DIALOGUES i SOURCES CHRÉTIENNES Directeurs·fondateurs : H. de Lubac, s. j., et J. Daniêlou, s. j. Directeur : C. Mondésert, s. j. N° 118 SÉRIE DES TEXTES MONASTIQUES D’OCCIDENT, N‘> XVIU ANSELME DE HAVELBERG DIALOGUES LIVRE I « RENOUVEAU DANS L’ÉGLISE » TEXTE LATIN NOTE PRÉLIMINAIRE, TRADUCTION, NOTES ET APPENDICE PAR Gaston SAJLET, s. j. Professeur à la Faculté de Théologie de Lyon-Fourviére ES ÉDITIONS DU CERF, 29 bd de 1966 Latour-Mavbourg, PARIS 1 * β ίο // S NIHIL OBSTAT Henri Rondet, s. j. Claude Mondésert, s. j. IMPRIMI POTE E. d’Oncieu, s. Praep. Prov. Gall. Lyon, le 14 décembre 1965 Lyon, le 19 décembre IMPRIMATUR J. Peloux, v. g. Lyon, le 17 février lilt>6 Ç 1966, by les Éditions du Cerf. TSMoeîms NOTE PRÉLIMINAIRE LA VIE Anselme de Havelberg est l’un de ces auteurs médiévaux qui reposent dans le calme de la Patrologic de Migne 1 et auxquels ne s’intéressent que de loin en loin des chercheurs spécialisés ou des étudiants en quête de sujets de thèses. 11 nous semble cependant que cet évêque du xne siècle mérite une audience plus largo et qu’à notre époque bien des lecteurs peuvent engager avec lui un dialogue fructueux. Un bref rappel de sa biographie en fera comprendre les raisons 12. Sur son pays d’origine les historiens font des conjectures diverses : ils hésitent entre la Saxe, la Rhénanie, le pays de 1. Migne, Patrologie latine, 188, 1087-1248. On y trouve le » Liber de ordine canonicorum regularium », texto de Dorn Bernard Pes (l’authen­ ticité enest aujourd’hui rejetée, cf. infra, p. 13, n. 1); 1’ « Epistola apologe­ tica pro ordine canonicorum regularium », texte d’Amort; enfin les · Dialogi », texte do Dom d’Achory. On n’y trouve pas le < Tractatus domini Ansclmi Ilavelburgensis episcopi de ordine pronuntiandae litaniae ad Fredericum Magdeburgensem archiepiscopum », publié par F. Winter dans Zeitschrift für Kirchengeschichte, 1882; on n’y trouve pas non plus les lettres d’Anselme, publiées dans Jaffé, Ribl. rer. germ. I. Dans nos références aux textes d’Anselme, les numéros et les lettres entre parenthèses ren­ voient aux colonnes du tome 188 de Migne. 2. Cf. François Petit, La Spiritualité des Primontris aux XII* et XIII* siècles, 1'· partie, chap, m, p. 56-04, Paris 1947; et la notice de A. Bayol, Anselme, dans le Dictionnaire d'histoire et de géographie eccle­ siastiques, III, col. 458-460. 8 NOTE PRÉLIMINAIRE Liège, la Lorraine L Pour sa date de naissance, on peut penser aux alentours de 1100. Il étudia aux écoles de Laon; et peut-être fut-il disciple de Raoul, qui avait succédé à son frère Anselme en 1117. Les écrits de not re auteur révèlent une solide formation phi­ losophique, théologique, canonique et patristique2. II fut l’un des premiers disciples de saint Norbert, qui, en 1129, le sacra évêque de Havelberg (dans le Brandebourg actuel)3. Il ne prit possession de son évêché qu’en 1131, après que Lothaire II eut triomphé des Wendes, Slaves occiden­ taux, qui occupaient et dévastaient Havelberg 4. Le 6 juin 1134, Anselme devait présider lui-même les funérailles de saint Norbert, à Magdebourg. 1. Cf. Kùri Fina, « Anselm von Havelberg » dans Analecta Praemons· tratensia, t. 32, 1956, p. "9-80. 2. Oudin disait d’Anselme : * Doctrina et rebus gestis clarus... omni genere litteraturae tum divinae tum humanae atque sanctorum Patrum scriptis non mediocriter imbutus », Comment. de scriptor, eccl. II, 1429. Mêmes expressions louangeuses dans d’Achery *(2 édition 1723). D’après F. Winter, « Pour la science théologiquo en Allemagne, Anselme est bon premier », Die Praemonstratenser, p. 57. M«r Schreiber dit de lui : · C’est le grand théologien de l’histoire au xn· siècle », Dos Konzil von Trient. Sein Werden und Wirken, I, 412. 3. Havelberg, ville située sur la rivière Havel, non loin du confluent avec l’Elbe, au nord do Magdebourg, au nord-ouest de Berlin. 4. Une lettre d’Anselme à son ami Wibald do Stavclot {lettre que l’éditeur date do 1151) évoque cette existence difficile qu’on menait à Havelberg, sous la menace des Wendes: < Dans ma crèche de Havelberg, je demeure, pauvre du Christ, avec mes frères, pauvres du Christ. Les uns construisent tours et remparts face â l’ennemi; d’autres montent la garde pour repousser les assauts des païens; d’autres, consacrés au service divin, attendent chaque jour le martyre; d'autres purifient dans les jeûnes et les oraisons les âmes qu’ils doivent rendre à Dieu; d’autres s’exercent en s’adonnant à la lecture, en s'appliquant aux saintes méditations et en imitant la vie et les exemples des saints; mais nous tous, nus et pauvres, suivons autant que nous le pouvons le Christ nu et pauvre. » (189, 1319-1320). Texte publié par Jaffé, Bibliotheca rerum germanicarum, 1, η. 221, p. 339-341 ; et commenté dans B. Pfândtner, Ein Brief des Pracmonstratenscrbischofs Anselm von Havelberg (Analecta Praemonslratensia, ", 1931, p. 97-107). I.Λ VIE 9 il fit plusieurs séjours à la cour impériale. En 1135, il est envoyé en ambassade à Constantinople *. Il prit ainsi con­ tact avec l’Église orientale, se familiarisa avec la patristique grecque et connut aussi les traducteurs italiens d’Aristote. C'est le 10 et le 15 avril 1136 qu'il eut deux colloques avec les représentants les plus qualifiés de l’Église orthodoxe sur les questions en litige avec l’Église romaine. A son retour en 11362, trouvant son diocèse à nouveau ravagé, il accompagne Lothaire en Italie, séjourne à la cour d’innocent II et ne rentre dans son évêché qu’en 1142. Il y favorise l’établissement des Prémontrés 3 et travaille à relever son diocèse de ses ruines. En 1144, on le trouve à Tusculum auprès d’Eugène III; il y prend part à des discus­ sions avec les théologiens grecs. C’est à la demande du pape que seront composés, probablement en 1149, les « Dialo­ gues », où Anselme relate les controverses qu’il avait sou­ tenues à Constantinople avec les orthodoxes4. En 1147, il est légat pontifical dans la croisade contre les Wendes 5, dont les résultats furent assez médiocres. En 1149, lorsque l’empereur Conrad III revient de Byzance 1. Il y avait ou à cotte époque, un rapprochement politique entre Jean Comnéne et Lothaire, inquiets l’un et l’autro des ambitions de Roger II de Sicile. En 1135, Jean avait envoyé une ambassade à Lothaire. Cf. B. Lamma, Comneni c Slaujer, I, p. 25; Mon. germ, histor., Script., t. 6, p. 769. 2. La présence d'Anselme ·> radions a Constantinopoli quo missus fuerat» est signalée à une réunion de la cour impériale, le 29 juin 1136, à Aix, Mon. germ. histor., id. 3. En 1144, Anselme contribue à la fondation de l’abbaye norbertine de Jerichow, prés de Tangermünde, sur l’Elbe (en 1147, elle sera transférée à un endroit plus favorable). 4. D’après le litre du Prologue dans le manuscrit édité par d’AcuenY (et reproduit par .Migne), les Dialogues ont été composés en 1145 (dans VEtenchus contentorum, on indique la date de 1149). Le P. Petit (op. cit.,p. 62) donne la date de 1143, sans dire sur quels arguments il s’appuie; A. Bayol, celle de 1150 (Diet, d'histoire, col. 458); M. Jugib, Encidopedia cauolica, et L. Ott, Lexicon, indiquent 1149-1150. CL Kurt Fixa, art. cit., p. 94. 5. Cf. Jai ré, Bibl. rer. german., monum. Corbeiensia, t. 1, p. 54. 10 NOTE PRÉLIMINAIRE en Allemagne, Anselme tombe en disgrâce, victime sans doute des difficultés politiques survenues entre le pape et l’empe­ reur1. L’évêque de Havelberg quitte la cour et rejoint son diocèse. Ce brusque changement parait avoir provoqué en lui une crise intérieure assez grave, en lui révélant combien était malaisé l’équilibre entre sa situation « d’évêque impé­ rial » et les vertus évangéliques. Il surmonte courageuse­ ment l’épreuve. Dans l’existence austère et dangereuse de Havelberg, la « vita apostolica » et la « paupertas Christi », qui sont l’idéal des chanoines réguliers, deviennent pour lui des réalités quotidiennes2. 1. En décembre 1149, une lettre de Wibald fait une allusion obscure à la disgrâce d’Anselme, Jaffé, op. cil., p. 330. 2. Cf. cette lettre d’Anselme à Wibald, où il établit un parallèle saisis­ sant entre le mystère de Noil et la Passion; et, sans doute, entre la vio cachée avec le Christ et le tumulte de la cour : « Le Cluisl était dans la crèche, le Christ était dans le palais du prétoire. Doux situations bien différentesI Ici, il reposait dans la crèche et les anges chantaient en son honneur; là, dans le prétoire, il était debout devant les princes et les Juifs vociféraient : « Qu’il soit crucifié! Qu’il soit crucifié! > Ohl qui m’ouvrira le sceau de la divine Écriture? Qui donc sinon ΓAgneau immolé depuis l’origine du inonde? Crois-moi, frère très cher, il est meilleur et plus sûr d'être étendu dans la crèche avec le Christ et de vagir sur les misères do la condition humaine, alors qu’en haut brille une étoile nouvelle, que le concert des anges chante la gloire, que les rois apportent en hom­ mage leurs divers présents, oui, voilà qui est meilleur que de se trouver dans le prétoire, au milieu des soldats qui raillent, flagellent, crachent et soufflettent do leurs paroles, tressent une couronne d’épines, vraiment épineuse^ vraiment desséchée, vraiment sans aucun suc de vie éternelle, vraiment épineuse, vraiment perçante, avec les pointes du dénigrement sous les louanges, tandis qu’est obscurci le soleil de la divine contempla­ tion, que tremble celte terre qu’est le corps, que se fend la pierre de la foi et que le voile du temple est déchiré. Crois-moi, frère très cher, il est plus sûr d’étre à la crèche qu’au palais du prétoire. Ici, les consolations, là, les terreurs. » Cette lettre, assez mystérieuse, a été commentée par certains historiens d’une manière malveillante pour Anselme. Dans cet éloge de la γιο cachée et contemplative, ils ont vu la réaction d’un ambitieux dépité et une hypocrisie; ils ont ironisé sur l’empressement d’Anselme à regagner la cour aussitôt que lui revient la faveur impériale. Mais rien n'oblige à mettre en doute sa sincérité, quand il écrit cette lettre. Il a pu éprouver, LA VIE II Après l’avènement de Frédéric Barberousse (1152), Anselme fait une rentrée dans la vie politique1. Avec des fortunes diverses, il exerce une action médiatrice entre le pape et l’empereur. Très bien en cour auprès de Frédéric, il est envoyé de nouveau en ambassade à Constantinople. C’est au cours de ce voyage, à Thessalonique, qu’il a une discussion théologique avec Basile d’Acbrida 2. A son retour, il est élu archevêque de Ravenne, sur l’intervention de l’empereur; et c’est par lui qu’il est nommé exarque de cette ville 3. Il meurt le 12 août 1158, pendant le siège de Milan, où il avait accompagné Frédéric1. Anselme nous apparaît comme un témoin très représen­ tatif de son époque, mais d’abord comme un homme supé­ rieur. Sa formation, nous l’avons noté, fut très complète. C’est un « intellectuel n au meilleur sens du mot. Sa curiosité toute sa vio, un peu comme saint Bernard, uno tension entre le désir de la vie humble et solitaire et l’obligation d’agir dans lo monde pour y promouvoir le régne de Dieu. Faisant de nécessité vertu, il a pu considérer cette retraite imposée, cette disgrâce très pénible, comme une occasion providentielle de renouvellement intérieur en vue du travail à venir. A propos du reproche d’ambition, il faut souligner qu’Anselme est resté, pendant des années, évêque d’un diocèse pauvre, aux marches de la chrétienté, alors qu’à ce moment, il avait, avec le pape et l’empereur, les relations les meilleures qui lui permettaient de « faire carrière · (cf. art. cité p. 8, note 4). 1. 11 est un des négociateurs et un des témoins de la réconciliation entre Eugène III et Frédéric (janvier-mats 1153), Jaffé, op. cil., p. 546. 2. D’après J. Schmidt, les deux colloques avec Basile d’Achrida eurent lieu les 9 et 10 avril 1155, Des Basilius aus Achrida... bisher unedierte Dialoge, p. 32-33. Mais, d’après V. Grume v, il faut les placer les 2 et 3 octo­ bre 1154, Échos d'Orient, 1930, p. 336. 3. « Magnam recompensationem a principe », MGH, Script., t. .20, 1. 2, c. 20, p. 403. Honor, onusl La situation d’Anselme était délicate et peu enviable entre les légats do (’Empereur et ceux des Ravennates qui étaient favorables à Byzance. Cf. P. Lamma, op. cil., I, p. 290-297. 4. Il semble bien *qu Anselme ait conseillé l'intransigeance à l’égard des Milanais assiégés, M GH, Scripta rer. germ, ad usum schol., Chronica regia coloniensis, p. 96-97. 12 NOTE PRÉLIMINAIRE est toujours en éveil ‘.lia pour le savoir une très haute estime; et l’ignorance, fût-elle monastique, a droit à tous ses sarcasmes; il aurait pu inventer le proverbe allemand : « Sottise et orgueil sont du même bois »; pour lui, le premier apostolat est la lutte contre l’erreur et la première des charités consiste à éclairer les âmes. Très fidèlement attaché à l’Église et à la tradition authen­ tique, il abhorre le conservatisme myope; et rien ne l’exas­ père autant que les équations paresseuses : ancien = bon; nouveau = mauvais. Non seulement les « nouveautés » sont légitimes sub debitis conditionibus ; mais les mutations sont nécessaires et d’ailleurs providentielles. La « nouveauté » peut être un signe de l’action du Saint-Esprit, un ’symptôme de l’approche du salut et une invitation que nous adresse Dieu à collaborer à son Règne. Grâce à l’Esprit, il n’y a pas dans l’Église d’« évolution régressive ». En progressant dans la connaissance de la vérité, on peut progresser vers la perfection. Dieu donne d’abord ce qui est bon, puis ce qui est meilleur, enfin ce qui est excellent2. De tels principes interdisent à Anselme toute lamen­ tation sur le malheur des temps et lui inspirent un optimisme raisonne et inébranlable. De par les circonstances de sa vie, Anselme a été à la fois homme politique et pasteur d’âmes. 11 a connu personnelle­ ment saint Norbert et a rencontré saint Bernard. Il a été amené à réfléchir sur les problèmes de l’Église et sur les diffé­ rentes formes de la vie religieuse à son époque. Les péripéties de son existence lui ont donné l’occasion de connaître la cour 1. A propos dû scs recherches sur la vie religieuse en Orient, il se qualifie lui-même de « avidus explorator et diligens inquisitor diversarum reli­ gionum » Dial. I, 10 (1156). 2. Cf. Dial. I, 13 (1160 A). Anselme, on le voit, est aussi loin que possible do ces « archaïsants * dont on a dit : « Rebelles à ces motions de l’Esprit autant qu’aveugles au caractère irréversible du cours naturel des choses, les archaïsants ne sont ni du présent ni du passé : ils perdent l’un sans trouver l’autre. » (H. de Lubac, Exégèse midiivale, I, 1, p- «). LES DIALOGUES 13 des empereurs d’Allemagne, la Rome pontificale et la « VilleReine » de Constantinople. Parmi les théologiens latins il est un des rares qui aient eu un contact réel avec l’Orient et qui l’aient connu autrement que par des on-dit et des racontars. Pour toutes ces raisons, les réflexions et le témoignage d’Anselme sont d’un intérêt considérable et meme d’une valeur exceptionnelle. LES DIALOGUES Anselme a écrit sur les problèmes de la vie religieuse. Avec son « Epistola apologetica pro ordine canonicorum regula­ rium 1 », il s’est jeté ardemment dans la mêlée où se sont affrontés moines et chanoines tout au long des xic et xii® siè­ cles. Mais les Dialogues ou Contestations, « Antikeimcna », restent son œuvre principale1 2. Us se composent de trois livres. Comme Anselme lui-même le rappelle dans le Prologue adressé à Eugène III3, ils ont été rédigés sur le désir et même sur l’ordre de ce Pontife. Le pape avait reçu un évêque grec, envoyé en ambassade, qui avait prétendu lui démon­ trer que dans les discussions entre grecs et latins, les grecs avaient raison sur toute la ligne; et les latins, toujours tort. 1. Épltre à Ecberl de Huysbourg, écrite en 1138 (188, 1117-1140). L’authenticité du · Liber de ordine canonicorum regularium > était déjà révoquée en doute par Dom Ceillieh, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclesiastiques, I. XIV (1), chap, xxxvt. Admise encore par A. Bayol (art. cil., col. 459), elle est rejetée par A. Versteylex, Anselme d'Havel· berg, dans le Dictionnaire de Spiritualité^ I, 697, par L. Ott, dans Io Lexicon jür Théologie und Kirche, I, 595, par M. Jugie, Eneidopedia cauoliea, I, 1416. Dans ce Tractatus, on ne retrouve pas le style d’Anselme; et surtout l’ouvrage reproduit en somme le < Scutum canonicorum > d’Arnon do Reichersperg (194, 1493-1525). 2. PL 188, 1139-1248. 3. 1139-1142. 14 NOTE PRÉLIMINAIRE Le pape ayant voulu se documenter sur les questions contro­ versées, Anselme lui envoie le compte rendu, sans doute revu soigneusementx, des discussions théologiques qu’il avait eues lors de son ambassade à Constantinople, avec 1’approbation du patriarche Léon Stypiotès. La délégation orientale était conduite par Néchitès, archevêque de Nicomédie, l’un des douze « didascales » do l’Église orthodoxe. La controverse — qui est très directe, très vive, parfois passionnée, et qui apparaît cependant comme un modèle de courtoisie et de charité œcuménique — porte sur le dogme de la procession du Saint-Esprit (livre II, c. 1-27); sur l’autorité et la primauté de l’Église romaine et sur certaines divergences liturgiques (livre 111, c. 1-22). Λ la fin de chacune des deux discussions, Nicétas et An­ selme souhaitent avec un ardent espoir — et en termes combien émouvants pour nous — la célébration d’un Concile œcuménique qui aboutirait à la réunion de J’Orient et de l’Occident2. Ces Dialogues sont précédés d’un livre, qui, lui, n’a pas la forme dialoguée et qui est introduit par cette phrase de la préface : « J’ai fait précéder ces Dialogues d’un livre qui traite de la foi uniforme et des modes de vie multiformes depuis le temps du juste Abel jusqu'au dernier des élus. A cela j’ai été contraint par les prières instantes de quelques frères : ils m’ont déclaré que pour beaucoup de simples fidèles et même de doctes, c’était un grave scandale que dans l’Église, qui est une et maintient une seule foi, on voie surgir tant de nouveautés et si considérables en des vies religieuses si différentes, çà et là, partout, à toutes les époques, sous des formes multiples 3. » 1. Cf. le prologue du livre II (1162) et le chap, r (1163). Anselme signale la présence aux colloques do notaires rédigeant des relations détaillées et fidèles. Même s’il a eu entre les mains ce compte rendu au moment où il écrivait les Dialogues, Anselme ne se soucie pas d’une exactitude littérale. Il reconnaît même explicitement avoir ajouté certains développements. 2. Livre II, c. 27 (1209-1210); livre III, c. 22 (1247-1248). 3. 1141-1142. LES GRANDS THÈMES DU LIVRE I 15 Le Prologue semble avoir été écrit après les trois Livres, pour faire une soudure, un peu artificielle, entre des considé­ rations assez disparates. Il est vrai, qu’il existe un lien entre les sujets traités, comme le note l’auteur au début du Livre Il 1 : ici et là, Anselme veut éclairer et rassurer ceux qui s’inquiètent et se scandalisent des nouveautés et de diver­ gences dans l’Église, soit des formes nouvelles de la vie reli­ gieuse à l’intérieur de l’Église latine 2, soit des divergences d’un autre ordre et bien plus graves entre l’Église latine et les Églises orientales. D’autre part, les principes du livre I sur le développement du dogme sont mis en œuvre, au livre II, contre le « fixisme » des théologiens grecs. Mais en dépit de ce lien réel entre les différentes parties des Dialogues, il apparaît que le premier Livre constitue un tout distinct et se suffit à lui-même. On est donc autorisé à le publier séparément. Nous l’avons fait suivre d’un Appendice où sont réunis et commentés quelques textes patristiques sur ce sujet capital : l’Église au cours des siècles. Nous donnons le texte établi par Dom d’Achery d’après un manuscrit de Citeaux et qui a été corrigé et réédité par Baluze, Martènc, de la Barre en 1723, Spicilegium, t. I, p. 161-207 (cf. El. contentorum, t. XIII). C’est le texte qui a été repris par Migne. LES GRANDS THÈMES DU LIVRE PREMIER Ce livre se présente comme une sorte de Discours sur l’histoire de l’Église, un survol rapide et audacieux de cette unique Église à travers les siècles, depuis la Création jusqu’à la Parousie. Contre ceux qui s’étonnent des « nou­ veautés» dans la religion, Anselme veut montrer qu’il existe 1. Cf. Proocrn. lib. II (1159-1162). 2. On a pu dire, do ce premier livre : « C’est une apologie de l’ordre norbertin. », M. Van Lee, « Les idées d’Anselme de Havelberg sur le développement des dogmes », dans Analecta Pracnwntratensia, 14, 1938. 16 NOTE PRÉLIMINAIRE une unité essentielle profonde à travers toutes les évolutions légitimes qui s’opèrent sous l’influence du Saint-Esprit. L’occasion du livre semble bien être la fameuse querelle entre moines et chanoines, cette controverse dont Anselme a été un protagoniste convaincu dans son Épitre à Ecbort. Le Livre I des Dialogues peut être regardé comme une pièce versée à ce procès \ Mais ici l’auteur s’élève bien au-dessus des querelles de clochers et de sacristies, au-dessus des pro­ blèmes suscités par les passages d’un ordre à l’autre, au-dessus des discussions sur la plus grande « dignité » de telle forme de vie religieuse. A ceux qui se scandalisent des « nouveautés » de la règle, de la psalmodie ou du costume, Anselme montre que ce sont détails d’importance minime, comparés aux mutations considérables et cependant légitimes qui se sont produites le long des siècles dans la seule vraie religion1 2, l’unique religion du Christ. Heureuse controverse entre gens d’Église, souvent un peu bornés, qui nous a valu une si belle théologie de l’histoire de ΓÉglise! La première idée capitale est donc celle de l’unité du des­ sein de Dieu, de l’économie rédemptrice. 11 n’y a qu’un Christ, qu’un Sauveur, qui domine et remplit toute l’histoire du salut. Car le Christ est présent et agissant tout le long 1. On a écrit : < Quoiqu’ils (les deux ouvrages) soient édités ensemble et sous le môme titre, ils forment cependant deux ouvrages nettement, distincts, qui traitent d'ailleurs de sujets qui n’ont aucun rapport entre eux. », M. Van Lee, art. cit., p. 8. Les deux ouvrages sont, en effet, nette­ ment distincts, mais il y a des rapports indéniables entre les sujets traités. Dans les Dialogues, so trouvent associées les deux préoccupations majeures d’Anselme au cours de toute sa vie : l’apologie des chanoines réguliers et le rapprochement entre l’Occident et l’Orient. Et dans les deux cas, nous le notions, sont impliqués les mêmes principes théologiques. 2. On peut remarquer que le Concile do Latrati (1215) emploiera lo même argument a fortiori pour justifier certains changements discipli­ naires. Canon 50 : « Non debet reprehensibile judicari, si secundum varietatem temporum statuta quandoque varientur humana, praeser­ tim cum urgens necessitas vel evidens utilitas id exposcit, quoniam ipsa Deus, ex his quao in Veteri Testamento statuerat, nonnulla mutavit in Novo »; IléFÉLÉ — Leclercq, Histoire des Conciles, V, 2’ p., p. 1372. LES GRANDS THÈMES DU LIVRE 1 17 des siècles, non seulement depuis son Incarnation, mais dès l’origine de l’humanité. La Rédemption commence avec le premier élu, Abel le juste, et ne s’achèvera qu’avec le dernier des hommes sauvés, au dernier instant de l’histoire humaine L Et parce qu’il n’y a qu’un Sauveur et qu’une économie de salut, il n’y a qu’une Église, dont la durée est coextensive à cette histoire humaine. L’Église unique rassemble tous les hommes de bonne volonté soit avant la Loi mosaïque, soit apres elle, et dans le peuple d’Israël et en dehors d’Israël — tel le saint homme Job, type exemplaire des païens sauvés par le Christ —; elle réunit également tous les hommes de bonne volonté venus après l’Évangile, dans les situations les plus diverses au cours des âges 2. Cette conception grandiose de l’unique Église n’est que la reprise par Anselme d’un enseignement très traditionnel chez les Pères3. Qu’il y ait une seule Église depuis l’aube jusqu’au soir de l’humanité implique qu’il existe à la fois une unité religieuse profonde et des diversités légitimes dans les formes et les pratiques de la vie religieuse. .Mais n’est-ce pas une simple vue de l'esprit, un paradoxe ingénieux ou une plaisanterie d’affirmer une unité réelle entre la religion d’Abraham ou des patriarches, les obser­ vances lévitiques, l’Évangile prêché par le Christ et l’Ëgliae du xiic siècle? Cette unité profonde se trouve dans l’unité de la foi, laquelle reste substantiellement identique depuis l’origine et jusqu’à nous. On a toujours été sauvé dans la croyance au vrai Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit et dans la croyance à l’unique Rédempteur. Évidemment la foi n’a pas toujours été aussi explicite. On ne peut demander aux patriarches la connaissance distincte de tous les articles du Symbole 4. 1. 2. 3. 4. C. 2 (1143-1144). C. 3-6 (1144-1149). Voir l’Appendico « L’Église au cours des siècles ». C. 4 (1146-1147). 18 NOTE PRÉLIMINAIRE La révélation a été progressive; elle suppose un développe­ ment séculaire. Ce développement continue d’ailleurs même après renseignement du Christ dans l’Évangile, comme en témoigne l’explicitation de la doctrine sur le Saint-Esprit. Mais la foi est unique, unique aussi l’amour pour Dieu et la charité fraternelle qu’inspire cette foi. Et c’est ce qui cons­ titue l’essentiel de la religion 1. Au prix de cette unité fondamentale, tous les changements dans les formes et les pratiques de la vie religieuse paraî­ tront en vérité bien secondaires. Ils s’expliquent par les lenteurs que suppose l’éducation de l’humanité, laquelle est assez grossière; elle s’explique par la condescendance de Dieu, qui procède non par coups d’état et brusqueries dicta­ toriales, mais avec ménagements, selon une progression indulgente. Les grandes mutations elles-mêmes, établissement de la Loi mosaïque, instauration de Γ Évangile, ont été patiemment et lentement préparées12. Ces changements, pour considérables qu’ils puissent sembler, ne doivent inspirer aucune crainte si l’on croit vraiment à l’action de l’Esprit-Saint. L’Esprit est unique, comme est unique le Sauveur; il assure donc toujours l’unité essentielle. Mais son activité infinie est multiforme; il ins­ pire et fait réaliser par l’Église ce qui convient à chaque génération. Étant donné les mutations ou les révolutions qui se produisent dans le monde humain, il peut et même il doit y avoir diversité et variété dans les formes de la vie religieuse. Certes la vérité est immuable. Mais puisque la religion entend promouvoir le bien spirituel de l’homme, qui est muable, cette immutabilité no doit pas s’exprimer par un immobilisme : pareil immobilisme, s’il était possible, serait désastreux. Les changements dont nous sommes témoins peuvent déranger nos habitudes; ils ne sauraient troubler nos âmes. Car s’ils s’opèrent au vu et au su de l’Église 1. C. 3 et 4 (1144-1147). 2. C. 5 et 6 (1147-1148). LES GRANDS THÈMES DU LIVRE I 19 et sous son autorité, nous avons l’assurance que le SaintEsprit lui-même les inspire ou les approuve 1 et qu’en dépit des exagérations des hommes, il saura les contenir en de justes limites. Une attitude peureuse et renfrognée serait un manque de foi en la présence et en la puissance de l’Esprit. Le passé est d’ailleurs garant de l’avenir. L’action du SaintEsprit, notoirement merveilleuse au cours des siècles, conti­ nuera jusqu’à la fin des temps, aussi merveilleuse. Ayant à répondre aux objections réelles qui s’exprimaient autour de lui et à remédier au scandale qui pouvait se pro­ duire alors dans une situation historique donnée, Anselme se place au niveau des institutions do son époque et il a en vue tout d’abord les changements dans la vie des ordres religieux et la naissance des congrégations nouvelles2. Mais il pose des principes, dont l’ampleur dépasse et de très loin ces problèmes quelque peu limités. Lui-même d’ailleurs n’a pu tirer toutes les conséquences de ccs principes. C’est le cas pour la question du salut des infidèles. Anselme affirme vigoureusement qu’il n’y a qu’une Église, puisqu’il n’y a qu’un Sauveur et qu’une économie rédemptrice. 11 constate que la foi nécessaire pour le salut se présente sous des formes bien différentes, selon qu’il s’agit du temps des patriarches, de l’époque de la Loi ou de celle de l’Évangile, selon qu’on a affaire à Israel ou aux païens3. Mais il n’insiste pas, comme le feront les théologiens modernes, sur le caractère très implicite et sur le contenu très sommaire que peut comporter la foi indispensable au salut. De plus ses perspectives d’homme du xne siècle sont assez étroites : pour lui, le monde ne s’étend pas au-delà du monde connu et le monde connu est tout entier évangélisé. « Numquid non audierunt? », disait déjà saint Paul4. Il faudra la décou­ verte des masses africaines, asiatiques, américaines pour 1. 2. 3. 4. C. 13 (1159-1160). C. 1 (1141-1143). C. 3 et 4 (1144-1147). Rom. 10, 14-18. 20 NOTE PRELIMINAIRE renouveler dans la pensée théologique le problème des conditions du salut. Par ailleurs, on peut remarquer que notre auteur n’envi­ sage guère l’hypothèse d’un développement dogmatique, ni à son époque, ni dans les siècles à venir. Anselme découvre toute l’histoire de l’Église dans une exégèse simple et impa­ vide du chapitre vi de l’Apocalypse1. Il évoque tour à tour l’extension magnifique de l’Église primitive, symbolisée pal le cheval blanc; la persécution sanglante, que représente le cheval rouge; l’hérésie, que figure le cheval noir; les faux frères, évoqués par le cheval blême. Tous les chevaux ont maintenant pris le départ. Il n’y aura plus de nouveauté sensationnelle avant la Parousie. Nous sommes au temps des faux frères et aux prises avec les désagréments qu’ils nous causent. Dans cette perspective, il semble que l’histoire des hérésies soit close, aussi bien que l’histoire des persécu­ tions sanglantes, et qu’il n’y a plus lieu à un progrès dans la formulation du dogme 12. On ne s’étonnera pas outre mesure qu’Anselme n’ait prévu ni la crise protestante, ni le moder­ nisme; ni le concile de Trente, ni ceux du Vatican. On ne lui demandera pas d’être un Newman avant la lettre. Du moins a-t-il constaté explicitement le développement de la foi trinitaire, laquelle est au cœur même du christianisme. Il ne lui était sans doute pas possible et il n’était pas néces­ saire à son propos de faire une application de ses principes à d’autres points de la doctrine, et par exemple à l’ecclé-j siologic elle-même. Son grand mérite a été d’affirmer résolu-; ment de tels principes qui gardent toute leur valeur et révèl lent progressivement leur fécondité3. 1. C. 7-10 (1149-1157). 2. C. 9 (1151-1152). 3. Au livre II des Dialogues, pour répondre à l’objection des Grecs! conservateurs cl littéralistes : la formule de la procession du Saint-Esprit, e Filioque » n’est pas dans l’Evangile; or, on ne peut rien ajouter à l’Evan­ gile, Anselme fait remarquer que le concile de Nicéc et les autres conciles; reçus par les Grecs ont défini, sur la Trinité, bien des formules qui ne se: LES GRANDS THÈMES DU LIVRE I 21 Ces quelques remarques suffisent à nous faire comprendre l’intérêt que nous pouvons trouver chez un écrivain appa­ remment très loin de nous. A notre époque, où le vaste mouvement qui se dessine dans l’Église légitime des espoirs grandioses et éveille aussi quelques inquiétudes, il y a pour nous une lumière et un réconfort à voir avec quelle sérénité et quelle confiance dans ΓEsprit-Saint notre auteur envisage le perpétuel renouveau dans l’Église. trouvent pas littéralement dans l’Évangile. Il souligne que c’est l’œuvre do l’Esprit-Saint, « l’évêque universel » : c’est lui qui a écrit l’Évangile; c'est lui qui préside en personne les conciles et nous fait pénétrer dans toute la vérité, suivant la promesse du Christ; c’est lui aussi qui développe les institutions ecclésiales. Toutefois, Anselme considère le développement dogmatique comme achevé, en fait, à son époque. Sans doute, la principale vérité dogmatique dont il avait à s’occuper : la procession du SaintEsprit lui semblait-elle déjà formulée suffisamment dans les anciens conciles. Peut-être était-il confirmé dans son idée de développement achevé par le fait que les deux conciles œcuméniques de son temps (Latran 1123, Latran 1129) ne contenaient aucune déclaration nouvelle sur la foi, mais se bornaient à des décrets disciplinaires. Cependant, les principes mêmes d’Anselme ne justifiaient pas cette limitation chronologique du développement. D’après ccs principes, l’action du Saint-Esprit pourra s'exercer dans l’avenir aussi bien qu’elle s’est exercée autrefois. Dans l’hypothèse où il y aurait plus tard des conciles portant sur des matières de foi, le Saint-Esprit les présiderait comme il a présidé les anciens conciles; et, dès lors, ils auraient la même valeur. Et il ne faut pas oublier qu’Anselme, aussi bien que Néchités, formule le vœu que se tienne bientôt un concile œcuménique sur les divergences entre Orient et Occident, où le Saint-Esprit sera présent. Cf. supra, p. t » BIBLIOGRAPHIE Courtes notices dans les Dictionnaires : A. Versteylen, Anselme d'Havelberg, Dictionnaire de Spiri· ta alité, I, 697-698. L. Ott, Anselm von Havelberg, Lexicon fur Théologie and Kirche, I, 594-595. M. Jugie, Anselmo di Havelberg, Enciclopedia Cattolica, 1, 1416-1417. A. Bayol, Anselme (THavelberg, Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, III, 458-460. Esquisse un peu plus développée dans : F. Petit, La Spiritualité des Prémontrés aux XII° et XIII0 siècles, Paris, 1947. Voir aussi F. Petit, « L’Ordre de Prémontré de saint Norbert à Anselme de Havelberg », dans La vita comune del Clero nei sec. XI e XII. Atti della settimana di studio, Mendola, settembre 1959. Ed. Vita e Pensiero, Milano 1962, vol. I, p. 456 s. Étude considérable, qui apporto au lecteur quelques rensei­ gnements utiles : Kurt Fina, « Anselm von Havelberg, Untersuchungen zur Kirchen und Geistesgeschichte des 12 Jahrhunderts », dans les Analecta Praemonstratensia, t. XXXII (1956), p. 69-101, p. 192-227; t. XXXIII (1957), p. 5-39, p. 268-301; t. XXXIV (1958), p. 13-41. K. Fina donne une abondante bibliographie, surtout allemande, dans son premier article, t.XXXII, p. 6974. 24 BIBLIOGRAPHIE Pour compléter cette bibliographie, le K. P. J.