse est enim unitas capitis et corporis. (En. in Ps. 62, 2). 7. Transitus ergo de hac uita mortali in aliam uitam immortalem, hoc est enim de morte ad uitam, in passione et resurrcclione domini commendatur. (Epist. 55, 2). 8. Per passionem cius transiit dominus a morte ad uitam et fecit nobis uiam credentibus in resurrectionem eius ut transeamus et nos de morte ad uitam. (In Ps. 120, 6). LE SACREMENT DE PAQUES 49 du corps dans leur tète ; puisque la tête a passé, eux sui­ vront sans aucun doute >. » La pâque des Hébreux, la sortie victorieuse de l'Égypte était le sacrement d’un sacrement : « Nous sommes libérés de la perdition de ce siècle, comme de la captivité et de la servitude égyptiennes, et nous accomplissons le plus libérateur des passages quand nous passons du diable au Christ afin de ne pas passer (au néant) avec le monde qui passe 12. » Passer de Satan au Christ (Tr. in lo. Eu. 55, 1), passer, comme le recommande 1* Apôtre, d'Adam au Christ (S. Guelf. 19, 2), du vieil homme! l’homme nouveau, du vieux levain aux azymes (Epist. 55), passer absolument du vieux au neuf (En. in Ps. 38, 9), cela s’accomplit nunc in spe, tune in re (En. in Ps. 38, 9), « car vous marchez maintenant dans la foi aussi longtemps que, dans ce corps mortel, vous pérégrinez loin du Seigneur 34 5». Vainqueur comme Jacob, mais comme lui blessé (benedictus et claudus) *, il faut pour­ suivre jusqu’au jour le combat avec l'Ange en s’encoura­ geant à la lutte, comme les chétiens (ou plus exactement les moines) de Numidie par ce mot de passe : « Si tu veux vaincre », ou comme ceux de la Proconsulaire et des pro­ vinces orientales du Vicariat : « Par ta couronne 6. » Mais en même temps, il faut s’exercer par avance à cette vie bienheureuse qui se trouve au-delà de la lutte ; car « per­ 1. Spes membris in capite data est quod essent itlo transeunle sine dubio secutura. (In lo. Eu. 55, 1). 2. ... a perditione huius saeculi tanquam a captiuitatc ucl interemptione aegyptia liberamur et agimus saluberrimum transitum, cum α diabolo tran­ simus ad Christum, nc cum mundo transcunte transeamus. (In Io. Eu. 55, l). 3. Ambulatis autem nunc per fidem, quam diu in hoc mortali corpore pere­ grinamini a domino. (S'. lienis 8.1). 4. S. 5, 8 ; S'. Guelf. 10, 2, 3. 5. Ce n’est pas, à vrai dire, dans la prédication pascale que nous lisons ce détail : Qua de re usque hodie in Numidia consuetudo est sic adlurare scruos dei : si uincas. Vides quia non sine causa pugnantis falis con i urat io dicitur. Nam et hic ubi loquimur, apud Carthaginem et in omni prouincia proconsulari et Bizaccno, sed et Tripoli iste est sermo consuetudinis adiurarc se inuicem seruos dei : Per coronarn tuam. Quam coronam nullus accipiet nisi uicerit. Et ego uos adiuro per coronam uestram ut contra diabolum toto corde pugnetis. (S. Caillou et Saint- Yues II, 6). Augustin d'Hippone. 4 50 INTRODUCTION sonne ne sera propre à la vie future qui ne se sera, dès main­ tenant, exercé à la vivre 12 3n. La liturgie pascale a pour cela valeur d’exercice. Les cinquante jours après Pâques symbolisent la béatitude. Les vivre avec l’Église est faire l'apprentissage de la vie éternelle. * Le nombre cinquante symbolise le temps de cette joie que nul ne nous arrachera ; dans la vie présente, nous n’en jouissons pas encore, mais après la solennité de la passion du Seigneur, à partir du jour de sa résurrection où nous relâchons les jeûnes, nous la célébrons, en faisant résonner l'Alleluia à la louange du Seigneur Alors, en effet, après les jours de notre abaissement (les quarante jours avant Pâques), c’est du temps de notre grandeur que nous nous plaisons à donner une image en la méditant par avance, même s’il ne nous est pas encore loisible de la vivre dans une claire vision » Jusqu’à la Pentecôte, les fidèles ne jeûnent plus, en signe de la Résurrection ; ils prient debout45 67; ils chantent l’Alleluia ·. Ce chant lui-même a, en quelque sorte, valeur de sacrement, il est signe prophé­ tique 4. « L'homme nouveau chante un cantique nouveau. Nous l’avons chanté et vous, les Nouveau-nés qui venez d’être renouvelés par lui, vous l'avez chanté vous aussi ; nous l’avons chanté avec vous, nous qui avons été payés le même prix que vous ’. C’est fête, mes frères, fête dans 1. El nemo potest idoneus fieri futurae uilac qui non $e ad illam modo exer­ cuerit. (En. in Ps. 148, 1). 2. Quinquagenarii numeri figura tempus illius gaudii significat, quod nemo auferet a nobis cuius in hac uita nondum functionem habemus, sed tamen post solemnitatem dominicae passionis a dic resurrectionis eius per dies quinqua­ ginta, quibus iciunia relaxamus. hoc in dominicis laudibus, personcnle Alle­ luia celebramus .(S. 210, 8). 3. Tunc enim post dies huius humilitatis, etiam nostrae celsitudinis tempus, etsi nondum uidendo agere uacat, iam tamen praemeditando significare delec­ tat. (S. 206, 1). 4. Comme chaque dimanche cf. Epist. 55. 28. 5. Et Allelluia canitur quod significat actionem nostram futuram (ibid.), 6. Quod nobis cantare certo tempore solemnilcr moris esi. secundum eccle» siae antiquam traditionem neque enim et hoc sine sacramento certis diebus can­ tamus. (En. in Ps. 106, 1). 7. Alleluia canticum est nouum. Homo nouus cantat canticum nouum. Cantauimus nos, cantastis et uos. infantes qui nuper ab ipso innouali estis el nos uobiscum cantauimus, qui eodem pretio redempti sumus. (S. Mai 92). I.E SACREMENT DE PÂQUES 51 votre rassemblement, fête dans les psaumes et les hymnes, fête dans le souvenir de la passion et de la résurrection du Christ, fête dans l'espérance de la vie à venir. Si espérer constitue une si grande fête, que sera-ce quand nous tien­ drons ’? Voici les jours où d’entendre l'Alleluia transporte en quelque sorte notre cœur. N’est-ce pas goûter un je ne sais quoi de la cité d’en haut 1 ? » Dans d’autres églises, on chante l’Alleluia en diverses occasions ; en Afrique, ou du moins à Hippone, il est réservé au temps pascal *, aussi les chrétiens attendent-ils avec quelque nostalgie ’ le retour de ce chant d’allégresse, cri victorieux de leur Pâque. Le substrat paulinien de cette doctrine est évident. Les textes de saint Paul sont d’ailleurs cités avec une particu­ lière fréquence 4. !. Ec.ce laetitia, fratres mei, laetitia in congregatione tiestra, laetitia in psalmis et hymnis, laetitia in memoria passionis et resurrectionis Christi, laetitia in spe futurae uitae. Si tantam laetitiam facit quod speramus, quid erit cum tenebimus ? Ecce isti dies, quando audimus Alleluia, quodammodo mutatur spiritus. Nonne quasi nescio quid de illa superna duitate gustamus ? (.$'. Guclf. S, 2). 2. Cf. Epist. 35. 32. 3. S. Guelf. 3,2. •i. Paul est cité quelque 238 fols contre 93 fois Jean. Les itpitres le plus souvent citées sont : Romains en tête, ensuite l Corinthiens, puis Éphésieru. Les citations sont le plus fréquemment empruntés au chapitre 15 de I Corin­ thiens, nu chapitre 5 des Éphfsiens, nu chapitre 10 des Itomains. Les versets qui reviennent le plus souvent sont : Rom. 4, 25 : S. 220, 231, 236. Guelf. 4, Guclf. ô, Wilmart 4, Wilmarl 9. Rom. 5. 5 : S. 212, 218, Guelf. 11. Rom. 5, 6 : S. 215, Denis, 4, Guelf. 3. Rom. 6, 4 : S. 210. 236, Denis 8, Guelf. 7, Guelf. 9. Rom. 6. 9-11 : S. 217. 220, Guelf. 4, Guclf. 6. Mai 94. Rom. 10, 9-15 : S. 56. 57, 58, 59, 213, 214, 215, Guelf. 1. Rom. 13, 12-14 : S. 205, 230, Guelf. 5, Guclf. 8, Denis 8. 1 Cor. 2, 9 : S. 206, 215, 216. 236. 259. I Cor. 4. 5 : ,$’. 243, 252, 259. I Cor. 5. 7 : S. 220, Guelf. 5, Denis 4, Wilmarl 8. I Cor. 10, 1-4 : S. 231, 260, Mai 89. 1 Cor. 10. 13 : S. 223, 256. IVi/marf 5. 1 Cor. 12, 27 : S. 213, 272. Guelf. 1, Guelf. 7. I Cor. 15, 53-55 : S. 56. 212. 214, 233, 255. 256, Mal 87. Π Cor. 3. 5-6 : S. 249. 250, 251, Guelf. 15. II Cor. 4. 6 : 5- 223. Wilmart 4. Add. ad S. Wilmarl. Il Cor. 11, 2-3 : S. 213, 254, Guelf. 1, Mai 91. (Suite de la note t, page Si.) 52 INTRODUCTION 6. AU TERME DU PASSAGE : CHRISTUS DIES Si les versets de Romains 13, 12 : Nox praecessit, dies autem appropinquauit, et à’Éphéslens 5, 8 : Fuistis aliquando tenebrae, nunc autem lux in domino reviennent si souvent dans la prédiction pascale, c’est que le baptême, qui est la Pâque des Nouveau-nés, c’est que la Pâque des fidèles, les fait déboucher, au terme de leur passage, dans le Christ Lumière, le Christus Dies. Augustin ne fait que reprendre une expression traditionnelle ; Cyprien l’employait avant lui : Christus sol uerus et dies est ucrus l. On peut dire que la liturgie des fêles pascales évoque sans cesse la lumière. Les textes et les chants de la veillée l'exaltent 3. Le jour de Pâques, éclate, avec F Alleluia, le verset du Ps. 117, 24 : Hic est dies quem fecit dominus, repris au jour de l’Octave, où il est traditionnellement commenté 3. Les chrétiens sont en marche vers la lumière. Aussi les journées ne commencent-elles plus au point du jour, comme dans la Genèse, mais au début de la nuit précédente, ·; parce que vous vous efforcez de passer non de la lumière aux ténèbres, mais des ténèbres à la lumière, ce que nous espé­ rons faire, le Seigneur aidant4. Car l’homme libéré des péchés parvient à la lumière de la justice 6. » Gai. 5.17 : S. 56, 58, 242. Æphw. 2, U : S. 218. 252, 258. Éphcs. 4,26-27 : S. 58, 208,209. Mut 94. ÉpMs. 5. 8 : S. 219, 222, 223, 225, 226, 258, Guelf. 8, Guelf. 18. Phil. 2, 6-7 : S. 212, 213, 211, 241, 246, Gud/. 1, Guelf. 11. Col. 3, 1-4 : 5. 231, 255, Denis 8. Z Thess. 4, 5 : Guelf. 8. I Thess, 5, 2 : Guelf. 8. ZITim.2,8: S. 215, 231. IIThiin. 2.11-12 :S. 206. II Tim. 3,13 : 256. 1. De oratione dominica 35. 2. Ps. 17. 29 ; 33. 6 ; 75. 5 ; 138. 12 ; Genèse 1. 4-5 ; Romains 13. 12; // Cor. 4, 6 ; tiphés. 5.8 ; 6.12 ; Col. 1.12-14. 3. C’est en particulier le thème de S. 258. 4. Quia non a luce ad tenebras, sed a tenebris ad lucent ucnire conamur et domino adiuuante speramus. (S. Guelf. 5, 4). 5. Quia a peccatis homo Uberatus peruenil ad lucem tustitiac. (Quant, Euangeliorum 1, 7). LB SACREMENT DE P,\QUES 53 Bien plus, les fidèles sont eux-mêmes lumière, sont euxmêmes ce * Jour que le Seigneur a fait » : * El lucem uocauit diem (Genèse 1, 5)..., si donc il a appelé la lumière Jour, sans aucun doute ceux auxquels s’adresse l’apôtre (Vous étiez autrefois ténèbres, maintenant vous êtes lumière dans le Seigneur) sont le Jour ; tous les saints, tous les fidèles et par conséquent tous les justes (car le juste vit de la foi), tous ensemble, dans l’union la plus intime, sont le Jour et l’union de tous est elle-même l’unique Jour 1 ». Certes, ce jour est a celui que le Seigneur a fait » et la seconde partie du verset prend de l’importance dans la polémique antipélagienne : « S’ils se rendent justes eux-mêmes, ce n’est plus le Jour que le Seigneur a fait 23 *56». Ce Jour est l’oclauus (lies, le huitième jour, que préfigurait la circoncision, que réalisait la Résurrection, que parachevait l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte ·, que rend présent à tous les yeux la célébration liturgique de l’Octave des Nouveaunés ; ce huitième Jour est la vie éternelle. « En effet, par le nombre huit est préfiguré ce qui a trait au siècle futur, où le déroulement du temps n’ajoute ni ne retranche rien, mais où demeure sans fin un bonheur qui ne change plus *. » Les Nouveau-nés, rassemblés entre les cancels dans leur robe blanche, sont le signe de cet octauus dies, le signe de la béatitude éternelle, Jour qui n’aura pas de déclin : « car le Jour de la vie éternelle est un unique jour sans déclin 8 », * un malin qui ne verra pas de soir · ». La Pâque, transitus, 1. Et lucem uaenuit diem (Gen. 1, 5). St erqo lucem uocauit diem. sine dubio illis quibus dicit u/tosMus : fuistis aliquando tenebrae nunc autem lux in do· mino, dies sunt. Omnes sanci i. omnes fideles, ac per hoc omnes iusti, quia iustus ex fide i/iurï, simul omnes in unitate concordissima dies sunt ac ipsa omnium unitas unus est dies. (S. Guelf. 18, 1). 2. Si i ustos ipsi se faciunt, non est iste dies quem fecit dominus. (S. Guelf· 18, 1.) 3. La Résurrection a lieu le huitième jour, puisqu’elle a lieu le lendemain du sabbat, septième jour. Quant à la Pentecôte, cinquante jours après Pâques, le 5. Mai 94. 6 explique la façon d’y rattacher le huitième jour par un savant décompte. •1. Octonario itaque numero praefigurantur quae ad futurum saeculum pertinent ubi nullo uofnmine temporum seu deficit seu proficit aliquid sed stabili bealitudine iugiter perseverat. (S. Mai 91, 3). 5. Nam dies uitac aeternae, unus dies est sine occasu. (En. in Ps. 26, 7). 6. Mane habet et uesperam non habet. (En. in Ps. 38, 7). 54 INTRODUCTION est le passage vers le bonheur, mais le bonheur ne sera parfait qu’à l’issue du passage : « car l’éternité que préfi­ gure notre célébration de l’Octave ne peut ni augmenter ni diminuer et là c'est toujours aujourd’hui. C'est un jour qui ne commence pas avec la fin du jour d’hier et ne se termine pas avec le commencement de demain, mais qui est toujours aujourd’hui 12». Le Christ est cet « Aujourd’hui » de la vie éternelle. « Pourquoi ici les jours sont-ils mauvais ? parce qu’un jour passe et un autre vient, parce qu’aujourd’hui passe pour que vienne demain, parce que hier passe pour que vienne aujourd’hui. Là rien ne passe plus, c’est un unique jour et ce Jour est le Christ a. » 1. Aerternitas enim cuius habet signum istc octauus dies nec augeri nec minui potest et semper ibi hodie est. Et hodiernus ille dies nec a fine inchoatur hesterni nec ad principium crastini terminatur sed semper hodiernus. (S. Mat 91, 6). 2. Hic enim quare sunt mali dies ? Quia transit unus ut ueniat allust transit hodiernus ut ueniat crastinus. transit hesternus ut ueniat hodiernus. Ubi nihil transit, unus est dies et ipse dies Christus est (S. Guclf. 86, 10). CHAPITRE Π LA PRÉDICATION PASCALE 1. LES SAINTS JOURS DE LA QUARANTAINE La célébration pascale commence au début du Carême, car il partir de ce moment va se dérouler la iota paschalis solcmnilas (S. 210, 9). Au commencement des < Saints Jours », l'évêque devait à son peuple une exhortation : « Nous entrons aujourd’hui dans l’observance de la Quarantaine dont s’oflre à nous le retour solennel, annuellement aussi nous vous y devons une exhortation » (S. 205, 1). Possidius, dans son Indiculus, signale que cinq de ces prédications étaient conservées dans la bibliothèque d’Hippone : De. quadragesima ante Pascha tractatus quinque *. Nous en possédons sept, les sermons 205 à 211 4. Il faut y ajouter le De utilitate ieiunii, que Possidius porte ailleurs sur sa liste 8. Les chrétiens jeûnent pour suivre l’exemple donné par Moïse, Élie, Jésus ■*. Ils jeûnent, comme Jésus le fit, pour combattre la tentation (.S'. 210, 3). A cette raison tactique s’ajoute une raison mystique : « Quand approche le moment de célébrer la passion du Seigneur crucifié, nous devons nous construire une croix ù nous-mêmes en nous refusant aux plaisirs de la chair ». « Rester suspendu à la croix est d’ailleurs un bon moyen de ne pas s’enliser dans la bouc terrestre ·. 1. Cf. Λ. WitMAivr, Oprrum S. Augustini *Elenchus MA II· P· 205. 2. tas 5. 205 ù 210 sont des exhortations de début de Carême proprement dites. Le 5. 211 a été prononcé au cours du Carême. Autres sonnons pronon­ cés en Carême : S. 5 et 392. 3. A. Wh.mart, loc. cit.9 p. 195. •1. Inde cum his duobus in monte se ostendit (S. 210, 9). Cf. Epist. 55, 28 et En. in Ps. 110, 1. 5. ... In hac quidem cruce perpetuo debet pendere Christianus... Non est enim in hac uita tempus cuellcndi claws. (S. 205, 1 ; cf. 207, 2). 6. Si terreno limo gressus non uis immergere, noli de ista cruce descendere. (S. 205, 1). 56 INTRODUCTION Quarante est un nombre mystique (mystico numero quadraginta, S. 205, 1), qui recèle un mysterium (S. 210, 1). Les Quarante Jours sont le symbole de notre vie sur la terre, dans l’attente de la venue du Seigneur. Des quatre coins de l’univers *, le cœur serré par l’angoisse (cum ange­ tur cor eius, S. 210, 8), l’Église appelle son Seigneur, « car voici l'heure dont il est dit : vous serez tristes » (S. 210, 7). L’objet de la prédication sur le Carême est d’inviter au jeûne, à la prière, aux aumônes *. Le jeûne est la première observance de Carême. Le terme recouvre à la fois l’obligation du jeûne proprement dit, de l’abstinence et de la continence. Pendant le Carême, fidèles et competentes jeûnaient tous les jours, sauf les dimanches et le jeudi saint3. Le jeûne consistait, semble-t-il, à ne prendre de la nourriture qu'à un seul repas, vers trois heures. L’abstinence concerne la viande et le vin. On s'abstenait de bains, parce que bain et jeûne sont incompatibles *. Les conseils donnés témoignent 1. La ionnation du nombre quarante est bien entendu expliquée : 4 X 10 — les quatre points cardinaux et les dix commandements de la loi. On connaît la faiblesse des anciens en général, et d’Augustin en particulier, pour le symbolisme des nombres. 2. Ipsum trmpus, eliam taccntibux nobis» satis nos admone! et horiatur ut (eiuniis cl orationibus et deemosynis solito instantius et alacrius /enicatis (S. 208, î). La formule revient avec peu de variantes dans chaque exorde. 3. Et sauf le samedi pour ceux qui l’entendaient ainsi. I-a Lettre 36 roule tout entière sur la prétention d’un anonyme» originaire de Rome, à juger les églises oü l’on ne jeûnait pas le samedi ; l’usage romain étant de jeûner les mercredi, vendredi, samedi. La discussion porte sur les jeûnes de toute l’année et non sur ceux du Carême ; mais vers la fin» avant de mentionner qu’en Afrique la coutume variait d’une église à l’autre» voire d’un fidèle A l’autre (32), Augustin constate : quod quidem uno dic quo Pascha celebratur... sic ab omnibus ieiunatur id diam till sabbati Munium deuotissime celebrent qui ceteris per totum annum sabbatis prandent (31); et plus loin : excepto pascali uno sabbato. Si les fidèles en question avaient jeûné les samedi de carême, le mol unus n’eût pas été employé ici par deux fois. ίχ· sermon de carême 210. 9 exhorte : ut exceptis diebus per quos certis de causis mos eccle­ siae prohibe! iciunare domino deo nostro ud quotidiano ud crebro ielunio pla­ ceamus. Le jeûne quotidien est donc A comprendre : dimanche excepté ; pour ceux qui ne jeûnent ni samedi ni dimanche, il faut parler d’un jeûne crebrum. La Lettre 36, citée plus haut, se terminait par le conseil de suivre l’exemple de l’évêque du lieu, mais l’évêque d’Hipponc ne dit pas ce qu’il faisait lui· même. 4. llefcclionem quae hora noua fit (Epist. 54» 9). Une heure plus tardive est LA PRÉDICATION PASCALE 57 à la fois de bon sens et de largeur de vue. On peut avoir égard aux santés ». Jeûne et abstinence ne doivent pas porter à croire que certains aliments sont impurs. Le texte de VÉpttre à Tite : Omnia munda mundis (S. 208, 1 ; 209,3), nous prémunit contre cette erreur du manichéisme, car il serait sacrilège (sacrilegio errore) de condamner une créature de Dieu. Comme il faut s’y attendre, les fidèles les plus habiles à tourner les rigueurs de la pénitence se montrent les plus sottement scrupuleux : chez eux, on bannit jus­ qu’aux marmites où l’on faisait cuire la viande, mais l’ab­ stinence de Carême devient une belle occasion pour la gourmandise, leur palais voudrait n’en jamais voir la fin ’. Plus de vin, mais des jus de fruits délicieux, plus de viande, mais des mets recherchés. Accroissement de dépenses en un temps où l’on devrait s’efforcer de vivre pauvrement (S. 210, 11). D’autres. Augustin le constate avec tristesse (tacere non possum), s’empiffrent si goulûment quand vient le moment de la réfection que leur jeûne suffit à peine à les laisser digérer Voilà des exemples à ne pas suivre. De toutes façons, il est un jeûne auquel nous pouvons nous donnée par le Dr moribus Ecclesiae. Calh. I. 70 : Quotidie semel, sub nodem, reficiendo corpus, quod est usquequaque usitatissimum. Saint Basile {De ieiunio, Homilia I, 10, PG30,181) et saint Jean Chrysostome (Ad Populum Antiochenum, Homilia IV, 6, PG 4Ô. 68) donnent la même indication quo ce sub nodem et Justifient usquequaque. En fait, on prenait en temps normal, un premier repas à la cinquième heure, c’est-à-dire vers onze heure * du mutin (cf. S. 345, 5 : Cum uencrit hora quinta antequam ad mensam acceddas, esuris rt deficis). En période de jeûne, une re/eclio sans vin ni viande, prise Λ l’heure de In orna (trois heures), tient Heu à la fois de prandium et de cena. Dans le texte de la Lettre 36 où s’opposent constamment ieiunium et prandium, on voit bien que le Jeûne consiste à s’abstenir de prandium, c’est-à-dire (commo notre langue a fort bien traduit) de déjeuner. Ceux qui jeûnent et ceux qui déjeûnent se retrouvent à la cena, dont on a vu qu’il ne faut pas s’exagérer l’heure tardive. L’abstention de bain vient probablement de lu nécessité d’économiser scs forces, déjà affaiblies par le jeûne (cf. Suétone, Augustus 82 : Verum tantam infirmitatem magna cura luebatur, in primis lauandl rari­ tate). 1. Potest quisque dicere : .Ve stomachus doleal, ieiunare non possum. (S. 210, 12). 2. Sunt quidam obseruatores quadragesimae deliciosi potius quam reli­ giosi... (S. 210, 10). 3. Nam ubi tempus reficiendi aduenerit... uentres distendunt... tantum capiunt manducando quantum digerere non sufficiant ieiunando. (S. 210, 10). 58 INTRODUCTION livrer pleinement, un jeûne du cœur, le jeûne des mauvais instincts, jeûne de la colère, de la haine, des vices qui nous nuisent tant 207, 3). La continence n’est pas seulement conseillée, elle est de stricte obligation pendant le Carême. En effet, on peut déjà relever l'insistance du conseil qui revient dans tous les sermons (S. 205, 2 ; 206, 3 ; 207, 2 ; 208, 1 ; 209, 3 ; 210, 9 ; 211, 6). Un passage du De fide et operibus 12nous renseigne sur son caractère obligatoire pour les competentes : ne seront admis au baptême que ceux qui accepteront de garder la continence, paucis ipsis solemnibus diebus. Si l’on replace ce texte dans l’argumentation générale du traité, on peut en conclure que l’obligation existait d’abord pour les fidèles. Revenons aux sermons. L’exemple de vies entière vouées à la chasteté doit encourager. Ce n’est vraiment pas une grande affaire (puto non esse magnum) de garder la continence Iota paschali solemnilate (S. 210, 9), car l’abstinence de nourriture et de boisson ne peut être totale pendant tant de jours, mais l’absence de rapports conjugaux peut l’être (ibid.). Voici du temps gagné pour la prière (ut orationi uacent, ibid.), comme le disait saint Paul, de même que ce qui est économisé par le jeûne doit être converti en aumônes. L’aumône découle du jeûne, elle est la seconde des obli­ gations de Carême *. Elle peut aussi y suppléer (S. 209, 2). Mais s'il en est qui ne peuvent jeûner pour raison de santé, s'il en est qui ne peuvent donner pour raison de pauvreté, il leur est toujours loisible de faire l’aumône puisque « au­ mône signifie en grec miséricorde » (S. 207, 1). En consé­ quence : » A qui jeûne, le jeûne ne sert de rien sans la misé­ ricorde » (ibid.). Car le plus important reste le jeûne du cœur, l'aumône de la bonté (.S’. 205, 3 ; 206, 2, 3 ; 207, 3 ; 208, 2 ; 210, 12 ; De utilitate ieiunii 7). Pour ce jeûne, pour cette aumône, pas d’excuse possible, il ne s’agit pas de prendre au cellier, ni d’ouvrir sa bourse (S. 20î, 3). « Qui donc ira dire : Je n’ai pas pardonné, car ma santé in'en empêchait, car je n’en avais pas les moyens ? « (.S. 210, 12). Π faut éviter la colère, il faut, même adoucir sa sévérité 1. Cf. Epist., 54, 5, 9, 10. 2. Voluntaria copiosi Inopia flat necessaria inopis copia. (S. 210, 12). 1.Λ PRÉDICATION PASCALE 59 (S. 208, 1), témoin Isaïe 57, 3-5 ; 58, 4-5. <> Ton jeûne serait donc rejeté, si tu te montrais trop dur envers ton ser­ viteur ; mais sera-t-il accepté si tu ne pardonnes pas à ton frère ? < (De utilit. ieiunii 7). Les versets de Luc 7, 37 et de Matthieu 6, 12 reviennent, dans chaque sermon, rappeler le pardon des offenses. L’impcricuse nécessité de la miséri­ corde devient tout le sujet du Sermon 211, celui que nous avons choisi d’éditer. Alors peut s’élancer le vol de la prière. Donner et par­ donner sont les deux ailes de l'intercession x. Néglige-t-on l’un ou l’autre et, comme il est dit ailleurs (S. 58, 10), la prière ne bat plus que d’une aile. Ainsi le jeûne du corps et du cœur, le don et le pardon mettent-ils le chrétien dans l’attitude d’âme qui convient à ces Saints Jours ; car il doit, en cc temps plus qu’en tout autre, garder le sentiment de sa bassesse *. Ce temps signifie son humilitas, tandis que le temps après Pâques (les Quin­ quaginta (lies) sera l’image de sa future grandeur. 2. LA TRADITION DU SYMBOLE Dans la succession des Sacramenta de l’initiation chré­ tienne, le u sacrement du Symbole », nous l’avons vu, occu­ pait une place importante et comportait plusieurs temps : tradition du Symbole quinze jours avant Pâques, première reddition pendant la cérémonie du scrutin, reddition solen­ nelle au cours de la veillée pascale. Au jour de la tradition, après avoir prononcé devant les competentes le texte de la profession de foi, il était d’usage d’en faire le commentaire. Quatre de ces prédications nous ont été conservées : les sermons 212, 213 (plus complet dans le texte édité par Dom Morin : Guelferbgtanùs I), 214, de symbolo 3. En outre 1. Hae sunt duae alae orationis quibus uolel ad Deurn si illud quod commit· titur ignoscit delinquenti et donat egenti (S. 205» 3). 2. lelunemus etiam humiliantes animas nostras appropinquante dic quo magister humilitatis humiliauit sc ipsum. (S. 207, 2). 3. Ces prédications sont de longueur très inégale. Dans notre édition» le S. 212 mérite bien la qualification de breuis sermo que lui donne Augustin» il est moitié moins étoffé que le S. Gutlf. 1, trois fois moins que le S. 214, quatre fois moins que le De symbolo. Pour le S. 215, voir l'édition qu’en a 60 INTRODUCTION le S. 215, de même structure et qui développe les mêmes thèmes, a été prononcé après la première reddilio. L’orateur explique le sens du mot symbolum. C’est un emprunt au vocabulaire commercial ; les marchands ont un signe, une marque, un sceau qui engage leur association par un traité de bonne foi (cf. 5. 212, 1). Ce que les chré­ tiens appellent symbolum 1 renferme la foi commune (fides placita) de leur société et le chrétien fidèle se reconnaît à sa confession, comme à un signe donné (signo dalo). Cf. S. 214,12 et S. Guclf. 1, 2. Il est, de plus, le signe d'un con­ trat passé avec Dieu : « ...Voici qu’avec la vente, et le marché de la foi le royaume des cieux vous est proposé à l’achat (cum auctione et mercatu fidei. S. 216, 3). Le salaire de la foi (merces fidei) sera la vision de Dieu ; alors il ne sera plus besoin de pièce justificative, de symbolum (S. 58, 13). Le symbolum est donc le signe, le gage du trésor de la foi : ·> Qu’il soit votre richesse » (ibid.) ; aussi est-il à l’usage exclusif des chrétiens fidèles ; les competentes ne font que commencer d’en avoir l’usage : » Vous aurez le Symbole parfaitement en vous quand vous serez baptisés n (De sym­ bolo 15). Est ensuite justifié, ù partir de Romains 10, 9-14, le moment de la traditio symboli, sa place dans le déroule­ ment des rites d’initiation : « Parce que si tu confesses de bouche que .Jésus est le Seigneur et si tu crois en ton cœur que Dieu l'a ressuscité des morts, tu seras sauvé... Mais comment pourraient-ils invoquer celui en qui ils n’ont pas cru ? Et comment pourraient-ils croire en celui dont ils n’ont pas entendu parler ? » Cette référence lui est si chère que nous la trouvons dans tous les sermons de symbolo sans donné Dom P. Vbrdrakkn» · Les Sermons CCXV et LVI de saint Augustin »» IUl9 t. LXVI1I (1958)» p. 5-40» qui restitue la bonne leçon : Sacrosancti mffln terii symbolum (ft la place de Sacrosancti martyrii symbolum'). Il est intéres­ sant de rapprocher les catéchèses sur le Symbole du Dr fide cl symbolo, qui est le discours prononcé par Augustin» encore prêtre» devant 1rs évêques réu­ nis au concile d’Hippone en 393. L’ordre chronologique de nos catéchèses serait approximativement : Sermons 2!5, 212, Guclf. l9Dc symbolo, 214. Troif d’entre elles étaient conservées dans la bibliothèque d’Hippone : Possidivs note dans ’‘•on Indiculus : De symbolo tractatus tres. L Le mot Symbolum a été étudié par J. N. D. Kelly. Early Christian creeds, London 1960, p. 52-61. LA PRÉDICATION PASCALE 61 aucune exception *. Dans le S. Guelf. 1, le 214 et le de fide et symbolo, le processus : audire, credere, inuocare, saluari explique la succession des sacramenta de l’initiation *. Cependant le Symbole ne transmet pas de vérités ésoté­ riques : son contenu se trouve tout entier épars dans les Écritures ou mis à la portée de tous dans la prédication C’est ce que répètent le De fide cl symbolo, le S. 212, le De symbolo, le S. 214 ; mais son utilité réside dans sa briè­ veté *. Grâce à lui, le fidèle peut embrasser, comme du regard, l’objet de sa foi. Ici interviennent discrètement deux belles images. Le Symbole est miroir de la foi (spécu­ lum fidei) : « Que ton symbole soit pour toi comme un miroir. Regarde-toi en lui : pour voir si tu crois tout ce que tu déclares croire. Et réjouis-toi chaque jour en ta foi » 58, 13). 11 est aussi tunique et cuirasse (tunica et lorica, ibid.). L’origine de cette image était Éphés. 6, 14. Bien qu’Augustin ne le dise pas expressément, ceci est en rapport avec l'idée de contrat ; il faut brandir au nez du spoliateur d’hier la formule qui lie au juste possesseur. C’est en ce sens qu’il est lorica contra aduersitatem (ibid.) et que l’on peut con­ seiller : a Avant de sortir, couvrez-vous de la protection de votre symbole » (De symbolo). Aussi le chrétien fidèle doit-il le réciter avec constance, dans son lit (S. 215, 1), en se levant et en se couchant (S. 58, 13) et le méditer en circulant en ville (S. 215, 1). Celle récitation fréquente a aussi une utilité plus prosaïque, elle prévient l’oubli. Car on apprend le Symbole par tradi­ tion orale, il ne peut être écrit5 et, contrairement à ce qui a lieu pour le Pater, on ne l’entend pas à la table du Sei­ gneur (S. 58, 13). !. La citation du texte paulinicn sert habituellement d’exorde. Dans le S. 215, elle sc trouve au milieu du sermon. Une brève allusion dans le 5.212,1 (sa/ui criHs). 2. Tradition du Symbole — oudirr» reddition — credere, tnidition-reddi­ tion du Pater — inuocare, bain baptismal — saluari. 3. Hoc est cr/jQ symbolum quod nobis per scripturas et sermones ecclesias­ ticos insinuatum est (S. 212, 2). Nam in sanctis scripturis et in sermonibus ecclesiasticis ea mullis modis posita soletis audire (S. 214. 1). 4. · Pour qu’il instruise sans charger la mémoire · (S. Guelf, 1, 2). 5. Augustin donne une explication mystique de la discipline de l’urcane (S. 212, 2). 62 INTRODUCTION L’n des avantages du Symbolum est de présenter les vérités de foi selon un ordre déterminé (in ordinem cerium, S. 214, 1). On peut donc s'étonner que cet ordo certus ait changé à Hippone au cours de l'épiscopat d’Augustin. En effet, les Sermons in traditione symboli donnent deux textes diffé­ rents. Les S. 215 et 212 se réfèrent au symbole africain qui était aussi en usage ù Carthage et le restera longtemps à Ruspe ». Les autres prédications commentent le texte romano-milanais 2. La question est restée bien obscure tant qu’on a cru que le S. 214 (Symbole de type romano-milanais) était à dater de la première année du ministère d’Augustin ·. On comprenait difficilement qu’après avoir adopté un texte romain l'évêque soit revenu au texte africain, puis de nou­ veau au type romain. Dom P. Verbraken a fait la lumière sur ce point, en prouvant que le S. 214 a été composé vers a fin de la carrière d’Augustin pour servir de modèle ou de texte aux prêtres de son Église qui débutaient dans la prédication *. On comprend mieux dès lors le déroulement 1. Cf. dans J. N. Kelly p. Bruyxe · Saint Augustin, réviseur de la Bible », MA, t. II. p. *519 606) fait remarquer que les mss grecs ont trois leçons pour cc texto : 1) άθανάτω άοράτω, 2) άφ&άρτω άοράτω, 3) αφΟ.άορ.άΟ. Augustin suit généralement la deuxième leçon, mais il a toujours la même transposition : inuisibili, incorruptibili (p. 536). Dans la formule du Symbole, le texto est conforme à la traduction de la Vulgato : inuisibilt, immortali, dans lo même ordre d’après le S. 215; avec transposition d’après le 5.212. 2. mementote cum dixerimus : Et lestirn Christum filium eius unleum dominum nostrum. 3. Carnis resurrectionem, iam finis est (S. Guelf. 1, 10). 4. De symbolo 17. LA PRÉDICATION PASCALE 65 3. LA PRIÈRE DU SEIGNEUR Huit jours après le Symbole et quand les competentes l’avaient pour la première fois récité en public, probable­ ment au cours d’une cérémonie differente, on leur confiait la Prière du Seigneur, le Pater, qu’ils devaient aussi apprendre pour le réciter huit jours plus tard, c’est-à-dire le samedi, veille de Pâques, mais non au cours de la veillée *. Alors que la redditio du Symbole était en elle-même une étape importante de l'initiation, la redditio du Pater semble une simple répétition. On y < récite » le Pater, on ne l’y > prie » pas, parce que le Pater est la prière des fils : « com­ ment en effet pourrait-il dire « notre Père », celui qui n’est pas encore né 12 ? » (S. 59, 7). La bibliothèque d’IIippone conservait un de ces sermons De oratione dominica 3 ; quatre d’entre eux nous sont par­ venus : les sermons 56 à 59 4. Au jour de la tradition, il était d’usage de commenter pour les competentes les paroles de la prière, ou plutôt l’évan­ gile de Matthieu 6, 7 s., dont la lecture venait de leur être faite. Le point de départ est toujours la citation, d’après Paul, de Joël 2, 32 : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé », avec son contexte de Romains 10, 13-15. La succession des traditions du Symbole et du Pater reçoit ainsi une justification logique 5. « Vous devez d’abord 1. Voici les textes les plus explicites : Quicumque autem uestrum non bette symbolum reddiderunt, hâtent spatium, teneant ; quia dic sabbati, audientibus omnibus qui aderunt, reddituri estis, dic sabbati nouissimo quo dic baptizandi estis. Ad octo autem dies, ab hodierno die, reddituri estis hanc arationem quam hodie accepistis (S. 58, 1). In die sabbati, quando uiqilaturi sumus in dei mise­ ricordia reddituri estis non orationem sed symbolum (S. 58. 13). Ad octo enim dies reddituri illam, non oraturi ; post baptismum illam orabitis (S. 59, 7). Sed ubi est furacia sanctificatio, dicimus orationem dominicam quam accepistis et reddidistis (S. 227). 2. Cyprirn le précisait aussi : Pater noster, id est eorum qui credunt, eorum qui per eum sanctificati et gratiae spiritalis natiuitale reparati filii dei esse coe­ perunt (De oratione dominica 10). 3. A. Wjlmart, · Operum S. Augustini Elenchus », Μ.Ί II. p. 206. •1. En d’autres circonstances, autres commentaires du Pater : De serai, dom. in monte II. 15 ; Ench. de fide et char., 30 ; Epist. 130 ; etc. 5. CL Λ. M. La Bonnarimkhm, · Les douze petits prophètes dans l’œuvre de saint Augustin ». REA, 1957, p. 341-371. Augustin d'Hippone. 5 66 INTRODUCTION apprendre ce que vous devez croire et ensuite ce que vous devez demander » (S. 58, 1). C’est Vordo aedificationis (ibid.). Le Seigneur a lui-même enseigné à scs disciples à prier ; ses conseils sont d’un bon avocat et notre cause est en bonnes mains, puisque notre conseiller juridique (Juris­ peritus) est précisément le juge-assesseur (Assessor patris)1. Seul fils du Père, le Seigneur n’a cependant pas voulu rester a fils unique 2 », aussi : « l’Unique a d’innombrables frères qui disent Notre Père qui es aux cieux » (S. 57, 2). Un général, un mendiant, un esclave et son maître, qui disent chacun : Notre Père, comprennent donc qu’ils sont frères » (cf. S. 58, 2 ; 59, 1). « Que ton Nom soit sanctifié », cette demande nous con­ cerne. En lui demandant qu’il nous rende saints, « c’est pour nous que nous prions, non pour Dieu » (S. 57, 4). « Que ton règne arrive » est expliqué en relation avec Matthieu 25, 34 : « Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume 3 », avec le commentaire : « Que nous le deman­ dions ou que nous ne le demandions pas, son règne viendra » (S. 57, 5) ; « il viendra donc, mais en quoi cela te servirat-il s’il te trouve à gauche ? C’est donc pour toi que tu le souhaites, pour toi que tu pries * (5. 56, 6). On peut comprendre de plusieurs façons : sicut in caelo et in terra. Cela peut vouloir dire : par nous aussi bien que par les anges. Deuxième explication : le ciel est l’Église, la terre scs ennemis. Troisième explication 4 : notre esprit 1. S. 58, 1. Cf. 5. 114, 5 : Preces istas turisperitus caeli dicJauit, non U fallit... qui hbl dictauit preces aduocatus est futur. SI mentiris, testis est, si non te corrigis, index erit tuus. M. Lf. Landais (« Doux années de prédication de saint Augustin ·, Études Auqustlnienncs, Paris, 1953, p. 8-95) explique le mot différemment : « Pour introduire une requête auprès de l'empereur, on a recours à un spécialiste qui sait rédiger des suppliques efficaces, JésusChrist est pour nous ce juriste habile qui nous a appris à prier Dieu par les demandes du Pater · (p. 23). Pour en revenir à l'image Judiciaire. CypBIBM dit aussi : apud patrem aduocatum pro peccatis nostris (d’après 1 Jη 2, 1)Mais en même temps, il souligne le caractère familial de cette demande) (amica ct familiaris oratio) : · Quand nous prions, le Père reconnaît les parole^ de son Fils · (De oratione dominica 3). 2. Et cum sit ipse filius del unicus tamen noluit wsc unus (S. 57, 2). 3. Dans tous les sermons, sauf dans le S. 59. 4. Les trois explications se trouvent dans chaque sermon : S. 56, 8 ; 57» 6 : 58. 4 :59. 5. LA PRÉDICATION PASCALE 67 est appelé métaphoriquement ciel et notre corps terre, nous demandons de vaincre la chair en révolte contre l'esprit. Augustin donne ailleurs cette interprétation pour traditionnelle et précise qu’on la trouve chez Cyprien *. Notre pain quotidien, c’est d'abord tout ce qui est néces­ saire à notre vie, ensuite le pain des âmes : parole de Dieu et corps du Christ. Pour les necessaria peregrinationis nostrae (S. 57, 1), il faut se déclarer « mendiants de Dieu » (S. 56, 9). Même les riches sont des mendiants de Dieu : « De quoi le riche a-t-il besoin ? J’ose le dire, de son pain quotidien. Car s’il ne manque de rien, n’est-ce pas parce que Dieu lui a donné ? Qu’aura-t-il si Dieu retire sa main ? » Il est donc juste de demander le pain des hommes, il faut aussi demander le pain des fils (S. 56, 10). L’eucharistie est cette nourriture spirituelle que connaissent les fidèles et que les competentes recevront bientôt à l’autel de Dieu : « Ce sera aussi un pain quotidien nécessaire à votre vie » (S. 57, 7). Le sens de la demande est alors précisé : « Que veut dire : Donne-nous notre pain quotidien ? Que nous vivions de telle sorte que rien ne nous sépare de ton autel » (S. 58, 5). Le pain des fils, c’est encore la parole de Dieu : prédications, lectures liturgiques de l’Écriture, hymnes (S. 57, 7) : « Et la parole de Dieu que l’on ouvre pour vous chaque jour et, en quelque sorte, que l’on rompt pour vous est un pain quotidien » (S. 58, 5). « Rcmets-nous nos dettes, comme nous remettons à nos débiteurs », peu de versets évangéliques ont été plus que celui-ci précités par Augustin. Même après Je baptême, le fidèle n'est pas sans péché : « Nous sommes tous débiteurs, non d’argent, mais de péchés. On va peut-être me dire : Même vous ? Nous répondrons : Même nous. — Même vous, saints évêques, vous êtes pécheurs ? — Même nous, nous 1. Quod non absurde quidam intellexerunt (JSnch. 30). Dans le Contra lulianum Pet.. II. 6 ,il cite le passage de Cyprien. C’était aussi l'interprétation do Tektulmen (De oratione 4). A noter que le commentaire d’Augustin sur le Pater ne s’éloigne pas pour le sens de celui de Cyprien ; il l’abrège. mais n’in­ nove pas. H en a laissé tomber trois points intéressants : 1) la sobriété de la prière chrétienne (De oratione dominica 3); 2) la Prière du Seigneur, prière de l’unité (ibid. 8) ; 3) · Donnez-nous notre pain quotidien », prière de la pauvreté chrétienne (ibid., 19). 68 INTRODUCTION sommes pécheurs. — Même vous ? Non, ce n’est pas pos­ sible, Monseigneur, tu te fais du tort. Je ne me fais pas du tort, je dis la vérité : nous sommes pécheurs ■ (S. 56, 12). La Prière du Seigneur est, avec le baptême et la pénitence, l’un des trois moyens mis à notre disposition pour obtenir la rémission de nos péchés. Elle est coltidiana mundatio (S. 56, 12), coltidiana medicina (S. 17, 5), coltidiana medela (De fide et operibus 48), coltidianus baptismus (S. Guelf. 1, 9). Le S. 57, 12 donne le détail d’un véritable examen de conscience. Ce pardon est cependant assorti d’une condi­ tion. Il a fait, l’objet d’un contrat 1 : nous ne serons pardonnés que si nous pardonnons. La libido uindictae est par conséquent la plus terrible des tentations, puisque toutes les autres fautes peuvent nous être pardonnées par la prière et qu’elle seule risque d’empêcher la clause du contrat de jouer en notre faveur (S. 58, 11). L’exemple de Jésus sur la croix ou, si nous le récusons en arguant de notre faiblesse, celui d’Étienne doit nous inciter à pardonner à nos enne­ mis : « Que cela ne vous paraisse pas impossible. Je sais, j’ai rencontré, je connais fort bien des chrétiens qui aiment leurs ennemis » (S. 56, 14). Ne nos inféras in lentalionem : Augustin connaît deux autres versions de ce texte : « Certaines éditions portent inducas qui, à mon avis, est aussi bon, l’un et l'autre de ces mots traduisant le même mot grec : , Reo. des Sciences Rellg., 1062, p. 67. 2. Le texte de in lettre 51 n'est pas très clair en cc qui concerne ce point. Voici comment on doit, semble-t-il, le comprendre : le jeudi, en vue de la cérémonie du baptême, les competentes nllaimt nu bain, ce dont ils s'étaient abstenus pendant lo Carême (ou seulement depuis le dimanche précédent ?) ; les fidèles avalent l’habitude de les y accompagner. Jeûne et bain étant répu­ tés incompatibles, on rompait le jeûne ce Jour-là. Pour ceux qui rompaient le jeûne, on célébrait une synaxe eucharistique, le matin. Ceux qui jeûnaient prenaient leur repas vers trois ou quatre heures, comme il était d’usage. Pour eux, qui avalent gardé le jeûne (pénitcnticl), on célébrait la synaxe, mémorial de la Cène, en son heure anniversaire, le repas qui précédait fai­ sant en quelque sorte partie de la célébration (postquam coenauit). avec une valeur quasi rituelle, « solennelle >» selon lo vocabulaire du temps. S’il s'agit du jeûne pénitcnticl et non du jeûne eucharistique, on s’explique In distinction faite par Augustin entre · ceux qui jeûnent » et < ceux qui ne Jeûnent pas ». 3. A. Wii.makt. « Operum S. Augustini Elenchus », AM, t. II, p. 205. 72 INTRODUCTION Cette même indication se retrouve dans le titre des S. Guelf. 2 et 3. Le S. 218 est à placer dans le même groupe ’. On peut se demander si cette célébration était déjà dissociée de la 1 Nuit de Pâques ou si l’on commémorait ensemble la mort I et la résurrection du Seigneur, comme les deux aspects j d'un même mystère. Mais, puisqu'on avait, en Afrique, au ive siècle, le souci de commémorer la Cène en son moment historique, comment ne pas penser que l’on célébrait aussi 1 la Passion en son jour anniversaire, quod nullus ambigit sexta sabbati (Epist. 36, 30) ? En fait, ce n’est pas en un jour, mais dans l’espace de trois jours que se célébrait la Pâque : Attende igitur sacratissimum triduum crucifixi, sepulti, suscitati (Epist. 55, 21). Le vendredi donc, la sotlem- 1 nilas réclamait une prédication sur la passion du Seigneur *. On lisait à Hippone la passion selon Matthieu : a Comme on ne lit lu passion qu’un jour 3, on a coutume de ne la lire que selon Matthieu. Une fois j’ai voulu que la passion soit lue, année après année, selon tous les évangélistes. Mais les auditeurs, en entendant des textes dont ils n'avaient I pas l’habitude, ont été tout désorientés » (S. 232, 1). Après | cette déclaration, on se trouve, à son tour, assez désorienté en lisant le S. 218, qui suit pas à pas le texte de l’évangile ■ de Jean *. Aurait-il été prononcé l’année de l’expérience avor- i tée ? Autre hypothèse, Augustin aurait-il choisi le texte johannique de la passion l’année où il commentait l’évan­ gile, puis l’épitre de Jean ? Cela ne semble guère probable, vu l’absence de polémique antidonatiste dans ce sermon. Il propose une interprétation symbolique pour quatorze épisodes de la passion, en les confrontant à des versets I de psaumes ou à des textes pauliniens. Le 5. Guelf. 2 s’ap­ puie sur deux passages du Ps. 21 (17-19 et 28-29). Ici, la 1. Solemniter legitur passio, solemniter celebratur (S. 218, 1). 2. Exigit er/jo a nobis solemnitas ut de passione domini nobis ser/nonwn...· reddamus (ibid.). 3. Par opposition à la résurrection lue la nuit dr Pâques et les jours sui­ vants. -1. Sur quinze références, une seule à Luc 23, 31 ; quatre qui peuvent so rapporter à la fois aux Synoptiques et ù Jean ; dix exclusivement à Jean· Le S. 218 ne nous a certainement pas conservé le relevé des tachygraphes; c’est un résumé très sec qui fait plutôt penser à des notes, ù un schéma· LA PRÉDICATION PASCALE 73 polémique antidonatiste est toujours au premier plan. Mais le morceau Je plus éclatant est sans conteste le S. Guelf. 3. Le thème est exposé dans la première phrase : n La passion de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ est une promesse de gloire et une leçon de patience. » Le verset de Galates 6, 14 fournit l’élément d'un contrepoint, conduit avec une sobre maîtrise. Dans les trois sermons, l’accent est mis sur la joie. La croix n’est un scandale que pour les infidèles *. Les chré­ tiens y puisent un motif de fierté, une assurance de gloire : titulum gloriae, fiducia gloriae (S. Guclf. 3, 3). Mais apprendre à souffrir reste cependant la grande leçon de la passion du Seigneur : doctrina patientiae. Elle nous enseigne Vhumilitas, cc sentiment de nos limites et de notre bassesse, qui ne devrait pas nous quitter. Menus détails dans le récit de la passion : l’éponge est le symbole des cœurs enflés, non solidi sed tumidi ; le Sei­ gneur a rendu l’esprit, per humilitatem, en inclinant la tête 3 (S. 218, 11, 12). « Qui osera s’élever (superbire) quand c'est Dieu qui enseigne la petitesse par son exemple même ? » (S. Guelf. 3, I). G. La Veillée de Pâques. Les manuscrits des sermons de la veillée de Pâques portent tantôt in uigiliis paschae, tantôt de nocte sancta. En fait, il semble qu’Augustin prenait à plusieurs reprises la parole au cours de la nuit dont le programme liturgique était si chargé. Traditionnellement et sollemniter, il commentait dans une allocution spéciale l’exercice même de la veillée. Quinze sermons de ce type nous sont parvenus. Ce sont les sermons des Mauristes 219 ; 220 ; 222 ; les S. Denis 2 ; Guelf. 4 ; 5 ; 6 ; Wilmart 4 ; 5 ; 6 ; 7 et les Additamenta ad Sermones Wilmartianos au nombre de quatre ’. D'après 1. Et pour les manichéens qui se servent contre les chrétiens de la citation de Galales 3, 13 : Maledictus omnis qui pendet in ligno, Cf. De actis cum Felice II. 10. 2. Baisser la tête était un des rites de l’exorcisme. 3. Le 5. Guclf, 5 présente le texte entier du 5. 221 dont les Mauristes no connaissaient que la fin. Cc sermon a été aussi édité par C. Lamuot : Stro- 74 INTRODUCTION Possiditis, vingt-trois Tractaids per uigilias paschae étaient conservés dans la bibliothèque d’Hippone. Si l’on songe qu’Augustin ne put prêcher plus de trente-neuf fois en cette circonstance, la proportion des allocutions conservées est considérable. Il faut sans doute y voir la preuve de 1’iinportance de cette célébration aux yeux du pasteur, comme à ceux des fidèles. Le thème central est l’exercice même de la veillée. Ce n’était pas la seule qui fût célébrée à Hippone. Chaque église d'Afrique avait en ce domaine ses traditions particulières. Aussi est-cc autant pour sou­ ligner l’unanimité des communautés chrétiennes que pour énoncer un argument antidonatiste qu’Augustin précise : in qua Mus uigilal mundus, ou : cum orbe terrarurn ecclesia diffusa. Il montre ainsi l’importance de cette veillée qui est « plus sacrée et plus sainte » (S. Guelf. 4) que les autres et « comme la mère de toutes les saintes veilles n (S. 219). Dans le S. Guelf. 5, un des mieux venus sur ce thème, Augustin développe successivement ces deux points : pourquoi veillons-nous ? et pourquoi veillons-nous parti­ culièrement ù cette date ? Chacune des homélies de la Veillée vient apporter, avec des nuances particulières et en met­ tant l’accent sur l’un ou l’autre aspect, une réponse à cette double question. Le verset de Matthieu 26, 41 : « Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation » fournit la justi­ fication la plus assurée de la veillée des chrétiens (S. Guelf. 4 ; Guelf. 6 ; Wilm. 5 ; S. 222 ; Add. ad Wilm.). Augustin y ajoute H Cor. 2, 27 : « plus souvent dans les veilles » (S. Guelf. 4 ; Guelf. 5 ; S. 219), une fois seulement I Pierre 5,8 (Wilm. 6). A plusieurs reprises, il commente Éphés. 6 (S. Guelf. 4 ; Guelf. 5; S. 219), probablement à cause du verset 18 (oranles omni tempore in spiritu et in illo uigilanies) mata Patristlca et Mediawalia, Utrecht 1950. Les post Maurino? reperti de la veillée de Pâques se trouvent dans le volume I des Mise. Agostiniana. Pour les Additamenta ad sermones Wilmartianos. Dnm Wilmabt les présentait ainsi : · Le développement est aussi court que possible, L’orateur apparem­ ment n’avait pas le loisir de traiter son sujet et nc voulait pas non plus demander trop A l’attention de son auditoire. Peut-être aussi les «notaires· n’ont-ils retenu que l'essentiel de ces improvisations et l'auteur responsable ne s'est pus soucié ensuite d'étolTer le canevas > («Allocutions de saint Augus­ tin pour In Vigile Pascale », RB, 1930, p. 136). LA PRÉDICATION PASCALE 75 que d’ailleurs il ne cite pas. A partir de ce texte, l’exercice de la veillée apparaît d'abord comme une lutte contre les puissances des ténèbres (S. 219; 222; Wilm. 5) : « Nous vous devons chaque année une exhortation, la voix du ber­ ger doit réveiller le troupeau du Seigneur, pour faire face aux puissances ennemies et envieuses, aux dictateurs des ténèbres, ces bêtes fauves de la nuit (S. 222). Cette nuit d’exultation ne doit donc pas cesser d’être une nuit d’hu­ milité, au sens où Augustin entend cette attitude de l’âme : « Célébrons les solennités de l’humilité du Seigneur, par laquelle il s'humilia lui-même se faisant obéissant jusqu'à la mort... Nous aussi en cette sainte nuit, en jeûnant, en veillant, en priant, humilions nos âmes · (Add. ad Wilm. 1). « Veillons humblement, prions humblement, avec une foi tout à fait fidèle, une espérance tout à fait solide, une charité tout à fait chaleureuse » (ibid. 2). Car le tout n’est pas de veiller et, à deux reprises, Augustin esquisse en quelques traits pittoresques les veilles de l’twnor immundus (Wilm. 7 ; Add. ad Wilm. 3). L’Église veille dans l’attente de son Sei­ gneur : a Car pendant tout ce temps où elle parcourt les siècles comme en un voyage de nuit, les yeux fixés sur les saintes Écritures comme sur les lampes de la nuit, l’Église veille jusqu’à ce que vienne le Seigneur » (Wilm. 4). Enfin la veille est un exercice préparatoire à la vie bienheureuse où l'on se reposera sans jamais dormir, car le sommeil est l’image de la mort. Le thème est cher à Augustin. Il le développe dans le S. Guelf. 5, 3, mais il en parle souvent ailleurs : « Tel est le fruit, de nos veilles... telle en est la récom­ pense ; celui en l’honneur de qui, en luttant contre la tor­ peur terrestre, nous avons quelque peu veillé, nous don­ nera une vie où la veille sera sans peine, le jour sans nuit, le repos sans sommeil » (S. Wilm. 7). Telles sont les raisons pour lesquelles veillent les chrétiens. Ils ont, de plus, une raison toute spéciale de veiller en cette nuit de Pâques qui célèbre le sommeil du Seigneur ; < en cette nuit où nous vénérons le Seigneur enseveli, veil­ lons dans le temps où, pour nous, il dormit » (S. Guelf. 4, 2). Sommeil et réveil de Jésus sont lyriquement commentés à l’aide d’une série de versets psalmiques : 76 INTRODUCTION Ps. 3, 6 : Ego dormiui et surrexi (S. Guelf. 4 ct 6 ; cf. S. De­ nis 5, 2) ; Ps. 40. 9 : Numquid qui dormit non adiiciet ut resurgat (S. Guelf. 6 ; 5. Wilm. 6 ; cf. S. Denis 5, 2) ; Ps. 40, 11 : Et suscita me cl reddam illis (S. Guelf. 6 ; S. Wilm. 6) ; Ps. 120, 4 : Non dormiet neque dormitabit qui custodit Israël (S. Guelf. 6 ; S. Wilm. 7). Le plus curieux est la citation de : Sicut passer singularis super tectum (Ps. 101, 8), qu’il faudrait d’ailleurs éclairer par l’En. in Ps. 101, I, 8 (5. Wilm. 6; S. Guelf. 6). Une autre illustration est fournie par Genèse 49, 9 : Ascen­ disti recumbens... Dormisti sicut leo, que vient orchestrer Apoc. 5, 5 : Vicit leo de tribu hida (S. Guelf. 6; S. Wilm. 6) et dont la Cité de Dieu (XVI, 41) fournit un intéressant commentaire. Enfin le verset 25 de Romains 4, est expressément rat­ taché au thème : Traditus est propter peccata nostra et dormiuil. Resurrexit propter iusti/icat tonem nostrum (S. Guelf. 4 ; ci. S. 220 ; S. Wilm. 4 ; 9). La victoire du Christ sur la mort se célèbre dans une allé­ gresse radieuse. Les lampes allumées dans la nuit de Pâques brillent comme un signe de cette jubilation et mettent en lumière une réalité plus éclatante mais plus intérieure : « Dieu donc qui ordonna que la lumière luise dans les ténèbres fait luire la lumière en nos cœurs, afin que s’opère en nous quelque chose de comparable à ce qui se passe dans celte maison de prière tout illuminée de l'éclat des lampes ’ (Addit, ad WHmarl.). Ici encore les versets des psaumes illustrent le commen­ taire : Ps. 138, 12 : El nox tanquam dies illuminabitur (S. 219) ; Ps. 17, 20 : Tu illuminabis lucernam meam (S. Guclf. 5) ; Ps. 12, 4 : Illumina oculos meos ne unquam obdormiam in mortem (Add. ad Wilm. 2 ; 4). Tandis que les versets pauliniens éclairent le sens le plus profond de la veillée : LA PRÉDICATION PASCALE 77 Il Cor. 4,6:« Dieu qui dit à la lumière d’éclairer les ténèbres éclaire nos cœurs n (S. Wilm. 4, 2). Coloss. 1, 12 : < II nous arracha au pouvoir des ténèbres » (S. 222). Êphés. 5, 14 : a Lève-toi, ô toi qui dors... et le Christ t’illu­ minera » (Add. ad Wilm. 3). Rom. 13, 12 : « Rejetons les œuvres des ténèbres et revêtons les armes de lumière » (S. Guelf. 5, 4). Éphés. 5, 8 : « Vous étiez autrefois ténèbres, vous êtes main­ tenant lumière dans le Seigneur. Marchez en fils de lumière » (S. 219 ; 222 ; 223). I. Thess. 5, 5 : « Vous êtes fils de lumière, fils du jour » (Add. ad Wilm. 4). Il est arrivé que la recherche d’une expression brillante a parfois conduit Augustin à user d’un style à facettes quelque peu précieux ’, mais il ne s’adonne pas habituelle­ ment à cette inutile luxuriance. De sobres et beaux déve­ loppements commentent le passage victorieux de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière qui est le motif de la joie pascale. La plus longue des homélies de la Veillée pascale, le Sermon Denis 2, commence par cette déclaration : « Nous avons entendu de nombreuses lectures divines, notre entretien ne peut les égaler en longueur et, quand il le pourrait, notre attention ne saurait le supporter. » Il commente successi­ vement le chapitre 1 de la Genèse, le Psaume 41, 4 et Exode 3 qui semblent être du nombre des lectiones diuinae de ce jour. Nous connaissons, par des références explicites, les lectures suivantes : Genèse 1 (cf. S. Denis 2, 1), Exode 15 (cf. S. IVi/m. 5,2), Isaïe 2 (cf. Tract, in Io. Bp. 1,13), Daniel 2, 6 (Contra Litl. Pet. II, 211). Lectures et prières semblent avoir alterné : « Dieu nous parle par ses lectures, parlons-lui par nos prières. Si nous écoutons avec obéissance ses paroles, il habitera en nous, celui que nous implorons » (S. 219). I. Cf. S. Wilmart 7, 1. 78 INTRODUCTION I). Le jour de Pâques. Si l’on s'en tient au témoignage Le Sermon CCXXIV de saint Augustin et ses recensions Interpolées ». //ûlorisclic-s Jahrbuch 1958, p. 408-418) et qui est également une allocution de l’Oetave. 2. Ainsi qu’en témoigne l’exorde du S. 232 : Resurrectio domini nostri Jesu Christi et hodie recitata est, sed de altero libro euangelii qui esi secundum Lu· cam ; primo enim leda esi secundum Mallheum... Ou, avec plus de précision encore, celui du S. 235, un lundi : Hesterno die, id est node, lecla est ex cuan· gelio resurrectio saluatoris. Lccla est autern ex euangelio secundum Matthcum... 3. Sicut autem quando baplùati cslis, imrno autem antequam baptizaremini die sabbati locuti sumus uobis de sacramento fontis (S. GueI/. 7, 1). LA PKÉDICATION PASCALE 79 premier chapitre des Actes *. Ps. 117, 24 (Hie esl dies quem fecil dominus). Lecture du Prologue de Jean. Prédi­ cation. Les S. 119; 120; 121; 225; 226 commentent le texte johannique en rapport avec la présence des nouveaux baptisés et leur nouvelle naissance 1 2. On est au lendemain du baptême 3, et le lendemain matin : et post meridiem uidebimus nos (S. 225). Il arrivait qu’Augustin, en place de commentaire de l’évangile adressât une pressante exhorta­ tion aux nouveaux baptisés. Après le renvoi des catéchumènes, l’évêque prenait de nouveau la parole pour une catéchèse sur l’eucharistie qu’un vieil usage avait fait différer jusqu’après le bap­ tême et que le programme si chargé de la nuit faisait repous­ ser, à Hippone, jusqu’à la seconde célébration eucharistique, celle du matin de Pâques 4. Nous en avons comme preuves le fait qu’elle était annoncée dans l’homélie ad populum du matin de Pâques (S. 226 ; 228) et trois textes explicites : Hoc quod uidetis in altari dei etiam transacta nocte, uidistis (S. 272). Audituri estis quod etiam hesterno die audistis, sed hodie uobis exponitur quod audistis et quod respondistis aut forte cum responderetur tacuistis, sed quid respondendum esset hodie, heri didicistis (S. Denis 6, 3). Sacramentum mensae dominicae quod modo etiam uidetis et eius node preterila participes facti estis (S. 227). Enfin, nouvelle assemblée post meridiem, comme nous 1. Hodie coepit liber qui uocatur Actuum Apostolorum (S. 227). 2. Ecce. habetis modo natos... Isti ex deo nati sunt (S. 121). De uobis cantauimus : Hic est dies quem fecit dominus ($. 225). Isti albati, illuminati (S. 226). Ex deo nati sunt. Videtis infantes, utdete et gaudete. Ecce sunt sed ex deo nati sunt. Vulua matris, aqua baptismatis (S. 119). 3. I-crcbatur ergo etiam hic hesterno die dei spiritus super aquam... quando isti infantes adhuc sub peccata portabant (S. 226). I. Les textes suivants nous permettent, semble-t-il, d’affirmer que la ca­ téchise était prononcée au cours de la célébration euchatistique : Sermonem ad altare det debemus hodie infantibus de sacramento altaris (S. 22S). Hoc quod uidetis in altari dei punis est, corpus Christi, Calix sanguis Christi (S. 272). Pa­ nis ille quem uidetis in altari (S. 227). Hoc quod uidetis, carissimi, in mensa domini /mnis est ct uinum (S. Denis 6). Quod uidetis in mensa domini (S. Guelf. 7). Les verbes sont au présent, encadrés de futur ou de parfait là oîi le sens l’exige. Elle n’était donc pas prononcée l'aprés-midi comme Th. A. audrt le suggère (art. cil. p. 152, note 6), en s’appuyant sur : cl post meridiem uidebimus nos, ce qui ne saurait suffire. 80 INTRODUCTION l'apprend le S. 225, 4 : Nolite discedere, sobrii el redire ebrii et post meridiem aide bimus nos. L’évêque y prononçait-il encore une allocution ? C’était, à notre compte, la sixième depuis la veille au soir; ce qui paraîtrait impossible, si l'on ne connaissait l’extrême brièveté de la plupart d’entre elles. Cependant, avec les lectures, les prières, les cérémo­ nies de l’initiation, le programme de ces vingt-quatre heures était accablant, surtout avec la pratique du jeûne. Il est arrivé à Augustin vieillissant de ne prendre la parole au matin de Pâques que pour s'excuser de ne pouvoir parler x. Il reste maintenant à distribuer nos vingt sermons entre les divers moments de la célébration. Mises à part les homélies du diCelebration , ‘ . .. .de la , manche matin et de sacramentis, Resurrection. , , faciles à identifier, nous obtenons le groupe résiduel des sermons 230 ; Denis 4 et 5 ; Wilmart 8 et 9 ; Guelf. 