Abbe Bernard Lucien L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE DOCUMENTS DE CATHOLICITÉ 1984 AVERTISSEMENT L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL ET LA SITUATION PRÉSENTE DE L’ÉGLISE Nous présentons aujourd'hui au public catholique un opuscule sur l'infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Cette doctrine, directement rattachée à la Révélation, est en elle-même indépendante des temps et des lieux : « le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas ». Notre travail, pour le fond, est donc étranger aux circonstances actuelles : du moins nous sommes-nous efforcé d’attein­ dre cet idéal ! La manière dont nous avons traité le sujet, en revanche, est étroitement liée à l’occasion qui nous l’a fait aborder: et cela demande quelques explications. Notre ouvrage, surtout dans sa deuxième partie, mais déjà un peu dans la première, se présente comme un recueil de citations, et non comme une étude à lire d’affilée. C’est que nous avons principalement voulu servir les fidèles, confrontés aux attaques contre la doctrine catholique, et qui le plus souvent manquent de textes de référence pour résister et contre-attaquer victorieusement. Le présent dossier, nous l’espérons, comblera sur un point précis cette carence assez générale. Mais pourquoi ce sujet, parmi tant d’autres ? Il se trouve que, en vue d'exposer quelle est la situation actuelle de l’Église, et plus spécialement de l’autorité dans l’Église, nous avons dû mettre en œuvre la doctrine catholique sur l'infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Rappelons-en brièvement les raisons. Le concile Vatican II a promulgué une Déclaration sur la liberté reli­ gieuse en contradiction avec la doctrine sur le même sujet enseignée L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE jusqu'alors, infailliblement, par l'Église. (Cf dans l’ouvrage Lettre à quel­ ques Évêques... l'annexe qui met en lumière cette opposition). Le rapprochement de ce fait avec la doctrine de foi sur l'infaillibilité du magistère ordinaire et universel oblige à conclure que l'occupant du Siège apostolique, au moment de la promulgation de ladite Déclaration (7 décembre 1965), ne possédait plus l’Autorité pontificale divinement assistée : on voit l’importance de la question ! Si en effet Paul VI avait eu l’Autorité pontificale à ce moment-là, l'acte de promulgation de la Déclaration conciliaire aurait été garanti par l’infail­ libilité du magistère ordinaire et universel ; et, comme la doctrine sur la liberté religieuse est présentée comme fondée sur la Révélation (et, par le fait même, comme "devant être tenue” par tous), elle aurait elle-même été garantie contre l’erreur. Les faits montrant que le contraire s’est produit, la fausseté de l’hypo­ thèse est établie avec certitude. L’exposé détaillé du raisonnement que nous venons de résumer (cf. Cahiers de Cassiciacum, N°1 et suppl. au N°2) a provoqué, comme il n’arrive que trop souvent lorsque des questions d’importance sont en cause, quelques réactions d’opposition « passionnelle ». Certains auteurs « traditionalistes », se refusant a priori à admettre la conclu­ sion, ont cherché à la nier « à tout prix ». Ils ne purent rejeter le raisonnement en lui-même, celui-ci étant trop simple pour laisser place aux arguties. Il leur était difficile de nier l’erreur de Vatican II, car eux-mêmes l’avaient dénoncée. En outre, toute leur résistance est fondée sur la dénonciation de cette erreur (ou d’autres similaires). Ces auteurs entreprirent donc, c’était la seule « issue», de nier la majeure du raisonnement: à savoir, la doctrine catholique sur l’infaillibilité! Pour ce faire, ils « lancèrent » deux affirmations. D’une part, ils prétendirent que le magistère universel n’était pas \'ensemble des évêques avec le pape, à un moment quelconque : alors que c’est le sens que possède cette expression dans les documents ecclésiastiques qui traitent de la question. D’autre part, ils ne craignirent pas de clamer partout où leurs voix portaient que nous avions inventé de toutes pièces, pour les besoins de notre cause, la doctrine sur l’infaillibilité dont nous faisions état. Comme on pouvait s'y attendre, la discussion qui s'ensuivit laissa chacun sur ses positions ! Il fallait pourtant en finir, puisque l’hérésie se trouvait, en cette affaire, diffusée parmi les catholiques abusés. AVERTISSEMENT Nous avons donc décidé, laissant de côté le débat, de publier un dossier faisant connaître, par les textes, renseignement de l’Église. En conséquence, les deux parties principales de notre ouvrage correspondent aux deux aspects de l’erreur diffusée comme nous venons de le dire contre la doctrine catholique. En publiant abondamment les textes des Actes du concile Vatican I, ainsi que les autres textes du magistère se rapportant à notre sujet, nous montrons d’une manière certaine le véritable sens de la doctrine catholique sur l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Ensuite, en reproduisant un large choix de textes de théologiens, nous confirmons que non seulement cette doctrine n’a pas été inven­ tée par nous, mais quelle est explicitement connue et enseignée par tous les auteurs catholiques. Notre opuscule est donc un dossier: suffisamment complet, espérons-nous, pour éclairer tout fidèle de bonne volonté, « non théo­ logien » mais animé de l’amour de la Vérité. Un point reste à souligner. Le magistère universel, qui jouit de l’infaillibilité dans son ensei­ gnement ordinaire, c’est l'ensemble des évêques AVEC le pape, jamais SANS le pape. La présence du pape est l’élément déterminant pour la constitution de ce magistère infaillible. Ce point n’est pas toujours souligné dans les textes que nous citons. Il l’est cependant plus d’une fois. Mais surtout, il est tellement connu et admis de tous, qu’il semble inutile d’y insister. Qui ignore, en effet, que même les décrets d’un concile oecuménique n’ont de valeur défini­ tive, et ne sont donc infaillibles et irréformables, que s’ils sont confirmés par le pape ? La défection de tous les évêques sans le pape (ou de « presque tous») n'est donc pas un événement strictement impossible selon l’enseignement de la foi. La Révélation, redisons-le, ne nous enseigne pas que tous les évêques SANS le pape sont infaillibles. L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Il reste donc à recueillir la doctrine et les faits, et à reconnaître les conclusions qui en découlent nécessairement. Et, malgré le caractère tragique de la situation qui se dévoile ainsi à nous, nous proclamons de toute notre foi que les portes de l'enfer ne prévaudront pas contre l’Église. I INI All I Ibll III IHJ ΜΛΜΜΙΚΙ ■ ihiHNAHU IM I I I MV! h M | I MN ■■...» Dépôt légal : décembre 1984 ISBN 2-9500611-0-9 Imprimé en Belgique Corona Print (Bruxelles) Abbe Bernard Lucien L’INFAILLIBILITE DU MAGISTERE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’EGLISE DOCUMENTS DE CATHOLICITÉ 1984 -7, u SOMMAIRE SOMMAIRE: SIGLES UTILISÉS : ni LIMINAIRE : PRÉSENTATION : PREMIÈRE PARTIE : L'enseignement du concile Vatican I - Vues sur l'histoire des textes promulgués à Vaticani - Présentation du paragraphe sur le magistère ordinaire universel - L'apport de la discussion sur l'Église .............................. - Le deuxième schéma réformé « De Ecclesia > . . - Retour au paragraphe sur le magistère ordinaire universel - Un passage parallèle ............................................................. - Vue d'ensemble sur la doctrine mise en lumière - Solennelle confirmation de cette doctrine par Pie XII 13 ................................................................. 17 20 47 50 DEUXIÈME PARTIE : Enquête auprès des théologiens - Manuels et Cours de Théologie Ouvrages destinés au grand public. Catéchismes Quelques exemples de mention occasionnelle Études plus spécialisées ................................... Quelques témoignages antérieurs à Vatican I * ANNEXE 1 : L’objet secondaire de l'infaillibilité - La question ............................................................................ - Ce qui est tranché par l’Église, ce qui est librement discuté - La doctrine de l'Église ........................................................ - Complément et confirmation : le * projet Kleutgen » - Résumé et conclusion................................................... . £<··*-·*ΰ T* 59 74 87 91 107 113 115 116 122 126 ώ-ί J-V. L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE ......................................... 129 Exposé général ........................................................................ Une difficulté............................................................................. Le texte de Pie IX sur le magistère ordinaire .... Un texte de Léon XIII, et un de Pie XII .......................... Définition ex cathedra et obligation ............................... Illustration................................................................................... 131 136 139 139 141 145 ANNEXE II: Infaillibilité et obligation - * ANNEXE III: Un éclaircissement de Pie IX ............................... 115 .............................................................. 151 INDEX DES NOMS CITÉS................................................................... 157 * * * NOTE BIBLIOGRAPHIQUE SIGLES UTILISÉS Col D. : : D.S. : D. 1683 : D. 1792 : D. 1839 : : DDB E. P.S. : Eph E T. : : Jo : Epître de saint Paul aux Colossiens Enchiridion Symbolorum, Definitionum et Declaratio­ num de Rebus Fidei et Aiorum, par Henricus Denzinger ; éd. Herder. (Recueil le plus classique de documents du magistère. Nombreuses éditions.) Les éditions récentes ont été revues par Schônmetzer. Les textes sont classés avec des numéros ; les références renvoient donc à ces numéros, et non aux pages. Même recueil que ci-dessus, pour les éditions récentes revues par Schônmetzer. D.S. comporte une nouvelle numérotation, mais donne également les numéros de D. Référence du texte de Pie IX sur le magistère ordinaire ; nous le citons p. 39 et p. 49. Référence du texte de Vatican I sur le magistère ordinaire et universel. Nous le citons p. 14. Référence du texte de Vatican I définissant l’infaillibilité pontificale. Nous le citons p. 120. Desclée De Brouwer (éditions). Enseignements Pontificaux, réunis et traduits par des Moines de Solesmes. - E.P.S. E. désigne les deux volumes consacrés à l’Église. - E.P.S. N.D. désigne le volume consacré à Notre-Dame. Les nombres renvoient aux numéros des textes, non aux pages. Epître de saint Paul aux Éphésiens. Études Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican. La Constitution Dei Filius, par Vacant, T. IL 1895. Évangile selon saint Jean. — Ill — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE : Évangile selon saint Luc. : Amplissima Collectio Conciliorum, commencée par Mansi, continuée par L. Petit et J.B. Martin. 53 tomes en 59 volumes. H. Welter Éditeur, Arnhem (Pays-Bas). Les tomes 49 à 53 concernent le concile Vatican I. Ce sont les colonnes (2 par page) qui sont numérotées. Chaque colonne est en outre divisée en quatre parties A, B, C, D. Un nombre supplémentaire peut indiquer la ligne. Ainsi: M. 53, 33OA3-B8 signifie: tome 53 de Mansi, colonne 330, de la ligne 3 de la partie A à la ligne 8 de la partie B. Mt : Évangile selon saint Matthieu. Quod. : Questions quodlibétiques de saint Thomas. : Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques (Dominicains du Saulchoir). : La Science Catholique ', publie en 1887 les articles de Vacant sur le magistère. S· Th. ΙΙ-Π: Somme Théologique de saint Thomas, deuxième partie de la deuxième partie. Des nombres ultérieurs peuvent indiquer la question et l'article. Quand il n’y a pas risque de confusion, on omet souvent l’indication «S.Th. » dans les références. La Somme comprend les parties : I, I-II, II-II, III et un Supplément. — IV — 4M I ' •••'«■.•/K’·»» A liminaire Le présent opuscule traite d’un sujet volontairement restreint. Il s'agit de rappeler, par les textes, l’enseignement de l’Église sur un point particulier de la doctrine de l'infaillibilité : l'existence d'un exer­ cice quotidien infaillible du magistère ecclésiastique. Cet ouvrage se rattache à un ensemble de travaux d'ordre épistémologique sur le concile Vatican IL Dans cette perspective, il expose l'état de la question indépendamment de ce que cette assem­ blée a dit sur le sujet. Cette étude constitue ainsi l'un des éléments doctrinaux qui permettent d’apprécier l'autorité propre de Vatican II... Les deux parties qui constituent l'essentiel de l'ouvrage se complè­ tent. La première, qui retiendra davantage l’attention, expose l'ensei­ gnement de l’Église sur le magistère ordinaire et universel à partir de sa source la plus solennelle : le concile Vatican I. Nous ne donnons que les explications requises pour qu'un lecteur ni théologien, ni historien puisse comprendre les textes. Mais nous ne cherchons pas à appro­ fondir théologiquement le donné fourni par l’enseignement ecclésial. La théologie du magistère et de l’infaillibilité reste à élaborer. Ce n’est pas l’objet de ce travail de la construire. Tout au plus, pourraiton y voir une pierre d’attente pour l’édifice à venir. Comme on le verra, nous nous efforçons au maximum, dans notre première partie, de laisser parler les textes. Notre but est simple : que chacun puisse répondre en connaissance de cause à la question : que dit l’Église là-dessus ? La deuxième partie réunit les témoignages d'une cinquantaine de théologiens ou d’auteurs ecclésiastiques. La complémentarité des deux parties doit se comprendre ainsi : le témoignage concordant de tous ces théologiens donne une certitude exceptionnelle sur la question, puisque nous pouvons observer, grâce à la première partie, que cet accord s’appuie directement sur les sources du magistère. Réciproquement, le lecteur peut s assurer que — V — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE notre présentation des textes, dans la première partie, ne fausse pas leur véritable sens, puisque tant d’auteurs, cités dans la seconde partie, témoignent que les choses sont bien ainsi. Nous espérons qu’ainsi chacun pourra se faire une conviction fon­ dée sur cette question de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Les deux premières annexes apportent quelques éclaircissements, toujours dans le même esprit de référence stricte à l’enseignement de l’Église, sur des questions concernant l’infaillibilité en général. Elles étaient nécessaires pour que le lecteur puisse apprécier pleinement la portée de la doctrine sur l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. La troisième annexe aide à mieux comprendre une distinction essentielle en ces matières : l’aspect ontologique et l’aspect critériologique. Le 8 décembre 1983 En la Fête de l'immaculée Conception de la Bienheureuse Vierge Marie. — VI — PRESENTATION « L’ANTIQUE ET CONSTANTE DOCTRINE DE L’ÉGLISE» Dans l’encyclique Satis cognitum, qui traite de l’unité de l'Église, Léon XIII donne un enseignement assez détaillé sur le « magistère ecclésiastique ». Après en avoir exposé l’institution et le rôle, le pape tire une première conclusion : « Il est donc évident, d'après tout ce qui vient d'être dit, que Jésus-Christ a institué dans l'Église un magistère vivant, authentique et, de plus, perpé­ tuel, qu'il a investi de sa propre autorité, revêtu de l'esprit de vérité, confirmé par des miracles, et il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les siens propres. » (E.P.S. E. 571) Et Léon XIII ajoute, immédiatement après : « Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s'ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu lui-même serait l’auteur de l'erreur des hommes. » (E.P.S. E. 572) Le pape montre alors qu’il n’est pas possible, sans rejeter la foi, de faire un tri dans ce que propose le magistère, pour accepter ceci et rejeter cela. Puis il conclut : « Les Pères du concile du Vatican n'ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n'ont fait que se conformer à l’institution divine, à l’antique et constante doctrine de l'Église, et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret : " On doit croire, de foi divine et catholique, toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et que l'Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose comme divinement révélées. " (Sess. III, c. 3.) » (E.P.S. E. 574) Ces quelques textes de Léon XIII nous rappellent plusieurs points fondamentaux de la doctrine catholique sur le magistère: l’existence d’un magistère vivant et perpétuel (E.P.S. E. 571), c’est-à-dire d'un magistère qui S'EXERCE effectivement, à CHAQUE ÉPOQUE ; le MSI■MM L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE fait que ce magistère est infaillible (E.P.S. E. 572), ce qu’il déclare ne pouvant en aucune manière être faux ; enfin, en citant une définition du premier concile du Vatican, le pape rappelle l'existence de deux modes d’exercice de ce magistère vivant et infaillible : jugement solennel ou magistère ordinaire et universel. Le but très limité du présent travail est de mettre en lumière ce qu’est ce « magistère ordinaire et universel », dont l’Église nous rap­ pelle solennellement, à Vaticani, l’infaillibilité : rappel dont Léon XIII souligne la conformité avec « l’institution divine et l’antique et constante doctrine ». Il s'agit avant tout, ici, de mettre un certain nombre de textes à la disposition du lecteur, avec seulement les commentaires nécessaires pour guider un « non théologien » à qui ces lignes s’adressent direc­ tement. Nous donnerons également les indications chronologiques et événementielles requises à la clarté de l’ensemble. L’opportunité de cette étude n'échappera pas à ceux qui savent que s’est répandue ces dernières années, dans quelques milieux catholi­ ques, une opinion totalement erronée sur l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Selon cette opinion, qui s’affirme d’ailleurs sans citer aucune « autorité » en sa faveur, SEULES les doctrines enseignées TOUJOURS et PARTOUT seraient garanties par l’infaillibilité du magistère ordi­ naire et universel. De sorte que ce magistère ordinaire et universel serait composé, en quelque sorte, par l’ensemble des évêques de tous les temps et de tous les lieux, depuis le début de l’Église jusqu’à l’époque présente ; tandis que l’ensemble des évêques (avec le pape) d’une époque donnée (quelconque) ne serait pas du tout infaillible dans son enseignement ordinaire. Nous allons voir, à travers les textes, que cette thèse est la négation de l’enseignement de l’Église : car elle rejette le texte de Vatican I entendu dans le sens où il a été défini ; en outre, cette thèse s’oppose à l’enseignement unanime des théologiens qui ont traité cette question ; elle s’oppose également à l’affirmation de Pie XII qui a repris cette doctrine d’une manière très explicite dans une circonstance particuliè­ rement solennelle. Mais d'abord elle s'oppose, comme nous allons l’observer tout de suite, à l’enseignement de Léon XIII que nous avons cité au début de ces lignes. PRÉSENTATION Léon XIII en effet parle d'un magistère vivant (1), qui est donc une réalité agissant par des actes. C'est ce magistère vivant qu’il faut écouter, chaque fois qu'il déclare ce qui appartient à la révélation ; et la raison indiquée est que ce magistère est préservé de l’erreur dans ces déclarations : voilà les actes, réels et infaillibles. Enfin, c'est à ce magis­ tère que Léon XIII applique les deux modes d'exercice professés par Vatican I. Or le «magistère ordinaire et universel» entendu comme l’en­ semble des évêques de tous les lieux et de tous les temps n'est pas un magistère vivant : c’est en effet un être de raison, n’ayant de réalité que dans l’esprit de celui qui considère cet ensemble comme tel. Un tel « magistère » n’exerce aucun acte \ et, en particulier, il n’y a aucun sens à dire, à propos d’un tel « magistère » : « toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare...-» (texte cité de LéonXIII ; cf. supra p. 3 ; E.P.S. E. 572). Il faudrait dire, dans la perspective de l’opinion que nous examinons : toutes les fois qu’on observe qu’une doctrine a été enseignée toujours et partout, il faut la croire. Cela, on le comprend mieux maintenant, n’a rien à voir avec le magistère vivant qui, à chaque époque, enseigne infailliblement la (1) Voici quelques textes de théologiens précisant cette notion de «magistère vivant » : * Un magistère vivant, c’est dire qu'il s'exerce continuellement dans l’Église par la communication de la doctrine révélée. Ce magistère est vivant en tant qu'il s'oppose au magistère encore exercé actuellement dans l’Église par des hommes qui ont disparu, mais auxquels leurs ouvrages ont survécu. Les protestants admet­ tent bien que le magistère des Apôtres s'exerce encore actuellement dans TÉglise, mais seulement par l'influence de leurs écrits ; ils n'admettent donc qu 'un magis­ tère pour ainsi dire posthume. » (Dictionnaire apologétique de la Foi catholique, article «Tradition et Magis­ tère» par H PÉRENNÊS. col. 1786-1787) < (Magistère] vivant, c'est-à-dire qui demeure toujours dans des maîtres vivants et s'exprime par leur bouche, et non pas ce Magistère. divin sans doute mais mort, que les protestants cherchent dans ΓÉcriture, » ( La Règle de Foi, tome l, 3èmc éd.» 1953· par A A GOUPIL $.μ p. 20) « On divise habituellement le magistère en écrit et niant. Le magistère pure­ ment écrit est celui qu'un auteur quelconque exerce par ses lit res, même après sa mort. Tel est, par exemple, le magistère que maintenant encore Aristote exerce par ses œuvres. Le magistère est dit vivant quand il s'exerce par des actes vitaux et conscients des hommes, que le maître utilise ou non des écrits, u (Sacræ Theologice Summa, B A C. tome 1. éd. 5. 1962, « De Ecclesia Christi*, par I SALAVERRI s.j.. p. 656) Μ·’ L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE doctrine catholique aux fidèles de cette époque (selon le témoignage de Léon XIII, citant Vatican I). Certes, nul ne conteste que ce qui a été enseigné toujours et partout est certainement vrai : puisque ce qui est enseigné partout à une époque quelconque l’est déjà (sous certaines conditions qui seront précisées dans cette étude). C'est là ce qu’on appelle un lieu théolo­ gique, qui découle de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Ce n’est pas ce magistère ordinaire et universel lui-même. En vérité, c’est l’infaillibilité du magistère vivant, s’exerçant perpétuellement selon son mode ordinaire, qui est la cause du maintien dans le temps de la doctrine catholique. On le voit: si l’opinion que nous avons signalée était vraie, il faudrait déjà dire que Léon XIII d’une part a faussé l’enseignement de Vatican I dans une encyclique adressée à l’Église universelle, et d’autre part a, du même coup, enseigné sur un point capital une doctrine entièrement fausse, en prétendant s’appuyer sur un concile œcumé­ nique, sur l’antique et constante doctrine de l’Église et sur l’institution divine. De telles conséquences suffisent, croyons-nous à faire rejeter l’opi­ nion dont nous venons de parler. Nous ne nous en occuperons donc plus directement dans notre étude. Cependant, les lecteurs intéressés par ce point précis ne seront pas déçus : comme on le verra ample­ ment, les textes parlent d’eux-mêmes. * * * Notre étude comporte deux parties principales et trois annexes. Dans la première partie, nous examinons la doctrine du « magistère ordinaire et universel » telle quelle a été enseignée à Vatican I, en nous référant aux actes même de ce concile. Cette étude est complétée par l’apport de Pie XII sur la même question: car le pape est évi­ demment l’interprète authentique d’un texte conciliaire. La deuxième partie est un dossier: nous montrons l’accord una­ nime des théologiens qui ont traité ce sujet. Redisons ici que nous ne nous proposons pas, dans ce travail, d'approfondir la théologie du magistère, mais seulement de fixer, par les textes, un point précis de la doctrine. PRÉSENTATION Les annexes traitent deux questions qui concernent le magistère en général, et non pas seulement telle forme d’exercice de celui-ci. Il s’agit d’une part de préciser à quels objets s’étend l’infaillibilité du magistère, et d’autre part de mettre au point la question de l’obliga­ tion découlant, pour le fidèle, de l'exercice du magistère. PREMIÈRE PARTIE L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN I ■ Parmi les textes officiels de l’Église, c’est donc le passage de Vatican I rapporté dans la présentation de notre étude (p. 3, dans la ur le troisième citation de Léon XIII) qui est le « lieu » central « magistère ordinaire et universel ». Ce sera donc naturellement l'ob­ jet principal de notre étude. Mais pour que le lecteur comprenne bien la marche que nous allons suivre dans la mise en lumière du sens authentique de cet enseigne­ ment conciliaire, nous commençons par rappeler, avec deux auteurs « classiques », quelques grands principes d'interprétation des textes conciliaires. Les deux passages que nous allons citer ont d’ailleurs été écrits à propos de la constitution Dei Filius de Vatican I, dans laquelle se trouve la déclaration sur le magistère ordinaire et universel. - Abbé J.M.A. VACANT, Études Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican. La Constitution Dei Filius, tome I, Paris, 1895, p. 45 : « Notre étude a pour but de préciser et de mettre en lumière les ensei­ gnements théologiques de la constitution Dei Filius. Ces enseignements sont d’abord ceux que les Pères du Concile se proposaient de nous donner : ce sont aussi les conclusions que les principes d'une saine théologie per­ mettent d’en tirer. (...) Nous chercherons avant tout à nous pénétrer de la pensée des Pères du Concile ; mais nous examinerons aussi si leurs défini­ tions et leurs déclarations n’entraînent point des conséquences qu'ils se sont abstenus de formuler. (...) Pour réaliser notre but, pour bien nous rendre compte des sentiments exprimés par le Concile, nous devons rechercher les intentions qui ani­ maient ses membres, au moment de leur vote ; nous devrons aussi tenir compte de la tradition de l’Église sur les questions qu’ils ont traitées ; car ils étaient tous animés du désir de rester fidèles à cette tradition, et l’assis­ tance du Saint-Esprit leur assurait cette fidélité. Or les intentions des Pères du Concile nous pourront être manifestées par trois moyens principaux : le texte authentique de la constitution, les commentaires qui en ont été faits et les actes mêmes du Concile. - La — 11 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE tradition de l’Église se révélera à nous par trois autres moyens: d’abord par les documents conciliaires et pontificaux antérieurs au Concile du Vatican, surtout par ceux dont il s’est inspiré ; ensuite par les enseigne­ ments dans lesquels le Saint-Siège a précisé ou complété depuis vingt-cinq ans, les décisions de la constitution Dei Filius ; enfin par les ouvrages des théologiens, surtout par ceux qui ont utilisé cette constitution. » - Père DESCOQS s.j., Le Mystère de notre Elévation Surnaturelle, Beauchesne, 1938, p. 77 note : « Il est parfaitement vrai que ce qu’il faut avant tout rechercher et préciser dans l’interprétation d’un texte conciliaire ou autre qui contient une condamnation, c’est l’erreur qui est visée par le texte et l’intention du législateur. Mais une définition dogmatique promulguée avec l’assistance du Saint-Esprit et qui bénéficie du privilège de l’infaillibilité, comme tel est indubitablement le cas de la constitution De Fide du concile du Vatican, ne se traite pas comme un simple texte de loi civile, dont les applications, pour valoir, devront être sanctionnées par une longue jurisprudence et finalement par la Cour de cassation. Une définition de ce genre est au sens le plus fort sous la garantie et la direction du Saint-Esprit un " instrumen­ tum veritatis ” ; elle vaut avant tout et premièrement par elle-même et par sa teneur, sa signification littérale. De plus elle ne doit jamais être isolée du reste de la doctrine où elle vient s’insérer de façon irréformable et perpétuelle, à l’inverse de toute loi civile ; de ce chef elle se trouve en connexion avec tout un ensemble qui sert à l’interpréter pleinement, qu’elle complète elle-même, et comme telle elle peut constituer un point de départ ferme et nouveau pour des déductions nouvelles et des conclu­ sions théologiques qui auront parfaitement pu échapper à ceux qui l'avaient formulée. Sans compter que leurs auteurs ont également pu, pour réfuter et condamner une erreur quelconque, poser des principes dont ils ne percevaient pas toute la portée et l'amplitude. Et cette virtualité prégnante des formules dogmatiques n’est-elle donc pas l’une des conditions les plus fécondes et les plus heureuses du déve­ loppement de la doctrine ? » Nous n'aurons certes pas à mettre en pratique, vu notre but limité, tous ces principes. Mais le lecteur possède par ces deux textes une vue d’ensemble - quoique succincte - de la question, et il sera à même d’apprécier le bien-fondé de notre méthode. * * * 12 — L'ENSEIGNEMENT DU CONQLE VATICAN I Vues sur l’histoire des textes promulgués à Vatican I Pour situer la déclaration de Vatican I dans son milieu, nous allons d’abord présenter brièvement quelques données sur le déroulement du concile. Celui-ci dura moins d’un an (8 décembre 1869 - 20 octobre 1870), le pape Pie IX ayant dû le suspendre sine die à cause de la situation politique italienne. Deux constitutions seulement purent être pro­ mulguées alors que, selon Aubert (Histoire de l’Église, fondée par Fliche et Martin, t. 21, nouvelle éd., p. 360), cinquante et un schémas restaient en projet. Les deux textes arrivés à terme portent l’un sur la foi catholique (constitution Dei Filius, 24 avril 1870) et l’autre sur l’Église, spécialement sur le pontife romain (constitution Pastor Æternus, 18 juillet 1870). Ces deux documents ont une histoire, dont il faut connaître les grandes lignes. Si nous laissons de côté la préparation antéconciliaire, nous trou­ vons l’origine de Dei Filius dans le schéma présenté au concile le 10 décembre 1869, accompagné d’annotations théologiques, sous le titre : De la doctrine catholique contre les multiples erreurs issues du ratio­ nalisme (M. 50, 59-119). Ce texte fut discuté par les Pères du 28 décembre au 10 janvier. A partir de cette date, la Députation de la Foi (commission de 24 membres élus, chargée de perfectionner ou de refondre les schémas, selon les amendements) entreprit le remanie­ ment, en fonction de toutes les observations des Pères. Au cours de ce travail, il fut décidé de répartir la matière à traiter en deux constitu­ tions différentes, la première devant porter sur la foi catholique en général, la seconde sur certains objets particuliers de cette foi (cf. M. 51, 39 A 15-19). On arriva ainsi à la confection d’un Schéma réformé de la constitution dogmatique sur la foi catholique qui fut distribué au concile le 14 mars 1870. Il comportait quatre chapitres, sur la foi en général (M. 51, 31 C-38C). Il s’agissait donc de la première des deux constitutions dont le texte du 10 décembre devait être l’origine: la seconde n’aboutira pas, à cause de l’interruption du concile. Le 18 mars, au nom de la Députation de la Foi, Mgr Simor com­ menta devant le concile ce schéma remanié sur la foi (M. 51. 42-48). L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE La discussion conduisit alors à une première approbation provisoire, le 12 avril, puis à la promulgation du texte définitif le 24 du même mois (constitution dogmatique Dei Filius sur la foi catholique ; M. 51, 429-436; cf. D. 1781-1820 et D.S. 3000-3045). C’est dans cette constitution que se trouve le texte sur le magistère ordinaire et universel : dans le chapitre III, 4ème paragraphe. Nous en rappelons le texte, d’après la traduction de Journet (Le Message Révé­ lé, DDB, 1964, p. 113) qui nous semble la plus exacte : « Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé». (2) * · "·< * Pendant que s’élaborait la constitution sur la foi, un autre thème fut mis à l’étude : l’Église. Le 21 janvier 1870, un premier schéma sur l’Église, en 15 cha­ pitres, était distribué aux Pères, avec les justifications théologiques requises. Le 22 février, le Président de l’assemblée générale faisait savoir que les observations écrites sur les dix premiers chapitres du De Ecclesia (= schéma « sur l’Église ») devaient être présentées dans les dix jours à la Députation de la Foi (M. 50, 855 D-856 A). Le len­ demain, il était précisé que la date limite était le 4 mars (M. 51,638 C). Le 6 mars, comme de nombreux évêques avaient réclamé que le thème de l’infaillibilité du pontife romain fût soumis au concile, un «chapitre additionnel» sur ce sujet était distribué aux Pères (M. 51, 701 B-702 A). Le schéma du 21 janvier, en effet, n’abordait pas cette question. Ce chapitre additionnel était à insérer après le chapitre XI du texte primitif ; les Pères devaient présenter leurs observations écrites sur ces deux chapitres (ch. XI et ch. additionnel) avant le 17 mars (ibid.). Cette date fut ensuite repoussée au 25 (cf. La Théologie de l’Épiscopat au premier concile du Vatican,].