(BULLETIN DE LITTÉRATURE ECCLESIASTIQUE Publi é par 1 Institut Catholique de Toulouse (J rûneelrtel ) N.. lt — JANVIEK-MAKS 1944 MARQUETTE UNIVERSITY. FEB 131961 LIBRARt 31, Hue âe 1· l onâfrtf* TOULOUSE BULLETIN DE LITTÉRATURE ECCLÉSIASTIQUE Lr Hullrlin parait loua Ira Irola mol·. Prix de l'abonnement : 50 francs. Pour !<"· pa\s étranger» pouvant recevoir de» imprimés Prix du numéro : 70 franc» 15 francs La correspondance, le montant des abonnements et les ouvrages pour comptes rendus doivent être adressés a In DIRECTION du i:i i.i.i.iix DE in TÉHATl HI ECCLJ S IA SIIQl !.. ai. rue de la Fonderie, Toulouse (Haute-Garonne). 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EcCLÎtlAITlQUU i λ’ Ottz.Lre-!>’//« u>''· «>4'« La Vertu de Religion La division des vertus en vertus théologales et vertus mora’es est classique. Elle n’est pas, pour autant, au-dessus de toute critique. S’il est vrai, en effet, que la vertu morale est celle qui perfectionne l’homme en tant qu clre moral, c’est-à-dire en tant que cause libre ordonnée à une lin der­ nière et soumise à une loi, les vertus théologales qui l'adap­ tent immédiatement à sa fin surnaturelle et mettent ses facultés humaines en harmonie avec celte lin, s nt, au premier chef, des vertus morales, sans en excepter la foi, vertu d’ordre intel'ectuel, il est vrai, mais étroitement liée à une certaine rectitude de la volonté, en l’absence de la­ quelle elle ne saurait exister : d’où il suit que son acte est, en tant qu’adhésion aux vérités révélées, un acte humain et un acte moral, encore qu’élevé par la grâce. Il faudrait donc dire que la vertu morale est uri genre qui comprend deux espèces, savoir : la vertu théologale ou théologique et celle que l’on pourrait appeler anthropologique, parce qu’elle dispose et ordonne l’homme par rapport à lu-m'-me ou à ses semblables et généralement à tout ce qui s’inter­ pose entre lui et Dieu, fin suprême. Car c’est bien ainsi nue l’on entend la vertu morale dans son opposition tradition­ nelle à la vertu tbélogale. Dira-t-on, pour expliquer et justifier les ternes de cette distinction, que l’appellation de vertu morale a été em­ pruntée purement et simplement à la nomenclature des vertus dites humaines, et, par conséquent, naturelles, le'le qu’on peut la trouver chez des auteurs qui n’avaient aucune notion de la vertu théologale, notamment dans Aristote au premier livre de son Ethique (i), où le Philosophe distingue une double catégorie de vertus, savoir les vertus intellec­ tuelles et les vertus morales, les premières n’intéressant que le bien de l’intelligence, tandis que les secondes con­ courent à rectifier les puissances appétitives ? Cette remarque (1) Ethic. Nicom., 1 .1. c. 13. KIMI IKU'llr UlF. vaut, suns doute, connue explicalion, mais non comme jughiicalion, car elle donne lieu de regretter que les théologiens, en invoquant l’autorité du Stagirite, n'aient pas procédé à une double mise au point, pourtant indispensable: d’abord, en ce qu’ils ont traité son texte comme une sorte de lettre intangible, car dès l’instant où ils juxtaposaient les vertus dont il s’agit et les vertus théologales à la manière de deux groupes en quelque façon complémentaires,, il no devait pas leur échapper que les unes et les autres avaient un genre prochain commun qui ne pouvait pas être celui de vertu, ce dernier notant que le genre éloigné, mais celui de vertu morale, tout au moms dans l’hypothèse de l’existence de vertus surnaturelles autres que les vertus théo­ logales, hypothèse exclue, on le sait, par Duns Scot (a), mais pleinement admise, après Je Maître des Sentences (3), par saint Thomas (4) et saint Bonaventure (5). Il est clair, en effet, que cette existence étant posée, les deux groupes de vertus que nous considérons divisent immédiatement le genre de la vertu morale infuse, tandis que, celte même existence étant niée, la vertu morale se divisera en vertu morale infuse, devenue une sorte d’équivalent de vertu théo­ logale, et vertu morale acquise, raison commune des ver­ ius proprement humaines, appartenant au groupe opposé. Il fallait donc, en tout état de cause, modifier le sens de la terminologie aristotélicienne, en faisant de la vertu mo­ rale la raison générique commune des vertus théologales et des vertus de moindre excellence qui complètent l’armature morale de l’être humain. Mais il fallait aussi, d’autre part, rectifier la doctrine du Philosophe en ce quelle a d’insuffisant dans sa conception de la vertu. Car, bien que, dans le septième livre de son Ethique (6), il fasse mention de certaine vertu supérieure qu'il appelle héroïque ou divine — ήρωϊκήν τινα χαΐ Θβίαν (άρεχήνι — caractérisée par une hauteur d’inspiration qui dépasse la commune mesure, le concept de vertu théologale lui de­ meure totalement étranger, ce qui fausse nécessairement, on le comprendra plus loin, tout l’enseignement de son 13) In Sent., d. 36, q. un. (3) 3 Sent., d. 33. (4) la-IIae, q. 63, a 3. (5) /n Sent., d. 33, q. 5. (6) Ethic. Nicom., 1. 7, c. 1. EA TZBTU nr. «BEiniGN iW Ethique. Certes, il ne pouvait avoir le pressenti ment ou le soupçon de la vertu théologale infuse, mais nous verrons par la suite que la vertu théologale, au sens propre du terme, appartient aussi à l’ordre des vertus naturelles et qu’un sys­ tème de vertus acquises d’où toute vertu théologale est ab­ sente est esscntiellemi nt incomplet. On ne saurait donc alléguer à l’appui de la division qui a prévalu dans les écoles et dans l'usage commun aucune raison vraiment valable. 11 est, du reste, digne de remarque que, durant de longs siècles, à la suite de saint Ambroise qui paraît avoir usé le premier de ce vocable dans son commentaire de saint Luc (7), les auteurs ecclésiastiques s'en sont tenus à la dénomination de « vertus cardinales » au sens de vertus principales, non, certes, pour attribuer à ces vertus quelque avantage par comparaison avec la foi, l’espérance et la charité, mais pour distinguer, parmi les vertus que l’on devait, plus tard, appeler morales, celles que l’on doit, à des titres divers, considérer comme possé­ dant avec une certaine prééminence, une naturelle priorité dans leur classification, aussi bien que dans leur genèse. C’est ainsi que parle encore Pierre Lombard (8), et jusqu’à saint Bonaventure, en son commentaire de celte distinction (9). Sans doute, cette façon de confronter les vertus théolo­ gales et les autres ne jette aucune lumière sur la manière dont elles s’ordonnent entre elles logiquement et ontolo­ giquement, mais, du moins, elle échappe au reproche de faire un trait différentiel de ce qui est essentiellement un caractère commun. Mais cette réserve étant faite une fois pour toutes et à litre purement spéculatif, nous n’entendons point nous écarter, dans les pages qui suivent, du vocabulaire en usage et acceptant pratiquement la distinction courante des ver­ tus théologales et des vertus morales, cardinales ou autres, nous voudrions examiner à laquelle de ces deux catégories il convient de rattacher la vertu, infuse ou acquise, qui dis­ pose la créature intelligente à reconnaître par un culte spécial de révérence et d’honneur l’excellence de Dieu, premier principe et maître absolu de toutes choses, établis- (7) Pair , t. 15, 1653. (8' ■? Sent, d 33. (9) Cf. Brcviloq. et Centtioq ιί4 MHMI nul'M.m Sant ainsi entre elle et son créateur un bien spirituel qui la fait justement appeler vertu de Religion. Φ A À Le sentiment des théologiens ù cet égard ne laisse place à aucun doute. La religion n’est pas une vertu théologale. « C’est, dit Suarez (10), renseignement de saint Thomas (2» 2*®, q. 81, a. 4 et 5). C’est, à ce même endroit, celui de Cajetan, et communément de tous les théologiens dans leur commentaire des Sentences (in 3uin, d. 9)... Il se dé­ gage du sentiment commun de l’Eglise, lequel n’admet que trois vertus théologales, celles dont il est dit singulièrement dans saint Paul (i Cor. xm, i3): « Maintenant, ces trois cho­ ses demeurent : la foi, l’espérance, la charité ». Et Suarez d’ajouter : « Les vertus étant suffisamment divisées comme elles le sont, il en résulte que la religion est une vertu morale... et telle esl la position commune. Seul, Durand (in 4“ d. 14, qa dit qu’elle est en partie morale et en partie quasi théologique.., mais on ne peut approuver ce langage, et Durand lui-même, au 3° livre des Sentences, dist. 9, s’exprime tout autrement, car il la qualifie purement et simplement de morale, comme elle l’est en effet. » Cette brève recension de Suarez appelle toutefois un correctif au sujet de saint Bonaventure, de qui le sentiment complexe se ramène aux points suivants (11) : l’hommage que nous rendons à Dieu comporte des actes soit intérieurs, soit extérieurs. C’est dans les premiers que consiste excellem­ ment le culte; les seconds ont un caractère de service et sont, comme tels, du nombre des opérations par lesquelles nous entrons en rapport avec autrui pour l’acquittement d’une obligation ou d’une dette à son égard ; ils relèvent donc de la vertu de justice et, plus précisément, de la vertu de religion, qui se compare à la justice comme une espèce à son genre prochain ; tandis que les actes intérieurs, qui ne présentent pas cette caractéristique de service où s’af­ firme la dépendance du débiteur vis-à-vis d’un ayant droit, relèvent de la vertu théologique, non, certes, d’une quatrième (10) Pe religione, 1. 