par Sébastien Renault
« Toutes choses ont un pourquoi, mais Dieu n’a pas de pourquoi. »
(Maître Eckhart, 1260 – 1328)
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Dans le monde actuel de la « post-vérité » normalisée, la seule posture à strictement parler acceptable et acceptée consiste à considérer que chaque individu est sa propre source de vérité et d’autorité morale. Un tel état de fait, entériné par l’évidence culturelle qui nous pénètre et nous habite presque universellement, finit par induire en nous la croyance illusoire que nous ne répondons finalement à aucune autorité épistémique et morale objective, immuable et transculturelle—à l’exception bien sûr de celle de l’État, surtout lorsque celui-ci enjoint au peuple ses directives sanitaires au nom des principes sacrosaints du Covidisme institutionnel.
La détermination de ce qu’il est juste de penser, de croire et de proférer ne saurait, en dernière instance, que résider en l’individu—c’est du moins ce que l’on fait avaler à dessein à l’individu massifié par le relativisme universel, moyennant l’influence soustraite mais efficace de la suggestibilité lobbyiste, de la programmation neurolinguistique, du détournement numérique de la compréhension intellective, et de toutes les formes contemporaines du contrôle social s’exerçant sur l’inconscient du public. En matière de « post-vérité », l’individu n’est donc sa propre référence imaginaire que dans la mesure de sa soumission bien réelle à une programmation culturelle neuro-mentale fondée sur la prestidigitation logique de l’absolutisation du relativisme.
De même dans l’ordre de la causalité, principe universel lui aussi de nature à la fois épistémique et morale, la substitution relativiste et pluraliste a aujourd’hui fait son chemin culturel pour supplanter graduellement l’objectivité que lui reconnaissaient jusque récemment aussi bien les sciences naturelles que la métaphysique, et par-là induire une nouvelle norme « post-causale » des effets observés dans le monde et dans la société 1.
Nous examinons dans ce qui suit ce phénomène de supplantation relativiste par rapport aux principes de causalité et de vérité objectives, plus érodés que jamais en ces temps de contagion par la fausse nouvelle mondialisée.
Pour beaucoup de gens aujourd’hui, respecter ou admettre certaines « vérités » revient simplement à souscrire à certaines opinions parmi d’autres, leurs opinions propres ou celles d’autrui, qui ne sont souvent que leurs opinions du moment—un peu comme le sont les relations amoureuses contemporaines qui, centrées sur la sentimentalité et ses satisfactions toujours éphémères, se font et se défont au gré de quelque forme de commodité transitoire, financière, sexuelle, etc. 2.
Dans nos sociétés axées sur la communication instantanée de l’information via le réseau mondial du neuro-pouvoir numérique, la pensée relativiste (consciente ou inconsciente) constitue la norme philosophique sous-jacente la plus répandue. L’hyper-connexion numérique et le relativisme cognitif sont désormais synonymiques. Tout est a priori sur un pied d’égalité (égalitarisme dogmatique oblige), tout se vaut (selon une estimation évidemment illusoire mais implicitement adoptée, par conformité démocratique et par crainte d’enfreindre l’impératif antidiscriminatoire). Le pluralisme informationnel en continu supplée le pouvoir d’une forme d’éthique supérieure (par supplantation du « bien » et du « mal », notions tenues pour obsolètes puisque associées à la vision chrétienne du monde et d’un ordre moral universel) et de réévaluation de ce qui est communément tenu pour « vrai » ou « réel » en termes de pluralités cognitives et de nihilisme métaphysique (lequel engendre tôt ou tard l’anéantissement collectiviste des individus réels sur l’autel du matérialisme athée), comme le dicte le perspectivisme radical et inconditionnel de la pensée moderne, en sa racine distinctement protestante.
Par contraste avec cet ordre « ancien », nos sociétés postchrétiennes se targuent de promouvoir le libéralisme, l’inclusivité multiculturelle et la tolérance à tous crins. Le régime qu’elles préconisent nous fait passer de la vérité objective au pluralisme opinioniste, de la moralité fondée sur une loi naturelle et la cultivation des vertus à une éthique des « préférences » et des « valeurs » personnelles. Le paradigme est foncièrement différent. Il s’appuie entièrement sur le support d’une logique relativiste intrinsèquement viciée, ce que nous montrerons plus loin.
Dans l’ordre de la réalité alternative façonnée et véhiculée au moyen de la fausse nouvelle, le discours paralogique va jouer un rôle parallèle à celui que joue l’authentique discours logique dans l’ordre de la pensée et de son rapport au monde réel. Il conduit en conséquence de nombreuses personnes à souscrire, sur fond dogmatique inconscient de relativisme absolutisé, à la démocratisation opinioniste de la vérité, donc à la « post- » ou « trans-vérité » de notre culture soumise au pouvoir de la narration journalistique.
