Anno XIII - Sped. a. p. Comma 27 art. 2, Legge 549/95- n. 1/97 TO - Tassa Riscossa, Taxe perçue N. 43. Edition française - Avril 1997 2 “Sodalitium” Périodique - Bulletin Officiel de l'Institut Mater Boni Consilii - Loc. Carbignano, 36 - 10020 VERRUA SAVOIA (TO) - Italie - Téléphone de France 00.39. 161.839.335; Fax 00.39. 161- 839.334 - C/CP 24681108 - Directeur de la publication: M. l'abbé Francesco Ricossa - Aut. Trib. n. 116 du 24-2-84 - Imprimé en Italie par l'Institut Mater Boni Consilii. Sommaire Editorial Revue de Presse La condamnation à mort de Jésus La question du Messie “Le Pape du Concile” (XXème partie) La Règle de notre Foi Les erreurs de Sì Sì No No La voix du Pape A propos de la réception des documents du magistère et du désaccord public L’Osservatore Romano “Je suis prêt à mourir pour la cause de Dieu et de son Eglise”. Vie de St Thomas Becket RECENSION: Les mythes fondateurs du Sionisme Vie de l’Institut Editorial “U ne nouvelle Pentecôte”. C’est par cette image que Jean XXIII décrivait ce qu’auraient dû être les effets du Concile Vatican II. Il y avait de quoi enthousiasmer les âmes pieuses. Depuis plus de trente ans, nous assistons non pas à une nouvelle Pentecôte, mais à une grande apostasie. Le dernier numéro de 30 Giorni (n° 2, février 1997, pp. 16-20) raconte avec enthousiasme (qui serait digne d’une meilleure cause) l’apostasie de l’Eglise gréco-catholique melchite d’Antioche, qui en 1724 quitta le schisme pour se réunir à Rome. Son Patriarche, Maximos V Hakim, (successeur de ce Maximos IV qui au concile Vatican II intervint constamment contre Rome et la papauté et qui, pour cette raison, fut créé cardinal par Paul VI), appuie l’initiative d’Elias Zoghby, évêque émérite de Baalbek, consistant à demander aux “orthodoxes” de Constantinople de rentrer dans leur communion, sans se séparer (apparemment, au moins) de Rome. 25 évêques melchites sur 27 se sont dits d’accord. Plus grave encore, Jean-Paul II s’est dit d’accord. Or, Maximos V et son clergé ont affirmé que la primauté du Pape doit être ré- p. 2 p. 3 p. 4 p. 8 p. 19 p. 31 p. 35 p. 58 p. 58 p. 63 p. 71 p. 76 p. 81 duite à la manière dont elle était interprétée au premier millénaire chrétien; c’est pourquoi, d’après lui, “il n’est pas pensable de proposer aux orthodoxes comme condition préalable à l’unité la discussion sur tout ce que les conciles de l’Eglise d’Occident ont défini au second millénaire, y compris l’infaillibilité du Pape”. Et il ajoute: “il faut reconnaître que tous les conciles successifs à la fin du premier millénaire, Vatican I et Vatican II inclus, ne peuvent pas être définis comme œcuméniques (...) ils sont considérés comme des conciles d’une Eglise particulière, l’Eglise d’Occident...”. Cette doctrine aberrante, hérétique et schismatique, d’où vient-elle? “Nous avons seulement pris avec sérieux certains passages des deux lettres papales Orientale lumen et Ut unum sint...”. Qu’en pense Jean-Paul II? Prendre au sérieux son “magistère”, selon un Patriarche catholique, ne revient pas à autre chose qu’à retourner... dans l’“église orthodoxe”! Encore une fois, donc, l’attaque de l’hérésie se dirige contre l’infaillibilité du Pape et de son Primat. C’est pourquoi nous considérons de la plus grande importance de réfuter ce que soutient le théologien de la Fraternité Saint Pie X, l’abbé Marcille, à propos de l’infaillibilité et de l’autorité du magistère ecclésiastique, de celui du Pape comme de celui de l’Eglise. Ce serait Sur la couverture: Les quatre Docteurs de l’Eglise latine: St Augustin, St Grégoire-leGrand, St Jérôme et St Ambroise. Ce dernier a été, selon Jean-Paul II, un “violateur de la liberté et de la justice” (cf. ce numéro p. 68). Reproduction du tableau de P. F. Sacchi de Pavie (Louvre, XVIème siècle). 3 Maximos V Hakim, patriarche gréco-catholique melchite d’Antioche ✄ Revue de Presse l’édition italienne de ce numéro de Sodalitium nous Snosurpublions une revue de presse détaillée concernant surtout “frères aînés”. Par manque de place, nous ne pouvons la publier sur ce numéro, ni vraisemblablement sur les pro- • Les “Frères aînés” et la Grande Loge nationale de France: Après plusieurs mois de tractations, le grand rabbin de France, Joseph Sitruk a accepté d’aller “plancher” chez les francs-maçons de la Grande loge nationale française. “Cela fait pas mal de temps qu’ils cherchaient à l’avoir”, confie un membre de l’équipe de Sitruk. De mémoire consistoriale, il s’agissait bien d’une première. “A ma connaissance, ni Kaplan, ni Sirat n’ont effectué ce genre de visite dans un temple maçonnique”. La conférence a donc eu lieu le 31 janvier dernier devant un millier de “frères” captivés. Le grand rabbin a parlé de “Jérusalem, ville de la fraternité universelle”. Joseph Sitruk a également tenté d’expliquer aux francs-maçons les bienfaits du Chabbath. (Actualité Juive, n° 462, 15-02-1996, p. 6). • France. Jacques Chirac, bien que très proche de la communauté juive française, a soutenu récemment la cause palestinienne. Cela ne portera pas bonheur au président français, estime le journaliste François Brigneau qui dans un article (Chirac et la malédiction d’Israël) paru sur National hebdo (n° 641, 31 oct.-6 nov. 1996, p. 18) explique comment une prise de position similaire coûta sa place à de Gaulle en 1969 et ensuite à Giscard, et fit du tort politiquement à Pompidou. Le chef du gouvernement, Juppé, a vite réhabilité les néogaullistes, en soutenant les demandes juives d’indemnisations pour les victimes de la dernière guerre. une catastrophe si précisément les catholiques qui s’opposent à Vatican II se joignaient au chœur des ennemis de la Papauté et de son magistère infaillible. En nous opposant à ces fausses doctrines, venant du néomodernisme triomphant comme d’un “traditionalisme” toujours plus antiromain, nous ne pensons pas faire œuvre de division ou de polémique stérile, mais œuvre d’amour envers l’Eglise catholique, l’unique vraie et indéfectible Eglise du Christ. chains, puisqu’il s’agit d’informations d’actualité qui sont très vite dépassées par les événements. Le lecteur français peut trouver ces mêmes informations sur différentes publications, parmi lesquelles, par exemple, Faits & Documents (B.P. 254-09, 75424 Paris Cedex 09). Les personnes désirant quand-même lire cette rubrique, peuvent nous demander l’édition italienne de Sodalitium. Pour les autres, nous publions un court extrait de la rubrique. • Théologie: “...dans l’Evangile qui nous parle tout le temps de l’amour du prochain on trouve des phrases comme celle-ci, dans St Jean: ‘A partir de ce moment-là les Juifs cherchèrent à faire périr Jésus’. Des phrases comme ça ne sont pas innocentes. Il faut que j’en sois conscient, moi, en lisant ma tradition chrétienne”. Telles sont les paroles de Mgr Teissier, “archevêque” d’Alger. (Messages du Secours Catholique, n° 494, juillet-août 1996, p. 10). • “Tous les Cohen sont des descendants d’Aaron”: c’est ce qu’annonce triomphante Actualité Juive (9-01-1997, p. 17), sur la base d’une recherche génétique dirigée par le professeur Karl Skorecki, de la faculté de médecine d’Haïfa, en Israël. Le but ultime de ces recherches génétiques pourrait être la restauration du sacerdoce de l’Ancien Testament (et donc du Temple de Jérusalem). * Actualité Juive définit la propagande des missionnaires “poison dans les boîtes à lettres” et les missionnaires eux-mêmes sont, pour le rabbin Tsvi Cohen, “des gens maléfiques qui ont réussi, dans le passé, à détruire des centaines de familles de notre peuple” (12-12-1996, p. 22). • Après sa réélection, Bill Clinton a procédé à deux nominations importantes: William Cohen à la Défense et Madeleine Albright aux Affaires Extérieures, fille du diplomate tchèque d’origine juive Joseph Korbel. Mais tant Cohen que Mme Albright, comme d’ailleurs Sandy Berger (nouveau Chef du conseil de sécurité de la Maison Blanche) sont “juifs de nom mais non de fait” pour le politologue Walter Lacqueur (Il Giornale, 9-12-96, p. 14; Il Foglio, 11-12-96, p. 1). Cela pour ce qui est des déclarations ad extra. Ad intra, pour le lecteur juif, on écrit: “la désignation de Madeleine Albright au poste de secrétaire d’Etat a été extrêmement bien accueillie en Israël, où elle s’est acquis une solide réputation par ses interventions aux Nations Unies, réussissant à plusieurs reprises à modérer des résolutions anti-israéliennes, ce qui lui valut le respect et l’estime de la communauté juive américaine”. (Actualité Juive, 12-12-1996, p. 11). 4 La question juive LA CONDAMNATION A MORT DE JESUS Par M. l’abbé Curzio Nitoglia LE SANHEDRIN AU TEMPS DE JESUS: LES PERSONNES L e Sanhédrin était le Tribunal suprême des Juifs. Il fut établi à Jérusalem, après l’exil babylonien (586 avant J.-C.). Le conseil des soixante-dix anciens, institué par Moïse (1280 avant J.-C.) en était le modèle, mais on ne peut pas dire, comme le font les rabbins, que le Sanhédrin était ce conseil lui-même, seul son nom ayant changé. Le conseil institué par Moïse dura peu de temps et fut créé pour soulager Moïse luimême, dans l’administration de la justice. Il disparut dès l’entrée d’Israël dans la Terre promise. “S’il s’était maintenu à côté de la puissance royale, comme le prétendent les rabbins, la Bible, Josèphe Flavius ou Philon en auraient certainement fait mention” (1). D’après les frères Lémann, voici au contraire la vérité: le Sanhédrin apparaît pour la première fois à l’époque machabéenne, entre l’an 170 et l’an 106 avant J.-C. Il se composait de soixante et onze membres, les présidents compris (2). Au temps de Jésus, ces soixante et onze membres se distribuaient en trois chambres: la chambre des Prêtres, celle des Scribes ou Docteurs et celle des Anciens. L’Evangile le confirme formellement: “Les Prêtres, les Scribes et les Anciens s’assemblèrent pour juger Jésus” (3). Le Sanhédrin avait deux présidents, l’un portait le titre de “Prince” (Nasi) et était le vrai président; l’autre était appelé “Père du Tribunal” (Ab Bêth-din) et n’était que le vice-président. Le Sanhédrin s’était imposé une restriction dans son droit de vie et de mort: une limite ressortant des lieux mêmes où la sentence était prononcée. En effet, il n’y avait qu’une salle à Jérusalem où l’on pût prononcer la peine capitale, c’était la “salle des pierres taillées” (Gazith) et elle était située dans l’une des dépendances du Temple (4). Or, que ce fût là, et là seulement, qu’on pût régulièrement prononcer la peine de mort, la tradition juive est unanime à l’affirmer (5). Cette coutume avait été introduite un siècle à peu près avant Jésus-Christ, c’est pourquoi durant la vie de Jésus, toute sentence de mort prononcée hors de la “salle des pierres taillées” était nulle. LIMITATION DES POUVOIRS DU SANHEDRIN APPORTEE PAR ROME (10 après J.-C.) Vingt-trois ans avant le procès de Jésus (en 10 après J.