3, cap. 3 LA VERTU ηκ RELIGION 1*0 vertu, mais de la foi, de l'espérance et de la charité, en tant que le culte intérieur par lequel nous honorons Dieu n’est pas autre chose que l’ensemble des actes de ces trois vertus. D’où il suit que si le mot « latrie » qui, selon son étymologie, signifie service, est réservé, comme il con­ vient, à la désignation des actes extérieurs par lesquels s’accuse notre sujétion vis-à-vis de Dieu, la vertu de latrie dépend exclusivement de la vertu cardinale de justice ; mais si on l’entend, comme il arrive assez communément, des actes tant intérieurs qu’extérieurs, la vertu de latrie com­ portera une essentielle différenciation qui en fera, selon les cas, soit un élément de vertu cardinale, soit une résultante des trois vertus théologales si autem lalria dicatur callus interior, cum ille consistat in credendo et diligendo et spe­ rando Deum... sic non ponitur esse virtus cardinalis, sed theologica, non, inquam, ab aliis distincta, sed consequens ad omnes illas... Ajoutons au témoignge de Suarez celui de l’un des théologiens les plus récents et les plus qualifiés, le P. Chris­ tian Pcsch, qui, rangeant à son tour la religion parmi les vertus morales, s’exprime comme il suit au sujet du nombre et de l’identification des vertus qui ont Dieu pour objet propre (12) : « Sans doute, cette doctrine (de l’existence, en nombre absolument fixe, de trois vertus théologiques : foi, espérance et charité) n’est pas si expressément énoncée dans lee documents où la théologie prend sa source, qu’il soit hérétique de la nier et d’affirmer, par exemple, l’exis­ tence d’un plus grand nombre de ces vertus. Néanmoins, la chose est certaine, nihilominus res est certa. Et après avoir cité le texte déjà évoqué de saint Paul, nunc autem manent fides, spes, caritas, tria hœc, avec quelques pas­ sages des Pères qui s’y rapportent, il déclare « 11 n’existe, semble-t-il, aucun théologien qui ait dénombré des vertus théologales autres que les trois précitées, ou qui ait nié que ces trois dernières soient des vertus distinctes. Dès lors que le Concile de Trente énumère explicitement la foi, l’espé­ rance, la charité comme trois vertus distinctes, sans faire mention d’aucune autre vertu, il n’est pas surprenant que les théologiens postérieurs présentent la chose comme tout (12) De virtutibus infusis. Sect. 1, prop 1 REMI HOUnCAOE à fait certaine : rem ut plane certam proponunt. Nous voici donc suffisamment instruits de la thèse fondamentale défendue par les théologiens en celle matière. 11 nous reste à indiquer les raisons sur lesquelles elle s’appuie. C’est ce que nous ferons en nous référant principaiement aux textes de saint Thomas, de son commentateur Gajelan et de Suarez. Saint Thomas (i3), considérant dans la Somme, la fonc­ tion propre de la religion, dit quelle consiste à rendre à Dieu le culte qui lui est dû : religio est quae Dco debitum cultum affert. Deux choses sont donc ici à distinguer : ce que la religion apporte ou procure, savoir le culte, qui consiste en divers actes (tant intérieurs qu’extérieurs) de caricivi.» honorifique, tels que les sacrifices, et celui à qui ce cu!te est rendu, c’est-à-dire Dieu. D’où il suit que le culte ou l’ensemble des actes dans lesquels il s’exprime, est la matière propre ou l’objet de la religion, c’est-à-dire ce sur quoi s’exerce l’activité de cette vertu, tandis que, d’autre part, ces memes actes, qui ne sauraient atteindre Dieu directement, lui sont ordonnés comme à leur fin : unde manifestum est tfuod Deus non comparatur ad virtu­ tem religionis sicut materia vel objectum, sed sicut finis. 11 est vrai que, lorsqu’on dit : j’honore Dieu, je l’adore, cet acte semble avoir Dieu même pour objet; mais ce n’est qu’une apparence. Honorer Dieu, c’est lui offrir quelque chose (savoir quelque acte honorifique ou quelque pratique révérentielle) qui implique une protestation de sujétion à son égard : transit tamen (actus) in rem aliam sicut in objectum et in Deum sicut in finem, quia, colere Deum est aliquid exhibere Deo in protestationem servitutis (i/|). Or, il PS; de l’essence de la vertu théologique de s’exercer immé­ diatement sur Dieu comme sur sa matière ou son objet cl par suite, la religion, qui ne se rapporte à Dieu que comme à la fin de ses opérations, n’est pas une vertu théologique, mais une vertu morale, encore que la plus excellente de toutes, parce que, ainsi que l’explique l’article 6 de la même question 8i, elle se rattache de plus près que toute autre à Dieu, <·η tant quelle s’occupe de ce qui est, par destination immédiate, ordonné à l’honneur divin : in quantum operatur (13) In Sent., d. 9 et 33: S. th.. 2a. 2ae, q. 81. a. 5. (14) In Sent., d. 9, q. 1, a. 1, Cf. d 23. q. 1. a ad 3um Ι.Λ VERTU DE REL1CIOX ea quac directe et immediate ordinantur in honorem divi­ num. Et ceci, à vrai dire, ne va pas sans une certaine antilogic difficilement explicable. Car, étant amené, dans Γar­ ticle unique de la question 80 de celle même partie, â préciser la place exacte de la religion dans la hiérarchie des vertus, saint Thomas la range parmi les parties poten­ tielles de la justice, c’csl-à-dirc parmi les vertus annexes de cette vertu cardinale ou principale, toutes ordonnées à la production de certains actes secondaires, selon la notion même de partie potentielle qui nous est exposée en parti­ culier à la question 48 (art unique) : partes potentiates alicujus virlulis dicuntur virtutes adjunctae quae ordinanlur ad aliquos secundarios actus vel materias. Ιλ religion n’est donc pas, comme dans saint Bonaventure, ce que saint Thomas appellerait une partie subjective de la justice, c’està-dire une des espèces de cette >ertu. vérifiant par consé­ quent pleinement la définition du genre, mais elle en est seul.oient une partie potentielle, précisément parce que, lout en possédant certains traits essentiels de la justice, elle déchoit sur un point de la perfection propre de celte vertu, c’est à savoir en ce que, tendant à satisfaire à une obliga­ tion de justice rii\ei- Dieu. elle n\ pourvoit, en fait, que très imparfaitement non lamen potest esse aequale, ut scilicet tantum homo ci reddal quantum debet. On comprendrait donc, dans ces conditions, qu’une supériorité fût attribuée à la religion sur les autres vertus annexes de la justice, ou. si l’on préfère, sur les autres vertus morales, hormis la justice elle-même. Mieux encore, si l’on veut, on pourrait soutenir sans invraisemblance qu’elle l’emporte sur la justice, au sens restreint de supériorité précisé par saint Thomas à l’article 4 de la question 66 de la I" IIae, c’est-à-dire à un titre tout à fait partiel et acces­ soire (secundum quid). Mais il semble beaucoup moins accep­ table que l’on donne à une vertu annexe, essentiellement dé­ pendante et ordonnée à des actes imparfaits de justice, la préé­ minence pure et simple, qui est dans la lettre et la pensée de saint Thomas, sur la vertu principale, réalisatrice de justice parfaite, ou sur les deux espèces qui la divisent, je veux dire la justice commutative et la justice distributive. Le rapport de la religion à son objet matériel et à sa fin étant déterminé de la sorte, il n’est pas indifférent de S·' demander comment elle se comporte, selon le même saint ι&$ ) 1 ΠΓλΠ ÎKWRCADE docteur, quant à son objet formel, c’est-à-dire quant au motif du culte qu’elle rend Λ Dieu, lequel constilue, nous le répétons, dans cette même doctrine, son objet matériel dénommé soin ent par les théologiens objectum quod. Sua­ rez (i5) tient pour indubitable non seulement que cet objet formel est Dieu même, considéré dans son excellence, niais que tel est aussi le sentiment de saint Thomas, notamment â l'article 4 do la question 8r. 11 est de fait que, dans cet article et dans d’autres endroits plus ou moins parallèles, la religion est mise en relation étroite avec l’excellence divine mais c’est et ce ne peut être que dans un sens tout autre que celui où l’entend Suarez. En effet, le motif de la religion, partie potentielle de la justice, doit être le motif généra1 de toute vertu qui participe à l'essence de la justice, aver une sorte de caractéristique différentielle qui le modifie in­ trinsèquement. Or, ce motif ou cet objet formel commun, c’est ce que l’on pourrait appeler ratio debiti solvendi, c’està-dire la note morale qui fait apparaître l’objet matériel comme dû à autrui et soumis, de ce chef, à un acquittement aussi complet que possible : raison ou note qui varie néces­ sairement selon les divers fondements de la dette ; en sorte que le motif de la religion consisti' dans la nécessité corn­ mime de satisfaire au droit d’autrui, avec un ea ractcre par­ ticulier d’obligation tiré du fondement de la tiel te dont la charge incombe à cette vertu : et, par suite, l’objet formel de la religion n’est pas, ne peut pas être l’excellence de l’être divin, mais il est et il doit être la raison formelle de dette ou d’obligation qui découle de cette excellence. Te’le est, à n’en pas douter ,1a seule position que puisse logiquement adopter quiconque fait de la religion une par­ tie — subjective ou potentielle, peu importe — de la jus­ tice. Et c’est très exactement celle qui se dégage du texte de la Somme. En effet, ,se demandant à l’article 9 de la question précitée, si la religion est une vertu, saint Thomas répond affirmativement pour cotte raison que c’est un bien de rendre à autrui ce qui lui est dû. et ou’il appartient à la reprion do rendre autrui, c’est-^-dire à Dieu, l’hon­ neur qui lui est dû : Cmn ergo ad religionem pertineat red­ dere honorem debitam alicui, scilicet Deo, manifestum esi quod religio virtus est. Puis, à cette autre question qui fait '15' De Relirjtone, 1 3. c 3. LA