8. Ils ont été prêchés dans la nuit, avant le baptême et la célébration eucharistique de l’aurore de Pâques. Le S. Wilmart 8 s’adresse à l’ensemble des fidèles. Il développe succinctement Pascha nostra immolatus est Christus (I Cor. 5, 7), en marquant l’opposition de la Pâque juive et de la Pâque chrétienne, du ferment et des azymes, des ténèbres et de la lumière. Son vocabulaire {die decli­ nato adhuc somniant) le rapproche des sermons in uigiliis paschae. Le S. Denis 5 (son titre porte, on ne sait pourquoi, de sacramentis) dont le style à antithèses accuse quelque rai­ deur, part du même texte (7 Cor. 5, 7). Il oppose l'njjnus d’Isaïe au leo de Genèse 39 et Apocalypse 5, 5 ; c’est un thème de la prédication in uigiliis paschae. Le .S. Wilmart 9 est de la meilleure veine d’Augustin. Le thème est celui de la P&qae-transitus, ce passage de la mort à la vie, dont la circoncision était un obscur symbole : « C’est pourquoi, dans le baptême, était dévoilé ce qui était voilé dans les ombres de l’antique circoncision et cette 1. S. 320. LA PRÉDICATION PASCALE 81 circoncision, la même et cependant non la même, puisqu'elle n’est pas de main d’homme, il l’opère lorsqu’est arraché le voile de l’ignorance charnelle, or le. voile est enlevé quand tu passes au Christ (11 Cor. 3, 1G). » Le S. Denis 5 est le seul à citer la lecture de l'évangile de la Résurrection selon Matthieu, qui était faite dans la nuit. Catéchèse Aucune mention chez Possidius d’un trac. ‘ , tatus de sacramento fontis, rien non plus dans baptismale. nos textes . . . . .. .. qui. puisse se présenter explicite­ ment comme une catéchèse du baptême. Du moins possé­ dons-nous le résumé de l’une d’elles, fait par Augustin luimême : « Quand vous avez été baptisés, ou pour mieux dire avant que vous ne soyez baptisés, le samedi, nous vous avons parlé du sacrement de la source (sacramentum fontis) dans laquelle vous étiez prêts à vous plonger et nous vous avons dit, je pense que vous ne l’avez pas oublié, que ce qui faisait et ce qui fait la valeur du baptême est qu'il est un ensevelissement avec le Christ., comme le dit l’Apôtre : < Par le baptême, nous sommes ensevelis avec le Christ, dans sa mort », etc. — Romains 6, 4 » (S. Guelf. 7, 1). C’est une catéchèse baptismale au style indirect. Th. A. Audct 1 avançait que le S. Denis 8, in octauis infantum, pourrait bien être un de ces tractatus de sacra­ mento fontis ; mais cette homélie est prononcée non avant, mais après le baptême 2. Par contre, il s’était d’abord demandé, abandonnant trop vite cette piste qui était la bonne, si le S. 363 3 n’était pas une catéchèse baptismale. Or l’homélie est tout entière centrée sur le baptême, avec une cohésion et une absence de digressions rares chez Augustin. Elle s’appuie de bout en bout sur l’une des lec1. Th. A. AUDKT» · Notes sur les Catéchèses baptismales de saint Augus­ tin >, Augustinus Magister I. p. 151-160· 2. L'étude de l'ensemble des Sermons de l'Octavc (cf. infra : Le Huitième Jour) ne permet pas de douter que le S. Denis 3 ne soit bien une prédication de l’Octavc. 3. Il avait été publié par le jésuite Sirmond , à Paris en 1631, le deuxième dans un volume qui groupait quarante inédits dont on a toujours reconnu l'authenticité, sauf pour deux d’entre eux (les n«· 9 et 40) que les Mauristcs ont classés parmi les dubii. Augustin d'Uipponc. 6 82 INTRODUCTION turcs de la veillée de Pâques : Exode 15, 1-21, fait allusion à une autre des lectures de la veillée : Daniel 2, 6. Elle s'autorise de 1 Cor. 10, 1-11 pour expliquer le sacramentum à partir du symbolisme de la Mer Rouge, cite le texte de Romains 6, 4 mentionné plus haut. De ces trois signes, thème unique, lectures liturgiques, doctrine paulinicnne, on peut sans trop de présomption inférer que le S. 363 est une catéchèse baptismale prononcée le samedi au cours de la veillée, devant les fidèles cl devant les competentes « prêts à se plonger dans le sacramentum fontis ». „, . , _ „ Cinq des sermons du matin de Pâques at e < ques. coininenten|· je Prologue de Jean. Ce sont les S. 119, 120, 121, 225, 226. Le texte avait été choisi pour le verset 12 : « il leur a donné le pouvoir de devenir fils de Dieu » et nous avons vu qu’Augustin l’applique aux nouveaux baptisés. On ne s’étonnera pas de l'entendre commenter le premier verset, avec le développement habi­ tuel sur l’analogie de la parole humaine. Une allusion aux versets 4 et 5 ramène la pensée vers les infantes vêtus de blanc, avec un développement sur la lumière, où viennent s’inscrire les textes de la Genèse 1, 5 : a Et la lumière fut » ; du Ps. 117, 24 : « Voici le jour qu’a fait le Seigneur»; à’Êphésiens 5, 8 : e Vous étiez jadis ténèbres, vous êtes main­ tenant lumière dans le Seigneur » ; et parfois du Ps. 35, 10 : « Nous verrons la lumière dans la lumière de Dieu l2. » Le sermon 228, prononcé un matin de Pâques, ne commente pas le texte johannique, mais adresse une exhortation morale aux nouveaux baptisés *. Enfin les sermons 230 et Guelf. 8 traitent eux aussi de la lumière, de la joie de Pâques et de la bonne conduite des fidèles, spécialement de leur tempérance, avec un évident parallélisme des développe­ ments et des textes (Ps. 117 ; Romains 13, 17 ; Z T/iess. 5, 2). L'année où il entreprit le commentaire de, l’épilre de 1. Dans le S. Guri/. 18, du Jour de l’Octave» Augustin rappelle que le di­ manche précèdent le Ps. 117, 24 a été chanté, qu’il a parlé sur Genèse 1, 35 et Éphcsiens 5, 8. 2. On penserait plutôt a un sermon de l’Octave, s’il no commençait par : post laborem noctis praeteritae et nc so terminait par : sermonem ad altare det debemus hodie in/anti bus. LA PRÉDICATION PASCALS 83 Jean *, Augustin souligne d’abord la joie propre à la solen­ nité et commence son entretien par un développement sur la péricope évangélique (Jn 1, 1), puis à propos du Ps. 18, 6 ’, il célèbre les épousailles dans le Christ de la divinité et de l’humanité, de Jésus et de K Église. Un paragraphe est consacré aux infantes et à leur nouvelle vie. Ces six prédications sont des sermones ad populum. Les serinons 227 ; 272 ; Denis 3 3 et 6 * ; Guelf. 7 sont des caté­ chèses eucharistiques, ils commentent pour les infantes le sacrement de la table du Seigneur. Après le renvoi des catéchumènes, l'évêque prenait la parole quand les oblats étaient déposés sur l’autel, parfois avant la liturgie de consécration (5. Denis 6 ; Guelf. 7) s, plus ordinairement, semble-t-il, après. 11 montrait le pain et le vin sacramentel et révélait aux infantes la réalité eucharistique : « Vous voyez du pain et une coupe. Voilà ce que vos yeux vous apprennent, raids votre foi doit être instruite, le pain est le corps du Christ, la coupe le sang du Christ u (S. 272). Aux nouveaux baptisés qui ont déjà participé dans la nuit pascale au sacrement de l'autel ♦, il explique les rites dans leur succession. Il souligne leur extrême simplicité : 1. Ce qu’il ne fit pas Λ la réunion du matin, mais à celle de l’après-midi. Il y eut, comme auditoire, un public de gens sans nul doute * dévot et sûre ment cultivés, dont quelques-uns savaient le grec cf. Tr. in /o. Ep. 1, 2 et aussi le groupe des infantes auxquels il avait dû dire le matin» comme dans le 5. 225 : ef posl meridiem uidebimus uas (cf. ibid· 5). Le rappel de l’évangile du matin est amend par la citation : Quod manus nostrae Iraclauertmt de uerbo uilae (/ Jn 1,1). 2. Etait-il liturgîquerncnt associé au jour de Pâques ? Cf. l'exorde de S. Denis 4. 3. Le .S’. Denis 3 présente des développements qui lui sont propres ; il reflète une doctrine eucharistique plus évoluée, pour ce motif son authen­ ticité est contestée. 4. Le S. 229 est un fragment de la catéchèse que le S. Denis 6 présente dans son entier. 5. « Ce que vous voyez sur la table du Seigneur, vous le voyez habituelle­ ment sur vos tables, du moins pour ce qui est de l'apparence dc-s choses... Jusqu’à présent, comme vous le voyez, c’est du pain cl du vin, mais après la sanctification, ce pain sera le corps du Christ, ce vin sera le sang du Christ · (S. Guelf. 7). 6. 5. Denis 6. 3. 84 INTRODUCTION < C’est vite dit, sans livre, sans lecture, sans longue allocu­ tion * (S. Guelf. 7, 3). La citation de 1 Cor. 10, 17, dans une forme abrégée par­ ticulière à Augustin : unus panis, unum corpus, multi sumus, se retrouve dans toutes les homélies (sauf en S. De­ nis 6), comme point de départ ou comme conclusion d'une démonstration que l'on peut schématiser ainsi : ce pain est le corps du Christ ; par le baptême, vous êtes membres de son corps ; vous êtes donc ce pain ; vous recevez ce que vous êtes ; gardez l’unité dont il est le signe. On voit qu’Augustin passe tout naturellement du corps sacramentel du Christ qui est sur l’autel au Christ total, tête et membres. Ainsi le signe du sacrement contient-il, pour lui, d'une ma­ nière pour ainsi dire objectivée, la grâce d'unité qu’il doit produire : « Ce pain est le corps du Christ dont parle l’Apôtre,· quand il s’adresse à l’Église : Vous êtes le corps du Christ et ses membres » (S. Guelf. 7). Et encore : a Si vous voulez comprendre ce qu’est le corps du Christ, écoutez l’Apôtre disant aux fidèles : Vous êtes le corps du Christ et ses membres. Si donc vous êtes le corps du Christ et ses membres, la réalité mystérieuse de ce que vous êtes est posée sur la table du Seigneur, cette réalité mystérieuse vous la recevez. A ce que vous êtes, vous répondez Amen et, en répondant Amen, vous y souscrivez « (S. 272). Et encore : « Vous êtes sur la table et vous êtes dans le calice. Vous êtes cela avec nous. Nous le sommes ensemble, ensemble nous le buvons, parce qu’cnsernblc nous le vivons » (S. Denis 6). 4 Par sa miséricorde, ce que nous recevons, nous le sommes » (S. 272). De cette réalité, une même illustration est fournie dans chacune des homélies x. C’est le récit de la fabrication du pain mystique à travers les rites de l’initiation. « Vous n’existiez pas et vous avez été créés, c’est-à-dire déposés sur l’aire du Seigneur, où le blé a été battu par le travail des bœufs, c’est-à-dire des messagers de l’évangile ; pendant l’attente du catéchuménat vous étiez mis en réserve dans le grenier ; vous avez donné vos noms et vous avez été moulus par les jeûnes et les exorcismes. Ensuite vous êtes venus vers l’eau et vous avez été pétris pour ne plus faire 1. Sauf en Dente 3, dont nous avons déjà souligné la singularité. LA PRÉDICATION PASCALE 85 qu’un. La chaleur de 1’Esprit-Saint survenant, vous avez été cuits et vous êtes devenus le pain du Seigneur 1 » (S. De­ nis 6). Le sacrement du pain est donc le sacrement de l’unité, ce que toutes les homélies mettent en valeur : « Puisque ce qui est réalisé est un, vous aussi soyez un en vous aimant, en gardant une unique foi, une unique espé­ rance, un indivisible amour » (S. Denis 6). 5. L’OCTAVE DES NOUVEAU-NÉS Avec le dimanche de Pâques commence une semaine de célébration solennelle : Oclauae infanlum, les Huit Jours des Nouveau-nés. Oclauae : le mot est toujours au pluriel, c’est Oclauae dies, l’Octavc 2. Les nouveaux baptisés, revê­ tus de leur robe blanche 34 56, sont groupés à l’intérieur des cancels *. Leur catéchèse va se poursuivre et doit s’achever dans la semaine, car beaucoup d’entre eux vont regagner leurs bourgs ou les domaines disséminés dans la campagne; ils ne reviendront plus entendre leur évêque, si ce n’est à l'occasion de quelque grande fête s. Augustin, dont l’atten­ tion ne s’attache pas directement aux rites, va droit à l’es­ sentiel : la foi en Jésus ressuscité est le centre du mystère chrétien e. La tradition unanime de l’Église est de faire lire en ces jours les récits des témoins qui ont vu le Christ ressuscité (Évangiles et Actes des Apôtres) 7 ; de ces lec1. Une variante dans le S. Guelf. 7, où le feu est celui des tentations. 2. In octauts infantum, pendant la semaine de l’octave ; octauus dies, le Jour de l’Octavc. 3. S. 146» 2 ; S. Mai 94» 7. 4. S. Mai 94» 7 : ex istis cancellis quibus uos a celeris distinguebat spiritalis infantia. Augustin parlant du fidèle criminel rebaptisé chez les Donatistes : Constituitur intra can&'llos, eminens atque conspicuus... (Epist. 34, 2). 5. Fratres mei. omnes qui ituri estis ad domos ucslras et ex hoc uix nos uidc* bimus nisi per aliquem solemnitatem (S. 259. 4). 6. Resurrectio domini lesu Christi forma est Christianae fidei (S. Guelf. 12,1). 7. · Voici qu’est survenue la solennité des saints Jours, où il convient de lire Λ l’assemblée des textes fixes de l’Évanglle. qui reviennent chaque année» sans qu’on puisse les remplacer par d’autres· (Tract. in lo. Ep.t Protogus). De môme, il est de tradition dans la Catholica de célébrer l’Octavc pour les néo­ phytes afin d’y parfaire leur instruction, comme en témoignent» presque pour la même époque. Λ Milan le De sacramentis d’AMimoiSE (SC 25, éd. Botte), ù 86 INTRODUCTION turcs, l’évêque dégage un enseignement théologique sur la personne de Jésus, la catholicité de l’Église, la nécessité de la grâce Quand on connaît, par les manuscrits des homiliaircs de type ancien, la succession des sermons d’une même octave, on peut mieux juger de la progression pédagogique de cet enseignement. Si le choix des lectures de la semaine de Pâques est im­ muable, il n’en est pas de même de leur succession. On sait qu’à Hippone l’ordre en a varié. On parle habituellement de deux types d’ordines et le changement serait survenu aux environs de 400 ’. Mais en réalité il y eut, du temps d’Augustin, au moins quatre ordines différents *. Le premier ordo est celui qu’Augustin a trouvé en usage au début de son ministère. La péricope Jn 20, 24-31 (appa­ rition à Thomas) y était lue le jeudi (S. Mai 95) et Jn 21, 15-25 (Jésus confie ses brebis à Simon-Pierre) le dimanche Antioche les CaUchèsea Baptismales IV à VIII de Jean Chhysostonr (SC 50. M. Wenger). 1. L’enseignement christologi que vise tour à tour les hérésies : le mani­ chéisme ou le priscillianismc, le sabellianisme, rannnixmc, I’npollinnrisnw, Ces doctrines étaient dans l’air et l’insishmcc du pasteur est la preuve qu’elles pouvaient influencer les fidèles de Numidie. Parfois leurs partisans se trou­ vaient à Hippone et Jusque dans la basilique. La finale du S. Guelf. 17. 4 annonce la conversion d'un des quatre hérétiques eunomiens et ariens, pré­ sents la veille au sermon : · Ce n’est pas en vain qu’hier nous nous sommes montrés durs ; nous avons tiré profit de la sévérité de notre enseignement. · 2. S. Bf.issel. Enlsichung der Périkopen des romischen Λfessbûches, Fri­ bourg 1907 ; S. Zarh, Angelicum, t. X, 1933, p. 62, η. 1 ; A. Kunzf.lmann, Die Chronologie der Sermones des Hl. Augustinus, MA II, p. 422 donnent de * renseignements, ù notre avis, inexacts. C. Lambot. ■ Les Sermons de saint Augustin pour les fêtes de Pâques ·, dans Revue des Sciences Religieuse^ t. XXX. 1956, p. 230-240 et t. XXXI. 1957 (Métartfftt Mgr Andricu), p. 263278. a donné le premier avec précision la succession des péricoprx pour les deux ordines les plus récents, en montrant que les données fournies par les textes et les indications de la tradition manuscrite se corroborent. Il est regrettable que G. G. Wili.is, Saint Augusline's I^ctionary, Londres 1962, n’ait pas adopté les conclusions de Dom Lambot. · 3. Cf. G. MoniN, MA, 1, p. 485 et p. 310, note 1. C’est à tort quo Künzel· mnnn, w. basant sur cette assertion, a cru pouvoir Axer avant 400 tous les sermons qui no suivent pas le plus récent ordo. 4. Cf. S. Poque. « Les lectures liturgiques de l’Octavc pascale à Tlippone d’après les Traités de saint Augustin sur la Première ÉpHrc de saint Jean »· RB, t. LXXIV (1964), p. 217-241, oü le lecteur trouvera la justification de ce qui est exposé dans le présent ouvrage. LA PRÉDICATION PASCAL?. 87 de l’octave (S. 146). Le S. 252, sur la péricope Jn 21, 1-14 (la pêche miraculeuse) a été prêchéc à cette époque, peutêtre le samedi. Dès les premières années de son épiscopat, Augustin a changé l’ordre de succession des lectures, ainsi qu’en témoignent les S. 259 et S. 149, qui sont à placer très tôt ’, vers 400. Ce deuxième type d'ordo est resté en usage une dizaine d’années ; c’est celui que nous trouvons dans les Traités sur l’Épître de Jean qu’une récente étude permet de fixer en 407-408 1 23 . Le changement principal semble avoir été le transfert au dimanche de l’Octavc de la péricope du jeudi, Jn 20, 24-31 (apparition à Thomas), sans doute pour commémorer les faits en leur déroulement anni­ versaire : et post dies octo iterum (Jn 20, 26) ; on rejoignait ainsi l’usage d’autres églises, notamment de Jérusalem ·. La péricope Jn 21, 15-25 (Simon-Pierre) prit alors la place de la lecture du jeudi. Nous connaissons les lectures évan­ géliques de ce deuxième ordo pour chaque jour de la semaine, sauf pour le vendredi 4 : Matin de Pâques................. Jean 1 Lundi......................................... Luc 24 Mardi...................................... Jean 20, 1-18 (apparition à MarieMadeleine) Mercredi................................. Marc 16 Jeudi........................................... Jean 21, 15-25 (brebis confiées à Pierre) Vendredi................................. 1. Mais non en 393, comme le pense A. Kunzelmann en interprétant mal, semble-t-il, une expression de ces textes : · quando agapes facilis · (S. 259, 5). 2. A. M. La Bonnardière, Recherches de Chronologie Augusliniennc. Paris 1965. 3. Le lectionnnirc arménien de Jérusalem, témoin de la liturgie du v· siècle et dont les données concordent avec la Peregrinatio ad loca sancta d’AETHERtA, assigne In péricope Jn 20, 26-31 nu dimanche de l’Octave, réunion du soir ; cf. A. Henoux, « Un manuscrit du lectlonnaire arménien de Jérusalem ·, Le Muséon, t. LXX1V (1961), p. 361-385. Cf. Ethérie, Journal de voyage (SC 21, éd. Pétré), p. 244, mémo précision. 4. Nous savons seulement, par une allusion du S. 259, 2, que ce n’était pas le récit de la pèche miraculeuse, comme dans les ordines qui suivent. §2. ■| i g 0 2 cp te n 8 p g § 3 s II s q B-f 2 § 2 I 2 s 4« o ξ 8a O C' ·© C X =5 si S' Q = q F 5 p- ft Q. a □ 2 C 2 O o S ro ** CL 1t □ Ç ? 8 0 ε £. R 2 g 33 c 3 g ζ o P y o 3· ex P 3 2 r. g H *■*· ac x 2 <* □ c ^ 5 * -5 C » c o P X §· - y 2 p o > 8 Lbctvkes des Q P O y Cn C to y. Ci o » c ri o o Ot y :e ©’ O A. O à p =r 3 o g P o O. P P o y O c. o c © •o o G> < Nuit de Pâques Jour de Pâques Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche de ΓOctave 2 ta. o r> Q a o P 2. 3 & δ? y Q 2 P o o C P P *-i o G» y p O c c P 3 N R p. o s g· 2 3 a 2 ?. Φ TC ng * o 2- J o 3 Og 3 «Λ 5* '£ to o © □ & § § ■p o ω o C P co Q O IC y O V) n o C ■ o *1 •ta1· Λ © 5 CL· ·»· c-T c**· © 2

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On mis entre obtenues par déduction. Les autres sont 111»' a1témoins ·« *tportés a *ta Acrochets Λ au %baslesdes ta péricopcs * attestées par les colonnes. 03 90 INTRODUCTION Vers 412, semble-t-il, Augustin s'arrêtait à une nouvelle succession des lectures évangéliques, peut-être par souci de respecter l’ordre canonique : Matthieu, Marc, Luc, Jean ’. Lundi....................................... Mardi....................................... Mercredi................................. Jeudi....................................... Vendredi................................. Samedi.................................... Dimanche............................... Marc 1G Luc 24, 1-32 (disciples d'Emrnaüs) Luc 24. 33-53 (apôtres) Jean 20, 1-18 (Marie-Madeleine) Jean 21, 1-14 (pêche miraculeuse) Jean 21. 15-25 (Simon-Pierre) Jean 20, 24-31 (Thomas). Nous sommes moins bien renseignés sur les autres textes liturgiques. La lecture des z\ctes commençait le jour de Pâques 1 2, mais la distribution des chapitres semble avoir changé avec les différents ordines 34. Dans Vordo I, il semble qu’on ait lu les Actes dans l’ordre des chapitres *. Avec la permutation de Jn 20, 24-31 et Jn 21, 15-25 dans l'orrfo II, le chapitre 5 (Ananic et Saphire) 5 a dû rester attaché à la péricope évangélique qu’il accompagnait, car nous le trou­ vons mentionné au dimanche de l’Octave. La lecture du chapitre 9 (Conversion de saint Paul) était faite le samedi dans Vordo II (Tract, in lo. Ep. 7, 1 et 8, 2 ; S. 278) comme dans l'ordo IV (S. Guelf. 16). Tous ces textes scripturaires étaient commentés dans la prédication du matin, ils trouvaient aussi un écho dans la prédication du soir. Il semble en effet que l’évêque ait profil· des loisirs que laissaient les dies feriati e pour donner, en plus de la catéchèse du matin, une série de conférences spi­ rituelles sur un sujet choisi à l’avance. C'est ainsi qu’en 407 ou 408, il décida de commenter l’Épître de saint Jean, que, quelques années plus tard, répondant au désir des 1. Cf. S. 232, 1. 2. Cf. N. 227. 3. Outre que les péricopes ne correspondaient pas forcétnent à nos cha­ pitres. comme nous pouvons le constater dans le Lcctionnaire arménien de Jérusalem. 4. Chapitre 7 (S. 252). le samedi ; chapitre S (S. Dente 8). le dimanche. 5. Plus exactement à partir d’/icL 4. 32 (S. Guelf· 18. 1), ou peut-être Ad. 4. 13 (S. Guelf. 19). G. De uacatione dierum istorum... ; sunt homines qui propterea uacaucrunt per dies istos... (S. 259. 6). I.A PRÉDICATION PASCALE 91 fidèles », il les entretint en plusieurs causeries successives de la résurrection des Morts, qu’il parla, une autre année, des Sept jours de la Création a. En ces jours de fête, le pasteur se mettait inlassablement à la disposition de tous. Le début du De. diiünalione daemonum, en fournit l'indica­ tion : pendant l’Octave, après l’assemblée liturgique du matin, l’évêque se rendait dans une des dépendances de l’église, de nombreux laïcs, fidèles et catéchumènes, venaient prendre place auprès de lui. On l’interrogeait et cette conver­ sation était encore un enseignement *. On le voit, l’Octave de Pâques était à Hippone une semaine privilégiée pour la catéchèse et les fidèles n’étaient pas moins avides de s’instruire que les nouveaux baptisés ·. Pour présenter la prédication qui prend sa source dans les lectures liturgiques de chaque jour, nous suivons l’ordre de succession le plus récent, celui des sermons que nous éditons ici (Ordo IV). Nous signalerons les textes qui furent prêches le même jour, selon les Ordines antérieurs, en rap­ pelant les lectures liturgiques qu’ils commentent. Secunda Feria. Pour le Lundi de Pâques, douze sermons nous ont été conservés : — Okdo II : S. 238 ; S. Mai 86 ; Append. Guelf. Ί ; Tract, in lo. Ep. 2 ; 1. Serf quia semtl promisi uobis per istas dies istant de resurrectione carnis quaestionem esse uersandam (S. 241, 8). 2. C. Lambot. · Une série pascale de Sermons de saint Augustin sur les Jours de In Création », dans Λ/é/anprs offerts d ** · M Christine Mohrmann, Utrecht 1963, p. 213-221. C’est une édition critique, des fragments conservés par Jean, diacre de l’Église romaine au vi’ siècle, que les Mauristes avaient publiés dans un appendice du tome V de leur édition des Œuvres complètes. 3. Quodam die in diebus sanctis octauarum, cum mane apud me adessent mutti fratres laid Christiani el in toco solito consedissemus, ortus est sermo de religione Christiana aduersus praesumptionem et tanquam miram et magnam scientiam paganorum... et cum mihi referretur... respondi. 4. Les allocutions qui s'adressent spécialement aux nouveaux baptisés ne leur sont pns pour autant réservées. Cette catéchèse s’adressait à tous : in populo tractare (S. 240. 1). Il arrivait à l’évêque d'inviter les fidèles de longue date ù en tirer profit : Modo, carissimi, et alloquar qui estis fideles olim baptisait, anno priore baptisait, superioribus annis baptisait (S. Guelf. 18, 3). 92 INTRODUCTION — Ordo III : S. 235 ; 236 ; — Ordo IV : S. 231 ; 233 ; 240 ; S. Guclf. 9 ét 10 ; 321. Les textes liturgiques du jour sont, d’une part, la procla­ mation de Jésus ressuscité, par Pierre au matin de la Pen­ tecôte (de/. 2), texte utilisé à toutes les époques; d’autre part, le récit de la Résurrection de Jésus, dans l’évangile de Luc 24 selon les ordines II et III, dans Marc 16 à partir de 412 environ. Ces lectures servent de prélude ou de motif central à l'affirmation : la Résurrection du Christ est notre vie. Une double référence au Ps. 35 (S. 231, 1 ; 233, 2, 3) lais­ serait supposer que, au moins selon ï'Ordo IV, ce psaume était lu ou chanté. Le commentaire, en S. Guelf. 10, de Gen. 32, 23 est isolé et s’explique mal. De la péricope évangélique de Marc IG, Augustin retient surtout le verset 16 : Qui crediderit et baptizatus fueril saluas erit. Pour bien comprendre l'effet de ces paroles sur les audi­ teurs, il faut avoir en mémoire le contenu des lectures du jour; elles avaient déjà orienté les esprits vers le thème du salut : salut opéré dans le baptême, par la résurrection du Christ. Bien qu’Augustin ne les cite pas, il faut retenir les versets 21 et 38 des Actes (ch. 2) : Omnis quicumque inuocauerit nomen domini saluas erit, et Baptizetur unusquique uestrum in nomine lesu Christi in remissionem peccatorum. Le Ps. 35 présente la vie comme un don de Dieu : Homines et iumenta saluas faciès, complété par celui du baptême : Quoniam apud te est fons uitae, gage de la victoire définitive sur la mort : In tegmine alarum tuarum sperabunt. C'est ce qui est souligné parfois (cf. S. 233, 2, 3), dans une paraphrase du psaume. Notons que le mot salus avait une tout autre réso­ nance que notre mot salut, il signifie d’abord la santé, ce qui explique le jeu étymologique salus-saluus et son lien avec u ila. Cependant nous ne sommes sauvés qu’en” espérance et, dans le S. Guelf. 10, avec un contexte antipélagien, notre sort présent est symbolisé par Jacob-Israël, à la fois bene­ dictus et claudus, béni mais boiteux. De fréquentes citations pauliniennes (Rom. 4, 25 ; 6, 4 ; Col. 3, 14 ; I Cor. 15, 53) viennent corroborer ces assertions. Telle est donc la leçon I.Λ PKÉDICATION PASCALE 93 qui se dégage des textes lus, commentés, cités en cette férié. La résurrection du Christ est notre vie, une vie nouvelle qui triomphe, par lui, de la mort et qui sera un jour vie de bonheur éternel : « La résurrection de notre Seigneur JésusChrist est une vie nouvelle pour ceux qui croient en Jésus. C’est là le sacramentum de sa passion et de sa résurrection que nous devons connaître et vivre » (S. 231, 2). L’anti­ thèse entre la passion et la résurrection du Christ est le signe d’une opposition fondamentale entre Adam et le Christ (S. 233, 3), Jacob et l’ange (S. Guclf. 10, 2), péché et salut (S. Guclf. 9, 3), mort et vic (S. 233, 5) : « Il a été crucifié pour montrer en sa croix la mort du vieil homme en nous et il est ressuscité pour montrer en sa vie la nou­ veauté de notre vie » (S. 231, 2). Car cette antithèse a été comme vécue dramatiquement par lui qui, sans péché, prend sur lui la peine du péché (S. 231, 2), prend la mort pour nous donner la vic (S. 233, 5), prend notre malheur pour nous donner son bonheur (S. Guelf. 9 ; S. 233, 4), vient dans notre pays pour nous faire entrer dans le sien (.S'. Guelf. 9 ; S. 231, 5 ; 233, 4). Chasseur, il terrasse le lion (S. 233, 4), visiteur dans la prison, il rachète le captif (Traci, in lo. Ep. 2, 10), médecin, il soigne le frénétique (S. Guclf. 9,2), marchand, il ne lésine pas sur le prix (.S', 233, 4), voyageur (S. 239, 2), hôte (S. 231, 5), il invite en retour à sa table. Cette vie nouvelle est vie éternelle, la résurrection du Christ est l’annonce et le gage de la nôtre : c’est le sujet du S. 210 (complété par les S. 211 et 242), car « la vie est venue à la mort » (S. 231, 2), et dans sa mort prend racine notre vie, dans son écrasement notre victoire, dans la défaite de l’ange le triomphe de Jacob : O grande mysterium, bene­ dicit uictus qui liberat passus (S. Guclf. 10, 2). Dès lors peuvent jaillir, en référence au texte de Paul (uerba trium­ phantium'), des paroles de vainqueur : O uita. mors mortis ! (S. 233, 5). 94 INTRODUCTION Tertia Feria. Sept des sermons qui nous sont parvenus furent pro- ' noncés un Mardi de Pâques : Ordo II : Traci, in Ιο. Ep. 3; — Ordo III : S. 239 ; — Ordo IV : S. 232 ; 234 ; 211 ; S. Guelf. 12 ; S. 322. La dans dans dans lecture évangélique du jour était : l’Ordo II : Jean 20, 1-18 (Marie-Madeleine) ; l’Ordo III : Marc 16, 1-16; VOrdo IV : Luc 24, 1-35 (apparition du Christ aux saintes femmes et aux disciples d'Emmaüs). La prédication s’appuie particulièrement sur les versets : Il {Et uisa sunt ante illos sicut deliramentum uerba ista et non crediderunt illis), 21 (Nos autem sperabamus...), 25 (lardi corde ad credendum), 31 (El cognouerunt eum). La lecture des Actes était vraisemblablement le cha- ! pitre 3 (discours de Pierre, après la guérison de l’infirme, à la porte du Temple de Jérusalem) l. Il n’y est fait aucune allusion explicite, mais certains versets semblent avoir inspiré des développements ou des expressions ; ce sont les versets : 15 (Auctorem uero uitae), 19 (Poenitemini igitur et conuertemini ut deleantur peccata uestra), 26 (ut conuertal se unusquisque a nequitia sua). Si les sermons du lundi commentaient l’affirmation : la résurrection du Christ est notre vie, ceux du mardi ont pour sujet la foi en la résurrection. Prenant leur point de départ I sur l’incrédulité des apôtres (et non crediderunt) et sur celle des disciples d’Emmaüs (tardi corde ad credendum), ils posent comme thèse : « Le propre de la foi chrétienne est de croire eu la résurrection des morts » (S. 241,.l). Ainsi, par un autre biais, le thème de la mort et de la vie est encore celui des sermons de ce jour. Croire au Christ, c’est croire en sa résurrection, a Croyons 1 au Christ crucifié, croyons surtout à celui qui est ressuscité 1. La première lecture était peut-être III Rois 17. Cf. S. 239. 3, 4. LA PRÉDICATION PASCALE 95 le troisième jour. Telle est la foi qui nous distingue des incré­ dules, qui nous distingue des païens, qui nous distingue des juifs, une foi par laquelle nous croyons que le Christ est ressuscité des morts » (S. 234, 3). a La résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ est l’élément essentiel (forma) de notre foi chrétienne... Qu’il soit né, qu’il ait accepté d'être un tout petit, qu'il ait dépassé l'enfance, qu’il soit parvenu à l’âge d’homme, qu’il ait conduit cet âge d’homme à la mort, tout cela travaillait pour la résurrection » (S. Guelf. 12, 1). Les apôtres défiants, les disciples d’Emmaüs décou­ ragés s’arrêtent à la croix, comme peut le faire un païen, un juif ; c’est pour cela qu'ils désespèrent : Nos speraba­ mus... Augustin se plaît à ironiser sur cette plainte : < Vous êtes tombés du haut de votre espérance » (.S. 232, 3). « Vous espériez et désormais vous n’espérez plus ? C’est là tout ce que vous avez appris ? » (S. 234, 2). Pierre est un autre exemple du manque de foi. C’est peut-être son discours dans les Actes (3, 12-26) qui aura amené ici, avec le récit de sa confession (Mailh. 16, 13-23), celui de sa défection (S. 232, 3-4 ; 231, 3). A l’opposé, le larron est un excellent exemple du croyant qui, par delà la croix, parvient à la résurrection : n Rappe­ lons-nous la fin du larron. Il croyait non seulement que le Christ allait ressusciter, mais encore qu’il allait régner » (S. 232, 6). Croire en la résurrection du Christ, c’est aussi croire en la nôtre. « Le propre de la foi chrétienne est de croire en la résurrection des morts. C'est elle, je veux dire la résurrec­ tion des morts, que le Christ notre tête a d’abord montré en lui-même, fournissant à notre foi un exemple afin que les membres espèrent pour eux ce qui s’est réalisé d’abord pour leur tête u (S. 241, 1). Tout le S. 241 a trait à la résurrec­ tion des corps ; prêché le lendemain du 240 et la veille du 242 (collection Alleluia), il s’attaque aux conceptions philo­ sophiques, au platonisme et à Porphyre en particulier, flétrissant les magna magnorum deliramenta doctorum (S. 241, 6). Vis-à-vis des doctrines philosophiques, la foi chrétienne apparaît optimiste, épanouissante ; elle l'est encore plus, face à la tragique expérience humaine : au monde des humains, on connaît seulement le naître et le 96 INTRODUCTION mourir ; la résurrection est la « nouveauté » (hoc nouum) i que le Christ nous apporte. : « Car ressusciter et vivre pour i toujours, qui connaissait cela ? Telle est la nouveauté qu’il apporte en notre pays, lui qui vient du pays de Dieu · (S. Guelf. 12, 1). Il nous apporte la vie parce qu’il est la vie : < Qu’est-ce que nier le Christ, sinon nier la vie ? Quelle folie, tout en aimant la vie, de nier la vie 1 » (S. Guelf. 12, 3). On pense ici instinctivement au verset des Actes : Auctorem uero uitae... Enfin, croire en la résurrection exige notre conversion. C’était la conclusion du Discours de Pierre au chapitre 3 des Actes : Paenitemini igitur cl conuerlemini. Tout un pas­ sage du S. 232, 8 est adressé aux pénitents : Abundant hic paenitentes... Mulemini, mulemini ; il s’explique bien s’il naît de la péroraison du discours de Pierre. Mais la nécessité de la conversion existe pour chaque fidèle, ainsi l’exige la dialectique de la mort et de la vie : a Car la résurrection du Christ est en nous si nous vivons bien, si notre ancienne vie mauvaise meurt et que chaque 1 jour la nouvelle soit en progrès » (S. 232, 8). Bona erit in opere, beata erit in mercede (5. Guelf. 12, 3). « Vous vivrez si vous vivez, je veux dire que vous vivrez pour l'éternité si vous avez bien vécu 1 » (S. Guelf. 12, 3). Les païens, les juifs savent que Jésus est né, est mort ; croire en sa résur­ rection est ce qui distingue la pensée des chrétiens de celle des païens, des juifs. Les démons savent que Jésus est res­ suscité, traduire cette foi en actes est ce qui distingue la foi des fidèles de celle des démons 3 (cf. S. 234, 3) : « Que notre foi soit différente par nos habitudes de vie, qu’elle diffère dans nos actes, brûlants que nous sommes de la charité que les démons ne possèdent pas. » L’amour est ainsi mesure et signe de la foi dont la torche enflammée est le symbole. Nonne cor nostrum ardens '? (cf. S. 234, 3). • 1. Au lieu du texte : Vitriffe si iduatis, toc est in aetemum uiultis si bene uixerifis, il faut sans doute lire : Viuetis si uiucilb... uiuctis si bene uixeriHs» 2. Ix S. 231 cite deux fois Jutqucs 2. versets 1 1 et 19. Notons que la cita­ tion du verset 19 affleure dans plusieurs autres sermons du mardi» et que Jacques 4, 4 est cité une fois le dimanche de l’Octave (S. Mai 94). Serai *t-c un indice de la lecture de l’Épltre de Jacques pendant l’Octave, comme cela avait lieu ù Jérusalem concurremment avec les Actes ? LA PRÉDICATION PASCALE 97 Feria Quarta. Les serinons du Mercredi de Pâques sont : — Ordo II : Tract. in lo. Ep. 4 ; — Ordo III : S. 215 ; — Ordo IV : S. 116; 237; 242; S. Mai 87 (d’après doni Morin MA I, p. 327) 12; S. 324. Les lectures de l’évangile étaient : selon VOrdo 11 : Marc 16, 1-16; selon VOrdo 111 : Jean 20, 1-18 (Marie-Madeleine); selon VOrdo IV : Luc 24, 36-48 (apparition aux apôtres). Prenant appui sur Luc 24, verset 37 (« ils croyaient voir un esprit ») et verset 39 (* Un esprit n’a pas chair et os comme vous voyez que j’en ai »), le prédicateur affirme, contre l'erreur manichéenne : le Christ a pris une vraie chair, un vrai corps. En second lieu, il commente le ver­ set 47 (« dans toutes les nations en commençant par Jéru­ salem »), en l'appliquant à l’Eglisc universelle qui est, elle aussi, le vrai corps du Christ. La prédication du mercredi ne porte donc plus sur la Résurrection en tant que telle, mais, partant de la réalité du corps ressuscité, elle conclut à la réalité du corps du Verbe incarné. Elle s’attaque Λ la doctrine des manichéens et des priscillianistes. Le ton est vigoureux, l’invective n’est pas absente a. Viennent tout naturellement les précisions christologiques : le Christ est verbe divin, âme raisonnable, corps humain (S. 237, 4 ; 242, 6). Ce corps, glorieusement marqué des cicatrices de la passion, guérit la plaie de l’incrédulité : < 11 ressuscita du sépulcre, scs plaies guéries mais gardant 1. Pour 1c S. Λ/αί 87, Dom Moris penche pour !e mercredi (.Wl, I. p. 327). Dom Lambot : · un jour incertain, semaine de Pâques ou temps pas­ cal > (art. cit., p. 276). Le thème traité : la résurrection du Christ et la nôtre, la conclusion : Sit ergo in nobis animus fide resurrectlunis plenus, tendent penser à la prédication du mardi. 2. Pessimi haeretici (S, 237. 1). Z/>s£ detestabiles carnem détestantes et se· eundum carnem uiuentrs (S. 237, 2). Augustin d'Hippone. 7 98 INTRODUCTION ses cicatrices. Il jugeait qu'il était bon pour scs disciples de garder les cicatrices avec lesquelles il pourrait guérir les blessures de leur cœur. Quelles blessures ? les blessures de l’incrédulité * (S. 116, 1). Le Ps. 146 était lu ou chanté dans VOrdo II, et peut-être le Ps. 95 (S. 116) dans YOrdo IV. En touchant, en palpant le corps marqué des plaies de la Passion, les disciples ont cru. Jésus leur annonce alors la prédication du salut per omnes gentes. Augustin ne perd pas cette occasion de parler de la Catholica : l’Église est, elle aussi, le corps du Christ auquel il faut croire. <> Les disciplines voyaient la Tête et croyaient ce qu’on leur disait du Corps. Nous voyons le Corps et nous croyons ce qu’on nous dit de la Tête « (S. 242, 12). Ils le voyaient, lui ; ils ne la voyaient pas, elle... Nous sommes comme eux. Il y a quelque chose que nous voyons et quelque chose que nous ne voyons pas » (S. 116, 6). Feria Quinta. Nous avons pour la prédication du Jeudi de Pâques des sermons prononcés à toutes les époques du ministère d’Au­ gustin : : lecture de Jean 20,24-31 (appar. à Thomas): S. Mai 95 ; — Ordo II : Jean 21, 15-25 (Simon-Pierre) : Tract, in lo. Ep. 5 ; — Ordo III : Jean 20, 19-23 (appar. aux apôtres sans Thomas) : S. 217 ; — Ordo IV : Jean 20, 1-18 (Marie-Madeleine) : S. 243; 244 ; 246; S. Guelf. 11, 13, 14. — Ordo I Le commentaire de ce dernier passage de l’évangile de Jean, qui était prononcé selon VOrdo antérieur, le mercredi (S. 245), plus anciennement encore le mardi (Tract, in lo. Ep. 3) ne présente guère de variantes, ce qui n’échappait pas au pré­ dicateur : « Il est bon de rappeler à votre mémoire ce que vous avez coutume d’entendre chaque année. Il ne suffit pas de lire une fois ce qui a été écrit, il ne suffit pas d’expli­ quer une fois ce qui n’a pas été compris » (S. Guelf. 13, 1). LA PRÉDICATION PASCALE 99 La catéchèse christologique se poursuit. Le Christ est un homme véritable, enseignaient les sonnons du mercredi ; son humanité est bien réelle. Les sermons du jeudi com­ plètent : le Christ est l’égal du Père ; sa divinité est non moins réelle : < Je ne veux pas que tu croies en la chair et que tu laisses le Verbe » (S. 245, 4). Mais il faut au préalable résoudre un « curieux problème » (S. 244, 2), qui trouble parfois les moins instruits (S. Guelf. 14, 2) : Que signifie Noli me tangere ? En effet, cela semble en contradiction avec Palpate, uidete (S. 244, 2 ; 246, 4 ; S. Guelf. 13,1 ; .S. 245, 2 ; Tr. in lo. Ep. 3, 2). Serait-ce qu’il a voulu que les hommes le touchassent, les femmes non ? Un sot (insipiens) pourrait seul avancer cette « interpré­ tation absurde » et prononcer cette σ mauvaise parole » (S. 245, 2), car les femmes ont embrassé les pieds du Ressus­ cité, c’est un fait (Mallh. 28, 9). Quant au droit, les dis­ ciples en tant qu’hommes ont eu n plus de force et moins d’amour » (fortiores sexu sed minores affectu, S. Guelf. 14, 1). En outre, s’il avait eu horreur d’une femme, il ne serait pas né d’une femme (S. 244, 2). D’ailleurs, toucher signifie croire (ibid., 3) : « Qui croit au Christ touche le Christ > (S. 243, 2), ce que prouve, en chaque sermon (le S. 246 excepté, cf. S. 213, 2 ; 244, 3 ; S. Guelf. 13, 1 et 14, 2 ; S. 245, 3), le récit sur l’hémorroïsse (Mallh. 9, 21 et Le 8, 43). Jésus demande : Qui m’a touché ? Or la foule le pressait (premere, tangere). Vient alors le raisonnement que nous résumons ainsi : toucher c’est croire, or si tu crois que le Christ est unique­ ment un homme, tu n’atteins pas le Verbe ; crois qu'il est égal au Père, alors seulement, pour toi, il sera vraiment remonté vers le Père. Ce qui fut dit à Marie s’adresse à chaque croyant : « Tu vois en moi un homme, tu penses que je suis un homme et je suis en effet un homme. Mais que ta foi ne s'arrête pas là n (S. 244, 3). * Car si tu penses qu’il est un homme et rien de plus, il n’est pas encore, pour toi, remonté vers le Père 1 » (S. 243, 2). 1. Sur cet to interprétation, Paulin de Noi.e avait consulté Augustin (Epis/. 131, 16) qui lui avait répondu (Epist. 119, 32) : · Je ne comprends pas autrement que toi ·. C’était aussi le commentaire d'AMDROiSK (Exp. Enang. sec. I.ucam 10, 155) : Merito nimirum prohibulur tangere dominum ; 1 100 INTRODUCTION L’explication, subtile mais spécieuse, est habilement utilisée pour la catéchèse : apostrophe à Photin (S. 246, 4), I aux disciples de Photin et d’Arius (S. 244, 4) ; développe- j ments christologiques, spécialement en S. 246, 5 ; S. Guelf. ' 14, 2 ; S. 244, 3. « Le Christ est égal à son Père... Il est ce I que lui est. Il n’est pas lui. 11 est ce que lui est : Dieu comme il est Dieu, tout-puissant comme il est tout puissant, im- ] muable comme il est immuable. 11 est ce que lui est; il n’est pas lui ; l’un est le Père, l’autre le Fils » (S. 244, 3) ; exhortation à la foi : « Sans doute il est au ciel, sans doute il est loin, sans doute on ne peut imaginer l’étendue qui nous sépare de lui. Crois et tu le touches » (S. Guelf. 13, 2). j Marie, en substituant au toucher du corps le toucher spirituel de la foi, est la figure exemplaire du croyant. En cette occurrence elle joua le rôle de l’Église : Videtur ista Maria ecclesiae gestare personam (S. 243, 2). « Que l’Église donc, que Marie représentait, entende ce qu’entendait Marie. I Que tous nous le touchions, si nous croyons » (S. 245, 4). « Toucher le Christ de ses mains, ce n’est pas grand chose ; les Juifs l'ont touché quand ils l’ont arrêté, enchaîné, sus­ pendu... En le touchant par la foi, ô Église catholique, la foi te sauve » (S. 246, 4). Feria Sexta. La lecture du Vendredi de Pâques ne nous est connue que pour la période qui commence avec 410 environ. A partir de cette date, il semble que ce fut toujours le récit de la pêche miraculeuse, Jn 21, 1-14. Nos textes sont à l’époque de I’Ordo III : S. 218 ; S. Wilmart 13; à l’époque de I’Ordo IV : S. 219; 250; 251 ; S. Guelf. 15. Nous avons vu plus haut que le 252, qui est à dater des toutes premières années du ministère et qui fut prononcé a pendant les saints jours », traite du même syjet *. Augusnon enim corporali tactu Christum sed fide tangimus... Nondum libi ascendi quae uiuentcm cum mortuis quaeris (SC 52, p. 207). Notons quo l’appréciation équitable et bienveillante qu'Augustin donne du rôle des femmes (S. 237t 246) fait écho â celle d’Ambroise (L c.» 156). I. Sujet encore traité dans les : S. 270, Tract, in lo Eu. 122. En. in Ps. 150, doux articles des LXXXIli Quaestiones (Q. LVII et LXXXI), dans la ( LA PRÉDICATION PASCALE 101 tin y donne une interprétation mystique du nombre cent cinquante-trois, qu’il abandonnera par la suite. Il ne semble pas que le récit de la pêche miraculeuse ait été lu à l’époque de I’Ordo II. Le prédicateur opte ensuite pour une autre interprétation du nombre cent cinquantetrois et, démonstration étant faite que « la lettre tue, mais l’esprit vivifie », la péricope lui permettait de présenter la Loi dans une perspective non moralisante ; il la commen­ tait chaque année. « Nous allons expliquer, Dieu aidant, ce que vous entendez traditionnellement chaque année. Mais si la lecture doit vous rafraîchir la mémoire, bien qu’on puisse lire l'évangile à d’autres moments, combien est-ce plus vrai de l’entretien qui n’a lieu qu’une fois l’an » (S. Guelf. 15, 1). Dans chacun des serinons, le commen­ taire de la seconde pêche s'éclaire par le commentaire de la première : « Car dans ces deux pêches, l’Église tout entière est symbolisée et telle qu’elle est maintenant et telle qu’elle sera à la résurrection des morts » (S. 248, 1). L’histoire entière de notre salut s’inscrit dans le double récit : a La première pêche est le symbole de l’Église telle qu’elle est maintenant » (S. 251, 1). Deux barques furent nécessaires pour ramener le poisson, car l’Église est issue de deux peuples, les juifs cl les gentils, réunis par la pierre angulaire. L’ordre de jeter les filets ne précise pas de les envoyer à droite ou à gauche. Λ droite, seuls les bons eussent été pêchés, et seuls les mauvais à gauche, à preuve Maith. 25, 31-11. La prise est un mélange de bons et de mauvais, comme dans le filet de la parabole (Matth. 13, 47-50), avec ce double résultat que les bons souffrent du contact des mé­ chants et que des méchants qui se croient bons rompent le filet. Tria ergo in illa piscatione significata sunt : mixtura bonorum et malorum, pressura turbarum, separatio haere­ ticorum (S. 251, 1). Une multitude innombrable de chré­ tiens encombre la barque de l’Église : a Maintenant ils sont en surnombre, ils arrivent, ils entrent, ils remplissent les églises. Ce sont les mêmes qui remplissent les théâtres et lettre à Innuarius (Epiât. 55. 31). Je tire cet inventaire de l'introduction de A. Wilmar r : · Un nouveau sermon de saint Augustin sur les deux pêches ·. RB 1929. p. 144-155» 102 INTRODUCTION qui remplissent les églises » (S. 250, 3). Risque de naufrage pour les bons qu’il faut exhorter en même temps et à la fidélité et à la patience. Déchirure du filet par les méchants qui font schisme. Le filet rappelle l’aire où se mélangent encore paille et grain (S. 252, 4.5 ; 251, 2). « Au contraire, la pêche qui a lieu après la résurrection du Seigneur symbolise l’Église telle qu’elle sera à la fin des temps » (S. 251, 1). Le litus, finis maris est précisément l’image du finis saeculi (ibid. 3). L’ordre a été donné de jeter le filet à droite : «Alors en effet, après notre résurrec­ tion, seuls les bons, sans aucun mélange, formeront l’église heureuse <> (S. Wilmart 13, 2). Plus de surnombre, le mon­ tant de la prise est donné : a 11 y en a cent cinquante-trois, mais des gros » (S. 250, 3). Ces magni pisces trouvent leur explication dans le S. 251, 4 : Est « grand » en effet dans le royaume des cieux celui qui garde la Loi (Matth. 5, 1719). ’ Pour gros que soient les poissons, leur nombre est petit. Scrait-ce donc le nombre des élus ? « Non, non. Loin de moi la pensée de dire que, même dans ce peuple qui se tient ici devant moi, il y en ait aussi peu » (S. Guelf. 15, 2). « Non, cette seule assemblée dans laquelle nous parlons présente­ ment ne pourrait en avoir aussi peu > (S. Wilmart 13, 5). Ce serait en contradiction avec les multitudes innombrables de l’Apocalypse 7 et 14 (S. 248, 3 ; 250, 3 ; S. Guelf. 15, 2). Ces cent cinquante-trois poissons « symbolisent l’Église bienheureuse, mystique, grande » (S. 252, 7). Le chiffre 153 doit être expliqué mystiquement. Augustin en a formulé deux interprétations successives. Dans le S. 252, 8, le nombre 153 s’explique ainsi : le chiffre 3 indique qu’il faut diviser 150 par 3 (de même, explique-t-il, 152 indiquerait (75 x 2] 4- 2 ; 156 = (25 x 6] + 6). Or le chiffre 50 recèle un mysterium. En bref, (car les considérations du S. 252 sont variées et longues), les quarante jours (Je la sainte quarantaine, les quarante années du peuple juif au désert symbolisent notre vie mortelle. S’y ajoute le denier promis aux ouvriers de la vigne ; cela fait cinquante, symbole de l’Église du siècle à venir, dont tous les membres ont été appelés au nom de la Trinité. 11 faut donc multiplier cin­ quante par trois, ce qui fait cent cinquante. « Ajoutez-y LA PRÉDICATION PASCALE 103 le mystère lui-même de la Trinité, cela fait cent cinquantetrois. c (cf. aussi Episl. 55, 31). Dans tous les autres ser­ mons, 153 s’explique par 17, car si l'on additionne ensemble tous les chiffres de 1 à 17, cela donne 153. Pourquoi dixsept ? Dix, à cause de la Loi ; sept, à cause de l’Esprit (Isaïe 11,2 et Genèse 2, 3). Nous serions incapables d’accom­ plir la loi, si à la loi ne s’ajoutait l’Esprit. Ce qui fait dire à Augustin : 10 + 7 = 10. c Qu’est-ce que je dis ? Une chose absurde : 10 4- 7 = 10. On dirait que je ne sais plus compter. J'aurais dû dire : 10 4- 7 = 17 ; tout le inonde sait cela. Quand j’ai dit : 10 4- 7 = 10, les enfants qui sont ici ne se moquaient-ils pas de moi ? Et cependant, je le dis, je le répète et je n’en ai pas honte » (S. 249, 3). « Le nombre 153 sort de 17. Qui veut compter de 1 jusqu’il 17 en ajoutant tous les nombres trouvera 153. Un et deux font trois et trois font six et quatre font dix... et ainsi on arrive à dixsept et on trouve cent cinquante-trois » Wilmart 13, 6). Les considérations augustiniennes sur les nombres qui paraissent si vaincs aux esprits sérieux de notre temps sontelles autre chose qu’un innocent et sûr stratagème pour ancrer dans l’esprit un schéma de méditation ? La vie chré­ tienne est austère mais le salaire viendra, car le Dieu Trinité appelle et récompense. Cela se résume dans l’égalité numé­ rique : (40 4- 10 ) x 3 4- 3 = 153. Ou mieux : la loi nous est donnée pour que nous l’accomplissions ; cette loi du décalogue tient dans le double précepte de l'amour ; mais nous ne devons attendre la charité que du don de l’Esprit qui vivifie et sanctifie : 17 4- 1 [(3 4- 7) 4- 7] ~ 153. Λ i N’ayons pas peur, nous qui sommes 17, car si nous sommes 17, nous arriverons à 153 et, si nous arrivons à 153, nous irons à sa droite et, si nous allons à sa droite, nous recevrons le royaume » (S. Wilmart 13, 6). « Là seront en effet tous ceux qui courent à 17, ceux qui accomplissent la loi de Dieu avec l’aide de l’Esprit de Dieu » (S. Guelf. 15, 3). 104 INTRODUCTION Die Sabbati. C’est pour le Samedi de Pâques que nous relevons les plus grandes différences entre les premiers et les derniers ordines. .Je pencherais à croire que la lecture de Jean 21, 1-14 (pèche miraculeuse) précédait immédiatement celle de Jean 21, 15-25 (Simon-Pierre) selon I’Ordo I. Si cela était exact, il faudrait assigner à un samedi de Pâques le S. 252. La lecture des Actes, chap. 7 faite en ce jour renforcerait cette hypothèse. Nous sommes mieux renseignés pour les lec­ tures faites selon I'Ohdo II : Ex. 15, 22-27, Ps. 31, Ad. 9, Matth. 5 et 6. Le S. 278 et les Trad, in lo. Ep. 7 et 8 furent prêchés un samedi. Selon les ordines III et IV, les lectures étaient Ad. 9, Jn 21, 15-25 (déclaration de Simon-Pierre) : S. 147; 253; S. Gudf. 16 et 17 ; .S. Lambot 3. La triple confession de Pierre vient réparer le triple reniement ; c’est l’occasion de rappeler les deux fautes de l’àpôtre : sa présomption, sa lâcheté ; car le mystère pascal projette une vive lumière sur le renouvellement de son être qu’il tient de la grâce du Seigneur. Dans un seul de nos sermons (S. 253), Augustin tente en outre de résoudre le problème que posent les versets 22-23. « Triple reniement, trahison de la vérité ; triple confes­ sion, témoignage de l’amour » (S. 147, 3). La présomption a précédé le reniement *. Ce présomptueux a eu peur % mais le mystère de Pâques transforme son être par la grâce du Ressuscité : Negator infirmitate humana, amator gratia diuina (S. Lambot 3). En lui meurt le vieil homme pour que,· 1. JHum praesumptorem et *negatorem p Le maître des bergers l'institua berger pour qu’il fit paître les brebis, non les siennes, mais celles du Christ... Je te confie mes brebis, fais-les paître, mais n’oublie pas que ce sont les miennes » (S. Guelf. 17, 3). 1. Quid mihi praestas quia diligis me ? 253, 2). Quid enim praestaret Christo in eo quod amabat Christum ? (S. Guelf. 16, I). ,Von mihi quid praestaturus es si amas me ? (S. Guelf. 17, 3). Quid enim Petrus poterat praestare domino ? (S. 146, 1). Et quid praestaturus es amans me ? (S. Dent * 12, 1). 106 INTRODUCTION Enfin le S. 253 (celui que nous éditons ici) tente d’inter­ préter les versets Jri 21, 22.23 : Sic eum nolo manere donec neniam. On trouve, en plus détaillé, le même genre de consi­ dérations dans le Tract, in lo. Eu. 124. Pierre a mis en lumière l’humanité du Christ, Jean sa divinité telle qu’elle se manifestera à la fin des temps, au retour du Christ (cf. donec neniam). On doit avouer que la démonstration manque de clarté. Augustin en avait conscience, qui concluait : « Je vous ai expliqué cela comme je l'ai pu... ». On se souvient que le même texte, Jn 21, 15-25, était lu le dimanche de l’Octavc selon l’Ordo I : S. 146, 353 ; S. Denis 12 et le jeudi selon VOrdo II : Tract, in lo. Ep. 5. Mais à cette époque, la mission de paître les brebis donnait lieu à une polémique avec le donatisme. * Pierre à lui seul était le symbole de l’unité de tous les pasteurs, mais des bons, de ceux qui savent paître les brebis du Christ pour le Christ, non pour eux » (S. 147, 1). Ones meas : ce possessif joue un grand rôle dans la polémique. « Les hérétiques et les schismatiques se font un pécule des vols faits dans le troupeau du Seigneur. Ils n’ont pas voulu faire paître les brebis du Christ, mais les leurs, en adversaires du Christ. I Sur leurs larcins, ils ont apposé sa marque (titulum) pour placer leur butin sous la marque d’un puissant... N'ont-ils pas entendu ce que le Seigneur a dit à Pierre : Pais mes agneaux, pais mes brebis ? Lui a-t-il dit : Pais tes agneaux, ou pais tes brebis ? » (S. 146, 2). Le thème du troupeau était d’ailleurs également exploité par les deux camps ; les donatistes citaient victorieusement le verset du Can-1 tique des Cantiques 1,7: Annuntia mihi quem dilexit anima mea, ubi pascis, ubi cubas ? — In meridie. Le midi, c’est l’Afrique, précisaient avec orgueil les donatistes. Augustin, non sans vivacité (S. Denis 12, 3) rétablissait la bonne inter­ prétation du texte. Il prit l'habitude d’opposer oues meas de l’évangile de Jean à haedos tuos du Cantique (cf. S. Guelf. 17, 3; S. 116, 2). Car le Christ appelle son Église comme l’époux son épouse et lui dit ; « Si tu ne t’es pas reconnue, ô belle entre les femmes... Que signifie : Belle entre les femmes ? — la Catholica entre les hérésies 1 » (S. Guelf. 17, 3). 1. Ce genre de développement dispnrait des sermons postérieurs à 412. S’i LA PRÉDICATION PASCALE 107 Octauus Dies. Le dimanche, la célébration de l’Octavc des Nouveaunés revet un éclat particulier. Λ partir de ce jour, les nou­ veaux baptisés cessent d’être infantes, ils quittent leurs vêtements blancs, abandonnent la place qui leur était réservée et, selon la formule, u se mêlent au peuple 1 ». C’est en quelque sorte la fête de leur majorité. Naguère catechumeni, puis competentes, depuis huit, jours infantes, ils seront désormais fideles : « Voici que s’achève le sacra­ mentum de leur octave *. » Le programme liturgique était chargé : « Nous avons encore beaucoup à faire 3 », mais on ne connaît pas le détail des cérémonies. La prédication y tenait une place impor­ tante. D’après les textes qui nous ont été conservés, nous concluons que l’évêque « devait » à son auditoire (pour reprendre l’expression qui lui était familière) trois instruc­ tions au cours de l’assemblée du matin. Cette prédication était expressément destinée aux Nouveau-nés 1 et les conféréapparalt exceptionnellement (S. Guel/. 17), c’est ou bien que la datation de ce sermon (Dom Morin-Kunzclmann) est erronée, ou bien, et c’est l’hy­ pothèse » laquelle je m’arrête, que le couplet sur la Calholiea est ici amené par la conversion d’un hérétique, qui est ce jour-là notifiée â rassemblée. 1. Afisce/idf cs/ix hodie numero populorum (S. Guelf. 18. 2). Regeneratis in baptismo qui hodie, miscendi sunt popuîo... Reddendi estis populis, miscendi estis plebi fidelium (S. 260. 1). Ecce miscentur hodie fidelibus infantes nostri (S. 376, 3). Hodierno die baplizatl in Christo et regenerati, uniucrso populo dei, celebrata sacramentorum solemn itate, miscendi sunt 224. éd. C. Lamuot : Historiettes Jahrbuch, 1958, p. 414.) 2. Hodie completis sacramentum octauarum uestrarum (S. 2G0, 1). 3. Sufficiant caritati quia mulla agenda sunt (S. Guelf. 19). Ne moras facia­ mus acturi multa (S. 260). 4. our le déroulement des cérémonies de l'Octave. Cf. C. Lambot, ■ Les Sermons de saint Augustin pour les fêtes de Pâques, Liturgie et Archéologie », dans Bcv. des Sc. IM., t. XXX (1956). p. 230-240. 4. Sic enim nobis sanctorum uiginti martyrum serica recitata est (S. 325H Cf. S. Frangipane 6. LA PRÉDICATION PASCALE 109 fièrement vénérée par les chrétiens de l'endroit *. Les fouilles faites à Hippone 2 n’ont pas révélé son emplacement. Les textes indiquent qu’elle se trouvait proche du front de mer 3. Le Guelf. 19 nous offre probablement l'image la plus fidèle de la prédication ad uiginti martyres. L'évêque cite d'abord la déclaration : Non possumus non loqui {Act. 4, 20) pour engager les nouveaux baptisés à porter témoignage : « Déclarez, vous aussi : Nous ne pouvons pas ne pas parler de ce que nous avons entendu et ne pas prêcher le Seigneur Christ. Celui qui le prêche, là où il peut, est lui aussi « mar­ tyr j. Or parfois un homme n’a pas à souffrir la persécution, niais craint la confusion. Il lui arrive par exemple d’être invité chez des païens et il rougit de se dire chrétien. S'il a peur devant un convive, comment pourra-t-il résister à un persécuteur ? Oui, prêchez le Christ, où vous pourrez, à qui vous pourrez, comme vous pourrez. Ce qu’on attend de vous, ce n’est pas de l’éloquence, c’est la foi. » Ce déve­ loppement amène comme naturellement la citation du pre­ mier verset du Psaume 115 : π Vous avez entendu le psaume : « j’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ». Or on ne peut croire et se taire. Ingrat celui qui a reçu et ne répand pas... car en lui sourd une fontaine qui coule et ne tarit point, < en lui naîtra une fontaine jaillissant pour la vie éternelle »... Prêchez donc en toute assurance. Vous ne sauriez mentir, car votre bouche exprime ce que vous avez puisé à la fon­ taine de vérité. » Le pasteur invite donc les nouveaux bap­ tisés à porter témoignage comme le firent les martyrs (« car témoin se dit en grec martyr », , A la rencontre de Dieu, Mémorial Λ. Gclin, Le Puy 1961, p. 375395) sur les rapports du Ps. 115 avec la fête de l’Octave, p. 386. avec la litur­ gie des Martyrs, p. 389 s. ; sur le parallélisme de VEn. in Ps. 115. du S. 257, de l’extralt de Bèdc, p. 338. Si I. Fransen ne datait l’extrait de Bèdc de maijuin 397 (p. 381), nous l’aurions volontiers agrégé aux homélies faites aux Vingt Martyrs, car les citations iV Ephésiens 5, 8, du Ps. 33, 6, du Ps. 35, 10 rappellent l’atmosphère pascale. 2. La Catéchèse Vil est prononcée devant : · les restes des saints martyri (7). · Il (Dieu) nous a laissé jusqu’ici avec leurs corps un riche gage d’intc cession et de réconfort, pour que nous venions aux tombeaux de ces sain nous enflammer de zèle et d’émulation... Autant la parole le cède aux acte autant les mots que nous prononçons le cèdent à l’enseignement que donne: ces saints. Lorsque tu viens ici, bien aimé, et que tu considères avec qu empressement toute celte foule accourt pour baiser leur poussière et recueil... la bénédiction qu'ils répandent... · etc. (Huit Catéchèses Baptismales, SC 50, trad. A. Wenger). Le développement so poursuit (η. 1 à 23). L’homélie VIII et dernière fait mention de l’allluencc de « gens accourusse la campagne · (A. Wenger pense qu'il faut y voir des moines des environs d'Antioche). Né peut-on admettre qu’ils sont venus précisément pour assister à la liturgie du dimanche et, dès lors, que les cérémonies du huitième jour se déroulaient ft Antioche exactement comme à Hippono ? Première réunion à la Air/norie des Martyrs, seconde réunion dans la basilique majeure. Les arguments que A. Wenger avance (p. 2-18, n. 1) pour attribuer l’homélie VIII au samedi no semblent pas tels qu’ils ne puissent être révisés. LA PRÉDICATION PASCALE 111 sets 18, 22, 24, 25 sont cités on afllcurcnt, en rapport avec le symbolisme des vêtements blancs, thème : exue Adam, indue Christum (S. Guelf. 19, 2 ; S. Mai 92 ; S. Denis 8, 3). Tels sont les textes commentés à l’époque des Ordines III et IV, nous verrons plus loin ce qu'il en était auparavant. Les S. 148 ; 166 ; S. Guelf. 19 ; S. 254 ; 257 ont été pronon­ cés à l’occasion de cette première réunion du matin. La deuxième prédication « due » aux Nouveau-nés est un sermon De monilis baptizatorum, pour reprendre le titre de l’un d’eux *. Adresse solennelle pour les encourager à bien vivre, elle suit la première instruction 12 et précède l’instruction sur la lecture évangélique 3. Une fois encore, ils sont groupés sous le regard de leur pasteur, la grande affaire du jour est leur passage de l'enfance spirituelle à l’âge adulte. Avec une sollicitude un peu anxieuse, leur évêque les exhorte à vivre désormais en conformité avec leur foi, à ne pas suivre les exemples des mauvais chrétiens, à imiter les vrais fidèles : * Quand, au sortir de ces cancels qui mettaient à part votre enfance spirituelle, vous serez mêlés au peuple, attachez-vous aux bons » Mai 94, 7). Le symbolisme de l’aire où paille et grain sont confondus trouve ici son application (S. Guelf. 18, 2 ; S. Mai 94, 8 ; S. 259, 2 ; 376, 3 ; 254, 2 ; 146, 2). Le signalement des mauvais fidèles donne lieu à quelques croquis qui ne manquent pas de pittoresque (S. Guelf. 18, 2 ; S. 376, 4 ; 224, 3 ; 223, 2). 11 semble donc que l’objet premier de la prédication consistait à donner des conseils de morale : Sermo quo uita praecipitur et commendatur bona (S. Mai 89.1) . C'est alors une mise en garde contre l’ivresse (S. 224,1 ; S. Guelf. 18, 2), le mensonge et les parjures (S. 260 ; S. Guelf. 18.2) , le bavardage et le luxe (S. 260), les querelles (S. 224,1), les fraudes dans les affaires (S. 260), les vols (S. 224, 1), l’usure (S. 260 ; S. Guelf. 18, 2), l’adultère (S. 224, 3 ; S. Guelf. 18, 2), la superstition (consultation des Mathe­ matici, S. 260 — ou de la pythonissa, S. Guelf. 18, 2) ; c’est l’exhortation au pardon des injures (S. 259 ; 376), à 1. S. 260. 2. Ce qui ressort de la succession des Sermons 118-260 et de leurs titres. 3. Sicaf uqj unie admonui (S. 146, 2). 