-P. Torrell o.p., Cerf, 1961, p. 85). (2) « Porro fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, qua in verbo Dei scripto vel tradito continentur et ab Ecclesia sive solemnt iudicio sive ordinario et universali magisterio tamquam divinitus revelata credenda proponuntur. » (D. 1792) — 14 — L'ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN 1 Le débat sur l’infaillibilité du pape était, aussi bien pour le public que dans le concile lui-même, l’affaire brûlante du jour. Aussi de nombreux Pères demandèrent-ils que l'on hâte cette discussion. Et c’est ainsi que le 9 mai 1870 un nouveau projet fut présenté au concile (M. 52, 4-7). Il s'agissait d’un schéma en quatre chapitres, intitulé Première constitution sur l’Église ; ses trois premiers chapitres étaient issus du chapitre XI du schéma du 21 janvier (chapitre concernant la primauté du pape), le quatrième étant le chapitre addi­ tionnel du 6 mars (infaillibilité du pape). Un important commentaire, rédigé par deux théologiens de la Députation de la Foi (les Pères Schrader et Maïer) accompagnait ce projet (M. 52, 8-28). Une deuxième constitution sur l’Église devait compléter l’enseignement conciliaire. Le projet fut rédigé par le Père Kleutgen, à partir des observations écrites des Pères sur les dix premiers chapitres du sché­ ma du 21 janvier. Mais le concile sera interrompu avant que l’on puisse discuter ce « projet Kleutgen ». Ce texte présente cependant une grande importance pour la connaissance de la pensée des évêques réunis au concile. Nous donnons sur ce point l'appréciation de deux auteurs qui ont étudié personnellement les actes de Vatican I. Le Père Torrell o.p. dans son livre déjà cité (La Théologie de l’épiscopat au premier concile du Vatican, éd du Cerf, 1961, p. 323) rédige cette notice : « PROJET KLEUTGEN. Il s'agit d’un deuxième schéma De Ecclesia, préparé par le P. Kleutgen s.j., théologien de la Députation de la Foi, et par lequel les Pères pensaient poursuivre leurs travaux ecclésiologiques. L'in­ terruption brusque du concile empêcha que ce texte vînt à la connaissance de l’assemblée, le privant du même coup de toute autorité officielle. Il n’en a pas moins une importance majeure car on y trouve, fidèlement reflétée, ce que l’on peut considérer comme la pensée commune du concile sur l’Église. » De son côté le Père Hamer o.p., dans un article consacré au Corps épiscopal uni au pape, son autorité dans l’Église, d’après les docu­ ments du premier concile du Vatican (R.S.P.T., 1961, pp. 21-31) constate : « Ce qui me paraît incontestable, c’est que le schéma du Père Kleutgen est basé dans l’ensemble sur un bon résumé des positions d’une large — 15 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE majorité des Pères, rédigé par un homme pénétrant, qui avait participé de l'intérieur aux travaux du concile, et qui antérieurement déjà avait donné des preuves de ses talents dans la mise au point de la constitution sur la foi catholique. Je n'hésite pas à dire que le document du Père Kleutgen est l’écho le moins déformé que nous ayons des convictions communes d'une partie très considérable de l'assemblée au moment où elle se sépare. » {Le. p. 25.) « Le Père Kleutgen a le constant souci de tirer profit au maximum des remarques faites par les membres du concile, tout au long des travaux de l’assemblée. » {Le. p. 24.) Quoi qu’il en soir de ce dernier point, à partir du 9 mai, ce n’est plus que la première constitution sur l’Église (primauté et infaillibilité du pape) qui sera discutée au concile, en matière d’ecclésiologie. Mgr Pie ouvrit les débats, au nom de la Députation de la Foi, par son rapport sur le projet (13 mai, M. 52, 29-37). La discussion, parfois laborieuse, aboutit à la promulgation, le 18 juillet 1870, de la constitu­ tion dogmatique Pastor Æternus contenant la proclamation de l’in­ faillibilité du pape parlant « ex cathedra » (M. 52, 1330-1334). L’exposé qui précède met en lumière une circonstance remarquable quant au texte sur le magistère ordinaire et universel. Cet enseigne­ ment n’est pas contenu, comme on aurait pu s’y attendre, dans la constitution sur l’Église, mais dans celle sur la Foi. Ceci n’est certes pas absolument surprenant : il n’y a pas de murs entre les différentes parties de la théologie, qui est une science une. Il n’est donc pas extraordinaire qu’un point de doctrine concernant l’Église soit précisé dans un exposé sur la Foi. Mais cette circonstance, et c’est pourquoi nous la soulignons, va se montrer particulièrement favorable pour notre enquête. En effet, nous avons ainsi à notre disposition deux « lieux » pour découvrir la pensée des Pères conciliaires sur l’infaillibilité du magis­ tère ordinaire et universel : d’une part, la discussion et les commen­ taires qui ont abouti au texte promulgué dans Dei Filius ; d’autre part, tous les éléments qui ont pu être donnés directement dans la discus­ sion sur l’Église. Nous allons voir que l’étude de ces deux lieux et leur — 16 — L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN I rapprochement permet d’acquérir une certitude absolue sur la signifi­ cation de l’enseignement conciliaire sur le magistère ordinaire et universel. Présentation du paragraphe sur le magistère ordinaire et universel Le 31 mars, pour écarter quelques interprétations erronées qui s'étaient manifestées à la tribune, Mgr Martin expose, au nom de la Députation de la Foi, le but du paragraphe « Porro fide divina » (ce sont les premiers mots du paragraphe sur le magistère ordinaire et universel - cf. notre note 2 - qui servent pour cette raison à le désigner) : « L’intention de la députation de la foi n'a nullement été de toucher la question de l’infaillibilité du souverain pontife, directement ou indirecte­ ment ; elle a voulu expliquer quel est l'objet matériel de la foi, après avoir exposé dans le premier paragraphe ce qui lui a paru bon concernant l'objet formel de la foi. Donc, elle a seulement voulu expliquer quelles sont les vérités à croire, au point de vue de l'objet matériel de la foi ; et elle a voulu diriger ce paragraphe contre les théologiens qui disent qu'on doit croire de foi divine seulement ce qui a été clairement défini par les conciles œcumé­ niques. » (3) Il faut préciser qu’à cette date du 31 mars, le texte sur lequel on discutait n'avait pas encore atteint sa forme définitive. Le paragraphe « Porro fide divina » énonçait alors : « En outre, sont à croire de foi divine et catholique toutes les choses qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise, et qui sont (3) « Intentio deputations quoad hanc tertiam paragraphum " porro fide divina " vobis exhibitam, intentio, inquam, deputations pro fide nullatenus ea fuit, ut vel directe vel indirecte attingeret quaestionem de infallibilitate summi Pontificis ; sed voluit expii care, quodnam sit objectum materiale fidei, postquam in paragrapho pnma de objecto formait fidet ea, quce ipsi videbantur, explicuit. Igitur ea tantummodo voluit explicare, quae credenda essent respectu object! materialis fidei; et voluit dirigere hanc paragra phum contra eos theologos qui dicerent tantummodo ea fide divina credenda esse, quee ab aecumemcis conciliis aperte definita essent. » (M. 51, 224 C-D) — 17 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE proposées à croire par l’Église soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire.» (4) (M. 51, 35 A) Or, le 30 mars, Mgr Martinez commentait ainsi ce passage : « Vénérables pères, quel est ce magistère ordinaire de l’Église, si ce n’est le magistère du pontife romain, tête de l’Église, vicaire de Notre Seigneur Jésus-Christ... » (5) (M.51, 216A9-12); Et il réclamait, en conséquence, que cela soit dit plus explicite­ ment ; il proposait cette formule : « ... et qui sont proposées par l’Église (...) soit par le jugement solennel du concile général, soit par le magistère ordinaire du pontife romain tête visible de cette même Église... » (6) (M.51, 217D6-10.) C'est cette exégèse qui avait provoqué les remarques de Mgr Errington, le lendemain (31 mars) ; celui-ci voulait que l'on supprime les mots : « soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordi­ naire ». Sa principale raison était l’imprécision de ce texte, sujet à des interprétations divergentes : il rappelait la prise de position de Mgr Martinez, déclarant qu’au contraire, pour lui-même et pour d’autres, le magistère ordinaire était : « La doctrine de l’Église tirée du dépôt de la foi et donnée par les pasteurs à leurs troupeaux, avant qu’un article de foi ne soit établi. » (7) (M.51, 222D-223 A) (4) « Porro fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, quæ in verbo Dei scripto vel tradito continentur, et ab ecclesia sive solemni judicio sive ordinario magisterio credenda proponuntur. » (M. 51, 35 A) (5) « Venerabiles patres, quid est hoc ordinarium ecclesia magisterium, nisi magiste­ rium Romani pontificis, capitis ecclesia, vicarii Domini nostri Jesu Christi...» (M.51, 216A9-12) (6) « Et ab ecclesia sive solemnt concilii generalis judicio sive ordinario Romani pontificis ejusdem ecclesta capitis visibilis magisterio credenda proponuntur (...) » (M. 51, 217 D6-10) (7) « ... magisterium ordinarium est doctrina ecclesia; a deposito fidei deprompta et a pastoribus data suis pecoribus, priusquam aliquis articulus fidei de his rebus institutus sit.» (M.51, 222 D-223 A) 18 — L'ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN I Et, en tout état de cause, Mgr Errington faisait remarquer qu'il ne fallait pas retenir le proposition de Mgr Martinez, car elle avait sa place dans un autre schéma (celui sur l’infaillibilité du pape), et qu’il ne convenait pas « de traiter et de définir obliquement et sans discus­ sion la question principale de tout le concile» (M. 551, 223 Bl-2). C'est juste après cela que Mgr Martin est intervenu, au nom de la Députation de la Foi, donnant en particulier les précisions que nous avons transcrites ci-dessus (p. 17), précisions qui écartent absolument l’interprétation de Mgr Martinez. Ces premières indications nous permettent déjà de bien situer l’enseignement du paragraphe « Porro fide divina ». Il s'agit d'abord d'expliquer l’objet matériel de la foi. D’une manière générale, l'objet matériel d’une puissance, d’un habitus, d'une vertu, c’est tout ce qui peut être atteint grâce à l'objet formel. En l’occurrence, l’objet formel de la foi étant la Révélation divine, ou l’Autorité de Dieu révélant, l’objet matériel de la foi sera tout ce qui est révélé : telle est l’affirma­ tion du début du paragraphe « Porro » : « tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise (par oral) ». Mais, selon la doctrine catholique, ce donné révélé, le dépôt de la foi, a été confié par Jésus-Christ à son Église. De sorte que si l'on quitte le domaine général du principe (objet matériel = ce qui est atteint par l’objet formel) pour arriver au critère pratique de discer­ nement pour telle vérité particulière, c’est la proposition infaillible de l’Église qui est la règle prochaine. C’est précisément au sujet de cette présentation par l’Église des vérités à croire qu’une erreur s’était répandue, surtout en Allemagne. Cette erreur consistait à prétendre que le seul mode de présentation infaillible de l’objet de la foi était le jugement solennel. Pie IX était déjà intervenu contre de tels propos dans sa lettre Tuas libenter de 1863. Le concile voulait reprendre solennellement cet enseignement du pontife : « La raison (de ce texte), la députation de la foi la tire de la lettre apostolique du souverain pontife Pie IX à l’archevêque de Munich en 1863 où il est écrit (à la fin de la lettre): "Car même s’il s'agissait de cette soumission qui doit se donner par un acte de foi divine, il ne faudrait cependant pas la limiter à ce qui est défini par les décrets exprès des — 19 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE conciles œcuméniques ou des pontifes romains de ce siège apostolique, mais il faudrait aussi l’étendre aux vérités transmises comme divinement révé­ lées parle magistère ordinaire de toute l’église dispersée sur la terre. » (8) (Intervention de Mgr Martin le 31 mars, au nom de la Députation de la Foi ; M.51, 224 D-225 A) Déjà, le sens du texte apparaît clairement ; il s’agit d’affirmer l’existence d’un mode infaillible de proposition de l’objet de la foi ; il s’agit expressément d’une proposition faite par le magistère de l’Église. Et d’autre part, cette proposition n'est pas un jugement solennel·, ni d’un concile (c’est ce qui est inclus minimalement dans l’énoncé de Vatican I), ni du souverain pontife (directement d’après la lettre de Pie IX ; indirectement d’après Vatican I, « qui n’a pas voulu toucher ici la question de l’infaillibilité du pape» - cf. p. 14) (9). Enfin, il est explicitement exclu que le « magistère ordinaire » désigne le magistère du pape seul. Ce « magistère ordinaire» c’est le « magistère de toute l’Église dispersée sur la terre » : expression déjà claire par elle-même, et sur laquelle nous reviendrons plus tard. L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN I universel, nous allons maintenant situer cette doctrine dans le cadre de la théologie du magistère des Pères de Vatican I. Cette théologie, nous la trouvons dans la discussion sur le De Ecclesia. Et nous nous posons cette question: les Pères du concile connaissent-ils un exercice infaillible du magistère ordinaire, qui ne soit ni le jugement solennel, ni le magistère du pape seul ? Exercice du magistère qui, de surcroît, puisse se caractériser comme « le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre » et, à ce titre, être qualifié d'« universel» (en effet, dans une autre intervention, Mgr Martin a précisé que c’est pour expliciter cela que le mot « universel » était ajouté : M.51, 322 ; cf. infra p.40). Et nous allons observer, dans cette enquête, que les Pères de Vati­ can I connaissaient bien et affirmaient d’une manière quasi unanime l’existence d’un tel magistère. Nous pourrons alors profiter des expli­ cations qu’ils en donnent pour en prendre une meilleure connaissance. Nous donnons les témoignages les plus typiques ou les plus circonstanciés. w· .· “ *7 J J · - .** > *»**·. ■ ■ λ’-λ ·' - ’.Ar L’apport de la discussion sur l’Église Ayant acquis au moins une idée générale de l’enseignement du paragraphe « Porro fide divina » sur le magistère ordinaire et (8) « Rationem vero, quam habuit, deputatio fidei desumpsit ex litteris apostolicis summi pontificis Pii IX datis ad archiepiscopum Monacensem et Frisingensem anno 1863, ubi scripta hac sunt : "Namque (in fine litterarum apostolicarum) etiamsi ageretur de illa subjectione, qua fidei divina actu est prastanda, limitanda tamen non esset ad ea, qua expressis oecumenicorum conciliorum, aut Romanorum pontificum hujusque apostolica sedis decretis definita sunt, sed ad ea quoque extendenda qua ordinario totius ecclesia per orbem dispersa magisterio tanquam divinitus revelata traduntur » (M. 51,224 D-225 A ; ce texte suit immédiatement celui qui est cité dans notre note 3> p. 17 ; le texte de la lettre Tuas libenter de Pie IX, dont un passage est cité ici par Mgr Martin se trouve en grande partie dans D. 1679-1684) (9) Nous faisons remarquer que le texte de Pie IX, antérieur au concile, désigne tant le pape seul que le concile œcuménique comme sujets pouvant prononcer des jugements solennels infaillibles. Le texte de Vaticani, lui, exprime seulement le mode d’exercice: « jugement solennel », sans désigner les sujets. Nous sommes au 31 mars, et le concile ne définira l'infaillibilité pontificale que le 18 juillet. Par la suite, le Droit Canon de 1917 reprendra le paragraphe « Porro fide divina », et affirmera explicitement que les jugements solennels donc il est question peuvent être portés soit par le pape seul, soit par le concile œcuménique: canon 1323 §2. — 20 — - Mgr D’AVANZO, 20 juin (M. 52, 760 sq.) E** L* ·.·. - Dans ce texte, Mgr d’Avanzo intendent au nom de la Députation de la Foi, pour répondre aux difficultés avancées contre le schéma du 9 mai (cf. M 52, 760 B 14 - 19 ; et cf. supra p. 15, premier §). « Pour déclarer de mieux en mieux l’état de la question, permettez-moi (...) de rappeler comment l’infaillibilité s’exerce dans l’Église. De fait, nous avons deux témoignages de l'Écriture sur l'infaillibilité dans l’Église du Christ, Luc XXII : J’ai prié pour toi etc., paroles qui concernent Pierre sans les autres ; et la finale de Matthieu : Allez, enseignez etc., paroles qui sont dites aux apôtres mais non sans Pierre, pour utiliser les mots d’Innocent LU (...). Il y a donc un double mode d’infaillibilité dans l’Église ; le premier est exercé par le magistère ordinaire de l’Église : Allez, enseignez. C’est pourquoi, de même que l’Esprit saint, l'esprit de vérité, demeure dans l’Église tous les jours ; de même tous les jours l’Église enseigne les vérités de foi avec l'assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement : toutes ces vérités, l’Église les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, — 21 — ·* • *'*?-' ; a* ' L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE et le pape et les évêques sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l'infaillibilité même de l’Église : ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise; et ainsi il enseigne et n’est pas enseigné, il confirme et n’est pas confirmé. Quelle est la part des fidèles dans cette affaire? Le même Esprit-Saint qui assiste le pape et les évêques enseignant par le charisme d’infaillibilité, donne aux fidèles la grâce de la foi par laquelle ils croient au magistère de l’Église. Sur quoi il ne sera pas hors de propos d’observer que le magistère des évêques dépasse en dignité et majesté les fidèles autant qu'un maître infaillible divinement institué est reconnu briller au-dessus de ses disciples. (...) » (10). (M. 52, 763-764) Mgr d’Avanzo expose ensuite comment le deuxième mode d’in­ faillibilité peut avoir à intervenir: (10) « Et ut aliquid de ipso statu quastionis declaretur magis magisque, sinite, emi­ nentissimi ac reverendissimi patres, ut ego semper pracepto possibilis brevitatis strictus, mihimetipsi recorder quo pacto in ecclesia infallibilitas exerceatur. Equidem de infallibilitate in ecclesia Christi duo habemus testimonia ex Scripturis, Lucte XXII: Ego rogavi pro te etc., qua verba respiciunt Petrum sine aliis ; aliud est Matthai ultimo: Euntes docete etc., qua verba dicta sunt apostolis sed non sine Petro, ut verbo utar Innocenta III (Epist. Apostolicæ sedis ad patriarcham Constantinopolitanum), unde in alia relatione formulas argumentandi desumpsimus. Duplex ergo est modus infallibilitatis in ecclesia ; primus exercetur per magisterium ordinarium ecclesia : euntes docete. Itaque sicut Spiritus sanctus, spiritus veritatis, manet in ecclesia omnibus diebus; ita omnibus diebus ecclesia veritates fidei docet assistente Spiritu sancto. Docet autem ea omnia, qua sive iam definita sunt, sive in thesauro revelationis explicite continentur sed nondum sunt definita, sive tandem, qua implicite creduntur: ista docet quotidie ecclesia tum per papam principaliter tum per singulos episcopos papa adherentes. Omnes et papa et episcopi in isto ordinario magisterio sunt infallibiles ex ipsius ecclesia infallibilitate: in hoc tantummodo differunt, quod episcopi per se non sunt infallibiles, sed indi­ gent communione cum papa, a quo confirmentur ; papa vero non indigeat nisi assistentia sancti Spiritus illi promissa; ideo docet et non docetur, confirmat et non confirmatur. Quanam autem est pars fidelium in hac re? Idem Spiritus sanctus qui per charisma infallibilitatis adsistit papa et episcopis docentibus, idem dat fidelibus edoctis gratiam fidei, qua magisterio ecclesia credunt. In quo non abs re erit observare tanta dignitate ac majestate episcoporum magisterium praeminere, etiam supposito schemate nostro, quanta magister infallibilis divinitus constitutus pra discipulis effulgere dignoscitur. (...) Itaque posito isto ordinario magisterio aliquando contigit, ut qua in magisterio ordinario ecclesia edocentur vel iam definita impugnentur et ad haresim retorqueantur, vel nondum definita sed implicite vel explicite servata debeant definiri, tunc occurit casus dogmatica definitionis, de qua in prasentiarum agitur. » ( M. 52, 763 D9-764 C7) Nous rappelons que Mgr d’Avanzo, dans cette intervention, répond au nom de la Députation de la Foi aux objections dirigées contre le projet de définition de l'infaillibilité du pape parlant ex cathedra. L’ENSEIGNEMENT DU CONQLE VATICAN I « Même avec l’existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l'hérésie, soit que des vérités non encore définies, mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être défi­ nies ; et alors se présente l'occasion d'une définition dogmatique, dont il est question à présent. > (10) (11). (M. 52, 764 C1-7) Mgr d’Avanzo explique alors que les évêques, dans un tel cas, recourent au pape pour lui faire connaître que telle erreur renaît chez eux, ou pour lui exprimer leur désir de telle définition. C’est alors que s’appliquent les paroles : « confirme tes frères ». Le pape réagit comme il convient, grâce à l’assistance du Saint-Esprit ; et, selon qu’il le juge opportun, il peut promulguer une condamnation ou une défi­ nition solennelle, soit par lui-même, soit, pour une plus grande solen­ nité au point de vue extensif, si la gravité du cas le demande, en réunissant un concile œcuménique {ibid. 764 C-D). Tel est le deuxième mode d’exercice, solennel (ou extraordinaire ; mais Mgr d’Avanzo n'utilise pas ce qualificatif en ce lieu) de l’infaillibilité : c’est très exactement le « jugement solennel » de notre paragraphe « Porro fide divina ». Avant de tirer de l’intervention de Mgr d’Avanzo les éléments qui nous concernent, nous citons également un autre texte du même évêque, écrit cette fois à titre personnel. Il a bien sa place ici, car il récapitule l’état de la question développé dans le texte précédent au nom de la Députation de la Foi : « ÉTAT DE LA QUESTION. L'Église est infaillible dans son magistère ordinaire, qui s’exerce quoti­ diennement par le pape principalement et par les évêques qui adhèrent à lui, et qui donc sont infaillibles ensemble de l'infaillibilité de l’Église que le Saint-Ësprit assiste tous les jours. (10) Cf. p. 22. (11) L'un des auteurs auxquels nous faisions allusion dans notre présentation (p. 4 § 4), le Père René-Marie, écrit (in « Una Voce helvetica », janvier 1981, p. 15) : < Si le Magistère ordinaire était de par lui-même infaillible, sans autre condition, le Magistère extraordinaire serait superflu. » On voit, par le texte que nous venons de citer, que cette objection a été résolue depuis longtemps... L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Dans le magistère de l’Église sont contenues des vérités concernant la foi et les mœurs, soit déjà définies, soit explicites mais non définies, soit seulement implicites. Lorsqu'une question surgit dans l’Église, elle peut regarder soit une vérité crue implicitement qui doit être déclarée, soit une vérité explicite qui doit être définie, soit une vérité déjà définie qui doit pourtant être défendue contre les dépravations hérétiques. QUESTION. A qui revient-il chaque jour : 1. de déclarer les vérités implicites, 2. de définir les vérités explicites, 3. de défendre celles qui sont attaquées ? RÉPONSE. Au pape, soit en concile, soit hors du concile. Le pape en effet est le pasteur des pasteurs, et le docteur des docteurs. » (12) (M.52, 1193B-C) Ce double exposé de Mgr d’Avanzo met bien en lumière en quoi consiste le magistère ordinaire infaillible. Il s’agit du magistère qui s'exerce tous les jours, et qui est exercé non pas par n’importe qui, non pas par tous les fidèles, mais par le pape et les évêques en communion avec lui, ensemble. Ce magistère, donc, s'exerce infailliblement chaque jour ; et c’est une vérité de foi, puisque c’est précisément cela qui est affirmé dans Matthieu XXVIII, 19-20. En outre, Mgr d’Avanzo montre bien comment ce magistère ordi­ naire ne supprime pas le rôle des jugements solennels du pape seul ou (12) «STATUS QUÆST1ONIS. Ecclesia est infallibilis in magisterio ordinario, quod exercetur quotidie per papam principaliter, et per episcopos ipsi adhairenles, qui idcirco infallibiles simul sunt infallibilitate ecclesias, cui assistit Spiritus sanctus omnibus diebus. In magisterio ecclesiis continentur veritates, quas ad fidem et mores referuntur, sive jam definitas, sive explicitas, sed nondum definitis, sive implicita’ tantum. Cum exurgil aliqua quas st io in ecclesia, vel potest respicere veritatem implicite credi­ tam, auas debet declarari, vel veritatem explicitant, sed quas debeat definiri, vel veritatem jam definitam, quas tamen debeat vindicari contra hasreticas depravationes. Qu. Ad quem eruo pertinet singulis diebus 1. declarare implicitas ? 2. definire explicitas ? 3- vindicare impugnatas ? R. Ad papam sive in concilio, sive extra concilium. Papa enim est pastor pastorum et doctor doctorum. » (M. 52, 1193 B-C) LENSEteNEMENT DU CONCILE VATICAN 1 du concile œcuménique. Par nature, le magistère ordinaire est plutôt adapté à transmettre la doctrine dans l’état où elle se trouve. Tandis que si une difficulté nouvelle surgit, réclamant l’explicitation d’un point, c'est plutôt le jugement solennel qui est bien adapté (cf. note 11 ). Quoi qu'il en soit de ce dernier point, retenons l’essentiel pour notre propos. Il y a dans l’Église un magistère ordinaire, exercé infailliblement tous les jours : celui de l’ensemble des évêques avec le pape à leur tête. Mgr d’Avanzo donne encore une précision importante sur cet « ensemble des évêques » unis au pape : « Il est de foi que l’Église enseignante est infaillible. Or que désigne le nom d'Église enseignante ? Tous conviennent que l’Église enseignante c’est le pontife romain avec les évêques, sinon avec tous, du moins avec la partie la plus saine. Or la partie la plus saine des évêques, dit Noël Alexandre, non suspect, est toujours censée être celle qui adhère au pape. » (13) (M.52.765C) (Noël Alexandre est dit «non suspect», c'est-à-dire non suspect d’accorder trop à l'autorité du pape, vu l’attitude qu’il avait observée pendant la crise janséniste. Il fut l'un des quarante docteurs de la Sorbonne qui, le 20 juillet 1701 signèrent le Cas de conscience ; - il se rétracta d’ailleurs après la condamnation Il fit aussi partie de ceux qui en « appelèrent » de la bulle Unigenitus.) Notons avec le dernier texte de Mgr d’Avanzo que cet ensemble des évêques avec le pape (et il s'agit bien de l'ensemble RÉEL des évêques et du pape vivant à un moment donné - quelconque -, puisqu'ils exercent, ensemble, chaque jour, leur magistère infaillible: cf. les textes cités ci-dessus), cet ensemble donc constitue ce qu'on appelle aussi l’ÉGLISE ENSEIGNANTE. Et, dans ce passage. Mgr d’Avanzo non seulement (13) < Re sane vera, de fide est, quod eccluria docent rit infallibilis. Qtud venit nomine ecclesùe docentis P Omnes convenient quod ecclesia docens sit Romanes pontifex Cum episcopis, si non omnibus, saltem cum saniori parie Sanior aut cm pars episcopo* rum, inquit Natalis Alexander, non suspectus, sanior pars censetur temper quas pontifici adhas ret, » (M 52, 765 C8*15 ; exrrair du même discours que celui ciré λ b note 10) — 25 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE réaffirme l'infaillibilité de l’Église enseignante, mais précise que c’est un point de foi. En outre, il explique que 1’« ensemble» des évêques unis au pape ne doit pas s’entendre nécessairement de la totalité absolue. En réalité, il y en a toujours un nombre appréciable : et ceux-ci, précisément en vertu de leur accord avec le pape, sont suffi­ samment représentatifs de l’Église enseignante. Pour terminer l’examen des éclaircissements fournis par Mgr d'Avanzo, soulignons la valeur particulière de son témoignage. Comme membre de la Députation de la Foi, il était au centre des débats conciliaires, fort bien placé pour savoir ce qui était admis par tous. D’où l’autorité toute particulière de son témoignage lorsqu'il présente comme admis par tous, et a fortiori comme « de foi », tel point de doctrine. - Apport de Mgr GASSER (rapport du 11 juillet ; M. 52, 1204 sq.) Venons-en à un deuxième témoignage de grande importance, puisqu’il émane aussi d’un orateur parlant au nom de la Députation de la Foi, Mgr Gasser. Qui plus est, le texte que nous allons citer fait partie d’un rapport particulièrement important: c'est le compterendu devant le concile des dernières corrections apportées au chapi­ tre IV (chapitre sur l’infaillibilité du pape) de Pastor Ætemus. Nous sommes donc en présence d’un témoignage de toute première valeur. Mgr Gasser, au cours de son exposé, examine la position de cer­ tains évêques qui estiment que le pape, pour être infaillible, doit NÉCESSAIREMENT , faire appel au témoignage et au conseil des évêques (M. 52, 1215 B 6-10). Il montre que cette doctrine repose sur trois axiomes, dont il examine successivement la valeur. Et nous en arrivons ainsi au point qui nous concerne : « Mais ils insistent encore et disent (et c’est le troisième axiome) : l’accord des églises est une règle de foi, que même le pape doit suivre ; et donc il doit, avant la définition, consulter les chefs des églises pour être certain de cet accord des églises. Je réponds. On en arrive à l'argument ultime, et il faut soigneusement distinguer le vrai du faux, de peur de faire naufrage dans le port. Il est vrai que le pape dans ses définitions ex cathedra a les mêmes sources que l’Église, l’Écriture et la tradition. Il est vrai que l’accord de la prédication présente de tout le magistère de l’Église unie avec sa tête est règle de foi même pour les définitions pontificales. — 26 — » L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN i Mais on ne peut nullement déduire de là la nécessité stricte et absolue de rechercher cet accord des chefs des églises, c'est-à-dire des évêques. » (14) (M.52, 1216 C16- 1217 A3.) (Pour justifier sa dernière affirmation, Mgr Gasser rappelle que le pape a à sa disposition d'autres sources que la prédication actuelle infaillible de tout le magistère ; il n'est donc pas obligé de se référer à celle-ci.) (15) Mgr Gasser, dans sa perspective de défense du dogme à définir de l’infaillibilité du pape parlant «ex cathedra», montre en outre que cette infaillibilité du magistère ordinaire actuel de toute l’Église ne suffit pas à tout. Mais, en même temps, il réaffirme fortement cette infaillibilité : « En outre, il faut bien le noter, tout le monde sait que cette règle de l’accord des églises dans la prédication présente a valeur seulement au sens positif, nullement au sens négatif ; c’est-à-dire, tout ce que l’Église univer­ selle en accord, dans sa prédication présente, reçoit et vénère comme révélé, est certainement vrai et catholique. Mais que faut-il faire si une discussion se lève entre les églises particulières, si des controverses se lèvent sur la foi ? Alors, selon le Lérinois, il faut recourir à l’accord de l’antiquité, c'est-à-dire à l’Écriture et aux saints Pères ; et il faut résoudre le désaccord de la prédication présente par l’accord de l'antiquité. » (16) (M.52, 1217 A17-B11.) (14) , on peut consulter notre article : « Le canon de Saint Vincent de Lérins » dans Cahiers de Cassiciacum N°6. On trouvera dans les numéros de cette même revue différents articles, soit du Père Guérard des Lauriers, soit de nous-même, sur la question du « magistère ordinaire et universel ». (29) Donnons encore un texte qui, à propos de la question des « deux sujets » de l'infaillibilité, montre bien ce qu’est le < magistère universel de toute l’Église», dans la doctrine des Pères de Vaticani. Il s’agit d’un passage d’un texte imponant parmi les débats conciliaires: le rapport des deux théolgiens Schrader et Maïer (de la Députation de la Foi) chargés de présenter le projet de la constitution Pastor Ætemus : * Cette distinction dans le sujet existe réellement, puisque la prérogative d’infaillibilité, comme il a été déclaré, appartient et au docteur et pasteur suprême et universel de ΓÉglise L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE _ Λ-4 ■’*·« ■ I 5 · Un passage parallèle Notre but, la mise en lumière du sens authentique de la doctrine de Vatican I sur le « magistère ordinaire et universel » est d’ores et déjà atteint. Nous avons cependant encore plusieurs pièces à verser au dossier qui, vu leur intérêt et leur caractère décisif, ne peuvent être omises. Dans ce paragraphe, nous allons examiner l’histoire d’un « passage parallèle » à celui du paragraphe « Porro fide divina », histoire riche en enseignements. Le schéma sur la doctrine catholique, présenté aux Pères le 10 décembre 1869 et première origine de la constitution Dei Filius, contenait un autre passage affirmant les deux modes d’exercice du magistère infaillible. Il s’agissait du passage traitant de l'immutabilité du sens des dogmes. On y lisait : « C’est pourquoi, si quelqu’un dit (...) que le sens [des dogmes] que l’Église dans ses définitions et dans sa proposition des articles de foi a compris et comprend n’est pas toujours absolument et immuablement vrai, (...) qu’il soit anathème. » (30) (M. 50, 67 D) Cette première formulation fut par la suite améliorée : « Il faut également toujours conserver ce sens des dogmes sacrés, que la sainte mère Eglise a une fois déclaré, soit par son magistère commun, soit par une définition solennelle, et il ne faut jamais s’écarter de ce sens, par lui-même, et au magistère universel et adéquat de toute l’Église, qui comporte les docteurs et pasteurs de l’Église ensemble avec leur tête, le pontife romain, et ainsi /’Église enseignante est et est dite infaillible. » (M. 52, 24A13-B2) (30) (31) (M.53, 168 A) Après les discussions conciliaires, la Députation de la Foi examine encore ce texte le 5 avril ; elle décide d’en rendre l'énoncé conforme à celui du chapitre III (c’est-à-dire de notre paragraphe « Porro fide divina », cf. Μ. 53, 220 A). Mais ceci étant réalisé, on se dit que l’un des deux textes était superflu. Aussi le 8 avril, Mgr Pie, présentant devant le concile le chapitre IV (contenant le texte sur l’immutabilité du sens des dogmes), propose que le passage sur les deux modes d'exercice du magistère soit supprimé de ce lieu «puisque cela est déjà exprimé dans le chapitre précédent» (M.51, 371 B). Cette suggestion fut acceptée par « presque tous » et donc retenue (M. 51, 371 D). La mention du double mode d’exercice du magistère infaillible ne figure donc pas dans le chapitre IV du texte promulgué. Cependant, nous pouvons tirer grand profit des explications données à propos de ce passage, puisque le concile a officiellement reconnu qu’il s’agissait de la même doctrine que celle de notre paragraphe « Porro fide divina ». Nous pouvons donc déjà souligner que le deuxième texte (cf. page précédente) affirme très explicitement que le « magistère commun » aussi bien que la « définition solennelle > est le magistère infaillible de l’Église. Et, en vertu de l'identité de cette doctrine avec celle du para­ graphe « Porro fide divina », cela s’applique immédiatement au magistère ordinaire de l’Église enseignante, ou au magistère ordinaire et universel. (31) * Sacrorum quoque dogmatum is sensus perpetuo est retinendus, quem semel declaravit sancta mater ecclesia, sive communi suo magisterio sive solemm definitione, nec unquam ab eo sensu, altioris intelligente specie et nomine, recedendum. Neque enim fidei doctrina proposita est humanis ingeniis perficienda, sed Christi sponsæ tradita custodienda et declaranda. Quare ad eam secundum hanc declarationem plenius semper intelligendam pie et laudabiliter incumbitur ; omnis autem commutatio eorum, qu.z infallibili ecclesia magisterio stabilita sunt, non profectus intelhgcntùe, sed corruptela erroris reputanda est. » (M 53. 