VERTU DE RELIGIO?» logiquement suite à la précédente la religion est-elle une vertu spéciale, distincte de toutes les autres, il lépond à l’article 4· par l'affirmative, en invoquant ce principe qu’une veitu spéciale est celle qui correspond à une raison spéciale de bien. Le bien auquel vise la religion est de procurer à Dieu l’honneur qui lui est dû et qui ne peut lui être dû que pour son excellence, puisqu’un hommage rendu à qui que ce soit ne se justifie que par un motif d’excellence ou de supériorité. Or Dieu possède une excellence singulière, en tant qu’il dépasse infiniment toutes choses et selon tous les modes possibles de transcendance, ou, comme il est dit à l’article 3, en tant qu’il est le premier principe de la création et du gouvernement des choses, in quantum scilicet est primum principium creationis et gubernationis rerum. D’où il suit qu’un honneur spécial lui est dû, comme nous voyons que, dans les choses humaines, des hommages différents sont dus aux diverses personnalités, suivant leur dignité propre ; il est donc manifeste que la religion est une vertu spéciale . unde ei (Deo) debetur specialis honor... unde manifestum est quod religio est specialis virtus. Par* où l’on voit clairement que l’obj?t formel ou le motif de la religion, selon saint Thomas, n’est pas l’excellence divine — ce qui l’assimilerait partiellement aux vertus théologales; il est encore et toujours, comme pour toute vertu affiliée à la justice, ce que nous avons appelé ratio rei debitae, le caractère de chose duc et due à Dieu, mais, cette fois, très spécialement duc cl marquée d une note d’obligation tout à fait à part, en raison de l’excellence incommunicable de l’être divin. En regard de l’exposé de saint Thomas, on pourrait, comme dans une concordance, placer celui, beaucoup plus bref, de Duns Scot (i6), et l’on constaterait sans peine la conformité substantielle du second avec le premier. Duns Scot, en effet, comprend, sous le vocable de latrie, trois choses, savoir des ac­ tes intérieurs de révérence ou d honneur à l’égard de Dieu, sou­ verain maître, des actes extérieurs tels que sacrifices ou génu­ flexions, qui servent de signes aux premiers, enfin l’habifus ou disposition stable, acquise par la répétition destins et des autres et causant dans le sujet un penchant au renouvellement de (16) In Sent., d 9 < unie. rpo HI Ml III >1 III U»l ivs ηκ'ιιιο eic'trv Cd habitus, celle disposition intérieure, on/onnee A des aete.s moi’alement bons, est donc une vertu, non pointant théologique, parce que son objet immédiat n’est pas le bien incréé, mais t honneur A rendre au Sei­ gneur incréé non habet pro objecto immediato bonum increatum, sed honorem deferendum Domino increato. Elie est donc une vertu morale et se range de préférence sons la justice, en tant que celle ei satisfait au droit du supérieur , potissime continetur sub justitia, qua redditur superiori quod sibi debetur. Celte position s’éloigne donc sensiblement de celle de saint Bonaventure et coincide avec celle de saint Thomas, A ceci près que, d’une part, elle n’envisage quo la vertu naturelle on acquise de religion, la vertu infuse du même nom étant, nous l’avons dit, jugée par Duns Scot inexistante, et, d'autre part, elle ne précise pas Je rap­ port do la religion avec la vertu cardinale de justice, tandis que saint Thomas fait ici le plus souvent abstraction du caractère naturel ou surnaturel des choses et s’explique dans le détail sur le rapport mutuel des habitus dont il s’agit. Voyons maintenant ce que Cajetan essaie d’apporter d’éclaircissement A la pensée du maître, cl comment Suarez s’est, A son tour, appliqué A justifier les memes conclusions. La religion, déclare le premier, tient, en un sens, de la vertu théologale, c’est A savoir en ce que Dieu est, non simplement ou proprement son objet, mais son objet cui, celui A qui le culte est rendu (on reconnaît ici un simple substitut de la formule « Dieu fin du culte ou de la religion même » employée par saint Thomas). Mais, parce qu’elle est une vertu morale, elle n’atteint pas Dieu par scs actes comme objet ou matière sur laquelle elle s’exerce ce qu’elle al teint, c’est l’esprit même de l’homme, les œuvres humaines et les choses extérieures qui sont sous Ta dépendance de l’homnie. Satis doute, ceci paraît démenti par la significa­ tion littérale de certains mots, car, dit-il, en reprenant une idée que nous avons rencontrée dans saint Thomas, l’action d’honorer Dieu semble se terminer A Dieu même. Mais cela n’est vrai que grammaticalement quamvis grammaticaliter colere Deum attingere Deum significet. Selon la vérité des choses, au contraire, nos actes intérieurs, en tant qu’ils sont des actes de religion, rendent A Dieu le culte qui lui est dû. c’est-à-dire lui offrent la partie intellectuelle de nousmêmes tel l'acte de dévotion ou de prière* ou des réa- inn ni nri.iGitn lites extérieures (/uatenus religionis mini, dcbilurn Dro eulhmi reddant, hoc esü offerunt Deo vel mentem Îpmni, ul devotio, oratio, w’I exteriora.,, Aetna colendi ad not aul nostra alluujil, offerendo ilia Deo en sorte que. tout comme, en fléchissant le genou, nous faisons à Dieu, par cet acte même, hommage de nos membres, ainsi, par nos actes d'intelligence et de volonté, et en vertu de ce» acte* mêmes, nous lui faisons hommage de no* facultés Il faut, d’ailleurs, excepter le cas tout à fait accidentel, env isegé aussi par saint Thomas, à l’article 5 de la question 81, ad iuni, où un acte (h* religion est produit sous l’influence ou la motion immédiate d’une autre vertu il revêt, en par effet, alors le caractère propre de cette vertu ; exemple, si l’on prie en demandant Dieu même pour Dieu lui-même, cet acte relève de la charité comme de *a cause principale et participe de la nature même de la charité. Tel est le point de vue de i’ajetnn et, si l’on y prend bien garde, cette interprétation modifie sans le dire, et, tout de même, de façon notable, le sens littéral du texte et ce que l’on est en droit de considérer comme la pensée authentique de saint Thomas. Il est vrai que l’exposé de la Somme se heurte ù une difficulté considérable. En effet, nous y lisons que la matière ou l’objet matériel de la religion consiste dans le culte ou dans l’ensemble des actes hono­ rifiques constituant le culte rendu à Dieu. Or, la cause efficiente qui s’exerce sur une matière ne peut le faire que par des actes essentiellement distincts tant de in cause ellemême (pie (h’ la matière. Il faudra donc que les actes par lesquels la religion atteint sa matière soient formellement distincts, non seulement de la vertu elle meme, mais aussi de la totalité des actes révércnticls appartenant au culte cela se conçoit assez bien par rapport aux actes extérieurs, tels que sacrifices ou génuflexions: mais, étant donné que les actes cultuels sont les actes propres de la vertu de reli­ gion, dont ils (Oustiluent l’unique raison d’être, comment admetire, en thèse générale, que les actes dits ^licites de celte vertu, c’cst-ù-dirc ceux qui en émanent d’une ma­ nière immédiate, se distinguent réellement et essentielle­ ment de tous les actes honorifiques intégrés dans le culte? C’est, sans nul doute, afin d’éluder cette grave objection que Cajetan a sensiblement dévié l’argumentation de la 3* TQ2 REMI HOCRCABE ma* κ> Le al acte capable, selon son espèce, de contâtuer à la gioii dt bien, e t -u cepliifle dette posé *ous la motion de la vertu de leiipion et ordonné à la lin propre de cette »«rlu. >e scia donc, en particulier, le cas des actes les p.U' re e\és, t ls que eux de foi, d'espérance et de charité. 11 es. d’autre > aebs qui n'ont pas d autre b* nié morale que :t le qu’ils tiennent d leur valeur honorifique ou ré»érenti lie à l’égard « e Di u : tels sont, parmi le» actes intéri urs, l’oraison taenia e et le vœu; tels aussi, mais a un d< gré moindre, le sacrifice la génuflexion, l’inclination p.u* ou moi ru profonde du corps et £ utres actes extérieurs, par­ ti ulier< ti ent aol·» à ,è ir eue s gnill· ation cul uel> b en qu 1 y fai te, ι-n pr.ncipe, l’appoint d’une valont» positive, excluant tout- ambiguité dan» leur interpréta­ tion (21). Tou* ces actes constituent la ma ière de la vertu de rtligioi et — ren arqut n portante touchant à un point qui a déjà retenu un instant l relier dra encore plus loin notre attention — il est, par conséquent, nécessaire, observe Sua­ rez, de dist ngue de tous ces .des les actes proprement Mettes, c’est-à-dire immédla’emert produits par la veitu de religion, puisque c’est par eux seuls cu’il est possible à la religion d’atteindre la matière dé'olue à son activité : actes qui ne peuvent être que des actes de volonté, étant donm que la religion a nécessairement et de l’aveu «le tois, la v« lonté pour si j« t Le ci 11 · ou les actes proprement cul­ tiHs pr< èdent de ne d’un a et·.· de volonté préalable qui es: l’acte élicite ou primitif d la \e tu d? religion, et ccnsiste précisément à vouloir rendre à Dieu le culte dont nous lu semmes redevables (22). De ce processus de l’activité ultuclle, qui est incontes­ tablement dans la logiqu? de l position prise par sa n T ornas, Suarez nous donne à la fois une justification e un exemple caractéristique empiunté à l’acte de la prière (22). S’étant, en effet, posé cette objection que nous prions (20) (21) (22) (23) q 81, a. 4, al 2um de Relia-, 1 3. h.id., 1. 