112 INTRODUCTION l’aumône (S. 259, 376), à la fidélité conjugale ou à la conti­ nence (5. 200), à l’observation du vœu de chasteté (S. 260). I La morale n’est cependant pas traitée pour elle-même ; nourri de saint Paul, Augustin la présente bien comme une conséquence de la foi en Jésus-Christ. Les bonnes mœurs sont, chez le chrétien, confession et louange : Laudemus sed non solis uocibus, laudemus cl moribus (S. 254, 8). Parfois l’orateur se contente de dire : bene uiuite à (S. Mai 92). Le sacramentum de l’Octave doit inspirer une conduite nouvelle, parce qu’il est circoncision du cœur et promesse de vie éternelle. Le S. Mai 94 s’attache particu- ■ fièrement à expliquer le symbolisme du Huitième Jour. Le huitième jour, c’est le premier jour, celui qui vient après le sabbat, le jour de la résurrection, le jour qui innove une-; vie nouvelle, le jour sans déclin de la vie bienheureuse. Le nombre huit préfigure le siècle futur où le temps aboli fera place à la béatitude sans faille. Le sermon 260 rappelle que les infantes doivent célébrer l’octave en témoignage de la circoncision du cœur. Car si, dans l’ancienne loi, la circoncision s’opérait le huitième jour, , c'est parce que le Christ, en ressuscitant le dimanche, huitième jour, nous associe à sa vie. Or les infantes portent ce nom parce qu’ils naissent de nouveau, ils sont « renés » (S. 224, 4) pour la vie éternelle. Le S. Denis 8 montre que le baptême est leur naissance et l’octave le signe de leur cir­ concision spirituelle, mais aussi que le baptême est leur circoncision et l’octave le mémorial de leur baptême. Les 5. 353 ; S. Mai 89 ; S. Denis 8 ; S. Mai 94 ; S. Mat 92: S. 260, 223, 224 ; S. Guelf. 18 nous restent comme type de cette deuxième prédication. Troisième prédication : après la lecture de l’évangile, l’évêque prenait la parole pour une très brève allocution (S. 146, 376, 259, 258, Bibl. Casin. III, 136) à laquelle il joignait parfois un commentaire du Psaume 117 déjà chanté au matin de Pâques et que la liturgie reprenait en ce jour (S. 259, 258). Les dix-neuf sermons de l’Octave qui comprennent, nous venons de le voir, des homélies de trois types différents, s’échelonnent sur une trentaine d’années de prédication et ce fait en lui-même suffit à expliquer les notables diiïé- LA PRÉDICATION PASCALE 113 rences qui sc remarquent entre eux. L’exhortation aux baptisés revêt parfois une forme lyrique », tandis qu’ailleurs la même apostrophe est beaucoup plus sobre a, diffé­ rence de style qui constitue déjà une datation. Les commentaires sont différents d’après les ordines en vigueur. Au début, la lecture évangélique, on l'a vu, était Jn 21, 15-25 (Simon-Pierre), cf. S, 116. Le passage des Actes était probablement le chapitre 8 (cf. S. Denis 8). Le commentaire de deux autres textes fait supposer la lecture de l'Exode 15, 22-27 (S. 353, S. Mai 89)3 et de 1 Pierre 2 et 4 (S. 353,1 et 2). L’expression modo naii infantes est la citation de 1 Pierre 2, 1 dans la version qu’employait Augustin (S. Denis 8, 1 ; S. 353, 1). Apparaissent plus tard les commentaires sur d’autres textes : à partir de I’Ordo II, la lecture de l’évangile sera désormais Jn 20, 25-31 (Thomas), le Ps. 115, Act. 1 et 5. La prédication s'appuie souvent sur le chapitre 4 des fiphésiens, comme on l'a déjà dit. La reprise du Ps. 117, déjà chanté au matin de Pâques, est attestée à toutes les époques. La lutte contre la doctrine de Pélage fait un sort parti­ culier au verset 11 du Ps. 115 : omnis homo mendax (S. 166; S. Guelf. 19; S. 254, 257). Le passage d’Adam au Christ prend dès lors le caractère d’un passage du mensonge à la vérité : « Revêts le Christ et tu seras véridique « (8. 166), passage pour lequel la grâce est indispensable. Pierre, tout à tour mendax et uerax (Mallh. 16) en est un exemple (S. 254, 257). Reste un dernier point. Nous savons que la première réunion se tenait aux Vingt Martyrs. Où se tenaient les deux autres ? Le S. 260 (De monilis baplizalorunï) est prononcé, comme nous l'avons vu, in ecclesia leontiana, et le S. 258 (sur l’évan­ gile du jour) ad basilicam maiorem. 1. Nouella germina sanctitatis, plantala el rigata per ministerium nostrum in agro dei qui dat incrementum (5. Λ/at 89). Sancta germina, nouellae in agro domini plantae (S. 370, 1). Parttuli in Christo, nona proles ecclesiae, germen pium, examen nouelltim. flos nostri honoris (S. Denis 8). 2. Infantes male nati ex Adam, bene renali in Christo (.$·. (iuri/. 18, 2). 3. Exode 15, 22-27 était lu lo dimanche scion Fordo 1, le samedi selon Fordo 11 (In lo. Ep. ~ et 8). Augustin d'Hippone. 8 114 INTRODUCTION Le problème soulevé par les basiliques d’Hipponc n’a pas jusqu’à présent reçu de solution satisfaisante et il ne peut guère progresser tant que les fouilles ne livreront pas I de nouvelles découvertes. Pour le détail précis qui nous occupe, trois hypothèses;! doivent, en toute rigueur, se présenter à l'esprit : — Première hypothèse. — Si Basilique Léontienne, Basi­ lique Majeure et Basilique de la Paix sont trois dénomma-,· tions pour un meme édifice x, la première instruction a lieu à la Memoria des Vingt-Martyrs (appelée aussi Memoria Sanclorum), les deux autres dans la grande Basilique. — Deuxième hypothèse. La Basilique Majeure (appelée aussi Basilique de la Paix) et la Basilique Léontienne sont deux édifices distincts 2. Après une station aux Vingt Mar- i tyrs, l’assemblée se réunissait normalement dans la grande Basilique où avaient lieu les deux autres instructions. Mais certaines années, par suite de circonstances que nous ignorons, il arriva que l'assemblée se tenait dans la Basi­ lique fondée par saint Léonce, où avaient lieu les deux der­ nières instructions. Les 5. 376 et 259, prêchés après lecture de l'évangile (instruction du troisième type), contiennent aussi une exhortation aux nouveaux fidèles, preuve qu’il pouvait arriver que les deux prédications se fondissent en un unique sermon. Troisième hypothèse. — Chacune des instructions avait lieu dans un édifice distinct : le rappel du témoignage ■ 1. C’est l’opinion de C. Lambot (« Les Sermons de saint Augustin pour let fêtes de Pâques. Liturgie ct Archéologie », Bct>. des Sc. IM., 1956), p. 234^; 240. 2. O. *I erler (< L’église principale et les autres sanctuaires chrétiens d’Hipponc la Royale, d’après les textes de saint Augustin », REA 1955, p. 299-313) se range â cette opinion, après beaucoup d'hésitation. C’Cit aussi celle de E. Mahec (pp. cil.. 1958, p. 223 s.), qui penche Λ identifier la basilique léontienne avec la basilique ù cinq nefs, mise à Jour par les fouille· d’Hipponc, tandis que l'église à trois nefs, de proportions plus vastes cl flanquée d’un baptistère, correspondrait (dimensions, salles annexes) aux renseignements que les textes peuvent fournir sur la tastifca maior ou èasl· lira pacis. H. I. Markou (· La Basilique chrétienne d’Hipponc, d’après les résultats des dernières fouilles ·, REΛ I960, p. 109-154), par souci d’exigcncfl critique, ne croit pouvoir émettre sur ce sujet (n. 172 de la p. 146) qu’un· série de points d’interrogation. LA PRÉDICATION PASCALE 115 des premiers chrétiens d’Hipponc, à la Memoria des Vingt Martyrs (S. 148 et 257) ; l’exhortation aux nouveaux fidèles, à la Basilique Léontienne (S. 260) ; la troisième réunion suivie de la Synaxe eucharistique, à la Basilique Majeure (S. 258). Cette procession de station en station rappelcrait le type de cérémonies en usage à Jérusalem à la même époque. On sait que les Églises d’Afrique entre­ tenaient des rapports constants avec cette église *. Dans l’état actuel de la recherche, la deuxième hypothèse apparaît comme la plus probable. 1. Dims sn communication A la Conference on Patristic Studies d'Oxfnrd en 1963, S. Lanckl (< Carrières ecclésiastiques africaines aux iv· ct v· siècles ») indiquait que les diacres, qui accédaient généralement à l’épiscopat sans passer par la prêtrise, sc rendaient en Palestine pour une sorte de voyage d'études, qui semblait faire partie de leur formation. CHAPITRE III LE TEXTE 1. LA LANGUE ET LE STYLE Les œuvres d’Augustin d’Hippone appartiennent au latin tardif. L’abondante littérature, sans parler de la sous· littérature, du latin tardif embrasse, comme le souligne E. Lôfstedt ', des ouvrages de niveau totalement différent. Pour apprécier la qualité de la langue augustinienne (comme celle d’autres grands auteurs ecclésiastiques, un Ambroise, un Jérôme), il n’est que de la comparer, par exemple, aux ressources verbales si naïves et si gauchement utilisées d’une œuvre contemporaine : le Journal de Voyage d'Élhérie *. Mais la grande tradition classique a pris lin à la mort «les Pline, Tacite, Juvénal3; Apulée déjà témoigne d’un style tout nouveau, le succès de l’éloquence asianistc a changé le goût, l’hellénisalion du vocabulaire et de la syntaxe, l’utilisation de plus en plus large, dans la prose écrite, des expressions et des tournures populaires 4 engagent défini­ tivement l’évolution de la langue. On n’échappe pas à son temps. On y échappe d’autant moins qu’on se veut en com­ munication avec les hommes de ce temps : Quid ad nos quid grammatici uelint '? Melius in barbarismo nostro uos intel­ legitis quam in nostra disertitudine uos deserti eritis (En. in Ps. 36, III, 6). •* · Le souci pastoral conduit notre auteur à utiliser, parlant à des chrétiens, une langue assez proche de celle des versions t. E. Lôfstedt, l.a!r Latin. Oslo 1959, p. 1. 2. Cf. E. Lôfstedt, Philologischcr Kommtntar zur Peregrinatio Aetheriae. Uppsala 1911, p. 12. 3. Ibid., p. 14. 4. L’influence grecque, l'influence du latin vulgaire sont, avec l'influence chrétienne qui les renforce toutes deux, les trois traits dominants du latin tardif. Cf. Laie Latin, p. 14 cl 15. LE TEXTE 117 latines de la Bible, qui charrie mots grecs et tournures popu­ laires. Il le fait avec moins d'hésitation que certains de ses devanciers 1 : les emprunts grecs se sont comme accli­ matés, les emplois spéciaux consolidés. Un inventaire du vocabulaire chrétien de nos textes donne une quarantaine de mots étrangers. Quelques-uns viennent de l’hébreu : pascha, pharisaei, satanas, sabbatum, chananaca. Alleluia (S. 257) et rabboni (S. 246) sont donnés avec leur traduction. Les emprunts grecs sont plus nombreux. L’un d’eux est signalé comme tel : symbolum (S. 212, 1), un autre est traduit : pa­ rasceuen (S. Guelf. 5) ; tous les autres (même ecstasis S. 257, 1) sont employés comme allant de soi : Apostolus, angelus, apocalypsis, baptizare, catechumenus, chrisma, daemoni, exor­ cismus, genesis, pompa, presbyter, psalmus... Ces mots se trouvent chez les auteurs chrétiens, avant Augustin 23 et quelques-uns chez des auteurs non chrétiens ’. D’autre part, en exprimant une réalité chrétienne, des mots latins ont pris un sens tout nouveau. Dans le lexique de nos quinze sermons, nous en rencontrons qui, exprimant une réalité peu familière à des latins, se trouvent cepen­ dant chez des auteurs profanes : circumcidere chez Pétrone, ieiunium chez Horace. Certains d’entre eux sont le terme d’un processus de traduction : une notion sémitique et biblique a été exprimée d’abord en hébreu, puis en grec, puis en latin, comme par exemple : caro et sanguis, carnalis, congregatio sanctorum, gentes, mirabilia, scripturae. D’autres 1. Cf. IVtude du vocabulaire chrétien de Lactancc dans Ch. Mohrmann, • Les éléments vulgaires du latin des chrétiens », Vigiliae Christianae 1918, p. 89401. 163-184. 2. Ch. Mohhmann. « Les emprunts grecs dans la littérature chrétienne ». Vig. Christ. 1950. p. 193-211. 3. Christianus chez Tacite (Annata 15, 44), Suétone (.Véron 10), Pline (E[h 10. 97). Hebraeus chez Tacite (Histoires 5. 2). Judaeus chez Cicéron (pro Flaec. 28), chez Tacite (Annales 12, 23 ; Histoires 2. 2. etc). Sabbalum chez Suétone (Tibère 32), Sénèque (Ep. 95). Horace (Satires 1, 9, 69). Havrcxis chez Cicéron (Farn. 15,16, 3 et Ait. 14.14, 1) avec une signification différente. Jdolum chez Pline 7,27,5; Cicéron transcrit le mot grec tel quel (Fin. 1, 6, 21 : Fam. 15. 16. 1 et 2); bien entendu il ne peut s’agir chez eux du sens judéo-chrétien. Chirographum chez Cicéron, Suétone, Sénèque. Quintilien (cf. Thesaurus 3, col. 1009-1010), le mot est employé couramment en htm dans un contexte juridique. 118 INTRODUCTION sont la traduction latine d'une notion ou d’un fait chrétien | exprimé d’abord en grec », comme caritas 2, discipulus, I dispensatio, dominicus dies, excommunicare, fidelis, felix, | gratia, mediator, oratio, pax, passio, paenilentes, çuadrage-'i sima, redemptor, saeculum, sacramentum, saluator, spiritus... Comme nouveaux venus dans la langue, on relève les néo­ logismes, adimpletor (S. 232, 3) et contemptibiliter (S. 227) ». Saluator devant lequel Augustin marque ailleurs quelque 1 réticence 4 est employé quatre fois (S. Guelf. 3, 1 ; S. Guelf. 5, 1 ; S. 250, 1). Sacramentum a éliminé misterium, selon une tendance générale qui tient peut-être à l’emploi de ce dernier terme dans le paganisme s. Car tous ces mots ont une histoire. On ne trouve dans nos textes que baptisma, baplizare, mais on a longtemps lu ou écrit, chez les latins chrétiens, tinctio, Unguere·. Augustin lui-même emploie ailleurs lauacrum. Catechumeni se disait naguère auditores, audientes. Par contre avec excommunicare (S. 232, 8), le latin l'a emporté sur anathematizare, tandis que communi­ care n’a pas encore ici la spécialisation liturgique qu’on lui connaît. Les sens nouveaux de mots très latins, orare, gentes, j caro... sont depuis longtemps fermement attestés ; on leur trouve d’ailleurs des racines dans des utilisations fort anciennes de la langue profane 1. D’après Ch. Mohrmann (art, cil.'), les termes proprement techniques * sont passés du grec dans le latin ecclésiastique; au contraire, pour les notion» fondamentales du christianisme ou pour les idées chargées de valeur affective on a trouvé, parfois après de longues hésitations, une traduction latine. 2. II. Ρήτηή (Caritas, Étude sur le vocabulaire latin de la charité chrétienne, Louvain 1948) a montré que tout le vocabulaire de la charité chrétienne était latin. 3. Ch. Mohkmann» Die altchristlichc Sondersprache in den Sermones des HL Augustinus, Nimèguc 1932. 4. Ch. Mohumann, « Comment saint Augustin s’est familiarisé avec le latin des chrétiens ·, A * ugustinu Magister 1, p. 388 et « I-cs emprunts grecs... · p. 203. 5. Ch. Mohrmaxn, « l-es emprunts grecs... ». A noter quc^la catéchèse post­ baptismale d’Ambroise s’intitule De sacramentis, tandis que l’œuvre revue I pour l’édition porte De misteriis. 6. Tinctio était le mot de la version latine du Nouveau Testament en usage en Afrique au temps d’OPTAT de Milévb : Unus deus, unus Christus» una fides, una tinctio (CSEL, V, 3, p. 125), plus littéraire que lauacrum ; Augustin emploie plus couramment ce dernier. 7. E. LÔFSTEDT, Late Latin, p. 72 s. Pldlologlscher Kommentar, p. 39-43. LE TEXTE 119 Ce vocabulaire, Augustin l’a reçu de ses devanciers, il l’a consciemment fait sien (ne conseille-t-il pas vivement à scs fidèles d’employer le ritus loquendi ecclesiasticus *1 En. in Ps. 93, 3), ayant depuis longtemps dépassé, à l’époque de nos sermons, ses étonnements de puriste et sa réserve de latin cultivé Le souci pastoral incline en outre le prédicateur à accen­ tuer, dans sa langue, les caractères populaires et à faire choix, pour son style, des procédés de l’éloquence populaire. On a constaté une évolution des écrits de Cassiciacum à la prose des grands traités (Confessions, Cité de Dieu, De Tri­ nitate) et des grands traités aux œuvres oratoires ; or parmi les Sermones ad populum, la prédication de la Pâque est certainement celle qui met l’orateur en présence de son public le moins cultivé 1 2, non celui de Carthage mais celui d’Hipponc, non le petit noyau des fidèles assidus mais le peuple accouru en raison de la solennité, avec au premier rang, adultes et enfants, les derniers catéchisés. On trouve donc des mots du latin vulgaire : suspiramentum, hortulanus, deliramenta, linteamen, petrinus, ructare 3*; on trouve des superlatifs non classiques, fundatissimus et serenissimus ; altare au singulier, alius en place de aller (S. 232), trinus au singulier (5. 253). On trouve même un mot tout à fait populaire, afliliare (S. 59, 7), qui n’apparaît que tout à fait exceptionnellement dans des textes du latin tardif (par exemple chez Anianus, commentateur du Code théodosicn). J’ai cependant hésité, comme en témoigne l'apparat de nos textes, à attribuer à l’original, sinon à l’archétype, des formes comme altario ou comme cibum, pris pour un neutre (cf. S. 212, ligne 73 et S. 237, ligne 109), hésitation que blâmeront peut-être les philologues (cf. pour altario, dictionnaire de A. Biaise, p. 74 et pour cibum, E. Lôfstedt, Vermischie Studien zur Lateinischcn Sprachitunde und Syntax, Lund 1936, p. 164, note 2). Plus est 1. Cum adtendi ad illam scripturam, sed ut$a est mihi indigna quam Tut· îianae dignitati compararem {Confessions III, 5). 2. Sur ec sujet, cf. M. Pontet, L9exégèse de saint Augustin prédicateur, Paris 1945. ch. I. · Le prédicateur et son public ·. 3. Mais ccs mois sc trouvaient dans les versions bibliques et de là ils pas salent tout naturellement sur les lèvres du prédicateur. 120 INTRODUCTION employé une fois au lieu de magis (Plus est Christum habere \ in corde quam in domo, S. 232, 7) ; emploi très fréquent de I hoc est, qui est beaucoup plus familier que id est ; emploi 1 très fréquent de l'adjectif en place d’un génitif. On trouve surtout, avec une bien plus grande fréquence! que dans les autres œuvres, les habitudes syntaxiques I communes au latin tardif : ce sont des emplois non clas­ siques des prépositions in, de, per (Putes le de auro beatum I futurum, S. 231, 4 ; per aquam conspergatur, S. 227) ; des confusions entre l’ablatif ou l’accusatif dans les compléments de lieu (extolluntur in superbia, S. 211, 4 ; scopulum in quo incurras, S. 257, 2) ; c’est la construction complétive avec quod et plus familière encore avec quia, après un verbe de déclaration 12; c’est l’infinitif de but (Mori ucnit, pcccare| non uenit, S. 231, 2) » ; ce sont les formes verbales périphras- * tiques avec habere pour exprimer l'obligation ou le futur i (Habes adhuc quod ores, quando habes orare, 211. Numquid opus habebimus petere panem nec sacramentum habebimus] accipere, S. 59, 6), c’est l’emploi sporadique de l’indicatif I dans des interrogations indirectes (un peu moins d’une fois sur quatre), l’emploi du gérondif en do là où l’on attendrait! un infinitif ou un participe : Quare non cessas quaerendo: (S. 231, 4); aliquis nostrum non audiendo passionem (S. 232, 6) ; l’absence du réfléchi : ut ignoscatis UH (pour sibi) (S. 59, 7)M Une nouvelle distribution de l’emploi des démonstratifs;: est plus particulièrement sensible dans les passages les plus·; familiers (S. 211, 231). Ille y est un pronom personnel, exprimé là-môme où la forme verbale eût suffi. Hic et sur­ tout iste sont devenus les véritables démonstratifs, sans différenciation de personne ni de sens. L’emploi de 1. Dans la proportion d’une fois sur quatre. Cependant les complétive avec quia se trouvent presque toutes dans les sermons de type diatribique 3 3 dans le S. 211 ; 9 clans le .S. 232 ; 4 dans le S. 237. Ici encore l’inllucnce ite| In version latine de In Bible est évidente. 2. Et dans la formule liturgique : Venturus est indicare uiuos cl mortuos ] (5. 212. 1). Mais dans le S. 214» qui a été dicté et non improvisé (et. P. Verdhakrn. ΛΒ. t. LXXII. 1962», Augustin évite soigneusement d’insérer l’infinitif final dans son propre texte qui index uiuorum et mortuorum est... ueni unis et ad indicandos uiuos mortuosque uenturus est (S. 214. 7» 9). LE TEXTE 121 s’étend. Fait général de l’évolution de la langue ’, trop visible dans nos textes pour ne pas être noté. Le ton familier de l'énoncé se marque par remploi de l’ellipse : Beatus de dei, satanas de hominis (S. 232, 4); Qui uult proficere habet unde (S. 227) ; Quomodo nobis non dabit quod ittslis qui iustificat (S. Guelf. 3, 2) ; par la constructio ad sensum : accord de uerbum avec un relatif au masculin (5.237, 3 in fine) 2; par des emplois plus ou moins insolites du nominatif : la fréquence des phrases nominales, Noua euangelii praedicatio (5. 250, 2) ; Je nominatif exclamatif, Magna mutatio... Qualis dignatio 1 234; le nominatif d’appella­ tion, Maria non posset dicere nisi dominus (S. 246, 3) ; le nominatif d’apposition : Quando igitur spiritus et corpus quam spiritus et spiritus difficilior mirabiliorque. mixtura est (S. Guelf. 3, 3), Sed de ipso homine si quaeris a me, duo iterum dico : anima humana et caro humana (S. 237, 2), Duas piscationes adtendile necessaria distinctione discretas, una... alia... illa... ista (S. 250, 2) ; le nominattuus pen­ dens : Quod canlauimus deo... hinc loquamur quod dederit (S. 258, 1) Bref, on a parfois l’impression, spécialement dans quelques passages du S. 59 prononcé devant le groupe des competentes et où sont multipliées les reprises, les paren­ thèses, de saisir au plus près le sermo quotidianus de l’évêque d’Hippone 5. Pour se faire entendre de cet auditoire populaire, le pré1. Cf. E. LOfstbdt, PhllologUcher Kommentar, p. 64. 65, 123, et Λ. EnΝουτ-Γ. Thomas, Syntaxe latine, 2’ éd., Paris 1953, p. 190-191. 2. l.ùi’STHOT parle pour cet usage de l’influence des textes grecs, le mascu­ lin de λόγος s'étant imposé. Ixitc Latin, p. 92. 3. Qui est d'ailleurs un tour latin, employé en alternance avec l'accusatif exclamatif que l'on trouve ici une fois : Quem diern (.S. 258, 1). 4. Cf. Ch. Moiihmaxn, · Die psychologischcn Bedlngungen «1er konstruktionsloscn Nominatiul in den Sermones des III. Augustin ·, Étude sur le latin des chrétiens, Roma 1958, p. 299-321. 5. · Augustin ne rédigeait pas ses prédications, il parlait «l'abondance, après une simple méditation préparatoire cl scs paroles étaient recueillies dans la basilique par des notarii (En. in Ps. 51, 1). Ainsi faisaient tous les prédicateurs et beaucoup de ce que nous appelons leurs négligences de style ne sont en réalité que des négligences de sténographes. Schenk en fait la remarque dans son édition de saint Ambroise et dom Morin â plusieurs re­ prises dans sa récente édition · (M. Comeau, · Sur la transmission des Ser­ mons de saint Augustin ·, Hcvue des Études Latines 1932, p. 421). 122 INTRODUCTION dicateur recourt à une éloquence familière qui relève desprocédés de la diatribe. Π entretient l'attention, par le plai­ sir de la virtuosité, au moyen, ici d’une énumération : Da mihi latronem, sceleratum, fornicatorem, maleficum, sacrile­ gum, omnibus uitiis inquinatum, omnibus fiagitiis seu faci­ noribus obrutum... (S. 231, 4), là d’une énigme : Moriatur:' ne moriatur ! Quid est moriatur ne moriatur'I (S. 231, 3), ail-? leurs de jeux de mots dont on a dit qu’aucun écrivain latin, Plaute excepté, ne les a cultivés autant que lui 1 : Dominus non coepit a senatoribus sed a piscatoribus (S. 250 ,1), Inueniuntur mulli felices nocentes et inueniunlur multi infe­ lices innocentes (S. 250, 2), Ubi spiritui beatificato sic corpus erit subditum et ad omnem facilitatem mira felicitate subicclum (S. 212, 1), Discutio paenitenles et inucnio male uiuentes (S. 232, 6). C'est un conseil donné de façon plaisante : Finiat ne finiatur l (S. 211, 1), un amusant contraste dafl le rythme d’une fin de phrase : Si euellas et proiciat, nihil erit. C’est la composition elle-même d’un sermon, où l’on passe en revue, avec une diligente minutie, tous les cas de conscience qui peuvent se présenter (S. 211). Le dialogue fictif donne vie aux exposés de morale ou de théologie : discussion serrée avec le manichéen (S. 237, 2, 3, 4), avec le chrétien vindicatif (S. 211) ; amicale conver­ sation avec l'homme qui veut être heureux (S. 231, 4, 5), mise en garde du fidèle qui se repent de bien faire (S. 250, 2), admonestation du chrétien impénitent (S. 232, S), mise à la raison de Vhomo mendax obstiné (S. 257, 2). Le discoure (nos-uos) fait place à une scène qui se joue entre deux per­ sonnages (ego-tu). Le tiers fictif est parfois un tiers absent auquel s’adresse une prosopopée : Pierre (S. 253, 1, 3), Marie-Madeleine (S. 246, 3), Photin, l’Eglise (S. 246, 4), les disciples d’Emmaüs (S. 232, 3). A la règle qui fait mélan­ ger le plaisant au sérieux, on doit le croquis humoristique de l’orant qui se frappe la tête contre le sol»(S. 211, 6). La volonté de tenir l’auditeur en éveil fait naître un style dyna­ mique (unde, sursum, deorsum, S. 121, 5 ; hic, ibi, ubi, S. 231, 5) où les images ont une valeur dramatique : peridi1. Ch. Mourmann, « Das Wortspiel in den Aug. Sermones ., Étude sur h latin des chrétiens, p. 325. LE TEXTE 123 tatur, limeo ne mergatur (S. 250, 2), Scopulum in quem incur­ ras (S. 257, 2), où l’expression est volontiers vigoureuse, voire hardie : Nolo numeres, uerba appende (S. 237, 4), Ocu­ los in manibus habele (S. 232, 3). Des autres éléments formels de la diatribe, on trouve ici peu de chose : pas d'autres lieux communs 1 qu’un déve­ loppement sur le bonheur (S. 231, 4, 5), un autre sur la puis­ sance de la parole humaine (S. 237, 4) ; en guise d’cxcmpla, le larron (S. 232) ou Pierre (S. 232 et 257) ; comme sententiae, les cent soixante-treize citations de l’Écriture a. Ces pro­ cédés de prédication populaire viennent de la tradition ecclé­ siastique. Augustin a pu les relever dans les livres néo­ testamentaires ou dans l'œuvre de scs prédécesseurss, niais ils faisaient déjà partie du bagage culturel qu’il tient de l'école. ♦ ♦ * La maîtrise de la technique oratoire n’est pas inutile dans la charge pastorale. Augustin ne peut oublier qu'il enseigna la rhétorique pendant treize ans et son auditoire, pour sa part, ne consentirait pas à ce qu’il l’oublie. C’est pour sa culture et pour ses qualités d’orateur qu’on l’a, pour ainsi dire, contraint à la prêtrise. Il sait au besoin, comme dans le S. 237, 4, dire les prodiges de la parole humaine. La sienne transmet les données de la foi dans une langue qui est celle de son temps, apte à la spéculation mais qu'alourdissent les mots abstraits, les adjectifs mono­ tones, les adverbes pesants 1. Procédé constant dans la diatribe. Cf. A. Oltramare, Les origines de la diatribe romaine, Genève 1926. J. Finakrt (Saint Augustin rhéteur, Paris 1939, p. 67) oppose sur ce point notre auteur à Ambroise. Basile, Lactanec. 2. Conformément mix aménagements que l’usage ecclésiastique a fait subir à la technique de la diatribe; Cf. II. 1. Markov, · Diatribe ·. Realtecicon lùr Antike and Christcnlum, c. 958-1010 (voir sur ce point c. 1005-1007). 3. On sait qu’il a fait une analyse stylistique des écrits de Paul. Cypricn, Ambroise dans le De doctrina Christiana IV. 4. Similitudo· usurpatio, ratio, permansio, perfectio, refectio, defectio, com· memoratio, promissio ; societas, auctoritas, aequalitas, immortalitas, mutabili· tas. unitas, trinitas, hereditas, felicitas, facilitas, aeternitas; ulsibilis, inuisi· bilix, immortalis, incommutabilis, incommutabilitcr pour le seul S. 212. Cette tendance très marquée de la langue augustinicnno est propre â tout le latin 124 INTRODUCTION En contre-partie, des images empruntées' à la vie quoti­ dienne éclairent les notions abstraites : tout homme est mortel, omnis homo cum casu suo ambulat (S. 232, 8). Ia charité travaille en nous comme un orfèvre qua ardeamiu in deum cl fenum nostrum exuratur el cor quasi aurum pur·', getur (S. 227), il faut couper les racines de la haine : surculus irrigari — trabes festuca — eradicare de agro sue (S. 211, 1), la grâce fructifie en tous terrains : fructum de arido ligno (S. 232, 6), la méprise de Marie-Madeleine fait surgir l’esquisse d’un Christ-Jardinier : Si consideres quo­ modo olera ipsius simus, hortulanus esi Christus (S. 246, 3) ; images maritimes : tanquam in portu mendacium ubi facial naufragium, scopulum in quern incurras 257, 2), images juridiques : pactum, cautio, subscribere, reatus, homicida, indicium, index, accusator, litis, querela, soluere, supplicium,, testis, career, calena, ligare (S. 211), images médicales : medicus, sanitas, uenam cordis inspicere, aegrotus, desperatio (S. 253). On a souligné la relative correction de cette langue ·. Après avoir parlé de l'influence exercée sur elle par les ver­ sions latines de la Bible, il est donc juste de noter les résis­ tances qu’elle leur oppose. Il faut pour cela comparer, le texte augustinien avec celui de la Vulgate *. Après une cita· tardif. Cf. A. Bé.gxter, De la latinité des Sermons de saint Augustin, Parte 1886, ch. V ; E. Lôfstedt, PhilalogiscJicr Komntentar, p. 111-114 ; C. BaiÀ MUS, fonde sur le style de saint Augustin dans les Confessions et la Cité . ΛΜ II, p. 417-520. 2. Et même de 102 à 418, si Ton tient compte du fait que le S. 24G, daté une première fois (p. 465) de 413, Pest ensuite (p. 488) de 418. 3. Cf. supra p. 86 et n. 2 et 3. Augustin d’Hippone. 9 130 INTRODUCTION Le S. 246 contient une polémique anti-pélagienne portant sur le péché originel et la nécessité du baptême des enfants. Kunzelmann présume qu’il est contemporain des livres II et III du De peccatorum meritis cl remissione et des S. 293 et 294, prêchés à Carthage en juin 413. Sans doute cet indice à lui seul ne saurait être concluant, car il est question du baptême des enfants dans des œuvres postérieures, mais la modération du ton de la polémique et son peu d’insistance permet de penser que l’on est au début de la lutte. On retiendra par conséquent la date de 413, sans lui donner toutefois 1 une précision qu’elle ne saurait avoir. Les indices fournis par les autres textes ne s’inscrivent pas en faux contre cette assertion. Le S. 250 contient une allusion donatiste et des louches anti-pélagiennes. Il est daté par Kunzel­ mann de 416 environ. Mais à cette époque la polémique avait atteint un plus haut degré de virulence. Le S. 253 n’est pas daté. Les S. 257 et 258 sont datés de 410-412, car le commentaire d’omnis homo mendax dans l’un et l'op­ position ténèbres-lumière dans l’autre font penser aux pre­ mières escarmouches de la lutte contre Pélage et cela est bien vu. Des datations proposées par Kunzelmann, il faut donc retenir celle du S. 246, en l’interprétant avec plus de sou­ plesse et celle des 5. 257-258. On peut en déduire que les sermons de l’Homiliaire de Fleury ont été prononcés la semaine de Pâques 412 ou 413. Ce que l’on sait des diffé­ rents ordines des lectures de l’évangile pour la semaine de l’Octavc à Hippone ne vient pas contredire cette conclusion. L’époque des cinq premiers textes est plus difficile à pré­ ciser. D’après Kunzelmann, le S. 211 serait antérieur à 410, parce que les citations de 1 Jn 1, 8 et de Mallh. 6, 12, qui servent habituellement contre Pélage, se trouvent ici sans aucune insistance polémique. Le S. 212 témoigne au con­ traire d'intentions anti-pélagiennes, car Is. 7, 9 est volon­ tiers utilisé dans ce sens. Le S. 59, vu l’absence de tout indice de ce genre, serait antérieur à 410. Le S. Guelf. 3 cite Jacques 4, 6, si souvent utilisé contre les Pélagiens dont Augustin ne critique jamais trop la superbia. Dans 1. Kunzelmann donne la date du 10 avril 413 (p. 465, n. 4). LE TEXTE 131 le S. Guelf. 5 : cum orbe terrarum ecclesia diffusa... est une expression traditionnelle et un argument contre le parti de Donat. En bref, ces textes ne contiennent que peu d’indices polé­ miques ; ils témoignent donc pour une période, ou du moins pour un état d’esprit, où la lutte contre le donatisme s’est apaisée et où la polémique contre Pélage ne s’est pas encore envenimée. On peut penser qu'il n’y a pas anachronisme à les éditer à côté de VHomitiaire de Fleury. 3. LES ÉDITIONS Les quinze sermons présentés dans ce volume n’ont jamais encore été rassemblés pour former un groupe spécial. Leur publication s’est faite progressivement : elle s'éche­ lonne de 1475 à 1917 et il aura fallu six éditeurs pour concourir à leur mise au jour L Le S. 211 fut le tout premier à bénéficier de l'imprimerie dès l’apparition de celle-ci. La vieille collection manuscrite Quinquaginta homiliae sancti Augustini, dont il fait partie sous le n° 40 fut en effet éditée en 1475, à Augsbourg, chez Ant. Sorg. En 1494, la même collection parut à nouveau dans l’un des fascicules, le cinquième, des Sermons de saint Augustin imprimés à Bâle par Amerbach : le S. 211 y figure à sa place normale. L’année suivante, 1195, sortit un sixième fascicule, grou­ pant les sermons de tempore. On y rencontre les S. 59 et 1. On trouvera un historique tris précis des éditions dos Sermons augus­ ti» ions dans Γ Introduction des Sermons sur ΓAncien Testament par C. Lambot, CCL 11, 1961, p. xxv-xxvn. Cf. C. Lambot, < Jean Vlimmerius, édi­ teur de Sermons de Saint Augustin ·, Annotes de la Société Royale d'Archéotologie de Bruxelles, L, 1901, p. *144-1 10. Pour la série pascale» cf. A. Wilmant, • Easter Sermons of St Augustine »» The Journal of Theological Studies 1927» p. 113-14-1. Les tables Sermonum ordo nouus cum ordine veteri comparatus, placées à la fin du tome V des Opera omnia (édition Gaume, col. CXXICIJI) permettent de se rendre compte de la distribution des Sermons dans les éditions immédiatement antérieures à celles des Mauristcs. Enfin je dois A l'inépuisable serviabilité de Dorn C. Lambot les informations qui me man­ quaient encore. En acceptant de réviser les pages consacrées aux Éditions, il leur a apporté la gamutie de sa compétence. 132 INTRODUCTION 121, tous deux dans une forme écourtée, ct en outre les S. 231, 232, 237, 253 ». Les six sermons furent incorporés, à peu près tels quels, dans les Opera omnia dont Érasme avait assumé la prépa­ ration et qui parurent en 1528-1529, à Bàlc encore, mais chez b’roben. Le dixième et dernier tome, de l’année 1529, était réservé aux Sermons, ceux-ci continuant à être dis­ tribués suivant la classification établie par Amorbach 12. Un accroissement appréciable fut apporté par le louvanistc Jean Vlimmerius, à qui avait été confié le tome X, toujours celui des Sermons, qui parut en 1577, de l’édition des Œuvres complètes revues par les Docteurs de Louvain 3. Une nouvelle classe de diuersis était adjointe aux séries traditionnelles ; clic renfermait les nombreux sermons dé­ couverts par Vlimmerius ; y prennent place le 5. 121 dans sa forme longue 4, ainsi que les S. 212, 221 (simple extrait tiré d’Eugippius) et le S. 227. Jérôme Vignicr édita pour la première fois, au tome 11 de son Supplementum des Œuvres de saint Augustin, Paris 1655, les S. 216 ct 250. Les Sermones ad populum occupent le tome V, sorti à Paris en 1683, des Opera omnia de l’édition bénédictine. Deux sermons inédits, les S. 257 et 258, y prennent place. Désormais tous les sermons publiés antérieurement rece­ vaient de nouveaux numéros d’ordre, ceux qui sont encore en usage aujourd’hui. Les Mauristes avaient en effet éliminé quantité de pièces apocryphes ou douteuses. De plus, ils 1. Préparant les Opera omnia do saint Augustin qui allaient paraîtra en 1506, Amcrbach s’était abstenu d’y inclure les Sermons, les Lettres et les Enarrationes in Psalmos, œuvres qu’il avait précédemment publiées. 2. L’édition de Frobcn-Erasme fut reproduite ù plusieurs reprises : A Paris en 1531-1532 ct 1541 ; à Bàlc, de nouveau chez Frobcn en 1513,1556 ct 1569 ; à Venise en 1552 et 1570 ; à Lyon en 1561-1563. 3. Vlimmerius avait déjà publié à Louvain, en 1564, un recueil de 130 ser* tuons en majeure partie inédits, lx; S. 211 y figurait, bien que la série deve­ nue classique des Quinquaginta hoiniliac l’eût déjà fuit connaître. Si VHm· merius lui fit place dans son nouveau recueil, c’est qu’il en avait trouvé le texte, au demeurant identique, dans une autre collection manuscrite que celle des Quinquaginta hom iliac, à savoir VHomiliaire des Sancit Catholici Patres. Il ne se doutait pas que celui-ci dépend de la collection précédente. Observons que le recueil do Vlimmerius ne tarda pas à être mis à profit par les Opera omnia de Bâle en 1569 et de Venise en 1570. 4. 1Λ forme courte est reléguée dans ΓAppendix. 133 LE TEXTE ne retenaient des séries traditionnelles, mais en les rema­ niant, que celles De tempore, De sanctis, De diuersis, établies par les premiers éditeurs ; par contre ils répudiaient les séries Quinquaginta homiliae et De uerbis Dornini et Apostoli, bien qu’elles aient été empruntées par Amcrbach et. scs suc­ cesseurs à la tradition manuscrite : la première ne compre­ nait aucun ordre logique, la seconde était loin d’être rigou­ reuse. La nouvelle classification était donc celle-ci : 1) De scripturis ; 2) De tempore ; 3) De sanctis ; 4) De diuersis. Un tableau permettra de saisir facilement les change­ ments opérés ». Éditions anciennes : De. tempore 135 De tempore 28 et De diuersis 85 Quinquaginta homiliae 40 De diuersis 75 De diuersis 79 De diuersis 89 De tempore 141 De lempore 144 De tempore 145 De lempore 149 Édition bénédictine : 59 (De scripturis) 121 (De scripturis) 211 (De lempore) 212 (Detempore) 221 (Detempore) 227 (Detempore) 231 (Detempore) 232 (Detempore) 237 (Detempore) 253 (Detempore) Dans leur nouvelle classification, les Mauristes furent mal inspirés en mettant les S. 59 et 121 dans la série De scrip­ turis. Bien que ces sermons aient pour sujet une péricope d’évangile, ils furent prononcés à un moment bien déter­ miné de l’année liturgique. Après les Mauristes, les éditeurs ne firent que reproduire leur texte : l’imprimeur parisien Gaume en 1837 et l’abbé Migne, pour sa Patrologie, en 1845. Enfin la découverte par Dom G. Morin de VHomiliaire de Wotfenbüttel, lui permit de publier, à Munich en 1917, un nombre impressionnant de sermons inédits *. Des deux 1. Le» sermons de Vignicr, publies hors série (S. 246 et 250) n’ont pas à intervenir ici. Ils portaient dans son édition, respectivement, les n"· 13 ct 22. 2. Sancti Aurelii Augustini tractatus sine sermones inediti ex codice (iutlferbgtano 4096, Munich 1917. 134 INTRODUCTION pièces que nous avons choisies, Gudferbytani J II et V, on ne possédait de la seconde qu’un extrait détaché par Eugippius ; il formait tout le S. 221 des Mauristes. Les nouveaux sermons furent réédités, toujours par les soins de Dom Morin, à Rome en 1930, dans le premier volume des Miscellanea Agostiniana Depuis, Dom C. Lambot a donné, en 1950, une réédition du Guelferbylanus V dans son recueil : Sanc/i Aurelii Augustini sermones selecti duodeuiginti 1 23*. Des quinze sermons qui forment ce volume, les Gnelferbytani III et V sont les seuls à avoir fait jusqu’ici, l’objet d’une édition critique ; on en fournit ici une édition nouvelle à partir d’une nouvelle collation des mss. 4. LA PRÉSENTE ÉDITION Λ. L établissement du texte. Maintenant qu’est mieux connue la tradition manuscrite des sermons, l’œuvre des Bénédictins de Saint-Maur, malgré scs très grands mérites, est devenue caduque. La conti­ nuation de l’édition critique des Sermons dans le Corpus Christianorum 5 devant se faire attendre longtemps encore, il a paru nécessaire d’établir un texte aussi fidèle que possible. On verra, par les variantes des Mauristes si­ gnalées dans l'apparat, à quel point notre texte diffère du leur. Nos sermons ont été transmis principalement par la voie des homiliaires liturgiques et ainsi, plus que d’autres, plus que les sermons sur l’Ancien et le Nouveau Testament par exemple, ils furent exposés à l’usure du temps. Ils passèrent d’un homiliairc dans un autre et les compilateurs étaient tentés de les adapter aux usages liturgiques de leur époque. Mais la tradition est variée, elle s’est diversifiée à une date 1. Sancti Augustini sermones post Maurinos reperti probatae dumtaxat auctoritatis, MA 1. 2. Stromata Patristica et Mediaeuatia, fasc. 1, Nimègue, p. 77-80. 3. Le premier volume, qui contient les Sermons sur l’Ancien Testament, est l’œuvre de Dom C. Lambot. Cet érudit a rassemblé sur l’histnire do la tradition manuscrite des sermons augustiniens une très ample documenta­ tion, dont il a bien voulu me faire bénéficier. LE TEXTE 135 très ancienne, ce qui permet, clans une large mesure, de corriger les témoins les uns par les autres. Pour deux sermons, on a l’avantage de disposer d’une collection liturgique antique, celle de Wolfenbüttcl. Le Guelferbylanus 4096 a été copié au xe siècle dans le nord de l’Allemagne *. Le compilateur avait recueilli une importante série liturgique africaine, vraisemblablement constituée à l’époque d’Augustin, qui lui était parvenue mutilée 123. La collection ne semble pas avoir subi l’influence d’autres recueils du même genre. Il s’agit donc ici d’une tradition originale. L’Homiliaire de Fleury, qui nous transmet toute une série pascale, dérive en droite ligne d’une collection antique. Cependant en traversant des milieux peu cultivés, il a souffert d'accidents de transcription. Du moins a-t-il échappé à des révisions savantes de sorte que, même à travers ses fautes, il laisse transparaître le texte authen­ tique. Il peut d’ailleurs être redressé partiellement par un manuscrit, tardif il est vrai (Wroclaw [Breslau)), mais qui procède du même archétype que notre manuscrit de Fleury. Ce dernier a été copié en France, au milieu du vme siècle, d’après l'estimation de E. A. Lowe *. Écrit en onciale de type tardif, il accuse différentes mains 4. Le copiste a eu sous les yeux un texte très défectueux qu’il a reproduit de son mieux, mais servilement ; là où ses leçons sont parti­ culièrement aberrantes, le ms. de Wroclaw omet ou corrige. l.’HomUiairc des Catholici Patres est aussi une maîtresse branche de la tradition. C’est une compilation effectuée 1. Dom Morin, qui le découvrit, en a donné une description dans la Beaue Bé/îô/ir/inc, 1914-1919 : « Les Tractatus sancti Augustini du Ms. 4096 de WolfenbüttcJ *, p. 117-155, et dans ΛΜ 1, p. 424-437. 2. La série africaine, amputée de ses deux premiers éléments et du début du troisième, commence nu folio 21 et se poursuit Jusqu’au folio 1G3 ; aux folios 48v-49 r. la collection n recueilli par accident un sermon de Jérôme, sur ln Pâque, amputé de son début ; l’ordre suivi est celui du calendrier litur­ gique africain. 3. E. A. Lowe, Codices Latini Antiquiores, Oxford 1950, t. VI, n® 802. 4. Les colophons sont en lettres rouges, parfois grattés et re-écrits. L’ini­ tiale de chaque sermon est une lettre ornée (poissons et rinceaux). Les lettres U et O. E et I sont constamment confondues, ainsi que B et V. Le groupe ■ ti » est partout noté < ci ·. 136 INTRODUCTION en France, au xic siècle et dans laquelle Augustin est large­ ment représenté. Il intervient dans la plupart de nos ser­ mons. Sa relation est surtout étroite avec VHomiliaire de Fleury, toutefois le compilateur connaissait cette tradition sous une forme moins altérée que le ms. d’Orléans. Π n'a malheureusement pas reproduit tel quel son modèle, usant avec lui de beaucoup de libertés. Le témoignage de la tradition indirecte intervient aussi, d’autant plus utilement qu’elle est ancienne et procède de branches indépendantes des noires. C’est le cas des Sermons de Césaire d’Arles pour le S. 211 et le S. 59. Dans l’ensemble donc les matériaux mis en œuvre pour la présente édition fournissent une base solide. Le S. 211, sur le Carême, nous est venu par trois voies. La première est la collection ancienne intitulée Homiliae Quin­ quaginta sancti Augustini, recueil constitué par Césaire d’Arles. On y trouve, à côté de productions personnelles de Césaire, inspirées de saint Augustin, plusieurs sermons de ce dernier, mais assez souvent et plus ou moins profon­ dément modifiés, suivant les exigences de la prédication populaire de l’époque. Ici le sermon est complet et n’a subi que de légères retouches. La deuxième voie est celle de VHomiliaire des Sancti Catholici Patres ; la troisième, un recueil de sermons de divers auteurs que l'on peut intituler De IV uirtutibus caritatis, en raison du premier article de la série ; sa formation est antérieure à l’époque carolingienne. Ce recueil nous a conservé le S. 211, mais sous une forme réduite, ne comprenant que les η08 1 à 4 ; le texte est indé­ pendant de celui des Quinquaginta Homiliae et des Catholici Patres, mais le modèle n’était pas sans affinité avec la tra­ dition de Césaire. La tradition indirecte est représentée par le S. 185 de Césaire d’Arles, qui a incorporé, dans serti propre texte, la plus grande partie du S. 211. Les S. 212 et 59 sont étroitement associés dans les Sancti Catholici Patres. Les deux sermons se retrouvent, mais non plus groupés ’, dans la Collection de Wolfenbüttel (Guelferbytanus 4096). Pour le S. 212 seul, nous avons la Collection de Lyon, dont l’unique ms. est de la fin du vi® ou du début 1. Pour la raison que les semions ont été regroupés ici par sujet. LK TEXTE 137 du vu® siècle (Paris B. N. n. a. 1. 1954). Malgré son âge, il est quelque peu suspect, car cette collection s’est constituée sous la mouvance de Césaire d'Arles, mais, par lui, on peut rejoindre un témoin ancien. Pour le S. 59 nous avons, en plus de Wolfcnbütlcl et des Catholici Paires, le S. 147 de Césaire d'Arles, témoin indirect important qui nous permet d’atteindre un exemplaire ancien. Le sermon est notablement plus étendu dans la Collection de Wolfenbüttel que dans les Catholici Paires. Pour Dom Morin, ce serait l’effet d’interpolations Le jugement d’un expert aussi qualifié est impressionnant de prime abord, l’examen interne nous a cependant conduits à tenir pour homogène le texte entier. Qu’un sermon augustinien nous soit parvenu dans une double recension n’est pas un fait unique. H est déjà rassu­ rant de constater que, dans la collection de Wolfenbüttel elle-même, le cas du S. 59 n'est pas isolé. Dom Morin n’a pas hésité à adopter la recension longue pour les sermons Guelfcrbytani I et V (S. 213 et 221 des Mauristes). En passant en revue le n° XVI de la collection, il sc contente de dire : « sermon authentique 212 d’Augustin 12 », sans parler d’interpolations. Or le texte édité par les Mauristes d’après les Catholici Paires, présente, comparé à celui de Wolfenbüttel, quatre lacunes, totalisant 409 lettres, soit la valeur d’une dizaine de lignes. Les omissions du S. 59 sont au nombre de sept et représentent la valeur d’une cin­ quantaine de lignes. Toutefois, si l’on comprend bien la pensée de dom Morin, son jugement défavorable ne fut pas influencé par l’étendue des omissions, mais bien par l’in­ sertion d’un des passages omis, dans un centon De effetatione de l'Homiliairc wisigothique de Silos 3. Or loin d’être une objection contre l’authenticité de la forme longue, cette utilisation l’établit plus fermement, puisque son texte se trouve ainsi attesté non seulement par la tradition italo1. Dom Morin, art. cit.9 p. 125. 2. Dom Morin, art. cit.> p. 12-1. 3. Actuellement Londres, British Museum, Add. Ms. 30853. Ce centon est utile à signaler comme témoin de la circulation en Espagne de la forme longue du S. 59. 138 INTRODUCTION germanique de Wolfenbüttel, mais encore par .une tradition wisigothi que qui est ancienne l23. Une difficulté plus sérieuse vient de l’emploi, dans le passage en question, du verbe afliliare : ce terme de basse latinité est excessivement rare, comme nous l’avons déjà dit 1 ; il ne se rencontre pas, croyons-nous, dans les autres œuvres d’Augustin. Mais on ne peut sacrifier à cette singu­ larité lexicographique l'unité du sermon. La teneur des passages omis est très augustinienne ; certains d’entre eux accusent une grande familiarité de ton ou fournissent des précisions sur la liturgie locale tous sont parfaitement adaptés au contexte et forment un ensemble homogène. Le sermon complété se développe sans heurt : il a retrouvé l’équilibre de sa composition primitive. La forme brève ne vient pas uniquement d’accidents de transmission. Si à trois reprises, on peut incriminer un saut du même au même (et le texte de i’homiliaire de Silos cité par dom Morin a été pris dans un de ces passages omis par 1. Les caractères essentiels de la tradition wisigothique des sermons augustiniens ont été définis par Dom LAMBordnn* le Mémorial G. Bardy (REA 1956, p. 131-154). Elle dépend de l’Italie comme centre do diffusion et de Césairc comme agent de transmission. Au contraire, lu Collection de Wol/en· bûttcl ne doit rien à l'évêque d’Arles. Au lendemain de sa retentissante dé­ couverte, Dom Morin i>ensa que VHomiliaire de Wotfenbûttcl, tout comme là collection Quinquaginta Homlliae, avait été constitué par Césairc (art. cff., p. 153-154). Plus tard il changea d’avis sans pourtant s’en expliquer. Présefifl tant ù nouveau en 1930 la Collection de Wol/enbûttel, c’est à la collcctioa antique de Lorsch qu’il la comparait (MA 1, p. 435). Aussi ne ilgurc-t-elle I pas dans la série des collections césairiennes, placée en tête de son édition des Sermons de saint Césairc, parue en 1937. Et.cn effet, rHomiliaire de Wolfen· buffet doit être tenu t>our un recueil antique. En cheminant vers la Germanie?!, il s’est accru, surtout dans scs premiers articles, do pièces étrangères, dont quelques-unes sont de Césaire. t 2. Cf. supra, p. 119. La graphie de Wiomiliaire de Silos est : adflliare. I 3. Ce qui est souvent un motif d’omission volontaire, au cours des transcriptions, quand les usages liturgiques ont changé ou que l’utilisation pastorale de l’œuvre ne se fait plus dans les mêmes circonstances. Le fait se vérifie ici. Le ms. de Wolfenbüttel est le seul à avoir conservé la phrase : Ad octo enim dies reddituri illam estis non oraturi ; post baptis· mum illam orabitis, quomodo enim dicit paler noster qui nandum esi natus ? L'Homiliaire de Silos qui, contrairement à Césaire et nux Catholici Batres, J avait pourtant transcrit le contexte de cette phrase, omet la phrase ellemême. LE TEXTE 139 homocotéleute dans l’autre branche de la tradition), ailleurs on est en présence d'une volonté d’abréger. La forme brève est ancienne. Césaire d’Arles en est le premier témoin, elle lui a servi à cornposer son S. 147, qui n’est autre que le S. 59 écourté et muni d’une nouvelle conclusion. On se demande donc si ce n'est pas Césairc luimême qui aurait abrégé le sermon, un tel procédé lui étant habituel. La forme écourtée se retrouve dans la branche de la tradition augustinienne qui est représentée par VHomiliaire des Catholici Patres. Le compilateur l’a certainement trouvée telle quelle dans sa source. Il n’est pas improbable que celle-ci n’ait été précisément une collection césairiennc ’. Nous disposons donc pour les deux sermons 212 et 59 d’une tradition diversifiée, condition très favorable pour l’élimination des variantes fautives. Pour le S. Guelferbytanus 111, sur la Passion, publié par dom Morin (MA I, p. 452), il n’est pas d'autre ms. complet que celui de la collection de Wolfenbüttel 4096. Bède avait inséré deux très courts extraits dans son Florilège augustinicn sur Γ Apôtre (Qui se exaltat... et Gloriemur ergo...). Florus présente aussi les mêmes passages, mais comme il les a tirés de Bède, il est inutile d'y recourir. Le texte entier du S. Guelferbytanus V, sur la Vigile de Pâques, ne se trouve lui aussi que dans la Collection de Wolfenbüttel (4096), il a été également publié par Dom Morin. Les Mauristcs avaient admis la seconde partie (à partir de Dicendum est...), c’est leur S. 221, bien que ce fut un simple fragment tiré des Excerpta august. d’Eugippius (début du vi® siècle). Entre ccs deux témoins se situe l'ex­ trait, plus étendu que celui d’Eugippius, qui commence par les mots : Si digne possimus. Le ms. Paris B. N. lat. 2202 le présente sous cette forme dans une petite collection pas­ cale (In uigiliis Paschae) ; et de même les mss Cambridge S. .John’s Coll. A 21 et Worcester F 93. Les homiliaires litur1. Les quatorze recueils de Césaire parvenus jusqu’à nous ne présentent qu’une partie de ceux qu’il avait mis en circulation. L’un d’eux a fort bien pu charrier le S. 59 abrégé et sans conclusion, car il n’est pas rare de rencontrer un même sermon augustinien accommodé par Césairc de telle manière dans un de scs recueils et diversement dans un autre. 140 INTRODUCTION glques, notamment les Sancti Catholici Patres,, ne sont d'au­ cune utilité, car ils ne font que reproduire l’extrait d’Eugippius. La série qui va du jour de Pâques au dimanche de l’Octave (Serinons 121, 227, 231, 232, 237, 246, 250, 253, 257, 258) se trouve dans VHomiliaire de Fleury et dans les Homiliaires des Catholici Patres. VHomiliaire de Fleury est seul à avoir conservé toute la série : les titres placés en tête de chaque sermon, bien que souvent réduits à l’essentiel, ont conservé les indications originales des fériés ; de plus, pour les deux derniers, ce titre comporte l’indication de l’édifice dans lequel le sermon fut prononcé. De cette série pascale, quelques sermons (121, 231, 232, 237, 253) se retrouvent dans le manuscrit de l’Université de Wroclaw 1 F 123 (Dominicains de Breslau) du xv® siècle. Un manuscrit de ce type a servi à l'éditeur bâlois Amerfa ach ; par son intermédiaire les Mauristes ont connu quelques données de cette tradition. Malgré la qualité des matériaux, la restitution du texte reste cependant une opération difficile et délicate. En règle générale, j’ai suivi, autant que le sens et la latinité d’Augus­ tin le permettaient, les leçons de la Collection de Wolfcnbuttd et de VHomiliaire de Fleury. Le résultat est un texte ner­ veux, parfois un peu heurté et dur, ce qui est précisément un indice de fidélité, car il s’agit d'un style oral ; le geste et l’intonation du prédicateur, ici ou là, donnaient une signifi­ cation à une phrase volontairement rapide, concise, voire elliptique. Les copistes médiévaux cherchaient à retrouver une forme plus littéraire en adoucissant certaines tournures, en insérant des conjonctions, en explicitant certains termes, parfois même en paraphrasant. Cette tendance est partK culièrement sensible dans VHomiliaire des Sancti Catholici Patres, qui, en outre, ne se fait pas faute de modifier le texte biblique pour le mettre en accord avec la Vulgate. Ainsi le texte proposé ici reflète, aussi fidèlement que possible, l’état de la tradition la plus autorisée, même si certaines de ses défectuosités nous échappent. D'autre part, on s’est appliqué à réduire la part d’une opinion purement subjective, comme aussi celle de l’arbitraire. Au demeurant, le lecteur a sous les yeux, dans l’apparat critique, des élé­ LE TEXTE 111 ments d’appréciation et, plus d’une fois, il lui sera loisible de préférer la leçon reléguée dans l’apparat. La traduction. Traduire un texte augustinien est une tâche qui ne manque pas d’agrément. On peut même affirmer qu’elle est toujours, au moins partiellement, couronnée de succès. La pensée grave et dense ne se dérobe pas, la conviction, l'élan, l’allant se communiquent et percent à travers une expression nou­ velle. Meme malhabile, un traducteur de saint Augustin peut être assuré de faire naître, chez ses lecteurs, à un mo­ ment ou à un autre, sinon quelque exclamation comme à Hippone, du moins quelque confus murmure, quelque indistinct mouvement d’admiration et de contentement. Le texte est si puissant par lui-même qu'il se joue des trahisons. Le traducteur ne s’en est pas moins mesuré, et le plus vaillamment qu'il a pu, avec des difficultés fort grandes. La plus radicale vient de l’exercice même de la traduction, puisque le résultat ne peut jamais en être qu’un compromis entre la fidélité au texte de la langue originelle et le respect du génie propre de la langue de traduction. Mais quand il s'agit du style d'Augustin, les ressources de ce style, tout en contrastes, en antithèses multiples, en assonances, en jeux étymologiques, voire en jeux de mots, décuplent cette difficulté. Comment traduire ce qui est affaire de son autant que de sens et le traduire dans une langue qui se préoccupe assez peu de cette forme d’élocution et qui même répugne à ce genre d’éloquence ? La force du style augustinien vient encore de sa nervosité, des expressions lapidaires qui ne peuvent guère trouver d’équivalents dans une autre langue, des expressions elliptiques qui risquent d’être affaiblies, obligé que l’on est de développer légèrement pour pallier à l’obscurité. Il faut enfin passer entre le Charybde et le Scylla que constituent l’expression concrète propre au latin elle parait facilement étrange en notre français moderne et l’abondance de termes abstraits propre au latin tardif : elle trouve une équivalence, hélas en plus lourd que nature, dans les tendances contemporaines de la langue cultivée. 142 INTRODUCTION En bref, il aurait fallu que le traducteur de ces sermons augustiniens fût un artiste audacieux. Il ne s'est trouvé qu'un ouvrier consciencieux. S’il a cher­ ché à reproduire le modèle, il aurait quelque naïveté à souligner ses réussites, mais il doit déclarer sa volonté de fidélité et même en apporter des preuves. Fidélité au détail du style. On a cherche, sans toujours y parvenir, à rendre les formules lapidaires : « Son propre cœur est sa prison » ; ou les proverbes : » Une aimable avance est demande d’indulgence » ; les assonances : ·< Si nous ne pouvons supprimer ce dissentiment, refusons notre assen­ timent » ; les antithèses : < Ce dont, il est mort était nôtre, ce dont nous vivrons sera sien » et de trouver pour l’éclatI de l'éloquence des correspondances qui ne soient pas trop ternes : « Pour tant de peuples si nombreux qu’a regroupés partout, au nom du Christ, cette éclatante célébration d'an­ niversaire, le soleil a pu se cacher, mais la clarté ne s’est pas éteinte, car les lumières de la terre ont pris la relève de la lumière du ciel. ■· Fidélité à la diversité des tons. Pour l’extrême familiarité, on a tenté de trouver la note juste : « On me prend pour une vieille rengaine... » ; on lui a sacrifié, ici ou là, quelque impar­ fait du subjonctif ; on s’est efforcé de rendre le ton heurté de la conversation (cf. S. 59, 7), la vivacité impérieuse de la discussion théologique (cf. S. 237, 257), l’éloquence émue ample et grave (S. 231, 258) ». Cette fidélité repose à la fois sur un calque et sur une trans­ position et, pour transposer, il faut faire un triple choix, un choix de vocabulaire, un choix de syntaxe, un choix de rythme, ce qui constitue précisément le style. Nous voici donc revenus dans le domaine de l’art. Avant d'en finir avec la technique, je dois encore m’expli­ quer sur deux principes. Il est souhaitable de rendre un même mot latin par un même mol français, mais cela n’est pas toujours possible pour deux raisons : par respect pour le sens, car l’éventail des significations recouvertes par les 1. Faut-il ajouter : fidélité aux obscurités du texte ? Il est bien vrai qu’icl ou lâ une traduction embarrassée s’eiTorce de rendre un texte qui, tel qu’il nous a été transmis, est à peu près incompréhensible. LE TEXTE 143 deux mots ne coïncide pas dans les deux langues ; et par respect pour le style : à tel endroit, telle phrase demande un équivalent où le mot d'abord choisi détruirait l’équilibre des sons et des sens. L’autre principe concerne l’ordre des mots dans la propo­ sition et des propositions dans la phrase. Chaque langue a ses habitudes. Et chaque auteur. Copier servilement la phrase française sur la phrase latine aboutit à créer, en français, des effets de syle, là où l’énoncé était simple, :ï renoncer à un effet quand il se voulait au contraire expres­ sif, à traduire toujours dans une langue embarrassée, tour­ mentée, pesante. C’est aller à l’encontre de la fidélité. Au terme de cette étude il m’est agréable de m’acquitter d’un devoir de reconnaissance envers ceux qui l’ont encou­ ragée et guidée. Que soient donc remerciés le R. P. H. Rondet pour l’impulsion décisive donnée à ces recherches augustiniennes et M. le chanoine Martimort pour les cheminements qu'il a jalonnés. Que MM. les professeurs II. I. Marrou, J. Perret, R. Lucol lisent ici l’expression de ma gratitude pour m’avoir utilement conseillée à différentes étapes de ce travail et M. le professeur R. Monsucz pour m’avoir fait l’honneur de présider à son heureuse conclusion. De son dé­ but à son achèvement j’ai souvent fait appel, et jamais sans bonheur, à la magistrale compétence de Dom C. Lambot. Je ne saurais taire, comme aussi je ne saurais dire, tout ce que je dois à sa généreuse érudition. Toulouse, le 24 mars 1965. BIBLIOGRAPHIE ï.es ouvrages de saint Augustin peuvent cire consultés, au moins pour un certain nombre d’entre eux, à la fois dans les Opera omnia des Mauristes et dans la Palrologie Latine de Mignc ou dans le Corpus Scriptorum Ecclesiasti­ corum Latinorum de Vienne, ou dans le Corpus Christia­ norum de Turnhout, ou dans la Bibliothèque Augustinienne de Paris (Desclée de Brouwer). Les références que nous donnons sans mention particulière renvoient aux colonnes de l’édition Gaume (Paris 1836-1839), qui reproduit le texte des Mauristes. On trouvera un très précieux répertoire des œuvres augustinicnnes, avec datation et références aux principales édi­ tions, à la page 183 du volume d’H.