-B. Valvekens, Secrétaire do la Commission historique de l’Ordre des Prémontrés et Secrétaire de rédaction des Analecta, a bien voulu nous signaler, entre autres, les travaux suivants : M. Van Lee, « Les idées d’Anselme de Havelberg sur le développement des dogmes », Analecta Pracmonstr., t. XIV (1938), p. 3-35. J. Beumer, « Zur Ekklesiologie der Friihscholastik », dans Scholaslik, t. XXVI (1951), p. 364-389. .1. Beumer, « Ekklesiologische Problème der Friihscho­ lastik », Scholaslik, t. XXVII (1952), p. 183-209. J. Beumer, a Ein Religiongesprach aus dem 12 Jahrundert », Zeitschrift für Katholische Théologie, t. LXX111 (1951 ), p. 465-482. J. Beumer, « Der Theoretische Beitrag der Frühscholastik zu dem Problem des Doginesfortschrittes »,· Zeit­ schrift für Katholische Théologie, t. LXXIV (1952), p. 205-226. G. Schreiber, « Studien über Ansehnus von Havelberg », Analecta Proem.., t. XVI11 (1942), p. 5-90. D’autres articles du meme auteur avaient paru dant les Analecta t. XVI (1940), p. 41-107; t. XVII (1941), p. 5-33. Pour le cadre historique, on peut consulter, par exemple, dans ΓHistoire générale de G. Gi.OTZ : Histoire du Moyen Age, t. IV, première partie, « L’Allemagne et l’Italie aux xne et xiiic siècles », par E. Jordan. Id., t. IX, première partie, « L’Europe orientale de 1081 à 1453 », par C. Diehl, R. Guilland, L. (Economos, R. Grousset. Et dans Γ Histoire de ΓÉglise de Fliche et Martin le t. IX. Sur les relations entre Byzance et l’Occident : Paolo Lamma, Comneni e Staufer, 2 vol., Roma 1956-1957. TEXTE ET TRADUCTION PROLOGUS Incipit prologus Anselmi Havclbergensis episcopi in ’Avrtzclpevov contrapositorum sub dialogo conscriptum, ad venerabilem papam Eugenium III, anno 1145, tempore S. Bernardi. 1139 B Eugenio domino, ac semper intuendo et amplectendo, beatissimo sacrosanctae Romanae Ecclesiae papae, *Ansel mus pauper Christi, Havelbcrgensis Ecclesiae insufficiens episcopus, obedientiam absolutam in Domino. Cum in praesentia beatitudinis vestrae essem mense Martio apud urbem Tusculanam, inter multa quae sanc­ titati vestrae mecum conferre placuit, dixistis mihi quod qui­ dam episcopus legationem Constantinopolitani imperatoris et epistolam Graecis apicibus conscriptam perferens, ad sedem apostolicam nuper venerit. Dixistis etiam quod idem epis­ copus Graecorum litteris plurimum instructus, et decenti sermonum facundia ornatus et confisus, multa de doctrina et 1139 C ecclesiastico Graecorum ritu proposuit, quae doctrinae Romanae Ecclesiae minime concordant, et a ritu ejus * valde discrepant. Et ipse quidem nonnullis auctoritatibus sanc­ tarum Scripturarum ad suum sensum violenter retortis, universa in quibus Graeci a Latinis discordant tamquam recta visus est affirmare; ea vero, in quibus Latini a Graecis discrepant, tamquam non recta visus est infirmare : illud nimirum quod suum erat, quia suum erat, non quia verum 1140 B erat, per omnem modum probando; hoc autem quod nos- 1139 A • Etariluejus. Sic emendavit Baluzius; antea legebatur, ct exitu ejus. In hoc prologo nonnullas voces quae omnino necessariae erant, intra uncos adjecimus. (Les notes en latin sont celles de l’éditeur du texte publié dans Aligne) 1. Cette date {donnée sans doute par le ms. reproduit par D. d’Achery) est contestable. CL supra, p. 9, n. 4. PROLOGUE Ici commence le Prologue d’Anselme, évêque de Havelberg au livre d’ a Antikeimenon », de Contestations, écrit sous forme de Dialogues, pour le vénérable Pape Eugène III, l’an 1145, au temps du Bienheureux Bernard l. Au Seigneur Eugène, à qui l’on doit toujours révérence et attachement, au très bienheureux Pape de la sainte Église Romaine, Anselme, pauvre du Christ, évêque insuffisant de l’Église de Havelberg, rend un hommage d’obéissance abso­ lue dans le Seigneur. Au cours d’une audience de Votre Béatitude, au mois de mars, près de la ville de Tusculum, parmi beaucoup de sujets dont il a plu à Votre Sainteté de m’entretenir, vous m’avez rapporté qu’un évêque, ambassadeur de l’empereur de Constantinople et muni d’une lettre écrite en grec, était venu récemment auprès du Siège apostolique2. Vous m’avez dit aussi que le même évêque, très instruit des lettres grecques, doué d’une bonne facilité de parole et se confiant en elle, vous avait proposé sur la doctrine et les rites ecclésiastiques des Grecs bien des choses qui ne concordent pas avec la doctrine de l’Église Romaine et sont très différentes de ses rites. Lui-même, à l’aide de quelques textes des saintes Écritures, auxquels il faisait violence pour les ramener à lui, paraissait affirmer comme juste tout tout ce en quoi les Grecs s’écartent des Latins et au contraire infirmer comme mauvais tout ce en quoi les Latins diffèrent des Grecs; en somme il approuvait intégralement ce qui 2. Sous le règne de l’empereur Manuel I (1143-1180), les relations avaient repris activement entre Byzance et Rome. Nous en avons un témoignage dans cette ambassade qui se place probablement en 1149. Elle visait peut-être au rapprochement et à l'union entre les Églises. 1139 Λ 1139 B 1139 G 1140 B 28 DIALOGUES. LIVRE I trum, quia nostrum et non suum erat, omnino improbando Inter quae maxime, sicut dixistis, de processione Spiritus, sancti disputavit, quem Graeci quidem a Patre tantum, Latini vero a Patre et Filio procedere credunt et dicunt : et [de] ritu sacrificii in altari, quod Latini quidem in azymo, Graeci vero in fermentato celebrant, nec non de quibusdam aliis satis argumentose in quaestionem positis. Unde, quoniam ego aliquando Magni Lotharii Roma­ norum imperatoris augusti legatus fui in Constantinopolim, et ibidem aliquam moram faciens, multas super hujusmodi doctrina et ritu collationes et quaestiones, modo in privatis, modo in publicis, tam Latinorum quam Graecorum conven1140 C tibus habui, placuit sanctitati vestrae et praecipiendo rogare, et rogando praecipere, quatenus ea quae vel ego ibi dixerim, vel ab illis dicta audierim et exceperim, in unum colligerem, et quasi ’Αντικειμένων, id est librum contra­ positorum, sub dialogo conscriberem, quatenus universa quae vel ab eis super his dicuntur, vel quae eis rationa­ biliter opponuntur, providentiae vestrae tanto liberiori judicio examinanda subjacerent, quanto verius ea discretioni 1141 A vestrae innotescerent. Nonnulli quippe Latini Graecorum dictis plerumque falluntur, dum ea verborum tantum transita audiunt, non autern examinato sensu intelligunt, putantes eos affirmare quod non affirmant, aut negare quod nullatenus negant. Feci itaque quod jussit apostolica auctoritas, cui semper obtemperandum est, non tantum devota humilitate, verum1. La difficulté était double : comprendre le sens exact des assortions· théologiques, mais d’abord comprendre les textes eux-mêmes à travers· des traductions imparfaites. S. Grégoire le Grand s’était plaint de n’avoir à sa disposition qu’un mot à mot inintelligible des textes grecs; et il remarquait aussi qu’il n’y avait pas à Constantinople de bons traduc­ teurs du latin en grec. Cf. P. Courcelle, Les lettres grecques en Occi­ dent, p. 390-391. Au temps d’Anselmo, on avait fait des progrès. Il cite, et loue, les traducteurs et interprètes qu’il a trouvés à Constantinople « in utraquo lingua periti et litterarum doctissimi », Dial. Π, 1 (1163 B). Cf. PROLOGUE (1140 B — 1141 Λ) 29 était à lui, parce que c’était à lui, non parce que c’était vrai; il réprouvait absolument ce qui était à nous parce que c’était à nous et non pas à lui. Entre autres questions, il a surtout discuté, disiez-vous, sur la procession du Saint-Esprit, que les Grecs croient et affirment procéder du Père seulement, tandis que les Latins croient et affirment qu’il procède du Père et du Fils. Il a traité aussi du rite du sacrifice de l’autel, que les Latins célèbrent avec du pain azyme, les Grecs, avec du pain fermenté; et également d’autres questions, de manière assez subtile. Aussi, puisqu’il m’est advenu d’être moi-même ambassa­ deur à Constantinople du grand Lothaire, auguste empe­ reur des Romains, que j’y ai séjourné assez longtemps et que, sur cette doctrine et ces rites, j’ai eu bon nombre de conferences et de discussions, dans des réunions privées ou publiques, avec des Latins ou des Grecs, il a plu à Votre 1140 C Sainteté de me prier et de me commander tout ensemble d’avoir à réunir ce que j’ai dit moi-même et ce que j’ai entendu dire par eux et de rédiger en Dialogue un livre d’ « Antikeimenon » ou Contestations, afin que tous leurs dires sur ces problèmes et les réponses qu’on peut raisonna­ blement leur opposer fussent soumis à votre prudence, pour être examinés avec un jugement d’autant plus libre qu’ils apparaîtront de manière plus précise à votre discernement. Car il est des Latins qui sont trompés le plus souvent par 1141 A les assertions des Grecs : ne saisissant au vol que les mots, sans examiner et comprendre le sens, ils leur attribuent soit des affirmations, soit des négations étrangères à leur véri­ table pensée1. J’ai donc exécute l’ordre de l’autorité apostolique à laquelle on doit obtempérer, non seulement par raison de dévote humilité, mais aussi parce qu’il y va du salut éternel. J. DE GnztLlNCK, L'essor de la littérature latine au XII· siècle, p. 31, 32. Mais sans doute, en bien des cas, l’obstacle de la langue subsistait entre théologiens orientaux et occidentaux. 30 DIALOGUES. LIVRE I etiam aeternae salutis necessitate. Conservavi autem, quan­ tum memoria subministrabat, tenorem dialogi quem cum venerabili ac doctissimo archiepiscopo Nicodemiae Nechito in publico conventu apud urbem Conslantinopolitanam habui, addens quaedam non minus fidei necessaria, quam huic operi congrua. Fuit autem idem archiepiscopus Nechites 1141 B praecipuus inter duodecim didascalos, qui juxta morem sapientum Graecorum, et liberalium artium et divinarum Scripturarum studia regunt, et caeteris sapientibus, tamquam omnibus praeeminentes in doctrina, praesunt, ct ad quos omnes quaestiones difficillimae referuntur, et ab eis solutae deinceps sine retractatione et pro confirmata sententia tenentur et scribuntur. Praemisi autem librum de una forma credendi et multiformitate vivendi a tempore Abel justi usque ad novissimum electum, multis quorumdam fratrum precibus coactus, qui dicebant multis parvulis, necnon et sapientibus [haud] modicum esse scandalum, quod in Ecclesia quae una est, unam fidem tenendo, tot tam diversae religionis novitates passim ubique per successiones 1142 Λ temporum emergant multiformiter mundo. Quamvis autem vestrae beatitudinis arbitrium pretio­ sissimo sacrarum Scripturarum thesauro plenum et super omnia eminens abunde ad respondendum Graecis sufficiat, et hoc Agno revelanto, vel aperiente sigillum divinae Scrip­ turae, qui occisus est ab origine mundi, et quamvis post tanti doctoris excellentiam ab aliis quoque Latinorum sapientibus multa validiora adversus eos queant conveniri argumenta, tamen ea quae ego in hoc Άντεικιμένων sub dialogo contexui, non subito ab aliquibus judicentur super­ flua, quoniam fortassis aliqui humiles, et ad aliquid inve­ niendum subito non adeo agiles sensus habentes, ista libenter lecturi sunt, ut quae Graeci dicunt, verius cognos- 1. Lcs modernes orthographient habituellement Nicétas. 2. Cf. supra t p. 14, n. 1. PROLOGUE (1141 A—■ 1142 A) 31 J’ai gardé, autant que la mémoire me le permettait, la teneur du Dialogue que j’ai eu avec le vénérable et très docte arche­ vêque de Nicomédie, Néchitès dans une réunion publique, dans la ville de Constantinople. J’y ai fait certaines addi­ tions non moins nécessaires à la foi que bien adaptées au présent ouvrage 2. L’archevêque Néchitès était le premier des douze didascales qui, suivant la coutume des sages 1141 B parmi les Grecs, régentent les études soit des arts libéraux, soit des divines Écritures : ils ont le pas sur les autres sages, comme étant supérieurs à tous en doctrine; c’est à eux que sont déférées les questions les plus difficiles; et les solutions qu’ils donnent sont ensuite reçues, mises par écrit, sous­ traites à tout nouvel examen et considérées comme sentences définitives. J’ai fait précéder ces Dialogues d’un livre qui traite de la loi uniforme et des modes de vie multiformes depuis le temps du juste Abel jusqu’au dernier des élus. A cela j’ai été contraint par les prières instantes de quelques frères : ils m’ont déclaré que pour beaucoup de simples fidèles et même de doctes, c’était un grave scandale que, dans l’Église qui est une et tient une seule foi, on voie surgir tant de nouveautés et si considérables en des vies religieuses si 1142 A différentes, ça et là, partout, à toutes les époques, sous des formes multiples. Certes l’autorité de Votre Béatitude, riche des trésors très précieux des saintes Écritures et qui est supérieure à tout, suffît abondamment pour répondre aux Grecs, grâce à cet Agneau immolé dès l’origine du monde, qui révèle ou qui ouvre le sceau de l’Écriture divine; et certes, à la suite d’un si grand et excellent Docteur, d’autres sages encore parmi les Latins peuvent trouver contre eux beau­ coup d’arguments plus décisifs que les miens. Néanmoins que d’aucuns ne se hâtent pas de juger superflu ce que j’ai moi-même réuni en Dialogue dans cet ouvrage Antikeimenon. Car peut-être quelques esprits du commun et ayant moins d’agilité pour des découvertes rapides seront-ils heureux 32 DIALOGUES. LIVRE 1 1142 B eant; [et] quae illis responderi possunt aliquatenus hic inveniant. Sane quicumque haec legerit, sciat me ea scripsisse non tam ut queinquam docerem, aut quid ego didicerim ut ostentarem, quam ut apostolicae beatitudinis sancto man­ dato obedirem, cui non obedire majus peccatum esse arbi­ tror, quam tametsi minus utilia seu minus probabilia obedienter scribere. Feci itaque quod potui, licet minus quam debui, vel volui; et quod debui, probabiliter quidem obediendo, licet minus probabiliter scribendo : gravior nempe culpa est mandato non obedire, quam obediendo etiam qualiacumque scribere, salva tantum rectitudine fidei, quoniam si imperitia scribendo peccat, id injuncta et humiliter impleta obedientia excusat. PROLOGUE (1142 A - 1142 B) 33 de le lire, afin de connaître exactement ce que disent les Grecs et de trouver quelque réponse à leur faire. Que le 1162 B lecteur sache bien que j’ai écrit ce livre, non pour jouer au docteur ou pour faire étalage de ce que j’ai appris mais pour obéir au commandement· sacré de Votre Béatitude apostolique : car j’estime que ne pas lui obéir est une faute plus grave que d’écrire par obéissance des choses peu utiles ou peu dignes d’éloges. J’ai donc fait ce que je pouvais, sans doute moins que je ne devais ou que je ne voulais; et j’ai fait ce que je devais, en méritant d’être loué pour avoir obéi, bien plus que pour ce que j’ai écrit. En vérité, la faute est plus grave de ne pas obéir à un commandement que d’écrire par obéissance même n’importe quoi, pourvu que demeure sauve la rectitude de la foi; car si l’incompétence a tort d’écrire, elle trouve une excuse en acceptant et en accomplissant avec humilité l’ordre de l’obéissance. 1101 B LIBER PRIMUS De unitate fidei et multiformitate vivendi ab Abel justo usque ad novissimum electum. I 1141 C CAPITULUM PRIMUM 1 De eo quod quidam solent mirari tam varias Christianae religionis formas. Solent plerique mirari, et in quaestionem ponere, et inter­ rogando non solum sibi, verum etiam aliis scandalum generaro: dicunt enim, et tamquam calumniosi inquisitores interrogant: Quare tot novitates in Ecclesia Dei fiunt? Quare tot ordines in ea surgunt? Quis numerare queat tot ordines clericorum? Quis non admiratur tot genera monachorum? Quis denique non scandalizetur, et inter tot et tam diversas formas reli­ gionum invicem discrepantium taedioso non afficiatur scan­ dalo? Quinimo quis non contemnat Christianam religionem tot varietatibus subjectam, tot adinventionibus immuta1141 D tam, tot novis legibus et consuetudinibus agitatam, tot regulis et moribus fere annuatim innovatis fluctuantem? Quod modo, inquiunt, a quibusdam propter regnum coelo­ rum praecipitur, hoc statim ab eisdem seu ab aliis propter 1142 C regnum coelorum prohibetur. Quod modo tamquam sacrile-l gum inhibetur, subito tamquam sanctum et salubre conce-1 ditur. 1. Chez Anselme, « religio » signifie ou bien ordre religieux, ou bien religion chrétienne, ou bien vie authentiquement chrétienne et sainteté. LIVRE PREMIER 1101 B Unité de la foi et diversité des formes de vie depuis le juste Abel jusqu’au dernier élu. CHAPITRE PREMIER 1141 C Que certains ont coutume de s’étonner devant les formes si variées de vie religieuse dans le christianisme. Beaucoup de gens ont accoutumé de s’étonner, de mettre en question, d’interroger et par là de faire naître un scandale, non seulement pour eux mais pour les autres : car voici ce qu’ils disent, voici ce qu’ils demandent à la manière d’enquêteurs chicaniers : « Pourquoi se produit-il tant de nouveautés dans l’Église? Pourquoi tant d’ordres surgissent-ils en elle? Qui pourrait faire le compte de tant d’ordres de clercs? Qui ne s’étonnerait devant tant d’espèces de moines? Qui donc enfin ne se scandaliserait et au milieu de formes de vies religieuses1 si nombreuses, si différentes, si opposées entre elles, qui ne ressentirait dégoût et scan­ dale? Bien plus, qui ne mépriserait la religion chrétienne, soumise à tant de diversités, modifiée par tant d’inventions, bouleversée par tant de lois et de coutumes nouvelles, ballottée 1141 D au milieu de tant de règles et d’usages inventés presque d’une année à l’autre? Ce qu’aujourd’hui certains prescrivent soi-disant en vue du royaume des cieux, tout aussitôt les mêmes ou d’autres l’interdisent en vue du royaume des cieux. Ce qui aujourd’hui est prohibé comme sacrilège, tout 1142 C d’un coup est autorisé comme saint et salutaire. » 36 DIALOGUES. LIVRE I 'l'aies, cum otiosi sunt, inducunt quaestiones, et cordaj simplicium pervertunt, dicentes omnem religionem tanto esse contemptibiliorem, quanto mobiliorem. Quod cnimJ inquiunt, est tam mobile, tam variabile, tam instabile, quomodo alicui sapientum digne potest esse imitabile? propria quippe sui varietate probat se respuendum essd Ecce videmus in Ecclesia Dei, ut aiunt, quosdam emergere, qui pro libitu suo insolito habitu induuntur, novum vivend ordinem sibi eligunt, et sive sub monasticae professioni! titulo, sive sub canonicae disciplinae voto, quidquid volunt, 1142 D sibi assumunt, novum psallendi sibi adinveniunt, novum abstinentiae modum, et metas cibariorum statuunt, et neo monachos qui sub Regula beati Benedicti militant, neo canonicos qui sub Regula beati Augustini apostolicam vitam gerunt, imitantur : sed omnia, sicut dictum est, pro 1143 A libitu suo nova facientes, ipsi sibi sunt lex, ipsi sibi sunÉ auctoritas, et quos possunt, in suam societatem sub prae­ textu novae religionis colligunt; et in hoc religiosiores videri putantur, si ab omni religiosorum habitu et disciplina sequestrati inveniantur, et tamquam prae caetcris notabile· digito demonstrentur. Haec et his similia dicunt, et crebris quaestionibus aliquoi inquietant, non manifeste, sed latenter et insidiose religio­ nem lacerantes, et tamquam religionem diligant et amplec­ tantur, dicunt : Utinam alicubi aliquid certi inveniamuffl ubi caput nostrum fiducialiter in exspectationem saluta aeternae reclinemus! Qui etiam sunt adeo molesti calumnia1. Ces « conservateurs · qui critiquent. les ■ nouveautés > dans l’i'glisi peuvent être, entre autres, certains moines noirs. Cf. Abélard, sur *)e chanoines : « ...Vos ipsi canonici regulares a vobis ipsis noviter appellata sicut et noviter exorti », Ep. 12 (178, 351). Sur la · versatilité» condamnable, cf. par exemplo « Dialogus inter Cluniacensem et CistercionsMi monachum », dans Mahtène, Thésaurus, V, 1571-1572. 2. On sait l'importance attribuée au * xn siècle (et en d'autres temps) aux détails de l’habit religieux. Cf. sur les mérites respectifs et le symbol lisine du colobium, de la coule, etc.. De vim cere apostolica attribué) CHAPITRE I (1142 C — 1Γ.3 Λ) 37 Ces gens-là, ayant des loisirs, posent des questions et pervertissent les cœurs des simples, affirmant qu’une reli­ gion est d’autant plus méprisable qu’elle est plus chan­ geante. « En effet, disent-ils, ce qui est si mobile, si variable, si instable, comment serait-il, aux yeux d’un sage, raisonna­ blement imitable? Sa propre mutabilité prouve qu’il faut le rejeter*. Voici, disent-ils, que dans l’Église de Dieu nous voyons soudain apparaître des hommes qui, à leur fantaisie, se revêtent d’habits insolites2, se choisissent un nouveau mode de vie et, soit dans la profession monastique, soit sous la règle canoniale, adoptent ce qu’ils veulent, inventent pour eux une nouvelle méthode de psalmodie, une non- 1142 Γ) velle abstinence, une réglementation des aliments, ne sui­ vant ni les moines qui militent sous la règle de saint Benoît, ni les chanoines qui mènent la vie apostolique sous la règle de saint Augustin3, mais, répétone-le, créent à leur guise des nouveautés, sont à eux-mêmes leur loi, sont à eux- 1143 A mêmes leur tradition, rassemblent ceux qu’ils peuvent dans leurs communautés sous prétexte de religion nouvelle et s'imaginent paraître plus religieux, pourvu qu’ils appa­ raissent éloignés de tout extérieur et de toute discipline des religieux et qu’on les montre du doigt comme plus remar­ quables que les autres. » Tels sont leurs propos et d’autres semblables; et par leurs multiples questions ils troublent certaines âmes; ils détrui­ sent la religion, non pas ouvertement mais en secret et insi­ dieusement; et affectant l’amour et l’attachement pour la religion, ils soupirent : « Ah! puissions-nous trouver quelque part une certitude où reposer latete en toute confiance, dans à Rupert de Deutz), I. 5, c. 22 (170, 662), Dialog, inter Cluniacensem... (Martine, Thés. N, 1650), Scutum canonicorum (194, 1506), etc. 3. Les « nouveaux religieux », ici visés par les critiques, sont probable­ ment ceux dont il sera question au chap, x, qui ont été fondés à pou prés à cette époque. Il faut aussi rappeler que lo xn· siècle avait vu, à côté de ces ordres et congrégations, des formes de vie religieuse passablement aberrantes et anarchiques. Cf. Isaac de l’Étoile, Scrm. 50 (194, 18001801). 38 DIALOGUES. LIVRE I tores, ut si aliquando viderint aliquem de proposita reli· 1143 B gione exorbitare, continuo adversus omnem religione: inflammantur, et unius malum * omnibus ascribunt, propter unum apostatam aberrantem, omnes alios in timor Dei et in proposito sancto perseverantes contemnunt e abjiciunt, non attendentes quod scriptum est in Evangelio Simile esi regnum coelorum sagenae missae in mare, et e omni genere piscium congreganti, quam cum impleta esse educentes, et secus littus sedentes, elegerunt bonos in vasa sue malos autem foras miserunt. Et in parabola zizaniorum Sinite utraque crescere, ne forte colligentes zizaniam simii eradicetis et trilicum. Porro si isti qui de religione sic dispu 1143 C tant, et pro sui varietate calumniantur; si, inquam, ipsi d numero religiosorum esse vellent, universa quae nunc eis in scandalum et in destructionem, et ipsa fierent eis in corre tionem et in aedificationem, sicut scriptum est : Pax mul diligentibus legem tuam, et non est illis scandalum. Et Sanctis omnia cooperantur in bonum. • Unius malum. Ita edero libuit; in priori editione minus malm Sequenti capito et intra nobiseum edidimus ubi erat et inter nobiscui De voculis quas adjecimus, hoc semel lectorem monuisse sufficiet, eas caetcris certa quadam ratione distingui, quod uncis inclusae sint. 1. Matth. 13, 47-49. 2. Matth. 13, 29-30. 3. Cf. II Cor. 10, 8. CHAPITRE I (1143 Λ — 1143 C) 39 l’attente du salut éternel. » Ils se révèlent comme des calom­ niateurs intolérables, au point que si d’aventure ils découvrent 1143 B un homme fourvoyé loin de la vie religieuse où il s’est engagé, aussitôt ils partent en guerre contre toute vie religieuse, ils attribuent à tous le mal d’un seul, l’aberration d’un seul apostat leur fait mépriser et condamner tous les autres qui persévèrent dans la crainte de Dieu et leur saint engagement. Ils ne tiennent aucun compte de ce qui est écrit dans l’Évangile ; « Le royaume des cieux est semblable à un filet jeté dans la mer et qui ramasse des poissons de toutes sortes. Lorsqu’il est plein, les pêcheurs le retirent et s’asseyant sur le rivage, ils choisissent les bons pour les mettre dans leurs paniers et rejettent les mauvais L » Et dans la parabole de l’ivraie : « Laissez croître l’un et l’autre jusqu’à la moisson, de peur qu’avec l’ivraie vous n’arrachiez aussi le bon grain a. » Or si ces gens qui discutent ainsi sur la vie religieuse et 1143 C l’attaquent à raison de ses formes variées, si, dis-je, ils vou­ laient eux-mêmes être religieux, tout ce qui maintenant tourne pour eux au scandale et à la ruine servirait précisé­ ment à leur réforme et édification 3, selon la parole : a Grande est la paix de ceux qui aiment votre loi et pour eux il n’est pas de scandale 4 », et encore : « Pour les saints tout coopère à leur bien 5. » •i. Ps. 118» 165. 5. Rom. 8, 28. 40 DIALOGUES. IJ VUE I CAPITULUM II Quod unum corpus Ecclesiae uno Spiritu sancto regitur et gubernatur, diversas habens gratiarum divisiones. Ut igitur hujuscemodi inquisitores jam amplius non mi­ rentur de eaquae in Ecclesia Dei est varietate, et ut1 eorum molestae et importunae quaestiones jam ampliusl 1143 D locum non habeant; denique ut et ipsi, deposito scandalo et mendacio et cognita vera religionis via, jam amplius prop­ ter varietatem oberrare non valeant : sed cum vere religiosis vere religiosi inveniantur, et intra nobiscum, non foris con­ tra nos sint, videamus, ct eos ad videndum nobiscum invii ternus, quid secundum fidem catholicam, seu secundum] sacram Scripturam super hoc faciendum et tenendum sid videlicet quomodo Ecclesia Dei sit una in se et secundum se, et quomodo sit multiformis secundum filios suos, quos diver­ sis modis et diversis aetatibus generavit et generat et quoe diversis legibus et institutis informavit et informat, a san1144 Λ guine Abel justi usque ad novissimum electum. Dicitur 1. La formula mémo employée ici par Anselme est de saint Grégoire le Grand, dans une phrase riche de sens (que nous lisons dans l'office] de la Septuagésime) : « Qui (Conditor noster) habet vineam universalem, scilicet Ecclesiam, quae ab Abel justo usque ad ultimum electum qui in fine mundi nesciturus est, quot Sanctos protulit, quasi tot palmites misit. » In Evang. I, 19, 1 (76, 1154). Le P. Congar (art. cil., p. 84) pense qu® saint Augustin a été lo premier à préciser que l’Église commence à Abel;] et cela dans les vingt dernières années de sa vie, ù partir de 412 : « Abell initium fuit civitatis Dei », In ps. 118, Senn. 29, 9 (37, 1589); « Ex Abd] justo usque in finem saeculi », Serin. 341, 9, It (39, 1499-1500). La liturgiq chrétienne donne à Abel une placo éminente; par exemple, la liturgiM romaine fait mention de son sacrifico au Canon de la messe; et elle l’in­ voque dans les litanies des saints pour la recommandation de l’âme. Il faut d’ailleurs rappeler la phrase de Notre-Seigneur lui-même : « Omnil CHAPITRE 11 (1143 G - 11'.'. A) '.1 CHAPITRE II Dans l'unique corps de l’Église, régi et gouverné par l'unique Esprit-Saint, il y a diversité de grâces. Ainsi, pour que ces enquêteurs cessent de s’étonner de cette variété qui existe dans l’Église de Dieu et pour que leurs questions agaçantes et importunes n’aient plus d’objet, enfin pour qu’eux-mcmes, débarrassés de leur scandale et 1143 D mensonge et ayant connu la vraie voie de la vie religieuse, ne puissent plus trouver dans ses variétés prétexte à leurs divagations, mais que vraiment religieux ils se joignent à ceux qui sont vraiment religieux et soient au-dedans avec nous et non pas au-dehors contre nous, considérons et invitons-les à considérer avec nous ce que la foi catholi­ que ou la sainte Écriture nous demandent de faire et de tenir sur cette question, c’est-à-dire comment l’Église de Dieu est une en soi, dans sa nature et comment elle est multi­ forme considérée en ses fils, que de diverses manières et aux diverses époques elle a engendrés et continue d’engendrer, qu’elle a formés et continue de former par des lois et insti­ tutions différentes, depuis le meurtre d’Abel le juste jusqu’au dernier des élus *. Car il est dit par la voix de l’Êpoux : « Une 1144 A sanguis justus qui effusus est super terram, a sanguine Abel justi... », .Vareft. 23, 35; et aussi les textes de saint Jean (/ Jn 3, 12) et do VÉpiire aux Hébreux (11, 4; 12, 24). On peut remarquer que dans V Epistola écrite par Anselme dans la controverse entre moines et chanoines, l’auteur évoque les grands hommes de l'Anclcn Testament, puis Notre-Seigneur, les apôtres et saint Paul qui ont uni la · vie contemplative » et la < vie active * (1129-1134). Il commence cet historique par Abel et fait remarquer, non sans une certaine subtilité, qu’Abcl est le type du pasteur d’âmes et du contemplatif : « Abel primus justus, pastor ovium, typum gerens pastorum animarum, a contemplatione divina nullo modo expers fuisse 42 DIALOGUES. LIVRE I enim voce Sponsi : Una est columba mea, perfecta mea, une est matris suae, electa genitricis suae. Una est, una fide, una caritate, una unius sine macula impiae infidelitatis, et sint ruga perversae duplicitatis, et est una generatio justorum de qua scriptum est : Generatio rectorum benedicetur. Et esi unum corpus Ecclesiae, quod Spiritu sancto vivificatur regitur et gubernatur, cui Spiritus sanctus est unitus, multi plex, subtilis, mobilis, disertus, incoinquinatus, certus, sua vis, amans bonum, acutus, quem nihil vetat benefacere humanus, benignus, stabilis, securus, omnem habens virtu tem, omnia prospiciens, et qui capiat omnes spiritus, intelli 1144 B gibilis, mundus; in quo videlicet Spiritu sancto, juxta Apos tolum : Divisiones gratiarum sunt, idem autem Spiritus. Et Unicuique datur manifestatio Spiritus ad utilitatem; ali quidem datur per Spiritum sermo sapientiae; alii ser, scientiae secundum eumdem Spiritum; alteri fides in eod Spiritu, alii gratia sanitatum in uno Spiritu; alii operati virtutum, alii prophetia, alii discretio spirituum, alii gener linguarum., alii interpretatio sermonum. Haec autem omni operatur unus atque idem Spiritus, dividens singulis prou vult. credendus, est cujus bona munera a bono Deo narrantur accepta · (1129' L’auteur anonyme du Liber de diversis ordinibus (XII" siêch suggère bravement qu’Abel est d'une certaine manière le patron de 1 vio érémitiquo (213, 810-811). D’autres théologiens, comme Pierre Ug Chantre, Pierre de Poitiers, etc. voient en lui le juste qui a lo privilège d’être à la fois vierge ot martyr. Sur Abel, cf. J. Daniélov, Les Saint • païens · de TAncien Testament, p. 39-54. L’art chrétien n'a pas néglige le thème d’Abel. Anselme, devenu archevêque de Ravenne, pouvait contempler, à Saint-Vital, les mosaïques admirables représentant les sacrifices d’Abel, d’Abraham et de Molchisédech. Quant à la doctrine sut l’Église, qui est impliquée dans la formule « ab Abel justo », elle est tout à fait traditionnelle. On s’en rendra compte en se reportant aux texte· des Pères que nous citons dans l’Appendico. 1. Cant. G, 8. 2. Cf. Éphés. 5, 27. 3. Ps. 111, 2. CHAPITRE II (1144 A — 1144 B) 43 est ma colombe, ma toute belle, une est la fille do sa mère, l’élue de celle qui l’a mise au monde1. » Elle est une, une par la foi, une par la charité, une de l’unique, sans aucune tache d’infidélité impie et sans aucune ride de duplicité perverse 2; et il y a une seule génération des justes, dont il est écrit : « La génération des bons sera bénie 3. » Et il y a un seul corps do l’Église, que l’Esprit-Saint vivifie, régit et gouverne, auquel est uni l’Esprit-Saint, multiple, subtil, mobile, délié, pur, fort, suave, aimant le bien, pénétrant, faisant le bien sans nulle entrave, ami des hommes, bien­ veillant, stable, sûr, voyant tout, pouvant tout, contenant tous les esprits4, intelligible, immaculé : c’est dans cet EspritSaint que selon l’Apôtre a il y a diversité de grâces, mais c’est 1144 B le même Esprit56.» Et encore : « A chacun la manifestation de l’Esprit est donnée pour une fin utile. En effet, à l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse, à l’autre une parole de connaissance selon le même Esprit; à un autre la foi par le même Esprit; à un autre le don des guérisons par ce seul et même Esprit; à un autre la puissance des miracles; à un autre la prophétie; à un autre le discer­ nement des esprits; à un autre la diversité des langues; à un autre le don de les interpréter. Mais c’est le seul et même Esprit qui produit tous ces dons, les distribuant à chacun en particulier comme il lui plaît®. » 4. Ces qualifications données au Saint-Esprit sont celles qui sont attri­ buées par l’Ecrituro à la Sagesse. (Sag. 7, 22-23, d’après le texte latin qui diiTëre par des nuances du texte grec). Dans le V· Discours théolo­ gique, saint GuécotRE de Νλζιλνζε avait appliqué au Saint-Esprit, avec beaucoup d’autres titres, ces termes scripturaires, Or. theol. 5, 29 (36, 165). Au deuxième livre des Dialogues, c. 13, on trouve une longue énumé­ ration (faite par Nicétas) des titres et prérogatives du Saint-Esprit (1182 B-1183 A). Dans l’édition d’Achery-Migne, après « auctus », on lit « qui nihil vetat benefacere », dont lo sens est peu satisfaisant. La Vulgate a la leçon « quem nihil vetat, benefaciens », ce qui répond au texte des Sep­ tante. La leçon « quem nihil vetat benefacere » SC trouve dans quelques mss. 5. 1 Cor. 12, 4. 6. / Cor. 12, 7-11. '.ί DIALOGUES. LIVRE I Ecce apparet manifeste unum corpus Ecclesiae uno Spiritu sancto vivificari, qui et unicus est in se, et multiplex 1144 C in multifaria donorum suorum distributione. Verum hoc corpus Ecclesiae Spiritu sancto vivificatum, et [per] diversa membra diversis temporibus et aetatibus discretum et distinctum, a primo Abel justo incoepit, et in novissimo electo consummabitur, semper unum una fide, sed multifor­ miter distinctum multiplici vivendi varietate. CHAPITRE H (1144 B — 1-144 C) 45 Ainsi apparaît-il manifestement que le corps de l’Église, qui est un, est vivifié par le Saint-Esprit, lequel est un, unique en lui-même et multiple1 dans la distribution multiforme de ses dons. Ce vrai corps de l’Église, vivifié 1144 G par l’Esprit-Saint et divisé, diversifié en différents membres aux différents âges et époques, a .commencé par le premier juste Abel et s’achèvera dans le dernier élu, toujours un dans l'unique foi, mais diversifié en formes multiples par la variété multiple des manières de vivre. 1. Cf. 1 Pierre i, 10. 