168A13-B7) — 45 — -A b .-'? - L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE En outre, nous pouvons tirer profit des justifications théologiques qui accompagnaient le premier énoncé : « Il faut remarquer deux choses dans cette forme de condamnation : 1) L'Église propose la doctrine de la Foi non seulement par ses défini­ tions solennelles, mais aussi, sans aller jusqu'aux définitions de cette sorte, par sa profession et sa prédication : c'est pourquoi dans le schéma on signale distinctement les définitions de l’Église et la proposition des arti­ cles de foi. 2) Il se peut, et il est normal que parfois des définitions deviennent nécessaires sous une nouvelle forme, en opposition à des erreurs nou­ velles; par ces définitions, la compréhension du dogme est accrue: cette explication du dogme relève du progrès légitime décrit par les Pères. Mais il ne se peut jamais que ne soit pas simplement vraie la compréhension et le sens des dogmes que l’Église, en une époque quelconque, soit en définis­ sant soit en prêchant, a proposé ou propose : et c’est pourquoi, par rapport au même dogme, une compréhension et un sens divers du sens et de la compréhension de l’Église, tels qu’on nie que ceux-ci soient simplement et absolument vrais, ne peuvent jamais être qu’une corruption du sens vrai. Et c'est cela qui est déclaré dans le schéma. » (32) (M.50, 100 C.) Ce texte est intéressant car il souligne d'une manière on ne peut plus explicite que le magistère ordinaire infaillible s’exerce dans le temps, et en fait à chaque époque. En effet, ce qui est nécessairement vrai (voilà l’infaillibilité), c’est ce que l’Église a proposé ou propose en une époque quelconque (QUAVIS ÆTATE ; voilà l’exercice dans le temps), soit par une définition (voilà le jugement solennel, le magis­ tère extraordinaire) soit par sa prédication (voilà le magistère ordinaire). (32) « Duo autem in hac forma condemnationis animadvertenda sunt. I) Ecclesia non solum solemnibus definitionibus sed etiam citra huiusmodi definitiones per suam professionem et prcedicationem proponit fidei doctrinam: ideo in schemate distincte memorantur ecclesia? definitiones et articulorum fidei propositio. 2) Possunt utique et solent aliquando necessame fieri definitiones sub nova forma in directa oppositione contra novos errores, hisque ipsis definitionibus promovetur etiam mtelligentia dogmatum, qua ipsa dogmatum explicatio pertinet ad illum genuinum profectum a patribus descnptum. Potest etiam scientia et intelligentia theologica innixa doctrina? ecclesia? a privatis theolo­ gis suo modo promoveri. Sed nunquam potest non esse simpliciter verus intellectus et sensus dogmatum, quem ecclesia quavis a?tate sive definiendo sive pradicando proposuit vel proponit: et ideo quoad eadem dogmata intellectus et sensus diversus a sensu et intellectu ecclesia?, ita ut hic ïam simplicteret absolute verus esse negetur, nunquam potest esse nisi corruptio sensus veri. Hoc autem ipsum est, quod in schemate declaratur. » (M. 50, 100GD) — 46 — L'ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN 1 On voit donc, comme nous l’annoncions, l'intérêt de ce texte qui exclut à lui seul que le magistère ordinaire infaillible soit identifié en quelque manière à « ce qui a été enseigné toujours et partout » (cf. note 28). Dans la même ligne nous pouvons également relever que la seconde formulation du passage (cf. p. 45) indique bien que le «magistère commun » s’exerce lui aussi par des actes infaillibles, dans le temps. En effet, le sens des dogmes peut être « une fois déclaré », aussi bien par le magistère commun que par une définition. Cette expression manifeste assez clairement que le magistère commun infaillible s'exerce dans le temps, dans l’instant présent, et ne se réduit pas à l’ensemble de raison constitué par les doctrines crues « toujours et partout». Vue d’ensemble sur la doctrine mise en lumière L'ensemble des textes que nous avons étudiés jusqu’ici nous permet d'apprécier l’exacte vérité de ce qu’exposait devant le concile, le 28 juin, Mgr AMAT (au cours de la discussion sur l’infaillibilité du pape) : « L'infaillibilité est la même (comme il est dit dans notre schéma) soit qu’on la considère dans le pontife romain comme tête de l’Église, soit dans toute l’Église unie à sa tête ; et la raison en est que, comme il est très bien dit dans le ch. IX du schéma Sur l’Église du Christ, elle inhère dans le magistère que le Christ a institué comme perpétuel dans son Église, lorsqu’il a dit aux apôtres : Allez donc etc. ; et il a promis à ces mêmes [apôtres]... l’Espritdesa vérité qui demeurerait avec eux pour toujours. Et cela, par ailleurs, est déjà parfaitement conforme à ce qui a déjà été défini par notre concile du Vatican au ch. III du premier schéma Sur la foi catholique (...) à savoir: "Sont à croire de foi divine et catholique toutes les vérités contenues dans la paroles de Dieu écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divine­ ment révélées, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel ” ; par ces mots il est très certainement indiqué, et on voit qu’il est implicitement défini, que le magistère de l’Église c’est-à-dire le corps des évêques avec sa tête le pontife romain, soit rassemblé en concile général, soit dispersé sur toute la terre, est infaillible. » (M.52.916A-B) (33) (33) * "Quoniam vero infalhhilitas eadem est (uf in nostro schemate dicitur) sit e Spectetur in Romano pontifice tamquam in capite ecclesue. sive in universa ecclesia cum — 47 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE L'ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN 1 Sur quoi nous nous contentons d’ajouter encore le témoignage d'un autre évêque, plus bref mais non moins clair, Mgr DAVID (1er juillet 1870): n’avaient pas (au moins explicitement) rejeté le «lieu théologique» constitué par « ce qui a été enseigné toujours et partout », il faisait précisément remarquer que la doctrine sur l’infaillibilité du magistère ordinaire de toute l’Église était admise par l’accord « universel et constant » des théologiens catholiques. Ce qui prouve, par le fait même, que ce sont là deux doctrines différentes, sans quoi Pie IX n’aurait fait que prouver « le même par le même », c’est-à-dire qu’il aurait simplement énoncé une pétition de principe sous l’apparence sophistique d’un argument. Voici le texte (pour le début: cf. p.40, dans la citation faite par Mgr Martin) : « Tous les catholiques reconnaissent que ce pouvoir suprême et infail­ lible de juge se trouve dans l’Église universelle, qu elle soit légitimement réunie en concile ou dispersée sur toute la terre, mais d’accord sur une même doctrine. » (34) (M. 52, 992 D) (Notons, comme le souligne Mgr David lui-même, qu’il ne fait ici que reprendre le témoignage d’un théologien « de grande science et de grande autorité à Rome même», Gazzaniga o.p., qui était utilisé, à l’époque, par les candidats de théologie.) Enfin, pour achever cette vue d’ensemble, nous voulons revenir un instant sur l’enseignement de PieIX sur lequel le concile Vaticani s’est appuyé. Mgr Martin, dans ses explications (cf. p. 40) n’a fait que rapporter la partie de la Lettre apostolique correspondant directe­ ment à l’enseignement conciliaire. Mais Pie IX ajoutait une précision que nous devons souligner. En effet, réfutant la position de théolo­ giens qui rejetaient l’infaillibilité du magistère ordinaire, mais qui capite unita et ratio est, quia, ut optime dicitur in cap. IX schematis de ecclesia Christi, magisterio inest quod Christus in ecclesia sua perpetuum instituit, cum ad apostolos dixit: Euntes ergo etc., et iisdem promisit... veritatis suce Spiritum, qui maneret cum eis in æternum : quodque aliunde perfectissime congruit cum iis, quce ab hac nostra synodo Vaticana iam definita sunt in capitelli primi schematis de fide catholica; et rogo reve­ rendissimum Urgellensem ut notet hcec, ut possit concordare cum iis, quce ipse ex hoc ambone dixit, nempe: "Fide divina et catholica ea omnia credenda sunt, quce in verbo Dei scripto vel tradito continentur, et ab ecclesia sive solemni judicio sive ordinario et universali magisterio tamquam divinitus revelata credenda proponuntur ": quibus certis­ sime innuitur, et implicite definitum esse apparet, magisterium ecclesia:, seu corpus episcoporum cum suo capite Romano pontifice, sive in conciliis generalibus congrega­ tum, seu per totum orbem dispersum esse infallibile. » (Μ. 52.916A-B) (34) « Testem adhuc inconcussum vultis ? Audiatis unum theologum magna scientia et auctoritate Romce ipsi, ex illustri Dominicanorum familia, nempe Gazzaniga, qui idm in manibus theologia: candidatorum, non inficior, ab isto anno erat. Audiatis: "Non constat inter ipsos catholicos, ubinam suprema illa judicandi potestas resideat. ” Hœc est objectio, ad quam sic respondet : " Omnes ad unum catholicos hanc supremam et infallibi­ lem judicandi potestatem agonoscere in ecclesia universali, sive illa sit in conciliis oecu menicis legitime congregata, sive toto terrarum orbe dispersa, et in unam eamdemque doctrinam consentiens. De hac re nulla est inter catholicos dissensionis umbra ( ) "» (M. 52, 992 D) « ... il faudrait aussi l’étendre (h soumission de foi) à ce qui est transmis comme divinement révélé par le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre, et que POUR CETTE RAISON les théologiens catho­ liques, dans un accord constant et universel, considèrent comme apparte­ nant à la foi. » (35) (D. 1683 ; c’est nous qui soulignons.) Ainsi, après avoir affirmé avec autorité la doctrine, Pie IX donne un argument en faveur de cette même doctrine, argument accessible en principe à ceux qui sont directement visés, comme l’Église, MÈRE et maîtresse le fait très souvent, par miséricorde, dans son enseigne­ ment même solennel (alors que, au point de vue de l’infaillibilité, elle pourrait se contenter d’affirmer). L’argument donc, c’est que les théologiens catholiques, dans un accord constant et universel (voilà bien le «toujours et partout»!) reconnaissent que le magistère ordinaire de toute l’Église répandue sur la terre est infaillible. Les deux choses donc, à savoir le « lieu théologique » récapitulé par les mots « toujours et partout » et le « magistère ordinaire et universel infaillible » sont expressément pré­ sentées par Pie IX comme des réalités différentes. * * (35) (Pour le début du texte latin de Pie IX, d. note 8.) <... sed ad ea quoque extendenda, qw ordinario totius Ecclesue per orbem disperse magisterio tamquam divinitus revelata traduntur ideoque universali et constanti consensu a catholicis theologis ad fidem pertinere retinentur. > (D. 1683) — 49 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Solennelle confirmation de cette doctrine par Pie XII Le magistère est Un à travers l'écoulement du temps, tout comme l’Église elle-même. Il s'ensuit que l'interprétation donnée par Pie XII, dans un ensei­ gnement solennel, du texte de Vatican I, trouve naturellement sa place dans l'étude de la pensée du concile. Cette interprétation authentique fournie par le pape nous servira de récapitulation et de confirmation solennelle. Dans la Bulle Munificentissimus Deus (1er novembre 1950) défi­ nissant l'Assomption de la Sainte Vierge, Pie XII expose « l’histoire » de la définition. Il rappelle d’abord que, depuis la définition de l'im­ maculée Conception, des demandes de fidèles de plus en plus nom­ breuses parvenaient au Saint-Siège pour la définition de l’Assomption (E.P.S. N.D. 486-489). Pie XII fit donc entreprendre des études rigou­ reuses sur cette question (ibid. n° 490). Ensuite, il décida de consulter tous les évêques : « Mais, comme il s'agissait d’une chose particulièrement grave et importante, Nous jugeâmes opportun de demander directement et offi­ ciellement à tous Nos vénérables frères dans l’épiscopat de bien vouloir Nous exprimer ouvertement chacun son sentiment à ce sujet. C'est pour­ quoi, le 1er mai de l'année 1946, Nous leur adressâmes la lettre Deiparte Virginis Marite, dans laquelle se trouvait ce qui suit : « Pensez-vous, véné­ rables frères, dans votre grande sagesse et prudence, que l'Assomption corporelle de la bienheureuse Vierge puisse être proposée et définie comme dogme de foi, et le souhaitez-vous, en union avec votre clergé et vos fidèles ? » (Ibid. n°491.) PieXII expose ensuite le résultat de cette consultation: « Et ceux que l’Esprit-Saint a établis évêques pour gouverner l’Église de Dieu donnèrent à l’une et à l’autre question une réponse presque unani­ mement affirmative. Cet accord remarquable des évêques et des fidèles catholiques, qui estiment que l’Assomption corporelle au ciel de la Mère de Dieu peur être définie comme un dogme de foi, comme il Nous offre l'accord de l’enseignement du magistère ordinaire de l’Église et de la foi concordante du peuple chrétien - que le même magistère soutient et dirige — 50 — L’ENSEIGNEMENT DU CONCILE VATICAN I - manifeste donc par lui-même, et d’une façon tout à fait certaine et exempte de toute erreur, que ce privilège est une vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin, confié par le Christ à son Épouse, pour quelle le garde fidèlement et le fasse connaître d’une façon infaillible » (36) (Ibid. n°492) Dans le début de ce texte, Pie XII ne considère pas seulement l’ensemble des évêques unis au Saint-Siège, mais en outre le témoi­ gnage des fidèles. C’est directement à propos de ce double témoignage qu’il parle de « manifestation certaine » et d’« exemption d’erreur ». Cependant, il précise aussitôt que ces deux témoins : * la foi concor­ dante des fidèles » et « l’enseignement du magistère ordinaire » ne sont pas ex œquo : la première, en effet, est « soutenue et dirigée* par le second. C’est pourquoi, après avoir exposé le caractère certain et absolu du témoignage concordant de cette double source : « foi des fidèles », « magistère ordinaire », Pie XII poursuit en affirmant l’infaillibilité de ce même magistère ordinaire considéré en lui-même. Soulignons seulement, avant de donner la suite du texte de Pie XII, que le « sujet » qui constitue le « magistère ordinaire » en question est ici précisé d’une manière indiscutable : il s’agit de l’ensemble des évêques unis au pape que Pie XII vient de consulter, et donc des évêques du TEMPS PRÉSENT. Pie XII, donc, ajoute (c’est la suite immédiate du texte précédent) : « Le magistère de l’Église, non point certes par des moyens purement humains, mais avec l’assistance de î’Esprit de vérité, et a cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été con­ fiée de conserver à travers tous les siècles dans leur pureté et leur intégrité les vérités révélées ; c’est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer. " En effet, comme l’enseigne le Concile du Vatican, le Saint-Esprit ne fut pas promis aux successeurs de Pierre pour que, Lui-même révélant, ils enseignent une dextrine nouvelle, mais pour que, avec son assistance, ils gardent religieusement et exposent fidèlement la révélation transmise par les apôtres, c’est-à-dire le dépôt de la foi. (Ibid. n°492, suite) (56) < HO3. « Ch. IX : LE SUJET DE L'INFAILLIBILITÉ. (...) . , Il est d’abord certain que l'infaillibilité demeure dans l'Épiscopat uni au Pape. Une doctrine affirmée comme vraie par le Pape et le plus grand nombre des évêques est certainement vraie ; une doctrine jugée erronée par le Pape et par le plus grand nombre des évêques est certainement erronée. (-5 L’Épiscopat ayant à sa tête le Pape est, à l’exclusion de toute autre autorité inférieure, l’organe certain de l'infaillibilité, le juge supérieur de la foi. En effet, à qui Jésus-Christ a-t-il communiqué la puissance doctrinale ? A Pierre et aux apôtres : Euntes docete. C'est à saint Pierre et aux apôtres que Jésus-Christ a donné le pouvoir de prêcher l’Évangile. (...) (...) . . - . Cette judicature doctrinale, souveraine, appartient aussi bien à 1 Episco­ pat dispersé sur toute la face du globe, qu’à l'Episcopat rassemblé dans ces assises solennelles qui s'appellent des conciles. Le secours du divin Esprit, qui fait le principe et la garantie de l'infaillibilité, n'est nullement dépen­ dant de la diversité des lieux et des espaces. Jésus-Christ n’a pas institué une infaillibilité intermittente: "Je suis avec vous tous les jours, omnibus diebus". Le mot y est ineffaçable, écrit de la main même de Dieu. L’Église exerce son pouvoir doctrinal infaillible, toutes les fois que les évêques dispersés dans le monde, décident en union avec le Pape une question de doctrine : ce qui a lieu, par exemple, lorsque le Pape et les évêques adoptent d’un commun accord quelque décision précise, dans un concile provincial, ou bien une profession de foi rédigée par un docteur particulier - comme il est arrivé pour le symbole de saint Athanase, ou encore lorsqu'ils s'unissent pour condamner quelqu'erreur touchant la foi ou les mœurs. De fait, beaucoup d’hérésies, surtout dans les premiers siècles, ont été condamnées par l’Église. Les décrets du second concile d’Orange sur la grâce (529), œuvre de quatorze évêques seulement, ont reçu de la sanction du Pape et de l’approbation des évêques dans les autres pays, une autorité égale à celle des décrets des Conciles généraux. L'Église exerce aussi son pouvoir doctrinal infaillible dans la prédica­ tion quotidienne ordinaire. Ce que nous venons de dire des points de doctrine, sur lesquels tous les évêques se sont expressément prononcés, est vrai aussi de l'enseignement uniforme donné par l’Église dans les ques­ tions qui n'ont été l’objet d'aucune décision expresse. La doctrine du corps enseignant pris dans son ensemble, que les évêques la donnent directement par eux-mêmes ou indirectement par les prêtres, s’impose à la foi des fidèles·, car les fidèles dépendent de leurs évêques ou des prêtres chargés par eux de leur enseigner les vérités du salut. Si donc l’Église enseignante pouvait se tromper dans la prédication ordinaire de la doctrine de Jésus-Christ, les fidèles seraient comme invin­ ciblement induits en erreur. (...) » • X,. 4 1 L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE 18. Mgr CAULY : Le Catéchisme expliqué, 78ème éd., J. de Gigord, éditeur. « 69- - Comment l’intégrité et l'exactitude de l’enseignement sont-elles garanties dans l’Église ? Elles sont garanties par le privilège de Γinfaillibilité. On entend par ce mot la prérogative que Jésus-Christ a donné à son Église de ne pouvoir se tromper dans l’enseignement de la vérité religieuse. Cette infaillibilité implique deux choses : 1° une assistance divine qui préserve l’Église de toute erreur : c’est ce qu’on appelle infaillibilité négative ; et 2° le pouvoir de formuler des décisions dogmatiques ou morales, obligatoires pour tous les chrétiens : c’est ce qu’on nomme l’infaillibilité positive. Le privilège de l’infaillibilité résulte de la promesse formelle de NotreSeigneur : " Voici, dit-il, que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles ”. (S. Matthieu, XXVIII, 20). Là où est Jésus-Christ là est l’autorité : là ne saurait exister l’erreur. Remarquons toutefois que cette promesse ne concerne que la religion, et par conséquent l’Église n’est infaillible que dans les questions de foi, de mœurs ou de discipline générale. 70. - En qui repose le privilège de l’infaillibilité ? Il repose : 1° dans l’Église en général, et 2° dans le Pape en particulier. I. L’Église en général est infaillible ; la promesse que nous venons de rappeler s’adressait au collège des Apôtres, ayant Pierre à leur tête. En conséquence, ce privilège passe, non pas à chaque Évêque personnelle­ ment, mais en général au corps des Évêques, ayant à leur tête le Souverain Pontife. D’où il résulte qu’un Évêque peut se tromper en matière de foi ; mais la totalité des Évêques, jamais. C’est pourquoi l’Église est infaillible : 1° dans le sens positif, quand, réunie en Concile général, sous l’autorité du Pape, elle décide qu’une doctrine concernant la foi ou les mœurs doit être crue et acceptée par toute l’Église ; et 2° dans le sens négatif, quand, sans être réunie en Concile, mais tout en restant dispersée, elle se trouve enseignant d’un commun accord, et en union avec le Souverain Pontife, une question de foi ou de morale. En effet, Jésus-Christ a promis d'être avec son Église ” tous les jours ”, et non pas seulement quand elle serait réunie. Il la préserve donc de l’erreur, même à l’état de dispersion, sans que toutefois l’Église puisse formuler de définition dogmatique ou morale en l’absence du Pape qui est son chef, la source de son infaillibilité positive, l’organe principal et essentiel de ses définitions (44).» (p.85) (44) Remarquons que la distinction entre infaillibilité «positive» et «négative» semble assez personnelle à Mgr Cauly. Comme le lecteur peut en juger, aucun des autres auteurs cités jusqu'ici n'en a fait état pour la question qui nous occupe (infaillibilité du — 76 — J ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS 19. E. POUGET: Cours d'instruction religieuse, 7ème éd., 1941, lib. Hatier. « 266. Infaillibilité du Corps épiscopal. a) Un évêque seul n’est pas infaillible, ni un groupe d’évêques, par exemple un concile provincial ou national, ni même un concile de cous les magistère ordinaire et universel). En outre et surtout, cette distinction esc absente de la doctrine que nous avons trouvé chez les Pères de Vatican I. II n’y a donc pas lieu de s’y arrêter. Notons cependant que par l’introduction de cette catégorisation rigide, Mgr Cauly réduit à néant le rôle, en réalité si important, du magistère ordinaire et universel dans le développement (homogène) du dogme. Voici par exemple ce qu’écrit Vacant, sur le témoignage duquel nous aurons à revenir (Études Théologiques sur le Concile du Vatican, tome II, pp. 120-121) : σ Maintenant, le Magistère ordinaire de cette Église dispersée pourrait-il, sans l'in­ tervention d'aucun jugement solennel, transformer en dogme de foi une venté révélée qui précédemment était regardée comme libre, ou rendre certain un point qui était douteux? C’est ce que nous devons examiner. 662. U ne faut pas oublier que le Concile du Vatican range le magistère ordinaire sur le même pied que les jugements solennels, sans faire aucune distinction entre les vérités qui en sont l’objet. Les théologiens font de même. C'est donc que le magistère ordinaire possède une autorité suffisante, pour rendre de foi catholique une vérité qui était seule­ ment de foi divine. Nous avons vu, en outre, comment il développe les dogmes chrétiens, y élucide ce qui était obscur et en tire des conclusions auparavant inaperçues. Aussi pourrions-nous citer de nombreux points de doctrine, autrefois librement discutés, qui sont devenus certains et se sont imposés à l'assentiment de toute l’Église, et cela sans l'intervention d aucun jugement solennel. Le magistère ordinaire peut donc, par ses propres ressources, rendre certain et obligatoire un sentiment qui était rangé parmi les opinions libres. » Ensuite, Vacant fait intervenir la distinaion entre les vérités présentées infaillible­ ment comme certaines, et celles qui sont présentées explicitement et directement comme révélées: ces dernières seules constituent les dogmes. (Sur ces distinctions, ci. notre Annexe 1 sur «L’objet secondaire de l’infaillibilité>.) Et il conclut que, au moins en pratique, le magistère ordinaire à lui seul ne transforme pas en «dogmes» des vérités d'abord libres, bien qu’il lui arrive de les décider infailliblement (cf. op. at. pp. 121-122). Transcrivons seulement cette affirmation: « Le magistère ordinaire est donc infaillible dans toutes ses affirmations ; mais il n’a proposé jusquia et il ne peut guère* proposer d'autres dogmes de foi catholique, que ceux qui sont tels depuis le temps des apôtres, ou qui le sont devenus en vertu d’un jugement solennel, u Vacant remarque d’ailleurs, à l’endroit que nous avons marqué d’une étoile (*) : <... Nous reconnaissons d’ailleurs que le Magistère ordinaire est loin d’avoir dit son dernier mot sur ce point. » (p. 122, note 3) De même A. Michel (D.T.C, Tables., article « Eglise ». col. 1124) qui cite ces passages de Vacant, écrit-il prudemment; « Une certitude doctrinale ainsi acquise (* ainsi », c'est-à-dire par l'infaillibilité du magistère ordinaire) peut-elle, par le seul magistère ordinaire, être transformée en dogme de foi catholique, sans recourir à l'intervention du magistère solennel ? - Théori­ quement. oui, peut-être. Pratiquement, cela semble discutable. > — 77 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Évêques sans le Pape (n°255) ; seul le Corps épiscopal, ou le corps des évêques unis au Pape, jouit de l'infaillibilité. Mais il n’est pas nécessaire que tous les évêques expriment le même avis ; ce sont ceux qui jugent avec le Pape, c’est-à-dire avec la tête du corps, qui participent à l’infaillibilité. Le Corps épiscopal peut jouir de l’infaillibilité sans se réunir; les Évêques dispersés pourraient donner chacun leur jugement sur une ques­ tion. Mais, pratiquement, quand ils veulent délibérer, ils se réunissent en Concile (n°255). b) L’infaillibilité des évêques, unis au pape, est affirmée dans Y Écriture Sainte. Jésus-Christ a dit au Collège apostolique : " Allez et enseignez toutes les nations... Voici que je suis avec vous jusqu a la consommation des siècles...” Il a donc promis d'assister les Apôtres et les Évêques, leurs successeurs, et, par conséquent, de les empêcher de se tromper (n°261). » (P-180) 20. A. GOURAUD : Notions élémentaires d’apologétique chrétienne. 5èrneéd., Lib. Clas. Eugène Belin, 1896. «III. - SUJETS EN QUI RÉSIDE L'INFAILLIBILITÉ. Jésus-Christ qui devait accorder l’infaillibilité à son Église, lui a réelle­ ment accordé ce priviliège. 1° L’infaillibilité réside dans le corps des évêques unis au pape. Cette union des évêques avec le pape forme ce qu’on appelle le corps des pas­ teurs ; sans le pape, les évêques ne formeraient qu’un corps sans tête. Or, le corps des pasteurs ainsi constitué jouit de l’infaillibilité: 1. Quand il est réuni en concile. 2. Quand il est dispersé. Alors, en effet, quoique ne rendant pas de décisions, le corps des pasteurs uni à son chef ne cesse pas d’être Yautorité enseignante ; s’il cessait d’être infaillible, si la majorité des pasteurs unie à son chef pouvait errer sur un point de doctrine, les portes de l'enfer prévaudraient contre l’Église, contrairement à la promesse de JésusChrist. » (pp .247-249) 21. MOULARD et VINCENT: Apologétique chrétienne. 6ème éd. Bloud et Gay, 1917. Les Évêques. Dans quelles conditions possèdent-ils l’infaillibilité ? — 78 — ENQUÊTE AUPRES DES THÉOLOGIENS Quand, dispersés dans les Églises, ils forment un corps uni moralement au Souverain Pontife. - Un évêque isolé, quand il enseigne la doctrine peut errer. Mais l'épiscopat uni au Pape ne le peut pas, car ses membres, bien que dispersés, ne cessent pas de remplir la mission enseignante à qui Jésus-Christ a promis une assistance particulière. » (p. 364) 22. TEXIER : Apologétique, 8èmeéd., Éditions de l’École, 1964. « II. - Autorité des évêques pris en corps. Deuxième forme : Dispersés, mais unis au Pape. B. VALEUR de cet enseignement : à) S'il est universel sur une question, l’enseignement des évêques dis­ persés, mais unis au Pape, est infaillible, comme la décision du concile général. » (pp. 402-403) 23. N. IUNG : Le magistère de l’Église, Bloud et Gay, 1935 (B.CS.C n°69). « III. - L’exercice ordinaire du magistère épiscopal. De même les évêques, en communion avec le Pape, réunis en synode particulier ou dispersés à travers le monde, exercent le magistère ordi­ naire, quand ils proposent et expliquent la doctrine au peuple fidèle, soit par eux-mêmes, soit par les lettres pastorales, les mandements, les caté­ chismes, les instructions synodales, les lois disciplinaires, les usages litur­ giques, les jugements et autres attitudes de leur ministère pastoral. Ces divers témoignages écrits ou verbaux permettent de saisir sur le vif le consentement moralement unanime du corps épiscopal dispersé, à propos du développement d'un culte ou du progrès interne d'un dogme. Cet accord se manifeste aussi, lorsque sans se concerter l’ensemble du pastorat rejette une doctrine erronée, dès quelle paraît, comme ce fut le sort du Pélagianisme, ou qu'il tolère ou approuve universellement une coutume, qui si elle netait pas conforme à la vérité serait cause de graves dommages pour l’Église, par exemple l'habitude de la communion sous une seule espèce, et le culte des images, même avant les décisions du concile de Trente et du second concile de Nicée. (...) L'Église dont la vie est continuelle, agit normalement par son magis­ tère ordinaire. (...) - 79 - 1 L'infaillibilité & T •-X ft du magistère ordinaire et universel de léglise Plus tard, en dépic des protestations des pélagiens, qui voulaient la réunion d'un concile œcuménique pour justifier leur doctrine subversive, saint Augustin maintient avec force que cela n’est pas nécessaire, car beaucoup d’hérésies ont déjà été condamnées sans réunion synodale. En effet, quand le Christ a promis aux apôtres et à leurs successeurs de les garder perpétuellement de l’erreur doctrinale et morale, il n’a nulle­ ment restreint son assistance à une forme spéciale d’exercice, extraordi­ naire plutôt qu’ordinaire. S’il n'en était pas ainsi, l’Église ne serait pas véritablement indéfectible, puisque les fidèles, qui sont instruits par le magistère ordinaire, pourraient se tromper en suivant l’enseignement de leurs pasteurs. Sans doute, au cours des âges, beaucoup d’évêques ont donné dans l’erreur, parfois même des groupes importants comme aux conciles de Rimini et de Séleucie en 359 et à celui de Constance en 1415. Ces faits incontestables ne détruisent pas notre affirmation, parce que l’assistance de Dieu n’a pas été promise à chacun des membres, en particulier, mais à l’ensemble du collège épisco­ pal. Comme de plus celui-ci n'est pas complet sans le souverain pontife, pour qu’une doctrine définie ou proposée par le magistère ordinaire soit infaillible, le jugement collectif des évêques doit être en accord avec celui du pape. Pratiquement l’union existe quand les évêques proposent un enseignement dont le successeur de Pierre a connaissance et auquel il ne contredit pas. Très discutée au cours des siècles derniers par les jansénistes qui espé­ raient par là diminuer la force de la condamnation portée contre eux par la bulle Unigenitus, l'infaillibilité du magistère ordinaire a été niée aussi par certains théologiens catholiques des XVIIIn*et XIXmesiècles. Parmi eux, les uns prétendaient que l’assentiment de foi n’était requis que pour les définitions solennelles, et les autres, malgré leurs protestations, ne tenaient compte pratiquement que de celles-ci également*. [Ici l'auteur écrit en note: *Leur erreur a été condamnée par Pie IX, D. 1683] Le concile du Vatican a définitivement dirimé toutes les controverses, qui se poursuivaient malgré les condamnations antérieures, en portant le décret suivant, que le code a repris mot pour mot et dont le serment antimoderniste contient la substance : De foi divine et catholique il faut croire tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou livrée par la tradition et qui est proposé par l’Église soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel comme devant être cru divinement révélé ”. » (pp. 149 et suivante) 24. K. RAHNER et H. VORGRIMLER : Petit dictionnaire de Théolo­ gie catholique, éd. du Seuil («Livre de vie» n°99), 1961-1969, 7*"* éd., trad. 1970. « Article MAGISTÈRE (pp. 264-265) « On désigne par ce terme le pouvoir d'enseignement nécessairement inhérent à l’Église. (...) — 80 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS (-) L'autorité dirigeante... représentant toute l’Église (c’est-à-dire le pape et les évêques) agit comme un "magistère ordinaire’’ (suivant les diffé­ rents degrés d'obligation qu’exige l’enseignement) dans l’accomplissement ordinaire du kérygme et dans la direction et la vigilance exercées en matière de théologie. Quand ce kérygme propose quelque chose à toute l’Église avec une exigence de foi absolue, comme révélée par Dieu, il doit être absolument préservé, par l’Esprit de Dieu, de toute erreur, et, dans ce cas, le magistère est donc infaillible (D. 1683, 1792). Cela vaut également quand, par un acte de magistère extraordinaire (ou, plus exactement, par un acte extraordinaire du magistère unique, normal, et donc ordinaire), le pape (ceci étant de foi définie : D. 1839) ou un concile général (D. 768 s., 1723) émettent une définition solennelle, (...) » Article INFAILLIBILITÉ (p. 230) « Conformément à la structure hiérarchique de l’autorité et du magis­ tère dans l’Église, l’infaillibilité appartient à tous ceux qui ont un pouvoir plénier et sans appel vis-à-vis de l’Église universelle, donc 1°) à l'en­ semble de lepiscopat de l’Église quand, sous l’autorité de son chef, le pape, il propose à l'unanimité une doctrine comme révélée par Dieu pour l’Église (D. 1683, 1792) ; 2°) au concile œcuménique avec le pape (...) 