-I. Marrou, Saint Augus­ tin et Γ Augustinisme (collection « Maîtres spirituels », éd. du Seuil, Paris, 1955). Les sermons de la prédication pascale cités ici se trouvent, partie dans les Opera omnia, tome V, 1 et 2, Mauristes et Gaume (PL, t. 38-39) ; partie dans les Miscellanea Agostiniana, tome I. Rome 1930 et dans le Supplementum de Mignc. *♦ ♦ Nous mentionnons ici les études qui ont été directement utilisées pour la rédaction de ce volume et sc trouvent citées dans l’introduction et les notes. Pour une bibliographie des études augustinicnnes, on pourra se reporter à : Andresen (G.), Bibliographia Augustiniana, Darmstadt 1962. 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Q p Homiliairc des Sancti Catholici Patres, accord des m$$ : p1 Paris b. n. lat. 3819 (xn) Colbert, origine Inconnue, fol. 121. T hoyrs ii. M. 219 (xii) Clairoaux, fol. 132. * P p3 Cambridgb St John’s College Λ 21 (xii) origine inc.» ms. non fol. P4 Londres b. m. Arundel 105 (xn) liohérics, fol. 110 *. p5 Paris b. n. lat. 804 (xn) probablement Tarragon?, fol. 130. /.· De IV virtutibus caritatis, accord des mss : k1 Oxford Rodh I-aud M. 350 (xi) S. Marie d'Eberbach, fol. 64 *. k- Paris Arsenal 474 (xn) Grands Augustins, fol. 161. k3 Paris b. n. lat. 2025 (xni) Colbert, fol. 10. Λ4 Paris ». N. lat. 2981 (xni) de Thou. Colbert, fol. 18 *. cars. Césaire d’Arles, sermon 185, Corpus Christianorum CIV, p. 753. maur. Itdition des Mauristes. Q pkeaes. Inscriptio ex Q Sermo Sancti Agustini de concordia fratrum Q1 2 3 Ind pit sernio sancti Agustini de concordia fratrum Q3 4 Dominica V Senni beati nugustini episcopi p sermo sancti Augustini de oratione dominio k !| 2 «lies isti sancti : dies sancti isti Q fratres diebus istis k || in obser natione : obscruationem /cl obseruatione A * 3 |! quadragesimae : uita nostrae quamdlu uiuimus k | Dies... quadragesimae : in inultis sanctanin SERMON 211 L’ENTENTE FRATERNELLE 1. Ces jours saints que nous passons dans l'observance de la quarantaine nous invitent à vous parler de l’en­ tente fraternelle *lII. , afin que quiconque ayant un sujet de plainte contre autrui a y mette fin, pour n’y pas trouscripturarum locis cars. | 3 admonent : commonent Q5 p3 admonet k nos admonet spiritus sanctus enes. (| de fraterna concordia : dhilna scriptura A* | uobis : uobiscum k || 4 ul : et ideo caes. || quicumquo : si quis A: querelam : in isto secuto add. k | liniat : finiant k earn add. cars. || ne : in illo add. k a. Cf. Col. 3, 13 I. Dans les jours qui ont suivi la Collation avec les Domitistcs. Augustin n commenté (S. 359) le verset de Sag. Sir. 25» 2 : Concordia fratrum et amor proximorum ; après avoir décrit les discordes entre frères au sens propre, il conclut (N. 4) que les chrétiens sont frères et luttent pacifiquement pour l'héritage céleste ; entre les chrétiens. nos frères, doit donc so pratiquer la concordia, tandis que Vamor proximorum est à pratiquer envers les païens. II. Pétré, Caritas, Étude sur le vocabulaire latin de la charité chrétienne, Lou­ vain 1918. p. 315-319» note quo concordia signifiait dans la langue classique spécialement l'entente entre les partis politique!· les classes de la société, /κιχ étant plutôt réservé aux relations internationales ; le mot a pris une grande importance dans le vocabulaire chrétien où il met en relief l'aspect social et communautaire du christianisme, désignant plus spécialement le fruit et l'épanouissement de la charité. C’est ainsi que Cypricn l'emploie très fréquemment surtout dans les couples : pax et concordia, consensio cl concordia, caritas cl concordia, concordia cl unitas ; l’usage d'Augustin est le même. A ces notations il faut ajouter toutefois qu’on trouve chez lui un sons plus large» en accord avec lo sens figuré que le terme avait fréquemment dans la langue classique. Ainsi clans le S. 255, 1, sur l’AIlclula, concordia désigne l’harmonie des paroles et des actes et dans le De utilitate ieiunii 8, concor­ dare s'applique à la santé du corps, quando sibi concordant membra sua. 156 10 15 20 AVGVSTINI HIPPONENSIS finiatur1. Nolite ista contemnere, fratres mei. Cum enim uita ista mortalis et fragilis quae inter tot terrenas temp­ tationes periclitatur et orat nc submergatur, non potest esse in quouis iusto sine qualibuscumque peccatis, unum est remedium per quod uiuere possimus, quia docuit nos magister deus dicere in oratione : Dimitte nobis debita nostra sicut et nos dimittimus debitoribus nostris a. Pactuir et placitum * cum deo fecimus et condicionem soluend: debili in cautione subscripsimus. Dimitte nobis, plent fiducia petimus, si et nos dimittimus; si autem non dimit­ timus dimitti nobis peccata non putemus. Ne nos ipsos fallamus, homo se non fallat, deus neminem fallit. Huma­ num est irasci — et utinam nec hoc possemus — humantlm est irasci, sed non debet iracundia tua, natus surculus breuis, suspicionibus inrigari et ad trabem odii peruenire. Aliud est enim ira, aliud odium. Nam saepe etiam pater 5 finiatur : finiantur k || ista : istas Q5 '| G isla ozn. A4 '| ct fragili! om. A·123 U inter : In * »«« om. k’2 II tot : tantis A4** ct tantas add cats terrenas om. Q5p k eae *|’ 7 ct om. p3k2 ‘| orat : exorat A4 || potest possit cars. || 8 in quouis : quilibet add· k |’ iusto : Justus A* I sine om. ** * p1-34 cars. || 34 ut inara set pracm. k | in talibus : tenebris add. k '| 35 his : illis Q ip»w k istb cacs. K autem carcerum om. k. J 36 innocentes : ct pracm. k cars. maar. I enim : om. p1 k autem enim p2 | 37 fundebantur : tenebantur fundébaB tur p34 ferebantur A'2 || uigebat : ardebat A* uigilabat cars. fulgo·' bat maur. || 38-39 In illis... deum uidebant om. k || 38 carceris om. p. || oculis : oculi Q3 4 cacs. | 39 amore fraternitatis : amor fratris cacs. || deum : domloù^H SERMON 211, § 1-2 (21-42) 159 un père s’irrite contre son fils,mais il ne hait pas son fils; il s'irrite pour le corriger. Si donc il s’irrite pour le cor­ riger, il s’irrite en l’aimant. Aussi est-il dit : « Tu vois la brindille qui est dans l’œil de ton frère et tu ne vois pas la maîtresse branche dans le tien ° », tu condamnes la colère en autrui et tu conserves la haine en toi-même. En comparaison de la haine, la colère n’est qu’une brin­ dille, mais si tu fais croître cette brindille, elle deviendra une maîtresse branche ; si tu l'arraches et la jettes au loin, ce ne sera rien x. 2. Si vous avez prêté attention... A quoi donc ?... Quand on lisait i’épître, la parole du bienheureux Jean aurait dû vous terrifier, car il dit : « Les ténèbres se sont dissi­ pées et. la lumière brille désormais b », ajoutant ensuite : a Qui se dit dans la lumière, tout en haïssant son frère, est encore dans les ténèbres c. » Mais peut-être penserat-on qu'il s’agit de ténèbres semblables à celles dont souffrent les hommes enfermés dans les prisons ? Plût au ciel qu’elles leur fussent semblables ! Et pourtant personne ne veut se trouver dans de semblables ténèbres. Or dans ces ténèbres des prisons, des innocents peuvent être enfermés, puisque les martyrs furent enfermés dans de semblables ténèbres. Tout autour d’eux étaient répan­ dues les ténèbres et la lumière brillait en leur cœur. Dans les ténèbres de leur prison, iis ne voyaient pas avec leurs yeux, mais grâce à l’amour qu’ils portaient à leurs frères4, ils voyaient Dieu. Voulez-vous savoir quelles sont ces ténèbres desquelles il a été dit : « Qui hait son frère est encore dans les ténèbres ? » Ailleurs il dit : • Qui hait son frère est homicide ®. » Qui hait son frère Q* 1 U uidebant : uidebat caes. ’| 40 sunt : sint cacs. || de quibus : dc talibus qui­ busdam A2 II dictum est : dicitur k || 41 in : et pracm. om. k cacs. || dicit : dixit cars. dictum est p3 dicitur A·4 | 42 qui : ergo pracm. k cacs. a. Mattii. 7,3 || b. I Jn2.8 'J c. I Jn 2, 9 || d. Ct. Il Pierre 1.7 ||c. I Jn3, 15 1. Le processus d’un surgeon qui devient une grosse branche, image de la colère qui sc change en haine en vieillissant, se retrouve ailleurs (et. S. 49, 7 ; 58. 8 et 9 ; Epist. 38. 2). AVGVSTINI HIPPONENSIS suum ambulat, exit, intrat, procedit, nullis catenis on£ ratus, nullo carcere inclusus, reatu tamen ligatus est. Nol 45 illum putare sine carcere esse : career eius cor cius est Cum audis : Qui odii fratrem suum in tenebris esi usqiit adhuc, ne forte contempnas tenebras, adiungit et dicit . Qui odit fratrem suum homicida est. Odis fratrem tuum et securus ambulas et concordare non uis, quamuis ide< 50 deus spatium det ? Ecce iam homicida es et adhuc uiuis si deum iratum haberes cum odio fratris subito rapereris Parcit deus libi, parce tu tibi, concorda cum fratre tuo. At forte tu uis et ille non uult ? Sufficiat tibi. Habe? unde illum dolcas ; te soluisti. Dic, si uis concordare et ille non 55 null, dic securus : Dimitte nobis debita nostra sicut et not dimittimus debitoribus nostris. 3. Forte peccasti in illum, uis cum illo concordare, uis ei dicere : Frater, ignosce mihi, pcccaui in te. Ille non uult ignoscere, non uult dimittere debitum ; quod ei debes, non 60 uult tibi dimittere. Ipse obseruet, quando habet orare. Quando uenturus est, qui tibi noluit dimittere quod in cum forte peccasti, quando uenturus est ad orationen quid facturus est ? Dicat : Pater noster qui es in caeli Dicat, accedat : Sanctificetur nomen tuum. Adhuc dic43 43 ambulat : in tenebris praem. in margine. Q1 || 41 nullo : in praej k II reatu tamen ligatus est : sed est ligatus reatu suo k |( 45 career eius c eius est : cor cius career el est A* || 40 audis : audit p1 enim k |l qu! : qu k2 I 47 nc : noli A· || torte om. k || contempnas : -tempnat p1 -tcmpnC A' ]| tenebras : tales praem. cars. maur. quae add. k4 quia add. k1 23 adiungit : -xit assecutu* k1 secutus A-34 | et om. k J dicit : diu bat k1 [I 48 odis : odisti k cars. | tuum om. ()23e p3 || 4G el concordarc non uis om. Q* et cogitationibus atlligerls iniquis add. k non agnoscis qua' tibi add. caes. || quamuis : quamdiu uiuis (nines k2) k om. cars. K idc< Ubi add. k1 3 4 om. cars. ’| 50 deus : tibi add. k2 '| dot : dedit etit cacs. || 90-91 ut facial... desiderat om. k fadrt quod orat ne non accipiat quod desiderat caes· || 92-93 ct non om. k3 II non om. Q4 '| inpetrauit : obtinuit caes. | 94 dc : a cacs. || d om. Q k2i caes. || 95 noluit : ille non uull k cacs. || dimitte mihi om. k |i quod : quia k134 o/n. k1 || 96 peccaui : -uit k2 4 || abundat herba · Λ apte caes. sed forte correctione abundant (abundent k1) uerba ita tradat Q p k maur. II Ista : in agro domini a diabolo seminata et add. k ’| illam: illa ex arche typo mendoso Q P k maur· corr. cacs. || 97 hoc : id k || uestri*: nostris k | quam : quia k cars. || 98 enim o/n. caes. || sciunt : dicunt Q1 Ii peccasse : peccare k | in fratres suos : -tribus suis Qkcacs. || 99 mihi : <(U· peccaui in te add. k jj 99-100 Non... rogare om. k14 | 99 erubuerunt : cnibtf cnntk3 |l 100 rogare : erogare Qs ueniam petere caes. || erubuerunt : eru­ bescunt k2 peccaro add. p2 || et om. cacs. || 102 ipsos : uos ipsos k3 u* caes I, In primis : -o Q1 prius k154 cacs. om. k2 ;| 103 ct reuocatb: rcuertimini k rcuocatc caes. || uos1 om. k || ad uos : in uos k om. p1 H consideratis : -to k cacs || 104 ct om. p2 k || fertis : ferto k cars. || lû SERMON 211, § ‘ (87-107) 165 maître >. Ce que le maître t’aura remis, que le serviteur l’exige s’il peut. Autre chose encore. Je viens d’avertir celui qui n’a pas voulu remettre à son frère lui demandant rémission, d’avoir à faire ce qu’il refusait, de peur qu’au moment de prier il ne puisse recevoir ce qu’il désirait ; j’ai aussi averti celui qui a demandé le pardon de sa faute à son frère et ne l’a pas obtenu, d’être sans crainte du côté de son maître pour ce qu’il n’a pas reçu de son frère. Je dois encore un autre avertissement. Ton frère t’a offensé et il n’a pas voulu te dire : « Remets-moi la faute que j’ai commise contre toi. » Celte mauvaise herbe ne manque pas. Puisse Dieu l’arracher de son champ, c’est-à-dire de vos cœurs. Qu’ils sont nombreux en effet ceux qui savent avoir offensé leurs frères et ne veulent pas dire : « Remets-moi ma faute. » Ils n’ont pas rougi d’offenser et ils rougissent d’implorer ; ils n’ont pas rougi de leur méchanceté et ils rougissent de l’humilité. C’est eux en tout premier lieu que j’avertis. Vous tous qui êtes en désaccord avec vos frères et qui en appelez à vous-mêmes et qui vous examinez et qui portez sur vous un jugement juste, dans l’intime de vos cœurs, et qui reconnaissez que vous n’auriez pas dû faire ce que vous avez fait, que vous n’auriez pas dû dire ce que vous avez dit, frères, demandez pardon à vos frères, faitesle, comme a dit ΓApôtre, « vous tenant quittes les uns uos : in uobis Q caes. om. /.· J| intus om. k || t 05 inuenitts : inucnictis k15 raes. inuenieritisk * * ,'| uos: in uosk || 107 fratres om. p3* || uestris om. k J| facito : dicito Q1 fratribus add. maur. || ait : dicit cacs. 1. L’argumentation semble empruntée ù Colossiens 4, 1. Augustin l’utiliso ailleurs : A'cm «fe tu dimittere consecuus conseruo tuo Ibit ad dominum nos­ trum et dicet ei : domine, rogaui consecuum meum ut dimitteret mihi et noluit dimittere, tu mihi dimitte. Xumquid non licet domino debita relaxare serui sui ? (S. 56,17). Consecuus conseruo reconcilietur, ne fuste sentus a domino puniatur (S. 200. 2). Debitum relaxare conseruo ut tibi relaxetur a domino (S. 210, 12). Elle peut venir aussi de Matth. 18,28. Cf. Cyfbirn : Et qui sentus post dimis­ sum sibi a domino omne debitum conseruo suo noluit ipse dimittere. (De. ora­ tione dominica XXIII). Sur conseruus, cf. H. Pétré, op. cit., noto de la p. 161. 166 AVGVSTINI HIPPONENSIS Donantes uobis sicut et deus in Christo donnait nobis B ; facite, nolite erubescere ucniam petere. no Proinde omnibus dico, uiris et feminis, minoribus et maioribus, laicis et clericis, dico et mihi ipsi, omnes audia­ mus, omnes timeamus, si peccauimus in fratres nostros. Adhuc indutias uiucndi accepimus, non ideo morimur; adhuc enim uiuimus, nondum damnati sumus ; dum uiui115 mus faciamus quod iubet pater qui erit index et peta­ mus neniam a fratribus quos forie peccando in eos aliquid offendimus, aliquid laesimus. Sunt personae humiles pro ordine saeculi huius^a quibusj si petas ucniam, extolluntur in superbia. Hoc est quod 120 dico : aliquando dominus homo peccat in senium suum ; quia si ille dominus est, ille senius, ambo tamen serui alieni sunt, quia ambo Christi sanguine redempti sunt, tamen durum uidetur ut hoc etiam iubeam, hoc praecipiam, ut si forte dominus peccat in seruum suum, iniustc litigando, 125 iniustc caedendo, dicat ille : Ignosce mihi, da mihi ucniam. Non quia non debet facere, sed ne ille incipiat superbire.; Quid ergo ? Ante oculos dei paeniteat eum, ante oculos dei puniat cor suum, et si non potest scruo dicere quia103 * 103 donantes : donate λ*113 | uobis : uobismet k ipsis add. k maur. || et om. cats. ;| nobis : uobis Q3* pl23& k cats. maur. ita et uos add. cars |j 109 facite ; om. k || erubescere ; nolite rei manere ante oculos dei nolite erubescere add. cues. || neniam petere ont. Ql p3 4 * petituri k Jj 110 proinde : perinde Qi 2 perdo 0* deinde p3 om. k ccoe eaes. | 110-111 minoribus et maioribus om. caes. || 111 clericis : atqtrf monachis add. k1-3 atque monachis et uirginibus deo deuotis k4 || dico et mihi Ipsi : sed et mihi ipsi dico k In secula scculonnn Ame· add. k13 quod dixit dominus dimitte et dimcttelur uobis date et dabitur uobis k2 H per christum dominum nostrum qui uiuit ct regnat in secula secutorum Arnen k4 hoc taca des in. k. Q p cacx. ipsi : ipse (i 2 m.) Q5 |' 112 timeamus : teneamus Qls '| peccauimus: peo camus Q124 || in fratres nostros : -tribus nostris enes. || 113 Adhuc inducias uiucndi accepimus om. Q si praem. maur. |’ 113-114 non ideo... enim uiuimus om. cars || dum : cum Q235e p344 om. Q1 || uiuimus om. Q11| 115 iubet : ait Q* p || erit : deus add. Q || 110 fratribus : nostris ’ || 132 illi : illis Q‘» 11 132-134 Illos... noluerunt om. per homoeol. p3 || fratibus om. p**4 || 136 cogl· tasli : cogitatis p» || aliqui : aliquid Q || uestris om. Q184 [| 137 uestris1 om. ()i p2340 y 138 uos1 om. || 139 modo om. p3 '| 143 ergo : ego p3 || 145 qui tc : quin Q1 || peccasse : peccare Q8 | 146 tuus fueris : fueris tuus Q matir. | 147 expetis : ex pectas Q9 ex pectis p3 expetas maur. || aut ozn. p3 II in quem : in quo pi » » quo Q3 || 148 nolo : noli Q» || 149 scis : scisti Ο1*5· II quin : ille add. Q18· |150 scio : scito Q || Ista tua : in statuta Q in Ista tua maur. || sententia : scientia Q bene discussa mature ponderat» add. in imo folio Q3 conscientia maur. || 151 ultm : ultro O35« »’* | petere: petat Qi “ ΊΙ SERMON 211, § 4-5 (129-152) 169 inopportun, qu’il lui adresse des paroles aimables ; une aimable avance est demande d’indulgence. 5. Il me reste encore à entretenir ceux que d'autres ont offensés el à qui ces derniers, après les avoir offensés, ont refusé de demander pardon. Car je me suis déjà entretenu avec ceux qui n’ont pas voulu accorder leur pardon à qui le leur demandait. Maintenant donc que je m’entretiens avec vous tons, pour qu’il ne subsiste pas de désaccord parmi vous, vu que ce sont les saints jours, j’imagine pour certains d’entre vous que, réfléchissant en vous-mêmes et sachant quo vous avez quelque désac­ cord avec vos frères, vous vous rendez compte que ce n’est pas vous qui les avez offensés, mais eux qui vous ont offensés. Et, bien que vous ne m’adressiez pas la parole en ce moment, parce qu’en ce lieu c’est à moi de parler et à vous de vous taire et d’écouter, cependant, peut-être qu’en pensée vous vous mettez à parler et à dire en vous-mêmes : « Je veux faire la paix, mais c’est lui qui m’a outragé, c’est lui qui m’a offensé el il ne veut pas solliciter mon pardon. » Alors que faire ? Vaisje vous dire : Va vers lui et demande-lui pardon ? Non certes ! Je ne veux pas que tu mentes, je ne veux pas que tu dises : « Accorde-moi ton pardon », puisque tu sais bien que tu n’as pas offensé ton frère. A quoi te sert en effet de te faire ton propre accusateur ? Pourquoi demander pardon à quelqu’un que tu n’as pas outragé, que tu n’as pas offensé ? Cela ne peut te servir à rien, ne le fais pas. Tu en as la certitude, tu t’es bien examiné, tu en es sûr, c’est lui qui t’as offensé et non toi qui l’as offensé ? « J’en suis sûr », répond-il. Fait assuré, cause jugée ! Ne te rends pas auprès de ton frère qui t’a offensé, encore moins pour lui demander pardon. 11 faut que s’interposent entre vous des tiers, amis de la paixx, 1. Cf· H. Pétré, op. cil., p. 311-315. En dehors des textes scripturaires, Augustin emploie très rarement le mot qui avait dans la langue classique un jcns assez faible, il lui profère dos périphrases A valeur plus expressive : amator pacis, dilector pacis, anclor pacis, plantator pacts (S. 357, 1, 3, 4 ; 358, 6). Au contraire Cyprion emploie constamment ce termo : le pacificus est celui qui pratique les vertus chrétiennes do concorde et d'union. Chez 170 AVGVSTINI HIPPONENSIS gent ut a te prius ueniam petat. Tu tantum paratus esto ignoscere, prorsus paratus esto c corde dimittere. Si para155 tus es dimittere, iam dimisisti. Habes adhuc quod ores : ora pro illo ut petat a te ueniam, quia scis ei nocere si non petat, ora pro illo ut petat. Dic domino in oratione tua : Domine, scis me non peccasse in illum fratrem meum, sed illum potius peccasse in me et obesse ilii quod peccauit 160 in me si ueniam non petat a me ; ego bono animo peto ut ignoscas ei. 6. Ecce dixi uobis quod... maxime per istos dies ieiun iorum ucstrorum, obseruationum uestrarum, continen­ tiae uestrae quid agere debeatis ut cum fratribus uestris 165 concordetis. Gaudeam et ego de pace ucstra qui contristor litibus uestris, ut omnes donantes uobismet ipsis, si quis habet aduersus aliquem querelam securi agamus Pascha, securi celebremus cius passionem qui nihil cuiquam debe­ bat et pretium pro debentibus soluit, dominum lesum 170 Christum dico, qui in neminem peccauit et prope in illum omnis mundus peccauit nec exegit supplicia sed promisit praemia. Habemus ergo ipsum testem in cordibus nostris quia si in aliquem peccauimus, uero corde ueniam postule­ mus; si aliquis in nos peccauit, ueniam dare parati simus 175 et pro inimicis nostris orcinus b. Non exspectemus uindicari, fratres. Quid est uindicari nisi malo alieno pasci ? 153 petat : petant p2 | 155csom. || 157 ut : ut wld. pz I' 160 ut ozn. 01 || 163 obseruatlonum : obserunt ionumque p ;| 161 quid : mecum 2 m. 0s p rnaur. [ 165 contristor : non tristor Q * | 166 uestris o/n. Q * | ut omnes... ipsis om. Qi I 166-167 si quis habet ad. ai. querelam : sine aliqua querela Q1 si quam habet aliqua aduersus aliquem querelam Q3 || 168 debebat : debeat Q5 '| 169 soluit : soluct (P |’ 172 habemus : habetis Q1235 || ipsum : istum Q1 I 171 parati : preparati ps l| 175 cxpectcmus : cxpecUunus p2 expetemus p3 || uindicari : uindicarc Ql2S a. Coi. 3, 13 U b. CL Matth. 5, 11 ; Lc 6. 28. Ambroise» le mot sc teinta d’une nuance stoïcienne : le pacificus est un < pacifie · qui a établi en lui La tranquillité de Fâmc, nuance qui se trouve dans SERMON 211, § 5-6 (153-170) 171 qui lui fassent un devoir de prendre les devants pour le demander pardon. Quant à loi, sois seulement prêt à pardonner, sois totalement prêt à lui remettre sa faute de tout ton cœur. Si tu es prêt à lui remettre sa faute, tu la lui as déjà remise. 11 te reste encore à prier : prie pour lui afin qu’il le demande pardon, car tu sais qu’il n’est pas bon pour lui de ne pas le faire ; prie pour lui afin qu’il demande pardon. Dis au Seigneur dans la prière : « Seigneur, tu sais que je n'ai pas offensé mon frère, mais c’est bien plutôt lui qui m'a offensé et il lui est nuisible de m’avoir offensé, s’il ne me demande pas pardon ; quant à moi, je te demande de bon cœur de lui pardonner. » 6. J’ai achevé de vous dire ce que... - spécialement en ces jours où vous vous adonnez au jeûne, aux exer­ cices de piété, à la continence — ce que vous avez à faire pour vivre en paix avec vos frères. Puissé-je me réjouir à mon tour de votre union, moi qui m’afflige de vos contestations, de telle sorte que, « si quelqu’un a contre autrui sujet de plainte, vous tenant tous quittes les uns les autres “ », nous fassions la Pâque sereinement, nous célébrions sereinement la passion de celui qui ne devait rien à personne et a remboursé la dette à la place des débiteurs, j’entends le Seigneur Jésus-Christ, qui n’a offensé personne et que, pour ainsi dire, le monde entier a offensé ; et ce ne sont pas des châtiments qu’il a exigés, mais des récompenses qu’il a promises. Par conséquent, c’est lui-même que nous prenons à témoin en nos cœurs que si nous avons offensé quelqu’un, nous allons demander pardon de tout notre cœur, que, si quelqu’un nous a offensés, nous sommes prêts à par­ donner et à prier pour nos ennemis b. Ne désirons pas nous venger, frères. Qu’est-ce que se venger sinon se repaître du malheur d’autrui ? Je sais que chaque jour le commentaire augustinion de la béatitude des pacifiques (De scrm. dom. in monte 1,2.9). Ici au contraire le mot a un sens actif en relation avec l’étymo­ logie et selon la définition qu’en donne JAkômu : pacifici... qui... inter fratres dissidentes pacem faciunt (Comm, in Maith. 1 ad v. 9). 172 AVOVSTINI HIPPONENSIS Scio cottidie uenire homines, genua figere, frontem terrae concutere, aliquando lacrimis lotum uultum suum rigare et in ista tanta humilitate ac perturbatione 1 dicere : Doiso mine uindica me, occide inimicum meum. Plane ora ut occidat inimicum tuum et saluet fratrem tuum ; occidat inimicitiam, sahict naturam. Sic ora ut uindicct te deus : pereat qui te persequebatur, sed maneat qui tibi reddatur . * 177 scio : sciui Q1 || frontem ternie : frontem terra fronto terram p || 178 lacrimis lotuin uultum suum : lacrimis uultum suum Q123 in lacrimis locum uultum suum Q5 locum uultumque Qe uultum suum lacrimis maur. ’| 179 tanta om. Q3*!| ac : hac (P || dicere : dicit I 180 ora ut : orauit ut || 182 inimicitiam : -tias (? maur. || saluet : scruet p2. I. Ix prédicateur s’amuse visiblement aux dépens de scs fidèles. Augus­ tin, peu rituahstc, n’attache pas d’importance à l’attitude extérieure dans la prière. Il s’en est expliqué (De diutrsfc quaest. ad Simple I-ibcr Π, IV). Passant en revue les différentes attitudes de prière décrites ou suggérées par des textes scripturaires : · Ces exemples me servent de preuves, jl n’y a pas de prescription sur l’attitude de notre corps dans H prière... Quand lo désir de prier naît en nous spontanément, en quelque attitude que nous soyons, il ne faut pas différer la prière pour chercher où nous retirer, où nous tenir debout, où nous prosterner. Le désir de notre Ame crée pour elle la solitude et souvent même nous ne pensons plu* ni vers quelle partie de l’horixon, ni en quelle attitude l’instant de la prière nous a trouvés. · Il souligne ailleurs que l’agenouillement, la prosternation, les bras étendus traduisent la suppli- SERMON 211, § 6 (177-183) 173 des hommes viennent ici, s’agenouillent, frappent leur front contre la terre, ont parfois le visage baigné, inondé de larmes et disent dans cette attitude d’humiliation et de douleur 1 : « Seigneur, venge-moi, tue mon ennemi. « Prie bien pour qu'il tue ton ennemi et qu’il sauve ton frère, qu’il tue son inimitié et qu’il sauve sa personne, oui, prie ainsi pour que Dieu te venge : Que périsse l’ennemi qui te persécutait, que vive le frère qui peut t’être rendu *. cation et n’ont pas une valeur exclusivement religieuse : « En effet, ils repros duisent dans la prière les gestes qui sont propres aux suppliants, quand ilplicnt les genoux, étendent les mains ou même se prosternent contre terre · (Dr cura pro mortuis gerenda Ί). Ces attitudes, tombées en désuétude dans la vie profane, ont été conservées dans le comportement religieux, tandis que la seule attitude A sens religieux : le visage tourne vers rOrient (cf. De serm. dom. in monte II, 18) a disparu des usages chrétiens. Ailleurs encore, en de belles formules, Augustin met au premier plan l’intériorité de la prière, le culte en esprit : Ergo intus age totum... In templo uis orare ? In te ora. Sed prius esto templum dei quia ille templo suo exaudiet orantem (In Io. Eu. 15, 25). Cependant un curieux passage du S. 49,11 explique pourquoi Étienne a prié pour lui debout et pour ses ennemis à genoux, car c’était lâ une tâche plus difficile. A noter que Cyprien recommandait dans la prière une certaine modération de la voix et du geste (De oratione dominica IV). De même Am· broise (De Sacramentis VI, IG). 2. Cf. S. 5G, 14 : « Prie donc contre la méchanceté de ton ennemi. Qu’elle meure et qu’il vive. Si ton ennemi meurt, tu perds un ennemi, mais tu ne recouvres pas un ami. Si au contraire meurt sa méchanceté, tu es débar­ rassé d’un ennemi et tu retrouves un ami. » SERMO CCXH TRACTATVS DE SYMBOLO 1. Tempus est ut symbolum accipiatis quo continetur breuiler, propter aeternam salutem, omne quod creditur. Symbolum autem nuncupatur a similitudine quadam 5 translato uocabulo quia symbolum inter se faciunt mer­ catores quo eorum societas pacto fidei teneatur Et uestra societas est mercium spiritalium ut similes sitis negotiato­ ribus bonam margaritam quaerentibus a. Haec erit caritas quae diffundetur in cordibus uestris per spiritum sanctum IU qui dabitur uobis b. Ad hanc peruenitur ex fide quae isto symbolo contine­ tur ut credatis in deum patrem omnipotentem, inuisibilem, inmorlalem, regem saeculorum, uisibilium et inuisibilium creatorem et quicquid aliud digne do illo uel ratio 15 sincera uel scripturae sanctae auctoritas loquitur. F Collection de Lyon : Paris B. N. η. η. 1.1591 (vu) fol. 1. G Collection de Wolfknbubttel ms. 4U9G (x) Wisscmbourg, fol. 28. p Homlliaire des Sancti Catholici Paires, accord des mss : p1 Paris d. n. 3819 (xn) Colbert. origine inconnue, fol. 128. p2 Troyes υ. μ. 219 (xn) Clairvaux. fol. Ι40ν· p3 Cambridge St. John's College A 21 (xn) origine inconnue, ms. non folioté. p* Londres d. m. Arundel 105 (xji) IMiértes. fol. 117. p* Paris b. n. lat. 80-1 (xn) probablement Tarragonc, fol. 137. maur. Édition des Mauristcs. 1. Inscriptio ex G Incipit alius eiusdem de symbolo v F Sermo beati Augustini episcopi in traditione symboli p j| 3 creditur : creditis F SERMON 212 SERMON SUR LE SYMBOLE 1. Voici pour vous le moment de recevoir le Symbole qui contient en résumé tout ce que l’on croit pour le salut éternel. Le mot symbole, qui est un emprunt (du grec), tire son nom d’une image : les marchands établissent entre eux une pièce justificative, le symbolum, par laquelle ils fondent leur société sur un engagement de mutuelle bonne foi Votre société à vous fait commerce de biens spirituels ; vous devez être comme des hommes d’affaires à la recherche d’une belle pierre précieuse s : la charité, répandue en vos cœurs par l’Esprit-Saint qui vous sera donné b. On parvient à elle par la foi, contenue dans le Sym­ bole, qui vous engage à croire en Dieu, le Père tout puis­ sant, invisible, immortel, roi des siècles, créateur de ce qui se voit et de ce qui ne se voit pas, ajoutez-y tout ce qu’une intelligence droite et l’autorité de la sainte Ecriture peut prononcer qui soit digne de lui. p K 5 «juin : qui /»4 maur. || 6 pacto... «ocictas mi. per homoeot. G || 7 incrcium : commercium F p maur. || S crit : est F p maur. a. Matth. 13, 45 | b. Rom. 5, 5 1. Cf. S. 214» 2 : « Par conséquent on appelle symbole le texte qui renferme la foi ratifiée par notre société et le chrétien fidèle sc reconnaît â «1 profes­ sion, comme ύ un signe donné. · Pour Optât de Mi lève, le symbolum» tes­ tera de reconnaissance» est mis en rapport avec le sceau du baptême : quia vjü sigillum integrum, id est symbolum catholicum non habentes... II, 8. 176 AVOVSTINI HIPPONENSIS Nec ab ista excellentia dei filium separetis..Neque enim sic ista de patre dicuntur ut ab illo aliena sint qui dixit : Ego et paler unum sumus a et de quo apostolus ait : Qui cum in forma dei esset, non rapinam arbitratus est esse 20 aequalis deo b. Rapina quippe usurpatio est alieni, cum illa aequalitas natura sit sui* 1*; ac per hoc quomodo non erit omnipotens filius per quem facta sunt omnia c, cum etiam sit uirlus et sapientia deid de qua sapientia scriptum est quod cum sit una, omnia potest · · ? Est autem etiam 25 ipsa natura inuisibilis, in ea ipsa forma in qua aequalis est patri. Natura quippe inuisibile est uerbum dei quod in principio erat apud deum et deus erat Verbum f, in qua natura etiam inmortalis omnino, id est omni modo incom­ mutabilis manet. Nam et anima humana secundum quen30 dam modum dicitur inmortalis, sed non est ucra inmortalitas ubi tanta est mutabilitas per quam et deficere et proficere potest ; unde mors eius alienari a uila dei per ignorantiam quae est in illa * ; uita ucro eius concurrero ad fontem uitae ut in lumine dei uideallumen * , secundum 35 quam uitam etiam uos per Christi gratiam reuiuiscitis a morte quadam cui renuntiatis. Verbum autem dei quod est unigenitus filius cum patre semper inconmutabiliter 15 sanctae : testimonio add. p5 || 20 aequalis : se aequalem G || 21 >ul om. p maur. || 23 sapientia : in prarm. G om. p maur. J 21-25 etiam ipsa om. F p maur. || 27 apud deum um. p maur. || uerbum om. p maur. || 32 eius : est add. F p maur. || 33 concurrere : recurrere G currere p maur. a. Jn 10, 30 J| b. Phil. 2, 6 || c. Jn 1,3 || d. I Cor. 1, 24 | c. Sag. 7, 27 ( f. Jn 1. 1 U g. Éphés. 4, 18 || h. Ps. 35, 10 1. Le Sermon Guet/. XI. 3, explique ainsi le verset paulinien : · La divt· nité n’était pas un bien volé, puisque c’était pour lui sa nature. Qui la vole en déchoit et veut alors expulser les autres de cc dont il est déchu. Le diable a voulu faire partager son vol à l’homme cl il l’a fait expulser, afin d’avoir comme compagnon dans le châtiment son complice dans la faute. Qui a dit aux hommes : Goûtez et vos yeux s’ouvriront et vous screx SERMON 212, § 1 (16-37) 177 Ne séparez pas le Fils de cette grandeur de Dieu. On ne donne pas des attributs au Père pour les déclarer étrangers à celui qui affirma : « Le Père et moi, nous sommes un a » et dont ΓApôtre a dit : « De condition divine, il n’a pas pensé que son égalité avec Dieu fût un vol b. » Or voler, c’est prendre ce qui n’est pas à soi ; l’égalité dont on parle ici est sienne par sa nature même *. Aussi comment le Fils ne seraU-il pas tout puissant, lui par qui tout a été fait c, bien plus, lui qui est la force et la sagesse de Dieu * 1 dont il est écrit : «Bien qu'unique, elle peut toutc 2. » Par sa propre nature même, il est invisible, du moins en cette condition dans laquelle il est égal au Père. En effet la Parole de Dieu est invisible par nature, « Parole qui était au commencement auprès de Dieu et qui était Dieu 1 ». De plus dans cette nature, il demeure absolument immortel, c’est-à-dire absolument immuable ’. Sans doute on dit aussi que Pâme humaine, d'une certaine façon, est immortelle, mais ce n’est pas là une véritable immortalité qu’une si grande possibilité de changement par quoi on peut et progresser et déchoir ; aussi sa mort est d’être « séparée de la vie de Dieu, par le fait de l’ignorance qui est en elle *» ; sa vie est de courir « à la fontaine de vie » pour « voir la lumière dans la lumière de Dieu h » ; par rapport à cette vie, vous aussi, par la gràcc du Christ, vous retrouvez la vie, en sortant de cette mort à laquelle vous renoncez. Or la Parole de Dieu, qui est le Fils unique, vit avec le Père comme des dieux ? Voilà le vol. Ce vol est le fruit de l’orgueil. Usage illicite, non titre de possession. » 2. Le livre de la Sagesse est appelé en références fréquentes pour les déve­ loppements christologiques. Depuis Justin la tradition chrétienne a presque toujours identifié la Sagesse de Sag. 7. 22 avec le Verbe. 3. U immutabilitas est, pour Augustin, l’attribut primordial de la divinité, air 1’existcnce s’écoule en proie au devenir, seul l'étre demeure sans change­ ment : Esse nomen est incommulabllttalis. Omnia enim guac mutantur desinunt me i/uod erant et incipiunt esse quod non erant. Esse est. S. Ί, 7. Incom· mutabitis est le terme auquel il semble ut tacher le plus d’inqx>rtance dans le vocabulaire apophatique. Ici il emploie aussi inuisibilis» immortalis, qui font partie du texte du symbole d’Hippone. Ailleurs : Verbum incontaminatum, immaculatum, immutabile manet ei integrum. S. 215, 4. Augustin d'Hippone. 12 178 AVOVSTINI HIPPONENSIS uiuit ; nec deficit quia permansio non minuitur nec pro­ ficit quia perfectio non augetur. Est etiam ipse rex saccu40 lorum “, uisibilium et inuisibilium creator ; quia sicut dicit apostolus : In ipso condita sunt omnia in caelo et in terra, uisibilia et inuisibilia, siue sedes siue dominationes siue principatus siue potestates : omnia in ipsum et per ipsum creata sunt et omnia illi constant b. 45 Sed quoniam semelipsum. exinaniuit, non formam dei amittens, sed forman serui accipiens °, per hanc formam serui inuisibilis uisus est, quia natus est dc spiritu sancto ct Maria uirginc, per hanc formam serui omnipotens infirmatus, quia pas50 sus est sub Pontio Pilato ; per hanc formam serui inmortalis mortuus est, quia crucifixus est et sepultus ; per hanc formam serui rex saeculorum dic tertio resur­ rexit ; 55 per hanc formam uisibilium et inuisibilium creator ascen­ dit in caelum, unde numquam recessit; per hanc formam serui sedet ad dexteram patris qui est brachium patris de quo dicit propheta : Et brachium do· mini cui reuelatum est11 ? go in hac forma serui uenturus est iudicare uiuos et mor­ tuos, in qua particeps esse uoluit mortuorum, cum sit uita uiuorurn *. 38 permansio : permansit G | 39 est : et p4 | rex om. Fp maur. J 41 condita .Mint omnia : omnia sunt condita p4 '| 42 sedes : throni F p maur. || 43 ipsum1 : ipso F p maur. || 44 constant : constat F | 47 senii am. G || 48 ct : ex p34 || 49 per hanc ’formam : in hac forma F maur. | omnipotent infirmatus : est add. F paii inf. est omni. : p1 3 maur. |' 55 uisibilium ct inu. : inuisibilium et uls. p3 || 60 uenturus est : uenictp1 | mortuos: mortuus G u. I Tim. 1. 17 I! b. Col. 1, 16-17 |. c. Phil. 2. 7 || d. Is. 53. 1 1. Les articles christologiquo du Symbole inspirent toujours ù Augustin SERMON 212, § 1 (38-62) 179 d’une vie sans changement ; il ne peut déchoir, car l’im­ mutabilité ne soutire pas de diminution, ni progresser, car la perfection ne peut augmenter. Il est lui-même le roi des siècles a, le créateur dc ce qui se voit et dc ce qui ne se voit pas, selon la parole de ΓApôtre : a En lui tout a été créé au ciel et sur la terre, ce qui se voit et ce qui ne se voit pas, Dignités, Seigneuries, Principautés, Puis­ sances, tout a été créé pour lui et par lui et le monde a en lui sa cohésion b. » Mais parce qu'il s’anéantit lui-même, non en perdant la condition de Dieu, mais en prenant une condition d’esclave «, par celte condition d’esclave, l’invisible s’est rendu visible : il est né de Γ Esprit· Saint et dc la Vierge Marie; par cette condition d’esclave, le tout puissant s’est rendu faible : il a souffert sous Ponce Pilate; par cette condition d’esclave, l’immortel est mort : il a été crucifié et enseveli; en celte condition d’esclave, le roi des siècles est ressuscité le troisième jour; en cette condition d’esclave, le créateur de ce qui se voit et de ce qui ne se voit pas est monté au ciel, qu’il n’avait jamais quitté ; en celte condition d’esclave, il est assis à la droite du Père, lui, le bras du Père dont parle le prophète : a Et le bras du Seigneur à qui a-t-il été révélé d ? » ; en cette condition d’esclave, il viendra juger les vivants et les morts, car par elle il a voulu participer au sort des morts, lui, la vie des vivants *. un couplet où le jeu des oppositions prend un caractère pathétique, Cf. S. 214,7 : Oportebat aule.m ul in homine assumpto non solum inuislbilis\uidcrduf\et patri codernus]temporalilcr nascerdur\uerum etiam incomtrcdabilts\ inurdur insupcrabilis\llgno suspenderetur \\ inuMabilis | ctaub con/tyerefur [| ci uila et immortalis\in cruce moreretur. 180 AVGVST1NI HIPPONENSIS Per ipsum nobis spiritus sanctus missus est a patre et ab ipso, spiritus patris et filii, ab utroque missus, a nullo C5 genitus, unitas amborum, aequalis ambobus. Haec trinitas unus deus est, omnipotens, inuisibilis, inmortalis, rex sacculorum, uisibilium et inuisibilium crea­ tor. Neque enim tres deos aut tres omnipotentes aut tres creatores ucl quicquid aliud de dei excellentia similiter 70 dicitur dicimus, quia nec tres dii sed unus deus ; quamuis in hac trinitate pater non sit filius ct filius non sit pater et spiritus sanctus nec filius sit. nec pater, sed ille pater filii, ille filius patris, ille spiritus ct patris et filii. Credite ut intellegatis, nisi enim credideritis, non inlell g tisa x. 73 Ex hac fide gratiam sperate, in qua uobis peccata omnia dimittentur. Hac enim salui erilis — non ex uobis sed dei donum est — non operibus, ne forte quis extollatur b. Ipsius enim eritis figmentum, creati in Christo lesu in operibus bonis quae praeparauit deus, ut in illis ambuletis c et, netuso state deposita induentes hominem nouum . * sitis creatura noua, cantantes canticum nouum ®, hereditatem accep­ turi aeternam per testamentum nouum 2 ; unde etiam post 63 a patro : ct praem. pB '| 6 i utroque : utrisque G || 66 deus est : est deus p1 II inmorlalis om. I' p maur. || 68 deos : dominos p334 o/n. G || mit tres1 om. G [| 69 ucl : aut p maar. |J del excellentia : cxc. dei F p maur. || similiter dicitur : dici potest F p maur. ’| 70 dicimus ont. G || 72 spiritus sanctus : sanctus spiritus F || 73 ct 1 om. p maur. || 75 peccata omnia : omnia pcc, p5 j| 76 dimittentur : dimittuntur G l| luic : hinc Fp maur. ]’ enim om. p3 ;| sed dei : dei enim F p maur. || 77-82 non operibus.unde etiam om. F p maur. | 82 post istam : post hanc etiam F p maur. a. Is. 7, 9 (I b. Éphés. 2, 8-9 || c. Éphés. 2, 10 |( d. Éphés. 4, 24 || e. Apoc. 5, 9 1. Idée et citation fréquentes chez Augustin» cf. S. 43. Cf. Dom Lamoot» « lx Sermon CXXV1 de S. Augustin sur le thème Foi ct Intelligence ct sur la vision du Verbe », 1ÏB 1959, p. 177. Le processus est expliqué ainsi dans la péroraison du De fîdc d symbolo, 25 : « Les brèves paroles du symbole sont connues des fidèles, pour qu'en croyant ils se soumettent à Dieu, que soumis à Dieu Ils aient une bonne conduite, qu’ayant une bonne conduite, ils purifient leur cœur ct que, le cœur purifié» ils comprennent co qu'ils croient. · SERMON 212, § 1 (63-82) 181 C’est par lui que Y*Es prit-Saint nous a été envoyé du Père et de lui-même. l’Esprit du Père ct du Fils, envoyé par l’un et l’autre, sans être engendre d’aucun d’eux, unité des deux, égal aux deux. Cette Trinité est un seul Dieu, tout puissant, invisible, immortel, roi des siècles, créateur de ce qui se voit et de ce qui ne se voit pas. En effet, nous ne disons pas qu’il y a trois Dieux, ni trois Tout Puissants, ni trois Créa­ teurs ou quoi que ce soit de semblable qui puisse être dit de la grandeur de Dieu. Ils ne sont pas trois Dieux, niais un seul Dieu. Dans cette Trinité cependant, le Père n’est pas le Fils, le Fils n’est pas le Père, l’EspritSaint n’est ni le Fils ni le Père ; mais l’un est le Père du Fils, l’autre le Fils du Père et le troisième l’Esprit ct du Père et du Fils. Croyez pour comprendre ; si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas a *. A partir de cette foi, espérez la grâce dans laquelle tous vos péchés seront remis, car c’est « d’elle, non des œuvres, que viendra votre salut. Il est un don de Dieu, non de vous-mêmes ; que personne n’aille s’enorgueil­ lir b ! » Vous allez être « son ouvrage, créés dans le Christ Jésus, dans les œuvres bonnes que Dieu a disposées pour que vous marchiez parmi elles °» et qu’après avoir dépouillé la vétusté, revêtus de l’homme nouveau d, vous soyez créatures nouvelles, chantant un cantique nou­ veau ®, prêts à recevoir l’héritage éternel, selon le Testa­ ment nouveau *. Aussi, même après la mort qui s’est. 2. c Chantez nu Seigneur un cantique nouveau. Vieil homme, vieux can­ tique ; homme nouveau» cantique nouveau ; Ancien Testament, ancien can­ tique ; Nouveau Testament, nouveau cantique. L'Ancien Testament contient des promesses temporelles et terrestres. Ceux qui aiment les biens de la terre chantent l'ancien cantique ; pour chanter le cantique nouveau» il faut aimer les biens éternels. Cet amour est à la fois étemel ct nouveau. Toujours nou­ veau parce qu’il ne vieillit Jamais... L’homme a vieilli par suite du péché. 11 sc renouvelle par la grâce. Tous ceux qui sont revouvelés par le Christ chan­ tent un cantique nouveau et commencent ainsi à s’établir dans la vie éter­ nelle. > (Enarr. in Ps. 149» I, traduction J. Perret dans .Saint Augustin. Prier Dieu. Les Psaumes, Paris 19G4, p. 85). Pour l’étude du thème cf. H. Rondet» • Le thème du Cantique Nouveau dans l'œuvre de S. Augustin t dans L'homme deiO/if Dieu (Mélanges offerts au Père H. de Lubac), Paris 1964» p. 341-353. 182 85 &0 95 100 AVGVSTINI HIPPONENSIS istam mortem quae in omnes homines pertrânsiit * quae uctustati primi hominis debetur et redditur, sperate etiam in fine uestrorum corporum resurrectionem, non ad pas­ siones dolorum, sicut resurrecturi sunt impii, nec ad gau­ dia carnalium desideriorum, sicut putant stulti, sed sicut apostolus ait : Seminatur corpus animale, resurget corpus , * spiritale ubi spiritui beatificato sic erit subditum cor­ pus et ad omnem facilitatem mira felicitate subicctum, ut iam non a-sgrauel animam c nec ullam quaerat refectio­ nem, quia nullam patietur defectionem, sed maneata in aeterna uita ubi spiritui nostro cum corpore erit ipsa aeternitas uita. 2. Hunc igitur breuem sermonem de uniuerso symbolo uobis debitum reddidi. Quod symbolum cum audieritis totum, istum sermonem nostrum breuiter collectum reco­ gnoscetis. Ncc ut eadem uerba teneatis, ullo modo scri­ bere debetis, sed audiendo perdiscere 3, ncc cum tenueritis scribere, sed memoria semper tenere atque recolere. Quicquid enim in symbolo audituri estis, iam diuinis sanc­ tarum scripturarum litteris continetur et omnia carptim ubi opus erat soletis audire. Sed quod ita collectum et in for­ mam quandam redactum non licet scribi, commemoratio 83 omnes om. F || homines om. p maur. | pcrtnmsHt : pcrtranslt F p maur. || 88 resurget : surget F p maur. || 89-90 ubi spiritui... subicctum om. F p maur. || 92-94 sed manent... uita om. F p maur. |' 95 hunc : hinc p2 maur. ]| igitur om. G |’s 96 quod symbolum : in quo symbolo p maur. || cum : quod F p maur. |[ 97 istum sermonem nostrum : in Isto sermone nostro F p maur. J recognoscetis : agnoscetis Fp1234 cognoscetis ps || 98 uerba : symboli add. F p maur. || 98-99 scribere debetis : debetis scri­ bere p maur. || 99 tenueritis : didiceritis p maur. | 100 recolere : recole (re 2 m) G || 101 enim om. p3 |’ iam : hoc F om. p maur. in add. F p maur. || sanctarum : sacrarum F p maur. | 102-103 ct omnia.·, audire om. F p maur. n. Rom. 5, 12. |f b. I Cor. 15, 41 || c. Sag. 9, 15 1. Cette citation sert particulièrement dans la polémique antl-péhgicnne. cf. Sermon 153.14 : - Pertronsîfi, fixez votre attention sur le verbe que vous SERMON 212, § 1-2 (83-104) 183 transmise 1 à tous les hommes a et qui. duc à la vétusté du premier homme, lui est payée, espérez en outre, à la fin. la résurrection de pos corps, non pour souffrir des peines comme les impies ressuscités, ni pour la jouis­ sance de désirs charnels, comme il en est qui se l’ima­ ginent sottement, mais, selon le dire de ΓApôtre : « semé corps charnel surgira un corps spirituel h », dans lequel le corps sera si bien soumis à l’esprit glorifié et son obéis­ sance, par un singulier bonheur, si aisée qu’il n’alourdira plus fame c et n’aura plus besoin de se refaire, puisqu’il ne souffrira plus de se défaire, mais demeurera 1 dans une vie éternelle, celte vie qui, pour notre esprit uni à notre corps, sera l’éternité même. 2. Avec cc bref entretien sur l’ensemble du Symbole, je me suis acquitté envers vous. Quand vous allez entendre l’énoncé du Symbole, vous y reconnaîtrez, brièvement résumé, mon entretien tout entier. Quant aux mots eux-mêmes, vous ne devez absolument pas les écrire pour les retenir, mais continuer à les apprendre en les entendant réciter *. Et il ne faut pas non plus les écrire une fois que vous les aurez appris, mais toujours les garder dans votre mémoire et vous les répéter. D’ailleurs tout ce que vous entendrez dans le Sym­ bole est contenu dans les pages de la sainte Écriture et vous l’entendez de façon habituelle, en entier, non de façon suivie, mais selon l’opportunité ; cependant sis dans ce résumé et sous cette forme réduite, il n’est pa, permis de l’écrire, c’est en souvenir de la promesse de venez d’entendre ; examinez» remarquez bien ce que signifie pertransiit. PerlransltL.. et par 1Λ le petit enfant est coupable. sans avoir encore commis de péché, mais en traînant avec lui le péché. Car cc péché n’est pas resté dans sa source ; periransiit..., non seulement Λ Ici ou tel» mais Λ tous les hommes. · 2. Par le sens très fort qu’il donne à manere, le prédicateur exprime que l'homme échappe ainsi pour toujours au tragique de son destin. Le terme, souvent associé à l'attribut suprême de la divinité, l'ütcormnu/aàifites. se ré­ féré au verset de la Sagesse. 7, 22, dont 11 a été parlé plus haut : In se ipsa manens, innouat omnia. 3. Pour le texte du symbole d’Hippono et le rôle des fidèles dans l’ins­ truction des competentes, voir Introduction, p. 63 et 26. AVGVSTINI HIPPONENSIS iit promissionis dei ubi per prophetam praenuntians tes· tamentum nonum dixit : Hoc est testamentum quod ordi­ nabo eis post dies illos, dicit dominus, dans leges meas in mentem eorum et in cordibus eorum scribam eas a. Huius rei significandae causa, audiendo symbolum, non in tabu­ 110 lis uel in ulla alia materia sed in cordibus scribitur. Prae­ stabit ille, qui uos uocau.it ad suum regnum et gloriam ”, ut cius gratia regeneratis uobis etiam spiritu sancto scribatur in cordibus uestris c ut quod creditis diligatis et fides in uobis per dilectionem opereturd ac sic domino deo largi­ 115 tori bonorum omnium placeatis, non serui liter timendo poenam, sed liberaliter amando iustitiam. Hoc est ergo symbolum quod uobis per scripturas et sermones ecclesiasticos iam catechuminis insinuatum est, sed sub hac breui forma fidelibus confitendum 1 ct profi­ 120 ciendum est. 105 107 post. : per F || dans : dando F P maur. [| leges meas : legent meam p maur. |[ in mentem : in mente p maur. | 108 in cordibus : in corde p maur. || scribam : scribo G J| eas : eam p maur. || 109 symbolum : discitur add. F p maur. || non : nec F p maur. || 110 ulla alia : aliqua F p maur. || in cor» discitur p134 I 113 dibus : in corde F p maur. | scribitur : disciuit p2 fides : fidem G || in uobis om. F p maur. |, 11-1 operetur ; in uobis add. F p maur. |' 116 iustitiam explicit F || 118 iam catechuminis om. p maur. cathecumlnls G | 119 confitendum : consistendum p maur. a. Jér. 31, 33 Π b· I Thcss. 2, 12 | c. II Cor. 3, 2 'J d. Gai. 5, 6. SERMON 212, § 2 (105-120) 185 Dieu, quand il annonça en prophétie le Nouveau Testa­ ment : « Voici le Testament que j’instituerai pour eux après ces jours, dit le Seigneur, donnant mes lois à leur intelligence je les écrirai dans leurs cœurs a. » En témoi­ gnage de quoi, c’est en entendant prononcer le Symbole qu’on l’écrit, non sur des tablettes ou sur quelque autre matière, mais dans les cœurs. Ce sera l’œuvre de celui qui vous a appelés à son royaume ct à sa gloire b. quand il vous aura régénérés par sa grâce, d’écrire en vos cœurs par son Esprit-Saint °, afin que vous aimiez ce que vous croyez, que la foi agisse en vous par l’amour d et qu’ainsi vous puissiez plaire au Seigneur Dieu, dis­ pensateur de tous biens, non par une crainte servile du châtiment, mais par un libre amour de la justice. Tel est donc le Symbole dont le contenu vous a déjà été enseigné par les Écritures et les entretiens de vos prêtres quand vous étiez catéchumènes, mais qui sous cette forme résumée vous servira, devenus fidèles, pour votre profession de foi 1 et votre progression dans la foi. 1, Il ne s’agit pas seulement ici de la profession de fol solennelle commo rite du Baptême : dans le De fide cl symbolo, la profession do foi est ordonnée au témoignage : « Nous no pouvons être sauvés si nous ne travaillons pas, nous aussi, au salut de nos proches, en professant de bouche la fol que nous portons en nos cœurs · ( De flde et symbolo 1). SERMO LIX TRACTATVS DE DOMINICA ORATIONE 1. Reddidistis quod credatis, audistis quid oretis. Quo­ niam inuocarenon possetis in quem non credidissetis, apos­ tolo dicente : Quomodo inuocabunt in quem non credide· srunt·?, ideo prius symbolum didicistis1 ubi est regula fidei uestrae breuis ct grandis, breuis numero uerborum grauis pondere sententiarum. Oratio autem quam hodi accepistis tenendam et ad octo dies reddendam, sicut au distis cum euangelium legeretur, ab ipso domino tradit 10 est discipulis ipsius et ab ipsis peruenit ad nos, quoniai in omnem terram exiit sonus eorum b. 2. Ergo nolite inhaerere terrenis qui patrem inucnisti in caelis. Dicturi enim estis : Pater noster qui es in caeli Ad magnum genus pertinere coepistis. Sub isto patro 15 fratres sunt diucs Ct pauper, sub isto patre fratres sunt (i Collection de Wolfbnbvbttrt. ins. 409G (x). Wissembourg, fol. 37. p Homiliairc des Sancti Catholici Paires, accord des mss : p» Paris η. N. lat. 3810 (xn) Colbert, fol. 128 *. p3 TnOYRS η. μ. 219 (xn) Clairtraux, fol. 141v. p3 Cambridgr St John's Coll. Λ. 21 (xn), ms. non folioté, à la suite du Serm. 212. p* Londres b. m. Arundel 105 (xn) Hohtrles, fol. 117. p3 Paris b. n. lat. SOI (xn) probabl. Tarragone, fol. 137v. eacs. Césairc d’Arles, sermon 117, Corpus Christianorum Civ, p. 602 matir. Édition des Mauristes 1 Inscriptio ex G Fcria III. Sermo beati Aug. Ep. de oratione domi­ nica p Π 2 credatis : creditis p133* maur. credidistis p$ ,| audistis : audite SERMON 59 SERMON SUR LA PRIÈRE DU SEIGNEUR 1. Vous venez de réciter ce que vous devez croire, vous avez entendu ce que vous devez demander dans la prière. Vous ne sauriez invoquer celui en qui vous n’au­ riez pas cru, comme dit l'apôtre : «Comment invoquerontils celui en qui ils n’ont pas cru n ? », aussi vous avez d’abord appris le symbole », qui est la règle de votre foi, brève ct grande tout ensemble. Brève par le nombre des mots, importante par le poids de leur signification. Quant à la prière que vous avez reçue aujourd’hui pour la retenir et la réciter dans huit jours, le Seigneur, comme vous l'avez entendu à la lecture de l’évangile, l’enseigna lui-même à ses disciples et, par eux, elle est parvenue jusqu'à nous, car « leur voix s'est répandue par tout l’univers b ». 2. Donc ne vous attachez pas à ce qui est de la terre, vous qui avez trouvé un père dans les cicux. Car vous direz à l'avenir : « Notre Père qui es dans les cîeux. » Vous allez appartenir à une grande famille. Devant ce père le riche et le pauvre sont frères, devant ce père le p eues. maur. || quid : quod p5 || 3 possetis : potullMlis p | 7 grauts: Rrandlspcwx. maur. || S accepistis: nccipitis p maur. ,| tenendam : retinenda est p || dies on», p5 |î reddendam : -da p dies add. ρ^ || 9 tradita : data p maur. dicta tacs. || 11 exiit : cxiuit p1 S46 caes. || 15 dlues et pauper : dominus et seruus p tacs. maur. a. Rom. 10, U || b. Ps. 18, 5 1. C’est l’Orrfo aedificationis, ct. S. 5G. 1 : 57, 1 ; 58. 1. 188 20 25 30 35 40 AVOVSTINl HIPPONENSIS dominus et senius, sub isto patre fratres sunt imperator et miles. Omnes christiani fideles diucrsos in terra habent patres, alii nobiles, alii ignobiles, unum ucro patrem inuocant, qui est in caelis. Si ibi est pater noster, ibi nobis praeparatur hereditas. Talis est autem iste pater cum quo possideamus quod donat. Dat enim hereditatem, sed non moriens illam nobis reliquit, non enim ipse discedit ut nos succedamus, sed ille permanet ut nos accedamus1* . Quia ergo aud inimus a quo petamus, sciamus et quid pe­ tamus, ne forte talem patrem mala petendo offendamus. 3. Quid ergo nos docuit dominus lesus petere a patre qui est in caelis ? Sanctificetur nomen tuum. Quale benefi­ cium est quod petimus a deo ut sanctificetur nomen eius, quare non potest fieri ut nomen eius sanctum non sit ? Nomen dei semper est sanctum ; quare ergo petimus ut sanctificetur, nisi ut nos per illum sanctificemur ? Quod ergo semper sanctum est ut in nobis sanctificetur oramus. Sanctificabitur in uobis nomen dei quando baptizabimini. Vtquid hoc orabitis et cum baptizati fueritis nisi ut quod acceperitis perseueret in uobis ? 4. Sequitur alia petitio : Adueniat regnum tuum. Siue petamus siue non petamus uenturum est regnum dei ; quare ergo petimus nisi ut ueniat et nobis quod uenturum | est omnibus sanctis, ut et nos deus in numero sanctorum suorum habeat quibus uenturum est regnum eius ? 16 dominus et senius : imperator et miles p caes. maur. || imperator et miles : pauper et dines p dlues et pauper caes. maur. || 22 nobis : nobis nobis p3 |i reliquit : derelinquit p caes. maur. | discedit : decedit cues. || 23 ut nos succedamus : ut nos accedamus p om. maur. |! ut nos accedamus om. p* | 24 Quia : qui <-a 2 m.) G || 25 mala : male p maur. || 26 nos : uosp4 || lesus : Christus add. p. maur. || 29 quare... sanctum (non add. 2 m.) sit G om. p caes. maur. | 31 per illum : per ipsum p cars maur. [| 33. sanctificabitur : bi exp. G sanctificatur p cars. maur. || in uobis : in nobis G || baptizabimini : baptizamur post core. G baptizamini p caes. maur. '| 34 et om.p.cacs. maur. | 35 acceperitis : accipietis pmaur. acci­ pitis caes. H 36 alia : et praern. p14 | Adueniat : Veniat maur. |’ tuum om. p3 1. i Fils de Dieu» voyez quel Père vous avez tronvé.Chrétlens, voyez quel héritage vous est promis. Non Λ la façon de la terre oû les fils ne peuvent SERMON 59, § 2-1 (16-40) 189 maître et l’esclave sont frères, devant ce père le général et le simple soldat sont frères. Les fidèles chrétiens, tous tant qu’ils sont, ont sur terre des pères de conditions diverses, les uns nobles, les autres non, mais ils invoquent un seul père qui est dans les cieux. Si c’est là qu’est notre père, c’est là que se prépare notre héritage. Or notre père est tel que nous posséderons avec lui ce dont il nous fait largesse. 11 nous donne son héritage, mais il n'a pas besoin de mourir pour nous le laisser. Il n’a pas à nous quitter pour que nous lui succédions, mais il demeure pour que nous le rejoignions x. Par conséquent, après avoir appris à qui demander, sachons en outre que demander, car il ne faudrait pas risquer d’offenser un tel père par de mauvaises demandes. 3. Qu’est-ce que le Seigneur Jésus nous apprit à deman­ der au père qui est dans les cieux ? « Que ton nom soit sanctifié. » Quel bienfait demandons-nous là à Dieu : que son nom soit sanctifié, puisqu’il est impossible que son nom ne soit pas saint ? Le nom de Dieu est toujours saint ; pourquoi donc demander qu’il soit sanctifié, sinon pour que nous soyons, nous, sanctifiés par lui ? Ce nom de Dieu qui est toujours saint, nous demandons que ce soit en nous qu’il soit sanctifié. C’est au moment de votre baptême que sera sanctifié en vous le nom de Dieu. Et pourquoi ferez-vous encore cette demande après avoir été baptisés, si ce n’est pour que demeure en vous le don que vous aurez reçu ? 4. Suit une autre demande : « Que ton règne vienne. » Que nous le demandions ou que nous ne le demandions pas, le règne de Dieu viendra. Pourquoi donc le demander, sinon pour qu’il vienne, pour nous aussi, ce règne de Dieu qui viendra pour tous les saints, sinon pour que Dieu nous compte, nous aussi, au nombre des saints pour qui viendra son règne ? hériter de leurs parents que lorsque ceux-ci sont morts. Sur la terre, personne ne possède l’héritage de son père, si ne n’est d’un père mort. Nous au con­ traire. c’est du vivant de notre père que nous posséderons ce qu’il nous don­ nera, car notre père ne saurait mourir. Je vais plus loin, je dis plus et je dis vrai : notre père sera lui-même notre héritage » (S. 146,1). 190 45 50 55 CO 65 AVGVSTINI HIPPONENSIS 5. Dicimus tertia petitione : Fiat uolunlas tua sicut in caela et in terra. Quid est hoc ? Vt quomodo tibi seruiunt angeli in caelo, et nos tibi seruiamus in terra. Angeli autem ipsius sancti obediunt illi, non illum offendunt, faciunt iussa ipsius amando cum. Hoc ergo oramus ut et nos prae­ ceptum dei caritate faciamus. Iterum uerba ista et aliter intelleguntur : Fiat uolunlas tua sicut in caelo et in terra. Caelum in nobis anima est, terra in nobis corpus est. Quid est ergo : Fiat uoluntas tua sicut in caelo et in terra ? Sicut nos audiuimus praecepta tua, sic nobis consentiat caro nostra, ne dum contendunt caro et spiritus praecepta dei minus implere possimus. Tamen, carissimi, quando caro concupiscit aduersus spiritum “, quasi terra contra caelum, concupiscat contra illam ct spi­ ritus ne terra dciciat caelum ». Et si non possumus tollere istam contentionem, negemus assensionem. Intelleguntur ista uerba etiam sic : Fiat uolunlas tua sicut in caelo et in terra. Caelum fideles sunt, qui induerunt ima­ ginem hominis caelestis id est Christi. Infideles autem, quoniam portant imaginem terreni hominis b, terra appel­ lantur. Quando ergo dicimus : Fiat uolunlas tua sicut in caelo et in terra, hoc dicimus patri nostro bono : Quomodo in te crediderunt fideles, credant et infideles. Ac sic disci­ mus orare pro inimicis nostris. 6. Sequitur in oratione : Panem nostrum cottidianum da nobis hodie. Siue exhibitionem corpori necessariam peta­ mus a patre, in pane significantes quicquid nobis est neces41 tertia petitione : tertiam petitionem p |’ 45 ipsius om. p cars. maur. |] et no$ : nobis p || 45 praeceptum : -ptu p cars maur. |' 46 del om. P || caritate : -tatis p® i| 47 c( Ofn. fi maurt || 48-50 Caelum... in terra om. per hcmwot. p I 50 sicut : et add. p cues. maur. [| audiuimus : audimus p234 cats. maur. [| 52 Tamen : fratres add. G. |, 52-64 Tamen... nostris om. p caes. maur. | 63 credant correxi credamus G || 67 nobis est : est nobis p5 a. Cf. Gal. 5, 17 || b. Cf. I Cor. 15, 17 SERMON 59, § 5-6 (41-67) 191 5. Nous disons dans une troisième demande : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Qu’est-ce à dire ? Comme les anges te servent dans le ciel, que nous aussi nous te servions sur la terre. Or ses saints anges lui obéissent, ne l'offensent pas, exécutent ses ordres en l’aimant. Par conséquent, nous demandons nous aussi d’accomplir le commandement de Dieu par amour. On peut encore comprendre d’une autre manière les paroles : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Le ciel en nous c’est notre âme et la terre notre corps. Que signifie donc « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel » ? Comme nous avons entendu tes commandements, de même, que notre chair nous donne à son tour son assentiment pour que, dans le temps où luttent la chair et Γ esprit, nous n’en puissions pas moins remplir les préceptes de Dieu. Cependant, très chers, lorsque la chair convoite contre l’esprita, comme la terre contre le ciel, que l’esprit à son tour convoite contre la chair, pour que la terre ne renverse pas le ciel l. Et si nous ne pouvons supprimer ce dissentiment, refusons notre assentiment. On peut encore entendre ces paroles : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », de la façon sui­ vante : le ciel, ce sont les fidèles qui ont revêtu la res­ semblance de l'homme céleste, c’est-à-dire du Christ. Tandis que les infidèles, puisqu’ils portent la ressem­ blance de l’homme terrestre b, sont appelés terre. Par conséquent, lorsque nous disons : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », nous disons à notre bon père : Que les infidèles aussi croient en toi, comme y ont cru les fidèles. Et ainsi nous apprenons à prier pour nos ennemis. 