4G DIALOGUES. LIVRE I CAPITULUM III De diverso sacriflclorum ritu, quo placabatur idem et un’ Deus ab Abel usque ad Christum. Siquidem Abel, cum esset pastor ovium, fide obtulit Deo de primogenitis gregis sui et adipibus eorum. Et hoc fecit primus in fide, nullo divino mandato specialiter jussus, nec lege adhuc scripta doctus, sed sola lege naturae 1144 D instructus, quae Creatorem a creatura honorandum suade-i bat; ad quem et ad cujus munera respexit Deus, quamvis nullus ritus sacrificandi adhuc dispositus ibidem legatur, ut [hoc] vel hoc modo offerendum fuerit. Bene etiam prius ad ipsum, et postea ad ejus munera respexisse dicitur, quia non propter munera, sed propter justitiam, tam ipse quann munera ejus Deo placuisse creduntur. Fide Noe, responso accepto de his quae adhuc non vide­ bantur, metuens, aptavit arcam in salutem domus suae, eti egressus de arca, primus aedificavit altare Domino, et tollens de cunctis pecoribus, et volucribus mundis, obtu1145 A lit holocaustum super altare. Ibi vero non nominatur altare : hic de volucribus mundis, ibi de primogenitis grege oblatio facta legitur, sed necdum hic quoque ordo sacrifi­ candi dispositus erat. Fide Abraham obtulit sacrificium Domino, nulla lega adhuc scripta doctus, sed speciali divina visione monitus : ita enim Dominus ad illum dicit, tunc primum sacrificiorum! 1. Gen. 4, 2-4. 2. Gen. 'i, 4. 3. Tout ce développement. · Fide Noe... Fide Abraham... Fide Jacob · est visiblement inspiré de Hib. It. 4. Gen. 6 et 7. 5. Gen. 8, 20. CHAPITRE III (1144 C — 1145 Λ) CHAPITRE III Des divers rites sacrificiels, qui d’Abel Jusqu’au Christ apaisent le même unique Dieu. En effet, c’est par la foi qu’Abel, étant berger de brebis, fit. une offrande à Dieu des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse x. Et il fut le premier à agir ainsi dans la foi, sans avoir reçu de commandement spécial de Dieu, sans être alors instruit par une loi écrite, mais à l’instigation do la seule loi de nature, qui lui suggérait que la créature doit honorer le Créateur. Et Dieu le regarda, lui et scs dons, 1144 D bien que, d’après cette Écriture, aucun rite sacrificiel ne fût encore fixé, prescrivant tel ou tel genre d’oblation. On remarque aussi fort bien que Dieu le regarda, d’abord luimême et ensuite ses dons2, car, sans doute, ce n’est pas à cause de ses dons, mais à cause de sa justice que et luimême et ses dons plurent à Dieu. C'est par la foi3 que Noé, effrayé par la réponse qu’il avait reçue touchant des événements encore cachés, prépara l’arche pour sauver sa famille1; et puis, une fois sorti de l’arche, fut le premier à construire un autel au Seigneur et, prenant de tous les animaux et des oiseaux purs, à offrir un holocauste sur l’autel. Tout à l’heure on ne mentionnait 1145 Λ pas l’autel; ici, nous dit-on5, l’oblation a été faite avec les oiseaux purs, alors que tout à l’heure il s’agissait des pre­ miers-nés du troupeau. Mais ici non plus le rite du sacrifice n’est pas encore fixé. C’est par la foi qu’Abraham offrit un sacrifice au Sei­ gneur, sans être alors instruit par une loi écrite, mais averti par une vision spéciale de Dieu : car c’est ainsi que Dieu lui parle, indiquant pour la première fois le rite des sacrifices, 48 DIALOGUE. LIVRE I ordinem docens, non scripto, sed tantum vivae vocis man­ dato; ut videatur illi soli tunc temporis hoc esse faciendum, non autem scripti praecepto posteris relinquendum : Sume, inquit, mihi vaccam triennem, et capram trinam, et arietem annorum trium, turturem quoque ei columbam. Qui tollens universa haec, divisit ea per medium, et utrasque partes contra; 1145 B se alirinsecas posuit, aves autem non divisit; descenderunique volucres super cadavera, et abigebat eas Abraham. Fide obtulit Abraham Isaac unicum filium Domino praecipienti, et eum tentanti; qui etiam credidit Deo, et reputatum est ei ad justitiam, et in signaculum fidei accepit primus legem circumcisionis. Fide Jacob pergens in Aran, post visionem qua vidit Dominum innixum scalae, evigilans de somno mane erexit lapidem, quem supposuerat capiti suo, in titulum, fundens oleum desuper, nulla lege doctus, sed sola fidei devotione hoc faciens. Idem morions singulos filiorum Joseph benedixit in fide. An non putandi sunt isti et quamplures alii testimonio 1145 C fidei probati, fuisse de unitate Ecclesiae, qui, licet una fidCj tamen diversis modis vivendi, et diverso sacrificiorum ritu unum Deum coluerunt? Ab Adam equidem usque ad Noe quam multi fideles fuere, qui hic non numerantur, qui naturalem legem secuti sunt, et Deum omnium creatorem cognoscentes coluerunt, et proxime ea quae sibi fieri nollent, nulli proximorum ad offensionem contulerunt! A Noe vero usque ad Abraham quamplures inventi sunt fideles, qui sequentes legem naturae, non creaturae, sed soli 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. relie Gcn. 14, 9-11. CL Héb. il, 17. Gen. 22. Gen. 16, 10 s. Gen. 28, 18. Gen. 48; cf. fM. 11, 21. Dans le vocabulaire du temps et d'après le contexte, la « loi nàUfl * dont il est question ici et plus loin, n’est pas du tout la loi d'un CHAPITRE ΙΠ (1145 Λ — 1145 C) 49 non point par écrit, niais par un commandement de vive voix : ainsi apparaît-il que c’est lui seul, à ce moment, qui doit l’accomplir et non pas qu’on doit le transmettre à la postérité par un précepte écrit : « Prends une génisse de trois ans, une chèvre de trois ans, un bélier de trois ans et aussi une tourterelle et une colombe. » Abraham prit tous ces animaux, il les partagea par le milieu et il mit chaque moitié vis-à-vis de l’autre; mais il ne partagea pas les 1145 B oiseaux. Les oiseaux de proie s’abattirent sur les cadavres; et Abraham les chassait3. » C’est par la foi qu’Abraham offrit Isaac, son fils unique2, au Seigneur qui lui en donnait l’ordre et le mettait à l’épreuve. Il se confia encore à Dieu, ce qui lui fut imputé à justice3; et comme signe de la foi, il fut le premier à recevoir la loi de la circoncision 4. C’est par la foi que Jacob se rendant à Aran, après la vision qui lui fit contempler le Seigneur appuyé à une échelle, se réveillant au premier matin, dressa en mémorial la pierre sur laquelle il avait appuyé la tète et répandit sur elle de l'huile ; en cela il n’était instruit par aucune loi, mais agissait par la seule dévotion de sa foi6. C’est dans la loi que le même Jacob mourant bénit chacun des fils de Joseph e. Ne doit-on pas penser que ceux-là et un grand nombre d’autres, que leur foi a rendus recommandables, ont appar­ tenu à l’unité de l’Église, eux qui ont rendu un culte au Dieu unique, bien que dans divers genres de vie et par une diver- 1145 C site de rites sacrificiels? En vérité, depuis Adam jusqu’à Noé, quelle multitude de fidèles, non mentionnes dans l’Écriture, qui ont suivi la loi naturelle ’ et, connaissant Dieu, le Créateur de toutes choses, lui ont rendu un culte; homme qu’on supposerait dans · l’état de nature pure » et en dehors de l’économie de la grâce. La loi naturelle s’oppose à la loi écrite, à la loi de Moïse et aussi à la loi évangélique promulguée par le Christ; mais elle entre dans l'économie historique, laquelle est surnaturelle. 50 DIALOGUES. LIVRE I Deo creatori variis modis servierunt, et ab omni laesione proximi quantum potuerunt cessantes, ea quae sibi vellent, proximis humane impenderunt. Porro ab Abraham usque ad Moysen nequaquam pauci reperti sunt, qui similiter naturalem legem sequente» 1145 1) nccnon et interdum a Domino legem obedientiae suscipientes, in unitate Ecclesiae computantur et sunt : qui non libidini,sed procreandorum filiorum posteritati studentes, aliquando etiam ancillas a propriis uxoribus spe filiorum traditas sihfl supposuerunt; quibus usi sunt ita obtemperanter sicut et propriis uxoribus, non intemperanter. Qui etiam certissima fide crediderunt quod in semine eorum, qui est Christus, benedicerentur omnes tribus terrae. Quorum ctiarn tempo·? ribue nuntiatus est ritus circumcisionis, quam ipsi ex mandato Domini susceperunt in signaculum fidei. Deinde a Moyse usque ad David circumcisione jam usitata, populus Dei electus a societate alienigenarum 1146 Λ segregatus, ducente Moyse fidelissimo principe, in unanti Ecclesiam colligitur : lex scripta digito Dei instauratur, novus ritus, novae sacrificiorum regulae instituuntur; lex holocausti, lex sacrificii, lex hostiae pro voto multiplici varietate informatur. Novus ordo vivendi, nova mandata, novae praeceptiones, novae prohibitiones illi Ecclesia# scribuntur, et ita scriptae legis varietate ab incircumcisii et omnibus aliis gentibus populus Dei sequestratur; electa judicibus gubernatur et regitur. 1. C’est le cas d’Abraham, Gen. 16, 1-3, et celui de Jacob, Gen. 3·, 1-13. 2. Gen. 28, 14. 3. Gen. 17, 9-14. 4. Sur le terme « Ecclesia > pour désigner le peuple de Dieu, ci. Nombf. 19, 20; 20, 4; Dcut. 23, 1 S.; Jug. 20, 2, etc. 5. Lie. 1-7, etc. CHAPITRE III (1145 C - 1146 A) 51 qui de plus n’ont jamais fait au détriment du prochain rien de ce qu’ils n’auraient pas voulu qu’on leur fît! Mais de Noé à Abraham, il s’est, trouvé un grand nombre de fidèles, qui, suivant· la loi naturelle, ont servi de diffé­ rentes manières non la créature mais le seul Dieu Créateur et, s’abstenant autant que possible de tout dommage envers le prochain, ont fait aux autres avec bonté ce qu’ils auraient voulu qu’on fit pour eux. Ensuite, d’Abraham jusqu’à Moïse, il s’en est trouvé un grand nombre qui, de même, suivant la loi naturelle et aussi entre temps recevant du Seigneur commandements et 1145 D préceptes, sont considérés comme étant et sont réellement dans l’unité de l’Église. Ne cherchant pas la volupté, mais voulant avoir une descendance, il leur est arrivé de s’unir à leurs servantes, qui leur étaient offertes par leurs propres femmes, dans l’espoir d’avoir des fils : dans leurs relations avec elles comme avec leurs propres femmes, ils agissaient par obéissance, non par intempérance1. Ils tenaient aussi d’une foi très assurée que dans leur descendance, dans le Christ, seraient bénies toutes les tribus de la terre2. C’est également de leur temps qu’a été promulgué le rite de la circoncision, qu’ils avaient eux-mêmes reçue par un pré­ cepte du Seigneur comme signe de la foi3. Ensuite, de Moïse jusqu’à David, la circoncision étant dès lors en usage, le peuple élu de Dieu, mis à l’écart des étran­ gers, sous la conduite de Moïse, le chef à la foi parfaite, est 1146 Λ rassemblé en une seule Église ’. La loi, écrite par le doigt de Dieu, est instaurée; de nouveaux rites, une nouvelle régle­ mentation des sacrifices sont établis : la loi de l’holocauste, la loi du sacrifice, la loi de la victime pour le vœu prennent forme dans une multiple variété5. Un nouveau mode de vie, de nouveaux commandements, de nouveaux préceptes, de nouvelles prohibitions sont rédigés par écrit à l’usage de cette Église. Et ainsi, par ces diverses lois écrites, le peuple de Dieu est isolé des incirconcis et de toutes les autres nations païennes. Des juges la gouvernent et la régentent. 52 DIALOGUES. LIVRE I Quo in tempore nominatissimus Job gentilis inventu fuisse putatur virtute patientiae praecipuus, fide futura resurrectionis apertissimus, in sustinenda probrosa propria uxoris tentatione fortissimus, in onerosa amicorum conso 1146 B latione prudentissimus, in omnium tentationum moi gravissima fide fortissimus; ab ipso Deo, quod non fuerit ei similis in terra, vero testimonio probatus. Qui etiam consu gens diluculo sanctificabat filios suos, et offerebat holocaust per singulos *, nescio quo ritu suo tunc temporis non ingral Deo, quem vel ipsimet sibi tunc adinvenerat, vel que religio illius gentis ad praedicandum Deum sibi tunc elegera sive etiam quem Deus forte illo in tempore illi gentili popu per aliquem constituerat, quanquam certa scriptura noh boc non referat. * Per singulos. Magis placeret propter singulos, ct mox ad placandi Deum ubi legitur ad praedicandum Deum. CHAPITRE Ili (1 t-'.C A — Il-46 B) 53 C’est à cette époque que s’est révélé, semble-t-il, le très célèbre païen Job, insigne par la vertu de patience, le plus explicite dans la foi en la résurrection future, le plus coura­ geux à résister à la tentation ignominieuse de sa propre femme, le plus sage au milieu des consolations importunes 1146 B de ses amis, le plus fort dans la foi sous la masse accablante de toutes les épreuves, ά qui Dieu lui-même rend ce témoi­ gnage véridique qu'il n’a existé sur terre aucun homme sem­ blable à lui *. C’est lui-même qui, se levant le matin, sanc­ tifiait ses enfants et offrait pour chacun d’eux des holo­ caustes2, selon je ne sais quel rite qui lui était propre et qu’en ce temps Dieu agréait : peut-être l’avait-il inventé à son usage personnel, peut-être la religion de ce pays l’avaitellc choisi alors pour apaiser Dieu, peut-être aussi quelqu’un, au nom de Dieu, l’avait-il institué en ce temps et pour ce peuple païen : sur ce point l’Écriture authentique ne nous dit rien. 1. Job 1, 8. 2. Job 1, 5. 54 DIALOGUES. LIVRE I CAPITULUM IV · ■ Quod antiqui patres, licet singulos Christianae fidei articulos 1146 C ad plenum non noverint, tamen in fidei futuri salvati creduntur.I Postmodum a David Jusque ad Christum cessantibus jânn ducibus in eadem Ecclesia eliguntur et unguntur reges, scri­ bae et Pharisaei nominantur : templum gloriosissimum, ubi arca testamenti collocanda sit, construitur : prophetae,, viri reverendissimi, exsurgunt, prophetias varias dicunt eV scribunt, prospera sive adversa futura illi populo prophe­ tizant. Legi jamdudum scriptae novae traditiones, novae caeremoniae et observationes adduntur : psaltes in psalterio psallentes, in tympano et choro et organo et omni genere musicorum ordinantur. Nazaraci secundum tempora suscitantur; multa honesta ad decorem domus Dei devotis­ sime disponuntur; et ita apud antiquos patres multisque 1146 D modis una fide uni Deo fideliter serviebatur. Omnes quippe; in fide futuri servierunt, et in fide futuri salvati sunt. Et licet plerique illorum non tantam notitiam fidei haberent, ut per singulos articulos fidei omnia sacramenta Christi et; Ecclesiae ad plenum cognoscerent, et mysterium incarnatio* nis, nativitatis, passionis, resurrectionis, ascensionis, revelata facie, viderent, tamen firmissime credendum est eos tam­ quam a longe aspicientes, et Christum venturum salutantes,. et gratiam optatae repromissionis exspectantes, esse de uni­ tate Ecclesiae catholicae, et pertinere ad civitatem 1. Cf. par exemple Nombr. 6; 1 Sam. 18, 6; II Sam. 6, 5; I Parai. 13,· 8, etc. 2. Cf. Hcb. 11, 13; 12, 2. CHAPITRE IV (1146 C — 1146 D) 55 CHAPITRE IV Dans l'antiquité les Pères, bien que n’ayant pas connu pleinement chacun des articles de la foi, ont été sauvés, croyons-nous, dans la foi qui devait venir. 1146 C Dans la suite des temps, depuis David jusqu’au Christ, les chefs ayant alors disparu, dans la même Église on choisit et on sacre les rois; on nomme les scribes et les pharisiens; on bâtit le Temple très glorieux pour y placer l’arche d’alliance ; les prophètes, hommes très vénérables surgissent : ils proclament et écrivent des prophéties diverses, ils prophétisent à ce peuple soit les prospérités soit les malheurs à venir. A la loi déjà écrite depuis longtemps on ajoute des traditions nouvelles, des cérémonies et des observances nouvelles; on forme des musiciens jouant sur la cithare, le tambour, les cordes, l’orgue et tous les instruments de musique1; de temps à autre apparaissent les Nazaréens; avec grande dévotion on dispose beaucoup d’ornements pour la beauté de la maison de Dieu. Et c’est ainsi que chez les anciens Pères on servait Dieu fidèlement par une foi unique suivant des modes multiples. Car c’est dans la foi 1146 D on ce qui devait venir que tous ont servi et c’est dans la foi en ce qui devait venir qu’ils ont été sauvés. Et bien que, pour la plupart, ils n’aient pas été assez instruits de la foi pour connaître pleinement, dans chacun des articles, tous les mystères du Christ et de l’Église et pour contempler sans voile le mystère de l’incarnation, de la Nativité, de la Passion, de la Résurrection, de l’Ascension, il faut cepen­ dant croire très fermement qu’ils voyaient comme de loin et saluaient le Christ à venir2, qu’ils attendaient la grâce de la promesse désirée, qu’ils appartenaient donc à l’unité de l’Église catholique et qu’ils faisaient partie de « la cité DIALOGUES. LIVRE I 56 novam Jerusalem descendentem de coelo, a Deo, paratam tam· 1107 A quam sponsam ornatam viro suo. Quod enim scriptum est de quampluribus illorum : Hic coepit invocare nomen Domini et : Hic invocavit nomen Dei sui; et: Hic aedificavit ah Domino; et : Invocavit nomen Dei sui; quomodo putamui hoc intelligendum esse? Non quia invocavit nomen Domini credens nomen Domini Filium esse Dei venturum in carne? Quod etiam competenter insinuat propheta loquens de incarnatione Filii Dei, quod est Verbum Patris, quod est nomen Domini : Ecce nomen Domini venit de longinquo, et claritas ejus replet orbem terrarum. Sicut enim aliquis pe; nomen proprium alicui cui prius ignotus erat innotescit, it 1147 B nimirum Deus Pater per nomen proprium, per unicu Filium, per Verbum suum mundo manifestus innotuit. 1. 2. 3. 4. Apoc. 21, 2. Gen. h, 26; 13, 4; 12, 7; 21, 33. Is. 30, 27. Cf. Dari. 3, 45, CHAPITRE IV {1 iΓ) — It',7 Bl 57 sainte, de la nouvelle Jérusalem, descendant du ciel, d’au­ près de Dieu, vêtue comme l’épouse parée pour son époux1». Car ce qui est écrit d’un grand nombre d’entre eux : « Celui-ci 1147 A commença à invoquer le nom du Seigneur 2 » et encore : « Celui-ci invoqua le nom de son Dieu » et encore : a Celuici construisit un autel au Seigneur » et encore : « Il invoqua le nom de son Dieu », comment pensons-nous qu’il faut le comprendre? N’est-ce pas en ce sens qu’il invoqua le nom du Seigneur, en croyant que le nom du Seigneur était le Fils de Dieu, qui devait venir dans la chair? C’est ce qu’insinue avec sagacité le prophète parlant de l’incarnation du Fils de Dieu : qu’il est le Verbe du Père, qu’il est le nom du Seigneur : « Voici que Je nom du Seigneur vient de loin et sa gloire remplit l’orbe de la terre 3. » Car de même que quelqu’un se fait connaître par son nom propre4 à celui à qui il était inconnu auparavant, ainsi c’est par son nom propre, par son Fils unique, par son Verbe, que Dieu le 1147 B Père s’est fait connaître manifestement au monde. 58 DIALOGUES. LIVRE I CAPITULUM V Quod duao transpositones famosae religionis factae sunt, legi· videlicet et Evangelii, cum attestatione terraemotus propter ipsarum rerum magnitudinem. Notandum est autem quod duae transpositiones factae sunt famosae vitae, et famosae religionis, quae etiam duo Testamenta vocantur, et utraque cum attestatione terrae motus propter ipsarum rerum magnitudinem. Haec quidem facta est ab idolis ad legem, ubi tonitrua et fulgura, et nube· densissima, et clangor buccinae et terribilis strepitus. Haec autem a lege ad Evangelium, ubi tcrraeniolus factus ert magnus, sol obscuratus, petrae scissae, monumenta aperta, 1147 C claustra inferni confracta sunt. Tertius vero terraemotus futurus praedicatur, quando, istis finitis et consummatis, ad ea transitus erit, quae neque amplius movebuntur, neque concutientur. In istis duabus transpositionibus, sive mutatio­ nibus divina Sapientia tanta varietate paulatim usa est, ut primo idola recidens hostias permiserit; secundo hostiae auferens circumcisionem non prohibuerit; deinde circumci­ sionem subtrahens salutare baptisma cum evangelica insti­ tutione et doctrina persuaserit : et ita de gentibus Judaeos, de Judaeis autem Christianos fecit, et paulatim subtrahendo, 1. Ce chapitre reproduit presque littéralement un passage de saint Grégoire de Nazianze, V· discours théologique, 25 et 26 (36, 160164), dont nous donnons la traduction, appendice, p. 141. Dans le seal livre II des Dialogues, on a pu relever 26 citations de saint Grégoire de Nazianze, dont 18 sont ad sensum et 8 littérales; elles sont empruntée au III· et au V· discours théologique. Los citations sont incorporée * au texte et Grégoire n'est pas nommé (alors que d’autres Pères sont cités explicitement). CHAPITRE V (1147 B — 1147 C) 59 CHAPITRE V Dans l'histoire religieuse, il y a eu deux mutations extraordinaires, celles de la Loi et de l’Évangile, signalées par des tremblements de terre, qui marquaient l’importance mémo de l’événement. Il faut noter qu’il y a eu deux mutations extraordinaires dans la vie, deux mutations extraordinaires dans la religion, qui s’appellent aussi les deux Testaments 1 : l’une et l’autre ont été signalées par un tremblement de terre, à cause de l’importance même de l’événement. La première a fait passer des idoles à la Loi, accompagnée de tonnerre et d'éclairs, de nuages très opaques, de l’éclat do la trom­ pette et d’un terrible fracas2. La seconde a fait passer de la Loi à l’Évangile, quand s’est produit un grand tremble­ ment de terre, quand le ciel s’est obscurci, les pierres se sont fendues, les tombeaux se sont ouverts, les barrières de l’enfer ont été brisées3. Mais un troisième tremblement 1147 C de terre est annoncé dans l’avenir, lorsque, ce monde étant au terme et achevé, se fera le passage à ces réalités qui ne seront plus modifiées ni détruites 4. Dans ces deux transferts ou mutations, la Sagesse divine a agi progressivement avec une telle diversité que d’abord retranchant les idoles, elle a autorisé les sacrifices; qu’en second lieu, supprimant les sacrifices, elle n’a pas interdit la circoncision; qu’ensuite, supprimant la circoncision, elle a introduit le baptême du salut avec l’institution et la doctrine évangélique; et ainsi des gentils elle a fait les juifs, des juifs elle a fait les chré2. et. Ex. 19, 16. 3. Cf. MaUh. 27, 51-52. 4. Cf. Matth. 24, 7; 13, 8. GO DIALOGUES. LIVRE I et transponendo, et dispensando, quasi furt.im ab idolorun cultura ad legem, a lege autem, quae quidem ad perfectun 1147 D non duxit, ad perfectionem Evangelii paedagogice et medici naiiter deduxit, et tandem subtracta omni dispensatione omnem perfectionem Christianae legis edocuit. 1. Ct. Hib. 7,19. CHAPITRE V (1147 C — 1147 I)| 61 tiens; et peu à peu, par retranchements, modifications, dis­ penses, elle a conduit l’humanité comme furtivement, par une pédagogie et une médication, du culte des idoles à la Loi et de la Loi qui ne menait pas à la perfection 1 jusqu’à 1147 D la perfection de l’Évangile; et finalement, ayant supprimé toute dispense, elle a enseigné la perfection intégrale de la loi chrétienne. 62 DIALOGUES. LIVRE I CAPITULUM VI Quod Vetus Testamentum Deum Patrem quidem manifeste, Deum autem Filium obscure praedicavit. Novum autem Testamentum Deum Filium manifestavit, sed Spiritus sancti Deitatem primo subinnuit, et pauiatim sufficienter edocuit. Quid enim? Vetus Testamentum praedicavit manifeste. Deum Patrem, Filium autem non adeo manifeste, sed obs­ cure. Novum Testamentum manifestavit Deum Filium, sed submonstravit et subinnuit Deitatem Spiritus sancti. Prae1148 Λ dicatur postea Spiritus sanctus, apertiorem nobis tribuens suae Deitatis manifestationem : non enim conveniens erat, nondum confessa Patris Deitate, Filium manifeste praedi­ cari, neque Filii adhuc non suscepta Deitate, Spiritus sancti Deitatem nobis praedicari, et quemadmodum cibo gravari super virtutem, et supra modum onerari mentes humanas, terrena inhabitatione obtusas, et mole peccatorum depressas.; Neque etiam facilis erat transpositio eorum, quae longa^ consuetudine, et prolixo tempore in venerationem devene­ rant; ideoque tamquam ab infirmis evangelica et salubris pharmacie pauiatim suscepta est, arte divina benignioribus medicinaliter commista. Attamen ipse quoque Spiritus sanctus ubique in Evangelid 1148 B Filio comparatur : Filius generatur, Spiritus sanctus prae· 1. Ce passage s’inspire, lui aussi, directement de saint Grégoirb ds Nakianzf., 7« discours thëologiquc, 29 (36, 165). A ceux qui prétendent qu’il n’y a rien dans l’Écriture sur le Saint-Esprit, Grégoire répond : < Voici que va se présenter à vous l'essaim des témoignages, qui, par les affirmations multiples de l'Écriture, fera apparaître la divinité du SaintEsprit à ceux, du moins, qui ne sont pas trop balourds et étrangers à CHAPITRE VI (1147 D — 1148 B) 63 CHAPITRE VI L’Ancien Testament a annoncé Dieu le Père manifestement, Dieu le Fils obscurément. Le Nouveau Testament a manifesté Dieu le Fils, mais d’abord a seulement insinué la divinité du Saint-Esprit et peu à peu l’a pleinement enseignée. Qu’en est-il en effet? L’Ancien Testament a annoncé manifestement Dieu le Père; il n’a pas annoncé aussi manifestement Dieu le Fils, mais de manière voilée. Le Nouveau Testament a manifesté la divinité du Fils, mais il a fait seulement entrevoir et suggéré la divinité de ΓEspritSaint L Ensuite l’Esprit-Saint est annoncé, nous donnant lui-même une manifestation plus claire de sa divinité. Car 1148 A il ne convenait pas que le Fils fût annoncé manifestement avant que la divinité du Père fût reconnue; ni que la divi­ nité de l’Esprit-Saint fût annoncée avant que ne fût acceptée la divinité du Fils. C’eût, été comme surcharger de nourriture au-delà de leur capacité et alourdir avec excès les âmes humaines, qui étaient affaiblies par le séjour terrestre 2 et écrasées sous la masse des péchés. Il n’était pas facile non plus de modifier ce qu’une longue habitude et le temps écoulé avait rendu vénérable. C’est donc peu à peu que le remède salutaire de l’Evangile a été pris par les malades, mélangé, avec un art divin, comme le font les médecins, d’éléments plus agréables. Et cependant l’Esprit-Saint lui aussi est dans l’Évangile continuellement placé à côté du Fils. Le Fils est engendré : l’Esprit-Saint vient d’abord, couvrant de son ombre la 1148 B l’esprit. Voyez plutôt : le Christ est conçu, l’Esprit vient d’abord; le Christ est baptisé, il témoigne; le Christ est tenté, il le conduit; le Christ fait des miracles, il l’assiste; le Christ monte au ciel, il lui succède. · 2. Cf. Sag. 9,15. 6i DIALOGUES. LIVRE I currens in concipiendo Virginem obumbrat; Filius baptiza· tur, Spiritus sanctus in specie columbae cum attestatione Patris adest; Filius tentatur, Spiritus sanctus ducit et reducit; Filius virtutes facit, Spiritus sanctus ubique consequitur, et credentibus se ingerit; Filius in coelum ascendit, Spiritus sanctus ad docendam et supplendam omnem veritatem succedit. Ita quippe fides sanctae Trinitatis secundum virtutem credentium paulatim mensurata, et quasi particulariter distributa, et in integrum crescens, tandem perfecta est. Proinde ab adventu Christi usque ad diem judicii, quae sexta aetas distinguitur, et in qua una eademque Ecclesia, praesente jam Filio Dei, innovatur, nequaquam unus aut 1148 C uniformis, sed multi et multiformes status inveniuntur. Fuit nempe una facies Christianae religionis in primitiva Ecclesia, quando Jesus regressus a Jordane, et ductus a Spiritu in desertum, et post tentationes relictus a tentatore, pertransiens Judaeam et Galilaeam duodecim apostolos elegit, quos speciali doctrina Christianae fidei instituit, quoe ut essent pauperes spiritu, et caetera quae in sermone in monte ad eos habito scripta sunt, edocuit, quos, ut saeculum hoc nequam calcarent, instruxit, quos salubribus et innu­ meris evangelicae doctrinae praeceptis informavit. 1. Cf. f.c 1, 5; Matlh. 3, 16; 1; Act. 10, 38; Jn 14, 26; 16. 13. 2. Origins remarquait, à propos do la Création : · 11 y a un rapproche­ ment entre le nombre six cl co monde; car c’est en six jours qu'a été fait ce monde visible », In I.evil. hom. 13, 5 (12, 550). Saint Augustix avait distingué trois grandes étapes dans l’économie du salut, ce qui donnait, avec le terme de celte histoire, quatre âges : « ante legem, sub lege, sub gratia, in pace » : De divers, quaest. 83, q. 61, 7 (40, 52), q. 66, 3 (40,62-63)\Enddr. 118,119 (40, 287-288)-In Gal. 46 (35, 2138-2139), etc. Après quelques hésitations, i! distingue, dans l’histoire du monde, six âges, figurés par les six jours de la Création. Cinq âges précèdent et préparent la venue du Sauveur. Nous vivons dans le sixième âge. Ensuite vient le repos éternel du septième âge, Serm. 259, 2 (38. 1197-1198); Civ. Dei 22, 30, 5 (41, 804); Contra Fansturn 12, 8 (42, 257); Ep. 36,16, 24 (33,147), etc. CHAPITRE VI (1148 B — 1148 C) 65 Vierge dans la conception. Le Fils est baptisé : l’EspritSaint est présent sous la forme d’une colombe, en môme temps que le Père rend témoignage. Le Fils est tenté : l’Esprit-Saint le mène et le ramène. Le Fils opère des mira­ cles : l’Esprit-Saint le suit partout et entre dans l’âme des croyants. Le Fils monte au ciel : l’Esprit-Saint vient après lui, pour enseigner et compléter toute la vérité L Ainsi la foi en la Sainte Trinité, donnée progressivement avec mesure, selon la force des croyants et, pour ainsi dire, distribuée partiellement et croissant jusqu’à sa plénitude, atteint finalement sa perfection. Voilà pourquoi, dans cette période qui va de la venue du Christ au jour du Jugement, qui se caractérise comme le sixième âge 2 et dans laquelle l’Église une et identique se renouvelle, possédant désormais la présence du Fils de Dieu, on trouve non pas un état un et identique, mais des état-s multiples et multiformes. Nous avons en effet un aspect 1148 C de la religion chrétienne dans l’Église primitive, lorsque Jésus, revenu du Jourdain et conduit par ΓEsprit dans le désert et, après les tentations, libéré du tentateur, traver­ sant la Judée et la Galilée, choisit les douze apôtres, qu’il forma par un enseignement spécial de la foi chrétienne, auxquels il apprit à être pauvres en esprit et tout le reste qui est rapporté dans le Sermon sur la montagne à eux adressé, qu’il prépara à fouler aux pieds ce siècle mauvais s, auxquels il communiqua les innombrables préceptes salutai­ res de la doctrine évangélique *. Dans le De. Trinitate, il concilie les deux schèmes, Trin. 4, 7 (42, 892). A la suite de saint Augustin, do Cnssiodore, de saint Isidore, de saint Bèdo, ces idées se retrouvent chez les auteurs du xn· siècle, v.g. Rupert de Deutz, De Trinit., in Gen. 3, 3G {167, 324); Hugues de Saint-Victor, De Sacr. I, 11, 1 (176, 343); Isaac de l’ÉTOILI, Serm. 42 (194, 1833), etc. Cf. H. de Lubac, Exégèse médiévale, II, 1, p. 518 s; A. Luneau, l'histoire du salut chez les Pères de l’Eglise. La doctrine des âges du monde, Paris 1964. 3. Cf. Gal. 1, 4. · 4. Cf. Malth ό·~. 66 DIALOGUES. LIVRE I Sed post Christi passionem, resurrectionem et ascensio­ nem, et post datum Spiritum sanctum multi videntes signa et prodigia quae fiebant per manus apostolorum, collegerunt 1148 D se in eorum societatem, et factum est, sicut Lucas scribit : Multitudinis credentium cor unum et anima una, nec quisquam dicebat aliquid esse suum, sed erant illis omnia communia nec quisquam egens erat inter illos. Dividebatur autem singulis prout unicuique opus erat, caeterorum vero nemo audebat conjungere se illis, sed magnificabat eos populus. Et collecta est nova fidelium Ecclesia per gratiam sancti Spiritus, renovata primum ex Judaeis, deinde ex gentibus, deposito paulatim ritu tam Judaeorum, quam gentium, servatis tamen quibusdam differentiis naturalibus et legalibus, quae tam ex lege naturae, quam ex lege scripta abstracta et 1149 Λ excepta, Christianae fidei, nec erant, nec sunt contraria, sed omnibus devote et fideliter servantibus constat esse salubria. Coepit etiam jam tunc manifeste praedicari integra fide» sanctae Trinitatis, cum testimonio Veteris et Novi Testa­ menti, quae prius quasi sub umbra et quasi gradatim insinuata, revelabatur. Surgunt sacramenta nova, ritui novi, mandata nova, institutiones novae. Scribuntur episto­ lae apostolicae et canonicae. Lex Christiana doctrinis et scriptis instauratur, fides quae vocatur catholica in universo mundo annuntiatur; et sancta Ecclesia pertransiens per diversos status sibi invicem paulatim succedentes, usque in hodiernum diem, sicut juventus aquilae renovatur et semper renovabitur, salvo semper sanctae Trinitatis fidei 1149 B fundamento, praeter quod nemo aliud deinceps ponere potest, quamvis in superaedificatione diversa plerumque diversarum religionum structura crescat in templum sanc­ tum Domino. 1. Act. 't, 32-35; 5, 13- On sait que fondateurs et réformateurs d’Ordrt· se réfèrent continuellement à ces aspects de la « vita aposlolica ». 2. Cf. Ps. 102, 5. 3. Cf. I Cor. 3, 11. CHAPITRE VI (11 '.8 C — 1149 B) 67 Mais après la Passion, la Résurrection et l’Ascension du Christ, après que fut donné l’Esprit-Saint, beaucoup, voyant les signes et prodiges opérés par les mains des apôtres, se joignirent à leur communauté; et il advint ce que Luc rap- 1148 D porte : « La multitude des fidèles n’avait qu’un cœur et qu’une âme; nul n’appelait sien ce qu’il possédait, mais tout était commun entre eux; et il n’y avait pas d’indigent parmi eux; car on distribuait à chacun selon ses besoins... Des autres aucun n’osait se joindre à eux, mais le peuple les louait hautement ’. » El une Église nouvelle fut assem­ blée par la grâce du Saint-Esprit; cette Église rénovée, recru­ tée d’abord parmi les juifs, puis parmi les gentils, aban­ donnait progressivement les rites soit des juifs, soit des gen­ tils, conservait toutefois certaines particularités de la nature et de la Loi, qui, provenant et tirées soit de la loi de nature, soit de la loi écrite, n’étaient pas et ne sont pas contraires 1149 Λ à la foi chrétienne, mais se révèlent comme salutaires pour tous ceux qui les observent avec dévotion et fidélité. Alors aussi on commença à prêcher ouvertement la foi inté­ grale en la Sainte Trinité, en l’appuyant sur les témoignages de ΓAncien et du Nouveau Testament : auparavant insinuée comme dans l’ombre, elle était maintenant dévoilée. Alors des mystères nouveaux, des rites nouveaux, des comman­ dements nouveaux, des institutions nouvelles apparaissent. .Mors sont écrites les épitres apostoliques et canoniques. La loi chrétienne est établie par l’enseignement et les écrits. La foi qui est appelée catholique est annoncée dans l’univers entier. Et la sainte Église, passant par différents états qui se succèdent les uns aux autres, se renouvelle jusqu’à nos jours, comme la jeunesse de l’aigle2, et se renouvellera perpétuellement, étant toujours sauvegardé le fondement de la foi en la Sainte Trinité, en dehors duquel personne 1149 B désormais n’en peut poser aucun autre3, bien que, dans l’édifice qui se bâtit, il y ait le plus souvent diversité entre les différentes structures de vie religieuse qui s’élèvent en un temple saint pour le Seigneur. GS DIALOGUES. LIVRE I CAPITULUM VII De septem sigillis significantibus septeni status Ecclesiae. Et quod in primo statu, exeunte albo equo, miraculorum et prodigiorum novitate primitiva Ecclesia crescebat. Nimirum septem sigilla, quae vidit Joannes, sicut ipse in sua narrat Apocalypsi, septem sunt status Ecclesiae sibi succedentes ah adventu Christi usquedum in novissimo omnia consummabuntur, et Deus erit omnia in omnibus : siquidem cum aperuisset Agnus unum de septem sigillis, ecce 1149 C equus albus, et qui sedebat super eum habebat arcum et data est ei corona, et exivit vincens ut vinceret. Equus albus primus est status Ecclesiae, candore miraculorum nitidus et pulcher rimus, quem omnes in illa novitate mirabantur et magnifi­ cabant. Qui autem sedebat super cum habens arcum, Chris­ tus est gubernans Ecclesiam, in arcu apostolicae doctrinae 1. L'Apocalypse est, suivant l'expression du P. Allo, une philosophi» do 1’histoiro future, une vue sur l'Êglise pendant « les derniers temps », c'est-à-dire depuis la venue du Christ jusqu'à la consommation finale. Saint Jean veut montrer Dieu et le Christ glorieux surmontant les der­ nières réactions, violentes mais inefficaces, do l'ennemi déjà vainc·, cette prophétie contenant d’ailleurs des allusions à la forme que prenait cotte lutte sous l’empire romain, au temps de l’Eglise primitive. Les commentateurs ont cherché d’une manière plus précise, dans la série des prophéties de l’Apocalypse, la description anticipée des principaux états et des grandes épreuves de l’Êglise. C’est ce que fait Anselme, en se bornant d'ailleurs à l’interprétation des sept sceaux. Avant lui, B£de avait expliqué : « Dans le premier sceau, il (saint Jean} voit la gloire de l’Êglbe primitive; dans les trois suivants, la guerre triforme menée contre elle; dans le cinquième, la gloire de ceux qui ont triomphé dans cetto guerre; dans le sixième, ce qui arrivera au temps de l'Antéchrist; et après une brève récapitulation de ce qui précède, dans le septième, il volt le com­ mencement du repos éternel », In Apoc. 1, chap, vi et vu (93, t'«6-149)· CHAPITRE VII (ΙΙ'.