3°) au pape seul (...) » Article CONCILE (pp. 264-265) « Les évêques qui, réunis en concile œcuménique, délibèrent et prennent des décisions avec le pape et sous sa direction exercent, d'après la doctrine catholique et le droit canonique (CI.C can. 228), le pouvoir suprême de l’Église et, quand le concile adopte une définition solennelle ils jouissent de l'infaillibilité en matière de foi. Cela vaut également ise ils exercent et manifestent ensemble le magistère ordinaire de Dans les deux cas, ils apparaissent, en tant que collège, comme les succes­ seurs du collège des apôtres. Bien que ces deux éléments (te magistère ordinaire des évêques et leur collégialité) soient donnés et reconnaissables en dehors du concile aussi, un concile œcuménique permet de manifester plus clairement l'unité de l’Église et de prendre conscience davantage du pluralisme des évêques et de leurs églises locales. » 25. Dom A. GREA : De l'Église et de sa divine constitution, nouv. éd.. tome I, Bonne Presse, 1907. « Dans la suite du mystère, il [Jésus-Christ] associera l’Église elle-même à son ministère d’enseignement et le lui communiquera dans le Collège épiscopal. " Les paroles que vous m'avez données, dit-il, ô mon Père, je les — 81 — [.'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE leurs ai données "(Joan. XVII, 8) ; ils les transmettront : car, dit-il encore : "Je prie pour ceux qui croiront, par leur parole, en moi " (ibid. 20) ; et c’est à ce même Collège qu’il dit aussi: Allez, instruisez toutes les nations" (Matth. XXVIII, 19). Ainsi se montre d’abord, dans l’Église dont Jésus-Christ est le chef, le magistère ou pouvoir doctrinal. Ce pouvoir appartient à Jésus-Christ, qui l’a reçu de son Père, et il le communique aux évêques et à la hiérarchie. Mais, de même que " Jésus-Christ n’enseigne que ce qu’il a reçu de son Père " (Joan. VIII, 28), de même, à leur tour, l’Église et le Collège des évêques n’enseignent que ce qu’ils ont entendu de Jésus-Christ (Matth. XXVIII, 20). Par là, l'infaillibilité du témoignage divin, privilège du magistère de l’Église, sera en elle à perpétuité : car Jésus-Christ ne cessera de parler au milieu d’elle (ibid. 20), et l'épiscopat ne cessera de recevoir le témoignage de Jésus-Christ et de lui être indivisiblement uni dans l’enseignement de la même parole divine. Mais comment pouvons-nous dire que Jésus-Christ parlera dans l’Église ? Il est rentré dans le secret du sein paternel, et sa voix ne retentit plus aux oreilles des hommes. Il y a pourvu, nous le verrons en son lieu, par l'institution d'un Vicaire qui est son organe permanent, le gardien et le prédicateur infaillible de sa parole, et " autour duquel " (saint Ignace d'An­ tioche, Epist. ad Smyr.) tous les évêques s'assemblent, s'unissant à lui et recevant de lui de former avec lui et par lui un seul et unique magistère de l’Église universelle. Les évêques sortiront ensuite de ce collège pour aller à leurs Églises particulières porter la parole qu’ils ont reçue ; et ainsi le magistère du Christ, toujours manifesté en son Vicaire, se communiquera par degrés jusqu’aux dernières hiérarchies. » (p. 82) « Toutefois, l'épiscopat dispersé ne perd rien de ce qui le constitue, et, hors des Conciles, le Collège demeure indivisible dans la dispersion de ses membres, par le lien secret de la communion sacerdotale. Aussi les évêques dispersés ne cessent pas de coopérer tous ensemble, quoique d'une manière plus obscure, au gouvernement de toute l’Église catholique, et d’exercer en elle ce magistère doctrinal et cette autorité disciplinaire qui nous est apparue d'abord dans les assemblées conciliaires. En ceci, les évêques ne cessent pas d'être subordonnés pleinement au Vicaire de Jésus-Christ, leur Chef. Leur enseignement, soumis au sien, s'y unit et opère avec lui la diffu­ sion et le développement de la parole révélée ; et là encore cet enseignement garde, dans son universalité, cette infaillibilité de second ordre dont nous avons parlé plus haut et qui est le fruit et une communication de l’infaillibili­ té principale du Chef de l’Église confirmant ses frères dans le concours qu’ils lui donnent. » (45) (Ch. III, « De l’épiscopat dispersé », p. 207.) (45) On remarque que l'affirmation de l'infaillibilité du corps épiscopal uni au pape dans son enseignement ordinaire est donnée par Dom Gréa à l'occasion d’un exposé sur — 82 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS 26. R. HASSEVELDT : Le Mystère de l’Église, 5meéd., Les Éditions de l’École, 1962. « Mission d'évangéliser: ministère de la parole. Ceci correspond à la presentation plus classique du “pouvoir d’ensei­ gner" et rappelle cette parole de Jésus, "Je suis la vérité”. Saint Hilaire appelle l’Église : la bouche du Christ, car c’est à elle et par elle que les mystères sont révélés Bossuet, dans son catéchisme, pose cette question pertinente: "Pour­ quoi n’est-il point parlé de l’Écriture dans le Credo'" Réponse: "Parce qu’il suffit de nous y montrer la sainte Église catholique par le moyen de laquelle nous recevons l’Écriture et l’intelligence de ce quelle contient Ce ministère de la parole est confié officiellement par Jésus à Pierre, aux apôtres, à leurs successeurs, c’est-à-dire à l'ensemble de l'épiscopat uni au Pape. la manière dont se réalise l'infaillibilité du corps épiscopal. Comme nous l’avons dit d’une manière générale dans l’introduction, nous citons ce texte pour le témoignage qu’il fournit en faveur du fait de l'infaillibilité du magistère ordinaire et universel. Nous faisons abstraction des autres éléments. Nous croyons pourtant utile de rappeler que le concile du Vatican n’a pas tranché la question du « comment >. Et cette question demeure librement discutée dans l’Église Certains, comme Dom Gréa, estiment que l’infaillibilité est communiquée par Dieu au pape, qui la communique à son tour aux autres évêques. D’autres, au contraire, estiment que l’infaillibilité du corps épiscopal uni au pape est communiquée directement par Dieu à ce tout comme tout. Ce n’est pas le lieu d’en discuter; mais puisque nous avons cité, dans le texte, l’exposé de Dom Gréa favorable à la première opinion, nous donnons ici le texte d’un célèbre défenseur de la seconde. Il s’agit de Mgr Gasser, membre de la Députa­ tion de la Foi à Vaticani. Notre texte est un extrait du rapport du 11 juillet que nous avons déjà cité plus haut, pages 26-27 : Les évêques, sans le pape, ne peuvent nen pour définir les dogmes de foi. Cela est vrai, car les décrets dogmatiques, même portés par un concile général, ne sont sûrs et infaillibles que s'ils sont confirmés par le pape. La raison de cela, ce n'est pas celle qui a été parfois énoncée de cette tribune, je le dis avec regret, à savoir que l'infaillibilité de l’Église serait située dans le pape seul et qu elle dériverait du pape sur l’Église à qui il la communiquerait. D'après un célèbre système théologique, cela peut être dit de la juridic­ tion. Mais la nature de la juridiction est telle qu elle peut, bien plus qu elle doit, être communiquée aux autres. Mais comment linfaillibilité peut-elle être communiquée ? Cela je ne le comprends pas. La véritable raison pour laquelle les évêques, même réunis en concile général, ne sont pas infaillibles en matière de foi et de moeurs sans le pape, il faut le répéter: c’est parce que le Christ a promis cette infaillibilité à tout le magistère de l’Église, c'est-à-dire aux apôtres unis à Pierre, quand il a dit: ” Voici que je suis ai ec vous jusqu'à la consommation des siècles ”. C'est pourquoi les évêques ne peuvent rien sans le pape. Mais peut-on dire, en retournant la proposition : le pape ne peut rien sans les évêques ? Cette inversion ne vaut pas car le Christ a dit au seul Pierre : Tu es Pierre .. J ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas " > (M.52, 1216, B-C; traduction de Torrell, < La Théologie de l’Épiscopat...», pp. 234-235) — 83 - L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE ».A * Ils doivent non seulement garder intact le dépôt de la foi, mais le transmettre, le prêcher, en tirer toutes les conséquences pour les circon­ stances actuelles de l’Église, y puiser constamment les lumières nécessaires pour les problèmes présents. Ils sont juges et docteurs de la foi. Dans l’exercice de cette mission d'enseignement et d’évangélisation, ils ont la garantie du privilège de l'infaillibilité. » (p. 257) 27. Y. CONGAR : La Foi et la Théologie, Desclée, 1962. « a) Magistère ordinaire. Il importe de préciser: magistère simplement ordinaire, ou magistère ordinaire et universel. Ces derniers mots, introduits par le 1er concile du Vatican pour éviter qu’on ne pensât au seul enseignement du pape, désignent « magisterium totius Ècclesiœ per orbem disperses » (termes de Pie IX : D. 1683), c'est-à-dire l'enseignement concordant de l’ensemble des évêques. Le magistère ordinaire enseigne, soit de façon expresse, soit de façon tacite en laissant dire et faire. Ses organes sont, de droit divin, le pape et les évêques. (Cf. CI.C, c. 1327, 1). 1° Les évêques exercent leur magistère ordinaire par la prédication, les catéchismes, les lettres synodales, les mandements, la vigilance doctrinale, les synodes diocésains ou conciles particuliers. Le magistère d’un évêque ou d’un groupe particulier d’évêques n’est pas infaillible (CI.C. c. 1326). Par contre, ce que l'épiscopat tiendrait unanimement et dans la communion du Siège romain comme une vérité appartenant à la foi, doit être considéré comme lui appartenant en effet (magistère ordinaire et universel) . » (pp. 158-159) 28. L. BEAUDUIN : dans Église et Unité, éd. Catholicité, 1948. « 4. L'objet des deux infaillibilités est le même ; la différence vient du sujet. L'infaillibilité de l’Église est l'œuvre du magistère universel, à savoir tout l’épiscopat dispersé (magistère ordinaire) ou assemblé en concile œcuménique (extraordinaire) et, dans les deux cas, le Souverain Pontife agit comme tête de l’Église, comme le membre capital sans lequel le corps de l’Église serait décapité et dès lors incapable d’agir, soit dispersé soit assemblé. (...) » (Op. cit. ; « L’unité de l’Église et le concile du Vatican », p. 28.) *3. Ce qui distingue essentiellement (infaillibilité de l’Église de l’in­ faillibilité pontificale, c’est que la première est essentiellement collective et collégiale : tout le collège apostolique de cette année meme ; tous les — 84 — JM0ÎSWÎB ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS évêques interviennent activement, ils sont docteurs et juges avec et sous le Pontife Romain. Tandis que l’infaillibilité pontificale est un acte person­ nel, que seul le Pape accomplit en vertu d’un pouvoir communiqué par le Christ à Pierre seul et à ses successeurs. 4. Cette infaillibilité de l’Église a deux façons de s'exercer : la façon ordinaire, habituelle, constante, automatique dans l’Église dispersée : les fidèles professent leur foi et vivent leur vie chrétienne sous l’action du Saint-Esprit et la vigilance des prêtres et des évêques ; ceux-ci gouvernent leur troupeau en communion de doctrine avec le Saint-Siège et, grâce à ces rapports de dépendance, aux différents degrés de la hiérarchie, le peuple de Dieu, quoique dispersé par toute la terre, persévère dans la doctrine des apôtres et l’observation des divins commandements. Mais, à côté de cette infaillibilité toujours latente, il y a une modalité extraordinaire, solennelle, intermittente. (...) » (ibid. pp. 44-45) « 2. les théologiens occidentaux distinguent Ecclesia docens et ΓEccle­ sia discens, l’infaillibilité active et l’infaillibilité passive. Cette terminolo­ gie exprime une vérité catholique fondamentale, à savoir l’institution divine d’une hiérarchie sacrée: c’est l’Église enseignée et l’Église ensei­ gnante ; et quand il s’agit de la prérogative de l’infaillibilité, l’une est dite active, pour indiquer ceux qui possèdent ce charisme et l’exercent au profit de la communauté enseignée. et l’autre est dire passive, pour indiquer ceux qui en ont le bénéfice : l’Église universelle. » (ibid. p. 51) 29. A. CHAVASSE: dans Église et Unité, éd. Catholicité, 1948. « Lorsque l’Église universelle se condense en la personne de son chef suprême, celui-ci est infaillible. Lorsqu’elle s’exprime par son corps ensei­ gnant réuni en concile général ou dispersé dans le monde, lequel corps est formé des évêques ayant à leur tête le chef de l’Église. ce corps enseignant est infaillible. (...) Elle se fait ensuite une fausse idée du magistère ordinaire infaillible du corps épiscopal, car ce corps n’est infaillible, dans son enseignement ordi­ naire en matière de foi et de mœurs qu’en tant qu’il est le "corps ensei­ gnant ” de l’Église, c’est-à-dire l’ensemble des évêques ayant à leur tête le Pape. Parler de l’enseignement infaillible du corps épiscopal adéquate­ ment distingué du Pape, c’est pervertir la notion de ce ’’ corps et qui plus est s’opposer à la définition donnée par le concile du Vatican du magistère ordinaire et universel auquel appartient l’infaillibilité. (Cf. D. 1792 ) » (op. cit. « La véritable conception de l’infaillibilité papale », p. 8Φ — 85 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE 30. Léon CRISTIANI : Faut-il obéir à l'Église ?, éditions du Centurion, collection « Le poids du jour», 1955. « "SUCCESSEURS DES APÔTRES" C’est le Droit canonique lui-même, au canon 329, qui définit les évêques : les successeurs des apôtres ’’. Sans nous arrêter aux discussions historiques sur ce sujet, prenons le fait comme indubitable. Le Collège épiscopal réparti dans tout l’univers chrétien, de nos jours, succède au Collège apostolique. Mais quelle était donc la fonction des apôtres ? Jésus l’a nettement précisée, en beaucoup de ses paroles : " Comme mon Père m’a envoyé, aussi je vous envoie” (JeanXX, 21). La mission des Apôtres est donc celle de Jésus en personne: mission d’enseignement, mission de gouvernement spirituel, mission de sanctification. Ces trois missions, les évêques les remplissent à la fois individuelle­ ment, chacun dans son diocèse, et collégialement, en ce sens que leur autorité est inséparable de celle de Pierre, c'est-à-dire du pape et de tout l'épiscopat répandu dans l’univers. Chaque évêque est chef dans son diocèse, mais le Collège épiscopal, avec Pierre à sa tête, constitue le Magistère ordinaire et universel de l’Église. " Il s’exprime dans le magistère d’enseignement et la prédication unanime de l’Épiscopat, dans la liturgie, dans le ministère du gouvernement par lequel l’Épiscopat règle la discipline commune. Son autorité est très grande, non pas tant du fait du nombre que de la communion avec le Souverain Pontife. La foi divine et catholique s'étend aux vérités doctri­ nales et morales qu'il énonce comme divinement révélées. L’infaillibilité lui est alors attachée.” (Mgr Guerry). La mission de l'évêque n’est donc pas limitée à son diocèse. Elle fait partie intégrante du mystère de l'Église universelle, dont chaque diocèse est un membre actif et vivant. » (P- 114) 31. CH.-V. HÉRIS: L’Église du Christ. Son sacerdoce, son gouverne­ ment, édition du Cerf, Juvisy, 1930. « Toutes les fois que le Pape enseigne solennellement comme pasteur et docteur suprême du peuple chrétien, il ne saurait errer dans la foi; toutes les fois que les évêques unis entre eux et à leur chef souverain, proposent au troupeau du Christ une doctrine commune, ils sont assistés de l'Esprit divin et ne peuvent tomber dans l'erreur. » (p-41) «Pour reconnaître les cas où l’infaillibilité de l’Église est engagée, il suffit de se rappeler que toute doctrine enseignée universellement par les pasteurs chargés de conduire le troupeau du Christ, et donnée manifeste­ ment comme appartenant directement ou indirectement à la Révélation, — 86 — ■■nKTl ii ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS est infaillible. (...) L’Église est encore infaillible dans les jugements solen­ nels qu'elle porte sur les matières ayant un rapport direct ou indirect avec le dépôt révélé, qu’il s'agisse des décisions ou des décrets des conciles œcuméniques, ou qu’il s'agisse des définitions et des enseignements portés par le souverain Pontife "ex cathedra". (...) On le voit, l’infaillibilité de l'Église ne s'exerce pas seulement en des circonstances solennelles, mais aussi dans l'enseignement quotidien et universel par lequel les fidèles sont conduits en toute sûreté dans la voie de la vérité. [Ici Héris cite le paragraphe de Vatican I sur le magistère ordi­ naire et universel: D. 1792.] » (cf. pp. 44-46) Quelques exemples de mention occasionnelle 32. P. BATTIFOL : Catholicisme et Papauté ; les difficulté anglicanes et russes, Lecoffre, Gabalda, 2è’mcéd., 1925. « Bishop Gore a certes bien raison de dire que l’Église romaine n’est pas toute l’Église catholique. Il est, en effet, de théologie élémentaire que l'inerrance de l’Église étant posée en principe préalable, le sujet de cette infaillibilité n’est pas le pape seul, mais est constitué aussi bien, soit par les évêques dispersés à travers le monde, soit par les évêques réunis en concile œcuménique. Assurément, en réaction contre les erreurs du concile de Constance et du concile de Bâle, en réaction contre les tendances de la déclaration du clergé français de 1682, les théologiens romains ont insisté presque unilatéralement sur l'infaillibilité du pape, et la constitution Pas­ tor Ætemus du concile du Vatican ne considère que le Pape et ne définit que ses pouvoirs ; à peine prend-elle soin de noter que la juridiction universelle qui appartient au Pape ne saurait nuire "au pouvoir ordinaire et immédiat de la juridiction épiscopale" Mais pour autant la doctrine n'est pas abolie qui reconnaît, soit aux évêques dispersés, soit aux conciles œcuméniques, leur infaillibilité. » (p. 25) 33 . Martin JUGIE : Le Schisme Byzantin, aperçu historique et doctri­ nal, Lethielleux, 1941. « Comme l'Église gréco-russe non seulement n’a jamais eu de concile œcuménique, mais est incapable d'en réunir un, quelques théologiens se sont demandé s’il n'existait pour l’Église d'autres moyens de faire entendre sa voix infaillible — 87 — • -4*7. L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Ils ont mis d’abord en avant ce que la théologie catholique appelle le magistère ordinaire, c'est-à-dire le consentement unanime des évêques dispersés dans leurs diocèses sur un point déterminé de dogme ou de morale, sur une pratique intimement liée à une vérité dogmatique. D’après la doctrine catholique, cette sorte de magistère a une autorité égale au concile œcuménique : ce qu'il enseigne est infailliblement vrai. Le diffi­ cile est souvent de constater pratiquement le consentement en question. De ce magistère, un petit nombre seulement des théologiens gréco-russes font mention expresse. Les uns lui reconnaissent l’infaillibilité, les autres la lui refusent. » (cf. pp. 396-397) 34. Martin JUGIE : La mort et l’assomption de la Sainte Vierge, Cité du Vatican, 1944 (46). « Le magistère ordinaire de l’Église, c’est avant tout l’enseignement donné par le corps épiscopal dispersé dans le monde entier. S’il était établi que chaque évêque résidentiel, dans son diocèse, enseigne actuellement la doctrine de l’Assomption comme une vérité formellement révélée, il s’en suivrait que cette doctrine est déjà définie et qu’elle doit être crue, sous peine d’hérésie, comme un dogme de foi catholique. » (P- 595) 35. M.M. LABOURDETTE : Le péché originel et les origines de l’homme, Alsatia, Paris, 1953. « Cette pureté, cette sécurité, dans la transmission et la déclaration de la Parole de Dieu, n’est possible que par l’assistance du Saint-Esprit. Cette assistance, Jésus l'a promise ; et elle est telle que, si une vérité est un jour crue comme révélée par l’Église universelle ou formellement enseignée comme telle par le Magistère, soit en prédication unanime, soit en un acte solennel de définition, cette vérité appartenait au dépôt primitivement reçu. (...) Car l’Église est vivante, d’une vie surnaturelle, et elle n'est pas moins assistée de Dieu aujourd’hui qu’aux premiers jours. Ce que nous entendons dans son enseignement infaillible, c’est toujours la parole de Dieu, celle-là même qu’elle a reçue et quelle transmet indéfectiblement. Nous ne pou­ vons atteindre authentiquement la Tradition apostolique que par le Magistère de l’Église qui en est l'organe autorisé ; et c’est aussi dans la foi de l’Église que nous lisons l’Écriture et découvrons son sens authentique. (46) Le lecteur doit remarquer que cet ouvrage a été rédigé AVANT la bulle de Pie XII définissant l’Assomption (1950). — 88 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS Certes, l’Écriture se prête à d'autres types de lecture ou d’étude, fort légitimes et nécessaires ; la tradition a laissé des témoignages séculaires que nous rejoignons par les méthodes historiques ; mais la lumière déci­ sive reste la foi de l’Eglise, l'enseignement de son magistère ordinaire ou extraordinaire. » (pp. 13-14) Yves de MONTCHEUIL : Aspects de l’Église, éd. du Cerf, 19èmc mille, 1957. « A côté de ces manières de procéder, qui sont relativement rares et qui relèvent de ce qu'on appelle l’exercice extraordinaire du magistère, il y a son exercice ordinaire, celui qui se fait par l'enseignement que donne la hiérarchie à tous ses degrés dans le cours ordinaire de la vie de l'Église. Un enseignement qui est le fait de toute h hiérarchie, c'est-à-dire de toute l’Église par les voies du magistère ordinaire, ne peut pas être faux, car en ce cas il manifesterait que ceux qui sont chargés de promouvoir la foi des fidèles sont eux-mêmes tombés dans l'erreur. Or, l'existence d'un tel pou­ voir de magistère fondé par le Christ a précisément pour but d’éviter cet égarement. » (pp. 89-90) René COSTE : Théologie de la liberté religieuse, Duculot, 1969. « Le magistère ordinaire et universel est constitué par l'enseignement unanime des évêques, successeurs des Apôtres. Il s'exprime à travers la liturgie, la catéchèse, les lettres pastorales, individuelles ou collectives des évêques, les encycliques papales. D'après la conception de foi catholique, le collège épiscopal en communion avec son chef, l‘évêque de Rome, jouit du charisme d'infaillibilité que le Christ a conféré au collège apostolique avec Pierre à sa tête („.). Le Concile œcuménique qui groupe, en principe, tout le collège épisco­ pal en communion avec lui [le successeur de Pierre], possède l'infaillibilité même du magistère ordinaire et universel, avec une solennité supplémen­ taire dans le mode d'expression. » (p.468) Gustave THILS : L'infaillibilité pontificale, Duculot, 1969. « Vatican I a même défini un aspect majeur de l'autorité tnagistérielle du corps épiscopal : celle de l'épiscopat " dispersé (...) — 89 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Après des débats qui révélèrent la difficulté, non de s’entendre sur la doctrine, mais de trouver une formule adéquate désignant l’acte magistériel de l'épiscopat dispersé, les Pères s’engagèrent sur la déclaration bien connue : "Sont à croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise et qui sont proposées à croire, comme divinement révélées, par l’Église, soit dans un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel. ’’ (D. 1792). Le " magistère ordinaire et universel ’’ désigne ici l’épiscopat dispersé, par opposition à " jugement solennel ", qui vise la définition portée par î’épiscopat réuni en Concile. On pourrait souligner mieux cet aspect important de la doctrine de Vatican I sur l'épiscopat. Les conciles œcuméniques sont rares, et donc rare est l’exercice actuel du magistère conciliaire. Et il en est de même du magistère papal solennel s’exprimant en définitions, comme l’Assomp­ tion de la Mère du Seigneur. Par contre, la proposition de la révélation divine par l’épiscopat dispersé est permanente, elle est d’ordre habituel. Elle porte sur l’ensemble de la révélation. D'où la place de tout premier rang qui revient à ce " magistère épiscopal dispersé " dans la théologie catholique du magistère. Certes, l'état "dispersé" du corps épiscopal rend plutôt malaisée la détermination certaine de ce qui est "affirmé" dans un engagement suprême et unanime : il est plus facile de cerner la portée d’une constitution conciliaire que celle d’un enseignement majeur de tous les évêques dispersés dans leurs diocèses. Mais la réalité dogmatique est la même dans les deux situations. A ce moment privilégié, l'Esprit Saint préserve d’erreur le jugement doctrinal de l’épiscopat, qu’il soit " dispersé ” ou " réuni ”. C’est à ce moment de l’exercice du ministère de la parole que se pose la question de l'infaillibilité du collège épiscopal, du " magistère ordinaire et universel ’’. » (cf. pp. 20-23) 39. J. RIVIÈRE: dans Dictionnaire pratique des connaissances reli­ gieuses, sous la direction de J. Bricout, tome III, Letouzey et Ané, 1926. Article « Infaillibilité », col. 1012. « En attestant les lacunes ou les défaillances des individus, même les plus grands, l’histoire montre la sagesse de l’Église catholique, où l’infailli­ bilité est réservée au corps qui les domine et qui leur survit. ’’ Là donc où est l’Église, faut-il dire avec saint Irénée, là est l’Esprit de Dieu." Il suit de ce principe que l’infaillibilité est assurée à l’Église prise corporativement et à tout ce qui en est la légitime représentation. C’est pourquoi l’unanimité des fidèles, sur un point qui intéresse la règle de foi, encore qu’il puisse parfois être difficile de la démêler, est à bon droit tenue pour un témoignage infaillible de la croyance catholique. A plus forte raison ce privilège appartient-il à la hiérarchie, qui a mission de - 90 - * '-i,. ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS veiller sur la doctrine : il ne peut pas y avoir de manifestation plus authen­ tique de la pensée de l’Église que celle qui s affirme par l’accord des évêques dispersés dans le monde ou réunis en conciles généraux. > Études plus spécialisées 40. J.M.A. VACANT: - Le Magistère ordinaire de l’Église et ses organes, dans la Science catholique, Revue des questions religieuses, 1887,pp. 301313, 347-358, 421-435, 492-508. Nous désignons cette référence par le signe S.C. (47). - Études théologiques sur les Constitutions du Concile du Vati­ can. La constitution Dei Filius. Delhomme et Briguer, éditeurs, tome II, 1895. « Les Pères du saint Concile nous ont déjà fait entendre que ce magis­ tère est une manière d'enseigner ; mais nous pouvons tirer d’autres ren­ seignements de leurs paroles (48). Ils mettent en effet ce magistère sur le même pied que les définitions solennelles des papes ou des conciles uni­ versels et lui attribuent une pleine autorité ; car ils le donnent comme une règle de la foi catholique. C’est donc un mode d’enseignement employé par la souveraine autorité de Y Église enseignante, le pape et le corps épisco­ pal : il a la même infaillibilité et la même force obligatoire que les défini­ tions solennelles, dont néanmoins il diffère, les qualifications par les­ quelles notre texte caractérise soit le jugement solennel, soit le magistère ordinaire et universel (...). pour les distinguer l'un de l’autre, nous mon­ trent, en outre, que le magistère ordinaire n'a rien de la solennité des décrets des conciles ou des papes, qu'il n'est pas comme eux un événement (47) Une note (S.C p. 301, note 1) présente comme suit cette série d articles : < Le fond du présent travail est une dissertation envoyée au concours théologique que AL l'abbé J.-B. Jauger, alors directeur de la Controverse avait ouvert dans cette revue. Le jury, composé de plusieurs professeurs d une de nos Facultés de théologie, a bien voulu décerner le prix a cette dissertation. » Le second travail de Vacant que nous citons, et que nous désignerons par le signe E T., reprend, d’une manière souvent textuelle, l’enseignement du premier, en ce qui concerne notre sujet (ci. E.T. pp. 89-123). (48) Il s’agit, bien sûr. des pères de Vatican I et du paragraphe consacré par le concile au magistère ordinaire et universel : Vacant est en train de Îe commenter. - 91 - !.·»■· -.7 - L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE 3 M ·. ♦* · - extraordinaire, mais qu'il s'exerce habituellement et qu'il se manifeste par toute l’Église. voilà donc quels doivent être les caractères du magistère ordinaire ; mais voyons si ces caractères se retrouvent dans un mode d’enseignement employé par l’Église; les pères et les théologiens ont-ils invoqué l’autorité de ce magistère ? s’exerce-t-il, existe-t-il parmi nous ? Oui, il existe. Ce magistère ordinaire n’est autre chose, en effet, que celui dont l’Église tout entière nous offre continuellement le spectacle, quand nous la voyons parler sans cesse par la bouche du pape et de tous les évêques catholiques (...). Ce mode d’enseignement, qui s’exerce aujourd’hui partout et sur toutes choses, il est facile de montrer qu’il s’est toujours exercé de la même manière et qu’on a toujours reconnu son infaillible autorité. C'est en effet ce mode d’enseignement qui, par lui-même, répond le plus pleinement à la mission dont Jésus-Christ a chargé ses apôtres ; car il leur a ordonné de se disperser par toutes les nations, pour enseigner, tous les jours, toute sa doctrine: "Allez instruire tous les peuples et apprenezleur à garder tout ce que je vous ai dit, et moi je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ’’. » (S.C. pp. 303-304) « Cet enseignement, enfin, a été regardé comme infaillible par tous les saints Pères et tous les théologiens. