Anno XI - Semestre I n. 1 - Sped. abb. post. - (50 % - TO) - Tassa Riscossa, Taxe perçue - Torino CMP N. 38 Edition française - Février - Mars 1995 La liberté d'expression existe-t-elle encore pour les catholiques? 2 “Sodalitium” Périodique - Bulletin Officiel de l'Institut Mater Boni Consilii - Loc. Carbignano, 36 - 10020 VERRUA SAVOIA (TO) - Italie - Téléphone de l'Italie 0161-839.335; Fax 0161- 839.334 - Téléphone de France 19.39.161.839.335 - C/CP 24681108 - Directeur de la publication: M. l'abbé Francesco Ricossa Aut. Trib. n. 116 du 24-2-84 - Imprimé en Italie par l'Institut Mater Boni Consilii. Sommaire Editorial Saint Pie V, “le Pape de la Sainte Messe” Le “démenti” de Massimo Introvigne Infiltrations judéo-maçonniques dans l'Eglise romaine L'Osservatore Romano Discours de Jean-Paul II à l'“Anti-Defamation League of B'naï B'rith” (29/09/94) “Le Pape du Concile” Le “voyage” continue… Documents: Lettre… aux prêtres de la FSSPX Un témoignage au-dessus de tout soupçon… Vie de l'Institut Editorial “V ous qui entrez ici, laissez toute espérance”. Le numéro 307 de la Contre-Réforme Catholique commente ainsi, par les mots que Dante pose au seuil de l’Enfer, le livre-interview de Karol Wojtyla et Vittorio Messori, “Entrez dans l'Espérance”. Nous aussi, dans l'édition italienne, nous présentons un bref et essentiel commentaire de ce livre qui, avec le précédent, dans l'interview de Frossard, nous révèle plus clairement la pensée de l'actuel occupant du Siège de Pierre. Après une lecture attentive du nouveau livre-interview, comment ne pas être d'accord avec le jugement exprimé par un autre confrère dans le sacerdoce, M. l'abbé Belmont, dans son bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance? Il écrit: “Certes, ce livre n'est pas un acte officiel. Il nous empêche cependant d'entrer dans l'espérance de voir la crise de l'Eglise cesser sous ce pontificat”. Si l’interview avec Messori n'est pas un acte officiel, la “Lettre Apostolique” Tertio Millennio Adveniente l'est certainement (nous la commentons également dans notre édition italienne). Dans le précédent édito- p. 2 p. 4 p. 19 p. 29 p. 42 p. 57 p. 59 p. 65 p. 68 p. 77 p. 78 rial de Sodalitium nous avions rapporté la déconvenue de la communauté juive romaine en constatant que le récent Consistoire “n'a pas reçu l’appel du pape” à “voir complètement reconnus” les “préjugés et les erreurs théologiques de l'Eglise romaine”, “en le retournant à l'envoyeur”. Nous savons, en effet, qu'il y eut de sérieuses oppositions de la part de certains prélats. En vain. Dans sa “Lettre Apostolique” Jean-Paul II réitère sa volonté de demander pardon pour le passé de l'Eglise, une Eglise que lui-même appelle préconciliaire, et fait appel à une Eglise “de la nouvelle ère”, du “Troisième Millénaire”, vers laquelle nous serions tous en marche et dans l'attente messianique! Il prétend ainsi hypothéquer le futur de l'Eglise jusqu'à l'an 2000 et au-delà (ne sachant pas s'il sera encore de ce monde), dans le but de la conduire à une mutation telle, que celle apportée déjà par Vatican II en aurait été seulement un Avent, une période de préparation. Confirmation totale du “Concile”, donc, sans même les réserves sur le post-concile exprimées en son temps par Montini et Ratzinger, et préparation d'un futur œcuménique encore plus avancé. L’approbation du récent passé et la préparation du prochain et sinistre futur a été aussi confirmée par les dernières créations de “Cardinaux”. Sur la couverture: L'abbé Davide Albertario, directeur de l'Osservatore Cattolico, arrêté par les gendarmes le 9 mai 1898 et condamné à un an de prison pour sa foi catholique. En 1995, la liberté d'expression existe-t-elle encore pour les catholiques? (Voir article pp. 57-59). 3 Le vieil Yves Congar a été créé “cardinal” seulement pour attester publiquement que le Concile et Jean-Paul II sont redevables à la pensée de ce malheureux dominicain, condamné sous Pie XII comme représentant de la “Nouvelle Théologie” et du néo-modernisme, et maintenant récompensé, comme Daniélou, Pavan, von Balthasar, Ratzinger et tant d'autres, par la dignité cardinalice. Un personnage comme Mgr Eyt au contraire, dont nous parlons dans ce même numéro (cf. p. 42) comme docile écho du rabbin Maman, est récompensé par le chapeau de cardinal pour son reniement des Evangiles avec adhésion simultanée à l'exégèse du B’naï Brith et du Talmud. Une nomination celle-là qui ne récompense pas le passé conciliaire, comme dans le cas de Congar, mais prépare plutôt le “radieux” futur du Troisième Millénaire. Humainement, donc, aucune espérance de salut, aucun signe de repentir, le ‘vrai’ cette fois-ci, de la part de ceux qui occupent, de fait, les Sièges Episcopaux et de celui qui occupe le Siège Apostolique. Mais tant de motifs de découragement viennent aussi du petit troupeau resté fidèle à la Tradition. Resté sans Pasteur, il se disperse inexorablement. La lettre de l'abbé Emmanuel Berger (cf. pp. 69-77) témoigne de la dérive, on dirait presque sectaire ou charismatique, de la Fraternité St Pie X, où désormais on ne raisonne plus en se fondant sur le Magistère de l'Eglise, mais sur le charisme et sur les intuitions d'un homme. Et même (mais pas seulement) parmi les tenants de la vacance du Siège Apostolique croîssent les maîtres à penser qui éloignent les fidèles du port sûr de la fidélité au Magistère de l'Eglise catholique et romaine et à la doctrine de St Thomas pour croire aux fables de l’“orthodoxie” orientale ou de Soloviev, de l’idéalisme allemand et des petites églises gallicanes (avec abandon logique du célibat ecclésiastique), des visions et des apparitions, du laïcisme et de l’anticléricalisme, pour finir dans des conclaves (chacun veut faire le sien!) plus tristes et plus grotesques les uns que les autres... Malheur à qui croit pouvoir s'éloigner sans dommage de l’enseignement de l'Eglise, de l’amour de Rome et du Pape, pour préférer d'autres “maîtres” et d'autres penseurs! Et pourtant, malgré tout, nous conservons une totale et parfaite espérance. Et même: moins il y a à espérer quelque chose des hommes, d'autant plus ferme est notre espérance en Dieu. “Maudit soit l'homme qui se Jean-Paul II remet la barrette au “cardinal” Eyt, archevêque de Bordeaux, comme récompense de ses liens avec le B’naï Brith confie en l'homme”, dit l'Ecriture. Bienheureux, au contraire, qui espère en Dieu. De Lui seul, par la médiation de Marie, viendra le salut pour Son Eglise, et par l'Eglise le salut viendra au monde entier. Mais il est vrai que Dieu se servira des hommes, et respectera la divine constitution qu'Il a donnée à l'Eglise. Mais dans la certitude de l'intervention divine, nous devons collaborer avec Lui comme ses instruments. Comment? En faisant tous notre devoir, chacun à sa place. Il ne sert à rien de se lamenter; tout fidèle, tout père de famille, tout prêtre doit témoigner de la foi sans compromis ni lâcheté. Surtout, ce sont les occupants des Sièges Episcopaux (j'entends ceux qui dans leur cœur ont conservé la foi catholique et n'osent pas le dire) qui doivent, et doivent, au plus vite, rompre le silence, condamner l’erreur, abandonner une fausse prudence, une fausse diplomatie, et faire des monitions canoniques à Jean-Paul II afin qu'il s'unisse à la condamnation de l’hérésie ou soit considéré, par toute l'Eglise, comme un hérétique formel séparé d'elle. Ils doivent le faire, au prix de l'honneur, au prix de la tranquillité, au prix, même, de la vie. S'ils ne veulent pas, un jour, être jugés plus sévèrement que ceux qui, déjà, ont perdu la foi... Le commentaire de la Lettre Apostolique “Tertio Millennio Adveniente” ainsi que la recension du livre “Entrez dans l'Espérance” ont été publiés dans l'édition italienne, n° 40; faute de place dans ce numéro, nous comptons les publier dans le prochain. 4 Hagiographie Quatrième partie: le Pape de Lépante SAINT PIE V, “LE PAPE DE LA SAINTE MESSE” par M. l’abbé Ugolino Giugni Le Pape de Lépante L a question de l’union contre les Turcs aurait déjà dû être abordée dans les précédentes parties lorsqu’on a parlé des rapports avec les différents souverains européens, mais pour éviter des répétitions inutiles et simplifier le développement, j’ai préféré en parler séparément ici. Il est certain que si St Pie V a un grand mérite dans la lutte contre l’hérésie, qu’il a soutenue contre les Ottomans, il a acquis au cours des siècles une gloire encore plus grande, rendant immortel son nom. C’est à lui que revient le mérite d’avoir ardemment et péniblement rassemblé les forces chrétiennes pour l’expédition de Lépante, et d’avoir obtenu miraculeusement de Dieu l’annonce de la victoire. Dans la seconde moitié du XVIème siècle les Turcs étaient au faîte de leur splendeur, et leur faste et les succès de leurs entreprises, grossis par l’imagination populaire, inspiraient de la crainte unie au respect. On pouvait croire que d’un moment à l’autre, dès que se serait présentée l’occasion propice, leur armée aurait fini par conquérir tout le monde chrétien. A Constantinople régnait Soliman II le Magnifique, qui avait affirmé à l’occasion de l’expédition de l’Empereur Maximilien aux frontières de la Hongrie, en 1566: “qu’il craignait plus les prières de ce Pape [St Pie V], que toutes les troupes de l’Empereur”. Soliman, âgé de 72 ans, mourut justement en 66. Son fils Sélim II surnommé “l’ivrogne” (surnom justifié par sa vie et par sa mort) lui succéda. Il stipula la paix avec Maximilien et s’en retourna à Constantinople pour se divertir, causant l’écœurement de ses ministres et conseillers qui au contraire voulaient continuer la guerre. L’Empire turc, à cette période, se soutenait plus par l’œuvre des renégats ou des chrétiens apostats que par celle des turcs; les premiers généraux et ministres de Soliman et de Sélim, furent autant de renégats (huit sur dix, sous Sélim). Les femmes de leur harem étaient pour la plupart de jeunes chré- tiennes, faites prisonnières et esclaves. « Le plus funeste de ces renégats fut un juif relaps, Joseph Nassy. De juif devenu chrétien au Portugal, de chrétien redevenu juif à Constantinople, il s’était insinué dans les bonnes grâces de Sélim, encore prince héréditaire, en lui fournissant des ducats de Venise et des vins de Chypre. Dès lors il représentait au futur sultan que, par la conquête de Chypre, il aurait l’un et l’autre en abondance. Un jour, dans l’ivresse, Sélim l’embrassa et lui dit: “En vérité, si mes vœux s’accomplissent, tu seras roi de Chypre!” Et le juif fit peindre dans sa maison les armes de ce royaume avec cette inscription: Joseph, roi de Chypre. Sélim, devenu sultan, le nomma duc de Naxos et des Cyclades; mais le royaume de Chypre tenait encore plus au cœur du juif » (1). Chypre fut donc l’étincelle qui fit éclater les hostilités. L’île de Malte avait été attaquée plusieurs fois par les Turcs, mais l’héroïsme des chevaliers commandés par Jean de La Valette (Grand Maître de l’Ordre Souverain de Malte) empêcha qu’elle tombât aux mains des infidèles. Puis les Ottomans pillèrent l’île de Scio en massacrant, entre autres, deux jeunes princes de la famille Giustiniani (qui gouvernait l’île) de 10 et 12 ans qui avaient refusé d’apostasier. Chypre était sérieusement menacée, et allait tomber entre les mains du Sultan. Elle appartenait à la république de Venise. Les Turcs firent notifier au gouvernement de la Sérénissime que s’il voulait continuer à être en paix avec le Sultan il devait lui céder le royaume de Chypre. Les villes de Nicosie et de Famagouste (sur l’île de Chypre) furent enlevées en 1570 après un siège de sept semaines pour la première, et de onze mois pour la seconde. Les habitants chrétiens furent tués sauvagement ou réduits en esclavage (2), parmi lesquels le gouverneur de Famagouste, le vénitien Bragadino qui fut littéralement écorché vif et qui mourut en martyr sans jamais se plaindre et en récitant le psaume Miserere. Les côtes italiennes étaient en danger et étaient effleurées par les bateaux turcs; Pie V se rendit en personne à Ancône pour surveiller les équipements des galères pontificales. Tout ceci n’était que des épisodes d’une plus grande bataille qui devait décider des destinées religieuses de l’Europe. Pie V estimait, justement, que seule une union des différentes puissances chrétiennes aurait pu remporter un succès décisif contre les Turcs; et il travailla constamment, comme divinement inspiré, malgré les difficultés et les insuccès, à cette organisation. 5 Après la revendication de Chypre de la part de Sélim, et le refus que lui opposa la Sérénissime, Venise était au bord de la guerre et toute la chrétienté avec elle. Venise demanda aide au Pontife. Pie V réunit le Sacré-Collège et dut affronter les opinions de ceux qui voulaient limiter la lutte aux deux puissances. Il fit remarquer comment la Sérénissime avait déjà aidé le Saint-Siège (et là St Pie V noblement et pour le bien commun laissait de côté tous les malentendus et les difficultés que Venise lui avait créés dans le passé dans la lutte contre l’hérésie en faisant obstacle à l’action de l’Inquisition romaine) et combien il aurait été peu prudent de permettre une défaite vénitienne qui aurait tourné au déshonneur des états italiens et aurait été extrêmement dangereuse pour toute la chrétienté. Pie V équipa douze galères, accorda à la Seigneurie l’autorisation d’imposer des dîmes sur le clergé vénitien, sollicita le roi de France, les princes italiens Emmanuel Philibert de Savoie, Cosme de Médicis, Alphonse d’Este, le Duc de Mantoue, les villes de Gênes et de Lucques et écrit au roi d’Espagne Philippe II en plaidant en faveur de la formation d’une ligue antiturque. « Les termes de la lettre [à Philippe II], et l’espérance de pouvoir une fois de plus mériter pour les rois d’Espagne le titre de “Majesté Catholique” du fait que, comme dit le Pape, “ce bon fils écoute les prières de sa mère, même quand elle ne peut être entendue de personne”, induisirent Philippe II à aider l’Eglise. Et alors que l’ambassadeur de Venise, Soriano, dit au Pape que Philippe était bien disposé, “le Saint Père, comme dit le même ambassadeur, leva les bras au ciel et remercia Dieu à haute voix” ». La question du choix de l’amirauté retarda le départ des bateaux espagnols et vénitiens qui s’étaient promptement armés. St Pie V réussit dans un premier temps à mettre d’accord l’Espagne et Venise en confiant le commandement au romain MarcAntoine Colonna; sous ses ordres l’inspecteur Zane commandait les vénitiens et Andrea Doria (gênois) commandait la flotte espagnole. Ce fut à cette époque que les Turcs envahirent Chypre s’emparant de Famagouste et de Nicosie. La flotte chrétienne ne partit que quand elle apprit l’invasion de l’île; Pie V avait plusieurs fois déploré l’inertie de la Ligue. Mais les dissensions entre les commandants ne s’aplanirent pas ( 3). Andrea Doria en répondant de manière orgueilleuse à Colonna, qui lui intimait d’ac- complir son devoir, dit qu’au roi d’Espagne revenait la compétence de commander et non pas d’obéir. Après quoi il changea de cap ses bateaux en retournant au port d’ancrage. Le reste de la flotte, ainsi partagée, n’eut plus qu’à se retirer puisqu'autrement elle aurait été la proie facile des musulmans. Ainsi cette première expédition de 1570 fut un échec, comparable à une fugue, qui aurait découragé quiconque …mais pas St Pie V. La force d’âme du Saint Père égalait sa foi; et ces deux vertus le soutenaient au milieu de si déprimantes épreuves. Il pensait que les soldats tombés au champ d’honneur pour la défense des intérêts chrétiens seraient des martyrs et devant Dieu des intercesseurs. La perte de tant de vies humaines, vue sous cet angle, devenait avantageuse et la déroute, acceptée comme un sacrifice, méritait à l’Eglise la grâce d’une glorieuse revanche. « Pie V s’établit sans effort dans cette sublimité. Désireux d’assurer à sa résolution la faveur de la Providence, il multiplia les prières, les processions et les jeûnes. “Durant plusieurs jours, dit le cardinal de SainteSéverine, il s’abstint de toute affaire, pour vaquer exclusivement à l’oraison”. C’est muni, au préalable, du secours céleste qu’il reprit, sur des bases plus amples et plus solides, l’organisation de la croisade. Aux derniers jours de 1570, tout semblait compromis, presque ruiné; dès le mois de juillet 1571 la Sainte Ligue était conclue, et déjà pointait l’aube de Lépante. Des Nonces allèrent plaider la confédération auprès de toutes les cours » (4). L’accueil de la Ste Ligue fut assez partagé. L’Empereur Maximilien était irrité par l’exaltation de Cosme de Médicis, et selon La bataille de Lépante 6 son habitude fut hésitant, il promit que si la Diète lui avait fourni un contingent de vingt mille hommes il aurait attaqué les Ottomans par voie de terre, soutenant ainsi les mouvements de la flotte. Le roi du Portugal Sébastien, sans repousser les propositions, n’adhéra pas à la Ligue. En France, Charles IX, auprès de qui avait été envoyé le cardinal Alexandrin, « espérait alors se servir du sultan pour écraser Philippe II, et il avait envoyé à Constantinople un plénipotentiaire huguenot, M. De Gran Campagnes. Aux avances du cardinal-neveu il allégua les traités d’alliance et de commerce [avec la Turquie] qu’il venait lui-même de renouveler; puis, il confirma au Pape son refus par une lettre si cavalière et futile, que Pie V ne put contenir son indignation. (…) Non contents (Charles IX et Catherine de Médicis) de refuser leur concours à la sainte Ligue, ils essayèrent d’en détacher les Vénitiens, et poussèrent à une levée d’armes contre Rome Elisabeth d’Angleterre et les princes luthériens d’Allemagne, en leur soufflant que le Pape s’occupait moins du refoulement des Turcs que de la destruction du protestantisme » ( 5). Cette croisade se fit donc sans la France, mais avec la participation de quelques chevaliers français. Bien différente fut la risposte de Philippe II même si Pie V eût à reprocher l’attitude ambiguë d’Andrea Doria lors de la première expédition. Le roi d’Espagne n’écouta pas les suggestions de ses conseillers qui l’invitaient à la prudence, à penser surtout à la sécurité de ses états. “Avec une largeur de vues digne d’un prince catholique, il écrivit au Pape que les intérêts de l’Eglise dépassaient les siens, et qu’il confiait à ses prières et à la protection de Dieu les destinées de son royaume. Pie V en ressentit une joie immense” (6). Mais d’autres différends concernant les intérêts particuliers d’une seule puissance et la question financière durent être aplanis par la patience du saint Pontife; enfin, il était nécessaire de désigner le commandant suprême. Le souvenir de l’échec de la précédente expédition, convainquit les états participants d’abandonner la décision aux mains de Pie V, à condition que la personne choisie ne fût pas sujet de la Sérénissime ou de Philippe II. Après avoir proposé les candidatures du duc d’Anjou (qui déclina l’offre) d’abord et d’Emmanuel-Philibert de Savoie ensuite (ce qui ne plut pas aux espagnols et aux vénitiens, de crainte qu’il puisse se servir de la victoire en faveur de ses états), St Pie V finit par désigner, pour mieux assurer l’union des puissances, Don Juan d’Autriche, fils naturel de Charles-Quint et donc demi-frère de Philippe II. « Ce prince de vingt-quatre ans venait de révéler son mérite dans une expédition contre les Barbaresques et les Maures, et son triomphe atténuait la défiance que pouvait éveiller sa jeunesse. (…) Il croyait le conseil et lui obéissait pour se faire grand. Sous ses ordres, Marc-Antoine Colonna commanderait les galères pontificales; Louis de Requesens et Andrea Doria, les marins et soldats espagnols, et le provéditeur Sébastien Veniero (…) les Vénitiens. Le 25 mai 1571, Pie V eut enfin la satisfaction de signer et faire signer, dans un consistoire extraordinaire, l’alliance offensive et défensive entre le Saint-Siège, l’Espagne et la République de Venise, contre les Turcs. D’autres princes et gouvernements renforcèrent la Ligue: les ducs de Savoie, de Mantoue, de Ferrare et d’Urbino, qui fournirent des cavaliers et des fantassins, les Républiques de Gênes et de Lucques et le grandduc Cosme de Médicis. Le traité d’alliance comptait vingt-quatre articles. C’est un instrument diplomatique de premier ordre, où les détails nécessaires s’enferment dans une concision rebelle aux échappatoires. (…) “Les différends qui surgiraient entre les contractants seront tranchés par le Pape. Aucune des parties ne pourra conclure de paix ou de trêve, par soi ou par intermédiaire, sans l’assentiment ou la participation des autres”. La persévérance de Pie V avait mené à terme une œuvre si malaisée. Est-ce à dire qu’il n’éprouva, chemin faisant, aucune lassitude de ses ennuis? Cette rigidité ne serait point humaine: les événements eurent leur contre-coup dans son âme. (…) Loin de se glorifier d’un résultat dont il pouvait humainement revendiquer l’honneur, il eut hâte d’en bénir le ciel. Les prières des Quarante Heures, et les processions auxquelles il présidait, prouvèrent, une fois de plus, sa grande foi. (…) Tant de foi allait obtenir sa récompense: les flottes alliées cinglaient vers la victoire » (7). Don Juan d’Autriche reçut dans la cathédrale de Naples le bâton de général en chef et l’étendard béni par le Pape portant l’inscription “Par ce signe tu vaincras”, sous la croix du Sauveur. Le 15 septembre 1571, après qu’en obéissant aux instructions du Pape les soldats furent exhortés à recevoir les 7 sacrements, les navires alliés levèrent l’ancre. La flotte chrétienne était composée de plus de deux cents navires et embarcations divers. Après environ vingt jours de navigation la flotte de la Sainte Ligue, le 7 octobre, rencontra la flotte turque devant le port de Lépante. Les Ottomans sortirent du port favorisés par le vent; leur flotte bien plus nombreuse comptait 208 galères, 66 galiotes et navires légers, trente mille soldats, treize mille marins et quarante mille rameurs. Le généralissime Don Juan d’Autriche manifesta sa joie à la vue des infidèles, donna les ordres nécessaires, inspecta les vaisseaux et le crucifix en main rappela aux combattants l’indulgence plénière concédée par Pie V, et annonça le triomphe “de si bonne et généreuse grâce, qu’il n’y avait nul qui ne l’admirât”, enfin il hissa sur le vaisseau amiral l’étendard de l’expédition. « Ce fut, à bord de tous les navires, un signal de prière. Soldats et marins, prosternés sous la main bénissante des religieux qui les absolvaient, demandèrent au Christ d’humilier ses propres ennemis. Ils ne doutaient pas du succès, tant ils avaient foi au crédit surnaturel de Pie V, et lorsque le vent qui leur était contraire, changeant soudain de direction, rejeta la fumée de l’artillerie vers les Turcs, ils y virent comme le prélude de l’assistance divine et l’accomplissement avant-coureur des prédictions du SaintPère » (8). La bataille fit rage férocement pendant plusieurs heures; la rencontre entre les deux vaisseaux amiraux fut décisive, celui de Don Juan d’Autriche et le navire d'Ali Mouezzin le capitan-pacha de la flotte ottomane. Quand le vaisseau turc tomba aux mains des chrétiens et que son capitaine fut tué, son drapeau fut arboré sur la capitane de Don Juan au-dessous de l’étendard de la Sainte Ligue, et fut comme le signe de la victoire. Tant Don Juan qu'Ali au plus fort de la mêlée donnèrent liberté à leurs forçats (9); mais ceci se retourna au détriment des Turcs puisque leurs prisonniers, en majorité chrétiens, se jetèrent sur eux en s’unissant aux alliés catholiques et en faisant payer à leurs oppresseurs les sévices de l’esclavage. Enfin Notre-Seigneur JésusChrist donna la victoire à son peuple. La lutte avait été ardente, implacable, “la victoire des chrétiens fut cependant complète. Des débris de navires et des cadavres couvraient au loin la mer. Près de 8000 Turcs avaient été tués, 10.000 furent emmenés en captivité; 117 de leurs galères tombèrent aux mains des chrétiens, 50 furent défoncées ou brûlées. Les vainqueurs perdirent 12 galères et eurent 7500 morts et autant de blessés. Le plus beau butin consistait en 12.000 esclaves chrétiens employés aux galères, dont 2000 Espagnols qui durent leur libération à la victoire” (10). Les Turcs perdirent à Lépante en plus de leurs bateaux leur réputation d’invincibles sur la mer et l’on peut affirmer qu’à partir de ce moment leur renommée et leur empire commencèrent à se diriger vers le déclin. Le poète espagnol Cervantes dit: “Cette journée, qui marqua le plus beau triomphe obtenu dans notre siècle, détrompa l’univers sur l’invincibilité des flottes ottomanes”. Après Lépante “Les chrétiens, à vrai dire, achetaient chèrement ces brillants trophées. Leur état-major se voyait décimé: Barberigo, Orsini, Caraffa, Cardona, Graziani et l’élite de la noblesse italienne illustraient par une glorieuse mort leur nom déjà fameux. Les Vénitiens recherchaient en vain dix-sept de leurs capitaines; soixante chevaliers de Malte avaient péri, et parmi les blessés on citait le “brave” Crillon et le poète Cervantes” (11). Beaucoup d’autre sang noble avait été versé; du côté espagnol périrent outre ceux déjà cités Alfonso di Cardona, Juan de Cordoba, Juan Ponce de Leon. Le vénitien Sébastien Veniero fut aussi au nombre des blessés. Le grand mérite de la victoire allait ensuite au généralissime espagnol Juan d’Autriche qui par sa valeur avait décidé du sort de la bataille. St Pie V apprit la nouvelle de la victoire de manière miraculeuse. Le 7 octobre 1571 à l’heure même où se terminait la bataille alors qu’il examinait des comptes en présence de quelques prélats et de son trésorier Bussotti, « tout à coup, comme mû par une impulsion invincible, il se lève, s’approche d’une fenêtre, l’ouvre, regarde l’Orient, demeure en contemplation, puis, se retournant vers ses visiteurs, les yeux brillants encore de l’extase: “Ne nous occupons plus d’affaires, dit-il, mais allons remercier Dieu. L’armée chrétienne vient de remporter la victoire”. Il congédie les prélats et se rend aussitôt dans son oratoire, où un cardinal, accouru à la nouvelle, le trouve pleurant de joie. Bussotti et ses collègues, surpris de cette brusque et solennelle révélation, en notent fidèlement le jour et l’heure. (…) Quinze jours s’écoulèrent sans qu’aucune confirmation rassurât les esprits qui s’énervaient » (12). 8 Enfin la confirmation de la victoire arriva de Venise par une lettre de Mocenigo. St Pie V reçut la nouvelle après avoir manifesté sa reconnaissance à Dieu par ces paroles de l’Ecriture: “Le Seigneur a regardé la prière des humbles et n’a point dédaigné leur demande. Que ces choses soient écrites pour la postérité, et le peuple qui naîtra louera le Seigneur”. Puis il appliqua au généralissime Juan d’Autriche ce mot de l’Evangile: “Fuit homo missus a Deo, cui nomen erat Joannes”. Le lendemain Rome retentit des sonneries joyeuses de toutes les cloches et du chant du Te Deum, comme pour couronner les prières, les processions, les pénitences publiques, présidées par le Pontife qui avait précédé, préparé, et ainsi obtenu de Dieu la victoire. De grands signes d’estime et d’honneur furent rendus dans Rome et dans les autres capitales au retour des vainqueurs. Malheureusement la victoire de Lépante ne fut pas pleinement exploitée par les forces chrétiennes; elles auraient dû profiter du bouleversement et de la ruine des Ottomans pour forcer le Bosphore et célébrer la victoire dans la ville de Constantinople. Mais de nouveau les chefs ne se mirent pas d’accord, et le mauvais temps alors que l’hiver approchait, les avaries et les pertes subies firent le reste. Les escadres navales auraient dû se retrouver au printemps pour reprendre la campagne. Cette erreur fut irréparable puisque durant l’hiver les Turcs purent armer centcinquante galères et huit galéasses rétablissant les capacités de leur flotte. Pie V, peiné que les alliés eussent suspendu la lutte, prépara immédiatement une seconde expédition, qu’il ne réussit pas à mener à terme; il mourra en effet au cours de l’année 1572. L’ère des héroïsmes était passée… Non la valeur, non les armes… mais la Très Sainte Vierge… « Pie V ne cacha point qu’il attribuait à l’intercession de la Sainte Vierge le succès de Lépante. Il ajouta aux Litanies de Lorette l’invocation: “Secours des chrétiens, priez pour nous”, et fixa au 7 octobre une fête en l’honneur de Notre-Dame de la Victoire. C’est cette commémoration que Grégoire XIII, son successeur, transféra au premier dimanche d’octobre sous le vocable de solennité du Rosaire, et que Clément VIII étendit à l’Eglise universelle. Il la fit insérer au Martyrologe romain en ces termes: “Commémora- Le Pape St Pie V sur une gravure commémorative de la bataille de Lépante tion de Sainte-Marie de la Victoire, instituée par Pie V, Souverain Pontife, pour l’insigne victoire remportée par les chrétiens sur les Turcs dans un combat naval, avec le secours de la Mère de Dieu” » (13). Le Sénat vénitien fit écrire sur un tableau, qu’il fit peindre dans la salle de ses séances, ces mots qui sont un témoignage officiel de sa reconnaissance et de sa foi: “Non la valeur, non les armes, non les commandants, mais la Vierge du Rosaire nous a rendus vainqueurs. Non Virtus, non arma, non duces, sed Maria Rosarii victores nos fecit”. Il ne faut pas oublier que si Pie V avait contribué à la préparation des armées avec des secours en argent pour les navires et les soldats, il avait surtout contribué par un “apport incalculable, qui est celui de l’esprit, il les avait cuirassés de prière. Des aumôniers, surtout jésuites et capucins, se trouvaient avec le gros de l’armée, pour l’accompagner. (…) Ce n’était pas une expédition d’aventuriers désireux d’infester “à la corsaire” les mers Ionienne et Méditerranée… Le but était noble, les moyens devaient être saints: sacrements donc, prière, et mortifications. Avant le grand jour de la grande bataille, le contingent des troupes se munit de l’absolution des péchés et 9 de l’Eucharistie” (14). Là résidait donc la force des armées chrétiennes qui attirait sur elles la bénédiction de Dieu. Cette bataille et ses conséquences qui purent sembler insignifiantes à un observateur peu attentif, puisqu'en peu de mois les turcs purent relever leur flotte, furent diversement jugées par les contemporains et par leurs descendants. Il me semble que l’on puisse tout à fait partager l’opinion du cardinal Grente qui se demande: « Que fut-il advenu, au cas où la victoire eût changé de camp? Ivres d’orgueil, les Musulmans ne se seraient-ils pas précipités, en une ruée irrésistible, sur toute la chrétienté? Or, durant la crise intérieure que traversait l’Eglise, avec les assauts de la Réforme, l’antagonisme de l’Angleterre et de l’Espagne, la faiblesse de l’Empire et les guerres civiles de la France, quels extrêmes malheurs ne devait-on pas craindre? Si, même après leur succès, les chrétiens ne pouvaient remplacer la croix au faîte de Sainte-Sophie, le triomphe des Turcs ne les eût-il pas amenés au seuil de Saint-Pierre? On comprend donc la joie de Rome, de Venise (…) et l’on conçoit surtout qu’après avoir, comme le demandait Pie V, remercié Dieu et Notre-Dame, et complimenté Don Juan d’Autriche et ses soldats de leur bravoure, le peuple chrétien, se souvenant des efforts du Pape, de ses négociations et de ses travaux, de ses sacrifices et de ses prières, ait salué en lui l’organisateur de la victoire. La postérité consacre cette louange » (15). trine et la morale catholique à leurs brebis. Un livre aussi donc de formation sacerdotale qui s’intégrait parfaitement dans la “Contre-réforme catholique”, voulue par le Concile de Trente, et réalisée dans la réforme du clergé par St Pie V. Aujourd’hui encore ce catéchisme est très utilisé et constitue un classique inégalé dans son genre: le catéchisme catholique par excellence. Les papes successifs, en ont toujours recommandé l’usage jusqu’à nos jours. Grégoire XIII en 1583, et Clément XIII en 1761, en renouvelèrent l’approbation pour les réimpressions, Léon XIII le recommanda chaudement au clergé français l’appelant “livre d’or”, enfin St Pie X rappela à tous les curés le devoir de s’en servir pour éviter en toute sécurité les erreurs du modernisme. Pour nous faire une idée de l’importance et de la qualité de ce Catéchisme Romano-Tridentin il suffira de nous rappeler certaines invectives des ennemis de l’Eglise à son endroit: les Huguenots le définirent: “odieuse et exécrable cabale de Rome”; “depuis cent ans aucun livre aussi rempli de fourberies n’était sorti des imprimeries papistes” disait un protestant. Une particulière attention dans ce catéchisme fut en effet portée à réfuter les erreurs des luthériens et des protestants en général. St Pie V lui-même, après s’être occupé de l’édition latine, voulut que ce livre fût traduit dans toutes les langues, afin que tous les pasteurs (évêques et prêtres) de tous les pays, puissent s’en servir facilement pour “évangéliser les pauvres”. Le Catéchisme Romain Saint Pie V est certainement l’un des plus grands Papes “postconciliaires” [du Concile de Trente… naturellement!] qui se préoccupa de mettre en application les décrets de ce Concile. En 1543 à Trente on avait eu l’idée d’un catéchisme universel “pour l’instruction des enfants et des adultes non instruits”; cette idée avait été reprise dans un décret conciliaire de 1563. Déjà sous Pie IV une commission de théologiens travailla à la préparation de ce catéchisme, Pie V en suivit encore de plus près les travaux et après qu’une commission de cardinaux, parmi lesquels St Charles Borromée, eût examiné le volume, il le publia en 1566, sous le titre: “Catechismus ex decreto Concilii Tridentini, ad parochos, Pii Quinti Pont. Max. iussu editus” (16). Il s’agissait d’un catéchisme destiné, comme le titre l’indique, aux prêtres des paroisses qui devaient s’en servir pour enseigner la doc- Le “Pape de la Sainte Messe” et la liturgie Le Bréviaire. La réforme du Bréviaire, c’est-à-dire de ce livre liturgique qui contient les prières que les clercs et les moines doivent réciter à des heures déterminées de la journée, était une nécessité particulièrement ressentie aux temps du Pape Ghislieri. Plusieurs synodes la réclamaient, et certains évêques l’avaient demandée au Concile de Trente. L’état de la liturgie en ce XVIème siècle était plus que jamais chaotique; il y avait une prolifération de bréviaires, de liturgies, de rites particuliers, propres à chaque pays et diocèse, et une grande ignorance dans le clergé en ce qui concernait les rites sacrés; par dessus tout régnait un désordre liturgique qui était aussi motif de scandale pour les personnes pieuses. Les Papes avaient essayé de mettre un peu d’ordre à cette situation; Clément VII avait 10 chargé Francesco Quignonez et les deux Théatins St Gaëtan de Thiene et le cardinal Jean-Pierre Carafa de rédiger un nouveau Bréviaire Romain. Le bréviaire de Quignonez fut préféré parce que moins long et écrit dans un latin plus conforme aux goûts humanistes de cette époque qui considérait le latin ecclésiastique comme étant “barbare”. Cette rédaction des Théatins se distinguait par le maintien des usages anciens et vénérables, l’épuration des histoires apocryphes, la correction des rubriques et l’introduction d’antiques homélies des Pères à la place de celles d’auteurs hétérodoxes. Elle cherchait en substance à rapprocher le Bréviaire de ses sources grégoriennes en le libérant des ajouts arbitraires des derniers siècles. Quand le cardinal Carafa devint le Pape Paul IV, il se mit à travailler à la réforme du bréviaire réformé. Mais voulant accomplir luimême une œuvre aussi importante, il en fut empêché par les nombreuses occupations de son Pontificat et mourut sans l’avoir terminé. Pie IV qui continua le Concile de Trente, envoya aux pères conciliaires le travail inachevé de Paul IV. Le Concile, n’ayant pas terminé l’ouvrage, dans la XXVème session délégua la Réforme liturgique au Souverain Pontife. « Le Concile, en remettant au Pontife romain la réforme du Bréviaire et du Missel, ne fit donc autre chose que de proclamer une fois de plus la nécessité pour toute l’Eglise d’Occident, de suivre la Liturgie de l’Eglise mère et maîtresse. On rapporta à Rome les manuscrits de Paul IV, et toutes les pièces du travail qu’avaient exécuté, dans la même ligne, les commissaires du Concile. Pie IV manda en même temps auprès de lui ces commissaires et leur adjoignit plusieurs doctes personnages de Rome. (…) Son successeur St Pie V prit en main ce grand œuvre et ajouta aussi de nombreux commissaires pour en hâter la consommation. Nous exposerons ici, en peu de mots, les principes qui présidèrent à la correction du Bréviaire de St Pie V. D’abord, l’idée fondamentale de Paul IV (Carafa) et de ses confrères Théatins, idée adoptée par le Concile de Trente et par Pie IV, mais diamétralement opposée à celle de Quignonez, était qu’il n’y avait d’autre réforme de la Liturgie à accomplir, que de la rapprocher des sources antiques, en rejetant la distinction d’un office récité en particulier et d’un office public. Il fallait donc consulter les plus anciens manuscrits et rétablir l’ordre et la disposition qu’ils of- fraient, tant dans le psautier que dans le partage des livres de l’Ecriture, dans les répons, les antiennes et les hymnes. Par ce moyen, l’Eglise demeurait semblable à elle-même… Quand tout fut terminé, St Pie V promulgua le nouveau Bréviaire Réformé par la bulle “Quod a nobis” » (17). Avec cette réforme Pie V abolissait et défendait le bréviaire de Quignonez, établissait que partout on réciterait le (nouveau) Bréviaire Romain, mais en n’obligeant pas les églises (ou Ordres religieux) qui possédaient un bréviaire propre d’au-moins deux cents ans et en les laissant libres de passer au Bréviaire Romain. Ce fut un remède très efficace en même temps que discret contre l’anarchie liturgique. Peu à peu toutes les églises particulières de l’Occident comprirent le bienfait de cette Réforme et l’adoptèrent selon les décrets du Concile et la promulgation de St Pie V. La réforme du Missel Romain. On peut affirmer avec certitude que St Pie V s’est acquis la vénération des fidèles et est plus connu grâce au Missel Romain réformé, qu’il a promulgué. Le travail de réforme de la liturgie en effet ne pouvait être considéré comme terminé; de même que dans l’Eglise il y avait une seule façon de psalmodier, aussi devait-il y avoir désormais un seul rite pour célébrer la sainte Messe. Cette même commission qui avait travaillé à la réforme du Bréviaire, travailla à la réforme du Missel. Le Missel devait être conforme au Bréviaire, et la commission finit son travail deux ans après l’entrée en vigueur de ce dernier; c’est donc en 1570 que Pie V fut en mesure de promulguer le Missel réformé, accompagné de la constitution “Quo primum tempore”. Voici certains des passages les plus importants de cette bulle de St Pie V qui a été l’un des “chevaux de bataille” de la littérature “traditionaliste” contre la “Nouvelle Messe” de Paul VI dans les années 60 et 70: « Pie, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu. Du moment que Nous avons été élévé au sommet de l’Apostolat, Nous avons appliqué de grand cœur toutes Nos forces et dirigé toutes Nos pensées aux choses qui concernent la pureté du culte ecclésiastique, travaillant avec toute notre application à préparer et obtenir ce but. (…) Ce Missel ayant donc été reconnu et corrigé avec un grand soin, Nous avons donné ordre… Nous défendons, pour l’avenir, et à perpétuité, que l’on chante ou 11 récite la Messe autrement que suivant la forme du Missel par Nous publié, dans toutes les églises ou chapelles du monde chrétien... de quelque Ordre que ce soit… à moins qu’en vertu d’une première institution ou d’une coutume, antérieures, l’une et l’autre à deux cents ans. (…) Quant à toutes les autres églises susdites, nous ôtons et rejetons entièrement l’usage des missels dont elles se servent. (…) Statuons et ordonnons, sous la peine de Notre indignation, en vertu de cette constitution qui doit valoir à perpétuité, qu’on ne pourra rien ajouter, retrancher ou changer au Missel que Nous publions. Si, cependant, quelqu’un se permettait une telle altération, qu’il sache qu’il encourrait l’indignation de Dieu tout-puissant et de ses bienheureux Apôtres Pierre et Paul ». Le “Missel Romain selon les décrets du Concile de Trente, promulgué par St Pie V” fut quasi universellement accepté, avec grande joie dans toute l’Eglise. Rome la première, et peu à peu toutes les autres églises locales l’adoptèrent au cours des siècles suivants. Comme il l’avait déjà fait pour le Bréviaire Romain, St Pie V établissait que partout on devait utiliser son Missel réformé, mais en n’obligeant pas les églises (et Ordres religieux) qui possédaient un Missel propre depuis au moins deux cents ans, et en les laissant libres de passer au Missel Romain. Il interdisait en outre, par des mots très sévères et catégoriques que l’on n’osât dans le futur ajouter, retrancher, ou modifier dans sa substance le Missel promulgué par lui. Cependant par cette interdiction le Pape Ghislieri n’entendait certainement pas limiter le pouvoir de ses successeurs sur le trône de Pierre, d’apporter des réformes ultérieures au Missel, comme l’ont prétendu sottement certains “traditionalistes”. A preuve de cela il suffit de penser à ses successeurs immédiats et à un autre Pape saint, St Pie X, qui réforma dans les rubriques le Missel de Pie V et personne (sain d’esprit…) n’a jamais dit qu’il n’en aurait pas eu le droit à cause de la bulle “Quo primum”. St Pie V voulait signifier qu’à partir de ce moment les évêques et les autorités locales n’auraient plus eu, comme au contraire il arrivait assez librement avant lui, le pouvoir de légiférer en matière liturgique, puisque ce droit devait être dorénavant exclusivement réservé au Pontife Romain. St Pie V pouvait utiliser ce langage (Si quis autem hoc attentare præsumpserit, indignationem Omnipotenti Dei ac beatorum Petri et Pauli Apostolorum eius se noverit incursurum) parce que sa “réforme” consistait dans le fait de “restituer” la Messe Romaine à sa pureté d’origine, en la purgeant de tous les éléments profanes et issus de la Renaissance qui l’avaient envahie au fil des derniers siècles. La substance de la Messe Romaine de St Pie V correspondait à celle des Apôtres et des Saints Pères et était parfaitement dans la ligne de la tradition plus que millénaire de la Sainte Eglise. L’une des erreurs de Paul VI en promulguant la “Nouvelle Messe” ne consista pas dans le fait que, s’il avait été Pape légitime (et en 1969 il ne l’était plus), il n’aurait pas eu le droit de réformer le Missel, mais plutôt dans le fait qu’il introduisît un “nouveau rite” de la messe qui n’avait rien à voir avec l’ancien. Tout était changé en lui, s’inspirant entre autres du soi-disant “canon de St Hippolyte” ( 18) et d’autres textes hétérodoxes, avec cet “insensé archéologisme” moderniste déjà condamné par Pie XII dans Mediator Dei. Une “Nouvelle Messe” donc dont la substance n’avait plus rien à voir avec le Canon Romain que St Pie V avait défini comme intouchable, « afin qu’il fût un instrument d’unité catholique. En conformité avec les prescriptions du Concile de Trente il devait empêcher que pût s’introduire dans le culte divin aucune des insidieuses erreurs dont la foi était menacée par la Réforme protestante » (19). Là où St Pie V avait voulu unir dans la foi les catholiques au moyen de l’unité du culte (lex orandi lex credendi) Paul VI a au contraire voulu diviser, en décrétant aussi la fin du latin (qui était un lien supplémentaire d’unité dans la prière de toute l’Eglise); comme disent les cardinaux Ottaviani et Bacci: « Le nouveau rite se présente donc, d’emblée, comme pluraliste et expérimental, comme lié au temps et au lieu. L’unité de culte étant ainsi définitivement brisée, on ne voit pas en quoi pourra consister désormais l’unité de la foi qui lui est intimement liée et dont pourtant on continue de parler comme de la substance qu’il faut défendre sans compromission? Il est évident que le Novus Ordo se refuse à être l’expression de la doctrine que le Concile de Trente a définie comme étant de foi divine et catholique. Et cependant la conscience catholique demeure à jamais liée à cette doctrine. (…) Vouloir à tout prix remettre en vigueur le culte antique en refai- 12 sant froidement, in vitro, ce qui à l’origine eut la grâce de la spontanéité jaillissante, (…) équivaut à dépouiller la liturgie non seulement de toutes les beautés pieusement accumulées pendant des siècles, mais de toutes les sécurités théologiques. (…) L’abandon d’une tradition liturgique qui fut pendant quatre siècles [depuis St Pie V] le signe et le gage de l’unité de culte (pour la remplacer par une autre, qui ne pourra être qu’une cause de division par les licences innombrables qu’elle autorise implicitement, par les insinuations qu’elle favorise et par ses atteintes manifestes à la pureté de la foi catholique) apparaît, pour parler en termes les plus modérés, comme une incalculable erreur » (20). A côté de ces paroles éclairantes des deux cardinaux, et tragiques dans leurs conséquences logiques (qui comportent… la perte de l’autorité en celui qui a voulu le “Novus Ordo Missæ”) je voudrais encore citer l’abbé de Solesmes, dom Guéranger: « Mes paroles sont esprit et vie, dit le Sauveur: elles donnent à la fois la lumière à l’intelligence, et au cœur la charité qui est la vie. Il en est de même des paroles de l’Eglise qui possède la plénitude des mystères et la dispense sur le peuple chrétien par des rites et des formules remplis de vérité et d’amour. Aussi a-t-on toujours considéré la liturgie comme le haut enseignement du dogme, en même temps qu’elle est sa formule la plus populaire » (21). Les points que St Pie V fixa par son autorité dans la rubrique du Missel Romain réformé par lui s’insèrent tous dans la ligne de la tradition de l’Eglise, et sont les suivants: - obligation du psaume Introibo et du Confiteor au début de la Messe (en usage depuis les Xè et XIè siècles, apporté en Italie par les moines de Cluny). - Introduction du Suscipe Sancta Trinitas (XIè siècle, déjà présent dans les Ordines Romani d’Innocent III). - Définition des rites accompagnant l’Hanc Igitur et le Per Ipsum (bénédictions et imposition des mains). - Mise au point des formules de la bénédiction finale (Ite Missa est du IVè siècle et Placeat du XIè). - Obligation du Prologue de St Jean à la fin de la Messe. Essor des Missions Le Pontificat de St Pie V revêtit une importance remarquable également pour la propagation de la Foi. Si d’un côté il se préoccupa de défendre la Foi contre l’attaque des hérésies en Europe, de l’autre il en assura l’accroissement dans les autres parties du monde. Si sur le vieux continent on devait déplorer la perte quasi totale d’états un temps catholiques, comme l’Allemagne, dans le nouveau continent américain d’autres peuples s’ouvraient à la lumière de l’Evangile. St Pie V institua une commission cardinalice qui devait diriger l’évangélisation des peuples d’Amérique, d’Afrique et d’Asie. Il s’agissait de la congrégation “De Propaganda Fide” qui devait permettre aux missions d’avoir un rapport plus direct avec le SaintSiège, en les libérant un peu de l’influence des souverains laïcs; les cardinaux Mula, Crivelli, Sirleto et Carafa furent nommés pour la présider. Il encouragea, en outre, la formation de communautés indigènes en des endroits séparés des habitations des blancs, soutenant l’œuvre de son confrère dominicain Bartolomeo Las Casas (†1566). Dans certains pays (Pérou, Mexique, Colombie, Goa) le Pape put voir les bons résultats de son apostolat missionnaire, dans d’autres il sema ce que d’autres recueilleraient après lui. Il bénit, par exemple, une image de la Sainte Vierge, qui accompagnera dans le martyre le Bienheureux Ignace d’Azevedo, jésuite, se rendant au Brésil et dont l’histoire fera l’objet d’un prochain article. 