La montée de l’humanisme issu des Lumières a d’abord jeté les bases d’une reconception de la réalité s’appuyant sur le rejet systématique de toute référence transcendante et surnaturelle, c’est-à-dire sur la récusation prétendument « rationnelle » de Dieu et des implications religieuses de Sa réalité inéluctable. L’émergence du post-modernisme a quant à lui engendré et consacré le relativisme et le pluralisme dans lesquels nous respirons aujourd’hui, sans vraiment pouvoir changer d’air. La primauté de Dieu et de nos devoirs envers Lui ont culturellement disparu, remplacé par « les droits de l’homme ». La foi, vertu théologale exercée par l’intelligence rationnelle dans son acte libre d’assentir aux vérités d’une révélation, a été réduite à un sentimentalisme religieux plus ou moins irrationnel, donc à l’ordre préférentiel et subjectif de la sphère purement privée de tout un chacun. En conséquence, il n’existe pas d’autorité en dehors du monde des diverses constructions et projections humaines, de l’humanisme anthropocentré et de son relativisme supplanteur d’autorité absolue, mais régnant aujourd’hui sans partage…
Nous sommes en quelque sorte revenus à la situation spirituelle qui était celle de l’Église naissante et de son essor exponentiel « jusqu’aux extrémités de la Terre » par la prédication apostolique (Actes 1, 8). L’Empire romain, sous lequel de nombreux chrétiens ont été martyrisés, était pluraliste et tolérant à l’égard des religions, à l’exception du christianisme… Une telle obstination persécutrice à travers les âges (comme l’atteste le sang des nombreux martyrs, au-delà de celui qui fut versé à Rome), par ailleurs annoncée par le Christ Lui-même (Matthieu 24, 9)3, constitue à elle seule un véritable critère de certification quant à l’origine et à l’autorité divine de la religion apostolique : « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui. Mais parce que vous n’êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. » (Jean 15, 18-19)
L’humanisme pluraliste et relativiste ayant désintégré la culture morale commune d’inspiration chrétienne et les principes d’objectivité intellective de la raison, la société n’est plus maintenue que par une illusion d’objectivité, celle que véhicule et idéalise l’activité économique redéfinie et conditionnée par le programme mondialiste. Par quoi il faut bien sûr entendre qu’une telle vision de l’organisation économique du monde, animée par la dictature libérale et les intérêts de son oligarchie commanditaire, est purement et simplement soumise aux lois marchandes du marketing absolu—c’est-à-dire dévolue au règne de Mammon (cf. Matthieu 6, 24). Les « vertus » spécieuses de « tolérance » et « d’inclusivité multiculturelle » ne sont pas même ces « valeurs » démocratico-sociétales de vitrine que le système spectaculaire leur fait assumer pour renforcer le décervelage des masses. Elles sont des éléments à part entière des stratégies de manipulation de ce marketing absolu, ultime réalité de substitution en Occident postchrétien.
Cette situation de reprogrammation mentale des peuples par l’inoculation d’une réalité de substitution (que nous appellerons une « trans-réalité ») s’opère d’abord sur la base du remplacement des critères de vérité par ceux d’un ordre politico-sociétal dissocié de l’ordre naturel. De cette dissociation fondamentale naissent le scepticisme, le libéralisme, l’individualisme, l’indifférentisme (notamment en matière religieuse), l’égalitarisme, et finalement l’opinionisme—comme principe universel de détermination morale dans le « trans-ordre » du monde de la « post-vérité ». En somme, le relativisme contemporain, dans toute sa laideur paralogique et immorale. Dans de telles conditions, l’erreur, les préjugés, l’ignorance, l’idéologie, l’émotion et la manipulation permanente et intériorisée facilitent l’endoctrinement massif plus poussé qu’entend affermir le pouvoir de la « post- » ou « trans-vérité » organisée (Google, Fakebook, etc.) sur les prémisses de base des principales fictions sociales du moment : théorie de la transidentité LGBTQ-iste, environnementalisme, covidisme…
Puisque de telles fictions ne peuvent, par définition, correspondre à la réalité objective du monde ou à celle de la structure de l’âme humaine (dont nous allons reparler plus loin), il est impossible de les décrire en termes logiques. L’imposition d’une réalité de substitution va donc toujours nécessiter la construction et l’utilisation d’une logique alternative, d’un outil d’organisation conceptuelle et sémantique pour repenser le monde en ses propres termes, donc d’une « paralogique » ou fausse logique par rapport à la logique réelle. La paralogique consubstantielle au relativisme doit nécessairement correspondre, non pas à la réalité physique et métaphysique du monde, mais à la trans-réalité dont elle entend justifier les fausses prémisses, en sorte de pouvoir également gouverner la novlangue conceptuelle et linguistique qu’elle impose d’adopter à ses adeptes —et si possible au monde entier, dans une « unité » toute babélienne.
Les mêmes techniques qu’utilisent les gourous sectaires pour contrôler les esprits de leurs adeptes sont mises en œuvre à grande échelle par les systèmes totalitaires pour contrôler les esprits de sociétés entières. Ces techniques consistent à faciliter l’oblitération de la perception de la réalité du plus grand nombre, pour générer une marginalisation progressive des esprits dissidents et sains, prémisse de leur criminalisation future, et déjà commencée !
À titre d’exemple à grande échelle (celui de la planète), considérons en passant la facilitation de l’oblitération de la perception de la réalité du plus grand nombre dans le cadre de la grande persuasion d’une pandémie initiée à travers le monde il y a tout juste un an. C’est tout ce qu’il aura fallu pour qu’un discours officiel totalitaire se substitue à ce qu’on identifiait autrefois comme la « culture commune » d’un peuple (fond et pratique religieuses communes, morale commune, arts et sciences communes, idéaux politiques communs). C’est désormais le culte covidique, dans ses dimensions de mouvement totalitaire sanitaire mondial, qui fait office de « culture commune » des peuples soumis à la réalité de substitution qu’on impose, en son nom, aux quatre coins de la planète. Culte, culture, et donc neuropathologie covidique nécessairement collective… La dimension culturelle du covidisme mondial constitue bel et bien la mise en place désormais imparable d’un vecteur universel de trans-réalité.