2. c. 1. Ibid., c. 4 >94 ΗΓΜ1 HOI ΛΙ’ΑΙ'Ϊ Dieu comme nous aimons Dieu, que nous demandons à Dieu comme nous espérons en Dieu, mieux encore que nous demandons, non seulement des choses quelconques autres que Dieu, mais Dieu lui-même, d’où il semble résulter que, par la prière, acte de la vertu de religion, et, conséquem­ ment, par cette vertu, nous atteignons Dieu même en tant qu’objet matériel, il répond : « Ce n’est pas en cette ma­ nière que la prière est un acte propre et intérieur de la religion. Autre chose, en effet, est vouloir demander, autre chose demander, comme autre chose est honorer, autre chose vouloir honorer. Vouloir demander est donc un acte in­ terne immédiatement produit par la vertu de religion, et il n’atteint Dieu que par l’intermédiaire de la demande... C’est pourquoi, la vertu même de religion, posant cet acte, n’atteint pas Dieu directement et immédiatement, car, comme elle est une vertu de la volonté, son acte immédiat consiste à vouloir : or, elle ne veut pas directement Dieu, car cela appartient à la charité et à l’espérance ; mais elle veut demander Dieu ou à Dieu. Entre son acte immédiat et Dieu s’interpose donc la demande : ergo inter immedia­ tum actum ejus et Deum interponitur petitio, ratione cujus non omnino proxime et directe attingit Deum vel circa illum versatur. La religion étant exclue du nombre des vertus théologi­ ques, elle est, du même coup, une vertu morale, et Suarez, suivant, à son tour, le sentiment de saint Thomas qui est, ditil, le sentiment commun, y voit une partie potentielle de la justice, pour des raisons, d’ailleurs, qui sont, en substance, celles de la Somme Une variante est, toutefois, ici à noter, qui consiste en ce que, selon Suarez, si la religion est impuissante à honorer Dieu autant qu’il le faudrait pour un acquittement complet de la dette, et s’éloigne ainsi de la perfection de la justice, d’un autre côté, cependant, elle dépasse la justice la plus rigoureuse, puisque la dette à l’extinction de laquelle, si l’on peut dire, clic tend, s’im­ pose à elle avec un degré d’exigence auquel ne sauraient atteindre les dettes dont le paiement intégral et adéquat est réalisé par la vertu cardinale de justice : religio, in ratione debiti quod Deo reddit, magis rigorosa justitia est quam ipsamet propriissime el perfectissima justitia, et quam LA \ LU I L' I>K IIKLIGION \rpt niti/ics illicit: p/irlcs j/'ili'iiltihcx jusliliae, quoi extra Deum zer.simlur Telle est, dans la question présente, avec &es variété· ou ses nuances la solution défendue par les théologiens : il nous reste a dire, avec une liberté respectueuse, ce qu'il nous semble que l’on peut <»u que ion doit en penser. Certes, étant donné (pie la religion et, aussi bien, toute vertu, au sens complet de ce mot, est nécessairement théo­ logale ou morale, c'est, sans nul doute, par les memes arguments, tirés de son essence meme, qu’il est possible de prouver qu’elle < >1 morale et non théologale, ou, inversement, théologale cl non morale ici, nulle place pour une double démonstration distincte, dont l’une aurait pour objet la mise en évidence de la thèse et l’autre la négation ou l’exclusion de l'antithèse. Mais la discussion présente est. du fait que les théologiens rattachent communément la religion à la justice et à la justice seule, ramenée à des termes qui n’ont entre eux aucune opposition immédiate et formelle. Si la religion » *4 une partie de la justice, elle ne saurait cire une vertu théologale, non pas précisément parce qu’elle est rattachée à la justice, mais parce que la justice et toute partie subjective ou potentielle de la justice est une vertu moral· Inversement si elle est une vertu théo­ logale, elle répugne a être une partie de la justice, non en raison d'une division qui opposerait immédiatement la justice à la vertu théologale, mais parce que vertu théo­ logale et vertu morale se comparent entre elles comme deux genres distincts, ce qui entraîne, par voie de conséquence, l’impossibilité pour la religion d’être rapportée à la justice comme une partie à son tout. Par où l’on voit que si la nature des choses interdit l’usage -de raisonnements dis­ tincts et parallèles pour établir qu’une vertu est d’ordre théologal et qu’elle n’est pas d’ordre moral, ou inversement, elle comporte, au contraire, en vue d’une démonstration qui ne laisse rien à désirer, des arguments spécifiquement distincts tendant à prouver, les uns que la vertu dont il s’agit est, par exemple, du nombre des vertus théologales, les autres qu’elle n’est pas et ne peut pas être une espèce (241 Ibid . 1. 3. C. 4. φ oH V ■ I I nfSMI HUUR4?A»K ou une partie potentielle de telle ou telle vertu cardinale, ou.inversement, d’un côté quelle doit être tenue pour une partie de l’une des vertus cardinales et, de l’autre, qu’il la faut exclure de la série des vertus théologales : dans l’un et l’autre cas, en effet, de l’absence d’une opposition immé­ diate et de première évidence entre la vertu théologale cl la partie potentielle ou s ibjeclive de la vertu cardinale, résulte, sinon la nécessité, du moins la convenance et l’uti­ lité d'une preuve distincte répondant à chacun des deux aspects de la question. Et sans doute, l'on pourrait se borner à conclure simplement de la démonstration de l’un des membres de l’alternative à l’exclusion de l’autre, la religion est une partie de la justice (proposition démontrée) : donc elle n’est pas une vertu théologale, ou inversement la religion est une vertu théologale (proposition démontrée) : donc elle n’est pas une partie de la justice : procédé strictement suffisant, et qui, toutefois, laisse dans l’ombre la raison spéciale d’irréductibilité que l’on peut relever entre les deux termes en présence. Aussi bien, peut-on se recommander de l’exemple de saint Thomas lui-même pour l’application de la méthode dont nous parlons : car, dans l’article unique de la question 80, selon que l’exigeait le développement logique de son traité de la justice, il insère des considérations qui visent à prouver que la religion est une partie potentie’le de celle vertu cardinale, tandis que, d’autre part, à l’article 5 de la question 81, il argumente pour démontrer qu’elle n’est pas une vertu théologale. C’est donc aussi un procédé sem­ blable dont nous userons, et parce que la connaissance de ce qu’une chose n’est pas est moins propre et beaucoup plus élémentaire que la connaisance de ce qu’elle est, nous sui­ vrons une marche progressive, en. essayant de montrer d’abord que la religion n’est pas une partie de la vertu car­ dinale de justice, ensuite qu’elle est véritablement et propre­ ment une vertu théologale, susceptible, d’ailleurs, d’être comparée diversement avec les trois autres. ♦ * i. Nous disons, tout d’abord, que la religion n’est pas une partie de la justice. 11 semblerait, à première vue, qu’au lieu de rompre tous les liens de parenté de la religion avec ea vrniE υκ religion la justice, nous du- ions, au contiaire, forlifici h I ;> commune en alli ibuanl à < < lie veitu le maximum de la j ejec­ tion de justice. Car, laudi qu le· lhéo«ogtent admet j,.-. , la religion participe à l’csicnci d< la ) . i, < < n <· <- t propose, comme sa lin propre, de rendre à U-u Ihonnear qui lui est du, mais que, par contre, elle r ete en de/» de la rectitude absolue de cette meme vertu, incap^b e quelle est de s’acquitter entièrement, nous croyant que, si 1 nu s’en tient à la considération de la ch - - due fa i ce quelle a, pour ainsi dire, de matériel, c’est à wvoii l’hommag< <1-· la créature nvers 1 créateur, la religion atteint très exa lement à celte égalité qu’on s’accorde à ten dénier, non seulement comme réalisée, mais même comme réalisable, et nous avouons ne pouvoir arriver à comprtndre ce nécessaire délie il qu’on lui impute. En effet, h dette se mesure essentiellement à la légitime re»endication du créancit i. Ce que la raison approuve ou impose comme exigible, c’est cela seul que le débiteur est b nu de fournir. Par delà celle limite, la doit est inexistante, non en veitu d’une dispense et pour un motif de caractère tentd mais parce que toute obligation de surcroît serait s ns fon­ dement et, de ce chef, répugnerait à la droite raison. Or, un hommage à la mesure de l’excellence divine, c’est-àdire, comme elle, sans mesure, est essentiellement contra­ dictoire, puisqu’il ne peut consister principalement que dans un acte de volonté d’une créature nécessairement inr arfaite: tel ne peut donc absolument pas être l’hommage fondé en raison divine dont la créature est redevable à Dieu, mais la del le, ici. se fixe, de toute nécessité, dans une certaine mesure, à la fois maximum et minimum, dictée, au regard de la même rai<>n divine infaillible, par la ndure des choses, c’est à savo:r dans un culte de respect et d’honneur abso­ lument unique et incommunicable, parce quo essent elim­ inent réservé à l’ctre transcendant, et qui s’exprime dans cette formule de la Loi : Dominum Dcum tuum edom is (20). Rien de moins, en effet, ne serait suffisant et ri n de plus n’est exigible, ni meme concevable, et c’est pour­ quoi selon l’axiome suivant lequel h substance cl n ctxv n’admet pas de plus et de moins, il y a, dans a dette dont (25) Matth., 4, 10 Peut., 6. 