6. Vient ensuite dans la prière : « Donne-nous aujour­ d'hui notre pain de chaque jour. » Soit que nous deman­ dions au père la subsistance nécessaire à notre corps — pain signifiant tout ce qui nous est nécessaire —soit 1. Ct. Cypricn, De oralivne dominie* 16. 192 AVGVSTINI HIPPONENSIS sarium, siuc cottidianum panem illum intellegamus quem accepturi estis dc altari, bene petimus ut det nobis hodie, 70 id est hoc tempore. Hoc enim tempore est necessarius quando esurimus 1 ; cum autem in alia uita erimus, peri­ bit fames, numquid opus habebimus petere panem ? Siue istum panem quem dixi de altari nos accipere, bene ora­ mus ut det nobis eum. Quid est enim quod oramus nisi ne 75 aliquid mali admittamus unde a tali pane separemur? Et uerbum dei quod cottidie praedicatur panis est2. Non enim quia non est panis uentris, ideo non est panis men­ tis. Cum autem uita ista transierit nec panem illum quae­ remus quem quaerit fames, nec sacramentum altaris habe­ 80 mus accipere, quia ibi erimus cum Christo cuius corpus accipimus, nec uerba ista nobis dici habent quae dicimus uobis nec codex legendus est, quando ipsum uidebimus quod est uerbum dei, per quem facta sunt omnia, quo pascuntur angeli, quo inluminantnr angeli, quo sapientes 85 fiunt angeli, non quaerentes uerba locutionis anfractuo­ sae sed bibentes unicum uerbum et inde impleti ructant laudes3 et non deficiunt in laudibus. Beati enim, ait psalG8 panem illum : illum panem p’ || Intellegamus : intellegimus p8 || 69 altari : td turio G dei add. G || bone petimus : pct. bonum p9 pct bene cats. || 69-74 hodie... nobis om. per homoeot. p cats, maitr. || 75 ali­ quid mali : mall aliquid p caes. maur. || 78 autem om. p |; quaeremus : que· rimus G j| SO ibi : om. p || 81 accipimus : accepimus p15 || ista nobis : nobis ista p* caes. maur. '| dicimus: -ximus p1 || 82 ipsum : om. p* || uidebimus : uidemus G || 83 quem : quod p edes. maur. || 86 sed un. uer. bibentes transp. p5 H et om. p4 maur. (| inde : unde p maur. || ructant : eructuant p ructuant enes. maur. || 87 laudes om. p | et non ... enim om. p 1. · La nécessité a donné son nom au nécessaire. Iji nourriture dont nous usons nous est nécessaire ; elle nous est nécessaire pour soutenir notre vie terrestre; or il est, lui, la meilleure nourriture du courage et dc la sagesse, pain vivant, refaisant toujours les forces, ne se défaisant jamais. Voilà la nourriture la meilleure, l'autre est la nourriture nécessaire · (S. Denis 13, 7). 2. · Et la Parole de Dieu que l'on vous ouvre chaque jour, que l'on vous rompt en quelque sorte, est aussi un pain quotidien. Nos esprits ont faim «le lui. comme dc l’autre pain nos corps · (S. 58, 5). Ce que je vous apporte est aussi un pain quotidien, pain quotidien les lectures faites clinque jour dnn* SERMON 59, § 6 (68-87) 193 que nous comprenions par pain quotidien celui que vous recevrez, dc l'autel, il est bon de faire cette demande a aujourd'hui », c’est-à-dire en ce temps présent. Car le pain nous est nécessaire en ce temps, quand nous avons faim Quand nous serons dans l’autre vie, c’en sera fini dc la faim. Qu’aurons-nous besoin de demander du pain ? Quant au pain dont j’ai dit que nous le recevons de l’autel, il est bon de demander qu’il nous soit donné. Que demandons-nous en effet sinon de ne commettre aucun mal qui nous séparerait d’un tel pain ? La parole de Dieu qui nous est annoncée chaque jour est, elle aussi, du pain *. Si ce n'est pas du pain pour l'estomac, n'est-ce pas du pain pour l'intelligence ? Or quand cette vie aura passé, nous ne chercherons plus le pain que réclame la faim. Et nous n’aurons plus à rece­ voir le sacrement de l'autel, puisque nous serons là avec le Christ, dont nous recevons le corps, et nous n’aurons plus à prononcer les paroles que nous vous annonçons ni à lire le livre, quand nous verrons en personne la Parole de Dieu, par qui tout a été fait, dont se nourrissent les anges, qui illumine les anges et par qui les anges acquiérent la science, non pas en scrutant les paroles d’une langue tortueuse, mais en buvant l’unique Parole dont l’ivresse les fait éclater en louanges 3, sans qu’ils puissent s’épuiser de louanges. « Bienheureux, dit le rassemblée, pain quotidien les hymnes que vous entendez et que vous réci­ tez ■ (.$ *. 57, 7). Ct. Tkhtuluen. De oratione VI : · Lo Christ est notre pain, car le pain est vie et le Christ est vie. > /Illusion peut-être au nom que les fidèles de langue punique donnaient ù l’eucharistie : la Vie ; cf. Augustin, Dc peccatorum meritis ct rem. I, 34: Optime Punici Christiani... sacramentum corporis Christi nihil aliud quam uitam uocant. 3. Ructare (ou eructare) est un des vulgarismes qui ont été curieusement *ennobli par les versions latines de la Bible et que, pour cette raison, Jérômo a conservés (cf. Ch. Mohrmanx, ■ Les éléments vulgaires du latin des chré­ tiens », Vigiliae Christianae 1918, p. 89-101 ct 163-184). Augustin emploie souvent le terme à propos dc Jean l'apôtrc : ... quae praedicando ructaret de fonte dominici pectoris solus bibit. Cf. aussi En. in Ps. 144, 9 où l’image est 616c dans le goût baroque : Denique ille auidissimus epulator Joannes aposto­ lus, eui non sufficiebat ipsa mensa domini nisi discumberet super peclus domini et de arcano eius biberet diuina secreta, quid eructauit ? In principio erat uerbum. Augustin d'Hippone. 13 194 AVGVSTINl HIPPONENSIS mus, qui habitant in domo tua, in saecula saeculorum lau­ dabunt te a. 90 7. Ergo et in hac uita pet imus ct quod sequitur : Dimitte nobis debita nostra. In baptismo omnia debita uestra, id est peccata, prorsus omnia dimittentur uobis. Sed quia nemo hic potest uiuere sine peccato, et si non magno cri­ mine unde separetur ab illo pane, tamen nemo potest sine 95 peccatis esse in hac terra — et non possumus accipere nisi unum baptismum semel - in oratione autem accipimus unde coltidie lavemur 1 ut nobis peccata nostra cottidic di­ mittantur, sed si facimus quod sequitur : sicut et nos dimit­ timus debitoribus nostris. Itaque, fratres mei, moneo uos : 100 filii dei eritis non cuiuscumqnc hominis magni. Numquid dignatur aliquem nostrum alliliare comes uester2? Diuina gratia omnes filios fecit. Ergo quia cottidic dicturi estis etiam post baptismum et magis post baptismum — non 90 et1 om. p cars. maur. |' ot2 om. p cars. maur. | 91 nostra : sicut et no· dimittimus debitoribus nostris add. p cars. maur. || uestra om. pcaes. maur. || 91-125 in baptismo... habentur : locum expilauit auctor sermonis « de effeta· Hone » in codice Toletano (Londres BM. add. 30823, fol. 55V-5G) nonnullis omissis uel pro libilu nudatis cuius lectiones uarianlcs nobis nullius simi momenti || 92 omnia om. maur. || dimittentur : dimittuntur p cacs. maur.gt uobis : nobis p cues. maur. '| 93 hic potest : potest hic p || si non : sine p J 94 nemo potest om. per scissuram p1 || -nde separetur om. per scissuram p1 K sine : absquep || 96 autem om. p cars. maur. |l accipimus: accepimm p3 II 97 peccata : debita pi [j dimittantur : lauemur p1 || 98 facimus : fa­ ciamus p ares maur. a. Ps. S3, 5. 1. Comme un lavement des pieds pour celui qui est déjà mundus : QuoiWt igitur pedes lauat nobis qui interpellat pro nobis (/n lo. Eu. 56, 4). 2. La qualification de Cornes signifie à l'origine ami du prince. Elle dési­ gnait des officiers auxquels étaient confiées des charges diverses, aux divers degrés de la hiérarchie des fonctionnaires impériaux (cf. F. Lot. La lin de monde antique et le début du moyen-âge, · L’évolution de l’humanité », Paris 1927, p. 18. 101» 104 s.). En fait, dans la bouche d’Augustin, cornes peut si­ gnifier d’abord le haut personnage qu'était le Comes Africae : placé à la tête des forces militaires du diocèse d'Afrique, son pouvoir l’emportait en étendue et en puissance effective sur celui des administrateurs civils, le Vicaire cl l* Proconsul. Il ne peut être question ici du Cornes Mauretaniae, qui commaft» SERMON 59, § 6-7 (88-103) 195 Psaume, ceux qui habitent dans ta maison, dans les siècles des siècles ils te loueront a. » 7. Donc, en cette vie-ci nous demandons encore ce qui vient ensuite : « Remcts-nous nos dettes. » Dans le baptême, toutes vos dettes, c’est-à-dire vos fautes, vous seront remises, absolument toutes. Mais parce qu’ici nul ne peut vivre sans péché et, même s’il ne s’agit pas d’une grande faute qui nous séparerait du pain dont nous parlions, comme nul ne peut vivre sur cette terre sans commettre de péchés et nous ne pouvons rece­ voir qu'un seul baptême, une seule fois — c'est dans la prière que nous recevons ce qui nous lave chaque jour afin que chaque jour nos péchés nous soient remis. Mais à la condition suivante : « comme nous remettons à nos débiteurs ». Aussi je vous avertis, mes frères... Vous allez être fils de Dieu, non d’un quelconque grand homme. Votre comte 2 daigne-t-il adopter l’un de vous ? La grâce de Dieu fait, de vous tous, scs fils. C’est pourquoi, puisque chaque jour vous direz... - même après le baptême et doit aux forces de la Mauritanie Tingitane (diocèse d'Espagne) (cf. E. I)uMOUCF.OT, De l'unité à la division de l’Emptre Romain, Paris 1951, p. -197, note 13). Le terme peut aussi renvoyer à un des subordonnés du Comte d’Afrique, par exemple au Cornes limitarius de Numldte (G. Humbert, Article Cornes, Dnremberg et Sagllo. Did. des Ant. grecques et latines). Parmi les Comites Africae, qui se sont succédés de 393 à 430, Augustin parle de Gildon de déplorable mémoire (Contra Lût. Pet. 2, 134), de Gaudentius (De. du. Dei 18,541), de Bathanairc, le beau-frère de Stlllcon (De du. Dci 21, 4, 4). En 413, après la révolte du Comte Heraclianus, le Comte Mariaux joue un rôle sinistre dans Γη (Taire de Marcellus (Epist. 151). Vers 418, Augustin entretient des relations cordiales avec le tribun Boniface qui deviendra Comte d’Afrique â wn tour (Epist. 220). Quand ce haut dignitaire assiste au sermon (Λ Car­ thage), le Notarius prend soin de mentionner sa présence : praesente comite Bonifacio (S. 94). Les Lettres 113,114,115 montrent les démêlés de l’évêque, à la suite d’une arrestation opérée a Hippone, avec un comitis officialis. Une énumération de pouvoirs publics comprend le titre de Comte : Quam multi enim firtdes, quam multi boni et magistratus sunt in duitatibus suis ct indices sunt d duces sunt et comites sunt et reges sunt (En. in Ps. 61, 8). Augustin rencontre, pour un colloque théologique, un autre grand personnage qui porte aussi le titre de Comte, Pasccntius, doznur regiae cornes (Epist. 238-241). Il fait une fois allusion à un Comte Peregrinus, fonctionnaire de moins haut Wng (Epist. 227). 196 AVGVSTÏNI HIPPONENSIS enim orabitis hanc orationem nisi post baptismum, ad octo 105 enim dies reddituri illam estis non oraturi ; post baptismum illam orabitis, quomodo enim dicit pater noster qui nondum est natus ? — quia ergo hanc orationem cottidie dicturi estis, moneo uos. in dei gratia filios meos ct sub illo patre fratres meos, moneo uos ut quando uos aliquis offen­ 110 dit et peccat in uos et uenit et confitetur et petit a uobis ut ignoscatis illi, continuo ex corde dimittatis, ne uobis a deo ueniam ucnientem uos prohibeatis ‘. Si enim non di­ mittitis uos nec ille dimittet uobis. Et hoc uobis dicit deus : luste a me petitis ueniam qui peccare non possum 115 et, cum in me peccatum nullum possit inucniri, tamen ignosco et uos non uultis ignoscere. Ecce concedo, nolite ignoscere. Agite ergo ut non in uobis in ueniam quod cogar uindicare. Licet tibi uindicari de homine qui tc offendit. Sed ueniam petit. Inimicus fuit sed petendo ueniam fran­ 120 git inimicitias. Sed nolo, inquis, uindicari uolo. Observa ne uindicetur in tc. Vindicari uis peccatum, homo qui habes peccatum. Vide ne in te uindicet in quo non potest inueniri peccatum. Ergo et hoc in ista uita petimus : (plia hic possunt dimitti, ubi possunt peccata committi. In illa 125 autem uita non dimittuntur quia nec habentur. 8. Sed inde petimus dicentes : ne nos injeras in tempta­ tionem s, sed libera nos a malo. Ille infertur in temptatio­ nem qui consentit temptatori. Nam in hac uita temptari utile est, sed inferri in temptationem non expedit. Quando 130 ergo te temptat qui te uult pecunia corrumpere ut aliquid 100-10$ filii dei... moneo uos om.perhometeot. penes. maur. || 101 alïlllaroihuic uoci suffragatur diam codex Toletanus || 109 uosx : in dei gratia Ut· rum add. p | uos1 : om. maur. || 110 uobis : ueniam add. p caes. maur· | 11I ut om.p maur. || illi : et add. caes. || 112 uox om. p caes. maur. || dimittitii: dimittetis p1 36 || 113-123 Et hoc... inucniri peccatum om. p caes. maur. || 124 hic : ct praem. p2 maur. || peccata committi : haberi peccata p niaur.J 126 Sed inde : Deinde p caes. maur. | inferas : inducas caes. | 127-141 Π1 * — Ergo ont. p ccicjr. maur. 1. Sans cet engagement : ■ comme nous pardonnons ·, il n’est pas de priée» possible. Non err« orans, nisi istam àicas (En. in Ps. 103. I. 19). SERMON 59, § 7-8 (104-130) 197 surtout apres le baptême ; car vous ne prierez cette prière qu’après le baptême ; dans huit jours ce sera une récitation non une prière, après le baptême vous en ferez votre prière : comment en effet celui qui n’est pas encore né pourrait-il dire « notre père »? donc, puisque chaque jour vous direz cette prière, je vous aver­ tis, mes frères, vous qui, dans la grâce de Dieu, êtes mes fils ct, devant un tel père, êtes mes frères, je vous avertis : quelqu’un vous offense, commet une faute contre vous, vient, s’accuse et vous demande de lui pardonner, tout de suite, du fond du cœur, remettez-lui, pour ne pas vous exclure du pardon qui vient de Dieu x. Car si vous ne faites pas rémission, lui non plus ne fera pas rémis­ sion. Voici ce que Dieu vous dit : Vous avez raison de me demander pardon, à moi qui ne peux pas commettre de faute, cependant bien qu’on ne puisse trouver en moi aucune faute je pardonne ct vous ne voulez pas pardonner. Eh bien ! soit, refusez de pardonner. Mais alors faites en sorte que je ne puisse trouver en vous obligation de me venger. Il t’est permis de te venger d’un homme qui l’offense. Mais il tc demande pardon. Il a été ton ennemi, mais en te demandant pardon, il coupe court à son hostilité. Non, dis-tu, non, je veux me venger. Fais attention qu’il n’y ait pas en toi-même matière à vengeance. Tu veux tc venger d’une faute, toi, un homme qui commet des fautes ! Prends garde que ne se venge de toi celui qui ne peut, être trouvé en faute. Par conséquent, voilà encore une demande à faire en cette vie, car ici où l’on peut commettre des fautes, les fautes peuvent être remises. Dans l’autre vie, clics ne sont pas remises, puisqu’il n’y en a pas. 8. En suite de quoi, nous prions en disant : « Ne nous fais pas entrer dans la tentation 2, mais délivre-nous du mal. » Qui dit oui au tentateur entre dans la tenta­ tion. En effet, en cette vie, il est utile d’être tenté, mais il n’est pas bon d’entrer dans la tentation. On tc tente en voulant te corrompre avec de l’argent, pour te faire 2. Sur le texte du Pater en usage à Ilipponc, cf. Introduction p. 68. 198 AVGVSTINI HIPPONENSIS mali facias accepta pecunia, temptaris sed probatus. Si non consenseris, purus inuenieris. Et do tibi consilium : contemne auaritiam et non te corrumpat pecunia ; contra temptationem claude ostium ct pone seram, dei dilectio· 135 nem. Et quis hoc potest nisi ille adiuuet qui rogatur a nobis ? Et diuersis modis temptantur homines, temptantur praemiis, temptantur minis ut qui non potest seducere corrumpendo seducat terrendo. Sed homo qui figitur in deo et quem deus exaudit dicentem : ne nos inferas in ito temptationem uincit malos amores, uincit uanos terrores. Ergo et hoc in ista uita nobis necessarium est petere ne inferamur in temptationem — quia hic sunt temptationes, ut liberemur a malo — quia hic est malum. Ac per hoc omnes istae petitiones septem sunt, tres ad 145 uitam aeternam pertinent, quatuor ad uitam praesentem perlinent. Sanctificetur nomen tuum : semper erit. Adueniat regnum tuum : hoc regnum semper erit. Fiat uoluntas tua sicut in caelo et in terra : semper erit. Panem nostrum cold· dianutn da nobis hodie : non semper erit. Dimitte nobis 150 debita nostra : non semper erit. Ne nos inferas in tempta· tionem·, Sed libera nos a malo : non semper erit, sed ubi est temptatio et ubi est malum, ibi necessarium est ut petamus. Confortat uos oratio ut non solum a deo patre qui est 155 in caelis discatis petere quod desideratis sed etiam discatis quid desiderare debeatis *. Arnen. 132 Inuenieris : correxi inucniris G | 137 minis correxi nimis G || 141 nobis om. p134S || 143 ut : et p maur. et ut ears. '| 144 omne· om. p. H sunt om. p3 maur. || 146 pertinent om. p eaes. maur. | Adueniat: Veniat maur. || 150 interns : inducas aies. || temptationem : non semper erit add. p1234 caes. | 154-150 Confortat... debentis om. omnes praeter (i Vnde deus omnipotens Ha a nobis orandus est ut quicquid humana fragilitas caucre et uitarc non preualeat hoc ille propitius nobis conferre dignetur Icsus Christus dominus noster qui uiuit ct regnat cum patre ct spiritu sancto in saecula saeculorum. Amen. add. caes. 1. Cf. La lettre à Proba tEpisl. 130, 21). Toutes les prières de récriture se ramènent ft ces demandes du Pater : « On est libre do les presenter, en priant * SERMON 59, § 8 (131-156) 199 accomplir quelque action mauvaise pour de l’argent ; tu es tenté, mais tu es aussi éprouve; si tu ne donnes pas ton consentement, tu seras trouvé pur. .le te donne un conseil : méprise la cupidité et l'argent ne saurait te corrompre. Ferme la porte à la tentation et tire le verrou : l'amour de Dieu. Qui le peut, sans l’aide de celui que nous prions ? Or les hommes sont tentés de bien des manières, tentations par des présents, tentations par des menaces ; si on ne peut séduire par la corruption, on cherche à séduire par des pressions. Mais l’homme solidement attaché à Dieu et dont Dieu exauce la demande : « Ne nous fais pas entrer dans la tentation», triomphe des mauvais attachements, triomphe des vains tremblements. Par conséquent, il nous est, en cette vie, nécessaire de demander à ne pas entrer dans la tentation, puisqu'il est ici des tentations, et d’etre délivrés du mal, puisque le mal est ici. Et avec cela le total des demandes est de sept ; trois ont trait à la vie éternelle, quatre ont trait à la vie présente. « Que ton nom soit sanctifié », cela sera tou­ jours. « Que ton règne vienne », ce règne sera toujours. k Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel », cela sera toujours. « Donne-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour », cela ne sera pas toujours. « Remets * nous nos dettes », cela ne sera pas toujours. « Ne nous fais pas entrer dans la tentation », cela ne sera pas tou­ jours. Mais là où est la tentation, là où est le mal, il est nécessaire que nous fassions ces demandes. Cette prière vous encourage, non seulement à apprendre à demander à votre père qui est dans les cieux ce que vous désirez, mais à apprendre aussi ce que vous devez désirer ’. Amen. avec tels ou tels autres mots» mais on n’est pas libre d’en présenter d’autres. > Dans le De .wmonc domini in monte 11. 38. les demandes du Pater sont mises en parallèle avec les Béatitudes, selon le schéma suivant : 1. Béatitude des pauvres. — crainte de Dieu — Sanciiflcctur nomen tuum. 2. Des doux — ils posséderont la terre — Regnum tuum. 3. De ceux qui pleurent — paix à l’is­ sue de la lutte de l’esprit contre la chair — Voluntas tua. 4. De c-cux qui ont faiin ct soif — pain — Panem nostrum da. 5. Des miséricordieux - pardon — Sicut ct nos dimittimus. 6. Des purs — délivrés de la tentation et du mal — El ne nos inféras... libéra nos a mate. SERMO GVELFERBYTANVS III TRACTATVS DE PASSIONE DOMINI 1. Passio domini ct saluatoris nostri lesu Christi fiduci; gloriae est et doctrina patientiae. Quid enim non sibi de dei gratia promittant corda fidelium pro quibus dei filius 5 unicus et patri coaeternus parum fuit ut homo ex homine nasceretur nisi etiam manibus hominum quos crcauit mo­ reretur ipse ab eis ? Magnum est quod futurum a domini promittitur nobis, sed multo est maius quod recolimus ian factum esse pro nobis. Ubi erant aut quid erant quande 10 pro impiis mortuus est Christus * ? Quis dubitet eum dona turum sanctis uitam suam Cfui eisdem donauit adhuc mor tem suam ? Quid cunctatur humana fragilitas credere fu turum esse ut uiuant homines aliquando cum deo ? Multo incredibilius iam factum est quod mortuus est propter 15 homines deus. Quis enim est Christus nisi illud quod in principio erat uerbum et uerbum erat apud deum et deui erat uerbum b ? Hoc uerbum dei caro jactum est et habi tauit in nobis c. Non enim habebat in semetipso unde more retur pro nobis nisi mortalem carnem sumpsisset ex nobis 20 Sic inmortalis mori potuit, sic uitam donare mortalibw G Collection de Wolfenbuettel. Stualsbibl. 409G (x) Wissembourg, fol. 37; beda Bède. Florilège augustinicn sur ΓApôtre. Mignc, PL» 39, c. 1723-1724. mor. Édition G. Morin. Miscellanea Agostlniana I. p. 452-455. G 1 Incipit tractatus de passione domini G II 2 fiducia correx. mor. iidu· SERMON GUELFERBYTANUS 3 SERMON SUR LA PASSION DU SEIGNEUR 1. La passion de Jésus-Christ notre seigneur et sau­ veur est promesse de gloire et leçon de patience. Que ne peuvent en effet se promettre de la grâce de Dieu les cœurs des fidèles pour qui l’unique Fils de Dieu, coéter­ nel au Père, ne s’est pas contenté de naître homme d’une lignée d'hommes, mais est mort de la propre main des hommes qu’il avait lui-même créés ? Ce que le Sei­ gneur nous a promis de réaliser est grand, mais bien plus grand ce dont nous commémorons la réalisation déjà accomplie pour nous. Où étaient-ils et qu’étaient-ils quand le Christ est mort pour les impies a ? Qui pourrait douter qu’il donnera sa vie aux saints puisqu’il leur a déjà donné sa mort ? Pourquoi la faiblesse humaine hésite-t-elle à croire que les hommes vivront un jour avec Dieu ? Ce qui s’est déjà accompli est encore beau­ coup plus incroyable : que Dieu est mort pour les hommes. Qui est le Christ en effet, si ce n’est la Parole qui « était au commencement et la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu b » ? Cette « Parole de Dieu s’est faite chair et a habité parmi nous c. » Car il n’avait pas en lui-même de quoi mourir pour nous s’il n’avait pas emprunté de nous une chair mortelle. Ainsi 1'immortel a pu mourir, ainsi a-t-il voulu donner cinc G U 3 patientiae corrtx. tnor. sumpsisset : sumslssct G mor. patientia G || 16 apud : aput G || 19 a. Rom. 5, 6 || b. Jn 1,1 || c. Jn 1, 14 202 AVGVSTINT HIPPONENSIS noluit, participes sui postea facturus quorum esset prior particeps factus. Nam ncc unde uiucrcmus nos habebamus de nostro nec unde moreretur ille de suo ; mirum proinde nobiscum egit 25 mutua participatione commercium : nostrorum erat unde mortuus est, illius erit unde uiuamuS1. Verumtamen carnem quam de nobis unde moreretur assumpsit, etiam ipsam quoniam creator est dedit; uitam nero qua in ilio et cum illo uicturi sumus non a nobis 30 accepit. Ac per hoc quod attinet ad naturam nostram qua homines sumus, non de suo mortuus est sed de nostro ; quoniam illius natura qua deus est mori penitus non potest; quod autem attinet ad ipsius creaturam quam sicut deus fecit etiam de suo mortuus est, quoniam et carnem in qua 35 mortuus est ipse fecit. 2. Non solum ergo erubescere non debemus de morte domini dei nostri, ucrum etiam maxime in ca fidere maximeque gloriari. Suscipiendo quippe a nobis mortem quam inuenit in nobis, fidelissime spopondit nobis in se uitam •io daturum quam habere non possumus cx nobis. Nam qui tantum nos dilexitut quod peccato meruimus sine peccato pro peccatoribus pateretur, quomodo nobis non dabit quod iustis qui justificat ? quomodo non reddet qui pollicetur in ucritate praemia sanctorum, qui sine iniquitate poenam 45 pertulit iniquorum ? Confiteamur itaque, fratres, intrepidi uel etiam profiteamur Christum pro nobis esse crucifixum. — 25 nostrorum : nostrum mor. || 28 assumpsit : assumait G || 43 iustis: sic G iustitia eorrex. mor. 1. On voit ici esquissé le thème du Christus nwreator, cf. introduction, p. 1G. Dans le S. Drnis 5. les mêmes considérations sont placées dans la bouche même du Christ : · En silence, par les faits eux-mêmes, notre seigneur Christ nous parle et nous dit : Je n'avais pas de quoi mourir et toi, homme, tu n'avais pas de quoi vivre ; j'ai pris de toi de quoi mourir pour toi. prends de moi de quoi vivre avec inoi. J’ai reçu de toi la mort, reçois de moi la vie. Réveille-toi, vois ce que je donne, ce que Je reçois. Placé au haut des deux· J’ai reçu de toi sur la terre la bassesse ; ton seigneur, J’ai reçu de loi la condi· tion d’esclave ; ta guérison. J'ai reçu de toi les blessures; vie, j’ai reçu de toi S. GVELFERBYTANVS 3, § 1-2 (21-16) 203 sa vie aux mortels, leur faisant partager ce qu’il est, après avoir d’abord partagé avec eux ce qu’ils sont. Car nous n’avions pas de notre côté de quoi vivre cl lui de son côte n’avait pas de quoi mourir. Aussi établit-il avec nous, à balance égale, un étonnant commerce : ce dont il est mort était nôtre, ce dont nous vivrons sera sien ». De toute évidence pourtant, la chair qu’il a empruntée de nous pour en mourir, c’est lui qui l’a fournie, elle aussi, puisqu’il est le créateur ; mais la vie que nous vivrons avec lui et en lui, ce n’est pas de nous qu’il l’a reçue. Et pour ce qui touche à notre nature — par quoi nous sommes hommes — il est mort non de ce qui est de lui, mais de ce qui est de nous, puisque sa nature à lui — par laquelle il est Dieu — ne peut absolument pas mourir ; mais pour ce qui touche à la créature en lui — en tant que Dieu l’a créée — là encore il est mort de ce qui est de lui, puisque la chair aussi en laquelle il est mort c’est lui qui l’a créée. 2. Par conséquent, nous devons non seulement ne pas rougir de la mort de notre Seigneur Dieu, mais au contraire nous confier totalement en elle et mettre en elle totalement notre gloire. Recevant assurément de nous la mort qu’il a trouvée en nous, il a promis dans sa fidélité, de nous donner en lui la vie que nous ne pou­ vons pas avoir de nous. Car lui qui nous a tant aimés qu'il a, lui sans péché, souffert pour les pécheurs ce que nous a mérité le péché, comment ne nous donnera-t-il pas ce qu’il donne aux justes, lui qui justifie, comment ne nous rendra-t-il pas en échange, lui dont la promesse est vérité, la récompense des saints, lui qui sans crime a supporté le châtiment des criminels ? C’est pourquoi, remplis d’assurance, frères, confessons ou même proclamons que le Christ a été crucifié pour la mort ; Parole de Dieu, je me suis fait chair pour pouvoir mourir... .J’ai reçu de toi une chair avec laquelle J’ai pu mourir pour toi. reçois do moi l’esprit vivifiant, dont tu pourras vivre avec mol. Enfin, je suis mort par co qui est tien, vis de ce qui est mien. · 204 AVGVST1NI HIPPONENSIS Non pauentes sed gaudentes, non uerecundantcs sed gloriantes dicamus. Vidit hunc apostolus Paulus et commendauit titulum gloriae. Qui cum haberet multa magna atque 50 diurna quae de Christo commemoraret non dixit gloriari se in mirabilibus Christi, qui, cum esset apud patrem deus mundum creauit, cum esset etiam quod nos homo, mundo imperauit, sed mihi autem, inquit, absit gloriari nisi in cruce domini nostri lesu Christi°. Videbat pro quibus, 55 quis, ubi pependerat et de tanta humilitate dei et diuinam celsitudinem apostolus praesumebat 3. Isti autem qui nobis insultant quod dominum cruci­ fixum colamus s, quanto sibi sapere uidentur, tanto insa­ nabilius ct desperatius desipiunt nec omnino quid crcda«o mus uel dicamus intellegunt. Neque enim dicimus hoc in Christo esse mortuum quod deus erat sed quod homo erat. Nam si homo ipse quilibet cum moritur, illud quod maxime homo est, id est quo distat a pecore quod habet in­ tellectum, quod humanum ct diuinum, temporale ct aeter65 num. falsum uerumque discernit, id est anima rationalis, cum suo corpore mortem non patitur, sed illo moriente uiua discedit et tamen dicitur : mortuus est homo. Cur non sic dicatur etiam : mortuus est deus, ut non intellegatur mori potuisse id quod est deus, sed quod mortale pro mortalibus "0 susceperat deus ? Nam sicut homo, cum moritur, non inori•18 commendault corrrx. /nor. «dabit G || 51 qui : quia (a dd.) G quia mor. H 53 inquit : inquld G || 55-56 diuinam celsitudinem correxi : diuina celsitudine G mor. a. Gal. 6, 14 1. Cf. S. 160. 4 : · Aussi qui veut se glorifier doit sc glorifier dans le Sei­ gneur. Quel Seigneur ? — Le Christ crucifié. Où est l'humilité est aussi la majesté, où est lu faiblesse. Ια force, où la mart, la vie. Si tu veux parvenir à ceci, ne méprise pas cela. · 2. Ahnobr (Contra Gentes I. 36) donnant la parole à un adversaire : « Non. les dieux ne vous sont pas hostiles parce que vous vénérez un Dieu tout puis­ sant, mais parce que vous prétendez Dieu un homme mis à mort sur la croiXa ce supplice intàmant même pour les êtres les plus vils, ct parce que vous croyez qu'il vit encore et que vous l’adorez chaque jour. » Et Lacta SCS. S. GVELFERBYTANVS 3, § 2-3 (47-70) 205 nous, aiïirmons-le sans crainte, mais au contraire avec joie, sans honte, niais au contraire avec fierté. L’apôtre Paul a vu là un titre de gloire et nous l'a recommandé comme tel. Il aurait pu, à propos du Christ, faire mémoire de tant de traits de sa grandeur et de sa divinité, or il affirme ne pas se glorifier dans les merveilles du Christ qui, Dieu auprès du Père, a créé le monde et, devenu homme comme nous, a cependant commandé au monde, mais il affirme : « Je refuse de me glorifier, si ce n’est dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ®.» L’Apôtre, voyant qui avait été pendu, pour qui et où, saisissait par anticipation notre gloire divine dans un si grand abaissement de Dieu *. 3. Or ceux qui nous jettent comme une insulte que nous honorons un Seigneur crucifié 2, plus il leur semble avoir du bon sens, plus follement ct désespérément ils perdent le sens. Ils ne comprennent pas le moins du monde ce que nous croyons et ce que nous affirmons. Car nous n’affirmons pas que dans le Christ est mort ce qui était Dieu, mais ce qui était homme. En effet quand meurt n'importe quel homme, ce en quoi il est essentiellement homme, c’est-à-dire ce qui le sépare de la bête, le fait qu'il a l’intelligence, qu’il discerne l’humain du divin, le temporel de l’éternel et le faux du vrai, c’est-à-dire son âme raisonnable, celte âme ne souffre pas la mort comme son corps, mais quand il meurt, demeurée vivante, elle le quitte et cependant on dit : un homme est. mort. Pourquoi ne dirait-on pas aussi : Dieu est mort, sans qu'on entende que puisse mourir ce qu’est Dieu, mais la part mortelle que Dieu avait assumée pour les mortels ? En effet de la même manière que, quand un homme (Diuin. Inst. IV, 16). « J'en arrive maintenant Λ cette passion que Γοη a l'habitude de nous Jeter â la face comme une insulte, en nous reprochant d'adorer un homme ct un homme condamné par les hommes nu plus horrible supplice, crucifié. · Et Augustin lui-même : · Quand on t’insulte au sujet du Christ, quand on t'appelle · l'adorateur d'un crucifié · le dévôt d’un con­ damné à mort ', · le disciple d'un assassiné ' » (En. in Ps. 68,1, 12). Ou encore : < On nous insulte parce que nous croyons ft un crucifié, ft un homme qui a été mis à mort » (S. 279, 8). 206 AVGVSTINI HIPPONENSIS tur anima cius in carne, sic et Christus, cum mortuus est, non est mortua divinitas eius in homine. Sed deus, inquiunt, homini misceri non potuit ct cum illo fieri Christus unus. Secundum istam sententiam carnalem et uanam huma75 nasquc opiniones, multo difficilius crederemus spiritum carni quam deum homini posse misceri ct tamen nullus homo esset homo, nisi spiritus hominis humano corpori misceretur. Quando igitur spiritus ct corpus quam spiri­ tus et spiritus difficilior mirabiliorque mixtura est, si ergo se spiritus hominis, cum corpus non sit, et corpus hominis, cum spiritus non sit, tamen, ut homo esset, utrumquo commixtum est, quanto magis, ut ex utroque unus Chris­ tus esset, potuit deus qui spiritus ests, non corpori praeter spiritum, sed homini habenti spiritum spiritali participa * 85 tionc misceri. 4. Gloriemur ergo ct nos in cruce domini nostri lesu Christi per quem nobis mundus et nos inundo crucifiga­ mur; de qua cruce ut non erubesceremus eam in ipsa fronte, hoc est in pudoris domicilio collocauimusx. 90 lam uero quae in ista cruce uel quam salubris sit doc· I trina patientiae, si explicare conemur, quae uerba rebus, quae uerbis tempora suppetunt ? Quis enim homo, qui ueracissime atque intentissime credit in Christum, super­ bire audeat, docente humilitatem domino, non tantum 95 uerbo, sed etiam exemplo suo ? Quam uero sit utilis ista doctrina breuiter illa scripturae sanctae sententia conmonet : Ante ruinam exaltatur cor et ante gloriam humiliatur^, cui et illud consonat : Deus superbis resistit, humilibus au­ tem dat gratiam c, et illud : Qui se exaltat humiliabitur et too qui se humiliat exaltabitur d. Proinde cum apostolus nos a. Jn 4, 24 II b. Prov. 18. 12 ’| c. Jac. 1, 6 || d. Lc 14, 11 ; 18, 14. ' 1. < Bien loin de rougir de la croix, Je ne mets pas la croix du Christ à une place cachée, je la porte sur le front · (En. In Ps. 141, 3). Cf. In lo. Eu- 36» 3 ; 43, 9 ; 53, 13. En. in Ps. 68, 11, 12. La signat ion est le premier rite du S. GVELFERBYTANVS 3, § 3-1 (71-100) 207 meurt, l’âme qui est en sa chair ne meurt pas ; de même quand le Christ est mort, la divinité qui était en l’homme n'est pas morte. Mais, disent-ils, Dieu ne pouvait pas s’unir à l’homme ct, avec lui. faire un seul Christ. D’après une opinion charnelle ct creuse comme celle-là et d’après les pensées humaines, il serait beaucoup plus difficile de croire qu’un esprit puisse s’unir à la chair plutôt que Dieu à un homme et cependant nul homme ne serait homme si un esprit humain ne s’unissait à un corps humain. Quand donc un corps ct un esprit constituent un mélange plus difficile ct plus étonnant qu’un esprit et un esprit, si par conséquent, bien que l’esprit humain ne soit pas un corps et que le corps humain ne soit pas un esprit, cependant ils sont unis tous deux pour faire un homme, combien plus, pour qu’un seul Christ soit fait de l’un et de l’autre, Dieu qui est esprit a a-t-il pu s’unir d’une union spirituelle non à un corps sans esprit, mais à l’homme possédant un esprit. 4. Par conséquent, glorifions-nous, nous aussi, dans la croix de notre Seigneur Jésus-Christ, par qui le monde est crucifié pour nous et nous pour le monde ; sans rougir de cette croix nous l’avons placée sur notre front, c’està-dire au siège même de la honte l. Mais si nous essayons d expliquer maintenant quelle leçon de patience, et combien salutaire, se trouve dans cette croix, de quels mots disposons-nous pour cette vérité et de quel temps pour ces mots ? Qui donc, croyant au Christ en toute certitude et de tout son cœur, oserait se hausser quand Dieu lui enseigne l’abaissement non seulement par la parole, mais encore par son exemple ? Un verset de la sainte Écriture rappelle briè­ vement l’utilité de cette leçon : « Le cœur s’exalte avant de s’effondrer et s’abaisse avant d’etre glorifié b. » Cet autre lui répond : « Dieu résiste aux orgueilleux, mais donne sa grâce aux petits °. » Et celui-ci : « Qui s’exalte sera abaissé, qui s’abaisse sera exaltéd. » En outre, catéchuménat : « Quand pour la première fois vous avez cru, vous avez reçu le signe du Christ sur le front, ô la place d’honneur < (S. 215, 5). 208 AVGVSTINI HIPPONENSIS admoneat ne simus alta sapientes sed humilibus consen­ tientes, cogitet, si potest, in quantum superbiae praecipi­ tium feratur homo, si non consenserit humili deo, et quam sil perniciosum inpatieriter ferre hominem quod uoluerit 105 dominus iustus, si patienter pertulit deus quod uoluit ini­ micus iniuslus *. Arnen. G btda. 104 ferre hominem : hominem ferre beda || 105 dominus : deus mor. '| 106 amen om. beda mor. S. OVELFERBYTANVS 3, § -i (101-10C) 209 quand 1 apôtre avertit de ne pas nous assurer en des visées grandioses mais de condescendre aux basses, il faut, autant que possible, examiner dans quel préci­ pice d’orgueil est entraîné l'homme, en ne partageant pas les sentiments de son Dieu qui s’abaisse, et quel préjudice il reçoit en supportant impatiemment ce que veut son juste Seigneur, quand Dieu a patiemment enduré ce qu’a voulu son injuste offenseur < Amen. 1. Un ennemi qui n’a pas longtemps chanté victoire : « Quand Je Christ est mort, le diable a exulté, mais par la mort même du Christ le diable a été vaincu. Ce fut pour lui connue un piège, dont il a gubé l’appât : ... croix du Christ, piège du diable » (S. 263, 1). Augustin d'Hippone. 14 SERMO GVELFERBYTANVS V TRACTATVS DE NOCTE SANCTA 1. Quoniam dominus noster lesus Christus diem quem fecerat moriendo luctuosum fecit resurgendo gloriosum, utrumque tempus in sollemnem memoriam reuocantes, 5 eius mortem recordando uigilemus et eius resurrectionem suscipiendo gaudeamus. Hoc est anniuersarium festum nostrum et pascha nostrum, non sicut populo ueteri per occisionem pecoris figuratum, sed sicut populo nouo per uiclimam saluatoris impletum, quia pascha nostrum inrno· 10 latus est Christus " ct uetera transierunt et ecce jacta sunt noua b. Neque enim lugemus nisi nostris delictis grauati aut uero gaudemus nisi eius gratia iustificati, quoniam : traditus est propter delicia nostra et resurrexit propter ius ficationcm nostram c. Lugendo illud, hoc gaudendo laet 15 mur. Et quod propler nos atque pro nobis triste commi sum est laetumque praemissum est, non ingrata oblinio praeterimus sed grata memoria celebramus. Vigilem ergo, carissimi, quia usque ad istam noctem Christi sep G Collection do Woi.ff.nbubtteu ms. 4096 (x) IVtawnftottr? fol. 42v. h accord des mss : Λ1 Worcester Cathédr. F 93 (xu) fol. I. Λ1 Paris ü. x. 1. 2202 A (xh) origine inconnue» fol. 137. tug. Eugippius secundum recensionem P. Knoell. Corpus Script, ccd. lat. Vol. VIII. p. 445. mor. Édition de G. Morin Miscellanea Agostiniana . f, p. 457. maur. Sermon 211 des Mauri s tes. SERMON GUELFERBYTANUS 5 SERMON SUR LA NUIT SAINTE 1. Puisque notre seigneur Jésus-Christ a changé le jour où l’on pleurait sa mort en jour glorieux de sa résur­ rection, rappelant annuellement le souvenir de ces deux moments, veillons en évoquant sa mort, réjouissonsnous en accueillant sa résurrection. Voici notre fête annuelle, notre Pâque, non figurée par l’égorgement d’un animal, comme pour le peuple ancien, mais réa­ lisée, pour le peuple nouveau, par le sacrifice du sauveur. Car « le Christ notre Pâque a été immolé a » et a ce qui est ancien a disparu, voici que tout est renouvelé b. n Aussi nous ne pleurons que sous le poids de nos fautes, nous ne nous réjouissons que justifiés par sa grâce, car « il a été livré à cause de nos fautes et il est ressuscité pour notre justification °. » En pleurant sur cela, en nous réjouissant de ceci, nous sommes dans la joie. Ce qui, à cause de nous et pour nous, a été accompli d’aiïrcux, comme aussi ce qui a été préfiguré d’heureux, nous ne le laissons pas de côté, en l’oubliant avec ingratitude, mais avec gratitude nous en célébrons le souvenir. Veil­ lons donc, très chers, car l'ensevelissement du Christ a été prolongé jusqu’à cette nuit, pour qu’en cette nuit I inscriptio ex G Scrmo sancti Augustini episcopi in uiglüis paschae h in iiigiliis pasebae cup. || 2-31 Quoniam... praefulgeat oui. h ’[ 2-86 Quo­ niam... nunc nutem o/n. eup. maur. || 8 pecoris : peccoris G |’ 11 nostris : nostri G. a. I Cor. 5. 7 || b. II Cor. 5, 17 || c. Rom. 4,25 212 AVOVSTINI HIPPONENSIS tura producta est ut in hac ipsa nocte fieret carnis resur· 20 rectio quae tunc irrisa est in ligno, nunc adoratur in caelo et terra. Nox quippe ista ad consequentem diem, quem domini· cum habemus, intellegitur pertinere. Et utique nocte re­ surgere debuit quia sua resurrectione et tenebras nostras 25 inluminauit neque enim ei frustra tanto ante cantatum est : Tu inluminabis lucernam meam, domine; deus meus, inluminabis tenebras meas a. Proinde tam grande mysterium etiam deuotio nostra comnendat ut quemadmodum eius resurrectione fides nos30 tra firmata iam uigilat, sic et nostra uigilia etiam nox ista inluminata praefulgeat ut digne possimus cum orbe terra­ rum ecclesia diffusa cogitare hodie ne inucniamur in nocte. Tot tantisque populis, quos Christi nomine tam insignis ubique sollemnitas congregauit, sol abcessil, dies non re35 cessit, cum lucenti caelo lucens terra successit. 2. Causas taincn huius tantae uigiliae nostrae si quis inquirat ct sollerter inuenire ct fideliter respondere potest ; ille quippe qui nobis gloriam sui nominis donauit, ipse inlu­ minauit hanc noctem et cui dicimus : Inluminabis tenebrat ■io meas praebet lucem cordibus nostris, ut quemadmodum gaudentibus oculis istum splendorem luminum cernimus, ita huius tam clarae noctis rationem inluminata menti u idea mus. Quid est igitur quod festo anniuersario uigilant hodie 45 Christiani ? Nunc enim maxime uigilamus ncc alia sollem­ nitas talis intellegi solet, in isto desiderio dum quaerimus et dicimus : Quando uigilamus ? — Ad tot dies uigilamus, tamquam in huius comparatione aliae non sint reputandae G h. 31 ut : si Λ qui exinde incipiunt | possimus : possumus M |[ cum orbe: orbem Λ ;| terrarum : quacumque add. h. |! 32 diftusa : diffunditur h | hodie : noctem add. h J ne inucniamur : non inucnimus /i ,| 33 Christi : in praem. ΛII 37 potest : debemus h || 38 gloriam : gloria h | donauit ipse ani. h || 39 dici· mus : dicitur Λ * deus meus add. h inluminabis : inlumina Λ1 | 42cla· S. OVELFERBYTANVS 5, § 1-2 (19-48) 213 même s’accomplît la résurrection de la chair qui fut tournée en dérision sur le bois, mais qui est adorée maintenant au ciel et sur la terre. Cette nuit, comme on le sait, se rattache au jour suivant, que nous considérons comme le jour du Sei­ gneur. Il devait évidemment ressusciter de nuit, puisque par sa resurrection il a illuminé nos ténèbres. Ce n’est pas pour rien que, si longtemps à l’avance, lui fut dédié ce chant : « Tu illumineras ma lampe, Seigneur. Mon Dieu, tu illumineras mes ténèbres » Aussi notre piété se met-elle au service d’un mys­ tère si grand qu’en étincelle la nuit, illuminée par notre veille, comme veille notre foi affermie par sa résurrec­ tion, pour que nous puissions aujourd’hui, comme il convient, songer avec l’Eglise répandue par tout l’uni­ vers à ne pas être trouvés dans la nuit. Pour tant de peuples si nombreux qu’a regroupés partout, au nom du Christ, cette éclatante célébration d’anniversaire, le soleil a pu se cacher, mais la clarté ne s’est pas éteinte, car les lumières de la terre ont pris la relève de la lumière du ciel. 2. Cependant si l’on cherche les raisons de l’impor­ tance de notre veillée de ce soir, on peut en trouver de pertinentes ct répondre avec assurance, car celui qui nous a donné la gloire de son nom. c’est lui-même qui illumina notre nuit; celui à qui nous disons : «Tu illu­ mineras mes ténèbres », c’est lui qui a mis la clarté dans nos cœurs, pour que notre intelligence, illuminée, voie le sens de cette nuit si brillante, tout comme nos yeux se réjouissent à regarder l’éclat des lampes. Pourquoi donc, en une fête annuelle, les chrétiens vcillcnt-ils aujourd’hui ? Car c’est maintenant notre plus grande veillée et on ne pense à aucune autre célé­ bration d’anniversaire, quand on s’interroge avec impa­ tience en disant : « Quand sera la veillée ? — Dans tant de jours, cc sera la veillée. « Comme si, en comparaison rae : praeclarae Λ j 44 igitur : ergo h2 mor. | 46 talis om. h. || in isto : cum eius h H dum om. Λ a. Ps. 17. 29 214 AVGVSTINI HIPPONENSIS uigiliac *. Apostolus quidem, sicut ieiuniorum, ita etiam so uigiliarum assiduitatem commendauit ecclesiae, de se ipso commemorans et dicens : In ieiuniis saepius, in uigiliu saepius". Sed huius noctis uigilia tanta est ut sola sibi etiam ceterarum commune nomen uelut proprium uindicaret Prius itaque de generali uigilia, postea de speciali et 55 hodierna, quae dominus dederit pauca dicemus. 3. In illa uita pro cuius adipiscenda requie laboramus, quam nobis post huius corporis mortem uel etiam post huius saeculi finem in resurrectione, ucritas pollicetur, numquam dormituri sumus, sicut numquam utique mori· eo turi. Quid est enim aliud somnus quam cottidiana mors quae nec penitus hinc aufert nec diutius detinet hominem ? Et quid est aliud mors quam diuturnus et altissimus somnus a quo deus excitat hominem ? Ubi ergo nulla mors uenit, 65 nec imago cius somnus interuenit. Denique somnus nullus nisi mortalium. Non est ita requies angelorum ; illi quia semper uiuunt, numquam salutem somno reficiunt8. Sicut ipsa uita est, ita est illic sine fine uigilia. Nec aliud ibi est uiuerc quam uigilare nec aliud uigilare quam uiuere. Nos 50 uigilînrum om. Λ1 52 saepius : multis Λ ’| sola sibi : sibi sola h || ucritax: nobis praem. ?i3 | 59 sumus : simus ?i2 j| 61 est enim : enim est λ β 65 nullus : non h1 est add. h. || 66 mortalium : requies add. h2 || an * gelonnn nisi praem. h || 67 reficiunt : recipiunt G mor. || 68 ipsa : ibi h* j a. Il Cor. 11. 27 1. Augustin rappelle dans le S. 311, 5 que son frère dans l’épiscopat, Auw· lius, a institué les Vfpiîiae de la fête de saint Cyprien pour faire cesser 1« divertissements profanes qui avaient lieu jadis à la Mensa Cypriani. Lui· même a prononcé à Carthage, au cours de ces veillées, deux des sermons qui nous ont été conservés : l’En. in Psalmum 85 et le S. Denis 11. Le S. 360 fut. lui aussi, prononcé au cours d’une veillée, son titre porte : Ad uigiliai Maximinian i. 2. L’antithèse sommeil/vciHc se trouve dans Paul : μη χαΟ^όδωμβν iV/.à γρηγορώμιν, 1 Thess. 5.6. Cf. aussi l'hymne liturgique Éphés· 5,14 : « tfvcîüè· toi, ô toi qui dors... ». L’idée» assez banale du reste, que le sommeil est rirnagé. de la mort se trouve chez Tbrtullibn, De anim. 43, (mais dans un contexti très favorable au sommeil : Eliam per imaginent mortis, fidem initiaris, $peB S. GVELFERBYTANVS 5, § 2-3 (19-69) 215 de la veillée de ce soir, aucune autre ne devait compter Pourtant l’apôtre a recommandé à Γ Église l'assiduité aux veilles comme aux jeûnes ct dit en parlant de lui : . Eu. 87» 2-3). 1. « Les siens ne l’ont pas reçu... et pourtant les siens l’ont reçu. Le monde n’a pas cru ct pourtant le monde tout entier a cru. C’est comme quand nous disons : l’arbre est plein de (cuillc-s. Est-ce à dire qu’il n’y a pas de place pour les fruits ? On peut dire l’un ct Vautre : l’arbre est plein de feuilles, et : l’arbre est plein de fruits » (S. 342, 4). 2. L’exégèse de ce passage se trouve dans le Tractûlus in lo. Eu. 43.17. Au­ gustin refuse les traductions « avant qu’Abraham ne fût, avant qu’Abraham n’ait été », car ce serait accorder ύ Abraham Vôtre, ce qui est le seul apnnago de Dieu ct, par conséquent. du Christ. Au contraire · Avant Abraham » doit s’entendre : · Avant qu’Abraham ne fût créé ». Augustin d'Hippone. 15 22G AVOVSTINI HIPPONENSIS pharisci dixerunt illi : Compesce pueros, non tibi ista cla­ ss ment. Et ille : Si isti tacebunt lapides clamabunt . * Nos uidebat quando ista dicebat : si isti tacebunt lapides cla­ mabunt. Qui lapides nisi qui colunt lapides ? Si paruuli ludaci tacebunt, maiores et minores gentes clamabunt. Qui lapides nisi de quibus dicit iste lohannes qui uenit ut 40 testimonium perhiberet de lumine ? Cum enirn uideret ipsos ludaeos superbire de genere Abrahae ait illis : Gene­ ratio uiperarum . * Illi se dicebant filios Abra hae et iste illis dicebat : Generatio uiperarum. Abrahae faciebat iniuriam ? Absit. Ex moribus eis dabat nomen, qui si essent 45 filii Abrahae imitarentur Abraham. Sicut cis et ipse ait qui dicunt ei : jVos liberi sumus et nemini seruiuimus un­ quam, nas patrem habemus Abraham. Et ille : Si [dii Abra­ hae essetis jacta Abrahae jaceretis. Vos uultis me occidere quia· ueritatem uobis dica, hoc Abraham non fecit c. Inde 50 generali estis sed degenerastis. Ergo quid lohannes ? Ge­ neratio uiperarum, quis uobis ostendit jugere a uentura ira ? Quia ueniebant baptizari baptismo Iohannis in paenitenliam. Quis uobis ostendit fugere ab ira uentura:1 Facite ergo fructum dignum paenitentiae et nolite dicere in cordi55 bus uestris : Patrem habemus Abraham. Potens est deus de lapidibus istis suscitare filios Abrahae Λ. Potens est deus de lapidibus istis quos uidebat in spiritu ; illis dicebat et nos praeuidebat. Potens est enim deus de lapidibus istis suscitare filios Abrahae. De quibus lapidibus : si isti tacego bunt, lapides clamabunt. Modo audistis et clamatis * . Im34 illi : el p α maur. |’ non : ne α |[ Ista : ita α || 35-37 Nos... clamabunt om. per homoeof. / α || 38 ludaci : pueri α | 39 iste : Ipse p2 4 maur. | lohannes : iste add. p * 4 maur. || 40 enim om. / || 41 genere : generatione | 42-56 et iste ... filios Abrahac om. per homocot. / a || 44 cis dabat : dabat cis transp. pk maur. || 52 ueniebant : aucnicbant p* | 53 ab ira uentura : a uentura ini p5 || 55 est : enim add. p maur. || 56 de lapidibus om. p5 || suscitare... Abrahae om. α || 57 uidebat : prouidebat α || illis : do praem. α j| et om. α || 58 nos : si quidem add. α || praeuidebat : prouidebat α in spiritu de illis dicebat add. ct || deus om. a | istis : inquit a || 00 audistis : auditis ρ5 4 7 || clamatis : clamastis p1 maur. SERMON 121, § 3 (34-60) t 227 les enfants de t’acclamer ainsi. El lui : « S’ils se taisent, les pierres crieront . * » C’est nous qu’il avait en vue quand il disait : a S’ils se taisent, les pierres crieront. » Que sont ces pierres, sinon ceux qui vénèrent des pierres ? Si les enfants juifs se taisent, des païens grands et petits crieront. Que sont ces pierres, sinon ceux dont parle Jean qui vint pour rendre témoignage à la lumière ? Voyant les juifs s’enorgueillir de la descendance d’Abraham, il les appelle : « Race de vipères b ! » Eux se vantaient d’être fils d’Abraham et lui les appela : « Race de vipères ! » Était-ce pour injurier Abraham ? Pas du tout. C'est d’apres leur manière de vivre qu’il leur donnait ce nom ; car ils imiteraient Abraham s’ils étaient fils d’Abraham. C’est exactement ce que luimême leur répond quand ils lui disent : « Nous sommes des hommes libres et nous n’avons jamais été esclaves de personne, nous avons Abraham pour père. » Alors lui : « Si vous étiez fils d’Abraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. » Vous voulez me tuer parce que je vous dis la vérité, cela Abraham ne l’a pas fait °. Vous êtes de sa race, mais dégénérés. Et que dit Jean ? « Race de vipères, qui vous a appris à fuir la colère qui va venir ? » Cela parce qu’ils venaient se faire baptiser du baptême de Jean pour la pénitence. « Qui vous a appris ii fuir la colère qui va venir ? Faites donc de dignes fruits de pénitence et ne dites pas en vos cœurs : Nous avons Abraham pour père. Dieu a la puissance, des pierres que voici, de faire surgir des fils d’Abraham d. » Dieu a la puissance, des pierres que voici, qu’il voyait dans l’Esprit - il parlait aux Juifs et il nous voyait d’avance — Dieu a la puissance, des pierres que voici, de faire surgir des fils d’Abraham, de ces pierres dont il est dit : « Si eux se taisent, les pierres crieront. » A peine avez-vous entendu et vous criez l. La parole est réalisée : « les Λ. Le 19, 40 I b. Le 3, 7 || c. Cf. Jn 8.33-10 || d. Le 3,7-8. 1. Interruption par l'auditoire qui a dû lancer une acclamation : Deo graHas9. Dfo laudes ! Les fidèles d’Hippone étaient rien moins que passifs. Le prédicateur mentionne souvent leurs réactions : · ... Et quelle est cette ré- 228 AVGVSTINI HIPPONENSIS pletum est : lapides clamabunt. De gentibus enim ucnimus. In parentibus nostris lapides adorauimus, ideo canes dicti sumus *. Recordamini quid audierit illa mulier quae clamabat post dominum quia erat chananaea. idolorum 65 cultrix, ancilla daemoniorum. Quid dixit Icsus ? JVon est bonum tollere panem filiorum et mittere canibus3. Numquam aduertistis quemadmodum canes lapides unctos lin­ gunt3 ? Sic sunt omnes simulacrorum cultores. Sed uenit uobis gratia. Quotquot autem receperunt eum, dedit eis po70 lestaient filios dei fieri b. Ecce habetis modo natos3 : dedit eis potestatem filios dei fieri. Quibus dedit ? His qui cre­ dunt in nomine eius. 4. Et quomodo filii dei fiunt ? Qui non ex sanguinibus, non ex uoluntate uiri, nec ex uoluntate carnis, sed ex deo nati 75 sunt0. Intendite ergo : isti ex deo nati sunt, accepta po­ testate ut filii dei fierent. Ex deo nati sunt, non ex san­ guinibus. Qualis est prima natiuitas ? qualis est natiuitas misera, ucniens de miseris ? Sed qui ex deo nati sunt, quid erat 80 unde primum nati erant ? 61 Lipides : lapes / || 62 nostris : uestris a J canes : et prarrn. p a maur. || 63 illa mulier : mulier illa Iransp. pz maur. || 65 dixit : ci add. p maur. |j 66 Numquam : numquid a !| 67 aduertistis : nducrtitis a || lap. unctos : unctos hip. transp. p2 4 7 I 69 uobis : nobis p2 a ,| 70-71 Ecce... fleri om. ptr homoeat. a 173 flunt : sunt ρδ 7 a ,| 74 non : neque a , uoluntate : uoluptate p4 75 Intendite... sunt om. p maur. || potestate |x»testatc p2 | 76 sunt: intendite ergo isti ex doo nati sunt add. p maur. (| 78 est1 om. p4 6 7 || 79 crat : crant pa maar. | 80 primum : primo/ ti. Matth. 15, 26 j b. Jn 1, 12 || c. Jn 1. 13 compense ? La vic éternelle. Dès que vous avez entendu cette parole, vous avez crié de joie... » {lu lo. Ep. 3, 11). Quand la manifestation vise seulement l'éloquence de ta forme, le prédicateur remercie par courtoisie, mais tance scs auditeurs : · Vous avez entendu ct vous avez loué, jDco (Arnoue, Aduersus Gentes I, 39). 3. Les baptisés de la nuit précédente. Ils viennent en effet do naître « de Dieu ct do l’Église » ; pendant huit jours, on va les appeler les · nouveaunés >, infantes. 230 AVOVSTINI HIPPONENSIS Ex sanguinibus mixti, sanguinibus masculi et feminae, conmixtionc carnis masculi ct feminae, inde nati erant. Modo unde ex deo nati sunt ? Prima natiuitas cx masculo et femina, secunda natiui85 tas ex deo et ecclesia. 5. Ecce ex deo nati sunt. Vnde factum est ut ex deo nascerentur qui primo cx hominibus nati sunt ? Vnde fac­ tum est ut habitaret in nobis a ? Magna mutatio : ille factus caro, isti spiritus. Quid est 90 hoc ? Qualis dignatio fratres mei. Erigite animum ad speranda et capienda potiora. Nolite uos addicere cupidi­ tatibus saecularibus. Pretio empti estis b : propter uos uerbum caro factum est, propter uos qui erat filius dei factus est filius hominis ut qui eratis filii hominum efficeremini 93 filii dei. Quid erat ille ? Quid factus est ? Quid eratis uos ? Quid facti estis ? Erat ille filius dei qui est factus filius hominis. Eratis uos filii hominum qui estis facti filii dei. Communicavit ion nobiscum mala et nobis daturus est bona 2. Sed ille ipso quo factus est filius hominis distat a nobis. Nos filii homi­ num per concupiscentiam carnis. Ille filius hominis per fidem uirginis. Mater cuiuslibet hominis concubuit et con81 mixti : mixtis p maur. || 86 cx· : ab α || 88 est : unde 1 Et uerbum caro factum est add. p maur. || 89 isti : iste a || 90 hoc : homo a ,| 91 capienda : ad pracm. a || uos om. α | addicere : addiscere p4 | 93 est : 2 m. / |i 91 est om. / ,| ut qui : ut quae f qui α || eratis : critis / 96 quid1 : quis α II quid· : qui / α |, 97 Quid1 : qui α | lacti csti * : facietis / || 98 ille om. p. || qui : quid p maur. || est factus : factus est transp. p maur. || 99 qui : quid p maur. || 100 mala : nostra add. p maur. |! ct om. p maur. || ’ est om. p maur. || bona : sua add. p maur. | 100-101 Sed ... nobis om- / || 103 concubuit : concupuit / a. Jn 1, 14 || b. I Cor. 6. 20. 1. Dignatio exprime l'émerveillement en présence du don de Dieu : · Quali* (lllus dignatio, qui nobis dedit credere quod non uidemus ’. · (S. 231,1). « Quanta dignatio gentium ct longe postea natorum ! quia praestitit deus cis quibus modo implentur ecclesiae Christi » (S. Guelf. 10, 1). 231 SERMON 121, § 4-5 (81-103) Us sont le produit du sang, du sang mélangé de l’homme et dc la femme, de l’union charnelle de l’homme et de la femme, voilà d’où ils étaient nés. Et maintenant d’où vient qu’ils sont nés de Dieu ? La première naissance de l’homme et dc la femme, mais la seconde naissance de Dieu cl de l’Église. 5. Voici donc qu’ils « sont nés dc Dieu ». Comment se fait-il que naissent de Dieu ceux qui sont d’abord nés des hommes ? Mais comment se fait-il qu’il « habitât parmi nous a » ? Merveilleux échange ! Lui est devenu chair, eux esprit. Qu’est-ce à dire ? Quel honneur mes frères ! Élevez votre esprit à des promesses ct des possessions meil­ leures. Ne vous laissez pas gagner par les convoitises du siècle. « Vous avez été achetés bon prix b » : pour vous, la Parole s’est faite chair, pour vous, lui qui était fils de Dieu s’est fait fils d’homme afin que vous qui étiez fils d’homme deveniez fils de Dieu. Qu’était-il et qu’est-il devenu ? Qu’étiez-vous et qu’êtes-vous devenus ? Il était fils de Dieu et il est devenu fils d’homme. Vous étiez fils d’homme et vous êtes devenus fils dc Dieu. Il a partagé avec nous nos malheurs pour nous donner son bonheur *. Mais lui, dans l’acte même où il est devenu fils d'homme, il diffère de nous. Nous sommes fils d’homme par le désir de la chair. Il est fils d’homme par la fidélité d’une Vierge. La mère de tout être humain couche avec • 2. Mutatio. communicauft font portio du vocabulaire par lequel s’exprime le thème dc l’échange, celui du Christus mercator. Ct. Introduction p. 16. Tout le passage est à rapprocher de S. Guelf. 3. 1. Face aux hérésies dc l’époque, il était nécessaire, d’autre part, dc présenter avec insistance l’Hommc-Dicu. Les développements similaires abondent : · Voyez ces deux naissances, frères, Adam et Christ. Ce sont deux hommes» mais l’un d’eux est hommehomme, tandis que l’autre est homme-Dieu ; par celui qui est hommehomme, nous sommes pécheurs, par l’homme-Dieu, nous sommes justifiés · (In Ιο. Ep. ·ί, 11). « Car le Christ, Dieu de toujours, est né homme dans le temps. En tant qu’hommo dc race humaine, il s’est montré aux hommes en homme. Il a fait beaucoup dc miracles, comme Dieu ct homme ; il a souffert beaucoup dc maux» comme homme dc la part des hommes ; il est ressuscité après ki mort, comme Dieu ct homme » (S. Guelf. 16. 1). 232 AVGVSTINI HIPPONENSIS cepit. Vnusquisque autem natus de homine -patre suo et 105 de homine matre sua. Christus autem natus de spiritu sancto et uirgine Maria. Ad nos accessit sed a se non mul­ tum recessit. Irnmo a sc quod deus est numquam recessit sed addidit quod erat naturae nostrae. Accessit enim quod non erat, non amisit quod erat, factus filius hominis, sed 110 non cessauit esse filius dei. Per hoc mediator in medio x. Quid est in inedio ? Nec sursum nec deorsum. Quomodo nec sursum nec deorsum ? Nec sursum quia caro, nec deorsum quia non peccator, sed tamen in quantum deus, semper sursum. Non enim 115 sic ucnit ad nos ut dimitteret patrem ; a nobis iuit, iuit et non nos dimisit ; ad nos uenict et illum non dimittet2. 104 natus : est add. p maur. || 100 uirgine Maria : Maria uirgine transp. a maur. || Ad nos accessit : acc» ad n. transp. p maur. || 108 naturae nostrae : -ni -Ira / I enim : ad id p maur. ]| 109 non2 : ct pracm. a || factus : est add. p a. maur. || 113 caro : est add. p a maur. '| 114 Non : Ncc p4 maur. || ! 15 patrem : cum quo uiuit ct regnat detis In sacculo sacculorum add. a et sic desinit || iuit1 : ibit / K iuit2 : ibit f om. p maur. | 110 dimisit : ut supra Uncam 2 nt add. / || uenict : ucnirct / >| ct2ojn. f || non o;n. / | dimittet : dimitteret /. 1. · Médiateur, qui est établi au milieu entre Dieu et les hommes, entre Dieu Juste cl les hommes injustes, homme Juste au milieu, tenant son humanité d’en bas ct sa justice d’en haut et pour cela nu milieu, car il tient l’une d’ici ct l’autre do là. S’il était tout entier de là-haut, il serait là-haut, ct s’il était tout entier d’ici, il serait ici-bas, avec nous, il ne serait pas au milieu · (S. 2-10, 5). « Pour être au milieu, il n pris quelque chose qu’il n’était pas, mais pour que nous parvenions à lui, il est demeuré cc qu'il était. Car void Dieu au-dessus de nous cl nous voici au-dessous de lui et la distance entre nous est énorme, l’éloignement surtout du péché nous sépare ct nous rejette SERMON 121, § 5 (104-1 IG) 233 un homme pour concevoir. Chaque homme est né de deux êtres humains : son père et sa mère. Mais le Christ est né de l’Esprit-Saint et de Marie vierge. 