Οΐί 11'.y C) 69 CHAPITRE VU Les sept sceaux désignent les sept états de l’Êglise. Dans le premier état, au départ du cheval blanc, l’Êglise primitive se développe grâce à la nouveauté des miracles et des prodiges. En vérité, les sept sceaux que Jean a vus, comme il le relate lui-même dans l’Apocalypse \ sont les sept états de l’Êglise qui se succèdent à partir de la venue du Christ jusqu’à ce que, lors du dernier avènement, tout soit consommé et que Dieu soit tout en tous. En effet « l’Agneau ayant ouvert le premier des sept sceaux, voici un cheval blanc et celui qui le montait avait un arc; on lui donna 1149 C une couronne; et il partit en vainqueur pour vaincre2. « Le cheval blanc représente le premier état de l’Êglise, brillant et splendide par la blancheur éclatante des miracles, que tous admiraient et magnifiaient dans cette nouveauté. Son cavalier, armé d’un arc, est le Christ, gouvernant l’Êglise, Pour Bède, le cheval rouge est la persécution ; le noir représente « la tourbe des faux frères »; le blême, les hérétiques. Considérations analogues dans Rupert de Deutz (169, 942-946). Saint Augustin avait déjà souligné qu’après les persécutions et le triomphe du nom chrétien, « crevit hypo­ crisis, id est simulatio eorum scilicet qui nomine Christiano malunt hominibus placere quam Deo », In Ps. 7, 9 (36, 103). D’aillours le scandale des mauvais chrétiens, qui, par leur vie, rendent témoignage contre le Christ, est un thème fréquent chez saint Augustin. Il faut remarquer que les commentateurs du haut .Moyen Ago et du xn° siècle, à la différence do Joachim do Flore et de tant d’autres depuis, ne cherchent pas. dans les textes de l’Apocalypse, l’annonce détaillée des faits racontés par l’histoire ou dont ils sont eux-mêmes témoins (ce qui a conduit à tant d’exégèses aberrantes et fantastiques). 2. Apoc. 6, 2. 70 DIALOGLES. LIVRE I superbos humilians ct prosternens. Et data est ei corona, quo­ niam abiit in regionem longinquam accipere sibi regnum. Et exivit vincens, ut vinceret. Sicut et ipse dicit ad suos : Confi­ dite, ego vici mundum. Ecce in isto primo statu nascentis Ecclesiae magis ac magis augebatur credentium in Domino 1149 D multitudo virorum ac mulierum; et quotidie clarescebat Ecclesia Dei virtute miraculorum ct numero credentium. 1. Cf. 19, 12. Apoc. 6, 2. 2. Jn 16, 33. 3. -4cf. 5, 14-16. CHAPITRE Vil (H49 C — 1149 D) 71 humiliant et renversant les superbes par l’arc de l’ensei­ gnement apostolique, a Et on lui donna une couronne, parce qu’il alla dans une région lointaine recevoir un royaume. Et il partit en vainqueur pour vaincre » Comme il le dit lui-même aux siens : Après la fureur du lion, il y aura les pièges du dragon, In ps. 69 (36, 866-867). 3. Cf. Tite 1. 16. 4. Horn. 12, 10. 86 DIALOGUES. LIVRE 1 quoque et cibariorum discretionem interdum sibi imponunt, pauperibus eleemosynas propriis manibus porrigunt, sanctos et vere religiosos viros, si forte sibi occurrant, elato intus corde et inclinato foris capite salutant, et eos plerumque hospitio receptos humane tractant, et eorum orationibus 1153 Λ se commendant. Quidam etiam gloriosum Domini sepulcrum in Jerosolymis, seu limina apostolorum, seu alia loca sanc­ torum visitant; in omnibus causis, tam alienis quam propriis, Deum sibi auctorem testantur, universa quae vel dicunt vel faciunt, in nomine Domini se vel dicere vel facere dicunt; et ut breviter colligam, decenti habitu, decenti sermone, decenti visu, decenti incessu, decenti toto corporis motu, religiosam et honestam et disciplinatam personam gerunt, et foris ostendunt; et in istis et cum istis quasi pacificus est status Ecclesiae, nec gladio persecutorum manifeste impu­ gnatur, nec dolosa importunitate haereticorum fatigatur. Verum in falsis Christianis, seu in falsis fratribus, qui nomen et habitum Christianae religionis induerunt, adeo 1153 B laborat Ecclesia, ut huic qui sedebat super equum pallidum, recte nomen esset mors, quae nulli mortalium parcit, quae etiam congrue infernus, qui nunquam dicit : Sufficit. Quid enim est in falsis fratribus, nisi mors interfectrix animarum, pallida in hypocrisi et simulatione, quam sequitur infernus apertis faucibus ad devorandum paratissimus? De quibus Dominus dicit in Evangelio sub nomine scribarum et Pharisaeorum : Vae vobis, scribae et Pharisaei hypocritae, qui clauditis regnum coelorum ante homines. Vos non intratis, nec introeuntes sinitis intrare. Vae vobis, scribae et Pharisaei hypocritae, qui comeditis domos viduarum, oratione longa orantes : propter hoc amplius accipitis judicium. Vae vobis, 1. ct. Coi. 3, 17. 2. Cf. Prov. 30, 15-16. CHAPITRE X (1152 D — 1153 D) 87 eux-mêmes jeûnes et abstinences; ils distribuent de leurs propres mains des aumônes aux pauvres; s’ils rencontrent des hommes saints et vraiment religieux, ils les saluent, intérieurement avec l’orgueil au cœur, mais extérieurement en inclinant la tête; ils leur donnent généralement l’hospi­ talité, les traitent avec charité et se recommandent à leurs prières. Quelques-uns aussi visitent le glorieux sépulcre du 1153 Λ Seigneur à Jérusalem ou les sanctuaires des Apôtres ou d’autres pèlerinages de saints. Dans tous les procès, ceux des autres et les leurs, ils en appellent à l’autorité du Seigneur; tout ce qu’ils disent ou font, ils prétendent bien le dire ou le faire au nom du Seigneurl. Bref, par leur habit hono­ rable, leurs paroles honorables, leur aspect honorable, leur démarche honorable, toutes leurs allures honorables, ils se composent un personnage religieux, honnête et rangé et l'exhibent au-dehors. Par rapport à eux et avec eux il semble que ΓÉglise soit en paix : elle n’est pas combattue ouver­ tement par le glaive des persécuteurs, ni fatiguée par l’importunité perfide des hérétiques. Mais avec les faux chrétiens ou les faux frères, revêtus du nom et de l’habit du christianisme, l’Église souffre au point que le cavalier du cheval blême mérite bien le nom de 1153 B la mort, qui n’épargne aucun des mortels et s’appelle juste­ ment l’enfer, qui jamais ne dit : c’est assez2. En effet, qu’est-ce donc que les faux frères, sinon la mort, tueuse des âmes, la mort blême dans son hypocrisie et sa simulation, la mort suivie par 1’enfer à la gueule béante, excellemment préparé à tout dévorer? C’est eux que désigne le Seigneur dans l’Évangile, parlant des scribes et des pharisiens : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui fermez aux hommes le royaume des cieuxl Vous n’y entrez pas vous-mêmes et vous n’y laissez pas entrer ceux qui y vien­ nent. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui dévorez les maisons des veuves, sous le semblant de longues prières : c’est pourquoi vous subirez une plus forte condam­ nation. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui DIALOGUES. LIVRE I SS 1153 C scribae et Pharisaei, qui decimatis mentham et anethum et cyminum, et relinquitis quae graviora sunt legis, judicium et misericordiam et fidem. Vae vobis, scribae et Pharisaei hypocritae, qui mundatis quod deforis est calicis et paropsidis, intus autem pleni estis rapina et immunditia. Pharisaee caece, munda prius quod intus est calicis et paropsidis, ut fiat id quod deforis est mundum. Vae vobis, scribae et Pharisaei hypocritae, qui similes estis sepulcris dealbatis, quae a foris parent hominibus speciosa, intus vero plena sunt ossibus mortuorum et spurcitia; sic et vos a foris quidem paretis hominibus justi, intus autem pleni estis hypocrisi et iniquitate. Vae vobis, scribae et Pharisaei hypocritae, qui aedificatis 1153 I) sepulcra prophetarum, et ornatis monumenta justorum, et dicitis: Si fuissemus in diebus patrum nostrorum, non essemus socii eorum in sanguine prophetarum. Itaque testi­ monio estis vobismetipsis, quia filii estis eorum qui prophetas . occiderunt. Et vos implete mensuram patrum vestrorum: serpentes, genimina viperarum, quomodo fugietis a judicio gehennae? Ecce, fratres charissimi, terribiles comminationes super hypocritas audivimus : mortem pallidam animarum, et infernum sequentem et hiantem timeamus, hypocrisim detestabilem fugiamus : quod intus est, sincera confessione mundemus et purificemus, et crebra lacrymarurn effusione 1154 Λ abstergamus; foris autem ab ecclesiasticae disciplinae norma, unusquisque in ordine suo quo vocatus est, nullatenus discrepemus, si vel facere vel pati scandalum nolumus. Invectio in hypocritam. Vae tibi, miser hypocrita, omnium miserorum miserrime, simulator boni, amator mali, inimice Dei, hostis tui, seductor tui, deceptor tui, fraudator tui, adulator tui, derisor tui, 1. Matth. 23, 13-32. CHAPITRE X (1153 C — 1154 Λ.Ι 89 payez la dime de la menthe, de l’aneth et du cumin et qui 1153 C négligez les pointa plus graves de la loi, la justice, la miséri­ corde et la bonne foil Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui nettoyez le dehors de la coupe ot du plat, tandis qu’au-dedans vous êtes pleins de rapine et d’impu­ reté! Pharisien aveugle, nettoie d’abord le dedans de la coupe et du plat, afin que le dehors aussi soit pur. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, semblables à des sépulcres blanchis, qui au-dehors paraissent beaux, mais au-dedans sont pleins d’ossements de morts et de pourriture! Ainsi, vous, au-dehors, vous paraissez justes aux hommes, mais au-dedans vous êtes pleins d’hypocrisie et d'iniquité. Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites, qui bâtis­ sez les tombeaux des prophètes et ornez les monuments des 1153 D justes et qui dites : Si vous avions vécu au temps de nos pères, nous n’aurions pas été leurs complices dans le meurtre des prophètes. Ainsi vous attestez vous-mêmes que vous êtes les fils des meurtriers des prophètes. Comblez donc la mesure de vos pères! Serpents, engeance do vipères, com­ ment échapperez-vous au jugement de la géhenne1? » Telles sont, frères très chers, les terribles menaces que nous venons d’entendre contre les hypocrites. Redoutons la mort blême des âmos et l’enfer qui la suit, la gueule béante; fuyons l’hypocrisie détestable; nettoyons et puri­ fions l’intérieur par une confession sincère, lavons-le en versant fréquemment des larmes; au-dehors, ne nous écar­ tons jamais des normes de la discipline de l’Église, chacun 1154 Λ de nous dans l’ordre où il a été appelé, si nous ne voulons pas causer ou souffrir le scandale! Invective contre l’hypocrite. Malheur à toi, misérable hypocrite, de tous les misé­ rables le plus misérable, simulateur du bien, fauteur du mal, ennemi de Dieu, hostile à toi-même, qui te séduis, te trompes, te fraudes, t’adules toi-même, te ris, te moques de toi-même, 90 DIALOGUES. LIVRE I delusor tui, calumniator tui, damnator tui, traditor tui, judex tui, homicida tui, ostensor veri, factor falsi, fur proprii thesauri, persecutor propriae conscientiae, vulpes iniqua, vermis inquiete, anguis tortuose, cancer mordax, paries dealbate, caeterorum fatuorum fatuosissime, martyr diaboli, inter vivos sine vita ambulans, jam mortue ac 1154 B sepulte, omnium hominum perditissime, serve nequam, intus ligate, intus incatenate, intus perforate, intus incar» cerate, intus absconse, intus putridissime, intus foetidissime, turpissime, infelicissime, scelestissime, nequissime, damnate, dolose, inflate, vacue, ventose, pallide, excaecate, tenebrose, timide, suspiciose, turgide, daemonibus plene, magicis artibus foris et intus imbute, desperate, paries inclinate, maceria depulsa, non habens fundamentum, ad ruinam proxima, lutose, coenose, sordide, spurcissime, confuse, odiose, insidiose, sacri olei venditor, lampas exstincta, fallacissime, ab omni bono excluse et alienate, in infernum jam detruse, mendacissime et totius veritatis expers, et per omnia Deo et angelis et hominibus detestabilis 1 1154 C Vae tibi, miser hypocrita! pallidum equum ascendisti, nomen tibi mors, infernus te sequitur, ad devorandum certissimus. Vae tibi, miser hypocrita! utinam corde con­ vertaris, et fias calcator falsitatis et amator veritatis, ut ea quae hactenus fecisti in simulatione, jam amplius facias in veritate, et non mutes bonorum operum qualitatem, sed iniquam perversae simulationis intentionem : et ita ex operibus tuis jam bonis audeas exspectare vel sperare meritum, unde prius tamquam simulator dignum exspectare debueras supplicium! Intentio enim bona sive mala operi nomen imponit, et sive meritum sive supplicium justae retributionis requirit. 1. Cette invective éloquente contient plusieurs expressions qui sont des réminiscences scripturairee, par exemple cancer (cf. II Tim. 2, 17), paries dealbate (cf. Act. 23, 3), serve nequam (cf. Matlh. 18, 32), paries inclinata (cf. Ps. 61. 4). On pout noter que ce développement par énumé­ ration copieuse et un peu écrasante d’expressions et de qualificatifs est un procédé employé ailleurs par Anselme, par exemple quand il CHAPITRE X (115'. A - 1154 C) 91 te calomnies, te condamnes, te trahis, te juges toi-même, homicide de toi-même, étalant le vrai, réalisant le faux, voleur de ton propre trésor, persécuteur de ta propre cons­ cience, renard perfide, ver trépidant, serpent tortueux, cancre dévorant, paroi blanchie, de tous les sots le plus sot, martyr du diable, marchant sans vie au milieu des vivants, déjà mort et enseveli, de tous les humains le plus perdu, serviteur 1154 B méchant, intérieurement lié, enchaîné, transpercé, empri­ sonné, enterré, au-dedans entièrement putréfié, entièrement fétide, très honteux, très malheureux, très scélérat, très méchant, damné, fourbe, enflé, vide, inconsistant, pâle, aveugle, ténébreux, lâche, soupçonneux, boursouflé, rempli de démons, imprégné au-dedans et au-dehors de pratiques magiques, désespéré, paroi branlante, muraille croulante, sans fondation, proche de la ruine, boueux, fangeux, malpropre, très répugnant, désordonné, odieux, insidieux, vendeur de l’huile sainte, lampe éteinte, trompeur fieiïé, éloigné et exclu de tout bien, précipité déjà en enfer, archimenteur et étranger à toute vérité, absolument détestable pour Dieu, les anges et les hommesx. Malheur à toi, misérable hypocrite! Tu as monté le cheval 1154 C blême, ton nom est la mort, l’enfer te suit, prêt à dévorer. Malheur à toi, misérable hypocrite! Puisses-tu te convertir dans ton cœur; puisses-tu désormais fouler aux pieds la fausseté et aimer la vérité, de manière que tu fasses désor­ mais dans la vérité les œuvres faites jusqu’ici dans la simu­ lation; que tu changes non pas la nature des bonnes oeuvres, mais l’intention mauvaise de ta simulation perverse; et qu’ainsi de tes œuvres devenues bonnes tu espères et attendes avec confiance un mérite, de ces œuvres dont aupa­ ravant, comme simulateur, tu aurais dû attendre un juste châtiment! Car c’est l’intention bonne ou mauvaise qui qualifie une œuvre et appelle ou bien le mérite ou bien le châtiment selon une juste rétribution. ênumêro les titres du Saint-Esprit {Dial. II, 13, 1183) ou quand il fait l'éloge de l’Eglise romaine (Dial. III, 9, 1220). 92 1154 D DIALOGUES. LIVRE I In hoc statu Ecclesiae apparuerunt viri religiosi, amatores veritatis, instauratores religionis, Augustinus Hipponensis Ecclesiae episcopus, provinciae Numidiae legatus in Africa, qui, collectis non falsis fratribus, vita apostolica praeelegit vivere : quibus etiam Regulam vivendi in communi prae­ scripsit, quae postea per universum orbem catholicae Ecclesiae promulgata et approbata, quamplurimos ad imitationem apostolorum et in formam tanti viri in sanctam communis vitae societatem invitavit atque collegit, et usque hodie colligit. 1. 11 apparaît immédiatement que, dans ce bref historique des fondations d’ordres et de congrégations, Anselme ne suit pas la chronologie. On peut croire que c’est intentionnel et que nous avons là un écho du grand débat entre les chanoines et les moines, débat auquel lui-méme a pris part avec son « Epistola apologetica pro ordine canonicorum regularium » (188, 1119-1140); cl qui s’étend à plusieurs décennies on plusieurs siècles. Anselmo évoque d'abord la vio canoniale depuis saint Augustin jusqu’à son temps, ensuite seulement la vie monastique. Les chanoines revendi­ quaient en effet une priorité temporelle sur le monachisme, comme institution remontant à l’Église primitive. Parfois mémo ils se cherchaient des ancêtres dans l’Ancien Testament. Ainsi l’auteur anonyme du Liber de diversis ordinibus Ecclesiae voit dans les Lévites (du livre des Nombres) des chanoines avant la lettre (V, 31 s.; PL 213, 827 s.). Mais de plus et surtout, les chanoines continuent la « vie apostolique », laquelle était une vie de pauvreté, une vie de communauté, uno vie de travail au ser­ vice des âmes, la vie qu’a menée Jésus lui-même. Les moines, au contraire, sont uno institution plus récente; le sacerdoce n’est pas essentiel à leur profession; et en principe, ils ne font pas d’apostolat. Urbain II, dans un texte célèbre, considère chanoines et moines comme deux branches également précieuses et nécessaires de cet arbre unique qu’est la vie parfaite dans l’Église (151, 338). Ce texte ne suffit pas à calmer 1« polémiques. Dans lu pratique, il ne s’agissait pas seulement, comme à d’autres époques, de questions de préséance dans les processions. Les documents pontificaux interdisent ou réglementent le passage des cha­ noines de leurs communautés dans les monastères. Ces passages, consi­ dérés par les uns comme un progrès dans la perfection, par les autres commo une apostasie, rendaient difficile l'irénisme dans les discussions. Dans son Épître, Anselme reprend les arguments classiques de l’ancien­ neté et de la plus grande perfection. D'ailleurs, sur le premier point, il CHAPITRE X (1154 C - 115'. D) W Dans cet état de l’Église appanircnt des hommes religieux amis de la vérité, restaurateurs de la vie religieuse. Voici 1154 I) Augustin, évêque d’Hippone, légat de la province d’Afrique, qui ayant rassemblé des frères, et non de faux frères, décida de vivre la vie apostolique : il leur prescrivit aussi une règle de vie commune, qui, dans la suite, promulguée et approuvée dans toute l’étendue de l’Église catholique, a invité, a rassemblé et jusqu’à ce jour continue de rassembler un grand nombre d’hommes pour une sainte association de vie commune, à l’imitation des Apôtres et selon l’exemple d’un si grand homme 2. fait cette remarque pleine <1© sens : ce qui est bon dans l’antiquité n’est pas bon parce qu’antique mais parce que bon; à un moment donné, il était nouveau et déjà bon; inversement, lo nouveau n’est pas moins bon que l’ancien, s’il se produit sous l’action du Saint-Esprit (188, 1122). En lisant l’exhortation finale adressée à l’hypocrite (1154), on est fort tenté do la rapprocher des conseils et adjurations prodigués à Ecbert, avec une franchise un pou brutale, dans l’Ëpitre apologétique pour les cha­ noines (1134-1135; 1138-1140). Sur toute cette question, cf. pour les moines : Rupert de Deutz, Altercatio monachi et clerici (170, 537-542); Devita vere aposiolica, attribuée à Rupert (170, 613-664); Abélard, lip. 12 (178, 343-352); pour les chanoines, Anselme, Êpitre (188, 11191140); Arnon de Rzichexsberc, Scutum canonicorum (194, 1493-1528); plus tard, Philippe de H a rvencht, De institutione clericorum (203, 6651206); et encore au xv«· siècle, Lepaice, Bibliotheca Praemonsiratensis Ordinis, L. I. Parmi les auteurs modernes : F. Petit, La spiritualité des Prémontrés aux XIl * et XIII * siècles ; M. H. Vicaire, L'imitation des Apôtres; Ch. Dereine, art. Chanoines, dans le Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, t. XII, col. 353-405; Aloysius Smith, Chanoines réguliers dans le Dictionnaire de Spiritualité, II, 1, Col. 463 s. 2. De saint Augustin, on a dit : « L’union de l’idéal monastique et de l’activité saccrdotalo est la création d’Augustin, création voulue, person­ nelle, restée très vivante et féconde * (P. L. Hertling). Après la « Règle de saint Augustin », qui est l’ÉpItre 211 et la Regula ad servos Dei (cf. C. Boyer. La régie de saint Augustin, dans le Dictionnaire de Spiritualité, I, 1126-1130; Pourrat, La spiritualité chrétienne, I, p. 261 s.), on sait que la première règle canoniale, au sons strict, a été donnée par saint Chrodegang de Metz (entre 751 et 756), suivie par la règle d’Aix-la-Chapelle, que les souverains carolingiens firent appliquer avec grande autorité. 94 DIALOGUES. LIVRE I Cujus vestigia sequens quidam religiosissimus N. * de sancto Rufo in Burgundia tempore Urbani papae surrexit, 1155 Λ qui collectis in eadem canonica professione fratribus, totam illam provinciam primo illuminavit, et paulatim eamdem religionem in diversas regiones disseminavit. Surrexit in eadem professione, et in apostolicae vitae imitatione quidam presbyter religiosus, nomine Norbertus, tempore papae Gclasii, qui propter suam religionem, et multas enormitates et schismata quae tunc fiebant in Occidentali Ecclesia, a Romano pontifice Gelasio litterae et auctoritatem praedicandi accepit. Iste, suis temporibus in religione clarissimus et famosissimus, diversas provincias praedicando peragravit, non parvam turbam religiosorum collegit, multas congregationes instituit, et eas ad perfec­ tionem apostolicae vitae verbo et exemplo informavit. Qui etiam tantam gratiam habuit coram Deo et homini1155 B bus, ut vere beatos se dicerent, qui illi adhaerere possent. Postea in Magdeburgensi Ecclesia archiepiscopus factus est, cujus corpus sanctum et venerabile requiescit in eccle­ sia Beatae Mariae in sua metropoli, ubi ipse fratres suae religionis ordinaverat. Igitur religio per eum renovata maxima coepit habere incrementa, et ubique terrarum diffusa est, adeo ut nulla fere provincia sit in partibus Occidentis, ubi ejusdem • Religiosissimus N. Arberium indicat, de quo vide tom. IV Galliae Christ., p. 802. 1. D’après uno note dans l’édition de Dom d'Achery, cet anonyme est Arberius do Saint-Ruf, qu’on trouve mentionné, avec la bulle d'Urbain H (1096), dans la Gallia Christiana, IV, 801-802. 2. Saint Norbert (10857-1134). La fondation de Prémontré so place entre 1121 et 112G; de 1126 à 1134, Norbert est archevêque de Magde· bourg. 3. Le développement de l’Ordre de Prémontré a été prodigieusement rapide, comparable à celui des Cisterciens. Selon le P. Petit, · il a compté environ 614 monastères et une poussière de cures et do maisons dépen­ dantes » (dans la Vita comune del Clero net secali XI c XII, vol. 1, p. 479). CHAPITRE X (1154 D — 1155 B) 95 Suivant ses traces, un homme très religieux, N. de SaintRuf, en Bourgogne, surgit au temps du pape Urbain : ayant rassemblé des frères de la même profession canoniale, il 1155 Λ illumina d’abord toute cette province et progressivement dissémina ce même ordre en diverses régions *. Dans la même profession et à l’imitation de la vie apos­ tolique, surgit un prêtre pieux nommé Norbert, au temps du pape Gélase. En raison de sa valeur religieuse et à cause des dérèglements et des schismes qui se produisaient alors dans l’Église d’Occident, il reçut du pontife romain Gélase des lettres et le pouvoir de prêcher. Cet homme très glo­ rieux en son temps et très célèbre en religion parcourut, en prêchant, différentes provinces, rassembla une grande foule de religieux, établit un grand nombre de commu­ nautés et, par la parole et par l’exemple, les forma à la perfection apostolique. Il eut aussi tant de grâce devant Dieu et les hommes que ceux-là se déclaraient vraiment 1155 B bienheureux qui pouvaient se joindre à lui. Dans la suite, il devint archevêque de Magdebourg : son corps saint et vénérable repose dans l’église de la Bienheureuse Vierge de sa métropole, où lui-même avait établi les frères de son ordre2. La vie religieuse, renouvelée par lui, commença donc à se développer grandement et se répandit sur toute la terre, de sorte qu’il n’y a presque aucune province en Occident, où l’on ne trouve des communautés de ce même ordre 3 : lly a6 abbayes de Prémontrêsen 1128; 9 en 1129; 12 en 1130; 18 en 1131; et 120, vingt ans plus tard; cf. F. Petit, Im spiritualité des Primontris, p. 45-46. Lepaicr, s’appuyant sur les anciens documents de l’Ordre, avance les chiffres de 1 000 abbayes, 300 prévôtés, sans compter 500 cou­ vents de religieuse». Il cite Paul MORioés, dans son Histoire de l’origine des Ordres religieux, chap, tvn : « L’Ordre prémontré, dès le début de sa fondation, a eu une telle croissance que l’on a compté, avant 1209, plus de 1 800 monastères d’hommes et de moniales, répartis en trente drearies ou provinces, sans compter les églises paroissiales, prieurés, granges, chapellenies et autres bénéfices ou, comme on dit, offices mineurs, dépen­ dant do ces monastères », Bibliotheca Praemonslr. Ord., L. 1, c. 18. 96 DIALOGUES. LIVRE I religionis congregationes non inveniantur : Francia, Germa­ nia, Burgundia, Aquitania, citerior Hispania, Britannia minor, Anglia, Dacia, Saxonia, Lentitia, Polonia, Moravia, Bawaria, Sucvia, Pannonia, quae est Hungria, Longobardia, Liguria, Etruria, quae est Thuscia. Omnes, inquam, hae 1155 G provinciae habent congregationes praefatae religionis, quo­ rum etiam exemplis et orationibus confidunt incessanter adjuvari. Extendit etiam palmites haec eadem sancta societas in partes Orientis : nam in Bethlehem una, et in loco quem vocant S. Habacuc, alia congregatio est. Surrexit quoque in monastico ordine beatus Benedictus post multos Patres monachorum in Ægypto commorantium, vir Deo dignus, Spiritu sancto plenus : de eremo Nursiae, ubi latuerat, abstractus, et in Campania, in monte Cassino, monachorum abbas factus est. Iste, in religione ferventissimus, Regulam suis, dictante Spiritu sancto, praescripsit, et ordinem monasticum jam tunc vacillantem renovavit et 1155 D firmavit. Qui etiam, tum per se, tum per Regulam suam, post se multa monachorum monasteria in diversis regionibus instauravit. Surrexit etiam modernis temporibus in Thuscia, in loco qui vocatur Gamaldiela, vir religiosus nomine Joannes , * sub monasticae professionis titulo, novo fervore novum habitum cum fratribus suis monachis induens, et multos discipulos suae formae sequaces habens. • Nomine Joannes. De Romualdo loquitur, hoc nomine notissimo. '* 1. D’après la Vita Ottonis Bamberg., la < Leuticia » est le pays situé autour de Zedenick ot de l’üker, dans le district de Potsdam. L’Atlas de Putzger porte la dénomination · Lintizen ». Les « Liutices » formaient l’une des tribus des Wendes. Le mot a subsiste dans » Lusaco ». On a dit avec raison : « Aucun ordre religieux ne peut revendiquer la conversion d’une province au même titre que les Prômontrés du Moyen Age pour le pays des Wendes », F. WiNTETi, Die Pràmonstratenserdes XII Jahrhundertx und ihre Bedeutung fur das nordôstliche Deutschland, Introd. 2. Dès l’origine, les Prômontrés s’intéressèrent vivement à la Croisade. Une colonie partit de Prémontré pour la Palestine, recommandée chaude­ ment à la reine Mélisende par saint Bernard, qui avait renoncé à fonder un monastère de Cisterciens (Ep. 355, 182, 557-558). Les Prémontrée CHAPITRE X (1155 B 1155 D) 97 France, Germanie, Bourgogne, Aquitaine, Espagne citérieure, Bretagne mineure, Angleterre, Üacie, Saxe, Leuticie x, Pologne, Moravie, Bavière, pays des Suèves, Pannonie ou Hongrie, Lombardie, Ligurie, Étrurie ou Thuscie. Toutes ces provinces, dis-je, ont des communautés de cet ordre et 1155 C s’assurent qu’elles sont aidées constamment par leurs exemples et leurs prières. Cette meme sainte société a étendu ses rameaux en Orient : car il existe une communauté à Bethléem et une autre au lieu appelé Saint-Habacuc2. Par ailleurs, dans l’ordre monastique a surgi le bienheu­ reux Benoit, à la suite des nombreux Pères des moines habi­ tant l’Égypte : homme de Dieu, rempli de l’Esprit-Saint, enlevé à la solitude de Nursie où il s’était caché, il devint abbé des moines du Mont-Cassin, en Campanie. Cet homme, très fervent dans la vie religieuse, donna aux siens une règle sous la dictée de l’Esprit-Saint et renouvela et affermit l’ordre monastique, qui à cette époque était chancelant. De plus, soit par lui-même, soit par sa règle, il fonda, en 1155 1) diverses régions, un grand nombre de couvents pour la vie monacale 3. Récemment, en Étrurie, au lieu appelé Camaldule, s’est levé un homme religieux nommé Jean, faisant profes­ sion de vie monastique, revêtant avec une nouvelle ferveur un nouvel habit, lui et les moines ses frères, et trouvant un grand nombre de disciples pour suivre son institut s’établirent à Montjoic, an nord de Jérusalem, en 1141. L'église conventuelle a été détruite pendant la première guerre mondiale, en 1917. C’était le couvent de Saint-Samuel. Une autre colonie, partie de Floreffe en 1136, s'était établie à Ramleh : ce fut le couvent de Saint-Habacuc et SaintJoseph d’Ariinathic. D’après Jacques de Vilry, le roi Baudouin installa les chanoines réguliers dans la basilique de Bethléem·, cf. Lepaice. op. cit., p. 106. Les derniers Prémontrés, au nombre de 26, furent brûlés ou égorgés par les musulmans, après la prise de Saint-Jean-d’Acre, en 1291. 3. Saint Benoît (480-543). 4. L'édition d'Achery fait remarquer qu’il s'agit de saint Romuald, né à Ravenne vers 952, abbé de saint Apollinaire in Classe. Carnaldoli a été fondé eu 1012. 98 DIALOGUES. LIVRE I Nec diu est, quod in alio loco qui vocatur Vallis-Umbrosa, juxta Perusinos montes, surrexit congregatio nova mona­ chorum valde religiosa, a caeteris qui vocantur monachi novo ordine et novo habitu differentes, et multos habent suae formae sequaces. 1156 A Proinde in Burgundia, in loco qui vocatur Cistercium, fere nostris temporibus surrexit alia nova congregatio monachorum, ab omnibus qui dicuntur ct sunt monachi, ordine et habitu differens. Et quoniam virtute patientiae, et abjectione habitus, et regulae diligenti observatione, et sanctae paupertatis amore, et ardentissima religione alios praeeminere videntur et excellunt, innumeros suae religionis et formae imitatores habent : inter quos nostris temporibus apparuit quidam abbas, in loco qui dicitur Claravallis, nomine Bernardus, vir religiosissimus, virtute miraculorum insignis, ab Occidente usque in Orientem pro sui sanc­ titate famosissimus; quem venerabilis papa Eugenius, quondam sui monasterii monachus, in conciliis multorum 1156 B episcoporum condigna reverentia plerumque honoravit. Item paulo ante haec tempora coepit quaedam nova religionis institutio in Jerusalem civitate Dei. Nempe congregati sunt ibi laici, viri religiosi, et vocant se milites de Templo, qui, relictis proprietatibus, qui vita vivunt , * sub obedientia unius magistri militant·, superfluitatem et pretiositatem vestium sibi absciderunt, parati ad defenden­ dum gloriosum Domini sepulcrum contra incursus Sarace­ norum ; domi pacifici, foris bellatores strenui ; domi obedientes * Qui vita vivunt. An communi vita vivunt? Mihi quidem ita videtur. 1. Vallombreuse, pris de Florence. Saint Jean Gualbert s’y retira vers 1030. 2. Clteaux est fondé en 1098. Saint Bernard y entre, avec trente-deux compagnons vers 1112. 3. Saint Bernard (1090-1153). Anselme a rencontré saint Bernard et a même, dit-on, bénéficié d’un miracle. Souffrant d’un mal de gorge très pénible, il dit au saint : « Père, toi qui guéris des pauvres et des femme­ lettes, tu no pourrais pas me guérir do ce mal de gorge? — Si tu avais CHAPITRE X (1155 D - 1156 B) 99 Naguère, en un autre endroit appelé Vallombreuse, près des montagnes de Pérouse, a surgi une nouvelle congrégation de moines, très pieuse et qui diffère, par une règle nouvelle et un habit nouveau, de tous les autres moines; beaucoup suivent cette forme de viex. Ensuite, en Bourgogne, au lieu nommé Cîleaux, à peu 1156 /V près de notre temps, est apparue une autre congrégation de moines, différente par la règle et l’habit de tous ceux qu’on appelle et qui sont moines 2. Et parce qu’ils semblent, eux, l’emporter sur les autres et exceller par le courage dans la souffrance et l’humilité de l’habit, par l’observation zélée de la règle, l’amour de la sainte pauvreté et la ferveur de la piété, innombrables sont les imitateurs de leur forme de vie religieuse. Parmi eux, de nos jours, au lieu nommé Clairvaux, s’est révélé un abbé appelé Bernard, homme d’une très haute piété, insigne par la puissance des miracles, très célèbre par sa sainteté de l’Occident jusqu’en Orient; le vénérable pape Eugène, autrefois moine de son abbaye, l’a bien souvent honoré d’un respect très mérité dans des 1156 B conciles qui réunissaient de nombreux évoques3. De même, peu avant l’époque actuelle, une nouvelle institution religieuse a commencé à Jérusalem, la cité de Dieu. Là se sont réunis des laïcs, hommes pieux qui s’appellent les chevaliers du Temple : ayant abandonné leur fortune, ils vivent et militent sous l’obéissance d’un seul maître; ils ont renoncé à la superfluité et au luxe des vête­ ments; ils sont prêts à défendre le tombeau glorieux du Seigneur contre les Sarrasins; paisibles chez eux, au-dehors la foi des femmelettes, repartit le saint, tu pourrais être guéri toi-même. — Eh bien, si je n’ai pas moi-même assez de foi, guéris-inoi par ta propre foi. » Bernard le toucha et l’enflure disparut; cf. Dont Crillter, Hist. gin. des auteurs sacris, t. XIV (t), n. 35. Des liens très fraternels unissaient Cis­ terciens et Prémontrés, en dépit de quelques difficultés épisodiques (cf. saint Bernard, Epist. 