-C.), le Sanhédrin avait perdu le droit de condamner à mort (6). La Judée avait été réduite à une province romaine et les procurateurs de l’Empereur Auguste, avaient enlevé au Sanhédrin le jus gladii pour l’exercer eux-mêmes. Le Talmud lui-même l’affirme: “Un peu plus de quarante ans avant la destruction du Temple, on enleva aux Juifs le droit de prononcer les peines capitales” (7). Donc, non seulement le droit de faire exécuter les condamnations à mort, mais aussi celui de les prononcer, et le Sanhédrin essaya toujours de violer cette interdiction. En effet, ils savaient qu’avec la disparition de ce pouvoir, le temps fixé par Jacob pour la venue du Messie était définitivement accompli. “Les membres du Sanhédrin se couvrirent la tête de cendres, revêtirent le cilice en disant: Malheur à nous parce que le sceptre est enlevé à Juda et que le Messie n’est pas venu!” (8). Or, comme la Synagogue ne voulait pas reconnaître le Messie dans la personne de Jésus, elle s’efforçait de toutes les manières possibles d’arrêter l’accomplissement de la prophétie qui disait: “Toi, Juda, tes frères te loueront. Le sceptre ne sortira point de Juda, ni le Législateur d’entre ses pieds, jusqu’à ce que vienne Celui qui doit être envoyé” (9). Or, deux signes devaient précéder la venue du Messie: 1°) le sceptre est enlevé à Juda. 2°) le pouvoir judiciaire est supprimé. Le Talmud aussi, commentant cette prophétie dit: “Le Fils de David, le Messie, ne doit pas venir qu’auparavant la puissance royale ait disparu de Juda... Le Fils de David ne doit pas venir qu’auparavant les juges aient cessé en Israël” (10). Enfin, quand Rome conquit la Judée, il y avait longtemps que le sceptre (puissance royale) avait disparu de Juda, puisque depuis le retour de la captivité de Babylone (586 avant J.-C.), c’est-à-dire depuis plus de quatre cents ans, nul des descendants de David, de la 5 tribu de Juda, n’avait plus porté le sceptre (la puissance du Roi). Le premier signe, la fin du pouvoir royal de Juda, était réalisé. Restait le second: la suppression du pouvoir judiciaire. Une fois que Rome eût supprimé le droit du Sanhédrin de prononcer des condamnations à mort, il n’y eut plus de vrai législateur au pouvoir exécutif et judiciaire. D’autre part le Talmud enseigne: “le pouvoir judiciaire supprimé, il n’y avait plus de Sanhédrin” (11). Et voilà pourquoi, ayant refusé de reconnaître le Messie dans Jésus de Nazareth, le Sanhédrin a poussé ce cri de désespoir: “Malheur à nous, parce que le sceptre est enlevé à Juda et le Messie n’est pas venu” (8). MORALITE DES PERSONNES QUI JUGERENT JESUS Tout le monde connaît Caïphe, Anne et Pilate. Mais personne ou presque ne connaît les autres membres du Sanhédrin. Les frères Lémann étudiant les Evangiles, Flavius Josèphe et le Talmud, nous ont fourni beaucoup d’informations sur eux (12); plus de la moitié du Sanhédrin, environ quarante juges, vont comparaître sous nos yeux. a) La chambre des Prêtres «Depuis près d’un demi-siècle, [à partir de l’Avènement de Jésus, n.d.r.], un détestable abus s’était introduit, qui consistait à nommer et à destituer arbitrairement les grands Prêtres. Tandis que, durant quinze siècles, le Souverain Pontificat était héréditaire, par l’ordre de Dieu, dans une seule famille, et se conservait à vie (13); à l’époque de Jésus-Christ, il était devenu l’objet d’un véritable trafic. Hérode avait commencé ces destitutions arbitraires (14). ...Cette expression des Evangélistes “le conseil des Grands Prêtres”... se trouve donc d’une rigoureuse exactitude, puisqu’on comptait une douzaine de Grands Prêtres déposés, et que tous ceux qui l’avaient été conservaient leur titre pour le reste de leur vie, et restaient de droit dans la haute assemblée... Avec eux... siégeaient de simples Prêtres” (15). Les frères Lémann nous fournissent le curriculum vitæ de dix-sept Grands Prêtres du temps de Jésus, en se fondant sur la Bible, Flavius Josèphe, le Talmud, Don Giulio Bartolocci, Munk (16). De ces sources il ressort que “plusieurs de ces Pontifes étaient personnellement très peu honorables... Que tous les Grands Prêtres qui se Jésus condamné à mort mourut sur la Croix succédaient annuellement dans la charge d’Aaron, au mépris de l’ordre établi par Dieu, n’étaient que de misérables intrus... il est impossible de dissimuler l’indignité de ceux qui jugèrent Jésus... Chez la plupart d’entre eux... une hypocrisie ambitieuse avait... dénaturé la Loi de Moïse. Le plus grand nombre des Prêtres appartenait au Pharisaïsme, secte dont les membres faisaient servir la religion à leur ambition personnelle. Dans le but de dominer le peuple par des apparences religieuses, ces Prêtres pharisiens n’avaient pas craint de surcharger la Loi de Moïse de pratiques exagérées ... Comment s’étonner de la haine homicide que ces hommes... conçurent contre JésusChrist? Quand Sa parole, ...mit à nu leur hypocrisie, et montra, sous le masque d’une fausse justice, la pourriture intérieure de ces tombeaux blanchis, ils Lui vouèrent une haine mortelle; jamais ils ne Lui pardonnèrent de les avoir démasqués devant le peuple. L’hypocrisie ne pardonne jamais à qui la démasque publiquement” (17). b) La chambre des Scribes Ils étaient choisis aussi bien parmi les Lévites que parmi les laïques et formaient l’intelligentsia de la Nation. Ils étaient les docteurs en Israël. Les frères Lémann nous fournissent de nombreux détails sur la vie de quatorze scribes qui vécurent au temps de Jésus, en se fondant sur les mêmes sources citées pour les Grands Prêtres et spécialement sur la Mischna, sur David Ganz, de Champagny, Gian Bernardo De Rossi, Drach, Maïmonide (18). Il en ressort qu’ils étaient dominés par l’orgueil; jaloux de leur titre de docteurs (Rabbi) et de leur science, ils essayaient de dominer la société. Durs et 6 implacables, sans miséricorde, pleins d’autosuffisance. “L’impartialité - se demandent les frères Lémann - pouvait-elle être possible dans des intelligences si orgueilleuses et sur des lèvres si infatuées d’elles-mêmes? ...Lorsque le Christ sera devant eux, ce ne sera plus seulement des accès d’orgueil, ce sera la vengeance de l’orgueil” (19). c) La chambre des Anciens C’était la moins influente des trois chambres du Sanhédrin. Les frères Lémann nous donnent le curriculum de sept Anciens, en citant les mêmes sources dont ils s’étaient servis pour les deux premières chambres (20). Si elle était la moins influente du Sanhédrin, elle en était peut-être la plus respectable, et par conséquent les Anciens furent les moins passionnés dans le procès de Jésus. Cependant ses membres étaient pour la plupart des Sadducéens, c’est-à-dire des matérialistes qui niaient l’immortalité de l’âme et n’avaient comme but que le plaisir. Parmi ces “épicuriens”, deux faisaient exception (comme Loth parmi les habitants de Sodome): Nicodème et Joseph d’Arimathie. LES ACTES DU SANHEDRIN: LEUR VALEUR Les faits que j’examinerai révèlent que le Sanhédrin était résolu depuis le début et a priori à condamner Jésus, indépendamment de Son innocence. Ces faits sont les trois décisions prises par le Sanhédrin dans les trois réunions antérieures à celle du vendredi Saint: la condamnation à mort de Jésus, avant même qu’Il comparût comme accusé. a) La première réunion du Sanhédrin Elle se tint du 28 au 30 septembre (Tisri) de l’an de Rome 781 (33 après J.-C.). L’Evangile parle du “dernier jour de la fête des Tabernacles” ( 21), qui cette année-là commençait le 22 septembre et se terminait le 28. St Jean rapporte que Jésus avait guéri miraculeusement un aveugle-né et que “Ses parents, craignaient les Juifs; car les Juifs AVAIENT DEJA DECRETE ENSEMBLE que si quelqu’un confessait que Jésus était le Christ il serait chassé de la synagogue” (22). Le décret d’excommunication avait été lancé du 28 au 30 septembre. Or ce décret prouve deux choses: 1°) qu’une réunion solennelle du Sanhédrin avait eu lieu, car le Sanhédrin avait seul le pouvoir de lancer l’“excommunication majeure”; 2°) qu’on avait, dans cette réunion, agité la question de mort par rapport à JésusChrist. L’ancienne Synagogue en effet, distinguait trois degrés d’excommunication: la SEPARATION (niddui); l’EXECRATION (chœrem) et la MORT (schammata). La SEPARATION condamnait quelqu’un à vivre isolé durant trente jours. Elle n’était point exclusivement réservée au Sanhédrin. L’EXECRATION comportait une séparation complète de la société judaïque; on était exclu du Temple et voué au démon. Seul le Sanhédrin de Jérusalem pouvait l’infliger, et il la prononça contre quiconque oserait prononcer que Jésus était le Messie. La MORT était réservée aux faux prophètes: “Or tout fait supposer que le Sanhédrin, qui n’hésita pas à lancer l’exécration contre les partisans du Christ, dut, dans la même séance, délibérer s’il ne prononcerait pas contre le Christ Luimême… la peine de mort. Une vieille tradition talmudique dit qu’il en fut ainsi” (23). b) La deuxième réunion du Sanhédrin Elle eut lieu au mois de février (adar) de l’année 782 de la fondation de Rome (34 après J.-C.), quatre mois et demi environ après la première. Ce fut à l’occasion de la résurrection de Lazare. St Jean écrit: “Depuis ce jour-là, ils résolurent de Le faire mourir” (24). Dans la première réunion la condamnation à mort n’avait été qu’indirectement et dubitativement proposée, mais dans la seconde la décision est prise! Sans avoir cité le condamné, sans l’avoir entendu, sans accusateurs ni témoins. c) La troisième réunion du Sanhédrin Elle eut lieu vingt ou vingt-cinq jours après la seconde, le mercredi Saint, 12 mars (nisan) 782 ab Urbe condita. St Luc écrit : “Alors les Princes et les Anciens du peuple s’assemblèrent dans la salle du grand Prêtre, et tinrent conseil pour savoir comment ils se saisiraient adroitement de Jésus, et Le feraient mourir. Et ils disaient: Il ne faut pas que ce soit pendant la fête, de peur qu’il ne s’élève quelque tumulte dans le peuple” (25). Ce troisième conseil, n’avait pas comme objet la condamnation à mort de Jésus, puisque Sa mort avait déjà été décrétée dans le deuxième conseil. Il ne s’agissait maintenant que de déterminer le temps et la manière de se saisir de Jésus, et on décida de patienter et remettre après les fêtes de Pâques l’arrestation de Jésus; mais un événement imprévu les fit revenir sur cette décision: “Judas, surnommé Iscariote, ...vint trouver les princes des Prêtres 7 pour leur livrer Jésus” (26). Judas, le traître, ôte toute incertitude au Sanhédrin, la condamnation de Jésus ne sera plus renvoyée à un jour indéterminé après les fêtes de Pâques, mais au premier moment favorable. “Eh bien, nous le demandons maintenant à tout Israélite de bonne foi: lorsque le Sanhédrin fera comparaître devant lui Jésus de Nazareth comme pour discuter Sa vie, n’y aura-t-il pas là une sanglante dérision, un effroyable mensonge; et l’accusé, quelque innocente que puisse être sa vie, ne sera-t-il pas, à coup sûr, vingt fois condamné à mort?” (27). REGLES JURIDIQUES OBLIGATOIRES AU SANHEDRIN DANS LES DEBATS DE TOUTE CAUSE CRIMINELLE Ces règles, très précises, existent et ont été consignées par la Mischna de Rabbi Juda, qui, vers la fin du IIème siècle après J.