13 Autres réformes et congrégations Le Pape Ghislieri augmenta les privilèges de cette “Congrégation pour l’exécution des décrets du Concile de Trente”, voulue par Pie IV, en lui concédant la faculté de décider des cas les plus simples et en réservant au Pape la solution des cas plus difficiles. Durant son œuvre d’Inquisiteur, frère Ghislieri avait eu l’occasion de constater l’ampleur du mal fait par les mauvais livres. Une fois devenu Pape, il fit en sorte d’en régulariser mieux la répression en instituant la congrégation de l’Index des livres défendus, qui en ayant, à partir de ce moment une législation officielle, put opérer avec plus d’efficacité. “Cette innovation ne laissa pas de susciter les critiques et l’opposition. La France et l’Allemagne la subirent avec contrainte, ou même la combattirent. On s’ingéniait à découvrir des prétextes qui étendraient les exceptions. Ne fallait-il pas lire les ouvrages des hérétiques pour les réfuter? Les prédicateurs ne devaient-ils pas jouir sans contrôle du droit d’étudier l’adversaire? Pie V, mécontent de ces subterfuges, dont il démasquait le mobile, statua que la loi atteignait tout le monde: il n’en affranchit pas même les hauts dignitaires [l’affaire du cardinal Morone docet… n.d.a.], et ne délégua pouvoir de dispense qu’à un petit nombre, tels que les Généraux des Dominicains et des Jésuites” (22). Charité fraternelle avec ses Frères dominicains et avec les autres Ordres… « La vie de Pie fut en même temps totalement associée à celle de ses confrères: frère il était, frère il voulut continuer d’être, avec des frères il aspirait à rester dans la vie comme dans la mort. Dans la famille des Prêcheurs il aimait être et se sentait en sécurité. En lisant la biographie de St Dominique, le fondateur, il avait l’impression d’être en bonne compagnie sur la bonne voie, jouissant comme un fils dans les bras de son père. Comme Pape, même à l’autel, il savait être entouré d’une couronne de frères unis avec lui dans le lien de la charité eucharistique: c’était les différents personnages dominicains représentés dans la chapelle de Saint-Pierre de Vérone réservée pour la Messe de Sa Sainteté. Il ne se drapait pas de la chape papale comme d’un habit qui aurait caché le frère. Serviteur des serviteurs par humilité de service, père de tous par grandeur d’amour, il pensait à son Ordre “de la source duquel Nous aussi sommes issus, bien qu’inférieurs en mérite, Nous trouvons notre origine et auquel par droit de famille nous portons une spéciale affection d’amour paternel”. Ce droit lui appartenait par voie du sang, avant même que par les liens religieux. Ses ancêtres étaient originaires de Bologne, la ville adoptive de St Dominique, nom qui lui rappelait celui de sa mère et de sa nièce épouse Bonelli. Elu Pape, sur le moment il a éloigné ces Dominicains qui commençaient à “se faufiler” au Vatican (…). Mais bon sang ne saurait mentir, et il ne trahit pas la confiance donnée à ceux de sa famille. Pie V fit un appel généreux aux Dominicains: plus d’une centaine avaient pris part au Concile de Trente en qualité de pères ou de théologiens experts; or ceux-ci et d’autres devaient former un corps d’avant-garde guidés par le Pape pour coopérer à l’action programmée sur une vaste échelle. Trente-cinq furent placés à la tête de diocèses, parmi lesquels huit avaient été théologiens du Concile; trois collaborèrent à la rédaction du catéchisme, Leonardo Marini et Egidio Foscarari, évêques italiens, et le théologien portugais Francesco Foreiro; les deux premiers sont chargés de la préparation des livres liturgiques. Six furent choisis à perpétuité pour le ministère des confessions dans la basilique de Sainte-Marie-Majeure, selon la réorganisation effectuée par lui de la Pénitencerie Apostolique, organe officiel du SaintSiège chargé de résoudre les graves cas de conscience. Le maître du palais du Vatican est fait chanoine théologien de la basilique de Saint-Pierre, avec la charge d’enseigner la doctrine de la foi selon l’exposition de St Thomas d’Aquin. Vincenzo Giustiniani, Général de l’Ordre, est créé cardinal et envoyé ambassadeur en Espagne; Giulio Pavesi, archevêque de Sorrente, est délégué pontifical aux PaysBas, terre tourmentée par les guerres de religion. Deux dominicains pour la réforme des Ordres religieux sont envoyés comme visitateurs en Espagne. Enfin, collaborateur de premier plan dans le domaine pastoral, l’archevêque portugais de Braga Barthélemy des Martyrs, un autre Saint Charles. Avec de tels hommes le Pape pouvait confesser avec confiance que pour servir la cause de l’Eglise, en plus de la prière et de l’Ecriture Sainte, la troisième arme lui était offerte par ses confrères dominicains » (23). Aux Dominicains le Pape Ghislieri accorda en outre la préséan- 14 ce sur les autres Ordres mendiants, enrichit d’indulgences la confrérie du Rosaire, en donnant au Général de l’Ordre et aux personnes déléguées par lui le pouvoir d’ériger canoniquement cette fraternité dans les églises. On raconte que quand St Pie V voulut honorer de sa présence le chapitre général de son Ordre tenu à la Minerve (28 mai 1569) le P. Giustiniani s’est exclamé, paraphrasant l’Evangile: “Depuis trois cents ans, nos pères ont désiré voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu…” en faisant référence au nouveau Pape dominicain [avant lui, il y eut Innocent V (†1276) et le Bienheureux Benoît XI († 1304)]. St Pie V consacra sa sollicitude non seulement à ses confrères mais aussi aux autres Ordres religieux. Il aimait et estimait tous les religieux. Les Franciscains lui furent redevables de voir dissipées les tendances de séparation qui se manifestaient entre eux; Pie V établit des règles concernant l’élection du Général et leur confia l’office de pénitenciers de Saint-Jean-de-Latran. L’un des personnages qui jouit le plus de la confiance et de l’affection de Ghislieri fut le franciscain Felice Peretti, le futur Sixte V, créé d'abord par lui Inquisiteur et ensuite, après en avoir favorisé l’élection comme Général des Franciscains, nommé évêque et par la suite cardinal, responsable de trois congrégations (des Evêques, du Concile et de l’Index) (24). « La Compagnie de Jésus s’est plu, elle aussi, à rendre hommage aux mérites et à la sainteté de Pie V. Peut-être quelques-uns de ses membres craignirent-ils qu’un Pape dominicain ne se montrât moins propice envers les Fils de St Ignace, contre laquelle invectivait Melchior Cano. Leurs appréhensions ne purent guère subsister; car le jour où le Saint-Père prit possession de la basilique du Latran, comme il passait devant la maison professe des Jésuites, et qu’il en aperçut le Général, François de Borgia, entouré de sa communauté, il le fit appeler aussitôt, arrêta le cortège, et s’entretint amicalement plusieurs instants avec le saint » (25). « Le Pape St Pie V favorisa de toutes manières la Compagnie et Borgia, avec qui les rapports furent toujours marqués de la plus grande estime et déférence. Il n’épargna certes pas le Général à qui “défait et tombant sous le poids des fatigues et des pénitences, St Pie V demanda enfin la limite de l’oblation: celle de reprendre le chemin des cours, pour y accompagner le cardinal Bonelli, dit Alexandrin, neveu du Pape, chargé de promouvoir la ligue contre le Turc”. François Borgia, obéissant, se mit en route. (...) Il persuada Philippe II de la nécessité de participer à la croisade que le Pape prêchait: il atteignit son but » (26). Pie V « promulgua, le 17 juillet 1571, une dernière constitution... qui admettait la Compagnie parmi les Ordres mendiants, c’est-à-dire parmi les Ordres religieux qui vivaient d’aumônes en professant la pauvreté évangélique dans sa perfection et déclarait y admettre la Compagnie non par un privilège extrinsèque, mais en vertu de sa profession de parfaite pauvreté religieuse » (27). Les actes de Ghislieri furent une preuve éclatante de cette bienveillance. Il ne se contenta pas de bénir et d’encourager les collèges des Jésuites mais contribua aussi à leur fondation. En une occasion seulement il s’opposa à la transformation d’un couvent dominicain à Augsbourg en une résidence pour les pères jésuites; il écrivit à ce propos au cardinal Alexandrin son neveu: “La Compagnie de Jésus mérite tous les égards; mais lui donner le couvent des Dominicains, qui furent fondés longtemps avant ne me paraît pas une bonne chose”. St Pie V prit « certaines ordonnances qui affligèrent la Compagnie. Les principales furent d’astreindre ses membres au chœur conventuel et de n’accorder le sacerdoce à aucun jésuite qui ne fût profès”. Après nombre d’instances infructueuses (…) St François Borgia (…) se soumit simplement. “Dieu permit… qu’un saint en prenant certaines mesures, mît à l’épreuve l’obéissance de la Compagnie. Cette obéissance fut loyale et entière. St Francois Borgia suivit dans la tombe St Pie V trois mois après. Du ciel les deux saints mirent fin à l’épreuve” » (28). La condamnation de Baïus « Tandis que le protestantisme était déjà frappé à mort en Italie, dans le Nord des symptômes multipliés indiquaient que, sous le masque du catholicisme, une nouvelle forme d’hérésie commençait à s’implanter. (…) Les Pays-Bas, déjà si profondément minés au point de vue religieux, menaçaient de devenir le centre du mouvement nouveau, en particulier l’Université de Louvain, l’école d’antique célébrité, l’ancienne ennemie si résolue de Luther. (…) Les doctrines protestantes sur la grâce et le libre arbitre exercèrent sur la pensée et la vie catholique un contre-coup de conséquence incalculable et pour des siècles (…). 15 Michel Baïus, professeur à Louvain depuis 1552 dans la chaire d’Histoire sainte, part, dans ses recherches, du désir de réconcilier les nouvelles croyances avec la doctrine catholique. Puisque les protestants, écrit-il en 1569 au cardinal Simonetta, n’admettent rien que l’Ecriture Sainte et les plus anciens Pères de l’Eglise, il s’est efforcé de ramener la théologie à l’étude de l’Ecriture Sainte et de ceux des Pères qui valent encore aux yeux des protestants, tels que Cyprien, Prosper, Léon, et les quatre docteurs d’Occident. Toutefois, si Baïus veut négliger le travail des théologiens du Moyen Age, sa réserve ne doit pas être attribuée au seul désir de se rapprocher de ses adversaires professant la foi nouvelle; elle part bien plutôt de l’idée que la théologie a été attirée et égarée au Moyen Age par des mélanges de philosophie aristotélicienne, et qu’elle doit revenir aux Pères les plus anciens, parmi lesquels l’auteur vénère avant tout St Augustin comme son maître » (29). Quant à sa doctrine Baïus niait la surnaturalité des dons de l’état originel (les dons préternaturels et la grâce qui sont absolument gratuits selon la théologie catholique) en les considérant comme une chose due à la perfection de la nature humaine (leur perte aurait donc comporté une corruption intrinsèque de la nature humaine). Il plaçait l’essence du péché originel dans la concupiscence, qui priverait la volonté de sa liberté intérieure. Toutes les actions humaines proviendraient, ou de la “cupiditas” c’est-à-dire la concupiscence ou amour terrestre et alors ces actions sont péchés [les œuvres des païens, privés de grâce sont “des vices déguisés sous des apparences de vertu”], ou de la “caritas” ou amour juste infusé par Dieu et alors les actions sont bonnes et dignes du Paradis. Pour faire le bien la grâce efficace irrésistible serait nécessaire qui déterminerait intrinsèquement la volonté sans en détruire la liberté. St Pie V nomme évêque Felice Peretti De cette manière « Baïus en procédant par la voie du pessimisme préludait au Jansénisme. …On peut dire qu’il est pélagien au Paradis terrestre et qu’il est luthérien, en principe après le péché originel. Il eut une mentalité hérétique » (30). Puisque ses propositions étaient scandaleuses pour les fidèles elles furent déférées au Saint-Siège. St Pie V condamna 79 propositions de Baïus par la bulle Ex omnibus afflictionis du 1er octobre 1567 (31). En censurant Baïus, il condamna ainsi par anticipation de nombreuses erreurs de la “Nouvelle Théologie” reprises ensuite par Vatican II. Par la suite Michel Baïus, à la différence de Luther, se soumit à la sentence du Saint-Siège mais en continuant à considérer avec nostalgie ses principes. Les calendes de mai 1572… Après la victoire sur les Turcs la renommée de St Pie V allait toujours croissant auprès du peuple chrétien. Dieu confirmait la vertu de son serviteur par des miracles. Guérisons, conversions, prophéties, efficacité surnaturelle des Agnus Dei bénits par lui, annonce de la victoire de Lépante. L’épisode du crucifix empoisonné est cher à l’iconographie chrétienne: « Pie V manifestait une grande dévotion au mystère de la Croix. Sur son crucifix de chevet il avait fait graver le mot de l’Apôtre: “Loin de moi de me glorifier, si ce n’est dans la croix de Notre-Seigneur Jésus-Christ”. En cette attitude humiliée, il passait de longues heures à genoux, les mains jointes devant le crucifix, ou le baisant affectueusement. Comme il se disposait, un jour, à rapprocher de ses lèvres les pieds du Christ, soudain ceux-ci s’écartent. Effrayé, désolé, il pousse un cri. Ses serviteurs qui l’ont entendu accourent. Ils sont ainsi témoins du prodige. Mais tandis que la conscience du Saint-Père s’alarme d’avoir pu mériter, par quelque défaillance, un châtiment de Dieu, ses familiers, plus clairvoyants ou plus défiants, soupçonnent une tentative criminelle. Ils essuyèrent le crucifix avec de la mie de pain, et la donnèrent à un chien qui mourut à l’instant » (32). L’institution de la fête de Sainte-Marie de la Victoire en reconnaissance de la bataille de Lépante fut le dernier acte important du Pontificat de St Pie V. A la mi-mars 1572 le mal chronique des calculs aux reins et à la vessie s’aggrava, et 16 les médecins ne purent pas faire grand-chose, étant donné aussi l’épuisement du corps du Pontife qui entrait dans sa 69ème année. Il se refusa en outre à se faire opérer et préféra supporter les maux les plus atroces plutôt que de laisser toucher son corps par des mains étrangères. « Malgré sa faiblesse il voulut observer les pratiques du Carême. Un de ses domestiques, l’aperçevant plus débile, fit discrètement assaisonner de jus de viande la chicorée sauvage, sa nourriture habituelle. A peine le Pape y eut-il goûté, qu’il s’affligea de cette fraude: “Voyons, mon ami - ditil - est-ce pour quelques jours qui me restent à vivre, que je vais transgresser les lois de l’abstinence que j’ai inviolablement gardées cinquante-cinq ans?” » ( 33). Dans les souffrances de la maladie il avait coutume de s’écrier avec confiance: “Seigneur, augmentez le mal, s’il vous plaît, mais augmentez aussi ma patience”. Sa force d’âme restait toujours égale même dans la maladie. Ne pouvant plus célébrer la Sainte Messe, tous les matins il l’écoutait dans sa chambre. Le Jeudi saint (3 avril 1572) il reçut de son neveu le cardinal Alexandrin le saint viatique; le Vendredi saint il ordonna qu’on lui apportât une croix, et, se levant, il alla, pieds nus, l’adorer. Le jour de Pâques (6 avril) rassemblant les forces qui lui restaient il réussit encore une fois à donner la bénédiction à la Ville, de la loggia de la basilique vaticane, et le fit d’une voix si sonore qu’on l’entendit jusqu’au milieu de la place. Une amélioration s’étant ensuite manifestée, le 21 avril, se sentant plus de force il voulut faire, contre l’avis des médecins, la visite des sept églises, et la fit en partie à pied et en partie en litière. Cet acte fatigant l’accabla tellement que le samedi 26 suivant il tomba en syncope, et fut considéré comme perdu. Le 28 il aurait voulu célébrer la Sainte Messe mais dut se contenter de recevoir la Sainte Communion. Le 30 avril Pie V annonça clairement que sa fin était proche; il se fit revêtir de l’habit dominicain, pour mourir dans la blancheur et dans l’humilité de l’habit religieux, reçut l’absolution et pria l’évêque de Segni, sacriste de Saint-Pierre, de lui administrer l’Extrême-Onction. Avant de mourir le Pape Ghislieri dit ces paroles aux cardinaux présents à son chevet: « N’ayez pas de chagrin; car si vous avez aimé ma vie mortelle, pourtant misérable, combien plus devez-vous aimer la vie immuable et heureuse que la miséricorde divine va bientôt, je l’espère, m’accorder. Vous n’ignorez pas de quelle passion je souhaitais voir renverser l’empire des Turcs; mais puisque mes péchés m’ont rendu indigne d’admirer ce triomphe, j’adore les jugements de Dieu et j’accepte Sa volonté. Maintenant, je vous recommande la Sainte Eglise que j’ai tant aimée. Employez-vous à m’élire un successeur zélé, qui ne cherche que la gloire du Sauveur, et qui n’ait d’autre intérêt ici-bas que l’honneur du Siège Apostolique et le bien de la Chrétienté » (34). St Pie V est assisté de son neveu le cardinal Bonelli, des cardinaux Rusticucci, Peretti, Carafa, Acquaviva, du Général des Dominicains Serafino Cavalli, du prieur du couvent de Bosco. Au soir du 1er mai, vers vingt-deux heures, il mit ses mains en croix et expira après avoir récité comme une sorte de bénédiction au troupeau chrétien qu’il laissait exposé à tant de dangers, la strophe de l’hymne pascale du bréviaire: “Quæsumus, auctor omnium in hoc paschali gaudio, ab omni mortis impetu tuum defende populum” (35). Pie V allait se joindre aux grands Papes semblables à lui, tels Léon le Grand, Grégoire VII, Innocent III, après avoir régné exactement six ans trois mois et vingt-quatre jours. Malgré ses innombrables munificences et aumônes et le secours charitable qu’il avait prêté à tous ceux qui en avaient eu besoin, il laissa à sa mort dans les caisses du Saint-Siège le chiffre considérable d’un million six cent mille écus. Le cardinal Carafa commenta: “Il laissa l’Eglise dans des conditions bien meilleures que quand il l’avait prise pour gouverner. Il purifia l’Italie de toutes sortes d’erreurs et d’hérésies. Il n’épuisa pas les finances comme il arrive souvent. Il n’y a aucun doute qu’il ne soit allé au ciel”. L’honneur et la gloire Beaucoup d’honneur et de vénération furent rendus à St Pie V durant les funérailles solennelles qui selon la coutume se prolongèrent pendant neuf jours. Déjà le peuple le vénérait comme un saint. Le sultan lui-même Sélim II, à sa façon (en bon ennemi…) en ordonnant trois jours de fête nationale pour la mort de Pie V, exprimait la haute estime dans laquelle était tenu le Pape Ghislieri dans le monde entier. La dépouille de St Pie V fut inhumée provisoirement à St-Pierre, puisque sa volonté était d’être enterré au couvent dominicain de Bosco. Mais Rome ne laissa pas échapper 17 les reliques d’un si grand saint. Treize ans après, le protégé de St Pie V, le franciscain Felice Peretti devenu le Pape Sixte V ne permit plus le départ du corps de son vénérable prédécesseur, mais lui érigea un mausolée somptueux dans la plus grande église mariale de la chrétienté, Sainte-Marie-Majeure, le plaçant dans la chapelle de la crèche où tout parle au cœur de la Maternité Divine de la Très Sainte Vierge. Le Pape de l’Ave Maria pouvait se sentir à son aise dans la maison de la Sainte Vierge… Dans la translation solennelle des ossements du Pape Ghislieri, en 1588, Sixte V lui fit rendre les honneurs les plus solennels. La cause de béatification de Pie V ne fut pas brève; elle commença en 1616, l’héroïcité de ses vertus fut reconnue après 14 ans. En 1672, le 1er mai, exactement à cent ans de sa mort, Pie V était proclamé bienheureux par Clément X. Enfin en 1712 ce fut le Pape Clément XI qui eut la joie de proclamer Saint son grand prédécesseur, héros de la chrétienté. Si l’on excepte Célestin V, St Pie V était le premier Pape saint après St Grégoire VII. On peut vraiment dire que Ghislieri avait suivi Hildebrand de Soana en tout... sur terre comme au Paradis et dans la gloire qui à tous deux devait être rendue sur terre par l’Eglise Catholique. Jugement historique Von Pastor dit de lui: « Du premier au dernier jour de son règne toutes les forces de Pie V avaient été consacrées à défendre l’Eglise contre les ennemis de la foi catholique, à la purifier de tous ses abus, à l’étendre aux pays d’outre-mer ainsi qu’à défendre la chrétienté européenne contre l’assaut de l’Islam. Des succès décisifs ne purent être atteints sur tous ces terrains à cause de la brièveté de son pontificat. Malgré cela le Saint Pape a réalisé de grandes choses. Ses successeurs souvent n’eurent qu’à moissonner ce qu’il avait semé. Dans la période immédiate qui suivit apparut toujours plus clairement l’importance de son inlassable et profonde activité non seulement pour la réformation catholique, mais aussi pour la restauration catholique en général. Du reste les contemporains sentirent déjà quelle grave perte faisait l’Eglise par sa mort... Ce qu’un ascète aussi rigide que Charles Borromée avait dit en 1568, que depuis longtemps l’Eglise n’avait pas eu de chef meilleur ni plus saint, s’était vérifié » (36). Dom Guéranger dit: « La vie entière de Pie V a été un combat. Dans les temps agités où il fut placé au gouvernail de la sainte Eglise, l’erreur venait d’envahir une vaste portion de la chrétienté, et menaçait le reste. (…) (L’hérésie) convoitait l’Italie; son ambition sacrilège était de renverser la chaire apostolique, et d’entraîner sans retour le monde chrétien tout entier dans les ténèbres de l’hérésie. Pie défendit avec un dévouement inviolable la Péninsule menacée. Avant d’être élevé aux honneurs du Pontificat suprême, il exposa souvent sa vie pour arracher les villes à la séduction. Imitateur fidèle de St Pierre Martyr, on ne le vit jamais reculer en présence du danger, et partout les émissaires de l’hérésie s’enfuirent à son approche. Placé sur la chaire de St Pierre, il sut imprimer aux novateurs une terreur salutaire [La crainte est le commencement de la sagesse… dit l’Ecriture, n.d.a.], il releva le courage des souverains de l’Italie, et, par des rigueurs modérées, il vint à bout de refouler au-delà des Alpes le fléau qui allait entraîner la destruction du christianisme en Europe, si les Etats du Midi ne lui eussent opposé une barrière invincible. Le torrent de l’hérésie s’arrêta. Depuis lors, le protestantisme, réduit à s'user sur lui-même, donne le spectacle de cette anarchie de doctrines qui eût désolé le monde entier, sans la vigilance du Pasteur qui, soutenant avec un zèle indomptable les défenseurs de la vérité dans tous les Etats où elle régnait encore, s’opposa comme un mur d’airain à l’envahissement de l’erreur dans les contrées où il commandait en maître » (37). On ne peut probablement trouver meilleur éloge que celui que notre Mère la Sainte Eglise a voulu rendre à St Pie V dans la bulle de canonisation du nouveau saint: « Brillaient en lui une ardeur infatigable pour la propagation de la Foi, un incessant labeur dans le rétablissement de la discipline ecclésiastique, une vigilance assidue à l’extirpation des erreurs, une charité merveilleuse envers les pauvres, et une force invincible pour revendiquer les droits du Saint-Siège ». Prière finale « Maintenant, ô saint Pontife, écoutez les vœux de l’Eglise militante dont les destinées furent un moment déposées entre vos mains. En mourant vous imploriez pour elle, au nom du Sauveur ressuscité, la protection contre les périls auxquels elle était encore 18 leur seule force au milieu de ces courants d’erreur qui menacent de tout entraîner. (…) Enfin souvenez-vous, ô Pie, que vous avez été le Père du peuple chrétien, et continuez d’exercer encore cette noble prérogative sur la terre, par votre puissante intercession, jusqu’à ce que le nombre des élus soit arrivé à son complément » (38). Que cette belle oraison que la liturgie dominicaine dédie au glorieux Pape piémontais soit la conclusion de nos articles, avec l’espérance que si leur lecture l’aura fait plus aimer, l’auteur n’aura pas travaillé en vain, et que St Pie V intercédera pour tous ceux qui l’aiment et le vénèrent sur terre: “O Pie V, pasteur admirable souvenezvous de votre troupeau. Debout devant le Souverain Juge, prenez le parti des fidèles. Qui intercéderait plus efficacement que vous? Car aucun homme n’a consacré une force plus intense à procurer sur la terre la gloire de Dieu”. St Pie V d’après une gravure du XVIè siècle Notes exposée; voyez à quel état le débordement de l’erreur a réduit de nos jours la chrétienté presque tout entière. Pour faire face à tous les ennemis qui l’assiègent, l’Eglise n’a plus que les promesses de son divin fondateur; tous les appuis visibles lui manquent à la fois; il ne lui reste plus que les mérites de la souffrance et les ressources de la prière. Unissez, ô saint Pontife, vos supplications aux siennes, et montrez que vous aimez toujours le troupeau de votre Maître. Protégez dans Rome la Chaire de votre successeur, en butte aux plus violentes et aux plus astucieuses attaques. Les princes et les peuples conspirent d’accord contre le Seigneur et contre son Christ. Détournez les fléaux qui menacent l’Europe si ingrate envers sa mère, si indifférente aux attentats commis contre celle à qui elle doit tout. Illuminez les aveugles, confondez les pervers; obtenez que la foi éclaire enfin tant d’intelligences égarées qui prennent l’erreur pour la vérité, les ténèbres pour la lumière. Au milieu de cette nuit si sombre et si menaçante, vos regards, ô saint Pontife, discernent les brebis fidèles: bénissez-les, soutenez-les, accroissez leur nombre. Attachez-les au tronc de l’arbre qui ne peut périr, afin qu’elles ne soient pas dispersées par la tempête. Rendez-les toujours plus fidèles à la foi et aux traditions de la sainte Eglise: c’est 1) ABBÉ ROHRBACHER, Histoire universelle de l’Eglise Catholique, Gaume Frères, éditeurs, Paris 1872, vol XII, livre 86, p. 737. 2) A l’occasion de la prise de Nicosie, il faut citer l’acte d’héroïsme de certaines femmes chrétiennes, capturées pour être faites prisonnières, pour agrandir les harems des infidèles turcs. Préférant la mort à un sort aussi ignominieux l’une d’elle mit le feu au bateau qui la transportait. Elles périrent presque toutes dans l’incendie. Florete flores martyrum… 3) Les rapports entre Venise, les états italiens et l’Espagne n’étaient pas faciles, puisque cette dernière qui était la plus grande puissance européenne, exerçait en Italie une grande influence au moyen des vice-rois à Naples, en Sicile, dans le duché de Milan et en Sardaigne. Les autres états italiens avaient de la peine à maintenir leur indépendance. Le cardinal Grente relate la nouvelle qu’en cette occasion André Doria avait reçu ordre du roi d’Espagne d’épargner ses navires (op. cit., pp. 155-157). 4) C ARDINAL G EORGES G RENTE , Le Pape des grands combats, Saint Pie V, Lib. Arthème Fayard, Paris 1956, p. 159. 5) CARDINAL G. GRENTE, op. cit., pp. 159-161. 6) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 162. 7) CARD. G. GRENTE, op. cit., pp. 164-166. 8) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 169. 9) Il s’agissait des prisonniers qui étaient condamnés à ramer autrefois sur les galères de guerre pour faire avancer ces bateaux par manque de vent. 10) LOUIS PASTOR, Histoire des Papes depuis la fin du moyen âge, Plon, Paris 1935, Tome XVIII, p. 295. En note Pastor fait remarquer comment St Pie V interdit à des gens avides de gains et sans scrupules, sous peine d’excommunication, de traiter ces prisonniers chrétiens libérés comme s’ils étaient encore des esclaves. 11) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 172. 12) CARD. G. GRENTE, op. cit., pp. 172-173. 13) CARD. G. GRENTE, op. cit., pp. 178-179. 19 14) INNOCENZO GIUSEPPE VENCHI O.P., San Pio V fede e coraggio, éd. San Sisto vecchio, Rome 1972, pp. 152-53. 15) Op. cit., p. 180. 16) Catéchisme à l’usage des curés publié par le Pape St Pie V par décret du Concile de Trente. 17) DOM PROSPER GUÉRANGER, Institutions Liturgiques, Société Générale de Librairie Catholique, Paris 1878, Tome Ier, pp. 414-418. 18) Le “second canon” de la “Nouvelle Messe” qui du canon de “St Hippolyte” conserve à peine quelque réminiscence verbale «a immédiatement scandalisé les fidèles par sa brièveté. On peut écrire de lui qu’il peut être célébré en pleine tranquillité de conscience par un prêtre qui ne croit plus ni à la transubstantiation ni à la nature sacrificielle de la Messe». Bref examen critique du Novus Ordo Missæ, des cardinaux Ottaviani et Bacci, n° VI. 19) Bref examen critique du Novus Ordo Missæ, n° VIII. 20) Bref examen critique… n° VI et VIII, les caractères gras ont été ajoutés par nous. 21) DOM P. GUÉRANGER, Institutions Liturgiques, op. cit. p. 9. 22) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 190. 23) I. G. VENCHI op. cit., pp. 102-104. 24) Concernant la manière dont ces deux hommes se connurent cf. la première partie de cet article dans “Sodalitium” n° 34, pp. 13-14. 25) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 206. 26) FRANCO MARTINELLI, I Gesuiti l’esercito del Papa, Giovanni de Vecchi Editore, Milano 1969, p. 297. 27) F. MARTINELLI, op. cit., p. 233. 28) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 207. 29) LOUIS PASTOR, op. cit., Tome XVII pp. 292-293. 30) PIETRO PARENTE ANTONIO PIOLANTI, Dizionario di teologia dommatica per laici, éd. Studium, Rome 1943, rubrique Baianismo, p. 33. 31) On peut trouver les propositions condamnées de Baïus dans DENZINGER-SCHÖNMETZER, aux n° 1001-1080. 32) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 216. La liturgie dominicaine a inséré ce miracle dans l’office du saint: “Christi plantas osculari fixas cruci gestiit; sed pro vita sui cari pedes ista retrahit? Toxico imbutis dari oscula prohibuit, alleluja”. 33) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 217. 34) CARD. G. GRENTE, op. cit., p. 219. 35) “Nous vous en supplions, Créateur de tous les êtres, dans l’allégresse de Pâques, contre tous les assauts de la mort, défendez votre peuple”. 36) L. PASTOR, op. cit., Tome XVIII, pp. 323-324. 37) DOM GUÉRANGER, L’année Liturgique, Oudin Paris 1902, Le temps Pascal T. II, pp. 510-511. 38) DOM GUÉRANGER, op. cit., pp. 522-523. Les caractères gras ont été ajoutés par l’auteur. LE “DEMENTI” DE MASSIMO INTROVIGNE corrigeant de tant de déviations. Enfin, je rappelle que la polémique en question n'a été ouverte ni par moi-même ni par Sodalitium, mais par Introvigne lui-même, qui inclut de manière systématique et abusive l’Institut Mater Boni Consilii parmi les sectes ou, en d'autres termes, dans les “nouveaux mouvements religieux”, y compris dans un article publié (et ça c'est le comble) sur la revue para-maçonnique Ars Regia. Jusqu'ici, voilà pour le passé. Quant à la nouveauté, la voici: alors que Massimo Introvigne s'était tu après le premier article, il a cru opportun de répondre après la publication du second. Amour de la vérité ou signe de faiblesse? Voyons... par le Père Torquemada I l y a une nouveauté dans le “cas” Introvigne. Pour les nouveaux lecteurs de Sodalitium je rappelle de quoi il s'agit. J'ai publié un premier article sur le n° 34 de la revue intitulé “Massimo Introvigne et la Franc-Maçonnerie”, en posant le problème de l’appartenance d'Introvigne au comité scientifique de la revue para-maçonnique Ars Regia. Je suis revenu sur le sujet dans le n° 37, étant donné que deux autres faits susceptibles de laisser les gens perplexes à la lumière de la morale catholique étaient connus publiquement: la participation d'Introvigne aux soidisant “messes noires” pratiquées dans les “églises” satanistes, et l’appartenance du même personnage à un groupe proche de la Franc-Maçonnerie, et qui de toute façon se réunit dans les salles du Grand Orient de France, le “Groupe de Thèbes”. C'est à Introvigne, en sa qualité de militant catholique, dirigeant d'Alleanza Cattolica, du Cesnur, du Gris, et collaborateur du quotidien catholique Avvenire, que revient de nous rassurer tous, en démentant ces nouvelles, ou en se Domus Aurea Informazioni En réalité, ce n'est pas Massimo Introvigne en personne qui répond ou qui dément. Par l'expression “démenti de Massimo Introvigne” je me réfère à 4 pages, sans signature d'auteur, diffusées par “Domus Aurea Informazioni”, “Bulletin à circulation interne de la Commission Domus Aurea d'Alleanza Cattolica pour l’information et l'étude de la nouvelle religiosité” (n° 5/10 septembre 1994). Les quatre petites pages sont intitulées: «At- 20 taques de la part de la revue “Sodalitium”» et sont destinées, je suppose, aux militants d'Alleanza Cattolica pour répondre à ces “lecteurs de Sodalitium - plus ou moins bien informés sur les activités de Monsieur Massimo Introvigne - [qui] pourraient demander des précisions.” (cf. D.A.I., n° 5, p. 1). Quoiqu'il en soit du rédacteur matériel de ces pages, il n'est pas arbitraire, me semble-t-il, de faire remonter à Massimo Introvigne la paternité morale de l'écrit. Naturellement ce bulletin ne nous a pas été envoyé par Alleanza Cattolica, étant donné sa nature de “bulletin à circulation interne”, et nous pouvons pourtant y apporter une réponse en connaissance de cause uniquement grâce à un lecteur de Sodalitium à qui un militant d'Alleanza Cattolica, probablement privé de bonne mémoire, a laissé le bulletin avec ses “précisions”. Dans l'attente confiante d'une réponse publique, peut-être sur Cristianità, comme cela a été annoncé par les militants d'Alleanza Cattolica, je ne peux faire autre chose que commenter la réponse à “circulation interne”, à savoir les quatre pages divisées en 5 points du bulletin D.A.I. (mon abréviation pour “Domus Aurea Informazioni”). Même si je ne peux pas, pour des raisons de place, publier tout le document, il sera envoyé en photocopie à qui le demandera ou, encore mieux, il peut être demandé directement à la source, c'est-à-dire à Alleanza Cattolica. Premier point: les sources de Sodalitium Le D.A.I. objecte sur la méthode. Je cite intégralement: “Sur les thèmes de la nouvelle religiosité Massimo Introvigne a publié comme auteur ou éditeur quinze volumes et plus d'une centaine d'articles. Non seulement la méthode scientifique, mais la pratique journalistique inspirée des principes de droiture imposerait que ses opinions en la matière soient prises à partir de ses écrits plutôt que par des articles d'un journal à sensation [Epoca, n.d.a.] ou - dans le cas de Serge Faubert, journaliste communiste militant d'un groupuscule trotskiste et connu en particulier pour ses positions anti-catholiques et anti-religieuses en général - ouvertement factieuses”. Je repousse l’accusation de manque de droiture, et je me permets d'observer: a) Mon intention n'était pas de présenter au lecteur la pensée et les œuvres de Massimo Introvigne, sujet peut-être intéressant mais certainement ardu, car il faudrait courir après la masse continuellement croissante des livres et des articles publiés à jet continu par notre auteur (soit dit en passant et amicalement: une si grande prolificité ne risquet-elle pas de nuire à la scientificité?). Si cela avait été, je l'aurais précisé. Mon intention était plus circonscrite: vérifier la véracité de trois faits bien précis: 1) Appartenance d'Introvigne au Comité Scientifique d'Ars Regia; 2) Appartenance d'Introvigne au “Groupe de Thèbes”; 3) Présence d'Introvigne à des cérémonies sataniques. Il s'agit d'une question bien circonscrite et facilement vérifiable, d'autant plus après la réponse de D.A.I. qui a substantiellement confirmé les trois points en question. Les conclusions que l'on peut tirer de la véracité établie de ces faits sont une autre question, plus discutable, c'est vrai, et sur laquelle en effet je ne me suis pas prononcé catégoriquement. Donc il n'est pas scientifiquement incorrect (et encore moins journalistiquement) de n'avoir pas étudié et fait part au lecteur de toutes les publications du docteur Introvigne étant donné que ce n'était pas le point de la discussion. b) Si le docteur Introvigne accorde des interviews à des “journaux à sensation” (avec la publicité subséquente à ses ouvrages scientifiques) qu'il ne se plaigne pas après d'avoir été cité par Sodalitium. Le problème est: Epoca a-t-elle falsifié les faits et les paroles d'Introvigne? Absolument pas (car D.A.I. ne le dit d'aucune façon). Alors qu'a à voir là-dedans le sensationnalisme? c) Quant à Serge Faubert, le problème n'est pas de savoir s'il appartient à un “groupuscule trotskiste” (d'autant plus qu'Introvigne ne s'offusque pas de se trouver dans le même comité scientifique que des marxistes) mais le problème est si, et où, Monsieur Faubert ment dans l'article susmentionné. Cela, D.A.I. ne le précise nullement, pas même une seule fois ou sur un seul point particulier, dans aucune des quatre pages! Dans le point 4c (que j'anticipe) D.A.I. écrit: “Si quelque chose, dans toute cette affaire, étonne c'est précisément le fait qu'une publication comme Sodalitium prend pour argent comptant les divagations d'un journaliste communiste comme Serge Faubert, sans se rendre compte que tout l’article a une intentio, qui est précisément celle de montrer comment tous les courants de ‘droite’ - ‘lefebvristes’ compris - sont secrètement solidaires entre eux et complottent contre la très laïque 21 République française”. Il y a, dans ces cinq lignes, quelques mensonges et beaucoup de fumée, mais aucune réponse. Je n'ai pas du tout pris “pour argent comptant” l'écrit de Faubert et la finalité de son article ne m'a pas échappée: j'écris en effet aux pages 53-54: “Si l'on admet que je laisse à Serge Faubert (notoirement progressiste) la responsabilité de ce qu'il écrit (...)” et “Si nous devons nous fier à Serge Faubert...”. En effet, avant d'écrire, moi aussi je me renseigne (et je n'écris pas tout ce que je sais). Massimo Introvigne luimême cependant, qui pratique “l’observation participante” des groupes les plus étranges et dialogue avec les personnages les plus répréhensibles (comme les satanistes) nous permettra de prendre en considération (même critique) aussi les affirmations de Faubert, malgré ses deux défauts principaux (aux yeux de D.A.I.): être un journaliste et faire partie d'un groupuscule... A Introvigne revient la charge de démentir non en parlant génériquement de “divagations” mais en précisant clairement si chacune des affirmations de Faubert sont vraies ou fausses (et quelles sont les vraies et quelles sont les fausses). Quant à la finalité (ou intentio) de l’article de Faubert, elle n'exclut pas qu'il puisse y avoir du vrai dans ce qu'il dit; comme par exemple sont incontestables, connues et documentées les collusions d'une certaine “droite” politique avec l’ésotérisme (et même les collusions de certains lefebvristes avec l’ésotérisme). d) Notons enfin que D.A.I., dans ce paragraphe, parle des articles d'Epoca et de l’Evénement du jeudi, mais pas d'Ars Regia. En effet dans Ars Regia on ne parle pas d'Introvigne; c'est lui qui y écrit directement, et pour cette raison l’observation de D.A.I. n'a aucune valeur: je suis allé directement à la source! Second point: Introvigne et la Maçonnerie “A partir des écrits de Massimo Introvigne (...) on déduit avec une absolue clarté sa position tout à fait négative à propos de la Franc-Maçonnerie considérée comme ensemble des organisations et du maçonnisme considéré comme méthode et mentalité, ainsi que sa continuelle activité d’illustration et de propagande des enseignements du Magistère catholique (...) selon lequel on ne peut être en même temps catholiques et francs-maçons” (cf. D.A.I., p. 1, n° 2). Que Massimo Introvigne et Alleanza Cattolica ne s'offusquent pas de nos doutes: si l'un appartient au Comité Scientifique d'une revue contrôlée par des francs-maçons et fait partie d'un Groupe qui se réunit à la Grande Loge de France de la rue Cadet il est inévitable que le soupçon tombe sur lui. Sur ce point l'embrouillamini c'est lui qui l'a fait (je demande pardon pour les expressions peu académiques) et c'est un bel embrouillamini car, dans les questions d'affiliations maçonniques, toute preuve est très difficile, tant pour démontrer l'affiliation avérée, que pour la démentir. Le motif est clair: la Maçonnerie, ou les Maçonneries, si vous préférez, sont des associations secrètes dont on ignore les membres (au moins certains d'entre eux) qui ont le droit de nier l’affiliation et même, dans certains cas, attestés, de se déclarer adversaires de la Maçonnerie. Guénon lui-même n'écrivait-il pas sur des revues catholiques? Et même sur une revue comme “France antimaçonnique”? Et Julius Evola n'a-t-il pas écrit contre la Franc-Maçonnerie? Certes le cas d'Introvigne est différent, puisqu'il est notoirement catholique, mais le problème posé par ses fréquentations discutables demeure. Quoi qu'il en soit, je prends acte que D.A.I., même en ne démentant pas explicitement l’appartenance d'Introvigne à une Maçonnerie quelconque, affirme que la position d'Introvigne sur la Maçonnerie est “tout à fait négative”. Surgit cependant un nouveau doute: ayant admis qu'Introvigne n'est pas maçon, et que sa position est “négative” vis-à-vis de la Maçonnerie, nous nous demandons: 1) Jusqu'à quel point sa position est négative. 2) Au cas où elle l'est vraiment “tout à fait”, comme il l'affirme, comment est-il possible que les francs-maçons soient devenus subitement tous idiots (je demande à nouveau pardon pour les termes peu académiques). Je m'explique: 1) Jusqu'à quel point la position d'Introvigne est-elle négative par rapport à la Maçonnerie? Je lirai avec attention son livre à ce propos, Massoneria e religioni, “prévu pour l’hiver 1994-1995”. Entre-temps D.A.I. résume ainsi ce qui, étant donné le but de l'écrit qui vise à innocenter Introvigne de connivences suspectes avec la Maçonnerie, devrait être le sommet de l’antimaçonnisme d'Introvigne: “on ne peut pas être en même temps catholiques et francs-maçons”. S'il n'y a que ça, c'est un peu peu (d'autant plus que beaucoup de maçons seraient d’accord). Je demande pourtant à Introvigne et/ou à Alleanza Cattolica (et je m'excuse si par hasard la réponse se trouve déjà dans les centaines d'articles etc.): croyez-vous encore aux “enseigne- 22 ments du Magistère catholique” (qui n'a pas, que je sache, une date d'échéance) contenus, par exemple, dans l'encyclique Humanum genus de S.S. Léon XIII? Enseignez-vous dans vos conférences, livres et articles, que les francs-maçons “rivalisent d'audace contre l'auguste majesté de Dieu; qu'ils entreprennent (...) de ruiner la Sainte Eglise” et que la Maçonnerie est un “ennemi capital” qui” sort “des ténèbres d'une conspiration occulte”; une “secte (...) association criminelle, non moins pernicieuse aux intérêts du christianisme qu'à ceux de la société civile”; que “les sectes maçonniques” sont “en opposition formelle avec la justice et la morale naturelles” “dont la suprême intention” est de “détruire de fond en comble toute la discipline religieuse et sociale, qui est née des institutions chrétiennes” et de “poursuivre le catholicisme d'une inimitié exclusive et implacable” par “le comble de la folie et de la plus audacieuse impiété”? Dites-vous à vos auditeurs et lecteurs que “dans un plan si insensé et si criminel, il est bien permis de reconnaître la haine implacable dont Satan est animé à l'égard de Jésus-Christ et sa passion de vengeance”? Essayez-vous de “faire disparaître l'impure contagion du poison” de la Maçonnerie en “arrachant à la Franc-Maçonnerie le masque dont elle se couvre et en la faisant voir telle qu'elle est” avec “la perversité de ses doctrines et l'infamie de ses actes”? Vous souvenez-vous aussi non seulement de ne pas vous inscrire aux Loges, mais aussi de ne “leur venir en aide d'aucune façon”? Dites-vous que dans ces “sectes réprouvées (...) on voit si évidemment revivre parmi nous l'esprit de révolte, l'incorrigible perfidie et la ruse du démon”? Vous souvenez-vous que les francsmaçons ont “l’astuce et la dissimulation des sectaires” et que c'est pour avoir dialogué avec le serpent qu'Eve tomba dans le péché? “Fixez-vous votre attention sur la société maçonnique, sur l'ensemble de sa doctrine, sur ses projets, ses sentiments et ses actes, afin de mettre en une plus éclatante évidence sa puissance pour le mal, et d'arrêter dans ses progrès la contagion de ce funeste fléau”? Je serai très content si D.A.I. ou Cristianità me rassuraient à ce propos. 2) Mais si cela est l’enseignement du Magistère catholique, et donc aussi d'Introvigne, comment se fait-il que les francs-maçons l'invitent à fréquenter les Loges et à faire partie du Comité Scientifique de leur revue? Si Mgr Benigni, Mgr Jouin, Léon de Poncins ou Massimo Introvigne Henri Coston avaient demandé la publication de leurs propres écrits sur Ars Regia, ou le nihil obstat pour aller fureter au Grand Orient, auraient-ils reçu une réponse positive? Si Massimo Introvigne combat et nuit à la Maçonnerie, comme il se doit, comment se fait-il que les francs-maçons lui donnent libre accès en Loge et dans les revues? Sont-ils devenus fous? Ou bien faut-il croire que la présentation “tout à fait négative” (selon le nouveau style) qu'Introvigne donne de la Maçonnerie ne leur déplaît plus autant? L’article d'Introvigne que j'ai lu sur Ars Regia, par exemple, n'avait rien de désagréable pour un maçon (par contre il mettait les “traditionalistes” catholiques parmi les “nouvelles religions” qui pullulent à Turin, ce qui fait certainement plaisir à un franc-maçon...). Point 3a: les méthodes de la sociologie Là où le démenti de D.A.I. se fait circonstancié, détaillé et rigoureux c'est justement ici, au point 3a. Je dois faire amende honorable: j'ai écrit que Massimo Introvigne est un journaliste. En réalité c'est un “sociologue de la religion”. Lisez vous-même la précision qui s'impose: «...Massimo Introvigne (...) a titre à être qualifié de “sociologue de la religion” en tant que, entre autres, chargé depuis 1993 d'un enseignement relatif à la Sociologie de la Religion auprès de l’Institut des Sciences Religieuses du siège de Foggia [diocèse de Mgr Casale, président du CESNUR, n.d.a.] de la Faculté Théologique de l’Italie Méridionale [celle du tristement célèbre Bruno Forte, n.d.a. (1)] et depuis 1994 du même enseignement auprès de l’Université Regina Apostolorum de Rome, ainsi que membre ordinaire de l'Association for the Sociology of Religion, de la Società Internazionale di Sociologia della Religione et de l'American Academy of Religion, alors que par contre il n'a pas titre à être qualifié de “journaliste”...». Je répare donc mon erreur: Introvigne n'est pas un journaliste, c'est un sociologue et (bien qu'il n'en parle pas, on le lit entre les lignes, mes 23 doutes sur ses qualifications l'ont perturbé) même s'il n'est pas enseignant universitaire il enseigne dans les Universités. Mais cela n'a rien à voir avec les liens maçonniques de notre homme, d'autant plus que, on le sait, les Loges ne sont généralement pas fréquentées par le prolétariat. Ayant rendu l'honneur dû à l'autorité scientifique d'Introvigne, passons au vrai problème. Et en effet, spécifier la qualité de “sociologue de la religion” de Massimo Introvigne n'était pas motivé par un désir de se mettre en vedette, mais par la tentative de nous expliquer les manières scientifiques de procéder des sociologues. “L'étude des nouveaux mouvements religieux ‘en chambre’ a rarement donné de bons résultats” écrit D.A.I. L’hypothèse d'un de nos lecteurs, selon lequel «il y aurait aussi quelque chose à dire sur la qualité “scientifique” de l'œuvre d'Introvigne, constituée presque entièrement par de longs plagiats de l'“Encyclopædia of American Religion” de Gordon Melton» est donc tout à fait infondée, et je tiens à le préciser publiquement pour distinguer mes responsabilités de celles d'autrui. Tels sont, en effet, les malheurs qu'encourt celui qui travaille “en chambre” sur les nouvelles de seconde main. Introvigne ne travaille pas ainsi. “On doit observer - écrit D.A.I. - que le principe méthodologique fondamental de la sociologie des mouvements religieux est celui de l’observation participante, ou directe, du plus grand nombre possible des groupes que l'on entend décrire. (...) Si - comme il est généralement admis et évident pour plusieurs raisons - les études de Massimo Introvigne mettent en lumière de nombreux détails inédits sur des groupes peu connus - Maçonneries comprises - c'est précisément parce que tous ces groupes ont été observés directement sur le champ”. Sans doute, pour donner un exemple, le “repenti” Buscetta connaît-il la Mafia mieux que moi. Un “sociologue de la Mafia”, pour continuer notre exemple terre à terre, rêve donc d'avoir de l'objet de son étude la même connaissance directe du mafieux sans, bien sûr, adhérer à la Mafia. Et c'est là qu'arrivent les difficultés, car nous doutons que la chose soit faisable, à moins que la Mafia ne veuille pas se faire de la propagande ou faire œuvre de désinformation par l'intermédiaire de notre savant naïf. Si D.A.I. nous explique les méthodes de la sociologie, c'est pour justifier la présence d'Introvigne aux rites sataniques et dans le “Groupe de Thèbes”. Je ne peux certes nier que de nombreux étudiants puis- sent arriver jusqu'à ce point pour approfondir leurs études: on sait que la soif du savoir dans l'homme est illimitée. Mais mon problème est celui-ci: est-il permis et prudent, pour un chercheur catholique, même sociologue, de ne pas poser de limites à la “méthode de l’observation participante ou directe”? La sociologie et ses exigences, prévalent-elles même sur la Théologie Morale? Jusqu'à quels compromis, avec les autres et avec sa propre conscience, le sociologue catholique peut-il descendre? Il paraît difficile que, pour de seuls motifs sociologiques, on puisse être présent à des rites impies et/ou obscènes. Et même si c'était licite, n'est-ce pas imprudent? Cela non seulement à cause du risque d'exploitations de la part des “groupes” qui avec tant de complaisance se font étudier, mais aussi à cause de la difficulté de prouver ses propres intentions (honnêtes). Et je donne un exemple pratique. Christian Bouchet est connu de nos lecteurs: dans le dernier numéro de Sodalitium, citant Faubert, nous précisions qu'il était un “national-bolchevique”, exmembre du Gréce d'Alain de Benoist et «membre de l’Ordo Templi Orientis (OTO), l’obédience fondée par le mage anglais Aleister Crowley (1887-1947), qui s'autoproclamait la “Grosse Bête 666”». De plus Bouchet aurait été l'un des membres du “Groupe de Thèbes” impliqué dans le litige qui finit par en dévoiler les activités. Or, voyons le démenti envoyé par Bouchet à la revue Secrets & Sociétés (n° 10, p. 6)...: «C'est avec surprise et peine que j'ai découvert dans le n° 8 de Secrets & Sociétés, une notule faisant de moi le disciple d'un sataniste anglais (donc, sans doute, dans l'esprit de votre rédacteur un sataniste moi-même). Cette affirmation peut gravement me causer tort. Je vous serais donc reconnaissant de bien vouloir préciser à vos lecteurs: 1 - que je ne suis pas sataniste pour la simple raison que je ne crois ni en Dieu, ni au Diable, ni dans les mages, ni dans les démons. 