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir les témoignages que le cardinal Franzelin a accumulés dans son magistral ouvrage sur la Tradition. » (S.C p. 305) « Des conciles particuliers commencèrent à se tenir à partir du second siècle et on réunit ensuite des conciles œcuméniques qui portèrent des jugements solennels. Ces jugements furent respectés, comme l’expression authentique et certaine de la doctrine des évêques assemblés de toutes les parties de la chrétienté sous la présidence du successeur de S. Pierre ; mais ils ne firent rien perdre de son autorité à l'enseignement quotidien des évêques dispersés. Il en fut de même des définitions solennelles que les Souverains Pon­ tifes promulguèrent dans le cours des siècles, lorsqu’ils le jugèrent néces­ saire ; car, chose remarquable, les partisans et les adversaires de l’infaillibi­ lité papale admirent toujours l’infaillibilité de l’Église dispersée. C’est, en effet, de l’assentiment des évêques disséminés dans les diocèses et de leur accord avec le pape, que les Gallicans voulaient faire dériver l’autorité qu’ils étaient forcés d'accorder, en pratique, aux définitions pontificales; et, si les défenseurs de la vraie doctrine soutenaient que ces définitions sont infaillibles par elles-mêmes, ils proclamaient en même temps que le corps des évêques dispersés ne peut tomber dans l'erreur. » (S.C. p. 305) « En outre, puisque l’infaillibilité dans l’enseignement n’appartient qu’au corps épiscopal et au Pape, c’est au corps épiscopal et au Pape que le — 92 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS magistère ordinaire et universel de l’Église doit sa souveraine et infaillible autorité. - Mais, demandera-t-on, quand le Pape et les évêques font-ils bénéficier ce magistère de leur infaillibilité? - Cest, répondrai-je avec la tradition, quand, parlant d’un commun accord, ils imposent à toute l’Église un des points de doctrine dont il vient d’etre question (49). Ces conclusions sont acceptées par tous les théologiens catholiques; elles découlent de ce principe que le magistère ordinaire a la même autori­ té que les jugements solennels de l’Église enseignante, et qu’il en diffère seulement par la forme qu’il revêt. » (50) (S.C. p.307-308) Récapitulons ces développements de Vacant par quelques affirma­ tions caractéristiques de notre auteur: « On s’explique donc qu’avec l assistance du Saint-Esprit, l’Église ne soit pas moins infaillible dans son magistère quotidien, que dans ses jugements solennels. » (E.T. p. 106) « Les signes auxquels on reconnaît une doctrine enseignée infaillible­ ment par le magistère ordinaire et universel, doivent donc montrer que (49) Voir la note 43, p. 73. Sans entrer maintenant dans l’étude de la question de l’obligation pour elle-même, nous pouvons du moins observer que. pour Vacant, il ne s’agit certainement pas d’une obligation qui aurait l’Église pour auteur et que celle-ci devrait exprimer. L’Église « impose* une doctrine quand elle la « regarde comme certaine» (et donc la présente comme certaine). Et alors, elle est infaillible. Cest ce qui ressort à l’évidence des rappro­ chements que l’on peut faire entre les passages que nous soulignons dans le texte suivant de notre auteur : Le magistère tacite s 'exprime, avons-nous dit. par tous les documents dont l'Église garde le dépôt et qu'elle ne cesse de nous présenter retêtus de Γautorité qu elle leur a reconnue ou conférée dans le courant des siècles, Cest cette PROPOSITION continue et SILENCIEUSE qui IMPOSE perpétuellement à notre acceptation les définitions solennelles et les diverses manifestations de la tradition. Atrij les écrits des saint Pères et des théologiens tirent plus spécialement leur valeur de ce magistère tacite. Nous avons vu en effet que lÉghse REGARDE COMME CERTAINS tous les points de doctrine que les saints Pères ou les théologiens sont unanimes i proclamer. Ces points sont DONC proposés, au moins tacitement, à la foi des fidèles par les dépositaires du magistère ordinaire; ils sont, par conséquent, infailliblement vrais. » (S.C pp 424-425) En ce qui concerne le rapport entre l’unanimité des théologiens et Γinfaillibilité du magistère, cf. la note suivante (50). (50) Vacant souligne et explique, dans la suite de son étude, que le corps épiscopal et le pape. « qui ont seuls reçu de Dieu la charge de conserver et de prêcher les vérités révélées et qui forment ΓÉglise enseignante » (E.T. p. 92), utilisent aussi comme organes et instruments d’autres personnes simples fidèles ou prières, catéchistes, théologiens, missionnaires., (cf. E.T pp 95-100). Leurs voix constituent ainsi des «échos», des « manifestations » de l’enseignement du corps épiscopal (cf. pp 98 $4 ; 99 Ç2). - 93 - L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE certe doctrine est proposée à la croyance de l’Église par la souveraine autorité d’un Pontife Romain ou du corps épiscopal. » (E.T. p. 110) Parmi ces manifestations, certaines sont assez importantes pour témoigner infailli­ blement de 1‘enseignement infaillible du corps épiscopal dispersé. Le plus direct de ces échos infaillibles du magistère ordinaire et universel c’est la foi de l'ensemble des fidèles : * En effet le Sauveur ne s'est pas contenté d'assurer l'infaillibilité aux successeurs de saint Pierre et des Apôtres, il s'est encore engagé à maintenir, dans le sein de son Église, une perpétuelle et indissoluble unité et à préserver la foi de ses membres de toute altération. (...) En vertu de ces promesses renouvelées à plusieurs reprises, la foi des fidèles est infaillible, comme l'enseignement des pasteurs, et on n'a pas à craindre le moindre désaccord entre cette foi et cet enseignement. Aussi est-ce un principe admis en théologie, que la foi de tout le peuple chrétien est toujours conforme à la doctrine de l'épiscopat qui est celle de Jésus-Christ. » (ET. pp. 98-99) En conséquence, pour connaître l’enseignement infaillible du corps épiscopal disper­ sé, on peut certes se référer directement à la source, mais on peut tout aussi bien s’adresser à son écho direct; et encore, à d’autres manifestations: w Aussi pour connaître les enseignements du magistère ordinaire, n'est-il pas nécessaire de prêter Γoreille à toutes les voix qui lui servent d'organes ou qui lui font écho ; il suffit qu'on se rende compte, soit de la doctrine du corps épiscopal dispersé, soit de la foi de l'ensemble des fidèles ; il suffit même assez souvent de les étudier dans une de leurs manifestations. » (E.T. p. 99 §2) Un exemple bien connu de telles manifestations probantes par elles-mêmes est la doctrine constante et universelle des saints Pères ou des théologiens: a Ainsi la doctrine constante des saints Pères ou des théologiens, sur laquelle nous aurons à revenir à l'article suivant, permet, à elle seule, de connaître les enseignements de ce magistère par toute l'Église dispersée (...) » (p.99$2) On voit clairement en suivant cet enchaînement des idées présentées par Vacant que «l’enseignement constant et universel» est autre chose que le magistère ordinaire et universel. Il n’en est pas LE critère; il en est seulement LUNE des manifestations possibles. Mais, ce qui nous garantit cette valeur de l’accord des théologiens, c’est précisément le magistère infaillible de l’Église. C’est ce qu’expliquait le texte de Vacant cité dans la note précédente (49). Nous en reproduisons ici la partie principale : « Nous avons vu, en effet, que l'Église regarde comme certains tous les points de doctrine que les saints Pères ou même les théologiens sont unanimes à proclamer. Ces points sont DONC PROPOSÉS, au moins TACITEMENT, à la foi des fidèles par les DÉPO­ SITAIRES du magistère ordinaire; ils sont, PAR CONSÉQUENT, infailliblement vrais. » En pratique, c’est-à-dire pour le théologien qui étudie la qualification d’une doctrine non solennellement définie, il est souvent difficile de savoir ce qu’enseignent à ce sujet tous les évêques dispersés dans le monde : soit que cet enseignement existe, mais qu’il soit difficile de le réunir, soit plus simplement que beaucoup d’évêques, actuellement, ne disent rien d’une manière explicite sur le point en question. En effet, d’une manière habituelle, les évêques ne prêchent guère, explicitement, que les doctrines < nécessaires au salut ». Il est donc en général plus facile, pour le théologien, de faire une enquête sur l'accord constant des Pères ou des théologiens: il suffit d’une bonne bibliothèque, d’une bonne formation pour l’étude de ces textes, et de patience dans le travail ? ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS « Est-ce à dire que les matières dont l’intelligence exige des études particulières ne sont pas l’objet de l’enseignement quotidien? Ce serait tomber dans une grave erreur que de le penser ; car ce magistère s'étend à toute la doctrine de Église, ainsi que nous l’avons remarqué à plusieurs reprises. Le corps épiscopal enseigne infailliblement et le peuple fidèle accepte tous les points obligatoires de la doctrine chrétienne ; mais les principales vérités de la foi, celles dont la connaissance est facile à cous, sont enseignées expressément par les évêques, pendant que les vérités qui ne sont guère comprises en dehors des écoles de théologie, font principa­ lement l’objet de leur enseignement tacite. » « Le magistère ordinaire et universel jouit de la même infaillibilité et de la même autorité que les définitions solennelles. » (E.T. p. 110) 41. M. CAUDRON : Magistère ordinaire et infaillibilité pontificale d’après la constitution Dei Filius, dans Ephemerides Theologica Lovanensis, tome 36, 1960, pp. 393-431 (51). « A. Le sujet du magistère ordinaire (52). Nous savons avec certitude par les déclarations officielles de Mgr Mar­ tin que l’expression magistère ordinaire ne vise nullement, ni directement, ni indirectement, le magistère infaillible du Souverain Pontife. D’autre part, lorsque la Députation de la foi ou les évêques parlent du sujet des deux formes d’enseignement, leur alternative est toujours (53) la sui­ vante : les Conciles œcuméniques (et éventuellement aussi le Souverain Pontife) d’une part, et de l’autre, l’Église diyjersée. Les deux formes repré­ sentent l’autorité doctrinale infaillible de l’Église, tantôt réunie, et donc se vérifiant dans un sujet unique, du moins unifié, et tantôt dispersée, et donc se vérifiant dans une pluralité de sujets. Reprenant l’expression suggestive (51 ) Cette étude de Caudron est l’une des plus développées ayant été consacrées au paragraphe Porro fide divina de Vaticani. L’auteur se donne surtout pour tâche de montrer que ce paragraphe ne concerne pas l’infaillibilité du magistère ordinaire du pape seul. (52) L’auteur s’en tient à la formule brève de « magistère ordinaire, pour désigner le « magistère ordinaire et unversel » de Vatican I, car, comme il le remarque tp. 424) : tes Pères ont rugé utile dj ajouter universale, ils n'ont voulu cet adjectif que comme un éclaircissement non indispensable, quoique précieux, de la formule magiste­ rium ordinarium. > (53) Ici, Caudron précise en note : « A l'exception de Martinez ». Rappelons (cf. p. 39) que l’interprétation de Mgr Martinez a été explicitement rejetée, au nom de la Députation de la Foi, par Mgr Manin — 95 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE LÉGLISE ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS de Monzon y Martins, nous pouvons donc parler de \Ecclesia coadunata et de X Ecclesia dispersa. (...) Et Y Ecclesia dispersa du magistère ordinaire ? Le Concile entend par là - faut-il y insister - directement l’épiscopat dispersé. D’après la doctrine traditionnelle, en effet, seuls les évêques, avec à leur tête l’évêque de Rome, jouissent d’un magistère doctrinal authentique dans l’Église (54). (...) Bref, les Pères ne parlent que d’un seul et unique magistère authen­ tique, qui représente l’autorité doctrinale plénière de l’Église et qui peut donc fixer des dogmes. Si la Constitution Dei Filius établit cependant une distinction, celle-ci concerne formellement et exclusivement la condition différente - réunie ou dispersée - de ce magistère. » (55) (pp. 425-426) 42. M. LABOURDETTE et MJ. NICOLAS : La définition de l’Assomp­ tion, dans Revue Thomiste, 1950» n°2, pp. 249-267 (56). (54) (Noce de Caudron, qui donne le texte de Mansi en latin; nous le traduisons directement) « A ce sujet, notons seulement la description de /'Ecclesia docens et discens [Église enseignante et enseignée], telle qu'elle est donnée dans Z’adnotatio 15, annexée au neu­ vième chapitre du projet initial De Ecclesia ; "Et quand nous disons que l'Église ne peut se tromper, nous le comprenons tant de l'ensemble des fidèles que de l'ensemble des évêques, de sorte que le sens de cette proposition, l'Église ne peut se tromper, est : ce que tiennent tous les fidèles comme de foi est nécessairement vrai et de foi, et de même ce qu'enseignent tous les évêques comme appartenant à la foi est nécessairement vrai et de foi.» (Mansi, tome51, c. 579C) (55) La formule tranchante: «concerne formellement et EXCLUSIVEMENT» doit s’entendre, évidemment, au point de vue où s’est placé l’auteur, celui du sujet du magis­ tère ordinaire: ce sont les mêmes personnes, évêques et pape, qui constituent l’Église (enseignante) réunie ou dispersée. Car, absolument, comme nous l’avons vu (pp. 41-42), la différence première entre magistère solennel et magistère ordinaire concerne le « mode d’expression ». L’auteur reconnaît évidemment cela, mais il estime que les pères n’ont pas été clairs dans la description positive du mode propre au magistère ordinaire : K Ici les pères se sont montrés moins heureux. Ils ont suggéré des expressions toujours assez générales : propositio, professio et prædicatio, doctrina, prædicet et docet, dont le sens générique aurait très bien convenu aussi d'ailleurs, aux definitiones et aux judicia. Aussi les Pères se contentaient-ils souvent d une description négative, c'est-à-dire par opposition à la definitio : l'acte du magistère ordinaire se distingue de la définition ; voilà une première indication. » (p. 428) Remarquons seulement que si la forme «ordinaire» est décrite d’une manière d’abord négative, et par des expressions générales, c’est que précisément elle englobe, en droit, n’importe quelle manière de «prêcher», «d’enseigner» etc. qui n’est pas une définition ou un jugement solennel. Il n’y a donc aucune difficulté en cette affaire, comme d’ailleurs notre première partie, puis les textes cités jusqu’ici, le montrent suffisamment. Nous laissons donc à Caudron son appréciation sur le « bonheur moindre » des Pères de Vatican I en cette question ! (56) Les citations de la bulle de Pie XII, dans ce texte, sont données en latin Nous les avons traduites directement en français. Les auteurs rappellent l’enquête effectuée par Pie XII auprès de tous les évêques, puis ils commentent, en suivant le texte de la Bulle (cf. supra pp. 50-54) : « La réponse fut quasi-unanime. Ici la Bulle pose un principe d’une si grande importance qu’il donnera certainement lieu à plus d’une étude théologique approfondie: Ce “ singulier accord des Évêques catholiques et des fidèles ... Nous montre la doctrine concordante du Magistère ordinaire de l’Église et la foi concordante du peuple chrétien... La réponse de l’épiscopat catholique a été l’expression du magistère ordinaire de l'Église. On a parlé à propos de cette vaste consultation de l’épiscopat d’une sorte de concile par écrit. Cest autre chose: les évêques n’ont pas été appelés à participer à l’exercice solennel du magistère extra­ ordinaire, comme ils le font dans un concile ; mais leur rôle a été capital et extrêmement significatif: il y a eu auprès deux vérification positive et irréfutable de la présence dans l’enseignement du magistère ordinaire et de la foi de l’Église universelle, de la doctrine de l’assomption corporelle de Marie. Or la Bulle redit que le magistère ordinaire, défini comme l’ensei­ gnement unanime de l’épiscopat catholique, est infailliblement assisté de l’Esprit-Saint pour garder intacte et expliquer la vérité révélée: Le magistère de l’Église. non point certes par des moyens purement humains, mais avec l’assistance de l’esprit de vérité, et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles dans leur pureté et leur intégrité les vérités révélées ; c’est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer. Il en résulte que le seul fait de l’enseignement unanime de l’assomption de Marie par l’épiscopat catholique prouve par lui-même qu’il s’agit d’une vérité révélée, la révélation divine seule pouvant faire connaître ce qui est entièrement insaisissable à la raison. Cest pourquoi, de l’accord universel du magistère ordinaire de l’Église, ON TIRE UN ARGUMENT CERTAIN ET SOLIDE, servant à établir que l’Assomption corpo­ relle au ciel de la bienheureuse Vierge Marie - laquelle, en ce qui concerne la ” glorification’ céleste elle-même du corps virginal de la mère de Dieu, ne pouvait être connue par les forces naturelles d’aucune faculté de l’âme humaine - est une vérité révélée par Dieu, et par conséquent, elle doit être crue fermement et fidèle­ ment par tous les enfants de l’Église. Que l’assomption de la sainte Vierge soit tenue pour une vérité de foi tant par la croyance de l’Église universelle que par l’enseignement du magistère ordinaire, cela suffit pour qu elle soit très certainement révélée par Dieu pour justifier la définition solennelle L’Église universelle ne — 97 — — 96 — 1"S -Λζρ TV··* *■»· · ■ * · · L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE peut pas errer dans sa foi, le corps épiscopal, uni au souverain Pontife, ne peut pas errer dans son enseignement commun. On pourra se demander comment cette vérité a été apprise par l'Église, puisqu’il faut bien quelle l’ait été avant la mort des apôtres, mais on ne peut douter quelle ne soit contenue dans le dépôt révélé. La démarche même de la bulle Munificentissimus Deus jette sur ce point une lumière éclatante ; en l’appliquant, elle confirme et illustre l'enseignement du concile du Vatican sur les sources de la foi et le rôle du magistère (...) » (pp. 253-255) « L’Église n’est pas un musée, elle est vivante. En elle, toutes les forces de la vie, d’une vie surnaturelle et toujours assistée par l'Esprit, sont à l’œuvre. Ce qui était imperceptible dans le germe se manifeste dans la croissance ; mais il y était. Et il n’est pas indispensable que de clairs témoignages viennent attester dès les tout premiers siècles cette présence dans la tradition-transmission. S’il y en a, tant mieux ; mais qu’on remar­ que bien que même alors c’est en définitive le magistère qui décidera de leur vraie portée pour la foi. Et si ces témoignages des tout premiers temps font défaut, ce ne sera nullement un signe suffisant pour dire qu’une vérité n’appartient pas à la Tradition. Quand même la prise de conscience distincte et l'explicitation en seraient tardives, l’argument suf­ fisant («· certain et solide ») de son appartenance à la Révélation, non pas à une révélation nouvelle, mais à la Révélation close avec les apôtres, pourra se trouver dans l’unanimité de l’enseignement épiscopal et de la foi de l'Église ; et cet argument est décisif, parfaitement capable de justifier une définition solennelle. C'est ici qu'apparaît l’importance du magistère ordi­ naire, organe propre de la tradition, non comme source de révélation, mais comme mémoire vivante de l’Église ; pouvant témoigner de l’apparte­ nance au dépôt révélé d'une doctrine que par ailleurs n’impliqueraient pas suffisamment les Écritures, et que les documents des tout premiers siècles ne manifesteraient pas comme déjà consciemment et explicitement possédée. » (pp. 255-256) « On ne peut qu’être frappé de l’admirable cohérence des divers docu­ ments récemment publiés par S.S. Pie XII. Qu’est l’encyclique Humani generis sinon le rappel du juste rôle du magistère ecclésiastique? Elle insistait sur cette vérité capitale que le donné premier du théologien, c’est la foi actuelle de l’Église, un enseignement qui ne peut certes qu’être homogène aux sources de la révélation et ne lui ajoute pas un iota, mais dont les proportions en son explicitation présente, dépendent d'un pro­ grès surnaturel, divinement assisté, et que des méthodes purement histo­ riques ou purement critiques sont inadéquates à la connaissance d’un tel progrès. Si on ne doit pas juger l’enseignement actuel de l’Église d’après les formulations primitives de ses sources historiquement connues, mais au contraire scruter ces sources d’après l'enseignement du magistère, leur interprète infaillible, c’est évidemment que l’Eglise n’a pas à les rejoindre — 98 — k 4 .4· ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS comme du dehors par l’histoire et par la critique ; elle les possède, elle les connaît au-delà de toute recherche rationnelle, le sens quelle leur donne est infailliblement assuré par des voies meilleures, elle est assistée par le Saint-Esprit, auteur lui-même de la révélation que contiennent la Tradi­ tion et l'Écriture. En même temps quelle constitue un progrès décisif du dogme marial, la bulle Munificentissimus Deus apporte ainsi le plus précieux enseigne­ ment sur l’Église, sur son magistère, sur les voies du développement dogmatique. » (pp. 256-257) 43. J.V. BAINVEL : De Magisterio Vivo et Traditione, Beauchesne, 1905. « Ce magistère [à savoir : le magistère infaillible de l’Église] se compose au concret de ceux qui ont reçu du Christ le pouvoir d’enseigner, c’est-àdire du Pape successeur de Pierre et des Évêques successeurs des Apôtres ; et ceci a lieu de telle sorte que l’on entend la voix de l’Église, et quand le Pape parle ex cathedra, et lorsque le corps des Évêques, soit dans les Conciles soit hors des Conciles dans l’accord des Évêques entre eux et avec le Pontife romain, enseigne quelque chose comme appartenant à la foi soit en exerçant leur prédication, soit en le définissant ; on l’entend aussi, mais non pas d'une manière pleine et parfaite par elle-même quand un Évêque enseigne. L’accord des théologiens et le sens chrétien peuvent conduire à la connaissance du magistère, mais ils ne sont pas le magistère lui-même. » (p.56) «THÈSE 9 1. Quand il apparaît que quelque chose est ou a été à un moment dans la foi et la prédication de l’Église, il est certain qu’il en a toujours été ainsi, au moins implicitement, et que cette doctrine est révélée. » (p- 60) « Il ne peut y avoir de division ni sur une vérité déjà définie, ni sur celles qui doivent toujours être crues explicitement. * (p· 63) « [L’accord universel à un moment] apparaît directement et positive­ ment pour le magistère de l’Église, si on observe que quelque chose est enseigné comme dogme de l'Eglise par le Pape, par un concile œcumé­ nique, par tous les Évêques dispersés (...) » (p· 63) « Le magistère dispersé et les maîtres authentiques EU ACCORD. Nous avons déjà dit, au n° 31. que le magistère s’exerce soit par les évêques réunis en Concile, soit par ces mêmes évêques dispersés sur la terre, et que ceux-ci, même dispersés, deviennent, d’une manière, infail­ libles, à savoir par leur accord entre eux et avec le Pape. » (p. 66) « Les maîtres authentiques sont donc infaillibles EN ACCORD. — 99 — » /■ · -*■ L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Il s’ensuit aussi que le magistère dispersé n'est pas moins infaillible que réuni en Concile. » (p· 67) « Cependant, une opinion fausse ne peut jamais prévaloir de telle sorte qu’on puisse dire quelle a été, à un moment, l’opinion de l’Église. Car le magistère ordinaire et dispersé est lui aussi infaillible. » (p.137) « Il ne peut y avoir aucun acte de l'autorité suprême {formellement} contre la vérité. Bien que le Pape puisse intervenir d'une manière discipli­ naire, par exemple pour qu’on ne qualifie pas d’hérétique une opinion non encore condamnée, ou de foi une opinion controversée entre catholiques: » (p. 138) 44. J. BELLAMY : La Théologie catholique au XIXème siècle, Beauchesne et C,e, 1904. « De quelle source visible le magistère ordinaire de l’Église tire-t-il son autorité doctrinale ? Du pape, et du corps épiscopal uni au pape. La plupart des théologiens, surtout ceux qui ont écrit avant le concile du Vatican, ne parlent guère que du collège épiscopal dispersé, quand ils étudient l’infaillibilité du magistère quotidien. C'est une lacune dans leur théologie, car le souverain pontife joue un rôle important dans ce magis­ tère, comme nous le verrons tout à l'heure. Que le corps épiscopal dispersé, mais uni au pape, soit infaillible dans l'exercice du magistère ordinaire, tous les théologiens le proclament. (...) Depuis le concile du Vatican, il est de foi que les définitions doctrinales du souverain pontife sont infaillibles par elles-mêmes. Mais on peut se demander si cette divine prérogative n’a été accordée au pape que pour ses jugements solennels, ou si elle s’applique également à son magistère ordi­ naire et quotidien. Il ne s’agit pas de savoir, notons-le bien, si le pape est infaillible dans le magistère qu’il exerce avec le corps épiscopal dispersé : c’est un point acquis et reconnu de tous. (...) » (pp. 238-340) (57) (57) Nous avons cité ces textes pour les témoignages particulièrement clairs qu'ils fournissent en faveur de la doctrine de l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel, et en faveur de l'accord universel sur cette doctrine. Mais Bellamy envisage aussi la question de l’infaillibilité du magistère ordinaire du pape seul. Cette deuxième question, elle, est librement discutée entre théologiens. Bel­ lamy, à la suite de Vacant, lui donne une réponse positive. Nous partageons cet avis, et nous estimons qu’on peut le prouver encore plus solidement que ne l'ont fait ces auteurs. — 100 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS 45. L.-M. ORRIEUX: - Fonctions et pouvoirs hiérarchiques dans « Revue Thomiste », 1958, pp. 654-673. [Sigle: R.T.] - Le corps épiscopal dépositaire de la foi et des sacrements, dans ; « L’Évêque dans l’Église du Christ », ouvrage collectif, Desclée de Brouwer, 1963. [Sigle : CE.] « Seul un évêque peur être nommé ” maître et docteur de droit divin ”, en sa qualité de successeur légitime des Apôtres, à l’exclusion des prêtres et des diacres d’une part, qui cependant peuvent recevoir la potestas docendi, et des évêques hérétiques ou schismatiques d’autre pan, qui cependant conservent les pouvoirs issus du sacre. D une part la qualité de juge de la foi provient donc du titre épiscopal, c'est-à-dire du sacrement intérieur: mais d’autre part l’évêque séparé de la Catholica ne fait plus partie du corps enseignant, car il n’a plus juridiction. Dans le magistère, les pouvoirs d’ordre et de juridiction se conditionnent mutuellement, et il est impossible de réduire la fonction d’enseigner à l’un ou l’autre, quoi­ qu’elle puisse s’exercer en vertu de la juridiction seule (58). C’est la doctrine du corps épiscopal ainsi défini, soit dispersé, soit rassemblé en concile oecuménique, soit concentré en son chef le pape, enseignant ex cathedra, qui forme la règle prochaine et immédiate de la foi catholique. L’épiscopat remplit ainsi sa plus haute fonction : assurer la perpétuité et l’intégrité du dépôt divin confié par le Christ aux Apôtres, dépôt qui fonde définitivement l’Église comme institution de salut et la fait demeurer la même à travers le temps et l’espace, parce qu elle possède la même foi, les mêmes sacrements, la même autorité. C’est en ce sens (58) Ici Orrieux rédige la note suivante: « Il est vrai que dans l'hypothèse d'un simple laïc élu pape, celui-ci pourrait, dès son élection acceptée, en vertu de sa juridiction suprême, promulguer ex cathedra une défini­ tion dogmatique. U s'agirait simplement d'un cas extrême de suppléance par la juridiction d'un pouvoir n'ayant pas raison de caractère. » Rappelons, dans ce sens, ce qu’affirmait Pie XII au 2èCT* Congrès mondial de l’aposto­ lat des laïcs, le 5 octobre 1957 : < Si un laïc était élu Pape, il ne pourrait accepter l'élection qu 'a condition d’être apte à recevoir l'ordination et disposé à se faire ordonner; le pouvoir d’enseigner et de gouver­ ner, ainsi que le charisme de l'infaillibilité, lui seraient accordés dès l’instant de son acceptation, même avant son ordination. » (E PS. E. 1491) Ce texte va dans le sens de l’affirmation essentielle d’Omeux, a savoir qu’il est impossible de réduire la fonction d’enseigner au pouvoir de juridiction. En revanche, il s'oppose à ce que notre auteur semble bien affirmer : que le laïc élu pape ne recevrait, au moment de son acceptation, que la « juridiction suprême > ; puisqu’il recevrait aussi, au moins, le charisme d’infaillibilité. qu’on ne saurait réduire ni à une « juridiction », ni à un < être de raison ». — 101 — V.?· ** ft* ._>■· L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE précis que le corps épiscopal succède au corps apostolique. » (R.T. pp. 666-667) « c) La transmission authentique ou tradition. Le qualificatif « authentique» désigne une propriété du message évan­ gélique garanti par le charisme de l'infaillibilité (59) : un document juri­ dique, par exemple, est dit authentique lorsqu'on a vérifié qu'il est revêtu de l'autorité de son expéditeur, parce qu'il est écrit de sa propre main, qu'il est revêtu de sa signature, ou enfin rédigé dans des formules de chancelle­ rie permettant de discerner les faux (Littré). De même l'authenticité du magistère doit être vérifiée : elle suppose remplies certaines conditions définies par le Concile du Vatican. Le magistère est authentique, et donc infaillible, quand il a pour origine soit le consentement universel de l'épis­ copat dispersé, en communion avec son chef, soit un jugement solennel de l’épiscopat réuni en concile œcuménique ou du Souverain Pontife parlant ex cathedra (D. 1792; C.I.C. can. 1323). Dans ces conditions seulement l'épiscopat pose pour l’Église universelle.» (CE. pp. 75-76) « L'acte par lequel l’épiscopat détermine le sens du dépôt de foi n'a d'autre effet que de manifester, déclarer, proposer. La force exécutive du message provient tout entière et exclusivement de l'autorité de Dieu qui parle en Jésus-Christ: mais sa qualité de règle de foi, actuellement et universellement valable pour les hommes de notre temps, lui vient pre­ mièrement et immédiatement de sa promulgation authentique par le magistère infaillible. » (CE. p. 76) ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS « I. Le fait de l’infaillibilité du corps des évêques pris dans son ensemble et dans les circonstances voulues est incontestable. Pris un à un, ils peuvent évidemment se tromper. Pour éviter l'erreur, point n'est requis qu'ils se réunissent en concile, mais d'autres conditions doivent être remplies: la communion hiérarchique, une matière qui regarde la foi ou les mœurs, un accord officiel et manifeste non seulement sur une proposition déterminée mais aussi sur son caractère absolu et obligatoire. Notons avec soin que le premier Concile du Vatican a enseigné ouvertement cette infaillibilité des évêques dispersés, dans l'exercice de leur " magistère ordinaire et univer­ sel " sur un sujet appartenant à la révélation (D. 1792). » (61) (tome L, p. 325) 47. U. BETTI : Qualification Théologique de la Constitution, dans Vatican II; La constitution dogmatique sur l’Église, come II, « Unam Sanctam » n° 51b, éd. du Cerf, 1966. « En effet, de même qu'une définition infaillible exprime toujours la conviction de l’Église universelle, de même la conviction de l’Église uni­ verselle indique que la doctrine qui en est l'objet est infaillible. » (p. 217) 48. J. LECUYER : Vatican II - Constitution dogmatique sur l’Église, tomes III (« Unam Sanctam » n°51c), article: « La triple charge de l'évêque», pp. 891-941. « Ce magistère des évêques, qu'il s'adresse à des croyants ou à des incroyants, est infaillible. Cenes, chaque évêque pris séparément ne l'est (59) Signalons, pour prévenir quelque éventuelle erreur du lecteur, que l'emploi du mot « authentique » au sens défini ici par Orrieux n'est pas courant. Le plus souvent, les théologiens qualifient d’authentique tout magistère officiel dans l’Église. Alors, le magis­ tère peut être authentique et cependant «faillible»: comme par exemple lorsqu’un évêque seul enseigne ses diocésains au nom de sa charge. On voit facilement, en revanche, que si le VOCABULAIRE d’Orrieux est particulier, la DOCTRINE qu’il expose sur l'infaillibilité du magistère épiscopal dispersé est bien la doctrine universellement reçue. Il s'appuie d'ailleurs explicitement, comme tant d'autres, sur la définition de Vatican I reprise par le Code (références à D. 1792 et au canon 1323). (60) On sait que Vatican II a repris la doctrine de Vatican 1 sur l'infaillibilité du magistère dispersé (Lumen Gentium, ch. III). Nous n'en faisons pas état dans cette étude. Car ce sont en particulier les difficiles questions soulevées par la qualification de Vatican II qui sont à l'origine de notre enquête. Celle-ci met en lumière un point essentiel de la foi catholique, acquis avant et indépen­ damment de Vatican IL Et ce point joue un rôle crucial pour la juste appréciation de ce dernier. Dans ces conditions, il n'aurait pas été de bonne méthode de s’appuyer ici sur le texte de Lumen Gentium. On sait d’ailleurs que le concile Vatican II, a priori, doit être envisagé à deux points de vue, si on veut en déterminer la qualification Tout d’abord, en tant qu’il est (en principe et a priori) un « acte d’Église » ; ensuite, a posteriori, selon la valeur de vérité des doctrines qui s'y trouvent enseignées. La question toute nouvelle soulevée par Vatican II vient du fait que les deux qualifications ainsi obtenues (pour tel texte donné), sont souvent non-cohérentes et même en un cas au moins (la «liberté religieuse») contradictoires. Ceci dit, rien ne nous empêche d’utiliser, pour notre enquête, le témoignage de théologiens qui commentent Vatican IL Car ceux-ci font référence, non seulement au texte de Lumen Gentium, mais aussi à la doctrine antérieurement fixée par l’Église (61 ) Mgr Philips demande un accord sur le caractère « absolu et obligatoire » de la proposition Le rapprochement de cette exigence avec le texte même de Vatican 1. opéré par l’auteur lui-même, montre à l'évidence que «s'accorder sur le caractère absolu et obligatoire » ne peut pas être autre chose (du moins comme condition nécessaire de — 102 — — 103 — 46. Mgr PHILIPS : L’Église et son mystère au deuxième concile du Vatican, Desclée, 1967, 1968, (2 vol.) (60). > - ■» -, L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE pas, et le pape lui-même n’a pas constamment ce privilège (62). Mais le corps épiscopal est infaillible dans son ensemble, lorsque ses membres, même dispersés par le monde, en conservant toutefois le lien de la commu­ nion entre eux et avec leur chef, enseignent unanimement et définitivement une vérité comme appartenant au dépôt révélé. Ce point de doctrine, clairement énoncé au premier Concile du Vatican (D. 1792), appartient, en fait, au domaine des certitudes universellement possédées par l’Église depuis ses origines : il suffira de se rappeler l'importance donnée par Irénée, quelles que soient les difficultés de détail de son texte, à la " tradition qui vient des Apôtres et qui se garde dans les églises par les successions des presbytes* ” qui, "avec la succession de l’épiscopat ont reçu un charisme certain de vérité ** Le pape Simplice, dans la seconde moitié du Vèmcsiècle, n’hésitera pas à écrire : " Il est hors de doute que l'on ne peut dissoudre ce que (les évêques) ... bien qu'établis chacun dans son Église, et néanmoins avec une même conviction, ont affirmé en termes différents, mais avec une même pensée (Epist. 4,2 ; éd. Thiel, p. 184) ", Et Pie IX, quelques années avant le premier Concile du Vatican, rappelait le même principe dans une lettre à l’archevêque de München-Freising (D. 1683). *- · ; Cette infaillibilité du corps épiscopal se manifeste avec plus de solen­ nité dans les conciles œcuméniques. A ce sujet, certains théologiens ont pensé que l'infaillibilité des évêques au concile ne serait due qu'à l'appro­ bation du pape. Ceci ne semble pas pouvoir être soutenu: si l’accord des évêques dispersés, selon les termes de l'encyclique Munificentissimus, est, par lui-même, un signe certain de la vérité révélé, il doit en être de même, à plus forte raison, lorsqu’ils sont rassemblés en concile avec leur Chef. C’est l’action de l'Esprit-Saint dans tous les membres de ce corps épiscopal qui en assure l'infaillibilité. Nous avons sur ce point les déclarations très claires de Mgr Gasser, rapporteur de la Députation de la Foi au premier Concile du Vatican : il n’est pas vrai que toute infaillibilité réside dans le pape seul ; c’est à l’ensemble, au "corps ’’ des évêques avec le Pape à leur tête que l’infaillibilité a été promise (cf. Mt. 28.20)*** ; celle-ci s'appuie sur une assitance spéciale du Saint-Esprit qui est garantie à tout le corps enseignant uni à son chef, et à ce dernier d'une manière spéciale comme Chef de ce Corps et Docteur suprême de l’Église. Ce n'est pas, du reste, une autre infaillibilité que celle de l’Église elle-même. » (pp. 896-897) [ * Adv. Hier. 111,2,2. Tout le contexte est à lire. *♦ Ibid. IV, 26,2. *♦♦ Mansi 52, 1216 bc] l'infaillibilité) que < s'accorder sur le caractère d'appartenance à la révélation >. Nous y reviendrons en détail dans notre Annexe II. (62) Cette dernière affirmation concernant le pape est pour le moins ambiguë Certes, la personne qui est pape n’est pas infaillible dans chacun de ses actes Mais cette personne possède en permanence le charisme d'infaillibilité qui lui assure, sous la motion de Dieu, l'infaillibilité pour ses actes posés dans certaines conditions déterminées. 