253, 10; 182, 458). D’ailleurs, les Prémontrês cal­ quèrent l'organisation de leur ordre sur celle des Cisterciens et empruntè­ rent certaines de leurs observances; cf. P. Anselmo Dimier, Les moines bâtisseurs, p. 111-113. 100 DIALOGUES. LIVRE I in disciplina regulari, foris obtemperantes disciplinae militari; domi sancto silentio instructi, foris ad bellico» strepitus et impetus imperterriti; et ut breviter compleam, ad universa quae jubentur facere, intus ac foris in simplici 1156 C obedientia consummati. Horum vitam et propositum primo confirmavit papa Urbanus consilio multorum episcoporum, quos ad hoc ipsum convocaverat ad concilium, statuens ut quicumque in hanc societatem propter spem vitae aeternae se colligerent, et in ea fideliter perseverarent, remissionem omnium haberent ’peccatorum, affirmans eos non esse inferioris meriti, quam vel monachos, vel communis vitae canonicos. Item in Orientali Ecclesia, apud Graecos et Armenoe et Syros, diversa sunt genera religiosorum, qui in una quidem fide catholica concordant, ac tamen in moribus, in ordine, in habitu, in victu, in officio psallendi non parum ab invicem discrepant. Ego cum essem in urbe regia Constantinopoli apocri· 1156 D siarius Lotharii Magni, et Christianissimi Romani impera­ toris, ad Kalojoannem ejusdem regiae civitatis imperatorem, et essem avidus explorator et diligens inquisitor diversarum religionum, vidi ibi multos ordines Christianae religionis. In monasterio quod dicitur Pantocratoros, id est, Omnipo­ tentis, vidi septingentos ferme monachos sub regula beati I. L’Ordre des Chcvaliersdu Temple, fondé en 1118 ou 1119 par Hugues de Payas, ne comptait encore, après neuf ans d'existence, que neuf mem­ bres. H ne prit son essor qu'après son approbation par lo concile de Troyes, le 13 janvier 1128. Saint Bernard, qui assista au concile, prit part à la rédaction de la Règle en sa forme primitive. Il contribua beaucoup au développement des Templiers en écrivant le < De laude novae militiae » (182, 921-940), dans lequel il justifie le but de l’Ordre et son genre de vie, et marque fortement le contraste entre cette chevalerie de Dieu et la chevalerie séculière et mondaine. L'Ordre se développa; et bien que son recrutement fût assez mêlé — des héros, mais aussi des bandits — comme saint Bernard lui-même le reconnaît {De laude novae militiae, 5,10; c. 928), l’Ordre accomplit sa mission. Au temps où écrivait Guillaume de Tyr, il comptait à Jérusalem 300 chevaliers (non compris les * ). «serviteurs Avant CHAPITRE X (1156 B — 1156 D| 101 valeureux combattants; chez eux obéissants dans la disci­ pline régulière, au-dohors obéissants dans la discipline mili­ taire; chez eux s’enveloppant du silence sacré, au-dehors imperturbables dans le fracas et les violences de la guerre; et, pour tout dire, parfaits pour exécuter tous les ordres qu’ils reçoivent, au-dedans et au-dehors, dans la simplicité 1156 C de l’obéissance. Leur vie et leur propos a d’abord été confirmé par le pape Urbain, sur l’avis de nombreux évêques convo­ qués à cette fin en concile. On y déclara que tous ceux qui se rassembleraient dans cette société dans l’espoir de la vie éternelle et y persévéreraient fidèlement obtiendraient la rémission de tous leurs péchés. On affirma que leur mérite n’était pas inférieur à celui des moines et des chanoines qui mènent la vie commune Pareillement, dans l’Église d’Orient, chez les Grecs, les Arméniens, les Syriens, il existe différentes sortes de reli­ gieux, qui sont unis dans la seule foi catholique et qui cependant sont très différents les uns des autres par le genre de vie, la règle, l’habit, la table, la psalmodie de l’office. Moi-même, lorsque j’étais dans la ville reine de Constan­ tinople, comme apocrisiaire de Lothaire, le grand et très 1156 0 chrétien empereur des Romains, auprès de Kalojean2, empereur de cette même ville, étant observateur avide et enquêteur zélé des diverses formes de vie religieuse, j’ai vu là-bas un grand nombre d’ordres de la religion chrétienne. Dans le monastère appelé du Pantocrator, c’est-à-dire du Tout-Puissant, j’ai vu environ sept cents moines, militant la fin du xn· siècle, se fondaient sur le modèle des Templiers d’autres Ordres militaires : Teutonique, do Calatrava, d’Alcantara, do saint Jac­ ques de Compostello, d’Avis et de l'Aile. 2. Il s’agit do l’empereur Jean Comnène (1118-1143). Homme remar­ quable, mais au physique ingrat. Un historien note : « $i see sujets lui ont donné le nom de Kalojean, c’était essentiellement ft cause de ses hautes qualités morales », C. Diehl, *L Europe orientale de 1081 à 1453, Histoire du Moyen Age, IX, ir’ partie, p. 39. 102 DIALOGUES. LIVRE 1 Antonii militantes. In monasterio quod dicitur Philanthropou, amantis hominem, vidi non minus quingentos monachos sub regula beati Pachomii militantes. Vidi et quamplures congregationes sub regula beati Basilii Magni et doctissimi viri devote militantes. 1157 Λ Porro haec omnia tam divina, tam sancta, tam bona in diversis temporibus et in diversis ordinibus operatur unus atque idem Spiritus, dividens singulis prout vult. Novit quippe Spiritus sanctus, qui totum corpus Ecclesiae ab initio et nunc et semper regit, hominum animos torpentes, 1. Dans le monachisme selon saint Antoine, les moines mènent la vie érémitique dans leurs cellules, se livrant à la prière, à la mortification, au travail manuel; ils se rendent visite de temps à autre et se réunissent les dimanches et jours de fête pour ^Eucharistie. Il n’y a pas de Règle pro­ prement dite, mais des usages et des traditions; ci. Pourrai·, La Spiri­ tualité chrétienne, 1, p. 127 s.; G. Bardy, Antoine, dans le Dictionnaire de Spiritualité, I, 707-708. 2. Les moines de saint Pacdme mènent la vie cénobitique; ils s’adon­ nent au travail manuel et à l’étude de l'Ëcrituro. L'obéissance est très stricte. Le monastère est gouverné par un Père; il est divisé en plusieurs maisons ou familles, dont chacune est administrée par un préposé. Les monastères paeômiens comprenaient souvent un très grand nombre de religieux. D’après Palladius, on en comptait 1300 au monastère de Tabennesi; cf. Pourrat, La Spiritualité chrétienne, I, p. 132 S. On a identifié, dans la ville actuelle d’Istanbul, les monastères dont parle Anselme. Mais les chiffres qu’il donne pour le personnel do ces convenu, paraissent exagérés aux érudits de notre temps. Pour le monastère du Pantocrator, fondé par Jean II Comnène, R. Janik citant le texte du Typicon, écrit : • Leur nombre (des religieux) était fixé à 80, dont 50 pour l’ofiico divin et 30 pour les travaux du monastère. On est bien loin des 700 qu’Anselme, évêque de Havelberg, envoyé à Constantinople par l’empereur Lothairô, disait vivre dans-le monastère lors de son voyage {1136). » R. Janin, Ae Siège de Constantinople et le Patriarcat oecuménique, t. III, Les Églises et les Monastères, p. 533. Remarque analogue au sujet’du monastère Philan­ thropon : · Anselme do Havelberg, envoyé de l’empereur d'Allemagne Lothaire II à Constantinople en 1135, prétend que le monastère renfermait alors 500 moines vivant selon la règle do saint PacOme. H y a là une exagé­ ration manifeste, car le monastère du Christ Philanthrope n’avait sans doute pas une population beaucoup plus grande que celui de la Theotocos Kécharitoméné, où les religieuses ne devaient pas être plus de 24, de 40 au maximum si leurs ressources augmentaient. » Op. cit., p. 540. CHAPITRE X (1150 D — 1157 A} 1Ο.Ί sous la règle du Bienheureux Antoine1; dans le monastère appelé Philanthropon, de l’Ami des hommes, je n’ai pas vu moins de cinq cents moines, militant sous la règle du Bien­ heureux Pacôme 2 ; j’ai vu aussi un grand nombre de commu­ nautés, militant pieusement sous la règle du Bienheu­ reux Basile, homme de très haute doctrine 3. Or toutes ces œuvres si divines, si saintes, si excellentes, 1157 A à des époques differentes et dans des ordres différents, « c’est un seul et même Esprit qui les opère, répartissent les grâces comme il le veut1 ». Car ΓEsprit-Saint, qui gouverne tout le corps de l’Église dès l’origine et maintenant et pour toujours5, sait renouveler, en suscitant quelque nouvelle 3. Saint Basile, qui a etc lui-même en Égypte, s'inspire du monachisme égyptien, mais en l’adoucissant. Il insiste sur la vie commune, l’obéis­ sance, la prière soit liturgique, soit personnelle, l’étude de l’Écrituro. Mais il renonce à la fédération des maisons paeômiennes. Dans chaque couvent, le nombre des religieux est relativement peu élevé; et le supérieur ne gou­ verne qu'une maison. I Cor. 12, il. 5. Au livre II des Dialogues, Anselme montre comment le Saint-Esprit (qu’il appelle, interprétant ainsi un terme de saint Grégoire de Nazianie, lui-même inspiré de Sag. 7, 23, « l’Évéque universel ·) gouverne le corps entier de l’Eglise tout le lung de son histoire : « L’Espril-Saint, procédant, de la bouche de la Vérité qui est le Christ, a d’abord constitué les Évan­ giles; ensuite, comme « auteur » cl docteur de la vérité, selon qu’il avait été promis, il a été présent aux conciles des saints Pères; la foi, qu’il avait lui-môme en personne formulée brièvement dans l'Evangile, il l’a exposée dans les conciles des saints Pères; et ce qu’il restait à dire au Fils, luimême, procédant du Fils, l’a exprimé avec vérité et l’a enseigné en plénitude; et ainsi ce que les Apôtres seuls n’avaient pu porter est mainte­ nant porté solidairement par toute l’Église répandue dans l’univers. L’Esprit-Saint, je le répète, est donc venu, selon la promesse, pour enseigner alors, aujourd’hui et toujours toute la vérité, il a assisté aux conciles des saints Pères et les a présidés comme docteur universel; il a enseigné la foi en la Sainte Trinité que nous professons, en évitant et l’impiété d* Arius qui divisait la substance divine et l’impiété de Sabellius qui confondait les personnes; il a progressivement livré la vérité tout entière; il a établi les sacrements de l’Église; il a réglé selon de sages dis­ positions la forme du baptême qu’avait institué le Seigneur; il a déterminé le rite en usage dans la sainte Église pour la consécration du corps et du ΙΟί DIALOGUES. LIVRE ! et diu usitata religione satiatos fideles aliquo novae religionis exordio renovare, ut, cum viderint alios magis ac magia in altiorem religionis arcem conscendere, novis exemplis fortius excitentur, et relicta pigritia et amore saeculi quo tenebantur, alacriter et sine formidine, quod perfectum est apprehendant et imitentur. Nam insolita et inusitata magis solent mirari omnes, quam solita et usitata. El fit mira Dei dispensatione, quod a generatione in 1157 B generationem succrescente semper nova religione, renovatur ut aquilae juventus Ecclesiae, quo et sublimius in contem­ platione volare queat, et subtilius quasi irreverberatis oculis radios veri solis contueri valeat. Proinde putasne fieri posse, ut in tanta turba bonorum nullum inveniatur scandalum in falsis fratribus? Utinam ita esset, utinam vere ita esset! Sed ego timeo, nequaquam securus sum. Cum enim audio Dominum dicentem in sang du Seigneur; il a instauré les patriarches, les métropolites, tes arche­ vêques. tes évêques, tes prêtres, les diacres et les autres ordres ecclésias­ tiques inférieurs, en vue du ministère divin, pour la beauté de la maison de Dieu; il a distingué, selon un ordre très sacré et excellent, les onctions chrismates, ainsi que le sacrement de Pénitence et les impositions des mains; il a développé les solennités de la messe cl les autres ollices divins à la louange de Dieu. Se servant dos docteurs catholiques comme do ses instruments, il nous a ouvert tes saintes Écritures de l’Ancien et du Nou­ veau Testament répandant comme une pluie au-dehors; il nous a fait connaître aussi les secrets divins mystérieusement scellés dans les divines Écritures, en nous y introduisant par une inspiration familière, qui était comme une rosée intérieure. Il a anéanti puissamment, lui qui est la force du Très-Haut, les hérésies qui s’élevaient au cours des âges. 11 a dicté par les hommes apostoliques les lois ecclésiastiques pour la conservation de la religion chrétienne. Bref, il a instruit l’Église entière par une sainte éducation; il lui a enseigné progressivement toute la vérité; il l’a éclairée «le la lumière de la vraie science, il l’éclaire encore et il l’éclairera toujours. Car telle est la promesse de Dieu qui ne trompe pas ; « Et je vous donnerai l’Esprit, pour qu’il demeure avec vous à jamais. » El encore : « Voici que tous les jours jusqu’à la fin des siècles, je suis avec vous », c’est-à-dire en faisant habiter en vous la grâce du Saint-Esprit. » (1201-1202). On peut estimer que, dans ce texte, la distinction entre « révélation » et * assis­ tance · n’est pas formulée d’une manière assez précise. Chez les auteurs CHAPITRE X (1157 Λ — 1157 1J.I 105 forme de vie religieuse, les âmes humaines sommeillantes et les fidèles saturés par une religion longtemps en usage; de manière qu’en voyant d’autres monter toujours vers un plus haut sommet de vie religieuse, ils soient stimulés plus vigoureusement par des exemples nouveaux et que renon­ çant à la paresse et à l’amour du siècle, dont ils étaient prisonniers, ils saisissent et imitent ce qui est parfait. Car l’extraordinaire et l’inhabituel fait en général plus d’impression que l’ordinaire et l’habituel. Et il advient, par un merveilleux dessein de Dieu, que d’une génération à l’autre, toujours naît une nouvelle forme 1157 B de vie religieuse et qu’ainsi la jeunesse de l’Église se renou­ velle comme celle de l’aigle *, afin qu’elle puisse s’élever d’une manière plus sublime dans la contemplation et avoir la force de fixer, pour ainsi dire sans être éblouie, les rayons du soleil véritable. Dès lors, estimez-vous possible que dans une telle multi­ tude de justes il ne se rencontre aucun scandale de la part des faux frères? Ah! Plût à Dieu, oui, plût à Dieu qu’il en fût ainsi! Mais, pour moi, j’éprouve crainte et inquiétude. du Moyen Age, qui s'inspirent du vocabulaire auguslinion, le mot «revelare» a un sens assez large et non pas le sens théologique restreint de révéla­ tion faite par le Christ aux apôtres. Cf. J. de Giiellinck, « Pour l'histoire du mot revelare », Recherches de science religieuse, VI, 1916, p. 149-157. Mémo remarque pour le sens du terme « inspiratio ». Voir Y. Concar, La tradition et les traditions, Essai historique, p. 151-164; Essai théologique, p. 101-109. Toujours est-il que, dans ce passage, Anselme pose do manière remarquable le principe du développement (dogmatique, disciplinaire, liturgique). D’autre part, en insistant, ici et ailleurs, sur la «dépendance» du Saint-Esprit par rapport au Fils, il exclut catégoriquement une révé­ lation et un règne de ('Esprit, qui remplaceraient la révélation et le règne du Christ. Cf. H. de Lubac, Exégise médiévale, II, 1, p. 550-552. C'est dans celte perspective qu’il faut comprendre l’expression « auctor et doctor veritatis », appliquée au Saint-Esprit. H est non pas principe premier de la vérité (ce qui est la prérogative du Père), mais principe et garant de la vérité qu’il communique aux hommes, étant « la bouche du Fils ». 1. Cf. Ps. 102, 5. 106 DIALOGUES. LIVRE I Evangelio : Nonne ego vos elegi duodecim, et unus ex vobis diabolus est? Cum, inquam, hoc audio, valde pertimesco; attendens si in apostolorum collegio, qui pauci erant, et quos ipse Dominus elegerat, non defuit diabolus, quomodo putandum est in tanta bonorum turba deessc falsos fratres, 1157 C qui utique sunt membra diaboli? Nam et pseudoprophetae fuere et pseudoapostoli fuere. Ne igitur miremur, si nobiscum et inter nos sunt falsi fratres; sed eos in caritate toleremus, et ut, deposita simulatione, veri fiant, orantes exspectemus. Simul in una sagena sumus; sed reducti ad littus, non simul in vasis sanctorum colligemur. Simul in uno agro crescimus, sed tempore messis non simul in uno horreo colligemur. Ipsi enim nobiscum, et nos cum ipsis, licet diversis viis, diversa intentione simul curremus, donec finiatur iste quartus status Ecclesiae, et sancti sequantur Agnum quocum­ que ierit; illi vero portantes nomen pallidi et mortis, in inferno sepeliantur. t. Jn 6, 71. 2. Que lo diable soit « lo chef », « la têto * des pécheurs, l’idée se trouve chez OriGÔNE, In Ep. ad Rom. 5, 9 (14, 1946); et chez S. Augustin, In Ps. 139, 7 cl 8 (37, 180). Elle est exprimée plus fré­ quemment et plus explicitement par S. GnècotRR le Grand : le diable est leur tête, Moral. 4, 11 (75, 647); les pécheurs sont ses membres. Id. 3. 15 (614); ses dents et ses yeux, ld. 13, 10 (1023); sa bouche, ld. 13, 11 (1024); son corps, Id. 13,24 (1034),etc. S. Thomas se contentera d’expliquer en quel sons on peut dire que le diable est « caput malorum », à cause de l’influence qu’il exerce sur eux; S. th. 3, q. 8, art. 7. CHAPITRE X (1157 B - 1157 C) 107 Car lorsque j’entends le Seigneur dire dans l’Évangile : « Ne vous ai-je pas choisi douze? Et l’un de vous est un démon1 », oui, lorsque j’entends cette parole, je suis gran­ dement terrifié; je me dis que si dans le collège des Apôtres, qui était un petit groupe et que le Seigneur avait lui-même choisi, le diable n’a pas été absent, comment penser que dans une si grande multitude de justes manquent les faux frères, qui sont assurément les membres du diable2? Car 1157 C il a existé de pseudo-prophètes et de pseudo-apôtres. N’allons donc pas nous étonner qu’avec nous et au milieu de nous il y ait de faux frères; mais supportons-les avec charité et attendons dans la prière qu’ils renoncent à leur simulation et qu’ils deviennent vrais3. Nous sommes ensemble dans un seul filet; mais une fois ramenés au rivage, nous ne serons pas recueillis ensemble dans les paniers destinés aux saints. Nous croissons ensemble dans un seul champ; mais au temps de la moisson, nous ne serons pas recueillis ensem­ ble dans un seul grenier 4. Eux avec nous et nous avec eux nous courrons ensemble, bien que par des chemins diffé­ rents et avec des intentions différentes, jusqu’à ce que, à la fin de ce quatrième état de l’Église, les saints suivent ΓAgneau partout où il ira 5 et que ceux qui portent le nom de la pâleur et de la mort soient ensevelis en enfer. 3. Cf. I Pierre 2, 1. 4. Cf. Malih. 13, 30. 5. CL Apoc. 14, 4. DIALOGUES. LIVRE 1 108 1157 D CAPITULUM XI Quod In quinto statu Ecclesiae animae sanctorum sub altare Dei clamant : « Usquequo, Domine, sanctus et verus, non vindicas sanguinem nostrum de his qui habitant in terra », etc. Et cum aperuisset sigillum quintum, vidi subtus altare animas interfectorum propter verbum Dei, et propter testimo­ nium quod habebant, et clamabant voce magna, dicentes : Usque· quo, Domine, sanctus et verus, non vindicas sanguinem nostrum de his qui habitant in terra? Et datae sunt illis singulae stolae albae, et dictum est illis, ut requiescerent tempus adhuc modicum, donec impleantur conservi eorum et fratres eorum qui interficiendi sunt sicut et illi. Iste est quin­ ti 58 A tus status Ecclesiae. Laboravit Ecclesia in persecutione, et crevit in patientia : laboravit in haereticorum subtili fallacia, et crevit in sapientia : laboravit in falsis fratribus et hypo­ critis, et crevit in tolerantia. Nunc autem animae sanctorum, quae subtus altare, qui est Christus, fuso sanguine meruerunt jam requiescere, videntes tam infinitas laborantis Ecclesiae miserias, magna quasi compassionis voce pro ea clamant : Usquequo, Domine, non vindicas sanguinem nostrum, et caetera quae ibi sequuntur, pertinentia ad quintum statum Ecclesiae. 1. Apoc. G, 9-11. CHAPITRE XI {1157 D - 1158 A) 10!) CHAPITRE XI 1157 D Dans le cinquième état de l’Église, les âmes des saints, sous l’autel de Dieu, clament : « Jusques à quand, Seigneur saint et véritable, attendrez-vous pour venger notre sang sur les habitants de la terre?... » « Et à l’ouverture du cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils devaient rendre; et ils criaient d’une voix forte : ‘Jusques à quand, Seigneur, saint et véritable, ne vengez-vous pas notre sang sur les habitants de la terre?’ Alors on leur donna à chacun une robe blanche; et on leur dit de se tenir en repos encore un peu de temps, jusqu’à ce que fût complet le nombre de leurs compagnons de service et de leurs frères, qui devaient être comme eux mis à mort \ » C’est le cinquième état de l’Église. L’Église a été éprouvée par la persécution et elle 1158 Λ a progressé en endurance; elle a été éprouvée par la faus­ seté subtile des hérétiques et elle a progressé en sagesse; elle a été éprouvée par les faux frères et les hypocrites et elle a progressé en patience. Or maintenant, sous l’autel qui est le Christ, les âmes des saints qui ont, par l’effusion de leur sang, mérité le repos, à la vue des misères sans fin de l’Église dans l’épreuve, clament en sa faveur, comme d’une grande voix compatissante : «Jusques à quand...» et le reste du passage qui se rapporte au cinquième état de l’Église. DIALOGUES. LIVRE I fio CAPITULUM XII Quod in sexto statu Ecclesiae, facto terraemotu magno, validissima persecutio futura est tempore Antichristi. El cum aperuisset sigillum sextum, terraemotus factus est magnus. Iste sextus est Ecclesiae status, in quo nimirum terraemotus factus est magnus, quae est validissima perse­ cutio, quae futura est temporibus Antichristi. Et vere magna, quia sicut dicit Dominus : Talis erit tunc tribulatio, qualis non fuit, ex quo gentes esse coeperunt. In aliis enim persecutionum temporibus, licet contra Christianum nomen mulla genera tormentorum pararentur, tamen fides recta et indubitata tenebatur; hic vero et tormenta proponuntur, et fides falsa sub nomine Christi persuadetur. Dicitur enim : Ecce Christus hic, ecce Christus illic. Et erit tribulatio, qualis non fuitt non solum persecutionis quantitate, verum etiam fidei subver1158 C sione, nescientibus hominibus, quid vel credere, vel tenere debeant. Sol factus est niger tamquam saccus cilicinus, quia sol justitiae Christus et nomen Christianum tunc erit in abjectione et in contemptibili et obscura nigredine, et tam ipse Christus quam Christiani erunt viles et abjecti in oculis Antichristi et suorum : sicut saccus cilicinus, qui omnium vestium est vilissimus. Luna tota facta est sicut sanguis, quia in omnibus mundi partibus persecutio sanguinis grassabitur contra Ecclesiam, quam hina modo crescens, modo decrescens, aperte significat. Et stellae coeli ceciderunt 1158 B 1. 2. 3. 4. 5. Apoc. 6, 12. Mc 13, 19. Matlh. 24, 23; 24, 21. Apoc. 6, 12. Apoc. 6, 12. CHAPITRE XII (1158 A — 1158 C) 111 CHAPITRE XII Dans le sixième état de l’Églisc, se produit un terrible tremblement de terre et une persécution très violente, qui aura lieu au temps de l’Antéchrist. « Et à l’ouverture du sixième sceau, se produisit un terrible 1158 B tremblement de terre » C’est le sixième état de l’Église, où se produit un terrible tremblement de terre, c’est-à-dire la persécution très violente, qui aura lieu au temps de l’Antéchrist. Très violente en vérité, car, selon la parole, « alors il y aura une tribulation, comme il n’y en a pas eu depuis l’origine des nations2 ». En effet, aux autres époques de persécutions, on organisait bien contre le nom chrétien de multiples espèces de tortures, mais cependant la foi tenait bon, dans sa rectitude inébranlable; tandis que là, en même temps, on étale les tortures et on propose au nom du Christ une foi erronée. Il est dit en effet : « Voici que le Christ est ici, voici qu’il est là. Et il y aura une tribulation, comme il n’y en a eu jamais 3 », non seulement par le poids accablant de la persécution, mais aussi par la subversion de la foi, les 1158 C hommes ne sachant plus ce qu’ils doivent croire ou tenir. « Le soleil est devenu noir 1 », comme un sac de poils de chèvre, parce que le soleil de justice qui est· le Christ et le nom chrétien seront alors dans l’abjection, dans la noirceur méprisable et obscure et parce que le Christ lui-même aussi bien que les chrétiens seront vils et abjects aux yeux de l’Anté­ christ et des siens, tel le sac de poils de chèvre, qui de tous les vêtement-s est le plus méprisable. « La lune est devenue tout entière du sang 5 », parce que dans toutes les parties du monde la persécution se déchaînera contre l’Église, clairement symbolisée par la lune, tantôt croissante, tantôt 112 DIALOGUES. LIVRE I super terram. Stellae coeli, id est sancti qui in firmamenti) Ecclesiae tamquam doctores lucere videbantur, sub illa 1158 I) validissima persecutione recedentes a fide in terram cadent, quia terrenis delectationibus inhaerebunt, et ex ipso amore terreno ad iniquitatem ruent. Unde subditur : Sicut ficus mittit grossos suos, cum a vento magno movetur. Licet ficus in Evangelic significet Synagogam, specialiter hic omnem Ecclesiam significat, de qua tunc cadent qui infructuosi fuerant et a bonis operibus vacui. Grossus enim appellantur fructus primi temporis, qui, antequam veniant ad matu­ ritatem, vento concussi cadunt in terram; ita et illi qui necdum venerunt ad maturitatem bonorum operum, et vacui sunt, concussi sunt a vento, id est extrema perse­ cutione; et decident in terram, hoc est in terrenas delecta­ ti 59 A tiones. Qui ventus bene magnus dicitur, quia, ut supra dictum est, persecutio etiam electos occupabit. Et coelum recessit quasi liber involutus. Coelum, id est Ecclesia in qua celantur ecclesiastica sacramenta involuta et clausa, rece­ dent ab usu Christianorum, et abscondentur a publico et solemni ritu. Arescentibus hominibus prae timore Anti­ christ), et exspectatione eorum, quae supervenient universo orbi. Et quis poterit stare? et caetera quae in illo sexto statu Ecclesiae inveniuntur. 1. Apoc. 6, 13. 2. Apoc. 6, 13. 3. Le liguicr stérile représente les Juifs, eton particulier les pharisiens. CL saint Augustin, In ps. 31, 9 (36, 264), que suivent saint Grégoire i.E Grand, Épilres, 1. X, ip. 39 (77,1097); et saint Bî:dk, In Luc. ecang., 1. IV, ch. xm (92, 503). Ailleurs saint Grégoire voit dans le figuier les chrétiens mauvais ou insuffisants, Inlibr. I Regum, 1. 1,5 (79, 51), Pastoral, 3e partie, ch. xxi (77, 87); ou bien le genre humain qui, à toutes les épo­ ques, a déçu l’attente de Dieu, In Êoangelia, I. II, hoin. 31 (76, 12281229); cf. Bêde, loc. cil. CHAPITRE XII (1158 G - lt.Vj \| 113 décroissante. « Et les étoiles du ciel sont tombées à terre1. » Les étoiles du ciel, c’est-à-dire les saints qui, au firmament de l’Église, semblaient resplendir comme docteurs, sous les coups 1158 I.) de cette terrible persécution, renonçant à la foi, tomberont à terre, parce qu’ils s’attacheront aux délectations terrestres et que l’amour terrestre lui-même les fera se ruer à l’ini­ quité. De là ce qui suit : π Comme le figuier perd ses figues vertes, lorsqu'il est secoué par un vent violent2. » Bien que dans l’Évangile le figuier désigne la Synagogue, ici, dans un sens particulier, il désigne l’Église entière, dans laquelle tomberont alors ceux qui seront stériles et vides de bonnes œuvres3. Car on appelle figues vertes les fruits précoces qui, avant d’arriver à maturité, sous la poussée du vent, tombent à terre; de même ceux qui ne sont pas arrivés à la maturité des bonnes œuvres et sont vides sont secoués par le vent, c’est-à-dire par la persécution extrême. Et ils tom­ beront à terre, c’est-à-dire dans les délectations terrestres. 1159 Λ Et ce vent est avec raison qualifié de violent, car, comme on l’a dit, la persécution s’en prendra même aux élus. « Et le ciel s’est retiré comme un livre roulé ■*. » Le ciel, c’est-à-dire l’Église qui renferme les sacrements ecclésiastiques enve­ loppés et enclos; ils seront retirés de l’usage des chrétiens, ils disparaîtront de la célébration publique et solennelle. « Les hommes se desséchant dans la peur5 de l’Antéchrist et dans l’attente de ce qui doit advenir à l’univers qui donc pourra subsister6? » et le reste du passage qui se rapporte à ce sixième état de l’Église. ». Apoc. A, 14. 5. Cf. Le 21. 26. 6. Apoc. 6. 17. Ili DIALOGUES- LIVRE-1 CAPITULUM XIII Quod in septimo statu Ecclesiae post multas tribulationes futurum est silentium magnum, et Instaurabitur octava infinitae beatltudinis : et ita Ecclesia Dei, quae est una in fide, una epe 1159 B una caritate, multiformis est diversorum statuum varietate. Et cum aperuisset sigillum septimum, factum est silentium in coela, quasi media hora. Sigillum septimum, septimus Ec­ clesiae status est, in quo futurum est silentium, quia post tribulationes Ecclesiae, quae in multa tristitia parturivit filios Dei, post judicium quod erit in adventu Filii Dei, in momento, in ictu oculi, omnibus jam consummatis, silentium divinae contemplationis erit, annus jubilaeus instaurabitur, octava infinitae beatltudinis celebrabitur; Sancta Sanctorum, sublato jam legis velo, fidelibus aperientur; Cantica can­ ticorum ante thronum Dei et Agni infinita laetitia canta­ buntur; dies solemnis usque ad cornu altaris, id est usque 1159 C ad summam contemplationis arcem, in condensis seu in frequentationibus constituetur; omnium figurarum et sacra­ mentorum, quae ab initio saeculi in diversis temporibus fuerunt, veritas revelabitur, et universa per ipsum et cum ipso consummabuntur. Sed quod silentium factum dicitur media hora, hoc profecto puto significari quod, licet omnes electi Deum in sua gloria contemplentur, tamen nulli creaturae concedendum putatur, ut plenam divinae substan1. 2. 3. i. 5. Apoc. 8, i. Cf. I Cor. 15, 52. Jubilaeus : cf. Ltv. 25, etc. Octava ; cf. Nombr. 29, 35. Cf. II Cor. 3, 16-18. CHAPITRE Xll! (1159 Λ — 1159 C) 115 CHAPITRE XIII Dans le septième état de ('Église, il y aura un grand silence; et s’instaurera l’octave de la béatitude infinie. Ainsi ('Église, qui est une dans la foi, une par l’espérance, une par la charité, est multiforme par la variété de ses divers états. 1159 B « Et à l’ouverture du septième sceau, le silence se fit dans le ciel durant une demi-heure environ *. » Le septième sceau est le septième état de l’Église, pendant lequel se fera le silence. Car après les tribulations de ΓÉglise, qui dans une grande douleur aura enfanté les fils de Dieu, après le jugement qui se tiendra ù la venue du Fils de Dieu, en un instant, en un clin d’œil2, tout étant alors consommé, ce sera le silence de la contemplation divine, l’instauration de l’année jubilaire 3, la célébration de l’octave1 de la béatitude infinie5; le Saint des Saints, le voile de la Loi étant désormais enlevé, sera ouvert aux fidèles; le cantique des cantiques sera chanté devant le trône de Dieu et de Γ Agneau ·, dans une joie infinie; « on solennisera la fête jusqu’à la corne de l’autel7 », c’est-à-dire jusqu’au dernier sommet de la contemplation, « parmi les rameaux », c’est-à-dire au milieu des foules; de toutes les 1159 C figures et mystères, qui ont existé depuis le commencement des siècles, la vérité sera dévoilée, et par ce silence, dans ce silence, ce sera la consommation de tout. Quant à ce silence, dont on dit qu'il a duré une demi-heure, voici, je crois, ce qu'il signifie : bien que tous les élus contemplent Dieu dans sa gloire, il ne doit être concédé à aucune créature d’avoir, G. Cf. Apoc. 5, 8 s. 7. Cf. Ps. 117, 27. 116 DIALOGUES. LIVRE I tiae. sicuti est, aliqua scientia comprehendat, seu visione cognoscat. Ipse enim incomprehensibilis est, et inhabitat lucem omni rationali creaturae, tam homini quam angelo, inaccessibilem. Recte ergo media et non integra hora dicitur, quia licet ad sufficientem beatitudinem, tamen ad integram 1160 A ipsius Dei cognitionem, qua immensa divinitas comprehen­ datur, nulli pertingere conceditur. Itaque nemo miretur, neque causetur Ecclesiam Dei ab invariabili Deo variis legibus et observationibus ante legem, et sub lege, et sub gratia distinctam, quia oportebat ut secundum processum temporum crescerent signa spiri­ tualium gratiarum, quae magis ac magis ipsam veritatem declararent, et sic cum effectu salutis incrementum acciperet de tempore in tempus cognitio veritatis : et ita primo quidem bona, deinde meliora, ad ultimum vero optima proposita sunt. Facta est autem haec varietas * non propter invariabilis Dei, qui semper idem est, et cujus anni non deficient, 1160 B mutabilitatem, sed propter humani generis variabilem infirmitatem, et temporalem mutationem de generatione in generationem. Nempe una est electorum Ecclesia, uni Deo obnoxia : una est fide, qua ea quae credenda sunt, tam de praeteritis quam de futuris, fideliter credit; et una est spe, qua ea quae fidelibus speranda sunt, longanimiter sperat; et est una caritate qua Deum, et in Deo proximum diligit, et cujus latitudine ad inimicos etiam propter Deum se extendit. Est ergo gloria filiae Regis, quae est Ecclesia, ab intus fidei decore, et testimonio purae conscientiae, sed in fimbriis aureis circuntamida varietate diversarum religionum ct actionum, et 1160 C est currus Dei decem millibus multiplex millia laetantium. • Haec varietas. Ita profecto Anseimus scripsit, non ut Acherius edi­ derat, haec veritas. 1. Cf. 1 Tïm. 6. 16. 2. Ps. 101, 28. 3. Ps. 44, 14. 4. Ps. 67, 18. CHAPITRE ΧΙΠ (1159 C — 1160 C) 117 par science ou vision, une pleine compréhension de La substance divine telle qu’elle est. Car lui-même est incom­ préhensible et habite une lumière inaccessible1 à toute créature, homme ou ange. C’est donc très justement qu'on parle d’une demi-heure, non d’une heure entière, car bien qu’on parvienne à une béatitude rassasiante, il n’est donné à personne de parvenir à cette connaissance intégrale de 1160 A Dieu lui-même qui comprendrait l’immensité divine. Ainsi donc, que personne ne s’étonne et ne chicane si ce Dieu sans variations a, par une variété de lois et d’obser­ vances, distingué les états de l’Église de Dieu, avant la Loi, sous la Loi, sous la grâce. Car il fallait, dans la succession des ages, un développement dans les signes des grâces spiri­ tuelles, pour que de plus en plus fut manifestée la vérité elle-même et qu’ainsi augmentât de siècle en siècle la connaissance de la vérité et ses effets salutaires. On a donc proposé d’abord le bon, puis le meilleur, enfin l’excellent. Cette variété s’explique, non par une mutabilité en Dieu, qui est immuable, qui « est toujours le même et dont les années sont, sans défaillance2 », mais à raison de la faiblesse 1160 B humaine, toujours variable et à cause des mutations tem­ porelles de génération en génération. Oui, il y a une seule Église des élus, dépendant d’un seul Dieu : elle est une par la foi, qui lui fait croire fidèlement ce qu’on doit croire tant sur le passé que sur l’avenir; elle est une par l'espérance, qui lui fait espérer patiemment ce que les fidèles doivent espérer; elle est une par la charité, qui lui fait aimer Dieu et en Dieu ie prochain, et dont l’amplitude s’étend même jusqu’aux ennemis, â cause de Dieu. La gloire de la fille du Roi qui est l’Église est donc inté­ rieure, par la beauté de la foi et le témoignage d’une cons­ cience pure, mais elle est « parée de la variété des franges d’or3 », la variété des vies religieuses et des œuvres; elle est « le char de Dieu, avec les milliers et les milliers qui sont 1160 C dans l’allégresse 4 ». 