2 - Qu'Aleister Crowley auquel vous me reliez n'a jamais été un sataniste, mais relève de la magie cérémonielle et de la maçonnerie de marge. Sa pensée, néo-gnostique, se caractérise par un mysticisme athée où ni Dieu, ni le Diable, n'ont de place. 3 - Que je ne suis le disciple de personne, pas plus d'Aleister Crowley que de Monseigneur Lefebvre ou de Ronald Reagan. Par contre, dans le cadre de mes études en ethnologie/antropologie/histoire des religions, j'effec- 24 tue un travail sur les nouveaux mouvements magiques, et plus particulièrement sur la personnalité d'Aleister Crowley, auquel ma thèse est consacrée. Pour ce faire, je pratique depuis une dizaine d'années ce que William Bainbridge nomme “l’ethnologie d’immersion”, c'est-àdire que comme certains vont dans la forêt vierge pour vivre au sein d'une tribu primitive et en retirent quelques années plus tard la matière d'une thèse, je fréquente de l'intérieur la Maçonnerie de marge, le martinisme, les églises gnostiques et le courant crowleyen. C'est ainsi que je suis amené à publier certains des textes de ce courant, à participer à ses revues ou à ses réunions. Mon travail est d'ailleurs très officiellement reconnu par l’Université et je suis ainsi intervenu pour exposer mes recherches à Jussieux et à Louis Lumière (Lyon), ainsi que dans les colloques du très catholique Centre d'Etudes sur les Nouvelles Religions que dirige Monsieur Massimo Introvigne». Chers lecteurs, admettez vous aussi que ce texte est impressionant: à part l’athéisme déclaré et la grande franchise dans ses paroles, les arguments de Bouchet sont les mêmes que ceux d'Introvigne: l’un recourt à l’ethnologie, l’autre à la sociologie, tous deux à la méthode d’immersion dans la réalité qu'on étudie, au sérieux des études agréées par l’Université... et, pour Bouchet, une arme en plus: la “couverture” catholique que lui a offerte Introvigne lui-même avec ses invitations. Ainsi n'importe qui peut faire partie de la pire des Maçonneries, celle de Crowley, (“fréquente de l'intérieur la Maçonnerie de marge”) et, en même temps, une fois “découvert”, peut présenter sa “carte” de sociologue et d’ethnologue, et se trouver ainsi plus blanc que neige! Voilà les risques auxquels s'expose Massimo Introvigne. Pourquoi les gens devraient-ils le croire plutôt que Christian Bouchet? Et en admettant même la sincérité des deux, certaines fréquentations, qui ne troublent pas la conscience de l'athée Bouchet, ne posent-elles pas des problèmes à celle de notre sociologue? Le point 3a se conclut par 12 lignes concernant la licéité de la collaboration avec des publications acatholiques. Puisque D.A.I. revient sur le sujet au point 4a, nous y ferons référence une seule fois, en abordant ce point. Point 3b: la nature du CESNUR D.A.I. poursuit son explication en s'étendant sur la nature du CESNUR. Merci pour les éclaircissements. Le CESNUR n'est pas un mouvement “anti-sectes”, mais “contre les sectes”. Je pourrais faire de l'ironie facile, si ce n'était que les deux termes, substantiellement synonymes, sont maintenant utilisés avec un sens bien précis: “anti-sectes” les mouvements laïcs, “contre les sectes” les mouvements religieux (de différentes confessions). Dans le n° 37, p. 55 de Sodalitium j'ai utilisé, me référant là aussi au CESNUR, le terme “anti-sectes” qui, à la lumière des précisions ci-dessus, doit être corrigé en “contre les sectes”. Qu'on relise ainsi, avec cette correction, ma proposition, et on verra que le problème qu'il soulève perdure: aux réunions des mouvements “contre les sectes” participent des sectaires (et, aux réunions sectaires, participent les représentants, comme Introvigne, des mouvements “contre les sectes”). Nous avons vu au point 3a comment un membre de la Maçonnerie “de marge” se targue de sa participation aux conférences du CESNUR pour se déclarer étranger à un certain monde ténébreux; et comment les chercheurs du CESNUR peuvent alléguer leurs études comme facile justification pour leur présence à l'intérieur de vraies “sectes” au sens strict (ou nouveaux mouvements religieux et/ou magiques). L’impression qu'on en retire est qu'on crée une sorte de symbiose, sinon de complicité, entre les chercheurs des “sectes” de toutes les confessions religieuses et certains “sectaires”: ils participent aux mêmes assemblées “à portes closes”, et se font publicité réciproque. Pour cette raison on se demande, et c'était la question que je me posais dans Sodalitium, si vraiment des mouvements comme le CESNUR travaillent “contre [toutes] les sectes”. Si cela était, obtiendraient-ils l’active collaboration de certaines d'entre elles? Point 4a: Ars Regia ou les démissions congelées Le point 4 de D.A.I. essaye d'expliquer aux militants d'Alleanza et aux lecteurs de Sodalitium les comportements d'Introvigne vis-àvis d'Ars Regia (4a), les “messes” noires (4b) et le Groupe de Thèbes (4c). Commençons par le fait que le nom de Massimo Introvigne figure dans le Comité Scientifique de la revue para-maçonnique. J'avais dénoncé ce fait, et D.A.I., dans l'impossibilité de faire autrement, le confirme: Introvigne fait partie du Comité Scientifique d'une revue dont le titre même rappelle la Franc-Maçonnerie, c'est-à-dire l’Art Royal. Non seulement D.A.I. ne peut rien objecter à ce que nous avons dénoncé, 25 mais toute tentative prise par le désir d'opposer l’“autorité scientifique” d'Introvigne à notre ignorance, augmente la dose: «Parmi les laïcs - écrit-il - à Sodalitium a entre autres échappé la présence d'une figure actuellement saillante dans l’organigramme du Grand Orient d’Italie, pour prouver que “l’ignorance” des choses maçonniques paradoxalement attribuée à Massimo Introvigne doit au contraire être attribuée au rédacteur de Sodalitium». Donc D.A.I. réussit seulement à prouver qu'Ars Regia est encore plus maçonnique que ce que Sodalitium prétend! C'est vraiment un beau résultat... Un résultat qui pouvait être épargné, si seulement ils avaient lu avec plus d'attention (ou avec moins de passion) mes articles. Je sais bien, et D.A.I. me le confirme, que Massimo Introvigne connaît la Maçonnerie mieux que moi (je pense bien!, vu qu'il tourne autour des loges!). Relisons ce que j'écrivais: “J'ai laissé passer du temps, en attente d'éléments nouveaux qui innocenteraient Massimo Introvigne. J'ai attendu son démenti ou, plutôt, une précision, dans laquelle il déclarerait que sa bonne foi (et ignorance) avait été trompée et qu'en conséquence il retirait son nom du comité scientifique d'Ars Regia...” (n° 37, p. 52). Quiconque n'est pas troublé par la passion de son jugement propre, comprend le sens de ma phrase. Je voulais donner à Massimo Introvigne, très charitablement, la possibilité de sortir, de la meilleure manière possible, de cette affaire: en déclarant que oui, il était dans le Comité Scientifique (impossible de le nier) mais qu'il ne s'était pas rendu compte que cette revue était liée à la Maçonnerie. Pour ne pas s'en apercevoir, toutefois, on ne peut alléguer comme excuse que l’ignorance, au moins sur la nature d'Ars Regia. Mais maintenant Introvigne, à travers D.A.I., tient à faire savoir qu'il n'ignorait nullement la nature d'Ars Regia et la personnalité de ses compagnons de voyage; il tient à nous faire savoir que c'est sciemment qu'il a donné son nom (accompagné de son prestige académique, culturel et scientifique) à une revue liée à la Maçonnerie, et tient aussi à faire savoir qu'il ne s'en repent pas. En effet, c'est seulement par une curieuse coïncidence que, juste après les articles de Sodalitium, Massimo Introvigne a donné, comme nous lui avions demandé, sa démission du comité scientifique d'Ars Regia [avec d'autres collègues; une autre curiosité: y a t-il aussi Cardini? (2)] et s'il tient à faire savoir que ces démissions ne sont pas liées à nos articles (jamais de la vie!) et même pas (c'est gros) “à la position idéologique de la revue” (position lourdement maçonnique, comme on peut constater en lisant le n° 34 de Sodalitium), mais seulement “pour la difficulté d'organiser des rencontres du comité”! C'est donc le manque d'organisation de la revue, et non son ésotérisme et son maçonnisme antichrétien, qui trouble Introvigne. Ars Regia n'est pas assez maçonnique, mais trop peu scientifique pour jouir de la “collaboration de Massimo Introvigne et d'autres personnalités culturellement qualifiées”. Ainsi, les démissions d'Introvigne (et des autres) ne sont ni définitives ni irrévocables, mais “congelées” (un esprit malveillant m'a dit: “il s'est mis en sommeil”) en attendant qu'Ars Regia devienne une “revue de considérable diffusion à l'intérieur d'une position pluraliste”. Dans ce cas, selon D.A.I., la collaboration d'Introvigne à Ars Regia serait tout à fait licite pour un catholique. Les motivations de cette licéité sont exposées par D.A.I. dans la conclusion des points 3a et 4a et se résume en ces lignes qui concluent 3a: “la possibilité de porter un point de vue différent de celui que lisent d'habitude les lecteurs des publications noncatholiques, en mettant à profit la propre autorité scientifique, est une occasion à ne pas perdre”. Cherchons à encadrer le problème moral soulevé par la participation d'un catholique à des publications non-catholiques. Il s'agit d'un cas classique d'action à “double effet”: un bon (profiter d'une occasion pour exposer la doctrine catholique aux non-catholiques) et un mauvais (coopérer aux mauvaises doctrines exposées par les mêmes dans ces publications). Pour que cette action soit licite il faut: 1) vouloir l'effet bon et non l'effet mauvais, 2) que l’effet mauvais ne soit pas un moyen pour obtenir le bon, 3) avoir une cause proportionnellement grave pour permettre l’effet mauvais. Dans ce cas, il me semble que les conditions de la licéité morale de l’action posée par Introvigne en collaborant à Ars Regia ne subsistent pas. Tout d'abord, le CESNUR “n'a pas des buts directement apologétiques ou pastoraux” (D.A.I., point 3b, p. 2) et on le voit par les articles d'Introvigne sur Ars Regia, où rien ne fait comprendre au lecteur que sa pensée est spécifiquement catholique et/ou contraire à la Maçonnerie, comme par contre, étant donné les circonstances, c'était un devoir de préciser. L’effet bon (présenter la doctrine catholique aux non-catholiques) paraît, en ce cas, tout à fait évanescent. Ni on ne voit les causes proportionnellement graves qui 26 peuvent justifier, dans le cas en question, deux effets mauvais indubitables: le scandale qu'un catholique donne en collaborant avec les francs-maçons, et l’aide concrète que, par sa collaboration et son “autorité scientifique”, Introvigne accorde à une revue clairement orientée en faveur de la Maçonnerie et de l’ésotérisme. Et même, on peut penser que faire partie du comité scientifique d'une telle revue n'est absolument pas licite pour un catholique, en aucun cas. Les exemples donnés par D.A.I. ne sont pas appropriés. Il n'y a pas de comparaison, en effet, entre les interviews accordées par Introvigne à l’Unità, au Corriere della Sera ou à la Rivista Massonica et la collaboration fixe, et même, bien plus, l’appartenance au comité scientifique d'Ars Regia. Il est clair, en effet, qu'accorder une interview à une publication ne veut pas dire en partager obligatoirement la position; il en va différemment pour la collaboration habituelle à une revue, surtout si elle est bien définie idéologiquement, et autre chose encore est le cas de celui qui fait partie de la publication elle-même, en adhérant au comité scientifique. Ni ne vaut la comparaison avec l’appartenance à un “comité éditorial des programmes de la RAI (3)”, qui peut poser même des problèmes moraux à un catholique, mais pas autant que l’appartenance au comité scientifique d'Ars Regia; une chose en effet est une organisation publique, neutre en elle-même, et une chose est une revue clairement liée à l'ennemi mortel de l'Eglise catholique, la Franc-Maçonnerie. Je termine donc mon commentaire du point 4a, en ajoutant seulement deux précisions secondaires. D.A.I., pour une fois de manière claire et catégorique, dément qu'Introvigne connaisse l’éditeur maçon d'Ars Regia. L’information contraire m'a été donnée directement par des collaborateurs d'Ars Regia. Ou eux, ou D.A.I., mentent. En tout cas, voilà ce qui arrive à fréquenter certains milieux: on risque d'être calomnié. Par la suite, D.A.I. affirme que Sodalitium a loué “le bulletin antimaçonnique” Secrets & Sociétés, auquel Introvigne a aussi collaboré. L’affirmation est fausse, et ce serait plutôt exactement le contraire (cf. Sodalitium, n° 37, p. 55, où il est clair que nous sommes perplexes sur ce bulletin). Point 4b: les satanistes et Introvigne Qu'Introvigne nous renvoie à son récent livre sur le satanisme (où, je pense, il condamne le satanisme) n'élimine pas les problèmes moraux que j'ai posés. Est-il permis à un catholique d'assister (de façon répétée) à ces cérémonies abominables, uniquement pour connaître le nombre des satanistes et pareilles inepties [et ensuite écrire un livre édité chez Mondadori ( 4)]? Comment se fait-il que les satanistes de Turin, qui sont un groupe secret et ne veulent pas de publicité, aux dires d'Introvigne, l'invitent à leurs rites? A qui profite tout cela? Point 4c: le Groupe de Thèbes. Introvigne y était! Mais arrivons au point crucial, l’appartenance d'Introvigne au “Groupe de Thèbes” (quelles que soient les finalités de cette appartenance). Point crucial, dis-je, tant par la gravité du fait, supérieur aux deux autres que j'ai contestés, que pour la non-évidence du fait. Qu'Introvigne ait assisté aux rites sataniques, il l'a déclaré lui-même. Qu'il fasse partie du comité scientifique d'Ars Regia, est écrit sur Ars Regia elle-même. Qu'il soit membre du “Groupe de Thèbes”, je l'ai lu dans un article de Faubert, écho à son tour des indiscrétions parues sur Secrets & Sociétés. Puisque moi-même je n'ai jamais “pris pour argent comptant” les affirmations de Faubert, contrairement à ce qu'affirme D.A.I., je m'attendais, sur ce point, à un véritable démenti d'Introvigne en personne. Rien de tout cela. Même s'il définit “divagations” les affirmations du journaliste de L’Evénement du jeudi, non seulement son récit n'est démenti sur aucun de ses points, mais il est, au contraire, substantiellement confirmé. Tout d'abord, le “Groupe de Thèbes” existe(existait). «Le Groupe de Thèbes - écrit D.A.I. - était né comme un lieu de rencontre dans lequel les représentants des différentes dizaines de nouveaux mouvements magiques et de maçonneries “de marge” européens présentaient brièvement et périodiquement leurs activités respectives à leurs “collègues” et en même temps à un petit groupe de chercheurs académiques des nouveaux mouvements religieux et d'ésotérisme, à portes closes». Le “Groupe de Thèbes” était (ou est) donc composé de mages, francs-maçons et chercheurs de mages et de maçons. Dans ces trois catégories la zône de démarcation est floue, comme l’atteste la lettre de Christian Bouchet que vous avez lue dans cet article... Parmi les chercheurs, D.A.I. par pudeur ne le dit pas mais on le comprend, il y a aussi Massimo Introvigne. Puisqu'Introvigne 27 fait partie du “Groupe de Thèbes” (comme chercheur, naturellement) l’unique défense possible reste celle de présenter le “Groupe” non comme une Loge, mais comme un groupe d'étude. Mais il y a un problème: Faubert a publié la photographie d'un document original du “Groupe” dans lequel le Groupe lui-même se présente comme une société secrète, étrangère au monde “profane”. Et de cette société fait(faisait) partie, comme chercheur, Massimo Introvigne... Pour cela, sans faire référence à ce document, preuve accablante, à mon avis, D.A.I. essaye d'expliquer que le secret du “Groupe de Thèbes” était un... “secret de Polichinelle”. D.A.I. justifie ainsi Introvigne: “Non seulement les activités du Groupe de Thèbes - appelé dans sa brève histoire aussi Groupe d'Alexandrie - étaient largement connues des chercheurs des mouvements ésotériques [pardi, ils en faisaient partie! n.d.a.] mais le même Massimo Introvigne a fait l'objet de commentaires de caractère sociologique dans la relation introductive au séminaire du CESNUR de Lyon, en 1992 [celui dans lequel étaient présents quatre membres du “Groupe de Thèbes” parmi lesquels Bouchet! n.d.a.] face à plus de deux cents chercheurs et à une bonne douzaine de journalistes”. Introvigne oublie un détail... Même la Maçonnerie régulière, non “de marge” est une société secrète, puisqu'on ne connaît pas ses vraies finalités ni les noms de tous les affiliés; et pourtant tous savent que la Maçonnerie existe, où siège le Grand Orient, qui est le Grand Maître, etc. Même dans ce cas, faut-il dire que le “secret maçonnique” est un “secret de Polichinelle”? Déjà Léon XIII dans son encyclique sur la Maçonnerie Humanum genus écrivait “Et bien qu'à présent, elles [les sectes maçonniques] aient l'apparence de ne pas aimer à demeurer cachées, bien qu'elles tiennent des réunions en plein jour et sous les yeux de tous, bien qu'elles publient leurs journaux, toutefois, si l'on va au fond des choses, on peut voir qu'elles appartiennent à la famille des Sociétés clandestines et qu'elles en gardent les allures”. Que dire alors des réunions “à portes closes” de nos mages & chercheurs? En effet, si tout était au grand jour, comment “le naturel esprit de querelle (...) amené à la fin de l’expérience et à la transmission d'informations, par ailleurs imprécises, par un participant, au journaliste Serge Faubert [que je le sache cela n'est pas vrai! Les informations furent passées aux rédacteurs de Secrets & Sociétés, le bulletin sur lequel écrivait aussi Introvigne. Faubert a seulement repris la nouvelle de S. & S. Ici, par contre, D.A.I. brouille les pistes pour enlever le plus possible de crédit à la fuite de nouvelles en l'associant au nom du “trotskiste” Faubert, n.d.a.] avec un dommage objectif pour les chercheurs qui participaient aux rencontres du Groupe, d'où ils tiraient des informations sur les mouvements discrets et peu connus et irrepérables ailleurs”. Donc c'est vrai! Un membre du “Groupe” (puisque “participant” veut dire “membre”...; même Introvigne était un “participant”) a parlé. Evidemment il a dit des choses qu'Introvigne n'avait pas dites au Congrès du Cesnur, sinon, à quoi bon révéler des secrets... de Polichinelle? Et “en parlant” le membre du “Groupe” a dit des choses qui ont porté préjudice aux illustres chercheurs (parmi lesquels, Introvigne, qui n'ose pas démentir), qui malgré la discrétion de certains mouvements, participaient à leurs travaux à portes closes. Mais alors qu'a donc dit de si embarrassant celui qui a parlé? Faubert, par exemple, écrit qu'Introvigne a participé à la réunion de fondation, à Paris, le 3 juin 1990, du “Groupe de Thèbes”. Celle-ci, et d'autres nouvelles semblables, lui ont-elles porté préjudice? Et pourquoi donc, si le Groupe était une sérieuse assemblée d'académiciens? Chercheurs qui, à ce qu'il paraît, si le cas de Christian Bouchet peut être généralisé, étudiaient eux-mêmes. Ils s'inscrivent à la Maçonnerie, fondent des groupes de magie... le tout pour l'étude, et puis étudient ce qu'ils ont eux-mêmes fondé. Tout est très mystérieux, sauf une seule chose: Introvigne n'a pas démenti, et a même implicitement admis, sa participation aux réunions du “Groupe de Thèbes”. Aux lecteurs de juger. Point 5: l’Institut Mater Boni Consilii. Mes articles sur l’activité de Massimo Introvigne sont nés, comme je l'ai dit, d'un fait bien précis. Sodalitium n'a pas un intérêt particulier pour la thématique “sectes et/ou nouveaux mouvements religieux”. Elle n'a pas non plus un intérêt particulier à polémiquer avec Alleanza Cattolica, association qui depuis 1981 est pratiquement devenue étrangère aux thèmes que, institutionnellement, nous traitons dans Sodalitium. Cette réponse vole du temps et de la place aux thèmes qui, de notre point de vue, sont bien plus intéressants. C'est seulement l’indignation d'avoir 28 vu mes amis de l’Institut mis au nombre des sectes (qu'Introvigne ne se défile pas; académiquement il préfère le terme “nouveaux mouvements religieux”; mais le lecteur comprend qu'on parle de “sectes”, comme d’autre part le dit explicitement le nom même du GRIS auquel Introvigne collabore) sur la revue Ars Regia, c'est-à-dire sur une revue liée à cette Secte par excellence qui est, selon Léon XIII, la Franc-Maçonnerie. C'est seulement alors, seulement après cet article, que Sodalitium a répondu à Massimo Introvigne. Nous sommes déçus que D.A.I. attaque encore une fois l’Institut, peut-être “avec respect des personnes” mais non certes en rapportant “fidèlement” nos positions. D.A.I écrit en effet: «Naturellement l’Institut Mater Boni Consilii se proclame convaincu de faire partie de la “vraie” Eglise catholique romaine, tandis que n'en feraient pas partie le Pape et les évêques, qui le seraient seulement materialiter». Cette description des positions de l’Institut Mater Boni Consilii est fausse (naturellement). L’Institut ne soutient pas qu'il existe une “vraie” Eglise catholique, de laquelle il ferait partie, et une “fausse” Eglise catholique (Eglise “officielle” ou “conciliaire” ou avec d'autres dénominations). Si parfois l'Institut a employé le terme d'Eglise “conciliaire” c'est seulement pour adopter la terminologie utilisée par le défunt cardinal Benelli, Secrétaire d'Etat de Paul VI (et reprise par Jean-Paul II dans “Tertio Millennio adveniente”!). Selon la Thèse théologique (sur la situation de l’autorité dans l'Eglise) dite de Cassiciacum, exposée par le théologien dominicain Guérard des Lauriers, thèse que l’Institut fait sienne, on n'affirme pas, même on nie, qu'il existe une double Eglise catholique, une “vraie” et une “fausse”, et qu'avec Vatican II a été fondée au sens strict une nouvelle Eglise. Pareillement, l’Institut n'a jamais dit, au contraire la Thèse qu'il adopte nie explicitement, qu'on puisse affirmer que Jean-Paul II et les évêques en communion avec lui soient hors de l'Eglise catholique (cf. Bernard Lucien. La situation actuelle de l’Autorité dans l’Eglise. La Thèse de Cassiciacum. Documents de Catholicité, 1985. Pp. 119-121), même en n'ayant pas l’Autorité pontificale ou épiscopale à cause de la rupture avec l’enseignement traditionnel de l'Eglise. Pour ceux-ci et pour d'autres motifs, notre position ne peut être assimilée, sans ultérieures précisions, au “sédévacantisme en général”. Les membres de l’Institut, qui existe seulement comme réalité de fait, sont toutes des personnes baptisées dans l’unique Eglise catholique et romaine et ne sont pas sous le coup d'une censure quelconque qui les ait exclues de ladite Eglise, qu'ils entendent servir et ne jamais abandonner. Avant d'affirmer pourtant que “cette opinion fait justement de l’Institut Mater Boni Consilii un mouvement religieux sociologiquement et doctrinalement différent de l'Eglise catholique guidée par le Pape Jean-Paul II, et non une simple articulation de cette dernière” il serait pour le moins opportun, de la part des ex-disciples de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer [et de Mircea Eliade (5)], d'examiner plus attentivement les opinions qui nous sont attribuées, au moins pour une fois, de manière si peu scientifique. Considérations finales Je termine cette réponse, déjà trop longue. Pour bien saisir le point qui est en discussion, il faut à mon avis éliminer toute question qui ne le concerne pas réellement. La nature ecclésiale de l’Institut Mater Boni Consilii, les opinions politiques de Serge Faubert, la compétence scientifique de Massimo Introvigne, les différences entre les mouvements “anti-sectes” et ceux “contre les sectes”, la différence entre les termes “secte” et “nouveau mouvement religieux”, etc. sont tous des thèmes intéressants mais secondaires par rapport à l'objet de la discussion. Je le rappelle, il concerne trois faits, qui sont les suivants: 1) Est-il vrai, oui ou non, qu'Introvigne fait partie (ou a fait partie) du comité scientifique d'Ars Regia? 2) Est-il vrai, oui ou non, qu'Introvigne a assisté à des rites sataniques avec la permission des satanistes eux-mêmes? 3) Est-il vrai, oui ou non, qu'Introvigne a participé aux rencontres du “Groupe de Thèbes” qui se sont tenues au siège du Grand Orient de France? Il me semble que, même et surtout après les précisions apportées par “Domus Aurea Informazioni” on peut sans l'ombre d'un doute répondre oui aux trois questions. Quant à l'appréciation morale de ces trois actions, elle revient tout d'abord à Dieu, et puis à la conscience de Massimo Introvigne et, éventuellement, à son confesseur. Quant aux conclusions qu'on peut tirer sur le plan pratique et objectif, elles sont remises à la prudence de chacun: non seulement à la 29 nôtre, mais aussi et surtout à celle l’archevêque de Foggia, du Recteur de l’Université Regina Apostolorum de Rome, du directeur d'Avvenire, du Régent national d'Alleanza Cattolica, et, en général, de tous ceux qui désirent avoir des contacts avec Introvigne. Quant aux réflexions générales qu'on peut faire, Sodalitium souligne les risques inhérents à une excessive curiosité culturelle, dans le passage de l'entrisme à l’œcuménisme désormais amplement réalisé même dans Alleanza Cattolica, en adoptant la pratique conciliaire du “dialogue” avec les réalités hostiles à l'Eglise, surtout avec la Maçonnerie. Enfin, Sodalitium renouvelle son souhait d'un assainissement intellectuel des milieux de “droite”, surtout catholiques, où malheureusement, contrairement à ce qu'a affirmé de manière incroyable Introvigne dans sa récente interview à L’Italia settimanale (5 octobre 1994, n° 39, p. 37) abondent, au moins autant que dans les milieux de “gauche”, les influences et les infiltrations ésotériques et maçonniques. Comme justement le “cas” Introvigne le confirme abondamment et paradoxalement! Notes 1) B. Forte: Théologien italien, passablement progressiste, en religion comme en politique. 2) F. Cardini: Professeur d'Université, membre du Comité de Rédaction de la RAI, nommé à ce poste par le Président de la Chambre des Députés, Mme Pivetti (lefebvriste). Il passe pour catholique traditionaliste; c'est, par contre, un ésotériste. 3) RAI: La Radio et la Télévision de l'Etat en Italie. 4) Mondadori: Maison d'édition de Milan appartenant à Silvio Berlusconi. Vient d'éditer le livre de Karol Wojtyla “Entrez dans l'Espérance”. 5) M. Eliade: Ancien militant des “Croix de Fer” roumaines, plus connu comme historien des religions. Il appartient au courant ésotériste. La question juive INFILTRATIONS JUDEOMAÇONNIQUES DANS L'EGLISE ROMAINE par M. l'abbé Curzio Nitoglia INTRODUCTION N ous avons déjà vu dans le numéro précédent ( 1), comment le Judaïsme-religion avait conjuré contre Jésus-Christ, ses Apôtres et l'Eglise, en cherchant à infiltrer une “cinquième colonne” dans l'Eglise même pour pouvoir la détruire de l'intérieur. Dans le présent article j'essayerai d'attirer l’attention du lecteur sur une série de faits objectifs et sans équivoque qui montrent les infiltrations de la contre-Eglise réalisées dans le Corps Mystique du Christ. Le COMMENT tout cela a été possible est un mystère qui nous dépasse, c'est le mystère de la Volonté permissive de Dieu par rapport au mal moral, qui n'est pas voulu mais seulement permis pour en tirer un plus grand bien. Le pourquoi de l’infiltration judéo-maçonnique dans l'Eglise dépasse notre pauvre intel- ligence, mais ce ne serait pas raisonnable de fermer les yeux sur les événements qui l'ont établie et malheureusement, avec le Concile Vatican II, en témoignent jusqu'à son sommet. Paul VI d’ailleurs, avait déjà parlé d'“autodémolition de l'Eglise” et de “fumées de Satan, pénétrées à l'intérieur de l'Eglise de Dieu”, admettant implicitement la réalité du fait. Dans de nombreux cas nous devons nous arrêter au quia, à la constatation du fait, sans prétendre connaître le propter quid, le pourquoi du fait. La Judéo-Maçonnerie a formé le dessein de corrompre les membres de l'Eglise, et spécialement le clergé et la hiérarchie, en leur inoculant de faux principes qui n'ont de chrétien que le nom mais n'en ont plus la substance (2). Un autre fait sans équivoque (en plus du complot contre l'Eglise) est qu'aujourd'hui presque tous, même les catholiques, appartiennent d'une manière ou d'une autre à l'esprit de la Franc-Maçonnerie, même en n'étant pas membres de son corps, c'est-à-dire pensent et raisonnent en maçons: ils sont pour la tolérance, le pluralisme, le respect de l’errant, la démocratie moderne et libérale, le non-exclusivisme. Aujourd'hui Benedetto Croce aurait plus juste- 30 ment écrit Pourquoi nous ne devons pas nous dire maçons, et la théorie de Rahner serait reproposée comme Le maçon anonyme (3). Voilà la triste réalité: d'un côté le complot de la Synagogue contre l'Eglise, de l'autre l'esprit cabalistico-maçonnique qui a envahi toute chose et que nous respirons désormais comme l’air qui nous entoure. Il est beaucoup plus difficile de pouvoir définir le pourquoi, le comment de tout cela, qui en beaucoup d'aspects nous échappe, nous dépasse et sur lequel nous pouvons seulement faire des conjectures sans pouvoir arriver à la certitude; pourtant nous ne devons pas fermer les yeux sur la terrible réalité dans laquelle nous sommes appelés à vivre, sous peine de nous tromper de “camp” ou d'étendard, convaincus peut-être de militer sous celui du Christ, mais combattant en réalité, sous celui de Lucifer (4). Dans l'article précédent nous avons vu les plans maçonniques (dévoilés par Barruel et par Crétineau-Joly, et reproduits dans ses ouvrages par Mgr Delassus), qui parlent d'UN “PAPE” SELON LES BESOINS DE LA SECTE, c'est-à-dire imbu de sa philosophie, un “Pape” qui, même en y étant pas inscrit, fait cependant partie de son esprit, afin d'achever le TRIOMPHE DE LA REVOLUTION. Pour arriver à ce but la Maçonnerie a formé une génération digne de cet événement, au moyen de la corruption intellectuelle et morale de la jeunesse, depuis l'âge le plus tendre, pour pouvoir ensuite l'attirer, sans qu'elle s'en aperçoive, à la mentalité du “maçonnisme”. C'est surtout dans les séminaires qu'elle a développé son rôle d’infiltrée, de corruptrice des idées, puisqu'un jour les jeunes séminaristes deviendront prêtres, évêques, cardinaux, gouverneront et administreront l'Eglise et, comme cardinaux, seront appelés à choisir un “Pape”; mais ce “Pape”, comme la majeure partie de ses contemporains, sera imbu des principes philantropiques et naturalistes et sera donc conforme aux intérêts de la secte. LE CLERGE ET LES FIDELES MARCHERONT AINSI SOUS L'ETENDARD MAÇONNIQUE, EN CROYANT ENCORE ETRE SOUS LA BANNIERE PONTIFICALE. Les faits que je vais rapporter sont la preuve sans équivoque que ce dessein a réussi, au moins pour le moment. Notre-Seigneur en effet nous a promis que “les portes de l'enfer ne prévaudront pas” et il en sera ainsi. Nous chrétiens, comme notre Chef, Jésus- Christ, sommes habitués à vaincre au moyen des défaites. C'est justement quand Jésus fut crucifié et abandonné de tous, que par sa mort Il nous a sauvé; il en sera de même de son Corps Mystique, l'Eglise: c'est quand elle semblera être morte, qu'alors resurgira toute sa splendeur: “Regnavit a ligno Deus”! Ces faits ne doivent pas nous scandaliser, mais, au contraire, doivent nous faire prendre les moyens adaptés (avec l'aide de Dieu qui ne manque jamais) pour faire quelque chose pour le bien de l'Eglise, flagellée et couronnée d'épines comme le cher et bon Jésus. Une belle prière de Saint Thomas More dit ceci: “O Seigneur faites que je ne me scandalise pas devant le mal et le péché, mais donnez-moi la force d'y remédier”. LES PAPES DENONCENT LES INFILTRATIONS JUDEO-MAÇONNIQUES A L'INTERIEUR DE L'EGLISE Pie VI dans le Bref “Quid aliquantum”(10 mars 1791) critique la Constitution civile du clergé et dans un autre Bref au clergé et au peuple du royaume de France (19 mars 1792) condamne les ecclésiastiques qui jurent fidélité à la Révolution en ces termes: “Le caractère... des hérétiques et des schismatiques fut... de recourir à l’ARTIFICE et à la DISSIMULATION: aussi les nouveaux INTRUS de l’Eglise de France n’ont-ils rien mieux imité que cet art... d’égarer... par la FEINTE et par le MENSONGE...” (5). Pie VII dans l’Encyclique Diu Satis (15 mai 1800) mit en garde le haut clergé: “N’admettez personne dans les rangs du clergé... avant d’avoir soigneusement examiné, contrôlé et mûrement éprouvé... [il y a] une multitude de faux apôtres... artisans de ruse, transfigurés en apôtres du Christ”. Dans l’Encyclique Ecclesiam (13 septembre 1821) il stigmatise la nouvelle secte des Carbonari, véritable pépinière de faux-frères “Ils viennent à vous, semblables à des brebis, mais ils ne sont que des loups dévorants”. Le Cardinal Bernetti dans une lettre du 4 août 1845 écrivait: “Notre jeune clergé est imbu des doctrines libérales... La partie du clergé qui, après nous, arrive aux affaires, ...est mille fois plus entachée du vice libéral” (6). Pie IX dans l'Encyclique Nostis et Nobiscum (8 décembre 1849) déplore le complot contre l'Eglise: “Il y a en Italie des ecclésiastiques, ...qui sont passés dans les rangs des ennemis de l'Eglise”. 31 Plusieurs années après dans la lettre Exortæ in ista (29 avril 1876) il décrivit le cas classique d'une infiltration maçonnique au Brésil. “Les troubles qui au Brésil, en ces dernières années, ont surgi par le fait de ceux qui, AFFILIES A LA SECTE MACONNIQUE, se sont GLISSES dans les confréries des pieux chrétiens” (7). Le CATHOLICISIME LIBERAL est pour le Pape Mastai encore plus dangereux que le Communisme; il est en effet la “cinquième colonne” de la Judéo-Maçonnerie au sein même de l'Eglise. Pour Pie IX il est beaucoup plus facile de découvrir un ennemi déclaré qu'un faux frère, comme l'est, en réalité, le catholique libéral. Dans le Bref qu’il adressa au cercle de Saint-Ambroise de Milan (6 mars 1873) il explique pourquoi il faut tant se méfier des catholiques démocrates, imbus des idées modernes: “Ces hommes sont plus dangereux et plus funestes que les ennemis déclarés, car ILS SECONDENT LEURS EFFORTS SANS SE FAIRE REMARQUER. En effet, se tenant pour ainsi dire sur les limites des opinions condamnées, ils prennent les dehors d’une doctrine sans tache, captivent ainsi les amis imprudents de la conciliation et trompent les personnes honnêtes qui, sans cela, s’opposaient avec fermeté à une erreur manifeste” (8). Léon XIII dans l’Encyclique Inimica vis (8 décembre 1892), met en garde les évêques et les archevêques d’Italie contre la FrancMaçonnerie qui cherche à conquérir à sa philosophie le clergé: “...les sectaires maçons cherchent par des promesses à séduire le clergé inférieur. Dans le but de gagner doucement à leur cause les ministres des choses sacrées, et puis... d’en faire des révoltés contre l’autorité légitime”. Saint Pie X condamne les catholiques-libéraux, les démocrates-chrétiens, les modernistes comme “la race la plus dangereuse... prétendant amener l’Eglise à leur manière de penser. Par l’ASTUCE et le MENSONGE de ce perfide catholicisme-libéral qui, s’arrêtant à peine au bord de l’erreur condamnée, s’efforce d’apparaître comme suivant une doctrine très pure... Les catholiques libéraux sont des loups couverts de la peau des agneaux. Le prêtre... doit dévoiler leurs TRAMES PERFIDES. Vous serez appelés papistes, cléricaux, rétrogrades, intransigeants; honorez-vous-en...”(9). Dans l’Encyclique Pieni l’animo (28 juillet 1906) Saint Pie X met aussi en garde contre les infiltrations ennemies dans l'Eglise et parle explicitement de l'“esprit d’insubordination et d’indépendance” qui se manifeste parmi le clergé. Un tel esprit - poursuit le Pape - “...pénètre jusque dans les sanctuaires. ...C’est surtout parmi les jeunes prêtres qu’un esprit si funeste porte la corruption... On fait pour de telles doctrines une propagande plus ou moins OCCULTE, parmi les jeunes gens qui, à l’ombre des séminaires, se préparent au sacerdoce”. Dans Pascendi (8 septembre 1907), ensuite, le Pontife dénonce le fait que “...les ennemis sont parvenus AU CŒUR DE L’EGLISE, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement. ...Nous parlons d’un grand nombre... de prêtres... C’est du dedans qu’ils trament la ruine de l’Eglise; le danger est aujourd’hui presque AUX ENTRAILLES ET AUX VEINES MEMES DE L’EGLISE... ce n’est point aux rameaux qu’ils [les modernistes] ont mis la cognée... mais à la racine même, c’est-à-dire à la Foi”. En outre toujours St Pie X, dans l’allocution lors de la cérémonie d'imposition de la barrette cardinalice aux nouveaux pourprés (27 mai 1914) prononça ces paroles: “Oh combien de marins, combien de pilotes et, à Dieu ne plaise, combien de CAPITAINES, en faisant confiance à ces nouveautés profanes et à la fausse science du temps présent, au lieu de rejoindre le port, ont fait naufrage!” (St Pie X, A.A.S. 1914, pp. 260-262). Allégorie de la tolérance religieuse selon la Franc-Maçonnerie 32 On remarque que le saint Pape mourra seulement trois mois après, le 20 août 1914, et que le mot “capitaines” se réfère aux Evêques! Pie XI dénonce les progrès faits par la “cinquième colonne” infiltrée désormais dans le haut clergé. “Au consistoire du 23 mai 1923 Pie XI interrogea une trentaine de cardinaux de la Curie sur l’opportunité de convoquer un Concile œcuménique. Le cardinal Billot parla explicitement de divergences profondes au sein de l’Episcopat lui-même. Le cardinal Boggiani, dominicain, estima qu’une partie considérable du clergé et des évêques était imbue des idées modernistes. ...Le cardinal Billot concluait en disant que le Concile serait MANŒUVRE par les pires ennemis de l’Eglise” (10). Dans l'Encyclique Divini Redemptoris (29 septembre 1937) Pie XI dénonce encore les tentatives d’infiltration communiste qui, sans mentionner la doctrine propre du Communisme, voudrait “implanter leurs erreurs dans des milieux où - sans cela - ils ne pourraient absolument pas pénétrer. Et ils travaillent [les communistes] de toutes leurs forces à S’INFILTRER perfidement dans des associations catholiques”. Le Père Cordovani, enfin, maître des Sacrés Palais Apostoliques sous le pontificat de PIE XII, et donc théologien du Pape Pacelli, écrit sur l’Osservatore Romano du 19 mars 1950: “Rien n'est changé dans la législation de l'Eglise en ce qui concerne la Franc-Maçonnerie. ...Les canons 694 et spécialement le canon 2335, qui inflige l'excommunication à la Franc-Maçonnerie SANS DISTINCTION DE RITES, sont toujours en vigueur. ...Tous les catholiques doivent... s'en souvenir pour ne pas tomber dans le PIEGE”. Jacques Ploncard d’Assac commente qu'on était en présence d'une INFILTRATION des idées maçonniques dans l'Eglise et que le Père Cordovani, profond connaisseur du problème, insistait: “L'excommunication, je le répète, VAUT POUR TOUS LES RITES MAÇONNIQUES, ...même si certains déclarent qu'ils ne sont pas hostiles à l'Eglise. ...Cette tendance moderne, ...qui mettrait volontiers le Catholicisime en harmonie avec toutes les idéologies... n'est-elle pas peut-être la marque hérétique?” (11). C'est pourquoi les Papes, jusqu'à Pie XII, n'ont cessé de nous mettre en garde contre les infiltrations ennemies dans l'Eglise: malheureusement avec Jean XXIII, Paul VI et JeanPaul II la position change radicalement; on dialogue avec la Franc-Maçonnerie, on admet carrément la double appartenance, comme nous verrons dans les chapitres suivants (12). LES FAITS: LE DIALOGUE CATHOLICO-MAÇONNIQUE A la mort de Pie XII le Concile n'avait pas encore été réuni, mais “l’aggiornamento” roncallien commençait déjà à donner corps aux anciennes aspirations d'ouverture envers les suppôts de la Judéo-Maçonnerie, pour pouvoir ainsi introduire le cheval de Troie dans l'Eglise du Christ. Naturellement on nous propose de dialoguer, non seulement avec les autres religions, mais aussi avec la Maçonnerie, pour pouvoir dépasser les condamnations portées par l'Eglise contre la secte (plus de 590 documents), à partir de Clément XII (In Eminenti, 1738) jusqu'à Pie XII inclus et jamais mises en discussion. “Les premières manifestations de cette tendance nouvelle remontent aux années 1920. Un jésuite allemand, le R.P. Gruber… prit contact avec de hauts dignitaires maçonniques… La campagne de rapprochement amorcée secrètement du côté catholique par le R.P. Gruber fut reprise… en France par le R.P. Berteloot, également jésuite. Ce dernier publia de 1945 à 1949 une série d’articles et de livres rédigés avec une grande prudence en vue de préparer ce rapprochement. La campagne de rapprochement entre la Franc-Maçonnerie et l’Eglise catholique resta cependant à l’état latent sous le pontificat de Pie XII; manifestement le feu couvait sous la cendre, mais les progressistes qui avaient pris dans l’Eglise une influence considérable se rendaient compte que leurs efforts n’avaient aucune chance d’aboutir tant que vivrait Pie XII… Avec l’avènement de Jean XXIII il y eut brusquement comme une explosion… On avait nettement l’impression d’une campagne internationale, méthodiquement orchestrée” (13). “L'esprit de Jean XXIII - écrit le Père Esposito (14) - puis la grande aventure œcuménique de Paul VI, amorcèrent une réaction en chaîne dont sur le moment on ne se rendit pas compte, mais qui devint évidente quand les différents groupes d'explorateurs entre les années 1965 et 1968 - furent découverts par la presse. ...Se découvrirent des échanges épistolaires, des coups de téléphone plus ou moins longs, ...des symposiums 33 conviviaux. Le tout finissait par accroître la réciproque connaissance des hommes des deux blocs: les catholiques touchaient du doigt que les francs-maçons n'ont pas le visage de Lucifer [les apparences sont trompeuses, n.d.r.], les francs-maçons que les catholiques ne sont pas tous Grands Inquisiteurs... On peut dire que la rencontre entre les deux communautés, la communauté ecclésiale et la communauté maçonnique, FUT EFFECTUEE A TOUS LES NIVEAUX”. “Le Grand-Maître de la Maçonnerie Dupuy estimait que ‘L’événement Vatican II constitue une ouverture considérable de l’Eglise sur le monde’. Il révélait avoir entretenu avec Jean XXIII des relations ‘plus que cordiales’, que ‘Jean XXIII et Vatican II ont donné une impulsion formidable au travail d’éclaircissement et de désarmement réciproque dans les rapports entre l’Eglise et la Franc-Maçonnerie’. A la limite, dans la mesure où l’Eglise contemporaine glisse vers le pluralisme et la liberté religieuse, elle tend à devenir une simple obédience maçonnique” (15). Par ailleurs l’ex-grand maître du Grand Orient d’Italie, Armando Corona, affirme aussi: “La Franc-Maçonnerie a, la première, dans l'histoire soutenu et défendu la tolérance religieuse et le droit pour tout homme de professer sa propre croyance. Après tant de siècles, comme Maçons, nous sommes heureux que le concile Vatican II ait déclaré textuellement: La conscience des hommes est sacrée…” (16). Même Mgr Lefebvre fut obligé d'admettre que l'Eglise avait été infiltrée par la Franc-Maçonnerie dans le but de la détruire. C'est justement parce qu'il avait vécu directement l’expérience du Concile qu'il écrivit: “Le plus grave a été la réforme liturgique. Elle a été opérée… par le Père Bugnini, qui l’avait préparée bien longtemps à l’avance. Déjà en 1955 le Père Bugnini faisait traduire les textes [liturgiques] protestants par Mgr Pintonello… qui avait passé beaucoup de temps en Allemagne… C’est Mgr Pintonello qui m’a dit à moi-même qu’il avait traduit les livres liturgiques protestants pour le Père Bugnini, qui, à ce moment-là, n’était qu’un petit membre d’une commission liturgique. Il n’était rien… DES GENS COMME BUGNINI SE SONT INFILTRES DANS L’EGLISE POUR LA DETRUIRE… Certains disent que c’est la Franc-Maçonnerie. C’est possible… Nous nous trouvons devant une VERITABLE CONJURATION à l’intérieur de l’Eglise de la part des cardinaux actuels. Une classe d’intellectuels se sont en quelque sorte insurgés contre Notre-Seigneur, dans un VERITABLE COMPLOT DIABOLIQUE contre son Règne” (17). Le premier cardinal qui approcha un Grand Maître fut Innitzer, archevêque de Vienne, qui en 1948 établit - à l'insu de Pie XII - le dialogue avec le Grand Maître Schechebaner. Dans les années 60-70 la troupe des ‘dialogants’ grossit et fit tout au grand jour: les cardinaux Cushing de Boston, Cooke de New-York, Etchegaray de Marseille, Alfrink d'Utrecht, Feltin et ensuite Marty de Paris, Krol de Philadelphie, Vilela de Bahia (Brésil), Lorscheider de Fortaleza. Parmi les évêques on compte: Mendez Arceo de Cuernavaca (Mexique), qui au Concile demanda que la législation antimaçonnique soit modifiée, Mgr Dante Benigni d'Albano Laziale, Mgr Ablondi de Livourne qui, selon les affirmations du Père Esposito ( 18), participa aux rencontres avec les dirigeants maçons alliés au groupe italien. A Paris Mgr Pézeril parla carrément en Loge “comme dans le passé avaient fait Joyce de Boston, Pursley de South Bend, certains prélats dans les Iles Philippines, au Canada et ailleurs” (19). En Europe ce dialogue catholico-maçonnique était béni “même AUPRES DES INSTANCES les plus HAUTES DE L'EGLISE. Les intermédiaires les plus constants... qui obtinrent un ACCUEIL ATTENTIF AUPRES DE PAUL VI, furent don Miano, qui rejoindra le cardinal Seper et le cardinal Koning... Le Père Riquet qui eut également plusieurs occasions d'APPROCHER PAUL VI (20). Récemment le Grand Maître du Grand Orient d’Italie, l’avocat Gaito, a déclaré: “Quand j'ai entendu de hauts prélats parler dans leurs homélies de l’homme comme centre de l’univers, j'ai été ému jusqu'aux larmes” (21). VERS LA REVISION DE L'EXCOMMUNICATION DE LA MAÇONNERIE L’intention immédiate de toutes ces unions impures était de parvenir à la révision et si possible à l’abolition de l'excommunication de 1738, de la secte maçonnique. Pour la fête de Pâques de 1971 sembla très proche la publication d'un Dubium de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la Foi “qui aurait en quelque sorte effacé les graves préjudices antimaçonniques contenus dans le Code de droit canon de 1917, canon 2335 et 34 autres canons; la publication fut renvoyée à la fête des Saints Pierre et Paul, le 29 juin de la même année, mais encore une fois on n'estima pas opportun de se presser, parce qu'on craignait - et non sans raison - que l’opinion publique catholique... n'aurait pas accueilli la décision sans scandale” (22). LA CONFERENCE EPISCOPALE SCANDINAVO-BALTIQUE (21-23 octobre 1966) Depuis 1964 les évêques de Norvège avaient consenti à un maçon “converti” au catholicisme de pouvoir conserver l’inscription à la Franc-Maçonnerie. Les évêques du Danemark, de Suède, d'Islande, de Norvège, et de Finlande appliquèrent le décret conciliaire Christus Dominus, qui à l'article 8 affirme: “Aux seuls évêques diocésains est donnée la faculté de dispenser d'une loi générale de l'Eglise, toutes les fois qu'ils estiment que cela contribue au bien spirituel des fidèles, à condition que par la suprême Autorité de l'Eglise n'ait pas été émise quelque réserve spéciale à ce sujet”. Dans la réunion plénière des 21-23 octobre 1966, enfin, les évêques de ces cinq pays décidaient de ne pas exiger des francs-maçons qui demandaient à entrer dans l'Eglise, l’abjuration, c'est-à-dire l’abandon de la FrancMaçonnerie. LES EVEQUES NE CONSIDERAIENT DONC PAS INCOMPATIBLES LES DEUX APPARTENANCES. “Au mois de novembre LA DECISION FUT COMMUNIQUEE AU SAINT-SIEGE. IL N'Y EUT PAS ICI DE REACTIONS, et cela signifie qu'IL N'Y AVAIT PAS DE RAISONS NEGATIVES, pour cela le 24 janvier 1968 la décision fut rendue publique” (23). Le Radiogiornale vaticano intervint, en communiquant que le Saint-Siège n'avait pas changé la discipline en vigueur. “On confirmait de cette manière que la décision scandinavo-baltique restait circonscrite à la situation locale, mais on ne l'entravait pas” (24). LA LETTRE DU CARDINAL SEPER AU CARDINAL KROL (19 juillet 1974) Le vent du Concile continuait à souffler, la Judéo-Maçonnerie à comploter: le résultat le plus éclatant de l’infiltration de la “cinquième colonne” à l'intérieur de l'Eglise eut lieu le 16 juillet 1974. Il s'agit d'un modeste document destiné à rester privé et qui au contraire fut rendu public par le destinataire, le cardinal Krol, archevêque de Philadelphie et président de la Conférence Episcopale nord-américaine. Ce document, très court et très important, s'encadre dans le sillage des deux consultations au niveau universel ordonnées par la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi dans les années 1960-1970, pour connaître l’opinion des évêques sur la consistance et les caractéristiques de toutes les obédiences maçonniques. Sur ce document le Père Esposito écrit: “A la demande du cardinal Krol, le préfet du dicastère romain (de la doctrine de la Foi) le cardinal Franjo Seper répondit… par cette lettre ainsi structurée: 1) la demande de nouvelles instructions relatives au problème maçonnique est vive dans l’Episcopat, et le Saint-Siège a posé le problème dans une observation sérieuse; 2) …tout éventuel changement est demandé à la rédaction du nouveau Code de Droit Canon; 3) en attendant, a) les situations locales doivent être jugées dans le cadre local; b) ce jugement doit être inspiré du principe de l’AMPLIFICATION DES GRACES et des RESTRICTIONS DES HAINES; 4) L'INTERDICTION D'INSCRIPTION A LA FRANC-MAÇONNERIE EST RESTREINTE AUX SEULS MEMBRES DU CLERGE et des instituts séculiers; 5) IMPLICITEMENT L'EXCOMMUNICATION N'EST PLUS PRESCRITE. …Cette