-C., voulut mettre par écrit la tradition juive, préoccupé par l’état déplorable de sa Nation, qu’Adrien venait de chasser pour toujours de la Judée. LE SANHEDRIN A VIOLE TOUTE REGLE DE JUSTICE DANS LE PROCES DE JESUS Jésus fut conduit à la maison de Caïphe “où tous les Prêtres, les Scribes et les Frontispice du livre de Gian Bernardo de Rossi, le “géant” des études sur le Judaïsme Anciens étaient assemblés” ( 28). St Jean nous dit que “c’est la nuit”: (29), PREMIERE IRREGULARITE: la Loi juive défend, sous peine de nullité, de juger de nuit: “qu’on traite une affaire capitale durant le jour, mais qu’on la suspende la nuit” (30). De nuit et donc après le Sacrifice du soir. DEUXIEME IRREGULARITE: “Ils ne siégeront que depuis le Sacrifice du matin jusqu’au sacrifice du soir” (31). C’était le premier jour des azymes, veille de la fête de Pâque, TROISIEME IRREGULARITE: “Ils ne jugeront ni la veille du sabbat, ni la veille d’un jour de fête” ( 32 ). De plus “Caïphe interrogea Jésus” ( 33). Ce même Caïphe avait déclaré que le bien public réclamait la mort de Jésus. Autrement dit l’accusateur est aussi le juge, voilà la QUATRIEME IRREGULARITE. La législation hébraïque distingue nettement le juge et l’accusateur et interdit que l’un soit en même temps l’autre (34). Les frères Lémann ont dénombré vingtsept irrégularités, je m’arrête ici à la quatrième, renvoyant le lecteur qui voudrait approfondir la question à l’ouvrage cité. CONCLUSION Il peut arriver que dans un procès on découvre une irrégularité: elle seule entraîne automatiquement l’absolution de l’accusé puisqu’elle pourrait être l’effet de l’inadvertance humaine. Mais quand le procès est émaillé de vingt-sept irrégularités, qui se succèdent l’une après l’autre, toutes graves, toutes scandaleuses et préméditées, n’est-ce peut-être pas la preuve que l’accusé a déjà été condamné a priori et injustement? Eh bien, se demandent les auteurs, face à ces vingt-sept graves irrégularités n’y a-t-il pas peut-être pour tout Israélite une raison d’honneur, voire même de justice, qui l’oblige en conscience à ne pas ratifier le jugement du Sanhédrin, avant d’avoir examiné par soi-même ce qu’était Jésus-Christ? Eh bien, poursuivent les auteurs, qu’étaitil donc cet étrange accusé? Quis est hic? Cette question, ô Israélites, demande qu’aujourd’hui vous vous la posiez à vous-mêmes! Qui est donc Celui-ci, à l’égard duquel le Sanhédrin a violé toute justice? «Cette question, à dix-neuf siècles de distance, ...tout Israélite loyal, la Bible dans les mains, peut aisément la résoudre [ce que j’essayerai de faire dans l’article suivant, n.d.a.]. Méditez-la 8 cette page, ô Israélites; elle vous révélera qui était le condamné du Sanhédrin, en même temps qu’elle vous fera connaître ce que doit être, ici-bas, le dernier acte du peuple juif avant que d’entrer... dans la terre promise de l’Eglise... Voici donc cette page, elle est du Prophète Zacharie...: “Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de prières: Alors ILS JETTERONT LES YEUX SUR MOI QU’ILS ONT PERCE DE PLAIES, et ils seront pénétrés de douleur comme on l’est à la mort d’un fils unique... En ce temps-là ils invoqueront mon nom et je les exaucerai... Alors ILS M’APPELLERONT PAR MON NOM... SEIGNEUR, MON DIEU!” (Zach. XII, XIII)» (35). Per Christum et cum Christo Pax super Israel. NOTES 1) A. et J. LÉMANN, Valeur de l’assemblée qui prononça la peine de mort contre Jésus-Christ, éd. Lecoffre, Paris 1876 (1975), p. 4. Dans cet article je me suis servi de ce précieux travail. 2) Cf. FLAVIUS JOSEPHE, Guerre des Juifs, II, XX, 5. M. MAIMONIDE, Iad-Chazaka, liv. XIV, ch. II. 3) Mc XIV, 53; XVI, 1; Matth. XVI, 21; Jn XI; Act. IV, 5. Cf. aussi M. MAIMONIDE, op. cit., ch. II. 4) Talmud, traité Sanhédrin, ch. XIV. 5) A. et J. LÉMANN, op. cit. p. 10 - Talmud Bab., traité Abboda - Zara, ch. I, fol. 8, recto. R. MARTIN, Pugio fidei, éd. de Leipzig, p. 872. M. MAIMONIDE, op. cit., ch. XIV. 6) F LAVIUS J OSEPHE , Antiquités judaïques, liv. XVII, ch. XIII, nn° 1-5. 7) Talmud Gerosol, traité Sanhédrin, fol. 24, recto. 8) R. MARTIN, Pugio fidei p. 872. 9) Gen. XLIX, 8-10. 10) Talmud, traité Sanhédrin, fol. 97, verso. 11) Talmud de Babylone, traité Sanhédrin, ch. IV, fol. 37, recto. 12) Cf. A. et J. LÉMANN, op. cit., pp. 20-44. 13) FLAVIUS JOSEPHE, Antiquités judaïques, XX, X, 1; XV, III, 1. 14) Ibid. XV, III, 1. 15) A. et J. LÉMANN, op. cit., pp. 22-23. 16) Ibid. pp. 24-26. 17) Ibid. pp. 28-29. 18) Ibid. pp. 30-35. 19) Ibid. pp. 37-38. 20) Ibid. pp. 39-40. 21) Jn VII, 37. 22) Jn IX, 22. 23) A. et J. LÉMANN, op. cit., pp. 50-51. 24) Jn XI, 50. 25) Lc XXIII, 1-3. 26) Lc XXII, 3-4. 27) A. et J. LÉMANN, op. cit. pp. 55-56. 28) Matth. XXVI, 57. 29) Jn XIII, 30. 30) Mischna, traité Sanhédrin, ch. IV, n° 1. 31) Talmud de Jérusalem, traité Sanhédrin, ch. I, fol. 19. 32) Mischna, traité Sanhédrin, ch. IV, n° 1. 33) Jn XVIII, 19. 34) Deut. XIX, 16-17. 35) A. et J. LÉMANN, op. cit. pp. 69-97. LA QUESTION DU MESSIE Par M. l’abbé Curzio Nitoglia INTRODUCTION L e XXème siècle a eu la fonction, sous certains aspects terribles, d’abattre les murs qui séparaient encore les nations, les ethnies et même les religions. Le XXIème, au moyen du Nouvel Ordre Mondial, semble être projeté vers l’unification des Etats (la soi-disant République Universelle) et des Religions, “si fieri potest”. Dans le dessein de la Providence tout le mal n’arrive pas forcément pour nuire: parmi les ruines produites par le Mondialisme on peut distinguer une future et certaine (parce que révélée) conversion des frères AINES SEPARES: les Juifs, (actuellement talmudistes antichrétiens) qui, avec les Gentils convertis au Christianisme, formeront “un seul troupeau”. A travers toutes les divisions de l’humanité, il n’en existe pas «de plus profonde et de plus obstinée que celle qui séparait le peuple juif du reste du genre humain» (1). Les Juifs ont vécu mis à l’écart en Palestine pendant deux mille ans, et vivent encore isolés au sein des nations qui les ont accueillis depuis deux mille ans. Ils sont le peuple de l’isolement. Le mur de la séparation avait une double résistance, religieuse et sociale. Avec le 29 septembre 1791 la résistance sociale a reçu un rude coup par l’émancipation et l’assimilation. Cependant les talmudistes orthodoxes ne se sont jamais résignés à cette émancipation qui aurait conduit à l’assimilation et ont lutté contre elle. Au XXème siècle nous avons aussi vécu le phénomène de la reconstruction de l’Etat d’Israël mais sur des bases laïques et a-religieuses ( 2 ). Toutefois si l’émancipation a produit surtout en Occident une faible assimilation (qui a été interrompue en partie par la seconde guerre mondiale) la résistance religieuse subsiste très certainement. Et c’est surtout elle qui empêche que les Juifs retournent au Christ en disant “Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur”. En 9 effet, même si toutes les séparations sociales tombaient, et ne subsistait que la division religieuse, elle finirait par rétablir toutes les autres. En effet elle a été justement la diversité, ou mieux l’opposition religieuse (avec le Christ ou contre le Christ) qui a rendu nécessaires les lois de sauvegarde de la contagion antichrétienne que le Judaïsme portait partout avec lui, et l’érection des ghettos. Or la grande division entre Israélites et Chrétiens réside dans la question du Messie: c’est-à-dire le Messie-Dieu est-Il déjà venu en la Personne de Jésus-Christ ou non? J’essayerai de l’aborder dans cet article. HISTOIRE DE LA QUESTION DU MESSIE A PARTIR DE LA DIASPORA A partir de la chute de Jérusalem (70 après J.-C.) l’histoire de la question messianique s’obscurcit, on en perd la trace. Joseph et Augustin Lémann dans leurs ouvrages ont réussi à faire la lumière sur ce problème et leurs conclusions sont à la base de cet article. Le point de départ est la Bible, il y a trois données bibliques évidentes: 1°) Le Messie devra naître de la race d’Abraham «…pour préparer le Corps de son Christ, Dieu fait exprès un peuple. A cet effet il prend un homme, Abraham… d’où il va extraire ce grand peuple» (3). “Voilà que la vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel” (Is. VII, 14) 2°) Parmi les douze tribus d’Israël, le Messie naîtra de la tribu de Juda, «Et toi, Bethléem, tu es petite entre les villes de Juda: et cependant c’est de toi que sortira Celui qui doit régner dans Israël, et dont la génération est dès l’éternité» (4). 3°) Entre toutes les familles de Juda, le Messie naîtra de la famille de David, «…Le temps vient - dit le Seigneur - où je susciterai à David un rejeton juste… Et voici le nom qu’ils donneront à ce roi: Jéhovah, notre justice» (5). Tous les autres peuples ATTENDRONT aussi le Messie, mais seul le peuple juif LUI FOURNIRA SON SANG. Comme il est bien vrai qu’Il mourra pour le salut de tous les peuples, mais seulement le peuple juif le conduira à Pilate pour en demander la mort, en criant: «Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants». Depuis vingt siècles les peuples qui attendaient le Messie disent: “Béni soit Israël qui nous a donné Celui que nous attendons!”. Et depuis vingt siècles, Israël obstinément répond: “Ne soyez pas satisfaits, le Messie n’est pas encore venu!”. Chose vraiment singulière: la Synagogue repousse et veut que lui échappe le fils que l’Eglise lui présente en la félicitant. L’écho de cette querelle entre Eglise et Synagogue a rempli deux mille ans d’histoire. UNE PERIODE D’INQUIETUDE (70-135 après J.