11 s’est appro­ ché de nous, mais il ne s’est pas beaucoup séparé de luimême. Ou plutôt il ne s'est jamais séparé de lui-même, étant Dieu il a ajouté à ce qu’il était notre nature humaine. En effet il s’est adjoint ce qu’il n’était pas. il n’a rien perdu de ce qu’il était. Devenu fils d’homme, il n’a pas cessé d’être fils de Dieu. C’est pour cela qu’il est le médiateur, au milieu *. Pourquoi : au milieu ? Ni en haut, ni en bas. Comment ni en haut, ni en bas ? Ni en haut parce qu’il est chair, ni en bas parce qu’il n’est pas pécheur. El cependant, en tant que Dieu, toujours en haut. Il n’a pas quitte le Père pour venir vers nous ; il est parti de chez nous, il est parti et ne nous a pas quittés ; il viendra vers nous sans le quitter *. loin de lui. Pour couvrir de si grands espaces, par 0(1 passerions-nous pour parvenir à Dieu ? Dieu lui-mémo demeure Dieu. L’homme s’ajoute à Dieu et devient avec lui un seule personne, qui n’e.st pas un demi-dieu, un dieu qui ne serait qu’en partie dieu ct un homme qui ne serait qu’on partie homme, mais Dieu tout entier, homme tout entier. Dieu libérateur, Dieu médiateur, pour que nous allions par lui vers lui ; et non pas, vers lui sans doute, mais par un autre ; pour que nous allions par ce qui en lui est nôtre vers lui qui nous a faits > (S. 293, 1). 2. · Notre Seigneur Jésus-Christ n’est pas descendu du Père de telle sorte qu'il quittât le Père ct de même il est monté loin de nous et il ne s’est pas éloigné de nous * (N. Guelf. 13, 2). · Oü se trouve le Christ ? Λ la droite du Père, car < il est monté au ciel ·. Il est bien loin : Qui peut y monter, qui peut le toucher ? Mais s’il est loin de vous, comment peut-on vous dire sans men­ tir : 1-C Seigneur est avec vous ? C’est qu’il est assis ù la droite du Pèro et qu’en même temps il n’est pas sorti de vos cœurs » (S. Morin 6, 3). SERMO CCXXVII SERMO BEATI AVGVSTINI EPISCOPI DE SACRAMENTIS HABITVS DIE SANCTO PASCHAE Memor sum promissionis meae. Promiseram eniin uobis, 5 qui baptizati estis, sermonem quo exponerem mensae do­ minicae sacramentum1 quod modo etiam uidelis ct cuius nocte praeterita participes facti estis. Debetis scire quid accepistis, quid accepturi estis, quid cottidie accipere debeatis *. 10 Panis ille quem uidetis in altari sanctificatus 3 per ucrbum dei, corpus est Christi. Calix ille, immo quod habet calix, sanctificatum per uerbum dei, sanguis est Christi. Per ista uoluit dominus Christus coumcndare corpus et sanguinem suum quem pro nobis fudit in remissionem 15 peccatorum. Si bene accepistis, uos estis quod accepistis. / Homilialre dc Eleury. Paris B. N. n. a. 1. 1599 (Viu) Flcury-sur-Loire^ fol. 22V. p Homilialre des Sancti catholici Paires, accord des mss : P2 Troyes b. μ. 219 (χιι) Clairvaux, fol. 156. p* Londres b. m. Arundel 105 (xn) BotiMcs, fol. 130.. p8 Paris b. n. lat. SOI (xu) probabl. Tarrayone, fol. 145. menu·. Édition des Mauristcs. Inscriptio ex p Item alius sermo corpus ct sanguini (post is littera erasa) Christi quo expositio sacramenti inscribitur quod intellectu caret / || 6 quod modo : quomodo / J| 7 participes : iam praem. p || 11 est Christi : Christi «st transp. p· 8 || 12 per ucrbuin : perbuin (-ver- sup. lineam 2 rn.) / || est Christi : Christi est transp. p"11 | 13 Christus om. p* j| 14 nobis : uobis p1 ,| 15 uos c. q. accepistis om. p SERMON 227 SERMON DU BIENHEUREUX AUGUSTIN ÉVÊQUE SUR LES MYSTÈRES LE SAINT JOUR DE PAQUES Je n’ai pas oublié ma promesse. Je vous avais promis, à vous qui avez été baptisés, un entretien sur le sacrement dc la table du Seigneur 12 que vous voyez maintenant encore et auquel vous avez pris part la nuit dernière. Vous devez savoir cc que vous avez reçu, ce que vous recevrez, cc que vous devriez recevoir chaque jour *. Ce pain, que vous voyez sur l’autel, sanctifié par la parole de Dieu 3 est le corps du Christ. La coupe ou plutôt le contenu dc la coupe sanctifié par la parole de Dieu est le sang du Christ. Par eux, le Seigneur Christ a voulu nous confier son corps et son sang, qu’il a répandu pour nous en rémission de nos péchés. Si vous les avez reçus dans dc bonnes dispositions, vous clés ce que vous 1. C’est la catéchèse traditionnelle sur l'eucharistie (ct. S. 228, 3, l'énu­ mération des catéchèses d’initiation) qui se faisait, à Hippone, le jour même de Pâques, au cours do l'oblation à laquelle les « nouveau-nés · participaient pour la deuxième fois. Dans la prédication qui n'était pas destinée aux seuls fidèles, on s'abstenait do faire une allusion trop précise à l'eucharistie (ci. S. 232. 7 ; 231, 2 ; 235, 3 ; Mai 86, 3 ; 132, 1 ; In lo. Eu. 11, 3). 2. Ιλ célébration eucharistique était quotidienne à Hippone. Cf. AM, I p. 261, lignes 3 et 21 et 5. 57, 7 ; 334,3, etc. De même à Milan, cf. Ambroise, De sacramentis V. 25 : Accipe quotidie quod quotidie tibi prosit. L'usage n’était pa* le même dans toutes tes églises. Cf. Augustin, Epist. 54, 2. 3. Sanctificatus et plus loin sanctificationem désignent le pain consacré et la consécration. Cypri en usait du mémo terme : in sanctificando calice (Epist. 63. 13). Amkhoise emploie le mot consecratio (De sacramentis IV, 14, 16 ; De mysteriis 54). 236 AVGVSTTNI HIPPONENSIS Apostolus enim dicit : Vnus panis, unum· corpus multi sumus a. Sic exposuit sacramentum mensae dominicae : Vnus panis, unum corpus multi sumus. Conmondatur no­ bis in isto pane quomodo unitatem amare debeatis. Num20 quid enim panis ille de uno grano factus est ? Nonne multa erant tritici grana ? Sed antequam ad panem uenirent separata erant ; per aquam coniuncta sunt post quamdam contritionem Nisi enim molatur triticum et per aquam conspergatur, ad istam formam minime uenit quae panis 25 uocatur. Sic et uos ante iciunii humiliatione et exorcismi sacramento quasi molebamini. Accessit baptismum et aqua quasi conspersi estis ut ad formam panis ueniretis. Sed nondum est panis sine igne. Quid ergo significat ignis, hoc est chrisma olei2? Etenim ignis nutritor3 spiritus 30 sancti est sacramentum. In actibus apostolorum aduertite quando legitur ; modo enim incipit liber ipse legi : hodie coepit liber qui uocatur actuum apostolorum. Qui uult 16 enim om. p* | 18 uobis om. />s || 19 amare : ament p* |'; debeatis om. p* Q 22 post : et praeni, p || 24 conspergatur : et add. ! || quae ddcuil / '| 25 iciunii : iciuniis / |! et2 om. / || exorcismi : -mis f || 26 sacramento om. / |l molebamini : lebamini (post correct. 2 ni. launmlni) / || Accessit : Acceditfl|| 27 quasi om. / || conspersi : -sparsi f || 29 olei : oleum p maur. || nutritor contectura correxi nutrit dcin una uri altera liticra erasa quid primatn habuerit incertum nutritus suppi. 2 m. f nostri p maur. Quid <*rgô significat ignis ? hoc est chrisma. Oleum etenim ignis nostri spiritus sancti est sacramentum sic inierpunx. maur. || 30 aduertite : aduerte / -| 31 enim om. p maur. η. I Cor. 10, 17 1. Argument traditionnel depuis Irén£g (Aduers. Haeres. 3, 17 (2)). Cf. Cyprien : Quo ct ipso sacramento populus noster ostenditur adunatus; at, quemadmodum grana multa in unum collecta et commolita e! commixta panan unum faciunt, sic in Christo, qui est panis caelestis unum sciamus esse corpus cui coniuncius sit noster numerus ct adunatus (Episl. 63, 13). 2. χρίσαα signifie plutôt onguent qu’onction» cependant le sens d’onction est très net dans l’Exodc, ou encore chez Jean (/ Jn 2, 20 : 2» 27), ainsi que chez Clément d’Alexandrie (cf. J. Ysebaert, Greek Baptismal Terminology Niinègue 1962). Dans le latin chrétien, chrisma signifie tantôt l’onguent (I® SERMON 227 (10-32) 237 avez reçu. L’apôtre dit en effet : a Nous sommes nom­ breux, mais un seul pain, un seul corps a. » C’est ainsi qu’il explique le sacrement de la table du Seigneur : a Nous sommes nombreux, mais un seul pain, un seul corps. » 11 vous est prouvé avec ce pain combien vous devez aimer l’unité. Car ce pain est-il fait d’un seul grain ? Les grains de blé n’étaient-ils pas au contraire fort nombreux ? Mais avant, d’être du pain, ils étaient séparés ; ils ont été liés par de l’eau, après avoir été broyés L Si le blé n’est pas moulu ct pétri avec de l’eau, il n’arrivera pas du tout à former celte chose qui se nomme pain. Vous aussi vous avez commencé par passer en quelque sorte sous la meule de l’humiliation du jeûne et du sacrement de l'exorcisme. Vint le baptême et avec l’eau vous avez été en quelque sorte pétris pour devenir du pain. Mais sans le feu, ce n’est pas encore du pain. Que symbolise donc le feu, c’cst-à-dire fonction d’huile 2 ? Assurément l’huile nourricière 3 du feu est le sacrement du Saint-Esprit. Remarquez ce qu'on lit dans les Actes des Apôtres. On vient à l’instant de commencer la lec­ ture de ce livre. C’est aujourd'hui qu'on commence la lecture du livre intitulé Actes des Apôtres. Qui veut chrême), cf. Optât de Milève 7, 4 ; tantôt Fonction, cf. Tehtullien, De baptismo 7 : a chrismate guod est unctio. 3. lx: mot nutritor est attesté en latin comme masculin do nutrix. Quintiubn le cite (Znsf. Oral. I, IV, 28). Optat de .Mii.ùvb remploie au sens figuré : nutritores mali (1, 15). Augustin de même : sub Ambrosio nutritore (Confes· fions 8, 6, 15) et dans le S. 23, 3 où Paul (à partir de / Thcss. 2, 7 : nutrix louent filios suas) est qualifié de nutritor ct fotor . — Le rapport de Fhuile et du feu (iqnis nutritor) nous apparaît de moins en moins clairement (< jeter de l’huile sur le feu · est devenu un proverbe dénué do sens). Par là mémo s’obscurcit pour nous le .symbolisme : Huile/onc lion/Esprit, qui repose sur k rapport Huile/feu/Esprit. Optât de Mil£vb 7 : Oleum quot! in nomine Christi confectum est·.· unde accenderetur lumen mentis. Ail leurs sont énumé­ rées les diverses utilisations, profanes ct sacrées, de l’huile : O/eum... in sapore, in lumine etiam in sancto chrismate simpliciter erogatur (ibid. 3. 4). — Saint Thomas : Quid enim sensibiliter spiritus sanctus super eos descendit in specie ignis ad eamdem significationem refertur ad quam refertur oleum, nisi quod ignis habet ulm acliuam, oleum autem habet uim passiuam in quantum est materia et fomentum ignis (III, 72, art. 2). 238 AVGVSTINl HIPPONENSIS proficere, habet unde. Quando conuenitis ad ecclesiam, tollite fabulas uanas, intenti estote ad scripturas *. Codices 35 uestri nos sumus. Adtendite ergo ct uidete qua uenturus est pentecoste spiritus sanctus. Et sic ueniet : in linguis igneis se ostendit. Inspirat enim caritatem qua ardeamus in deum et mundum contemnamus et foenum nostrum exuratur et cor quasi aurum purgetur. Accedit ergo spiri­ 40 tus sanctus, post aquam ignis et efficimini panis quod est corpus Christi. Et ideo unitas quodam modo significatur. Tenetis sacramenta ordine suo. Primo, post orationemJ, admonemini sursum habere cor; hoc decet membra Christi. Si enim membra Christi facti estis, caput ucstrum ubi est ? 45 Membra habent caput. Si caput non praecessisset, mem­ bra non sequerentur. Quo iuit caput nostrum ? Quid red­ didistis in symbolo ? Tertia die resurrexit a mortuis, ascen­ dit in caelum, sedet ad dexteram patris. Ergo in caelo caput nostrum. Ideo cum dicitur : Sursum cor, respondetis : Ha­ 50 bemus ad dominum. Et ne hoc ipsum quod cor habetis sursum ad dominum, tribuatis uiribus uestris, meritis uestris, laboribus uestris, quia dei donum est sursum habere cor, ideo sequitur episcopus uel presbiter qui offert et dicit — cum responderit populus : Habemus ad dominum 55 sursum cor — : Gratias agamus domino deo nostro quia 1 34 estote : state / || 35 qua : quia p maur. || pentecoste o/n. p || 38 content· namus mundum tran&p. p maur. || 41 quodam modo : quomodo /p nitiu· rtnos secuta correxi || 42 Primo : prior (prius 2 m.) / ]| 43 admonemini : admoniti / j| decet : docentur p || 45 Si : Sic / || caput3 om. / || 46 nostrum: ueslrump<$ maur. | Quid : Quod / || reddidistis : rcddislis / || 47 symbolo : symbolum / | Tertia : -tio p2 | 48 caelo : est add. p maur. || 19 cum dicitur om. f I, 59 nc : ncc / | 51-52 meritis uestris laboribus uestris om. per homoeot. p || 52 donum dei Iransp. p* || 53 cor : gratias agamus domino deo nostro quia sursum cor habetis add. p6 || 53-54 qui olTert... populus om. / sed in intcrliricari spatio altera manu additum cxl : postquam responsum est || 54 habemus : habetis p 1. · Ceux qui dans rassemblée prêtent une oreille attentive aux Lecteurs» qui nc portent pas dans cette enceinte les soucis dc leur propre maison, qui nc sc délectent pas à des papotages (domesticis fabulis), qui viennent ici non SERMON 227 (33-55) 239 faire des progrès peut en tirer profit. Quand vous vous réunissez pour l’assemblée, cessez vos inutiles bavar­ dages, soyez attentifs aux Écritures Nous sommes vos livres. Réfléchissez donc et regardez par quelle voie le Saint-Esprit doit venir à la Pentecôte. Voici comment il viendra : il se montre en langues de feu. Il nous insuffle la charité pour que, par clic, nous soyons enflammés pour Dieu et méprisions le monde, que nous fassions brûler nos scories et que notre cœur soit purifié comme l’or. Vient donc l’Esprit-Saint, après l’eau, le feu, ct vous devenez le pain qui est le corps du Christ. Ainsi en quelque sorte est symbolisée l’unité. Vous connaissez les mystères dans leur déroulement. En premier lieu, après la prière 2, on vous invite à tenir votre cœur en haut ; cela convient à des membres du Christ. En effet si vous êtes devenus membres du Christ, où se trouve votre tète ? Les membres du corps ont une tète. Si la tète n’avait pas dirigé le mouvement, les membres nc suivraient pas. Où est allée notre tête ? Qu’avez-vous récité dans le symbole ? « Le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté au ciel, s’est assis à la droite du Père. » C’est donc au ciel qu’est notre tête. Aussi quand on dit : « Le cœur en haut ! n vous répondez : « Nous le tenons vers le Seigneur. » Et pour que vous n’attribuiez pas ce fait, d’avoir votre cœur vers le Seigneur, à vos propres forces, à vos propres mérites, à vos propres efforts, car c’est un don de Dieu d'avoir son cœur en haut, l’évêque, ou le prêtre qui offre, après la réponse du peuple : « Nous tenons notre cœur en haut vers le Seigneur », continue : « Rendons grâces au Seigneur notre Dieu », parce que nous tenons notre pour trouver avec qui parler de sujets futiles, mais pour y entendre en com­ mun des vérités utiles... » (S. 32, 2). 2. Prière qui suivait la Liturgie de lu Parole avant le renvoi des Catéchu­ mènes. Plusieurs sermons se terminent par une prière ; assez souvent le ta­ chygraphe $e contento do noter : « Conucrsi ad dominum, etc. ·. Dans la Lettre 29, 7, Augustin raconte : « Cela dit. j’ai rendu le livre ct j’ai invité à la prière (imperata oratione')... ·. Nous avons un écho de cet appel ù la prière dans le S. 232, 3 : Oratc, pacnitcntcs..., appel adressé cette fois-ci aux Péni­ tents — ct dans une circonstance indéterminée. 240 AVGVSTÏNI HIPPONENSIS sursum cor habemus. Gratias agamus, quia nisi donaret in terra cor haberemus. Et uos adtestamini dicentes : Di­ gnum et iusturn est ut ei gratias agamus qui nos fecit sur­ sum ad nostrum caput habere corx. eo Deinde post sanctificationem sacrificii dei, quia nos ip­ sos uoluit esse sacrificium suum, quod demonstratum est ubi impositum est primum illud sacrificium dei et nos — id est signum rei — quod sumus 2, ccce ubi est peracta sanctificatio dicimus orationem dominicam 3, quam accc65 pistis et reddidistis. Post ipsam dicitur : Pax uobiscum et osculantur christiani in osculo sancto. Pacis signum est : sicut ostendunt labia, fiat in conscientia, id est quomodo labia tua ad labia fratris tui accedunt, sic cor tuum a corde eius non recedat ·. 70 Magna ergo sacramenta et ualde magna. Vultis nosse quomodo conmcndcntur ? Ait apostolus : Qui manducat corpus Christi aut bibit calicem domini indigne, reus est corporis et sanguinis domini “. Quid est indigne accipere ? Contemptibiliter accipere, irridenter accipere. Non tibi 56·57 Gratins... haberemus om. p || 57 dicentes om. p2 maur. || 58 est : dicentes add. p* 12*maur. | ei : et p || agamus : ci add. p || CO quia : qua p2 41| 62 ubi : ibi / | 65 reddidistis : credidistis / || 66 pacis : quod praem. p || 67 sicut : st quod p || 68 tua om. f | labia2 : labiam / || tuum om. / || 69 eius om. / II 71 conmcndcntur : -dantur p* -datur p* || 72 bibit : bibat /1| indigne calicem domini transp. p || est : erit p25 maur. || 73 sanguinis: sanguis / || 74 irridenter accipere om. / || tibi om. / a. I Cor. 11, 27. 1. Le Sermon Guelf. Ί et le S. 227 nous restituent, à eux deux, le dialogue de la préface en son entier (Dominus uobiscum, Guet/. 7,3). Sursum cor est la formule constante chez Augustin. Au contraire Cvpbien disait : Sursum corda (De oratione dominica 31). 2. Ce texte difficile est éclairé par De duitate dr.i 10, 6 :... quod totum sacri· fidum ipsi nos sumus... Hoc est sacrificium Christianorum « multi unum cor­ pus sumus in Christo ·. Quod etiam sacramento altaris fidelibus noto frequentat ecclesia ubi ei demonstratur quod in eu re quam offert, ipsa offeratur. On notera le parallélisme formel des deux textes : nos ipsos uoluit esse sacrificium suum (227) et corpus enim nostrum sacrificium est (Ciu.dci) ; quod demonstratum est ubi... (227) et ubi et demonstratur quod... (Citi. dei); signum rei (227) et SERMON 227 (5Ô-74) 241 cœur eu haut, « rendons grâces », car si ce n’était pas un de ses dons, nous aurions notre cœur à terre. Et vous l'attestez en disant : « Il est convenable et juste » que nous lui rendions grâces, à lui qui a fait que nous tenions notre cœur en haut vers notre tête *. Ensuite, après la sanctification du sacrifice de Dieu, parce qu’il a voulu que nous soyons nous-mêmes son sacrifice, ce qui est clairement indiqué dès qu’a été dépose ce sacrifice de Dieu que nous sommes nous aussi 1 — ou plutôt le signe qui nous représente voici donc qu’est achevée la sanctification, nous disons la Prière du Seigneur 3 que vous avez apprise cl récitée. Ensuite on dit : « La paix soit avec vous », et les chrétiens se donnent un saint baiser. 11 est le signe de la paix. Ce qu’expriment les lèvres doit se réaliser dans la conscience, c’est-à-dire que. de même que tes lèvres s’approchent des lèvres de ton frère, de même ton cœur ne doit pas s’éloigner de son cœur 4. Ce sont donc de grands, de très grands mystères. Veuxtu savoir à quelles conditions ils nous sont confiés ? L’apôtre dit : « Celui qui indignement mange le corps du Christ ou boit la coupe du Seigneur se rend coupable du corps ct du sang du Seigneur ®. » Que signifie recevoir indignement. ? Recevoir avec dérision, recevoir avec in ta re (Ciu.dci) : ubi impositum est illud sacrificium (227) et in ca re quam offert {Ciu.dci), 3. L’autel {alfare, mensa domini) est appelé aussi le · lieu de la prière · (locus orationis). Cf. S. 49, 8 : · Voici qu’après la prédication, on renvoie les catéchumènes, les fidèles vont rester, on s’approchera du lieu do la prière... ». 4. La récitation de la prière du Seigneur s'accompagnait de deux gestes du célébrant ct des fidèles : on se frappe la poitrine à Dimitte nobis debita nostra (cf. S. 351, G) ; on scelle 1c Sicut et nos dimittimus par le baiser de paix (cf. Trrtuixiex, De aratione 18 : osculum pacis quod est signaculum ora· tlon is). Dans la langue des chrétiens, petere aliquem ad pacem devient syno­ nymo d'embrasser (cf. Eplst. 158, 10). Cependant le baiser de paix prend un sens plus large du fait quo pax désigne surtout, à l'époque d’Augustin, l’unité de Γ Église. Au iv« siècle, l'inscription funéraire fidelis in pace désigne exprès· sèment que le chrétien baptisé est mort dans la communion catholique, aussi la formule fut-elle bannie par les Donatistes qui la remplacèrent par fidelis in fide euangelii (cf. E. Marec, Monuments chrétiens d'Hippone, Paris 1958, p. 66, note 2). Augustin d'Hippone. 16 242 AVGVSTÏNI HIPPONENSIS 75 uideatur uilc, quia uides. Quod uidcs transit, sed quod significatur inuisibilc non transit, sed permanet. Eccc accipitur, comeditur, consumitur. Numquid corpus Christi consumitur ? numquid ecclesia Christi consumitur ? nuinquid membra Christi consumuntur ? Absit. Hic su mundantur, ibi coronantur. Manebit ergo quod signifi­ catur, quamquam transire uideatur illud quod significat. Sic ergo accipite ut uos cogitetis, unitatem in corde habeatis, sursum cor semper figatis. Spes uestra non sit in terra, sed in caclo ; fides uestra (irina sit in deurn, 85 acceptabitis sit deo. Quia quod modo hic non uidetis et creditis, uisuri estis illic, ubi sine line gaudebitis. 70 inuisibilc : -bili pa s || sed permanet om. / || 70 consumuntur : -mentur ! | Absit om. / || 80 signillcatur : aeternaliter add. p maur. ,| 81 quamquam : quam (-quam 2 m.) / || significat : correxi significatur / illud quod significat om. p maur. |- 82 unitatem : ut praem. maur. ]| 83-84 non sit... in SERMON 227 (75-86) 213 mépris. Ne prends pas cela pour chose vulgaire parce que tu le vois de tes yeux. Ce que lu vois passe, l’invisible qui est manifesté ne passe pas, mais demeure. Voici qu’on le reçoit, qu’on le mange, qu’on le détruit... Le corps du Christ est-il détruit ? L’Église du Christ estelle détruite ? Les membres du Christ sont-ils détruits ? Non certes ! Ici ils sont purifies, là-haut couronnés. Par conséquent ce qui est signifié demeurera quoique ce qui signifie semble passer. Recevez-le donc pour y con­ former votre pensée, pour conserver l’unité dans vos cœurs, pour fixer votre cœur en haut. Ne placez pas votre espoir sur la terre, mais dans le ciel ; que votre foi en Dieu soit solide, que Dieu daigne l'agréer. Ce que vous ne voyez pas ici maintenant ct que vous croyez, vous le verrez là-haut où sans fin vous vous en réjouirez. cnelo om. f || 8-1 in deum om. / || 85 ncccptabilis sit deo om. / || quod modo : modo quod / || lue om. t || 86 illic ubi sino Ûne om. / j| «audebitis : et pracm. /. SERMO CCXXXI SERMO HABITVS SECVNDA FERI A 1. Resurrectio domini nostri lesu Christi ex more legi­ tur his diebus ex omnibus libris sancti euangelii. In hac lectione animaducrtimus quomodo ipse discipulos suos, 5 prima membra sua, haerentes lateri suo, obiurgauit domi­ nus iesus, quia quem dolebant occisum fuisse non crede­ bant uiuum esse. Patres fidei nondum fideles, magistri ut crederet totus orbis terrarum quod praedicaturi fuerant et propter quod fuerant morituri, nondum credebant. Quem io uiderant mortuos suscitasse non credebant resurrexisse. Merito ergo obiurgabantur. Ostendebantur sibi ut inno­ tescerent sibi qui essent per se ipsos, qui futuri essent per illum. Sicut, etiam Petrus demonstratus est sibi, quando domini inminente passione praesumpsit ct ucnicntc ipsa 13 passione titubauit. Vidit so in se, doluit se in se, licuit se in se ; conucrsus est ad eum 1 qui fecerat se *. Ecce isti / Homiliaire de Fleury. Pahls B. N. η. n. I. 1599 (vin) Fleury sur-Loire, fol. 21. p Homiliaire des Sancti catholici Paires, accord des mss : p2 Troyes u. m. 219 (xn) Clairuaux. fol. 1COV. P1 Londres n. m. Arundel 205 (xn) Bohéries, fol. 134p* Paris u. N. lui. .301 (xn) probablement Tarragon?., fol. 116v. p7 Paris ri. N. hit- 12109 (xn) Corbie, fol. 5. a Wroclaw (Breslau). Bibl. Uniw. I. l·’. 123 (xv) Dominicain.? de W„ fol. 327. maur. Édition des Mauristes. 1 Inscriptio ex t mus ; -listis p24S Sermo beati Augustini episcopi p α || 4 animadverti­ -titis P7 |[ |ρ$< * orn. a | suos orn. p24 maur. || 5 obiur- SERMON 231 SERMON DU LUNDI DE PAQUES 1. Suivant l'usage, nous lisons en ces jours la résur­ rection de notre Seigneur Jésus-Christ dans chacun des livres du saint évangile. Dans la lecture d'aujourd’hui, nous avons remarqué les reproches que le Seigneur .Jésus adresse à ses disciples, les premiers de ses membres, attachés à son côté, parce qu'ils n’arrivaient pas à croire vivant celui qu’ils pleuraient mort. Nos pères dans la foi n'avaient pas encore la foi, les maîtres par qui le monde entier allait croire ce qu’ils allaient prêcher et ce pour quoi ils allaient mourir, ne croyaient pas encore. Ils l’avaient vu ressusciter les morts, mais ils ne croyaient pas qu’il fût lui-même ressuscité. Ces reproches étaient par conséquent bien mérités. Ils recevaient la claire révélation de ce qu’ils étaient par eux-mêmes et de ce qu'ils seraient désormais par lui. Ainsi Pierre apprit à se connaître quand, trop sûr de lui à la veille de la passion du Seigneur, il chancela à l’heure de la passion. Il se vit alors réduit à lui-même, souffrit de ce qu’il était, pleura de ce qu’il était et se tourna 1 vers celui qui l'avait fait *. Voici donc qu'ils ne croyaient pas gauit : ob iurgauit / || 5-G domin. Ie$u$ om, p || 8 quod om. a |’ 9 morituri : murtui a il obiurgnbantur : obiugiibantur / obiurg;mtur a || 11-12 ut innot. sibi om. p j 12qui1 : quid a | qui2: quid / a || 13 etiam : enim a sic ctiam maur. || 15 passione om. p4 6 7 || 16 *c 2 om. a 1. Mot lourd dc sens pour les · nouveau-nés · de la nuit de Pâques. Con­ verti ad dominum C$t le rite baptismal qui désigne rengagement dans la foi. 2. Allusion (qui revient fréquemment dans la polémique antipélngicnne) 246 20 25 30 35 AVGVSTINI HIPPONENSIS adhuc nondum credebant, in lectione ista nondum crede­ bant, cum iain uidorent. Qualis illius dignatio, qui nobis dedit credere quod nondum uidemus. Nos credimus eorum uerbis, illi non credebant oculis suis. 2. Resurrectio autem dornini nostri lesu Christi nona uila est credentium in lesum. Et hoc est sacramentum passionis et resurrectionis cius, quod ualde nosse et agere debetis Non enim sine causa uita uenit ad mortem, non sine causa fons uitae, unde bibitur ut uiuatur, bibit hic calicem qui ei non debebatur2. Non enim Christo debe­ batur mori. Vndc uenerit mors, originem si quaeramus, pater mortis peccatum est. Si enim numquam peccaretur, nemo moreretur. Legem dei, hoc est praeceptum dei, cum condicione homo primus accepit, ut si seruaret, uiuerct, si corrumperet, moreretur. Non sese credendo moriturum fecit unde moreretur et inuenit ucrum fuisse quod dixerat qui legem dederat. Inde mors, inde mortalis, inde labor, inde miseria, inde etiam post mortem primam mors se­ cunda ’, id est, post mortem temporalem mors sempiterna. Huic ergo condicioni mortis, his legibus inferni obstrictus nascitur omnis homo ; sed praeter illum hominem qui homo factus est ne periret homo. 17 nondum : non p maur. || in lectione Ista nondum credebant om. p. α maur. || 18 cum iain uldcrcnt om. f || Qualis dignatio : o qualis et quanta illius pia dignatio dignaque pictas p || 19 nondum : non p maur. | itidemus : uidimus p2t7 || 19-20 uerbis eorum /ransp. / | 21 Christi om. α |[ 22 lesum : illum p* 4S. H 23 agere : erodere p [ 25 unde bibitur : undebetur bibet / unde uiulturp6 II ut uluatur o/n. ! α | hic : hunc p* ty. maur. || 26 debebatur : debatur / || 27 mori : mors p147 || si : ipsi / Christi α ipsius maur. || 29 moreretur : moritur / inoremur p4 || 31 sesc : se p7 |[ credendo : cre­ dendum / U 33 inde mortalis om. α | 31 post mortem om. α | primam: prima α | secunda om. α || 35 Id om. / || 36 ergo om. α || condicioni : -nls / || mortis : obnoxius add. α || obstrictus : constrictus α || 37 sed om. α au Psaume 99, 3 : · C’est lui qui nous a faits et non pas nous-mêmes. · Cf. H. Ronijet, « Essais sur la chronologie des Enarrationes in Psalmos de S. Augustin.* BuHelin de Littérature Ecctésisatiquc 19B0, p. 259. 1. « En vivant bien, commencez A mener spirituellement (spiritaliter agere) SERMON 231, § 1-2 (17-38) 247 encore, dans la lecture que Ton vient de faire ils ne croyaient pas encore, et pourtant ils voyaient. Quelle marque de bonté de sa part qu’il nous ait donné de croire ce que nous ne voyons pas. Nous croyons leur parole, eux n’en croyaient pas leurs propres yeux. 2. La résurrection de notre Seigneur Jésus-Christ est une vie nouvelle pour ceux qui croient en Jésus. C’est là le mystère de sa passion cl de sa résurrection que vous devez parfaitement connaître et vivre ». Ce n’est pas pour rien que la vie est venue à la mort, ce n’est pas pour rien que, source de vie où l’on s’abreuve pour vivre, il s’est, abreuvé d’une coupe qui ne lui était pas duc 2, car la mort n’était pas due au Christ. Si nous cherchons d'où est venue la mort, si nous cherchons son origine, le péché est père de la mort. S’il n’y avait jamais de péché, personne ne mourrait. Le premier homme a reçu la loi de Dieu, le commandement de Dieu, avec la condition que, s’il le gardait, il vivrait, s’il la détruisait, il mourrait. En ne croyant pas qu’il pourrait mourir, il a été cause de sa propre mort. Il s’est rendu compte alors que celui qui lui avait donné la loi avait, dit vrai. De là la mort, de là une condition mortelle, de là la peine, de là le malheur, et une seconde mort 3 après la première, après la mort temporelle la mort éternelle. Tout homme naît lié à cette condition de mort, à cette loi de l’enfer, sauf l’homme qui s’est fait homme pour que l’homme ne meure pas. la vie que le Christ nous a montrée en son corps ressuscité * (S. Guelferbytanus 0. 4). 2. Pour Pâques et les premiers jours de Γ Octave. fréquentes allusions nu Psaume 35. Pour les nouveaux baptisés· le Christ est lui-même Font uitae. Le S. 233 commente le psaume dans son ensemble ; cf. aussi In 7o. Eu. 34, 3, 4. 5. 3. · Ce jugement pour lequel ressuscitent les impies s’appelle la seconde mort. Chrétien, pourquoi craindre la première ? · (S. 344, 4). L’expression a sa source dans l’Apocalypse 20,14 et 21. 8. J. C. PtVMPB (< Mors secunda ■ dans Mélanges J. de Ghellïnck, t. 1, p. 387) note que le concept tient une place particuliérement importante dans le livre XIII de la Cité de Dieu. L’emploi fréquent de cette expression, tant cher. Augustin que chez les autres afri­ cains. fait penser qu’elle était d’un usage courant au moins en Afrique. Le prédicateur éprouve cependant ici le besoin de l’expliquer. 248 AVGVSTINI HIPPONENSIS Non enim legibus mortis uenil obstrictus,’ ideo dicitur •10 in psalmo : Inter mortuos liber s. Quein sine concupiscentia uirgo concepit, quem uirgo peperit — et uirgo permansit, qui uixit sine culpa, qui non est mortuus propter culpam, communicans nobiscum poenam, non communicans cul­ pam — poena culpae morsb — dominus lesus Christus •15 mori uenit, peccare non uenit. Communicando nobiscum sine culpa poenam et culpam soluit et poenam *. Quam poenam soluit ? Quae nobis de­ bebatur post istam uitam. Ergo crucifixus est ut in cruce ostenderet uctcris hominis nostri occasum et resurrexit ut 50 in sua uita ostenderet nostrae uitac nouitatem. Sic enim docet doctrina apostolica : Traditus est, inquit, propter peccata nostra et resurrexit propter iuslificalionem nostram c. Huius rei signum circumcisio data erat patribus ut octaua dic circumcideretur omnis masculus. Circumcisio fiebat 55 ex cultellis petrinis d, quia petra erat Christus «. In ista cir­ cumcisione significabatur exspoliatio carnalis uitac octaua die per Christi resurrectionem. Septimus enim dies ebdomadis sabbato completur. Sabbato dominus iacuit in sepulchro, septimo sabbati; resurrexit octauo. Resurrectio 60 ipsius innouat nos. Ergo octauo die circumcidit nos. In ipsa spe uiuimus. 3. Audiamus apostolum dicentem : Si resurrexistis cum 39 mortis om. / α || uenit obs. : obs. uenit Iransp. α || -10 quem : et add.p maur. || 11 uirgo * om. p357 || 42 culpam : suam. Sed mortuus est propter nostram add. a | 43 communicans... culpam om. per homocol. / a | 46 Com? inimicando : -candum/ || 47 Quam poenam : poenam quam/a || 49 nostri : hominis2 add. pf |’ 51 docet : docuit / a doctrina doc- Iransp. p7 || est inquit : inquit est a inquid / || 52 peccata : delictu / | 53 data : facta p * 67 U uctaua : -uo p2*7 || 54 masculus : -culis f || 55 ex : in p8ST maur. om. p * || cultellis petrinis : -tcllos -trinos / || 56 significabatur : om. p2 significatur p67 | octaua : -uo p« maur. quid est octauo die add. p '| 57 per : post p || 59 septimo : -ma / maur. om. a || sabbati om. α d resurrexit om. α || octauo : -ua p2 maur. autem dic add. α || Resurrectio : Rectio (resur in margine) f resurgendo α || 60 ipsius om. α || innouat nos : nos innommit α || dic : resurgendo add. p2 maur. | 61 ipsa om. α I spe : Christi add. α || uiuimus : uiucmus α SERMON 231, § 2-3 (39-02) 249 Lui n’est pas venu lié par une loi de mort, aussi est-il dit, dans le psaume, « libre entre les morts a ». Lui qu’une vierge a conçu en dehors de la concupiscence, lui qu’une vierge a enfanté — et elle est demeurée vierge - , lui qui a vécu sans péché, qui n’est pas mort à cause du péché, partageant avec nous la peine non la faute — « la peine du péché, c’est la mort b » - le Seigneur Jésus-Christ est venu mourir, il n’csl pas venu pécher. En partageant avec nous la peine sans la faute, il nous a délivrés de la faute et de la peine *. De quelle peine nous a-t-il délivrés ? De celle que nous devions payer après cette vie. 11 a donc été crucifié pour mani­ fester sur la croix la mort du vieil homme qui était en nous, il est ressuscité pour manifester dans sa vie le renouveau de notre vie. Ainsi nous l’apprend la doctrine de l’apôtre : « Il a été livré pour nos péchés, il est res­ suscité pour notre justification c. » En témoignage de quoi, la circoncision avait été donnée à nos pères. Tout mâle devait être circoncis le huitième jour. La circon­ cision devait se faire « avec des couteaux de pierre <* », car » le Christ était la pierre c ». La circoncision symbo­ lisait le dépouillement de la vie charnelle par la résur­ rection du Christ survenue le huitième jour. Car le sep­ tième jour de la semaine est occupé par le sabbat. Le jour du sabbat le Seigneur gisait au tombeau, le sep­ tième jour de la semaine, et il ressuscita le huitième. Sa résurrection nous donne une vie nouvelle, par consé­ quent au huitième jour il nous circoncit. Nous vivons dans cette espérance. 3. Écoutons la parole de l’apôtre : « Si vous êtes rcsa. Ps. .37, 6 II b. Rom. 6, 23. || c. Rom. 4, 25 || d. Cf. Jos. 5, 2 | c. I Cor. 10, 4 1. « O Seigneur Jésus, toi qui as souffert non pour toi mais pour nous» sans avoir commis de faute tu os supporté la peine due à la faute pour nous délivrer et de la peine et de la faute » (S. 130, 6). « Mais quand nous nous trou­ vions soumis ft des peines qui nous venaient do nos fautes, noire Seigneur Jésus-Christ voulut être soumis aux mémos peines que nous, sans qu’il y eût de sa faute. En subissant la peine sans avoir commis de faute, il a sup­ prime et la peine et la faute · (S. 210, 3). 250 AVGVSTINI HIPPONENSIS Christo... n Quando resurgemus, qui nondum mortui su­ mus ? Quid est ergo quod noluit dicere apostolus : Si re· 65 surrexistis cum Christo ? Numquid ille resurrexisset nisi prius mortuus fuisset ? Viuontibus loquebatur, nondum morientibus et iam resurgentibus. Quid sibi uult ? Videte quid dicat : Si resurrexistis cum Christo, quae sursum sunt sapite, ubi Christus est in dextera dei sedens ; quae sursum 70 sunt quaerite, non quae super terram. Mortui enim estis 11. Ipso dicit non ego et tamen ncrum dicit et ideo dico et ego. Quare illud dico et ego ? Credidi propter quod locutus sumc. Si bene uiuimus, mortui sumus ct resurreximus; qui autem nondum mortuus est nec resurrexit, male adhuc 75 uiuit ; si male uiuit non uiuit ; moriatur ne moriatur1* . Quid est : moriatur ne moriatur ? Mutetur ne dampnetur. Si resurrexistis cum Christo, uerba repeto apostoli, quae sursum sunt sapite, ubi Christus est in dextera dei sedens ; quae sursum sunt quaerite, non quae super terram. Mortui 80 enim estis ct uita uestra abscondita est cum Christo in deo. Cum Christus apparuerit uita uestra tunc et uos cum illo apparebitis in gloria d. Haec sunt uerba apostoli. Ei qui nondum mortuus est, dico ut moriatur ; ei qui adhuc malo 63 Quando : Quomodo maur. || resurgemus : resurgimus p a maur. || 64 resurrexistis : surrexistis a | 65 resurrexisset : resurrexit / a || 67 mo­ nentibus : monentis (-bus 2 m. in marg.) f || et om. /. a | Videte : ct praem. f |J 69 sapile : quaerite maur. || ubi... quaerite om. α || 70 quaerite® sapite maur. || 71 dicit : apostolus add· p maur. || et1 : sed p4 α maur. || 72 Quare... ego om. per homoeot. / α || 74 nondum : non α || 75 si : qui α || I 76 Mutetur ... dampnetur : mutemur... dampnemur f ]| 77 resurrexistis : consurrexistis α || 78 sapite : quaerite maur. || sedens : dicens f || 79 quaerite : sapite / maur. || 81 cum1 : enim add. a || tunc dm. α '| 81-82 cui illo ap. : ap. cum illo transp. p457 α || 82 ei : ct α || 83 ei : ct α a. Coi. 3, 1. I b. Coi. 3. 1-3 | c. Ps. 115. 1 || d. Coi. 3. 1-3 1. Cf. Con/e&tfons (I. V, 5) : NoM abscondere a me faciem tuam. .Moriar ne moriar ut eam u ideam. Analysant ce texte, G. Wijdevelo (« Sur quelques passages des Confessions de saint Augustin ·, dans Vigiliae Christianae 195(9 SERMON 231, § 3 (63-83) 251 suscités avec le Christ n... » Quand ressusciterons-nous, nous qui ne sommes pas encore morts ? Qu'a voulu dire l’apôtre : « Si vous êtes ressuscités avec le Christ»? Aurait-il pu ressusciter, lui, s’il n’était pas mort aupa­ ravant ? Or l’apôtre s’adressait à des vivants, à des gens qui n’étaient pas encore morts. Et cependant déjà ressus­ cités ? Qu’est-ce que cela signifie ? Voyez ce qu’il dit : h Si vous êtes ressuscités avec le Christ, goûtez les biens d’en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite dc Dieu. Cherchez les biens d’en haut, non ceux de la terre. Car vous êtes morts b. » C’est lui qui le dit. ce n’est pas moi; mais il dit vrai, c’est pourquoi je le dis aussi... Pour­ quoi le dis-je aussi ? « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé c ». Si nous vivons bien, nous sommes morts et ressuscités. Qui continue de vivre mal n’est ni mort ni ressuscité. Or qui vit mal ne vit pas. Qu’il meure pour ne pas mou­ rir l. Qu’cst-ce à dire : qu’il meure pour ne pas mourir ? Qu’il change pour ne pas être condamné. « Si vous êtes ressuscités avec le Christ — je répète les paroles dc l'apôtre — goûtez les biens d'en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite dc Dieu. Cherchez les biens d’en haut, non ceux de la terre. Car vous êtes morts. Et votre vie est cachée en Dieu avec le Christ. Quand le Christ, votre vie, apparaîtra, alors vous aussi vous apparaîtrez avec lui dans la gloired. » Telles sont les paroles de l’apôtre. Λ qui n’est pas encore mort, je dis de mourir ; à qui continue de mal vivre, je dis de changer. Car qui p. 229-235) constate que, depuis toujours, les mots moriar ne moriar ut cam uidram ont donné un embarras considérable aux commentateurs et traduc­ teurs des Confessions. Rappelant l’opinion de R. Guardini et de W. Thimmc (le premier moriar se rapporte à la mort du « vieil homme » et le second à la mort spirituelle), il trouve que cette explication « est un peu recherchée · et propose de lire : Moriarne ? Moriar uZ ram uidcam. Dans notre texte, la for­ mule est suivie de son explication, évitant ainsi tout embarras aux commen­ tateurs ct traducteurs. L’acmnen · moriar ne moriar, moriatur ne moriatur » n’est pas une recherche de subtilité gratuite, mais se fonde sur le texte pauÜnien. (Pour s’en convaincre, il n’est que de le comparer h l’élan lyrique de Jean de la Croix qui. lui, repose précisément sur un s mple jeu dû mot : < Que mucro parque no mucro ·, dans un contexte d’ailleurs tout différent ct avec un autre sens). 252 AVGVSTINI HIPPONENSIS uiuit, dico ut mutetur. Si enim male uiuebat et iam non 85 male uiuit, mortuus est ; si bene uiuit, resurrexit. 4. Sed quid est bene uiucre ? Quae sursum sum sapite, non quae super terram. Quamdiu terra es et in terram ibis u quamdiu lingis terram — amando terram utique lingis terram — et efficeris eius inimicus de quo dicit psalmus : 90 Et inimici eius terram lingent b. Quid eratis ? Filii homi­ num. Quid estis ? Filii dei. Filii hominum, quousque grani corde? Vtquid diligitis uanitatem et quaeritis mendacium °? Quod mendacium quaeritis ? Dico modo. Beati esse uultis scio. Da mihi hominem latronem, sceleratum, fornicato· 95 rem, maleficum, sacrilegum, omnibus uitiis inquinatum, omnibus ilagitiis seu facinoribus obrutum, qui non uclit beatam uitam uiuere. Scio omnes uultis beate uiucre ; sed unde horno beate uiuit ? Hoc non uultis quaerere. Quaeris aurum quia putas te de auro beatum futurum ; sed aurum wo non facit beatum. Quare quaeris mendacium ? Quare uis esse in isto saeculo sublimatus ? Quia honore hominum et pompa saeculi putas te futurum beatum, sed pompa sae­ culi non facit beatum. Quare quaeris mendacium ? Et quicquid hic aliud quaeris, cum saeculariter quaeris;, 105 cum amando terram quaeris, cum lingendo terram quaeris, propterea quaeris ut sis beatus ; sed nulla res terrena te faciet beatum. Quare non cessas quaerendo mendacium ? Vnde ergo eris beatus ? Filii hominum, quousque graui corde? Non uultis esse grani corde, qui terra oneratis cor $A ct lam : etiam ffi || 85 mortuus ... nlult ozn. per homoco/. ! oc || 86 sapite : -ere p2i maur. '| 87 ct om. / α || ibis : uadis p maur. || 88 quamdiu I tamdiu p<>7 | lingis t. :t. lingis transp. p α || amando : manducando p || 90 hominum :-nis α ΐ 91 hominum : -uis α || graui : graues sicut cetera infra' maur. ]' 93 dico : dicam p ' modo : mundum / α | 95 omnibus : In pratm. a il 97 beatam uitam : beate p α maur. || beate : beatae/ beatam uitam α J 98 huc om. p57 K 99 putas : credis α | 190 non : prarm. te p4 maur. add. te a JI 102 beatum futurum transp. maur. || 102-103 sed... beatum om. per homoeot. a || 103 facit : te pracm. maur. |[ 105 cum4... quaeris onfi per homoeol. f || 107 faciet : facit p maur. || 108 quousque : usquoqueα II 109 uultis : enim add. p24 || terra : terreno mendatio α || oneratis : honM ratis p4 SERMON 231, § 3-4 (34-109) 253 vivait mal, mais a maintenant renoncé à rnal vivre, celui-là est mort. S’il vit bien, il est ressuscité. 4. Qu’entendre par : bien vivre ? « Goûtez les biens d’en haut, non ceux de la terre. » « Aussi longtemps que tu es terre, tu iras vers la terre “ *. » Aussi longtemps que tu lèches la terre — car en aimant la terre, il est évident que tu lèches la terre — tu es l’ennemi de celui dont on dit dans le psaume : « Ses ennemis lécheront la terre b. » Qu’étiez-vous ? — Fils d’hommes. Qu’êtes-vous ? — Fils de Dieu. « Fils des hommes, jusques à quand ces cœurs lourds ? Pourquoi aimer la vanité et chercher le men­ songe c ? » Quel est le mensonge que vous cherchez ? .Je vais vous le dire. Vous voulez être heureux, je le sais. Citez-moi un homme quel qu’il soit : voleur, criminel, débauché, malfaisant, sacrilège, souillé de tous les vices, chargé de toutes les turpitudes et de tous les forfaits, qui ne veuille pas être heureux. Je le sais bien, vous voulez tous vivre heureux. Mais qu’est-ce qui fait le bonheur de l’homme ? Cela vous ne voulez pas le chercher. Tu cherches l'or, parce que tu penses que l’or te rendra heureux. Mais l’or ne rend pas heureux... Pourquoi chercher le mensonge ? Pourquoi veux-tu en ce monde une position élevée ? Parce que tu penses que l’estime des hommes et les fastes du monde te rendront heureux. Mais les fastes du monde ne rendent pas heureux... Pourquoi chercher le mensonge ? El tout ce que tu peux chercher d'autre ici, quand tu cherches à la façon du monde, quand tu cherches en aimant la terre, quand tu cherches en léchant la terre, c’est pour être heureux que tu le cherches ; mais rien de terrestre ne pourra te rendre heureux. Pourquoi ne cesses-tu de chercher le mensonge ? Qu’est-ce donc qui te rendra heureux ? « Fils des hommes, jusques à quand ces cœurs lourds ? » Vous ne a. Gcn. 3. 19 || b. Ps. 71, 9 || c. Ps. 4, 3 I. C’est l'antique version africaine pour Gen. 3, 19 (Ptihiis es et in pulaerem rcuerleris). Cf. P. Monceaux» Histoire Littéraire de Γ Afrique Chrétienne I» p. 114. 251 AVGVSTINI HIPPONENSIS no uestrum ? Quousque fuerunt graui corde homines ? Ante­ quam uenirct Christus, antequam resurgeret Christus, fue­ runt homines graui corde. Quousque graui corde? Vtquid diligitis uanitaiem et quaeritis mendacium ? Volentes beati esse, eas res quaeritis unde miseri sitis. Fallit uos quod 115 quaeritis : mendacium est quod quaeritis 5. Beatus uis esse ? Ostendo si uis unde habes beatus esse. Sequere ibi : Quousque graui corde ? Vtquid diligitis uanitatem et quaeritis mendacium 2 ? Scitote. Quid ? *Quo niam dominus magnificauit sanctum suum a. 120 Venit Christus ad miserias nostras : esuriuit, sitiuit, fatigatus est, dormiuit, mira fecit, mala passus est, flagel­ latus est, spinis coronatus est, sputis inlitus est, alapis cae­ sus, ligno confixus, lancea uulncratus, in sepulchro positus, sed tertio die resurgens, finito labore, mortua morte 125 Ecce ibi oculum habete in eius resurrectione. Quia enim magnificauit dominus sanctum suum 3 ut resuscitaret eum a mortuis et daret ei honorem in caelo sedendi ad dexte­ ram suam. Ostendit tibi quid debeas sapere, si uis beatus esse. Hic 130 enim esse non potes. In hac uita beatus esse non potes. Nemo potest. Bonam rem quaeris, sed terra ista non est110 110 Quousque : ergo usque α | 111 uenirct : ucnirrt uenirct p7 || 113 Volentes: nolentes / || lientl esse : esse beati transp. p || 114 quod : quid α || 116 uis1 : uir / || ostendo : -de p5 tibi add. ci | habes : sis p maur. || 117 esse om. p maur. || Sequere ibi : si qunc ibi / | Vtquid : Vt α | 118 Quid: inquit p27 inquid p5 utique p4 | 119 magn. dominus transp p. 247 || 122 est1 om. p7 || est2 om. α || inlitus : inlisus / linitus α || 123 confixus: est add. f affixus α crucifixus p57 || 124 resurgens : resurrexit p4 maur. | 125 ibi : ubi ps | Quia : Quoniam p447 || enim : ita p2 maur. om. et II 126 dominus om. α maur. || 127 sedendi : sedentem f sedenti α !| 130 esse non potes2 om. p || 131 Nemo : om. p quia praem. ct boatus esse add. ct | potest : post (-est super lineam 2 m.) f om. p || bonam : tu pracm. p a. Ps. 4,4. 1. Sur ce lieu commun, les développements parallèles abondent, par exemple S. Guelf. 12. 2 ; S. 108, 4, 5 ; En. in Ps. 33, II, 17. 2. Les Confessions (IX. IV, 8-9) relatent l'émotion d’Augustin catéchu- SERMON 231, § 1-5 (110-131) 255 voulez pas avoir le cœur lourd ct vous le chargez du poids de la terre 1 Jusques à quand les hommes eurent-ils des cœurs lourds ? Les hommes ont eu le cœur lourd jusqu’à ce que le Christ vînt, jusqu’à ce que le Christ ressuscitât. « Jusques à quand ces cœurs lourds ? Pour­ quoi aimer la vanité et chercher le mensonge ? » Pour être heureux, vous cherchez des biens qui rendent mal­ heureux. Vous vous trompez dans votre recherche, ce que vous cherchez est mensonge L 5. Veux-tu être heureux ? Si tu le veux, je vais te montrer comment être heureux. Suis bien. « Jusques à quand ces cœurs lourds, pourquoi aimer la vanité et chercher le mensonge 2 ? Sachez... » Quoi donc ? « Que le Seigneur a magnifié son saint a. » Le Christ est venu vers nos misères : il a eu faim, il a eu soif, il s’est fatigué, il a dormi, il a fait des miracles, il a enduré la souffrance, a été flagellé, couronné d’épines, couvert de crachats, souffleté, il a été fixé au bois, blessé par la lance, déposé au tombeau, mais, ressuscitant le troisième jour, finie la souffrance, morte la mort * ! Aussi fixez maintenant, votre regard sur sa résurrection, car « il a magnifié son saint », au point, de le ressusciter des morts ct de lui donner la gloire de siéger à sa droite dans le ciel. Il te montre par là ce que tu dois goûter, si tu veux être heureux. Ici tu ne peux pas l’être. Dans la vie d’ici, lu ne peux pas être heureux, personne ne le peut. Tu cherches une bonne chose, mais cette terre-ci n’est pas mène quand, & Cassiciacum. dans les mois qui précédèrent l’inscription nu baptême, il méditait Je Psaume 4 et particulièrement Je verset : Quousque fraues corde... 3. L’effet de cc mortua morte qui éclate comme un coup de cymbale se retrouve ailleurs : « Le Christ n’est-il pas In vie ? Et cependant le Christ est mort. Mais dans In mort du Christ la mort est morte · (Jn Jo. Eu. 12, 11). « Ils n’ont pu faire qu'il ne vint d’auprès du Père, ils ont essayé de faire qu’il ne retournât pas à son Père. Λ quoi bon î En lui ils voyaient ct méprisaient un mortel, mais ils n’ont pu frapper en lui que la mort. Dans la mort du Christ, la mort est morte . (S. Denis il, G). · Ses cicatrices sont vraies, c’est un vrai corps qu’il a fait monter nu ciel, mais il n’y a pas fait monter In cor­ ruption. Sa chair proclame : la mort est morte · (S. Mai 95. 3). 256 AVGVSTINI HIPPONENSIS regio eius rei quam quaeris. Quid quaeris ? Beatam uitam. Sed non est hic. Aurum si quaereres in eo loco ubi non est, ille qui nonit quia non est ibi, non tibi diceret : « Quid 135 fodis ? quid terram sollicitas ? Fossam facis quo descen­ das, non ubi aliquid inuenias. » ? Quid es responsurus ad­ monenti te ? « Aurum quaero ». Et ille : « Non tibi dico : Nihil est quod quaeris, bonam rem quaeris, sed non est ubi quaeris. » Sic et tu quando dicis : α Beatus esse uolo », vio bonam rem quaeris, sed non est hic. Si habuit hic illud Christus, habebis et tu. In regione mortis tuae, quid ille inuenit ? adtende : ucniens de alia re­ gione quid hic inuenit, nisi quod hic abundat : laboreSj dolores, mortem, ecce quod hic habes, quod hic abundat. 145 Manducauit tecum, quod abundabat in cella miseriae tuae. Acetum hic bibit, fel hic habuit. Ecce quod in cella tua inuenit. Et ad magnam mensam suam te inuitauit, mensam caeli, mensam angelorum, ubi ipse panis est. Descendens ergo 150 et ista mala inueniens in cella tua et non dedignatus est talem mensam tuam et promisit suam. Quid nobis dicit ? « Credite, credite uos uenturos ad bona mensae meae, quando non sum dedignatus mala mensae uestrac. » Ma­ lum tuum tulit ct bonum suum dabit ? Vtique dabit 155 Vitam suam promisit nobis, sed incredibilius est quod fecit : mortem suam praerogauit nobis ’. Tamquam dice133 co : illo α om. p maur. | est : esset α | est ibi : aurum ad(L p maur. || non : nonne pa maur. || diceret tibi transp. maur. || 135 iodis : quaerti p27 I quo : qua / a j| 137 quaero : inquies add. p25 7 inquam add. p* || et om. / d 138-139 bonam... quaeris om. per homocot. p4 maur. | J 39 ubi : ibi α 5 quaeris : quod pracm. a || beatus : beate p46 || esse: uiucre p244 || 141 hic illud : illud Idc transp. a || habebis : habe p || regione : -nis f | 142 tuae: suae α II ille : hic p1 || adtende : adtendite α || 143 quid : et pracm. t β II abundat : habundut /orte ex archetypo f abundabat p27 habundaMt p* I 143-144 labores... abundat : om. per homoeot. f α maur. quod hic habes om. p2 (laborem dolorem mortem p4) | 145 abundabat : babuttr. dabat / α abundat (2 m. -ba-) p4 abundat maur. || 146 habuit : habcl bit / bibit p247 | quod : quid ρ24δ α maur. || 148 ct om. p4 sed maU&B 149 est om. f | 151 promisit : tibi add. p maur. | Suaui : et add. p244 mM i 152 credite2 om. p |l 154 dabit : non prarm. p maur. |' utique dabit am. I SERMON 231, § 5 (132-150) 257 le pays de ce que tu cherches. Que cherches-tu ? Le bonheur. Il n’est pas d'ici. Si tu cherchais de l’or dans un endroit où il n’y en a pas, celui qui sait qu’il n’y a pas là de l’or pourrait te dire : a Pourquoi creuser ? pourquoi fouiller la terre ? C’est une fosse pour y descendre mais non pour y trouver quoi que ce soit. » Vas-tu répondre à ses avertissements : a Je cherche de l’or »? Et lui : « Je ne te dis pas : ce que tu cherches n’est rien ; tu cherches une bonne chose, mais elle n’est pas où tu la cherches. » 11 en est de même pour toi quand tu affirmes : a Je veux être heureux. » Tu cherches une bonne chose, mais elle ne se trouve pas ici. Si le Christ a trouvé le bonheur ici, tu l’y trouveras toi aussi. Ce qu'il a trouvé dans ton pays de mort, écoute * 1c. En venant ici d’un autre pays, il n’a pu trouver que ce qu’il y a ici en abondance : peines, douleurs et mort ; voilà ce que tu as ici, voilà ce qu’il y a ici en abondance. Il a mangé avec toi ce qui se trouvait en abondance dans la pauvre maison de ton malheur. Il y a bu du vinaigre, y fut nourri de fiel, voilà ce qu’il a trouvé dans ta pauvre maison. Mais il t’a invité à sa table magnifique, à sa table du ciel, à sa table des anges où il est lui-même le pain. Des­ cendant chez toi et trouvant le malheur dans ta pauvre maison, il n’a pas dédaigné de s’asseoir à ta table, telle qu’elle était, ct il t’a promis la sienne. Que nous dit-il ? Croyez, croyez que vous arriverez au bonheur de ma table, quand je n’ai pas dédaigné le malheur de votre table. Il a pris ton malheur, il te donnera son bonheur. Oui, il te 1e donnera. Il nous a promis sa vie. Ce qu’il a réalisé est encore plus incroyable. Il nous a donné sa mort comme une avance '. C’est comme s’il nous disait : 1. « Il est venu avec nous où nous ôtions, nous serons avec lui là oü il est. Quelle est la promesse de Dieu, ô homme mortel ? Que tu vivras éternelle­ ment. Tu ne le crois pas ? Crois-le, crnis-lc. Il a déjà fait plus qu’il n’avait promis. Qu’a-t-il fait ? Il est mort pour toi. Qu'a-t-il promis ? Que tu vivrais avec lui. Que l’éternel soit mort est plus incroyable que de croire que le mortel vivra éternellement. Nous tenons déjà le plus incroyable ■ (En. in Ps. 118, 8). Augustin d’Hippone. 17 258 AVGVSTINI HIPPONENSIS ret : « Ad uitam meam uos inuito, ubi nemo moritur, ubi uerc uita beata est, ubi cibus non corrumpitur, ubi reficit et non deficit. Ecce quo uos inuito, ad regionem angelo160 rum, ad amicitiam patris et sancti spiritus, ad cenam sempiternam, ad fraternitatem meam, postremo ad me ipsum. Ad uitam meam uos inuito. Non uultis credere quia dabo uobis uitam meam ? Tenete pignus 1*mortem meam ». 165 Modo ergo cum in ista carne corruptibili uiuimus, mo­ rum mutatione cum Christo moriamur, amore iustitiae cum Christo uiuamus. Beatam uitam non accepturi, nisi cum ad illum ucnerimus, qui uenit ad nos, et cum illo esse coeperimus, qui mortuus est pro nobis. 157-158 moritur... et non om. α |' 158 refleit : reficitur paS7 || 150 deficit: deficitur p j| 161-162 postremo... meamom. α |' 165 cum : dum p467 || in ista: insta /|| 166 mutatione : imitatione p7 || 167 accepturi : antea praem. p. 1. Le terme juridique est employé à «les cin. Dans le gage (pignus), Je débi­ teur remet à titre dc sûreté la possession d'un bien au créancier qui a le droit de le conserver jusqu'à ce que la dette garantie soit éteinte — ct même, en vertu d'une clause dc style, de le faire vendre pour se payer sur le prix si le débiteur ne s’est pas exécuté. lorsque la dette est payée, le gage doit être restitué. Ainsi la mort du Christ ne nous a été donnée qu'à titre provisoire, car le Christ ressuscité des morts ne meurt plus. Mais pignus ne peut étn SERMON 231, § 5 (157-1G9) 259 je vous invite à ma vie, là personne ne meurt, là se trouve le vrai bonheur, là la nourriture ne se corrompt pas, là elle refait ct ne manque pas. Voyez où je vous invite. Au pays des anges, à l'amitié du Père ct de V Esprit * Saint, à un repas éternel, à mon amitié fraternelle, enfin je vous invite à moi-même, à ma propre vie. Vous nc voulez pas croire que je vous donnerai ma vie ? Prenez en gage 1 ma mort. Maintenant donc que nous vivons dans cette chair périssable, mourons avec le Christ, en changeant de vie. Vivons avec le Christ en aimant la justice. Nous ne trouverons pas le bonheur, si nous n’allons pas vers lui, qui est venu à nous, ct si nous ne commençons pas de vivre avec lui, qui est mort pour nous. employé en parlant du don dc l’Espril, puisque ce don sera complété en nous et non repris ; dans la traduction d’Jip/rés. 1,14, les codices qui portent pignus présentent un texte défectueux, en face dc ceux qui ont arrha (au sens d'arrhes, c'est-à-dire paiement d'un acompte sur le prix) (S. 23, 8, 9). Au contraire, pour (’Eucharistie, mémorial do sa mort, pignus est encore le tenue propre : · Quand il nous promet dc vivre avec lui. quel meilleur gage nous en donner que de rnour r pour nous ?... Il a promis, il a rédigé un écrit, il a remis un gage ct tu hésites à croire ? Il a promis quand il habitait au mi­ lieu des hommes ; il a rédigé l'écrit (cautionem facere n le même sens que cftüographum) qumd il faisait écrire l’évangile ; au gage qu'il a donné tu dis tous les jours /Imcn. Tu as pris le gage, chaque jour on te le remet, tu en vis, ne va pas désespérer · (5. 314, 3). La liturgie latine a conservé l’image : 0 sacrum conuiuium... nobis pignus datur. SERMO CCXXXII TRACTATVS HABITVS TERTIA FERI A 1. Resurrectio domini nostri lesu Christi ct hodie reci· tata est sed de altero libro euangelii, qui est secundum Lucam. Primo enim lecta est secundum Mattheum, hes· 5 terna autem die secundum Marcum, hodie secundum Lu· cam, sicut habet ordo euangelistarum sicut enim passio ipsius ab omnibus euangelistis conscripta est. Sed dies isti septem uel octo dant spatium ut secundum omnes euangelistas resurrectio domini recitetur ; passio autem io quia uno die legitur, non solet legi, nisi secundum Mat· theurn. Volueram aliquando ut per singulos annos secun­ dum omnes euangelistas etiam passio legeretur. Factum est ; non audierunt homines quod consueucrant et pertur­ bati sunt. Qui autem amat litteras dei et non uult esse 15 semper idiota, omnia nouit et omnia diligenter inquirit. Sed sicut cuique deus partitus est mensuram fideia, sic quisque proficit. / Homiliairc dc Flbory. Paris ii. fol. 27. n. n. a. I. 1599 (vm) Fteury uestrae, expressius hodie audiuimus, infidelitatem discipu­ lorum, ut intellegamus quantum eius beneficio nobis praes­ titum est ut quod non uidimus, sic credamus. Vocauit eos, instruxit eos, uixit cum eis in terra, fecit ante oculos eorum tanta mirabilia usque. Et mortuos resuscitauit1 ; carnem 25 suam resuscitare non credebatur. Venerunt mulieres ad monumentum ; corpus in monumento non iuuenerunt ; resurrexisse Christum ab angelis audierunt ; feminae uiris nuntiauerunt. Et quid scriptum est ? Quid audistis ? Vwa sunt ista ante oculos eorum quasi deliramenta “. Magna infe30 licitas condicionis humanae ' Quando locuta est Eua quod dixerat serpens, audita est cito. Mulieri mentienti credi­ tum est ut moreremur ; non est creditum feminis uera dicentibus ut uiueremus. Si non erat credendum feminis quare Adam credidit Euae ? Si feminis credendum est 35 quare sanctis mulieribus non crediderunt discipuli8 ? Et ideo in hoc facto consideranda est benigna dispensatio domini nostri. Nam hoc est quod egit dominus Icsus Chris­ tus, ut prius illum sexus femineus resurrexisse nuntiaret. Quia per sexum femineum cecidit homo, per sexum femi•40 neuin reparatus est homo : quia uirgo Christum pepererat, femina resurrexisse nuntiabat. Per feminam mors, per feminam uita. Sed non crediderunt discipuli ut dixerant 19 nam ont. / p 4 4 7|| etiam om. α β mimr. || 21 quantum : eis add. «. |, nobis· om. α II 22 ut om. /a β |' U,,otl n· u· ’· credamus : eorum oculos ps ζηαωΰ |j 24 ct : ad / « β maur. || resuscitauit : suscitault p * susci Imulos β maur. mortuos resuscitauit (suscitant! β) add. α β maur. || carnem : et praern. p4 4 7 || 25 resuscitare : posse add. p posse remise. fransp. maur. ,| 27 Christum : dominum α β maur. || 31 mentienti om. / α β |[ 32 moreremur : -tur β || est creditum : creditum est β | (eminis : tinis (2 ni. feminis) / || 33-37 si non erat ... nostri om. / α β 1! 37 egit : elegit p8 ’ 33 Il­ lum : illud / α β || sexus ont. β | resurrexisse om fa. β monstraret et all· add. α || 39 quia : quid ergo a || 40 pepcrenit : peperat (-re 2 m.)/ | 41 femina del. / || resurrexisse : cum praem. pi6' I| 42 ut : quod a || dixerant : -runt p8 8 7 a. Ix 24, It SERMON 232, § 2 (18-42) 263 2. Pour l'instant, fixons notre attention sur ce que nous avons entendu lire aujourd’hui. Il se trouve que ce que j’ai fait remarquer hier à votre charité, nous l’avons entendu aujourd'hui plus clairement encore : le manque de foi des disciples. Cela pour nous faire com­ prendre combien, grâce à sa bonté, nous sommes favo­ risés de croire ce que nous ne voyons pas. Il les a appelés, les a instruits, a vécu avec eux sur terre, a réalisé devant eux constamment de si grandes merveilles. 11 a ressuscité des morts », mais ils ne pouvaient croire qu’il ail pu ressusciter son propre corps. Des femmes sont venues au tombeau, au tombeau elles n’ont pas trouvé le corps, des anges leur ont appris que le Seigneur était ressuscité, les femmes sont venues l’annoncer aux hommes. Et alors ? que porte le texte ? qu’avez-vous entendu ? « Ils ont pris cela pour des divagations a. » Voilà bien la mal­ chance de la condition humaine. Quand Eve a raconté ce que lui avait dit le serpent, tout de suite on l’a écoulée. On a eu confiance en une femme menteuse, pour notre mort ; on n’a pas eu confiance en des femmes qui disaient vrai, pour notre vie. S’il ne fallait pas croire les femmes, pourquoi Adam a-t-il cru Eve ? S’il faut croire les femmes, pourquoi les disciples n’ont-ils pas cru les saintes femmes 12 ? Et précisément il faut bien remarquer, à l’oc­ casion de ce fait, la délicatesse avec laquelle notre Sei­ gneur a distribué les rôles. Car voici ce qui a poussé notre Seigneur Jésus-Christ à faire annoncer sa résur­ rection d’abord par la femme ; parce que l’homme est tombé par la femme, l’homme a été relevé par la femme : une vierge avait mis au monde le Christ, une femme annonçait sa résurrection. Par une femme la mort, par une femme la vie. Mais les disciples ne crurent pas ce 1. Apostoli sancti cum domino ambulaucrunl, uerbum ucritalis ex ore eius audierunt, mortuos suscitantem ulderunt tl resurrexisse dominum non credide­ runt. S. Guclf. 