Dans une construction d’obédience trans-réelle, l’outil paralogique manipule sans entraves les esprits encore implicitement portés au respect des principes de la raison, pour insuffler en eux l’extrapolation selon laquelle la pensée paralogique doit elle-même, d’une certaine manière, s’avérer « logique ». Ces esprits vont donc supposer à tort que les descriptions officiellement données de la trans-réalité doivent avoir une certaine interprétation raisonnable et réelle, par conséquent sensée et justifiable moyennant l’application de la véritable logique. En cherchant cette réinterprétation logique du discours paralogique ambiant, de nombreuses personnes finissent par se faire hameçonner, au service d’une neuropathie collective très utile au pouvoir.
En acceptant les prémisses fictives de quelque trans-réalité, les victimes déforment leur compréhension théorique du monde (leur manière de penser et de connaître, ou épistémè) en faveur d’une fausse logique et d’un discours proportionnellement falsifié, puisque portant sur la dites « trans-réalité » acceptée et présentée comme réelle, par refus de la réalité. Elles dépravent en outre leur compréhension pratique du monde (leur manière d’agir, ou morale) en faveur d’une fausse moralité. C’est dans ce contexte en voie de globalisation que l’on voit la fausse logique et sa novlangue relativiste induire une incapacité sociale à percevoir et à accepter la réalité sans finir par l’accuser de « distorsion sociale », principalement au service de l’ascendance masculine et de la suprématie blanche. Les figures militantes du mouvement transgenre et les féministes endurcis et enfermés dans une quête philosophico-sociétale gouvernée par leurs perversions sexuelles, en viennent aujourd’hui jusqu’à accuser le réel de « discrimination ». Et c’est ainsi qu’armés d’une morale subvertie, ils vont désormais percevoir et traiter « le mal comme le bien et le bien comme le mal. » (Cf. Is 5, 20)4
Le but d’une moralité subordonnée non pas aux faits de la réalité objective du monde et de l’âme humaine, mais plutôt tels qu’ils sont imaginés et réinventés pour valider une certaine forme de trans-réalité idéologique, est qu’elle soit finalement imposée de force, mais cela au nom de la démocratie, de celui du « droit » à une morale alternative (présupposant l’inexistence d’un fondement universel de la morale). C’est ainsi que se crée la pression sociale nécessaire pour maintenir le mensonge, son système de fausse logique parallèle et d’immoralité relativiste déguisée en vertu.
La trans-moralité d’une trans-réalité sera toujours totalitaire et injuste, comme le veut toute idéologie fondée sur la dénégation du fondement ontologique du vrai (qui se donne à connaître universellement) et du bien (qui se donne à accomplir universellement). En dépit, ou plutôt en raison du despotisme opinioniste à la racine de toute dystopie trans-morale, la dissidence et le questionnement ne peuvent être tolérés. Mais ce totalitarisme propre à l’imagination sociopathique trans-réelle parvient à se dissimuler par la dissémination de concepts à double sens, tels que la tolérance, la justice sociale, l’égalité, des impostures linguistiques qui doivent toutes, en pratique, être conditionnelles et sélectives pour toujours favoriser l’imposition unilatérale des doléances de la trans-réalité et graduellement en assurer la perpétuation étatico-médiatique.
L’épistémè qu’induit un peu partout le poison relativiste « trans-réel » se caractérise par plusieurs attributs sophistiques, que l’on reconnaît aisément par l’atteinte qu’ils portent directement à la saine pensée et aux principes objectifs de raison. Cela peut aller jusqu’à la répudiation du principe universel de causalité et à son remplacement par une chimère, plus ou moins implicite en épistémologie post-étiologique, celle de la « trans-causalité » (chimère d’un principe d’explication du monde par-delà toute forme de causalité). On peut voir aujourd’hui se manifester un tel phénomène en sciences aussi bien exactes que sociales, domaines où la pensée polluée et désorientée peut par exemple pousser le vice de l’incohérence paralogique jusqu’à concevoir et traiter tel effet comme « sa propre cause ».
En général, la mise en question de la causalité objective et extrinsèque—ultimement transcendante et libre—facilite aussi bien les explications déterministes de la science purement matérialiste (victime de l’idéologie scientiste) que la diffusion de conceptions arbitraires mettant à mal la morale, l’art, la science, la politique, la religion, la civilisation tout entière… C’est pourquoi nous considérons maintenant le bien-fondé du principe universel de causalité, pour en proposer une défense contre ses distorsions et déconstructions relativistes et sceptiques.
Les penseurs faisant aujourd’hui profession d’athéisme et d’agnosticisme ne reconnaissent essentiellement aucune validité, pas plus épistémique qu’ontologique, aux premiers principes métaphysiques 5. Ils les rejettent d’entrée de jeu et, avec eux, toute entreprise d’établissement rationnel de quelque raisonnement qui en présupposerait l’application dans la formation d’arguments en faveur de l’existence de Dieu—notion la plus exécrée en épistémologie rationaliste inspirée des principes (implicitement métaphysiques) de la philosophie positiviste. Le prétexte de fond, avant même de marginaliser la question théologique que nous pose le réel en tant que tel, porte sur la notion même de métaphysique, reléguée aujourd’hui au musée des approches philosophiques stériles et dépassées. Pour autant, la propension métaphysique naturelle de l’intelligence humaine demeure et porte parfois du fruit, particulièrement lorsqu’elle cherche consciemment à comprendre le réel en termes d’intelligibilité fondamentale du monde. En essayant de saisir la raison des phénomènes qui le constituent, les preuves de l’existence de Dieu se font jour naturellement, puisque l’intelligence de l’homme entrevoit à juste titre que les choses de ce monde ne peuvent, d’elles-mêmes, complètement donner raison de leur propre existence. Une explication extrinsèque doit dès lors y présider, à moins de concéder à la chimère d’une régression infinie de rapports causatifs contingents (ou nécessaires) quelque validité qu’elle ne possède aucunement. Partant d’effets finis, l’intelligence humaine se lance donc naturellement à la recherche d’une explication causale du monde irréductible à celui-ci. Le raisonnement métaphysique exige inévitablement l’assentiment à l’existence d’une Cause ultime de nature transcendante, un scandale pour beaucoup de nos jours, mais une conclusion logiquement implacable pour d’autres, comme nous allons le voir.