-C.) Le point de départ, on l’a vu, a été la Bible (Israël, Juda, David), la route sera celle des “catacombes” de l’histoire juive depuis la chute de Jérusalem et le point d’arrivée sera la lumière et la certitude sur la venue du Messie. C’est avec une grande difficulté que nous réussissons à suivre le filon messianique à travers les “catacombes” de l’histoire hébraïque, parce que le sol d’Israël fut envahi et dévasté dix-sept fois, et toutes les tribus et les institutions juives ont été détruites. Toutefois «…Il y a chez les Juifs, dans les siècles de la dispersion, une histoire du Messie obscure, sans liaison… Mais nous croyons qu’on peut tout ramener… à trois ou quatre grandes périodes, dont la première, doit porter le nom de période d’inquiétude» (6). En Palestine, à l’époque que la Sainte Ecriture appelle “la plénitude des temps”, la Synagogue semblait être caractérisée par une agitation particulière, tandis que les Gentils 10 étaient dans un calme plein de pressentiment. L’Evangile lui-même en est témoin: alors que les mages demandaient «où est né ce Roi des Juifs» (7). Jérusalem fut troublée à cette demande «turbatus est, et omnis Jerosolyma cum illo» (8). La “plénitude des temps” ou la maturité du fruit messianique était la première cause qui agitait et troublait la Synagogue, quand une catastrophe inattendue vint donner à cette agitation un caractère sinistre, ce fut la destruction de tout ce qui devait concourir à la production du Messie. Les prophètes avaient parlé de la Maison de Jessé ou de David et l’avaient comparée à une tige (souche) d’où devait jaillir le fruit messianique. Or voici que tout à coup, comme si le fruit en était sorti, cette tige de Jessé subit le sort de la plante qui a fini de produire tout ce qu’elle était appelée à produire. Comme les feuilles, tombent les célèbres généalogies conservées scrupuleusement au Temple et qui servaient à distinguer la tribu de Juda de toutes les autres, et en elle la famille de David: elles brûlèrent en 70, dans l’énorme bûcher qui détruisit le Temple de Jérusalem et rien ne put être sauvé. A partir de cette année tragique commença pour les familles juives une situation de ténèbres, de confusion inextricable dont le Talmud écrira: «Depuis le jour où le livre des généalogies a été caché ou détruit, la vertu des sages s’est affaiblie, la lumière de leurs yeux s’est changée en ténèbres» (9). Les généalogies sont tellement indispensables pour la reconnaissance du Messie que les plus célèbres rabbins soutiennent que la première fonction du Messie sera celle de les rétablir (10); mais comment pourra-t-il rétablir les généalogies qui devraient servir précisément, a priori, à démontrer son caractère messianique? Et puis, après les “feuilles généalogiques” c’est la “tige” elle-même qui tombe, avec la disparition de la famille de David, dispersée hors de la Palestine avec toutes les autres familles, sans savoir ce qu’elle est devenue. LES CALCULS DES 70 SEMAINES Il est naturel qu’en présence de ces deux événements exceptionnels, c’est-à-dire la maturité du fruit messianique et la destruction de tout ce qui devait concourir à le faire germer, l’âme des Juifs fût troublée. Ce fut alors que les sages approfondirent l’étude de la prophétie des soixante-dix semaines de Daniel. «Soixante-dix semaines (d’années) ont été abrégées. …Sache donc et sois attentif: du jour où sera publiée la parole (le décret des rois de Perse) qui ordonnera de rebâtir Jérusalem, jusqu’au Christ, chef, il s’écoulera sept semaines et soixante-deux semaines… Et le Christ sera mis à mort» (11). Les docteurs d’Israël ont calculé les soixante-dix semaines d’après cinq méthodes différentes. 1°) ils ont placé le point de départ soit depuis l’édit de Cyrus (537 avant J.-C.), soit depuis celui de Darius (520 avant J.-C.), soit depuis celui d’Artaxerxès (450 avant J.-C.), soit enfin depuis celui rendu en faveur de Néhémie (445 avant J.-C.). 2°) ils ont ensuite varié la nature des semaines, soit en les composant d’abord d’années lunaires (plus courtes), puis d’années solaires (plus longues). 3°) puisque le Christ n’arrivait toujours pas ils ont condensé les siècles passés pour différer le point d’arrivée des soixante-dix semaines. 4°) ils ont eu la hardiesse de rejeter dans l’avenir, arbitrairement, le point d’arrivée des soixante-dix semaines, à l’année 4231, c’est-à-dire au IIIème siècle après J.-C., avec la Mischna, au quinzième siècle, avec le rabbin Chasdai, et à la fin des temps, avec le rabbin Menassé-ben-Israël. 5°) ils ont eu recours à la Cabale, de laquelle, avec de nouvelles dates, ils ont fait sortir de nouvelles déceptions. A côté de l’agonie des calculs “infinitésimaux” des rabbins, pour prouver que le Messie n’était pas encore venu, Dieu a permis que le peuple d’Israël fût trompé, vingtcinq fois par vingt-cinq faux Messie, à partir de Theudas en Palestine en 45, jusqu’à Zabathaï Tzevi, en Turquie en 1666. A ce propos les frères Lémann commentent: «Tout cela, ô Israélites, est authentique; tout cela c’est de l’histoire… non pas une fois, non pas dix fois, mais vingt-cinq fois nos ancêtres ont été le jouet de ce mirage: pour avoir méconnu le Messie là où Il était, on était réduit à Le chercher là où Il n’était pas» (12). Telle fut cette longue période d’inquiétude, bien représentée par la médaille que firent frapper les empereurs romains sur laquelle figurait une femme enveloppée d’un manteau, assise au pied d’un palmier, la tête appuyée sur sa main, avec cette inscription: Judea capta, ce qui signifie que la Judée, captive dans ses calculs, est tombée de lassitude et refroidie dans la vaine attente du Messie. 11 SIGNIFICATION DU COMPTE DES SOIXANTE-DIX SEMAINES La prophétie annonce avec une extraordinaire précision l’Avènement du Sauveur. En 537 Babylone tombe aux mains des Perses et après soixante-dix années se termine la captivité des Juifs commencée en 606, exactement comme l’avait prophétisé Jérémie: «Quand commenceront à s’accomplir soixante-dix semaines à Babylone, dit le Seigneur, je vous visiterai, et réaliserai la promesse que je vous avais faite, de vous reconduire dans la terre de Judée» (13). La promesse était formelle, mais Daniel savait que l’effet des promesses divines peut être retardé ou annulé par la conduite de ceux auxquels elles ont été faites, comme une prière humble et fervente peut hâter leur accomplissement (comme celle de Marie à Cana). Troublé par le fait que la promesse ne se réalisait pas Daniel commença à prier et lui apparut l’Ange Gabriel qui lui dit: «Je suis sorti afin de t’instruire et que tu comprennes... Soixante-dix semaines ont été abrégées pour ton peuple et pour ta Ville Sainte, afin que soit abolie la prévarication, et que prenne fin le péché, et que soit effacée l’iniquité, et que vienne la justice éternelle… et que soit oint le Saint des Saints. Depuis que sortira la parole pour que de nouveau soit bâtie Jérusalem, jusqu’au Christ chef, il y aura sept semaines et soixante-deux semaines... Et après soixante-deux semaines le Christ sera mis à mort; et il ne sera pas son peuple, le peuple qui doit le renier. Et un peuple, avec un chef qui doit venir, détruira la cité et le sanctuaire… il confirmera son alliance avec un grand nombre dans une semaine; et au milieu de la semaine cesseront l’oblation et le sacrifice; et l’abomination de la désolation sera dans le Temple» (14). L’Ange réconforta Daniel et lui dit que les soixante-dix semaines prédites par Jérémie ne concernaient pas tant la libération de l’exil babylonien qu’une libération infiniment plus importante, la libération du genre humain des chaînes du péché. Jérémie avait annoncé non seulement la fin de la domination étrangère mais surtout la fin du règne du démon, au moyen de la venue du Messie. C’est ainsi que les Pères expliquent la signification de la prophétie: a) “Soixante-dix semaines ont été abrégées pour ton peuple…” Les semaines écour- tées, avec une expression courante chez les Juifs, représentent les années; donc soixante-dix par sept (c’est-à-dire les soixante-dix semaines) équivaut à quatre cent quatrevingt-dix années. Mais ces semaines sont dites écourtées parce qu’elles n’arriveront pas complètement à leur terme: en effet l’événement extraordinaire qu’elles préparent arrivera durant la dernière de celles-ci et non à la fin. Le peuple juif devra attendre encore quatre cent quatre-vingt-dix années (non accomplies) pour voir le Messie. b) “Afin que soit abolie la prévarication”: c’est-à-dire jusqu’au jour où on touchera le fond, en consumant le crime le plus horrible: le déicide. Mais avec le déicide “sera fermée l’ère du péché”. c) En effet avec Sa mort en Croix le Messie vaincra le péché et le démon et d) “Que vienne la justice éternelle…” le règne de la grâce, la Nouvelle et Eternelle Alliance, l’Eglise romaine. e) “Que soint Oint le Saint des saints”, l’Oint est le Christ (15). f) “De l’émanation de l’ordre de reconstruire Jérusalem”: cet ordre concerne non seulement la reconstruction du Temple (édit de Cyrus, 536 avant J.-C.) mais de Jérusalem tout entière (édit de Artaxerxès, 454 avant J.-C.) (16). g) De 454 avant J.-C. jusqu’à l’“Oint”, au “Chef”, c’est-à-dire jusqu’à ce que le Christ assumera publiquement Sa mission en se faisant baptiser dans le Jourdain “il y aura sept semaines et soixante-deux semaines”. Les sept semaines représentent les années nécessaires pour h) “Rebâtir la place publique et les murailles [de la cité]…” et se calculent en quarante-neuf années. L’Evangile enseigne que la reconstruction du Temple sous Zorobabel avait duré quarante-six ans (17). Cependant, avec Eusèbe de Césarée qui se basait sur le témoignage de Flavius Josèphe, on sait avec certitude que l’accomplissement total des travaux de décoration dura trois ans de plus, arrivant donc au calcul total de quaranteneuf (ou des sept semaines prophétisées). Il y aura encore “soixante-deux semaines”… et celles-ci nous conduiront jusqu’à 29 après J.C., “l’an quinzième du règne de Tibère”, année où, d’après l’Evangile, Jésus se fit baptiser, inaugurant Son ministère public (18). Alors commencera la soixante-dixième semaine (au total soixante-neuf se seront écoulées), qui sera aussi la dernière. Semaine 12 La châsse contenant le corps incorrompu du Bhx Lorenzino de Marostica UNIQUE, sainte entre toutes les autres, où s’accomplira la Rédemption. Mais après trois ans et demi, au milieu de la dernière semaine i) “l’Oint sera mis à mort”. Daniel fait durer la dernière semaine trois ans et demi (19). j) “Et ce ne sera pas Son peuple qui Le reniera…”. Le peuple que Dieu avait élu, à partir du Vendredi Saint ne sera plus SON PEUPLE, puisqu’il a renié définitivement le Sauveur, et Dieu abandonne (seulement) après avoir été abandonné. k) “Et un autre peuple avec un chef qui doit venir, détruira la Cité et le Sanctuaire”, (les Romains avec Titus en 70). PERIODE DE DESESPOIR ET DE SILENCE: LE MOYEN AGE Dans cette période trois choses sont arrivées: la diaspora (135 après J.