13 1()5 ΠΕΜΙ llÔlUtCAUK no:.s parions quelque chose de substantiel cl de spécifique­ ment invariable, où le plus et le moins n’interviennent qu'à litre adventice vl accidentel deux âmes qui rendent à Dieu en toute droiture l’hommage d’adoration qui lui csl dû, mais dont l’une le fait avec plus de ferveur ou de fréquence que l’autre sont, essentiellement, au même ni­ veau quant à l’acquittement de la dette, celle-ci, selon sa loueur essentielle, faisant complètement abstraction de toute inégalité secondaire, pour la simple raison que le plus on le mieux, le moins ou le moins bien ne modi lie à aucun degré le rapport fondamental de Fhonimage des créatures à l’infinité de fexccllence du créateur : car, s’il en était autrement, il serait selon la norme rigoureuse de la raison divine de conférer un caractère d’obligation au maximum moralement possible d’intensité des actes intérieurs ou exlc rieurs de religion. Il existe donc une perfection d'hommage spé< iliqnemcnl et comme substantiellement définie et imposée par la raison divine, et qui consiste à reconnaître et honorer Dieu comme premier principe et maître de toutes choses : hommage tel­ lement immuable dans sa valeur essentielle, (pie les actes de religion de la personne divine incarnée, en tant qu’ils émanent de sa volonté humaine, et malgré la suréminente charité à laquelle ils correspondent, ne dépassent absolu­ ment pas la mesure essentielle de la dette ou de l’obligation édictée par la sentence biblique Dominum Deum tuum adorabis, tandis que, d’autre part, ils reçoivent de la person­ nalité du Verbe une dignité qui les met dans un rapport de rigoureuse équation avec l’excellence de l’être incréé : d’où résulte la nécessité d’une distinction à faire, au point de vue de l’obligation intimée par la raison et la volonté di­ vine, entre la nature, même élevée par la grace, et la per­ sonne. Car, c’est la personne qui est avertie ou saisie de la nécessité de rendre à Dieu le culte qui lui est dû : mais c’est la nature, par ses puissances actives, qui doit produire les actes afférents à ce culte, actes, avons-nous dit. qui re­ présentent indivisiblcment, selon leur espèce propre, le maximum absolu et le minimum absolu de ce qu’une créa­ ture doit à son créateur. Il est donc exige de la personne, quelle qu’elle soit, qu’elle produise par scs facultés les opé­ rations de caractère et de portée essentiellement limités,'qui donnent à Dieu toute la gloire qu’une créature est capable LA VEH I IJ f)E MKLfGlON J de lui procurer. Mais il n*<-i pas exigé d'elle qu'elle ces mêmes opérai ions à mie dignité proprement tianv- endante, si la personne est divine ou quelle leur conféré, si elle est créée, la simple dignité morale que postulent les opérations des causes secondes^ et cela pour deux raisons : jiremièrement, parce qu’il ne dépend pas de la personne d’être créée ou in créée, mais elle est nécessairement incréée ou nécessairement créée ou, du moins, créable; secondai­ rement, parce que, dès l’instant où une personne agit par une nature créée, son opération est nécessairement et, pour ainsi dire, automatiquement revêtue d’une dignité propor­ tionnée à sa propre excellence : elle acquiert, dans l'un dis cas, un prix simplement infini, et, dans l’autre, qui cor­ respond à l’ordre normal et naturel des choses, elle ne dépasse pas le point de perfection déterminé par les princi­ pes actifs d’où <‘lle émane. II est donc constant que la dette qui pèse sur toute créa­ ture intellectuelle vis-à-vis du créateur, au lieu d’être hors de toute proportion avec ce que l’on pourrait appeler sa solvabilité est, au contraire, de par les lois les plus rigou­ reuses, fondées en essence et en raison divine, qui régissent les rapports de la cause première et des causes secondes, exactement proportionnée à sa capacité de prestation, si bien même qu’elle l’emporte en précision sur les obligations issues des tractations habituelles de la justice commutative. On sait, en effet, que le quantum de la dette contractée dans ccs sortes de marchés atteint à une précision diffici.e ou meme, scmble-t il. impossible à dépasser, et qui est marquée par ce que les théologiens appellent medium rei : limite qui sépare mathématiquement tout ce qui est en plus de tout ce qui est en moins, et fixe avec la même rigueur le droit de l’une des parties et la somme dont l’autre est débitrice. Mais on sait aussi combien ce medium rei, ce juste milieu objectif est souvent sujet à controverses et à pourpar­ lers qui en rendent la détermination malaisée, et que, même en l’absence de toute contestation entre les contractants, l’évaluation du prix des choses, qui doit servir de base aux conventions éventuelles, subit des variations selon les temps, les lieux et les personnes : parfaitement précis aptes qu’il a été sanctionné par l’accord des parties, le medium rei est, absolument, et dans une large mesure, contingent et flot­ tant, au lieu que la dette qui oblige la créature à legard 24»O RK.MI MOUROAVK de son créateur el Seigneur, se ramène immuablement, selon la determination la plus rigoureuse de la raison éter­ nelle, à des termes d’une extrême simplicité, qui excluent de ce que l’on pourrait appeler sa quotité, toute dispropor­ tion avec les facultés du débiteur, aussi bien que, de son acquittement essentiel, toute variation en plus ou en moins : d’où la nécessité, pour quiconque rend à Dieu, selon la norme propre de la vertu de religion, l’hommage qui lui est dû, de réaliser l’égalité la plus parfaite entre sa dette et son apport. Cette conclusion ne saurait, en rien, être infirmée par le verset du psalmiste (26), quid retribuam Domino pro omni­ bus quae retribuit mihi, auquel saint Thomas fait appel dans l’article unique de la question 80, pour mettre en évi­ dence l’impuissance de l’homme à s’acquitter entièrement envers Dieu. Car, à la vérité, s’il s’agissait d’offrir à Dieu, pour ainsi dire, des dons en nature équivalents aux dons qu’il en a reçus, ou, tout au moins, dignes de leur être comparés, à la manière d’un ami qui s’efforce de reconnaître, même matériellement, les bienfaits de son ami, l’homme serait complètement défaillant, et c’est à quoi se rapporte le texte allégué. Mais une telle reconnaissance par réciprocité de services est totalement étrangère à la dette qui incombe h l’homme au litre des bienfaits dont Dieu l’a comblé, cl celte gratitude, qui s’intégre dans l’hommage rendu au premier principe et proviseur universel des créatures, répond exactement à la capacité de réalisation du débiteur. On sera peut être tenté d’objecter que, s’il en est ainsi, rien n’empêchera davantage l’homme pécheur d’acquitter sa dette envers la justice de Dieu par une satisfaction adéquate. Mais la condition du pécheur est tout autre que celle de la créature intellectuelle selon sa dette à l’égard de Dieu envi­ sagé comme premier principe. Car, celle dette, suivant la nécessaire appréciation de la raison divine, qui en détermine essentiellement l’étendue, ne peut absolument pas, comme nous l’avons dit, outrepasser les possibilités d’action de la créature, tandis que la droite raison cl, avant tout et par dessus tout, la raison divine exige que la réparation fournie par le pécheur, pour être adéquate, soit égale à son péché. •26 Ps 115. 3. Ι.Λ VERTU DE RELIGION 20 J Οι, ce péché a une malice simplement infinie à laquelle toute reparation offerte par une pure créature est essen­ tiellement inadéquate, d abord, selon Γexplication que l on en donne communément, parce que la gravité de l'offense se mcsuie à la dignité, suffisamment connue, de la personne rlfensée, mais la valeur de la réparation prend sa mesuie de la personne qui assume celle obligation ; ensuite, et de préférence, parce que le pécheur, en faisant prévaloir sa volonté contre la volonté divine et en préférant un bien créé au souverain bien, attente, dans sa conscience, à l'être même de Dieu, ce qui équivaut, en quelque manière, à consom­ mer intérieurement sa destruction : faute doublement irré­ parable, d’abord par l’offense infinie que constitue évidem­ ment cette suppression totale de l’être infini, opérée par le pécheur en son for intime, ensuite parce que l’homme cou­ pable ne pourrait tenter, par une affection contraire, de ré­ tablir Dieu dans l’être et l’excellence qui lui sont propres, sans s’attribuer une sorte de priorité naturelle à l'égard de la cause première : priorité qui impliquerait un renversement total de l’ordre et ne peut, par suite, absolument pas être mise à son actif, afin de lui permettre de satisfaire adéquatement pour la coulpc tout en restaurant Dieu dans ses droits. Mais il reste maintenant à considérer comment malgré ce caractère strictement limité de la dette et la possibilité, bien mieux la nécessité pour la religion de l’acquitter ad aequalitalem, celte vertu ne saurait cependant être ni justice, ni partie de la justice. La raison en est que la justice vise essentiellement. par l’acquittement intégral de la dette, en tant que dette, à établir une véritable égalité entre le créancier commi' tel et le débiteur comme tel. La dette ne doit donc pas être envisagée dans sa matérialité, mais dans sa raison formelle de dette, laquelle se fonde exclusivement sur le droit du créancier, c’est-à-dire sur sa légitime faculté de revendication, à laquelle doit correspondre, chez le débi­ teur, une égale faculté de reconnaissance effective de ce même droit et une égale volonté d’y satisfaire. Et, en effet, si le règlement matériel de la dette s’accomplit dans une sorte de rencontre et d’ajustement où la volonté de satis­ faction do l’un égale la légitime exigence de l’autre et lui fait équilibre, c’est alors que l’un est vraiment quitte visà-vis de l’autre, et c’est alors seulement que se vérifient les véritables conditions de la justice. El c’est, en effet, de la 303 . , t beau hourcadk sorte que les choses se passent entre semblables. La \oloiile de recouvrement du créancier et la volonté de libération du débiteur se font parfaitement équilibre et se mesurent aussi toutes deux