104 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS 49. Ch. JOURNET: L'Église du Verbe Incarné - I. La Hiérarchie apostolique, 2itneéd., 1955, Desclée De Brouwer. « 3- LE COLLÈGE ÉPISCOPAL DISPERSÉ DANS LE MONDE ; SES SIGNES DISTINCTIFS L'activité œcuménique de l’épiscopat, uni au pape actuellement régnant, peut avoir - mais ce n'est là qu’une différence accidentelle - un double caractère : un caractère régulier lorsque les évêques demeurent dispersés sur la terre, chacun dans son Eglise ; un caractère exceptionnel, lorsque les évêques se rassemblent en concile. Les évêques disséminés sur le globe régissent leur Église particulière. Ils font davantage. Du fait qu’il sont étroitement unis au pasteur suprême et qu'ils agissent avec son consentement tacite ou exprès, ils contribuent, d’une manière lente, vivante, diffuse, à conserver et à expliquer dans le monde le dépôt de la vérité révélée, à maintenir et à formuler les règles de la discipline commune, en un mot à régir même l’Église universelle. Est-il question, par exemple, du pouvoir déclaratif, le corps épiscopal, pour autant qu’il est en accord avec le souverain pontife, devient un organe par lequel l’enseignement ordinaire et quotidien de l’Église peur être donné au monde avec une infaillibilité propre et absolue. La foi divine et catholique, selon le concile du Vatican, embrasse, en effet, toutes les vérités qui se trouvent contenues dans la parole de Dieu écrire ou traditionnelle et que l’Église propose à notre foi comme divinement révélées, qu elle fasse cette proposition par un jugement solennel ou par son magistère ordinaire et universel (D. 1792); et Pie IX précise que l’exercice du magistère ordi­ naire peut se faire sur tout le globe : ” la foi divine ne doit pas se res­ treindre aux points expressément définis par les décrets des conciles œcuméniques, ou des pontifes romains et du siège apostolique ; mais elle doit s’étendre aussi aux points qui sont donnés comme divinement révélés par le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre. » (pp. 533-534) 50. Ch. JOURNET: Le Message Révélé, DDB, 1964. « 2. L'exercice du pouvoir magisténe! déclaratif par le souverain pontife joint au collège épiscopal réuni en concile ou dispersé par le monde. Le double sujet du pouvoir magisténe/. - Le pouvoir magistériel décla­ ratif, assisté infailliblement - et cela sera vrai aussi du pouvoir magistériel canonique, assisté prudenticllement - réside, de par la volonté du Christ et donc en droit divin, dans un double sujet 1° dans le pape seul ; 2" dans le pape joint à son collège épiscopal. Entre le pape seul et le pape joint au collège épiscopal, l’opposition est impossible. L’autorité est, ici et là, la même Dans le collège épiscopal joint — 105 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE au pape, il y a plus de participants à l'autorité, et c'est pour eux un grand privilège et une grande responsabilité ; il n’y a pas plus à'autorité que dans le pape seul. Le magistère des évêques réunis en concile ou dispersés dans le monde. - Le pouvoir magistériel déclaratif, infailliblement assisté, s'exerce de deux manières : d'une manière solennelle, quand les évêques sont rassemblés en concile ; d'une manière ordinaire, lorsqu'ils sont dispersés dans le monde. (...) [Ici Journet cite D. 1792 et D. 1683. Nous poursuivons son texte juste après ces deux citations.] Pris collégialement, les évêques sont unis au souverain pontife, non comme simples conseillers, mais comme coparticipants, - non à titre individuel, singulariter, mais à titre collégial, collective : l'autorité suprême et infaillible ne se divise pas entre les évêques, comme les flammes de Pentecôte, pour être tout entière en chacun d'eux -, de son autorité magistérielle déclarative, et dès lors de sa lumière charismatique d’assistance infaillible, pour juger et enseigner avec lui ce qui concerne la foi et les mœurs. Cas d’une nouvelle définition solennelle. - Dans le cas d'une nouvelle définition solennelle, on pourra marquer une différence dans le rôle des évêques soit réunis en concile, soit dispersés dans le monde. Sont-ils réunis en concile (magistère solennel), ils font un avec le pape, pour, avec la même autorité et dans la même lumière que lui, promulguer avec lui la nouvelle définition de foi. Ainsi ont été solidairement définis les canons du concile de Trente et du premier concile du Vatican. Sont-ils dispersés dans le monde (magistère ordinaire), et la définition de la vérité nouvelle est-elle l'acte du souverain pontife seul, leur rôle est alors, non plus de la promulguer, mais de l’accueillir et de l'intérioriser en eux ; non certes uniquement comme nous autres simples fidèles sur le plan sanctifiant de l’Église croyante ; mais encore, nous le disions plus haut, en tant que maîtres et docteurs, sur le plan charismatique ou prophétique de l’Église enseignante, pour l'enseigner à leur tour avec autorité. Ainsi en a-t-il été lors des définitions de l’immaculée Conception et de l’Assomp­ tion de la Vierge. Le rôle habituel du magistère déclaratif ordinaire. - Il est de réassumer les énonciations fondamentales du dépôt révélé pour les faire briller constamment, dans la dispersion du monde, au-dessus des espoirs et des détresses de l'humanité. Peut-il y avoir définition de la foi par le simple magistère déclaratif ordinaire des évêques unis au souverain pontife ? - La réponse affirmative paraît évidente. Dès le principe, avant Père des grands conciles et des — 106 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS Symboles de foi, l’Église est en possession d'une donnée de foi, d’une vérité, qui lui vient du Christ, à laquelle elle se réfère contre les hérésies, en particulier les hérésies gnostiques qui commencent à pulluler. Elle b résume dans des formules très simples, telles 1a profession de foi baptis­ male - qui deviendra au terme d’une longue élaboration notre Symbole des Apôtres. C’est à Nicée que cette donnée de foi, cette règle-vivante-de-lafoi, trouve sa première expression solennelle, qui devient, à son tour, règle en un sens nouveau, disons règle formulée-intangible-dela-foi. L’ortho­ doxie du temps antérieur à Nicée n’était assurée que par le seul magistère ordinaire. On peut noter aussi que, pendant des siècles, le canon des Écritures saintes n’a été fixé que par le magistère ordinaire, dont les conciles provin­ ciaux ne faisaient qu’enregistrer les certitudes. On peut même se demander si les définitions de doctrines comme 1a primauté du pontife romain, l’immaculée Conception, l'Assomption de b Vierge, ont été autre chose que b solennisation de vérités déjà établies par le magistère ordinaire ? » (pp. 112-115) Quelques témoignages antérieurs à Vatican I 51. Saint THOMAS D'AQUIN: (63) « L'Église est numériquement la même qui existait alors (au temps des Apôtres) et qui existe maintenant ; car, même est la foi et mêmes les sacrements de la foi. même l’autorité, même la profession (de b foi) » (Quod. XII, q. 13, a. 1) « Si l’on considère la providence divine qui dirige son Église par le Saint-Esprit pour qu'elle n'erre pas, comme lui-même a promis, Jean 10. 26 que l’Esprit survenant, il enseignerait toute vérité, entendez, au sujet des choses nécessaires au salut ; il est certain qu’il est impossible que le jugement de l’Église universelle erre sur les choses qui touchent b foi. » (Quod. IX, q.8, a. 1) « L'Église universelle ne peut se tromper, car elle est gouvernée par le Saint-Esprit, qui est l’Esprit de vérité : le Seigneur, en effet l a promis à ses (63) Pour plus de détails sur la position de saint Thomas, on pourra consulter : L/f TRADITION. Révélation - Écriture - Église reion saint Thomar d'Aquin par Etienne Ménard o.p., DDB, 1964. — 107 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE disciples en disant (Jean XVI, 13) : " Lorsqu'il viendra, l’Esprit de vérité, il vous enseignera toute la vérité ”. Mais le symbole est édicté par l'autorité de l’Église universelle. Il ne contient donc rien qui ne convienne pas. » (II-II, q. 1, a. 9, s.c.) 52. F. SUAREZ: De l’Église et du Pape, édition de Antonio VargasMachuca, Arch. Teol. Gran. 30, 1967, pp. 245-331«QUESTION N°ll. Est-ce que tous les évêques ou les docteurs, en transmettant la doctrine de la foi, peuvent tomber ensemble dans une doctrine erronée ? Les hérétiques l’affirment absolument. Primo, parce qu’ils pensent la même chose pour l’Église universelle ; secundo, parce qu’ils nient que tous les évêques et docteurs ou pasteurs représentent l'Église universelle, et donc qu’il y ait en eux un quelconque pouvoir de définir les choses de foi, mais ils l’attribuent aux rois et aux princes séculiers (...) REMARQUES: 1° L’ensemble des évêques peut être considéré de deux manières : d'abord, légitimement réunis, et définissant les choses de foi en vertu de leur autorité et pouvoir ; alors la question coïncide avec celle du concile général, voir plus bas. Ensuite, on peut parler de tous les évêques en eux-mêmes, c’est-à-dire tels qu’ils sont maintenant, chacun enseignant et gouvernant ses brebis ; et c'est de cela qu’il est question : peut-il arriver, par hasard ou volontairement, par des lettres ou par un autre moyen, qu’ils se mettent tous d’accord sur une erreur contraire à la foi ? 2° Il est question ici des évêques et docteurs en tant qu’ils enseignent et proposent à leurs églises ce qu’on est tenu de croire ; car si on les considère seulement comme personnes privées, ils peuvent admettre le faux et se tromper, car ils sont des hommes, et il n’y a aucune promesse divine qui s’y oppose (...) 3° Il faut noter que cette erreur peut être comprise soit comme liée à la contumace et à l’hérésie, soit comme liée à l'ignorance de sorte que tous estimeraient que quelque chose est de foi alors que c’est faux. JE DIS EN PREMIER, que tous les évêques et docteurs ne peuvent errer dans la foi de manière à induire toute l’Église dans une erreur contraire à la foi ; et donc iis ne peuvent enseigner et proposer l’erreur à l'Église universelle, de telle sorte que toute celle-ci soit obligée à quelque chose de faux. Cette conclusion apparaît comme tout à fait certaine, car elle suit nécessairement des promesses faites à l'Église universelle au sujet de l’infaillible vérité quelle conserverait toujours ; de même si tous les pas­ teurs de l’Église pouvaient se tromper de cette manière, et obliger à quelque chose de faux, on pourrait révoquer en doute soit tout, soit beau­ coup de ce que l’Église croit maintenant, car presque tout lui est proposé de cette manière. — 108 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS Mais il faut remarquer que cette conclusion est certaine et de foi, princi­ palement en tant quelle inclut la tête, le pontife suprême, avec les autres, comme cela apparaîtra dans la question suivante. Car si on met le pape à part, et qu'on parle de tous les autres, la conclusion ne va pas jusqu'à être certaine, même si on joint les docteurs aux évêques, car outre tous ceux-là, il y a dans l'Église une règle infaillible de la foi, à laquelle les fidèles sont principalement tenus d’adhérer; et il n'apparaît pas clairement qu'il y a dans tous ceux-là une règle infaillible de la foi, ou une promesse certaine du Saint-Esprit. » (p.274 et sv.) 53. Saint ROBERT BELLARMIN : Des Conciles et de l’Église; Lib. III: De l’Église militante répandue sur toute la terre, «Opera Omnia », éd. Pedone Lauriel, 1872, tome II. « Ch. XIV : L’ÉGLISE NE PEUT ERRER (...) Calvin donc dit que cette proposition, l'Église ne peut se tromper, est vraie, si on la comprend avec une double restriction. (...) La seconde restriction est celle-ci : l’Église ne peut se tromper, doit s'entendre de la seule Église universelle, et non pas être étendue aux évêques, qui sont l'Église d’une manière représentative, comme disent les théologiens catholiques ; (...) Notre position est donc que l'Église ne peut absolument pas se trom­ per, ni dans les choses absolument nécessaires, ni dans les autres choses quelle nous propose à croire ou à faire, que ces choses soient expressé­ ment dans l'Ècriture ou quelles n'y soient pas. Et quand nous disons que l'Église ne peut se tromper, nous l'entendons tant de l'ensemble des fidèles que de l'ensemble des évêques ; de sorte que le sens de la proposition, l'Église ne peut se tromper, est : ce que tiennent tous les fidèles comme de foi est nécessairement vrai et de foi ; et de même, ce qu'enseignent tous les évêques comme appartenant à la foi, est nécessairement vrai et de foi. (...) Le fait que même ceux qui constituent l'Église " représentativement " ne peuvent errer se prouve d'abord parce que si tous les évêques se trom­ paient, toute l'Église aussi se tromperait, car les peuples sont tenus de suivre leurs pasteurs, selon la parole du Seigneur, Luc 10 : qui tous écoute m'écoute, et Mat. 23 : tout ce qu'ils disent, faites-le. Ensuite, avec la lettre du concile d’Éphèse à Nestorius, où on impose à celui-ci, s'il veut s'accor­ der avec l'Église, d'affirmer avec serment qu'il pense comme pensent les évêques d'orient et d'occident. (...) » (pp. 98-99) 54. MELCHIOR CANO : Des lieux théologiques, Liv. IV, ch. IV, dans Migne, Theologice Cursus Completus, tome I, 1839. * Voici donc notre troisième conclusion : Non seulement l'Église anti­ que n'a pu errer dans la foi. mais encore l'Église qui est maintenant ne le — 109 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE peut pas, ni non plus l’Église qui sera jusqu’à la fin des temps. Quatrièmement, non seulement l’Église universelle, c’est-à-dire l’en­ semble des fidèles, a pour toujours cet Esprit de vérité, mais les chefs et pasteurs de l’Église ont aussi ce même Esprit. Nous avons dit en effet que la voix de l’Église s’entend tant du peuple fidèle que des pasteurs de l’Église. Les premières conclusions, donc, établissaient que tout ce que l’Église, c’est-à-dire l’ensemble des fidèles, tient, est vrai ; celle-ci affirme que les pasteurs et docteurs de l’Église ne peuvent errer dans la foi, mais que tout ce qu’ils enseignent au peuple fidèle, concernant la foi chrétienne, est très vrai. (...) Nous affirmons donc que tous les pasteurs et docteurs ne peuvent jamais s’écarter de la foi. » (col. 238-239) (64) (64) Examinons, pour terminer cette étude, une difficulté qui a été soulevée dans une revue de vulgarisation. On s’est demandé si l’affirmation du Décret pour les Arméniens (concile de Florence, Bulle Exultate Deo, 22 nov. 1439) sur le sacrement de l’ordre n’offrait pas un cas d’erreur du magistère ordinaire et universel. Ce document déclare, en effet (D. 701) : < Le sixième est le sacrement de l'ordre, dont la matière est ce par la tradition de quoi Γordre est conféré : comme le presbytérat est transmis par la porrection du calice avec le vin et de la patène avec le pain. (...) La forme du sacerdoce est celle-ci: " Reçois le pouvoir d'offrir le sacrifice dans ΓEglise pour les vivants et les morts, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit " » Or, dans la constitution apostolique Sacramentum ordinis, du 30 nov. 1947, Pie XII déclare, avec sa suprême autorité, que la matière du sacerdoce est constituée par la seule imposition des mains, la forme étant la préface qui l’accompagne, et qui signifie sans équivoques les effets du sacrement. Sans entrer dans une discussion détaillée, présentons trois remarques, suffisantes pour écarter Γ« objection >. 1°) Tout d’abord, il faut observer que, dans son principe même, une telle «objec­ tion > est contraire à la foi. Il est établi, par des arguments propres et certains, que l’infaillibilité du magistère ordinaire et universel est une vérité révélée, infailliblement enseignée par l’Église. Il est donc IMPOSSIBLE qu'un fait historique remette cette doctrine en question Admettre la possibilité contraire, c’est déjà douter de la foi, et donc n’avoir plus la foi (cf. Vaticani, D. 1794). Voici, d’une manière similaire, ce qu’affirmait le rapport Schrader-Maïer (cf. supra p. 15), devant les objections « historiques » présentées au concile contre l'infaillibilité du pape: * Selon les documents excluant tout doute, comme on l'a déclaré plus haut, l’infaillibi­ lité des pontifes romains est une vérité divinement révélée ; donc il ne peut se faire que celle-ci soit jamais démontrée fausse à partir de quelque fait historique que ce soit ; mais si des faits de l'histoire lui sont opposés, ils doivent très certainement être tenus pour faux, dans la mesure où ils lut apparaissent contraires. » (M. 52,24 C-D) Un catholique ne peut donc pas se demander si tel fait est ou non conforme à un dogme certifié par l’Église ; il peut seulement se demander (éventuellement) comment tel fait, supposé certainement établi, est conforme au dogme (ou ne lui est pas contraire). 110 — ENQUÊTE AUPRÈS DES THÉOLOGIENS Et, dans l’attente de la solution, JL NE PEUT NULLEMENT SUSPENDRE SON ASSEN­ TIMENT DE FOI au dogme concerné (cf. Vatican I, D. 1815). 2°) Pour la question du sacrement de l’ordre, le pape Pie XII donne lui-méme les éléments essentiels de la réponse, dans le texte même de sa constitution. Loin d’insinuer que le concile de Florence s’est trompé, il observe: « II n’est personne qui ignore que l’Église romaine a toujours considéré comme valides les ordinations conférées par le rite des Grecs, sans la tradition des instruments, de sorte que, au concile de Florence même (...) on n'a nullement imposé aux Grecs de changer leur rite d’ordination, ou d’y insérer la tradition des instruments ; bien plus l’Église a voulu qu'à Rome même, les Grecs soient ordonnés selon leur rite propre. D'où l'on tire que, selon la pensée du concile de Florence lui-même, la tradition des instru­ ments n’est pas requise à la substance et à la validité de ce sacrement par la volonté de Noire-Seigneur Jésus-Christ lui-même. Que si par la volonté et le précepte de l’Église cette tradition a été, à une époque, nécessaire à la validité, tous savent que l’Église peut changer et abroger ce qu’elle a institué. » (A.A.S. 28 janvier 1948) Ainsi, Pie XII prend soin d’observer qu’il n’y a pas opposition de contradiction entre le concile de Florence et sa décision : Le concile n'a pas affirmé que la tradition des instruments appartenait d’institution divine à l’essence du sacrement. Pie XII ne nie pas que l’Église ait pu intégrer cette tradition des instruments au rite, de sorte quelle en conditionne la validité, et quelle serve elle-même d’instrument à la transmission de la grâce. On voit donc qu’il est exclu de tirer de cette « affaire » une objection contre l’infaillibi­ lité du magistère ordinaire et universel. 3°) Quant aux explications théologiques de ce fait, elles ne manquent pas Donnons simplement ici celle du P. Garrigou-Lagrange {De Eucharistia, pp. 414-415) : a Principe de solution de plus en plus admis.* selon Billuart, et plus récemment le Card. Billot, Hugon, Hervé, et plusieurs autres, le principe de solution est le suivant : Le Christ n’a pas institué la matière de ce sacrement en déterminant en particulier que telle ou telle chose serait la matière, mais en déterminant d’une manière générale qu’il serait à conférer par un signe sensible significatif du pouvoir transmis. Cela suffis à l’institution du sacrement par le Christ, car tout sacrement est ” spécifié ” en propre par l’effet auquel il est essentiellement ordonné. Ainsi le Christ a laissé à {'Église, comme pour la confirma­ tion, l’ultime détermination de la matière du sacrement de l'ordre. » 111 — ■— HHSJLSiovw πα axniamivjNLi hq mvcibJODas xafacn I 3X3NNV ’ · La question « Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé. » (D. 1792) Nous avons établi que cette déclaration de Dei Filius affirme, et définit implicitement, l’existence d’un mode d’exercice ordinaire du magistère infaillible. Cette affirmation, toutefois, se trouve contenue dans un paragraphe qui vise à enseigner quel est l'objet matériel de la foi (cf. p. 39). Les Pères du concile ont jugé qu’ils ne pouvaient l'expli­ quer d'une manière précise, sans prendre comme critère la proposi­ tion de l’Église. C’est elle en effet qui, par son magistère vivant, est chargée de faire connaître infailliblement aux hommes de chaque époque le contenu de la Révélation. Comme on l’a souvent dit, Jésus n’a pas écrit de livres, mais il a fondé une Église ayant pouvoir de parler en son nom : « Qui vous écoute m’écoute ». L’intention du paragraphe «Porro fide divina » n’est donc pas d’expliquer l’étendue de l'infaillibilité du magistère, mais seulement de dire « ce qui est à croire de foi divine et catholique ». Remarquons d’ailleurs que le concile ne prétend pas indiquer tout ce qu’il est possible de croire de foi divine et catholique, mais bien ce que tous doivent croire ainsi : « credenda sunt », sont à croire. Vacant l’observe au début de son commentaire sur ce paragraphe : « Il était naturel que le concile du Vatican s’occupât de l’objet de la foi, dans ses enseignements sur cette vertu. Seulement en cette question comme dans les autres, il a eu surtout en vue les erreurs et les besoins de notre temps. Aussi ne s’est-il pas arrêté à décider ce qui peut être l’objet de — 115 - · L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE »V · notre foi. Il a cru l'avoir indiqué suffisamment en déclarant dans la défini­ tion de cette vertu quelle consiste à croire ce que Dieu a révélé, ab eo revelata vera esse credimus. Mais il a tenu à déclarer ce qui doit être l’objet de notre foi, à tous, fide catholica credenda ; car il désirait porter un dernier coup à une erreur contemporaine déjà frappée par Pie IX, et qui prétendait qu’on n’est obligé de croire que les vérités définies par un jugement solennel de l’Église. » (E.T., tome II, p. 84) Cette perspective a conduit le concile à insérer la précision : « Que l’Église propose à croire COMME DIVINEMENT RÉVÉLÉ». Cette clause ne figurait pas dans la première rédaction du paragraphe (cf. p. 38). Elle a pour but, au témoignage de Mgr Martin, d’« empêcher de ranger dans la doctrine de foi les opinions d’écoles, même certaines, enseignées dans les écoles catholiques » (M. 51, 322 C-D). Du même coup, le paragraphe « Porro fide divina » n’envisage l’infaillibilité du magistère - qu’il soit ordinaire ou solennel - que pour les vérités présentées comme divinement révélées. La question se pose alors : l’infaillibilité du magistère s’étend-elle à un domaine plus vaste, à des vérités que l’Église ne présente pas, au moins explicitement, comme révélées, mais simplement comme cer­ taines, ou obligatoires, ou liées à la Révélation etc. ? Ce qui est tranché par l’Église, ce qui est librement discuté A propos de l'infaillibilité et de la foi divine on trouve parmi les théologiens, depuis la lutte contre le jansénisme, deux grandes orientations. Pour les uns, il y a coextension absolue entre l’objet de l’infaillibi­ lité et celui de la Révélation. Pour les autres, l’objet de l’infaillibilité déborde celui de la Révélation, en s’étendant à des vérités extrin­ sèques mais liées à celle-ci. Cette opposition, pour radicale quelle soit au point de vue spécula­ tif, se résorbe pourtant lorsqu’il s’agit de reconnaître en pratique l'infaillibilité de l’Église. Voici comment Journet l’expose: — 116 — L’OBJET SECONDAIRE DE L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE * On retrouve ici, à propos des faits dogmatiques, la divergence signalée plus haut dans la manière de justifier le développement dogmatique par explicitation. Dans la première perspective, que nous avons adoptée, le charisme de l’assistance infaillible ne peut garantir que ce qui est contenu dans le dépôt, au moins implicitement et quoad se: l’infaillibilité est coextensive au domaine du révélé et de la foi divine. Dans la seconde perspective, le charisme de l’assistance infaillible peut garantir même ce qui est extérieur au dépôt, quand cela lui est connexe : l'infaillibilité déborde le domaine du révélé et de la foi divine. Mais ce qui, dans la seconde opinion, est regardé comme extérieur et connexe au dépôt, coïncide avec ce qui, dans la première opinion, lui est intérieur, en sorte que l’opposition spéculative des deux perspectives est sans conséquences pour la conduite pratique, et l’on comprend, comme nous l'avons dit plus haut p. 65, et le verrons plus loin p. 112, que le premier concile du Vatican n’ait pas voulu trancher le différend. » (Le Message Révélé, DDB, 1964, p. 108) On voit que la divergence entre les théologiens ne concerne pas le fait de l’infaillibilité de l’Église par rapport aux vérités non explicites dans le dépôt mais liées à celui-ci ; elle porte sur le fait de savoir si ces « vérités connexes » doivent être regardées comme vraiment conte­ nues dans le dépôt, ou comme extrinsèques à celui-ci. Corrélative­ ment, une deuxième discussion concerne la qualité de l’adhésion à donner à ces vérités connexes infailliblement présentées par l’Église. Si on considère ces vérités comme contenues dans le dépôt, l’adhé­ sion sera considérée comme un assentiment de foi divine. Dans l’autre position, on parlera de « foi ecclésiastique » : le motif propre et immé­ diat de l’adhésion est alors censé être l’autorité infaillible de l’Église, distinguée de l'autorité de Dieu qui révèle. On dira alors que ces vérités infailliblement proposées par l’Eglise, mais non pas comme révélées, sont « théologiquement certaines ». La certitude de la foi ecclésiastique est ainsi inférieure à la certitude de la foi divine. Mais il faut bien noter que cette infériorité ne concerne pas l’inerrance, la caractéristique négative de la certitude ; elle concerne l’élément positif de la certitude, la cause de sa fermeté ; ici Dieu lui-même, là l’Église assistée par Dieu. La doctrine de l’Église La doctrine de l’Église nous est déjà connue par les témoignages compétents de Vacant et de Journet: tous les théologiens catholiques L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE LÉGLISE reconnaissent le fait de l’infaillibilité par rapport à l’objet secondaire du magistère. Nous allons maintenant éclairer davantage cette doctrine, en nous référant directement aux sources qui fournissent l’état de la question : il s’agit là encore du concile Vatican I et de ses Actes. Tout d’abord, à considérer les choses d’une manière générale, la doctrine de l’infaillibilité de l’Église apparaît déjà comme théologi­ quement certaine, en vertu des enseignements indirects sur ce sujet contenus dans la constitution Dei Filius (D. 1798) : « De plus l’Église qui a reçu, en même temps que la charge apostolique d’enseigner, le commandement de garder le dépôt de la foi a, de par Dieu, le droit et le devoir de proscrire la fausse science (I Tim 6, 20), pour que nul ne soit la proie d’une philosophie qui n’est que vaine tromperie (cf. Col 2, 8 ; canon 2). C’est pourquoi tous les chrétiens fidèles non seulement n’ont pas le droit de défendre comme de légitimes conclusions de la science les opinions reconnues contraires à la doctrine de la foi, surtout quand l’Église les a réprouvées, mais ils sont absolument tenus de les considérer plutôt comme des erreurs parées de quelque trompeuse appa­ rence de vérité. » Cette même constitution proclame, en épilogue : « Or, comme il ne suffit pas d’éviter l’hérésie, mais qu’il faut également fuir avec diligence les erreurs qui s'en approchent plus ou moins, nous avertissons tout le monde du devoir d’observer aussi les constitutions et les décrets dans lesquels les opinions mauvaises de cette sorte, non énumérées ici en détail, ont été proscrites et prohibées par le Saint-Siège. » Déjà Pie IX avait proclamé une doctrine similaire dans la lettre Gravissimas inter (11 décembre 1862) à l’archevêque de Munich (D. 1676) : « C’est pourquoi l’Église, en vertu du pouvoir qui lui a été confié par son divin fondateur, a non seulement le droit mais le particulier devoir de ne pas tolérer et même de proscrire et de condamner toutes les erreurs, si l’intégrité de la foi et le salut des âmes le demandent. A tout philosophe qui veut être fils de l’Église, et aussi à la philosophie, incombe le devoir de ne jamais rien dire contre ce que l’Église enseigne et de rétracter ce sur quoi l’Église l’avertit. Nous fixons et déclarons que l’opinion qui enseigne le contraire est absolument fausse et des plus injurieuses pour la foi ellemême, pour l’Église et son autorité. » — 118 — i ‘ V- LOBJET SECONDAIRE DE L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE Ensuite, la doctrine de l’infaillibilité du magistère pour l’objet secondaire a reçu une confirmation éclatante dans la définition de l’infaillibilité du pape (D. 1839)· Le concile affirme en effet que le pape est infaillible, non pas quand il définit une doctrine « à croire de foi divine » (fide divina credenda), mais d’une manière générale quand il définit une doctrine « à tenir » (tenenda). Ainsi, se trouvent comprises dans l’infaillibilité toutes les doctrines ayant trait à la foi ou aux mœurs et qui sont présentées comme certaines, comme obligatoires, comme absolues, bref comme « à tenir ». Mgr Senestrey, qui fut l’un des initiateurs de cette formulation, en a bien exposé la portée (M. 52, 1152, note 3) : «On dit ce qui est à tenir-, cette phrase en effet s’exprime selon les termes de la première constitution sur la foi, dans laquelle on lit au ch. ΠΙ : ce que l’Église... propose à croire. En ce lieu il s’agit des articles de foi ; comme ici il s’agit de l'objet non pas à croire de foi divine, mais à tenir infailliblement, on peut dire d'une manière similaire : ce qui est proposé à tenir. » Mgr Gasser, au nom de la Députation de la Foi, a expliqué d’une manière détaillée, à deux reprises, cette question de l’objet dans la définition de l’infaillibilité pontificale. Voici sa dernière intervention, en date du 16 juillet 1870 (M. 52, 1316-1317) : « La troisième remarque concerne l'objet de l’infaillibilité. J’ai déjà parlé longuement là-dessus, et néanmoins, comme les restrictions elles-mêmes le manifestent, plusieurs révérendissimes pères demeurent encore incer­ tains sur le sens des mots qui s’y rapportent, et de là proposent plusieurs nouvelles formules pour l'objet de l’infaillibilité. Et la plupart du temps, ces formules comportent deux propositions, dont la première, le plus souvent, est indéterminée, de sorte quelle se rapporte à tous les décrets pontificaux, sans distinctions ; et dans la seconde proposition, la première est en quelque manière déterminée et limitée. La Députation de la Foi ne peut approuver une telle manière d’énoncer la chose; elle préfère de beaucoup sa formule déjà admise par l’assemblée générale ; celle-ci énonce en une seule proposition tout ce qui concerne l'objet de l’infaillibilité, en telle sorte pourtant qu'il soit présenté sous une double notion, l’une géné­ rique et l'autre spécifique. La notion générique, c’est que le pontife Romain jouit de l'infaillibilité quand, accomplissant sa charge de pasteur et docteur suprême, il définit une doctrine, sur la foi et les mœurs, à tenir par toute l’Eglise ; par cette notion générique, nous apprenons que le pontife Romain parlant ex - 119 - ** - K- \ r T·^ L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE cathedra est infaillible lorsqu’il définit quelque chose ayant trait à la foi et aux mœurs. Mais par la notion spécifique qui est jointe, nous apprenons qu’il y a une distinction à faire, dans l’extension de cette infaillibilité, pour son application à chaque décret du pontife Romain ; de telle sorte que les uns (comme c’est aussi le cas pour les définitions dogmatiques des conciles) sont certains de foi ; et en conséquence, celui qui nierait que le pape est infaillible en portant de tels décrets, par le fait même, - qu’il nie ou qu’il affirme la doctrine en elle-même -, deviendrait hérétique ; les autres décrets du pontife Romain sont eux aussi certains en ce qui concerne leur infaillibilité, mais cette certitude n’est pas la même, tout comme dans les autres définitions et décrets des conciles la certitude n’est pas la même au sujet de l’infaillibilité du concile. En effet cette certitude est seulement une certitude théologique, en ce sens que celui qui nierait que l’Église, ou de la même façon le pape, est infaillible dans de tels décrets, ne serait pas en tant que tel ouvertement hérétique, mais commet­ trait une erreur extrêmement grave, et avec cette erreur un péché des plus graves. Ainsi dans notre formule nous énonçons tout l’objet en une seule proposition, mais sous une double notion générique et spécifique : en sorte que par la notion générique apparaît seulement l’objet de l’infaillibilité en général, et avec la notion spécifique, apparaît la certitude de cette infaillibi­ lité : de foi, ou seulement certitude théologique. » [Rappelons ici l’énoncé de cette définition de l’infaillibilité du pape (D. 1839) : « Le Pontife Romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, s’acquittant de sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, la doctrine de la foi et des mœurs qui doit être tenue par l’Église universelle, jouit grâce à l’assis­ tance divine qui lui a été promise dans le