Aucun penseur moderne n’a eu plus d’impact sur la reconception à la fois universitaire et généralisée de la notion de causalité que le philosophe écossais David Hume. Ce dernier propose sa révision de l’idée de causalité sur la base de sa redéfinition préalable de ce qui caractérise l’homme comme tel : non plus sa faculté rationnelle (et, par implication, libre), mais le jeu des opérations mécaniques brutes de son esprit. Hume conçoit dès lors la causalité comme une association mécanique habituelle d’impressions mentales subjectives, résultant en grande partie de la conjonction constante d’expériences antérieures liées par la contiguïté ou la succession temporelle. L’induction seule ne pouvant jamais assurer la nécessité de telles associations, il soutient que la « loi de causalité » ne peut en aucun cas être prouvée rationnellement. Influencée par Hume, la science moderne retraduit la causalité pour la réduire à une simple question de prévisibilité. Étant donné que tel événement en rapport probablement causal avec tel autre événement peut toujours y échapper, une causalité stricte ne peut jamais être complètement assurée. Cela amène les gens à imaginer et à attribuer un pouvoir auto-générateur probabiliste (pour remplacer le rôle de la causalité formelle 6) et organisationnel (pour remplacer le rôle de la causalité finale) à des régressions causales interminables conçues comme des séries et des réseaux interconnectés, et par-là « auto-subsistants ». Or, une telle conception repose sur une confusion logique de fond. Contentons-nous ici simplement de faire remarquer qu’une série infinie d’êtres contingents est aussi incapable de se causer elle-même que l’est un seul être contingent. On notera de plus au passage que l’attribution imaginaire d’un pouvoir auto-producteur à un système multi-causal potentiellement « infini » fait écho à la chimère évolutionniste et à sa postulation d’un temps si grand qu’il en devient, comme par magie, « créateur ». Bertrand Russell a suivi Hume en soutenant que la notion de « cause » est une notion que nous tirons simplement de notre observation des choses particulières de l’expérience sensible. Elle n’est dès lors aucunement dérivable de quelque principe métaphysique premier et universel.
Les arguments d’Hume reposent en réalité sur sa propre postulation sceptique, selon laquelle il s’inscrit radicalement contre la réalité démontrable d’un principe transcendantal de causalité, c’est-à-dire contre le fait universel rapportant chaque effet à une cause—puisque la causalité, proprement définie contre l’argumentaire humien, revêt en effet autant d’extensivité que les autres propriétés transcendantales, le beau, le vrai et le bien, que l’on trouve en toute chose manifestant quelque mode d’être dans le monde. D’après Hume, nous identifions bien des effets qui semblent avoir des causes, mais n’avons aucune raison d’en déduire que tous les effets doivent effectivement dérivés de causes réelles. Il est aidé dans cette opinion (laquelle implique, selon le scepticisme radical, que la connaissance humaine s’arrête aux seules apparences des choses) par une vision superficiellement « logique » de l’être, qui lui permet de s’en tirer sans analyser la relation la plus profonde (méta-physique) qu’un effet entretient effectivement avec sa cause.
Or, le principe de causalité se manifeste d’abord à travers sa traduction universelle dans l’ordre de ses effets (ce pourquoi nous disons qu’il est, au même titre que le beau, le vrai et le bien, un « mode général » de l’être des choses dans le monde), à partir desquels l’intelligence peut remonter jusqu’à l’ordre de leurs causes. C’est ce que stipule le principe universel de raison suffisante, à savoir que chaque être doit avoir une raison suffisante pour fonder son être ou son devenir dans le monde. La division logique dicte qu’une telle raison doit se trouver soit à l’intérieur de l’être en question (intrinsèquement), soit à l’extérieur de cet être (extrinsèquement). Si un être n’est pas sa propre raison suffisante, il s’ensuit nécessairement que quelque chose d’autre, à savoir sa « cause », en constitue la raison suffisante fondamentale.
Ainsi, un effet est un être dont la raison suffisante n’est pas d’ordre intrinsèque. Une cause est une raison extrinsèque suffisante. Le principe de causalité stipule que tout effet nécessite nécessairement une cause. Ce pourquoi il ne représente qu’un aspect spécialisé du principe de la raison suffisante—l’application de celui-ci sur l’ensemble des êtres qui ne sont pas leur propre raison suffisante en ce que leur existence dérive nécessairement d’une cause antérieure et/ou actuelle. Il s’ensuit qu’une première Cause non-causée, à savoir « C’est le mode propre de Dieu seul d’être son être même subsistant. »Dieu, ne nécessite aucune cause antérieure et/ou actuelle, puisqu’Il est par définition Sa propre raison d’être suffisante. Comme le rappelle par exemple saint Thomas d’Aquin, en droite ligne de ce qu’implique la définition irréductible d’une telle Cause première non-causée : « Solius autem Dei proprius modus essendi est ut sit suum esse subsistens. » (ST I, q. 12, a. 4)« C’est le mode propre de Dieu seul d’être son être même subsistant. » 7.
De plus, tout comme une raison doit être suffisante, une cause doit être proportionnelle à son effet. On ne peut pas avoir un effet x qui soit totalement dépendant d’une cause C, si C ne représente qu’une partie de l’existence de son effet x.