-C.), le refus de la part des nations des Juifs comme partie coopérante de leur formation, et la consolidation d’un noyau judaïque à l’intérieur des nations elles-mêmes. D’un côté «…on ne les veut pas dans l’organisation de la société… Eux, également ne veulent pas non plus accepter les conditions générales de la société du Moyen Age, par crainte d’y perdre leurs usages, leurs lois, leurs traditions. Des deux côtés, on veut être à part; de là les Ghettos... positivement voulus par les Juifs comme par les Chrétiens» (20). Nous voyons donc chaque Etat se former avec un noyau de Juifs dans son sein: tout comme le noyau d’un fruit qui, alors que celui-là mûrit et se colore, reste obscur, dur, non assimilable. «...Ainsi en était-il des Juifs; autour d’eux, la jeune société chrétienne mûrissait et se développait; elle les tenait englobés dans son sein... mais ils restaient durs, impénétrables» ( 20). Cependant ce noyau impénétrable a son rôle futur, celui de produire un jour un arbre (la conversion d’Israël); entre-temps on donne une organisation qui se concentre dans le Rabbinat et qui s’appelle le Grand Kahal, avec ses lois propres, ses propres juges et son chef. «Aussi longtemps que les Juifs aient habité la Palestine, on avait soigneusement maintenu la division des pouvoirs [le magistère, l’empire et le sacerdoce]. Ces trois grandes institutions, le Sacerdoce [Temple], le Sanhédrin [juges], l’Ecole [docteurs Synagogue] avaient eu chacune leurs attributions distinctes. Mais quand le peuple juif fut dispersé, l’instinct de la conservation, puis la confusion et l’habitude, firent concentrer dans les mains d’un seul homme, qui n’était cependant ni prêtre, ni juge, ni docteur, les débris de ce triple pouvoir... [cet homme était le rabbin, n.d.a.]. Mais alors... il y eut exagération, et parfois exagération ridicule, de l’autorité rabbinique» (21). Le rabbinat au Moyen Age fut le point focal et fondamental du monde judaïque. LE RABBINAT ESSAYE D’ETOUFFER LE PROBLEME DU MESSIE Par l’énorme puissance prise par le rabbinat, la question messianique, durant le Moyen Age, entra dans une nouvelle phase, définie par les auteurs, comme la phase de désespoir et de silence. D’une part, au dedans de la Synagogue, on était à bout de calculs et de supputations, d’autre part, au dehors de la Synagogue, la Religion chrétienne commençait sa lutte apologétique et faisait succéder aux victoires sanglantes de ses martyrs, les victoires non sanglantes et lumineuses de ses docteurs. La Synagogue se trouvait donc dans une situation délicate et pour prévenir un grande victoire de la part de l’Eglise sur la question messianique, le rabbinat forma une résolution «désespérée mais habile, celle d’interdire, d’étouffer et d’enterrer la question messianique» (22). A cette fin la Synagogue adopta deux sortes de mesures: a) Les mesures publiques, comme les anathèmes, par lesquelles tous les rabbins commencèrent à maudire ceux qui recherchaient la lumière sur le Messie. A ce propos Maïmonide a écrit: «Les sages… ont défendu de calculer le temps de sa venue, parce que le peuple est scandalisé de voir qu’il n’arrive pas, bien que les temps soient passés» (23). b) Les mesures détournées: 13 puisque l’interdit explicite pouvait être violé, le rabbinat eut recours à quelque chose de plus sûr et moins flagrant, en cherchant ainsi à détourner les esprits curieux et amoureux de la vérité qui, insouciants de l’interdiction, entendraient violer l’interdiction, et en les mettant dans l’impossibilité de retrouver la route: en changeant ou en inversant les signes trouvables dans les prophéties messianiques. Ceci arriva de deux manières. 1°) D’abord on commença par altérer la lettre de certaines prophéties (24) et ensuite on introduisit les innovations dans l’œuvre des Massorèthes de Tibériade, docteurs juifs du VIème siècle qui comptèrent les versets, les mots et les lettres de chaque livre de l’Ancien Testament. Les altérations introduites dans l’œuvre massoréthique, appelée par la postérité juive “la haie de la loi”, sont devenues immuables et intouchables. Cependant l’altération de la Lettre n’eût pas été un obstacle suffisant pour empêcher d’arriver à la Vérité. 2°) Pour éviter l’apparition de soupçons dans le cas où il y aurait eu trop d’altérations, on chercha à conserver dans leur intégrité les prophéties, mais en changeant leur destination finale, en les faisant aboutir à un point d’arrivée autre que le Messie: en d’autres termes, on ménageait la lettre mais on détournait le sens. Toutes les écoles rabbiniques ont donc interprété les prophéties messianiques comme si elles parlaient du peuple juif et non du Messie: «C’était rien moins que l’Humanisme dans la rédemption: la créature se substituait à Dieu dans l’œuvre du rachat du monde» (25). L’ETUDE DU TALMUD SE SUBSTITUE A CELLE DE LA BIBLE Le but final de cette manœuvre était de faire oublier la Bible et surtout les Prophètes qui avaient annoncé le Messie. A une étude attentive du Talmud, comme le mettent en évidence les frères Lémann, on découvre un double but, l’un apparent et l’autre profond. Le premier est un but de CONSERVATION des traditions hébraïques qui, transmises oralement au cours des siècles, furent réunies en un seul code quand la diaspora fit craindre leur possible perte; l’œuvre de rassemblement, appelée Talmud (c’est-à-dire enseignement, transmission) commença en Palestine avec Rabbi Juda le Saint, vers 190 et se termina à Babylone vers 500. Le second but du Talmud est un but de DIVERSION: en effet le texte est riche de questions scientifiques, cérémonielles et casuistiques, mais vide, ou à peu près vide de questions dogmatiques et surtout messianiques. Au Moyen Age ensuite, les écoles hébraïques se sont concentrées sur l’étude du Talmud au détriment des études bibliques et des Prophètes; le dicton est célèbre: «la Bible est l’eau, la Mischna est le vin, la Ghemara est la liqueur aromatique. Qui s’occupe de la Bible fait quelque chose d’indifférent; qui s’occupe de la Mischna mérite récompense; qui s’occupe de la Ghemara fait, de toutes les actions, la plus méritoire» (26). L’esprit des Juifs était désormais concentré sur les interminables subtilités du Talmud et n’avait plus l’opportunité d’aborder la question messianique. «Ce que le Ghetto a été à nos corps, le Talmud l’a été à nos intelligences: il les a enserrées. Il fallait empêcher le peuple de retourner aux Prophéties, on y a réussi» (27). “Et tenebræ factæ sunt” …Le silence est descendu depuis lors sur le Messie. Mais cela avait aussi été prédit par le Prophète Isaïe: «[Un jour] ... la vision d’eux tous [les prophètes] sera pour vous comme le livre scellé: lorsqu’on le donnera à un homme qui sait lire, on dira: “Lis ce livre”; et il répondra: “Je ne le puis, car il est scellé”» (28). PERIODE DE RATIONALISME ET D’INDIFFERENCE (XVIIIème-XIXème siècles) Avec le XVIIIème siècle commence pour Israël une nouvelle période, celle du rationalisme et de l’indifférence. Au Moyen Age la pensée du peuple juif était comme en tutelle. On n’osait même pas penser au Messie; comme nous l’avons vu c’était l’heure de la puissance du rabbinisme et des ténèbres. Dans la Synagogue du XVIIème et du XIXème siècles on respire un air nouveau, complètement différent: la question du Messie est traitée librement. Il y a toujours, sans doute, le vieux parti talmudiste qui voudrait renfermer la pensée d’Israël dans les subtilités talmudiques, mais désormais prévalent deux écoles: a) celle qui pense que le Messie est un mythe, et c’est le Judaïsme rationaliste; b) l’autre qui ignore la question messianique et c’est l’indifférentisme et le relativisme matérialiste. LE MESSIE REGARDE COMME UN MYTHE Le Messie mythique (29) rappelle aux esprits le Christ cosmique: ce n’est pas une per- 14 sonne, c’est une idée, c’est un règne universel: ou celui du monothéisme antitrinitaire, ou celui de la triade révolutionnaire (liberté, égalité, fraternité). Les causes de la corruption de l’idée Messianique peuvent se ramener à trois: le Philosophisme du XVIIIème siècle, la Révolution de 1789, la destruction du talmudisme orthodoxe. La première est le Philosophisme, instrument de scepticisme, de l’agnosticisme et de libre pensée, destructeur de toute Religion. Spinoza et Mendelssohn furent les principaux représentants de cette école et avec eux commença une sorte de néojudaïsme moderniste. La théorie du Messie mythique de Mendelssohn pénètre dans les synagogues par l’Allemagne et l’idée d’un règne prend la place de celle d’un Messie personne. Et voici qu’un événement historique d’exceptionnelle importance (la Révolution française de 1789) vient fournir des couleurs, concrétiser, donner l’apparence de réalité à la théorie du Messie mythique. L’émancipation du peuple juif (1791), l’égalité civile de tous les hommes, marquent le commencement de la pénétration profonde du peuple juif dans la famille des nations, dont il avait été séparé pendant dix-huit siècles. C’est pourquoi la théorie du Messie considéré comme un règne universel ou comme une ère, trouva consistance et faveur. FRANCE ET ALLEMAGNE En Allemagne le progrès de la nouvelle doctrine du Messie mythique s’accomplit sous l’influence du Philosophisme, tandis qu’en France ce fut sous l’influence de l’émancipation civile. Les Juifs allemands en effet n’étaient pas encore émancipés civilement mais étaient travaillés par le Philosophisme, alors que ceux de France, civilement émancipés, s’en méfiaient encore. A partir de 1843 en Allemagne on commença à aspirer au retour en Palestine, en donnant naissance au Sionisme actuel, dont les racines sont laïques, agnostiques et modernistes, très éloignées de l’idée du Règne du Messie personne; les Juifs allemands, encore privés de la liberté civile étaient disposés à renoncer à tout, Messie compris pour l’obtenir. En France au contraire les Juifs jouissaient de la liberté civile et politique depuis 1791 et étaient donc moins enclins à modifier leur “credo”; l’autorité du rabbinat était restée très influente, au point de faire rester dans l’ombre toute question inhérente au Messie, quoique al- légorique et impersonnelle. Mais avec 1848 les choses changèrent: durant le règne de LouisPhilippe le Rationalisme allemand avait stimulé et influencé le Judaïsme français au point qu’en 1846 même dans la Synagogue de France on s’engagea dans la voie de l’“aggiornamento”. REFUTATION DU MYTHE MESSIANIQUE «Mais à présent - s’insurgent passionnément les frères Lémann - la Bible dans les mains et l’indignation dans le cœur… nous nous levons pour venger les traditions de nos pères» (30); si le Messie personnel était un mythe, toute la tradition judaïque de l’Ancien Testament tomberait en ruine, non seulement la tradition patriarcale mais aussi la tradition prophétique. Le Messie n’est pas un mythe, Abraham a parlé de sa semence (31), Jacob de sa tribu (32), Isaïe a décrit son intelligence, sa bouche, son visage (33), Daniel sa mort (34). Enfin si le Messie était un mythe et non une Personne, Israël perdrait son titre honorifique d’avoir donné le Sang au Messie. En effet si le Messie est le règne des principes de 89, c’est la France qui les a proclamés et non Israël. Si l’Occident a étendu dans le monde entier le règne du Messie, qui est l’Eglise du Christ, Israël a “enfanté” sa personne. «A l’Occident le règne messianique; à l’Orient la personnalité messianique; au peuple chrétien, son sceptre, mais au peuple juif son berceau!» (35). Et un jour prochain, prédit par St Paul, nous verrons l’Orient qui remerciera l’Occident d’avoir étendu son règne, alors que l’Occident remerciera l’Orient d’avoir produit sa Personne, le peuple chrétien et le peuple juif former un seul royaume: l’Eglise du Christ. LES PROPHETIES MESSIANIQUES DE L’ANCIEN TESTAMENT SE SONT ACCOMPLIES EN JESUS-CHRIST Toutes les prophéties messianiques de l’Ancien Testament se sont réalisées en JésusChrist, qui est donc le vrai Messie. Il est bon de rappeler ici au moins les principales. 