bienheureux Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église quand elle définit la doctrine de la foi et des mœurs ; c’est pourquoi de telles définitions du Pontife Romain sont irréformables par leur vertu propre, et non par celle du consentement de l’Église. »] Dans sa première intervention sur cette question (11 juillet), Mgr Gasser avait porté témoignage de l’accord de tous les théologiens sur le fait de cette infaillibilité, et expliqué que leurs discussions portaient seulement sur la « note théologique » à donner à cette doctrine (M. 52, 1226): « 3°, comme je l’ai dit, il y a d’autres vérités plus ou moins étroitement liées aux dogmes révélés, qui bien que non révélées en elles-mêmes, sont pourtant requises pour la garde intégrale du dépôt, pour sa bonne explica­ tion et pour sa définition efficace ; les vérités de cette sorte, auxquelles Ιζ' — 120 — 4 LOBJET SECONDAIRE DE L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE appartiennent aussi les faits dogmatiques, en tant que sans elles le dépôt de la foi ne pourrait être gardé et exposé, n’appartiennent pas par ellesmêmes au dépôt de la foi, mais bien à la garde du dépôt de la foi. De là, absolument tous les théologiens catholiques reconnaissent que l’Église est infaillible dans la proposition authentique et la définition de ces vérités, de sorte que nier cette infaillibilité est une erreur très grave. Mais la diversité des opinions porte uniquement sur le degré de la certitude, à savoir si l’infaillibilité dans la proposition de ces vérités, et donc dans la condamna­ tion des erreurs par des censures inférieures à la note d’hérésie, doit être considérée comme dogme de foi, de sorte que celui qui nierait cette infail­ libilité serait hérétique ; ou bien si c’est seulement une vérité non révélée en elle-même, mais déduite du dogme révélé, et donc seulement théologi­ quement certaine. » Journet, qui d'ailleurs se réfère aux deux textes de Gasser, a bien récapitulé cet état de la question dans son ouvrage déjà cité (Le Mes­ sage Révélé') pp. 64-65 : L’Église par son magistère définit d’une manière infaillible et irréfor­ mable : tout d'abord les ventés de foi catholique, c’est-à-dire les vérités quelle déclare contenues dans le dépôt révélé, et qui sont, en conséquence, à croire de foi divine. Et elle définit encore d’une manière infaillible et irréformable ce qu’on appelle par abréviation les vérités infaillibles : vérités « connexes » et faits « dogmatiques », dont la négation entraînerait cellemême du dépôt révélé. Ces vérités sont-elles définies comme infaillibles parce quelles sont implicitement contenues dans le dépôt révélé, et sontelles dès lors croyables de foi divine, sur l’autorité même de Dieu ? Ou restent-elles extérieures au dépôt révélé, et dès lors croyables de foi seule­ ment ecclésiale, sur l’autorité immédiate de l’Église, qu’on suppose alors assistée d’une manière infaillible et non pas seulement prudentielle? Et alors faudrait-il concéder que l’Église puisse définir infailliblement un point qui ne serait pas inclus dans le dépôt divin ? Cest la première opinion qui nous paraît recevable. Mais, ayant signalé les deux opinions, les Pères du premier concile du Vatican n’ont pas voulu trancher le débat. Cette réserve paraît dans la manière dont le concile a défini l’infaillibilité du pape : le pontife romain, est-il dit, " jouit de cette infaillibilité dont le divin Rédemp­ teur a voulu pourvoir son Église quand elle définit la doctrine de la foi et des mœurs ” (D. 1839). Que l’Eglise, et donc pareillement le pape, jouisse de l’infaillibilité en définissant une " vérité révélée ”, tous le regardent comme certain d'une certitude de foi ; que l’Église, et donc pareillement le pape, jouisse de l'infaillibilité en définissant une " vérité connexe ” ou un ’’ fait dogmatique ”, les uns le regardent comme certain d'une certitude de foi ( lre opinion), les autres le regardent comme certain d’une certitude théologique (2*™ opinion). » Revenant un peu plus loin sur cette question (op.cit. p. 108 §1), Journet précise bien que même dans cette deuxième opinion, on a — 121 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE affaire à une « certitude absolue, inébranlable, bien qu'inférieure à la certitude de foi». Nous avons nous-même souligné ce point un peu plus haut (p. 117 §5). Il est évidemment le corrélât obligé de l’infaillibilité, qu'on attribue celle-ci immédiatement à Dieu, ou bien égale­ ment à Dieu mais dans une sorte de médiation par l'autorité de l’Église (c'est d'ailleurs cette deuxième vue, impliquée par la notion de « foi ecclésiastique», que la « première opinion» du texte de Journet estime étrangère à la réalité). Complément et confirmation : le « projet Kleutgen » L'exposé que nous venons de donner sur l’infaillibilité du magistère par rapport à l’objet secondaire se trouve bien confirmé et illustré par le « projet Kleutgen » dont nous avons déjà parlé (pp. 15-16). Il était en effet prévu que le point de doctrine qui nous occupe soit explicitement défini dans la seconde constitution sur l’Église. Voici le texte prévu dans le schéma réformé par le Père Kleutgen, conformément aux désirs des Pères conciliaires (M. 53, 313 C -314 A) : < En outre, ce don remarquable de l’infaillibilité, accordé à l’Église par l’assistance du Saint-Esprit, et qu'il faut distinguer du charisme d’inspira­ tion, est entièrement destiné à ceci : que l’Église garde le bon dépôt selon l’avertissement de l’Apôtre (II Tim I, 13), à savoir la doctrine divinement transmise de la foi et des mœurs, qu'elle le protège de toute nouveauté profane et de corruption (I Tim VI, 20), quelle le déclare plus précisément et d'une manière plus riche selon l'opportunité, et quelle le défende contre les attaques de la fausse science. Donc, bien que le magistère ecclésiastique porte en propre et principalement sur la parole de Dieu elle-même, écrite ou transmise ; cependant, il est nécessaire qu'il traite aussi de toutes les choses telles que la garde de ce divin dépôt ne peut s'exercer sans juge­ ment à leur sujet*. Or le don divin par lequel l'Église ne peut se tromper s'étend autant que sa charge suprême d’enseigner. C’est pourquoi il faut condamner l’opinion de ceux qui affirment que l'assentiment de l'intelli­ gence n’est pas dû à certaines définitions de l'Eglise, parce quelles statuent sur des choses qui ne sont pas contenues par elles-mêmes dans le dépôt de la révélation, ou parce quelles édictent bien avec autorité une sentence à tenir, mais sans la déclarer dogme divinement révélé. » [* « (Ici, on pourra ajouter, si l'on veut) : parmi lesquelles se trouvent d'abord des doctrines de droit naturel et d’autres disciplines humaines, et aussi la doctrine de livres dont on cherche le sens propre et authentique. » (Note de Kleutgen.)] — 122 — LOBJET SECONDAIRE DE L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE Le Père détaillées au transcrire ici ( Église pour Kleutgen avait joint des justifications rhéologiques schéma réformé qu'il présentait. Nous croyons utile de les arguments qu'il expose en faveur de l'infaillibilité de l'objet secondaire du magistère (M. 53, 326-328) : « 1. Lorsque le Christ Seigneur a envoyé ses Apôtres, et en eux l’Église, promettant d erre avec eux jusqu'à la fin des temps, il a ordonné que ceux qui croiraient et seraient baptisés soient instruits de manière à observer tout ce que lui-même avait commandé (Matth. finale). C'est pourquoi l'Église n'a pas rempli sa charge, si elle n'a pas formé les fidèles de manière à ce qu'ils sachent conformer toute leur vie aux préceptes du Christ. Cela ne peut se faire si l'on n'apprend pas aux fidèles à juger, à partir du révélé, beaucoup de choses non révélées en elles-mêmes. De même en effet qu'il existe de multiples liens entre l'ordre surnaturel et l'ordre naturel, de même les dogmes révélés, tant les spéculatifs que plus encore les pratiques, sont liés et mêlés de multiples manières aux choses connues par la raison naturelle et l'expérience. Or, s'il appartient à la charge de l'Église de diriger les fidèles dans ces jugements, elle sera pro­ tégée de l'erreur par la présence du Rédempteur dans l'accomplissement de cette partie de sa charge autant que dans les autres. 2. Ce que l'on voit par la charge de l'Église, on le connaît aussi par les paroles par lesquelles Jésus-Christ a promis l'assistance de l’Esprit divin : il vous enseignera toutes choses (Jo XIV, 26) ; il vous enseignera toute la vérité (Jo XVI, 13). Ces mots certes ne doivent pas être pressés, selon nous, [de manière à comprendre] que l'Église serait instruite par le SaintEsprit même dans les choses qui n’ont rien à voir avec le salut éternel ; mais il ne faut pas non plus les prendre d'une manière si restrictive, qu’on pense que l'Église n'est guidée que dans les affirmations révélées Une promesse si ample ne comprend-elle donc pas toutes les choses dont la connaissance est nécessaire pour comprendre avec fruit la doctrine du Christ, et la suivre dans toute notre vie ? Et il n'est pas requis, pour que les jugements de l'Église sur ces choses soient très certains, que l’Esprit-Saint lui fasse de nouvelles révélations, mais seulement qu'il la dirige, et dans la compréhension de la parole de Dieu, et dans l'usage de la raison. Est-ce que nous-mêmes nous ne jugeons pas chaque jour beaucoup de choses non révélées à partir des vérités révélées, et est-ce que nous ne devons pas faire ainsi ? Ce que donc nous faisons chacun avec risque d'erreur, l’Église le fait dans ses jugements publics, en étant protégée contre ce risque par l’assis­ tance du Saint-Esprit. De ce que nous avons dit jusqu'ici, on n’infère d’une manière prochaine que ceci : l’Église, en définissant les choses non révélées par elles-mêmes, mais cependant liées au révélé, ne peut se tromper Mais on déduit à bon droit de là ce que nous cherchons. Car les choses qui sont condamnées non comme hérétiques mais comme erronées, scandaleuses etc. sont le plus souvent de cette sorte. Mais venons-en aux arguments directs et propres. 3. Les erreurs qui ne sont pas des hérésies, mais s’en approchent plus ou moins, n'enlèvent pas la foi. mats la corrompent. Ce que Melchior Cano L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE illustre par la comparaison des maladies ("De Locis Theologicis" L. 12, c. 5) dont beaucoup, quoique non mortelles, blessent cependant gravement la santé, et conduisent peu à peu à la mort ; et le card, de Lugo, prenant un autre exemple, nomme remparts les jugements de l’Église dont nous parlons, car ils protègent la doctrine de la foi {de Fide, disp. 20, n. 97). Si donc l’Église se trompait dans ces jugements, pourrait-on encore l’appeler colonne et soutien de la vérité ? Est-ce quelle ne renverserait pas la foi elle-même par ses jugements erronés ? Et certes elle n’accomplirait pas la charge des bons pasteurs, qui consiste à offrir des aliments salutaires, mais elle conduirait le troupeau dans des pâturages de mort, 1 écartant des lieux salubres. 4. Ce que nous avont dit en général pour la doctrine de foi, doit être considéré principalement dans la règle des mœurs. Les conditions de la vie humaine sont si variées et multiples, que des questions innombrables sont soulevées sur les mœurs, dont on ne trouve pas de réponse dans la révéla­ tion elle-même. Et cependant l’Église a défini beaucoup d’entre elles par un jugement, marquant les mauvaises opinions par les censures dont nous parlons. Si donc elle se trompait dans ces jugements, serait-elle sainte, elle qui nous détournerait par sa doctrine et son autorité de l’honnêteté, et nous induirait dans le mal ? On comprendra l’étendue de cette raison, en considérant les propositions d’Eckart condamnées par Jean XXII, celles de Wicleff et de Huss par le concile de Constance, et surtout les opinions condamnées par Alexandre VII, Innocent XI et Alexandre VIII. 5. Et puisqu’il est certain pour presque tous que l’Église ne peut errer dans la règle des mœurs, de telle manière quelle décrète qu’on doit tenir pour mal quelque chose de bon, ou pour bien quelque chose de mal : est-ce autre chose, de proscrire une opinion comme téméraire, erronée, scanda­ leuse, séditieuse etc. que de déclarer interdit et déshonnête de la favoriser et de la défendre ? 6. Et en vérité, l’Église a coutume de porter les jugements dont nous parlons avec la plus extrême gravité et sévérité. De là, tout ce que nous avons dit se trouve renforcé. Si en effet l’Église, en condamnant ces opi­ nions, peut se tromper, que s’ensuit-il, sinon qu’il est possible que tous les fidèles soient forcés par l’Église, divinement établie comme mère et maî­ tresse, à embrasser des erreurs qui corrompent la foi et les mœurs, en vertu d’un décret sévère, et sous peine d’excommunication ? 7. Il y a encore un argument si manifeste et si robuste qu’il peut suffire à lui seul. Dans de nombreuses constitutions par lesquelles des erreurs sont condamnées, les censures ne sont pas appliquées en particulier à chaque opinion, mais sont données ensemble aux opinions énumérées ; non pas que toutes les censures s’appliquent à chaque opinion, mais de telle manière que l’une au moins des censures s’applique à chaque opi­ nion : ce qu’on appelle condamner in globo. Si l’Église est infaillible en infligeant toutes les censures, il n’y a pas grand inconvénient de laisser aux discussions des théologiens l’application des censures pour chaque opi­ nion, puisqu’il est certain que chaque opinion proscrite en mérite au moins une et doit être réprouvée. Mais si l’Église n’est infaillible qu’en portant la censure d’hérésie, tout ton jugement fait de cette manière manque de force — 124 — LOBJET SECONDAIRE DE L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE et d'efficacité. Qu’est-ce qui sera connu si on admet cela ? Ceci seulement que, par exemple, parmi beaucoup d’opinions de Wicleff, certaines sont hérétiques et donc certainement à condamner. Mais comme on ne sait pas desquelles il s'agit, on ne sait pas non plus lesquelles sont condamnées par un jugement infaillible. Que le lecteur mesure l'amplirude de cet argument, et la gravité de ce qu'il recouvre. De la même manière que les opinions de Wicleff et Huss par le concile de Constance ont été condamnées celles de Luther par LéonX, de Baïus par saint PieV, de Michel de Molinos par Innocent XI, trente et une propositions des Jansénistes par Alexandre VIII, enfin les opinions de Quesnel dans la Bulle Unigenitus par Clément XI puis par plusieurs de ses successeurs. Pour toutes ces erreurs, donc, si l’Église est infaillible seulement en donnant la note d’hérésie, nous devons avouer ce que nous venons de dire, à savoir que le jugement de l’Église ne prouve la perversité d’aucune. Une opinion qui enlève toute force à tant de constitutions que tout le monde catholique vénère comme règles de foi ne peut être ni vraie ni tolérable. » Nous complétons et récapitulons ces explications de Kleutgen, en signalant les deux canons prévus, dans le schéma réformé, pour accompagner la doctrine exposée dans le chapitre sur ce sujet (M.53,316D): « Canon 9- Si quelqu’un dit que l’Église du Christ peut se détacher de la vraie foi, soit en croyant, soit en enseignant, ou du moins quelle n’est protégée de l’erreur dans rien d’autre que ce qui est contenu par soi dans la parole de Dieu ; qu’il soit anathème. Canon 10. Si quelqu'un dit qu’il est permis d’enseigner ou de penser, au sujet de quelque opinion que ce soit proscrite par l’Église, contre ce qui a été établi par celle-ci ; qu’il soit anathème. ou : Si quelqu’un dit que l’Église peut se tromper lorsqu’elle condamne des opinions mauvaises par une censure inférieure à celle d’hérésie, ou sans note précise ; qu’il soit anathème. » A propos de ces canons, Kleutgen déclare (M. 53, 329 B) : « Que ce point soit si certain qu’il puisse être sanctionné par un canon, d’une part nous le concluons à partir de ce que nous avons dit ci-dessus, à partir de l’Écriture elle-même, et d’autre part cela se connaît par le fait qu'en cas contraire l’Église ne serait pas infaillible même dans les canons des Conciles œcuméniques. Qu'on lise par exemple les canons du Concile de Trente sur la Sainte Eucharistie, sur le Sacrifice de la Messe, et aussi sur le mariage, dans lesquels bon nombre de points sont définis qui ne peuvent être dits révélés par eux-mêmes.» — 125 — L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Résumé - Conclusion Il apparaît donc que l’infaillibilité du magistère vis-à-vis des vérités liées au dépôt de la foi est elle-même une doctrine infailliblement enseignée (d’une manière implicite), par la pratique constante du magistère de l’Église qui réclame une soumission absolue de l’intelli­ gence à ses décrets portant des censures inférieures à l'hérésie. Cette doctrine est également théologiquement certaine, en vertu de plu­ sieurs textes du magistère, surtout de Vatican I, et aussi en vertu de l’accord unanime des théologiens. Elle est proche de la définition, si on considère le schéma prévu pour la deuxième constitution sur l’Église à Vatican I. Enfin, il faut y insister, elle est pour une part définie dans le texte de Vatican I sur l’infaillibilité du pape (D. 1839). Explicitons ce dernier point. Il faut bien remarquer que la question des «vérités connexes» comporte deux aspects distincts. La question peut concerner la doc­ trine en elle-même: est-ce que telle proposition, non contenue par elle-même dans le dépôt, mais qui s’en déduit nécessairement, peut être enseignée infailliblement par l’Église ? C'est là, en propre, la question de 1’« objet secondaire ». Mais la question peut concerner non plus directement la doctrine, mais la présentation de la doctrine par l’Église : est-ce que l’Église est infaillible lorsqu’elle présente telle doctrine à tenir, sans la déclarer explicitement révélée ? Cette deuxième question, quoiqu'elle ne soit pas sans liens avec la précédente, en est pourtant réellement distincte. Il se peut en effet que l’Église présente une doctrine qui objectivement est révélée, sans la déclarer telle, sans se prononcer sur le caractère « révélé par soi ». Pour cette part, la question est définie par la constitution Pastor Æternus de Vatican I. Celle-ci en effet n’exige pas, pour l’infaillibilité, que le pape (ou l’Église), présente la doctrine « comme révélée », mais seulement qu’il définisse la doctrine « à tenir ». Au point de vue donc du critère, qui est la proposition par le magistère, la question est définitivement tranchée. — 126 — * LOBJET SECONDAIRE DE L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE Si on veut remonter de là au premier aspect de la question, tout n’est pas dit. Car, pour conclure absolument à partir du seul texte de Vatican 1 définissant l’infaillibilité du pape, il faudrait être sûr que de fait le magistère a présenté comme « à tenir » des vérités non révélées par elles-mêmes. Or, comme l’expliquait Journet dans les textes que nous avons cités, les adversaires de la « foi ecclésiastique » considèrent comme objectivement révélées (implicitement, mais «par soi») les doctrines sur lesquelles l’Église a effectivement porté le jugement « à tenir» et que les partisans de la « foi ecclésiastique » (comme le Père Kleutgen) estiment non révélées par elles-mêmes (seulement « vir­ tuellement » révélées). Cette première partie de la question, d’ordre ontologique et non pas critériologique, demeure donc bien - à s’en tenir au seul texte de Vatican I sur l’infaillibilité du pape - ouverte, comme Gasser le décla­ rait et comme Journet le rappelle. Laissons le dernier mot au magistère qui, par la bouche de Léon XIII, récapitule en une phrase vigoureuse les exigences de l’in­ faillibilité vis-à-vis des doctrines liées au dépôt (c'est nous qui soulignons): « Le Souverain Pontife doit pouvoir déclarer avec autorité ce que contient la parole divine, quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines s’en écartent ; pour la même raison, il doit pouvoir montrer ce qui est bien et ce qui est mal, ce qu’il faut faire et ce qu’il faut éviter pour faire son salut; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète certain de la parole de Dieu, ni le guide sûr de la vie humaine. » (Léon ΧΙΠ, Sapientiæ chrisüanæ, E.P.S. E. 513-) — 127 — *» - ANNEXE II INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION Plusieurs auteurs, lorsqu’ils expliquent quelles sont les conditions d’infaillibilité du pape définies à Vatican I (Pastor Æternus, D. 1839), comptent parmi celles-ci, de manière plus ou moins précise, la volon­ té ou l'intention d’obliger. Certains même, surtout parmi les auteurs récents, ont tendance à étendre ce « critère » à l’infaillibilité en géné­ ral (et non plus seulement à ce mode particulier d’exercice qui leur a servi de point de départ : la définition ex cathedra portée par le pape seul). Qu’en est-il donc de cette « intention d’obliger > ? Nous allons l’examiner succinctement dans cette annexe. Nous étudierons d’abord les rapports entre l’infaillibilité et l’obligation en général (ce qui nous permettra de conclure pour l’exercice ordinaire du magistère infaillible). Ensuite, nous nous tournerons vers le cas particulier de la définition ex cathedra. Exposé général « Porro fide divina er catholica ea omnia credenda sunt, quæ in verbo Dei scripto vel tradito continentur et ab ecclesia sive solemni judicio sive ordinario et universali magisterio tamquam divinitus revelata credenda proponuntur. » (Dei Filius, ch. Ill ; D. 1792) Nous connaissons bien ce texte promulgué à Vatican I Mais nous l’avons étudié jusqu’ici surtout pour son affirmation de l'existence du mode ordinaire de l’exercice du magistère infaillible. Nous allons maintenant dégager ce qu’il nous apprend sur l’obligation liée à l’infaillibilité. Voici d’abord quelques traductions fournies par les auteurs. Nous donnons cet échantillon, car nous verrons, dans le prochain sous-titre, qu'un théologien a donné, une fois, une autre traduction présentant L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE une divergence notable pour la question qui nous occupe. a) JOURNET, Le Message Révélé, p. 113 : « Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole de Dieu écrite ou transmise, et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé. » b) GOUPIL, La Règle de la Foi, tome I, 3èmcéd., p. 55 : « Il faut croire de foi divine (...) ce que l’Église, par un jugement solennel ou par le magistère ordinaire universel, propose à croire comme divinement révélé. » [C’est nous qui indiquons la coupure par le signe : (...) ; l’auteur ne la signale pas !] LIÉGÉ, Initiation Théologique, tome I, p. 34 : « On doit croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui se trouvent contenues dans la Parole de Dieu, écrite ou traditionnelle, et que l’Église propose pour qu’on les croie comme divinement révélées, quelle fasse cette proposition par un jugement solennel ou par son magistère ordinaire et universel. » THILS, L’infaillibilité pontificale, p. 23 : « Sont à croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui sont contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise et qui sont proposées à croire, comme divinement révélées, par l’Église, soit dans un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel. » DUMEIGE, La Foi Catholique, éd. de 1975, p.49 (n°93) : « De plus, on doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu, écrite ou transmise, et que l’Église propose à croire comme divinement révélé, soit par un jugement solennel, soit par le magistère ordinaire et universel. » MOINES DE SOLESMES, « Enseignements Pontificaux», L’Église n°341 : « On doit croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise par tradition, et que l’Église, soit — 132 — infaillibilité et obligation dans un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme vérité révélée. » g) MOINES DE SOLESMES, « Enseignements Pontificaux », NotreDame, n° 493 : « On doit croire de foi divine et catholique toutes les choses contenues dans la Parole de Dieu écrite ou transmise, et que l'Église, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à notre foi comme des vérités révélées par Dieu. » Ces diverses traductions sont concordantes sur les deux points qui forment l’essentiel de notre question. Comme nous l’avons dit, nous citerons et examinerons tout à l'heure un théologien qui fait en partie exception à cette unanimité : l’Abbé Vacant. Pour l’instant, nous pré­ sentons ce qui se dégage du texte tel qu’il est très généralement compris et traduit: nous verrons d’ailleurs que cette interprétation commune s’impose absolument. Le concile donc affirme d’abord l’existence d’une obligation de poser des actes de foi : fide divina et catholica ea omnia credenda sunt : « sont à croire », « il faut croire », « on doit croire »... et le fon­ dement de cette obligation est indiqué : on doit croire « ce qui est contenu dans la parole de Dieu ». C’est le caractère révélé (par Dieu) qui est la source de l’obligation de poser un acte de foi. On retrouve donc très exactement, au début de ce paragraphe Porro fide divina, l’enseignement donné par le concile au commencement du chapitre III qui le contient : Puisque l’homme dépend totalement de Dieu comme son Créateur et Seigneur et que la raison créée est complètement soumise à la Vérité incréée, nous sommes tenus, lorsque Dieu se révèle, de lui présenter par la foi la soumission plénière de notre intelligence et de notre volonté. » (D. 1789.) Telle est la substance des choses, la « métaphysique » de l’obliga­ tion liée à la Révélation et à la Foi. La source, le motif formel, la cause propre et adéquate de cette obligation, c'est la Vérité incréée qui se révèle, c'est la Véracité divine, ou encore, comme le dit la suite du texte que nous venons de citer (D. 1789), « l'autorité de Dieu luimême se révélant, qui ne peut ni se tromper ni nous tromper». 4 TJLO L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Comme on le voit, toute la question de 1’« obligation » est réglée, substantiellement, avant et en dehors de l’intervention de l’Église. Quel est donc ici son rôle ? Comme on l’a vu (p. 39), l’intervention infaillible de l’Église a pour fonction de déterminer avec précision l’objet matériel de la foi : c’est-à-dire de faire savoir avec certitude quelles sont en détail les vérités révélées. Le rôle propre de l’Église n’est donc nullement d'obliger à croire ; il est de certifier infailliblement que telle proposition appartient au donné révélé (ou s’y rattache, pour les « vérités connexes »). En bref, le magistère comme tel n’oblige pas à croire, mais propose ce qui est à croire comme divinement révélé (ou à tenir comme lié au dépôt ; nous ne préciserons plus toujours cette deuxième possibilité, puisque nous l’avons étudiée en détail dans notre Annexe I. Nous parlerons ici en fonction de l’objet primaire de l’infaillibilité; l’application à l’objet secondaire est immédiate). C’est bien ainsi que les choses sont présentées par le texte de Vatican I. L’exercice du magistère infaillible, comme tel, ne comporte pas d’affirmer une obligation, mais de faire connaître le caractère révélé d’une proposition : « quœ (...) tamquam divinitus revelata cre­ denda proponuntur» ; ce que (l’Église) «propose à croire comme divinement révélé » ou « propose à notre foi comme des vérités révé­ lées par Dieu ». En vertu de ce texte de base de Vatican I, l’acte propre du magistère infaillible comporte seulement d’affirmer le caractère révélé d’une proposition ; et alors, ipso facto, l’obligation lie le croyant : on doit croire. Non pas parce que l’Église créerait une obligation, mais parce que le fidèle connaît, par suite de l’affirmation infaillible de l’Église, que telle proposition est révélée et qu’ainsi il se trouve lié par l’obliga­ tion générale de croire ce qui est révélé s’appliquant à ce cas particulier. Il est vrai que l’autorité de l’Église exerce souvent son pouvoir de juridiction conjointement au pouvoir magistériel, en frappant de peines ecclésiatiques (« anathèmes » ou autres) ceux qui refusent exté­ rieurement son enseignement. Mais l’acte du pouvoir de juridiction est formellement et réellement distinct de celui du pouvoir magisté­ riel. Cela est manifeste d’après le texte de Vatican I que nous venons d’analyser, et qui ne mentionne pas l’intervention du pouvoir de — 134 - U INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION juridiction. Et cela a été clairement exposé par le Père Kleutgen, dans les justifications théologiques jointes au schéma réformé sur l’Église (cf. pp. 15-16) : « Dans ces décrets, il est nécessaire de distinguer l’interdiction (ou le commandement) de la définition (ou du jugement sur la doctrine). D’abord, en effet, l’Église définit que telles opinions sont mauvaises ; ensuite, elle les interdit comme telles, et elle établit des peines contre les contumaces. Or, on doit la soumission de l'esprit à l’Église qui définit, même si elle n’ajoute aucun précepte. Puisqu’en effet Dieu nous a donné l’Église comme mère et maîtresse pour tout ce qui concerne la religion et la piété, nous sommes tenus de l'écouter quand elle enseigne. Cest pour­ quoi, si la pensée et la doctrine de toute l’Église apparaît, nous sommes tenus d’y adhérer, même s'il n'y a pas de définition : combien plus donc si cette pensée et cette doctrine nous apparaissent par une définition publique ? » (M.53, 330 B) Cet exposé doctrinal de l’un des théologiens de la Députation de la Foi à Vatican I est en pleine concordance avec le texte de Dei Filius que nous avons expliqué. L’interdiction ou le commandement (et donc l'explicitation de l’obligation) ne sont nullement constitutifs de l’acte infaillible : ni pour le magistère ordinaire (en dehors d’une définition au sens strict), ni pour le magistère extraordinaire («définition»). Dans tous les cas, l’acte du magistère garanti par l’infaillibilité est le « jugement sur la doctrine » (conformité ou désaccord avec la Révéla­ tion). Et alors les fidèles doivent adhérer, dans le même acte, et à la doctrine enseignée, et au jugement de l’Église, toujours à cause de l’autorité de Dieu qui révèle : qui révèle, et telle doctrine en particu­ lier, et qu’il assiste infailliblement l’Église dans son enseignement. Bien entendu, si l'interdiction, ou le commandement, ou les peines canoniques ne sont pas constitutifs de l’acte infaillible, ils peuvent en être le signe. Tel est le cas bien connu des « canons avec anathème» des conciles œcuméniques, spécialement de Trente et de Vatican I. Dans le canon, seule la peine d'excommunication contre ceux qui disent telle doctrine est explicitée. Mais tous les catholiques recon­ naissent que c’est le signe certain du jugement infailliblement porté par l’Église sur la doctrine elle-même. - 135 - L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Une difficulté Comme nous l'avons signalé plus haut, Vacant rompt l’unanimité dans la traduction de D. 1792, soulevant par là une difficulté pour la doctrine que nous venons d'exposer. Voici en effet sa traduction du texte : « On doit croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui se trouvent contenues dans la parole de Dieu écrite ou traditionnelle et que l’Église propose comme devant être crues, en tant que divinement révélées, quelle fasse cette proposition par un jugement solennel ou par son magistère ordinaire et universel. » {Études Théologiques..., tome II, 1895, p. 82.) « Propose comme devant être crues » : voilà l’innovation de Vacant et, semble-t-il, l’exigence de l’affirmation d'une obligation comme constitutive de l’acte infaillible. Il est donc nécessaire d’examiner si la traduction de Vacant est correcte, bien quelle aille à l’encontre de celle qui est admise par la plupart des auteurs ; il faudra également voir, si la conclusion est affirmative, ou même si un doute subsiste en faveur de la traduction de Vacant, quelles sont les conséquences pour la doctrine elle-même. Observons d’abord que Vacant n'est pas très fixé sur sa traduction, et que le point litigieux ne joue aucun rôle dans les explications qu’il fournit sur l’infaillibilité. En effet, dans l’exposé de 1887 publié dans La Science Catholique, exposé repris substantiellement et parfois lit­ téralement dans l’ouvrage de 1895, Vacant donnait une traduction conforme à celle que nous rencontrons chez les autres auteurs : « On doit croire, de foi divine et catholique, toutes les vérités qui se trouvent contenues dans la parole de Dieu écrite ou traditionnelle et que l’Église propose à notre foi comme divinement révélées, quelle fasse cette proposition par un jugement solennel ou par son magistère ordinaire et universel. » {La Science Catholique, 1887, p. 301.) — 136 — INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION Les explications données par Vacant concordent bien avec cette traduction : « En étudiant la foi, le Saint Concile a voulu déclarer quelles sont les vérités qu’il faut croire de foi divine et catholique, c'est-à-dire sous peine d'être hérétique aux yeux de l’Église et d'être exclu de son sein. Or, on le sait, ces vérités sont celles que l’Eglise propose à notre foi comme révélées. Elles doivent par conséquent remplir deux conditions : 1° être révélées ou renfermées dans la parole de Dieu ; 2° être proposées comme telles à notre foi par l’Église qui affirme explicitement quelles sont dans la révéla­ tion divine et qui, par suite, manifeste clairement à tous ses enfants l'obli­ gation de les croire. » (ibid. p. 302) On retrouve bien ici la doctrine que nous avons précédemment mise en lumière : l’Église propose telle vérité comme divinement révélée : il s’ensuit que l’obligation de croire est clairement manifes­ tée. Ce deuxième point est une conséquence, non un constituant de l’acte infaillible. Cet