Le philosophe positiviste émet la question suivante : pourquoi n’y aurait-il pas tout simplement une infinité de choses qui se maintiennent mutuellement dans l’existence ? Un monde naturel de causes naturelles mutuellement causées ? Kant, par exemple, consent partiellement à cette prémisse positiviste, puisqu’il soutient que l’existence de Dieu est nécessaire pour le fonctionnement de la raison pratique (de la conduite morale), mais en dénie la validité épistémologique dans l’ordre de la raison pure (de la connaissance du vrai).
Or, si telle cause C1 ne peut exister en tant que telle que parce que quelque autre cause C2 lui communique l’existence, alors il doit exister quelque autre cause dont l’être n’est pas lui-même communiqué par une autre cause. Autrement, tout ce qui constitue le monde, l’ensemble de son tissu intra-causal (C1, C2, …Cn), aurait besoin de se communiquer simultanément l’existence… Mais rien, en réalité, ne pourrait de fait exister pour la donner effectivement, car ce besoin intrinsèque de communication simultanée d’existence implique déjà, en lui-même, que l’ensemble intra-causal du monde n’auto-subsiste pas. D’où l’impossibilité intrinsèque, tant logique qu’ontologique, de l’auto-causation du monde par l’entremise d’une série interminable imaginaire de causes mutuellement causées. Dieu seul est effectivement la Cause transcendante de l’ordre causatif immanent au fonctionnement interne du monde. Étant admis que les causes intermédiaires de tels ensembles intra-causatifs n’ont de pouvoir causal qu’en les dérivant de toutes les causes précédentes (dans l’ordre immanent des relations causales qui constituent le fonctionnement du monde), elles ont de fait irréductiblement besoin d’une cause première non-dérivée (transcendante au monde) pour exister et subsister dans l’existence8.
Chacun des membres intermédiaires d’une telle série de membres intra-causatifs exerce donc un pouvoir causal qu’il ne possède que de manière dérivée. Dès lors la série elle-même est entièrement dérivée et chaque membre de celle-ci ne possède de pouvoir causal qu’en vertu de sa dépendance à l’égard de tous les membres qui le précèdent. Chaque membre de la série doit dès lors causalement recevoir pour causalement communiquer. Or, un tel dynamisme intra-causal suppose une source ontologiquement extrinsèque sans laquelle on ne pourrait rendre compte de ce que chaque membre reçoit causalement et communique effectivement le pouvoir de causation. De fait, en l’absence du premier membre non-dérivé d’une telle série, celle-ci disparaît nécessairement en tant que telle. Ainsi, chaque membre de la série doit posséder le pouvoir de causalité qu’il exerce de manière soit dérivée ou non-dérivée. Si la série n’a pas de premier membre indépendant (non-dérivé), alors aucun membre intra-causal ne possèdera le pouvoir qu’il exerce de manière non-dérivée. La série sera alors à la fois causativement auto-dérivée et en cela onto-logiquement impossible, puisque vouée à exercer de manière irréductiblement dérivée une causalité interne dont le dynamisme présuppose un pouvoir causatif non-dérivé… De fait, selon un tel scénario, aucun des membres ne peut avoir de pouvoir causal dérivé, puisqu’il doit finalement le dériver (ad infinitum) à la fois de soi-même et de l’extérieur de soi-même, ce qui est contradictoire. Car il n’y aurait alors aucune source du pouvoir causal, sinon celui que chaque membre d’une telle série se communique de manière dérivée à l’intérieur d’une série indéfinie non-dérivée (la série causale elle-même se substituant en tant que telle à son premier membre indépendant ou cause première nécessairement non-dérivée), ce qui est également contradictoire et dès lors impossible. Il doit donc y avoir une cause première non-dérivée qu’on ne peut ni réduire à l’une de ses causes dérivées intermédiaires (dont le statut dérivatif dépend entièrement du pouvoir causatif non-dérivé de leur cause première), ni à la série causale elle-même.
Nous pouvons récapituler notre raisonnement sous la forme d’une simple apagogie :
S’il n’y a pas de premier membre non-dérivé (ou cause première P) de la série S, aucun des autres membres n’appartiendra à l’ensemble sériel S, puisque ceux-ci ne représentent que des membres intermédiaires en dépendance causative dérivée vis-à-vis du premier membre P dont, par définition, ils transmettent le pouvoir causatif non-dérivé ; or, la série S comprend de tels membres intermédiaires ; il doit donc y avoir un premier membre non-dérivé P, à savoir la cause première de S et des membres de S.
On notera au passage que l’argument thomasien tiré de sa Somme théologique n’implique nullement que les causes efficientes intermédiaires en série soient des causes en régression contigu déterministe, comme le suggèrent nos représentations immédiates inspirées du jeu de dominos. Mais il implique en revanche que, dans l’ordre de notre sensation, dont la structure conditionne notre perception dans une certaine mesure, les causes nous semblent effectivement séquentielles. Puisque notre sensation est de type séquentiel, nous sommes dès lors enclins à attribuer notre mode de sensation à la nature même de la causalité. Ce qui est évidemment une erreur, au moins partiellement, laquelle rend difficile l’intelligence d’une causalité efficiente métaphysique irréductible à des rapports séquentiels de dominos contigus.