lettre reçut une approbation partout. Aux Etats-Unis elle inaugura, de la part de l'Eglise, une attitude extrêmement ouverte… La compréhension entre catholiques et francs-maçons aux Etats-Unis venait de loin… COMMENÇA UN RALENTISSEMENT POLEMIQUE, alors que les francs-maçons, rassurés par Kennedy quant à ses propos non-intégralistes, appuyèrent validement sa candidature, qui se poursuivit avec la participation du cardinal Cushing à des réunions conviviales, d'un commun accord avec d'autres prélats, …parmi les gestes les plus incisifs rappelons la participation du cardinal archevêque de New York, Cooke, à un symposium maçonnique au cours duquel il prononça un discours de cordial encouragement à la réciproque compréhension et collaboration” (25). LA CONFERENCE EPISCOPALE D'ANGLETERRE ET DU PAYS DE GALLES (11-14 novembre 1976) L’écho de la lettre Seper-Krol fut évident à cette conférence. Le document épiscopal affirmait: “Un catholique doit se considérer 35 Ne nous étonnons donc pas que: “pour Noël de cette année LE CARDINAL BRANDAO VILELA ACCEPTAIT L’INVITATION A CELEBRER LA MESSE A LA LOGE LIBERDADE DE SAN SALVADOR DE BAHIA… dans ce même mois il acceptait une haute distinction maçonnique, comme l’acceptait en 1976 le cardinal Paulo Evaristo Arns, archevêque de Rio de Janeiro” (26). LA FAUSSE RESTAURATION DES ANNEES 80 “Au franc-maçon le Candélabre rappelle les sept arts libéraux dont la connaissance est indispensable pour le travail du vrai initié”. (L. Troisi, Dizionario massonico, Bastogi) avant tout membre de l'Eglise catholique… Mais s'il croit sincèrement que son appartenance à la Franc-Maçonnerie n'entre pas en conflit avec cette foi, il peut entrer en contact avec son évêque… pour discuter des implications de cette appartenance”. LA CONFERENCE EPISCOPALE DE SAINT-DOMINGUE (29 janvier 1976) Dans une notification au clergé diffusée le 29 janvier 1976 la Conférence épiscopale dominicaine appliquait la lettre du cardinal Seper affirmant: “Entre nous (catholiques et République dominicaine) N'EXISTE PAS D'INCOMPATIBILITE ENTRE LE FAIT D'ETRE CATHOLIQUE pratiquant… ET CELUI D'ETRE AFFILIE A UNE ASSOCIATION MAÇONNIQUE ou similaire…”. MGR ETCHEGARAY, ARCHEVEQUE DE MARSEILLE (1975-1977) Sur demande il accordait l’autorisation de funérailles religieuses à un franc-maçon. LA CONFERENCE EPISCOPALE DU BRESIL (4 janvier-12 mars 1975) Lors de la session du 5 janvier 1975 la Conférence Episcopale brésilienne, présidée par Mgr Lorsheider, ensuite cardinal, demanda au SaintSiège des instructions concernant l’application de la lettre Seper; la réponse du 12 mars, signée par le Nonce Apostolique au Brésil Mgr Rocco, affirmait: “…Il semble pourtant qu'on puisse porter crédit à ceux qui, inscrits déjà depuis longtemps à la Franc-Maçonnerie, sollicitent spontanément d'être admis aux sacrements…”. Saint Pie X affirmait des modernistes: “A les entendre, à les lire on serait tenté de croire qu'ils tombent en contradiction avec euxmêmes, qu'ils sont oscillants et incertains. Loin de là: tout est mesuré, tout est voulu chez eux. …Telle page de leur ouvrage pourrait être signée par un catholique; mais tournez la page et vous croyez lire un rationaliste” (27). La tactique de Satan et de ses suppôts a toujours été celle de mêler le vrai au faux, l'ivraie au bon grain; c'est ce que fait la Judéo-Maçonnerie qui, désormais s'est infiltrée jusqu'au sommet de l'Eglise, mêle vrai et faux pour pouvoir tromper même les bons qui, autrement, réagiraient. Nous avons déjà vu quelle fut la tactique du maçon: rester dans l'Eglise comme “cinquième colonne” pour la détruire de l'intérieur, si cela était possible, et donc, après avoir fait deux pas en avant, en faire un en arrière (Lénine docet), pour ne pas susciter une vraie réaction qui anéantisse les machinations de la contre-Eglise. Nous savons aussi que la “cinquième colonne”, une fois découverte, suscitera une “troisième force”, qui travaillera assidument, sous apparence de modération, équilibre, amour de la paix et de la charité, pour empêcher la destruction de la “cinquième colonne”. Eh bien les différents documents des années 80 qui revoient les positions ouvertes au dialogue, propres aux années 60-70, ne sont rien d'autre que le classique pas en arrière après les deux accomplis en avant, et la production d'une “troisième force” pour sauver le travail de la “cinquième colonne”! Les documents de la fausse restauration sont: la Déclaration de l’Episcopat allemand (28 avril 1980), la Déclaration de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la Foi (17 février 1981), la Déclaration de la Sacrée Congrégation pour les causes des Saints (20 septembre 1981), le Nouveau Code de Droit Canon (25 janvier 1983) qui dans le canon 1374 affirme: 36 “Qui donne son nom à une association qui conspire contre l’Eglise DOIT ETRE PUNI D’UNE JUSTE PEINE”. Il faut relever que ce texte est très différent du canon 2335 du Code de 1917, puisque la rigueur de la peine est nettement allégée, dans la mesure où EST EXCLUE L'EXCOMMUNICATION, qui était au contraire prescrite IPSO FACTO, pour quiconque avait donné son nom à une secte maçonnique. En outre, pour la joie du Père jésuite Michel Riquet la Franc-Maçonnerie ne fut même plus mentionnée! (28). Ainsi se justifie la récente déclaration du Grand Maître du Grand Orient d’Italie Virgilio Gaito: “Il faut considérer que l'excommunication contre les maçons est désormais affaiblie, réservée seulement à ceux qui conspirent contre l'Eglise Catholique” (29). Tout cela prouve que les condamnations des années 80 étaient PUREMENT VERBALES et qu'aucune de facto ne s'en est suivie, et qu'on ne voulait qu'elle ne s'ensuive. En effet les différents “monseigneurs” qui dans les années 60-70 étaient engagés dans le dialogue avec la Maçonnerie se retrouvaient presque tous promus cardinaux dans les années 80, et ceux qui déjà étaient cardinaux ont continué tranquillement à l'être sans qu'aucune mesure fût prise à leur charge! Il faut enfin enregistrer la Déclaration de la Sacrée Congrégation pour la doctrine de la Foi (26 novembre 1983), qui, en affirmant que “les fidèles qui appartiennent aux associations maçonniques sont EN ETAT DE PECHE GRAVE et ne peuvent accéder à la sainte Communion”. Mais ON NE CONFIRME PAS L'EXCOMMUNICATION! Dans une interview accordée dernièrement par le cardinal Ratzinger à l’Avvenire, on lit qu'il faut distinguer entre Maçonnerie et Maçonnerie, qu'il ne faut pas tout mettre dans le même sac, qu'il y a une Maçonnerie anticléricale avec laquelle on ne peut dialoguer, mais que, si la Maçonnerie ne fait pas profession de foi antichrétienne, le dialogue est faisable: on assiste, en pratique, à un retour, même en sourdine, aux positions des années 60-70. Est-ce le travail de la “troisième force” qui essaye de consolider, sous apparence d'une plus grande fermeté et de restauration, les conquêtes de la “cinquième colonne”? La doctrine dont il est question plus haut fut déjà condamnée par le Père Cordovani en 1950. Mais elle revient à la mode aussi dans le camp maçonnique, alors que le professeur Di Bernardo, dans son livre Filosofia della Mas- soneria affirme que la Franc-Maçonnerie est par principe non-exclusiviste et tolérante et souhaite un dialogue avec l'Eglise, chacun restant ce qu'il est. L’important est que l'Eglise, sans perdre son identité, renonce aux excommunications pour s'ouvrir au dialogue, en acceptant le pluralisme, la tolérance et le non-exclusivisme, et devienne ensuite ainsi, dans la réalité, une espèce de Maçonnerie universelle. Tout ceci est arrivé et nous l'avons constamment sous les yeux (30). Cette position est reprise même dans le camp catholico-conservateur; par exemple Mgr Casale archevêque de Foggia, le 11 décembre 1993, dans un colloque organisé par le CESNUR, a déclaré que la double appartenance n'est pas licite, mais que le dialogue avec les Maçonneries… n'est pas exclu par l'Eglise catholique [conciliaire, n.d.r.] (31). L'EGLISE CONCILIAIRE ET LE ROTARY CLUB (1905) a) Franc-Maçonnerie et Rotary Le rapport entre Rotary et Franc-Maçonnerie est “structurel”, comme dit le Père Esposito, “non seulement à cause de la fondation du Rotary le 23 février 1905 par l'avocat Paul Harris de Chicago et de trois de ses collègues francs-maçons comme lui; mais aussi à cause de la position idéologique et juridique du club, qui DU MESSAGE INITIATIQUE ASSUME LE MEILLEUR, POUR L'INSERER DANS LA SOCIETE EN LA LAICISANT, C'ESTA-DIRE EN EXCLUANT LES ASPECTS GENANTS ET INITIATIQUES” (32). Au Chili et en Espagne beaucoup d'évêques, dans les années vingt, émirent de vives condamnations du Rotary, en dénonçant la racine maçonnique. Le Saint-Siège face à ces dénonciations dut prendre position. Le premier pas fut de prendre les distances avec le Rotary pour ensuite le condamner. La charge de préparer la voie à la condamnation fut confiée à la Civiltà Cattolica qui publia trois articles du Père Pirri s.j., pour qui le ROTARY NE DIFFERE ABSOLUMENT PAS DE LA FRANC-MAÇONNERIE, sous la domination de laquelle il entend porter le monde entier. Toutefois le jésuite ne veut pas affirmer que tous les rotariens sont francs-maçons, il admet l’ignorance, la bonne foi, l’ingénuité pour certains d'entre eux. La tolérance religieuse du Rotary, conclut Pirri, est de facto du syncrétisme religieux (33). 37 Sur l’Enciclopedia Cattolica Mgr Buzzetti écrit: “La mentalité qu'il [le Rotary] proclame peut facilement devenir indépendance de l’enseignement de l'Eglise, même dans le domaine de la foi et des mœurs et FAVORISER L’INFILTRATION D'ELEMENTS MAÇONNIQUES et anticléricaux” (34). b) La première condamnation pontificale (4 février 1929) Le texte pontifical de condamnation du Rotary sortit presque en même temps que le troisième article du Père Pirri du 2 février 1929; il n'est en effet que de deux jours postérieur au Dubium de la Sacrée Congrégation consistoriale. Le décret pontifical était la réponse à la question de savoir s'il était licite aux ecclésiastiques de s'inscrire au Rotary et de participer aux réunions de cette organisation, et était très nette: NON EXPEDIRE, c'est-àdire “cela ne convient pas”. L'interdiction n'est pas étendue aux laïcs. Le texte fut publié dans les A.A.S. (1929, année 25, 15 janvier 1929, 42). Le cardinal de Milan Schuster intervint aussi, vingt ans après, le 12 octobre 1949, rallumant les feux de la polémique: “Au temps de notre jeunesse à Rome… il y avait des associations qu'on disait affiliées [à la Maçonnerie] comme le Rotary… Toutes formes ésotériques d'une Maçonnerie unique” (35). c) La seconde condamnation (janvier 1951) Elle fut beaucoup plus sevère que la première, plus solennelle, avec LE RAPPEL EXPLICITE DE L’APPROBATION DIRECTE DE PIE XII (36). d) Le virage de Jean XXIII Le deus ex machina du Rotary italien, Omero Ranelletti, qui fonda le Club de Rome en 1924 raconta que “à l'avènement du Pape Jean il pensa que le problème aurait pu s'acheminer vers une solution meilleure que par le passé” (37); le 22 décembre 1958 il demanda pourtant à Jean XXIII une audience, qui lui fut accordée le 20 avril 1959. “A l'audience il présenta ses collègues avec leurs titres rotariens, et le Pape Jean …agréa la visite en affirmant qu'à Venise il avait eu l'occasion d'approcher plusieurs fois les rotariens de la ville, et était donc bien au courant de notre institution. …Il eut pour tous des paroles de bonté, nous encourageant enfin par sa bénédiction apostolique” (38). Le 20 mars 1963 Roncalli accorda au Rotary une seconde audience. e) Paul VI La troisième audience pontificale eut lieu avec Paul VI le 28 septembre 1963. Mais la plus importante fut la quatrième, du 20 mars 1965, dans laquelle Ranelletti rappela que le 13 novembre 1957 (un an avant la mort de Pie XII) le cardinal Montini à l'époque, rencontra des rotariens et entre autres leur dit: “Je vous remercie messieurs les membres du Rotary pour cette manifestation d'hommage que vous m'adressez, mais je dois avec loyauté déclarer que par le passé j'ai émis beaucoup de réserves sur le Rotary, fruit d'ignorance et d'erreurs” (39). A l'audience du 20 mars 1965 Paul VI reprit cette pensée; une autre rencontre avec le Rotary eut lieu le 14 novembre 1970. f) Jean-Paul II “AVEC JEAN-PAUL II L’ACCEPTATION DU ROTARY ATTEINT DES NIVEAUX ENCORE PLUS ELEVES, dans la mesure où non seulement est affirmée la COMPATIBILITE, …mais même carrément la COMPLEMENTARITE entre l'œuvre catholique et l'œuvre rotarienne” (40). Jean-Paul II a reçu les rotariens le 14 juin 1979 et le 4 février 1984. LE MOUVEMENT PAX ET LE GROUPE I.DOC (bras armé de la subversion à l'intérieur de l'Eglise conciliaire) “Après le Concile Vatican II - écrit Orio Nardi ( 41) - la gnose influence toute la fermentation moderniste ou progressiste à l'intérieur de l'Eglise, non sans la complicité de théologiens… qui souvent opèrent sous l’influence de centres du pouvoir mondialiste, comme il apparaît dans l'histoire du Mouvement Pax et du groupe I.DOC”. LE MOUVEMENT PAX Le 6 juin 1963 le cardinal Wyszynski écrivit une lettre aux évêques français, qu'il fit parvenir au Secrétariat de l’Episcopat français par l'intermédiaire du nonce apostolique: l'objet de la lettre était le Mouvement PAX. Le cardinal dévoilait dans son écrit la vraie nature du Mouvement: “PAX n'est pas une organisation à but culturel, mais uniquement un moyen de propagande déguisé pour dénigrer l’activité de l'Eglise en Pologne, au moyen de la diffusion d'informations fausses… Ce mouvement reçoit les direc- 38 tives du Parti Communiste, de la Police secrète et du Bureau pour les Affaires du Culte. En compensation de sa soumission PAX bénéficie de certaines facilités et appuis”. Au début du Concile le Mouvement PAX intensifia sa propagande dans les Pays de l’Europe occidentale et spécialement en France, en diffusant des nouvelles fausses ou équivoques et offensantes pour l'Eglise et surtout pour la Curie romaine. Le fondateur de PAX (vrai et propre organe de la police communiste polonaise, sous la dépendance directe du Ministère de l'Intérieur) était M. PIASECKI, qui avait été condamné à mort par les soviets russes et avait été grâcié au prix d'un engagement formel de se mettre au service du Parti Communiste pour infiltrer l'Eglise Catholique. Depuis ses origines, donc, PAX est une agence du Parti Communiste Polonais qui envoie directement les ordres à ses membres par l'intermédiaire du Bureau Central. Piasecki dépendait directement du Bureau Sécurité (U. B.) et du Bureau des Cultes, qui, en Pologne, disposait d'un pouvoir absolu pour ce qui concernait l'Eglise Catholique. En 1956 avec le dégel Piasecki tombe en disgrâce (à nouveau), mais, grâce aux services rendus surtout à la France, il peut remonter la chaîne; son pouvoir atteint l’apogée durant les longues années d'emprisonnement de Wyszynski. Ce fut l'époque où PAX absorbait toutes les publications catholiques encore indépendantes du Parti Communiste. La déstalinisation renversa de nouveau Piasecki, qui put cependant resurgir grâce… au Concile Vatican II! En effet lui fut assignée la charge de former des foyers de désaccord dans les milieux ecclésiastiques qui travaillaient au Concile, de diviser les Evêques en deux blocs (progressistes et conservateurs), pour pouvoir mettre l'Eglise au pas avec le monde moderne (Solve et coagula). En France, des journaux comme la Croix et des périodiques comme Les Informations catholiques Internationales étaient arrivés à diffamer le cardinal Wyszynski et à défendre PAX, aplanissant ainsi la voie au triomphe du Communisme en France et dans le monde. Jean Madiran écrivit un courageux et intéressant article sur La Nation Française (1er juillet 1964) intitulé L'espionnage soviétique dans l'Eglise, en ajoutant que Piasecki était une créature du général Ivanov Sierow de la N.K.V.D. (la police politique russe). Madiran écrivait aussi que PAX attaquait la Curie romaine, puisqu'en 1956 une de ses délégations s'était rendue au Vatican pour défendre Piasecki condamné par le Saint-Office, sans toutefois obtenir ce qu'il désirait. LE GROUPE I.DOC (Information-Documentation sur l’Eglise Conciliaire) Avec le début du Concile naquit à Rome un Centre d'information pour les évêques et les théologiens hollandais, le DOCumentation. Ce centre diffusait des bulletins d'information dans toutes les langues et organisait des conférences de presse tenues par des Pères conciliaires ou des théologiens progressistes pour pouvoir s'emparer de l’opinion publique; les responsables d'agences internationales et les informateurs des grands quotidiens y étaient en effet régulièrement présents. Au terme du Concile cette Agence de presse voulut maintenir les relations qu'elle avait établies pendant le Concile: ainsi le DOC est-il devenu I.DOC (Information-Documentation sur l’Eglise Conciliaire). Louis Salleron écrivait: “Nous sommes en présence d’un véritable pouvoir parallèle [I.DOC] au sein du Catholicisme, car qui tient l’information tient l’opinion publique… qui est en mesure de tenir le Magistère en échec ou de lui imposer ses propres vues” (42). Delamare, à son tour, soutenait que “l’I.DOC donne ses consignes… Quand un évêque ose s’élever contre un de ses objectifs, …il est victime d’un véritable assassinat moral dans la presse du monde entier” (43). La revue anglaise Approaches (44) affirme: “La section britannique de l’I.DOC est entièrement composée de progressistes, et le groupe est contrôlé de l’intérieur par un noyau marxiste, lui-même mené par l’un des chefs communistes les plus expérimentés de Grande-Bretagne”. Jack Dunman, en effet, qui occupe un poste de premier plan dans la section anglaise de l’I.DOC, est “une personnalité en vue du Parti Communiste Anglais, dont l’influence ne fait que croître depuis qu’il a été élu député. C’est en Angleterre le spécialiste communiste du dialogue avec les chrétiens” (45). Dunman bénéficiait de l’appui du groupe Slant, lié au Mouvement PAX. Les paroles de Nardi: “Il est bien que la considération de la trahison affleure dans les consciences de beaucoup, et ramène surtout les responsables au sens de dignité et de liberté d'esprit qui distingue les vrais chercheurs de la vérité” (46) sont donc profondément vraies. 39 LETTRE OUVERTE A L'EGLISE DE FRANCE: CE QUE LE JUIF ROBERT ARON PENSE DE L’EVOLUTION DE L'EGLISE CONCILIAIRE Dans l’intéressant livre Lettre ouverte à l’Eglise de France (47) Robert Aron examine Les orientations pastorales sur l’attitude des chrétiens à l’égard du Judaïsme, c'est-à-dire le document de l’Episcopat français sur le Judaïsme, et affirme que justement ce document, qui devrait être l'enseignement épiscopal, est “une réfutation du déicide, une réhabilitation des Pharisiens, une affirmation de la permanence de la mission d'Israël, que n'abolit pas la Nouvelle Alliance du Christ. [Ce sont] autant d'indices [qui permettent d'affirmer] que QUELQUE CHOSE DE PROFOND EST CHANGE NON SEULEMENT DANS LES RAPPORTS ENTRE ISRAEL ET L'EGLISE, MAIS AUSSI DANS LES RAPPORTS DE L'EGLISE AVEC LE DIEU D'ABRAHAM ET DE MOISE” (48). Le document épiscopal ne mentionne même pas une fois le problème de la divinité de Jésus-Christ, qui est pourtant essentiel dans l'établissement des rapports qui doivent exister entre Judaïsme et Christianisme. Aron apprécie, naturellement, ce nouveau langage de l’Episcopat français. En effet l'Eglise préconciliaire, qui dans l'argumentation se basait sur des dogmes immuables et précis, ne pouvait aller “bras dessus, bras dessous” avec la Synagogue antichrétienne. Mais si l'Eglise conciliaire cesse d'être dogmatique, met au contraire en veilleuse le dogme, pour parler un langage familier à l'homme moderne, le langage maçonnique de la philosophie illuministe et idéaliste, alors l'embrassement devient possible (comme de facto il s'est vérifié le 13 avril 1986 à la Synagogue de Rome) …et mortel pour Notre-Seigneur Jésus-Christ et Son Corps Mystique. Et c'est pour cela qu'Aron se réjouit de l’évolution (hétérogène) qu'a subie l'Eglise conciliaire, grâce à “Teilhard de Chardin… qui est devenu post mortem… l'un des inspirateurs du Concile Vatican II”. Et c'est ainsi qu'Aron va jusqu'à faire des propositions à l'Eglise, à condition qu'elle retourne à la foi judéo-talmudique, en renonçant, par conséquent, à être chrétienne. Le nœud gordien, en effet, ou “la pierre d'achoppement” (combien est vrai l'Evangile…) c'est justement Jésus-Christ, puisqu'Aron reconnaît que “la difficulté d'être chrétien est… métaphysique… [pour les chrétiens] il y a un intercesseur sublime, reputé Fils de Dieu, le Christ. Il est l'Agneau de Dieu qui assume, qui enlève les péchés du monde, TANDIS QUE pour le juif, CHAQUE HOMME ASSUME LE POIDS DE SES PROPRES DEFAILLANCES” (49). C'est-à-dire que tout homme est Messie et Rédempteur, en tant (selon la Cabale et pour Teilhard) qu'il est l’évolution et le complément de Dieu Lui-même. Mais “qu'arrive-t-il si la majorité des catholiques se met à contester la base même de la religion qu'ils professent? Nous touchons au plus profond de la crise actuelle de l'Eglise…” (50). Eh bien oui, le chercheur juif a vu juste. La majorité des chrétiens… n'est pas chrétienne; c'est cela la crise provoquée par la “cinquième colonne” judéo-maçonnique à l'intérieur de l'Eglise conciliaire. En effet dans les sondages effectués par des journaux catholiques il résultait que déjà en 1972 seulement 36% des Catholiques croyaient à la divinité du Christ. (Et aujourd'hui?). Les 64% restants, donc, n'étaient plus chrétiens: le Christianisme est en effet la religion qui professe la divinité du Christ. Selon Aron nous nous trouvons face à l'échec de l'Eglise: en effet dans les rapports entre Christianisme et Judaïsme il faut choisir l'une des deux alternatives: ou le Christ est Dieu, et par conséquent le Judaïsme antichrétien est une fausse religion; ou bien Il n'est pas Dieu et par conséquent le Christianisme est une hérésie, une secte qui se détache du Peuple de Dieu. Malheureusement trente ans de catéchèse conciliaire, qui a dénaturé les rapports entre Ancienne et Nouvelle Alliance, entre Christianisme et Judaïsme, ont amené à la conclusion logique et inévitable que, pour la majeure partie des chrétiens, (64% en 1972, il y a vingtdeux ans!) le Christ n'est pas Dieu, donc qu'Il “a blasphémé et qu'Il est coupable de mort”. Voilà pourquoi Aron fait des propositions à l'Eglise au nom de la Synagogue: “Si l'Eglise est entrée en crise, ce n'est pas simplement parce qu'on y parlait latin… Non! C'est qu'une sorte de prolifération semble se produire en elle à partir d'un germe dangereux qu'elle doit à son origine… C'est le problème des origines qui se pose à nouveau pour elle” (51). Si déjà en 1972, 64% des catholiques ne croit plus à la divinité du Christ, n'est-ce peut-être pas parce qu'il faut remonter aux origines mêmes de l'Eglise et à 40 la bifurcation initiale entre le fleuve (l'Eglise) et sa source (la Synagogue), se demande Aron. Il faut donc reposer la même question que celle que Caïphe pose à Jésus: “Je t'adjure au nom du Dieu vivant, es-tu le Messie le Fils de Dieu?”. A laquelle, toutefois, il faut donner une réponse différente de celle que donne Jésus (“Tu le dis, Je le suis”), pour pouvoir finalement reporter le fleuve (l'Eglise) à la source (la Synagogue). Pour Robert Aron la voie qui réunit le fleuve à la source est justement celle entreprise par le Concile Vatican II, en effet… L’OPINION D'ARON SUR VATICAN II “Vatican II… constitue un effort splendide de l'Eglise pour SE READAPTER AU MONDE [more judaico-talmudico]… Dans cet événement considérable, il y a - au meilleur sens du mot - un GERME REVOLUTIONNAIRE, mais si ce germe est conçu, il est encore loin d'éclore. S'il est permis de comparer le Concile à une autre révolution de nature bien différente, cette révolution religieuse n'en est encore qu'à son début; …elle n'en est encore qu'à sa nuit du 4 août 1789” (52). De ore tuo te judico! Qui apprécie le Concile, qui l'a fait? Nous le savons: Jules Isaac, un B’naï B’rith, a été le Emblème des chevaliers Kadosch, 30° de la Maçonnerie, qui promettent de se venger contre le Pape et le Roi, symbolisés par la Tiare et par la Couronne rédacteur matériel de Nostra Ætate. C'est pourquoi Aron affirme que l'Eglise, qui s'est détachée de sa source, la Synagogue, y sera reconduite par la révolution conciliaire, et les signes se voient déjà: la majorité des catholiques… n'est plus chrétienne! Mais déjà Notre-Seigneur Jésus-Christ avait affirmé: “Quand le Fils de l’Homme reviendra sur la terre, y trouvera-t-Il encore la Foi?”. Tout était prédit. Ce qui doit nous ouvrir les yeux c'est la prétention qu'a le Judaïsme antichrétien d'imposer à tous l’acceptation de Vatican II. En effet Ha Keillah, le bulletin de la Communauté israélite de Turin (53) il y a quelques temps invitait l’Institut Mater Boni Consilii à accepter Vatican II, à ne pas vouloir continuer à parler comme l'Eglise préconciliaire! Il ne nous accusait pas - on pense bien - d'antisémitisme, non! Mais d'être encore fidèles à la théologie préconciliaire. Mais si le Concile, comme affirme Robert Aron, est la voie maîtresse qui fait perdre la Foi en la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, nous demander d'accepter le Concile signifie nous demander de vendre Jésus-Christ pour trente deniers! Or tout catholique qui veut rester fidèle au Christ et à Son Eglise, devrait réfléchir sur ces faits évidents et incontestables. Vatican II est fils de la Synagogue, et est la voie qui conduit à la judaïsation des chrétiens. Henry Le Caron commente ainsi: “Un juif vous fait des offres de service au nom de la Synagogue… Si vous voulez sauver l’Eglise… votre ‘nouvelle Eglise’, il vous faudra plutôt renoncer à la Révélation, à l’Incarnation et à la Rédemption. A ce prix-là, vous obtiendrez la sympathie de la Synagogue et vous pourrez compter sur son soutien” (54). INFLUENCE JUIVE AU CONCILE Dans le livre de Ratier sur le B’naï B’rith (55) nous apprenons que Jules Isaac appartenait à cette puissante organisation maçonnique composée uniquement de juifs, qui actuellement compte au niveau mondial environ un demi-million de membres (56). Nous connaissons déjà le rôle qu'a eu Jules Isaac dans la rédaction de Nostra Ætate (57), mais peut-être que ne sont pas connues les propositions encore plus favorables au Judaïsme qui ont précédé le document conciliaire, ni les manœuvres du B’naï B’rith autour de lui. Ralph Wiltgen (58) raconte que le 31 août 1964, deux semaines avant l'ouverture de la 41 troisième session du Concile, il reçut la visite de Monsieur Lichten, directeur du département des affaires interculturelles de l’A. D. L. (AntiDefamation League of B’naï B’rith): “Il était fort inquiet de ce que la phrase qui disculpait les Juifs de la crucifixion du Christ venait d’être supprimée du document conciliaire, et soutenait que cette phrase était pour les Juifs l’élément le plus important du document... Il dit encore qu’il avait rendu visite à plusieurs cardinaux européens et être en contact avec les milieux romains; il ajouta que le cardinal Bea préparait un amendement relatif à cette regrettable décision, et qu’il le présenterait dans l’aula conciliaire”. CONCLUSION Qui pourrait encore douter, après les faits exposés et les dénonciations du Magistère de l'Eglise, que l'Epouse du Christ ait été l'objet d'un obscur complot et que malheureusement elle ait été infiltrée par l'ennemi jusque dans ses plus hauts degrés? Face à cette triste réalité trois attitudes sont possibles: a) LA POLITIQUE DE L'AUTRUCHE, qui consiste à fermer les yeux en face de la réalité et à s'illusionner que tout va bien… b) LE DECOURAGEMENT de celui qui, face à cette APPARENTE victoire ennemie d'une importante bataille, pense que la guerre est perdue, ne se souvenant pas que l'Eglise est divine et que Notre-Seigneur nous a promis que “les portes de l’Enfer ne prévaudront pas”. c) L’ATTITUDE REALISTE ET SURNATURELLE, qui tient compte en même temps non seulement des faits les plus tristes, qui ne peuvent être ignorés, mais aussi de la Foi et de l'Espérance chrétienne, qui nous donnent l’ABSOLUE CERTITUDE que la très Sainte Vierge, comme toujours, écrasera la tête du serpent infernal: “IPSA CONTERET”! Demandons à la très Sainte Vierge Marie et en particulier à Notre-Dame du Bon Conseil de nous donner lumière et force, pour voir les pièges de la “cinquième colonne” et pour savoir les combattre de toutes nos forces! Il me semble bon de conclure par cette belle prière de St Jean Bosco: “Très doux Jésus, notre divin Maître! Qui avez toujours déjoué les INFAMES MACHINATIONS avec lesquelles les PHARISIENS fréquemment vous tendaient des pièges, dissipez les conseils des impies”. Notes 1) Cf. Sodalitium, n° 37, pp. 28-40. 2) Cf. Sodalitium, n° 37, pp. 28-40. 3) Le mot d’ordre du Grand Orient de France était: “Il faut SENTIR la Maçonnerie PARTOUT, et NE LA DECOUVRIR NULLE PART”. 4) Cf. Sodalitium, n° 37, pp. 28-40. 5) GUILLON, Collection générale des brefs et institutions de notre très saint Père le Pape Pie VI, Paris, tome II, p. 233. 6) CRETINEAU-JOLY, L’Eglise romaine en face de la Révolution, “Cercle de la Renaissance française”, Paris 1859, tome II, pp. 373-375. 7) Cf. Verbe, n° 123, juillet-août 1961, p. 44. 8) cité par Mgr M. DELASSUS dans Vérités sociales et erreurs démocratiques, éd. Sainte Jeanne d’Arc, Villegenon 1986, pp. 398-399. 9) Cf. La Contre-Réforme catholique, n° 237, novembre 1987, p. 5. 10) R. DULAC, La collégialité épiscopale au deuxième Concile du Vatican, éd. du Cèdre, Paris 1979, p. 9. 11) J. PLONCARD D’ASSAC, Le secret des Francs-Maçons, éd. de Chiré, Chiré-en-Montreuil, 1979, p. 26. 12) Cf. U. FIDELE, Le décalogue de Satan, sine loco et data, pp. 341-388. La vénérable Anne-Catherine Emmerich (17741824) et la bienheureuse Anna-Maria Taïgi (1769-1837) ont également dénoncé ces infiltrations maçonniques dans l’Eglise, qu’elles pouvaient connaître grâce aux phénomènes mystiques dont elles étaient favorisées. Cf. Mgr M. DELASSUS, La conjuration antichrétienne, Desclées de Brouwer, Lille 1940, tome III, pp. 853-891. 13) LEON DE PONCINS, Infiltrations ennemies dans l’Eglise, Documents et témoignages, Paris 1970, pp. 85-88. 14) R. ESPOSITO, Le grandi concordanze tra la Chiesa cattolica e la Massoneria, Nardini éd., Florence 1987, pp. 25-26. 15) J. PLONCARD D’ASSAC, op. cit., p. 169. 16) A. CORONA, Non c’è Massoneria senza trascendenza, dans HIRAM, mai 1988. 17) Mgr LEFEBVRE, L’Eglise infiltrée par le modernisme, éd. Fideliter, Eguelshardt 1993, pp. 31-55. 18) R. ESPOSITO, op. cit., p. 26. 19) Ib. p. 27. 20) Ib. p. 27. 21) 30 Jours, février 1994, p. 25. Le même Gaito a aussi affirmé qu'il ne pouvait affirmer si Jean XXIII avait été initié dans une loge maçonnique, mais que ce dont il était certain c'est que dans son enseignement se retrouvait la philosophie de la Franc-Maçonnerie (Ce sujet sera traité ex professo par Monsieur l'abbé Ricossa dans un prochain article sur le “Pape du Concile”). 22) R. ESPOSITO, op. cit., pp. 29-30. 23) Ib. p. 32. 24) Ib. p. 33. 25) Ib. pp. 34-37. 26) Ib. p. 41. 27) Pascendi, 8 septembre 1907. 28) Cf. U. FIDELE, op. cit., p. 193. 29) Cf. 30 Jours, février 1994, p. 25. 30) Cf. Sodalitium, n° 25, pp. 3-8. 31) Cf. Cristianità, Plaisance, janvier-février 1994, p. 23. 32) Op. cit., p. 335. 33) Cf. Civiltà Cattolica, II, 1928, 481-489/ 1928, III, 97-109/ 1929, I, 337-346. 34) G. B. BUZZETTI, article Rotary, dans Enciclopedia Cattolica, vol. X, col. 1398. 35) Rivista diocesana milanese, novembre 1949, pp. 240-241. 42 36) Le texte se trouve dans les A.A.S., année 33, janvier 1951, 91. 37) R. ESPOSITO, op. cit., p. 345. 38) Ib. p. 345. 39) Ib. p. 347. 40) Ib. p. 348. 41) O. NARDI, Gnosi e rivoluzione, Grafiche Pavoniane, Milan 1991, p. 77. 42) Carrefour, 9 octobre 1968. 43) Rivarol, 26 septembre 1968. 44) Approaches, janvier 1968. 45) O. NARDI, op. cit., p. 83. 46) Ib. p. 86. 47) ROBERT ARON, Lettre ouverte à l’Eglise de France, Albin Michel, Paris 1975. 48) Ib. p. 38. 49) Ib. p. 133. 50) Ib. p. 138. 51) Ib. p. 141. 52) Ib. p. 139. 53) Ha Keillah n° 1 année 1994, p. 1. 54) H. LE CARON, Dieu est-il antisémite? Ed. Fideliter, Escurolles 1987, p. 80. 55) E. R ATIER , Mystères et secrets du B’naï B’rith, Facta, Paris 1993. 56) Le 3 juin 1971 Paul VI reçut en audience publique la loge du B’naï B’rith (Osservatore Romano, 3 juin 1971); Jean-Paul II fit de même en 1984 (Documentation Catholique, n° 1874, p. 509). 57) Cf. Sodalitium, n° 28 pp. 37-38. 58) R. W ILTGEN , Le Rhin se jette dans le Tibre, éd. du Cèdre, Paris 1976, p. 169. L’OSSERVATORE ROMANO ous concluons avec le présent numéro l'exaN men attentif de la “Lettre aux Familles” de Jean-Paul II, précisément alors que se termine “l’année de la famille”. Le lecteur est invité à lire ou relire les deux premières parties de notre commentaire, dans Sodalitium, n° 36, pp. 63-66 et n° 37, pp. 55-64. Puis, comme promis, nous revenons à la recension habituelle des actes de Jean-Paul II, en nous limitant toutefois à deux documents, qui, par leur intérêt, retiendront toute notre attention. 1994: ANNÉE DE LA FAMILLE OU DE L’ANDROGYNE PRIMITIF? (Troisième et dernière partie). La position philosophique personnaliste de Karol Wojtyla le porte inéluctablement à avoir une nouvelle conception de la famille et du mariage. Voyons de quelle manière il exprime cette nouvelle conception dans sa Lettre aux Familles. Mariage et famille à la mode “personnaliste”... Jean-Paul II est bien conscient de s'éloigner du concept traditionnel de la famille. Voici com- ment il décrit le point de vue désormais “dépassé” par la nouvelle philosophie: “La famille a toujours été considérée comme l'expression première et fondamentale de la nature sociale de l'homme. En substance, cette conception n'a pas changé, pas même aujourd'hui” (n° 7). Ici Karol Wojtyla rappelle, en passant, la “vieille” conception de la famille. C'est l'unique fois qu'il le fera. L'Eglise rappelle que, par nature, l’homme est, selon la célèbre expression d'Aristote, un “animal social”, ordonné à vivre en société. Que, toujours par nature, il tend à établir une union permanente entre un homme et une femme pour la propagation du genre humain (et c'est le mariage et sa fin première, la génération des enfants). Que, naturellement, de la société conjugale dérive la société parentale, ou famille, qui est le fondement de la société civile elle-même, qui n’est rien d'autre que l’union de plusieurs familles pour réaliser le bien commun (Cf. par exemple: Victor Cathrein SJ, Philosophia Moralis, Herder, nn° 512 ss. et 551 ss.). Tout le récent magistère pontifical l'a continuellement répété; il suffit de consulter, même distraitement, le recueil des Enseignements Pontificaux édité par les moines de Solesmes. JeanPaul II le sait et, explicitement, ne le nie pas. Même, “en substance” ce serait encore ainsi (nous voudrions savoir ce qu'il considère accidentel et, donc, changé, étant donné que la nature humaine ne change pas). Mais cette stable et objective nature de l’homme, aujourd'hui, n'est plus à la mode. Donc, aujourd'hui, il faut donner une définition (ou mieux, une description) différente de la famille... “Mais de nos jours on préfère mettre en relief ce qui dans la famille (...) vient de l’apport personnel de l’homme et de la femme. La famille est en effet une communauté de personnes, pour lesquelles la vraie façon d'exister et de vivre ensemble est la communion: communio personarum. Ici encore, étant sauve la transcendance absolue du Créateur par rapport à la créature [quandmême!, n.d.a.] ressort la référence exemplaire au ‘Nous’ divin. Seules les personnes sont capables d'exister en ‘communion’” (n° 7). En quelques lignes, apparemment anodines et, même, hautement spirituelles (Assez du païen Aristote! Assez du concept scolastique de nature! Assez d'une vision naturaliste, rationaliste même, de la famille!), JeanPaul II conduit les familles qui le lisent (et le comprennent, ce qui n'est pas évident) à se fourvoyer. Surtout, il y aurait des définitions 43 différentes de la famille suivant les époques: autrefois on disait comme ça, aujourd'hui on préfère autrement. Et demain? En conséquence, on déplace l’accent de la nature à la personne. Avec quelles conséquences pratiques? Nous le verrons en parlant des fins du mariage, et tout sera plus clair. Enfin, il peut ainsi revenir à son thème préféré: l’homme et la femme (l’homme-femme) sont à l'image et à la ressemblance pas tant de la nature divine, mais des Personnes divines; et ce, encore plus, dans la famille (le mariage reconstitue-t-il l’androgynie primitive de Dieu qui, dans les créatures, a été brisée?). La vieille conception de la famille a donc été citée uniquement pour lui donner l’ultime honneur avant la sépulture (comme pour les preuves de l’existence de Dieu dans Entrez dans l'Espérance). La nouvelle définition de la famille (ou, plutôt, du mariage), au contraire, est continuellement reprise: “Le mariage, le mariage sacrement, est une alliance des personnes dans l'amour” (n° 7); “Le mariage est une communion unique de personnes” (n° 10), et carrément, “à la lumière de cette vérité” (c'est-à-dire “la vérité tout entière sur la personne humaine et sur sa dignité”) “la famille peut être totalement la grande ‘révélation’, la première découverte de l'autre: la découverte réciproque des époux, puis la découverte de chaque fils ou fille qui naît de leur union” (n° 20)! Ce changement a-t-il un but? ...pour renverser la hiérarchie des fins! Si le mariage n'est plus le vieux et vulgaire “contrat” du droit romain et du code de droit canonique (can. 1012), mais un plus noble “pacte” (nn° 7 et 17), même, “une alliance”, “une communion de personnes”, la famille devient une “communauté de personnes” (n° 7). Quelle différence y-a-t-il entre “communion” et “communauté”? “La communion - répond Wojtyla - concerne la relation personnelle entre le je et le tu. La communauté dépasse au contraire ce schéma dans la direction d'une société, d'un nous” (ibidem). En pratique, la naissance des enfants transforme la “communion” en une “communauté” de personnes; et voilà la famille. Mais, pour en revenir au mariage, la nouvelle description wojtylienne et personnaliste en change-t-elle aussi les fins? Certainement! Ou, pour mieux dire, elle en change la hiérarchie. Il faut rappeler au lecteur l'enseignement de l'Eglise à ce propos, fondé sur le droit naturel. Il est admirablement résumé par le Code de droit canonique de Benoît XV au canon 1013 § 1, où il est dit: “La fin principale du mariage est la procréation et l’éducation des enfants; sa fin secondaire, c'est l’aide mutuelle des époux et l'apaisement de la concupiscence”. “Ce canon n'est pas - notez bien - une simple, quoique importante, disposition disciplinaire, mais un véritable principe de doctrine, rappelé par l’infallible magistère de l'Eglise” (P. ALFREDO BOSCHI S.J., Problemi morali del matrimonio, Marietti, Turin, 1953, p. 306). Toutefois, poursuit l’excellent Père Boschi, “la doctrine traditionnelle ne satisfit pas les esprits chercheurs de nouveau et méprisants de l’Ipse dixit, désireux surtout de mettre en relief l’élément psychologique et affectif de la société conjugale qui doit être une pleine communion des âmes entre les deux époux. (...) Ceux-ci se scandalisent presque de la conception canonique du mariage, pour qui suffit à la validité du contrat la donation et l’acceptation perpétuelle et exclusive à l’accomplissement sur leur corps des actes aptes de leur nature à la génération des enfants (can. 1081 § 2). Tout ceci - disent-ils réduit le mariage à une fonction spécifiquement sexuelle, le découronnant et le dépouillant de sa beauté et spiritualité et le rendant au contraire quelque chose de matériel et presque vulgaire” (pp. 307-308). “Les principaux centres des nouvelles idées furent au nombre de deux: un surtout italien, de juristes (...); l’autre surtout allemand, de philosophes et théologiens” (ibidem). “Le courant allemand, occasionné, peut-être, par l'effort de s'opposer à l'inhumaine et matérialiste conception du mariage soutenue par le nazisme, eut ses principaux partisans en Herbert Doms, professeur de Théologie à l’Université de Breslau, et en Bernardin Krempel, précédés, d'ailleurs, d'une certaine manière, par D. Von Hildebrand [devenu ensuite, hélas, un chef de file, du traditonalisme, n.d.a.]. Avec des teintes et des modalités assez diverses, en mettant en relief très fort la communauté de vie découlant du mariage, ils arrivèrent aux conclusions suivantes: a) L’homme et la femme sont pour se compléter l'un l'autre. b) Dans ce mutuel complément personnel des époux à travers la pleine communion de leur vie et activité ou, en d'autres mots, dans le mutuel amour et union des époux favorisés et perfectionnés par l'offrande spirituelle et corporelle (psychique et somatique) de leur personne, consiste la fin première du mariage. 44 c) La procréation et les enfants n’est pas la fin première du mariage, mais plutôt son fruit et son effet, conséquence naturelle mais non nécessaire de l’union matrimoniale; en tout cas, si justement on veut parler de fin, c'est une fin seulement secondaire, biologique et non pas personnelle” (Boschi, pp. 309-310). “Tant le livre de Krempel, que celui de Doms durent, par décret du Saint-Office (31 décembre 1939), être retirés du commerce: de ce dernier aussi durent être retirés tant le texte original que les traductions françaises et anglaises. Le Saint-Office condamna ensuite les nouvelles théories, en réaffirmant la doctrine traditionnelle de l'Eglise sur les fins du mariage, par un décret important du 1er avril 1944 [D.S. 3838]. On pouvait espérer que, avec l’intervention du suprême organe préposé à la défense de la pureté de la foi et de la doctrine chrétienne, toute controverse serait désormais close dans le camp catholique. Mais, malheureusement, il n'en fut pas ainsi, et il y eut encore par la suite des études et des publications favorables aux nouvelles théories” (ibidem, p. 311). Le Père Boschi cite, à ce propos, les ouvrages de Biot (1946), Scremin (1948), don Panzarasa (1946), de l’abbé Lochet (1951), du docteur di Robilant (1951), et même l’édition italienne du livre interdit de Doms! Ces faits en disent long soit dit en passant - sur l'obéissance au Pape et à l'Eglise des “progressistes”, toujours prêts, maintenant, avec une hypocrisie pharisaïque, à nous accuser de désobéissance! Que disent ces auteurs? Ils essayent, en vain, de concilier la doctrine de l'Eglise avec la doctrine condamnée, en retombant dans les mêmes erreurs. Pour les soutenir ils adoptent, selon le décret du Saint-Office, une terminologie impropre. Ils abandonnent la terminologie de la scolastique, consacrée par l'Eglise, pour ensuite “emprunter à la philosophie de Max Scheler (...) une nouvelle catégorie riche d'obscure signification mystico-sentimentale, le soi-disant sens du mariage qui constitue l’essence de cette institution” (Boschi, p. 319). Ici, le lecteur doit... dresser les oreilles, parce que tous savent que le philosophe Karol Wojtyla a abandonné le thomisme pour se faire disciple de Scheler! Et de fait le personnalisme abonde dans les concepts de ces écrivains réprouvés. Herbert Doms, dès le titre de son article, ne définit-il pas sa position “une conception personnaliste du mariage” (Amorces d’une conception personnaliste du mariage d’après St Thomas, dans Revue Thomiste, 45, 1939)? Qu'on lise aussi l'abbé Lochet: “Ce serait en effet inadmissible, si l'ensemble de ces fins sociales n'était ordonné, tout entier à un ordre transcendant, qui est celui de la communion des personnes. On répugne à admettre que tous les échanges de vie, de services et d'affection entre les parents soient destinés simplement à préparer le terrain, où pourra germer, puis grandir le fruit de leur union: l'enfant. Ne serait-ce pas (...) ordonner les plus hautes activités humaines à une sorte de production, aliéner l'homme. Jamais les personnes, comme telles, ne peuvent être ordonnées à un bien social, aussi élevé qu'il soit. N'est-il pas urgent alors de rendre à l'amour conjugal et à ses actes leur dignité, en les ordonnant à la seule expression et vie de l'amour des époux. Lochet distingue une “fin sociale” ou “fin communautaire”, “dont la première est la procréation”, d'une “fin personnelle”. La procréation des enfants serait la fin première du mariage “comme société” (la vieille conception, selon Jean-Paul II), mais cette fin serait au moins égale, et même, à son tour ordonnée, à la fin personnelle, à la communion des personnes. (Boschi, pp. 313-314). Don Panzarasa, lui aussi, admet deux fins premières: celle toujours et seule reconnue par l'Eglise (les enfants) et la nouvelle fin “personnelle”. Quelle est la réponse de l'Eglise? La condamnation, sans moyens termes, des nouveautés. Ces condamnations sont contenues dans les documents suivants: a) Discours de Pie XII aux membres de la Rote, le 3 octobre 1941 (A.A.S., 33, 1941, p. 421 ss). b) Sentence Rotale coram Wynen du 22 janvier 1944, insérée exceptionnellement, par volonté de Pie XII dans les Acta Apostolicæ Sedis (AA.S., 36, 1944, p. 179-209). c) Décret du Saint-Office, du 1er avril 1944 (A.A.S., 36, 1944, p. 103). d) Discours de Pie XII à un groupe de pères de famille français du 18 septembre 1951 (A.A.S., 43, 1951, p. 733). e) Discours de Pie XII aux sages-femmes du 29 octobre 1951, nn° 43-57. Remarquez bien que les paroles de Pie XII sont drastiques. Dans le discours aux sages-femmes il écrit, par exemple: “... il s'agit ici au contraire d'une grave inversion de l’ordre des valeurs et des fins fixées par le Créateur Lui-même. Nous nous trouvons devant la propagation d'un ensemble d’idées et 45 de sentiments directement opposés à la clarté, à la profondeur et au sérieux de la pensée chrétienne (...) Or, la vérité est que le mariage, comme institution naturelle, en vertu de la volonté du Créateur a pour fin première et intime non le perfectionnement personnel des époux, mais la procréation et l’éducation de la nouvelle vie. Les autres fins, tout en étant également voulues par la nature, ne se trouvent pas sur le même rang que la première, et encore moins lui sont-elles supérieures, mais elles lui sont essentiellement subordonnées. (...) Précisément, pour couper court à toutes les incertitudes et déviations qui menaçaient de répandre des erreurs au sujet de la hiérarchie des fins du mariage et de leurs rapports réciproques, Nous avons rédigé Nous-même, il y a quelques années (10 mars 1944), une déclaration sur l'ordre de ces fins, indiquant ce que révèle la structure interne de la disposition naturelle, ce qui est le patrimoine de la tradition chrétienne, ce que les Souverains Pontifes ont enseigné à plusieurs reprises, ce qui ensuite a été dans les formes requises fixé par le Code du droit canonique (can. 1013, § 1). De plus, peu après, pour redresser les opinions contraires, le Saint-Siège, dans un décret public, a déclaré qu'on ne peut admettre la pensée de plusieurs auteurs récents qui nient que la fin première du mariage soit la procréation et l’éducation de l'enfant, ou enseignent que les fins secondaires ne sont pas essentiellement subordon- Jean-Paul II en Scandinavie (1994) avec l’“évêque” luthérien John Vikstom et sa femme. Avec l’“archevêque Werman” ils ont concélébré la “cène luthérienne” dans l’église luthérienne Ste Catherine (place Farnèse) à Rome le 20/11/94. Une déclaration commune avec les luthériens sur la justification est imminente. nées à la fin première, mais équivalentes et en sont indépendantes” (nn° 46-48). Pie XII a bien conscience de condamner, par ces mots, une conception personnaliste du mariage et de ses finalités; il commence en effet à décrire la thèse erronée: “Les valeurs de la personne et la nécessité de les respecter sont un thème qui, depuis vingt ans, occupe toujours plus les écrivains. Dans beaucoup de leurs théories, même l’acte spécifiquement sexuel a sa place marquée pour le faire servir à la personne des conjoints. Le sens propre et le plus profond de l’exercice du droit conjugal devrait consister en ceci que l’union des corps est l’expression et la réalisation de l’union personnelle et affective. (...) Si de ce don réciproque complet des époux naît une vie nouvelle, celle-ci est un résultat qui reste en dehors ou tout au plus comme à la périphérie des valeurs de la personne; résultat que l'on ne refuse pas, mais dont on ne veut pas qu'il soit comme au centre des rapports conjugaux” (nn° 43-44). Or, nous l'avons vu, la Lettre aux Familles de Jean-Paul II se référe explicitement à la conception personnaliste du mariage. Wojtyla en déduira-t-il, comme ses précurseurs, une fausse position sur les fins du mariage? Voyons, tout d'abord, ce que lui-même écrit en 1960, alors qu'il était archevêque-métropolite de Cracovie, dans Amour et responsabilité (éd. française, Société d'éditions internationales, Paris 1965), particulièrement aux chapitres I et IV. Les paroles claires du Pape Pacelli étaient encore trop proches (et Vatican II n'était pas encore là) pour ne pas rappeler au passage la doctrine traditionnelle de la hiérarchie des fins du mariage, en évitant toutefois toute référence aux discours de Pie XII et aux erreurs, condamnées, des personnalistes. Cette conception ne trompe pas; comme Lochet, Mgr Wojtyla se débrouille habilement pour concilier les inconciliables. Surtout, en parlant lui aussi des deux ordres: “dans les rapports conjugaux de l'homme et de la femme, deux ordres se rencontrent: celui de la nature, dont la fin est la reproduction, et l'ordre des personnes qui s'exprime dans leur amour et tend à sa plus complète réalisation” (p. 213). Relativement ensuite à l'ordre même de la nature, “il convient de constater - écrit-il - qu'il s'agit d'atteindre ces buts du mariage en prenant pour fondement la norme personnaliste” (p. 59). Dommage que l'Eglise ne parle pas de cette norme... Pour Mgr Wojtyla, au contraire, elle est plus 46 importante que les fins mêmes du mariage. “L'idée que les fins du mariage pourraient être atteintes sans l'appui de la norme personnaliste serait foncièrement antichrétienne” et “conduit à la déviation rigoriste” (pp. 59-60). Quelle sera donc cette terrible “déviation rigoriste” qui menace le mariage? C'est une déviation dans laquelle on risquerait de tomber si l'on n’évite pas soigneusement “une interprétation superficielle de l'enseignement de l'Eglise sur les buts du mariage” (p. 60). En effet, selon Wojtyla, l'“interprétation rigoriste de la tendance sexuelle”, “revient aux traditions manichéennes, condamnées par l'Eglise”, et pourtant “peut passer pour une vue chrétienne des problèmes sexuels, apportée par l'Evangile” (p. 50). Mais sous le masque de l'Evangile se cacherait au contraire “l'utilitarisme”, dont Emmanuel Kant fut “l'adversaire convaincu” (p. 29). De la doctrine de Kant, Mgr Wojtyla déduit la fameuse “norme personnaliste” (p. 20) dont j'ai parlé (Sodalitium, n° 37, pp. 6163), selon laquelle la personne ne doit jamais être seulement le moyen, mais toujours aussi la fin de notre action (et ce, ajoute Wojtyla, vaut aussi pour Dieu!). Qu'ensuite la pensée de Kant soit le protestantisme appliqué à la philosophie, et que le modernisme soit le kantisme appliqué à la théologie, peu importe à Karol Wojtyla! Qui n'accepte pas l'impératif catégorique de Kant est, ipso facto, un vulgaire utilitariste suspect de manichéisme, pour lequel les époux peuvent être un moyen (horreur) en vue de la procréation. Quelle conception matérialiste, vulgaire, antichrétienne (et pourtant si semblable, il l'admet lui-même, à l'enseignement de l'Eglise et de l'Evangile!). Voilà comment notre philosophe polonais caricature la doctrine de l'Eglise, décrivant le système “utilitariste”: “le Créateur se sert [jamais de la vie: se servir des personnes humaines! n.d.a.] de l'homme et de la femme, ainsi que de leurs rapports sexuels, pour assurer l'existence de l'espèce homo. Ainsi utilise-t-Il les personnes comme des moyens Lui servant à son propre but [quel égoïste, ce Créateur! Ne sait-Il pas que l'impératif kantien lui interdit de se servir des personnes? n.d.a.]