1) Le temps. Trois prophètes au moins ont prédit la venue du Messie: a) Jacob (36) qui affirma: «Le sceptre ne sera pas ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que vienne Celui qui doit être envoyé, et Luimême sera l’attente des Nations» (37). Que le temps fût accompli dans le Christ l’histoire nous l’enseigne: le pouvoir fut enlevé à la 15 tribu de Juda après l’avènement du Christ et non avant. En effet avant le Christ, c’est-àdire depuis David jusqu’à la captivité de Babylone la tribu de Juda eut toujours des rois. Après le Christ les Juifs restèrent sans roi, sans autorité et furent dispersés par le monde, comme en témoigne l’histoire. b) Le prophète Malachie dit: «Voici que moi j’envoie mon Ange, et il préparera la voie devant ma face. Et aussitôt viendra dans son Temple le dominateur que vous cherchez, et l’Ange de l’alliance que vous désirez» ( 38 ). Le Dominateur et l’Ange du Testament sont le Messie-Dieu. L’Ange qui le précède est le Baptiste, le Précurseur, et St Matthieu nous le confirme: «Car c’est lui [le Baptiste] dont il est écrit: Voici que moi j’envoie mon Ange devant votre face, lequel préparera votre voie devant vous» (39). c) Le prophète Aggée a prédit «Voilà ce que dit le Seigneur des armées: encore un peu de temps, et j’ébranlerai le ciel et la terre, et la mer, et la partie aride. Et moi j’ébranlerai toutes les nations. Et viendra le Désiré de toutes les nations; et je remplirai cette maison de gloire» (40). Ici le prophète parle du Messie qui doit venir dans le Temple de Jérusalem (qui à partir de 70 n’existe plus et constitue le terme avant lequel devait se vérifier la venue du Messie). 2) Le lieu de sa venue. Michée prophétisa que le Messie naîtrait à Bethléem de Judée: «Et toi, Bethléem Ephrata, tu es très petit entre les mille de Juda; de toi sortira pour moi celui qui doit être le dominateur en Israël, et sa génération est de toute l’éternité» (41); les mêmes prêtres et scribes interrogés par Hérode où devait naître le Messie, répondirent: à Bethléem. 3) La mère vierge de Jésus avait été prédite par Isaïe: «Voilà que la vierge concevra et enfantera un fils, et son nom sera appelé Emmanuel» (42). 4) De l’origine du Messie parlèrent: a) Isaïe: «et il sortira un rejeton de la racine de Jessé [père de David] et une fleur s’élèvera de sa racine» (43). b) Jérémie: «Voilà que des jours viennent, dit le Seigneur; et Je susciterai à David un germe juste; un roi régnera, il sera sage, et il rendra le jugement et la justice sur la terre» (44). 5) La dignité du Messie: a) Il sera Roi spirituel, et plusieurs prophéties l’appellent Rex, Fortis, Dux, Princeps, Dominator (45); à Lui est promis un royaume universel et perpétuel ( 46 ). b) Prêtre, comme l’appelle David, «Vous êtes Prêtre pour l’éternité, selon l’ordre de Melchisédech» ( 47 ). c) Prophète, comme le présente Moïse: «Le Seigneur ton Dieu te suscitera un prophète de ta nation et d’entre tes frères» (48). 6) La passion et la mort du Christ que nous connaissons par les Evangiles, a été prophétisée presque à la lettre et avec toutes les circonstances dans l’Ancien Testament, comme cela ressort de la confrontation suivante: «Ils pesèrent ma récompense, trente pièces d’argent» (49).➝ «Ils ont reçu les trente pièces d’argent, prix de celui qui a été apprécié» (50)/. «Il a été compté parmi les scélérats» (51). ➝ «Il a été mis au rang des scélérats» (52)/. «J’ai abandonné mon corps à ceux qui me frappaient, mes joues à ceux qui arrachaient ma barbe; je n’ai pas détourné ma face de ceux qui me réprimandaient et qui crachaient sur moi» (53).➝ «Alors il lui crachèrent au visage, et le déchirèrent à coups de poing» (54)/. «Ils ont percé mes mains et mes pieds: ils ont compté tous mes os» (55).➝ «Lorsqu’ils furent arrivés au Calvaire, ils le crucifièrent» (56)/. «Ils se sont partagé mes vêtements, et sur ma robe ils ont jeté le sort» (57).➝ «Après qu’ils L’eurent crucifié, ils partagèrent ses vêtements, jetant le sort…» (58)/. «Ils m’ont donné pour nourriture du fiel, et dans ma soif ils m’ont abreuvé de vinaigre» (59).➝ «L’un d’eux, prit une éponge, l’emplit de vinaigre, puis la mit au bout d’un roseau, et il lui présentait à boire» (60)/. L’ESPERANCE D’UNE ULTIME PHASE FUTURE: LA CONVERSION St Paul a parlé de l’Antéchrist et de la Grande Apostasie; comme le peuple juif n’a pas voulu accueillir le Messie, le temps hélas est arrivé où les nations, d’abord païennes et ensuite chrétiennes, ne veulent plus que Jésus-Christ règne sur elles: c’est l’Apostasie des Nations. Quelle Nation reconnaît aujourd’hui encore le Règne social du Christ? Malheureusement aucune: St Paul nous avait averti: «Ne cherche pas à t’élever [gentilité], mais crains. Car si Dieu n’a pas épargné les rameaux naturels, il pourra bien ne pas t’épargner toi-même. Vois donc la bonté et la sévérité de Dieu: sa sévérité envers ceux qui sont tombés, et sa bonté envers toi, si toutefois tu demeures ferme dans cette bonté; autrement tu seras aussi retranchée» (61), et il ajoute aussi: «Comme autrefois vous-mêmes [les Gentils], n’avez pas cru à Dieu, et que maintenant vous avez obtenu miséricorde à 16 cause de leur incrédulité [des Juifs], ainsi eux [dont l’incrédulité a été cause de la miséricorde que vous, Gentils, avez obtenue], maintenant n’ont pas cru pour que miséricorde vous fût faite, et qu’à leur tour ils obtiennent miséricorde» (62). La mauvaise disposition du peuple juif a mis environ deux mille ans pour arriver à son comble, depuis Abraham au déicide. Ainsi maintenant la Grande Apostasie s’est manifestée complètement, environ deux mille ans après la mort de Jésus! St Jérôme enseigne: «Le péché des Juifs a produit le salut des nations, et de l’incrédulité des nations viendra à son tour la conversion d’Israël» (63), et de nombreux Pères avec lui soutiennent la même thèse (64). Quand un jour par l’infidélité des nations chrétiennes, Dieu se tournera vers Israël pour le rappeler à Lui et quand Israël finalement, après tant de refus se jettera dans les bras de Dieu, à ce moment il y aura dans le cœur de Dieu une telle effusion de tendresse et de miséricorde qu’Il se tournera aussi vers l’autre peuple infidèle: le peuple chrétien, et alors Juifs et Chrétiens seront unis par l’Amour miséricordieux infini de Dieu en un seul troupeau. C’est dans ce but que Dieu permet que le germe mauvais, le “Mystère d’Iniquité” croisse dans le monde. St Paul le confirme: «Dieu a renfermé tout dans l’incrédulité [Juifs et Gentils], pour faire miséricorde à tous» ( 65) Cette conversion des deux peuples infidèles à Dieu ne coïncidera pas selon l’interprétation la plus commune - avec la fin du monde. Même elle la retardera. C’est seulement quand il y aura une nouvelle grande infidélité et un éloignement de Jésus qu’alors viendra la fin qui sera donc précédée d’une certaine période de paix et de foi dans le monde entier, de telle sorte qu’il n’y aura plus qu’UN SEUL TROUPEAU SOUS UN SEUL PASTEUR (66). UN CONFIRMATUR DU JUIF CONVERTI ROCCA D’ADRIA Ce qu’écrit le Juif converti Rocca d’Adria sur la question du Messie est encore très intéressant: «Les Juifs soutiennent que le Messie n’est pas venu… eh bien le peuple juif est truffé de ses rabbins, qui dans le Talmud reconnaissent… d’abord: que le Messie est venu, ensuite: que le Messie est venu l’année de la naissance de Jésus-Christ, dans la condition de Jésus-Christ et ne peut pas mourir sinon comme Jésus-Christ est mort. Ecoutez. Dans le Talmud, traité Sanhédrin… édition de Venise, 1520, folio 98, le rabbin Josué fils de Levi dit qu’il rencontra le prophète Elie et lui demanda… «“Quand ce Seigneur arrivera-til?” Elie répondit: “Va et interroge-le luimême”. - “Et où est-Il?” Et Elie de répondre: “Le Messie est assis aux portes de Rome”. - “Et comment le reconnaîtrai-je?”. “Il est assis au milieu des pauvres, des infirmes et des affligés, Il débande et redébande leurs blessures, mais Il les couvre et les recouvre, les unes après les autres parce qu’Il dit: Peut-être serai-je appelé à sauver Israël et rien ne pourra m’en retenir”». Donc d’après cette première et non moins importante confession talmudique, le Messie est venu, seulement Il ne se manifeste pas encore. Dans le Talmud, traité Berahòd, chapitre Cahorè, la reconnaissance du Messie est plus explicite. On y lit: “Le jour où fut détruit le Temple, dans lequel naquit le Messie”… Et cela est répété par le très célèbre Aben Esra, dans son commentaire du Cantique VIII, 5. “Le Messie naquit le jour où fut démoli le Temple”. Dates inexactes, mais événement certain: le Messie est venu. Dans le Talmud, traité Sanhédrin… chapitre hec, il est écrit: “Le Messie ne viendra pas jusqu’à ce que le Royaume… des Romains prévale sur Israël neuf mois”; et pareillement dans le traité Jomà: “Le Messie ne viendra pas jusqu’à ce que le royaume des Romains s’empare du monde pendant l’espace de neuf mois”. …Maintenant ces… phrases non seulement concordent à admettre la venue du Messie après l’hégémonie de Rome sur Jérusalem, mais sont signalées deux cents ans après la destruction de Jérusalem, donc l’événement devait forcément s’être déjà produit. De la même nature, une autre confession très importante du Talmud, traité Sanhédrin… chapitre chadinè mamanód dit: “…Le Messie ne viendra pas tant qu’il manque deux maisons des pères d’Israël qui sont, le chef de la captivité de Babylone, et le prince de la terre d’Israël, comme il est écrit en Isaïe VIII, 14, et il sera pour vous moyen de sanctification, mais pierre d’achoppement pour les deux maisons d’Israël, et… ruine pour les habitants de Jérusalem”. Cinq cents ans après la venue de Jésus-Christ, le Talmud était obligé de reconnaître que le Messie devait venir à manquer aux deux maisons d’Israël. Et Jésus-Christ naissait justement 17 alors que le chef de la captivité de Babylone avait perdu toute domination sous les Grecs, et le prince de la maison d’Israël avait été dépeint dans la personne du dernier Macchabée, par l’œuvre d’Hérode Alienigène. Cette confession talmudique est toujours tenue dans la plus grande vénération par tous les rabbins, et, qui plus est, est tenue très secrète. Mais il est une autre très importante confession qu’ont dû faire les rabbins dans le traité Ghnavodà zarà, au chapitre lifnè eèden, où il est écrit: “c’est une tradition de l’académie d’Elie… que le monde dure six mille ans, parmi lesquels deux mille sans loi, deux mille le temps de la loi et deux mille le temps du Messie”. Donc d’après cette sentence talmudique… le Messie devait naître