Notre conditionnement vis-à-vis de la quantification nous incite à tort à percevoir le temps comme une quantité, alors qu’il est d’abord, fondamentalement, une qualité, celle qui sied par nature à la transformation d’un état d’existence potentiel en un état d’existence contingent, et vice versa. En quantifiant le mouvement local des entités mutables à l’intérieur d’une vision segmentée de rapports causatifs en série, notre tendance est de situer la temporalité sur le même modèle linéaire segmenté quantitatif, modèle qui sous-tend encore notre vision « progressive » naïve du temps et de l’histoire. Ainsi dépeignons-nous la causalité efficiente à partir de notre perception immédiate de l’action contigu de séquences causales, autrement dit comme une série de segments locaux quantifiables. Mais de tels rapports causatifs séquentiels n’épuisent nullement l’application tant philosophique que scientifique du principe universel de causalité. Il est donc vital, notamment avec saint Thomas d’Aquin, d’en resituer l’application fondamentale sur le plan ontologique de l’existence. L’efficience d’une telle causalité, dont l’effet réel est l’existence d’une certaine entité mutable x de quiddité A, repose dès lors sur deux caractéristiques irréductibles :
Pour finir, en ce qui concerne la possibilité d’une régression causale « infinie » (notion chère à une vision auto-productrice et évolutionniste d’un principe causatif naturel intra-matériel censé expliquer l’apparition et le développement de l’Univers), on peut facilement montrer qu’elle est une impossibilité—tant logique que métaphysique, avant de l’être également sur le plan physique de l’organisation du monde, comme le confirme la loi thermodynamique universelle d’entropie. Un monde éternel dans le passé est en effet d’abord et avant tout une impossibilité logique, puisque cela impliquerait une contradiction foncière : à savoir, à la fois une série infinie d’événements intra-matériels déjà réalisés ; et une série infinie qui, par définition, n’est pas encore réalisée, puisqu’elle est pour toujours en cours de prolongement par de nouveaux événements… Ce qui est logiquement insoutenable, et pareillement sur le plan métaphysique et physique !
La tradition philosophique retient trois courants théoriques principaux dans son examen du concept de vérité. Il y a tout d’abord la théorie classique dite « de la correspondance », qui stipule que la vérité consiste en l’accord entre une proposition de fait (P est… [x, y, z…]) et l’état actuel des choses (ipsa rerum secundum modi essendi in mundo, auraient dit les philosophes scolastiques 9, donc en l’adéquation fondamentale entre le langage et le monde (adéquation dont traite déjà Platon dans son Cratyle) ; ou encore entre un jugement et la situation réelle qu’il entend décrire. Il y a par ailleurs la théorie dite « de la cohérence », qui stipule qu’une proposition est vraie relativement à d’autres propositions antécédentes acceptées comme vraies (selon les modèles logico-linguistiques contemporains, qui tendent ainsi à redéfinir la théorie réaliste traditionnelle de l’adéquation en une théorie de la concordance sémantique intra-propositionnelle). Le critère fondamental dans cet ordre de la cohérence est celui de consistance, dans son acception à la fois logique et extra-logique. Il y a enfin la théorie dite « de l’utilité pratique », qui soutient que la vérité se détermine à partir de la fonctionnalité pratique des choses : si ça marche, c’est vrai !
Le projet philosophique contemporain est quant à lui arbitrairement fixé sur lui-même et se contente de nier arbitrairement la notion de principe de réalité—à savoir que l’existence et la connaissance peuvent être érigées à partir d’un ordre fondateur commun de premiers principes indubitables (métaphysiquement analogues aux axiomes de la logique).
La solution du relativisme contemporain se mord la queue, comme celle du scepticisme. Le relativisme soutient que : « tout est relatif ». Posons-lui la question aléthique fondamentale : est-il vrai que tout est relatif ? La conclusion ne peut produire qu’une contradiction, du genre : il est vrai (entendu il est absolument certain/sûr) que tout est relatif, autrement dit que rien n’est absolument vrai, autrement dit encore qu’il n’y a pas de « Vérité avec un grand V » ! Le raisonnement produit ainsi une conclusion absurde, par autocontradiction.
Similairement, le scepticisme affirme « qu’on ne peut être sûr de rien ». Posons-lui la question aléthique fondamentale : est-il vrai qu’on ne peut être sûr de rien ? La conclusion ne peut produire qu’une contradiction, du genre : il est vrai (entendu il est absolument certain/sûr) qu’on ne peut être sûr de rien ! Absurde.
Critère logique et critère éthique sont ainsi déterminés par l’impératif subjectif de l’homme contemporain, c’est-à-dire de l’homme réduit à son immédiateté de sujet sans substantialité métaphysique authentiquement relationnelle, et sans autre conscience morale que ce relativisme inéluctablement auto-contradictoire. C’est là la chute subjectiviste d’un tel sujet solipsiste, pour lequel le connaître et l’agir, et les principes de leurs validités respectives, ressortent avant tout du domaine de la fonctionnalité subjective : si cela a du sens, si cela fonctionne pour moi, alors j’appliquerai mon intellect à ceci ou ma volonté à cela. L’objectivité de l’extériorité du monde tombe ainsi en déshérence (et de même l’authentique intériorité de l’âme rationnelle de l’homme en tant que forme spirituelle subsistante 10 et principe d’individuation 11 d’un être humain), pour laisser le champ libre à l’autoproduction de valeurs entièrement subjectivisées par un sujet humain ergonomique, intégralement fonctionnel. Un tel sujet, formalisé et formaté de l’intérieur sur le modèle d’une procédure algorithmique, n’est plus dès lors qu’un sujet instrument, donc déjà, quelque part, un sujet marchand.
Le solipsisme fonctionnel du sujet contemporain cognitivement et éthiquement autoréférentiel se manifeste sous les deux formes principales du relativisme subjectiviste :
En l’absence présupposée d’une loi naturelle, par définition universelle (axiomatique), la métrique relativiste part toujours, sur fond perceptif d’incertitude morale universelle, de l’expérience situationnelle de la diversité des opinions. Le relativisme situationnel légitimise à priori cette diversité qu’il postule comme un critère de vérité empiriquement indiscutable (échappant donc lui-même au relativisme), pour en déduire que le désaccord des gens et des sociétés sur les questions d’ordre moral constitue une attestation expérimentale définitive du relativisme en général. Il n’existe pas de vérités morales objectives et transculturelles, mais uniquement des croyances morales subjectives, opinionistes ou situationnelles.