10,1. Si la leçon du ms. de Fleury avait quelque chance d’etre authentique, il faudrait ÿ voir l'origine de la tournure : «U a réveillé jusqu’à des morts ■. 2. Même développement chez Amijkojsk, Exp. Euang. sec. Lucam X. 156. SC 52. 264 AVOVSTINI HIPPONENSIS feminae ; delirare putauerunt, quando tamen uera nuntia­ bant. •15 3. Ecce alii duo ambulabant in uia et loquebantur secum de his quae acciderant in Hycrusalem, de iniquitate ludaeoruin, de morte Christi. Ambulabant fabulantes et quasi mortuum dolentes, resurrexisse nescientes. Appa­ ruit ct ipsis factus est tertius uiator, miscuit cum cis amica 50 colloquia. Oculi eorum tenebantur ne agnoscerent cum. Oportebat enim ut melius cor instrueretur; cognitio differ­ tur ; quaerit ab eis quid inter se loquerentur, ut quod ipse sciebat illi faterentur. Et quid audistis ? Mirari coeperunt quia dc rc clara ct tam manifesta uelut a nesciente inter55 rogabantur. Tu solus peregrinaris in Hycrusalem ct nescis quae ibi gesta sunt ? At ille dixit : Quae? — De /esu N aza­ reno qui fuit propheta potens factis et dictis n. Hoc est, o discipuli ? Propheta erat Christus, dominus prophetarum? ludici uestro nomen praeconis imponitis . * Ad alienorum ου uerba deuenerant. Quid est quod dixi : alienorum uerba ? Recolite quando ipse lesus ait discipulis suis : Quem ho­ mines esse dicunt filium hominis 6.3 responderunt opiniones alienas. Alii dicunt, dixerunt, quod Delias es, alii quia 43 delirare : ct pracm. p cas add. ct || tamen uera : ucra tamen β ucriluteni a | 48 resurrexisse : et quia resurrexisset p5 7 || 50 oculi : autem add. p II cum agnoscerent transp. β || 51 cor melius transp. β | instruere­ tur : Instruatur p* 7 || 52 ipse : lite ps || 53 quid : quod p4 maur. quibus p* 4 7 I nudislis : auditis p* 57 | 51 clam : tam pracm. p |l tam : causa α || 55 Tu : tunc illi pracm. p || solus : inquiunt add. β maur. || peregrinaris : peregrinus es α β maur. || in : «b p ;| ct om. / || 56 sunt : sint / gesta quae ibi sunt nescis transp. a || At ; et p || dixit om. p | Jesu : inquiunt add. p I*1 57 hoc est cm. a hoc erat β | 59 ludici : iam domino p !’ uestro om. α β II alienorum : alienarum / alienigenarum α || 60 alienorum uerba2 om. / α β '| 61 quem : me add. p maur. || 62 dicunt homines esse truiisp. α β [| reponderant : uiderunt a || 63 dicunt om. a || dixerant om.p maur. quia prarm. β alii pracm ct. a. Lc 24, 18 || b. Matth, 16, 13-23 I. Les praecones, employés subalternes du proconsul, qui n'étaient ni des esclaves, ni des affranchis, faisaient partie de la cohorte au même titre que les SERMON 232, § 2-3 (43-63) 265 que leur avaient dit les femmes, ils pensèrent qu'elles étaient folles et pourtant elles disaient vrai. 3. En voici maintenant deux autres qui marchent sur une route. Ils parlent entre eux des événements de Jéru­ salem, de la méchanceté des Juifs, de la mort du Christ. Ils causent tout en marchant, ils sont tristes comme s’il était mort, parce qu'ils ne savent pas qu’il est ressuscité. Lui se montre cl, passant à leurs yeux pour un troisième voyageur, il se joint à eux en une amicale conversation. Leurs yeux étaient bouchés pour qu’ils ne puissent pas le reconnaître ; car il fallait que la leçon touchât mieux leur cœur ; la reconnaissance est remise à plus tard. Il leur demande de quoi ils parlent pour leur faire avouer ce qu'il savait bien lui-même. Or, vous l’avez entendu, ils sont tout étonnés dc sa question, car il semble ignorer une histoire connue et qui a fait tant de bruit. « Tu es bien le seul pèlerin de Jérusalem à ne pas savoir ce qui s’y est passé. » El lui de demander : «Quoi donc ?» « Au sujet de Jésus de Nazareth, un prophète puissant par ses paroles et par scs actes a. » Comment, ô disciples, le Christ, un prophète ? Lui, le seigneur des prophètes. Vous donnez le nom d’appariteur à votre juge 1 ? Ils avaient adopté le langage des gens du dehors. Pour­ quoi ai-je dit « le langage des gens du dehors » ? Rappe­ lez-vous. Quand Jésus demande à ses disciples : « Que dit-on qu'est le fils de l’homme b ? » Ils lui rapportent les bruits qui circulent au dehors : a Les uns, dirent-ils, disent que lu es Élie, d’autres Jean-Baptiste, d’autres wibnr, lictores, accensi, nomenclatores, uiatores, tabellarii. etc. (cf. Th. Mom­ et J. Marquardt. .Manuel des Antiquités Romaines, traduction Hum­ bert, Paris 1889, VIII. 2. p. 552). — Pour rendre l'image Index-Praeco intel­ ligible. il a semblé que Ton devait traduire ici par huissier (ou par appariteur), comme s'il y avait accensus. En fait» Praeco signifie Hérault : · Le pr consul lui-même au milieu des voix terribles des praecones et des mains sanglantes des bourreaux... » (Epist. 43, 13). Dc même, dans un emploi métaphorique : • Quand tu donnes, tu donnes en serviteur, non en possesseur ; tu proclames comme un hérault (praeco), non comme un juge. Le juge parle par la bouche du hémult, cependant on n'inscrit pas dans les actes : · le hérault a dit », niais · le juge a dit » (In lo. Eu. 13, 16). On comprend que le tenue soit sou­ vent employé pour désigner les prophètes. msen 266 AVOVSTINI HIPPONENSIS Johannes Baptists, alii quia Hierimias aut unu-s ex prophè­ te lis. Verba ista alienorum erant, non discipulorum. Ecce ad ipsa uerba discipuli ucncrunt. /Vunc uos quem me dicitis esse ? Bcspondistis mihi opiniones alienas, fidem uestram uolo audire. Tunc ait. Petrus, unus pro omnibus, quia uni­ tas in omnibus 1 : Tu es Christus filius dei uiui. Non qui· 70 cumque unus ex prophetis, sed filius dei uiui, adimpletor prophetarum, creator et angelorum. Tu es Christus filius dei uiui. Audiuit quod decuit illum audire ex hac uoce ct tali uoce : Beatus es, Simon Bar-lona, quia non tibi rcuelauit caro et sanguis sed pater meus qui in caelis est. Et ego 73 dico tibi tu es Petrus et super hanc petram aedificabo eccle­ siam meam et portae inferorum non u inceni eam. Tibi dabo claues regni caelorum et quaecumque solueris super terram soluta erunt et in caelo ; et quaecumque ligaueris in terra, ligata erunt et in caelo. Fides hoc meruit audire non homo, so Nam ipse homo quid erat, nisi quod ait psalmus : Omnis homo mendax a ? 4. Denique continuo post haec uerba denuntiauit illis passionem suam et mortem. Expauit Petrus et ait : Absit a te, domine, non fiet istud b. Tunc dominus : Redi post me, te satanas. Petrus satanas ? Vbi sunt illa uerba : Beatus es, Simon Bar-lona ? Numquid beatus satanas ? Beatus dô dei. Satanas de hominis. Denique ipse dominus exposuit ; quare illum dixerit satanas : Non enim sapis quae sunt dei, CG ipsa : ista « | uerba om. β nunc : num p6 enim add. / β ergo add. a maur. || dicitis esse : esse dicitis a β maur. || OS nit om. a || 68-69 quia un. In omnibus om. / a β I! 70 adimpletor : adimplecor f j| 71 creator : ct praem. p2 3 7 || et om. p2 s 7 || 72 hac : hoc / || ct : ex add. p4 3 7 |. 73 tall uoce om. p2 || es : inquit add. p4 5 7 || 74 ct1 : nec p2 || 75 dico : dicam 11| 77 quaccumque : quae p || super terram : in term p maur. || 73-79 quae# cumque solueris... soluta... ligaueris... ligata : quaccumquc ligaueris *. ligata... solueris... soluta β | 78 quaccumquc : quae p || 82 continuo : dominus add. p || post hacc uerba continuo Iransp. a || S3 expauit : ct praem. p ,| 84 a tc : ad tc / || tunc : ait add. β |[ 81 dominus : Illi add. p || 85 Petrus : ecce praem. p || ubi om. p* || 87 dci : deo / a β || hominis : hotidn· / a II 88 dixerit : dixit a SERMON 232, § 3-4 (64-88) 267 Jérémie ou l’un des prophètes. » C’était le langage des gens du dehors, non des disciples et voici que les disciples adoptent ce même langage. « Mais pour vous qui suisje ? » Vous me renseignez sur les bruits du dehors, je veux entendre ce que vous croyez vous-inèmes. Alors Pierre, seul au nom de tous, car il est l’unité entre tous 1 : « Tu es le Christ, fils du Dieu vivant. » Non un quel­ conque des prophètes, mais « fils du Dieu vivant », l’ac­ complissement des prophéties, le créateur des anges mêmes, « tu es le Christ, fils du Dieu vivant ». Pierre eut alors l’honneur d'entendre — et de quelle bouche — l’éloge que voici : « Tu es heureux, Simon bar lonas, car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux. Je tc le dis : Tu es pierre ct sur celte pierre je bâtirai mon église ct les portes de l’enfer ne remporteront pas sur elle. Je tc don­ nerai les clefs du royaume des cieux, tout ce que tu délie­ ras sur terre sera délié dans les cieux ct tout ce que tu lieras sur terre sera lié dans les cieux. » La foi, non l’homme, mérita d’entendre cet éloge. Car, en tant qu’homme, qu’était-il ? sinon ce que dit le psaume : « Tout homme est menteur ». » 4. Immédiatement après cet échange de répliques, il leur annonce sa passion et sa mort. Pierre est épouvanté. « Non, non, Seigneur, cela ne sera pas b». Et le Seigneur : « Eloigne-toi de moi, Satan. » Pierre, « Satan » ? Où sont les mots de tout à Γheure : « Tu es heureux, Simon bar louas n ? Satan est-il heureux ? Heureux par Dieu, Satan par l’homme. Le Seigneur explique lui-même ensuite pourquoi il l'a nommé Satan : « Tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu, mais ce qui est de l’homme. » Mais a. Ps. 115, 11 II b. Matth. 16. 22-23 1. La formule revient souvent : L’nns pro multis dedit responsum, unitas In multis (.S. 76, 1). Respondit Petrus, unus pro omnibus quia unitas in omni· bus (S. 183, 3). Et Petrus unus pro celeris, unus pro omnibus 270, 2). Solus Petrus respondit... unus pro omnibus quia unitas in omnibus {In Io. Eu. 118, •I). despondens Petrus pro omnibus, pro unitate unus (En. in Ps. 88, 7). 268 AVGVSTINI HIPPONENSIS sed quae sunt hominis. Vnde tunc beatus ? Quia non tibi 90 reuelauit caro et sanguis sed paler meus qui in caelis est. Vnde postea satanas ? Non sapis quae dei sunt ; quae quando sapiebas, beatus eras : sed sapis quae hominum sunt. Ecce quomodo alternabat anima discipulorum, quasi ex ortu et occasu ; modo stabat, modo iaccbat; modo illu­ 95 minabatur, modo tenebrabatur; quia de dei irduminabatur, de suo tenebrabatur. Vnde in luminabatur ? Accedite ad cum et inlum inamini . * Vnde tenebrabatur? Qui loqui­ tur mendacium de suo loquitur b. Filius dei dixerat, uita dixerat et timebant ne moreretur uita, cum omnino uita 100 mori non possit et ad hoc filius dei uencrit ut moreretur ; nisi ille ucnisset ut moreretur, nos unde uiueremus ? 5. Vnde nobis uita, unde illi mors? Ipsum adtende : In principio erat uerbum et uerbum erat apud deum et deus erat uerbum. Quaere ibi mortem. Vbi ? unde ? Quomodo erat 105 uerbum ? Verbum apud deum, deus uerbum. Si inuenis ibi carnem et sanguinem, inuenis mortem. Ergo illi uerbo unde mors ? Nobis autem hominibus in terra positis, inoritalibus, corruptibilibus, peccatoribus, unde uita ? Non erat illi unde haberet mortem ; non habebamus unde 110 haberemus uitam. Accepit ille mortem de nostro ut daret#; nobis uitam de suo. Quomodo ille mortem de nostro Verbum caro factum est et habilauit in nobis. Accepit hinc 89 sunt om. α | tunc : Petrus add. a. ·| non libi : tibi non β || 90 in caelis est : c*l in caelis β | 91 satanas : ubi sunt illa uerba add. p* || quae *·, om. a II 92 beatus crat : erat beatus β |l sed om. β | 93 sunt om. a || niter· nabat : -batur p5 7 α | 95 tenebrabatur : obtenebrabatur α j dei : deo α || 95· 99 quin... tenebrabatur om. prr homorot. β || 98 filius : filium α maur. 1 dei : $c add. a ulul add. maur. || uita dixerat om. / α β maur. || 99 timebant^ timebit (-bant poti corr.) β timebat maur. i| uita2 om. / α β maurl || 100 uencrit : ucnisset / uenit p4 esset α β esset et ad hoc ucnfojj set maur. || ut moreretur om. f α β ! 102 imbis : nos / habemus add. α || uita : uitam / α β habemus add. β | unde2 : inde β | illi mors : ilk mortem / ille habuit mortem α β ·| ipsum : euangelium add. α β fl 103 erat : erat denuo add. in inhio lineae p2 | ibi : si habuerit add. β || 104105 ubi... uerbum ila inlerpunx. omnes codices alilcr maur. [| 105-106 inuenis ibi : ibi inuenis α Γ 106 inuenis : inucnles α | illi uerbo : ille uerbum / α β || 107 unde : illi add. α |( nobis autem : aut nobis β uut nobis aut nobis α fl SERMON 232, § 4-5 (89-112) 269 alors pourquoi « heureux » ? Parce que « ce ne sont pas la chair et le sang qui t’ont éclairé, mais mon Père qui est clans les cieux ». Pourquoi ensuite « Satan » ? « Tu ne goûtes pas ce qui est de Dieu ». Quand tu le goûtais, tu étais heureux ; mais lu goûtes ce qui est de l’homme. Voilà comment oscillait le cœur des disciples, comme le jour et la nuit ; tantôt debout, tantôt par terre, tantôt illuminé, tantôt enténébré ; illuminé par Dieu, entcnébré par soi. D’où, illuminé ? « Allez à lui, il vous éclairera a. » D’où, enténébré ? « Qui dit des mensonges parle de son propre fond b. » Le fils de Dieu avait parlé, la vie avait parlé et il avait peur que la vie ne meure, quand la vie ne peut absolument pas mourir. Et le fils de Dieu est venu pour cela : pour mourir. S’il n’était pas venu pour mourir, d’où aurions-nous la vie, nous autres ? 5. D'où nous vient la vie ? D’où lui vient la mort ? Réfléchissons à ce qu’il est. « Au commencement était la Parole. Et la Parole était auprès de Dieu. Et la Parole était Dieu ». Cherchez ici la mort. Où serait-elle ? D’où viendrait-elle ? Comment était la Parole ? La Parole était auprès de Dieu, la Parole était Dieu. Si tu peux trouver ici la chair et le sang, tu trouves la mort. Par conséquent à lui. qui est la Parole, d’où lui viendrait la mort ? Pour nous au contraire, hommes placés sur terre, mortels, périssables, pécheurs, d’où nous viendrait la vie ? II n’était pas tel qu’il eût en partage la mort. .Nous n’étions pas tels que nous eussions en partage la vie. De notre lot il a reçu la mort, pour, de son lot, nous don­ ner la vie. Comment a-t-il reçu la mort de notre lot ? o La Parole s’est faite chair et a habité chez nous », par là il a reçu de nous ce qu’il offrira pour nous. Mais la 108 corruptibilibus : corruptilibus / | unde : undo unde p' | uita : uitam / || 109 crat : enlm add. p |' llli : illc / α β || mortem : et nos add. p maur. || hubcbainus : eramus nos β || 112 hinc : hoc a a. Ps. 33, 6 H b. Jn 8, 44 270 AVGVSTINI HIPPONENSIS a nobis quod offeret pro nobis. Vita autem unde nobis ? Et uila erat lux hominum a. Ipse nobis uita, nos illi inors. ns Sed qualis mors ? Dignatione non condicione. Quia di' gnatus est, quia noluit, quia misertus est, potestate mortuus est. Potestatem habeo ponendi animam meam et potestatem habeo iterum sumendi eam b. Hoc Petrus nesciebat, quando audita morte domini expauit. Sed ecce iam dixerat domi· 120 mis moriturum se et resurrecturum tertia die. Factum est quod praedicabat et non credebant qui audierant. Ecce iam triduum est, ex quo ista facta sunt et nos putabamus quia ipse esset redempturus Jsrael c. Sperabatis, iam despe·. ratis ? de spe cecidistis. Leuat nos qui ambulat uobiscum, 125 Discipuli erant, ipsum audierant, cum ipso uixerant, ma­ gistrum ipsum nouerant, ab illo instructi erant, ct non potuerunt imitari ct habere fidem latronis pendentis in cruce. 6. Sed forte aliqui uestrum nesciunt quod dixi de la130 trône non audiendo passionem secundum omnes euange­ listas. Iste enim euangelista Lucas narrauit quod dicoJ Quia duo latrones crucifixi sunt cum Christo, dixit hoc et Mattheusd, sed unus eorum latronum quia insultauit do­ mino et alter eorum quia credidit in Christum, Mattheus 135 non dixit, Lucas dixit. Recolamus fidem latronis quam non inuenit Christus post resurrectionem in discipulis suis; Pendebat in cruce Christus, pendebat et latro. In inedio ille, illi a lateribus. Insultat unus, credit alius, iudicat me113 a nobis : pro nobis α |i oiTeret : offert α || 114 lux om. α || 115 condi· clone : conditio (-ne 2 m.) / |! 116-117 potestate mortuus est om. β sicut ipse in euangelio add. p ’ 117 potestatem : inquit add. p || 118 (piando : quum β U 121 praedicabat : praedixerat p maur. || qui : quod α β || 123 c$$et : crut p2 4 7 || sperabatis : o discipuli add. p1 $ 7 || desperatis : despe­ rastis p * 7 I 121 leuat : leuct p25 7maur. | uo$ : nos α || ambulat uobiscum 1 uobiscum ambulat p* β maur. | 125 ipso : illo p4&7 || cum ipso uixerant om. ! | 126 ipsum nouerant : noueront ipsum α β || 131 iste : istud * 57 P illud p2 y euangelista Lucas : Lucas eu. p2 4 7 Luebas eu. p5 || 132 dixit : dicit p* || hoc et : et hoc β | 133 eorum om. α |[ latronum S latro f om. p. || quia : qui p2 '| 131 alter om. α | quia : qui α | 136 discip^ suis. : suis discip. β || 137 pendebat et latro : pendebant et latrones p347 SERMON 232, § 5-6 (113-138) 271 vie, d’où nous vient-elle ? « Et la vie était la lumière des hommes »“. Il est pour nous la vie. Nous sommes pour lui la mort. Mais quelle mort ? Une faveur qu'il nous fait, non la condition de son être. Il a daigné, il a bien voulu, il a eu pitié et il est mort parce qu’il en avait le pouvoir. « J’ai le pouvoir, dit-il, de donner ma vie et le pouvoir de la reprendre » b. Pierre ignorait cela quand l’annonce de la mort du Seigneur le remplit d’épouvante. Mais voici que le Seigneur avait déjà allirmé qu’il mourrait et qu'il ressusciterait le troisième jour. Ce qu’il pré­ disait s’est produit. Et eux qui l’avaient entendu n’y croyaient pas. « Il y a déjà trois jours de ces événe­ ments. Nous qui pensions que c’était lui qui viendrait sauver Israël c... » Vous espériez et maintenant vous désespérez ? Vous êtes tombés du haut de votre espérance. Celui qui marche avec vous vous relève. Us étaient ses disciples, l’avaient écouté, avaient vécu avec lui, le re­ connaissaient comme maître, avaient reçu ses leçons et leur foi ne fut pas comparable à celle du bandit suspendu à la croix. 6. Mais peut-être en est-il parmi vous qui ne com­ prennent pas mon allusion au bandit, parce qu’ils n’ont pas entendu la passion selon tous les évangélistes. Luc, l’évangéliste d’aujourd’hui, a raconté ce dont je parle. Sans doute Matthieu'1 a-t-il mentionné lui aussi que deux bandits ont été crucifiés avec le Christ. Mais que l’un d’eux insultait le Seigneur et que l’autre crut dans le Christ, cela Matthieu ne le raconte pas, Luc le raconte. Evoquons la foi de ce bandit; le Christ après sa résurrec­ tion ne l’a pas trouvée chez ses disciples. Le Christ pendait à la croix, le bandit y pendait aussi. Lui au milieu, eux de chaque côté. L’un l’injurie, l’autre 13S a : in p2 5 7 a J| alius : alter p4 maur. || 138-139 medius illo : medius p illc medius β a. .In 1.4 !| b. Jn 10. 18 || c. Le 24, 21 || d. Cf. Matth. 27. 38 272 no 115 150 155 AVGVSTINI HIPPONENSIS dius ille *. Ille enim qui insultabat, hoc dixit : Si filius dei es, libera le. Et alius ad illum : Tu non tirnes deum ? Si nos propter facta nostra merito patimur, ipse quid fecit? Et conuersus ad eum2 : Memento mei, domine, cum ueneris in regnum tuum n. Magna fides. Huic fidei quid addi pos­ sit, ignoro. Titubauerunt qui uiderunt Christum mortuos excitantem ; credidit illi quem uidebat secuin in ligno pen­ dentem. Quando illi titubauerunt, tunc ille credidit. Qua­ lem fructum Christus de arido ligno percepit ’. Quid enim dixerit dominus ? Audiamus. Arnen dico libi, hodie mecum eris in paradiso. Tu differs te, ego agnosco te. Quando speraret latro dc latrocinio ad indicem, de indice ad cru­ cem. de cruce ad paradisum 4 ? Denique ipse adlendens merita sua, non dixit :« Memento mei ut liberes me hodie, λ Sed : « Cum ueneris in regnum tuum, tunc mei memor esto. Vt si mihi tormenta debentur ucl quousque ueneris in re­ gnum tuum. » Et ille : « Non sic, inuasisti in regnum cae­ lorum, uim fecisti, credidisti, rapuisti. Hodie mecum eris 139 hoc om. α 1| dixit : dicebat β | 110 te : et nos add. β || 141 merito : istu add. p || ipse : mitem add. p447 [| 142 cum : deum / Illump | memento: inquit add. p || cum : dum α || 143 regnum tuum : regno tuo/ | magna: ct uere beata add. p || huic : inerat add. p || 143-144 fidei quid addi possit ignoro om. p || qui : ipsi praem. p β maur. || uidcnmt : -rant ps 7 || 145 excitantem : suscitantem p α maur. || credidit : credi p27 || illi : ille praem. rt || quem : qui p β maur. || uidebat : uidit α | 146 titubauerunt :-uerint p5 || qualem: quasi eum β || 147 Christus : ergo (super lineam Christus) p» || arido : diuino α || enim:ei α maur. || 148 dixerit: -xcrat α β || audiamus om. /. α β U 148-149 mecum eris hodie : mecum (hodie super lineam) eris p5 hodie mecum eris α β maur. | 119 diflers tc : difierte / || quando : hoc add. α β || 150 latro : adductus add. α β | de 1 om. α || 151 de® : a / a | paradisum : sc per­ tingere posse add. p | 153 regnum tuum : regno tuo /1| 154 ut si : si a || in ont. α β II regnum tuum : regno tuo / || 155 ille : illi β dominus add. β a. Le 23. 39-13 1. En période do lutte antidonatîste, l'exemple des larrons apprend ή dis­ socier le cas des vrais martyrs ct des (aux : Una poena sed dispar causa (.$. 327, 2), ci. S. 328,1,1; 331, 2 ; 335,2 ; dans ce contexte ou trouve l'image de l'ap­ pareil judiciaire : tribunal (lu croix), iudex (Jésus). Ailleurs le bon larron illustre dans un (nippant raccourci le processus de salut décrit dans Rom. 10, 273 SERMON 232, § 6 (139-156) croit en lui, au milieu il les juge ». Le bandit qui l'insul­ tait : « Si lu es fils de Dieu, sauve-toi. » L’autre au pre­ mier : « Nc crains-tu pas Dieu ? Si nous ne souffrons que ce que nous avons mérité, lui qu’a-t-il fait ? » El se tournant vers luia : « Pense à moi, Soigneur, quand tu seras arrivé dans ton royaume A. » Quelle foi A cette foi, je ne vois pas ce que l’on pourrait ajouter. Ils ont chancelé, eux qui avaient vu le Christ ressusciter des morts. Lui a cru en celui qu'il voyait pendu au bois à côté de lui. Au moment même où ils ont chancelé, lui a cru. Quel beau fruit le Christ a cueilli sur ce bois sec 3 ' Écoutons ce que lui a répondu le. Seigneur : « Oui. je te l’assure, aujourd’hui tu seras avec moi au paradis. » Tu établis un délai, mais je te reconnais pour mien. Tandis que le bandit passait de son crime au juge, du juge à la croix, pouvait-il s’attendre à passer de la croix au paradis 4 ? Aussi, conscient de ce qu’il avait mérité, il nc dit pas : « Pense à moi pour me libérer aujourd'hui. « Mais : « Quand tu seras parvenu dans ton royaume, alors pense à moi n, même si des tourments me sont dus jusqu’au temps où tu seras parvenu dans ton royaume. Et le Seigneur : « Non pas. Tu as pénétre dc force dans le royaume des cicux, tu lui as fait violence, tu as cru, tu l’a pris dc haute lutte. Aujourd'hui tu seras avec moi S-tO : conversion, profession do foi, saint (En. in Ps. 34> I. 14 ; 55. 12 ; 39, 15 ; 68, 9. /n /o. Eu. 38, 7. De Din. quest. ad Simpt. I, 19). 2. Et conuersus ad eum fait très probablement partie dc bi citation scrip­ turaire. Le Codex Corbiensis porte pour Luc 23, 42 : Et conuersus ad domi­ num dixit UH : memento me. etc. (P. Saiiatikh. Bibitorum Vrrsiones Antiquae. Reims 1743, tome III, p. 371. 3. L'image rapproche deux versets de P Écriture : Êzèchicl 17. 24 : Et frondere feci tignum aridum et Luc 23, 31 : Quia si in uirido ligno haec fa­ ciunt. in arido quid fiat ? Pour Irénée. la pluie céleste qui fait fructifier notre bois sec (et nos lignum aridum exsistentes), c’est le baptême (Contra Haerescs, Liber III, cap. 17, 2). •1. La carrière foudroyante du larron s'exprime dans une forme ramassée, cf. : Et si in cruce taira salualus est. ante paululum homicida, post paululum accusatus, conuirtus, damnatus, suspensus, liberatus, noli mirari (In Io. Eu. 3$, 7). Quid ille latro attulerat ad crucem ? De fauce in indicium, de indicia in lignum, de ligno in paradisum (En. in Ps. 55, 12). Augustin d'ilippone. 18 274 AVGVSTINl HIPPONENSIS in paradiso. Non te differo : tantae fidei hodie reddo quod debeo. » Latro dicit : .Memento mei cum ueneris in regnum tuum. Non solum credebat resurrecturum, sed etiam regna· 160 turum. Pendenti, crucifixo, cruento, haerenti : cum ueneris, inquit, in regnum tuum. Et illi : Mm sperabamus. » Vbi spem latro inuenit, discipulus perdidit. 7. Deinde iam, carissimi, magnum sacramentum cognouimus. Audite. Ambulabat cum illis, suscipitur hospi165 tio, panem frangit et cognoscitur. Et nos non dicamus quia Christum non nouimus : nouimus si credimus. Parum est, nouimus si credimus ; habemus si credimus. Habe­ bant illi Christum in conuiuio, nos intus in animo. Plus est Christum habere in corde quam in domo. Cor enim nos· 170 trum interius nobis est quam sit domus nostra. Iam nero ubi cum debet fidelis agnoscere ? Agnoscit qui fidelis est ; qui autem catecuminus est, ignorat *. Sed ianuam contra illum nemo claudit ut non intret a. 8. Hesterna die monui et admonui caritatem uestram, 175 quia resurrect io est Christi in nobis, si bene uniamus ; si uita uetus nostra mala moriatur et cottidie noua profi­ ciat. Abundant hic paenitentes ; quando illis iuponilur manus, fit ordo longissimus. « Orate paenitent.es ». Et eunt orare paenitentes. Discutio paenitentes ct inuenio male iso uiuentes. Quomodo pacnitet quod fit ? Si paenitet, non 157 tc differo : dif. te β || quod : quae α || 158 regnum tuum : regno tuo / i| 160 pendenti : nero add. β j| crucifixo : confixo p |; haerenti : ligno praem. αβ || 161 inquit om. / ps || regnum tuum : regno tuo f |[ et ilii om. β discipulorum autem linee uox erat add. β | sperabamus : quia ipse re­ dempturus Israel add. β | ubi : uti α || 162 Spem om. / α β | discipulus : ibi prawn. β l| 163 iam : super lineam ρύ | sacramentum : quod add. p24 a β maur. !| 165 frangit : fregit β || cognoscitur : agnoscitur p|| 166 nouimus1: cognouimus α maur. || panim : uernin αβ l| 167 nouimus : nobis p"1 5 “ || habemus si credimus : si credimus habemus p haberemus si credimus α || habebant : -bunt t 168 in1 am. a || plus : enim add. β || 171 debet:· debeat p || 173 claudit : claudat p* 7 α β marir. || non intret : nouerai / noucrit αβ maur. ' 171 hesterna : -no ρ2α β maur. | admonui : admoneo p K maur. || 175 est Christi : Christi est p* α maur. I| 176 uetus om. α β IT' 178-179 et eunt orare pacn. om. pJ α et eunt : ut queunt β Ij 179-180 Dis­ cutio... uiuentes om. α β || 180 quomodo : et motio β quomodo quomodo?, SERMON 232, § G-8 (157-180) 275 an paradis. Je ne te renvoie pas h plus tard. Aujourd’hui même, je rends à une si grande foi ce qui lui est dû.» I.e bandit : « Pense à moi quand Lu seras parvenu dans ton royaume. » Non seulement il croyait qu’il allait ressusciter, mais qu'il allait régner. A ce pendu, accroché au gibet, sanglant, rivé au bois, il dit : «Quand lu seras parvenu dans ton royaume... » Tandis qu’eux : « Nous avions espéré... » Quand le bandit a trouvé l'espérance, le disciple l’a perdue. 7. Ensuite, très chers, nous reconnaissons un grand sacrement. Écoutez. Il cheminait avec eux, ils l’hébcrgenl, il rompt le pain, ils le reconnaissent. Et nous, ne disons pas que nous ne connaissons pas le Christ. Nous le connais­ sons, si nous croyons. C’est peu dire, nous le connais­ sons, si nous croyons. Si nous croyons, nous l’avons. Ils avaient le Christ avec eux à table, nous l’avons avec nous, dans notre âme. Avoir le Christ dans son cœur, c'est plus que de l'avoir dans sa maison, car notre cœur nous est plus intime que ne l'est notre maison. Où main­ tenant le fidèle doit-il le reconnaître ? Le fidèle sait où le reconnaître ; le catéchumène ne le sait pas 1 ; mais personne ne lui ferme la porte, il peut entrer 2. 8. Hier j’ai dit et redit à votre charité que la résur­ rection du Christ se réalise en nous, à condition que nous vivions bien, que notre vieille vie mauvaise meure et que la nouvelle fasse chaque jour des progrès. Ici les pénitents abondent ; quand on leur impose les mains, ils forment une longue file : « Priez, pénitents... » Et les pénitents se mettent à prier. J'examine de près les pénitents et je trouve des gens qui vivent scandaleu­ sement. Comment se repent-on de ce que l’on a fait ? Si l’on se repent, il ne faut plus le faire. Mais si on le a pacnltot1 : pacnitent p* paenitentes p~ [| quod lit. Si paenitet om. p 1. Cf. (parmi bien d’autres textes similaires) : « Ceux qui connaissent les Écritures savent ce qu’a apporté Mel.-hisédech, prêtre du Dieu très haut, quand il bénit Abraham. Il no convient pas d’en faire mention, à cause des catéchumènes, mais les fidèles le savent · (S. 307, 3). 2. Cette image, venue de Matth. Ί, S, joue un rôle particulier dans la prédi­ cation qui s’adresse aux catéchumènes, pour éveiller en eux le désir de l’initiation chrétienne, cf. S. 132, 1 ; De Calechizundis rudibus 5, 8. 276 AVGVSTINI HIPPONENSIS fiat. Si autem fit, nomen errat, crimen manet. Aliqui ipsi sibi paenilentiae locum petierunt ; aliqui excommunicat a nobis in paenitentium locum redacti sunt. Et qui sibi petierunt hoc uolunt facere quod faciebant et qui a nobis iss excommunicati in paenitentium locum redacti sunt no­ lunt inde surgere, quasi electus sit locus paenitentium. Qui debet esse locus humilitatis, fit locus iniquitatis. Vobis dico qui uocamini pacnitcntes et non estis, uobis dico. Quid uobis dicam ? Laudo uos? in hoc non laudo n, sed oo gemo ct plango *. Et quid facio, factus uile canticum b ? Mutamini, mutamini, rogo. Vitae finis incertus est. Omnis homo cum casu suo ambulat. Differtis bene uiuere, eum putatis quia longa erit uita. Longam uitam putatis et mortem subitaneam non timetis. Sed ecce longa sit, uidete 105 ut bona sit. Et quaero unum pacnitentem et non inuenio. Quanto melius longa et bona, quam longa ct mala erit ! Longam cenam malam nemo uult habere nec ferre, lon­ gam uitam malam paene omnes uolunt habere. Vliquc si grande est quod uiuimus, bonum sit ipsum grande. Quid 200 enim uis male, dic mihi, in omnibus tuis actibus, cogita­ tionibus, cupiditatibus ? In terra malam non uis segetem. 181 Si : sed quod β || errat î erat p || 182 puenitentine : -tium ps 7 | 183 paenitentium :-tiac α β maur. | 184 petierunt om. β | hoc uolunt om petierunt add. β |! qui : quia α /αβ hoc uolo p7 J facere : faciunt α -Hac α β maur. |' 186 inde om. a |j MirgûM 185 paenitentium : -tiam / insurgere α || paenitentium : -tiac β J 187 fit : sit αβ || locus2 om. p2*7 || iniquitatis : humilitatis α β || 190 facio : faciam αβ maur. || factus : sum add. p fratres α β ,| canticum : cautium (in margine 2 m. uilicus) / U 191 mutamini : muta (deinde duae litterae erasae) f imitate α β || mutamini2 om. / α β | rogo om. f a b || uitac ; uitam f a b in melius mutate quia add. α β | est : sum p2 | 192 differtis : quid proem, f α β maur. | HM subitaneam : subitam p || 194-195 uidetr ut buna sit om. I y. β maur. |’ 195 Et quaero... inucnio has uoccs forte interpoK om. p |j 196 quanto : quando / || ct1 om. / α 3 maur. | longa <4 2 om/ α β maur. |l mala : uita add. α βπκηΐΛ |l 197 unit habere nee om.f α β maur. || ferre : facere α ferte β 1198 paene om. / α β maur. || uolunt : nolunt a || habere om. p* '| 199 est om. / β j 200 male : mali α β maur. '| mihi : puto nihil add. p 1| tuis om.p * 7 || nclibus : actionibus p || 201 cupiditatibus : nihil mali uis add. p 201-202 in term... bonam2 : in term mala non uis segetem malam non uis utique sed bonaift arborem bonam / terram malam non uis segetem inalam non uis utique SERMON 232, § 8 (181-201) 277 fait, le nom peut donner le change, le péché subsiste. Quelques-uns ont gagné d'eux-mèmes le lieu de la péni­ tence. D'autres ont été placés par notre excommunica­ tion au rang des pénitents. Les pénitents volontaires veulent continuer d’agir comine ils agissaient. Ceux qui ont été placés par notre excommunication au rang des pénitents ne veulent plus en sortir, comme s’ils avaient choisi eux-mêmes le rang des pénitents. Ce qui doit être le lieu de l’humiliation devient le lieu de l’abomination. C’est à vous que je m'adresse, vous qui portez le nom de pénitents sans l’être, c’est à vous que j’adresse ces mots : « Que vous dire ? Vous féliciter ? Je n’ai certes pas à vous féliciter a»; je gémis cl je déplore L Et qu’cst-cc que j’y fais, on me prend pour une vieille rengaine b... .Je supplie : changez de vie, changez de vie. On ne sait pas quand finit la vie. Tout homme se promène avec son propre trépas. Vous différez de bien vivre en pen­ sant que la vie sera longue. Vous pensez que la vie est longue et vous ne craignez pas la mort subite. Admet­ tons qu’elle soit longue, veillez à ce qu’elle soit bonne. Et je cherche un seul qui soit vraiment pénitent sans le trouver. Combien mieux vaut-il qu’elle soit longue ct bonne que longue cl mauvaise. Personne ne supporte la longueur d’un mauvais repas, mais presque tout le inonde accepte la longueur d’une mauvaise vie. Si la longueur de notre vie est grande, il faut bien aussi qu’elle soit bonne. En toutes tes actions, pensées, désirs, dis-moi, que désires-tu avoir de mauvais ? Sur terre, sod bonnm bonam arborem uls p maur. non utique malam sed bonam arborem a lam non uls ulique ct bonam arborem β in terni non uis segetem nmlam lu terni nun uis segetem ma­ a. I Cor. 11,22 || b. Cf. Lam. 3, i t 1. « ...en conseillant plutôt qu’en menaçant. C’est ainsi qu’il faut agir avec la foule, en réservant la sévérité pour les fautes individuelles. Et si nous employons la menace, que ce soit avec douleur, en nous Appuyant sur les Écritures, pour menacer de la vengeance qui viendra, afin que notre parole inspire lu crainte, non de notre propre autorité, mais de celle de Dieu luimême. · (Epist. 22, 5). 278 205 210 215 220 AVGVSTINI HIPPONENSIS malam non uis utique sed bonam, arborem bonam, equum bonum, seruum bonum, amicum bonum, filium bonum, uxorem bonam. Et quid haec magna commemorem, quandoquidem uestem ipsam malam non uis habere, sed bonam. Caligam postremo ipsam non uis nisi bonam, aut da mihi aliquid te uelle quod malum est nec te uelle aliquid bonum. Puto uillam malam non uis, sed bonam. Solam animam malam uis habere. Quid te offendisti ? Quid de te male tu ipse meruisti ? Inter bona tua non uis esse malum nisi te solum l. Puto quia dico quod soleo et aliqui forte faciunt quod solent. Non dixi certe sed forte. Nemo me caluinnietur quia timendo magis quam confirmando locutus sum. Coram deo excutio uestimenla mea ® 2. limeo ne mihi imputetur quia timeo. Quid uultis ? Ego officium meum impico, fructum ucstrum quaero. Dc bonis operibus uestris gaudium uolo habere, non pecuniam. Non enim qui bene uiuit, diuitem me facit. Et tamen bene uiuat et facit. Diuitiae meae nonnisi spes ucstra in Christo. Gaudium meum, solatium meum ct respiramentum periculorum meorum in his temptationibus nullum est nisi bona uitq ucstra. Obsecro uos, si obliti estis uestri, miseremini mei 203 amicum bonum filium bonum om. β || 201 commcmorcn : -moro p maur. |! 205 ipsam om. β J non uis om. f β ' 206 non om. β ! 207 quod quid p7 J nec : ne β || te : a te / | 207’208 nec te... bonam om. p ;| 208 puto putes / I’ 209 uiso/zi. / β habere om. / α β maur. | 210 de te m:i1, trad. L. Doutrclcau. SC 7). Pour Tertuï.lîen, l’homme, à son baptême» rentre en possession de mi reconnaissance de dettes, conformement au contexte pauli * nlcn : · libérant par le baptême l’homme à qui est alors remis le chirographo de mort... » (De pudicitia 19). Pour Augustin, interprétant avec bonheur lu fin du verset : afflxens illud cruci, le sang du CHrist a délavé le chirographo : • On avait un acte écrit (cautio) de nos péchés, le diable possédait contre nous une reconnaissance de dettes (chirographum)... Nous étions tous des débiteurs, nous naissions tous avec cette dette héréditaire: le sang do celui qui est sans péché a été répandu ct a détruit l’acte écrit de nus pêchés · S. Guet/. 9» 2. · Celui qui n’était pas débiteur a été mis à mort, il a effacé (diluit) la reconnaissance dc dettes (chirographum debitorum) >S. Mat 87, 3. • Soyons sans inquiétude, le diable possédait contre nous l’acte écrit do notre esclavage (cautionem seruitulis,) niais le sang du Christ l’a effacé » In Io. Ep. 1, 5. 284 AVGVSTINI HIPPONENSIS Eccc hoc ipsum repeto. Aliquando ipsi detestabiles, carnem détestantes ct secundum carnem uiuentes ali· 35 quando hoc dicunt ct. sic decipiunt : « Qui melius cre­ dunt de Christo, illi qui dicunt quia carnem habuit, an nos qui dicimus : deus erat, spiritus erat et oculis homi­ num non corpus, sed deus apparebat ? Quid est melius caro an spiritus ? » Quid responsuri sumus, nisi spiritum carne •io esse meliorem ?« Si ergo, dicit, confiteris quod spiritus me­ lior sit quam caro, melius ergo de Christo sentio qui eum spiritum fuisse dico, non carnem. » 0 infelix error ! Quare ego carnem dico fuisse Christum ? Tu dicis spiritum, ego spiritum et carnem ; non tu melius dicis, sed minus dicis. 45 Audi ergo totum quod dico ego, id est quod dicit catholica fides, quod dicit fundatissima et serenissima naritas. Tu qui dicis spiritum tantum fuisse Christum quod est ct spi­ ritus noster, id est anima nostra, hoc dicis tantum fuisse Christum. Audi quid dicas. Dico quod dicis. Erat ipse spi50 ritus ex ea natura et substantia, unde et noster est spiri­ tus. Quanto minus dicas, adtende : erat ibi uerbum, erat ibi caro. Tu dicis : « Humanus spiritus solus. » Ego dico uerbum, spiritus, corpus : deus et homo. Si duo uolo dicere, si duas res uolo dicere, isto utor compendio : deus et homo, 55 Et ucrns deus et uerus homo. Nihil falsum in humanitate, nihil falsum in diuinitate : deus et homo. Sed dc ipso ho­ mine si quaeris a me, duo iterum dico : anima humana et caro humana. Tu homo es propter animam et carnem ; ille Christus propter deum et hominem. Eccc quod dico. 33 Ipsi om. p j| 35 qui : quid / p47 ]| credunt : credi p’ dicunt a | 36 de Christo credunt p4 |' illi om. p || nn : quam p | dicimus : quia add. p247 || <10 quod : quia / α p4 | 41 sit : est a || ergo : ego maur. | Christo : spiritus f spiritu α || qui cum om. p J 12 fuisse om. α i| 43 ego : ergo / || carnem : spiritum ct prarrn. α 'J fuisse : esse ucl pracm. a|] ego ; dico add. p * 1 H 44 carnem et spiritum p47 1 45 Id est : ct deinde α | 47 quiom. p || tantum : spiritum add. p6 || et om. p44 || 49 quid om. / || quod : quid /a II dicis : dicas a f ea om. p444 || 51 erat1 : ucnini ct p ' om. α || ibi caro om. α 1| 53 spiritus: -tum / || 53-54 si duo uo)o... compendio : sed uolo dicere ut isto utar compendio p si duas res uolo dicere om. α si duo nolo... nolo... maur. | 55 ct uerus... homo om. per /tomoeof. / j 55-56 nihil SERMON 237, § 2 (33-59) 285 Je reprends donc. Parfois des gens détestables, qui détestent la chair mais vivent selon la chair l, parfois donc ils discutent ainsi et ce faisant vous abusent : « Qui a la meilleure foi dans le Christ, ceux qui disent qu’il a pris chair, ou nous qui disons : il était Dieu, il était esprit et ce qui apparut aux yeux des hommes était, non un corps humain, mais Dieu. Qui est-ce qui vaut mieux, la chair ou l’esprit. ? » Que répondre ? sinon que l’esprit vaut mieux que la chair ? « Si donc, reprend l'hérétique, tu avoues que l’esprit vaut mieux que la chair, mon opinion sur le Christ est meilleure, puisque je dis qu’il fut esprit et non chair. » O cruelle erreur ! Ai-je donc dit que le Christ était chair ? Toi, tu dis : esprit. Moi : esprit et chair. Tu ne dis pas mieux, tu dis moins. Écoute donc tout ce que je dis ou plutôt ce que dit la foi catholique, ce que dit la très solide et très pure vérité. Tu dis que le Christ était seulement un esprit, ce qu’est précisément notre esprit, c’est-à-dire notre âme, c’est cela seul qu'était le Christ, d'après loi. Ecoute ce que tu dis : je dis la même chose que toi ; il était un esprit de la même nature et substance que notre esprit. Mais vois combien tu dis moins que moi. Il y avait la Parole, il y avait la chair. Tu dis : un esprit humain seulement ; je dis : Parole, Esprit, Corps ; Dieu et Homme. Car si je veux énoncer une dualité, si je veux énumérer deux réalités, j'use de cette expression abrégée : Dieu ct Homme. Et vrai Dieu ct vrai Homme. Rien de faux dans son humanité, rien de faux dans sa divinité : Dieu et Homme. Mais si tu m’interroges sur son humanité elle-même, j’énonce de nouveau deux principes : une âme humaine, un chair humaine. Tu es homme parce que tu es âme et corps. 11 est Christ parce qu’il est Dieu et Homme. Voilà ce que je dis. falsum1... diulnitate om. a 'I 55 humanitate : ucritate / | 56 deus ct homo : om. a maur. ]| de ipso homine : ille pro homine a | 57 ct om. a 1. Augustin retrouve Ici le ton et les procédés de sa polémique anti-mani­ chéenne. 11 faut rapprocher ce passage de l’Zn Zo. Eu, 8. 5. 286 AVGVSTINI HIPPONENSIS 3. Sed tu melius te dicere putas quia dicis : « spiritus erat, spiritus apparebat, spiritus videbatur, spiritus inter homines coiiuersabatur. » Hoc dicis. Hoc dixi : hoc puta­ bant ct discipuli. Si nihil malum dicis, si bonum est quod dicis, bonum erat et quod discipuli putabant. Si dominus 65 sic eos dimisit, ut hoc putarent, dimittendus es tu. Quod credis hoc credebant. Bonum est quod tu credis ? Bonum erat quod illi credebant. Sed non erat bonum. Ait illis do­ minus : Quid turbati estis? Perturbatio credidit quod cre­ dis ; quid ? credebant se spiritum uidere. Et dominus ad 70 haec : Quid turbati estis et cogitationes ascendunt in cor uestrum 3 ? Cogitationes istae terrenae sunt. Si enim cae­ lestes essent, descenderent in cor uestrum, non ascenderent. Quare enim nobis dicitur : « Sursum cor », nisi ut terrenae cogitationes non ante se inucniant cor nostrum, 75 quod sursum posuerimus ? Ergo : « Quid turbati estis et cogitationes ascendunt in cor uestrum ? Videte manus meas et pedes meos, palpate et uidete. Parum est uobis adtendere, manus mittite; si parum est adtendere nec sufficiat tan­ gere, palpate. » Nec tangite solum dixit sed palpate et conso trectate. Probent sibi manus vestrae, si mentiuntur oculi vestri. Palpate et uidete, oculos in manibus habete *. Quid palpate ct uidete ? Quid ? Quia spiritus carnem et ossa non habet, sicut me uidetis habere. Errabas cum discipulis,60 * GO 60 sed : OC D tc om. p24 || <|uln : qui maur. | 61-62 inter homines : in homines / in homine α | 62 conuersabatur : ct pracm. a || hoc : ut p maur. |J (33 et : om. p ct | malum :mall p a maur. j, G4 bonum cnit et οηι.ρ )| putabant : bonum erat add. p || 65 sic om. % || eos dimisit : cos di­ mittit f dimittet eos α || ut : ct pracm. p2 ct maur. || hoc : sic α Π putarent : putent / a 6.5-66 Quod credis hoc credebant : hoc enim credebant (crederant /) quod (quod om. a) ct (ct om. /) tu / a maur. |! bonum : si pracm» maur. || 67 sed : omnino add. p | bonum : unde ct add. p | ait illis dont. : dominus Illis ait p ait enim illis dom. α 68 turbati : perturbati α || 69 quid : qui / om. p quia α || credebant : putabant p. maur. ( spiritum : Ipsum α | ad haec : ad hoc α | 71 istae om. p4 || 72 essent : sint / |' ues*. trum om. p* α maur. || 73 nobis dicitur: dicitur nobis p4 α maur. || 74 inuc­ niant : -niat maur. | 75 posuerimus : posueramus p247 || 77 parum : si pracm. p maur. || 78 manus... adtendere om. per homocot. p**7 |( mittite : Immittere α || 81 in manibus:In mutandum pD nd imitandum p4 in- SERMON 237, § 3 (60-83) 287 3. Cependant tu es persuadé que tu dis mieux en affir­ mant : « Il était esprit ; esprit il apparaissait aux yeux, esprit il se laissait voir, esprit il vivait au milieu des hommes. » C'est ce que tu affirmes et, je l’ai dit, c’est aussi ce que pensaient les disciples. Si tu ne dis rien de mal, si ce que tu dis est juste, ce que les disciples pen­ saient était juste aussi. Si le Seigneur leur a permis de le penser, tu peux le penser de même. Ils croyaient ce que tu crois ; ce que tu crois est juste ? ce qu'ils croyaient était juste. Mais ce n’était pas juste du tout. Aussi le Seigneur leur demande : « Pourquoi ce désarroi ? » Leur désarroi a cru ce que lu crois. Quoi donc ? « Ils pensaient voir un esprit ». Et le Seigneur d’ajouter : π Pourquoi ce désarroi ? Pourquoi ces pensées se lèvent-elles dans votre cœur a ?» De telles pensées sont terrestres. Si elles étaient célestes, elles descendraient dans votre cœur, elles ne s’en lèveraient pas. Pourquoi en effet nous diton : « Le cœur en haut », sinon pour que les pensées ter­ restres ne se trouvent pas au niveau de notre cœur, puisque nous l'aurons placé en haut ? Par conséquent : « Pour­ quoi ce désarroi ? Pourquoi ces pensées se lèvent-elles dans votre cœur ? Voyez mes mains et mes pieds, palpez et voyez. Si ce n’est pas assez de voir, avancez la main, si ce n’est pas assez de regarder et s’il ne vous suffit pas de toucher, palpez. » Il ne dit pas seulement : « touchez », mais « palpez et tâtez ». Si vos yeux mentent, que vos mains vous servent de preuve. Palpez et voyez, mettez vos yeux dans vos mains1. Pourquoi : «palpez et voyez»? Pourquoi ? « Parce qu’un esprit n’a pas de chair et d’os comme moi. » ■nutandum p27 || 82 et1 om. p. quid add. tt maur. | uidete quid : modici aliquid p || spiritu» : quidem add. p2tJ || carnem : et praeni. a a. !.<·. 24, 38-39 1. Sur ccttc curieuse formule et. In la. Eu, 121,5. Après des considérai ionx sur l'extension de la signification de uidere aux cinq sens [Audi et uide, ol/ac cl uide, etc.) : · Touche ct vois. Et cependant (Thomas) n'avait pas des yeux dans lo doigt. · 288 AVGVSTINI HIPPONENSIS corrigere cum discipulis. Humanum est, concedo. Putasti 85 spiritum Christum ; hoc et Petrus, hoc ct caeteri ; spiritum se ptitauerunl uidere ; sed in isto errore non remanserunt. Vt scias prorsus falsum fuisse hoc in cordibus eorum, me­ dicus cos non sic dimisit. Accessit, medicamentum adhi­ buit. uulnera in cordibus uidebat et unde uulnera cordium 90 curaret, in corpore cicatrices ferebat1. 4. Sic ergo credamus. Scio quia sic creditis. Sed ne forie in agro isto domini sit herba mala, etiam eos alloquor quos non uideo. Nemo credat de Christo, nisi quod de se uoluit credi Christus; et quam nobis expedit ut credamus quod os dc sc credi noluit, qui nos redemit, qui salutem nostram quaesiuit, qui pro nobis sanguinem fudit, qui pro nobis quod non ei debebatur pertulit, qui nobis quod nobis non debebatur attulit : hoc credamus. Christus, quid est ? Filius dei, uerbum dei. Quid est ιού uerbum dei ? Quod dicere non potest uerbum hominis, hoc est uerbum dei. Quaeris a me quid sit uerbum dei ? Si tibi uellem dicere quid sit uerbum hominis, non explico, fatigor, haesito, succumbo ; non possum explicare uim uerbi humani, quanto magis uerbi dei. Ecce antequam 105 dicam uobis quod uolo dicere, iam uerbum est in corde meo ; nondum a me dictum est et apud me est : dicitur a me et perucnit ad te ct non recedit a me. Intenditis ut 81 corrigere : corrige tep4 |’ 81 putasti : putati»//» * α maur. || 85 caeteri: qui udd. a maur. | spiritum2 : spiritum add. p- || 86 putaucrunt sc p214 α ffl 87 scias : sciatis α || falsum om. /. α maur. || fuisse hac : hoc fuisse a maur. !| 88 cos om. a II non sic dimisit : non dimisisset / non dimisit a non dimisit sic maur. | 89 uulnera ... uidebat orn. a | et unde : ut a J 88-90 Accessit... ferebat : Accesserunt (accesserit *p) ad mediatorem ad (ct pT) medicum uulnera ostenderunt (ostenderit p5) curati sunt u medico ct unde uoluit istorum (iliorum p7) corda curare nisi unde in suo corporo cicatrices ferebat qui in eorum cordibus uulnera infidelitatis uidebat p ’ 91 sic... Creditis om. p sic1 : si / |, 92 herba : ista add. jfi ‘| 93 non : ubi p4 '| uoluit credi : credi uoluit * p- maur. || 91 ct qunm co/iicci ante quem f maur. quando quem α summopere correctione. ut nidetur p || nobis : uobis p7 I) ut : hoc add. p| 95 dose credi : credi do se f dc credi * p qui nos redemit ont. p | 96 qui1 : et p-47 | 97 non ei : sibi non a cl non maur. || debebatur : debebat α || pertulit : attulit α || nobis om. p7 || 97- 289 SERMON 237, § 3-4 (81-107) Tu errais avec les disciples, reviens avec eux dans le droit, chemin. C’est humain, je l’accorde. Tu as pensé que le Christ est esprit. Pierre aussi et tous les autres disciples aussi qui croyaient voir un esprit. Mais ils ne sont pas restés dans celte erreur. Pour que tu saches bien que ce qu’ils avaient dans le cœur était faux, le médecin ne les a pas laissés dans cet état. 11 s’est approché, leur a applique le remède. Il voyait les bles­ sures dans leur cœur, mais pour guérir les blessures de leur cœur, il portail en son corps les cicatrices *. 4. Croyons donc ainsi. Je sais que vous croyez ainsi ; mais, pour que dans ce champ du Seigneur ne vienne à pousser quelque mauvaise herbe, je m’adresse même à ceux que je ne vois pas. Que personne ne croie du Christ que ce que le Christ a voulu qu’on croie de lui. Et qu’il nous est avantageux de croire ce qu’a voulu qu’on croie de lui-même, celui qui nous a rachetés, qui a cherché notre salut, qui a versé son sang pour nous, qui a supporté, pour nous, ce qu'il ne méritait pas, qui nous a apporté, à nous, ce que nous ne méritions pas ! Croyons cela. Qu’est le Christ ? — Fils de Dieu, Parole de Dieu. Qu’est la Parole dc Dieu ? Ce que ne peut exprimer la parole humaine, voilà ce qu’est la Parole dc Dieu. Tu me demandes ce qu’est la Parole de Dieu ? Si je voulais le dire ce qu’est la parole humaine, je ne saurais m’expli­ quer, je m’y épuise, je suis embarrassé, je succombe, je ne puis expliquer la puissance de la parole humaine, combien plus est-ce vrai de la Parole dc Dieu. Avant de vous dire ce que je veux vous dire, la parole est déjà dans mon cœur, je ne l’ai pas encore prononcée et clic est en moi. Je la profère, elle parvient jusqu’à toi et clic ne me quitte pourtant pas. Vous êtes attentifs pour 98 qui nobis... attulit om. per homorot. a || 99 quid1* : qui a |[ quid3 : qui ps y 99-100 tierbum dei quid est transp. p | 100 dicere : dici f p maur. || potest : per add. p maur. || 101 humani : quanto magis uerbi dei om. / ps α maur. | 105 dicam : dico | 106 ct om. / p47 || 107 ad to : nd cor α |J inten­ ditis : intenti estis p 1. CL S. 116. 1, 2 ; 238. 2 ; 243. 3. etc. Augustin d'Hippone. 19 290 AVGVSTINI HIPPONENSIS audiatis a me uerbum ; mentes uestras pasco cum loquor. Diuideretis inter uos cibum, si afferrem uentribus, nec totus no perueniret ad singulos ; scd quanto phi res essetis tanto in plura frusta quod ponerem diuideretis, et tanto minus quisque acciperet, quanto maior esset accipientium mul­ titudo. Modo autem cibum attuli mentibus ; dico : «acci­ pite, sumite, comedite. » Accepistis, comedistis et non di­ us uiditis. Quicquid loquor et omnibus totum est et singulis totum est. Ecce quomodo non potest satis explicari quan­ tam uim habet uerbum hominis ct dicitis mihi : « Quid est verbum dei1 ? » Verbum dei pascit angelorum tot millia. Mente enim pascuntur, mente implentur. Implet angelos, 120 implet mundum, implet virginis uterum, nec ibi spatia­ tur, nec hic angustatur. Quid est uerbum dei ? Ipse dicat, ipse unigenitus, ipse unicus filius, quod est uerbum dei ipse dicat. Breuiter de se dicit sed magnum est quod dicit : Ego et paler unum sumus a. Nolo numeres uerba de uno 125 uerbo. Omnia utique quae possunt esse hominum uerba de uno uerbo non sufficiunt explicando explicare. Verbum ergo quod non potest explicari caro facium est et luibitauii in nobis, suscepit totum quasi plenum hominem, animam et corpus hominis. 130 Et si aliquid scrupulosius uis audire, quia animam et 108 a me : mc / om, α |i uerbum n me p24 maur. || cum loquor ;’ loquor α colloquendo p | 109 diuideretis : diuidetis α | totus ita α maur. correelionc ut uidrlur totum rx archetypo / p hoc praem· p 110 quanto : quantum p | essetis : estis p α maur. | tanto : tantum p 111 diuideretis : diuidetis α || tanto : tantum p || quisque : unusquisque p* 112 quanto : quantum p || esset om. α || occipientium multitudo : numen» accipientium α || 113 attuli : attulit a | 114 diuiditi$:diuisisti$pamatir. || 115 quicquid : qui id p4 ct praem. a | 116 est om. pkbl | 117 habet:';1 habeat p247 || uerbum hominis : hominis uerbum α maur. || 11.8 ange^ lorum om. α || 119 mente1 : multae p '| enim : ab eo p |» mente2 : mentes p || implentur : satiantur add. p | 119-120 implet... mundum orn. p || 121 nec hic : ut hoc α | 121-122 Ipse... dei om. per homocot. / α maur. j| 121 dicat : dicit p47 H 123 de sc : xc p || 124-125 de uno uerbo : appende / α maur. || 125 omnia utique quae possunt esse hominum : quid ergo plura/a maur. |( utique : ubique *p | 126 explicare : om. / α maur. || 127 explicari : uerbum add. α || caro om. p47 || 130 audire om. a || qulaom. α SERMON 237, § 1 (108-130) 291 entendre de moi la parole ; je nourris vos esprits quand je parle. Si j’apportais une nourriture pour vos estomacs, vous la partageriez entre vous et elle ne parviendrait pas tout entière à chacun de vous. Plus nombreux seriez-vous ct en plus nombreux morceaux vous par­ tageriez la nourriture que je vous donnerais. Plus grande la foule des participants et plus petite la part, de chacun. Or je viens à l’instant d'apporter une nourriture à vos esprits. Je dis : tenez, prenez, mangez. Vous avez pris, vous avez mangé, mais vous n’avez pas à faire de parts. Ce que je dis est tout entier pour tous, tout entier pour chacun. Vous voyez qu’on ne peut pas assez expliquer la puissance de la parole humaine et vous me deman­ dez : Qu’est la Parole de Dieu 1 ? La Parole de Dieu nourrit tant de milliers d’anges. Leur esprit est nourri, leur esprit est rempli. Elle remplit les anges, elle remplit le monde, elle remplit le sein d’une vierge. Là elle n’est pas au large ni ici à l’étroit. Qu’est la Parole de Dieu ? Qu’il le dise lui-même, lui Tunique, lui le seul fils, ce qu’est la Parole de Dieu, qu’il le dise lui-même. Il parle de lui brièvement, mais ce qu'il dit est grand : « Le Père et moi sommes un °, n Ne compte pas les paroles dites de l’unique Parole. Assurément tout ce qu’il peut y avoir de paroles humaines ne suffit pas comme expli­ cation à expliquer l’unique Parole. Ainsi donc, cette Parole qu’on ne peut expliquer s’est faite chair et a habité parmi nous. Elle a pris l'homme tout entier et pour ainsi dire dans sa plénitude : une âme Ct un corps d’homme. Et si lu exiges que je parle avec plus d'exactitude, a. Jn 10. 30. 1. · Cuir si vous aviez (aim ct que je vous apporte du pain» vous le parta­ geriez entre vous ct plus vous seriez, moins VOUS en auriez. Maintenant je vous parle, mais vous ne vous partagez pas les mots ni les syllabes, vous ne rompez pas ma parole pour en prendre l’un une part ct l’autre une autre, pour la recevoir en morceaux, en miettes. Chacun l’entend tout entière ; aussi nombreux que vous soyez venus, vous l’entendez tout entière... S’il en est ainsi de la parole qui retentit aux oreilles, qu’en est-il de la Parole toute puissante ? · (S. 28, 4). 292 AVGVSTINI HIPPONENSIS carnem habet et pecus ; cum dico animam humanam et carnem humanam, totam animam humanam accepitx. Fuerunt enim qui hinc haeresim facerent et dicerent quia anima Christi non habuit, mentem, non habuit intcllec135 tum, non habuit rationem, sed uerbum dei fuit illi pro mente, pro intellectu, pro ratione Nolo sic credas. To­ tum redemit qui totum creauit; totum suscepit, totum liberauil uerbum3. Ibi mens hominis et intellectus, ibi anima uiuificans carnem, ibi caro uera et integra, peccai io tum solum non ibi. 133 fuerunt : fuerant p7 || enim om. p12 || 134-135 non habuit intellec­ tum... rationem om. α | 135 fuit illi : illi fuit α |ί 133 ibi : ubi / α || ibi2 : om. α || 139 integra : ibi add. / |; 110 solum om. α || non : erat add. α. 1. Suivant l’anthropologie platonicienne, l’homme comprend : φυσίς νους. Pour celle d’Augustin, cf. E. Gilson. Introduction ά l'étude de saint Augustin, Paris 1913, p. 50 s. 2. Augustin a parlé de i’iipollinarixmc lout au long de sn carrière· 11 y consacre In Question 80 du Liber de diuersis quaestionibus, le chapitre 55 du Liber de haeres i b us et doit se défendre contre Julien d’Éclane (opus imper/. î, 47) qui l’accusait d'élre jadis tombé dans cette hérésie. Plusieurs allusions aux Apolllnaristcs dans la prédication (En. in Ps. 29» 2 ; 85.4 ; In lo. Eu. 23» G ; 47, 9 ; S. Denis 5. 7), où ils voisinent habituellement avec les Ariens. Ces hérétiques nient que Jésus ail pris une ôme humaine» en prétextant que l’Écriture porte : · Et le Verbe s’est fait chair ■ et non · s’est fait homme · (c/. De anima et élus origine 1, 31). D’après les Confessions (7, 19, 25). Aly- SERMON 237, § 4 (131-140) 293 sous prétexte que les bêtes aussi ont un corps et une âme, quand je dis âme humaine et chair humaine, il a pris toute l'âme humaine x. Car sur ce point il en est qui sont tombés dans l’hérésie, en disant à ce sujet que l’âme du Christ ne comportait pas l’esprit, ne comportait pas l intelligence, ne comportait pas la raison, mais que la Parole de Dieu lui tenait lieu d’esprit, d’intelligence et de raison *. Ce n’est pas ainsi qu’il te faut croire. Celui qui a tout créé a tout racheté. La Parole a tout assumé et tout libéré ·. Là est un esprit et une intelligence d'homme, là une âme donnant vie à la chair, la une chair véritable et réelle. Seul le péché n’est pas là. pius croyait que telle était lu doctrine de l’Églisc et répugnait à l’admettre, mais par la suite apprenant que c'était là l’erreur des Apollinaristes, il n’eut plus de peine à embrasser la foi catholique. P. CounGBttK (Les lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore, 2« éd., Paris 1948, p. 188) montre qu’Augustln a connu Apollinaire de Laodlcéc et les diverses sectes issues de son hérésie par l’intermédiaire d’Epiphanc. Condamnée par lo synode romain du pape Damnse (en 377) et par le Concile de Constantinople (381), mise hors la loi par Théodose (lois de 383-384 et 388). clic n’a pu sub­ sister (jusqu’en 420) que dans la clandestinité (cf. .1. DankjSxou cl 11. Marm>v9 Nouvelle Histoire de ΓÉglise I. Des Origines Λ Grégoire, le Grand, Paris 1963, p. 382) ; l’Évêque d’Hippone est d’autant plus vigilant à en combattre les derniers tenants (Ncquc sine causa hoc dixi... ucl adhuc fortassis haberi reliquias quorundam qui dicti sunt Apoilinaristac. IZn. in Ps. 29, Π, 2). 3. On trouve ici « le grand argument qui ne cessera d’étro opposé à l’apollinarisme : ne peut être sauvé (dans l’homme) que ce qui a été assumé (par le Christ) » (J. Daxîélou et 11. Marrou., op. eit. p. 382). SERMO CCXLVI TRACTATVS HABITVS QVINTA FERTA 1. Mullis modis dominus lesus post resurrectionem ap­ paruit fidelibus suis : habuerunt unde scriberent omnes euangelistae sicut cis subministrabat spiritus recordas tiones rerum quas scriberent. Alius aliud dixit, alius aliud. Praetermittere aliquis potuit aliquid ucrum, non dicere aliquid falsum. Omnia ista con putate unum dixisse ; uere unus dixit quia unus spiritus in omnibus fuit .* Hodie quid audiuimus ? Illud quod non credebant disci10 puli resurrexisse lesum et non ei crediderunt hoc ipsum ante‘praenuntianti. Res manifesta est et propterea scripta est ut deo magnas gratias agamus quia in eum credidimus quem non uidirnus. Illorum oculis et manibus uix persua­ sum est quod nos credimus. 15 2. Audistis quia intrauit monumentum discipulus cius et uidil linteamina posita et credidit, nondum enim nouerai scripturas quia oportebat lesum a mortuis resurgere . * Si( I Homiliairc dc Ι-Ί.κυιιν. Paris h. n. n. a. 1.1599 (vm) Fleury-sur-Loire, ioj.34 p Homiliairc des Sanci i catholici Patres, accord. des mss : p2 Tkoyks 13. M. 219 (xn) Ctairuaux, fol. 179. p5 Paius O. N. hit. 804 (xu) probabl. Tarracone. fol. 159v. p7 Pakis ii. N. lai. 12409 (xtj) Saint· Germain-des-Prés, fol. 28v. maur. Édition des Mauristcs. Inscriptio ex / senuo cuius supra feria un p’7 Ferla v sermo cuiul supra p* || 3 habuerunt : non pracm. p || scriberent : -here p*7 || 4 subminis­ trabat : ministrabat p5 | recordationes : -tlonis maur. || 5 quas : qua (s 2 m.) t II 6 potuit : putauit / || 7 omnia ista : omnes itaque p || unum : ucrum p ,| ucrc : ucrum p6 7 enim add. p maur. | 8 unus1 : unusquisque p || 10 ci om· p II crediderunt : credebant p H 1 i praenuntianti : pracnunciatum p || 13 quem : SERMON 246 SERMON DU JEUDI DE PAQUES 1. Après la résurrection le Seigneur Jésus se montra à ses disciples en des circonstances bien diverses. Les évangélistes ne manquaient pas de matière, selon que l’Esprit leur présentait le souvenir des faits qu’ils avaient à écrire. L’un raconte une chose, l’autre une autre. L’un ou l’autre a pu omettre un fait réel, mais non en raconter de faux. Tenez l’ensemble du récit pour l'œuvre d'un seul auteur, puisque Tunique Esprit a parlé en tous ,. Qu’avons-nous entendu aujourd’hui ? Ceci : les dis­ ciples ne croyaient pas que Jésus fût ressuscité. Quand il leur avait annoncé h l’avance l’événement lui-même, ils ne l’avaient pas cru davantage. Les faits sont patents ; ils ont été écrits pour que nous rendions à Dieu d'abon­ dantes actions de grâces, car nous croyons en celui que nous n’avons pas vu. Eux furent à grand peine convaincus par le témoignage de leurs yeux et de leurs mains de ce que nous, nous croyons. 2. Vous avez entendu que son disciple entra au sépulcre, « vit le suaire plié et crut, car il n’avait pas encore compris les Écritures, disant qu’il fallait qu’il ressuscitât d’entre les morts a ». C'est le texte que vous in terra add. p maur. || 15 monumentum : in pracm. p maur. || 16 uidit : in uidit p2 ut uidit p57 || et2 om. p || 17 lesum : cum p maur. | 17-18 sic audistis om. p a. Jn 20, 8-9 1. Les quatre livres De consensu euangelistarum (écrits en 400) traitent de cette question. Au livre 3, 67-85» sont étudiés les récits de la Résurrection (d'après les Synoptiques, Jean» 1 Cor. 15. 