118 DIALOGUES. LIVRE 1 Ideoque jam deinceps nullus fidelis suspicetur in hoc esse aliquod scandalum, si Ecclesiae cujus semper est eadem fides credendi, non semper est eadem forma vivendi. Sed jam nunc sufficiat respondisse eis qui calumniantur tot varietates in Ecclesia sancta. Quod si ipsi habeant sinistre, sed pias suscipere valuerint responsiones ad eorum quaestio­ nes, spero nullum eis dc caetero scandalum posse obvenire, unde ipsi aut aliquam speciem religionis contemnant, aut pedem suum ab aliqua societate religionis abstrahere debeant, si tamen ipsi voluerint, et Deus qui omnia ad seipsum trahit, hoc eis praestare voluerit. Explicit liber primus. CHAPITRE XIII (11G0 Cj 119 Ainsi donc que désormais aucun fidèle n’imagine le moindre scandale en ce que l’Église, qui garde toujours la même foi, n’a pas toujours la même manière de vivre. Mais tenons-nous-en là dans notre réponse à ceux qui attaquent le grand nombre de diversités dans la sainte Église. A supposer qu’ils les voient, d’un mauvais œil, s’ils veulent bien accueillir nos honnêtes réponses à leurs ques­ tions, j’espère que maintenant ils ne pourront plus trouver de scandale qui leur fasse mépriser telle forme de vie reli­ gieuse ou se détourner de telle communauté religieuse, à condition toutefois qu’ils le veuillent eux-mêmes et que Dieu, qui attire tout à lui, veuille leur en faire la grâce. Fin du livre premier. APPENDICE r QUELQUES TEXTES DES PÈRES SUR « L'ÉGLISE AU COURS DES SIÈCLES » UNE SEULE ÉGLISE DANS TOUTE L’HISTOIRE HUMAINE Une première idée patristique d’importance capitale est qu’il n’y a qu’une seule Église depuis la Création jusqu’à la Parousie. L’Église du Christ commence au juste Abel et continue jusqu’à ce dernier élu qui vivra au dernier instant do l’histoire humaine. C’est précisément le thème repris par Anselme tout au long de son Dialogue *. Les anciens écrivains avaient parlé volontiers d’une mystérieuse priorité de l’Église dans la pensée divine. Selon Hermas φ l’Église a été créée la première avant toute chose », car ♦ le monde a été fait pour elle », Pasteur, Vision 2, 4,1 (2, 898-899 — £ C 53, p. 96). Et suivant la belle formule de Clément d’ALBXANDRiE * de même que la volonté de Dieu est un acte qui s’appelle le monde, ainsi son intention est le salut de l’homme et elle s’appelle l’Église », Pédagogue, 1, 6, 27, 2 (8, 281 — S C 70, p. 160). Oricéne expliquait que l’Église préexiste d’une certaine manière à la création : o Ne croyez pas que l’Épouse (du Cantique) ou l’Église n’existe que depuis la venue du Sauveur dans la chair; 1. Sur ce sujet, on pourra consulter : Thomassin, Dogmata theologica, De adventu Christi (éd. Vivès, 1870, I. VI, p. 476-681). Y. Congaii, « Ecclesia ab Abel », dans Abhandlungen über Théologie und Kirehe, Festschrift für Karl Adam (1952), p. 79-108. L. Catêran, Le problème du salut des infidèles, Essai historique, nouvelle édition, Paris 193«. H. de Lubac, Meditation sur l'Église, Paris 1953, chap, π « Les di­ mensions du mystère », p. 47-56. A. Luneau, L'histoire du salut chez les Pères de l’Église. La doctrine des âges du monde. Paris 1964. Sur la continuation et l'interprétation do la pensée des Pères au Moyen Age: H. db Lubac, Exégèse médiévale, passim; on particulier, II, 1 (Paris 1961), chap. IV, p. 339-359. 12’. APPENDICE elle existe depuis le commencement du genre humain; et même depuis la création du monde; et même, au témoignage de saint Paul, dès avant la création du monde; car l’Apôtre dit : ‘Comme il nous a choisis dans le Christ avant la création du monde, pour que nous soyons saints et immaculés devant lui, nous prédestinant dans l’amour à l’adoption filiale...’. Et il est écrit dans les Psaumes: ‘Souvenez-vous, Seigneur, de votre Église que vous avez rassem­ blée dès le commencement.’ Les premières fondations de l’assem­ blée de l’Église ont donc été posées dès le commencement. C’est pourquoi l’Apôtre dit que l’Église est fondée non seulement sur les apôtres, mais sur les prophètes; et Adam lui-même est compté parmi les prophètes.» In Cant. Il, éd. Baehrens, t. III, p. 157 : texte cité par G. Bardy, Ι,α théologie de V Église, p. 146 et par H. de Lubac, Méditation sur V Église, p. 51-52. S. Ambroise affirme catégoriquement que » le peuple chrétien a commencé avant que ne commençât le peuple juif », De Sacram. 4, 3 (16, 438 — SC 25, p. 106). Et il exprime à plusieurs reprises l’idée que les mystères chrétiens, baptême et eucharistie, sont non seulement plus « divins », mais plus « anciens » que la liturgie d’Israël. De myster. 8, 44-45 (16, 404 — SC 25, p. 180) ; De sacrant. 4,3 (16, 437-439 —.SC 25, p. 80-81); 1, 4 et 6 (16, 420; 424 — SC 25, p. 57, 61). Eusèhe veut montrer, dans un raccourci historique que la religion chrétienne, en un certain sens, n’est pas une « nouveauté »; et il déclare : » Tous ceux dont la justice est attestée, depuis Abraham lui-même en remontant jusqu’au premier homme, on pourrait, sans outrepasser la vérité, les qualifier de chrétiens, par leurs actions s’ils ne le sont pas de nom. » Hist. eccl. 1, 4 (20, 76-80 — SC 31, p. 18-20). S. Augustin, revenant sur un texte du De vera religione, où il avait dit : « De notre temps, Je christianisme est la vraie reli­ gion » 10,19 (34, 131), l’explique, dans les Rétractations, en posant le principe général : o Ce qui se nomme aujourd’hui religion chrétienne existait dans l’antiquité; et sans aucune solution de continuité depuis l'origine du genre humain jusqu'au moment où le Christ vint lui-même dans la chair. Alors la vraie religion, qui existait déjà, a commencé à s’appeler chrétienne. J’ai dit : ‘De notre temps, c’est la religion chrétienne’, non point qu’elle n’existât pas antérieurement, mais parce que c’est ensuite qu’elle a pris ce nom. » Retract. 1, 13, 3 (32, 603). Citons encore ce texte de S. Augustin : » L’Église qui a enfanté Abel, Hénoch, Noé, Abraham est celle qui a enfanté Moïse et les prophètes qui ensuite ont précédé l’avènement du .Seigneur. El. c’est elle qui, les ayant enfantés, a aussi enfanté les Apôtres et APPENDICE 125 nos martyrs et tous les bons chrétiens. Car tous, bien que nés et apparus en différents siècles, font partie du mémo peuple. » De bapt. contra Donat. 1,16, 25 (43,123). Cf. encore In ps. 36, serm. 3, n. 4 (36, 385). Saint Grégoire le Grand expose la même doctrine : « En vérité c'est à partir du sang d’Abel qu’a commencé la Passion de l’Église. Et les élus qui précèdent ou suivent la venue du Christ forment une seule Église. Et toutefois il est dit aux disciples : ‘Beaucoup de rois et de prophètes ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu.’ Les anciens Pères sont, pour ainsi dire, restés dehors, en ce sens qu’ils n’ont pas contemplé notre Rédempteur dans sa présence physique. Ils étaient donc au dehors, mais non pas séparés de l’Église... Car de même que nous sommes sauvés, nous, en la souffrance passée de notre Rédempteur, ainsi eux ont-ils été sauvés par la foi en cette mémo souffrance à venir. Ainsi étaient-ils dehors, en dehors de la chronologic mais non pas certes en dehors du mystère. » In Ezech. 2, 3, 16 (76, 966). Saint Grégoire, dans un autre très beau texte (où il fait mention d’Abel), affirme que tous les saints martyrs sont membres du Christ, .Moral. 3, 32 (75, 616). OCCASIONS QUI ONT DONNÉ LIEU A L’EXPOSÉ DE CETTE DOCTRINE Comme il est arrivé bien souvent dans le développement doc­ trinal, les Pères ont été amenés à exposer ce grand thème par les nécessités de la controverse, il s’agissait pour eux, notam­ ment, de lutter contre les systèmes marcionites, manichéens ou similaires, qui rejetaient l’Ancien Testament et attribuaient l’existence du monde matériel à un principe mauvais. Contre ces erreurs ils maintiennent avec vigueur que l’univers tout entier est l’œuvre du vrai Dieu; et que Dieu est l’auteur de l’Ancien aussi bien que du Nouveau Testament. « Les deux Testaments, disait déjà saint Irénée, ont été établis par un seul et même père de famille, Notre-Seigneur Jésus-Christ, lui qui s’est entre­ tenu avec Abraham et avec Moïse et qui, en ces derniers jours, nous a rendu la liberté. ».4dv. Haer. 4,9,1 (7, 997 — SC 100, p. 480). Et saint Jérome commentait ainsi le texte paulinien sur l’héri­ tier, qui, dans son enfance, est soumis aux tuteurs : o Cet héritier encore enfant... désigne tout le genre humain jusqu’à la venue du Christ, je dirai même jusqu’à la consommation du monde. De même en effet que tous, en Adam, le premier père, meurent dès avant leur naissance, de même aussi tous ceux qui sont nés 126 APPENDICE an té rie ii rem ent à la venue du Christ sont vivifiés dans le second Adam. Ainsi nous-mêmes, dans nos pères, avons-nous servi sous la Loi; et eux, dans leurs fils, sont sauvés par la grâce. C’est la pensée de l’Église catholique, qui affirme que ΓAncien et le Nouveau Testaments relèvent d’une seule Providence et pour laquelle le temps ne sépare pas ceux qu'a unis une même condi­ tion créée. Tous nous sommes édifiés sur le fondement des apôtres et des prophètes, maintenus par la pierre angulaire, Jésus-Christ Notre-Seigneur, qui des deux peuples n’en a fait qu’un et, ren­ versant le mur de séparation, a détruit dans sa chair l’inimitié des deux peuples. » Àd Ga lut. 2, 4 (26, 370). Aux Juifs les Pères devaient montrer que le Nouveau Testa­ ment est l'achèvement de l*Ancien, et non pas sa destruction, qui entraînerait la ruine du culte du vrai Dieu. C’est le principe essen­ tiel, affirmé par saint Augustin : « Qu’est-ce que l'Ancien Tes­ tament, sinon l’occultation du Nouveau? Et qu’est-ce que le Nouveau, sinon la révélation de l’Ancien? » Civ. Dei, 16, 26, 2 (41, 505). Par ailleurs, ils avaient à répondre aux objections des penseurs païens, s’étonnant que le salut, déclaré nécessaire à l’humanité, ait apparu si tardivement et dans un coin du monde. C’était la difficulté de Julien l’Apostat, au témoignage de saint Cyrille, Contra Julian. 3 (76, 652). C’était la difficulté de Porphyre, que rapporte saint Augustin : « Si le Christ se proclame la route du salut, la grace, la vérité, s’il exige la foi en lui comme l’unique possibilité do retour, qu’en est-il des hommes de tant de siècles, qui ont précédé le Christ? Que fait-on de ces âmes innombrables, qui n’ont eu aucune culpabilité, puisque celui auquel on pourrait croire n’avait pas encore accordé aux hommes le bienfait de sa venue?... Qu’on ne dise pas que l’antique loi judaïque prenait en charge le genre humain : c’est bien tardivement qu’a paru la loi juive; et elle a été florissante dans une région étroite de la Syrie; ensuite elle s’est infiltrée en Italie, mais après Caius César, tout au plus sous son règne. Or donc, quel a été, à Rome ou dans les pays latins, jusqu’au temps de César, le sort de ces âmes, privées de la grâce du Christ, qui n’était pas encore apparu? » Ep. 102, 2, 8 (33, 373). LE CHRISTIANISME AVANT LE CHRISTIANISME Pour répondre à ces difficultés il faut admettre une action du Christ Sauveur avant l’apparition du Christ Sauveur; il faut admettre une préhistoire de l’Église, une Église avant l’Église, APPENDICE 127 un christianisme avant Je christianisme. Les Pères n’hésitent pas devant ces perspectives audacieuses. Saint Irénée déclare : « Ce n’est pas seulement pour ceux qui ont cru en lui au temps de Tibère César que le Christ est venu et ce n’est pas seulement sur les hommes qui vivent actuellement qu’a veillé la Providence du Père, mais sur tous les hommes absolument qui, dès l’origine, en leur temps, selon la vertu, ont craint et aimé Dieu, se sont comportés avec justice et bonté envers le prochain, ont désiré voir le Christ et l'entendre. » Ado. Haer. 4, 22, 2 (7, 1047 — SC 100, p. 688). Nous trouvons la môme largeur de vues chez saint Grégoire le Grand : o Quel intervalle de siècles entre Abel, Isaïe, JeanBaptiste! Le temps les sépare; une même affirmation les unit. C’est le même Agneau qu’ils désignent, Jean-Baptiste par son geste, Isaïe par sa prophétie, Abel par son oblation. A Jean qui le montrait, à Isaïe qui l’annonçait, à Abel qui le figurait, il était présent. » Moral. 29, 31 (76, 515). S’il n’y a qu’une Église depuis les origines jusqu’à la fin du monde, c’est qu’il n’y a qu’un Créateur, qu’un Rédempteur, qu’une économie de salut dans laquelle on découvre une unité profonde à travers la multiplicité des situations et des formes de la vie religieuse. Saint Irenée enseigne cette unité du plan divin à partir de l’unité divine elle-même : « Tout vient d’un seul et même Dieu, tout a été continuellement révélé et manifesté aux croyants par le Verbe : ou bien il converse avec sa créature, ou bien il pro­ mulgue la Loi, ou bien il réprimande, ou bien il exhorte, ensuite il libère son esclave et l’adopte pour son fils et en temps voulu il lui donne l’héritage de 1’incorruptibililé pour que l’homme atteigne la perfection. »Adt>. Haer. 4,11,1 et 2 (7,1001-1002 —SC 100, p. 498). Le même docteur aperçoit l’unicité du Rédempteur et l’univer­ salité de la rédemption dans le symbolisme de la Croix, qui par ses dimensions embrasse le monde entier : « Par le Verbe de Dieu tout est sous l’influence de l’économie rédemptrice; et le Fils de Dieu a été crucifié pour tout, ayant tracé ce signe de la Croix sur toutes choses. » Demonstration, 34 (SC 62, p. 87). C’est la polémique contre les manichéens et la controverse avec les donalistes qui amènent saint Augustin à développer l’idée de la catholicité de l’Église soit dans l’espace, soit dans le temps. Cf. In p$. 90, serm. 2, 1 (37, 1159); Cio. Dei 18, 47 (41, 609-610), etc. Saint Cyrille <1’Alexandrïe, pour répondre aux objections de Julien, expose la doctrine que e Dieu daigne envelopper de sa Providence, non seulement la race d’Israël, mais tous les habi­ tants de la terre. » Contra Julian. 3 (76, 666). 128 APPENDICE L’UNIQUE ÉCONOMIE RÉDEMPTRICE Mais comment parler, autrement que par un simple jeu do mots ou un paradoxe ingénieux, d’un christianisme avant le christia­ nisme, d’une Église avant l’Êglise? ci. S. Augustin, Contra duas epist. Pelag. 3, 11 (44, 595). L’unité profonde entre les plus lointains préchrétiens et les chrétiens qui vivront jusqu’à la fin du monde, consiste en ce que tous ont une seule foi en Dieu, qui par sa Providence veille sur le monde et qui sauve le genre humain. * Avant que la Sagesse fût envoyée pour être elle-même un homme, elle a été envoyée pour être avec l’homme », dit saint Augustin, Trin. 4, 20, 27 (42, 907). « Le Verbe de Dieu est envoyé par celui dont il est le Verbe et duquel il est né. Celui qui engendre envoie, celui qui est engendré est envoyé. Et il est envoyé à chacun, lorsque chacun le connaît et le saisit, pour autant qu’il peut le connaître et le saisir selon la capacité de son âme raisonnable, qui progresse vers Dieu ou se parfait en Dieu. ♦ Id. k, 20, 28. Il faut transcrire dans toute son ampleur une page du même saint Augustin : · Puisque nous affirmons que le Christ est le Verbe de Dieu par lequel tout a été fait, dont l’autorité gouverne toutes les créatures spiri­ tuelles et matérielles selon ce qui convient aux temps et aux lieux, dont la sagesse et la science décide ce qu’il faut faire, quand et où il le faut pour les conduire et les diriger — sans aucun doute, avant même qu’il ne propageât le peuple des Hébreux, qui devait par des mystères appropriés préfigurer la manifestation de sa venue et au temps même de la royauté d’Israël et ensuite lorsqu’il s’est montré aux mortels dans la chair qu’il avait reçue de la Vierge; et puis jusqu’à maintenant où il accomplit toutes les prédictions des prophètes; et à partir de notre temps jusqu’à la fin des siècles, où il séparera les saints des impies et rendra à chacun son dû, il est le même, lui-même, Fils de Dieu, coéternci au Père, Sagesse immuable par laquelle a été créé l’univers et en la participation de laquelle est béatifiée toute âme raisonnable. Ainsi donc, dès l’origine du genre humain, tous ceux qui ont cru on lui et l’ont connu comme ils le pouvaient et qui ont vécu pieusement et justement selon ses préceptes, quels que soient l’époque et le pays où ils ont vécu, ont été sans aucun doute sauvés par lui. De même en effet que nous croyons en lui, qui est auprès du Père et qui est déjà venu dans la chair, de même les anciens croyaient en lui, qui est auprès du Père et qui viendrait dans la chair. Que, selon la diversité tics temps, on annonce main- APPENDICE 129 tenant commo réalisé ce qu’alors on annonçait d’avance comme à réaliser n’entraîne pas une diversité dans la foi elle-même, une différence dans le salut lui-même. Qu’une seule et même réalité soit proclamée ou prophétisée par des rites et des mystères diffé­ rents ne doit pas faire croire à des réalités différentes, à des saluts différents. En quel temps doit se produire ce qui va à la seule libération des croyants et des hommes vertueux, laissons-en le dessein à Dieu et soumettons-nous à lui. Ainsi donc, par un lan­ gage et des signes, qui alors différaient de ceux d'aujourd’hui, d’abord d’une manière plus secrète et ensuite plus manifeste­ ment, d’abord chez un plus petit nombre d’hommes, ensuite chez un plus grand nombre, c’est la seule identique religion véritable qui est signifiée et mise en pratique. » Ep. 102, 2, 10 (33, 374). Saint Augustin condense la même doctrine en cette brève formule : « Le Sauveur viendra, le Sauveur est venu... les temps sont différents, mais la foi est une. » Serm. 352, 3 (39, 1553); In Joan. 45, 9 (35, 1722). UNE SEULE FOI, UNE SEULE CHARITÉ Quiconque adhère par la foi au dessein rédempteur de Dieu est à l’intérieur de l’économie et par conséquent de l’Êglise. Car la foi permet de transcender les circonstances et en parti­ culier le temps. Comme le dit saint Léon : ♦ Telle est la puissance de la foi authentique que, par l’àme, on n’est pas éloigné des réalités auxquelles on n’était pas physiquement présent; et ainsi, que le cœur du croyant revienne au passé, ou qu’il s’étende à l’avenir, les entraves du temps ne peuvent empêcher la connais­ sance de la vérité. » Serm. 70,1 (54, 380). La foi est unique, sous des expressions différentes. Selon la pensée de saint Augustin, la diversité des mystères, si leur intention est sainte, n’a pas plus d’importance que la diversité des langues et des vocabulaires, s’ils expriment la vérité, Ep. 102, 2, 10 (33, 374). Il dit encore : ♦ Le Seigneur notre Dieu a diffusé, de manière multiple et variée, par les livres saints, les saintes Écritures, la foi en laquelle nous vivons, par laquelle nous vivons : il variait les signes mystérieux des paroles, mais il proposait une seule foi. En effet, si l’on énonce une seule et même chose de différentes manières, c’est pour que la variété de l’expression prévienne le dégoût, étant maintenu néanmoins l’accord d’une seule foi. » In ps. 73, 3 (36, 932). Entre David le Prophète et Jean l’Évangéliste, note saint Augustin, il n’y a pas dissonance: 130 APPENDICE c’est le même chant, le mémo souffle, le même esprit; In Ep, Joan. 9, 5 (35, 2048-2049 — SC 75, p. 386-388). Or c’est par la foi qu’on touche le Christ et qu’on s’unit à lui d’une union profonde et salutaire; le contact physique n’est pas requis et est en lui-même insuffisant. Saint Ambroise le rappelle en comparant Marie cherchant le Christ au tombeau et saint Étienne près de mourir : « Ce n’est pas par un contact physique, mais par la foi que nous touchons le Christ... Étienne vous a cherché au-dessus de la terre, il vous a vu assis à la droite de Dieu. Marie, qui vous cherchait sur terre n’a pas pu vous toucher. Étienne vous a touché, parce qu’il a cherché au ciel. Étienne, au milieu des juifs, vous a vu et vous n’étiez pas là; Marie, au milieu des anges, ne vous a pas vu, et vous étiez là. Le motif pour lequel Marie n’a pas pu vous toucher nous est indiqué par Γ Évangile : c’est qu’en vous voyant, elle ne savait pas que c’était vous. Il est clair qu’elle n’a pu toucher, ne pouvant voir. Celui-là touche qui voit. » In Luc. 10, 155, 160 (15, 1843, 1844 — SC 52, p. 207, 209). Saint Grégoire de Nazianze, dans son panégyrique des Maccabées, met en valeur ce contact avec le Christ par la foi : * Nous trouvons ici cette doctrine mystique et cachée, qui nous ravit, moi et tous les amis de Dieu : aucun de ceux qui, avant l’apparition du Christ, ont atteint la perfection, n’ont pu y atteindre indépendamment de la foi au Christ. Car la parole a été proclamée ouvertement plus tard, en son temps; mais auparavant elle a été connue par les âmes pures, comme il appa­ raît chez beaucoup qui, antérieurement à elle, ont eu les honneurs des saints. Aussi ne faut-il pas dédaigner les Maccabées parce qu’ils ont vécu avant la Croix; bien plutôt faut-il les louer d’avoir vécu selon la Croix. » Or. 15 (35, 912-913). S’il y a la même foi, il y a aussi la charité, la même charité authentiquement chrétienne. La charité, étant la religion même, se trouve nécessairement dans toutes les formes de la vraie religion. Le précepte de la charité, dit saint Augustin, domine les cieux, domine tous les livres, In ps. 103, 9 (37, 1344); ce qui peut varier, ce sont les mystères et les promesses, non les comman­ dements essentiels, In ps. 73, 2 (36, 931). Saint Augustin voit la charité enseignée à toutes les pages de l’Écriture, ou bien expres­ sément ou bien sous les figures. El l’un des principes majeurs de son exégèse est qu’on n’a pas compris un texte, tant qu’on n’y a pas vu le Christ et trouvé la charité, In ps. 96, 2 (37,1237), De doctr. christ. 1, 35 et 36 (34, 34), etc. D’ailleurs Origine avait enseigné que tous les justes qui avaient précédé le Christ avaient déjà dit la phrase de saint Paul : APPENDICE 131 « Je suis crucifié avec le Christ » et encore : « Je vis, mais non pas moi, c’est le Christ qui vit en moi. » In Joan. 20,12 (14, 599). Et saint Paulin db Nole, en un texte magnifique, devait expliquer que, dans tous les saints qui ont souffert dès l’origine, c’est le Christ qui souffrait : e Depuis le commencement des siècles, c'est le Christ qui souffre en tous les siens. Car il est lui-même le commencement et la fin, voilé dans la Loi, révélé dans l’Évangile, Seigneur toujours admirable, qu’il souffre ou qu’il triomphe en ses saints : en Abel tué par son frère; en Noé moqué par son fils; en Abraham pèlerin; en Isaac, victime; en Jacob, serviteur; en Joseph, vendu; en Moïse, exposé et fugitif; dans les prophètes, lapidé et torturé; dans les apôtres, ballotté sur terre et sur mer; et mis à mort bien des fois dans les supplices multiples et variés des bienheureux martyrs. C’est donc le même qui maintenant encore porte nos infirmités et nos douleurs. Car lui-même est l’homme qui pour nous est toujours en butte aux souffrances et sachant porter l’infirmité que nous-mêmes, sans lui, ne pouvons ni ne savons porter. » Ep. 38, 3 (61, 359). Pour les Pères c’est une évidence que tous les justes avant le Christ ont reçu la grâce proprement dite, cette adoption filiale qui fait de nous des chrétiens. Saint Jérôme estime o absurde » l’hypothèse selon laquelle Moïse, aussi bien qu’Abraham et les autres e interlocuteurs » de Dieu, n’aurait pas été racheté de l’esclavage de la Loi et n’aurait pas reçu l’adoption et l’héritage du Christ, Ad Gai. 2 (26, 375). Et il pose le principe général : ♦ Tout ce que la Sagesse de Dieu a accordé au genre humain pris globalement, cela même elle l’a accordé à chacun des saints, toujours selon son ordre et son économie. » Id. Saint Augustin enseigne avec une grande fermeté qu’en tout temps ceux qui sont sauvés le sont par la foi au Christ et par la grâce divine. Cf. Ep. 177, 12 (33, 769). Et tous ces saints authentiques font partie de l’Église, corps du Christ. Nicétas de Remesiana, au début du v® siècle, l’ensei­ gnait ainsi aux catéchumènes : o Après avoir confessé la Trinité bienheureuse, tu affirmes croire la sainte Église catholique. Qu’est-ce que l’Église, sinon l’assemblée de tous les saints? Car depuis le commencement du siècle, soit les patriarches, soit Abraham, Isaac et Jacob, soit les prophètes, soit les apôtres, soit les martyrs, soit les autres justes qui ont vécu, qui vivent ou qui vivront forment une seule Église, parce que, sanctifiés par une seule foi et manière de vivre, marqués d’un seul Esprit, ils sont devenus un seul corps, un corps dont le Christ est la tête, selon le témoignage de l’Écriture. » Explan. Symboli, 10 (52, 871). 132 APPENDICE LA FOI AU SAUVEUR DANS LE PEUPLE D’ISRAËL La foi qui sauve n’est pas une foi vague en la Divinité, mais la foi au Christ Sauveur : 0 Aucun de ceux qui, avant la venue du Christ, ont eu une conduite vertueuse n’ont pu l’avoir indépen­ damment du Christ », nous disait saint Grégoire de Νλζιλνζε (supra). Saint Augustin est formel : « Qu’on ne pense pas que les anciens justes ont pu être libérés par le Christ seulement en tant que Dieu, c'est-à-dire par le Verbe qui était au commen­ cement, indépendamment de la foi à son Incarnation, par laquelle le Christ est dit aussi homme. » Ep. 187, 11 (33, 845). Mais comment, de manière concrète, les hommes d’avant le Christ ont·ils pu entrer en contact avec le Christ? Le peuple de la Bible trouve le Christ dans la Bible. Car, à toutes les pages, la Bible parle du Christ. Suivant une expression chère à saint I rénée, « partout, dans les Écritures, est ense­ mencé le Verbe de Dieu ». Adv. Hacr. 10,1 (7, 1000). C’est aussi, sons une autre métaphore, la pensée de saint Ambroise : « Bois à la double coupe de l’Ancien et du Nouveau Testament; car dans les deux c’est le Christ que tu bois. Bois le Christ, car il est la Vigne; bois le Christ, car il est la pierre d’où l’eau jaillit... Bois le Christ pour boire ses paroles : l’Ancien Testament est sa parole, le Nouveau Testament est sa parole. On boit l’Écriture divine, on dévore l’Écriture divine, quand dans les veines de l’esprit et dans les forces de l’âme descend le suc du Verbe éternel. Bois ce Verbe, mais suivant un ordre : bois d’abord dans l’Ancien Testament; de là hâte-toi de boire dans le Nouveau Testament. » In ps. 1, 53 (14, 940). A propos de la leçon d’exégèse sur Moïse, les prophètes et les psaumes, faite par le Christ lui-même aux disciples d’EmmaüS, saint Augustin remarque : « Toutes ces Écritures chantent le Christ, mais à condition qu’elles trouvent, des oreilles. » in epist. Joan. 2, 1 {35, 1989 SC 75, p. 153). Selon certains Pères, les apparitions du mystérieux « Ange de Yahvé » étaient des apparitions de la seconde Personne de la Sainte Trinité, du Verbe, qui préparait ainsi l'incarnation et » s’accoutumait » à vivre avec les hommes. Explication très discutable, mais qui révèle une vérité dogmatique : la présence secrète, déjà actuelle, de Celui qui devait venir. Ainsi saint I rénée déclare-t-il : 0 Tantôt le Fils de Dieu s’entretient avec Abraham, tantôt il vient trouver Noé auquel il donne les mesures (de l’arche); tantôt il cherche Adam; tantôt il vient juger les Sodo­ APPENDICE 133 mites; un autre jour il apparaît pour conduire Jacob dans son voyage ou pour s’adresser du buisson à Moïse. Et l’on ne saurait énumérer tous les traits par lesquels Moïse montre le Fils de Dieu : il n’a pas ignoré non plus le jour de la Passion, mais il l’a symboliquement figuré en l’appelant la Pâque. » Adv. Hacr. 10, 1 (7, 1000). Ainsi encore Origènf, admet de multiples venues du Christ au cours de l’histoire biblique : elles lui semblent impliquées par la parole de Jésus : e Que do fois j’ai voulu rassem­ bler tes fils..! » In Isaiam, 1, 5 (13, 223). Le peuple juif tout entier est prophétique, «gens prophetica », suivant l’expression de saint Augustin, Ep. 102, 2, 15 (33, 376). Dans son histoire, dans sa législation, dans les paroles de ses voyants, Israël parle du Christ. Le Christ est présent dans la Loi, comme l’image sur une pièce de monnaie : « Tous les jours tu vois la drachme, regarde l’image, c’est-à-dire voyant la lx»i regarde dans la Ix>i l’image de Dieu, le Christ. Que lui-même, image du Dieu invisible et incorruptible, luise pour toi dans le miroir de la Loi. Confesse-le dans la Loi pour le reconnaître dans l’Évangile. » Saint Ambroise, Ep. 7, 22 (16, 911). Le Christ est si réellement présent dans la Loi qu’on ne peut pas vraiment connaître la Loi si on méconnaît le Christ. Saint Ambroise, In Luc. 1, 69 et 70 (15, 1717). Si le judaïsme tout entier, selon la pensée de saint Augustin est « préfiguration annonciatrice », Contra Faustu/n, 20, 21 (42, 386), c’est vrai tout particulièrement de la liturgie sacrifi­ cielle, qui peut bien nous sembler pesante et quelque peu grossière, mais qui retrouve sa valeur lorsqu’on y découvre une prophétie journellement renouvelée du sacrifice unique par lequel sera sauvé le monde. Évidemment, de ce que dans l’Ancien Testament tout a été préfiguration et annonce du Christ, comme le découvrent post factum les Pères, il ne suit pas que tout a été moyen d’union réelle au Christ pour les Israélites de cette époque. Mais il est incontestable que ces diverses préfigurations (hommes justes, grands faits de l’histoire d’Israël, rites et liturgies) orientaient la pensée juive vers le Rédempteur à venir et entretenaient la foi salutaire. Les prophètes, suscités d’âge en âge, étaient eux-mêmes, selon la pensée des Pères, membres du Christ; et c’est comme tels qu’ils l’annonçaient, chacun sous un aspect et, dans leur ensemble, donnant de lui une connaissance totale. C’est la doctrine de saint Irénér, Adv. Haer. 4, 33, 10 (7, 1079). C’est la doctrine de saint Jean Chrysostome, montrant qu’on peut, avant l’appa­ rition du Christ, faire partie du corps du Christ : « Un seul corps. 134 APPENDICE Pourquoi un seul corps? Ceux qui, partout, sur la terre, sont fidèles, ont été fidèles, seront fidèles; et donc ceux aussi qui, avant l’apparition du Christ, ont plu (à Dieu) sont un seul corps. Comment cela? Parce qu’ils ont, eux aussi, connu le Christ (cf. Jn 8, 56; 5, 46)... Car ils (Moïse et les prophètes) n’auraient pas écrit, s’ils n’avaient pas su ce qu'ils disaient de lui: et le connais­ sant, ils l’adoraient aussi. De sorte qu’ils sont, eux également, un seul corps. » Sur l'ép. aux Éphés., hom. 10, 1 (64, 75). Par leur exégèse ingénieuse, certains Pères décèlent les manitestations du Christ en des textes où, livrés à nous-mêmes, nous ne les aurions pas remarquées. Saint Ambroise commentant la venue du Christ dans les nuées, « in nubibus », explique que Moïse, Josué, Isaïe, Ézéchiol... sont ces nuées, qui tout ensemble cachent et révèlent le Christ, In Luc. 10, 41-43 (14, 1813-1814). Et saint Gregoire le Grand voit dans les saints de l’Ancien Testament les astres qui illuminent la nuit de l’humanité, en attendant que se lève le vrai « Lucifer », Moral., Praef. 6, 13 (75, 524). De tout temps les prophètes ont annoncé le dessein rédempteur de Dieu : « Depuis les temps antiques, depuis l’origine, tout le long des générations humaines, la prophétie n’a jamais été muette sur le Christ. » Saint Augustin, Civ. Del, 16, 26, 2 (41, 505). Ce n’est pas à dire que, selon les Pères, dans le peuple d’Israël, tous et chacun aient eu une connaissance distincte du mystère rédempteur. Mais l’important était que quelques-uns fussent spécialement illuminés, pour affermir la foi plus rudimentaire de la multitude. Cf. saint Augustin, In ps. 77, 2 (36, 983). Les théologiens postérieurs distingueront entre la foi des « majores », patriarches et prophètes, et la foi sommaire mais suffisante des « minores ». La multitude, selon Rupert de Deutz, croyait que le Dieu des Pères était le Dieu unique et seul vrai Dieu; et elle croyait à la bénédiction qui seraitdonnée à toutes les nations dans un descendant d’Abraham. De Trin. in Exod. 2, 4 (167, 612). Il est remarquable que la liturgie romaine ait voulu affirmer officiellement la sainteté vraiment « chrétienne » de plusieurs grands personnages de l’Ancien Testament. On a pu relever les noms de vingt-neuf d’entre eux dans le martyrologe romain. A noter aussi que, dans les litanies des saints pour la recomman­ dation de l’âme, nous trouvons invoqués, après » Sancte Abel », « Omnis chorus Justorum... Sancte Abraham... Omnes sancti Patriarchae et Prophetae. » Cf. H. I. Marrou, » Les Saints de l’Ancien Testament au martyrologe romain », dans le Mémorial J. Chaîne, p. 281-290. APPENDICE 135 LA FOI AU SAUVEUR CHEZ LES PAÏENS Le salut des païens posait une question plus embarrassante et plus délicate. Les Pères cependant ne s’y sont pas dérobés. Les solutions qu’il essayent, les voies sur lesquelles ils s’avancent, parfois en tâtonnant, révèlent leur conviction que les païens étaient, eux aussi, à l’intérieur de l'économie rédemptrice et que Dieu pourvoyait à leur salut. Saint Cyrille, par exemple, pose fermement le principe, en s’appuyant sur cette vérité que Dieu est le Dieu de tous les hommes et non pas seulement d’un peuple, Contra Julian. 3 (76, 666). Quant aux « voies et moyens » de ce salut, les hypothèses des Pères sont diverses. Clément d’Alexandrie n’hésite pas à dire que Dieu a toléré comme un moindre mal et pour éviter l’athéisme, le culte des astres, Strom. 6, 14 (9, 333). Et puis Dieu a donné aux Gentils la philosophie, qui est une sorte de e Testa­ ment » conduisant les païens au Christ, Strom. 1, 5 (8, 717). Saint Justin, qui s’intéresse spécialement à ses confrères les philosophes, insiste sur l’action de la Sagesse éternelle, du Verbe iliuminateur. Socrate, par exemple, a participé au Logos; Platon, les Stoïciens ne sont pas étrangers au christianisme; ceux qui sont considérés comme « athées » peuvent être en réalité des chrétiens, Apolog. 10, 13 (7, 462, 466). Les Pères, au reste, pensent que les philosophes ont eu des contacts avec la Bible, ce qui leur a facilité la connaissance du vrai Dieu. Saint Augustin, malgré sa sévérité pour le paganisme, reconnaît que chez ces écrivains il y avait bien des vérités authentiques : ♦ Le Christ est venu comme maître, pour confirmer, une fois présent dans la chair, tout ce qui avait été dit auparavant de vrai et d’utile, non seulement par les saints prophètes, qui ont tou­ jours dit vrai, mais aussi par les philosophes et même les poètes et les écrivains de cette espèce, lesquels indubitablement ont mêlé à leurs mensonges bien des vérités : le Christ venait en aide à ceux qui seraient incapables de découvrir et de discerner la vérité à l’intérieur d’eux-mèmes. La Vérité, avant même qu’elle devint homme, était présente elle-même à tous ceux qui pouvaient y participer. > Ep. ad Volus. 