Plus généralement, le relativisme d’ordre épistémique, qu’il soit strictement opinioniste ou situationnel, part du principe que le seul critère de connaissance des faits du monde réside dans les différentes manières de l’interpréter. Le relativisme d’ordre éthique, opinioniste et/ou situationnel, part quant à lui du principe qu’il existe différentes manières d’interpréter la signification et le mérite de l’agir moral. Les croyances, les opinions et les intérêts d’ordre subjectif font ainsi office de critères normatifs de substitution. Mais, plus encore que les questions de perception intellective, ce sont avant tout les questions morales qui sont tenues pour des questions de préférence et de choix personnel—perversion subjectiviste poussée à l’extrême aujourd’hui et protégée à tout prix par les avocaillons de l’IVG.
On peut rattacher la montée en puissance du relativisme en tant que vecteur à la fois épistémique et éthique d’une perception multiculturaliste du monde à celle de la mondialisation et des différents facteurs de transformation du système d’information : l’essor des médias sociaux, l’augmentation du volume et de la vitesse du flux d’informations, la transformation du marché des médias, la partisanerie croissante de nombreuses sources d’information prétendument « objectives », l’intensification des motivations liées aux intérêts du pouvoir politico-financier (élections et marchandisation illimitée, rejetons d’un capitalisme déchaîné)…
Le relativisme se répand et se dilue en conséquence dans tous les domaines de la sphère informationnelle et perceptive du monde pilotée par les intérêts du neuro-pouvoir et du marché intégral. Tout est en effet à vendre, le vrai comme le faux, la vie comme la mort, les gens comme les objets… L’occultation de la frontière entre l’opinion et le fait, le désaccord sur les données scientifiques, la confusion des indications statistiques et des critères d’observations factuelles sont devenues des phénomènes normaux de relativisme informationnel obligatoire au XXIe siècle. La machine médiatique de brouillage cognitif amplifie son pouvoir sur la base de cette normalisation opinioniste (« multiculturelle ») de la vérité et du bien relativisés. Ne sont admissibles que ces valeurs dérivées de la matrice pan-culturelle du monde de l’autoproduction humaine imaginaire. Il en va de même de ce qu’on appelle aujourd’hui le « pluralisme religieux », calqué sur le modèle de la culture populaire imprégnée de diversité ethnique, régionale et individuelle, sans égards aux données transculturelles de la métaphysique, de la logique et de la révélation. L’homme et sa culture sont ici érigés en mesures de toutes choses, comme l’entendait déjà le sophiste antique Protagoras.
Le relativiste opinioniste part toujours de lui-même en tant que référence émotionnelle première de son expérience situationnelle dans le monde pour en déduire le caractère toujours relatif et subjectif de la moralité en tant que telle. Ce point de départ et de retour solipsiste est aujourd’hui inoculé, au-delà de toute influence d’origine strictement philosophique. L’opinionisme est ici d’essence marchande et consumériste. Dans le supermarché du monde de la vente intégrale, les choix moraux sont nécessairement inspirés par un relativisme lui aussi intégral, autrement dit absolu. D’où la tentative d’absolutisation du « droit » consumériste—y compris du « droit » à la commande et à la consommation d’enfants—dans le domaine de la sphère privée. Une société égalitariste du désir de satisfaction solipsiste intégrale est aussi une société de la marchandisation absolue, c’est-à-dire une société dont la seule « valeur » échappant au relativisme moral n’est autre que ce modèle marchand de l’individualité relativiste absolutisée… La contradiction est ici consommée, ce qui explique le désespoir endémique de nos sociétés contemporaines.
On peut pour conclure donner une forme syllogistique à l’argument de la diversité des opinions morales pour illustrer simplement son mal fondé logique élémentaire :
P.1. Si les gens sont en désaccord sur la valeur morale de x, il s’ensuit que x est à la fois subjectif et relatif.
P. 2. Or, les gens sont en désaccord concernant la valeur morale de nombreuses propositions, x, y, z…
C. 3a. Par conséquent, les propositions morales sont intrinsèquement subjectives, et
C. 3b. le relativisme éthique est (objectivement) vrai.
Le relativisme part du principe (objectivement établi ?) de la subjectivité inévitable des propositions morales, autrement dit de la certitude de l’absence de normes objectives en matière de moralité. Un tel principe de certitude contredit pourtant la prémisse du relativisme en tant que tel. En somme, le relativisme fait l’erreur logique de tirer une conclusion positive (une certitude aléthéique quant à la nature même de la moralité) à partir d’une prémisse négative.
L’impératif subjectiviste caractéristique du relativisme contemporain se constitue et s’impose en dehors de tout encadrement logique, pour ne s’appuyer, en définitive, que sur la valeur de « tolérance ». Là aussi, la contradiction flagrante est inéluctable, parce qu’elle est d’abord congénitale. À la fois contre lui-même et pour lui-même, le relativisme adopte la tolérance comme valeur morale péremptoire universelle, absolue… À l’aune de la cohérence la plus élémentaire, il doit néanmoins se résoudre à n’admettre la tolérance elle-même que comme une valeur parmi d’autres, sauf à se contredire lui-même. Ce cercle vicieux est clairement sans issue logique. Mais qu’à cela ne tienne, le relativisme pseudo-humaniste vectorise aujourd’hui à merveille la violence intrinsèque à la globalisation libérale et financière absolue, sous forme de lutte « antifasciste » contre l’intolérance, contre le nationalisme, et contre l’imposition religieuse d’un ordre naturel. Ce pourquoi nous avons ici brièvement examiné les racines du relativisme en tant que dérive cognitive insurmontable dans l’illogisme foncier, tant théorique (épistémique) que pratique (éthique) ; mais également en ce qu’il sert de truchement conceptuel à la soumission intériorisée des « sujets instruments » au totalitarisme marchand (selon une idéologie pseudo-révolutionnaire, antifasciste et archi-consumériste).