à l’importance de la somme ou de l’objet réclamé par l’un et dû par l’autre. Mais si le droit de l’un l’emporte infiniment sur la capacité de satisfaction de l’autre, il n'y aura de l’un à l’autre aucune possibilité de pareille adapta­ tion, aucun commencement même d’égalisation des attri­ buts moraux du débiteur avec ceux du créancier d’où ab sence totale de justice, c’est-à-dire d’équation juridique, quelque intégral que puisse être, d’autre part, l’acquittement matériel de la dette. Or, c’est précisément dans cette position (pie la créature débitrice se trouve en face de Dieu. Bien que la dette, en effet, prise dans sa matérialité, soit limitée cl tout à fait à la portée de l’homme comme de l’ange, le droit de Dieu et son pouvoir de revendication, d’où dépend l’être formel c> la dette, sont proprement infinis, puisqu’ils sont identi­ quement l’une des vues et des affirmations virtuelles de la raison divine, dont la force et l’autorité, en chacune de ses appréhensions et de ses déterminations, sont simplement in­ finies, tandis que le pouvoir moral cl la volonté de rectitude de la créature sont essentiellement bornés de là, absence de toute proportion, impossibilité de tout ajustement entre le droit de Dieu et la faculté morale qui est censée y ré­ pondre du coté de la créature : donc, ici, nulle justice, même nulle ébauche de justice, et lorsque la liturgie invoque le motif de justice pour l’action de grâces dont nous sommes débiteurs envers Dieu — vere dig num et justum est —, ce ne peut être sans une sorte d’adaptation anthropomorphique en vertu de laquelle nous appliquons au droit du Seigneur le vocabulaire usité en matière de créances humaines. Mais, à l’opposé, la volonté de droiture et la faculté de rétribution qui correspondent en Dieu à un droit quelconque ou une exigence de la créature raisonnable, notamment à la qualité des œuvres d’où dérive un titre à la récompense ou au châtiment, se comparent à ce droit, de par leur infi­ nité même, selon un rapport de surabondante efficacité, qui autorise à parler de la justice de Dieu à l’égard de l’ange ou de l’homme : justus es, Domine et rectum judicium lu uni (••7), cl saint Paul, a son tour, en appelle au juste juge qui lui donnera la couronne de justice (>8;, en sorte que «i, de la créature à Dieu, il n’y a pas de justice, il y en a au contraire, de Dieu à la créature, et néanmoins cela même nt saurait s’entendre sans restriction ni correctif, étant donne que Dieu ne peut subii aucun contraint* morale venue & l’extérieur et que toute exigence de la part des créature* repose entièrement tant sur sa causalité de premier prin­ cipe et de premier moteur que sur les nécessités morales définies par sa raison souveraine , c’est pourquoi, lorsqu’il est question de ce que Dieu doit aux créatures en qualité de justiciei, il faut y voir une dette dont lui-même, dans les prévisions de sa providence et l’exercice de son gouver­ nement a posé tontes les conditions et qui, par suite, nous représente bien plutôt ce qu’il se doit à lui-même que ce qu’il doit à autrui. Il importe, au reste, de remarquer, à l'appui de la con­ clusion formulée il y a un instant, que si la religion pouvait et, par conséquent, devait êlii rattachée à la justice, il faudrait en dire autant de la foi, de l’espérance et de la charité. 11 est manifeste, en effet, que l’assentiment intel­ lectuel de la foi, le mouvement de confiance et de désir de l’espérance et l’amour désintéressé de la charité, ne sont pas moins strictement dus à Dieu que l’hommage révérentiel de la religion. Il existe même, du point de vue de la notion de dette, entre les trois vertus précitées et la religion, un parallélisme frappant d'une part, nous sommes rigoureusemOnt débiteurs envers Dieu des actes qui sont respec­ tivement ceux de la foi. de l’espérance et de la charité, comme nous le sommes des actes de religion, d'autre part, cette dette ne doit pas ni ne peut s’entendre au sens d’une redevance de principe égale en perfection à l'attribut divin qui la motive, je veux dire à l’autorité infinie de la parole divine, et à l’amabilité, soit relative, soit absolue, pareil­ lement infinie, du souverain bien conception, elle aussi, communément admise par les théologiens, et que saint Thomas formule en ces termvs a 9) : isfa cs| mensura <\rcedens omnem humonnm facultatem : unde nunquam po (27) /»< 118, 137. (281 ji Tim e 4. s (29' Ia Hae. q 51. a l ■ J)E BRMGiOX JA iA iH J-LJ- VF.BTI w Ϊ.Λ 20,j DEMI IIOVnCADE lest homo tantum diligere Deum quantum diligi debet, nec tantum credere aut sperare in ipsum quantum debet. Cette incapacité de l’hominr, qui ne lui permettrait de satisfaire qu en partie à I’obligidion de croire, d’espérer et d’aimer, serait, en effet, pensons-nous, contre nature, ainsi ous somme ainsi amenés à conclure que la valeur spiiituelle propre et distinctive des actes de religion en ce qu’ils ent de plus spéci fi< ucm< ni religieux, est tout entière transférée à la matière ,»u à l'objet de cette vertu, c’est-à-dire à < uelque chose ώ totalement extérieur à la veitu et à son opération . conclu­ sion dont on aperçoit aussitôt le caractère manifestemen· c( ntradictoire car, d’un côté, l’acte révérentiel de religion, surtout celui qui n'est pas simplement impéié par la religior — comme le serait un acte de foi procédant de son comman­ di ment - mais qui est spécifiquement un ac e de cette vertu, ne peut en être, avec tout ce qu’il a de sanctifiant et de mériloi e. qu’un produit exactement proportionné à la casa dont il émane, ' tandis que, d’un autre côté, en devenant ma­ tière ou objet de la religion, il en est complètement isolé e’ préexiste, avec les qualités ou propriétés qui le caractérisent à toute influence de sa part. 11 n’\ a donc qu’un moyen d’ corriger cet illogisme, et c’est dp cons dérer les actes du culte, nm comme la matière, n ais comme 1 exercice même de la vertu de religion, à qui. sans aucun doute, il appartient, ριτ définition, non seulement d· vouloir honorer Dieu en le révérant, en l'adcrant, en L p iant, pu le Jouir?. m; is .ussi pt plus formellement de fhon rer e i fait par J’ador: tion, la prière, ’a louange, puisqu’elle es» essentiel! nient ordonnée à la ] roduction de ces actes révénntiels l’t J ar là meme, bs positions sont entièrement rectifi 'es; car, comme toute vertu comporte une matière ou ur objet auquel cll< s'adapte, cet objet cessant, dans !e cas fi ésent. d’être un ensemble da tes rêvèrent iels interposé^ entre b vertu et Dieu, fin de cette même vertu, sera, par c( nséqi cut, Dieu lui-même. Notre tro'sième considéniiion lise la thèse do Cajetan. qui place, nous l’avons iu. la matière de la religion dans l ame même ou les facultés et, aussi bien, dans les membres du >io HI Ml IIOUnCAIIK corps ou les réalités extérieures, toutes choses dont celte vertu, selon la variété des actes cultuels qu’elle pose - prière, adora­ tion, sacrifice, etc. — fait hommage A Dieu, à la difference des vertus théologales qui atteignent Dieu directement comme leur objet. Sur quoi, nous remarquerons premièrement que les vertus théologales, elles aussi, impliquent dans leur exer­ cice un rapport explicite aux réalités créées, soit intérieures, soit extérieures, et bien loin que ce rapport soit un obstacle au mouvement qui les unit directement à Dieu, il y est, au contraire, inclus comme sa condition sine qua non. Notre foi, en effet, ne peut se passer d’une certaine contrainte qui établit et maintient l’esprit dans l’obéissance à la vérité : in cap­ tivitatem redigentes omnem intellectum in obsequium Christi (34); notre espérance ne va pas non plus sans un certain renoncement aux choses périssables, renoncement qui trouve son expression parfaite dans l’une des paraboles évan­ géliques : inventa una pretiosa margarita, abiit et vendidit omnia quae habuit el emit earn (35). Enfin notre charité, elle aussi, nous impose le sacrifice, au besoin total, de ce qui nous attache à nous-mêmes et à la vie présente :xt quis vu II posl me venire, abneget semel ipsum, el toilal crucem suam et sequatur me (36), et saint Thomas lui-même mei en évidence la nécessité de celte donation de soi lorsqu'il dit ad. cari­ tatem, pertinet immediate quod homo dradal seipsum l)eo (87) : d’où il suit que si la religion comporte une semblable offrande de l’intelligence ou du cœur et de tout ce qui appartient à la personne, cela ne peut ni impliquer que ces choses se compa­ rent à elle comme sa matière, ni empêcher que celte vertu ne trouve plutôt en Dieu même cette matière ou cet objet. Et ceci nous conduit à une deuxième remarque encore plus importante. Cajetan nous découvre fort bien, dans celte of­ frande des facultés, des membres, des choses extérieures, l’un des aspects essentiels du culte rendu à Dieu, savoir l’afiimalion et comme la protestation de notre totale sujétion à l’égard de notre créateur et souverain maître. Mais ce n’est là qu’une vue incomplète. En effet, qui dit sujétion sous-entend supé­ riorité : on est le sujet d’un supérieur ou il n’y a pas de (34) (35) (36) (37) 2 Cor. 10, 5. Mallh., 13, 45-46. Mallh., 16, 24. o. 82, a. 2, ad lum. U'.hll , , L 1>I. HKI.lGtOV sujétion, el ces deux termes s’ordonnent entre eux de telle sorte que la priorité de nature appartient au supérieur en tant que tel, car la supériorité de l'un n’est pas fondée sur la subor­ dination de l’autre, mais inversement. Le prince ne com­ mande pas parce que les membres de la communauté obéis­ sent, mais celte obéissance s’explique par ce commandement, cl l’autorité de l’un ne repose pas sur le devoir de soumission des autres, mais le rapport est inverse. 