l’an quatre mille [après Adam et donc il y a deux mille ans, n.d.r.]; dans le livre Zèmah David [on lit]: “Jésus le Nazaréen naquit à Bethléem de Juda, à une lieue et demi de Jérusalem, en l’an 3760 de la création du monde, et 42 de l’Empire de César Auguste” …Donc les rabbins du Talmud reconnaissent clairement que le Messie est venu et admettent implicitement que le Messie était Jésus-Christ. [En 70] les rabbins tremblèrent. On avait jamais vu une dévastation semblable! Une autre fois, c’est vrai, le Temple avait été détruit, mais la masse du peuple avait été déportée en un seul pays, à Babylone: maintenant au contraire la majorité du peuple, pas même déportée avait été crucifiée: il ne s’était plus trouvé de bois pour Le Martyre du Bienheureux André de Rinn faire des croix! Les cinq sixièmes des Juifs étant morts, le reste dispersé par le monde entier; les tribus de Juda et de Benjamin étant confondues pour toujours; la race de David ayant été assassinée jusqu’à son dernier rejeton, il était donc impossible que naisse encore un Messie de cette souche… il était impossible de nier l’évidence: le Sanhédrin, Anne Caïphe s’étaient trompés, Jésus-Christ était le vrai Fils de Dieu et le vrai Messie. Ceci posé, il ne restait plus aux rabbins, sinon de confesser finalement qu’ils s’étaient trompés, que le Messie était venu, mais il fallait avoir le courage de s’exposer à la colère du peuple, trompé dès lors, sur lequel était tombé le plus terrible des fouets… Les rabbins n’en étaient pas capables. Que faire? Les Juifs voulurent regagner deux buts. Le premier, de la plus grande importance, était celui d’assurer aux restes de leur nation les avantages apportés par le Messie, le second, avertir les générations futures de l’erreur, en mettant par écrit, ce qui servit à éclairer ceux qui guideraient les restes de la misérable nation… Le Sang de Jésus-Christ devenu nourriture et breuvage de l’homme assurait la rémission des péchés et la vie éternelle. Mais ce Sang était sous le pouvoir des prêtres chrétiens; impossible aux rabbins de s’en emparer directement, il fallait donc l’obtenir de seconde main [en se leurrant, aveuglément et superstitieusement, que ce sang puisse porter des fruits et non de nouvelles malédictions, n.d.r.]: c’est-à-dire en prenant le sang d’une créature sauvée par le Sang du Christ et en se nourrissant de ce sang. Et maintenant voulez-vous savoir pourquoi l’imitation de la Communion eucharistique adoptée par les Juifs s’appelle aficòmen (fortifiant), et quel est le remontant gardé dans cet azyme spécial, dite justement garde? Ouvrez le procès du bienheureux Simon de Trente et pour venir aux temps modernes, ouvrez la confession du rabbin Théophile, converti et devenu moine grec: vous trouverez la description du rite [de l’homicide rituel, n.d.r. (67)], dont son père lui-même fit le dépositaire (68): feuilletez le procès de l’assassinat rituel perpétré par les Juifs de Damas en 1840 sur la personne du Père Thomas de Calangiano, capucin, et vous trouverez la confirmation; le sang sert pour les azymes (69). Il est donc prouvé que les Juifs ont une communion pascale; que c’est l’aficòmen, et qu’elle fut instituée par les rabbins après la destruction de Jérusalem. 18 Et maintenant un mot sur deux objections qui pourraient être faites: l’aficòmen n’est pas en contradiction avec la haine des Juifs contre Jésus-Christ, puisque tout le Talmud est basé sur un système spécial: c’est-à-dire que l’essence de la religion réside dans les formules et dans la lettre; l’intention et le cœur n’ont rien à y voir, c’est une chose très naturelle pour les compilateurs du Talmud et pour tous les rabbins, de haïr à mort JésusChrist, et de contrefaire la communion, en pratiquant l’aficòmen, pour participer à la rémission des péchés et à la vie éternelle» (70). Pour confirmation de ce qui est écrit sur la question messianique on renvoie le lecteur à l’œuvre du prêtre G. Bernardo de Rossi, qui fut «…le plus grand hébraïste de l’Italie chrétienne, … mort à Parme en 1831… en correspondance avec les érudits de toute l’Europe, …qui rassembla une très riche bibliothèque de manuscrits et incunables hébreux …[et] publia …plus de cinquante volumes» (71), et en particulier au savant ouvrage “Della vana aspettazione degli ebrei del loro Messia” ( 72), actuellement consultable à la Bibliothèque Palatine de Parme. NOTES 1) J. et A. LÉMANN, La question du Messie et le Concile du Vatican, Joseph Albanel éd., Paris 1869, p. X. 2) Cf. Sodalitium, n° 42, pp. 4-33. 3) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 2. cf. Genèse XXII, 17-18. 4) Michée V, 2. 5) Jérémie, XXIII, 5-7. 6) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 8. 7) Matth. I, 2. 8) Matth. I, 3. 9) Talmud Babyl. traité Pesachin, ch. V, gd. 62. 10) M. MAIMONIDE, traité Mélachim, ch. XII. 11) Daniel, IX, 24-26. 12) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 24. 13) Jér. XXIX, 10. 14) Dan. IX, 20-27. 15) Is. XLI, 1; Ps. XLIV, 8; Act: X, 33. 16) II Esdras II, 1-8. 17) Jn II, 20. 18) Lc III 1-22: «L’an quinzième du règne de César Tibère, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée». 19) Dan. IX, 27 - XII, 7. 20) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 31. 21) J. et A. LÉMANN, op. cit., pp. 32-33. 22) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 34. 23) M. MAIMONIDE, Iggereth Hatteman, fol. 125, 4. 24) Sur les exemples pratiques de l’altération du texte hébraïque, qui n’est donc pas le plus sûr, à la différence de la Vulgate de St Jérôme, cf. J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 38. note 1. D’autres auteurs ont découvert et dénoncé cette altération du texte hébreu soit parmi les Chrétiens soit parmi les ex-Juifs. Voir, par ex., ST JUSTIN, Dialogue avec Triphon; ST IRENEE, l. III, ch. XXIV; TERTULLIEN, Lib. contra Judæos, n° 10, 13; Contra Marcionem, n° 19; Lib. de habitu muliebri, ch. III; ORIGENE, Ep. ad Africanum, hom. XXII in Jeremiam; ST ATHANASE, In fine Synopsis Monnaie de la “Judée captive” divinæ Scripturæ; EUSEBE, Historiæ, l. IV, ch. XVII; NICEPHORE CALLISTE, Hist. Eccl., l. IV, ch. VI; ST JEAN CHRYSOSTOME, hom. V in Matth., hom. IX; ST AUGUSTIN, De civitate Dei, l. XV, ch. XI; ST J EROME , Epist. ad Marcell, in ch. III, Ep. ad Gal.. De nombreux rabbins convertis au Christianisme ont également admis le fait: N ICOLAS DE L YRE , in cap. IX, Osée v. 12; P IERRE GALATIN, De arcanis catholicæ veritatis, l. I, ch. VIII; PAUL, EVEQUE DE BURGOS, In additione ad Psalm. XXI; RAYMOND MARTIN, Pugio fidei; PAUL DRACH, De L’harmonie entre l’Eglise et la Synagogue, t. I, pp. 51-56. 25) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 44. 26) Cod. Sopherim, ch. XV. 27) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 49. 28) Is, XXIX, 11. 29) Aujourd’hui encore parmi les Juifs ultra-orthodoxes l’idée d’un Messie personne n’a pas du tout disparu même si elle apparaît minoritaire. Voir par exemple J. L. S CHOCHET , Mashiach, il concetto di Mashiach e dell’era Messianica nelle regole e nelle tradizioni ebraiche, Chaya, année V, n° 9, Milano 1993. «Le Messie est un être humain, né de façon naturelle de parents humains» (cf. OZ HACHAMA, sur Zohar II: 7b; R. CHAIM VITAL, Arba Meot Shekel Kfessef, ed. Tel Aviv, 5724, p. 241 a-b). Mais cette interprétation exclut la divinité du Messie, même en admettant la personnalité. 30) J. et A. LÉMANN, op. cit., p. 69. 31) Gen. XII, 3. 32) Gen. XLIX, 10. 33) Is. LII, 13-15. 34) Dan. IX, 26. 35) J. et A. LÉMANN, op. cit., pp. 74-75. 36) Gen. 49, 10. 37) Gen. 49, 10. 38) Mal. III, 1. 39) Matth. XI, 10. 40) Ag. II, 7. 41) Mich. V, 2. 42) Is. VII, 14. 43) Is. XI, 1. 44) Jér. XXIII, 5. 45) Cf. Ps. II, 6; Jér. XXIII, 5. 46) Cf. Lc I, 32; Jn XVIII, 37; Matth. XXVI, 64; Mc XV, 2; Lc XXII, 70; Matth. XXVIII, 18; Jn XVIII, 36. 47) Ps. CIX, 4. 48) Deut. XVIII, 15. 49) Zach. XI, 12. 50) Matth. XXVII, 9. 51) Is. LIII, 12. 52) Mc XV, 28. 53) Is. L, 6. 54) Matth. XXVI, 67. 55) Ps. XXI, 17. 56) Lc XXIII, 33. 57) Ps. XXI, 19. 58) Matth. XXVII, 35. 59) Ps. LXVIII, 22. 60) Matth. XXVII, 48. 19 61) Rom. XI, 20-22. 62) Rom. XI, 25. 63) ST JEROME, Super Cant. Cant., hom. 1. 64) ORIGENE, Explic. Ep. ad Rom., ch. II; Hom. IV in Jeremiam. ST JEAN CHRYSOSTOME, Hom. In cap. II ad Rom. ST AUGUSTIN, Comm. In Ps. VII, n° 7. 65) Rom. XI, 31-32. 66) Jn X, 16. 67) Cf. Sodalitium, n° 29, pp. 20-38. 68) Rivelazioni di Neofito ex rabbino, monaco greco, Prato, Giacchelli ed. 1883, pp. 34-35. 69) A. LAURENT, Relation historique des affaires de Syrie depuis 1840 jusqu’en 1842, Gaume éd., Paris 1846. 70) ROCCA D’ADRIA, L’Eucarestia e il Rito pasquale ebraico, in “Atti del Congresso Eucaristico tenutosi in Torino”, 2-6 septembre 1894, vol. 2°, Torino, tipografia Pietro Celanza 1895, pp. 81-89. Lire aussi du même auteur Nella tribù di Giuda, ed. Fassicomo, Genova 1895, où il confirme ce qu’il prouva dans le travail sus-mentionné, c’est-à-dire que, la Sainte Ecriture et les textes rabbiniques en main, le Messie est déjà venu en la Personne de Jésus-Christ. 71) DE ROSSI - G. BERNARDO, in Enciclopedia Cattolica, Città del Vaticano 1950, vol. IV, col. 1451. 72) Stamperia reale, Parma 1773. “Le Pape du Concile” VINGTIEME PARTIE: JEAN XXIII INAUGURE L’ŒCUMÉNISME. Par M. l’abbé Francesco Ricossa G eoffrey Francis Fischer est né en 1887, six ans après Jean XXIII. Dixième fils du recteur de High-on-the-Hill, il suivit les ornières paternelles puisqu’“à vingt-sept ans seulement il devenait recteur de la célèbre école théologique de Repton où il avait fait la connaissance de Rosamund Chevalier Forman, fille d’un ancien recteur; il l’avait épousée et en avait eu six enfants” (1). Entretemps et dès 1916, comme nous l’avons déjà rappelé dans le numéro précédent, “il était initié à la Loge Old Reptonian N. 3725 de la Grande Loge d’Angleterre” (2); l’école théologique de Repton était évidemment à la fois pépinière de maçons et d’ecclésiastiques, selon l’osmose, habituelle en Angleterre, entre maçonnerie, anglicanisme et monarchie. De Chester dont il fut l’“évêque anglican” de 1932 à 1939, Fischer fut promu à Londres en 1939 pour devenir après 1945 “archevêque” de Cantorbéry et “Primat de toute l’Angleterre”. C’est en cette qualité qu’il couronna la Reine Elisabeth II, le 2 juin 1953, en l’abbaye de Westminster. Parallèlement il avait fait carrière aussi parmi les francs-maçons pour devenir en 1939 Grand Chapelain de la Grande Loge Mère du monde (2). Même chez les anglicans, il était considéré comme professant des “idées libérales (...). Immédiatement après sa nomination au siège de Saint-Augustin [de Cantorbéry] il avait réclamé la fin des discriminations raciales dans tout le Commonwealth et entrepris la réali- sation d’un programme œcuménique très courageux pour l’Eglise anglicane encore très liée aux structures conservatrices” (1). En effet