enseignement se maintient d’ailleurs dans l’ouvrage de 1895. Vacant y écrit : « (Le Concile) enseigne en effet que cette foi doit porter sur toutes les vérités, qui se trouvent contenues dans la parole de Dieu... et que l’Église propose comme s’imposant à la foi, en tant que divinement révélées, (...). Or si, considérées en bloc, toutes les vérités révélées sans exception, s’im­ posent à la foi de tous ; prises isolément celles-là, et celles-là seulement, peuvent être regardées comme obligatoires pour tous, que l’Église propose comme certainement révélées. » (Études Théologiques..., 1895, pp. 84-85) On voit que dans le commentaire même de sa nouvelle traduction. Vacant conserve la doctrine découlant de la traduction commune : l’Église « propose comme certainement révélé » et, en conséquence, il y a « obligation pour tous ». Vacant écrit encore, dans le même ouvrage de 1895 (p. 85) : « Aussi Jésus-Christ a-t-il établi son Église pour proposer ces vérités aux savants comme aux ignorants, et l'assiste-t-il pour qu elle le fasse infailliblement. Les vérités quelle déclare révélées le sont donc certaine­ ment ; elles s'imposent sans aucun doute à la foi de tous les chrétiens. » — 137 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Nous pouvons conclure, au point de vue doctrinal, que Vacant est en plein accord avec l'exposé que nous avons donné, conformément à la «traduction commune» et aux explications de Kleutgen. Et il n’a nullement manifesté l’intention d’introduire un changement de doc­ trine par sa nouvelle traduction (qu'il ne justifie pas, et ne souligne même pas). Il est donc probable que Vacant n’a pas eu conscience de la diffi­ culté qu'il introduisait. Cela n’est pas impossible, car sa traduction n’exclut pas l’interprétation qui s’impose selon la traduction com­ mune. Quand Vacant traduit : « que l’Église propose comme devant être crues en tant que divinement révélées », on peut bien com­ prendre que l’affirmation faite par l’Église du caractère révélé suffit à indiquer l’obligation. Cette interprétation n’est pas exclue par le texte. Mais elle ne s’impose plus. Quelle est donc la valeur de cette traduction de Vacant ? Salvo meliore judicio, il nous paraît quelle est absolument inexacte. En effet, l’idée d’obligation est associée en latin à l’adjectif verbal employé comme attribut avec le verbe être : c’est par exemple le cas au début du paragraphe « Porro » : « on doit croire », « credenda sunt ». Mais il n’en est plus de même dans le passage qui nous occupe. Nous avons ici un adjectif verbal uni au sujet (nominatif) d’un verbe passif, forme similaire à celle que l’on rencontre quand l’adjectif ver­ bal est uni au complément d’objet à l’accusatif, après des verbes signi­ fiant des idées comme «donner à faire», «se charger de faire» etc. Une telle construction ne marque pas l’obligation, mais la destination. On consultera par exemple la grammaire latine Debeauvais, édition 1965, n°831. L'auteur donne comme exemple: «.dedit mihi libros legendos », « il m’a donné des livres à lire » ; et, au passif : « libri mihi dati sunt legendi » : « on m’a donné des livres à lire ». Nous tenons donc pour acquis que la seule traduction correcte est celle qui est généralement reçue, et que la « nouvelle » traduction de Vacant est fausse. Il nous reste à présenter quelques arguments supplémentaires en faveur de la doctrine que nous avons dégagée du texte de Vatican I. — 138 — ’<»·-*■· -i-» INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION Le texte de Pie IX sur le magistère ordinaire La question doctrinale peut facilement être tranchée, conformé­ ment à la traduction correcte et aux explications de Kleutgen, si on se réfère au texte de Pie IX déjà connu du lecteur (cf. p. 39). On se rappelle (cf. p. 39) que la Députation de la Foi, dans le paragraphe « Porro fide divina », a voulu reprendre la doctrine déjà exprimée par Pie IX dans Tuas libenter. Or, sur le point qui nous occupe, le texte du pape est déterminant : « Etiamsi ageretur de illa subjectione quæ fidei divinæ actu est præstanda, (...) ad ea quoque extendenda (esset), quæ ordinario totius Ecclesiæ per orbem dispersa? magisterio tamquam divinitus revelata traduntur (...).» (D. 1683) « Même s'il s'agissait de cette soumission qui doit s’accorder par un acte de foi divine, (...) il faudrait aussi l'étendre aux vérités qui sont transmises comme divinement révélées par le magistère ordinaire de toute l’Église dispersée sur la terre („.) » Ici, aucun doute n'est possible : l’acte du magistère ordinaire infail­ lible ne comporte aucunement, comme tel, l’affirmation d’une obliga­ tion, mais seulement l’affirmation du caractère révélé. Et en consé­ quence l’acte de foi s’impose à tous. Le sens du texte de Vatican I s'éclaire ainsi d’une manière incontes­ table, par la source à laquelle il se rattache. En conséquence, la doctrine que nous avons exposée est bien l'en­ seignement même de l’Église. Un texte de Léon XIII, et un de Pie XII Bien entendu, la doctrine que nous avons exposée doit se retrouver, à l’occasion, dans d'autres textes du magistère, si elle est vraiment, comme nous l’avons montré, la doctrine même de l’Église. Nous présentons donc, à titre de confirmation, deux textes éclairants de souverains pontifes. — 139 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Voici d'abord un enseignement de Léon XIII, dans sa grande Ency­ clique sur l’unité de l’Église, Satis cognitum, du 29 juin 1896 : « Il est donc évident, d'après tout ce qui vient d'être dit, que Jésus-Christ a institué dans l’Église un magistère vivant, authentique et, de plus, perpé­ tuel, qu'il a investi de sa propre autorité, revêtu de l'esprit de vérité, confirmé par des miracles, et il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les siens propres. Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l'ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai ; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s'ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu lui-même serait l'auteur de l'erreur des hommes. » (E.P.S. E„ 571-572) [Quoties igitur hujus verbo magisterii edicitur, traditæ divinæ doctrtnæ com­ plexu hoc contineri vel illud, id quisque debet certo credere verum esse : si falsum esse ullo modo posset, illud consequatur, quod aperte repugnat, errores in homine ipsum esse auctorem Deum} (Ibid. 572») Là encore, Léon XIII indique clairement que l’acte infaillible du magistère consiste à déclarer l’appartenance de telle doctrine au dépôt, et non pas à affirmer ou à imposer une obligation. L'obligation qui lie le fidèle est présentée comme une conséquence, qui a sa source propre dans la Véracité divine. En outre, ce texte de Léon XIII permet de commenter d’une manière « authentique » le texte de Vatican I. En effet, le pontife lui-même, après un développement sur la nécessité de croire tout ce que l’Église enseigne, récapitule son exposé en se référant au texte de Vatican I : « Les Pères du concile du Vatican n'ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n’ont fait que se conformer à l’institution divine, à l'antique et constante doctrine de l’Église et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret : "On doit croire de foi divine et catholique toutes les vérités qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise par la tradition et que l’Église, soit par un jugement solennel, soit par son magis­ tère ordinaire et universel, propose comme divinement révélées. " » (E.P.S. E., 574) Pie XII apporte lui aussi un éclatant témoignage sur ce point, dans un texte que nous avons déjà cité (cf. pp. 53-54). — 140 — INFAILLIBILITE ET OBLIGATION Dans Munificentissimus Deus, Pie XII rappelle que presque tous les évêques ont répondu oui à la question : « pensez-vous (...) que l'Assomption corporelle de la bienheureuse Vierge puisse être propo­ sée et définie comme dogme de foi?». (E.P.S. N.D., 491-492). Le pape remarque que l'on connaît ainsi « l’accord universel du magistère ordinaire de l’Église » ; et il affirme que cet accord fournit un « argu­ ment certain » pour établir que l’Assomption est * une vérité révélée par Dieu». Et le pape ajoute aussitôt: «et par conséquent elle doit être crue fermement et fidèlement par tous les enfants de l’Église » (E.P.S. N.D. 493 ; cf. supra pp. 53-54 et p. 97). On observe toujours la même doctrine : l’acte infaillible du magis­ tère ordinaire consiste à dire que la vérité est révélée. Alors, tous les fidèles ont la certitude ; et donc, ils doivent croire. Les différents éléments réunis jusqu’ici nous permettent de conclure avec certitude : l’acte infaillible du magistère ne comporte pas, comme tel, l’affirmation explicite du caractère obligatoire de la doctrine enseignée (bien qu’une telle affirmation puisse constituer, lorsqu’elle existe, le signe topique de l’infaillibilité de l’acte magistériel). En particulier, l’exercice du magistère ordinaire infaillible, qui se fait par l’enseignement et la prédication quotidienne des évêques unis au pape, ne comporte pas, comme condition nécessaire, une telle affirmation d’obligation. Il nous reste à examiner, à cause des positions au moins confuses de quelques auteurs, si l’explicitation du caractère «obligatoire» de telle doctrine ne serait pas une condition nécessaire de la « définition ex cathedra », telle qu’elle a été définie pour le pape à Vatican 1 (D. 1839). Définition ex cathedra et obligation Là encore, l’origine de la difficulté peut se rattacher à une question de traduction. Voici d’abord celle que donne Journet, pour le fameux décret de Pastor Ætemus (D. 1839) : — 141 — •s B - A 4 L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE « Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, s’acquittant de sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, la doctrine de la foi et des mœurs qui doit être tenue par l’Église universelle, jouit grâce à l’assis­ tance divine qui lui a été promise dans le bienheureux Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu pourvoir son Église quand elle définit la doctrine de la foi et des mœurs. » (cf. Journet, Le Message Révélé, p. 111) Mais, sur le point qui nous occupe, Dumeige donne un texte différent: « Le pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Église, jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fût pourvue son Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. » (Cf. Dumeige, La Foi Catholique, éd. 1975, n°484) Ainsi, pour le passage qui décrit l'acte même exercé infailliblement par le pape : « Romanum Pontificem, cum (...) doctrinam de fide vel moribus ab universa Ecclesia tenendam definit* (D. 1839), nous avons deux versions divergentes : : « lorsqu’il définit la doctrine (...) qui doit être tenue par l’Église universelle » OU «lorsqu'il définit qu’une doctrine (...) doit être tenue par toute l’Église. » Dans le premier cas, c’est la doctrine qui est l’objet de la définition. Le caractère « obligatoire» est sans doute attaché à la doctrine, mais comme une propriété objective. On retrouve la structure que nous avons observée pour l'infaillibilité en général : déclarer que telle doc­ trine bien précisée est révélée, ou liée à la révélation, c’est définir une doctrine qui est «à tenir par toute l’Église», puisque tout ce qui est certainement révélé (ou connexe) est « à tenir ». — 142 — JJ Τι' r An· λ INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION Dans le deuxième cas, tout change : l'objet de la définition, c'est le caractère «obligatoire pour tous». Si cette deuxième traduction est la bonne, il faut reconnaître que l'affirmation explicite du caractère obli­ gatoire de la doctrine est une condition nécessaire d'une définition ex cathedra au sens de Vatican I. Or la deuxième traduction est relativement répandue ; nous la trouvons par exemple dans les « Enseignements Pontificaux » tra­ duits par Solesmes (E.P.S. E. 371), dans Liégé (Initiation Théologique, tome I, p. 35), dans Choupin ( Valeur des décisions..., 3emcéd., p. 7). La traduction Journet a également ses adeptes ; nous en trouvons une semblable, par exemple, chez Mgr Perriot (L'Ami du Clergé, 27 février 1908, pp. 194 sq.), ou chez Dupuy (Dictionnaire Catholicisme, art. « Infaillibilité», col. 1556). Ce dernier fournit même une variante intéressante : « Lorsqu’il définit une doctrine concernant la foi ou les mœurs pour quelle soit tenue par l’Église universelle. » Malgré la diversité des positions, nous croyons pouvoir conclure, ici encore, au rejet absolu des traductions du type « Dumeige ». La raison grammaticale est la même que celle que nous avons exposée ci-dessus pour le texte de Vatican I sur le magistère ordinaire. « Doctrinam ab universa Ecclesia tenendam definit » n'est pas du tout la même chose que « doctrinam ab universa Ecclesia tenendam ESSE definit ». C’est la deuxième phrase qui devrait se traduire : « il définit qu'une doctrine doit être tenue... ». Mais c’est la pemière qui est dans le texte conciliaire : « il définit une doctrine à tenir par toute l'Église ». C’est la destination qui est marquée par la construction, comme le marque Dupuy. Ainsi, il paraît établi que le texte de Pastor Æternus, dans son sens exact, ne réclame pas. comme condition d’une définition ex cathedra, l'explicitation du caractère obligatoire. Cette conclusion grammaticale est corroborée par le parallèle établi dans le texte entre l'infaillibilité du pape qui définit, et l'infaillibilité L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L’ÉGLISE Γ : de l’Église qui définit. Or, pour l’Église qui sert de point de référence, il est affirmé clairement que l’objet de la définition est la doctrine (et non pas une « obligation ») : « cette infaillibilité que le divin Rédemp­ teur a voulu donner à son Église quand elle définit la doctrine sur la foi ou les mœurs » {qua divinus Redemptor Ecclesiam suam in defi­ nienda doctrina de fide vel moribus instructam esse voluit). Le parallèle serait pour le moins boiteux si l’on n’adoptait pas pour le cas du pape la traduction dont nous pensons avoir montré la néces­ sité grammaticale. En outre, selon l’enseignement officiel de l’Église, il n’y a pas de différences, quant à l’acte, entre les jugements solennels de l’Église enseignante et ceux du pape parlant ex cathedra. Le code de 1917, en effet, après avoir rappelé au canon 1323 § 1 le texte de Dei Filius·. « On doit croire etc. (D. 1792) » ajoute, au § 2 du même canon : < Prononcer ces jugements solennels revient en propre soit au concile œcuménique, soit au pontife romain parlant ex cathedra. » Ce sont donc bien les mêmes jugements solennels (ou définitions solennelles) qui sont portés par l’Église ou par le pape. Cette re­ marque rend certaine la conclusion tirée d’une manière probable à partir du parallèle établi par Vatican I entre l’Église et le pape. Il reste à montrer que, dans cette interprétation, la mention « ab universa Ecclesia tenendam » n’est pas sans objet. En effet, dans ses explications sur ce passage, Mgr Gasser affirme explicitement (M. 52, 1226) que le fait qu’il s’agit d’une doctrine « à tenir par toute l’Église » doit être manifesté « au moins jusqu’à un certain point» {aliquatenus saltem). Il y a donc deux éléments qui doivent être en quelque manière explicités. D’abord, le fait que la doctrine définie appartient à la classe des doctrines « à tenir » ; le pape doit donc expliciter en quelque manière que la doctrine dont il traite est révélée, ou liée au dépôt, ou théologiquement certaine etc. Ensuite, le pape doit indiquer que son enseignement s’adresse à toute l’Église. Cela va de soi, lorsque cet enseignement est donné dans un document adressé à toute l’Église ou à tous les évêques. Mais lorsqu’il s’agit d'un texte adressé à une personne particulière, à un évêque par exemple, la question peut se poser, et n’est pas facile à résoudre. — 144 — INFAILLIBILITÉ ET OBLIGATION Quoiqu'il en soit de ce dernier point, on voit que, dans la traduction dont nous avons établi la vérité, la mention « à tenir par toute l’Église » conserve une signification précise et indispensable. Et ainsi, la cohérence de l’ensemble est bien assurée. Illustration Il est facile d’éclairer et en même temps de confirmer ce qui pré­ cède par un exemple manifeste. Absolument tous les catholiques reconnaissent que la définition de l’Assomption par Pie XII (1er no­ vembre 1950) est une définition ex cathedra. Or, dans ce cas, il est également clair que Pie XII définit une doctrine, et non une quelconque obligation : «... par l’autorité de Notre Seigneur Jésus-Christ, des bienheureux Apôtres Pierre et Paul, et par Notre propre autorité, Nous affirmons, Nous déclarons et Nous définissons comme un dogme divinement révélé que : l’immaculée mère de Dieu, Marie toujours vierge, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée en corps et en âme à la gloire céleste. » (Munificentissimus Deus ; D. 2333) Le pape ajoute, mais dans un autre paragraphe, et comme une conséquence de la définition infaillible qui vient d’être donnée par lui : « Par conséquent, si quelqu’un, ce qu a Dieu ne plaise, osait volontaire­ ment nier ou mettre en doute ce que Nous avons défini, qu'il sache qu’il a totalement abandonné la foi divine et catholique. » On remarque que même dans ce paragraphe, qui n’est pas intégré à la définition mais vient après elle, le pape ne porte pas de censure ; il se borne à énoner un fait, qui découle (Par conséquent, Quamobrerri) de la définition infaillible: celui qui nie ou met en doute ne peut conserver la foi. Nous observons donc que même dans le cas le plus solennel de « définition ex cathedra » depuis la définiton de Vatican I, le rapport — 145 — •SK.- -^ùr L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE que nous avons mis en lumière entre l’obligation et l’infaillibilité en général se trouve en fait respecté. Ce qui doit être explicité, c’est le caractère révélé (ou « connexe ») de la doctrine proposée par le magistère. Il faut également qu’il appa­ raisse que cet enseignement s’adresse à route l’Église. C’est manifeste lorsqu’il s'agit d’un enseignement donné par l'ensemble du corps épiscopal ; une explicitation peut s’avérer nécessaire dans le cas d’un document papal s’adressant matériellement seulement à une ou quel­ ques personnes. Ceci étant fait, tous les fidèles se trouvent effectivement liés par l'obligation d'assentir, obligation qui découle entièrement de Dieu qui révèle. L’énoncé de cette obligation peut être un signe de l’acte infaillible, il n’en est pas un constituant nécessaire. Nous l’avions établi pour le magistère comme tel, et pour le magis­ tère ordinaire infaillible. Nous pouvons ajouter maintenant : même pour les jugements solennels. 146 — ANNEXE III UN ÉCLAIRCISSEMENT DE PIE IX • r- • - ·■· <<*-» « On doit croire de fot divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu écrite ou transmise par tradition, et que ['Église, soit dans un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé. » Nous ne nous sommes pas arrêté, au cours de notre étude, à un point assez évident par lui-même, mais dont il vaut peut-être mieux dire un mot. Le texte de Vatican I que nous venons de rappeler caractérise l’objet de la foi divine et catholique de deux manières : « ce qui est proposé par l'Église », « ce qui est contenu dans la parole de Dieu ». Il est clair, par la nature même des choses, que ce ne sont pas là DEUX CRITÈRES que l’on devrait observer pour conclure qu’on est en présence d’un objet de foi. Cela est clair puisque d'une manière générale on doit croire tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu. Si donc il était nécessaire que le croyant vérifie par lui-même ce fait, l’intervention de l’Église serait sans objet. En réalité, le texte de Vatican I envisage l’objet de la foi à deux points de vue différents. Le premier, que l'on peut appeler ONTOLO­ GIQUE, puisqu’il décrit l’essence des choses : l’objet de la foi, c'est ce qui est contenu dans la parole de Dieu. Le deuxième qui est, et lui seul à l'exclusion du premier, CRITÉRIOLOGIQUE : la proposition par Il est donc absolument exclu, par la nature même des choses, de considérer la première affirmation de notre texte (« ce qui est contenu dans la parole de Dieu») comme un premier critère, qui devrait s’ajouter à la proposition de l'Église, pour que celle-ci soit infaillible. En d’autres termes, il est évidemment exclu que le fait même d'être contenu dans la Parole puisse être un critère de l’infaillibilité de l'acte du magistère : c’est ÉVIDEMMENT exclu, parce qu’une telle position revient à nier l’infaillibilité de l’acte en elle-même (s’il faut vérifier le fait de l'appartenance de la doctrine à la Révélation, c’est que ce fait n’est pas certain, et donc que l'acte n’est pas infaillible) et dans sa finalité essentielle (l’infaillibilité a pour raison d’être de nous garantir — 149 — ·" 7 t ··** '*”· < · —* — ·■· L’INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE que celle doctrine appartient au dépôt ; elle perd donc sa raison d’être si on ne peut l'affirmer sans vérifier d’abord cette appartenance). Nous pensons utile, à ce sujet, de rappeler un texte topique de PieIX. Ce texte porte directement sur un jugement solennel; mais comme dans l’enseignement de Vatican I le magistère ordinaire est mis sur le même plan que les jugements solennels, par rapport à la première affirmation (« ce qui est contenu dans la Parole »), la portée générale des explications de Pie IX est manifeste (c’est nous qui soulignons) : « Comme tous les fauteurs d’hérésie et de schisme, ils se vantent faus­ sement d'avoir conservé l'ancienne foi catholique, alors qu’ils renversent le principal fondement même de la foi et de la doctrine catholique. Ils recon­ naissent bien dans l’ÉCRITURE et la TRADITION la source de la Révéla­ tion divine; mais ils refusent d’écouter le MAGISTÈRE TOUJOURS VI­ VANT DE L’ÉGLISE, bien que ressortant clairement de l'Écriture et de la Tradition, et institué par Dieu comme un gardien perpétuel de l'exposi­ tion et de l’explication infaillibles des dogmes transmis par ces deux sources. Par suite, avec leur science fausse et bornée, indépendamment et même à l'encontre de l’autorité de ce magistère divinement institué, ils s'établissent eux-mêmes juges des dogmes contenus dans ces sources de la Révélation. Car font-ils autre chose, lorsqu’à propos d’un dogme de foi DÉFINI PAR NOUS, avec l’approbation du saint Concile, ILS NIENT QUE CE SOIT UNE VÉRITÉ RÉVÉLÉE PAR DIEU et exigeant un assentiment de foi catholique, tout simplement parce qu’A LEUR AVIS CE DOGME NE SE TROUVE PAS DANS l’ÉCRITURE ET LA TRADITION? Comme s’il n’y avait pas un ordre dans la foi, institué par notre Rédempteur dans son Église et toujours conservé, selon lequel LA DÉFINITION MÊME d’un dogme DOIT ÊTRE TENUE A ELLE SEULE pour une démonstration suffisante, très sûre et adaptée à tous les fidèles, que la doctrine définie EST CONTENUE dans le double dépôt de la révélation, écrit et oral. C'est d'ailleurs pourquoi de telles définitions dogmatiques ont toujours été et sont nécessairement une règle immuable pour la foi comme pour la théo­ logie catholique, à laquelle revient la très noble mission de montrer com­ ment la doctrine, au sens même de la définition, est contenue dans le dépôt révélé. » (Lettre Inter gravissimas, 28 octobre 1870, à l'assemblée épiscopale de Fulda; E.P.S. E. 374-375) — 150 — NOTE BIBLIOGRAPHIQUE Les indications fournies ici ont pour seul but d'aider le lecteur qui voudrait prendre une connaissance plus détaillée de l’état de la question sur le magistère et l'infaillibilité. Il va donc de soi que la mention d’un ouvrage dans cette note n'équivaut nullement à une approbation de son contenu. Quelques études récentes G. BAVAUD : Les deux manières de justifier l’infaillibilité de l’Église dans Nova et Vetera, juil.-sept. 1983, pp. 161-167. G. DEJA1FVE : Où en est le problème de l’infaillibilité pontificale, dans Nouvelle Revue de Théologie, 1978, pp. 373-388. A. VAN BUNNEN : Les apories logiques du dogme de l'infaillibilité pontificale, dans Revue des Sciences philosophiques et Théolo­ giques, janv. 1983, pp.45-86. C.-J. DUMONT : Sur la pleine acception biblique du mot * vérité » et ses implications en matière d’infaillibilité, dans Ret ue des Sciences Phil, et Théol., janv. 1983, pp. 87-96. M.-L GUÉRARD DES LAURIERS: Sophisme et truisme, dans Cahiers de Cassiciacum, N° 5 déc. 1980, pp. 5-37. (Cet article fournit par avance des réponses substantielles aux difficultés logiques qui arrêtent Van Bunnen.) P. TOI NET : Docilité ecclésiale et enténèbrement idéologique, dans Revue Thomiste, oct.-déc. 1980, pp. 567-612. J.-G. PAGÉ : Qui est l’Église ?, 3 vol., éd. Bellarmin, Montréal. 1977-1979(Compte-rendu par Congar. RSPT 1982. pp.92-93: «Somme ecclésiologique pleine de riche information et de sagesse» Le volume Π1 traite de l'infaillibilité aux pp. 511-566.) Collectif : Le Magistère. Institution et Fonctionnement - Recherches de Science Religieuse, Paris, 1983. L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Y. CONGAR : La « réception » comme réalité ecclésiologique, dans Rev. des Sc. Ph. et Théol., 1972, pp. 369-403Y. CONGAR: Infaillibilité et indéfectibilité, dans Rev. des Sc. Ph. et Théol., 1970, pp. 601-618. Débat sur l’infaillibilité autour de H. Küng H. KÜNG: Infaillible? Une interpellation, DDB, 1971. Collectif, sous la direction de K. RAHNER : La Infalibilidad de la Iglesia. Respuesta a Hans Küng, B.A.C., Madrid, 1978. Le dossier Küng. Faits et documents, Communio, Fayard, 1980. Pour une perspective historique M. WOJTOWYTSCH : Papsttum und Konzile von den Anfdngen bis zu Leo I, Stuttgart, 1981. U. HORST : Unfehlbarkeit und Geschichte, Mainz, 1982. Avant Küng Deux ouvrages collectifs permettent de se renseigner sur les idées en circulation sur l’infaillibilité pendant la période «conciliaire» antérieure à Küng (les « années 60 ») : - L’infaillibilité de l’Église, collection « Irenikon », éd. de Chevetogne, 1963. - L’infaillibilité. Son aspect philosophique et théologique, Aubier, éd. Montaigne, 1970. Travaux plus classiques DUBLANCHY : Art. « Église » dans le Dictionnaire de Théologie Catho­ lique, tome IV, col. 2175-22 : « Le Dogme catholique sur le Magistère infaillible de l’Église ». - 152 - NOTE bibliographique DUBLANCHY : Art. « Infaillibilité du pape », D.T.C., tome VII, col. 16381717. (Article componant de bonnes données historiques) DUPUY : Art. « Infaillibilité de l’Église », dans le dictionnaire Catholi­ cisme, Letouzey et Ané, fasc. 22, col. 1549-1572, 1963. JOURNET : L’Église du Verbe Incarné, tomes I et II, DDB, 1941 (1955) et 1951. (L’ouvrage de Journet reste classique pour la théologie de l’Église. Mais, en ce qui concerne le magistère et l’infaillibilité [cf. tome I], la perspective d’ensemble de l'auteur est faussée du fait qu’il inclut le magistère dans le pouvoir de juridiction. Voir la mise au point de M.J. Nicolas dans Revue Thomiste, 1946, p. 391. Sur la spécificité du magistère par rapport à b juridiction, on consultera les deux études suivantes.) SALAVERRI : dans Sacræ Theologùe Summa, B.A.G, Madrid, tomel, 5èmcéd., 1962, pp. 952-976. (Le triple pouvoir, loi fondamentale de l’Église. En dépit de sa bonne orientation, l’auteur n’échappe pas à un certain volontarisme pour ce qui est du pouvoir de juridiction.) Y. CONGAR: Sur la trilogie: Prophète - Prêtre - Roi, dans R.S.P.T., 1983, pp. 97-115. JOURNET : Le Message Révélé, DDB, 1964. (Fournit une synthèse accessible au lecteur non théologien, mêmes réserves que ci-dessus.) Approche scripturaire L. MARCHAL: Art. « Infaillibilité de l’Église et du Souverain Pontife», dans le Supplément au Dictionnaire de la Bible (Pirot, Robert), Letouzey et Ané, tome IV, 1949, col. 351-384. A. MÉDEBIELLE : Art « Église », dans le même dictionnaire, tome Π, 1934. (Plusieurs passages se rapportent au magistère ou à l’infaillibilité. Voir surtout col. 536-545 (hiérarchie] ; 545-596 [primauté de Pierre] ; 607-622.653-660; 681682 [conclusion sur l’infaillibilité doctrinale].) Doctrine de saint Thomas d’Aquin E MÉNARD: La Tradition. Révélation. Écriture. Église selon Saint Thomas d'Aquin, DDB, 1964. — 153 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Doctrine de Vatican I VACANT : Études Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican d’après les Actes du Concile. La Constitution Dei Filius, 2 volumes, 1895; Delhomme et Briguer, Éditeurs, Paris, Lyon. (Vacant n’a pas continué cette œuvre. Elle demeure classique pour 1 etude des questions abordées par Vatican I dans sa première constitution.) TORRELL: La Théologie de l'épiscopat au premier concile du Vatican. éd. du Cerf, Unam Sanctam 37, 1961. (Ouvrage bien informé sur les sources ; utile pour connaître les discussions sur l’Église à Vatican I [sauf pour ce qui concerne directement le pape, qui ne rentre pas dans le sujet du livre].) CAUDRON : Magistère ordinaire et infaillibilité pontificale d'après la constitution Dei Filius, dans Ephemerides Theologica Lovanensis. tome 36, I960, p. 393-431. (Article bien documenté pour l’étude du paragraphe «Porro fide divna». Mais l’auteur poursuit un but limité : montrer que ce paragraphe conciliaire ne concerne pas l’infaillibilité du pape seul. Cette conclusion négative est facilement établie. En revanche, les explications positives de l’auteur sur le sens de ce texte demeurent confuses et fort discutables.) P. N AU : Le Magistère Pontifical Ordinaire au 1er Concile du Vatican. dans Revue Thomiste, juil.-sept. 1962, pp. 341-397. (L’auteur connaît et critique l’article de Caudron. Il défend l’infaillibilité du magistère pontifical ordinaire. Les Actes de Vatican I sont bien utilisés. Malgré de bonnes remarques, la synthèse reste faible et peu convaincante, plutôt confuse.) G. THILS: L'infaillibilité Pontificale. Duculot, 1969. (Étudie également les Actes de Vatican 1. Cette recherche lui fait perdre de vue le texte même qui a été promulgué. L’auteur soutient arbitrairement la thèse selon laquelle Vatican 1 aurait exclu l’infaillibilité papale dans les cas autres que ceux pour lesquels il l’affirme. Cette thèse se retrouve chez plusieurs auteurs récents qui, pour mieux restreindre l’infaillibilité du pape, semblent prêts à attribuer une sorte d’infaillibilité au concile pour des questions qu’il n’a pas traitées !) Varia — Sur la question de l’objet secondaire de l’infaillibilité et de la foi ecclésiastique, on consultera : NOTE BIBLIOGRAPHIQUE F. MARIN-SOLA: L'évolution homogène du dogme catholique. 2 vol., Fribourg (Suisse), 2èrne éd. 1924 ; M.L. GUÉRARD DES LAURIERS : Dimensions de la Foi. éd. du Cerf, tome II, 1952, Excursus IX : La foi ecclésiastique. (Les deux tomes de cet ouvrage, malheureusement inachevé, sont particulièrement à recommander pour prendre une vue d’ensemble, éloignée du volontarisme et du rationalisme, de la théologie de la Foi) — Pour une étude générale sur la nature de 1’« obligation », nous conseil­ lons la lecture de : TONNEAU : Absolu et obligation en morale, Vrin, 1965. — 155 - INDEX DES NOMS CITÉS Cet index ne comporte pas les noms cités dans les notes. Un nombre entre parenthèses à la suite d’un nom indique qu’il s’agit d’un auteur dont le témoignage est cité dans la deuxième partie. Le nombre entre parenthèses indique alors le numéro d’ordre de ce témoignage dans notre texte. Alexandre VII : 124 Alexandre VIII : 124, 125 Alexandre (Noël) : 25 Amat : 47 Apuzzo : 32 Aubert: 13 Augustin (saint) : 68 Avanzo (d’) : 21-26, 36, 41 Bainvel (43) : 99 Baïus : 125 Bartmann (6) : 65 Battifol (32) : 87 Beauduin (28) : 65 Bellamy (44) : 100 Berthier (4) : 63 Betti (47) : 103 Calvin : 109 Cano (Melchior) (54) : 109 Caudron (41) : 95 Cauly (18) : 76 Chavasse (29) : 85 Choupin : 143 Clément XI: 125 Congar(27) : 84 Coste (37) : 89 Cristiani (30) : 86 David : 48 Debeauvais : 138 Descoqs : 12 Dumeige : 132, 142, 143 Dupuy:143 Eckart : 124 Errington : 18. 19 Franzelin (14) : 72, 92 Gasser: 26-28, 83, 104, 119-121, 127, 144 Gazzaniga : 48 Gore : 87 Goupil (12): 71, 132 Gouraud (20) : 78 Gréa (25): 81-83 Hamer: 15 Hasseveldt (26) : 83 Héris (31): 86 Hervé (10) : 69 Hilaire (saint) : 83 Hurter (7) : 66, 63 Huss: 124, 125 Ignace d’Antioche (saint) : 82 Innocent XI : 124, 125 Irénée (saint) : 104 lung (23) : 79 Jean XXII: 124 Jérôme (saint) : 67, 69 Journet (49), (50): 14, 105-107, 116, 117, 121, 122, 127, 132, 141-143 Jugie (33), (34): 87, 88 Ketreler : 32 Kleutgen: 15, 16, 34-36, 122, 123, 125,135,139 Labourderte (35), (42) : 88, 96 Lécuyer (48) : 103 Léon X : 125 LéonXIIl: 3-6,11, 127. 139. 140 — 157 — L'INFAILLIBILITÉ DU MAGISTÈRE ORDINAIRE ET UNIVERSEL DE L'ÉGLISE Liégé (5): 64, 132, 143 Luther: 125 Maïer: 15 Marguerye : 32 Martin : 17-21, 37, 38, 41, 48, 49, 95 Martinez : 18, 19, 39 Mazella (11) : 70 Molinos: 125 Montcheuil (de) (36) : 89 Monzon y Martins : % Mouiard (21) : 78 Nicolas (42) : 96 Orrieux (45) : 101 Ott (3) : 61 Pascal (de) (17) : 75 Perriot: 143 Philips (46) : 102 Pie: 16,45 PieV (saint): 125 Pie IX : 13,19,20, 39,41,42,48,49, 57,68,70-72, 80,84, 104,105, 118, 139, 147, 150 Pie XII : 4,6, 50-54,97,98,139,140, 141, 145 Pouget (19) '■ 77 Quesnel : 125 Rahner (24) : 80 Riario : 32 Rivière (39) : 90 Robert Bellarmin (saint) (53) : 109 Salaverri (15) : 73 Schrader: 15 Schultes (13) : 72 Senestrey: 119 Simor: 13, 39, 41 Simplice: 104 Stepischnegg: 31, 41 Suarez (52)-: 108 Sullivan (2) : 160 Tanquerey (1) : 59 Texier (22) : 79 Thils (38): 89, 132 Thomas d’Aquin (saint) (51) : 107 Torrell : 15 Vacant (40): 95, 11, 93, 115, 117, 133,136-138 Vigué (16) : 74 Vincent (21) : 78 Vorgrimler (24) : 80 Wicleff: 124, 125 Zapelena (8) : 67 Zinelli: 28-31,41 Zubizaretta (9) : 68 158 - r; iuwj'· i ÉDITIONS Association Saint-Herménégilde diiUri, U 10 Jéctmbr» 197} 18, Avenue Bellevue - 06100 NIŒ