137, 3, 13 (33, 621). D’ailleurs, ce ne sont pas uniquement les penseurs spécia­ lisés, mais c’est tout homme venant en ce monde qui est éclairé par le Verbe. Commentant le texte de saint Jean, saint Jérôme remarque : « Il apparaît qu’en tous il y a naturellement une connaissance de Dieu et que personne ne naît sans le Christ et 136 APPENDICE sans avoir en lui les germes de la sagesse, de la justice et des autres vertus. » Ad Gal. 1 (26, 326). Ainsi aidé par la lumière du Verbe, l’homme peut trouver dans la contemplation de l’univers la connaissance du vrai Dieu. Et pas plus chez le philosophe que chez le non-philosophe, il ne s’agit d’une connaissance purement rationnelle qui attein­ drait seulement o le Dieu des philosophes et des savants », mais bien d’une connaissance proprement religieuse, ayant pour objet le vrai Dieu, Créateur et Providence, qui s’occupe des hommes, les sauve et les récompense. C’est bien une telle connais­ sance que suppose saint Paul dans les reproches qu’il fait aux païens, pour n’avoir pas mis leur conduite en harmonie avec les lumières qui leur étaient données. De même la « loi naturelle », inscrite en chaque homme, n’est pas un impératif dicté par une conscience « laïque »; c’est la volonté du Dieu vivant signifiée à l’homme. Oricknr le souligne : ♦ Qui donc a écrit dans leur cœur, sinon le doigt même de Dieu? Car Dieu a donné la loi naturelle au genre humain et l’a écrite dans toutes les âmes : c’est là qu’est pour nous le commencement et que nous trouvons les germes pour pénétrer la vérité; si nous cultivons bien ces germes, ils porteront en nous un fruit de vie. » In Num. 10, 3 {12, 640). Origène, comparant la loi naturelle, la loi mosaïque, la loi évangélique, remarque : o Les préceptes qu’on dit écrits dans le cœur me semblent rejoindre plutôt (qu'ils ne rejoignent la loi de Moïse) les lois évangéliques, où tout se réfère à la loi naturelle. Quoi d’aussi proche du sens naturel que le précepte de ne pas faire aux autres ce qu’on ne veut pas subir soi-même? Quant à la loi de Moïse, la loi naturelle peut s’y accorder selon l’esprit, non selon la lettre. » Ad Roman. 219 (14, 892). L’observation de cette e loi naturelle » pouvait être un acte de charité proprement dit; car la grâce n’est pas absente du monde païen. Saint Augustin déclarait : « N’allons pas, comme Pelage et ses disciples, fractionner les temps, en disant : d’abord il y a eu des hommes justes par la nature, puis par la loi, troisièmement par la gràce. » De pcc. origin. 26, 30-31 (44, 400) ; cf. id. 24, 28 (44, 398). L’auteur du De vocatione gentium note à ce sujet : e La grâce de Dieu était auparavant (avant le Christ) plus parcimonieuse et plus secrète; elle ne s’est pourtant refusée à aucun des siècles. Une était son efficacité, diverse son effusion; immuable était le dessein de Dieu, multiforme son action. » 2,5 et 6 (51, 691). Nous trouvons chez cet écrivain un résumé synthétique de la doctrine APPENDICE 137 sur le salut des païens : « Jusque dans les siècles passés, la grâce n’a pas manqué au monde, cette même grâce qui, après la résur­ rection de Notre-Seigneur Jésus-Christ, a été répandue partout et dont il est écrit : ♦ Tes éclairs ont illuminé la terre. » En effet, bien que le peuple élu d’Israël ait évidemment bénéficié d’une sollicitude et d’une miséricorde spéciale de Dieu et que toutes les autres nations aient ou licence de « suivre leurs voies », c’està-dire de vivre à leur propre gré, la bonté éternelle du Créateur ne s’est pourtant pas détournée de ces hommes au point de ne pas leur donner des signes pour le connaître et le révérer. Car le ciel et la lerre et la mer et toute créature visible et intelligible a été disposée surtout en vue de cette utilité pour le genre humain : que l’être raisonnable, à partir de la contemplation de tant de beautés, de l’expérience de tant de biens, de la jouissance de tant de dons, fût initié au culte et à l’amour de son Auteur, étant rempli de l’Esprit de Dieu, en qui nous vivons, nous nous mouvons, nous sommes; car bien qu’il soit loin des pécheurs, rien pourtant n’est vide de sa présence salutaire et de sa vertu. » De voc. gentium 2, 4 {51, 689-690). On sait que, dans leur désir do sauver les païens, certains Pères, recourant à l’article du Symbole : « Il est descendu aux enfers », enseignent que le Sauveur est venu évangéliser les païens d’avant l’incarnation et a proposé le salut à leur option libre. S’appuyant sur le texte de I Pierre 3,18-20 et raisonnant à partir de la justice de Dieu et de sa volonté salvifique, Clément d’Alexandrie admet que cette « évangélisation » s’adresse non seulement aux justes de l’Ancien Testament, mais aussi aux justes « selon la philosophie » dans le monde païen, Strom. 6, 6 (9, 265-276). De même Origèno. Cette doctrine de l’évangélisation aux enfers est largement admise en Orient, v. g. par saint Grégoire de Nazianze, saint Cyrille de Jérusalem, etc. En Occident, saint Ililaire de Poitiers, l’Ambrosiaster et même saint Jérôme lui sont favo­ rables. Mais saint Jean Chrysostome rejette la possibilité d’une conversion dans l’au-delà; et pour résoudre le problême du salut des païens, il insiste sur la volonté salvifique universelle de Dieu et rappelle que les conditions nécessaires et suffisantes du salut : renoncer à l’idolâtrie et mener une vie vertueuse étaient réellement à la portée des païens de bonne volonté, In Matth. 36, 4 (57, 147). 138 APPENDICE QUELQUES CAS EXEMPLAIRES DE PAÏENS D’APRÈS LA BIBLE La Bible elle-même présentait quelques saints qui n’apparte­ naient pas au peuple d’Israël. Les Pères commentent avec complaisance ces cas exemplaires et en dégagent la doctrine qui y est impliquée. Ils soulignent par exemple qu’Abraham, le Père des croyants a été appelé par Dieu lui-mérne de l’idolâtrie. Saint Cyrille argumente contre Julien : « Comment cet expert en doctrines a-t-il ignoré que Dieu avait à cœur le salut des nations? Voici en effet Abraham, le père de ceux qui ont été instruits par la loi et les prophètes : nous affirmons qu’il a été appelé de i’erreur du polythéisme à la connaissance do Celui qui est Dieu réellement et en vérité. Nous affirmons donc que plus anciennement que la vocation même des Israélites sortis d'Égypte, le Dieu suprême a exercé son action providentielle sur les nations. » Contra Julian. 3 (76, 670). Job, bien qu’Iduméen d’origine, a cru au Rédempteur et appartient au véritable Israël : « Je ne doute pas, dit saint Augus­ tin, qu’il y ait là une disposition divine pour que nous sachions, à partir de celui-là seul, qu’il a pu y avoir aussi dans les autres nations des hommes qui, ayant vécu selon Dieu et lui ayant plu, appartiennent à la Jérusalem spirituelle. ® Civ. Dei 18, 47 (41, 609-610). Les Pères font aussi état de la mission de Jonas à Ninive, qui montre bien la sollicitude de Dieu pour les païens. Ils commentent également le cas privilégié du centurion Cor­ neille. Saint Jérôme, expliquant l’épltrc aux Galates, déclare : « L’apôtre saint Paul savait que le centurion Corneille avait reçu l’Esprit à cause de ses œuvres, mais non pas à cause des œuvres de la Loi qu’il ignorait. A l’objection : Cela prouve qu’on peut recevoir le Saint-Esprit sans avoir entendu la prédication de la foi, nous répondrons : Il a bien reçu l’Esprit, mais en acceptant la foi et la loi naturelle, qui dans nos cœurs nous indique le bien à accomplir, le mal à éviter. C’est par cette loi également qu’ont été justifiés Abraham, Moïse et les autres justes dont nous avons parlé. Elle peut ensuite progresser par l'accom­ plissement des œuvres et la justice de la loi, non point de la loi charnelle qui est provisoire, mais de la loi spirituelle, car la loi est spirituelle. » Ad Gal. 1 (26, 348). Les textes cités plus haut nous font constater que parmi les saints qui dès l’Antiquité et au cours des siècles ont été les témoins du Christ à venir et étaient réellement ses membres, plusieurs se trouvaient en dehors de l’économie d’Israël. APPENDICE 139 LE NOMBRE DES ÉLUS AVANT LE CHRIST Quant à l’application des principes posés, quant au nombre des êtres humains sauvés avant l’incarnation, les Pères ont été très réservés; et certains, comme saint Augustin, très restrictifs. Peu nombreux étaient les patriarches et les prophètes compre­ nant le mystère rédempteur; peu abondante la sainteté cachée. Avant la naissance du Christ, la grâce de Dieu n’était pas « popu­ laire o. Cf. De catech. rudibus 22, 40 (40, 339); In ep. ad Gal. 24 (35, 2122). Saint Bernard et beaucoup d’autres théologiens au Moyen Age lui feront écho : « In tempore illo rara fides in terris... », In Cani. 2, 4 et 5 (183, 791). S’il y avait peu d’élus en Israël, que dire du paganisme? Cf. H. de Lu bac Exégèse médiévale, II, 1, p. 351. Mais ce sont là des conclusions théologiques, des interprétations limitatives, qui ne découlent pas nécessairement des principes posés par les Pères. Tel par exemple cet axiome de saint Augus­ tin lui-même: « Le salut de cette religion, qui, seule vraie, promet véridiquement le vrai salut, n’a jamais manqué à personne qui en était digne; celui à qui il a manqué n’était pas digne. » Ep. 102 ad Deogratias (33, 37G) ’. EXPLICATION DES LENTEURS DE DIEU Un grand texte de saint Paulin de Nole expose dans toute son ampleur le dessein de Dieu : * C’est le Seigneur lui-même 1. 11 n’est pas sans intérêt de noter ici la position officielle de l’Église, dans son plus récent document solennel, sur lo salut des non-chrétiens, y compris de ceux qui, sans culpabilité do leur part, ne sont pas encore parvenus à la connaissance expresse de Dieu, Constitution Lumen Gen­ tium, chap, π, n. 16 : « Qui cniin Evangelium Christi Ejusque Ecclesiam sine culpa ignorantes, Deum tamen sincero corde quaerunt, Ejusque voluntatem per conscientiae dictamcn agnitam, operibus adimplere, sub gratiae influxu, conantur, aeternam salutem consequi possunt. Nec divina Providentia auxilia ad salutem necessaria denegat his qui sine culpa ad expressam agnitionem Dei nondum pervenerunt et rectam vitam non sine divina gratia assequi nituntur. Quidquid enirn boni et veri apud illos inve­ nitur, ab Ecclesia tanquam praeparatio evangclica aestimatur et ab Illo datum qui illuminat omnem hominem ut tandem vitam habeat. » Auparavant, pariant du « peuple de Dieu », la Constitution (n. 9) avait dit : « In omni quidem tempore et in omni gente Deo acceptus est quicumque timet Eum et operatur justitiam » (cf. Aci. 10, 35). 140 APPENDICE qui nous a faits; ce n’est pas nous-mêmes qui nous sommes faits. Oui, c’est le Seigneur lui-même qui nous a faits; c’est lui aussi qui nous a refaits déjà dès l’origine par tout ce qu’il a opéré et annoncé en ses saints, ayant donné l’impulsion aux mystères de notre salut, c’cst-à-dire de la réparation de l’homme. Car une sainte génération a aussitôt remplacé Abel en la personne de Se th qui, par la ressemblance de ses traits, a rappelé son père formé à l’image de Dieu. De là, à travers les autres justes, s’est maintenue, découlant de la source première, la veine de la sainteté; et malgré le déluge, dans la personne d’un seul homme, mais d’un homme juste, a subsisté le principe vital du genre humain voué à la des­ truction. Dès lors agissait le mystère de Tunique Rédempteur, de manière qu’advînt par un seul la réconciliation, alors que la prévarication avait été le fait de la multitude. Mais comme à nouveau, dans le développement du genre humain, la sainteté avait défailli, les crimes croissant au même rythme que les nations, pour que l’iniquité n’amenât pas derechef la ruine de l’humanité, une élection nouvelle choisit celui qui devait être appelé le père de la foi et qui sauvegarderait la promesse du royaume et l’espé­ rance du Roi éternel. Cette espérance multipliée par la foi des nations, a été réalisée par le Christ. 11 s’était montré aux patriarches, il avait été préfiguré par la Loi, il avait parlé d’avance par les prophètes; et lui-même s’est présenté pour accomplir la Loi et les prophètes et pour donner par la grâce le remède que n’avaient pu apporter les œuvres de la Loi. Car déjà le corps tout entier, c’est-à-dire l’universalité du genre humain, avait été envahi par le péché de telle manière que ni cataplasme ni pansement ne pouvaient soulager les infirmes et les blessés; car la virulence du mal s’était renforcée et la maladie plus puissante que les remèdes avait enlevé toute efficacité à la médication humaine. Et c’est pourquoi il est venu, lui qui viendra encore, s’étant conformé à notre corps misérable, afin de nous conformer à son corps glo­ rieux. Car personne, sinon l'artisan, n’a pouvoir sur son œuvre et seul le potier a droit sur son argile. De même, le Seigneur de tous, qui avait fait tous les hommes, a daigné descendre jusqu’à notre condition pour nous refaire avec le même art et la même puissance avec lesquels il nous avait faits. » Ep. 12, 2 et 3 (61, 200-201). Ce texte révèle lumineusement ce qui est la double préoccupa­ tion des Pères tout le long des exposés et des controverses : d’une part ils veulent montrer que le dessein rédempteur est unique et universel, qu’il y a continuité dans tout le drame qu’est l’histoire religieuse du genre humain; d’autre part ils veulent mettre en lumière la péripétie essentielle de ce drame, la APPENDICE 141 nouveauté absolue et la « révolution > que constitue l’apparition visible du Sauveur et l’établissement du christianisme officiel (rappelons-nous la formule de saint 1 rénée.: «Sachez qu’en venant à nous, le Fils de Dieu a apporté toute nouveauté», Adv. haer. 34, 1 (7,1083 — SC 100, p. 846). Il y a les lentes préparations, les prophéties, les préfigurations multiples du Christ; et puis il y a l’incarnation. Le Christ, qui avait été abondamment prédit, est, lors de son apparition, absolument inédit. Dans le plan de Dieu, rien n’est improvisé; mais sa réalisation est, pour l’homme, une surprise imprévisible. Le dessein salvifique de Dieu, qui s’étend à tout l’univers et à toutes les générations, ne s’est développé que suivant une pro­ gression très lente. .Même les vérités essentielles ne sont pas explicitées dans le christianisme qui précède le Christ; ce ne sont encore que des germes. A propos du texte évangélique : « D’autres ont semé et vous, vous êtes entrés dans leur travail *, saint Augustin évoque ces semeurs que furent les patriarches, Moïse, les prophètes et qui ont préparé la grande moisson aposto­ lique, In Joan. 15, 32 (35, 1521). Sur ce lent développement, saint Grégoire de Nazianzb a un texte capital, que notre Anselme transcrit presque littéralement, sans guillemets ni référence. Grégoire, ayant à faire comprendre pourquoi la croyance explicite en la divinité du Saint-Esprit a été formulée assez tardivement dans l’Église, élargit les perspectives et esquisse une doctrine du développement du dogme. Dieu agit sans hâte; Dieu agit sans violence. « Dans l’histoire de l’univers, il y a eu deux grandes révolutions, qu’on appelle les deux Testaments: l’une a fait passer les hommes de l’idolâtrie à la foi; l’autre de la Loi à l’Évangile; un troisième cataclysme est prédit : c’est celui qui nous transportera d’ici là-haut, dans la région où il n’y a plus ni mouvement ni agitation. Or ces deux Testaments ont présenté le même caractère. Et lequel? C'est de n’avoir pas été une révolution soudaine, transformant tout en un instant. Et pour quelle raison? 11 faut le savoir. C’est afin que nous ne fussions pas violentés, mais persuadés. Car ce qui est violent n’est pas durable : comme on le voit dans les courants qu’on veut endiguer ou dans les plantes dont on veut arrêter la croissance. Au contraire, ce qui est spontané est plus durable et plus sùr; dans le premier cas, l’impulsion vient d’une contrainte; dans l’autre, elle vient de nous; ici, se manifeste la bonté divine; là, une puissance tyrannique. Dieu n’a donc point voulu que ses bienfaits nous fussent imposés de force, mais qu’ils fussent reçus volontairement. Aussi il a agi comme un pédagogue ou un médecin, supprimant quelques traditions ancestrales, en tolérant 142 APPENDICE d’autres... Que veux-je dire par là? Le premier Testament a sup­ primé les idoles, a toléré les sacrifices; le second a supprimé les sacrifices, mais n’a point interdit la circoncision. Ainsi les hommes ont accepté la suppression imposée et ont abandonné cela môme qui avait été toléré : les uns, les sacrifices; les autres, la circonci­ sion; et de païens, ils sont devenus juifs; de juifs, ils sont devenus chrétiens; et par ces changements partiels ils se sont trouvés comme furtivement entraînés vers Γ Évangile. L’Ancien Testa­ ment a clairement manifesté le Père, obscurément le Fils. Le Nouveau a révélé le Fils et fait entendre la divinité do l’Esprit. Aujourd’hui l’Esprit vit parmi nous et se fait plus clairement connaître. Car il eût été périlleux, alors que la divinité du Père n’était point reconnue, de prêcher ouvertement le Fils; et, tant que la divinité du Fils n’était pas admise, d’imposer, si j’ose dire, en surcharge, le Saint-Esprit. On eût pu craindre que, comme des gens chargés de trop d’aliments, ou comme ceux qui fixent sur le soleil des yeux encore débiles, les fidèles ne perdissent cela même qu’ils étaient capables do porter. Il fallait au contraire, par des additions partielles et, comme dit David, par des ascen­ sions, de gloire en gloire, que la splendeur de la Trinité rayonnât progressivement. ♦ Or. theol. 5, 25 et 26 (36,160-161). Il est trop clair que Dieu, toujours immuable et tout-puissant, aurait pu se révéler pleinement dès l’origine; mais une progres­ sion sagement disposée, avec des délais et des lenteurs, était nécessaire pour le bien de l’homme. L’humanité a besoin d’une éducation séculaire, soit à cause de son état d’enfance, soit à cause de son péché. L’homme, dans son enfance, devait être allaité et ne pouvait, avant d’avoir grandi, recevoir utilement la nourriture solide : Dieu lui-même, dit saint Irénée, était capable de donner à l’homme la perfection, dès l’origine; mais l’homme était incapable de la recevoir : c’était un enfant. » Adv. Haer. 4, 38, 1 (7, 1105). « Alors, ajoute-t-il, le Fils de Dieu devient enfant avec l’homme.» A un enfant, remarquera saint Augustin, on donne d’abord des noix ou des jouets, et plus tard seulement des livres, Jn ps. 73, 2 (36, 931). Et parce que l’homme n’est pas seulement un enfant, mais dès l’origine un pécheur, il doit prendre conscience profondément de la gravité de son mal, au fil des heures interminables. 11 doit sentir son impuissance dans le sentiment d’une maladie incurable et être d’abord guéri de l’illusion qu’il pourrait se guérir seul par son ingéniosité et scs efforts. Telle est l’explication de la longue pédagogie de cette Loi mosaïque, qui prescrit sans donner la force d’accomplir. Saint Augustin, après saint Paul, développe cette idée sans crainte des redites et sans lassitude : « La Loi APPENDICE 143 était donnée pour convaincre de sa maladie le malade qui se croyait bien portant, pour faire ressentir le péché, non pour le détruire. La Loi positive mettait en lumière le péché, le péché a été aggravé, car il est péché et il est contre la Loi... Ayant reçu le commandement, les hommes ont essayé de l’accomplir comme par leurs propres forces; vaincus par la convoitise, ils se sont rendus coupables de la transgression du mandat lui-même. Mais que dit l’Apôtre? Où le péché a abondé, la grâce a sura­ bondé, c’est-à-dire : la maladie s’est aggravée, le remède a été valorisé. » In ps. 83, 10 (37, 1004); et références innombrables. Ainsi, un développement lent et progressif était nécessaire, pour que l’homme reçût d’une manière fructueuse les dons de Dieu, pour qu’il les appréciât à leur valeur, pour qu’ils fussent réellement des bienfaits. LES FORMES VARIÉES DE LA VIE RELIGIEUSE Dans ce développement qui s’étend à l’univers et aux siècles, qui s’adapte à l’homme divers et innombrable, rien d’étonnant que les formes de la vie religieuse soient indéfiniment variées à l’intérieur de l’unique christianisme. Le scandale des contempo­ rains d’Anselme à propos d’une nouveauté dans le chant litur­ gique ou de la couleur d’un habit monacal nous paraît témoigner d’une certaine étroitesse d’esprit. Mais si nous nous flattons de plus de largeur dans les idées, nous ne devons pas être déconcertés par des mutations autrement importantes et par la diversité entre la vie des patriarches et la piété de xn° siècle. Ce ne sont en somme que détails. Si le nom du Seigneur est écrit, qu’im­ porte que ce soit avec de l’or ou avec de l’encre? remarque saint Augustin. L’ACTION DU SAINT-ESPRIT Tout ce développement se poursuit sous Faction du SaintEsprit, l’Esprit unique à l’action multiforme. De même que l’Esprit, selon l’Apôtre, répartit ses dons entre les fidèles de la communauté chrétienne, de même fait-il bénéficier de ses inspi­ rations les générations chrétiennes successives, suscitant les formes diverses de vie religieuse. Tout comme il y a eu, avant l’incarnation, bien des visites secrètes du Christ ou plutôt un avènement continu dans les âmes, ainsi la manifestation specta­ culaire de l’Esprit à la Pentecôte a été précédée d’actions cachées et discrètes, constamment renouvelées d’âge en âge. « De même, dit saint Augustin, que l’avènement du Soigneur s’entend de 144 APPENDICE la manifestation do l’incarnation et que cependant avant cette manifestation il a parlé lui-même dans tous les saints prophètes comme Verbe et Sagesse de Dieu, ainsi l’avènement de l’EspritSaint est son apparition aux yeux mêmes des hommes, lorsqu’on a vu le feu se partageant au-dessus d’eux et qu’ils ont commencé à parler en langues. Mais si l’Esprit n’êtait pas présent aux hommes avant la gloriiication visible du Seigneur, comment David a-t-il pu dire : ‘Ne m’enlevez pas voire Esprit’ ?... Que Dieu opère parfois secrètement, parfois visiblement à travers une créature visible, cela relève du gouvernement de la Providence; car toutes les actions divines se déroulent suivant un très bel ordre et discernement des temps et des lieux, la divinité ellemême n’étant pas retenue ni en mouvement dans le lieu, pas plus qu’elle ne se déploie ni ne varie dans le temps. «De divers. quaest. 62 (40, 54); cf. id. 44 (40, 28). L’action continue du Saint-Esprit, qui aiguillonne et modère, qui stimule et contient, nous garantit la valeur des changements rapportés par l’histoire et nous rassurerait, s’il en était besoin, sur les nouveautés à venir. LA CONSOMMATION FINALE En effet rien n’est terminé et la marche progressive continue. Évidemment, avec l’incarnation s’est produite une novation décisive; la venue du Christ introduit une situation privilégiée. Dans le beau texte que nous avons cité, saint Paulin db Nole reprenant des idées traditionnelles marquait la continuité du dessein salutaire de Dieu et mettait aussi en lumière la péripétie essentielle dans le drame du salut. Nous sommes passés de l’ombre qui a précédé le Christ à la lumière de l’Évangile. Mais, pour chacun de nous et pour l’Église, cette lumière est encore une ombre : ce n’est qu’à la Parousie que nous contemplerons le soleil dans tout son éclat. Saint Ambroise caractérise ainsi l’état intermédiaire où nous sommes : « Le Christ, image de Dieu, est venu sur terre : nous ne marchons plus dans l’ombre, mais dans l’image. C’est dans l’image qu’est le Christ que chemine l’homme selon l’Évangile. Ainsi, l’ombre a précédé, l’image a suivi, la vérité est à venir. L’ombre dans la Loi, l’image dans l’Évangile, la vérité au ciel. L’ombre de l’Évangile et de l’Église dans la Loi, l’irnage do la vérité future dans l’Évangile, la vérité dans le jugement de Dieu. » In ps. 38, 24 et 25 (14,1051). 11 y a dans l’Église un aspect eschatologique essentiel, que souligne saint Ambroise, en appelant de ses désirs la pleine APPENDICE 145 lumière : e Venez, Seigneur Jésus, non plus dans l’ombre, mais dans le soleil de justice. Si votre ombre a été salutaire, si l’ombre de votre Passion a été protectrice, si l’ombre de votre corps a rendu la santé, que pourra bien réaliser la gloire manifeste de votre puissancel Son ombre a guéri la lèpre, son ombre aussi a arrêté le flux de sang de cette femme qui avait touché la frange du vêtement du Seigneur. C’est à travers l’ombre que nous vous avons contemplé, quand vous n’aviez ni forme ni beauté. L’ombre, c’est votre chair, qui a rafraîchi la brûlure de nos cupidités... David dit : ‘Sous l’ombre de vos ailes protégez-nous.’ Dans son anéantissement, il est devenu l'ombre pour nous qu’avait brûlés le soleil de l’iniquité. Nous l’avons donc vu dans son ombre, dans la marche de la foi première. Actuellement il illumine le monde entier et cependant nous le voyons encore à travers l’ombre de son corps qui est l’Église et non point encore face à face. Car les yeux du corps ne peuvent supporter l’éclat fulgurant de la divinité. » In ps. 118, 19, 5 et 6 {15, 1470). ♦ *« Les Pères ne négligent certes pas l’aspect hiérarchique, institu­ tionnel de l’Église visible fondée par le Christ. Que l’on songe, par exemple, à la polémique de saint Augustin contre le schisme donatiste et d’ailleurs à tous les textes contre les différentes hérésies. Mais quand les Pères méditent sur l’Église « depuis le juste Abel jusqu’au dernier des élus o, ils la considèrent tout naturelle­ ment sous son aspect mystique et insistent sur le lien personnel et intérieur de foi et de charité, qui rattache les hommes d’avant le Christ à l’Église. C’est un lien très réel. Pour eux, la religion d’Abel ou des justes de l’Ancien Testament n’est pas une très vague esquisse et une très lointaine préparation d’une Église qui n’aura une existence vraie que beaucoup plus tard. Dans leur perspective, il y a, pour les justes, véritable appartenance au Christ et par conséquent au corps du Christ, à la véritable Église, qui est celle du Christ. Cette doctrine des Pères n’a jamais été oubliée par la théologie au Moyen Age ni dans les siècles suivants ‘. Que l'on songe à saint Agobakd, s’indignant contre les négations de Frédégise t. Sur l’histoire <1e cette théologie, que nous ne pouvons même pas esquisser ici, on trouvera quelques indications dans l’article du P. Y.Congar. Sur l’enseignement des théologiens contemporains d’Anselme, on pourra consulter les articles de J. Beumer signalés dans la Bibliographie, p. 24. 146 APPENDICE qui avait déclaré : sous l’Ancien Testament « non erant Christiani... non erat Christus»: ce sont là, répond Agobard,« deux blasphèmes, dont le second est particulièrement exécrable », Adv. Fredegisum (104, 169-170). Que l’on se rappelle la doctrine d’HuGUES de Saint-Victor : a li y a eu, au cours du temps, croissance de la foi : elle a grandi; il n’y a pas eu changement de la foi : elle n’est pas devenue autre. Avant la Loi... Sous la Loi... Sous la grâce... » De Sacr., I, 10, 6 (176, 339); ci. De arcaNoe, 1. 1, c. 2 (176, 625); id. C. 4 (176, 629630); De area Noe myst., c. 5 (176, 688-691). Qu’on relise les textes de saint Thomas, par exemple : « Les anciens Pères appartenaient à ce même corps de l’Êglise auquel nous appartenons. » A. th. 3, q. 8, art. 3, ad 3. Qu’on évoque Torquemada et ses conclusions tranchantes : e Les textes des Pères réfutent l’erreur des hérétiques qui pré­ tendent qu’avant la venue du Christ il n’y a pas eu de foi chez les Anciens et, en conséquence, pas d’Église. » Summa de Ecclesia, I. 1, c. 22. Mais la nécessité de réagir contre les diverses théories qui faisaient consister l’Êglise véritable dans la société invisible des parfaits, et surtout la controverse avec le protestantisme ont conduit beaucoup de théologiens à développer une ccclésiologie qui insistait avec vigueur sur l’organisme hiérarchique, muni de pouvoirs, dépositaire des moyens de salut; et qui identifiait le Corps mystique à l’Êglise visible, existant concrètement sur la terre, organisée juridiquement sous l’autorité du Souverain Pontifex. Ce développement théologique, qui est légitime et qui a paru indispensable, ne doit pas faire oublier la grande idée de 1’ « Eccle­ sia ab Abel », formée de tous ceux qui sont vitaleinent rattachés au Christ, à l’unique Sauveur qui domine l’espace et le temps. Il y a là deux aspects complementaires de la doctrine sur l’Êglise ·. On peut remarquer que la Constitution dogmatique de Ecclesia de Vatican II cite la formule » Ecclesia ab Abel » et rappelle la vérité qu’elle exprime, en la situant dans l’ensemble de l’Ecclésiologie : « Dieu a décidé de convoquer ceux qui croient au Christ dans la sainte Église qui, préfigurée dès l’origine du monde, merveilleusement préparée dans l’histoire du peuple d’Israël et 1. Cf. Encyclique Mystici Corporis, Dcnzinger-Schonmetzer 3801, 3802, 3821. 2. La Constitution Lumen Gentium enseigne une fois encore (v. g. après l'Encyclique Mystici Corporis, 1. c. 3801) qu’il ne faut pas dissocior Église visible hiérarchique et Communauté spirituelle, chap, i, n. 8. APPENDICE 147 l'ancienne Alliance, constituée dans les derniers temps, a été manifestée par l’effusion de l’Esprit et, à la fin des siècles, sera consommée dans la gloire. Et c’est alors, comme le disent les saints Pères, que tous les justes depuis Adam, ‘depuis Abel le juste jusqu’au dernier élu’, seront rassemblés auprès du Père dans l’Eglise universellex. » I. Cf. la conclusion de l’article de Y· Congar, p. 97-99. INDEX SCRIPTURAIRE (Citations ou .illusions claires : ces dernières sont signalée» par un astérisque.) Genèse 4, 2-1 4,4 4,26 6 et 7 8,20 12,7 13,4 1-4, 9-1 1 *16, 1-3 16, 10 s. 17, 0-14 21, 33 22 28, 14 28, 18 ♦30, 1-13 Exode •19. 16. 1144 1144 1147 1144 1145 1147 1147 1145 1145 1145 1145 1147 1145 1145 1145 1145 C 1) A D A A Λ A-B D B D A B D B D 1147 B Lévltlque 1-7 ♦25 Nombres •6 *12, 7 ♦19, 20 ♦20, 4 ♦29, 35 1145 D-1146 A 1159 B 1146 1146 1146 1146 1159 C Λ A A B Deu éronome 1 8. 1146 A Juges •20, 2· 1146 A I Samuel •18, 6 1146 C II Samuel •6, 5 1146 C I Paralipomènes •13. 8 1146 C 1, 5 1, 8 1146 B 1146 B Job Psaumes 36, 44, •61, 67, ♦91, 101, 102, ♦102, 111, ♦117, 118, 26 14 4 18 13 28 5 5 12 27 165 Proverbes •11, 1 •20, 23 •30, 15-16 1150 1160 1154 1160 1150 1160 1149 1157 1144 1159 1143 B B A C B A-B A B A B C 1151 A 1151 A 1153 B INDEX SCRIPTURAIRE 150 Cantique •5, 2 6, 8 1151 D 1144 A Sagesse *7, 22-23 *9, 15 1144 A 1148 A Ecclésiastique *46, 14 1150 B •16, 13 16, 33 1148 B 1149 C Actes des Apôtres 4, 32-35 5, 13 5, 14-16 6 et 7 8, 1 •10, 38 *23, 3 1148 1148 1149 1150 1150 1148 1154 Romains 8, 28 12, 10 1143 C 1152 D D D I) A Λ B A Isaïe 30, 27 1147 A Daniel 3, 45 1147 A I Corinthiens Matthieu ♦3, 16 ♦4, 1 ♦5-7 •13, 8 •13, 25 13, 29-30 ♦13, 30 13, 47-49 •18, 32 23, 13-22 ♦24, 7 24, 21 24, 23 •27, 51-52 •3, 5, 12, 12, 12, •15, 11 8 4 7-11 11 52 1149 1151 1144 1144 1157 1159 B D B B A B 1148 C 1148 B Il48 C 1147 C 1151 D 1143 B 1157 C 1143 B 1154 A 1153 B-D 1147 C 1158 B 1158 B 1147 B 11 Corinthiens ♦3, 16-18 •10, S 1159 B 1143 C Galates •1.4 1148 C Éphésicns *5. 27 1144 A 13, 19 1158 B Colossiens ♦3, 17 1153 A ♦1, 5 •19, 12 ♦21, 26 1148 B 1149 C 1159 A Marc Luc Jean 6, 71 ♦14, 26 i 157 B 1148 B I Timothée ♦6, 16 11 Timothée •2, 17 1160 A 1! 54 Λ τΐω •1, 16 1152 D INDEX SCRIPTURAIRE Hébreux •7, 19 •If 11. 13 ♦11. 17 •11, 21 •11, 36 12, 2 I Pierre 2, 1 ♦4, 10 5, 8 Apocalypse •5. 8 s. 1117 D 1144 D 1146 D 1145 B 1145 B 1150 A 1146 D 1157 C 1144 B 1152 B 1159 B G, G, 6, 6, G, 6, 6, 6, 6, 8, •12, ♦14, ♦19, 21, 151 1149 B-C 1-2 1149 C: 3 1150 D 5 1152 C 7-8 1157 D : 9-11 1158 B-C. 12 13 1158 C-D 1159 A 14 1159 A 17 1159 B 1 17 1150 C 4 1157 C 1151 A 20 1146 D-1147 A 2 INDEX DES AUTEURS ANCIENS CITÉS DANS L’APPENDICE Les numéros renvoient aux tomes et aux colonnes des Patrologies grecque et latine de Migne. Nous indiquons également les références aux éditions de « Sources Chrétiennes ». Pages Saint Agobard Adv. Fredegisum (104, 169-170)........................................................ Saint Ambroise De Sacram. 1, 4 et 6 (16, 420, 426; SC 25, p. 57-61)..................... — 4,3 (16, 438; SC 25, p. 106).......................................... De Mysteriis, 8, 44-45 (16, 404; SC 25, p. 180)................................ Epist. ~, 22 (16, 911).......................................................................... In Lucam, 10, 41-43 (14, 1813-1814; SC 52, p. 169-170)............. 10, 155-160 (15, 1843, 1844; SC 52, p. 207, 209)......... In Psalm. 1, 53 (14, 940)..................................................................... In Psalm. 38, 24 et 25 (14, 1051)...................................................... In Psalm. 118, 19, 5 et 6 (15, 1470).................................................. 145 124 124 124 133 134 130 132 144 145 Saint Augustin Contra duas epist. Pelag. 3, il (44, 595).......................................... 128 Contra Faustum, 20, 21 (42, 386)...................................................... 133 De bapt. contra Donat. 1, 16, 25 (43, 123)........................................ 124 De catech. rud. 22, 40 (40, 339)........................................................... 139 De civil. Dei, 16, 26, 2 (41, 505).............................................. 126, 134 — 18,47 (41,609-610)............................................ 127,138 De diversis quaesi. h't (40, 28).......................................................... 144 — 63 (40,54)............................................................. 143 Dedoctrina christ. 1, 35 et 36 (34, 34)................................................ 130 De peccato orig. 24, 28 (44, 398)........................................................ 136 — 26,30-31 (44,400).................................................. 136 De Trinitate, 4, 20, 27 (42, 907)........................................................ 128 — 4,20,28 (42.907)........................................................ 128 De vera religione, 10, 19 (34, 181)...................................................... 124 Epist. 102, 2, 8 (33, 373)................................................................ 126 — 102,2, 10 (33, 374).......................................................... 128. 129 INDEX DES AUTEURS ANCIENS 154 — 102. 2. 15 (33. 376)...................................................... t33, — 137. 3. 13 (33. 621)................................................................ — 177. 12 (33, 769)..................................................................... — 187, 11 (33. 845) ..................................................................... In Ep. Joan. 2, 1 (35. 