11 en est donc ainsi de Dieu et des créatures Dieu ne dépasse pas essentielle­ ment les créatures parce que celles-ci dépendent essentielle­ ment de. lui, mais c’est celle dépendance qui a son fondement dans la causalité souveraine et l’excellence du Créateur. Lors donc que, l’homme rend hommage h Dieu en lui offrant son âme, son corps et tout ce qu’il possède, < st qu il s’est aupa­ ravant rendu compte de la transcendance de la cause pre­ mière, transcendance qui évoque immédiatement la dépen­ dance de la créature, mais qui, tout de même, s'impose d’abord et formellement sous son aspect d'excellence, et, par conséquent, avant d’être reconnue indirectement par des pro­ testations de sujétion et de servitude, exige d'être reconnue directement par des actes, tant intérieurs qu’extérieurs, de révérence, d’honneur et de louange et tel est précisément le rôle le plus essentiel et le plus formel, méconnu par Cajetan, de la vertu de religion qui, à ce titre, atteint directement Dieu comme son objet. Cette dernière pensée nous introduit dans la quatrième considération que nous avons à faire valoir et qui tend, de la façon la plus directe, à montrer en Dieu à la fois la matière ou l’objet matériel et l’objet formel ou le motif de la vertu de religion. Dieu, en effet, de par la perfection qui lui appartient en propre, est objet de la volonté créée. Mais il l’est de dif­ férentes manières suivant les divers aspects sous lesquels sa perfection se présente à nous Ces aspects se réduisent essen­ tiellement à trois Dieu est premier principe, il est fin der­ nière, il est providence, et ces trois points de vue se ramè­ nent eux-mêmes aisément à deux, en tant que la providence, avec le gouvernement divin qui n’est que l’exécution du plan providentiel, est la suite nécessaire de l’acte créateur et l’ache­ minement non moins nécessaire à l’état final des créatures. Premier principe et fin dernière, c’est donc, au total· sous cette double raison de perfection que Dieu nous apparaît, nen seulement à la lumière de la révélation, mais encore à la □I J niJJI flVLKUAMK simple lumière naturelle de notre raison. Toutefois, la notion de lin dcinièie, a son tour, si· dédoublé tout aussi necessaire ment, car il est de l’essence de la lin dernière de toutes choses d’être, en tout premier lieu, l’acte pur, la perfection pure, h> bien subsistant, se suffisant infiniment à lui nn'nie, cl, par conséquent, infiniment digne d’être aime par-dessus l ml pour lui-même, et c’est seulement par voie de consequi nrc qu'il est infiniment capable de béatifier la créature en sali Jlisant pleinement ses aspirations, qu’elles soient d’ordre naturel ou d’ordre surnaturel. Voilà donc les trois aspects sous lesquels la perfection de Dieu nous est manifestée, et parce que toute perfection est un bien et que le bien, en tant que tel, csu l’objet de lu volonté, il s’ensuit que ces trois aspects, saisis par la raison et, plus encore, par la foi. doivent provoque r en nous un mouvement de la volonté exactement conforme ou propor­ tionné à chacun d’eux. On sait déjà que celui qui correspond à la perfection de Dieu infiniment bon d’une bonté absolue, c’est, en tout état de cause, un amour souverain, exempt de préoccupation intéressée, qui porte, dans l’ordre surnaturel, le nom de charité, et que celui qui correspond à la perfection de Dieu infiniment bon d’une bonté relative et béatifiante, c’est l’espérance, il faut donc pareillement que de la volonté surgisse, à l’égard de Dieu, selon sa perfection de premier principe, c’est-à-dire selon l’excellence de sa causalité univer­ selle, un mouvement de souverain respect correspondant exac­ tement à ce qu’il y a dans celte excellence d’infiniment respe table et digne d’honneur : et c’est là précisément l'acte revérentiel qui appartient en pre pre à la vertu de rel revêt ainsi, au même titre que l’espérance et la charité, les caractères de la vertu théologale, puisqu’elle ".’exerce immédia tement sur un objet matériel qui est Dieu lui-même et pour un motif qui est encore Dieu considéré dans son excellence Que peut-on objecter contre cette conclusion ? Dii i ! on qu’il y a une différence à faire entre l’ainour de Dieu, par exemple, et le respect, ou l’adoration ou la louange de Dit u, en ce que l’amour serait capable d’atteindre Dieu directement, tandis que les autres actes ne l’atteindraient que par une \oie détournée·? Mais Dieu n’est-il pas tout autant digne de révé­ rence, d'adoration, de louange que digne d’amour ? Et, d’au­ tre part, la révérence, l’adoration et la louange intérieure ne sont-elles pas, tout autant que l’amour, des affections de la LA Vi.MIL M. MKIJLM*» i ni i h Dev lore, -< ubi . qu |» n fl . /citu 'I·· la vo.onlé, div mil, poui >i.< 1.» > ...i»· <>ul< ii in sc porte dii > c.i-uienl que »ui Io u i » el M-» d:>exbcs i .mi.i .lai. lia i évérc.iliclte» da cuite . a ,u·.·. n , ,» turn une double réponse. Lt a an id, cci I o. .am j . oauujc ix.u· tenons de le duc, a lévci rue, .adoration, ioauiie«n i..ni qu «ni ' inlcricu - cl sans contestation de» al»C( hons de la volonté, <-iks iinpl.queal un vouloir; car queut que soil la ditcisilc des mouventente de It volonté, dont h variété incine des mouvements paationnete de la sensualité ,χ ΐιΐ nous donner une juste idée, on dod letrouvcr en tou» /acte cssenliei el iondamcnla. de cette puissance. Rien donc, du < oié de I vercice essentiel de la volonté, ne peut s opiA^er » ce que l’affection rcvérentiellc ou honorifique uiiitse iumtélialement la religion à Diiu comme à son objet, puûque.le t’est, dans le fond, qu une façon particulière de vouloir L»ieu \us»i bien, est-il facile de s’en rendre direclcnu ni compte .ai la révérence, adoration et la louangi, tout autant que acte d'espérance ou l’aclc de charité, bien que pour un not if | rochain différent, supposent une complaisance de la , olonlv dans son objet. Celui, en effet, qui fait un acdc une bonté infiniment digne d’être aimée pour rilenrme. cl celte complaisance est à la racine même de l’acte de haul· ( «lui qui espère commence, lui aussi, pir se comdaire en Dieu, consid ré dans sa bonté infini' eut désirable q la souveraine garantie de ses promesses, et cette c. nu simec est le tout premier mouvement de la vertu d espér nee. Je même, enfin, celui qui révère, adore, loue le Seu vur commence par se complaire dans l’excellence di ine. en tmt qu’inliniment digne de tout honneur el de toute louange, et d ite complaisance appartient en propre à la vertu de r ligicn. comme étant ά l’origine même de son acte. Et de fait, cest à la même faculté et à la même vertu qu'il convient csk..bel­ lement de se complaire dans la bonté absolue de l'objet et de l’aimer absolument, ou dans sa bonté relative et de l'*i "er d’un amour intéressé, ou dans son excellence infiniment d i nt mi n<>i n< \i>« d’honneur, <Ί de le révérer <*l de I'hoiiurei . «ans compter que, d’autro part, de même que celui qui aime se réjouit d’aimer, que celui qui espère se réjouit d’espérer, de môme l’acte de révérer Dieu et de l’honorer s’accompagne <1 une joie qui est comme une dilatation intérieure de la vertu de rcli gion toutes choses qui démontrent que lu religion, dans son activité propre, implique un véritable vouloir immédiat à l’égard de Dieu. Nous répondrons ensuite et principalement quo les tenants du sentiment adverse, en ne voyant dans les actes révéren liels du culte que la matière de la vertu de religion, et, par suite, en assignant à cette vertu comme fonction immédiate non la révérence, l’adoration ou la louange de Dieu, mais foffrande faite Λ Dieu des divers actes honorifiques, ou, selon l’interprétation de Suarez, la volonté de rendre à Dion l'honneur qui lui est dû, font, en quelque manière, violence à la réalité et, du même coup, s’écartent de toute vraisem blance, La révérence, en effet, l’adoration, la louange, dans leur forme intérieure, étant, comme nous l’avons dit, des affections de la partie appétitive de notre être, il est contre nature que notre volonté, en tant que perfectionnée par la vertu de religion, au lieu de produire immédiatement et à litre d'opérations élicites, les actes de révérence cl d’honneur qui sont spécifiquement des actes de religion, n’intervienne, selon cette même causalité immédiate, que pour vouloir poser ces actes ou pour en faire hommage à Dieu. Il est donc néces­ saire, pour rétablir l’ordre des choses, d’admettre que la reli­ gion, par son opération élicile et, conséquemment, la plus essentielle, révère et adore Dieu dans son excellence de pre­ mier principe, et de telle manière que cet acte initial, avant tout autre et plus que tout autre, caractéristique de ''elle vertu, soit à la fois principe et forme de tous les autres actes de caractère révérentiel plus spécial, tant intérieurs qu’exté neurs : louange, dévotion, prière, vœu, sacrifice, oblations, certaines attitudes corporelles, et le reste sans en excepter, faut-il encore le dire, l’offrande de soi et la protestation de totale sujétion, qui sont essentiellement impliquées dans la leconnaissance directe du souverain domaine de Dieu, et lors même qu'elles s’affirment en termes explicites, demeurent sous la dépendance formelle et l’influence de l'hommage fon­ damental. De cet ensemble complexe, mais tout entier spécifié par I.A VF.KTU l)F. MBLKilOA lift une forme commune, un exemple noue est offert dan* la per­ sonne des vingt-quatre. vieillard» de 1 Apocalypse qui se pro*ternent, adorent le Seigneur, jettent leurs