3-8). 296 AVGVSTINl HIPPONENSIS audistis, sic lectum est : uidit el credidit, nondum enim nouerai scripturas. Ergo debuit dici : uidit et non credidit, 20 nondum enim nouerat scripturas. Quid ergo est : uidit lin­ teamina et credidit ? Quid credidit ? Quod dixerat mulier : Tulerunt dominum meum de monumento a. Si enim audis­ tis, immo quia audistis, hoc dixerat illa mulier : Tulerunt dominum meum de monumento et nescio ubi posuerunt eum. 25 Hoc audito cucurrerunt. Intrauit in monumentum, uidit linteamina et credidit quod dixerat mulier : ablatum esse Christum de monumento. Quare credidit ablatum esse et furatum Christum de monumento ? Quare ? Nondum enim nouerat scripturas quia oportebat lesum a mortuis resurgere. 30 Intraucrat, non inuencrat. Resurrexisse eum credere de­ buit, non furatum esse. 3. Quid sibi ergo uult ? Solemus uobis inde omni anno loqui. Sed lectio ipsa sollemniter legitur et sermo ipse sol­ lemniter reddatur quare dixit dominus Christus mulieri 35 iam agnoscenti... Primo enim dixerat : Quem quaeris ? quid ? ploras * Illa autem putabat cum esse hortulanum. Et, si consideres, si nos olera ipsius sumus, hortulanus est Christus. Non est hortulanus qui posuit granum sinapis, id est semen minimum et feruidum ? Et crcuit ct ascen-l 40 dit ct fecit arborem tantam ut etiam uolucres caeli requies­ cerent in ramis cius. Si habueritis, ipse dicit, fidem, sicut granum sinapis0. Modicum uidetur granum sinapis, nihil contemptibilius aspectu, nihil uero fortius 1. Quod quid est aliud nisi maximus ardor et intima uis fidei in ecclesia ? 21 quod om. (2 m. in margine} p* || 22 meum om. p maur. || si : sic /1| 24 meum om. p maur. ;| 25 intrauit : ct praem. p maur. || 27-28 quare credidit... monumento om. per homorol. p* j| 29 lesum : cum p maur. J| 30 cum om. / |[ credere : c.rederil f '| debuit om. / || 32 uult om. / |! solemus : solitis p 33 legitur : legatur p * 7 | 34 reddatur : legatur p2 | Christuso/n. p I 35 iam... dixerat om. p7 || 36 hortulanum : ortulanum p || ct : re uera add. p maur. J 37 Si nos : quomodo add. p maur. || olera : holcra / || sumus : simus p maur. || 38 non : nonne pa maur. || xjnapis : in horto suo add. p maur. || 43 nihil : ot praem. f || fortius : gustu add. p maur. || 43-44 Quod... ccclcsia om. /. SERMON 2·1β, § 2-3 (18-11) 297 avez entendu, le texte qu’on vous a lu : « 11 vit et il crut, car il n'avait pas encore compris les Écritures. » Par conséquent il aurait fallu dire : Il vit et il ne crut pas, car il n’avait pas encore compris les Écritures. Pourquoi donc : « Il vit le suaire et il crut » ? Qu’a-t-il cru ? Ce que lui avait dit la femme : « Ils ont enlevé mon Seigneur du tombeau n. » Si vous l’avez entendu, ou plutôt parce que vous l’avez entendu, c’est ce qu’avait dit la femme : « Ils ont enlevé mon Seigneur du tombeau ct je ne sais où ils l’ont mis. » A ces mots, ils se sont mis à courir, il entre au tombeau, voit le suaire ct croit ce que vient de lui dire la femme : qu’on a emporté le Christ du tom­ beau. Pourquoi a-t-il cru que l’on avait emporté ct volé le Christ du tombeau ? Pourquoi?«Parce qu’il n’avait pas en­ core compris les Écritures, disant qu’il (allait qu’il ressus­ citât d’entre les morts.n II entre, il ne le trouve pas. Il au­ rait dû croire qu’il était ressuscité ct non qu’on l’avait volé. 3. Qu’est-ce que cela veut dire ? Tous les ans nous avons l’habitude de vous en parler, mais puisque la lec­ ture elle-même se fait annuellement, il faut bien aussi qu’annucllcment vous soit expliqué pourquoi le Seigneur Christ s’adresse, en ces termes, à la femme qui vient de le reconnaître. Tout d’abord, il lui avait dit : « Qui cherches-tu, pourquoi pleures-tu b ? » Or elle croyait que c’était le jardinier. Et à regarder les choses de près, si nous sommes ses plants, le Christ est un jardinier. N’cst-il pas jardinier, lui qui « a semé la graine de sénevé », qui est une toute petite graine, mais vivace ? Elle a poussé, elle a grandi, elle est devenu un arbre si haut que les oiseaux du ciel pouvaient même se reposer sur ses branches. « Si vous aviez de la foi, dit-il, comme un grain de sénevé «... » Cela paraît peu de chose un grain de sénevé, rien de plus négligeable au regard, mais rien de plus vigoureux ». N’est-ce pas la force extraordinaire et l'énergie secrète de la foi dans l’Église ? a. Jn 20. 2 || b. Jn 20. 15 || c. Matlh. 17, 20 1- Les Maurist es ont adopté la leçon de rilomiiiaire des Sancti Catholici 298 AVGVSTINI HIPPONENSIS Ergo pu tau it eum hortulanum et ait illi : Domine, ho­ norificentiae causa, quia beneficium poscebat, ideo domi­ num dixit — si tu abstulisti eum ostende mihi, ubi posuisti eum el ego eum tollam ft. Quasi diceret : « Mihi necessarius est, tibi non. » 0 mulier, necessarium tibi putas mortuum 50 Christum, uiuum agnosce. Tu mortuum quaeris, uidit se dominus mortuum quaeri1! Nihil autem nobis mortuus pro­ desset nisi a mortuis resurrexisset b. Et quaerebatur mor­ tuus, uiuum se ostendit. Quomodo uiuum ! nomen ipsius appellabat : Maria ct continuo illa nomine suo audito : Hab55 boni. Hortulanus enim potuit dicere : Quem quaeris ? quid ploras ? Maria non posset dicere nisi Christus. Nomen ipse appellauit qui ad regnum caelorum uocauit. IIoc nomen dixit quod in libro suo ipse scripserat : Maria. Et illa : Rabboni, quod est magister, lain cognouerat a quo ut co­ eo gnosceretur iniuminabatur, iam qui prius hortulanus puta­ batur, Christus uidebatur. Et dominus ad illam : Noli me tangere, nondum enim ascendi ad patrem meum c. 4. Quid sibi hoc uult : Noli me tangere, nondum enim ascendi ad patrem meum ? Si non illum poterat tangere in es terra stantem, potcrat tangere in caelo sedentem, tamquam diceret : « Modo me noli tangere, tunc me tange cum ascen•is 45 ergo : merito add. p maur. || 46 poscebat : petebat p2 maur. || 47 dixit : uocnbat p maur. || cum : inquit add. p maur. || 48 cum : illum / | 48-52 quasi... nisi : Necessarium est tibi o mulier necessarium est Putas mortuum Chris­ tum uiuum agnosce Tu mortuum quaeris sed ipse tecum uiuus loquitur Nilql mitem nobis mortuus profuisset nisi p uidit se... quaeri : sed ipse lecum uiuus loquitur maur. || 52 resurrexisset : surrex. p2 |[ ct : qui add. p maur. || 53 quomodo om. p || uiuum2 : uiuoque ac p maur. proprio add. p maur. || nomen ipsius : nomine ipsam p maur. || 51 appellabat : appellauit p maur. || Rabboni : respondit add. p maur. || 55 enim om. ps1 || quem : quid f p 56 Christus : dominus p maur. | nomen : nomine p maur. | 57 ad regnum ; in regno / I 58 ipse scrips. : scrips, ipse p2 j| 59-61 iam... uidebatur : iam cognoucrat iam Christum uidebat /1| 63-64 quid... meum om. per homoeot. f || hoc vult : uult hoc p47 |( 66 tange : tanges maur. a. Jn 20, 15 || b. Cf. I Cor. 15. 14 | c. Jn 20, 17 Patres : nihil uero fortius gustu. L’effet de symétrie (aspecttt-gustu) serait bien dans le style augustinicn, mais la précision gustative affadit en réalité SERMON 246, § 3-1 (45-66) 299 Donc elle l’a pris pour le jardinier. Elle lui dit : « Sei­ gneur... » Elle lui parie avec déférence, car elle lui deman­ dait un service, c’est pour cela qu’elle l’appelle seigneur. « Si tu l’as enlevé, montre-moi où tu l'as mis et je l’em­ porterai tt. » C’est comme si elle disait : il m’est néces­ saire, pas à toi. Ô femme, tu penses que le Christ mort t’est nécessaire, rcconnais-le vivant. Tu le cherches mort, le Seigneur voit qu’on le cherche mort 1 ! Mais mort, il ne nous aurait servi de rien, s’il n’était pas ressuscité des mortsb. Celui qu’on cherchait mort, se montre vivant. Comment vivant ? il l’appelle elle-même de son propre nom : « Maria. » Et elle, tout de suite en enten­ dant son nom : « Rabboni. » Car le jardinier a pu dire : « Qui cherches-tu, pourquoi pleures-tu ? » Seul le Christ pouvait dire : « Maria. » Il l'appelle lui-même par son nom, lui qui l’a choisie pour le royaume des cieux ; il a prononcé le nom qu’il avait déjà écrit sur son livre : « Maria. » Et elle : « Rabboni », ce qui veut dire : Maître. Maintenant elle l’a reconnu, lui dc qui venait la lumière pour qu’elle le reconnût, maintenant l’homme qu’elle prenait d’abord pour le jardinier, elle voit que c’est le Christ. Et le Seigneur : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon Père °. » 4. Qu’est-ce que cela signifie : « Ne me touche pas, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père »? Si elle nc pouvait le toucher se tenant sur la terre, aurait-elle pu le toucher siégeant dans le ciel ? Comme s’il disait : Maintenant ne me touche pas ; lorsque je serai remonté la parabole évangélique et en gauchit le sens. Car la force du grain dc mou­ tarde réside dans sa possibilité dc croître, comme un arbre où viennent nicher les oiseaux du ciel. Augustin, toujours émerveillé devant les mirabilia dc la création, la commente bien ainsi dans une prédication de la Vigile pascale (Additamenta ad Sermones Witniartianos, MA I, p. 716) : l’enfouissement du Christ au tombeau prélude à son éclatante résurrection. Quid est enim aliud granum sinapis quarn /eruor humilitatis ? N’oublions pas que notre texte baigne, lui aussi, dans la lumière du matin do Pâques. 1. Augustin semble se rappeler le commentaire d’AsumoiSB (Exp. Euan­ gelii secundum Lucam 10, 155) qui s’adressait» presque dans les mêmes termes» à Marie-Madeleine quac uiucnlcm cum mortuis quaeris... Tout le pas­ sage est à rapprocher de notre texte. Tous deux s’appuient sur Luc 24. 5. 300 AVGVSTINI HIPPONENSIS clero ad patrem » ? Recolat caritas ucstra hesternam lec­ tionem quando apparuit discipulis dominus ct putaverunt sc spiritum uidcrc. Ille autem uolcns eis hunc tollere erro70 rem, praebuit se tangendum. Quid dixit ? Heri lectum est inde sermo fuit. Quid turbati estis et quare cogitationes as­ cendunt in cor uestrum ? Videte manus meas et pedes meos, palpate et uidete a. Numquid iam ascenderat ad patrem, quando dicebat : palpate ct uidete. praebens se tangendum "5 discipulis suis, non tangendum sed palpandum, ut fides fiat ucrae carnis ucri corporis, ut exhibeatur etiam lac­ tibus humanis soliditas ucritatis ? Praebet ergo se pal­ pandum manibus discipulorum et dicit mulieri : Noli me tangere, nondum enim ascendi ad patrem meum. Quid sibi 80 uult ? Viri non cum potuerunt tangere nisi in terra, mulieres tunc habebant tangere in caclo : nondum enim ascendi ad patrem meum ? Quid est ergo tangere nisi credere ? Fide enim tangimus Christum ct melius est manu non tangere ct fide tangere 85 quam manu palpare ct fide non tangere. Non magnum fuit Christum tangere. Judaei tetigerunt quando com­ prehenderunt, tetigerunt quando ligaucrunt, tetigerunt quando suspenderunt, tetigerunt et male tangendo, quod tetigerunt perdiderunt. Tange tu fide, o ecclesia catholica. 90 fide tu tange. Si Christum tantummodo hominem putaueris, in terra tetigisti. Si Christum dominum credideris aequalem patri, tunc tetigisti quando ascendit ad patrem. Ergo ascendit nobis quando illum intellexerimus. Semol tunc illo in tempore ascendit, sed modo cottidie ascendit. 60 hunc tollere : tollere hunc p8 || 71 estis : inquit a hic saluus erit “. — Adtendis, inquis, quod alius male uiuit ct felix est ! — Falleris, infelix est et eo est infelicior quo sibi uidelur felicior. Insania est quod non agnoscit miseriam suam. Si uideres febrientem ridentem, tu plan· geres insanientem. Quod libi promissum est nondum uenit. 75 Ille qui tibi felicior uidetur, rebus uisibilibus et tempora­ libus pascitur, ipsis laetatur ; nec attulit ea, nec auferet ea, nudus ingressus est, nudus est exiturus b ; a falsis gau­ diis uenturus est ad ueros dolores. Tibi autem quod pro­ missum est, nondum uenit ; dura ut pervenias ; perseuera so ne deficiendo te ipsum fraudes, nam deus te fallere non potest.» Eccc dixi breviter ne nauigia mergantur*1*. Accessit aliud ad illam piscationem detestabilius ut retia rumperentur. Rupta sunt retia, haereses factae sunt. Quid enim aliud scismata nisi scissurae? Sic ferenda ct to85 leranda est prima piscatio ut nemo taedio fatigetur, quamuis scriptum sit : Taedium detinuit me a peccatoribus relinquentibus legem tuam °. Nauigium clamat quod pre65 ot om. / I me est : est me maur. |j 6G periclitatur : periclitare ud peri­ clitari f (I 67 alloquar : alloquor p7 !| ne profundius mergatur : ut dc profundo erigatur / || 68 uiuit : uiuis f maur. || uiuis : ulue / maur. | ct om. P27 noli p5 maur. || 69 domini lui : dicentis add. p maur. | 70 adtendis : adtendo p maur. | inquis om. / || 72 uidelur felicior : felicior esse uidetur p || insania : insana / || quod om. / |{ 73 febrientem : furentem / ‘| 75 felicior : esse add. p5 || 79 dura : ora p '| 82 ad illam piscationem : in Hia piscatione / II 84 aliud : sunt add. p maur. || 86 detinuit : tenuit p maur. || a peccato­ ribus : pro pcc. p maur. | 87 prematur : premebatur / a. Matth. 24,13 || b. Job l, 21 || c. Ps. 118, 53 1. Développement moral de type similaire dans le S. 251. 2 : · Ne dites pas : Eh quoi ! un tel n’est-il pas chrétien baptisé ? ct il s’enivre. Un tel n’est· Il pas chrétien baptisé ? ct il a des concubines. Un tel n’cst-il pas chrétien bap· SERMON 250, § 2 (65-87) 315 de bien vivre ? En voici un qui vit mal ct on l’estime plus que moi. A quoi cela me sert-il de bien vivre ? » Le voici en danger de perdition. Il va sombrer, j’en ai peur. Je vais m’adresser à cet homme qui vil bien, pour qu’il ne s’enfonce pas plus profond : 'foi qui vis bien, ne te lasse pas, ne regarde pas en arrière. Véridique est la promesse que te fait ton Seigneur : « Qui persévérera jusqu’à la fin sera sauvé®. » — Tu peux voir, me dis-tu, qu’un tel vit mal ct il est heureux. 'Γη te trompes, il est mal­ heureux ! Et d’autant plus malheureux qu’il se croit heureux. C’est folie s’il ne reconnaît pas son propre malheur. Si tu voyais rire un malade fiévreux, tu le plaindrais comme un pauvre fou. La promesse qui t’a été faite n’est pas encore réalisée. L’homme qui te paraît heureux se repaît de biens visibles et passagers qui le mettent en liesse, mais il ne les a pas apportés et il ne les emportera pas ; nu il est arrivé, nu il s’en ira b. Parti de joies trompeuses, il se dirigera vers des douleurs véritables. Quant à toi, la promesse qui t’a été faite n’est pas encore réalisée. Endure pour y parvenir, per­ sévère pour ne pas, en perdant courage, te décevoir toi-même, car Dieu, lui, ne peut te tromper. Voilà en peu de mots ce que j’ai dit pour que les barques ne sombrent pas *. Un incident fort désagréable s’est produit lors de la première pêche : les filets se sont rompus. Voici les filets rompus, les hérésies consommées. Qu’est-ce qu’un schisme sinon une déchirure ? Il faut endurer et supporter la première pêche et que nul n’accuse de la lassitude, bien qu’il soit écrit : « La lassitude me prend à la vue des pécheurs qui abandonnent ta loic. » La barque crie tisé ? ct il commet tons les jours des malhonnêtetés. Un tel n’est-il pas chré­ tien baptisé ? et 11 consulte les matlrmalici. · De même dans le S. 2-19. 2. Ailleurs : < Quand un chrétien honnête voit que celui qui l’opprime est in­ juste. heureux ct comblé, il ne tarde pas ù gémir : O Dieu ! Cela ne sert à rien d’être honnête. Vous n’alter. pas me dire que J’invente ct qu’on ne parle pas ainsi ! Je voudrais bien no pas entendre dc tels propos, de mes propres oreilles. Car c’est en ma présence qu’on dit : cela ne sert de rien d’être honnête, cela ne sert de rien dc vivre honnêtement. · (.$. Morin 8. 5). 316 AVGVSTINI HIPPONENSIS matu r a multitudine, tamquam ipsa nauis habet hanc uoccin : Taedium detinuit me pro peccatoribus relinquenti· 90 bus legem luam. Etsi premeris, uide semper ne mergaris. Tolerandi sunt mali modo, non separandi. Misericordiam et iudiciurn domino cantabimus ·, prius misericordia prae­ rogatur et postea iudiciurn exercetur ; separatio in iudicio fiet. Modo audiat me bonus et sit melior, audiat et malus 95 et sit bonus ; cum tempus est paenitentiae, nondum sen­ tentiae. Transeamus ab ista piscatione quae habet gaudia mixta lacrimis : gaudia quia colliguntur boni, mixta lacrimis quia uix feruntur mali. too 3. Ad illam piscationem nonissimam animum conuertamus : ibi reficiamur, ibi consolemur. Et ideo ipsa post resurrectionem domini facta est quia sic significauit eccle­ siam qualis post resurrectionem futura est. Ecce dicitur discipulis piscantibus, dominus dicit, qui ct prius dixit, 105 ipse et postea, sed prius quid mitterent, modo quo mitte­ rent, id est in dexteram partem nauigii. Ergo illi modo capiuntur qui ad dexteram stabunt, illi capiuntur quibus dictum est : Venite benedicti patris mei, percipite regnum b. Mittunt et capiunt. Ibi numerus non est dictus in prima lio piscatione, sola multitudo dicta est, numerus non est defi­ nitus. Multi sunt enim super numerum modo, id est ueniunt, intrant, implent ecclesias ’ : ipsi implent et theatra 89-90 Taedium... legem tuam om. p2 || 89 pro : prau sed postea dckuil / || 90 uide semper nc mergaris : noli mergi / |! 92 cantabimus : canto p maur. || praerogatur : porrigatur / om. p2 || 93 et : ut / || exercetur ; exerceatur / |i 91 fiet om. p '| modo : isto proem, p || et1 : ut p maur. | el2 dans Augustinus magister II, p. 671-675, et spécialement p. 671, note 6, où Fauteur a réuni quarante réfé­ rences. — Dans notre sermon, Augustin file une double image ; celle de la construction. Christ-Pierre d’angle (Ps. 117, 22 et plus loin Èphés. 2. 14 ; 20-21) : Pax in Christo, Unitas in Christo et, en même temps, celle du ChristLumière (Ps. 117, 24) qui surgit du tombeau comme l’étincelle du silex : .Exordium diei cius a lapide angulari sumamus.,» iste est dies quem fecit domi­ nus. 346 AVGVSTINI HIPPONENSIS Quis est lapis angularis quem reprobauerunt aedificantes nisi dominus Christus quem reprobauerunt ludaeorum doctorcs ? Legis enim periti doctores ludaeorum repro­ bauerunt cum dicentes : Non est iste a deo qui soluit sabba­ tum ft. Iam dixistis : Non est iste a deo qui soluit sabbatum. 20 Lapidem quem reprobauerunt hic factus est in caput anguli. Quomodo in caput anguli ? Quare angularis lapis dictus est Christus ? Quia omnis angulus duos parietes de diucrso pacificat. Venerunt apostoli de circumcisione, uencrunt de gente ludaeorum, uencrunt inde et illae turbae quae prae25 cedebant et sequebantur iumentum eius, dicentes quod in hoc ipso psalmo est : Benedicius qui uenil in nomine domini ”, uencrunt inde tot ecclesiae dc quibus dicit apos­ tolus Paulus : Eram ignotus faciei ecclesiis ludaeae quae sunt in Christo, tantum autem audiebant quia ille qui ali30 quando nos persequebatur, nunc euangelizal fidem quam ali­ quando uastabat el in me magnificabant deum °, ludaei sed adhaerentes Christo sicut apostoli, uenientes ct credentes Christo et unum parietem facientes. Restabat alius paries, ecclesia de gentibus ueniens. In35 uencrunt se ; pax in Christo, unitas in Christo qui fecit utraque unum' . * Ipse est dies quem fecit dominus. Totum diem intellege caput et corpus, caput Christus, corpus ecclesia. Iste est dies quem fecit dominus. •W 2. Recolite primam mundi condicionem. Tenebrae erant super abyssum ct spiritus dei superferebatur super aquam. Et dixit deus : Fiat lux et facta est lux. El diuisi' deus lucem a tenebris et lucem uocauit diem, tenebras autem uocauit noctem ®. Cogitate tenebras istorum 1 antequam ucnirent •15 ad remissionem peccatorum. Tenebrae ergo erant super abyssum, antequam ista fuissent dimissa peccata. Sed spi15 23 faciei : facie maur. || 29 audiebant : audiebam / corr. maur. a. Mftttli. 21, 9 || b. Ps. 117, 26 || c. Gal. 1.22-24 || d. Cf. Éphés. 2.14 || e. Gen. I, 2-5 SERMON 258, § 1-2 (15-16) 347 Quelle est cette pierre d’angle que les constructeurs ont rejetée, sinon le Seigneur Christ qu’ont rejeté les docteurs juifs ? Les docteurs juifs, savants dans la Loi, le rejetèrent en disant : « L’homme qui détruit le sabbat ne vient pas de Dieu a. » Car vous avez dit : L’homme qui détruit le sabbat ne vient pas de Dieu. « La pierre qu'ont rejetée les constructeurs est devenue pierre d’angle. » Comment pierre d’angle ? Pourquoi le Christ est-il appelé pierre d’angle ? Parce que tout angle réunit deux murs de part ct d’autre. Les apôtres sont venus de la circon­ cision, ils sont venus dc la race des Juifs ; de là vinrent aussi les foules qui précédaient et suivaient sa monture, en criant ce qui sc trouve précisément dans notre psaume : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur b » ; de là encore sont venues tant d’églises que mentionne l’apôtre Paul : « Mon visage était inconnu aux églises de Judée qui sont dans le Christ, elles avaient seulement entendu dire que l’homme qui nous persécutait annonçait main­ tenant la foi qu’il combattait alors et elles louaient Dieu à mon sujet ° » ; c’étaient des Juifs, mais attachés au Christ comme les apôtres, venus au Christ et croyant en lui qui formaient le premier mur. Restait l’autre mur, l’église venue des Gentils ; ils se sont rencontrés : paix en Christ, unité en Christ qui a fait des deux un seul édifice d. Lui-même est le Jour qu’a fait le Seigneur. Comprenez le Jour tout entier : tête et corps ; tête, le Christ ; corps. l’Église. Voilà le Jour qu’a fait le Seigneur. 2. Rappelez-vous l’état du monde à l’origine. « Les ténèbres étaient sur l’abîme et l’Esprit de Dieu planait sur l’eau. Et Dieu dit : que la lumière soit! et la lumière fut. Et Dieu sépara la lumière des ténèbres ct il appela la lumière Jour et il appela les ténèbres Nuit®, n Pensez aux ténèbres de ceux que vous voyez ici x, avant qu’ils ne soient venus à la rémission des péchés. Les ténèbres étaient donc sur l'abîme avant que leurs péchés ne soient 1. Les nouveaux baptisés, les infantes, qui se trouvent encore à l’intérieur des cancels, revêtus de leurs vêtements blancs. 348 AVOVSTINI HIPPONENSIS ritus dei superferebatur super aquas. Descenderunt isti in aquis, super aquas ferebatur spiritus dei, pulsae sunt tene­ brae peccatorum, isti dies quem fecit dominus. Huic diei so apostolus dicit : Fuistis enim aliquando tenebrae, nunc au­ tem lux in domino a. Numquid dixit : Fuistis tenebrae in domino ? Tenebrae in nobis, lux in domino. Vocauit au­ tem deus lucem diem, quia ipsius gratia fit quod lit b. Illi per se ipsos tenebrae esse potuerunt, lux fieri nisi dominus 55 fecisset, non potuerunt. Quia iste est dies quem fecit domi­ nus, non ipse dies, sed dominus. 3. Numquid non homo erat Thomas, unus de discipulis quasi homo de turba ? Dicebant ei condiscipuli eius : Vidi­ mus dominum. Et dicebat ipse : Nisi tetigero, nisi digitum go misero in latus eius, non credam c. Euangelistae tibi adnuntiant ct non credis ipsis ? Credidit mundus et non credit discipulus. Dc ipsis dictum est : In omnem terram exiit sonus eorum et in fines orbis terrae uerba eorum Λ. Exeunt uerba eorum, perueniunt usque in fines terrae, credit totus 65 mundus, adnuntiant omnes uni et non credit. Nondum erat dies quem fcccrat dominus. Adhuc tenebrae erant in abysso ; in profunditate cordis humani, tenebrae ibi erant. Veniat ille, caput diei huius ucniat et dicat patiens, mitis, non iratus quia medicus : Veni, inquit, ueni, tange hoc ct 70 crede. Dixisti : Nisi tetigero, nisi digitum misero, non cre­ dam. Veni, tange, mitte digitum. Et noli esse incredulus sed fidelis l. Veni, mitte digitum. Sciebam uulnera tua, seruaui tibi cicatricem meam. Sed plane mittens manum suam complcuit fidem. Quae 75 est enim fidei plenitudo ? Vt non credatur Christus tan­ tum homo nec credatur Christus tantummodo deus, sed 48 in aquis : in aquam maur. |' 19 isti : iste est maur. || 50 nunc : nun pro non forsitan recte f n. Éphés. 5. 8 H b. Cf. I Cor. 15, 10 | c. Jn 20. 25 || d. Ps. 18, 5 1. Ιλ* mol du texte évangélique nc peut que toucher les nouveaux bap­ tisés, devenus eux aussi dos fidèles. SERMON 258, § 2-3 (47-76) 349 remis. Mais l’Esprit de Dieu planait sur les eaux. Ils sont descendus dans l’eau ct sur les eaux planait l’Esprit de Dieu, les ténèbres des péchés ont été chassées. Voilà le Jour qu’a fait le Seigneur. C’est le Jour auquel s’adresse Γ Apôtre : « Car vous étiez ténèbres, vous êtes maintenant lumière dans le Seigneur a. » A-t-il dit : vous étiez ténèbres dans le Seigneur ? Ténèbres en vous, Lumière dans le Seigneur. Or Dieu appela la lumière Jour, car c’est par sa grâce qu’est fait ce qui est fait”. Eux, par euxmêmes, ont bien pu être ténèbres ; devenir lumière, ils nc l’auraient pas pu si le Seigneur ne l’avait pas fait. Voilà le Jour qu’a fait le Seigneur. Le Jour ne s’est pas fait lui-même, c’est le Seigneur qui l’a fait. 3. Thomas n’était-il pas un homme ? Un des disciples, un homme dc la foule pour ainsi dire ? Ses frères lui disaient : Nous avons vu le Seigneur. Et lui : a Si je ne touche pas, si je ne mets pas mon doigt dans son côté, je ne croirai pas c. » Les évangélistes t’apportent la nouvelle et tu nc crois pas ? Le monde a cru et le dis­ ciple n’a pas cru ? On a dit à leur sujet : a Le son dc leur voix s’est répandu dans la terre entière et jusqu’aux confins du monde leurs paroles d. » Leurs paroles se sont répandues, elles sont parvenues jusqu’aux confins du monde, le monde tout entier a cru ; tous ensemble les disciples portent la nouvelle à un seul et lui ne croit pas. 11 n’était pas encore ce Jour qu’a fait le Seigneur. Les ténèbres étaient encore sur l’abîme ; dans les profon­ deurs du cœur humain, ténèbres. Qu’il vienne, que vienne ce point du jour et qu’il dise, avec patience, avec douceur, sans colère, en médecin qu’il est : Viens. Viens, touche ceci ct crois. Tu as déclaré : « Si je ne touche pas, si je nc mets pas mon doigt, je ne croirai pas. » Viens, touche, mets ton doigt et ne sois plus incrédule mais fidèle ». Viens, mets ton doigt. Je connaissais tes bles­ sures, j’ai gardé pour toi ma cicatrice. Mais en approchant sa main, il peut pleinement complé­ ter sa foi. Quelle est en effet la plénitude de la foi ? De nc pas croire que le Christ est seulement homme, de ne pas croire non plus que le Christ est seulement Dieu, 350 AVGVSTINI HIPPONENSIS homo et deus. Ipsa est fidei plenitudo, quia Verbum caro /actum est et habilauit in nobis . * Ergo iste discipulus obla­ tis sibi tangendis cicatricibus ct membris saluatoris sui, at 80 ubi tetigit exclainauit : Dominus meus et deus meus. Ho­ minem tetigit, deum cognovit et tetigit carnem, respexit ad uerbum, quia Verbum caro jactum est ct kabitauil in nobis. Verbum hoc (passum est> carnem suam suspendi in 85 ligno, Verbum hoc passum est in carne sua clauos figi, Verbum hoc passum est carnem suam lancea transfo­ rari, Verbum hoc passum est carnem suam in sepulchro poni, Verbum hoc rcsuscitauit carnem suam, obtulit aspec­ tibus discipulorum uidendam, praebuit manibus contrec­ tandam. Tangunt, exclamant : Dominus meus et deus meus. Iste est dies quem jecit dominus. 76 tantummodo : tanto modo / || 79 At om. maur. || 84 passum est : suppi, maur. SERMON 258, § 3 (77-94) 351 mais homme et Dieu. Telle est la plénitude de la foi, car « la Parole s’est faite chair ct elle a habité parmi . * nous » Ainsi le disciple auquel son sauveur donnait à toucher les membres de son corps et scs cicatrices... mais dès qu’il a louché, il s’écrie : « Mon Seigneur et mon Dieu. » Il a touché l’homme, il a reconnu Dieu. Il a touché la chair, il s’est tourné vers la Parole, car « la Parole s'est faite chair cl elle a habité parmi nous ». La parole a souffert que sa chair soit suspendue au bois, la Parole a souffert que des clous soient fixés dans sa chair, la Parole a souffert que sa chair soit transpercée par la lance, la Parole a souffert que sa chair soit mise au tombeau, la Parole a ressuscité sa chair, l’a tendue aux regards de ses disciples, s’est prêtée à être pressée de leurs mains. Ils touchent, ils crient : Mon Seigneur et mon Dieu. Voilà le Jour qu’a fait le Seigneur. a. Jn 1,14. RÉPERTOIRE DES SERMON· 1<υ*1 E> DE SAiNT AUGUSTIN I. — préparatioiîA pàque ----------------------- CIRCONSTANCE U g ÉD,T,0NS éditons TEXTES SCRIPTURAIRES SERMONS PL ΜΛI O O Divers Carême Exhortation. à s'inscrire pour le Baptême : 132 Bibl. Casin. Il, 114 Lain bot 26 38,734 S II, 533 S II, 830 Sur les observances du carême : 205 206 207 208 209 210 De utilitate ieiunii 38,1039 38,1041 38,1042 38,1044 38, 1046 38,1047 40,707 Catéchèse : 38,1054 211 38, 52 5 38, 59 6 38,262 45 38,754 137 38,750 136 S 11, 792 Lambot 10 S II, 795 I Lambot 11 39,1709 I 392 35, 1437 Tract, in lo. Eu. 7 à 12 En. in Ps. 95 et 128 ù 133 37,1227 38,1083 \ 217 O H Jn 6, 56 Le, 5, 31 416 LXH (1952) 101 Is. 58, 3-5 ; Le 6, 37-38 £ Is. 58, 3-5; Le 6, 37-38 Gen. 25, 30-34 ; Is. 58, 7 q Gen. 25, 30-34 : Éphés. 4, 26-27 ; Le 6, 37-38 < Ephés. 4, 26-27 Épilés. 4, 26-27 ; Le 6, 37-38 Is. 58, 4-5 SC 116, 152 CCL XLI 49 CCL XLI 61 L XLI 514 3L (1938) 186 SL (1938) 190 1 Jn 2 Gen. 27 ; Ps. 42 ; Matth. 18, 24 Ex. 3, 4-17 Is. 57 ; II Cor. 7 Phil. 1 ; Jn 10, 1-16 IV Rois 4 ; Jn 9 I Rois 17 ; Jn 9 Jn 9 II Cor. 5 ; Le 13 2 P P &. Q Jn 17,24 B. — -, I) -, L’étude de la tradition corroboréeκpar VIndiculus --------------------------ms, —------------........... ........... 7/isL Jahr. Historisches Jahrbuch. Λ/Λ I Miscellanea A$Ksidiu$, a fait conclure que les S. 5,. 6,. 45> ct 137 ont été pronon pronon-­ tiniana, Rome 1930, vol. 1. Mil. Mohr. Mélanges Ch. ce même année,, dans ’ cette ..... succession. ....... .................. Cf. la notice ........... de......... Dom inann, Utrecht 1963. PL = Patrologiae Series Latina· ΛΒ®ιμβοτ dans son édition Sermones de Vetere Testamento, CCL Revue Bénédictine. S = Patrologiae Latinae Suppl ”1, p. 49. SC = Sources Chrétiennes. Les γΓα(·^ fn η à 12 et les En. in Ps. 95 et 128 à 133 N. B. — On n’a relevé comme textes scripturaires que ceux o« assignés au Carême d’après les travaux de Λ. M. La Bonnarla répétition, ou simplement le choix, indiquaient un rapport Pje, Recherches de Chronologie Augustinienne, Paris 1965. (Pour étroit avec la célébration. e de succession, cf. tableau p. 52). Sioles : CCL = Corpus Christianorum Series Latina, Augustin d'ilippone. RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PÂQUES DE SAINT AUGUSTIN éditions CIRCONSTANCE éditions SERMONS textes scripturaires PL Divers | Ma 355 AUDITOIRE 354 1 Huit jours AVANT PÂQUES Scrutin : Reddition du Symbole : 38,1075 215 56 57 58 59 38,1072 38,377 38,386 38,393 38,400 • ÿI.XVIII(I958) 5 ■LXVIII (1958) 5 S \ «>· ) ■ë I /4116, 186 s( Ps. 26 Joël 2,32 ; Rom. 10,13 ; Matth. 25,34-41 Joël 2,32 Rom. 10, 14 ; Matth. 25, 34-41 Rom. 10, 14 ; Matth. 25, 34-41 | Tradition du Pater : 216 « '16, 174 38,1058 S H, 536 44 f 38,1065 JLXII (1952) 7 40,627 ---- -----— | | 212 Guelferbvtanus 1 (213) " 214 De Symbolo A D COMPETENTES Tradition du Symbole : COMrfîWES Quinze jours AVANT PÂQUES. éditions CIRCONSTANCE éditions SERMONS textes scripturaires AM Divers I PL AUDITOIRE I II. - ÎQUE 36,170 Vendredi : Guelferbytanus 2 Guelferbvtanus 3 218 Fragments Bède et Florus S II, 542 S II, 545 38,1084 39,1723 1 I LXXXVIII, 121 45 45116, 200 Ps. 21 POPULUM En. in Ps. 21, II Al) Mercredi : éditions ÉDITIONS TEXTES SCRIPTURAIRES SERMONS Divers 460 684 685 688 689 716 Gen. 49, 9 ; Ps. 3, 6 Rom. 4. 25 ; Il Pierre 1,19 Ex. 15 ; Matth. 26 ; Éphés. 6, 12 Gen. 49, 9 ; Ps. 3, 6 ; 40, 9, 11 ; 101,8 Ps. 120, 4 21 23 691 693 556 Gen. 49, 9 ; Is. 53 ; Rom. 5, 6 ; I Cor. 5, 7 Ps. 3 ; 40 ; 115 ; Matth. 28 I Cor. 5, 8 Rom. 4, 25 ; 8, 32 ; 1 Cor. 15, 22 Is. 53, 7 ; I Cor. 5, 8 Célébration de la Résurrection : Denis 4 Denis 5 Wilniart 8 Wilniart 9 Guelferbytanus 8 De resurrectione Domini (Bfcde) 46,828 46, 830 S 11, 723 S II, 724 S II, 467 39,1724 Catéchèse Baptismale : 363 (?) 39,1634 Ex. 15, 1-21 ; I Cor. 10, 1-11 119 120 121 225 226 228 230 38,673 38,676 38,678 38,1095 38,1098 38,1101 38,1103 Gen. 1, 1 ; Jn 1, 1-14 Jn 1, 1-3 Jn 1, 10-14 Jn 1,1-3; Éphés. 5,8 Gen. 1, 2-5 ; Jn 1, 1-3 ; Éphés. 5, 8 227 229 272 Denis 3 Denis 6 (229) Guelferbytanus 7 38,1039 38,1103 38,1246 46,827 46,834 S II, 554 Tract, in Ιο. Ep. 1 Jours de la Création 1 35,1977 39,1724 Matin DE PÂQUES. ΐ Liturgie de la Parole : Catéchèse eucharistique : Post meridiem : SC 116, 222 Gen. 1, 3-5 ; Ps. 117, 24 ; Rom. 13,13-14 SC 116, 234 1 Cor. 10, 17 I Cor. 10,17 Matth. 26, 28 ; I Cor. 10, 17 - i· lï 25 Rom. 6, 4 ; I Cor. 10, 17 SC 75, 104 !él. Mohr. 214 Ps. 18 ; Jn 1 Gen. 1, 6-8 ; Éphés. 5, 8 AD POPULUM 11 455 SC 116, 210 456 Éphés. 5, 8 ; 6, 12 Hom. 4, 25 ; I Cor. 5, 7 Éphés. 5, 8 ; 6, 12 Gen. 1 ; Ps. 41 ; Ex. 3 Rom. 4, 25; 6, 9-11 Gen. 1 ; Ps. 17, 29 ; Rom. 4, 25 ; 13, 12 ||*D COMP·] 38,1087 38,1088 38,1090 46, 821 S II, 548 38,1089 S II, 549 1 Guelferbytanus 6 S II, 552 Wilniart 4 S II, 717 Wiimart 5 S II, 719 S II, 720 Wilniart 6 S II, 722 Wilniart 7 Additamenta ad Wilmartianos S II, 739 AD POPULUM VtUUe : Λ219 4Λ 220 222 Denis 2 Guelferbytanus 4 Guelferbytanus 5 (221) A u INFANTES I Nuit de Pâques. | PL || CIRCONSTANCE 357 M JOITOIK DE SAINT AUGUSTIN RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PÂQUES AOPOP. 356 358 359 DE SAINT AUGUSTIN RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PÂQUES OCTAVA^ pÂQUE5 [ CIRCONSTANCE ORDO SERMONS PL Feiua secunda. (Lundi) Feria tertia. (Mardi) textes scripturaires 238 Mai 86 Append. Guelferb. 7 Tract, in lo. Ep. 2 Jours de la Création 2 MA I Le 24, 38-47 Le 24, 39-49 Le 24, 36-47 Act. 2 ; Le 24, 1-47 Gen. 1, 9-13 ; Éphés. 5,8 II » 38,1117 236 38,1120 231 233 240 Guelferbytanus 9 Guclfcrbvtanus 10 321 38,1104 38,1112 38,1130 S II, 558 S 11,562 38,1443 — —1 RB LXVII . (1957) 129 SC 116, 244 Le 24,13-31 Le 24,13-31 i 466 471 35,1997 Tract, in lo. Ep. 3 Jours de la Création 3 39,1726 232 234 241 Guclfcrbvtanus 12 322 323 Divers 1 38.1125 S 11,475 324 S 11, 653 581 SC 75, 150 35,1988 Mél. Mohr. 215 39,1725 235 239 COLLECTION MANUSCRITE Huioiianv ------------ 1 ÉDIT IONS 38,1126 38,1107 38,1115 38,1133 S H, 568 479 38,1443 38,1445 III Ps. 4 ; Mc 16, 1-16 Ps. 35 ; Mc 16, 1-16 I Cor. 1, 20-24 Act. 2, 38 Mc 16, 13; Act. 2-3 IV Jn 20, 1-18 Gen. 1, 14-19 II Mc 16 III Ps. Fulg. P U P & O & q << Fleury Cluny Alleluia .1 F SC 75, 186 Mél. Mohr. 21i J .SC 116, 260 ' 1 * 4 ------------------ *4- Ps. 33, 6 ; Le 24, 1-33 Le 24, 1-35 ; Rom. 10, 9 ; Gai. 5,6 Rom. 1, 18-23 Ps. Fulg. S P U P &<■ O IV Fleury Cluny Alleluia fe Q < _ ---------------[ ~ AT. B. — Pour les séries pascales connues par les collections manuscritewjour les fêtes de Pâques. Tradition manuscrite. » Revue des Sciences reli­ se reporter à l’étude de Dom C. Lambot, < Les Sermons de saint AugustlMiieuses. (Mélanges Mgr Andricu), 1957, 263-278. 360 RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PÂQUES 361 DE SAINT AUGUSTIN éditions TEXTES scripturaires SERMONS PL Ferla quarta. (Mercredi) 35,2005 Tract, in lo. Ep. 4 Jours de la Création 4 39,1727 245 Feria quinta. MA 1 Divers 38,1122 38, 657 38, 1138 S U, 478 327 38,1440 Mai 95 S II, 489 340 COLLECTION MANUSCRITE 5 SC 75, 218 Mél. Mohr. 21 Gen. 1, 20-24 Jn 20, 38,1151 237 116 242 Mai 87 324 ORDO ί SC 116, 280 4 1-18 Le 24, 37-39 ; Col. 3,1-4 Act. 4,31-32 ; Le24, 36-47 Le 24, 37-51 Le 24, 41-43 II III Ps. Fulg. IV Fleury Cluny Alleluia A d populum CIRCONSTANCE AUDITOIRE f I (Jeudi) Feria sexta. 38,1153 38,1043 38,1047 S II, 564 474 S II, 572 483 S U, 574 485 SC 116, 294 Tract, in lo. Ep. 6 35,2019 SC 75, 276 (Vendredi) 38,1158 S II. 735 712 < 4 Jn 20, Jn 20, Jn 20, Act. 2, 41 Jn 20, Jn 20, 1-18 1-18 1-18 ; 4, 32 1-18 1-18 III P$. Fulg. IV Fleury Alleluia Cluny II Jn 21, 1-14 i' Jn 21, 1-14 ------------- ---------------------------------------------4 III Ps. Fulg. populum Jn 20, 19-23 II Ad [* 38,1156 246 243 244 Guelferbytanus 11 Guelferbytanus 13 Guelferbytanus 14 248 Wilmart 13 Gen. 1, 25-35 populum 247 SC 75, 246 Mél. Mohr. 218 Ad 35,2012 Tract, in lo. Ep. 5 Jours de la Création 5 39,1727 362 RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PÂQUES J ÉDITIONS CIRCONSTANCE SERMONS PL 249 250 251 Guelferbytanus 15 Die sabbati. 252 (?) MA 1 38,1161 38,1163 38,1167 S II, 576 488 • SC 116,308 38,1171 38,1268 278 Tract, in lo. Ep. 7 et 8 35,2029 Guelferbytanus 16 Guelferbytanus 17 Divers SC 75, 314 < S π, 579 488 S II, 582 492 Lainbot 3 S II, 756 147 253 38, 797 38, 1179 < RB XLIX (1937) 252 SC 116, 326.' 1-14 1-14 1-14 1-14 IV Jn 21, 1-14 ; Act. 7 I Matth. 6, 12 ; Act. 9 Ex. 15 ; Ps. 31 ; Matth. 5 et 6 ; Act. 9 II III ou IV Ad Jn 21, 15-25 Jn 21, 15-25 Clung Fleury Alleluia Ad 21, 21, 21, 21, COLLECTION MANUSCRITE POPULUM Jn Jn Jn Jn ORDO populum TEXTES SCRIPTURAIRES AUDITOIRE 363 DE SAINT AUGUSTIN Jn 21, 15-25 Jn 21, 15-25 Jn 21, 15-25 — IV Alleluia Fleury IV. 365 DE SAINT AUGUSTIN RÉPERTOIRE DES SERMONS DE PAQUES DIMANCHE!DE ^’OCTAVE ÉDITIONS TEXTES SCRIPTURAIRES CIRCONSTANCE ORDO SERMONS PL MA 1 COLLECTION MANUSCRITE Divers V ____________ l· AUDITOIRE 364 Monita BAPTIZATORUM. Liturgie de Parole. la 38,907 S IL 587 502 38,1182 38,1193 38,799 353 Denis 8 Mai 89 Mai 92 Mai 94 223 224 39,1560 46.338 34 S II, 481 330 S II, 482 332 S II, 483 333 38,1092 38,1093 260 Guelferbytanus 18 38. 1201 S IL 585 499 146 259 376 258 Bibl. Casin. Il, 136 38,796 38,1196 39, 1669 38,1194 S H, 535 418 SC 116, 338J 1 1 Hist. Jahr.4. (1958) 408 y Ps. 115, 11 ; Éphés. 4 Ps. 115, 10-11 ; Act. 4 ; Éphés. 4 Ps. 115, 11-13 Ps. 115, 11 Act. 5 III ou IV III ou IV IV IV IV Gen. 1 ; Ps. 117, 24 ; Éphés. 5,8 I Cor. 3, 7 I I II III ou IV III ou IV IV IV Gcn. 1 ; Ps. 117 ; Act. 4,32 IV IV Ex. 15 ; I Pierre 2 ct 4 Act. 8, 21 ; Éphés. 4 Ex. 15 ; I Cor. 3, 7 Éphés. 4, 24 Fleury Alleluia Alleluia SC 116, 344 S ♦ I II III IV IV s Q -T * ω ω W O te δ co Μ b Z ft Z Q <= .In 21, 15-25 Ps. 117, 29; Jn 20, 24-30 I Pierre 2 ; Jn 20, 24-30 ,n 1. 2-5 ; Ps. 117, 22-24; Jn 20, 24-30 Jn 20, 24-30 < Z U El 166 Guelferbytanus 19 254 257 148 Martyrs. Ad AUX VINGT ι4ι·6τ lkgai. : 1" trimkstrr I960. SOURCES CHRÉTIENNES LISTE COMPLÈTE DE TOCS LES VOLUMES PAHL'S Ar. B. L’ordre suivant est celui de la date do parution (n° 1 en 1942). et il n’est pas tenu compte ici du classement en séries : grecque» latine, byzantine, orientale, textes monastiques d’Occidcnt; et série annexe : textes para-chrétiens. Sauf indication contraire, chaque volume comporte le texte original, grec ou latin, souvent avec un apparat critique inédit. La mention bis indique une seconde édition. F 1 bis. GrAgoior dk Nyssb : Vio do Moïse. J. Daniclou, S. J., prof, é l’inst. cath. de Paris (1956)............................. 14,10 2bis. Ct.KMiwr πΆι.βχλχιμιικ : Protrcptiquo. C. Mondésert, S. J., prof, aux Fac. cath. de Lyon, avec la collaboration d’A. PI assart, prof. Λ la Sorbonne (réimpression 1961)... 12,00 3. Athknagohk : Supplique au sujet des chrétiens. G. Bardy (trad, seule) (1943)............................................... Épuisé 4 bis. Nicolas Cahasilas : Explication de la divine Liturgie. S. Salavîlle. A. A., de Flust. fr. des Ét. byz.... En préparation 5bis. Diaikiqvb me Piiotick : Œuvres spirituelles. E. «les Places. S. J., prof. A l’inst. biblique de Borne (1955).., . 14,10 6. Ghkooibr m? Nyssr : La création de l'homme. J. Laplace, S. J., ct J. Daniclou. S. J. (trad, seule) (1911)................. Épuisé Ί bis. Oiuorxb : Homélies sur la Genèse. H. de Lu bac. S. J., prof. A la Fac. dcThcol. de Lyon, ct L. Doutreleau. S. J. En préparation 8. Nicetas Stbthatos : Le paradis spirituel. M. Chalendard, duct, ès lettres Î19J5)......................... Remplacé par le n° 9 bis. Maximr i.r CohFRSSRim : Centuries sur la charité. J. Pegon, S. J., prof. Δ la Fac. de Théol. de Fourvière...................................................................... En préparation 10. Igjvagr d’Antiochr : Lettres. — Lettre et Martyre de PobYCAurr. ne Smyrxb. P.-Th. Camelot, O. P., prof, aux Fac. dominie, du Saulchoir (3· édition, 1958).......... 12,00 11 bis. IlirroLYTB de Home : La Tradition apostolique. B. Botte, O. S. B., au Mont-César............................ En préparation 12. Jran Moschus : Le Pré spirituel. M. J. Rouet de Journel, S. J.» prof, à l’inst. cath. de Paris (trad, seule) (1946).... Épuisé 13 bis. .Iras Chhysostomr : Lettres à Olympias. A. M. Malingrey, agr. de 1* Universi lé..................................... En préparation Trad, seule (1917) .... 8,70 14. HtrroT.YTK : Commentaire sur Daniel. G. Bardy et M. Le­ fèvre (1947).................................................................. Épuise Trad, seule .... 9,60 F 15. Athanask d’Alrxandrir : Lettres à Sérapion. J. Lebon. prof. à I’Univ. de Louvain (trad, seule) (1947)................ „... 8,10 16. Oriorxk : Homélies sur l’Exode. H. de Lubac, S. J., ct J. Fortier, S. J. (trad, seule) (1947)..................................... 10,50 17 bis. Basils db Cêsarér : Traité du Saint-Esprit. B. Pruche, O. P........................................................................ En préparation Trad, seule (1947).... 10.50 18. Athanasr d'Alkxandiuk : Discours coutro les païens. De l’incarnation du Verbe. P.-Tli. Camelot, O. P. (trad. seule) (1947)............................................................................ 12.30 19. Hilairr db Poitiers: Traité des Mystères. P. Brisson, prof. à l'Univ, de Poitiers (1947)................................................... Épuisé 20. ΤκήοριπίΛ d’Antiochb Trois livres à Autolycus. J. Sender ’U0]....................................................................................... 10.80 Trad, seule............. 7,20 21. Étjikihb : Journal de voyage. IL Poiré, prof, a SainteMarie de Neuilly (réimpression 1961)...................... 22 bis. LAon lr Grand : Sermons, t. I. J. Leclercq, O. S. B., et R. Dolle, O. S. B., A Clervaux (1961)................................... 18.00 23 bis. Ci.RMLxr d’Alrxandrib : Extraits de Théodote. En préparation 21 bis. Ptoi.kmkr : Lettre à Flora. (J. Quispel, prof, à l’Univ. d’Ulrechl............................................................... En préparation 25 bin. Amhkoisk dr Milan : Des sacrements. Des mystères. B. Botte, O. S. B (1961)....................................................... 13.20 26. Basilk dr CAsarrr : Homélies sur l'Hcxaèiuèron. S. Gicl, prof. A l’Univ. de Strasbourg (1950)................................... 19,50 27. Homélies Pascales : t. I. P. Nautin, chargé de recherches au C. N. R.S. (1951)............................................................... 8,40 28. Jkan Ciirysortomr : Sur Fincompréhensibilité de Dieu. F. Cavaliers, S. J., prof, â Finst. calh. de Toulouse. J. Danicluu, S. J., et R. Flaceliére, prof, A la Sorbonne (1951).................................................... Épuisé 29. ΟιιιηκΛΗ : Homélies sur les Nombres. J. Mchnt, agr. de I’Univ. (trad, seule) (1951)..................................................... 21,00 30. Clkmrxt d’Albxandhir : Stromate I. C. Mondéscrl, S. J., cl M. Casier, prof, à Füniv. de Toulouse (1951) .............Épuisé 31. Eusrdk dr CésARéit : Histoire ecclésiastique. 1.1. G. Bardy (réimpression 1965)............................................................... 17,40 32. Ghkoouir lic Grand : Morales sur Job. R. Gillet, O.S.B.. et A. de Gaudemari.% O.S.B., A Paris (1952).................. 14,40 33 bis. A Diognéto. II.-I. Manou, prof, à la Sorbonne (1965).... 15.00 34. Ikkmui dr Lyon : Contre les hérésies, livre III. F. Sagnard, O. P. (1952).................................................................................. Épuisé 35 bis. Tbrtullibn: Traité du baptême. F. Refoulé, O. P. En préparation 36. Homélies Pascales, t. II. P. Nautin (1953)........................... 5,85 11,7 F 3“ bis Ohigbnr : Homélies sur le Cantique. O. Rousseau, O. S.B., A Clievelogno.............................................. Snus presse 38. Ci.hmbkt d'Albxakdrir : Stromate II. P. Camelot, O. P., et C. Mondéserl, S. J. (1954).................................................... Épuisé 39. Lactancb : De la mort dos persécuteurs. 2 volumes. J. Moreau, prof, ά (’Université de la Sarre (1954)................. 25,80 40. Tjif.odorht t»» Cvn : Correspondance, I. I. Y. Azéma. agr. de l’Univ. (1955)......................................................................... 7,80 41. Eusèuk im Cbsakër : Histoire ecclésiastique, t. II. G. Bardy (1955)...................................................................................... 19.20 42. Jean Cassies : Conferences, t. I. E. Pichcry, O.S.B., à Wisques (1955).................................................................... 19,50 43. S. JénôMK : Sur Jonas. P. Anlin, O.S.B., A Ligugé (1956).. 8,10 44. Ριιιι.οχι<χιι ηκ Madboug : Homélies. E. Lemoine (trad. seule) (1956)........................................................................... 21,00 45. Amuboisk du MiIm\m : Sur S. Luc, t. I. G. Tissot. O.S.B , A Quarr Abbey (1957).......................................................... 21,00 46. Tkktumjbn : Do la prescription contre les hérétiques. P. de LabrioHeel F. Refoule. O. P. (1957)........................... 9,60 47. Philon d’Ai uxanuhik: La migration d'Abraham. R. Cadiou, prof, â l'InsL. callml. de Paris (1957)................................... 6,00 48. Homélies Pascales, I. III. F. Floëri ι·1 P. Nautin (1957). .. 7,80 49 bis I.KON i.K Guard : Sermons, l. II. R. Dolle,O.S.B. En prêparaiion 50. Jean Ciikysostomk ; Huit Catéchèses baptismales inédites. A. Wenger, A. A., de l’Insl. fr. des Et. byz. (1957)....... 16,50 51. Symkon i.b Nouveau Thkologikn : Chapitres théologiques, gnostiques ct pratiques. J. Darrouzês, A. A. (1957)......... 9,60 52. Anbhoisr de Milan : Sur S. Luc, t. II. G. Tissot, O.S.R. (1958)..................................................................................... 18,00 53. Hrhmas : Le Pasteur. R. Joly (1958)..................................... 19,50 51. JbanCassirn : Conférences.t. ILE. Pichery, O.S.B. (1958).. 21,00 55. EusAbb i»< CéSAHi’m : Histoire ecclésiastique, I. 111. G- Bardy (1958).................................................................... 17,50 56. Athanask d'Alrxandrir : Deux apologies. J. Szymusiak, S. J. (1958)............................................................................. 12,90 57. TmionoRBT de Cru : Thérapeutique des maladies hellé­ niques. 2 volumes. P. Canivet, S. J. (1958)....................... 48,00 58. Drnys ι.·Αιικοι·λ<ιιτκ : La hiérarchie céleste. G. Ilcil, R. Roques, prof, à la Fac. de Théol. de Lille, el M. de Gandillac. prof, à la Sorbonne (1958}.............................. 24,00 59. Trois antiques rituels du baptême. A. Salles, de l’Oraloire(lrad. seule) (1958)....................................................... 3,60 60. Arliibo dk Rikvaui.x : Quand Jésus eut douze ans... Anselm Hoste, O.S.B., A Slécnbruggc et J. Dubois (1958). 6,60 61. Guillaumr dr SAisT-TuiRRitY : Traité de la contemplation de Dieu. J. Ilourlier, O.S.B.. A Solesmcs (1959).............. 8,40 63. Irrnîir dk Lyob : Démonstration de la prédication aposto­ lique. L. Froide vaux, prof, à l'institut catholique de Paris. Nouvelle trad, sur l’arménien (trad· seule) (1959).. S3. Richaud ou Saint-Victor : La Trinité. G. Sa Ici, S. J., prof, à la Fac. deThéol. dc Lyon-Foui-vièrc. (1959). 24.00 61. Jkan Cassihn : Conférences, t. 111. E. Pichery, O.S.B. (1959). 65. GAlasr I·' : Lettre contre les Lupercales et dix-huit messes du sacramentairo léonien. G. Pomarès. Dr en thcol. (I960).......................................................................... 66. Adam i»k Prhsrignb : Lettres, t. I. J. Bouvet, sup’ du grand séminaire du Mans (I960)..................................................... 6?. Okioêrb : Entretien avec Héraclide. J. Scherer, prof, à l'Univ. de Besançon (I960;........................................ 9,60 68. Makius VicTonixus : Traités théologiques sur la Trinité. P. Henry. S. J., prof, à l'institut catholique dc Paris, ct P. Hadot, charge dc rcch. au C.N.R.S, Tome I. Introd., texte critique, traduction (I960). 69. Id. — Tome II. Commentaire ct tables (1960). Les 2 vol. 70. Ci.éxRNT *ηΛι.κχΑΝΐ»κ!κ : Le Pédagogue, t. 1. H.-I. Marrou ct M. Harl. prof. A la Sorbonne (I960)............................... 71. OmoiiNrt : Homélies sur Josué. A. Jaubcrt, agrégée de l’Uni· versi té (1960).......................................................................... 72. AmAdbb dr Latsanxk : Huit homélies mariales- G. Bavaud, prof. Λ Fribourg, J. Dcshusscs ct A. Dumas, O.S.B. à llaiilecombc (I960)............................................................. 73. Ei'sftnR dr Cksahhr: Histoire ecclésiastique, t. IV. Introd. générale dc G. Bardy cl tables de P. Périchon (1960)....... 74. Léox i.r Grand : Sermons, t. Ill B. Dolle, O.S.B. (1961). 75. S. Augustin : Commentaire de la *P Épître de S. Jean. P. Agaésse. S. J., prof. Λ lu Fac. de Philos, dc Chan­ tilly (1961).............................................................................. 76. Aki.kkd dr Ribvaulx: La vio de recluse. Ch. Dumont, O. C. S. O., à Scournmnt (1961)......................................... 77. Dkfrxsor dr LiGUOi : Le livre d'étiucollcs, t. I. H. Rochûis. O. S. B., â Ligugé (1961).......................................... 78. GrAooirx dr Nahkk : Le livre dc Prières. I. Kéchichian, S. J. (trad, seule) (1961)................................................................. 79. Jhax *C>mY nSTOMB : Sur la Providence de Dieu. A. M. Malingrcy (1961)......................................................................... 80. Jkan Damascrnk : Homélies sur la Nativité et la Dormi­ tion. P. Voulet, S. J. (1961)............................................... 81. Nicbtas Stbtiiatos : Opuscules et lettres. J. Darrouxès, A. A. (1961)........................................................................... 82. Guillaumr dr Saini-Tihkkhy : Expose sur le Cantique des Cantiques. J.-M. Déchanct, O. S. B. (1962)............... F 9t6Q 15,00 13,80 10.50 49,50 16,80 30,00 15.00 24,00 15.60 18.00 13.80 18.00 25,20 19,50 14,70 39.00 21.00 F S3. Dinr.MK l'Avkiîoib . Sur Zacharie. Texte inédit. L. Doulreleau, S. J. Tome 1. Introduction ct livre l (1962). 84. Id. — Tome II. Livres H cl III (1962). 85. Id. — Tome HI. Livres IV cl V, Index (1962). Les 3 vol ... 86. Dbfbnsor i«b LiouoA : Le livre d'étincelles, t. II. H. Ho­ chais, O. S. B. Λ Ligugé (1962)............................................ 87. OntoÙNB : Homélies sur S. Luc. II. Crouzci, F. Fournier ct P. Péi iclion, S. J. (1962)................................................ 88. Lettres des premiers Chartreux, tome I : S. Bruno, Guiouiîs, S. A.ntiiklxij. Par un Chartreux (1962).............. 89. Lettre d'Aristée à Philocrate. A. Pelletier. S. J. (1962)....... 90. Vio de sainte Melanie. Dr D. Gorce. D' ès lettres (1962)....... 91. Anselmr un Cantohukky : Pourquoi Dieu s’est fait homme. R. Roques. Dir. d’Ét. A l'Éc. pral. des II. E. (1963).......... 92. DonoTiiKR i>e Gaza: Œuvres spirituelles. L. Régnault cl J. dc Pre ville, O. S. IL, A Solesmcs ( 1963)........................... 93. Baurouix i>k For» : Le sacrement de l'autel. J. Morson, O. C. S. O , E. dc Solms, O. S. IL, J. Leclercq, O. S. B. Tome I (1963). 94. Id. — Tome U (1963). Les deux vol....................................... 95. Μίπ-ηοηκ i»Oly.mpb : Le banquet. IL Musurillo, S. J., prof, â Fordham Univ., el V.-H. Debidour, agrégé de FUiiiv. (1963).......................................................................... 96. Sy.mkon lb Nouveau Thkologibn : Caléchêses. Texte cri­ tique. Mgr B. Krivochcinc et J. Paramedic, S. J. Tome I. Introduction cl Catéchèses 1-5 (1963)................................. 97. Cyrille d’Alrxanohib : Deux dialogues christologiques. M. G. de Durand, O. P. prof à l'institut d’El. Méd. do Montréal (1964)...................................................................... 9S. TnéimoiiKT or Cvn : Correspondance, l. IL Y. Azcma(l964). 99. Romanos lb Mslodb : Hymnes. J. Grosdidier dc Matons, agrégé «le FUniversilê. Tome L Introduction cl Hymnes 1-VII 1 (1964}........................................................................... 100. ΙηκχΑκηκ Lyon : Contre les hérésies, livre IV. A. Rousseau, O. G. S. O. avec la collaboration dc B. Hemmcrdingcr, Ch. Mercier, L. Doulrelcau, 2 vol. (1965)......................... 101. Quonvui.TDBvs : Livre des promesses et des prédictions do Dieu. R. Braun, prof, à l’Univ. d'Aix-Marseille. Tome I (1964). 102. Id. — Tome H (1961). Les 2 volumes.................................... 103. Jean Chrysostonb : Lettre d'exil. A. M. Malingrey, maître de conférences à lîUniv. de Lille (1964).............................. 104. Symhon lb Nouveau Thiîolooirn : Catéchèses. B. Krivo­ chcinc ct J. Paramelle. Tome 11. Catéchèses 6-22 (1964) 84,00 15,00 33.00 17,40 24,00 24,00 33,00 42,00 36,00 30,00 38,70 45.00 22,80 42,00 96,00 48,00 15,00 39,00 F 105. La Régie du Maître. A. de Vogué, O. S. B. â la Pierre-QuiVirc. Tonie !. Introduction ct chap. 1-10 (1961). 106. Id. — Tome II. Chap. 11-95 (1961). Les 2 vol...................... 10?. Id. — Tome HI : Concordance ct Index orthographique. J.-M. Clément, J. Ncufvillc cl D. Dcmcslay, O. S. B.(1965). 108. Clément d'Alrxandrir : Le Pédagogue, tome H. Cl. Mon· désert et H.-l Marron (1965).............................................. 109. Jkan Cassibn : Institutions cénobitiques. J.-C. Guy, S. J. (1965)....................................................................................... 110. Romanos lk Mkiodk : Hymnes. J. Grosdidier de Matons. Tome II. Hymnes IX-XX(I965)........................................... 111. Th&>i>ohbt de Cyr : Correspondance, t. III. Y. Axéma (1965)....................................................................................... 112. Constance DK Lyon : Vio do S. Germain d’Auxerre. R. Borius (1965,1..................................................................... 113. Synkon lb Nouveau Théologien : Catéchèses. B. KrivochéineelJ. Paramcllc. T. 111. Catéchèses 23-34, Actions de grâces 1-2 (1965)............................................................ 114. Romanos i.ic Méludb : Hymnes. J. Gcosdidier de Matons. Tome III. Hymnes XXI-XXXl (1965)................................ 115. Manuel Il Paliiologub : Entretien avec un musulman. A. Th. Khoury (1966). 116. Augustin d'Hipponr : Sermons pour la Pâque. S. Poquc, agrégée de (’Université (I960}. 117. Jkan Chhysostomr : A Théodore. J. Dumortiôr. prof, aux Fac. Cath. de Lille (1966). SOUS PRESSE : Gukooihe dk Nyssr : Traité de la Virginité. M Aubineau. Cyrille db Jerusalem : Catéchèses mystagogiques. A. Piédagnel. le Nouveau Théologien : Traités théologiques et éthiques. 2 vol. J. Durrouzès. S. Épiihem : Commentaire sur le Diatessaron. L. Leloir. Axs»LME de Havelberg : Dialogues, Livre I. G. Salet. Str Grrtkhrr : Œuvres spirituelles. Par les moines de FAbbaye de Saint-Paul de Wisques. Tomes I el II. Sulimck Sévkkk : Vie de S Martin. 3 vol. J. Fontaine. Expositio totius mundi el gentium. J. Rougé. Jean Chrysostoms : Traité de la Virginité. H. Musurillo cl B. Grillct. Orioenk : Commentaire sur S. Jean, tome I. C. Blanc. Oiugkxk : Contre Celse, Livres 1-1V. 2 vol. M. Borrct. Méliton de Sardbs : Sur la Pâque. O. Perler. Romanos le Mélodk : Hymnes, I. IV. J. Grosdidier de Matons. Isaac de l'Ivtoilr : Sermons. 2 vol. A Hoslc cl G. Salet. Symîoh 64,80 35,10 24,00 39.00 37,50 25,20 16,20 39,00 37,50 SOURCES CHRÉTIENNES Adam de Prrskïgne. Lettres. 1 : 66. Aelred DR Ribvaulx. Quand Jésus eut douze ans : 60. La vie de recluse : 76. Ambroise de Milan. Des sacrements : 26. Des mystères : 26. Sur saint Luc, I-VI : 46. — VII-X : 62. Amédée de Lausanne. Huit homélies mariales : 72. Anselme de Cantorhéry. Pourquoi Dieu s’est fait homme : 91. Lettre d'ARtSTÉR : 89. Athanasr d’Alexandrie. De ΓIncarnation du Verbe : 18. Deux apologies : 66. Discours contre les patens : JS. Lettres â Sérapion : 15. Atjiénagore. Supplique au sujet des chrétiens : 3. Augustin. Commentaire de la première F.pltre de saint Jean : 75. Sermons pour la PAque : 116. Basile de Césarée. Homélies sur l'Hcxaéinéron s 26. Traité du Saint-Esprit : 17. Baudouin dr Ford. Le sacrement de l'autel : 93 et 94. Cassirn, voir Jean Cassien. Chartreux. Lettres des premiers Chartreux» I : SS. Clément d*A lexandrie. Le Pédagogue, I : 70. — 11 : 108. Protreptique : 2. Stromate l : 30. Stromate II : 33. Extraits de Théodotc : 23. Constance de Lyon. Vie de S. Germain d'Auxerre : 112. Cyrille d’Alexandrie. Deux dialogues ehrlstologlques : 97. Depensor de Ligugé. Livre d'étincelles, 1-32 : 77. — 33-31 : 86. Denys l'Aréopaoite. La hiérarchie céleste : 68. Diadoque de Photicé. Œuvres spirituelles : 5. Didyme l’Aveuglr. Sur Zacharie, I : 53. — 1I-I11: 84. — 1V-V : 85. A DlOONÉTE : 33. Dorothée de Gaza. Œuvres spirituelles : 92. Étiiérib. Journal de voyage : 21. Eusèbe de Césarée. Histoire ecclésiastique, 1-IV : 31. — V-VII : 41. — VIII-X : 66. — Introduction ct Index : 73. Gélask Ier. Lettre contre les lupcrcales et dixhuit messes : 65. Grégoire de Naiiek. Le livre de Prières : 73. Grégoire de Nysse : La création de l'homme : 6. Vie de Moïse : 1. Grégoire i.r Grand. Morales sur Job : 32. Guillaume DR Saint-Thierry. Exposé sur lo Cantique : 82. Traité de la contemplation de Dieu : 61. Hermas. Le Pasteur : 53. HiLAinR de Poitiers. Traité des Mystères : 19. Hippolyte de Rom R. Commentaire sur Daniel : 14. La Tradition apostolique : 11. Homélies Pascales. Tome I : 27. — II : 36. — III ; 48. Ignace d’Antioche. Lettres : 10. Irénée de Lyon. Contre les hérésies, JII : 3/. IV : 200. Démonstration de la prédication apostolique : 62. Jean Cassïen. Conférences, I-VII : 42. — VHI-XVIÏ : 54. XVHI-XX1V : 64. Institutions : 109. Jean Ciirysostomr. Huit catéchèsex baptismales : 50. Lettre d’exil : 103. Lettres à Olympias : 23. Sur l’incompréhcnsibilité de Dieu : 23. Sur la providence de Dieu : 79. Jean Damascene. Homélies sur la Nativité ct la Dor­ mition : 80. Jean Moscnus. Le Pré spirituel : 12. Jérôme. Sur Jonas : 43. I.ACTANCE. Do la mort des persécuteurs : 39 (2 vol.). Léon le Grand. Sermons, 1-19 : 22. — 20-37 : 49. — 38-64 : 74. Manuel II PaléOLOOub. Entretien avec un musulman : 2 25. Marius Victorinus. Traités théologiques sur la Trinité : S3 et 69. Maxime le Confesseur. Centuries sur In Charité : Mélanie : voir Vie. Méthode d’Olympe. Le banquet : 95. Nicétas Stéthatos. Opuscules ct Lettres : 31. Nicolas Cabasilas. Explication de la divine liturgie : 4. Origéne. Entretien avec Héraclidc : 67. Homélies sur la Genèse : 7. Homélies sur I’Exodo : 16. Homélies sur les Nombres : 29. Homélies sur Josué : 72. Homélies sur le Cantique ·. 37. Homélies sur saint Luc : 87. Philon d’Alexandrie. Lu migration cl *Abraham : 47. PlIlLOXÉNB DK MaBBOUG. Homélies : 44. Polycarpe de Smyrne. Lettre el Martyre : 10. Ptolémék. Lettre â Flora : 24. Quodvultdeus. Livre des promesses : 202 et 102. La Règle du MaItre. Tome I : 105. — Il: 106. — ΙΠ : 207. Richard or Saint-Victor. La Trinité : 63. Rituels. Trois antiques rituels du Baptême : 59. Romanos le Mélodr. Hymnes, t. 1 : 99. t. 11 : 110. — t. III : 114. Syméon le Nouveau Théologien. Catéchèses, 1-5 : 96. 6-22 : 104. 23-31: 213. Chapitres théologiques. gnostiques ct pratiques : SI. Terxullien. Do la prescription contre les héré­ tiques : 46. Traité du baptême : 35. Théodoret de Cyr. Correspondance» Ici tres I-LII : 40· — lettres 1-95 : 98 — lettres 96-147://J.. Thérapeutique des maladies hel­ léniques : 57 (2 vol.). Théodote. Extraits (Clément d'Alex.) : 23. Théophile d’Antioche. Trois livres h Autolycus : 20. Vie de sainte Mélanie : 90. Également aux Éditions du Cerf : LES ŒUVRES DE PHILON D’ALEXANDRIE publiées sous la direction de K. AllNALDEZ, C. Mo.NdASERT, J. POUILLOCX. Texte grec et traduction française. Volumes déjà parut ' 1. Introduction générale, De opificio mundi. R. Anialdez (1961)....................................................................................... 2. Logum allegoriae. C. Mondésert (1962)................................ 3. Do chorubim. J. Gorez (1963!................................ 4. De sacrificiis Abolis et Caini. A Méasson 1966). 5. Quod deterius potiori insidiari soleat. 1. Feuer (1965)... * .8-Degigantibns Quod Deus sit immutabilis. Λ. Mosêe (1963). 9. Do agricultura. J. Pouilloux (1961)....................................... 10. Do plantatione. J. Pouilloux (1963).................................. 11-12. De ebrietate De sobrietate. J. Gorez (1062)..................... 13. De confusione linguarum. J.-G. Kahn (1963).. ....... 14. De migratione Abrahami. J. Cuzcaux (1965).............. .. 18. De mutatione nominum. R. Arnaldcz (1961).. ............... 19. De somniis. P. Sa vinei (1963).............. 21. Do losopho. J. Laporte (1961)..................... 23. De Docalogo. V. Nikiprowclzky (1965)................... 26. De virtutibus. R. Arnaldez, A.-M. Vcrilhac, M.-R. Serve! el P. Delobre (1962)............................................................. 37. De praemiis et poenis. De exsecrationibus. A. Bcckacrl (1961)..................................... 29. Do vita contemplativa. F. Daumas et P. Miquel (1964:.... F 15,60 24,60 7,80 12,00 15.00 9,60 11,70 14.70 15.00 21.00 12.90 21,00 12,60 12,90 15,00 <2,60 12,00 Suits presse : 15. Quis rarum divinarum bores sit. M. Marl. 20. De A bra ha in o J Gorez Pour vous procurer ces livres, adressez-vous à votre libraire habituel.