. Par conséquent, les mariages et les rapports sexuels ne sont bons que parce qu'ils servent à la procréation. Donc, l'homme agit bien quand il se sert de la femme comme d'un moyen indispensable pour atteindre le but du mariage qui est la primogéniture. Le fait d'utiliser la personne comme un moyen servant à atteindre cette fin objective qu'est la procréation est inhérent à l'essence du mariage. Une telle ‘utilisation’ est bonne en elle-même [horreur, semble dire Wojtyla! Ils ne savent pas qu'‘utiliser’ quelqu'un est un crime, même: le crime? n.d.a.]. Ce n'est que la ‘jouissance’, c'està-dire la recherche du plaisir et de la volupté dans les rapports sexuels, qui est un mal [alors qu'au contraire, semble dire Wojtyla, “le sens propre et le plus profond de l'exercice du droit conjugal devrait consister en ceci que l'union des corps est l'expression et la réalisation de l'union personnelle et affective”. Seulement c'est la thèse... condamnée par Pie XII! n.d.a.]. Tout en constituant un élément indispensable de l'‘utilisation’, elle n'en est pas moins un élément impur en luimême, un sui generis mal nécessaire. Mais on est obligé de le tolérer, car on ne peut l'éliminer” (pp. 50-51). Ayant lu la caricature, voyons l’original, dans les écrits, par exemple, du véritable ennemi du manichéisme, Saint Thomas. Il se demande si “certains biens sont nécessaires pour justifier le mariage” et répond que oui, puisque “l’union de l’homme et de la femme cause du tort à la raison (...). Aussi, le choix du mariage ne peut devenir raisonnable que moyennant la compensation de certains avantages qui rendront vertueuse pareille union, et tels sont les biens du mariage qui rendent celui-ci légitime et honnête [enfants, fidélité conjugale et sacrement du mariage]” (Suppl., q. 49, a. 1). Ailleurs il se demande “si on peut exercer un acte voluptueux sans péché” et répond que oui, parce que “il n’y a pas de péché à user raisonnablement des choses pour la fin qui est la leur (...) Mais la conservation de l’espèce est un bien non moins excellent que celle de l’individu, et de même que celle-ci a pour moyen la nourriture, celle-là a pour moyen la volupté. De même donc que l’usage des aliments peutêtre exempt de péché, s’il est mesuré à la santé du corps, de même l’usage de la volupté peut l’être, s’il observe la mesure et l’ordre capables d’assurer sa fin qui est la génération humaine”(...) (II-II, q. 153, a. 2). Si pour Saint Thomas l’acte conjugal n'est pas “un mal nécessaire”, le plaisir est cependant un “empêchement de la raison” et “si l’enchaînement de la raison dans l’acte conjugal n’est pas mauvais, parce qu’il ne forme aucun péché, ni véniel ni mortel, il vient néanmoins d’un mal moral, de la prévarication de notre premier père; car ce funeste effet ne devait pas avoir 47 lieu dans l’état d'innocence, comme on l’a vu dans la première partie de cet ouvrage (q. 89, a. 2)” (I-II, q. 34, a. 1: toute délectation est-elle mauvaise). Des conséquences du péché originel, pas un mot chez Wojtyla. Que le lecteur ne pense pas que j'ai perdu de vue la Lettre aux Familles. Qu'y dit donc Jean-Paul II, sur les fins du mariage? Il en renverse la hiérarchie. Il écrit en effet: “Le consentement matrimonial détermine et stabilise le bien qui est commun [et, donc, la finalité, n.d.a.] au mariage et à la famille. Avant tout, le bien commun des époux: l’amour, la fidélité, le respect, la durée de leur union jusqu'à la mort: ‘tous les jours de la vie’. Le bien de tous les deux, qui est en même temps le bien de chacun, doit devenir ensuite le bien des enfants” (n° 10). “La demande au sujet des enfants et leur éducation” ne deviennent plus que “deux des fins principales de la famille” et non plus la fin principale (ibidem). “Le don réciproque de l'homme et de la femme n'a pas pour seule fin la naissance des enfants, car il est en lui-même communion d'amour et de vie (n° 12) pour qui le nouveau-né concrétise seulement l’amour sponsal (n° 11). “La famille réalise avant tout le bien de l'‘être ensemble’, le bien par excellence attaché au mariage [supérieur donc aux enfants et au sacrement? “Parmi les biens du mariage, les enfants tiennent la première place” écrit Pie XI dans l'encyclique Casti Connubii, n.d.a.] (d'où son indissolubilité) et à la communauté familiale” (n° 15). Enfin, si subsistaient encore des doutes, Jean-Paul II nous renvoie à la définition que le Code de droit canonique et le Catéchisme de l'Eglise catholique nous donnent du mariage: naturellement, il s'agit du nouveau Code et du nouveau Catéchisme. «Le mariage, qui est à la base de l’institution familiale, consiste en une alliance par laquelle “un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu'à la génération et à l'éducation des enfants” (can. 1055 § 1, catéchisme, n° 1061)» (n° 17). Il suffit de confronter cet article du nouveau Code avec le canon 1013 § 1 du Code de Benoît XV, pour s'apercevoir qu'a été supprimée toute hiérarchie des fins, en évitant de parler de fin principale et de fins secondaires, et la fin de la procréation et de l'éducation des enfants a été mise à égalité, et presque logiquement en position subordonnée, à la fin du bien des conjoints. La conclusion est inéluctable: la doctrine de Karol Wojtyla, du nouveau “Code” et du nouveau “Catéchisme” concernant les fins du mariage est la même que celle qui fut condamnée par Pie XII. Les “funestes conséquences” de la nouvelle doctrine Dans le discours aux membres de la Sacrée Rote du 3 octobre 1941, Pie XII avertissait qu'il faut éviter la tendance “qui considère la fin secondaire comme également principale, la déliant de son essentielle subordination à la fin primaire, ce qui, par une nécessité logique, conduirait à de funestes conséquences”. Quelles sont ces “funestes” mais “logiques” conséquences de la conception personnaliste du mariage et de la famille, outre la violation de la doctrine traditionnelle sur les fins du mariage lui-même? Voyons-les ensemble, à la suite du Père Boschi, soulignant comment toutes ne sont pas admises par les tenants de la nouvelle théorie, mais comment toutes en sont logiquement déduites. Ce sont, entre autres: 1) Les enfants pourraient être sacrifiés quand ils constituent une menace pour la vie de la mère (avortement thérapeutique). 2) Dévalorisation du célibat vertueux et de l'état sacerdotal et religieux (avec une correspondante survalorisation de l'état matrimonial et, même, un certain pansexualisme). 3) Diminution de la gravité de l’onanisme (la soi-disant contraception) qui n'est pas suffisamment expliquée. 4) Changement de conception sur la validité du mariage: des mariages nuls (pour absence de verum semen chez l'homme) seraient valides; des mariages valides (par présence de la fin première mais pas des fins secondaires) seraient nuls! (cf. pp. 320-323). Ces conséquences néfastes se retrouvent-elles, et dans quelle mesure, dans la Lettre aux Familles? Mariage et célibat De toutes les “funestes conséquences”, celle qui le plus visiblement frappe dans la pensée de Jean-Paul II est la dévalorisation du célibat. Ce n'est pas la première fois qu'il le fait; dans la Lettre aux Familles, bien que moins explicitement, il revient sur un thème qui lui est cher. Il écrit au n° 8: “Dans les paroles du Concile, la ‘communion’ des personnes découle en un sens du mystère du ‘Nous’ trinitaire et donc la ‘communion conjugale’ se rat- 48 3/11/94 Jean-Paul II lors de l’inauguration de la “VIème Assemblée générale des religions pour la paix”. Pour la première fois, plus de 400 délégués de toutes les religions ont prié toutes sortes de divinités au Vatican. tache, elle aussi, à ce mystère. La famille, qui naît de l'amour de l'homme et de la femme, est fondamentalement issue du mystère de Dieu. Cela correspond à l'essence la plus intime de l'homme et de la femme, à leur dignité innée et authentique de personnes (...) Cette capacité [de vivre ‘dans la vérité et dans l'amour’], qui caractérise l'être humain comme personne, a une dimension à la fois spirituelle et corporelle. C'est aussi à travers le corps que l'homme et la femme sont préparés à former une ‘communion de personnes’ dans le mariage Quand, en vertu de l'alliance conjugale, ils s'unissent au point de devenir ‘une seule chair’, leur union doit se réaliser ‘dans la vérité et dans l'amour’ mettant ainsi en lumière la maturité propre des personnes créées à l'image de Dieu, selon sa ressemblance” (n° 8). Les textes wojtyliens sont fumeux, mais, à la lecture de ces lignes, on semble comprendre que le mariage est une conséquence en un certain sens nécessaire du fait d’être personne. En effet, ce qui est essentiel à l'homme, doit se retrouver dans tous les hommes. Or, nous serions à l'image et à la ressemblance de Dieu en tant que personnes capables de vivre dans la vérité et dans l'amour. Cette capacité a une dimension corporelle, dans l'être masculin et féminin. Et, dans l’union sexuelle, cette capacité corporelle “met ainsi en lumière la maturité propre des personnes”. Celui qui ne se marie pas, comment pourra-t-il mettre en lumière sa propre maturité? Refleurit ici la thématique de l’Androgyne primitif, pour qui l'acte conjugal restituerait l’unité perdue, en nous rendant pleinement semblables à Dieu? (cf. Sodalitium n° 36, pp. 64-66; n° 37, pp. 55-57 et 63). Comme si cela ne suffisait pas, Jean-Paul II renchérit: “La famille - écrit-il - est la route de l'Eglise. Dans cette Lettre, Nous désirons dire notre conviction et annoncer en même temps cette route qui, par la vie conjugale et familiale, mène au Royaume des Cieux (cf. Mt, 7, 14)” (n° 14). Or, que lit-on dans Matthieu 7, 14? “combien est étroite la porte et resserrée la voie qui conduit à la vie, et qu'il en est peu qui la trouvent”. La voie de la vie conjugale serait-elle donc la voie étroite qui conduit au Royaume des Cieux? Le sens évident - bien qu'absurde - de la phrase wojtylienne est justement celui-là! Absurde, certes! Parce que, s'il est vrai qu'une personne mariée peut effectivement prendre “la voie étroite” qui conduit au Ciel (même en n'étant pas dans l'état de perfection, qui consiste à suivre les conseils évangéliques: pauvreté, chasteté et obéissance), il est absurde de dire que la vie conjugale est cette voie étroite (à l'exclusion des autres, puisque l’unique autre voie citée par l'Evangile est la voie large qui conduit à la damnation). Oui, “tous sont également appelés à la perfection de la sainteté” (n° 14), laïcs et clercs, séculiers et religieux, mais l'instrument le plus approprié pour y arriver est l’observance des conseils (“Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans le ciel; viens ensuite et suismoi” Mt, 19, 21) et non la vie matrimoniale! Laquelle, ensuite, n'est pas une vocation, comme au contraire affirme la Lettre (cf. n° 14, n°16, n° 18), qui à strictement parler concerne seulement l'état sacerdotal. Cependant, Jean-Paul II, qui n'est pas marié, ne peut évidemment pas réprouver le célibat ou l'état de virginité. Il essaye donc d'expliquer comment, malgré ce qui est dit plus haut, c'est possible. Se référant à l’étonnement des apôtres face à la déclaration de Jésus sur l’indissolubilité du mariage, que nous lisons dans Mt 19, 10 (“Si telle est la condition de l'homme envers la femme, il n'est pas expédient de se marier”), Jean-Paul II écrit que le Seigneur “profite de l’occasion pour affirmer la valeur du choix de ne pas se marier, en vue du Règne de Dieu: ce choix permet aussi d'‘engendrer’, même si c'est de manière différente. Ce choix est le point de départ de la vie consa- 49 crée, des Ordres et des Congrégations religieuses en Orient et en Occident, comme aussi de la discipline du célibat sacerdotal, selon la tradition de l'Eglise latine. Il n'est donc pas vrai qu'“il n'est pas expédient de se marier”, mais l’amour pour le Royaume des Cieux peut aussi pousser à ne pas se marier (cf. Mt 19, 12)” Mais “se marier reste toutefois la vocation ordinaire de l'homme, qui est choisie par la plus grande partie du peuple de Dieu (...) Les corps des époux sont la demeure de l'Esprit Saint (cf. 1 Cor 6, 19) [parce que, les corps des célibataires ne le sont peut-être pas? n.d.a.] (...) Les Apôtres, d'abord craintifs au sujet du mariage et de la famille, sont ensuite devenus courageux. Ils ont compris que le mariage et la famille constituent une vraie vocation venant de Dieu Lui-même, un apostolat: l’apostolat des laïcs. Ils servent à la transformation de la terre et au renouvellement du monde, de la création et de toute l'humanité” (n° 18). Sur l'état de virginité, c’est tout! Ne nous étonnons pas qu'il n'y ait plus de “vocations”! A quoi bon renoncer à fonder une famille, si on a également la vocation et l’apostolat dans la vie conjugale, et si personne ne rappelle aux jeunes la vérité de foi sur la supériorité de la virginité sur le mariage (Denz. 980; Mt 19, 11; 1 Cor, ch. 7)? Et pourtant, les parents devraient connaître cette vérité, pour instruire les enfants à ce sujet et faciliter en eux l’accueil d'une éventuelle vocation divine. De ce devoir fondamental, nous ne lisons rien dans la Lettre que leur a envoyée Karol Wojtyla; ils apprendront, au contraire, que, en un certain sens, “il est expédient de se marier”. Ce n'est pas vrai que Jésus ait contredit les paroles des apôtres (“il n'est pas expédient de se marier”); Il en a seulement élevé les motivations: “Tous ne comprennent pas cette parole, mais ceux à qui il a été donné (...) Il y en a qui se sont rendus eux-mêmes eunuques, à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre, comprenne” (Mt 19, 12). Il n'est pas non plus exact que le célibat sacerdotal soit une simple tradition de l'Eglise latine; le cardinal Stickler a magistralement démontré qu'au moins la continence sacerdotale (c'est-à-dire, l'interdiction, faite aux prêtres, d'user du mariage) est une tradition apostolique de toute l'Eglise. Mais que voulez-vous! Fidèle à son personnalisme, Jean-Paul II, quand il parle de “masculinité et de féminité” est comme en extase! Il faut lire à cet égard sa “catéchèse du mercredi” sur la “théologie du corps”. Celui qui ne le comprend pas, nous l'avons vu, est un manichéen. “Devant une pareille perspective anthropologique - écrit-il encore dans la Lettre - la famille humaine en arrive à vivre l'expérience d'un nouveau manichéisme (...) Ainsi, l'homme cesse de vivre comme personne et comme sujet. (...) Dans ce sens, par exemple, cette civilisation néo-manichéenne porte à considérer la sexualité humaine plus comme un terrain de manipulations et d'exploitation, que comme la réalité de cet étonnement originel qui, au matin de la création, pousse Adam à s'écrier à la vue d'Eve: “C'est l'os de mes os et la chair de ma chair” (Gn 2, 23). C'est l'étonnement dont on perçoit l'écho dans les paroles du Cantique des Cantiques: “Tu me fais perdre le sens, ma sœur, ô ma fiancée, tu me fais perdre le sens par un seul de tes regards” (Ct 4, 9). Comme certaines conceptions modernes sont loin de la compréhension profonde de la masculinité et de la féminité offerte par la Révélation divine!” Quel beau spiritualisme, dirait-on (même si le Cantique des Cantiques ne doit pas être interprété comme se référant à un amour humain...). Dommage qu'il en découle d'étranges conséquences: “Cette dernière nous fait découvrir dans la sexualité humaine une richesse de la personne qui trouve sa véritable mise en valeur dans la famille et qui exprime aussi sa vocation profonde dans la virginité et dans le célibat pour le Règne de Dieu” (n° 19). Nous serions curieux de savoir comment... Le comment on peut le comprendre en retournant aux principes personnalistes. “La totale égalité des personnes - a récemment rappelé Wojtyla en Australie - est toutefois accompagnée d'une merveilleuse complémentarité” (O.R., éd. ital., 20 janvier 1995, p. 4) entre les hommes et les femmes. Complémentarité qui a, je le rappelle, “une dimension à la fois spirituelle et corporelle”. “En considérant le mariage comme un perfectionnement essentiel de la vie humaine” écrit le Père Boschi, les personnalistes raisonnent “comme si l'homme, en dehors du mariage, reste incomplet, et seulement un demi-homme (...) C’est l’impression qu'on a en lisant certains livres qui insistent sur la complémentarité, physique et spirituelle, des deux sexes, créés par le Seigneur l'un pour l'autre pour se compléter et se perfectionner réciproquement. Celui donc qui ne se marie pas reste irrémédiablement incomplet et imparfait dans sa personnalité, venant à manquer de cette intégration naturelle des dons et des qualités que, dans le dessein du Seigneur, l’homme apporte à la femme et celle-ci à 50 l'homme”. Cette idée se fonde sur la confusion, signalée par le Père Cappello, entre “l'accomplissement sexuel”, ordonné à la procréation, et celui humain et personnel. “Le perfectionnement personnel de l’individu - poursuit le Père Boschi - peut s'obtenir aussi en dehors du mariage, même encore mieux, dans l'état de virginité et de célibat vertueux” et cela est démontré tant à la lumière de la foi qu'à la lumière de la raison elle-même: “qui pourrait nier que la vie de virginité et de célibat, dans l'abstention la plus complète des plaisirs des sens, manifeste une plus grande maîtrise de l'esprit sur la matière et, avec cela, une plus grande élévation de l'homme dans la moralité, une meilleure préparation aux élévations de l'esprit, et une plus grande liberté et disponibilité pour toutes sortes de dévouement le plus total au Seigneur, au prochain, aux œuvres de charité et d'apostolat?” (pp. 320-321). Cette conséquence fut dénoncée vigoureusement par Pie XII, tant dans le discours aux sagesfemmes susmentionné que dans le discours aux Supérieurs Généraux du 15 septembre 1952. La thèse personnaliste est pour Pie XII “une erreur et une aberration” et est cause de la crise des vocations. Pour ne pas admettre, pourtant, que, selon le personnalisme, l’homme consacré à Dieu est un “homme incomplet et imparfait” ou, pour employer les mots de Pie XII, un “déficient de caractère et d'esprit”, Jean-Paul II doit lui attribuer aussi une profonde expression de la “sexualité humaine”! Les obscures expressions de la Lettre deviennent tout un traité lumineux en lisant un livre du regretté Mgr Landucci, Miti e realtà (éd. La Roccia, Rome, 1968), où est réfutée la thèse de l’intégration affective sacerdotale (pp. 371-378) et le “pansexualisme” du jésuite apostat Teilhard de Chardin (pp. 99-112). Le rapprochement n'est pas abusif; tant pour les contenus du mode de pensée respectivement wojtylien et teilhardien, que par les louanges officielles tissées par Jean-Paul II à Teilhard lui-même, et à son défenseur d’office, le cardinal de Lubac. L’évolutionniste Teilhard ne pouvait pas ne pas théoriser une “Evolution de la chasteté”. La sexualité évoluera elle aussi, la “finalité procréatrice” perdra sa valeur et culminera dans la... Vierge Marie (p. 101)! La Matière devient Esprit; mais l'Esprit, donc, n'est pas, radicalement, que Matière. Mais citons directement Teilhard. Dans L’Energie humaine (1936): “Par la femme, et par la femme seule, l’homme peut échapper à l’isolement où sa perfection même risquerait de l'enfermer” (p. 93) Pour les “anciennes morales” la “pureté était généralement synonyme de séparation des sexes. Pour aimer, il fallait quitter... Le binôme homme-femme était remplacé par le binôme homme-Dieu (ou femme-Dieu) (...)” Au contraire, “s'il est vrai, donc, que l'homme et la femme s'uniront d'autant plus à Dieu qu'ils s'aimeront l'un l'autre davantage... plus ils seront à Dieu, plus ils se verront amenés à s'aimer d'une plus belle manière... vers une diminution graduelle de la reproduction... Sans cesser d'être physique... l’amour se fera plus spirituel. Le sexuel, pour l'homme, se trouvera comblé par le pur féminin. N'est-ce pas là dans sa réalité le rêve de la Chasteté?” (p. 96). Dans Le Féminin ou l’unitif (1950): “... à partir du moment critique où, rejetant de vieilles images familiales et religieuses, j'ai commencé à m'éveiller et à m'exprimer vraiment par moimême, rien ne s'est développé en moi que sous un regard et sous une influence de femme”. “En premier lieu... dans l'homme - même s'il est voué au service d’une cause ou d'un Dieu aucun accès à la maturité et à la plénitude spirituelle n'est possible en dehors de quelque influence sentimentale... aucun homme peut (c'est d'une évidence chaque jour plus éclatante) se passer du féminin”. “En second lieu.. entre un mariage socialement polarisé vers la reproduction, et une perfection religieuse toujours représentée, théologiquement, en termes de séparation, une troisième voie (je ne dis pas médiane, mais supérieure) ne fait certainement pas défaut...”. “... l’Homme élémentaire resterait inachevé si, dans la rencontre avec l’autre sexe, à l'attraction centrique de personne-à-personne, il ne s'enflammait pas...”. Justement quand Teilhard «fit le vœu de chasteté, “il n'avait jamais mieux compris à quel point l’homme et la femme peuvent se compléter pour s'élever à Dieu”» (cf. Landucci, p. 111). Après le Concile les théories de Teilhard entrèrent dans les séminaires, et ainsi on proposa l’“intégration affective sacerdotale”. “L’oblativité, c'est-à-dire la tendance à se donner” serait “la troisième face de la sexualité”, face que même les séminaristes et les prêtres devraient développer pour mûrir leur propre personnalité. Pour conclure, une étrange affirmation autobiografique de Jean-Paul II. Savez-vous pourquoi il confesse les fidèles? Pour pardonner les péchés, direz-vous! Lisez plutôt ce qu'il écrit dans sa Lettre: “Sans eux [les “apôtres laïcs” n.d.a.], que pourraient faire les prêtres, les évêques et même le Successeur de 51 Pierre? Je m'en suis convaincu de plus en plus depuis les premières années de mon sacerdoce, à partir du moment où j'ai commencé à m'asseoir dans le confessional pour partager les préoccupations, les craintes et les espoirs de nombreux époux” (n° 12)! On aurait envie de dire: humain, trop humain... Telles sont les funestes conséquences d'une conception erronée de l'homme et du mariage! Pourquoi dire non à la contraception? Parmi les conséquences du personnalisme, le Père Boschi inclut une nouvelle approche au problème de l’onanisme (“contraception”). «La gravité de l’onanisme n’est plus suffisamment explicitée, inculquée avec tant de force par l'Eglise, en tant qu’elle s'oppose à la fin première du mariage. “L’onanisme disent ces auteurs - est un péché mortel parce qu’il n'y a pas une parfaite donation réciproque entre les époux”. Admettons; mais il n’en demeure pas moins dans cet abus une sorte de donation, et donc on ne voit pas comment de telles pratiques sont justement quelque chose de grave”» (pp. 322-323). Au numéro 12 de la Lettre (intitulé, avec un néologisme conciliaire, “La paternité et la maternité responsables”), Jean-Paul II condamne (à juste titre) la “contraception”, et se demande: “Pourquoi l'Eglise le fait-elle?”. On aurait répondu, autrefois: parce que c'est une pratique contraire à la nature, et précisément à la fin première du mariage. Que répond, au contraire, Wojtyla? “Le fondement sur lequel repose la doctrine de l'Eglise concernant la paternité et la maternité responsables est on ne peut plus ample et solide. Le Concile le montre avant tout dans son enseignement sur l'homme, lorsqu'il affirme que celui-ci est la ‘seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même’ et qu'il ‘ne peut pleinement se trouver que par le don désinteressé de lui-même’ (GS 24). Et cela parce qu'il a été créé à l'image et à la ressemblance de Dieu, et racheté par le Fils unique du Père fait homme pour nous et pour notre salut. Le Concile Vatican II, particulièrement attentif au problème de l'homme et de sa vocation, déclare que l’union conjugale, ‘una caro’, ‘une seule chair’ selon l'expression biblique, ne peut être totalement comprise et expliquée qu'en recourant aux valeurs de la ‘personne’ et du ‘don’. Tout homme et toute femme se réalisent pleinement par le don désintéressé d'eux-mêmes et, pour les époux, le mouvement de l'union conjugale en constitue une ex- périence tout à fait spécifique. C'est alors que l'homme et la femme, dans la ‘vérité de leur masculinité et de leur féminité, deviennent un don réciproque. (...) Il convient cependant d'aller plus à fond et d'analyser le sens de l'acte conjugal à la lumière des valeurs déjà mentionnées de la ‘personne’ et du ‘don’. L'Eglise le fait par son enseignement constant [faux! n.d.a.], en particulier celui du Concile Vatican II [vrai! n.d.a.]. Au moment de l'acte conjugal, l’homme et la femme sont appelés à confirmer de manière responsable le don mutuel qu'ils ont fait d'eux-mêmes dans l'alliance du mariage. Or la logique du don total de soi à l'autre comporte l'ouverture potentielle à la procréation: le mariage est ainsi appelé à se réaliser encore plus pleinement dans la famille. Certes, le don réciproque de l'homme et de la femme n'a pas pour seule fin la naissance des enfants [la naissance des enfants n'est pas l'unique fin subjective: je concède; l’unique fin objective secondaire: je concède; l’unique fin objective principale: je le nie totalement, n.d.a.] car il est en lui-même communion d'amour et de vie [dans laquelle, pour Wojtyla, consiste vraiment le bien et le but du mariage, et non dans la procréation qui en découle, n.d.a.]. Il faut que soit toujours préservée la vérité intime de ce don” (n° 12). Pour Jean-Paul II, pourtant, la “contraception” n'est pas un péché parce que contre nature, et d'autant moins parce qu'elle s'oppose à la fin première du mariage. Elle serait un péché parce qu'elle n'exprime pas “totalement” le don réciproque des époux, mais seulement partiellement. L’acte onaniste, en luimême, réaliserait toutefois la “mutuelle communion d'amour et de vie” (qui, pour Wojtyla, est l’essentiel dans le mariage): la gravité de l’onanisme apparaît, pourtant, sérieusement diminuée, et va presque jusqu'à disparaître. Alors, Jean-Paul II ajoute une considération: “La personne ne peut jamais être considérée comme un moyen d'atteindre une fin, et surtout jamais comme une source de ‘jouissance’. C'est la personne qui est et doit être la fin de tout acte. C'est seulement ainsi que l'action répond à la véritable dignité de la personne” (n° 12). Dans la perspective wojtylienne, oui cela est grave: il s'agit de la violation de l'impératif catégorique kantien, de la norme personnaliste! Et même, cet argument aussi est insuffisant pour justifier la force avec laquelle l'Eglise (et la Bible) condamnent l’onanisme. Surtout, parce que l'argument est, en lui-même, infondé, bien plus: c'est un blasphème; je l'ai déjà démontré (cf. Sodalitium, n° 37, pp. 61-62). Si l’homme (et à plus forte raison Dieu) se sert d'une personne 52 humaine pour une fin bonne et sans nuire à ladite personne, il n'accomplit aucun crime, mais une action moralement bonne; le contraire serait absurde, puisque toute créature (et donc chaque personne) est un moyen dont il faut se servir pour atteindre la fin ultime, qui est Dieu. En second lieu, la “norme personnaliste” invoquée par Wojtyla pour réfuter la “contraception” ne nous donne pas le motif spécifique pour lequel elle serait prohibée. L’égoïsme de celui (ou celle) qui se sert dans l'acte conjugal de l'autre personne comme d’un instrument de jouissance peut subsister aussi quand l’acte conjugal est ouvert à la procréation (c'est le célèbre cas moral de l'acte vénérien accompli ob solam voluptatem, pour le seul plaisir), et peut, au contraire manquer quand il n'y est pas. Souvent les époux onanistes agissent ainsi par égoïsme et hédonisme. Mais pas toujours! Parfois ils le font pour des motifs psychologiques, ou de santé, ou pour apaiser la concupiscence; en tout cas, avec un véritable amour (humainement parlant!) réciproque. Dans ces cas-là, la “norme personnaliste” n'ajoute rien de plus à ce qui est dit avant: il s'agit d'un don partiel, pas total. Est-ce suffisant, pour qu'il s'agisse d'un péché grave? Si ensuite ils agissent par égoïsme, pour la seule jouissance, la morale catholique condamne cette attitude des conjoints, c'est vrai, mais seulement comme péché véniel, en tant qu'abus d'une chose licite. Comment peuton considérer comme péché grave l'onanisme, en se fondant sur cette base? Je ne suis pourtant pas surpris que de nombreux pseudo-théologiens post-conciliaires (y compris feu le cardinal Albino Luciani, et presque toutes les Conférences Episcopales du monde) le considèrent licite. Comme Kant a prétendu attaquer les preuves de l’existence de Dieu, le chassant par la porte, pour ensuite le faire rentrer, sur des bases subjectivistes, par la fenêtre, ainsi Wojtyla attaque les véritables fondements de la morale conjugale, en leur substituant des principes faux et fumeux, absolument inadaptés à fonder quoique ce soit. L’éducation personnaliste Bien qu’accidentels par rapport au mariage-communion-de-personnes, les enfants arrivent normalement, et constituent la famille-communauté-de-personnes; d'où, le devoir de les éduquer. Autrefois la procréation et l'éducation des enfants, était considérée comme la fin naturelle, première, objective du mariage. Comment la Lettre wojty- lienne conçoit-elle l'éducation des enfants? Le principe est toujours le même: “tout homme se réalise par le don désintéressé de lui-même. Cela vaut pour celui qui éduque comme pour celui qui est éduqué” (n° 16). De là certaines bizarreries (comme celle selon laquelle le père doit assister à l'accouchement, cf. n° 16) et une niaiserie continuellement répétée: “L’éducation est donc avant tout un libre don d'humanité fait par les deux parents (...) Maîtres en humanité” (n° 16). Une niaiserie, dis-je, de ces “humanistes intégraux” qui ont “le culte de l'homme” (Paul VI dixit) puisque, à proprement parler, l’humanité c'est la nature humaine: sa transmission aux enfants est un fait biologique, non éducatif. Et pourtant, même l'éducation chrétienne “est toujours une éducation à la plénitude de l'humanité” (n° 16). Voulez-vous en savoir plus? C'est, par exemple, “la condition fondamentale de tout processus éducatif” (n° 16)? Elle est “la reconnaissance (...) et le respect de l'homme comme homme” (ibidem). De cette “condition fondamentale” découle une conséquence que nous avons déjà signalée (Sodalitium, n° 37, pp. 57-58): l'égalité entre mari et femme, parents et enfants. On a déjà abondamment parlé de la première égalité; il faut s'arrêter sur la seconde. Le IVème Commandement déclare: “Honore ton père et ta mère”. La Lettre l'interprète au n° 15, non sans commencer en hébraïsant: “Shema, Israel...” . Dans le commandement d'honorer les parents, explique Jean-Paul II, “il y a là une certaine analogie avec le culte dû à Dieu” (ibidem), mais ce “culte” doit être rendu non seulement par les enfants à leurs parents, mais aussi par les parents à leurs enfants. “Le commandement ‘honore ton père et ta mère’ dit indirectement aux parents: honorez vos fils et vos filles. Ils le méritent parce qu'ils existent, parce qu'ils sont ce qu'ils sont: cela vaut dès le premier moment de leur conception” (n° 15) “...cette attitude - ajoute la Lettre - est indispensable au long de tout le parcours éducatif, y compris de la période scolaire” (n° 16). Certes, celui qui existe, qui a l'être, participe de Dieu qui est l'être; mais cela suffit-il pour fonder le devoir d'honorer quelqu'un? Le diable existe aussi; les damnés existent aussi, et ce sont des personnes humaines; et la personne humaine, dès sa conception, est “fille de la colère”, en état de péché (bien que, à la différence des damnés, elle peut encore devenir fille adoptive de Dieu au moyen du 53 baptême et de l'état de grâce) par conséquent, si elle vient à mourir, Dieu ne l'honore pas, mais la condamne. Mais peut-être que Dieu n'est pas personnaliste! La “civilisation de l’amour” Vatican II et le post-concile ont créé de nombreux néologismes, pour la plupart peu clairs, qui ont pris la place, peu à peu, des expressions traditionnelles, ou en ont changé le sens. L'un d'eux est celui d'“église domestique” appliqué à la famille (LG 11, Lettre, n° 3, n° 5, n° 19, n° 13...) alors que Pie XII employait (parfois) le terme de “sanctuaire” qui n’est un synonyme qu’en apparence. Une autre expression “conciliaire” est celle de “civilisation de l'amour”, expression inventée par Paul VI (Noël 1975) et “entrée depuis dans l'enseignement de l'Eglise et devenue désormais familière. Il est difficile aujourd'hui d'évoquer une intervention de l'Eglise, ou sur l'Eglise, qui ne comporte la mention de la civilisation de l'amour” (n° 13). Le terme a une signification politique mais, plus encore, “humaniste” et culturelle. La famille en est à la base, et le principe d’inspiration se trouve, naturellement, dans Vatican II, Gaudium et spes 22 (“Le Christ ... manifeste... pleinement l’homme à lui-même et lui découvre la sublimité de sa vocation”). Quel est le but de cette culture ou civilisation? “L’humanisation du monde” (n° 13), naturellement! En quoi consiste ensuite cette “humanisation”, le lecteur le sait déjà: l’homme voulu pour lui-même, qui se retrouve dans le don de soi; en un mot: la diffusion de la philosophie personnaliste. Le danger qui nous menace? La perte de cette philosophie (“la perte de la vérité sur la famille elle-même” c'est-à-dire de la personne sur la personne) “à quoi s'ajoute le danger de perdre la liberté et, par conséquent, de perdre l'amour même” (n° 13). La société doit être pourtant “personnaliste”, c'est-à-dire kantiennement altruiste et non utilitariste (n° 14). Le bien commun de la société personnaliste se trouve dans la valeur de la personne, dans la dignité de la personne humaine (n° 11), qui doit fonder la “conception moderne des droits de l’homme” (n° 15). “A eux seuls, les droits ne suffisent pas” avertit Wojtyla; les droits de l'homme doivent se fonder sur un impératif: “La reconnaissance de l'homme pour le simple fait d'être homme, ‘cet’ homme” (n° 15). « “Cet homme”, en tout cas, a le droit de s'affirmer lui-même en raison de sa dignité hu- maine” (n° 11). C'est le fondement du “principe de la liberté religieuse” (n° 16). Un principe, soit dit en passant, condamné par l'Eglise et, pourtant, faux, comme est faux son fondement personnaliste. Dans le milieu familial, ce principe se concrétise dans la “liberté - pour les parents - de choisir pour leurs enfants un modèle d'éducation religieuse et morale déterminé, correspondant à leurs convictions” (n° 16). En réalité, devant Dieu, les parents n'ont pas du tout cette liberté, puisqu'ils doivent éduquer leurs enfants comme Dieu le commande, en conformant leurs convictions subjectives à la vérité objective! Est-ce au moins un droit civil? Pour les non baptisés, sans doute, puisque les enfants mineurs, par droit naturel, sont sous la tutelle des parents (II-II, q. 10, a. 12; III, q. 68, a. 10), mais non pour les baptisés: “de telles gens doivent être poussés, même corporellement, à remplir ce qu’ils ont promis et à tenir ce qu'ils ont une fois reçu” librement au baptême (II-II, q. 10, a. 8). Le célèbre cas Mortara est le plus évident démenti aux paroles de Karol Wojtyla (à moins qu'on Manille, Rizal Park, 15/01/95. Quatre millions de personnes à la “messe” de Jean-Paul II. Sur la photo, un jeune homme nu porte le ciboire pour la communion sur l’estrade. “La Stampa” du 18/01/95 a reproduit la photo de jeunes filles dansant torse nu pendant la “messe” de Jean-Paul II célébrée à Port Moresby (Papouasie Nouvelle Guinée). Par décence nous ne la publions pas. 54 ne veuille dire que Pie IX s'est trompé, en péchant contre le droit naturel!). Pour les peuples, le principe personnaliste amène à une condamnation sans discernement du nationalisme (cf. n° 14), expression de l'égoïsme, au point que, et ici on dépasse les limites, de l’“impératif (...) Sois homme!” on en déduit que nous devons nous considérer citoyens du monde (cf. n° 15). Le mondialisme serait-il l’expression de l’altruisme social? Bizarreries variées Avant de conclure, quelques “perles” recueillies ça et là, phrases étranges et malsonnantes. Au n° 7, par exemple, on conseille, en cas de crise familiale, le recours non au confesseur, dont on ne parle pas, mais à l'“assistance de psychologues ou de psychothérapeutes”. Au n° 17 on émet la théorie du salaire aux mamans:“La maternité avec tout ce qu'elle comporte de fatigues, doit obtenir une reconnaissance même économique au moins égale à celle des autres travaux accomplis pour faire vivre la famille dans une période aussi délicate de son existence”. Certes, c'est bien que l'Etat aide les familles, spécialement si elles sont nombreuses; c'est bien que l'employeur donne au travailleur un salaire qui tienne compte de ses exigences familiales. Mais être mère de famille, pour Wojtyla, c'est comme “un travail professionnel” et par conséquent le salaire aux mamans doit être au même niveau que “tout autre droit lié au travail”. Jusqu'alors, pourtant, depuis que le monde est monde, ce droit a été bafoué! Au n° 18, la Lettre parle de l’Eucharistie concernant la famille et dit: “N'a-t-Il pas institué l'Eucharistie dans un contexte familial, au cours de la dernière Cène? Quand vous vous rencontrez pour les repas et que vous êtes unis entre vous, le Christ est proche de vous”. La page après, les paroles évangéliques “Je suis avec vous pour toujours jusqu'à la fin du monde” (Mt 28, 20) sont appliquées non pas aux Apôtres (Eglise hiérarchique), mais aux époux. Au n° 19: on découvre que “Le Seigneur (...) Epoux d'Israël, le peuple élu” ne cesse pas d'aimer l'épouse (Israël) malgré “les trahisons, les désertions et les idolâtries”; “le Dieu-Epoux ‘aime jusqu'à la fin’”. Au n° 20, on parle de Marie, “Mère du bel amour”. Une phrase très étrange: “Marie suivra son Fils dans le pèlerinage de la foi”. Qu'est-ce à dire? Marie seule avait la foi, en suivant son Fils, ou bien le Fils aussi était-Il dans le “pèlerinage de la foi” suivi par sa Mère? En effet, Jésus n'avait pas la foi, puisqu'Il jouissait, depuis l’Incarnation, de la vision béatifique (chose que, dans un discours, Jean-Paul II nia). Au n° 21, on définit “sans équivoque et catégorique” la “loi de Dieu à l'égard de la vie humaine. Dieu ordonne ‘Tu ne tueras pas’ (Ex 20, 13). Aucun législateur humain ne peut donc affirmer: il t'est permis de tuer, tu as le droit de tuer, tu devrais tuer”. Même dans le cas de la peine de mort? de la juste guerre? de la légitime défense? Dernière étrangeté, au n° 22: “C'est précisément vous, chers pères et mères, qui êtes les premiers témoins et ministres de cette nouvelle naissance de l'Esprit Saint”. De quelle naissance parle, ici, Jean-Paul II? De celle qui se réalise au baptême? Mais, dans ce cas, les parents, ordinairement, ne sont ni les témoins, ni encore moins les ministres (tout au plus, ont-ils été les instruments, en mettant au monde un enfant, pour avoir quelqu'un à baptiser). Parle-t-il alors de la naissance naturelle? Mais alors ce n'est pas une “nouvelle naissance de l'Esprit Saint”. Un étrange jugement La Lettre arrive à son terme, et par là même notre commentaire, étant parvenus aux deux derniers numéros. Le n° 22 nous parle du jugement. “Chacun de nous - rappelle opportunément Jean-Paul II - sera jugé à partir des commandements, y compris ceux que nous avons rappelés dans cette Lettre: le quatrième, le cinquième, le sixième, le neuvième” (n° 22). Sachant comment vivent les hommes, il y a de quoi frémir! Mais le jugement selon Wojtyla n'inspire aucune crainte. Il rappelle que Jésus «a été envoyé dans le monde non “pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui” (Jn 3, 17)»; mais, qu'en sera-t-il pour qui refuse le salut que lui offre Jésus? Examinons mieux le jugement selon la Lettre aux Familles. D'abord, le juge. “Le Christ est-Il donc juge?” La réponse affirmative est de foi; celle de Wojtyla est évasive: “Tes actes te jugeront à la lumière de la vérité que tu connais” (ibidem). Plus exactement, nos actes seront la matière du jugement, mais non le juge! Ensuite, le jugement. «En quoi consiste donc le jugement? Le Christ lui-même donne la réponse: “Tel est le jugement: la lumière est venue dans le monde (...). Celui qui fait la vérité vient à la lumière, afin que soit manifesté 55 que ses œuvres sont faites en Dieu” (Jn, 3, 19.21)» (ibidem). Il y a une astuce, et on le voit! Pris de curiosité, nous sommes allés voir ce qui est écrit dans l'Evangile, là où Jean-Paul II a mis de pudiques points de suspension: “...et les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Car quiconque fait le mal hait la lumière, et il ne vient point à la lumière, de peur que ses œuvres ne soient découvertes”. Voici donc un jugement à moitié censuré! “Son jugement sera un jugement sur l'amour, un jugement qui confirmera définitivement la vérité que l'Epoux était avec nous, sans que, peut-être, nous l'ayons su. Le juge est l'Epoux de l'Eglise et de l'humanité” (n° 22). J'ai déjà cité cette expression (Sodalitium, n° 37, p. 61) qui, avec d'autres (nn° 2, 4, 20, 23...) montrent que le Christ est uni à tout homme, à chaque famille, à toute l’humanité, et que tous sont rachetés. Encore une fois, Jean-Paul II insinue que, malgré nos péchés, nous serons tous sauvés. On objectera: Jean-Paul II cite explicitement le texte de St Matthieu, au chapitre 25, dans lequel se trouve la double sentence, du salut et de la damnation. C'est vrai. Mais, dans ce cas aussi, de providentiels points de suspension le servent à merveille. De la sentence ne subsistent que les paroles “Venez, les bénis de mon Père” et “Loin de moi”. Disparaissent au contraire “possédez le royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde” et “maudits, au feu éternel, qui a été préparé au diable et à ses anges”. Ces omissions injustifiées sont vraiment inquiétantes. Selon l'amour, Jésus appelle près de Lui ou éloigne les hommes: voilà le jugement pour Jean-Paul II; mais il n’y a pas de Ciel (“le royaume”) ni d'Enfer, peine du dan (“maudits”), ni de peine du sens (“au feu”), ni d’éternité (“feu éternel”). Pourquoi? On dirait que récompense et châtiment sont dans le temps plus que dans l'éternité, dans le fait de L'avoir accueilli (titre du n° 22) ou dans le fait de ne pas L'avoir accueilli. Pour ce “non accueil” “Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde” dit Jean-Paul II citant comme faisant autorité le janséniste Pascal, mais cette agonie est “le point culminant de la manifestation de l'amour” que “manifeste l'Epoux qui est avec nous, qui aime toujours de manière nouvelle, qui ‘aime jusqu'à la fin’ (cf. Jn 13, 1)”. Les hommes ont beau pécher, mais Lui continue de nous aimer et d'être avec nous, semble dire Jean-Paul II, avec un amour qui “dépasse les frontières de l'histoire de l'humanité” (n° 22). Les innombrables pécheurs contre le quatrième, le cinquième, le sixième et le neuvième commandement qui ont lu jusqu'ici, terminent la lecture sans savoir si, oui ou non, ils iront en enfer s'ils meurent en état de péché mortel. Conclusion finale œcuménique Inévitable, la conclusion œcuménique passe-partout (n° 23); je l'ai déjà citée (Sodalitium, n° 36, p. 63) et je n'y reviens pas, sinon pour rappeler que, selon Jean-Paul II, nous avons une “foi commune” avec les hérétiques, les juifs et les musulmans, constituant tous la “grande communauté de ceux qui croient en un Dieu unique”. Pur Concile (Lumen Gentium, nn° 15 et 16). Concile qui explorerait “à fond”, “à notre époque”, le “trésor de vérité”. En note est cité aussi, parmi les pronunciamentos du Magistère dignes d'une “spéciale attention”, le “Discours aux participantes du Congrès de l'Union Catholique Italienne des Sages-femmes” de Pie XII, du 29 octobre 1951 (n° 23). Nous nous demandons: que signifie cette citation? Une boutade? Une tentative de confondre les idées, comme si Pie XII avalisait Jean-Paul II? Ou bien, un malicieux clin d’œil aux plus rusés: allez lire la condamnation des nouvelles théories personnalistes sur les fins du mariage de Pie XII... Que vous en semble? Avez-vous vu ce beau travail? De Pie XII et de son magistère il ne reste plus rien. Il a justement coulé... “à fond”. Le contrepoison Parlant des nouvelles théories personnalistes, le Père Boschi écrivait: “Face à cette profusion de paroles et à tant de perplexité et oscillations terminologiques et conceptuelles (facilitées, pensons-nous, en plus du manque d'une rigoureuse formation scolastique, du fait aussi qu'aujourd'hui on n'écrit et on ne pense plus en latin, mais en langue vulgaire), l’homme de science, habitué au langage technique et à la rigueur logique, ne peut pas ne pas être gêné et désorienté. Ce n'est pas une question de sensibilité esthétique, mais de précision et d’exactitude. Le remède, indiqué par le Saint-Office, réside dans l'adhérence aux termes du langage doctrinal, résultat de longues recherches et de lentes élaborations de concept, et consacrées 56 d'une certaine manière par l'Eglise, qui en a fait officiellement usage et les a défendus avec ténacité, puisque gage d'une orthodoxie qui est le bien suprême de la vie chrétienne” (p. 319). Seul le retour à la clarté de l'enseignement de St Thomas et du magistère traditionnel de l'Eglise nous sauvera de ce «nouveau mode de penser et de s'exprimer “fait exprès” - note le Saint-Office - pour favoriser les erreurs et les incertitudes» (ibidem).      SA SAINTETÉ AU VATICAN (MAIS C’EST UN NESTORIEN) Sa Sainteté au Vatican. Mais elle ne s’appelle pas Jean-Paul II: son nom est Mar Dinkha IV, et l’Osservatore Romano du 15 novembre 1994 (p. 3) nous le présente comme “Patriarche de l’Eglise assyrienne de l’Orient”. La rencontre entre les deux “Saintetés” (c’est Jean-Paul II lui-même qui s’est adressé à Mar Dinkha IV avec ce titre) a eu lieu au Vatican le 11 novembre 1994, pour signer une “Déclaration christologique commune”. L’événement n’a pas fait de bruit, peut-être parce que peu de personnes savent, ici en Occident, ce qu’est cette “Eglise assyrienne de l’Orient”. Si nous expliquions qu’il s’agit d’une “Eglise” hérétique et schismatique, même pour les “Orthodoxes”, puisqu’elle est nestorienne, certaines personnes n’en seraient pas plus avancées. Nestorius, Patriarche de Constantinople de 428 à 431, mort en 451, fut condamné par le Concile d’Ephèse en 431 comme hérésiarque, pour avoir soutenu que dans le Christ il n’y a pas seulement deux natures mais aussi deux personnes, la divine et l'humaine, unies à travers une union purement morale. Une conséquence de cette hérésie, c’est que la Sainte Vierge, pour les nestoriens, Jean-Paul II et “Sa Sainteté” Mar Dinkha IV, Patriarche de l’Eglise assyrienne d’Orient, signant la déclaration christologique commune. n’est pas la Mère de Dieu, mais seulement la Mère de Jésus ou du Christ, c’est-à-dire de la personne humaine. Le Patriarche d’Alexandrie (proclamé par la suite Père de l’Eglise), Saint Cyrille fut le principal défenseur de la foi contre Nestorius. Mar Dinkha IV et Jean-Paul II ont signé une “Déclaration christologique commune” qui leur permettra, “désormais” de“proclamer ensemble devant le monde leur foi commune dans le mystère de l’Incarnation”. Et si Mar Dinkha IV a réellement abjuré l’hérésie de Nestorius, nous ne pouvons que nous en réjouir. Qu’il nous soit permis toutefois de nourrir de sérieux doutes à ce propos et, en tout cas, de relever de graves erreurs ecclésiologiques dans le document signé par les deux “Saintetés”, qui sont d'ailleurs les erreurs fondamentales de l’œcuménisme. En particulier, il faut souligner les points suivants: 1) Mar Dinkha IV et Jean-Paul II se définissent, à égalité, “héritiers et gardiens de la foi reçue des Apôtres”. Comment peut-on considérer un hérétique formel comme Mar Dinkha IV doit l’être présumé, comme“héritier”? (J’évite exprès de parler de Jean-Paul II). 