1989; SC 75.p. 153)..................................... — 9, 5 (35, 2048-2049;SC 75,p. 386-388)...................... In Joan. 15. 32 (35. 1521)................................................................... — 45,9(35,1722)..................................................................... In Psalm. 36, s. 3, 4 (36. 385)............................................................. — 73,2 (36,931)............................................................. 130. — 73, 3 (36. 932)................................................................... — 77, 2 (36.983)..................................................................... 83,10 (37,1004)................................................................. — 90,8.2.1 (37,1159)........................................................... — 98. 2 (37. 1237)................................................................. 103, 9(37,1344)................................................................. Jtetracl. 1, 13, 3 (32, 604)................................................................... Serm. 352, 3(39,1553)......................................................................... )39 135 131 132 132 129 j/.l 129 125 142 129 134 142 127 130 130 124 129 Saint Bernard In Cant. 2. 4 et 5 (183. 791)............................................................. 139 Clément d’Alexandrie Pédagogue, 1. 6, 27. 2 (8. 281 ; SC70. p. 160)...................................... Slromates 1. 5 (8. 717 ; SC 30. p. 65)............................................. — 6. 6 (9, 265-276)............................................................. — 6. 14 (9. . .......................................................................... 123 135 137 135 Saint Cyrille d’Alexandrie Contra Julian. 3 (76, .......................................................................... 126 — 3 P6. 666)..\L... 127,135 — 3 (76,670)............................. 138 De vocatione gentium, 2. 4 (51, 689-690)...................................... 2,5-6(51,691).............................................. 137 189 Eusèbe de Césarée Hist, eccles. I, 4 (20, 76-80; SC 31. p. 18-20).................................... 424 — Saint Grégoire de Nazianze Orat. 15 (35, 912-913)...................................................... 141 Orat. theol. 5. 25 et 26 (36, 160-161).................................................... Saint Grégoire le Grand In Ezech. 2,3, 16 (76,966)................................................................... INDEX DES AUTEURS ANCIENS 155 Moral. Praef. 6, 13 (75, 524}................................................................ 134 — 3,32 (75,616)............................................................................ 125 29, 31 (76, 515)....................................................................... 127 Hermas Pasteur, Vision 2, 4, 1 (2. 898-899; SC 53, p. 96)......................... 123 Hugues de Saint-Victor De area Noe, 1, 1, 2 (176, 625)...................................................... 146 — 1,1,4 (176,629-630).................................................. 146 De area Noe myst. 5 (176, 688-691).................................................... 146 De Sacram. 1,10, 6 (176, 339)............................................................. 146 Saint Irénée Ado. Haer. 4, 9, 1 (7, 997; SC 100, p.480)................................... 125 — 4, 10, 1 (7, 1000; SC 100, p.492)................................. 132 4, 11,1 et 2 (7, 1001-1002; SC 100, p. 498)............... 127 4, 22, 2 (7, 1047; SC 100, p. 688).................................. 127 — 4, 33, 10 (7, 1079; SC 100, p. 824)................................ 133 — 4,34, 1 (7, 1083; SC 100, p. 846).................................. 141 4, 38, 1 (7, 1105; SC 100, p. 944-946)......................... 142 Démonstration 34 (SC 62, p. 87)........................................................ 127 Saint Jean Chrysostome In Matth. 36, 4 (57, 147)................................................................. 137 Sur l'Êp. aux Ëphésiens, 10, 1 (64, 75)............................................ 133 Saint Jérôme In Ep. ad Galatas, 1 (26,326).......................................................... 135 — 1 (26, 348)........................................................... 138 2,4 (26,370)...................................................... 125 — 2 (26, 375)........................................................... 131 Saint Justin Apol. 10, 13 (7, 462, 466)............................................................... 135 Saint Léon Scrm. 70, 1 {54, 380; SC 74, p. 116).............................................. 129 Nlcétas de Remeslana Explan. Symboli, 10 (52, 871)........................................................ 131 Orlgène In Cant. II (Baehrens Ill, 157)...................................................... 123 Incpist. ad Roman. 219 (14, 892)...................................................... 136 156 INDEX DES AUTEURS ANCIENS In Italam, 1. 5 {13, 232}..................................................................... In Joan. 20, 12 (14, 599)..................................................................... In Num. 10, 3 (12, 640; SC 29, p. 200).............................................. 133 130 136 Saint Paulin do Noie Ep. 12, 2 et 3 (61, 200-201)............................................................ 139 38,3 (61,359)................................................................................ 131 Rupert de Deutz De Trin. in Exod. 2, 4 (167, 612).................................................. Saint Thomas d’Aquln S. Th. 3, q. 8, art. 3, ad 3................................................................. Torquemada Summa de Ecclesia 1, 22................................................................ 134 146 146 TABLE DES MATIÈRES Pages NOTE PRÉLIMINAIRE La vio................................................................................. Les Dialogues...................................................................... Les grands thèmes du Livre 1............................................. 7 13 15 22 Bibliographie ....................................................................................... TEXTE ET TRADUCTION Prologue .......................................................................... Chapitre premier. Que certains ont coutume de s’étonner devant les formes si variées de la vie religieuse dans le christianisme................................................... Chapitre II. — Dans l’unique corps de l’Église, régi et gouverné par l’unique Esprit-Saint, il y a diversité de grâces.......................................................................... Chapitre III. — Des divers rites sacrificiels, qui d'Abel jusqu’au Christ apaisaient le même unique Dieu........ Chapitre IV. — Dans l’antiquité les Pères, bien que n’ayant pas connu pleinement chacun des articles de la foi, ont été sauvés, croyons-nous, dans la foi de ce qui devait venir................................................................. Chapitre V. — Dans l’histoire religieuse, il y a eu deux mutations extraordinaires, celles de la Loi et de l’Évangile, signalées par des tremblements de terre, qui mar­ quaient l’importance même de l’événement.............. Chapitre VI. — L’Ancien Testament a annoncé Dieu le Père manifestement, Dieu le Fils obscurément. Le Nou­ veau Testament a manifesté Dieu le Fils, mais d’abord a seulement insinué la divinité du Saint-Esprit et peu à peu l’a pleinement enseignée.................................................. Chapitre VII. — Les sept sceaux désignent les sept états de l’Église. Dans le premier état, au départ du cheval blanc, l’Église primitive se développe grace à la nouveauté des miracles et des prodiges........................................ 26 34 40 46 54 58 62 68 158 TABLE DES MATIÈRES VIII. — Dans le deuxième état de l’Église, à la sortie du cheval rouge, éclate la très cruelle persécution contre les saints........................................................... 72 Chapitre IX. — Dans le troisième état de l’Église, à la sortie du cheval noir, les plus grands périls venant des hérétiques ont troublé l’Église au-delà de toute mesure.. 76 Chapitre X. — Dans le quatrième état, au départ du cheval blême, l’Église a été éprouvée au-delà de ses forces par les faux frères — Invective contre l’hypocrite ; dans cet état encore il y a eu croissance d’un grand nombre de formes de vie religieuse........................................... 84 Chapitre XI. — Dans le cinquième état de l’Église, les âmes des saints, sous l’autel do Dieu, clament : «Jusqu es à quand, Seigneur saint et véritable, attendez-vous pour venger notre sang sur les habitants de la terre? #..... 108 Chapitre XII. — Dans le sixième état de l’Église, se produit un terrible tremblement de terre et une persé­ cution très violente, qui aura lieu au temps de l’Antéchrist. 110 Chapitre XIII. — Dans le septième état de l’Église, il y aura un grand silence; et s’instaurera l’octave de la béatitude infinie. Ainsi l’Église, qui est une dans la foi, une par l’espérance, une par la charité, est multiforme par la variété de ses divers états.............................. 114 Chapitre APPENDICE : QUELQUES TEXTES DES PÈRES SUR « L’ÉGLISE AU COURS DES SIÈCLES * Une seule Église dans toute l'histoire humaine................ 123 Occasions qui ont donné lieu à l’exposé de cette doctrine.. 125 Le Christianisme avant le Christianisme......................... 126 L’unique économie rédemptrice......................................... 128 Une seule foi, une seule charité......................................... 129 La foi au Sauveur dans le peuple d’Israél......................... 132 La foi au Sauveur chez les païens...................................... 135 Quelques cas exemplaires de païens d’après la Bible....... 138 Le nombre des élus avant le Christ.................................. 139 Explication des lenteurs de Dieu.................................... 139 Les formes variées de la vie religieuse............................... 143 L’action du Saint-Esprit.................................................... 143 La consommation finale...................................................... 144 INDEX Index scripturaire............................................................... Index des textes cités dans l’Appendice........................... 149 153 SOURCES CHRÉTIENNES LISTE COMPLÈTE DE TOUS LES VOLUMES PARUS Ar. R. — L'ordre suivant est celui de la date de parution (n° 1 en 1942), et il n’est pas tenu compte ici du classement en séries : grecque, latine, byzantine, orientale, textes monastiques d’Occident; et série annexe : textes para-chrétiens. Sauf indication contraire, chaque volume comporte le texte original, grec ou latin, souvent avec un apparat critique inédit. La mention bis indique une seconde édition. 1 bis. Grégoire de Nysse : Vie de Moise. J. Daniélou, S. J., prof, à l’Inst. cath. de Paris (1956)........................................ 14,10 2 bis. Clément d'Alexandrie : Protreptlque. C. Mondésert, S. J., prof, aux Fac. cath. de Lyon, avec la collaboration d’A. Pla&sart, prof, à la Sorbonne (réimpression 1961).... 12,00 3. Atuénacoub : Supplique au sujet des chrétiens. G. Bardy (trad, seule) (1943)............................................................... Épuisé 4 bis. Nicolas Cabasii.as : Explication de la divine Liturgie. S. Salaville, A. A., de l'Inst. fr. des Et. byx.........An préparation 5 bis. Diadoque de Photicê : Œuvres spirituelles. E. des Places, S. J., prof, à l’Inst. biblique de Rome (1955)....................... 14,10 6. Grégoire de Nyssb : La création de l'homme. J. Laplace, S. J., et J. Daniélou, S. J. (trad, seule) (1944)................. Épuisé 7 bis. Oiucéne : Homélies sur la Genèse. H. de Lubac, S. J., prof, à la Fac. de Théol. de Lyon, el L. Doutreleau, S. J. En préparation 3. Nicétas Stéthatos : Le paradis spirituel. M. Chalendard, doct. ès lettres (1945)................................ Remplacé par le n° 81 9 bis. Maxime le Confesseur : Centuries sur la charité. J. Pegon S. J., prof, à la Fac. de Théol. de Fourvière En préparation 10. Ignace d’Antiochb : Lettres. — Lettre et Martyre de Polycarpe de Snyrnb. P.-Th. Camelot, O. P., prof, aux Fac. dominie, du Saulchoir (3e édition, 1958)....................... 12,00 11 bis. Hippolyte de Rome : La Tradition apostolique. B. Botte, O. S. B., au Mont-César.......................................... En préparation 12. Jean Moschus : Le Pré spirituel. M. J. Rouét de Journel, S. J., prof, à l’Inst. cath. de Paris (trad, seule) (1946).... Épuisé F 13 bis. Jean Ckrysostome : Lettres À Olympias. A. M. Malin * grey, agr. do I* Université............................ En préparation Trad, seule (1947)............... 8,70 14. Hippolyte : Commentaire sur Daniel. G. Bardy et M. Lefèvre (1947) ........................................................................................ Épuisé Trad.seule.... 9,60 15. Athanasb d’Alexandrie : Lettres Λ Sérapton. J. Lebon, prof, à l’Univ. de Louvan (trad, seule) (1947)....................... 8,10 16. Origéne : Homélies sur l’Exode. H. de Lubac, S. J., et J. Fortier, S. J. (trad, seule) (1947)........................................ 10,50 17 bis. Basile de Césarée : Traité du Saint-Esprit. B. Pruche, O. P............................................................................. En préparation Trad, seule (1947)............... 10,50 18. Athanase d'Alexandrie : Discours contre les païens. De l’incarnation du Verbe. P. Th. Camelot, O. P. (trad, seule) (1947)................................................................................ 12,30 19. Hilaire de Poitiers : Traité des Mystères. P. Brisson, prof. à l’Univ. de Poitiers (1947)................................................... Épuisé 20. Théophile d’Antioche : Trois livres à Autolycus. J. Sender (1948) ............................................................................................. 10,80 Trad, seule............... 7,20 21 Éthêrie : Journal de voyage. H. Pélré, prof, à Sainte-Marie de Neuilly(réimpression 1964)..................................................... 11,70 22 bis. Léon le Grand : Sermons, t. I. J. Leclercq, O. S. B., et R. Dolle,O. S.B., à Clervaux(1964)............................................. 18,00 23 bis. Clément d’Alexandrie : Extraits de Théodote. En préparation 24 bis. Ptolémée : Lettre à Flora. G. Quispel, prof, à l’Univ. d’Utrecht ............................................................. En préparation 25 bis. Ambroise de Milan : Des sacrements. Des mystères. B. Botte, O. S. B. (1961)............................................................. 13,20 26. Basile de Césarée : Homélies sur l’Hexaéméron. S. Giet, prof, à l’Univ. de Strasbourg (1950)........................................ 19,50 27. Homélies Pascales : t. I. P. Nautin, chargé de recherches au C.N.R.S. (1951)..................................................................... 8,40 28. Jean Chrysostom?. : Sur l’incompréhensibilité de Dieu. F. Caval 1era, S. J., prof, à l’Inst. cath. de Toulouse, J. Daniélou, S. J., et R. Flacclière, prof, à la Sorbonne (1951) ........................................................................................ Épuisé 29. Origéne : Homélies sur les Nombres. J. Méhat, agr. de l’Univ. (trad, seule) (1951)....................................................... 21,00 30. Clément d'Alexandrie : Stromate I. C. Mondéserl, S. J., et M. Caster, prof, à l’Univ. de Toulouse (1951)................. Épuisé 31. Eusèbe de Césarée : Histoire ecclésiastique, t. I. G. Bardy (réimpression 1965) ................................................................. 17,40 32. Grégoire le Grand : Morales sur Job. R. Gillet, O. S. B., et A. de Gaudemaris, O. S. B., à Paris (1952)........................ 14,40 33 bis. A Dlognète. II.-l. Marrou, prof, àla Sorbonne (1965)......... 15,00 34. Irênée de Lyon : Contre les hérésies, livre III, F. Sagnard, O. P. (1952).................................................................................. Épuisé 35 bis Tertullibn : Traité du baptême. F. Refoulé, O.P. En préparation F 36. Homélies Pascales, t. II. P. Nautin (1953)................................ 5,85 37 bis OricÉne : Homélies sur le Cantique. O. Rousseau, O.S.B., Λ Chevetogne............................................................. En préparation 38. Clément d’Alexandrie : Stromate II. P. Camelot, O. P., et C. Mondésert, S. J.(1954}........................................................... Epuisé 39. Lactance : De la mort des persécuteurs, ^volumes. J. Moreau prof, à ('Université de la Sarre (1954)...................................... 25,80 40. Théodoret de Cyr : Correspondance, I. I. Y. Azéma, agr. de l’Univ. (1955)................................................................................ 7,80 41. Eosébr dp. Césarée : Histoire ecclésiastique, t. II. G. Bardy (1955)........................................................................................... .' 19,20 42. Jean Cassien : Conférences, t. I. E. Pichery, O.S.B., à Wisquos (1955|.................................................................................. 19,50 43. S. Jérôme : Sur Jonas. P. An tin, O.S.B., à Ligugé (1956).... 8,10 44. Piiiloxènk de Mabboug : Homélies. E. Lemoine (trad. seule) (1956).................................................................................. 21,00 45. Ambroise de Milan : Sur S. Luc, t. I. O. Tissot, O.S.B., Λ Quarr Abbey (1957)................................................................. 21,00 46. Te RT ulli en : De la prescription contre les hérétiques. P. de Labriolleet F. Refoulé, O. P. (1957)....................................... 9,60 47. Philon d'Alexandrie : La migration d'Abraham. R.Cadiou, prof. àl'Iûst. cathol. de Paris (1957)........................................ 6,00 48. Homélies Pascales, I. III. F. Floëri et P. Nautin (1957)......... 7,80 49 bis Léon le Grand : Sermons, t. II. R. Dolle, O.S.B. En préparation 50. Jean Chrysostome : Huit Catéchèses baptismales inédites. A. Wenger, A. A., de l’Inst. fr. des El. byz. (1957)............ 16,50 51. Syméon le Nouveau Théologien : Chapitres théologiques, gnostlqucs et pratiques. J. Darrouzès, Λ. A. (1957)............... 9,60 52. Ambroise de Milan : Sur S. Luc, t. II. G. Tissot O.S.B. (1958) .......................................................................................... 18,00 53. Hermas : Le Pasteur. R. Joly (1958).......................................... 19,50 54. Jean Cassien : Conférences, t. II. E.Pichery, O.S.B. (1958). 21,00 55. Eusère dp, CésARée : Histoire ecclésiastique, t. 111. G. Bar­ dy (1958)..................................................................................... 17,50 56. Athanasb d’Alexandrir : Deux apologies. J. Szymusiak, S. J. (19581.................................................................................. 12,90 57. Théodoret de Cyr : Thérapeutique des maladies helléniques. 2 volumes. P. Canivet, S.J (1958)......................................... 48,00 58. Denys l’Ahéop agite : La hiérarchie céleste. G. Heil, R. Roques, prof, à la Fac. dû Théo), de Lille, et M. de Oandillac, prof, à la Sorbonne (1958)...................................... 24,00 59. Trois antiques rituels du baptême. A. Salles, de l’Oratoire (trad, seule) (1958)..................................................................... 3,60 60. Aelred de Rieyaulx : Quand Jésus eut douze ans... Anselm Hoste, O.S.B., à Steenbrugge et J. Dubois (1958). 6,60 61. Guillaume de Saint-Thierry : Traité do la contemplation de Dieu. J. Ilourlier, O. S. B. à Solesincs (1959)................... 8,40 62. Irénéb de Lyon : Démonstration do la prédication aposto­ lique. L. Froidevaux, prof. à l’institut catholique de Paris. Nouvelle trad, sur l’arménien (trad, seule) (1959)............... 9,60 F 63. Ricuard dp. Saint-Victor : La Trinité. O. Salet, S. J., prof. à la Fac. de Théol. de Lyon-Fourvière. (49.59)...................... 64. Jean Cassien : Conférences, t. III. E. Piçhery, O.S.B. (1959). 65. Géi.ase Ier : Lettre contre les Lupercales et dlx-hult messes du sacramentalre léonlon. G Pomarfcs, Dr en Théol. (1960)................................................................................ 66. Adam de Perseignb : Lettres, t. I. J. Bouvet, supr du grand séminaire du Mans (1960)........................................................... 67. Origéne : Entretien avec Héracltde. J. Scherer, prof, à l'Univ. de Besançon (1960)..................................................................... 68. Marius Victorious : Traités théologiques sur la Trinité. P. Henry, S. J., prof, à l’institut catholique de Paris, et P. Hadot, chargé de rech. au C.N.R.S. Tome I. Introd., texte critique, traduction (I960). 69. Jd. - Tome II. Commentaire et tables (1960). Les 2 vol. 70. Clément d’Alexandrie : Le Pédagogue, t. 1. ll.-l. Marrou et M. Harl, prof, à la Sorbonne (1960).................................... 71. Oricéne : Homélies sur Josué. A. Jaubert, agrégée de l’Université (1960)............................................................................ 72. Amédée de Lausanne : Huit homélies mariales. G. Bavaud, prof, à Fribourg, J. Deshusses et A. Dumas, O.S.B. à Hautecombe (1960)................................................................. 73. Eusébf. de Cêsarée : Histoire ecclésiastique, t. IV. Introd. générale de G. Bardy et tables de P. Périchon (I960)......... 74. Léon le Grand : Sermons, t. III. R. Dolle, O.S.B. (1961). 75. S. Augustin : Commentaire de la Iro Êpître de S. Jean. P. Agaésse, S. J-, prof, à la Fac. de Philos, de Chantilly (1961) .......................................................................................... 76. À8LRF.D de Rievaulx : La vie de recluse. Ch. Dumont, O. C. S. ()., à Scourmont (1961).............................................. 77. Defensor de Ligugé : Le livre d’étincelles, t. I. H. Rochais, O. S. B., à Ligugé (1961)........................................................... 78. Grégoire de Narek : Le livre do Prières. I. Kéchichian, S. J. (trad, seule) (1961)..................................................................... 79. Jean Ciirysostome : Sur la Providence de Dieu. A. M. Ma­ lingre.? (1961)............................................................................ 80. Jean Damascène : Homélies sur la Nativité et la Dormi­ tion. P. Voulût, S. J. (1961)..................................................... 81. Nicétas Stéthatos : Opuscules et lettres. J. Darronzès, A. A. (1961)................................................................................ 82. Guillaume de Saint-Thierry : Exposé sur le Cantique des Cantiques. J.-M. Déchanel, O. S. B. (1962)................... 83. Didymb l’Aveugle : Sur Zacharie. Texte inédit. L. Doutrcleau, S. J. Tome 1. Introduction et livre 1 (1962). 84. Id. · Tome IL Livres II el III (1962). 85. Id. - Tome 111. Livres IV et V, Index (1962). Les 3 vol........ 86. Defensor de Ligugé : Le livre d’étincelles, t. IL H. Rochais O. S. B. à Ligugé (1962)............................................................. 87. Origénb : Homélies sur S. Luc. II. Crouzel, F. Fournier et P. Périchon, S. J. <1962)....................................................... 24,00 15,00 13,80 10,50 9,60 49,50 16,80 30,00 15,00 24,00 15,60 18,00 13,80 18,00 25,20 19,50 14,70 39,00 21,00 84,00 15,00 33,00 F 88. Lettres des premiers Chartreux, tome 1 : S. Bruno , Guigves, S. Anthelmb. Par un Chartreux (1962)................................ 89. Lettre d’Arlstée à Philocrate. A. Pelletier. S. J. (1962)........... 90. Vie do sainte Mêlante. Dr D. Gorce, Drés lettres (1962)........... 91. Anselme de Cantorréry : Pourquoi Dieu s’est fait homme. R. Roques, Dir. d’Bt. à l’Ec. prat. des H. E. (1963)............. 92 .Dorothée de Gaza : Œuvres spirituelles. L. Régnault et J. de Prévillc, O. S. B., à Solesmes (1963).............................. 93. Baudouin de Ford : Le sacrement de l’autel. J. Morson, O. C. S. O., E. de Solms, O. S. B., J. I/Oclercq, O. S. B. Tome 1 (1963). 94. Id. — Tome 11 (1963). Les doux vol.......................................... 95. Méthode dOlymff. : Le banquet. II. Musurillo, S. J., prof, à Fordham Univ, et V.-H. Debidour, agrégé de l’Univ. (1963) 96. Syméon lb Nouveau Théologien : Catéchèses. Texte cri­ tique. Mgr. B. Krivochéinc et J. Paramelle, S. J. Tome I. Introduction et. Catéchèses 1-5 (1963).................................... 97. Cyrille d’Alexandrie : Deux dialogues.chrlstologiques. M. G. de Durand, O. P. prof, à l’institut d’Et. Méd. do Montréal (1964).......................................................................... 98. Tiiéodorbt de Gyr : Correspondance, t. 11. Y. Azéma (1964) 99. Romanos le Mélodb : Hymnes. J. Grosdidier de Matons, agrégé de l’Université. Tome I. Introduction et Hymnes 1-V11I (1964).............................................................................. 100. Irénée de Lyon : Contre les hérésies, livre IV. A. Rousseau O. C. S. O. avec la collaboration de B. Hcminerdïnger, Ch. Mercier, L. Doutreleau, 2 vol. (1965)................................ 101. Quodvultdeus : Livre des promesses et des prédictions de Dieu. R. Braun, prof, à l’Univ. d’Aix-Marseille. Tome I . (1964) 102. Id. — Tome II (1964). Les 2 volumes...................................... 103. Jean Chrysostome : Lettre d’exil. A. M. Malingrey, maître de conférences à l’Univ. de Lille (1964).................................. 104. Syméon le Nouveau Théologien : Catéchèses. B. Krivochéino et J. Paramelle. Tome 11. Catéchèses 6-22 (1964). 105. La Règle du Maître. A. de Vogué, O. S. B. à la Pierre-QuiVire. Tome I. Introduction et chap. 1-10 (1964). 106. Id.— Tome 11. Chap. 11-95 (1964). Les 2 vol......................... 107. Id. — Tome III : Concordance et Index orthographique. J.-M. Clément, J. N oufville et D. Demeslay, O. S. B. (1965) 108. Clément d’Alexandrie : Le Pédagogue, tome II. Cl. Mondésert et H.-I. Marrou (1965).................................................. 109. Jean Cassirn : Institutions cénobltlques. J.-C. Guy, S. J. (1965) .......................................................................................... 110. Romanos le Mélode : Hymnes. J. Grosdidier de Matons. Torno 11. Hymnes 1X-XX (1965)............................................ 111. Théodoret de Cyr : Correspondance, t. III. Y. Azéma (1965) .......................................................................................... L 17,40 24,00 24,00 33,00 42,00 36,00 30,00 38,70 45,00 22,80 42,00 96,00 48,00 15,00 39,00 64,80 35,10 24,00 39,00 37,50 25,20 F 112. Constance de Lyon : Vie de S. Germain d’Auxerre. R. Bonus. (1965}....................................................................... 16.20 113. Syméon lb Nouveau Théologien : Catéchèses. B. Krivochéino et J. Paramelle. T. il. Catéchèses 23-34, Actions do grâces 1-2 (1965)................................................................... 39,00 114. Romanos le Mélodf. : Hymnes. J. Grosdidier de Matons. Tome III. Hymnes XXI-XXX1 (1965).................................. 37,50 115. Manuel II Paléolocue : Entretien avec un musulman. A. Th. Khoury (1966).............................................................. 27,00 116. Augustin d’Hippone : Sermons pour la Pâque. S. Poque, agrégée do l’Université (1966)................................................ 24,00 117. Jean Chkysostomb : A Théodore, J. Dumortior, prof, aux Fac. cath. de Lille ( 1966)........................................................... 33,00 118. Anselme de Havelberg : Dialogues, Livre I. G. Salet. S. J. . (1966) SOUS PRESSE : Grégoire de Nysse : Traité de la Virginité. M. Aubincau. Cyrille de Jérusalem : Catéchèses mystagoglques. A. Piédagnel. Syméon le Nouveau Théologien : Traités théologiques et éthiques. 2 vol. J. Darrouzès. S. Éphhem : Commentaire sur le Dlatessaron. L. Leloir. Ste Gertrude : Œuvres spirituelles. Par les moines de ΓAbbaye de Saint-Paul de Wisques. Tomes I-III. Sulpice Sévérp. : Vie de S. Martin. 3 vol. J. Fontaine. Expositio totius mundi et gentium. J. Rougé. Jean Chrysostoms : La Virginité. H. Musurillo et B. Grillet. Origêne : Commentaire sur S. Jean, tome I. C. Blanc. Oricbne : Contre Celse, Livres I-IV. 2 vol. M. Borret. Méliton de Sardes : Sur la Pâque. O. Perler. Romanos le Mélodb : Hymnes, t. IV. J. Grosdidier de Matons. Isaac de l’Étoilb : Sermons .2 vol. A. Ilostect G. Salet. SOURCES CHRÉTIENNES (1-117) Adan de Persrignb Lettres, I : 66. Aelred de Rievaulx Quand Jésus eut douze ans: 60. La vie de recluse : 76. Ambroise de Milan Des sacrements : 25. Des mystères : 25. Sur saint Luc, I-VI : 45. — VII-X : 52. Ambdèe de Lausanne Huit homélies mariales : 72. Anselme de Cantorbery Pourquoi Dieu s’est fait homme : 91. Lettre d’ÀRiSTÉF. : 89. Athanase d'Alexandrie De l’incarnation du Verbe : 18. Deux apologies : 56. Discours contre les païens : 18. Lettres à Sérapion : 15. Athénacore Supplique au sujet des chrétiens : 3. Augustin Commentaire de la première Épttre de saint Jean : 75. Sermons pour la Pâque : 116. Basile de Césarée Homélies sur l'Hexaéinéron : 26. Traité du Saint-Esprit : 17. Baudouin de Ford Le sacrement de l’autel : 93 et 94. Cassien, voir Jean Cassien. Chartreux Lettres des premiers Chartreux, 1 : 88. Clément d’Alexandrie Le Pédagogue, 1 : 70. — H : 108. Protreptique : 2. Stromate I : 30. Stromate II : 38. Extraits de Théodote : 23. Constance dr Lyon Vie de saint Germain d’Auxerre : 112. Cyrille d’Alexandrie Deux dialogues christologiques : 9 7. Defensor de Ligugé Livre d’étincelles, 1-32 : 77. — 33-81 : 86. Denys l’Arëopacite La hiérarchie céleste : éS. Diadoque de Photicé Œuvres spirituelles : 5. Didyme l’Aveuglb Sur Zacharie, I : S3. — II-III : 84. IV-V : 85. A Diocnète : 33. Dorothée de Gaza Œuvres spirituelles : 92. Ëthêrie Journal de voyage : 21. Eusëbe de Césarée Histoire ecclésiastique, I-IV : 31. — V-Vll : 41. V1II-X : 55. introduction et index : 73. Gélase Ier Lettre contre les lupcrcalcs et dix-huit messes : 65. Grégoire de NaREK Le livre de Prières : 78. Grégoire de Nysse La création do l’homme : 6. Vie do Moïse : 1. Grégoire lf. Grand Morales sur Job : 32. Guillaume de Saint-Thierry Exposé sur le Cantique : 82. Traité de la contemplation de Dieu : 61. Hermas Le Pasteur : 53. Hilaire de Poitiers Traité des Mystères : 19. Hippolyte de Rome Commentaire sur Daniel : 14 La Tradition apostolique : 11. Homélies Pascales Tome I : 27. — II : 36. III : 48. Ignace d'Antioche Lettres : 10. Irénée de Lyon Contre les hérésies, III : 34. — IV : 100. Démonstration de la pré­ dication apostolique : 62. Jean Cassi en Conférences, I-V1I : 42. — Vin-XVlI : 54. — XVIII-XXIV : 64. Institutions : 109. Jean Chrysostohe A Théodore : 117. Huit catéchèses baptismales : 50. Lettre d’exil : 103. Lettres à Olympias : 13. Sur l’incompréhensibilité de Dieu : 28. Sur la providence de Dieu : 79. Jean Damascène Homélies sur la Nativité et la Dormition : 80. Jean Moschus Le Pré spirituel : 12. Jérôme Sur Jonas : 43. Lactance De la mort des persécuteurs : 39 (2 vol.). Léon le Grand Sermons, 1-19 : 22. — 20-37 : 49. 38-64 : 74. Manuel 11 Paléolocue Entretien avec un musulman 115. Marius Victorinus Traités théologiques sur la Trinité : 68 et 69. Maxime le Confesseur Centuries sur la Charité : 9. Mé lanie : voir Vie Méthode d’Olyxpb Le banquet : 95. Nicétas Stèthatos. Opuscules et Lettres : SI. Nicolas Cabasilas Explication de la divine liturgie : 4. Origéne Entretien avec Héraclide : 67. Homélies sur la Genèse : 7. Homélies sur l’Exode : 16. Homélies sur les Nombres: 29. Homélies sur Josué : 71. Homélies sur le Cantique : 37. Homélies sut saint Luc : 87. Philon d’Alexandrie La migration d* Abraham : 47. PlIlLOXÉNE DE MABBOUG Homélies : 44. POLYCARPE DE SmyRNE Lettre et Martyre : 10. Ptolémér Lettre à Flora : 24. Quodvultdeus Livre des promesses : 101 et 102. La Règle du Maître Tome 1 : 105 — II : 106. — III : 107. Richard de Saint-Victor La Trinité : 63. Rituels Trois antiques rituels du Baptême : 59. Romanos le Mélodb Hvmnes, t. I : 99. — t. II : 110. — t. III : 114. Syméon le Nouveau Théologien Catéchèses, 1-5 : 96. — 6-22 : 104. — 23-34 : 113. Chapitres théologiques, gnostiques et pratiques : 51. Tertullien De la prescription contre hérétiques : 46. Traité du baptémo : 35. les Théodoret de Cyr Correspondance, lettres — I-LII : 40. — lettres 1-95 : 98. — lettres 96-147 : 111. Thérapeutique des maladies helléniques : 57 (2 vol.). Théodote Extraits (Clément d'Alex.) : 23. Théophile d’Antioche Trois livres à Autolycus : 20. Vie de sainte Mélanie : 90. Également aux Éditions du Cerf: LES ŒUVRES DE PHILON D’ALEXANDRIE publiées sous la direction de R. Arnaldez, C. Mokdésert, J. Pouilloux. Texte grec et traduction française. Volumes déjà parus : 1. Introduction générale. De opificio mundi. R. Arnaldez (1961) ........................................................................................ 2. Logum allegoriae. C. Mondêsert (1962).................................... 3. Do chorubim. J. Oorez (1963)..................................................... 4. De sacrificiis Abolis et Calnl. A. Méasson (1966).................... 5. Quod deterius potlorl Insidiari soleat. I. Feuer (1965)............... 7-8. De glgantlbus. Quod Deus sit Immutabilis. Λ. Mosès (1963). 9. De agricultura. J. Pouilloux (1961)......................................... 10. Do plantatione. J. Pouilloux (1963)......................................... 11-12. De ebrietate. De sobrietate. J. Gorez (1962)........................ 13. De confusione linguarum. J.-G. Kahn (1963)......................... 14. De migration© Abraham). J. Cazeaux (1965).......................... 18. De mutatione nominum. R. Arnaldez (1964).......................... 19. De somnlls. P. Savinel (1962)..................................................... 21. De Joseph©. J. Laporte (1964)................................................. 23. Do Decalogo. V. Nikiprowetzky (1965)................................... 26. Do virtutibus. R. Arnaldez, Â.-M. Vérilhac, M.-R. Serve! cl P. Delobre (1962)................................................................. 27. De praemiis et poenis. Do exsecrationibus. A. Beckaert (1961) ........................................................................................ 29. De vita contemplativa. F. Daurnas et P. Miquel (1964). 15.60 24.60 7,80 21,00 12,00 15,00 9,60 11,70 14,70 15,00 21,00 12,90 21,00 12,60 12,90 15,00 12,80 12,00 Sous presse : 15. Quis rerum divinarum heres sit. M. Harl. 20. Do Abrahamo. J. Gorez. 31. In Flaccum. A Pelletier. --------------------------- Imprimé en France --------------------------ΙΝίΉΙΜΓ.ΠΙΗ PlflMlNDIDOT. - PARIS · MKKNIL . IVIIY - 887 Dépôt lésa) : 2« trimeaue 196«.