couronnes devant son trône, en disant « Vous êtes digne, notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir la gloire et l’honneur et la puissance, car c'est vous qui avez créé toutes choses » (Ζη) protestation, adoration corporelle, jet des couronnes, autant de signes ou de symboles extérieurs de l’adoration et de la révérence inté­ rieures au caractère spécifique desquelles üa participent, et que traduit la formule d'hommage directement adressée à Dieu créateur. Nous sommes donc fondés à conclure que la religion at­ teint Dieu à la fois comme objet matériel et comme objet for­ mel, qu’il n’est donc pas exact que ce rapport immédiat et direct soit d’ordre purement grammatical, et que, par consé­ quent, la religion est une vertu réellement et proprement théologale. De la démonstration qui précède on peut immédiatement déduire la place qui revient à la vertu de religion dans la vie spirituelle. Ici encore, il est essentiel de considérer séparément les deux raisons de principe cl de lin suivant lesquelles Dieu se manifeste à nous et par la lumière naturelle de notre en­ tendement et par la lumière surnaturelle de la foi, tout en tenant compte de la priorité logique, conforme à la nature des choses, qui revient à la raison de principe : car Dieu est la lin des créatures existantes, mais celles-ci n’existent (pic par la causalité efficiente du premier principe. Si donc nous considérons l’enchaînement des causes dans l’ordre naturel, tout le développement de l’activité spirituelle, envi­ sagée comme l’accomplissement d’un devoir par l’obéissance à la loi morale, est conditionné par la religion, pourvu toute­ fois que l’on entende celle-ci non dans le sens incomplet où l’entendait Cicéron, lorsqu’il la définissait en ces termes : religio est quae superioris cujusdam naturae quam divinam vocant) curam caeremoniamque offert (3g\ mais dans le plein sens d’un hommage d’adoration et de totale sujétion rendu à (38) Anoc . 4, 10-11. (39' ne Invent rhetor1 2 HI Ml IIOl HCADI lÏAu’I.eniv du piemier principe et du maître absolu de toutes choses. Il est manifeste, en effet. que chaque vertu représente un devoir particulier et un mode d’assujeltisement à la règle des mœurs, à commencer par l'amour de Dieu pour lui même, sorte de préambule naturel de la chanté infuse, totale' ment absent, il est vrai, des philosophies de 1 antiquité, et néanmoins si évidemment conforme aux. exigences de la laison. Or, le respect de la loi et de tous les préceptes particuliers est commandé par le respect du législateur, et c’est pourquoi toute la série des vertus naturelles qui concourent à la rectifi cation de la volonté par la soumission à l’ordic moral repose, comme sur son fondement, sur la vertu de religion, par la quelle est assurée la révérence et l’ad< ration dues au premier principe, régulateur des consciences cl di toute"' chose" Mais si nous considérons celte mci ic vi< de laine < omnie une sorte de prise de possession anticipée de la lin dernière, c’est-à-dire de la béatitude postulée par la nature, elle est tout entière subordonnée à la vertu unitive par excellence, à cet amour naturel de Dieu pour lui-même dont nous venons de parler, sans lequel aussi toute vie humaine, au sens le plus formel du mot, est essentiellement tronquée, et auquel on peut adjoindre une vertu de confiance en Dieu et d’abandon à sa providence, réplique plus imparfaite encore et plus lointaine de l’espérance infuse, tandis que la vertu surnaturelle de foi ne trouve pas ici d’autre terme de comparaison que notre entendement même, naturellement capable d'arriver à la connaissance de Dieu, premier principe, législateur et lin dernière. Que si nous passons à l’ordre surnaturel, nous décou vrons un régime spirituel analogue, La foi nous apparaît comme la condition fondamentale de la vie, car c’est à sa lumière que nous saisissons Dieu surnalurellement comme premier principe et comme fin dernière. Cette lumière étant donc présupposée, toute l’activité spirituelle de l’homino mû par la grâce, en tant qu’elle est faite de sujétion aux injonc­ tions d’une volonté supérieure, est, pour ainsi dire, suspendue à l’hommage d’adoration et de révérence rendu par la religion à celte volonté même, envisagée comme premier principe et arbitre souverain de toute créature, tandis que, par le côté où elle est méritoire de la vie éternelle, c’est-à-dire nous conduit efficacement à notre fin dernière, elle n’a pas d’au­ tre principe vivifiant que la charité. LK VF.KTL H faut »! ailleuit ici hf MELIGIO* 71 rappel· r vertus naturelles qui -acquièrent piogM-MlV( ln. ut paf h tilion des actes, les vertu» infuses boni r expie» dan* I <î.%* toutes fol méea et d’un -< ul coup b f n μι ΛαΑ · | I , ration du pécheur adulte a la justification cofripcrfle un fertain nombre d’actes, produits, en l'absence de tout Mb fui infus correspondant, sous la seule influence de la grice actuelle, et qui sont exactement, dans l’ordre de leur appari­ tion, des actes de foi, de religion, d’eapéranœ d amf/ur ébau­ ché et de pénitence, ainsi qu’il résulte assez clairement du décret dogmatique de la session sixième du Concile de Trente (/jo) il est vrai que la religion n\ est pas expiessément désignée, mais la crainte de la justice di\ine dont il y est fait mention après la foi et avant l’espérance, s’entend fort bi actes propre- de la religion, qui embrasse dans ton objet tous les divers aspects et toutes les prérogatives de la majesté suprême, san* en excepter, par conséquent, sa justice et les rigu urs de cette justice quoniam Dominus ejol'us ferribi i>f rex magnus super omnem terram (ii). La foi est donc bien au point de départ de toute notre activité surnaturelle, de quelque manière qu’on l’envisage, mais après elle, c’est la religion qui préside, en quelque sorte, à toute la - bal dite immédiatement à la béati­ tude surnaturelle. mulli priant en nous, a sa suite, les principes o| , ratifs. l?s vertus infuses adaptées à cette même fin. et assurant Γ fli acité v-a nent vitale et méritoire des vertus — foi. religion, es; énmee — qui re au delà dans le livti de 1 S g ss il \ a aus>i quatre vertus proprement et < h ! L' ' - (40) (41) 42' (43 Cap. G. Ps 46, 2 Pair. I. 14. 280. 28? Pc Invent. rhelo l 2 n èS 1 >ιβ HF ΜI ΠΟI Λ CADE les, qui sont la foi, la religion, l’espérance cl la charité, toutes les quatre ayant directement pour objet Dieu lui-même sous des raisons diverses, mais également divines. Deux d’entre elles, la foi et l’espérance, ne conviennent qu’à la vie pré­ sente et sont donc destinées à disparaître; mais la religion et la charité subsisteront toujours. 11 est néanmoins un autre principe de distinction, qui se tire du rapport très différent sous lequel nous atteignons Dieu par ces vertus. Car, par la foi, en tant que fondement de la religion, et par la religion elle-même, nous atteignons Dieu sous la raison de premier principe. Mais par la foi en tant que fondement de l’espérance et de la charité, et par ces deux vertus elles-mêmes, nous atteignons Dieu et nous nous ordonnons en quelque sorte à lui sous la raison de lin dernière. Nous savons déjà ce qu’il en est de la religion, qui, de l’aveu de tous, s’applique exclusivement à honorer Dieu dans son excellence de principe universel. El quant aux trois vertus de foi, d’espérance et de charité, saint Thomas cl tous les théologiens avec lui enseignent qu’elles se rapportent à Dieu en tant que fin et fin surnaturelle Objectum theolo­ gicarum virtutum est ipse Deus, qui est ultimus rerum finis, prout nostrae rationis cognitionem excedit (45) : — virtutes theologicae hoc modo ordinant hominem ad beatitudinem supernaturalem, sicut per naturalem inclinationem ordinatur homo in finem sibi connaluralem (46). Aussi bien, la foi est-el’e définie dans l’épître aux Hébreux (4;) la substance des choses que l’on espère, sperandarum substantia rerum, et l’espérance est-elle essentiellement tendance à la béatitude, spes vitae aeternae quam repromisit qui non mentitur Deus (48), tout autant que la charité est le parfait amour du bien parfait et, pour cela même, l’objet du premier et du plus grand de tous les commandements, maximum et pri­ mum mandatum (4g) : ces trois vertus forment ainsi un tout homogène et parfaitement ordonné, qui tire son unité cl comme sa forme de la relation qu’il soutient et du rapport où il nous place vis-à-vis de la fin dernière. (45i (46'· M7 (48; (49: la-ÏIae, q. 62, a 2. Ibid., a. 3 h!elr , 11. 1. TH. 1. 2. Ma:V, ( 22 3q Ι Α mtn nr l II \ .1 dofi< au total quatte xeirn. ■-'·.■.■ s’il est exclusivement qo< -ιιήι d·· < > H< commun de nous ordonner progr< hivernent a notre fin sur­ naturelle, il n > en a plut que trois, * rance et la charité, et c’est justement du point de vue de < cite connc xi<>n étr<>ite · nh < <-lb - . ■ avec la justification qui dispose immédiatement à cette béati­ tude, que l’Apôtre a écrit la célèbre sentence : nunc eulern manenl Jidcs, spes, caritas, tria haec : major autem horum est caritas (5o), sentence dont nous retrouvons la trace au chapiti e 7 de la sixii me sessi< n du 1 ■ i f‘de in ipsa juslificallont cum ren pontorum '7 simul infusa accipit homo per Icsum Chr tum cui inserifur. fidem, spem et caritatem Par là, s’établissent à la fois, de la manière la plus rati< nncllc, dans le respect et la juste interprétation du sentiment d< l’Eglis< et a 1 encontre de cequil nous paraît y avoir d’outrancicr dans le jugement de certains théologiens, la distinction et la concordance du nombre ternaire et du nombre quaternaire des vertus théologales Remi Hor bc