On pourra enfin noter que l’imaginaire contemporain, en matière de religion évangélique, s’égare de bon gré par projection sentimentale. La « tolérance » y serait en effet le cœur du « message d’amour » apporté au monde par le Christ (et avec elle, la relativisation de « la Vérité avec un grand V » de ce même message)… Impossible, néanmoins, de réconcilier pareille lecture imaginaire avec le véritable Évangile, comme l’attestent notamment ces paroles de Jésus, le Verbe de vérité fait homme, à Pilate (le relativiste archétypique) :
« Ego in hoc natus sum, et ad hoc veni in mundum, ut testimonium perhibeam veritati : omnis qui est ex veritate, audit vocem meam. » (Jn 18, 37) 12
Les armes les plus décisives dont nous disposons pour lutter efficacement contre la marche en avant du trans-réalisme totalitaire nous sont fournies, aujourd’hui comme hier, au travers de l’application courageuse des lois de la vraie logique (qui correspondent à la structure intelligible du monde réel et des faits réels qui y surviennent), à commencer par le principe élémentaire de non-contradiction—dont nous avons illustré quelques applications fondamentales ci-dessus. L’utilisation de ces armes pérennes de l’intelligence contre le totalitarisme pseudo-logique et immoral est plus que jamais justifiée en temps de guerre déclarée contre la raison, contre les âmes, contre la nature humaine et contre la civilisation fondée sur la loi naturelle. Comme le préconisait Farida Belghoul dès les premiers temps de sa lutte ouverte contre la fiction pernicieuse de la transsexualité administrée aux enfants par l’entremise de l’Éducation nationale : « Vaincre ou mourir ! ». Mais la lutte contre la trans-réalité genrée n’est elle-même qu’un aspect particulier de la courageuse résistance à une idéologie de l’inversion diabolique planétaire, celle qui cherche l’imposition d’une fausse réalité au moyen des distorsions affutées du relativisme totalitaire.
Ce pourquoi le premier volet de la résistance de l’intelligence libre face à cette hégémonie du projet trans-réel, de son épistémologie de la « post-vérité », de son renversement des règles de la pensée et de l’agir moral consiste à repérer le mensonge, donc à identifier la trans-réalité pour ce qu’elle est réellement : une fiction intrinsèquement et subtilement perverse.
Fausse logique, faux discours (novlangue) et fausse morale dérivent toujours d’une inversion de la réalité. Face à la mise en place aujourd’hui consommée du relativisme pratique, la morale chrétienne continue de tenir lieu de cible de choix. Ici, l’inversion emporte facilement l’adhésion aveuglée de la culture ambiante, car le mensonge se veut collectif, en tant que fondé sur un bouc-émissaire ainsi pauvrement élucidé qu’unanimement condamné : « Ote-le, ôte-le, crucifie-le ! » (Jn 19, 15) Rien de surprenant, en définitive, puisque le péché et l’ignorance se renforcent mutuellement. La perversion relativiste de la moralité, comme la paralogique et la nomenclature linguistique insidieuse qui l’accompagnent, agissent de concert au service d’une trans-réalité, d’un « ordre » imaginaire motivé par l’ivresse et la colère d’une rébellion victimaire—et finalement infligée aux masses de gens ordinaires encore naturellement rationnels (selon l’ordre immanent de la loi naturelle). Dans cet « ordre » désordonné de l’imaginaire se soumettant lui-même à sa propre promotion substitutive d’une trans-réalité, le meilleur moyen d’empoisonnement généralisé (comme l’ont bien compris les fabricateurs de chaos organisé) consiste à faire appel au principe antagoniste de victimisation (pathos collectif victimaire et aujourd’hui conforté par la prolifération globalisée de l’anti-discrimination discriminatoire), principe justificateur de la rébellion actuelle et de la désignation d’un bouc-émissaire au cœur même des principes immanents à l’ordre universel du logos et de l’ethnos. Tout le monde doit de gré ou de force y adhérer, selon une logique totalitaire inavouée, sans suspecter la manipulation sous-jacente destinée à renverser jusqu’à la notion même de vérité immanente au monde : « qu’est-ce que la vérité ? »
L’illusion psycho-perverse d’une construction « trans-réelle » ne peut être maintenue sans l’invention et l’application rigoureuses d’une paralogique et d’une éthique « trans-morale » modulaire. Car l’autorité du fondement axiomatique de la pensée juste (l’ordre épistémique des lois fondamentales de la logique) comme celle des premiers principes de la logo-praxis humaine (l’ordre éthique des lois fondamentales de l’agir moral) sont fatales aux rebellions d’inspiration « trans-réelle » (transsexualisme, transhumanisme, trans-vérité…). La diffusion aujourd’hui presque universelle de la paralogie relativiste et de sa morale préférentielle (incarnée par la figure conceptuelle de la victime évolutive) sonne le glas de l’anthropos, pour lui substituer le transhumain. Le penseur réaliste ne peut pas ne pas y voir le symptôme le plus certain d’une déchéance civilisationnelle incurable.
source:https://plumenclume.org/blog/671-causalite-et-verite-face-a-linsufflation-culturelle-relativiste-