2) Ils écrivent tous deux: “...L’Eglise assyrienne de l’Orient prie la Vierge Marie en tant que ‘Mère du Christ notre Dieu et Sauveur’. A la lumière de cette même foi, la tradition catholique s’adresse à la Vierge Marie comme ‘Mère de Dieu’ et également comme ‘Mère du Christ’. Les uns et les autres nous reconnaissons la légitimité et l’exactitude de ces expressions de la même foi et nous respectons la préférence de chaque Eglise dans sa vie liturgique et sa piété”. En un mot, Mar Dinkha et ses fidèles pourront légitimement se refuser à donner à la Vierge Marie le glorieux titre de Mère de Dieu. Pourquoi donc? Si vraiment ils croient maintenant que dans le Christ il y a une seule personne divine dont Marie est Mère, pourquoi lui refuser le titre de “Mère de Dieu”? La tradition catholique et la tradition nestorienne peuventelles être également considérées comme légitimes et exactes? La prière ne doit-elle peut-être plus être l’expression de la foi? 3) Ils ajoutent: “Les controverses du passé ont conduit à des anathèmes, portant sur des personnes et sur des formules. L’Esprit du Seigneur nous donne aujourd’hui de mieux comprendre que les divisions ainsi provoquées reposaient en bonne partie sur des malentendus”. Nous en déduisons que les douze anathèmes de St Cyrille et les formules dogma- 57 tiques du Concile d’Ephèse étaient le fruit d’un colossal malentendu. Et alors, la faute de la division doit-elle peut-être être attribuée (aussi) au Pape St Célestin, à St Cyrille et aux Pères d’Ephèse? Et Nestorius était-il vraiment hérétique, ou victime d’une injustice, d’un excès de zèle de la part de saints portés aux excommunications et aux “formules” dogmatiques? Deux erreurs sont à la base de cette phrase objectivement favorable à l’hérésie et injurieuse envers l’Eglise et les saints, deux erreurs remontant à Jean XXIII: que l’Eglise ait des fautes dans tous les schismes et les hérésies qu’elle a subie, et que la foi puisse être indépendante de la formulation théologique avec laquelle elle est exprimée (de telle sorte que les termes tels que Mère de Dieu, consubstantiel, transubstantiation, etc. puissent, avec le changement des circonstances, ne plus être obligatoires pour exprimer la foi de l’Eglise). 4) “Vivant de cette foi et de ces sacrements, il s’ensuit donc que les Eglises catholiques particulières et les Eglises assyriennes particulières peuvent se reconnaître comme Eglises sœurs”. Mais comment une “Eglise” hérétique et schismatique peut-elle être reconnue comme sœur de l’unique et véritable Eglise? Peut-il y avoir deux Eglises, filles du même Père? Et comment l’Eglise catholique peut-elle demander à être “reconnue” par une “Eglise” hérétique? 5) “Pour être pleine et entière la communion présuppose l’unanimité concernant le contenu de la foi, les sacrements et la constitution de l’Eglise. N’ayant pas jusqu’à présent atteint cette unanimité vers laquelle nous devons progresser davantage, nous ne pouvons malheureusement pas encore célébrer ensemble l’Eucharistie, qui est ce signe de la communion ecclésiale déjà totalement restaurée”. Dans cette phrase il y a l’idée d’origine protestante, reçue par le cardinal Bea et ensuite par Vatican II, mais niée par Pie XII, selon laquelle le baptême introduirait dans l’Eglise même les acatholiques, et fonderait une véritable communion, bien qu’imparfaite, entre eux et les catholiques. L’absence d’“unanimité sur le contenu de la foi, etc.” entre les catholiques et les “assyriens”, reconnue par la déclaration, est beaucoup plus grave que ce qu’on dit. Ne pas être d’accord sur le contenu de la foi signifie que l’“Eglise” de Mar Dinkha IV nie certaines vérités de foi. S’ils nient certaines vérités de foi, ils sont hérétiques, et on doit présumer qu’ils n’ont pas la vertu théologale de la foi. Comment peut, alors, exister une “communion” avec eux, tant qu’ils restent dans des conditions aussi déplorables? 6) “Néanmoins, la profonde communion spirituelle dans la foi et la confiance mutuelle qui existe déjà entre nos Eglises nous autorisent à envisager dès maintenant comment rendre ensemble témoignage au message évangélique et comment collaborer dans des situations pastorales spécifiques, tout particulièrement dans le domaine de la catéchèse et de la formation des futurs prêtres”. Nous avons vu que qui nie avec pertinacité même une seule des vérités de foi, n’a pas la foi. Or, les “assyriens”, aujourd’hui encore, en nient plus d’une. Comment pouvons-nous donc avoir avec eux une “profonde communion spirituelle” en une foi qu’ils n’ont pas? Et comment peut-on annoncer ensemble un évangile diversement interprété, enseigner ensemble un catéchisme différent, former ensemble des prêtres catholiques et hérétiques? Enfin, une dernière considération. Mar Dinkha IV est né dans l’hérésie. Jean-Paul II non. Qui, des deux, est le plus responsable, devant Dieu, des erreurs signées en commun? DISCOURS DE JEAN-PAUL II A L’“ANTI-DEFAMATION LEAGUE OF B’NAI B’RITH” (29/09/94) ous rapportons ici intégralement de L’OsservaN tore Romano du 30/09/94 (p. 6) le bref discours que Jean-Paul II a adressé à une délégation de l’A.D.L. dans le Palais Pontifical de Castel Gandolfo. (Nous rappelons au lecteur que dans le n° 35 de Sodalitium pp. 46-51, il pourra trouver d’abondantes informations sur cette célèbre organisation juive d’origine maçonnique). Se référant au livre de la Genèse (XII, 2) il inclut juifs et chrétiens dans la bénédiction que le patriarche Abraham devait porter à tous les peuples de la terre. St Paul au contraire explique clairement que la bénédiction apportée par Abraham consiste dans son descendant, Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a été accueilli par les chrétiens (de quelque origine qu’ils soient, “juifs et grecs”) et a été rejeté par ceux qui, parmi les juifs, sont restés fidèles à la Synagogue. Cette affirmation de Jean-Paul II est donc contraire à la révélation divine. « Chers amis, Je suis vraiment heureux de souhaiter la bienvenue à la délégation de l’Anti-Defamation League of B’naï B’rith. C’est avec grande joie que je vous souhaite la bienvenue. 58 Dans vos aimables paroles, Monsieur le Président, vous avez parlé de l’amitié et de sa force de cohésion dans nos vies. L’amitié est un grand don de Dieu et c’est une bénédiction pour quiconque l’expérimente. L’amitié sincère possède une force capable de construire des ponts indestructibles, de résister à de nombreux maux et de dépasser toute sorte de difficultés. En même temps, elle pose un défi continu à ceux qui essayent d’être amis. Ces convictions sont à la base des paroles suivantes que j’écrivis à l’occasion de la Commémoration du Cinquantième Anniversaire de la insurrection du Ghetto de Varsovie: “Comme Chrétiens et Juifs en suivant l’exemple de la foi d’Abraham nous sommes appelés à être une bénédiction pour le monde (cf. Gen. XII, 2). C’est la tâche commune qui nous attend. Il est donc nécessaire pour nous, Chrétiens et Juifs, d’être avant tout une bénédiction les uns pour les autres. Cela arrivera effectivement si nous nous maintenons unis face aux maux qui nous menacent encore: indifférence et préjugés de même que démonstrations d’antisémitisme” (21 avril 1993). N’est-ce peut-être pas le lien d’amitié qui en tant d’occasions durant les terribles jours du passé, inspira le courage des Chrétiens qui aidèrent leurs frères et sœurs Juifs jusqu’au prix de leur vie? Justement personne n’a un amour plus grand que celui qui donne sa propre vie pour ses amis (cf. Jn XV, 13). L’amitié se pose contre l’exclusion et fait que les personnes résistent ensemble face à la menace. Que notre amitié, renforcée par le respect que nous avons pour la Divine Providence, nous rende toujours plus unis pour le bien du monde entier ». Ce discours est particulièrement impressionnant si on le compare aux nouvelles, qui arrivent de toutes parts, d’actions légales entreprises par l’A.D.L. ou par la Licra contre de nombreux fidèles catholiques. La condamnation d’un Mgr Lefebvre mourant de la part d’un tribunal français suite à une dénonciation de la Licra est encore dans toutes les mémoires. Cet été, un pauvre chrétien de soixantequinze ans, Marcel Junin, enseignant à la retraite, a été dénoncé par la Licra (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme). Quelle est sa faute? Avoir écrit une lettre à un quotidien local (Sud-Ouest 6/07/1994). Dans celle-ci, après s’être déclaré “spirituellement sémite” (selon le mot célèbre de Pie XI) et avoir précisé n’avoir aucun préjugé racial, Jean-Paul II avec la délégation de l’A.D.L. du B’naï B’rith l’ex-professeur intervenait au sujet d’une conférence de l’archevêque de Bordeaux Mgr Eyt, prononcée le 13 juin et intitulée: “Qui a tué Jésus?”. Pour le prélat la réponse était évidente: les romains. Le retraité répondait en citant l’Evangile de St Matthieu là où sont bien mises en évidence d’autres responsabilités. Le Grand Rabbin de Bordeaux, Claude Maman lui répondit le 11 juillet sur le même journal, écrivant entre autres: la lettre de Mr Junin “constitue une incitation à la haine raciale et le retour à un antisémitisme d’origine religieuse, dont le peuple juif a trop souffert (…) en ce qui concerne le procès de Jésus je tiens à préciser que de nombreux théologiens, et non des moindres, appartenant au catholicisme se sont penchés sur tant d’invraisemblances, d’obscurités et d’erreurs qui ont entouré ce procès (…). Nous tenons à témoigner toute notre sympathie et notre amitié à Mgr Eyt, archevêque de Bordeaux, qui dans la droite ligne des décisions de Vatican II en 1965, a eu le courage et le grand mérite de rétablir la vérité (…)”. C’est donc pour avoir cité l’Evangile qu’un chrétien a été dénoncé et sera jugé le 21 octobre par le tribunal de Cahors par les émules des “chers amis” de Jean-Paul II, justement celui qui aurait dû être en première ligne pour défendre Mr Junin et l’historicité des Evangiles. Nous avons appris par ailleurs, le 14 octobre, que notre collaborateur l’abbé Curzio Nitoglia fait l’objet d’une enquête (à son insu) déjà depuis six mois pour “incitation à la haine raciale” d’après la tristement célèbre “loi Mancino”, à cause de l’homélie qu’il a prononcée à Rome le 7 janvier dernier (sur la loi Mancino cf. Sodalitium n° 34, pp. 48-53; sur l’homélie de Rome et la campagne contre notre Institut de la part de l’émission télévisée Sorgenti di vita cf. Sodalitium n° 35, pp. 56-60). LA LIBERTE D’EXPRESSION EXISTE-T-ELLE ENCORE POUR LES CATHOLIQUES? 59 NOTE près la publication de cet article dans le A n° 39 (édition italienne), 2 bonnes nouvelles: M. Junin vient de gagner son procès et la Licra a été condamnée à lui payer des dommages et intérêts, tandis que pour le cas de l’abbé Nitoglia, le ministère public a décidé que l’affaire devait être classée sans suite. L’heureuse issue (pour le moment) de ces deux cas judiciaires n’enlève rien au fait que Karol Wojtyla est l’ami des accusateurs et non de ceux qui ont été injustement accusés, et ne doit pas nous laisser baisser les bras face aux injustes prétentions des ennemis de la religion chrétienne. “Le Pape du Concile” Par M. l’abbé Francesco Ricossa QUINZIEME PARTIE: LES ŒCUMÉNISTES PRÉPARENT LE CONCILE, EUX AUSSI. L a quatorzième partie de notre article, la précédente, a permis à nos lecteurs de suivre la préparation officielle et institutionnelle du Concile œcuménique; sous la direction du cardinal secrétaire d’Etat, Domenico Tardini, la commission anté-préparatoire s’occupait du futur concile avec la rigueur, le sérieux et la correction de la curie romaine. Mais, depuis longtemps, dans un tout autre climat, se préparait un autre Concile, celui qui devint ensuite effectivement Vatican II; comme un intrus il évincera celui qu’avait préparé Rome et en prendra la place. Cet article relate la mise en place de cette habile et tragique substitution. Le Concile de Monseigneur Igino Cardinale... De Mgr Cardinale, nous avons déjà parlé; il était le neveu d’un ami intime de Jean XXIII, don Giuseppe Luca (1). Chef du protocole, il appartenait à la “famille pontificale” plutôt qu’à la curie romaine. C’est un homme de Jean XXIII. Et voici que le 18 février 1959 il “a un long entretien avec le directeur de Frontier, Sir John Lawrence, un anglican”. Cet hérétique de noblesse anglo-saxonne, a laissé un journal in- édit (Journal romain) qui relate ces journées de février-mars 1959; ce journal, Hebblethwaite l’a lu et il en a tiré le récit de l’entrevue Lawrence-Cardinale. Il y est question de ce dont parlera le prochain Concile. De quoi donc? «Cardinale donne hardiment trois exemples de sujets possibles: 1) Le célibat ecclésiastique. Le lien entre prêtrise et célibat pourrait ne pas s’imposer dans toutes les situations. L’exemple des Eglises uniates en communion avec Rome montre que le célibat n’est pas absolument nécessaire à la prêtrise. Mais il pourrait être difficile de le faire comprendre dans des pays “latins”. 2) La réforme liturgique. Pie XII avait déjà introduit des changements dans la liturgie de la Semaine Sainte, il avait permis les messes du “soir”, allégé le jeûne eucharistique. Il faut aller bien plus loin dans cette ligne. Il faudra bien en arriver à l’utilisation de la langue vernaculaire et faire sa véritable place à la Bible dans le culte. 3) Le souci œcuménique. “Le Saint-Père s’intéresse vivement à la réunion et il considère que certaines divisions au sein de la chrétienté se sont faites pour des motifs futiles qui n’ont pris tant d’importance qu’en raison de facteurs historiques. Dans ces cas, le bon sens pourrait faire beaucoup” (Lawrence, pp. 5-7). Voilà comment on voit les choses dans la maison du pape en février 1959. Les pronostics de Cardinale s’avéreront exacts pour deux questions sur trois» (2). ... et celui de Hans Küng Si Cardinale fait mouche deux fois sur trois, le tristement célèbre Hans Küng donnera dans le mille sept fois sur sept! Naturellement, il répond avec «allégresse à l’annonce du concile. L’édition allemande de Konzil und Wiedervereiniigung. Erneuerung als Ruf in die Einheit paraît en 1960 (Concile et retour à l’unité, trad. de H.M. Rochais et J. Evrard, Ed. du Cerf, 1961). La même année Küng est nommé professeur de théologie à Tübingen, alors qu’il n’a que trente deux ans. (...) il ose présenter un ordre du jour pour le concile. Il va sans dire que ce n’est pas exactement le programme qu’a en tête la curie romaine. Son livre ne sera traduit en italien qu’en 1965. Pour Küng, le premier objectif du concile est la réforme de l’Eglise. Si cette réforme aboutit, elle conduira à la réunion sur un pied d’égalité avec les “frères séparés”. Küng énumère les pas à franchir pour répondre aux requêtes légitimes de la Réforme protestante: la reconnaissance de la Réforme comme événement religieux (irréductible à des 60 facteurs politiques ou psychologiques comme la libido de Martin Luther); l’estime et la prise en considération croissante de la Bible dans la théologie et dans le culte; l’élaboration d’une “liturgie” du peuple, dans la langue du pays, bien évidemment; une véritable compréhension du “sacerdoce universel” de tous les fidèles; le dialogue entre l’Eglise et d’autres cultures; le dégagement de la papauté de ses liens politiques; la réforme de la curie romaine et l’abolition de l’Index des livres interdits. Küng se révèle un prophète clairvoyant: ces sept requêtes se retrouvent toutes, fût-ce sous une forme modifiée, dans les documents définitifs du concile. De plus Küng en appelle astucieusement au pape Jean (...). Küng oppose le pape alerte et vif à la chrétienté endormie: “(...) Les paroles et les actes du pape pourront-ils éveiller ces endormis?” (Concile et retour à l’unité, pp. 35-36). (...) Il [Jean] ne fera jamais aucune observation publique sur Küng. (...) Le cardinal Frantz König, archevêque de Vienne, (...) préface l’édition allemande et parle du livre comme d’un “heureux présage”. Dans son introduction à l’édition française, le cardinal Achille Liénart, de Lille, en souligne l’importance œcuménique (...). On pouvait en conclure raisonnablement que, quoi que fasse la commission préparatoire, Küng avait établi le véritable ordre du jour du concile et dressé le plan de bataille pour sa première session» (3). Paderborn Toujours en Allemagne (en effet, bien que de nationalité suisse, Hans Küng était professeur à Tübingen), un autre plan se préparait pour orienter le futur concile vers les chimères du mouvement œcuméniste. Paderborn: “ville de la RFA (République Fédérale Allemande), Rhénanie, Westphalie Septentrionale, 69000 habitants” selon la Nuova Enciclopedia Universale Garsanti de 1985. Pour l’Eglise catholique, Archidiocèse depuis 1930; en 1961 dans tout le territoire diocésain on comptait 9.007.173 habitants, dont seulement 2.155.066 catholiques (cfr. Annuaire Pontifical). Tous les autres étaient protestants; un facteur de grande importance dans ce que nous allons relater. Aujourd’hui, Paderborn est connue en tant que diocèse du “théologien” psychanalyste Drewermann qui réduit le christianisme à un mythe. Mais en 1580 déjà, l’évêque de Paderborn, Henri de Lauenburg, avait adhéré à la “Confession d’Augsbourg”, le credo des luthériens (4). En 1834, l’archevêque de Cologne et ses suffragants de Münster, Trévire et Paderborn, souscrivirent une convention secrète avec le gouvernement prussien protestant à propos des mariages mixtes entre catholiques et protestants, convention contraire au Bref que le Pape Pie VIII avait promulgué sur la question en 1830 (5). Le fait que le diocèse de Paderborn ait été le seul du monde entier à admettre l’usage de distribuer la communion le vendredi saint atteste peut-être une sensibilité au mouvement liturgique (6). En 1941, Lorenz Jaeger est élu archevêque de Paderborn. Qui aurait dit, à la veille du concile Vatican II que ce n’est pas à Rome mais à Paderborn qu’il se ferait; qu’il ne serait pas l’œuvre de la Curie mais d’un évêque allemand ? Et pourtant, c’est ainsi ... Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’“Histoire de l’Eglise” dirigée par Jedin: “à l’initiative de l’archevêque de Paderborn Lorenz Jaeger (1892-1975) et de l’évêque luthérien d’Oldenburg, Wilhem Stählin (1883-1975), dès 1946, en Allemagne, des théologiens des deux confessions se rencontrèrent chaque année pour débattre des doctrines de foi communes ou de celles qui sont élément de division. Avec la participation déterminante du professeur hollandais Jan Willebrands (né en 1909) se constitua, en 1952, la Conférence internationale pour les problèmes œcuméniques dont le travail déboucha sur le Secrétariat pour la promotion de l’unité chrétienne, institué en 1960 par le Pape Jean XXIII et dirigé par le cardinal Agostino Bea (1881-1968). Ce Secrétariat reçut en 1962 le statut officiel de commission conciliaire, en vertu de quoi il eut une part déterminante dans la préparation du Décret sur l’Œcuménisme du Concile Vatican II” (7). De Paderborn au Concile via Bea et Jean XXIII, la route est directe... Efforçons-nous de la suivre à la trace... Pie XI condamne, Jean XXIII approuve Il n’y a pas lieu ici de retracer l’histoire du mouvement œcuménique, histoire qui nous éloignerait trop de notre sujet et que nous avons, en outre, rapidement exposée déjà dans un numéro précédent ( 8). Il suffira de rappeler que le mouvement œcuménique est né à la fin du siècle dernier, dans le milieu des sectes protestantes inquiètes des divisions congénitales de leur monde religieux; il aboutit, avec l’adhésion des orthodoxes, au tristement célèbre Conseil Œcuménique des 61 Le cardinal Agostino Bea Eglises (CEC), fondé à Amsterdam en 1948 par 147 “églises” chrétiennes au moins. L’Eglise catholique a cependant toujours refusé les invites des œcuménistes à participer à leurs congrès périodiques ou à adhérer au CEC; il y eut même trois décrets du Saint-Office (4 juillet 1919, 5 juin 1948 et 20 décembre 1949) à interdire aux catholiques de participer aux congrès en question sans autorisation préalable du Saint-Siège. De plus, l’encyclique historique “Mortalium animos” de Pie XI (6 janvier 1928) condamna sévèrement le mouvement œcuménique, dit alors “panchrétien” (9). Comment est-il possible alors qu’en 1960, avec l’institution du Secrétariat, Jean XXIII ait approuvé ce mouvement œcuménique que son prédécesseur avait condamné? Mgr Arrighi, “professeur” de protestantisme L’encyclique du Pape Pie XI, sans pourtant les briser, plia ces catholiques œcuménistes qui, comme Dom Beauduin, ami personnel de Roncalli, étaient impliqués dans le mouvement. La confusion créée par la deuxième guerre mondiale aidant, ils relevèrent la tête dès les premiers jours de l’aprèsguerre, spécialement en France et en Allemagne. “Après la seconde guerre mondiale surgirent un peu partout des groupes Una Sancta, composés de laïcs et de théologiens, centres pour une rencontre féconde entre catholiques et protestants dans la prière et le dialogue” (10). En France s’y distinguent Paul Couturier (1881-1953) et le Père M. Yves Congar o.p. (classe 1904), ce dernier frappé pourtant par les sanctions vaticanes après l’Encyclique Humani Generis de Pie XII (1954). Mais le Père Congar a des appuis..., entre autres Mgr Jean-François Arrighi (un corse), secrétaire du Cardinal Tisserant. Heb- blethwaite écrit: «Le pape Jean a connu Arrighi à Paris et l’a en haute estime. La légende voudrait qu’il ait donné des cours de théologie protestante au pape Jean. Ce qui est vrai, c’est qu’ils ont eu de nombreuses conversations sur des questions œcuméniques dans la période préparatoire au concile. Arrighi faisait le lien avec des théologiens français comme Yves-Marie Congar, encore en disgrâce. Congar pensait que l’Eglise catholique devrait avoir la décence de reconnaître que d’autres défrichaient le champ œcuménique depuis un certain temps. Il écrit: “au moment où il sortit de son demi-absentéisme en matière d’œcuménisme, le Saint-Siège trouvait le champ labouré et ensemencé, couvert d’un blé dru et déjà grand...” (Congar, Chrétiens en dialogue, p. LIII)» (11). Jean XXIII avait à peine eu le temps d’annoncer la convocation d’un Concile que, fort de son amitié avec le pape Roncalli, Arrighi demandait dès février 1959 la constitution à Rome d’un “petit groupe aux amples pouvoirs qui s’occupe des questions œcuméniques” ( 12) pour ne pas perdre l’occasion offerte par le Concile. Arrighi a bon espoir de réussir dans son entreprise: «un mot-clé chez tous ces œcuménistes catholiques est celui de collégialité”» et «On savait le pape Jean partisan de la collégialité (...). L’acte de convocation d’un concile est une extension de ce même principe (...). Le 23 février 1959 Arrighi explique: “Jean XXIII applique réellement le principe de gouvernement collégial et travaille avec ses frères en épiscopat. Contrairement à Pie XII (...)». Fauteur de la collégialité et de l’œcuménisme: «Il a vraiment le souci de l’unité - dit Arrighi au protestant Lawrence, ce même février 1959 - . Son point de départ est l’Eglise orthodoxe, mais ‘quand vous devenez œcuménique, il faut y englober tout le monde’. Il a eu quelque expérience du protestantisme en France. Le pape a utilisé l’expression la ricerca dell’ unità (la recherche de l’unité) dans une rencontre privée. Cette expression est significative et il semble avoir voulu l’appliquer également à l’Eglise catholique romaine (comme si elle n’avait pas encore cette unité qui est l’une des caractéristiques de la véritable Eglise du Christ! n.d.a.). Récemment il a convoqué la Congrégation pour les églises orientales et leur a dit: ‘Je sais qu’humainement parlant mon plan est impossible, mais Dieu demande l’unité et nous devons faire quelque chose en ce sens’ (13). Donc, en février 1959, Arrighi avait déjà l’idée de 62 quelque chose de semblable au futur “Secrétariat pour l’unité des chrétiens” (dont il deviendra immédiatement membre), et Jean XXIII semblait bien disposé envers la cause œcuménique. Mais ça ne sera pas Arrighi mais le cardinal Bea, confesseur de Pie XII (!), qui réussira dans cette entreprise. Le crypto-œcuménisme du confesseur de Pie XII Riedböhringen (Allemagne), 28 mai 1881: Agostino Bea naît dans une famille catholique: il est donc de la même année que le futur Jean XXIII (14). Brièvement, son curriculum vitæ: novice chez les Jésuites en 1902, prêtre en 1912, professeur d’Ecriture Sainte en Hollande de 1917 à 1921, puis à Rome de 1924 à 1959, d’abord à la Grégorienne ensuite à l’Institut Biblique Pontifical dont il fut le Recteur de 1930 à 1949. Le Père Bea était surtout connu comme confesseur de Pie XII, fonction qu’il reçut en 1945 et qu’il tint jusqu’à la mort du Pape en 1958 ( 15). Evidemment cette charge délicate lui permettait d’exercer une certaine influence sur la conscience très délicate du Pape et, par conséquent, sur ses décisions. Enfin, la confiance que lui accordait Pie XII rassurait, s’il en était besoin, sur les convictions du Père Bea et sur sa fidélité à l’Eglise. Et pourtant... Et pourtant, avant le pontificat de Jean, un observateur attentif aurait pu remarquer déjà l’appui prudent mais net que Bea accordait tant au “mouvement liturgique” (nous en reparlerons) qu’au “mouvement œcuménique” (16). Une première et encore vague initiation œcuménique, c’est à son lieu de naissance et à ses premières études qu’il la dut. Lui-même reconnaissait que son diocèse d’origine, celui de Un moine de l'abbaye de Chevetogne en Belgique Constance à l’époque, était encore marqué par l’esprit libéral de J.H. Wessenberg, longtemps vicaire général du diocèse mais auquel Rome refusa cependant toujours la nomination épiscopale (17). Bea quitta son pays natal, entièrement catholique, pour suivre ses études supérieures à Constance, “dans une ambiance œcuméniste”, disait-il, parce que confessionnellement mixte (18). Mais ce ne fut que beaucoup plus tard, quand paradoxalement il fut appelé au Saint-Office comme consulteur en mars 1949, que le Père Bea s’occupa directement du mouvement œcuménique. De ce Saint-Office que, plus tard, il contribuera efficacement à détruire, notre personnage pouvait être consulté sur des questions d’éxégèse, ou sur ce qui regardait les pays de langue allemande. C’est à son influence que certains attribuent le fait que l’instruction du Saint-Office sur l’œcuménisme de décembre 1949 s’avéra inexplicablement plus possibiliste que celle, à peine antérieure, de 1948 dont elle n’aurait dû être qu’une application pratique (19). Quoiqu’il en soit, Bea devint immédiatement le point de référence romain discret mais efficace des œcuménistes allemands. Les premiers temps, il n’existait que le susdit “Cercle Jaeger-Staehlin”, du nom de l’archevêque de Paderborn, responsable du mouvement œcuménique de la Conférence épiscopale de l’Allemagne Fédérale, et du nom de l’“évêque” luthérien d’Oldenburg. Au début, le médiateur entre Jaeger et Bea fut Mgr Joseph Höfer, membre lui aussi du Cercle, “prêtre de l’archidiocèse de Paderborn, professeur de théologie pastorale et ensuite, durant 14 ans (de 1954 à 1968), conseiller ecclésiastique à l’ambassade de la République Fédérale Allemande auprès du Saint-Siège. D’une part celui-ci cherchait en Bea suggestions et soutien; de l’autre il était lui-même pour Bea comme pour tant d’autres dans les milieux ecclésiastiques de Rome - une aide précieuse pour établir des contacts avec le monde non catholique” (20). Plus tard Höfer prendra connaissance des “travaux du théologien suisse Hans Küng” selon lequel la doctrine de Luther et celle du Concile de Trente ne seraient pas incompatibles (21)! Et - comme nous le laisse entendre Hebblethwaite - il les appréciera. C’est par l’intermédiaire de ce grand admirateur de Küng que Bea suivit “avec beaucoup d’intérêt et d’espoir” les travaux du “cercle Jaeger-Staehlin” jusqu’à ce qu’il entre en relation directe avec l’archevêque de Paderborn en personne; il eut alors de “longues conversations” avec lui à l’occasion des visites de Jaeger à Rome. “Le 63 plan de l’archevêque de fonder un Institut œcuménique dans l’archidiocèse intéressait particulièrement Bea qui l’encourageait à le réaliser” (22). C’est ainsi que du tandem Jaeger-Bea naquit en 1952 l’Institut œcuménique J. Adam Möhler (23). «De fréquents et féconds contacts s’établirent ensuite entre Bea et les dirigeants de cet Institut (...). En 1957, Bea écrivait au directeur de l’Institut, Eduard Stakemeier: “Il semblerait que (avec l’Institut) l’Esprit Saint veuille préparer quelque chose que personne n’aurait cru possible il y a quelques décennies” (23). A la veille du pontificat de Jean XXIII, tout était prêt par conséquent pour le coup de main œcuménique. Il ne manquait que ... Jean XXIII. En attendant il fallait compter avec Pie XII; bien que malade et sous la mauvaise influence de son confesseur (le Bea en question), il n’aurait certainement pas apprécié une présentation trop explicite de l’œcuménisme. Bea le savait, c’est pourquoi je parle de son crypto-œcuménisme, encore suffisamment caché et discret pour n’inquiéter personne. Bea avait, par exemple, des relations amicales avec un mouvement œcuméniste protestant le Sammlung. Cependant il savait que son jeu ne devait pas se faire trop à découvert. En effet, “des suggestions et même des demandes lui parvinrent pour faire recevoir en audience privée par le Pape (Pie XII) tel ou tel représentant du mouvement; mais il répondait qu’il était plus prudent de se contenter de la participation à une audience générale, à un poste d’honneur, et de fait c’est ainsi que cela se fit pour quelques-uns. Lorsque Max Lackmann, (qui faisait partie du mouvement, n.d.a.) publia son étude La réforme catholique, Bea ne jugea pas opportun de présenter le livre à Pie XII” (23), sachant bien que le Souverain Pontife ne serait pas dupe. Mais beaucoup plus importantes étaient les relations que Bea entretenait avec la Conférence catholique pour les questions œcuméniques fondée à Warmond (diocèse de Haarlem en Hollande) par le professeur de philosophie de l’époque, Johannes G. M. Willebrands, qui remplissait également la fonction de secrétaire. Willebrands fera carrière (cardinal!) et aura “l’honneur” de définir Luther “docteur commun de l’Eglise”! Quant à la pauvre Eglise hollandaise, glorieuse en son temps, le post-concile en démontrera ad abundantiam la dérive schismatique... Mais c’est là le futur radieux pour lequel travaillent nos héros. En attendant, la Conférence était le point de rencontre avec “un bon nombre d’œcuménistes de diverses nationalités”, des français en particulier. Nous y retrouvons Mgr Arrighi, et le Mgr Höhfer de Paderborn, le dominicain français Christophe Dumont et le moine de Chevetogne (monastère de Dom Beauduin) Pierre Dumont... Le but de la Conférence était de suivre “le travail du Conseil Œcuménique des Eglises à Genève” (24) dont le secrétaire général, W.A. Visser’t Hooft était de même nationalité que Willebrands. Willebrands faisait la navette entre le Conseil œcuménique des Eglises et le Père Bea dont il avait fait la connaissance en 1951, un an avant de fonder sa propre association œcuménique. L’entrevue qui avait eu lieu à l’Institut Pontifical Biblique de Rome avait même précisément pour but de sonder Bea sur le projet de création de la Conférence. La Conférence tout comme l’Institut Möhler avait les encouragements de Bea. De 1952 à 1960, la Conférence se réunit une dizaine de fois: rencontres “durant lesquelles furent étudiés les grands thèmes de l’actualité œcuménique” (25). Bea recevait continuellement Willebrands et préparait le terrain pour la venue à Rome des membres protestants du Conseil Œcuménique des Eglises; celle, par exemple, du futur “évêque” luthérien d’Oldenburg H.H. Harms à l’Institut Biblique Pontifical; celle de Hans Ruedi Weber au Congrès International pour l’Apostolat des Laïcs, en 1957 (26). Mais, encore une fois, le très prudent Bea ne jugea pas opportun de demander au Pape Pie XII une audience privée pour Harms; il préféra l’envoyer à son ex-élève, l’archevêque d’Utrecht, notre familier Bernard Alfrink (26). Pour conclure, c’est le travail accompli durant une décennie (1949-1959) par les mouvements œcuméniques appuyés par Bea qui aboutit sans aucun doute à Vatican II. Ça n’est pas pour rien que la Conférence de Mgr Willebrands “travailla - comme il le dit luimême - jusqu’au seuil du Concile” pour se dissoudre ensuite. “En effet, c’est en 1960, tout le monde le sait, que le pape Jean XXIII convoqua un Concile œcuménique de l’Eglise et institua ce Secretariatus ad christianorum unitatem fovendam, auquel il voulut donner pour guide le cardinal Agostino Bea, et qui avait comme but d’introduire dans la préparation du Concile l’intuition œcuménique jaillie de la pensée de ce grand Pape” (25). La Conférence de Willebrands conflua avec le Secrétariat voulu par Jean XXIII, et “les solides études élaborées sur les problèmes œcuméniques les plus importants à partir de 1952 par la Conférence, dans ses assemblées plus ou moins an- 64 nuelles confluèrent pour aboutir ensuite aux travaux préparatoires du Secrétariat en vue du Concile” (25). Et ce Secrétariat fut l’aboutissement non seulement du mouvement “catholique” de Willebrands, mais aussi du mouvement œcuménique protestant Sammlung du “curé” Hans Christian Asmussen (1898-1968), lequel déclarait à Bea en 1962: “Maintenant que votre Secrétariat a entrepris ce à quoi je visais, je peux me retirer” (27). Le petit vieux et la vieille baderne Mais... “il s’agissait seulement d’une préparation, à laquelle manquait le souffle du Saint-Esprit exhalé sous le pontificat de Jean XXIII” (28). Mais pour le moment, sous Pie XII, le Saint-Esprit, le vrai, souffle encore en sens contraire (29). Cependant le Pape Pacelli vivait ses derniers instants. Après s’être repris de la crise grave qui l’avait conduit au bord de la tombe en 1954, il succomba à l’improviste le 9 octobre, après trois jours seulement de maladie. Son vieux confesseur (il avait 79 ans) le Père Bea, sérieusement malade à son tour, ne put pas assister Pie XII; il fut substitué dans cet office par le père Leiber s.j.; le Pape et son confesseur ne se reverront plus (30). Bea semblait un homme fini: lorsqu’il sera créé cardinal par Jean XXIII, on parlera de lui comme d’“un vieillard qui désormais ne représente plus rien chez les jésuites” (31). Le lecteur se rappelle-il que Mgr Roncalli, à peine nommé Nonce à Paris en décembre 1944 avait été traité de “vieille baderne”? ( 32). Ces deux vieillards de bientôt quatre vingts ans se rencontreront cependant et les conséquences de leur rencontre auront une portée d’une incalculable gravité pour l’Eglise. C’est à leurs relations jusqu’au 5 mai 1960 (date de la création du Secrétariat pour l’unité des chrétiens) que sera dédiée la prochaine partie. Notes 1) Cfr. Sodalitium, n° 34, pp. 55 et 58, note 21. 2) PETER HEBBLETHWAITE, Jean XXIII. Le pape du Concile. Ed. du Centurion, 1988, p. 360. 3) HEBBLETHWAITE, op. cit.,pp. 412-413. 4) Enciclopedia Cattolica. Città del Vaticano 1952, vol. IX, col. 515, rubrique Paderborn. 5) JOSEPH LORTZ, Storia della Chiesa, ed. Paoline, Roma, 1982, vol. II, par. 115.4, p. 440-441. 6) DOMINICUS M. PRÜMMER O.P., Manuale Théologiæ Moralis, Herder, Friburgi Brisgoviæ, vol. III, n° 221. 7) ERWIN ISERLOCH, La storia del movimento œcumenico dans: AA.VV., Storia della Chiesa, diretta da Hubert Jedin, edizione italiana del 1980, Jaca Book, Milano, vol. X/1, p. 411. 8) Sodalitium, n° 25, p. 13. 9) Le terme “panchrétien” semble devoir être attribué au pasteur vaudois Ugo Janni, directeur de la revue œcuméniste “Foi et vie”. Ce personnage mériterait une étude plus attentive (cfr. CESARE MILANESCHI. UGO IANNI, Pioniere dell’œcumenismo, Claudiana Torino), de même que son collaborateur catholique, Alessandro Favero (1890-1934). “Ses grands idéaux furent le pacifisme et la réunion des églises chrétiennes”, ce en vue de quoi Favero fonda en 1913 (en pleine tempête moderniste) la “Ligue de prière pour l’union des Eglises Chrétiennes”. Malheureusement pour lui, la même année, son livre sur Mgr Luigi Puecher Passavanti, archevêque anti-infaillibiliste, finit à l’Index. Etrange figure que ce Favero ami des Rosminiens et de don Coiazzi, hagiographe de Pier Giorgio Frassati, qui définira Favero comme quelqu’un de “très docte et saint qui vivait dans le monde avec le vœu de chasteté”. Mais en même temps moderniste à la Fogazzaro et disciple du faux mystique polonais Towianski (1799-1878), fervent “catholique”, mais niant l’éternité de l’enfer et champion de la transmigration des âmes et de la relativité de tous les dogmes. A propos de Pologne, il serait d’ailleurs intéressant d’approfondir l’influence qu’a eue sur le jeune Karol Wojtyla la pensée de Towianski et celle d’autres “mystiques” polonais comme Mickiewicz (1798-1855) et comme la théosophe Blatvatsky (cfr. ROCCO BUTIGLIONE, La pensée de Karol Wojtyla, Fayard, 1984, p. 36, 40 et 45; éd italienne: Il pensiero di Karol Wojtyla, Jaka Book, Milano, 1982) ainsi que l’influence du “mysticisme judaïque” sur ces derniers (cfr. Buttiglione, pp. 40 et 45). Sur Favero, on peut lire, d’Annamaria Sani, Tra modernismo e pacifismo-Il carteggio Favero-Colombo, dans Contributi e documenti di storia religiosa, Quaderni del Centro Studi C. Trabucco. Torino, 1993, n° 19, pp. 39 à 69. 10) E. ISERLOCH, Il movimento œcumenico, op. cit., p. 410. 11) HEBBLETHWAITE, op. cit., pp. 361-362. 12) LAWRENCE , Journal Romain, p. 20, cité dans Hebblethwaite p. 362. 13) LAWRENCE, p. 19; HEBBLETHWAITE, pp. 362-363. 14) Certains ont avancé l’hypothèse que Bea aurait été d’origine juive (le nom originaire aurait été Beha ou Behar), mais sans preuves documentaires. La biographie la plus complète est celle de son secrétaire, le Père STJEPAN SCHMIDT S. J., Agostino Bea, il cardinale dell’unità, Cità Nuova, Rome, 1987. Il existe un autre document intéressant à son sujet, la commémoration à l’occasion de sa mort que lui dédia la revue du SIDIC (Service international de documentation judéo-chrétienne), via Garibaldi 28, 00153 Rome, numéro spécial de 1969. 15) Sur les circonstances et les motifs du choix de Bea comme confesseur du Pape, cfr. Schmidt, op. cit., pp. 166-167. Bea succédait à deux autres jésuites de langue allemande, le Père van Laak († 1941) et le Père Merk († 1945). 16) En ce qui concerne son rôle, absolument délétère, dans le domaine liturgique sous le pontificat de Pie XII, cfr. Schmidt, op. cit., pp. 224 à 249; sur l’œcuménisme de Bea dans la même période, cfr. Schmidt, op. cit., p. 250 à 270. 17) Cfr. SCHMIDT, op. cit., p. 26. Ignaz Heinrich von Wessenberg (1774-1860) illuministe et fébronien, combattit les dévotions privées, réforma la liturgie en introduisant entre autres la langue vulgaire et revendiqua une large autonomie des évêques de Rome. Cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose? 18) Cfr. SCHMIDT, op. cit., pp. 33 à 36. 19) Cfr. SCHMIDT, op. cit., p. 252. 65 20) SCHMIDT, op. cit., p. 253. 21) HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 362. 22) Pour toutes ces citations, cfr. SCHMIDT, op. cit., pp. 253-254. 23) Johann Adam Möhler (1796-1838), prêtre, enseignant libre d’histoire ecclésiastique à la Faculté de Théologie catholique de Tübingen (1826-1835) puis, pendant un an seulement, enseignant d’éxégèse du Nouveau Testament à l’Université de Münich. Représentant de l’“école de Tübingen” fondée par Sailer. Mgr Piolanti, dans l’Encyclopédie catholique, en prend d’office la défense, (vol. VIII, col. 1208 à 1211), mais il doit admettre que “certains (Vermeil, Fonk) ont voulu découvrir (dans l’œuvre de Möhler) l’origine de cet immanentisme qui devait féconder par la suite les tendances religieuses condamnées par le Bx Pie X dans le modernisme”. Il abandonna la scolastique pour privilégier l’étude positive de l’Ecriture et des Pères. Il parla de “développement du dogme”, fut influencé par “une vieille hérédité anti-romaine”. Lortz est plus explicite: il fait de Möhler le partisan de théories épiscopalistes, contraires au mouvement infaillibiliste rénové par de Maistre dans Du Pape, et il ajoute: “son influence qui s’est exercée jusqu’à nous, vient du fait qu’au lieu de se tenir timidement à l’écart du plus grand courant philosophique du siècle, l’hégélisme, il sut en arriver avec lui à une dialectique vivificatrice (Eschweiler). Son style était tel que sa discussion avec le protestantisme était bien supérieure par sa fécondité (sic) à la polémique et à l’apologétique des horizons réduits existant avant lui (et malheureusement aussi après lui) (re-sic). Il ressentait, en un certain sens, quelque chose des problèmes graves pour lesquels on avait lutté dans la Réforme” (!) (Cfr. Storia della Chiesa, pp. 405, 409, 411, 427, 438, 469). Naturellement Möhler devint le “patron” des œcuménistes, et pas seulement des œcuménistes allemands; le Père Congar en diffusa le verbe dans de nombreuses publications françaises. 24) HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 361. 25) Cfr. SCHMIDT, op. cit., p. 7 (présentation du livre écrit par Willebrands) et p. 256. 26) Cfr. SCHMIDT, op. cit., pp. 256-257. Montrant à Harms sa bibliothèque, il lui fit observer qu’il s’agissait là d’“une bonne bibliothèque protestante”. Pour la visite de Weber, il lui fallut obtenir la permission du Saint-Office. 27) SCHMIDT, op. cit., p. 255. 28) SCHMIDT, op. cit., p. 270. 29) En effet, “Willebrands se heurte à bien des incompréhensions et à bien des obstacles. Du point de vue du catholicisme traditionnel le COE n’est pas assez théologique dans sa recherche de l’unité. On interdit à Willebrands d’assister à la réunion du COE à Evanston en 1954, et celui-ci se voit rabrouer par l’archevêque Cyrille Cowderoy de Southwark, Angleterre. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 361. 30) Cfr. SCHMIDT, op. cit., pp. 309 à 311. 31) C’est ce que dit un jésuite à Mgr L.F. Capovilla, le secrétaire de Jean XXIII. Cfr. SCHMIDT, op. cit., p. 336, note 1. 32) Cfr. “Sodalitium”, n° 27, p. 13. LE “VOYAGE” CONTINUE… M. l’abbé Giuseppe Murro F rançois, Jean, Marthe et Denis se sont connus dans le train et sont devenus amis suite à une conversation animée. Ils décident de se revoir. La rencontre a lieu chez Jean. Après un bref échange d'idées, le maître de maison prend la parole. Jean: Voyez-vous, chers amis, la dernière fois, je suis resté un peu troublé de ce qui s'est dit. Pour moi, l'idée de Dieu a toujours été lointaine et me semblait étrangère à ma vie. Maintenant, je me pose des tas de questions: si Dieu existe, le sens de notre existence change complètement. Par ailleurs, vous, cher François, vous m'avez donné des raisons irréfutables. Mais que voulez-vous, j'espère que vous comprendrez ma situation: une chose est de voir spéculativement qu'une théorie est vraie, une autre est de s'en convaincre intérieurement. François: C'est très compréhensible: si vous cherchez à connaître la vérité, en un certain sens c'est vous-même qui devez la découvrir. Jean: Pardonnez-moi si je reviens sur le sujet de la discussion. Vous disiez que le mouvement implique que quelqu'un en meuve un autre; que si tous les êtres vivants finissent tôt ou tard par mourir, il doit y avoir un être qui ne meurt jamais et qui donne la vie aux autres; que s'il y a un ordre dans l'univers, il doit être fait par un être intelligent. Tout cela je ne le mets pas en doute, mais je me demande: est-ce que vraiment il ne peut pas y avoir une autre explication en dehors de Dieu? Marthe: Essayons de la chercher: mais ce doit être une cause qui donne une explication plausible à tout ce que nous avons dit. François: Regardez! ce matin, le soleil s'est levé à l'aube et ce soir il se couchera; nous pouvons savoir avec exactitude, l'heure, la minute et les secondes où le soleil disparaîtra à l'horizon. Et demain, ce sera la même chose avec les variations de secondes d'un jour à l'autre. Et tous les jours ce sera la même chose. Si ce n'est pas Dieu qui a programmé cela qui cela peut-il être? Nous l'apprenons aussi à l'école: s'il y a un phénomène, il faut une cause qui le produise. S'il pleut, la cause est donnée par les nuages. S'il fait une chaleur étouffante, la raison est l'humidité, ou l'air stagnant ou la pression atmosphérique, etc. Maintenant, il me semble évident que tout ce qu'il y a sur la terre et dans l'univers sont des phéno- 66 mènes ou des effets: nous en connaissons une cause immédiate mais nous ne connaissons pas la cause ultime de tous. Jean: C'est le problème de la création. François: Et aussi de l'existence actuelle de toutes les choses: les hommes, les animaux, les planètes, tout en somme. Il ne suffit pas de tout créer, il faut ensuite que quelqu'un donne la vie, l'être à chaque chose. Ainsi pour la pluie, le soleil: nous connaissons les causes physiques qui sont produites à leur tour par d'autres causes et celles-ci par d'autres encore. Mais si toutes dépendent d'une autre, aucune ne peut expliquer vraiment les autres. Et alors il doit en exister une qui ne dépende d'aucune et qui est à l'origine de toutes les causes. Et cette cause c'est Dieu. Jean: C'est vrai, c'est toujours plus clair. Si Dieu existe, il ne peut être loin du monde, mais il doit agir dans le monde. Marthe: Mon professeur de catéchisme prenait un très bel exemple. Elle disait, vous aimez votre maman et vos amis mais davantage votre maman. Pourquoi? Parce qu'elle est plus bienveillante à votre égard. Donc elle nous disait en nous faisant réfléchir: il y a des “plus” et des “moins” dans la bonté. Regardez un bel arbre, un coucher de soleil, un paysage, une chaîne de montagnes enneigées, ou une petite fleur: vous les trouvez tous très beaux. Si vous pouvez vous prenez même une photo pour les revoir. Comment pouvez-vous savoir qu'ils sont plus beaux, par exemple, que les routes goudronnées, le ciment, la circulation? Parce qu'ils ressemblent davantage au Modèle suprême de la beauté comme la maman ressemble davantage au modèle suprême de la bonté. On peut dire la même chose de la sagesse, de la puissance dans les créatures: aucune d'elles n'est la plus parfaite mais toutes le sont plus ou moins dans la mesure où elles ressemblent à ce Modèle: et ce Modèle c'est Dieu. François: Mon professeur, quant à lui, nous racontait l'histoire de Kirchner, astronome allemand qui reçut dans son bureau un ami qui ne croyait pas en Dieu. L'ami en contemplant la belle mappemonde qui se trouvait là, lui demanda d'où elle venait et l'autre lui répondit: “Elle s'est faite toute seule”. L'ami rit et l'astronome ajouta: “vous ne croyez pas que cette mappemonde se soit faite toute seule mais vous croyez que le monde entier avec toutes ses planètes et ses étoiles se soit fait tout seul”? Denis: Mais vous êtes vraiment certain de ce que vous dites? Vous avez une assurance pour résoudre tous les problèmes même les plus difficiles! Excusez-moi, mais moi je ne suis pas d'accord avec votre manière de raisonner. Il y a cinquante ans, on soignait tout avec de l'huile de ricin, même les chutes de bicyclette et on croyait dur comme fer qu'il fallait faire comme ça. Maintenant, n'importe qui rirait d'une chose de ce genre. Qu'est-ce que nous en savons, nous, de ces problèmes, du mouvement, des causes, de la beauté? Il se peut que dans vingt ou quarante ans, on découvre que notre manière de raisonner était complètement erronée. François: Cela dépend de quels problèmes on parle: pour certains oui, pour d'autres non. Marthe: Depuis que le monde est monde, il est sûr que la pluie vient des nuages. Et on peut raisonner comme on veut, mais tout le monde est d'accord que c'est la poule qui fait les œufs. Jean: Je crois que sur un certain nombre de choses nous pouvons avoir des certitudes, au moins pour aujourd'hui. Demain il en sera peut-être autrement. Mais maintenant pour vivre, nous devons faire ainsi, même si un jour, nous découvrons que maintenant nous nous sommes trompés. Denis: Eh bien, alors il est inutile de se donner tellement de peine pour chercher une solution qui a quatre vingt dix chances sur cent d'être fausse. François: Sur certaines questions on est certain depuis toujours comme le disait Marthe et cela ne changera jamais. Par exemple il sera toujours certain qu'une affirmation a un sens : si je dis “maintenant je suis chez Jean”, cette phrase signifie que je suis ici, dans cette maison qui appartient à Jean. S'il est vrai que ma phrase a un sens, je ne peux pas dire en même temps, sans que rien n'ait changé “maintenant je ne suis pas chez Jean” parce que le sens est opposé. Si je le disais, je me tromperais au moins dans une des deux affirmations. Et de cela nous sommes sûrs aujourd'hui comme nous en serons sûrs dans une dizaine ou une centaine de siècles. Jean: Le sens que nous donnons aux mots peut changer et une phrase qui paraissait contradictoire peut ne plus l'être. François: Mais l'affirmation aura un sens nouveau auquel s'opposera sa propre négation et personne ne pourra affirmer et nier la même chose au même instant. En d'autres termes, le “oui” veut dire une affirmation et le “non” une négation et ces deux mots ne peuvent pas être échangés parce qu'ils ont deux sens non seulement différents mais opposés. Et cette certitude nous ne pourrons jamais la perdre, elle demeurera toujours. 67 Denis: Ceci est votre opinion. Je vous rassure c'est aussi la mienne, à l'heure qu'il est. Mais ailleurs ou même ici plus tard quand nous ne serons plus là, il y aura d'autres personnes qui peut-être, ne penseront pas comme nous: ils pourront avoir une autre mentalité, et pour eux tous ces paramètres ne compteront plus, ils seront plus simples et plus libres dans leur raisonnement. Marthe: Pourvu qu'ils ne disent pas de bêtises. Jean: Et qu'ils cherchent honnêtement la vérité. François: Je ne pense pas que sur certains paramètres du raisonnement on puisse jamais changer. Si le “oui” et le “non” sont opposés ils le sont non pas par mon esprit ou celui d'un autre, mais parce que c'est ainsi que nous les montre la réalité. Je pourrai changer leur nom mais le sens, je ne pourrai pas le changer. Denis: Mais c'est nous qui voyons et qui jugeons la réalité avec notre tête. Et nous croyons avoir tout compris, alors qu'au contraire nous avons compris bien peu ou rien du tout. François: Il y a des choses que nous comprenons. Si je dis que le cheval est un animal, qu'il a quatre pattes et qu'il hennit, c'est une vérité que personne, ni aujourd'hui ni jamais, ne mettra en doute. Et ce n'est pas moi qui le dis mais c'est la réalité qui me le suggère. Denis: Et la réalité ne peut pas changer? Regardons autour de nous: dans ce quartier, il y a trente ans, il n'y avait rien, maintenant c'est une ville. Si un enfant disait alors: “je descends faire un tour dans les prés” c'était normal. S'il le disait aujourd'hui, on le prendrait pour un fou. Ainsi, notre manière de parler, de raisonner change, tout change. François: La réalité a changé mais notre manière de raisonner est toujours la même: nous ne faisons que conformer notre intelligence à la réalité qui se présente à nos yeux. La réalité d'il y a trente ans me permettait de dire: “je descends dans le pré” et celle d'aujourd'hui ne me le permet plus. Et cette soumission de notre intelligence à la réalité ne pourra jamais changer, si nous ne voulons pas devenir fous ou menteurs. Jean: C'est l'homme qui a fait les maisons de ce quartier. Donc c'est l'homme qui change la réalité et par conséquent aussi la manière de raisonner. Alors tout peut venir de l'homme. François: Peu importe qui a fait le changement, l'important, est que nous pensions ou que nous disions ce que la réalité extérieure nous enseigne. Je reviens à l'exemple du che- val: c'est une réalité qui s'impose à moi et à tous, aujourd'hui comme hier. Je pourrai même lui couper trois pattes et il n'en aura alors qu'une seule et non plus quatre. Mais quelle que soit la cause du changement mon intelligence pour rester dans la vérité devra constater ce que la nouvelle réalité lui montre. Il en est ainsi des maisons de ce quartier. Jean: Ainsi c'est peut-être mon intelligence qui me dit que ceci est un immeuble. Avant il n'existait pas, l'ingénieur l'a conçu dans son esprit et maintenant il existe. De la même façon, je vois cette table qui est devant nous et c'est peut-être mon esprit qui me dit que c'est une table même si je ne l'ai pas conçue. François: Mais pourquoi avec votre intelligence dites-vous justement “c'est une table” et non “c'est une brebis”? Marthe: Si vous disiez une chose de ce genre, nous serions très préoccupés de votre état mental. Jean: C'est vrai. Je le dis parce que la réalité apparaît ainsi à mon intelligence. François: Le nœud de la question est que notre intelligence doit se conformer à ce que la réalité lui dit et non le contraire. Autrement nous pouvons nous imaginer les choses les plus variées et les plus étranges, les plus incroyables ou même les plus splendides, mais qui ne correspondent pas à la réalité: quand ensuite on essaie de les mettre en pratique, on fait des désastres. Marthe: Le professeur d'anglais de mon fils, après deux semaines de cours, a voulu faire une dictée aux élèves. Ce fut catastrophique. Mais il était tout à fait convaincu qu'il fallait faire ainsi. Heureusement, il y avait de quoi rire avec les énormités qu'avaient écrites les élèves, sinon on aurait dû en pleurer. Denis: C'est vrai mais il se pourrait que ce soit moi qui me fasse une idée de la réalité qui par la suite se révèle fausse. Vous dites que le cheval hennit. Mais si je suis sourd, je penserai une chose différente de vous, sans être pour autant ni menteur ni fou. Ainsi, nous sommes tout à fait convaincus en ce moment de ce que nous disons et nous pourrions un jour découvrir que nous nous sommes trompés. Marthe: Même si vous êtes de bonne foi, sans être menteur ou fou, vous êtes cependant dans l'erreur. François: Ce que vous dites, Denis, vaut si nous sommes tous sourds. Mais en réalité le sourd se trompe et les autres non. Il y a des choses qui sont vraies et qui le seront toujours: le “oui” et le “non” et leur opposition; 68 mais aussi 2+2=4 ne changera jamais; ou encore le principe d'identité sur lequel se fondent les mathématiques et la philosophie: si A=B et B=C alors A=C. Si on nie ces choses là on arrive à l'absurde, on ne pourra plus rien dire ni rien faire. Chaque chose serait égale à son contraire, le vrai et le faux aurait le même valeur et de même le bien et le mal. Marthe: Ce serait vraiment la folie érigée en système de vie! Jean: Je crois que beaucoup de philosophes sont de cet avis. Marthe: Je voudrais bien voir s'ils vivent comme ils pensent. Si vraiment ils croyaient à ce qu'ils disent ils le mettraient en pratique: le matin, par exemple, au lieu de se lever, ils pourraient rester au lit puisque c'est la même chose selon leur théorie; ou si au lieu d'enseigner ces stupidités, ils se mettaient à mendier, ils auraient peut-être les mêmes revenus? Denis: Mais vous êtes sûrs de ne jamais vous tromper? François: Je crois que vous avez raison vous aussi quand vous dites que parfois nous pensons avoir tout compris alors que nous ne savons que peu de choses ou rien. Mais on ne peut pas généraliser ce principe, sinon on ne peut plus être sûr de rien. Vous ne seriez même plus sûr de vous appeler Denis. Je vous le répète: sur certains principes, nous pouvons être sûrs à cent pour cent aujourd’hui et toujours. Sur beaucoup d'autres choses nous pouvons nous tromper et de fait nous nous trompons comme l'expérience le montre. Mais l'erreur vient de nous et souvent, parce que nous ne tenons pas vraiment compte de la réalité et parce que nous nous sommes éloignés de ces principes. Les erreurs que nous commettons ne doivent pas nous conduire à douter de la vérité de ce dont nous sommes sûrs. Ce serait comme jeter le bébé avec l'eau du bain! Jean: Mais alors ces vérités nous amènent à Dieu? François: Oui, parce que, ou bien on tombe dans une absurdité totale en croyant qu'il n'y a rien de vrai, que les choses imparfaites peuvent expliquer ce qui est parfait, que du néant puisse provenir la multiplicité des créatures, ou bien il faut admettre qu'il y a une cause première, une intelligence supérieure qui a pu concevoir les lois de l'univers depuis les plus complexes jusqu'au grain de sable qui, comme les autres corps, tombe par terre quand on le lâche. Jean: Et si Dieu existe, beaucoup de choses changent: notre manière d'être, de vivre, de penser, d'agir. Marthe: Et c'est pour cela que beaucoup ne veulent pas croire: les arguments les plus irréfutables n'ébranlent pas leur intelligence, parce que bien qu'ils voient la vérité, ils ne veulent pas changer leur vie. Il leur est plus facile de continuer à être incrédules, d'adopter cette attitude: ainsi ils n'ont de compte à rendre à personne de ce qu'ils disent ou de ce qu'ils pensent. Jean: Ce n'est pas une attitude honnête. François: Comme un malade qui, pouvant guérir avec les remèdes, préfère ne pas les prendre pour continuer à jouir des avantages de l'état de malade. C'est ainsi: ou on croit en Dieu, ou à l'absurde ou… on est malhonnête. Denis D'accord, il faut croire en Dieu. Mais à quel Dieu? Plus le temps passe et plus il y a de religions… Et alors je me dis : il suffit de croire qu'il y a un dieu, quel qu'il soit, et c'est à lui que nous devrons rendre des comptes. Marthe: Ce n'est quand même pas la même chose pour toutes les religions. Jean: Voilà encore un point que nous devons éclaircir. Alors, comme il se fait tard, nos amis se saluent chaleureusement et se donnent un autre rendez-vous. Documents ous publions pour les lecteurs de Sodalitium le N texte intégral de la “Lettre circulaire aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X” de l’abbé Emmanuel Berger, qui vient seulement de parvenir à notre connaissance. L'abbé Berger a quitté la Fraternité Saint Pie X pour “régulariser” sa position, en signant le protocole d’entente du 5 mai 1988; la conclusion à laquelle il est arrivé est, pourtant, opposée à la nôtre, et nous désapprouvons totalement cette décision. Cela n'enlève pas que de nombreux arguments qu'il développe dans sa lettre d'adieux à la Fraternité sont intéressants et, même, corrects: c'est pourquoi, nous publions sa lettre, en rapportant en caractères gras les passages particulièrement importants. Les points de désaccord avec la Fraternité qui ont conduit Emmanuel Berger à la quitter sont substantiellement au nombre de quatre: la licéité des consécrations épiscopales contre la volonté du Pape, la licéité d'une mission sacerdotale contre la volonté du Pape, particulièrement dans l’administration de ceux des sacrements qui requièrent une juridiction, les rapports entre Tradition et Magistère, le problè- 69 me de l’infallibilité papale. Sur ces points nous sommes d'accord avec Emmanuel Berger: si JeanPaul II est Pape, on ne peut consacrer des évêques contre sa volonté, on ne peut exercer le ministère sacerdotal, et encore moins confesser ou bénir validement les mariages, en s'inventant une juridiction qui viendrait des fidèles et non du Pape, on ne peut refuser son magistère et celui de Vatican II, et encore moins opposer la “tradition” (ou le charisme d'un Evêque) à son interprète autorisé, le Pape, règle prochaine de la foi. Tout ceci, je répète, si, et seulement si, Jean-Paul II jouit de l’autorité pontificale, comme on l'enseigne dans la Fraternité Saint Pie X. C'est cette position de la Fraternité qui, comme l'a bien expliqué l'abbé Sanborn dans le dernier numéro de Sodalitium (n° 39, éd. ital.) [faute de place, nous la publierons dans le prochain numéro de l’édition française] porte inéluctablement tant de prêtres, pieux et bien intentionnés, à accepter les erreurs de Vatican II. Les prêtres de la Fraternité Saint Pie X vivent leur sacerdoce partagés par deux principes contradictoires: Jean-Paul II est le Pape, mais il faut refuser son enseignement. Toute personne sincère, tôt ou tard, est obligée d'abandonner l’une ou l’autre des deux propositions. Emmanuel Berger, malheureusement, a conservé la première, et abandonné la seconde. Les conséquences commencent à se faire remarquer. Quand, par exemple, il critique la Fraternité à propos des fins du mariage. Emmanuel Berger a tort et, en cela, la Fraternité a raison, quand on discute sur le changement de la doctrine traditionnelle de l'Eglise sur le mariage et ses finalités: justement dans ce numéro de Sodalitium nous en donnons la preuve évidente (cf. pp. 42-56). Il cite le catéchisme du Concile de Trente et l’encyclique de Pie XI Casti Connubii pour soutenir que, en mettant à égalité les fins du mariage, la doctrine conciliaire est paradoxalement plus traditionnelle que le Catéchisme Romain ou de Pie XI, qui considéreraient comme secondaire la fin procréative! L'abbé Berger ne se rend pas compte de sa grave erreur. Pie XI et le catéchisme de Trente parlent des motifs subjectifs (finis operantis, ou du sujet) qui poussent un homme et une femme à se marier. Ils peuvent être nombreux et divers, et le but de la procréation peut être, sans doute, secondaire. Quand la doctrine de l'Eglise, abandonnée après Vatican II, parle au contraire de hiérarchie dans les fins du mariage, et met à la première place la procréation et l'éducation des enfants (cf. le canon 1013 § 1, cité et repris précisément dans Casti connubii de Pie XI) elle fait référence aux motifs objectifs (finis operis, intrinsèque à l'action elle-même). Cette distinction a été rappelée par la Sainte Rote (22 janvier 1944) pour réfuter les nouvelles théories, et Pie XI, dans le passage cité par l'abbé Berger, précise que la perfection réciproque des époux peut être considérée comme la motivation et la raison première du mariage “si l'on ne considère pas strictement dans le mariage l'institution destinée à la procréation et à l'éducation des enfants, mais, dans un sens plus large, une mise en commun de toute la vie” [AAS, 22 (1930) pp. 548-549]. Ici on se demande si E. Berger a cité Pie XI sans le lire en entier, en se fiant aux sophismes d’autrui, ou s'il l'a lu, et qu’il ne l'a pas compris... En tout cas, l’absence de sérieuses études doctrinales dans la Fraternité, que nous avons dénoncée le 6 janvier 1985 dans notre communiqué aux fidèles, se révèle, encore une fois, cause de douloureux et tristes abandons de la doctrine catholique. Parce qu'objectivement, Vatican II contredit sur plusieurs points l’enseignement de l'Eglise. Il ne s'agit pas d'opposer la “Tradition” au “Pape”. Il s'agit de l'impossibilité de faire un acte de foi. En effet, l’acte de foi dans l'enseignement du Concile, par exemple sur la liberté religieuse, “est métaphysiquement impossible. En effet le fidèle croit déjà dans la foi divine que l'affirmation du droit à la liberté religieuse est contraire à la Révélation. Personne ne peut croire simultanément deux propositions contraires; personne ne peut croire en même temps que le droit à la liberté religieuse est contraire à la Révélation divine, et qu'il est fondé dans cette Révélation. C'est impossible avec la meilleure volonté du monde: cela tient à la nature des choses” (cf. Hervé Belmont, L’exercice quotidien de la foi dans la crise de l’Eglise, p. 13). Peut-être que si l’abbé Berger avait lu le livret de l’abbé Belmont, il ne serait pas tombé dans le sophisme de Jean-Paul II et de la Commission Ecclesia Dei sur la Tradition. Mais comment pouvait-il l'avoir lu, si dans la Fraternité ce livre, comme tant d'autres, est à l’“index”, comme œuvre d'un dangereux disciple du Père Guérard? Aux responsables de la Fraternité de réfléchir, et de prendre des mesures, avant que ne se répètent d'autres cas “Berger”. LETTRE CIRCULAIRE AUX PRETRES DE LA FRATERNITÉ ST PIE X Le 30 juin 1994 Abbé Emmanuel BERGER Chemin du Patifiage 84330 LE BARROUX 90.62.53.85 Bien chers confrères, Mon départ vous aura surpris, certainement peinés, peut-être même scandalisés. Sur la demande de M. l'abbé Aulagnier, et par esprit de charité, j'ai voulu garder jus- 70 qu'ici la plus grande discrétion, espérant jusqu'au bout ne pas avoir à partir. C'est pourquoi, en toute amitié, je voudrais maintenant vous donner quelques nouvelles, avec les raisons de ma décision. Depuis une bonne année, dans une réflexion menée en toute ouverture de cœur, et je crois, loyauté, je me suis ouvert aux Supérieurs de certains doutes. • Sur la question des Sacres. Constatant l'insuffisance de mes réponses aux questions de plusieurs fidèles, j'ai voulu retravailler la question, qui, tout le monde en convient, n'est pas évidente, tant du point de vue théologique que canonique ou historique. J'ai particulièrement relu certains textes de Pie IX, Léon XIII et Pie XII (cités en annexe). J'ai fait part de quelques objections au Supérieur Général, qui m'a renvoyé à la thèse de l'abbé Mura, parue dans “Le Sel de la Terre”. Non seulement ce travail ne m'a pas convaincu en faveur des Sacres, mais m'a convaincu du contraire. Dans un premier temps en effet, l'abbé Mura reprend tous les arguments de la Tradition, des Pères et des Conciles s'opposant à de tels Sacres, et dans un deuxième temps, il affirme que si le Pape a interdit les Sacres, c'est qu'il n'y était pas opposé; bref, si le Pape est “contre”, c'est qu'il est “pour”. On a beau faire appel à la notion (discutable...) de “Pape occupé et donc inapte à décider en la matière”, ou à la distinction entre volonté première et volonté seconde, cela défie le bon sens! Surtout quand on sait que le Pape lui-même a plus d'une fois refusé cette explication. J'ai reçu ensuite cet argument invraisemblable de Mgr Tissier (lettre du 25.09.93): “Notre position ne vous semble pas claire; mais c'est Monseigneur qui a eu la grâce d'état de prendre la décision du Sacre, et a eu les lumières pour la prendre; nous, nous avons simplement la grâce de le suivre, et cela suffit: marchons dans la foi; si ce n'est pas la foi divine, c'est quand même l'esprit de foi, qui vient de la foi divine”... On nous a souvent mis en garde contre l'obéissance aveugle vis-à-vis du Pape. La faudrait-il donc vis-à-vis de Mgr Lefebvre? Au jugement, Dieu ne me demandera pas si j'ai “suivi”, mais si j'ai fait mon devoir. En tout cas, l'argument de Mgr Tissier est tout sauf un argument. C'est même exactement le contraire: l'aveu d'une absence d'argument. On s'appuie sur la confiance, mais la confiance n'est pas un argument théologique. On n'est pas loin du sentiment religieux cher aux modernistes et aux charismatiques. Quant à me dire “marchons dans la foi” à propos de ce qui n'est qu'obéissance aveugle à une décision historiquement contingente, cela pose simplement la question de la nature et de l'objet de la foi? J'ai donc demandé des éclaircissements. Mgr Tissier m'a répondu en ces termes: “J'ai accepté les Sacres 10% pour des raisons spéculatives que j'ai exposées en ce temps-là à mes paroissiens: 1) Pape occupé et donc inhabile à décider validement en la matière; 2) volonté implicite du Pape favorable au Sacre, vu le cas de nécessité et la finalité de sa charge; 3) exception faite par Dieu à sa loi divine positive - exception apparente - comme il en fait pour sa loi naturelle en certains cas; 4) inspiration divine donnée à Monseigneur. L'abbé Mura développe les deux premières raisons; on peut objecter à son argumentation, il saurait y rétorquer, et ainsi de suite... Et pour 90%, j'ai accepté le Sacre par confiance en Monseigneur et cela suffit... Que Monseigneur sacre, les théologiens du XXIème siècle trouveront les arguments... Melius est judicium sapientis (Marcelli) quam millium insipientium!” (lettre du 7.06.94). D'une part, faudrait-il prouver ces mille insipientes... D'autre part, qu'il y ait inspiration divine ou exception voulue par Dieu, je veux bien, mais, comme toute apparition et charisme, cela demande à être authentifié par l'autorité légitime de l'Eglise; et de toute façon, nous sommes en droit d'en avoir un signe extérieur public et indubitable. A défaut duquel on ne peut que se tenir à la loi générale de l'Eglise. Ayant ainsi reçu deux fois le même nonargument, j'en suis venu à considérer que c'est la seule réponse qu'un de nos évêques puisse apporter pour éclairer un confrère qui se pose des questions. En conscience, je ne peux accepter ces propos sans perdre la foi dans l'Eglise et le Pape. Il y a là une raison objective de quitter une Fraternité devenue subjectiviste. “A u t o c é p h a l e”, nous disait l'abbé Aulagnier à la récollection du 22 mars à St Nicolas, devant l'abbé Schmidberger qui constatait également qu'il nous manque l'union visible et extérieure avec Rome. • Sur le problème de la mission et la question de notre juridiction. 71 La thèse qui fait autorité dans la FSSPX est celle de Mgr Tissier, exprimée dans sa conférence à Paris en mars 1991: il s'appuie d'une part sur le cas de nécessité, d'autre part sur le besoin des fidèles qui s'adressent à nous. Juridiction de suppléance, où, finalement, c'est la demande des fidèles qui nous donnent juridiction, au cas par cas. Dans des années surchargées de travail à St Malo, cette thèse m'avait réconforté. Mais pendant ces deux ans de quasi-vacances que je viens de passer à Lourdes, elle est devenue un véritable piège. Par définition, elle rend impossible tout apostolat à l'extérieur, si les gens ne nous demandent pas notre ministère. De plus, très gênante par son côté démocratique, je vois mal comment la concilier avec la structure hiérarchique de l'Eglise, où l'apostolat est nécessairement fondé sur la mission qui ne peut venir que d'en haut On a écrit que j'avais déserté mon poste et abandonné le troupeau. Mais d'une part, ce n'était pas “mon ” troupeau; il m'était confié par des supérieurs auxquels ce troupeau n'appartient pas davantage. Et d'autre part, j'ai plutôt la conviction et le sentiment, non pas de déserter, mais de quitter un doux cocon où l'on “ronronne”, comme le dit si souvent l'abbé Aulagnier, pour rejoindre le combat là où il se trouve, sur le terrain, à Rome, auprès des évêques, dans les paroisses, etc. C'est là qu'est notre poste véritable. “Quomodo prædicantur nisi mittantur?” On peut quelquefois déployer un grand zèle dans l'apostolat, mais n'est-ce pas “magni passus extra viam”? Et soyons réalistes: si, au dire de l'abbé Célier (L'Eglise déchirée, p. 46), “la liberté de prêcher et de distribuer les Sacrements est (pour la Fraternité St Pierre) strictement réduite à des groupes de fidèles bien définis”, dans la Fraternité St Pie X, à part quelques grands centres comme St Nicolas ou le Gabon, c'est encore pire! Qui parmi nous n'a jamais expérimenté combien nous sommes marginalisés. N'imaginons pas que nous sommes en pleine vitalité, en train de faire plier Rome par notre grand nombre! Que c'est nous qui désormais poserons à Rome les conditions de nouvelles discussions! Sans compter qu'il y a manque de réalisme de toujours parler de “Rome” comme d'un bloc homogène. La généralisation de l'adversaire: “les modernistes”, “l'Eglise conciliaire”, est abusive. C'est une fiction de l'esprit et une logique manichéenne: c'est nous les bons, et c'est eux les méchants. “Qui se existimat stare, videat ne cadat”. Soyons réalistes, de ce réalisme qui s'appelle l'humilité! J'ai pu voir à Lourdes l'extrême variété de la richesse et de la misère du clergé et des fidèles. Et ce fut une totale, mais apaisante découverte. Nous ne sommes pas meilleurs que les autres, nous n'avons pas le privilège de la sainteté, loin de là! Pour les mariages, on se base sur le Droit Canon dispensant de la forme canonique régulière si on n'a pas trouvé de prêtre dans le mois. Il m'a toujours semblé évident que cela suppose de chercher un prêtre pendant au moins un mois. Pour ma part, j'ai toujours pu trouver. Je sais par contre que bien des confrères se croient dispensés de chercher. Mais comment ne pas réfléchir devant l'annulation de plusieurs mariages faits à St Nicolas, sous le motif de manque de juridiction. De même le fait d'avoir établi un bureau parallèle pour les questions de mariage est à mon avis très grave. La FSSPX ne se constitue-t-elle pas là en Eglise parallèle? “Autocéphale”. N'y a-t-il pas généralisation indue du “besoin” des fidèles et du “cas de nécessité”? Les motifs de notre apostolat (cas de nécessité et besoin des fidèles) sont finalement les mêmes que ceux revendiqués par la récente et ouvertement schismatique Neue Katholische Kirche d'Autriche... Une compagnie encombrante, et qui met mal à l'aise! “Haec oportet facere, et illa non omittere”. Il convient de ne pas accepter le modernisme et la conception erronée de la liberté religieuse, il convient de garder la Messe de St Pie V, mais il faut aussi garder la foi dans l'Eglise et dans le Pape, avec l'obéissance visible et concrète qui en est la conséquence. Ce n'est pas parce que le Pape nous scandalise quelquefois, comme à Assise, que nous pouvons de notre côté faire n'importe quoi au niveau canonique. Il y a assez de désordre dans l'Eglise pour ne pas en rajouter! • Sur la notion de Tradition. Permettez-moi de penser qu'il y a dans les discours et écrits de la FSSPX une réelle équivoque et une ambiguïté profonde sur cette question. Pour ne prendre que le récent livre de l'abbé Célier, la Tradition est-elle: - le trésor des coutumes liturgiques accumulées et purifiées au fil des siècles? - Ou des “œuvres” (écoles, pèlerinages, etc.), forcément fragiles et passagères (p. 23, 46). - Ou un “évêque réellement traditionnel” 72 (p. 53). Mais quelle en est la définition, sinon d'avoir été nommé par Rome? Car s'il y a un point qui fait bien partie de la Tradition, et de la Tradition révélée, c'est bien cette dépendance visible des évêques vis-à-vis de Pierre! - Ou une communauté: “procurer à la Tradition les moyens de vivre” (p. 23). - Ou le “décor”: “la soutane rouge, l'aube à dentelle, les deux tunicelles..., l'anneau, la crosse..., même le visage du prélat, tout y est parfait, tout y est traditionnel” (p. 115). - Mais jamais la Tradition n'y est définie comme le donné révélé, à mettre sur le même pied que l'Ecriture Sainte. Dans ce cas d'ailleurs, peut-on dire que le Pape manque à la Tradition, sans nier son infaillibilité et la prière efficace du Christ pour St Pierre? Sola Scriptura. Les Protestants, Témoins de Jéhovah et autres Mormons font tous dire à la Bible le contraire les uns des autres. Il est facile de leur montrer qu'en conséquence l'Ecriture Sainte ne se suffit pas à elle-même, mais qu'elle appelle un Magistère qui en soit le gardien et l'interprète authentique. N'y a -t-il pas la même remarque à faire sur la Tradition révélée? Sola Traditio? Tout le monde la revendique pour condamner l'autre. Elle ne suffit donc pas à elle-même, mais appelle un Magistère, interprète authentique. Et ce Magistère, ce n'est pas nous, mais bien le Pape. Bref, je ne me souvenais guère de ces mots de Jean-Paul II dans le Motu Proprio du 2.7.88, mais l'abbé Célier a eu le mérite de nous les rappeler, et j'y adhère totalement: “A la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition (p. 30) ... un faux concept de la Tradition” (p. 85). • Sur le silence total de la FSSPX sur ce qui est venu de très positif de Rome ces derniers temps: pourquoi n'avons-nous eu aucun écho, par exemple, sur: - le discours du Pape sur la télévision (elle “inculque le relativisme moral et le scepticisme religieux; le meilleur usage qu'on puisse en faire, c'est de l'éteindre!”). - le Directoire aux prêtres, réaffirmant avec force et clarté la distinction entre le sacerdoce des simples baptisés et le sacerdoce ministériel, et nous rappelant tant et tant de conseils avec la même ferveur que les lettres de St Pie X et Pie XII sur le Sacerdoce. - Et pourquoi si peu d'écho sur le document concernant l'ordination des femmes, document dont il est difficile de dire qu'il ne relève pas du Magistère ex cathedra. Au contraire, on a manifestement voulu attirer l'attention des fidèles et des prêtres uniquement sur les points négatifs: “qui veut noyer son chien l'accuse de la rage”... On nous dit souvent de prier pour le Pape, on proteste de notre soumission à la Rome éternelle, etc. Mais dans les faits, ces affirmations ne servent qu'à mieux épier le Pape et à le critiquer systématiquement, tel le chasseur embusqué guettant le loup au sortir du bois. “Attachons-nous à mettre en évidence non pas seulement les lumières, mais les ombres éventuelles” (Cor unum 47 p. 5). Psychologiquement, c'est de fait indispensable pour justifier les positions de la FSSPX. Car la justification ultime des Sacres, la majeure du raisonnement sur lequel s'appuie toute l'attitude de la FSSPX, n'est-elle pas d'affirmer que tout va mal en dehors de la Fraternité, et que l'intégrité de la doctrine a partout disparu, sauf dans la Fraternité. Vous me direz sans doute: on ne peut accepter tout ce qui vient de Rome. “Bonum ex integra causa, malum ex quocumque defectu”. • Certes, mais alors commençons par balayer devant notre porte. Remarquons d'abord que si on épluche tant les écrits du St Père, pour n'en ressortir que le négatif, on peut se permettre au moins la même attitude vis-à-vis des confrères et même des supérieurs. Sur les fins du mariage. On nous rabat les oreilles sur l'inversion prônée par Vatican II. Mais voilà le texte du Concile: “C'est par sa nature même que l'institution du mariage et l'amour conjugal sont ordonnés à la procréation et à l'éducation. Aussi, l'homme et la femme s'aident et se soutiennent mutuellement... (GS 48) “Le mariage et l'amour conjugal sont d'eux-mêmes ordonnés à la procréation et à l'éducation...” (GS 50.1) “Le mariage cependant n'est pas institué en vue de la seule procréation. Il requiert que l'amour mutuel des époux s'exprime lui aussi dans sa rectitude.” (GS 50,3) Et voilà le texte du Catéchisme du Concile de Trente (Mariage, n° 3), repris par Pie XI (Casti connubii n° 22): “Le premier motif (causa) qui détermine l'homme à se marier, c'est l'instinct naturel qui porte deux êtres à s'unir dans l'espoir de s'aider mutuellement... Le second motif, c'est le désir d'avoir des enfants...” 73 Si donc il y a inversion des fins du mariage, elle est plutôt à l'honneur de Vatican II. Soyons honnêtes avec les textes, et ne leur faisons pas dire le contraire de ce qu'ils disent, a priori, pour justifier nos thèses ou nos positions. Sur la notion d'infaillibilité. On entend de plus en plus dans nos rangs cette thèse que le Pape n'est infaillible que lorsqu'il parle ex cathedra. Ce sont des fidèles qui l'affirment, mais ce sont aussi des séminaristes, qui disent l'avoir appris au séminaire (?). Or il est de foi que le Magistère de l'Eglise, et donc du Pape, est infaillible et qu'il se compose du Magistère tant extraordinaire qu'ordinaire. Pourquoi donc réduire l'autorité du Magistère ordinaire à une simple “grande autorité”? (Cor unum 47 p. 31) Sur le rapport entre l'autorité et la foi. Jusqu'où peut-on dire: “ce n'est pas l'autorité qui tient la première place dans l'Eglise, mais bel et bien la foi”. Cette affirmation me paraît dangereuse. En effet, qui va me dire où est la foi, à moi pauvre pécheur de l'Eglise enseignée, sinon l'Eglise enseignante, dans la personne de Pierre: “j'ai prié pour que ta foi ne défaille pas”. N'y a-t-il pas danger de subjectivisme à se faire d'abord sa propre idée de la foi: “telle est la vraie foi, tel est l'enseignement des Papes et des conciles précédents, telle est la Tradition”, pour en conclure ensuite: “un tel est bien le pape”, ou “je peux accepter tel enseignement du pape”, parce qu'il colle à mon idée de la foi. N'est-ce pas du libre examen? La démarche catholique n'est-elle pas inverse: “ubi Petrus, ibi Ecclesia”? Nous voilà pratiquement devant deux “infaillibilités”. Celle du Magistère ordinaire du Pape, et celle des supérieurs. Pourquoi se fier à l'autorité d'un Supérieur même Général plutôt qu'à celle du St Père? A force de critiquer sans cesse l'autorité à ses différents niveaux, écoles, Etat, prêtres, évêques, Pape, ne finit-on pas par détruire dans le cœur des fidèles, et surtout des enfants, le principe même de l'autorité. Un manque d'information certain: Le livre de l'abbé Célier, “l'Eglise déchirée”, ainsi que sa lettre ouverte publiée dans Fideliter 96 peut être pris comme une véritable apologie de la Fraternité St Pierre. Il nous montre en effet comment la Fraternité St Pierre rencontre certes bien des difficultés, mais arrive malgré tout à s'imposer et à survivre en gardant fidèlement la Messe de St Pie V (quelque calomnie contraire qu'on ait pu dire...). Surtout dans le livre, recommandé comme parfaitement documenté et puisant à des sources incontestables, plusieurs pages sont tissées d'affirmations gratuites, incomplètes, et floues. Par exemple à la p. 43: “d'après des informations sérieuses, la Fraternité St Pierre a procédé il y a quelques temps à l'élection d'un nouveau Supérieur Général.” Ça s'appelle un Chapitre Général, parfaitement repérable dans le temps et dans l'espace, et pas seulement “il y a quelques temps” ou “d'après des informations sérieuses”! Un esprit de parti inquiétant: Un séminariste de la FSSPX m'écrit récemment pour m'assurer de ses prières pour l'ordination de mon frère Michel. En ajoutant: “surtout ne le répétez pas, car je risquerai de gros ennuis pour avoir écrit cette simple phrase”. On ne peut donc plus prier librement à Flavigny ou à Ecône pour les confrères des autres Congrégations. • “Gardez-vous bien toute liberté? Ne subissez-vous pas quelque influence? La passion ne se mêle-t-elle pas quelque part dans vos pensées?” m'écrivait l'abbé Aulagnier le 8 février. Je pense pouvoir répondre en toute sérénité que c'est sans passion que j'en arrive à ces considérations et conclusions. Me sachant facilement émotif, j'ai voulu “laisser le temps au temps”, et vous pensez bien que ce n'est pas à la légère qu'on en arrive à de si graves décisions. En 1988, je m'étais appuyé sur cette phrase de mon arrière grand-père, le vénéré Amiral de Penfentenyo: “Dans la tempête, un marin ne change pas de cap.” C'était alors la tempête, et je ne voulais pas prendre de décision dans un tel contexte. Depuis, les choses se sont largement calmées et clarifiées, surtout à Lourdes, où j'ai eu le temps de (re)lire bien des textes. L'influence subie, c'est, en profondeur, 1) les non-réponses à mes questions, et particulièrement les non-arguments de Mgr Tissier: “Mgr a eu la grâce de décider, nous avons la grâce de suivre, et cela doit suffire”. Oui, vraiment, le jour où j'ai reçu cette lettre, quelque chose a été brisé; je ne me suis plus tout à fait senti de la même famille. Mais j'ai voulu me donner le temps de l'étude et de la prière. 2) la (re)lecture des documents pontificaux, surtout de Pie IX et Léon XIII (en annexe, ci-dessous), Si on s'appuie sur le Magistère antérieur pour critiquer la Déclaration sur la liberté religieuse, il est nécessaire, en toute loyauté, de ne pas esquiver ce même Magistère antérieur à propos des Sacres. 74 3) et enfin, la grâce de Lourdes: “A Lourdes, on trouve l'accroissement non seulement de l'amour et de la dévotion envers la Mère de Dieu, mais encore de la vénération et de la soumission à l'égard du Vicaire du Christ” (St Pie X, 23.12.1908). A Lourdes, on voit l'Eglise. Dans sa richesse, sa misère (car il y a bien des débordements), et sa diversité. Mais avec amour et compassion. Ici “les faits parlent plus forts que les mots”. • Conclusions-Décisions. - Le terminus a quo devenait inéluctable: j'ai quitté ma chère Fraternité, non sans appréhension; mais c'était un devoir de conscience. Pour un motif de foi. Je sentais s'altérer profondément ma foi en l'Eglise, j'avais de plus en plus de mal à chanter loyalement “Credo in unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam”, ou à expliquer aux enfants le chapitre du Catéchisme sur l'Eglise et le Pape. Je veux garder la foi en Pierre, malgré ses misères, m'appuyant sur la prière efficace du Christ: “J'ai prié pour toi, pour que ta foi ne défaille point”, et sur les enseignements de l'Eglise sur “le devoir de subordination hiérarchique et d'une vraie obéissance, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l'Eglise. Telle est la vérité catholique, dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut” (Pie IX, Pastor æternus). - Le terminus ad quem est moins clair encore. Mais Dieu saura bien me montrer la route à suivre. Scio cui credidi, et certus sum quia potens est depositum meum servare. Je me suis d'abord rendu à Rome, pour régulariser la situation canonique auprès de la Commission Ecclesia Dei. Le seul texte que l'on m'a fait signer, Monseigneur l'avait signé lui aussi: le préambule du 5 mai 1988 (Cor unum n° 30, p. 30 et 31). J'ai ensuite célébré la Sainte Messe à la basilique St Pierre, sur le tombeau de St Léon le Grand. Maintenant, je ne tiens pas à foncer tête baissée dans telle ou telle communauté. Il me faut prendre du recul. Et visiter les différentes communautés fidèles à la Messe de St Pie V. (Essentiellement l'Institut du Christ Roi et la Fraternité St Pierre). Ne serait-ce que pour en avoir une connaissance de l'intérieur, et “de visu”. Car j'ai trop constaté depuis quelques années combien on racontait n'importe quoi sur le Barroux ou sur la Fraternité St Pierre, par exemple (n'est-il pas opportun de noter que le séminariste sorti de St Pierre, et principal auteur du fameux rapport qui a fait tant de bruit à l'automne contre ladite Fraternité, a dû être renvoyé de Flavigny à Pâques dernier...) De toutes façons, je sais que je peux compter sur vos prières à tous pour que se fasse clairement connaître la volonté de Dieu. N'avons-nous pas dit le 28 juin: “Presta quæsumus Domine ut nullis nos permittas perturbationibus concuti, quos in apostolicæ confessionis petra solidasti.” Vous m'accuserez de traîtrise. Peut-être. Vous direz bien ce que vous voulez. Je dirais simplement comme Sainte Bernadette, qui m'est devenue si chère pendant ces 2 années de Lourdes: “Me laisser calomnier, mépriser, rejeter, déchirer. Oh! comme je glorifierais Dieu!” - “Mes désirs sont que l'on n'eût plus de souvenir de moi que pour me mépriser, m'humilier, me dire des injures, puisque, en effet, rien ne m'est dû que cela”. (Notes intimes, 1873) Vous me demanderez peut-être pourquoi ne pas avoir attendu le Chapitre Général. Je ne suis absolument pas parti pour des problèmes de personne, ou par découragement, ou par quelconque amertume. Les témoignages de sympathie de plusieurs d'entre vous ces dernières semaines en sont bien la marque. Mais il y a presque un an que je pose aux Supérieurs des questions de fond. Dont les Supérieurs eux-mêmes m'ont dit qu'elles sont légitimes. La seule réponse de fond obtenue est une non-réponse: “Monseigneur a choisi, nous n'avons qu'à suivre, ça doit nous suffire”. Cette absence de réponse doctrinale rendait le départ inéluctable. Je ne veux pas faire la guerre. Je ne juge personne, mais je me juge moi-même, en conscience, devant Dieu Cependant, “iterum et iterum”, je pose la question. En espérant que mon geste aura finalement chez les confrères et les Supérieurs plus d'écho que mes questions. Ou bien il ne faut ni se poser, ni poser de questions; mais cela ressemble trop aux Témoins de Jéhovah et autres sectes Ou bien il y a une réponse doctrinale cohérente, et je reviens immédiatement dans la Fraternité. Car je l'aime, cette famille où j'ai grandi; je les aime, ces confrères avec lesquels j'ai passé presque 20 ans. 75 Ou bien il n'y en a pas, comme cela semblerait malheureusement apparaître, et au cours du Chapitre Général, pour lequel je ferai la neuvaine et le jeûne demandés, il faut bien en tirer les conséquences, avec une grande foi vraiment surnaturelle dans l'efficacité de la parole du Christ et dans la mission du Pape, qui est objet de foi au même titre que la Trinité ou la Présence réelle. Bien chers confrères, je vous redis toute mon amitié sacerdotale et ma grande union de prières. Notre-Dame de Lourdes, priez pour nous tous, pauvres pécheurs. Abbé Emmanuel BERGER QUELQUES DOCUMENTS PONTIFICAUX (Les références correspondent à l’édition des Enseignements Pontificaux, vol. sur “l’Eglise”, Solesmes, 1959). Sur l’infaillibilité du Pape Pie IX, constitution Apostolique “Pastor æternus”: Tous les vénérables Pères ont embrassé, et tous les saints docteurs orthodoxes ont vénéré et suivi leur doctrine apostolique, sachant parfaitement que ce Siège de Pierre reste toujours exempt de toute erreur (dans la foi), selon cette promesse du Seigneur notre Sauveur, faite au Prince de ses disciples: “J’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas; et toi, lorsque tu seras converti, confirme tes frères” (369). Juge suprême Pie IX, “Pastor æternus”: Comme le Pontife Romain, par le droit divin de la primauté apostolique, est préposé à l’Eglise universelle, Nous enseignons et Nous déclarons qu’il est le juge suprême des fidèles, et qu’on peut recourir à son jugement dans toutes les causes qui sont de la compétence ecclésiastique; que le jugement du Siège apostolique, au-dessus duquel il n’y a pas d’autorité, ne peut être réformé par personne, et qu’il n’est permis à personne de juger de son jugement (366). Etendue de l’obéissance au Pape Pie IX, id: Nous enseignons et Nous déclarons que l’Eglise Romaine, par l’institution divine, a la principauté de pouvoir ordinaire sur toutes les autres Eglises, et que ce pouvoir de juridiction du Pontife Romain, vraiment épiscopal, est immédiat; que les pasteurs et les fidèles, chacun et tous, quels que soient leur rit et leur rang, lui sont assujettis par le devoir de la subordination hiérarchique et d’une vraie obéissance, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans tout l’univers, de sorte que, gardant l’unité soit de communion soit de profession d’une même foi avec le Pontife Romain, l’Eglise du Christ est un seul troupeau sous un seul Pasteur suprême. Telle est la doctrine de la vérité catholique, dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut (363). Soumission nécessaire au salut Pie XII à l’archevêque de Boston: Ceux qui s’exposent au grave danger de s’opposer à l’Eglise doivent méditer sérieusement qu’une fois que “Rome a parlé”, ils ne peuvent passer outre, même pour des raisons de bonne foi. Leur lien à l’Eglise et leur devoir d’obéissance sont certainement plus stricts que pour ceux qui adhèrent à elle “seulement par un désir inconscient”. Qu’ils comprennent qu’ils sont les enfants de l’Eglise, et qu’après avoir entendu la voix de leur Mère, ils ne peuvent pas être excusés d’ignorance coupable. Qu’ils comprennent donc que le principe suivant s’applique à eux sans restriction: “La soumission à l’Eglise catholique et au Souverain Pontife est nécessaire au Salut” (1262). Communion Romaine - Schismatique Sentence injuste d’excommunication Pie IX, “Quartus supra”: L’Eglise catholique a toujours considéré comme schismatiques ceux qui résistent opiniâtrement à ses légitimes prélats, et surtout au Pasteur suprême, et qui refusent d’exécuter leurs ordres et même de reconnaître leur autorité (396). Il est aussi contraire à la constitution divine de l’Eglise qu’à la Tradition perpétuelle et constante, que quelqu’un puisse prouver la catholicité de sa foi et s’appeler véritablement catholique lorsqu’il n’obéit pas à ce Siège apostolique. Celui qui abandonne la Chaire de Pierre sur laquelle l’Eglise est fondée, se persuade faussement d’être dans l’Eglise, puisque celui-là est déjà schismatique et pécheur qui élève une chaire contre la Chaire de Pierre (id. 392). Toutes ces déclarations sont d’un tel poids qu’il faut en conclure que tout homme qui a été déclaré schismatique par le Pontife Romain doit cesser entièrement d’usurper le nom de catholique, tant qu’il ne reconnaît pas et ne révère pas expressément tout son pouvoir (id. 393). Mais comme les néo-schismatiques ne peuvent en tirer aucun avantage, ils se sont excusés en disant que la sentence de schisme et d’excommunication portée contre eux était in- 76 juste, et par conséquent sans nulle valeur. Ils ont même été jusqu’à dire qu’ils ne pouvaient s’y soumettre de crainte que les fidèles, privés de leur ministère, n’embrassassent le parti des hérétiques. Mais ce sont là des raisons d’une nouvelle espèce, complètement inouïes et inconnues aux Pères de l’Eglise (id. 394). Pie IX, Quæ in Patriarchatu: A quoi bon reconnaître hautement le dogme de la suprématie de Pierre et de ses successeurs? A quoi bon répéter si souvent des déclarations de foi catholique et d’obéissance au Siège apostolique, lorsque ces belles paroles sont démenties par les actes? La rébellion n’est-elle pas rendue plus inexcusable par le fait que l’on reconnaît que l’obéissance est un devoir? Au surplus, l’autorité du Siège ne s’étend-elle pas, pour les sanctionner, jusqu’aux mesures que nous avons dû prendre? ou suffit-il d’être en communion de foi avec ce Siège, sans la soumission de l’obéissance? - chose qu’on ne peut soutenir sans porter atteinte à la foi catholique (433). Il s’agit de reconnaître la puissance du Siège apostolique, non seulement quant à la foi, mais encore quant à la discipline. Celui qui la nie est hérétique; celui qui la reconnaît et qui refuse opiniâtrement de lui obéir est digne d’anathème. Que ceux donc qui se sont écartés du droit chemin en envisageant autrement les choses se hâtent de venir à résipiscence (id. 434). La foi ne sert à rien sans la charité Léon XIII, Eximia nos lætitia, à l’évêque de Poitiers, 19.07.1893: Ces hommes qui se sont séparés de la très sainte communion de l’univers catholique, qu’ils ne s’appuient ni sur l’honnêteté de leurs mœurs, ni sur leur fidélité à la discipline, ni sur leur zèle à garder la doctrine et la stabilité de la religion. St Paul ne nous dit-il pas que tout cela ne sert de rien sans la charité? Ne vous y trompez pas, mes frères, si quelqu’un suit les fauteurs de schisme, celui-là n’est point héritier du Royaume de Dieu (525). C’est pour cela aussi qu’ils ne peuvent rien promettre des grâces et des fruits du perpétuel sacrifice et des sacrements qui, tout en étant administrés avec sacrilège, étaient cependant valides et servaient en quelque manière à cette forme et apparence de la piété, que désigne St Paul (2, Tim. 3, 5) et dont parle plus longuement St Augustin (Serm. 71 in Mt, 32): “La forme de la branche peut être visible, même en dehors de la vigne, mais la vie invisible de la racine ne peut être conservée que dans l’union avec le cep. C’est pourquoi les sacrements corporels que d’aucuns conservent et prônent en dehors de l’unité du Christ, peuvent garder l’apparence de la piété. Mais la vertu invisible et spirituelle de la vraie piété n’y peut résider, pas plus que la sensibilité ne demeure dans un membre amputé”.... Ces sacrements sont fructueux pour les enfants qui les reçoivent (pourvu qu’à l’âge de discrétion, ils n’adhèrent pas au schisme), mais mortel pour ceux qui les administrent, car en les conférant, ils font volontairement acte de schisme (id. 526). Légitimité de l’épiscopat Léon XIII, Etsi multa: Les premiers éléments mêmes de la doctrine enseignent que personne ne peut être considéré comme évêque légitime, s’il n’est uni par la communion de foi et de charité avec la Pierre sur laquelle est bâtie l’Eglise de Jésus-Christ, s’il n’adhère au Pasteur Suprême à qui sont confiés toutes les brebis... Quiconque se sépare de ce Siège devient étranger à la religion chrétienne, puisqu’il a cessé de faire partie de sa structure... (423). Critiques éventuelles à adresser à l’autorité St Léon le Grand (2ème sermon pour l’anniversaire de son élévation au Souverain Pontificat): “En mon humble personne, c’est Pierre qui est considéré, c’est Pierre qui est honoré, Pierre en qui se continue la sollicitude de tous les pasteurs, avec la garde de toutes les brebis qui lui ont été confiées, et dont la dignité ne manque pas, même à un successeur indigne”. Léon XIII, “Est sane molestum”: S’il se trouvait par hasard, dans les rangs de l’épiscopat, un évêque ne se souvenant pas assez de sa dignité, et paraissant infidèle à quelqu’une de ses saintes obligations, il ne perdrait malgré cela rien de ses pouvoirs, et tant qu’il demeurerait en communion avec le Pontife Romain, et il ne serait certainement permis à personne d’affaiblir en quoi que ce soit le respect de l’obéissance qu’on doit à son autorité. Scruter les actes épiscopaux et les critiquer n’appartient nullement aux particuliers, mais cela regarde seulement ceux qui, dans la hiérarchie sacrée, ont un pouvoir supérieur, et surtout le Pontife suprême, car c’est à lui que JésusChrist a confié le soin de paître non seulement les agneaux, mais encore les brebis. Si les fidèles ont de grands sujets de plainte, tout au plus leur est-il permis de déférer la cause entière au Pontife Romain, pourvu toutefois que, gardant la prudence et la modération conseillée pour l’amour du bien commun, ils ne se répandent pas en cris et objurgations, ce qui contribue plutôt à faire naître les divisions et les haines, ou certainement à les augmenter (498). 77 Un témoignage au-dessus de tout soupçon: Jean Guitton et “la messe protestantisée” Tiré de “SI SI NO NO” n° 13 juillet 1994, p. 5. (Via Madonna degli Angeli n° 14, 00049 VELLETRI RM). J ean Guitton continue de rendre de mauvais services à son défunt ami Paul VI et à sa cause absurde de canonisation, par laquelle il voudrait aussi canoniser Vatican II et le «nouveau courant» ecclésial. Ainsi le 19 décembre 1993, participant à un débat de Lumière 101, la radio dominicale de RadioCourtoisie, il a soutenu que «l'intention de Paul VI concernant la liturgie, concernant la soi-disant vulgarisation de la messe, était de réformer la liturgie catholique de manière à la faire coïncider à peu près avec la liturgie protestante... avec la Cène protestante». Et plus loin: «... Je répète que Paul VI a fait tout ce qui était en son pouvoir pour rapprocher la Messe catholique - celle du Concile de Trente - de la Cène protestante. Aidé particulièrement par Mgr Bugnini, qui n'a pas toujours joui de sa confiance sur ce point». Parmi les auditeurs proteste un prêtre, qui «n'est pas d'accord avec M. Guitton quand il prétend que Paul VI a voulu rapprocher la Messe catholique de la Cène calviniste. Il lui semble que cela ne tient pas». Et Guitton de répondre: «Naturellement je n'ai pas assisté à la Cène calviniste, mais j'ai assisté à la Messe de Paul VI. Et la Messe de Paul VI se présente surtout comme un festin, n'est-ce pas? et elle insiste beaucoup sur l'aspect de participation à un repas et beaucoup moins sur la notion de sacrifice, de sacrifice rituel, face à Dieu, alors que le prêtre montre seulement son dos. Alors je crois ne pas me tromper en disant que l'intention de Paul VI et de la nouvelle liturgie, qui porte son nom, est de demander aux fidèles une plus grande participation à la Messe, et de donner une plus grande place à l'Ecriture et une place moins grande à tout ce qu'il y a en elle, certains disent “de magique”, d'autres “de consécration consubstantielle”, [en se corrigeant] transubstantielle, et qui est la foi catholique. Autrement dit, il y a en Paul VI une intention œcuménique de changer - ou au moins de corriger ou atténuer - ce qu'il y a de trop [sic!] “catholique”, au sens traditionnel, dans la Messe, et de rapprocher la Messe catholique - je répète - de la Messe calviniste». L'un des participants au débat, Yves Chiron, auteur de Paul VI, le pape écartelé, souligne: «C'est clairement une révolution dans l'Eglise». «C'est clairement une révolution» confirme Jean Guitton. Voici ce qu'écrit, toujours sur la nouvelle liturgie, l'évêque anglican Paul Richardson sur l’hebdomadaire The Times of Papua New Guinea du 4 juin 1992. Tiré de “Missi Synthèse”, août-septembre 1994, n° 21, p. 11. «Particulièrement depuis Vatican II, se sont produits dans le catholicisme romain beaucoup de changements théoriques et pratiques qui étaient le but avoué de l’archevêque de Cantorbéry d’alors, celui qui mit au point Le livre de la prière commune [Thomas Cranmer]. Depuis que ces changements sont devenus partie constitutive de la vie quotidienne des catholiques romains, il est bon de se le rappeler. “Thomas Cranmer combattait pour une liturgie simplifiée, compréhensible et en langue vernaculaire, à la place du rite élaboré, silencieux et en latin. Il se faisait également le promoteur de la Sainte Communion sous les deux espèces et voulait que l’Eucharistie devienne une célébration communautaire, afin de supplanter l’ancienne pratique de la Sainte Messe comme une dévotion privée des prêtres, éloignée du peuple ou dite en l’absence de fidèles. Son plaidoyer pour davantage de lecture des Ecritures a été également entendu, au point que quelques autres Eglises ont adopté aujourd’hui le nouveau lectionnaire romain, avec son contenu scripturaire plus important qu’auparavant. A cela on peut ajouter le plaidoyer de Cranmer pour des sermons ou des homélies plus fréquents. En outre, il y a son opposition à ce qu’il appelait le culte romain des images, qui a eu son effet, par exemple, sur l’architecture des églises de la dernière décennie. Et, enfin, il y a son opposition au célibat obligatoire du clergé, que la chrétienté occidentale n’a pas pour le moment aboli, mais auquel on commence à admettre quelques exceptions (comme cela a toujours été dans la tradition orientale). Même ce point fait partie de la flexibilité qui caractérise beaucoup de la vie de l’Eglise d’après Vatican II”. 78 Vie de l’Institut S éminaire Saint Pierre Martyr. Depuis la sortie du dernier numéro de Sodalitium, nous devons signaler une bonne nouvelle pour le séminaire. Les séminaristes sont en effet passés de trois à six, grâce à l’arrivée de deux mexicains et d’un américain. Aucun des trois nouveaux arrivés ne fera partie de l’Institut. Le séminaire, en effet, n’est pas seulement au service de l’Institut Mater Boni Consilii, mais aussi de tous les autres groupes sacerdotaux ou religieux qui ont des positions semblables aux nôtres et qui ne peuvent donner à leurs postulants une formation ecclésiastique adéquate. Nous entendons, de cette manière, travailler pour toute l’Eglise, répandue dans le monde, et nous rendre utiles à toutes les âmes. Nous faisons appel aux lecteurs afin qu’ils nous aident dans cette entreprise, y compris financièrement dans l’entretien des séminaristes qui, pour la plupart, ne peuvent y pourvoir personnellement. A ce propos nous remercions publiquement l’Association Forts dans la Foi qui, depuis longtemps, devançant notre appel, aide nos séminaristes. Autre bonne nouvelle: non seulement nous avons de nouveaux séminaristes, mais aussi un nouvel et excellent professeur de latin, que nous remercions de tout cœur pour sa disponibilité. Apostolat. Grâce au nouveau prêtre, l’abbé Cazalas, nous avons pu intensifier notre apostolat, particulièrement dans les endroits où nous célébrons la Sainte Messe. A Ferrare, par exemple, la Messe mensuelle est devenue régulière; à Rome et à Lyon nous avons doublé notre présence (d’une à deux fois par mois), à Cannes nous avons dû remplacer l’abbé Delmasure, malade, et qui doit se reposer (pour la joie des religieuses de Crézan, où il a été accueilli, et des fidèles habitués de Raveau, qui ont pu ainsi assister régulièrement à la Messe). L’abbé Cazalas a célébré une “quasi” première Messe à Tours, invité par le Père Barbara, qui l’a présenté aux fidèles de la ville de Saint Martin. Notre jeune confrère a également organisé avec succès à Verrua au moment de Noël une journée pour les enfants... et les parents. Quant à l’abbé Nitoglia, rentré d’Espagne, il est l’un des orateurs intervenus à Novi Ligure, le 16 décembre, à la présentation du dernier livre de M. Maurice Blondet. Voyage en Argentine et aux Etats-Unis. A l’automne, l’abbé Ricossa s’est rendu aux Etats-Unis et en Argentine. Départ le 25 octobre en direction de Detroit. L’abbé Sanborn a très bien accueilli le directeur de Sodalitium qui a pu visiter l’école (environ 80 élèves) dirigée par notre confrère américain à Warren, la rédaction de Sacerdotium et Catholic Restauration, et le terrain où est projetée la construction d’un nouveau collège et d’un séminaire. Pendant ce temps, les deux revues de l’abbé Sanborn continuent la publication en anglais de nombreux articles de Sodalitium, parmi lesquels la série consacrée par l’abbé Nitoglia à Vatican II. Le 28 octobre l’abbé Ricossa a quitté Detroit pour Buenos Aires et Cordoba, où il a célébré la Messe dans la chapelle dirigée par l’abbé Espina. Dimanche 30 octobre, sur invitation de l'abbé Casas Silva, il s’est rendu à Rosario, où il a célébré la Messe et s’est ensuite entretenu avec les fidèles. Le 4 novembre, après une rencontre avec un diacre argentin dans la maison, toujours accueillante, de Madame le Docteur Bonelli, vol pour Buenos Aires où, à l’aéroport d’Ezeiza, l’abbé Ricossa s’est entretenu avec le Père Morello, fondateur de la Compagnie de Jésus et de Marie et directeur du séminaire Notre-Dame de Guadalupe, situé à Lujàn, près de Buenos Aires. Retour en Italie le 5 novembre... juste à temps pour assister aux inondations qui ont dévasté le Piémont le lendemain. Les inondations aussi à Verrua. Malheureusement, même la commune de Verrua a été frappée par les inondations du dimanche 6 novembre, causant deux victimes dans un hameau proche de Crescentino. Pas de dégâts chez nous; seulement de nombreux problèmes pour le retour (après une nuit forcément passée à l’extérieur) des prêtres qui étaient en mission pour la célébration des Messes. L’association Mater Boni Consilii a recueilli parmi les fidèles de l’Institut la somme de 14.500 francs qui a été remise à la commune de Verrua pour secourir les personnes ayant subi des dommages suite à cette catastrophe naturelle. Première victoire sur le front judiciaire. Le ministère public a demandé le classement sans suite de la dénonciation présentée contre l’abbé Nitoglia, pour l’homélie tenue à Rome il y a un an. En France aussi, Monsieur Junin a gagné le procès et la LICRA (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme) a été condamnée au paiement des dommages et intérêts. Dans ce cas, la justice de la très laïque république française s’est montrée plus équitable que le nouveau cardinal Eyt, qui était du côté de la LICRA. Certes, ne nous faisons pas d’illusions, 79 et nous savons que les limites de la liberté pour les catholiques sont toujours plus étroites. Toutefois, ces deux décisions sont une confirmation du fait qu’on ne doit pas craindre de dire la vérité opportune et importune, et que les catholiques ne doivent pas s’autocensurer par crainte des conséquences à venir. Partir battus avant de commencer la bataille, veut dire avoir la certitude de la perdre. Sodalitium. Toujours plus diffusée, notre revue nous donne de grandes satisfactions (et aussi beaucoup de travail). Les offrandes ont notablement augmenté, mais ne sont pas encore suffisantes pour couvrir les dépenses (qui augmentent elles aussi). Le nombre des revues qui signalent l’existence de Sodalitium s'accroît aussi, le plus souvent de manière élogieuse, au point que nous n’arrivons plus à toutes les citer. Sur Identità, nous avons fait publier un encart publicitaire payant. Controrivoluzione, organo ufficiale dell’Anti 89, dirigé par Pucci Cipriani (n° 30-33, Piazza Martiri 10, Borgo San Lorenzo, Florence) a publié (pp. 4-10) le texte revu et corrigé de la conférence tenue l’année dernière par l’abbé Ricossa au congrès de Civitella del Tronto, et recensé notre revue et le livre de l’abbé Cekada édité par notre coopérative d’édition. Controrivoluzione a trouvé opportun de préciser, toutefois, qu’il ne s’identifie pas à nos positions, ce qui était pleinement son droit: la clarté n’a jamais fait de mal à personne. Nous devons pourtant constater que des personnes, revues et associations plus éloignées de nos (pourtant claires et nettes) positions, se sont révélées plus ouvertes que les autres qui en théorie, devraient nous être plus proches. Nous pensons, par exemple, à l’interdiction de participer à un congrès organisé à Rimini par la Fraternité Saint Pie X, faite par l’abbé Esposito, supérieur du district de ladite Fraternité en Italie, à l’abbé Nitoglia. Celui-ci avait été invité à l’époque à participer par un congressiste, le Docteur Carlo Alberto Agnoli. La Contre-Réforme catholique: la réaction de la Fraternité Saint Pie X. Le n° 304 de la CRC, dirigée par l’abbé de Nantes, consacré à Sodalitium et à l’Institut, dont nous avons parlé dans le dernier numéro, (pp. 68-70) a suscité un grand retentissement, surtout en France. Les réactions ont été contrastées: certains nous ont écrit nous invitant à rejoindre les positions de l’abbé de Nantes, d’autres, au contraire, l’ont fait en craignant un rapprochement de notre part avec ces positions. D’une autre teneur, la lettre que le Père Barbara nous a en- voyée à ce sujet, le 12 décembre, et que nous publions dans cette même rubrique. Même jusqu’à la Fraternité Saint Pie X, qui s’est imposée comme règle de ne jamais répondre publiquement à notre Institut et qui a partiellement changé d’attitude, dédiant à l’événement un article non signé intitulé: “M. l’abbé de Nantes prend une position surprenante. De Nantes-Ricossa: d’accord mais désunis, désunis mais d’accord” (dans Fraternité Saint-Pie X. Bulletin officiel du District de France. 15 décembre 1994, n° 108, pp. 3-4; en abrégé: B.O.). Le bulletin en question, dirigé par le nouveau supérieur de district, l’abbé Benoît de Jorna, est réservé uniquement aux prêtres de la Fraternité et à certains de leurs collaborateurs: c’est pourquoi la réponse (que l’on peut attribuer probablement à l’abbé Pivert) est seulement en partie publique, et les simples fidèles devaient rester dans l’ignorance. En vérité, nous ne voyons pas ce qu’il y a de “surprenant” dans la “position” qu’aurait prise l’abbé de Nantes dans le n° 304 de sa revue. Bien plus, nous ne voyons même pas quelle “position” il a “prise”, puisqu’il n’a rien fait d’autre que de confirmer son opinion sur la situation de l’autorité dans l’Eglise, opinion qu’il défend depuis presque trente ans. Cette position n’est pas la nôtre; l’abbé de Nantes l’a souligné au point que, pour lui, nous ne ferions même plus partie de l’Eglise. Comme on le voit, en cela, il nous traite de la même manière que la Fraternité (quoiqu’en veuille insinuer l’article du B.O.). D’autre part, la Fraternité et l’abbé de Nantes ont en commun la même position (minimaliste) sur l’infallibilité du magistère ecclésiastique et, par conséquent, la reconnaissance de Jean-Paul II comme Souverain Pontife. Qu’est-ce qui a provoqué, alors, l’indignation des rédacteurs du B.O., après la lecture de la CRC? Les expressions élogieuses adressées par la CRC à la qualité de nos écrits: “l’abbé de Nantes a pris une position pour le moins paradoxale, et même assez enflammée: ‘fervente et savante défense de la foi’, ‘prêtres pieux et savants’, ‘le présent numéro sera entièrement constitué de leurs travaux’, etc. etc.”. S’agit-il d’un cas de jalousie? Il semblerait que oui, à en juger par ce qui suit. “En ce qui nous concerne cela nous est égal” écrit, en effet, le B.O., mais... mais “Nous aurions alors espéré que notre prétendu schisme nous sépare encore moins de l’abbé de Nantes, qui reconnaîtrait enfin la valeur doctrinale des études de Mgr Lefebvre, depuis les ‘Dubia’ jusqu’à ‘Ils L’ont découronné’, en passant par l’‘Itinéraire Spirituel’. 80 Il faut croire que notre position doctrinale n’est pas une ‘fervente et savante défense de la foi catholique intégrale’”. Oui, c’est justement une attaque de jalousie. Et de rancœur. Que quelqu’un hors de la mêlée, étranger à la dispute, nous ait publiquement définis “pieux”, “fervents” et, même, “savants”, ne plaît justement pas à nos anciens confrères. Et pourquoi? Justement parce que nous sommes des anciens confrères: “Rien sur leur indépendance exacerbée, sur leurs exagérations et déséquilibres qui sont, au premier chef, causes de grands dommages aux âmes. Rien sur leurs infidélités après le ‘promitto’ de leur ordination. On ne sait s’ils sont schismatiques quoiqu’ils ‘n’aient pas su garder leur appartenance au Corps mystique’. C’est le seul point, oui le seul, sur lequel l’abbé de Nantes se trouve séparé de nos anciens confrères”. Que de passion en peu de lignes! Et pourquoi? La réponse est dans le dernier mot: “anciens confrères”. Notre vrai tort est d’être sortis, il y a maintenant dix ans, de la Fraternité Saint Pie X (au terme, entre autres, des engagements qui nous liaient à elle). Ce fait est considéré comme grave au point de permettre de nous adresser des reproches (indépendance, infidélités) qui auraient un sens uniquement si la Fraternité s’identifiait avec l’Eglise (de laquelle on ne peut sortir sans infidélité) et non avec une société qui, tout comme la nôtre, n’est même pas canoniquement érigée dans l’Eglise! Sur ce point, l’Institut et Sodalitium font une proposition aussi à la Fraternité Saint Pie X, une proposition sérieuse et sincère. De nombreux fidèles sont troublés par les divisions qui traversent le champ “traditionaliste”. Sans confondre nullement nos positions, nous avons, comme on l’a vu, ouvert un débat avec des personnes proches de la thèse de l’“indult” (comme Controrivoluzione), avec l’abbé de Nantes ou avec certains “sédévacantistes” qui n’acceptent pas la Thèse de Cassiciacum. Nous sommes disposés à le faire, de la même manière, avec la Fraternité, comme nous l’avons déjà demandé justement à l’abbé de Jorna, depuis quelques mois, dans une lettre restée, pour le moment, sans réponse. Le débat ne doit pas porter sur les personnes, mais sur la doctrine, non pour nous montrer plus savants, mais pour étudier des problèmes essentiels qui sont, en même temps, difficiles et délicats. Peut-être, le débat pourra-t-il être aussi polémique, ou les positions inconciliables. Mais que nous soyons confrontés, finalement, sur la doctrine, avec honnêteté et sérieux, sans rancœur ni jalousie. La Contre-Réforme catholique: relance de la controverse. Le n° 308 de la Contre-Réforme catholique parle à nouveau de l’Institut Mater Boni Consilii (et précisément, dans l’annexe Lettre de la Communion Phalangiste, n° 58, déc. 1994, pp. 25-28), avec un article signé d’un des religieux de l’abbé de Nantes, Fr. François, et intitulé La controverse est bien engagée avec l’Institut Mater Boni Consilii. Selon la CRC “une controverse est désormais engagée. Elle est des plus importantes. Il s’agit pour nous [de la CRC] de savoir si oui ou non ces ardents défenseurs de la foi catholique intégrale se sont retranchés de la communion de l’Eglise romaine”. Pour cela la CRC publie, d’abord, deux lettres écrites par l’abbé Ricossa à l’abbé de Nantes les 18 et 22 octobre, et le texte de notre réponse au n° 304 de la CRC, publié sur le n° 37 de Sodalitium. A ce propos, nous pourrions récriminer que les deux lettres, privées, à l’abbé de Nantes, ont été publiées sans notre autorisation; nous ne le faisons pas, et prenons acte du fait que l’abbé de Nantes préfère un débat public à un échange épistolaire privé. Quant au texte extrait de Sodalitium, il a été publié intégralement, à l’exception du passage (signalé cependant par des points de suspension) dans lequel nous avons écrit de Mgr Guérard qu’il «n’est pas notre “seul” maître; nous n’avons qu’un seul Maître, Jésus-Christ, et qu’une seule “Maîtresse”, l’Eglise». A ces deux pages reproduisant nos écrits, la CRC répond par deux autres pages, intitulées “la formule d’union de la Ligue de Contre-Réforme catholique”. Avant d’examiner (malheureusement sommairement) ces pages, nous voudrions préciser pour les lecteurs que, volontairement, nous limitons la discussion au seul point de l’autorité de JeanPaul II. Nous rappelons toutefois ce qui a déjà été dit, c’est-à-dire que pour nous il y a beaucoup d’autres points (philosophiques, théologiques, politiques, de spiritualité) sur lesquels nous ne sommes pas d’accord avec la CRC. Cette réserve faite, venons-en au problème qui est l’objet de la discussion. La CRC publie, avant tout, la “formule d’union” de l’abbé de Nantes du 28 septembre 1974 (les caractères gras sont de la CRC): “Si d’autres paraissent dévier de la vraie foi et pervertir l’enseignement de l’Eglise, nous devons les reprendre, combattre leurs opinions, en appeler enfin au jugement décisif du Magistère, mais sans cesser pourtant de les tenir pour 81 membres de la sainte Eglise, tout comme nous, et de les honorer comme nos frères en Jésus-Christ, nous souvenant que seul le jugement souverain de l’Eglise déclare l’hérésie et excommunie l’hérésiarque. Pour notre part, nous ne voulons ni ne prétendrons jamais enseigner, sanctifier, gouverner l’Eglise ou l’une quelconque de ses parties en nous substituant, en quelque façon que ce soit, au Magistère dont c’est l’office exclusif. Nous refuserons toujours de faire la guerre à nos frères en les déclarant, de notre propre chef exclus de l’Eglise ou déchus de leurs fonctions d’autorité, quels que soient nos différends. Mais nous porterons toutes nos inquiétudes et nos indignations, nos plaintes et nos accusations au tribunal de la Sainte Eglise pour qu’elle juge entre nous et nos frères, selon la Foi, la Loi et le Droit catholiques”. Peut-être la chose surprendra-t-elle la CRC (et quelques autres), mais nous ne voyons, dans cette formule, rien d’incompatible avec notre position (qui, toutefois, nous oblige à des précisions ultérieures, et là notre position devient incompatible avec celle de l’abbé de Nantes). En particulier, Fr. François démontre ne pas connaître suffisamment la Thèse de Mgr Guérard à propos de l’hérésie formelle, c’est pourquoi il enfonce des portes ouvertes quand, citant l’abbé de Nantes, il nous rappelle que “doit être considéré comme hérétique celui-là seul qui, professant quelque erreur contraire à la foi catholique, a été l’objet d’une monition canonique et a refusé de se rétracter et d’abjurer son erreur dans les délais fixés. Tel est ‘l’hérétique formel’, l‘opiniâtre’”. Parfait! Accord total [si l’on précise qu’on peut être hérétiques formels si on s’oppose consciemment à l’enseignement de l’Eglise, même avant la monition, bien qu’en effet on ne puisse être considérés comme tels devant l’Eglise qu’après la monition canonique]. Pour cela il n’est pas vrai (au moins sur ce point) que “l’abbé Ricossa (...) ne saisit pas exactement l’attitude” de l’abbé de Nantes, qui “sait son incompétence à les déclarer [Paul VI et ses successeurs] formellement, complètement hérétiques”. En cela, sa position est la nôtre, et s’il “l’a expliqué [de nombreuses fois] précisément au cours de controverses avec des sédévacantistes”, on peut dire la même chose de Mgr Guérard. Aucun “fanatisme”, donc, au moins de la part de qui suit la “Thèse de Cassiciacum”. Là où au contraire cette “Thèse” s’éloigne radicalement de la position de la CRC c’est, comme nous l’avons déjà souligné dans le dernier numéro de Sodalitium, à propos de l’infallibilité du magistère ecclésiastique. Quand on touche à ce point, les nerfs de nos confrères français sont visiblement à fleur de peau, et la réaction au bas mot inconsidérée. “Sodalitium ne peut entrer dans une telle perspective - conclut Fr. François - ni épouser notre querelle car, dès le principe, il commet une erreur, salva reverentia, sans doute apprise de ses maîtres d’Ecône, touchant à l’infallibilité du Pape, plus encore que du Concile, et à l’indéfectibilité de Rome, exagérément exaltée par le Séminaire français de jadis, d’où sont sortis tous les maîtres de l’intégrisme. Croyance en l’indéfectibilité absolue des papes et des conciles, en l’assistance, voire l’inspiration! du Saint-Esprit préservant le Siège apostolique de toute fausse manœvre... D’où vénération, soumission, respect, obséquiosité récompensés de mille faveurs, envers tout le personnel ecclésiastique romain”. Selon Fr. François, ce “culte” du Pape (certains, pas lui, parlent de “papolâtrie”) aurait conduit les “intégristes”, face à la dure réalité de Vatican II, voulue par les “Papes”, à deux erreurs extrêmes: l’acceptation du Concile, pour les uns; le schisme et même le sédévacantisme, pour les autres. Dans ces lignes, Fr. François est plus polémiste que théologien. Quant à la supposée influence du Séminaire français sur nous, par l’intermédiaire de Mgr Lefebvre, qui en fut l’élève, elle est inexistante. Soit parce que, en Italie, le “défaut” que la CRC nous reproche (la dévotion au Pape et au Saint-Siège) est (était?) courant, soit parce qu'à Ecône, au fil du temps, prévalait en Mgr Lefebvre, sur sa formation “romaine”, la tradition gallicane (tradition qui, chez l’abbé de Nantes, semblerait encore plus forte, et s’ajouterait, qui plus est, à la formation qu’il a reçue des Sulpiciens). Quant à la substance même de la théorie de Fr. François, on dirait qu’il fait une confusion entre le gouvernement du Saint-Siège et son magistère. Une chose est le gouvernement, à savoir les choix contingents des Pontifes pour le gouvernement de l’Eglise; autre chose les lois décrétées par les Souverains Pontifes pour régir la discipline ecclésiastique; autre chose encore leur magistère authentique. Quant au gouvernement de l’Eglise, le Pape a certainement les grâces d’état pour bien remplir son rôle, mais personne ne discute sur le fait que les Papes peuvent exceptionnellement se tromper (et même pécher), tant il est vrai que la politique d'un Pontife, parfois, 82 change profondément de celle de son prédécesseur. A ce propos, il nous semble qu'un catholique puisse, en cas extraordinaires, ne pas partager certains choix de gouvernement de tel ou tel autre Pontife, sauf le devoir d'obéir et le respect à conserver (par manque de ce respect, Saint Pie X mit à l’index des livres prohibés un ouvrage de l’abbé Barbier qui critiquait le pontificat de Léon XIII). Concernant les lois universelles de l'Eglise (liturgie, droit canonique, etc.), elles ne sont pas irréformables et peuvent être améliorées, mais il est impossible qu’elles soient nocives au bien des âmes, ou contraires à la foi ou à la morale: la sainteté même de l’Eglise et son indéfectibilité en subiraient les conséquences. Quant au magistère ecclésiastique, enfin, il peut être exercé par le Pape seul (magistère pontifical, ou du Pape) ou uni aux Evêques (magistère de l'Eglise, ou universel), en forme solennelle ou ordinaire. Quelle est la valeur de ce magistère? Celle qu'il s'attribue lui-même! Donc, s'il affirme qu’une doctrine est révélée, il faut croire de foi divine qu'elle est révélée. Si elle est certaine, qu'elle est certaine, si elle est sûre, qu'elle est sûre, etc. En effet, en s'adressant aux apôtres, et donc à ses successeurs, le Seigneur a dit: “Qui vous écoute, m'écoute, qui vous méprise, me méprise”. C'est pourquoi, l’obligation de la soumission interne et externe a été rappelée constamment par l'Eglise, par exemple contre les arguties mises en avant par les jansénistes pour l'éviter. C'est pourquoi, si le Concile Vatican II avait été promulgué par la suprême autorité ecclésiastique, les fidèles auraient tous l’obligation, sous peine de péché mortel, d’adhérer à tout son enseignement et à croire vérité de foi ce que le Concile a déclaré être divinement révélé (ou connexe à la révélation). En effet, même à considérer Vatican II seulement magistère ordinaire, comme singulièrement l’a déclaré Paul VI, on devrait conclure que non seulement il est magistère, mais aussi protégé de l’infaillibilité du magistère ordinaire universel. De la même façon, la réforme liturgique et canonique, ne pourrait contenir rien de nocif aux âmes, à la foi, à la morale. Or, nous ne “choisissons” pas, selon la malheureuse expression de Mgr Lefebvre, entre magistère et magistère, entre Papes anciens et Papes nouveaux. Il ne s’agit pas de choisir ce qui nous agrée le plus dans le magistère de l’Eglise; il s’agit d’adhérer au magistère de l’Eglise. Nos esprits, qui déjà adhèrent à l'enseignement traditionnel de l’Eglise, voudraient, mais ne peuvent pas, adhérer à celui de Vatican II, parce qu'on ne peut croire simultanément à une proposition et à son contraire. L’unique explication possible à cette situation apparemment impossible, est que Paul VI (et ses successeurs solidaires avec lui) ne jouissaient pas de l'autorité divine, et donc du charisme de l'infaillibilité. Nous ne déclarons donc pas la vacance du Siège Apostolique, dépourvus que nous sommes de toute autorité dans l'Eglise (et c'est la raison pour laquelle nous soutenons que le Siège est matériellement occupé par l'élu du conclave), mais nous constatons que Paul VI et ses successeurs n’ont pas l’autorité pontificale (ne sont pas formellement Papes) et ne sont donc pas divinement assistés. Mais nous ne disons pas qu'ils peuvent être déclarés par nous formellement hérétiques, ou exclus de l'Eglise. Quant au procès canonique que l’abbé de Nantes souhaite, nous le souhaitons substantiellement nous aussi: que les Evêques se lèvent, professent ouvertement la foi catholique, demandent au nom de l'Eglise à Jean-Paul II de la professer lui aussi, en abjurant toutes les erreurs, sous peine de constater (ou déclarer) même canoniquement son hérésie et sa déchéance (même materialiter) du Siège Apostolique. Il nous semble donc de notre devoir de répéter que le motif pour lequel la CRC et Sodalitium ont une position différente sur la légitimité de Jean-Paul II doit se chercher dans une conception différente du magistère ecclésiastique, de son infaillibilité et de l’assentiment qui, en tout cas, lui est dû. La Contre-Réforme catholique: une lettre du R. P. Barbara. Nous avons reçu et nous publions une lettre du R. P. Barbara occasionnée par le n° 304 de la CRC; elle pourrait s’appliquer aussi au cas de tous ceux qui affirment que JeanPaul II est “Pape, mais mauvais Pape”. Cher Monsieur l’Abbé, Un ami vient de me passer le n° 304 de la CRC consacré à «L’épais dossier de Sodalitium». Je n’avais jamais lu de compliments aussi flatteurs à votre sujet, que ceux que vous adresse M. l’abbé de Nantes dans ce numéro: «Une masse d’accusations imparables contre S.S. Jean-Paul II»; «leur fervente et savante défense de la foi catholique intégrale». Il parle de vos études «touchant des questions d’une actualité brûlante, où se manifeste leur haute compétence, jamais prise en défaut». Malheureusement, n’ayant pas compris la thèse de Mgr Guérard, il déplore que vous la suiviez pour votre malheur. En effet, pour 83 lui, rejeter l’Autorité des papes de Vatican II, n’accepter ces derniers que comme «papes materialiter», c’est tout simplement se séparer de l’Eglise, c’est sombrer dans le schisme, horrendum est! A ce sujet, il est on ne peut plus formel: «c’est le seul point, qui n’est pas de détail! sur lequel nous nous trouvons séparés, et c’est grand dommage! » Et dans le paragraphe suivant, lorsqu’il dit sa volonté de «faire connaître cet institut sacerdotal si méritant, et ses enquêtes ou études doctrinales de grande valeur,» il reprend la même accusation: «sans pour autant gommer notre unique différend touchant notre appartenance inviolable à la sainte Eglise romaine.» Si l’abbé de Nantes acceptait le dialogue, j’aimerais lui rappeler un enseignement de Jésus et lui poser deux questions. En effet, Jésus nous a parlé des pasteurs justement pour nous dire le comportement que ses disciples doivent adopter avec les mauvais et les faux. Ma première question serait alors la suivante: dans quelle catégorie placez-vous les “papes de Vatican II”? Après tout ce qu’il a écrit sur eux, il ne les classera pas parmi les bons. Reste donc les mauvais ou les faux. Si, pour lui, les “papes” de Vatican ne sont que mauvais, voire très mauvais, ma seconde question serait: «pourquoi corrigezvous l’Evangile en vous abstenant de faire ce qu’ils disent?» Le Seigneur a pourtant été formel: «écoutez-les mais ne les imitez pas, car ils disent mais ne font pas ce qu’ils disent» (Ce qui n’est le cas ni de Paul VI, ni de J.-P. II. Eux commandent et entraînent par leur exemple). Si, avec la grâce de Dieu, il finit par découvrir en eux les faux pasteurs, il devra nous rejoindre ou nous dire en vertu de quel principe catholique il commande de ne pas le fuir?» J’ajouterai une question supplémentaire: «Depuis quand et en vertu de quel principe, Monsieur l’abbé, fuir le mercenaire entré dans la Bergerie, fait quitter l’Eglise?» Voilà, mon cher ami, les réflexions que m’a suggérées la lecture de cette publication de l’abbé de Nantes. Si vous le jugez bon, je vous autorise à les faire connaître à vos lecteurs de langue française. J’y ajoute, pour vous et vos confrères, toute mon amitié. Père Noël Barbara Attaques à la Thèse de Cassiciacum. Les attaques contre la “Thèse” de Mgr Guérard des Lauriers, défendue aussi par notre Institut s'intensifient. Mgr McKenna nous a signalé qu'est amplement diffusée aux EtatsUnis une série d'articles de Myra Davidoglu contre la “Thèse”, publiés à l'origine en français sur la revue “La Voie”. Au cours de son voyage en Argentine, l'abbé Ricossa a pris connaissance du n° 129 de la revue Roma (Noël 1993) contenant une étude d'Homero Johas contre la “Thèse”. Nous répondrons aux deux études dans les prochains numéros de Sodalitium, en exposant positivement la “Thèse de Cassiciacum” et en répondant aux objections. Mais il nous déplaît de devoir constater encore une fois, le manque de scientificité et de correction du docteur Johas (grand électeur du récent “conclave” d'Assise). Déjà dans le n° 30 (éd. ital.) de Sodalitium (pp. 43-45) nous avons publié, à sa demande, l'une de ses lettres, dans laquelle, protestant contre l'un de nos précédents articles, il devait admettre avoir taxé Mgr Guérard d'hérésie sans avoir jamais lu pas même une ligne de ses écrits. La revue Roma, ensuite, publiait la lettre de Johas, sans notre réponse. L'abbé Ricossa écrivit alors au directeur de la revue, le docteur Roberto Gorostiaga (actuellement nommé, paraît-il, “cardinal”), en déplorant l'incorrection (Sodalitium avait publié la lettre de Johas, Roma aurait dû publier notre réplique!), mais en renonçant, par amour de la paix, à demander par voies légales l’insertion de notre réponse, et en invitant le docteur Johas, qui annonçait une étude contre la “Thèse”, à prendre directement contact avec nous pour pouvoir en parler en connaissance de cause. Ni Johas ni Gorostiaga n'ont répondu à notre lettre; bien plus, l’envoi de la revue Roma à Sodalitium a été suspendu, de telle manière que nous n'avons pu lire rapidement l’article du docteur brésilien. Après l'avoir lu (en novembre 1994!), l’impression est la même que la première fois: absence totale de scientificité et de correction. En effet, à part les erreurs de la thèse de Johas, et le manque de fondement des critiques (auxquelles nous répondrons ensuite), celui qui frappe le plus est l'incorrection de la méthode. Le docteur Johas entend réfuter la “Thèse”. Bien, le minimum serait de la lire! Mais il n'a lu ni les six numéros des Cahiers de Cassiciacum où la thèse fut exposée, ni le livre de l’abbé Lucien où elle fut vulgarisée, ni les articles de Mgr Gué- 84 rard publiés sur le BOC et sur SLB. Uniques références: “un résumé de la Thèse de Cassiciacum fait par le prélat en 1987” et “une exposition faite par lui en 1988 lors d'une consécration épiscopale” (Roma, n° 129, p. 2). [En réalité le sermon, publié en 1988, est de 1987, puisqu'en 1988 Mgr Guérard n'a consacré personne, il est mort! On dirait que ce sermon il ne l'a même pas lu!]. Déjà la méthode serait peu scientifique, examinant seulement un sermon et le résumé de la “Thèse”, fait au cours d'une interview! Encore moins sérieux est d'omettre les références d'où il a extrait ses citations. Non seulement il ne cite pas les pages, mais même pas la revue d'où il a tiré les mots qu'il critique (pour être exact, il s'agit de Sodalitium, n° 13, pp. 18-34 et n° 16, pp. 3-9). De cette manière ses lecteurs ne pourront jamais vérifier l’exactitude des citations, ou leur contexte. Et ils auraient eu raison de le faire! Un seul exemple le démontre abondamment. Johas attribue à Mgr Guérard une fausse conception de matière, par lui définie quod habet esse (ce qui a l’être). Selon Johas, Guérard des Lauriers affirme: “Tout étant créé est composé: si cet étant est matériel, il est composé de la matière et de la forme. La forme se définit comme quo aliquid habet esse (au moyen de laquelle chacun a l'être) et la matière se définit comme quod habet esse (Ce qui a l’être)” (ibidem). En effet la définition serait inexacte, puisque “ce qui a l’être” n'est pas la matière, mais le composé qui résulte de l’union de la forme avec la matière. Mais Mgr Guérard a-t-il vraiment écrit une telle énormité? Bien sûr que non! Il écrivit: “Tout étant créé est composé. Si cet étant est matériel [et non esprit pur], cette composition est celle de la matière et de la forme. La forme se définit: quo aliquid habet esse, ce selon quoi tel étant a d'être; ainsi l’âme est la forme du composé humain. La matière, globalement considérée, c'est, dans l'étant, ce qui est distinct de la forme, et a l’être par la forme; la matière sujet se définit quod habet esse: ce qui, dans l'étant concret, a l’être; ainsi le corps uni à l’âme, dans le composé humain” (Sodalitium, n° 13, p. 18). Ainsi, une phrase de Mgr Guérard d'environ 92 mots, est transformée par Johas, sans aucun avertissement, en une d'environ 38 mots! Le résultat? Ne plus rien comprendre de ce que voulait dire Mgr Guérard, qui ne voulait pas donner une définition de la “matière première” indépendamment de la “forme substantielle” (il avait dé- jà dit que matière et forme sont des éléments du composé; il ne croit donc pas que la matière est le composé, comme lui fait dire Johas) mais expliquer le rapport entre matière et forme, où la forme donne l'être (forma dat esse) et détermine la matière, alors que la matière a l'être par la forme, et est déterminée par elle. Peut-être les lecteurs ne comprendront-ils pas ces dissertations philosophiques. Tous peuvent cependant comprendre que personne n'a le droit de citer entre guillemets un auteur sans le faire correctement, en citant intégralement (ou au moins en signalant les mots omis n'ayant pas d'influence sur le sens de la phrase par des points de suspension) et en mettant en note la référence du livre ou de la revue dont la phrase est extraite. Agir de manière différente est scientifiquement erroné, moralement coupable, éthiquement déloyal. Il s'agit d'un faux par un falsificateur, hélas récidiviste. Qui lit les écrits de Johas, par conséquent, doit savoir avec quelle correction agit l'auteur, et sait quel crédit il faut leur donner. Introvigne. Aucune réaction, à notre connaissance, au dernier article du Père Torquemada sur Massimo Introvigne, déjà publié dans l’édition italienne et reproduit dans le présent numéro (pp. 19-29). Cela n’empêche pas que notre héros persévère. Massoneria oggi (Revue du Grand Orient d’Italie) (n° 2, juillet 1994, pp. 23-26) publie une interview de Massimo Introvigne par Mariano Bianca (un autre, avec Cardini et Introvigne, du comité scientifique d'Ars Regia). Dans toute l'interview, aucune critique à la Franc-Maçonnerie (évidemment) mais éloge final de Jean-Paul II (évidemment). Défunts. Nous recommandons aux prières des lecteurs les âmes des défunts suivants. Assistés par l'abbé Nitoglia, sont morts Ange Pasian (le 25 octobre) et Jean Vincent (le 20 novembre), tous deux de Cannes, Francesco Pristerà (le 14 novembre) à Rome, père de Giuseppe chez qui nous célébrons la Messe, et Giuliano Cominelli (le 4 novembre) à Turin. Assistées par l'abbé Ricossa, sont décédées à Turin Rosa Prono veuve Petrazzini et Carla Costantino Rambaldi, sœur de la regrettée professeur Costantino, respectivement les 21 et 22 janvier. Les membres de l’Institut ont été aussi touchés par la mort de personnes chères. Le 9 novembre est décédé chez lui à Deinze (dans les Flandres, en Belgique) Cristiaen Jaak van Overbeke, père de sept enfants, parmi lesquels notre séminariste Crist, et chrétien exemplaire. Ses funérailles, célébrées par l'abbé Valéry Stuyver dans sa ferme transformée pour l’occasion en une magnifique chapelle, ont été un triomphe de la foi. Le 22 décembre, s'est éteinte la grandmère paternelle de l'abbé Ricossa, Teresa Graglia veuve Ricossa. Son petit-fils en a célébré les funérailles la veille de Noël, dans l'oratoire du Sacré-Cœur à Turin. Enfin, l'abbé Valéry Albert Stuyver est mort le 17 janvier à Dendermonde, alors qu'il récitait le rosaire dans sa chapelle, dans le silence du soir. Né à Aalst le 1er août 1916, il avait été ordonné prêtre le 30 mai 1942 à Gand. Curé de Vlassenbroek jusqu'en 1983, il quitta la paroisse pour témoigner visiblement qu'il n'était pas en communion avec Jean-Paul II. Il a été le héraut fidèle de la foi catholique en Flandres, célébrant à Anvers, Dendermonde et Zele. Il avait acquis la château de Seraingle-Château, près de Liège, qui appartenait à la famille du persécuteur des 19 martyrs de Gorcum, en dédiant la chapelle à ces martyrs, lesquels, au XVIème siècle, illustrèrent la foi catholique à l'Eucharistie et au Pape contre l’hérésie protestante. Le 30 mai 1992 il fêta, entouré de nombreux fidèles, ses 50 ans de sacerdoce à Zele. L’année suivante, il fut frappé d’une première crise cardiaque; malgré tout il continua son ministère sacerdotal avec un grand zèle, espérant pouvoir un jour être aidé par son neveu Geert Stuyver, qui précisément était entré en 1992 au séminaire de Verrua. Le Seigneur en a disposé autrement. Tout l’Institut partage la peine de Geert, de la famille Stuyver, des fidèles flamands, spécialement de Mademoiselle Veldeman, qui a toujours aidé son curé. Les funérailles ont été célébrées le 21 à Zele par le curé de Steffenshausen, l'abbé Schoonbroodt. L'abbé Medina assure, pour le moment, la continuité de l’apostolat du curé Stuyver, qui du Ciel ne manquera pas de prier pour ses séminaristes belges qui se préparent à monter eux aussi un jour à l'autel de Dieu et à perpétuer la Messe que l'abbé Stuyver a défendue si fidèlement durant toute sa vie. Nous recommandons enfin le Père Walter Oddone, ancien supérieur de la Congrégation de l’Oratoire, mort le 14 novembre; Alfons Eisele, de Bâle, directeur de Saka-Informationen, ami de Mgr Guérard des Lauriers, humble et généreux avec tous (et aussi avec notre Institut et Sodalitium); Mgr Alfredo Francis Mendez C.S.C., Evêque d'Arecibo (Porto Rico), mort le 29 janvier. Nous ne le M. l'abbé Valéry Albert Stuyver lors de ses 50 ans de sacerdoce à Zele connaissions pas personnellement, mais nous avions été indirectement en contact avec lui à un moment où il s'était décidé à faire à JeanPaul II les monitions canoniques et à déclarer publiquement qu'il n'en reconnaissait pas l’autorité. Malheureusement, Mgr Mendez ne mit jamais en pratique ce propos et maintint même extérieurement la communion avec Jean-Paul II. Il y a quelques années l’ordination sacerdotale avec le rite traditionnel de quelques séminaristes de la Société Saint Pie V de l’abbé Kelly, accomplie secrètement (mais pas trop…) par Mgr Mendez fit grand bruit [on parle même d'une consécration épiscopale de l’abbé Kelly qui aurait eu lieu en 1993]. Les funérailles de Mgr Mendez, célébrées dans le rite traditionnel par l’abbé Kelly (qui dans la célébration de la Messe n'est pas una cum Joanne Paulo) ont suscité encore plus de bruit. L’Osservatore Romano du 1er février (p. 2) donne la nouvelle de la “pieuse mort” du prélat américain, sans faire allusion aux funérailles si contestées. Hélas, Mgr Mendez aussi, comme d'autres Evêques avant lui, n'a pas accompli jusqu'au bout la charge qui incombait à son rôle épiscopal. Animæ eorum et animæ omnium fidelium defunctorum per misericordiam Ejus requiescant in pace. 86 L’Association Mater Boni Consilii et les pauvres E n 1994 l’Association Mater Boni Consilii s’est aussi prodiguée pour venir en aide aux pauvres et différentes activités ont été organisées dans ce but. Rappelons d’abord la collecte pour les sinistrés des inondations faite en novembre et décembre: nous avons recueilli la somme de 14.500 F, remise en décembre dernier à la Commune de Verrua Savoia, qui a récemment désigné, au cours d’une réunion à laquelle nous avons été invités, les familles de Verrua qui recevront les aides données par des particuliers. Le concert du 16 février 1994 dans les locaux de la “Famija Turineisa” nous a procuré la somme de 6.160 F. La collecte d’objets variés, mis à notre disposition, a donné 15.290 F. Une autre initiative des fidèles italiens a recueilli 8.330 F. Ces entrées, avec toutes les offrandes faites pour aider les pauvres, ont rapporté pour l’année 1994, 66.080 F. Mais les sorties s’élèvent à 83.595 F. Nous devons donc enregistrer un déficit de 17.515 F. Nous rappelons que dans ces quatre dernières années, l’Association a donné 231.581 F, et n’a reçu que 182.350 F: au total, le déficit s’élève à 49.231 F. Comme toujours, les dons en nature, vêtements ou denrées alimentaires, ne sont pas pris en considération dans ce compte. Nous remercions tous ceux qui nous ont aidés pour faire du bien aux nécessiteux; nous rappelons que cette œuvre de charité nous permet de soutenir un grand nombre de pauvres et de familles nombreuses et de distribuer des bourses d’études. Frédéric II: un “hommage” de Sodalitium e 26 décembre 1994 on célébrait le VIIIème centenaire de la naissance de l’empereur Frédéric II, symbole de l’idéal gibelin et considéré encore aujourd’hui par plusieurs comme un modèle. Sodalitium aussi, à sa façon, entend le commémorer. C’est pourquoi nous lui dédions deux citations, l’une en sa faveur, l’autre contre. Les paroles d’Innocent IV, dans la rubrique “La voix du Pape”, présentent un jugement critique du Prince Souabe, tandis qu’une citation de l’historien juif James Darmesteter fait connaître au lecteur l’avis d’un admirateur de l’empereur. A vous de juger. Sodalitium L La voix du Pape « Ne pouvant plus supporter ses vexations sans faire au Christ une grave offense, Nous nous voyons contraints, à bon droit et en conscience, à prendre, à son sujet, de graves décisions. Pour ne pas parler, pour le moment, de ses autres forfaits, il s'est rendu coupable de quatre offenses graves qui ne peuvent être ignorées; il a abjuré Dieu en des occasions innombrables; il a rompu inconsidérément la paix qui venait d'être rétablie entre l’Eglise et l’Empire; il s'est en outre rendu coupable de sacrilège en faisant emprisonner les cardinaux de la Sainte Église romaine, les prélats et ecclésiastiques réguliers et séculiers des autres églises, qui se rendaient au Concile convoqués par Notre Prédécesseur; il est aussi accusé d’hérésie, ce dont les preuves ne sont ni douteuses ni peu consistantes, mais certaines et écrasantes. (...) Pour cela, Nous (...) attestons et déclarons qu'en raison des honteux crimes plus haut mentionnés et de beaucoup d'autres, le susdit prince est enchaîné par ses péchés et exclu et privé par Dieu de tout honneur et dignité; Nous ajoutons encore notre sentence de déposition ». PAPE INNOCENT IV, le 17 juillet 1245, de la Bulle d’excommunication de Frédéric II au IIème Concile de Lyon. LA VOIX DE SION « Le Juif (du moyen âge) s’entendait à dévoiler les points vulnérables de l’Eglise; et il a à son service pour les découvrir, outre l’intelligence des livres saints, la sagacité redoutable de l’opprimé. Il est le docteur de l’incrédule: tous les révoltés de l’esprit viennent à lui, dans l’ombre ou à ciel ouvert. Il est à l’œuvre dans l’immense atelier de blasphème du grand empereur Frédéric et des princes de Souabe et d’Aragon; c’est lui qui forge tout cet arsenal meurtrier de raisonnement et d’ironie qu’il léguera aux sceptiques de la Renaissance, aux libertins du grand siècle; et tel sarcasme de Voltaire n’est que le dernier et retentissant écho d’un mot murmuré, six siècles auparavant, dans l’ombre du ghetto, et plus tôt encore, au temps de Celse et d’Origène, au berceau même de la religion du Christ ». JAMES DARMESTETER, Coup d’œil sur l’histoire du peuple juif, dans “Revue des deux mondes”, 15 mars 1898, pp. 432-433. 87 AVIS AUX LECTEURS DES PAYS EXTERIEURS A L’EUROPE En raison des coûts élevés d’expédition, nous ne pourrons désormais envoyer “Sodalitium” par avion qu’aux personnes apportant leur contribution. D’avance, nous les en remercions. (L'envoi par voie postale ordinaire continuera régulièrement). EXERCICES SPIRITUELS A RAVEAU: “Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme? Ou qu’est-ce que l’homme donnera en échange de son âme?” (Matth. XVI, 26) “Si les hommes passent par les Exercices et les font bien, le monde est sauvé” (Père Vallet, C.P.C.R.). Dames et jeunes-filles: du lundi 31 juillet à 12 h au samedi 5 août à 12h. Hommes et jeunes-gens: du lundi 7 août à 12 h au samedi 12 août à 12h. CROISADE EUCHARISTIQUE CAMP POUR GARÇONS A RAVEAU Enfants de 8 ans accomplis à 13 ans: du lundi 10 juillet à 12 h au mardi 25 juillet à 12 h. POUR TOUT RENSEIGNEMENT S’ADRESSER A L’INSTITUT MATER BONI CONSILII : Tél. (de France): 19. 39. 161. 83.93.35 Fax (de France): 19. 39. 161. 83.93.34 Ou bien écrire: CROISADE EUCHARISTIQUE DE L’INSTITUT MATER BONI CONSILII LOC. CARBIGNANO, 36 10020 VERRUA SAVOIA (TO) ITALIE INSTITUT MATER BONI CONSILII “MOUCHY” - RAVEAU 58400 LA CHARITE SUR LOIRE FRANCE CENTRES DE MESSES FRANCE Annecy: 11, avenue de la Mavéria. Tél. 50.57.88.25 Ste Messe le 2ème et le 4ème dimanche du mois à 10 h. Confessions à 9 h Lyon: 6, rue Franklin (69002). Tél. 78.42.14.79 Ste Messe le 2ème et le 4ème dimanche du mois, à 17h. Confessions à partir de 16h30 ITALIE Verrua Savoia (TO): Istituto Mater Boni Consilii - Località Carbignano, 36 Tél. de l'Italie: (0161) 83.93.35 - Ste Messe: en semaine à 7 h 30 Salut du Saint-Sacrement: tous les vendredis à 21 h Heure Sainte: le premier vendredi du mois à 21 h Turin: Oratoire du Sacré-Cœur, via Saluzzo, 9 D Dimanches: Confessions à 8 h 30. Messe chantée à 9 h. Messe basse à 11h 15 Tous les jeudis et les premiers vendredis du mois: Messe basse à 18 h 15. Confessions à 17 h 30 Valmadrera (Como): via Concordia, 21. Tél. de l'Italie (0341) 58.04.86 Ste Messe le 1er et le 3ème dimanche du mois à 10 h. Confessions à 9 h 30 Marano Vicentino (Thiene-Vicenza): via Vittorio Veneto, 48 chez M. Parolin Ste Messe le 2ème et le 4ème dimanche du mois. Pour toute information, s'adresser à Verrua Savoia Maranello (Modena): Villa Senni. Strada per Fogliano. Tél. de l'Italie: (0536) 94.12.52 Ste Messe tous les dimanches à 11 h, sauf le 3ème dimanche à 9 h Bologne: Ste Messe le 3ème dimanche du mois. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia Ferrare: Ste Messe le 4ème dimanche du mois. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia Florence: via Ciuto Brandini 30, chez Mlle Liliana Balotta Tél. de l'Italie: (055) 68.59.51 Ste Messe le 1er et le 3ème dimanche du mois à 18 h 15 Confessions à 17 h 30 Rome: Ste Messe le 1er et le 3ème dimanche du mois, à 11 h. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia ESPAGNE Madrid: Calle Serrano, 31 - 3°D chez Mme Maria Pilar Alejos Tél. (1) 577.14.31 COMMENT NOUS AIDER - Il n'y a pas d'abonnement à “Sodalitium”. Ce périodique est envoyé gratuitement à tous ceux qui désirent le recevoir. Nous demandons aux personnes qui pour un motif quelconque, ne désirent pas le recevoir, de nous le faire savoir. - L'Institut Mater Boni Consilii et son périodique “Sodalitium” n'ont pas d'autres ressources que vos offrandes sans lesquelles ils ne peuvent vivre. 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