à l’intérieur de l’anglicanisme ont toujours coexisté deux tendances opposées penchant l’une vers le calvinisme et l’autre vers le catholicisme (la “Haute Eglise”). Au siècle dernier, avec le Mouvement d’Oxford, les tendances philo-catholiques de l’anglicanisme s’accentuèrent au point qu’on parlait d’“anglocatholicisme” ( 3). Evidemment les “anglocatholiques” étaient œcuménistes en ce sens qu’ils souhaitaient sinon l’union, du moins un rapprochement entre l’Eglise anglicane et l’Eglise catholique romaine; mais, précisément pour cela, ils s’opposaient à l’œcuménisme vis-à-vis des autres protestants (calvinistes, méthodistes, baptistes etc.) privés d’une structure épiscopale car cet œcuménisme-là signifiait élargir le fossé entre Rome et Cantorbéry et, chose encore plus grave, démontrer à leurs yeux que l’Eglise anglicane n’était pas (ou n’était plus) une Eglise catholique (comme ils s’obstinaient à le croire). C’est précisément notre Geoffroy Fischer qui donna le coup de grâce aux anglocatholiques en accentuant démesurément la caractère protestant de l’anglicanisme. “En 1947 une Eglise avait été fondée dans l’Inde méridionale, Eglise formée d’un mélange de diocèses anglicans et de missions d’affiliation méthodiste et congrégationaliste” (3). Une partie de l’anglicanisme se fondait ainsi complètement avec le protestantisme le plus extrémiste. En 1948 à la Conférence de Lambeth présidée par Fischer, les opinions se divisèrent sur la question, mais Cantorbéry soutenait l’innovation qui fut ensuite pleinement reconnue en 1955. En 1948 toujours, les 20 L’“archevêque” de Cantorbéry, et le franç-maçon Fisher au couronnement de la reine Elisabeth en 1953 anglicans participèrent en masse à la première grande Conférence œcuménique du Conseil Œcuménique des Eglises tenue à Amsterdam. Dix ans plus tard, dans le même palais archiépiscopal de Lambeth se déroulait la IXème Conférence des “évêques anglicans” présidée par Fischer (3 juillet-10 août 1958). On y approuvait le contrôle des naissances (condamné en 1908), on était possibiliste sur le divorce et on déclarait ou projetait la pleine communion non seulement avec l’Eglise de l’Inde méridionale mais avec toutes les Eglises calvinistes et méthodistes de l’Inde, de la Birmanie, du Pakistan, de Ceylan, d’Afrique occidentale et de Jérusalem (4). La réaction d’un grand nombre d’anglocatholiques fut l’effarement. “Les consciences des anglicans, clercs et fidèles - écrivait le rév. Frederic O. Davis, directeur du mensuel The Dome - ont été durement mises à l’épreuve depuis 1955” avec la soumission à l’“œcuménisme protestant”. “Beaucoup d’anglicans, dans toutes les parties du monde, se sont mis à prier avant la conférence de Lambeth de 1958, espérant qu’elle renverserait cette tendance au suicide. Mais il n’en fut rien. L’ensemble de l’épiscopat anglican a donné sa bénédiction à des projets qu’il voyait appelés [sic] à réaliser la ‘grande Eglise à venir’. Aux yeux de la chrétienté d’esprit catholique, une telle doctrine de l’Eglise était hérétique” (5). Les anglocatholiques de Davis proposèrent donc au SaintSiège de créer une Eglise anglocatholique de transition vers la pleine union avec Rome, ou d’accepter une union avec un vaste groupe d’anglicans. Après huit mois de tractations, entre 1958 et 1959, la réponse fut négative: la seule voie était celle de la conversion individuelle pure et simple au catholicisme. Davis se convertit et entra au séminaire à Rome. Lors d’une interview à l’hebdomadaire catholique londonien The Univers, Davis déclara entre autres: “Il semble vraisemblable que les dirigeants de l’Eglise anglicane continueront dans le sens de l’œcuménisme protestant. Cette position va devenir intenable pour beaucoup de pasteurs anglicans et beaucoup penseront que le temps est venu d’envisager le retour à Rome. Il y a maintenant dans l’Eglise anglicane une tendance protestante en matière de réunion et de morale. C’est ainsi qu’on voit des pasteurs essayant de donner un enseignement orthodoxe et dont les efforts sont sapés par leurs supérieurs.” (5). Le révérend Davis aurait-il pu imaginer une chose pareille? Tandis que lui-même abandonnait la communauté anglicane parce qu’elle avait accepté l’hérésie protestante, dans le même temps, en instituant le Secrétariat pour l’union des chrétiens puis en recevant le responsable du virage philoprotestant de l’anglicanisme, Geoffroy Fischer, Jean XXIII cherchait à faire entrer les catholiques dans le courant tourbillonnant du mouvement œcuménique... Le travail du Secrétariat pour l’union des chrétiens “Fischer a terminé le colloque en disant qu’il faut considérer sa visite au Saint-Père [Jean XXIII] comme un événement d’une portée historique, mais qu’il y a plus important encore avec la création du Secrétariat pour l’union des chrétiens: sa visite n’est que passagère, tandis que le Secrétariat est une institution permanente qui poursuivra le travail”. Telles sont les paroles conclusives, d’importance fondamentale, d’un compte-rendu officiel de la rencontre Bea-Fischer qui eut lieu à Rome chez le card. Bea au Collège pontifical brésilien, au sortir de l’audience “pontificale” accordée par Jean XXIII à Fischer (6). En effet “la rencontre historique” dont nous allons parler, était déjà le fruit du travail du Secrétariat institué par Jean XXIII avec le Motu Proprio Superno Dei nutu du 5 juin 1960 et présidé par le cardinal Bea (7). Le 13 juin Jules Marx Isaac était reçu (en secret): c’était le début du dialogue avec le judaïsme (8); le 2 décembre l’entrevue avec le Primat anglican ouvrait officiellement le dialogue au sommet avec le protestantisme et, plus généralement, 21 avec le mouvement œcuménique. Nous avons déjà raconté les préparatifs de l’entrevue avec Isaac; mais comment naquit l’entrevue avec Fischer? Un autre anglican reçu par Jean XXIII, l’“évêque” de Southwark, parlant de l’audience prochaine à Fischer, déclarait: “les conférences au sommet ne peuvent donner de résultats satisfaisants s’il n’y a pas eu une préparation soignée, et un accord de principe dans les coulisses” (9). La version officielle parlait, elle, d’une décision spontanée et quasiment improvisée de Fischer. Que se passa-til en fait “dans les coulisses”? En pleine nuit, dans un hôtel londonien... Le 2 novembre 1960 “un communiqué officiel de Geoffrey Fischer, l’Archevêque de Cantorbéry d’alors, informait que dans le cadre de son pélerinage en Palestine, outre une visite à Constantinople [au Patriarche Athénagoras, son collègue dans le schisme et dans la maçonnerie, n.d.a.], il [Fischer] avait l’intention de rendre également une ‘visite de courtoisie’ à Jean XXIII. Deux jours après, ce dernier “manifestement content de cette annonce” disait au cardinal Bea : “L’horizon commence à s’éclaircir, courage” (10). Si Jean XXIII se réjouissait, le monde catholique était perplexe. “La décision de Fischer - poursuit le Père Schmidt - montra à quel point on était peu préparé à Rome à ce genre de visites”; il s’agissait, écrivit ensuite Bea “d’un fait nouveau auquel il fallait s’habituer tant psychologiquement que pour ce qui regardait les circonstances extérieures” (11). Schmidt écrit encore: «Le premier ‘incident’ regarda la façon dont fut annoncée la visite dans L’Osservatore Romano. En tout petits caractères, les plus petits qu’il eût à sa disposition, le journal écrivait: “Les agences de presse et les quotidiens ont donné une large diffusion à l’annonce de la visite au pape Jean XXIII de l’archevêque anglican de Cantorbéry, Geoffroy Fischer. Ayant programmé de faire étape à Rome au retour de son voyage en Terre Sainte, le dr Fischer a exprimé le désir d’être reçu par le Souverain Pontife, tout en prenant la peine de préciser qu’il s’agira d’une visite de courtoisie. Sa Sainteté a fait savoir que le désir a été bien accueilli. L’audience en forme privée aura lieu dans les premiers jours du mois de décembre prochain”» (12). Le journal du Vatican cherchait manifestement à minimiser la portée de l’événement. C’est surtout au cardinal secrétaire d’Etat, Domenico Tardini, que Peter Hebblethwaite attribue la tentative de redimensionner la visite et de mettre obstacle aux projets du cardinal Bea (et de Jean XXIII lui-même). Le Père Schmidt, secrétaire de Bea, s’efforce de démentir sur ce point l’ancien jésuite (13), lequel s’appuie pourtant sur le témoignage direct qui lui a été donné par écrit le 22 février 1982 par Robert Hornby, alors attaché de presse de Fischer. L’article du père Roberto Tucci s.j. publié dans La Civiltà Cattolica et repris dans L’Osservatore Romano semble lui aussi vouloir minimiser la portée de cette visite désormais imminente et démentir les interprétations des œcuménistes (qui avaient cependant raison quant à la portée de leur succès). En effet dans le communiqué du 31 octobre émanant du Church Information Office, le dr Fischer, annonçant sa future visite à Jean XXIII déclarait que l’œcuménisme avait pour but la réalisation “d’une unité d’esprit avec les baptistes, les congrégationalistes, les méthodistes, et même avec les catholiques romains”. «La déclaration du dr Fischer - rapporte l’article du père Tucci - continuait en faisant allusion également, comme on l’avait déjà fait à Saint-Andrews [où s’était déroulé durant l’été une réunion du Conseil Œcuménique des Eglises avec la participation de quelques membres du Secrétariat de Bea] (14), à “un changement rapide d’attitude de Rome à l’égard de cet effort pour l’unité spirituelle et pour une compréhension mutuelle”, ainsi, lui semblait-il, du côté catholique on était passé “de l’ignorance et de la suspiscion” à “un intérêt croissant plein de sympathie et même, dans certains milieux, à un désir manifeste d’entrer dans l’esprit de ce mouvement”. Le dr Fischer voyait un autre “signe manifeste” de ce changement dans la constitution du nouveau Secrétariat pour l’union des chrétiens où était appelé à collaborer comme secrétaire Mgr Willebrands luimême, un des observateurs catholiques à Saint-Andrews». “A la lumière de tout ce qu’il a écrit - concluait le communiqué anglican - l’archevêque désire, dans un esprit de courtoisie et d’amitié entre chrétiens, rendre visite au patriarche œcuménique et au Pape à son retour de Jérusalem”. L’article du père Tucci continuait avec un compte-rendu des réactions de la presse internationale, et plus spécialement italienne et anglaise. Selon le directeur de La Civiltà Cattolica il y avait eu des “exagérations” et des “suppositions gratuites”: «on écrivait qu’il était permis de 22 supposer que la rencontre aurait un “caractère officiel” (Il Paese); qu’“elle se situait dans le cadre d’un mouvement promu par le Pape pour l’unité des chrétiens” (Il Messaggero); que l’initiative serait venue du Saint-Père luimême, lequel aurait fait savoir au dr Fischer, par l’intermédiaire de Mgr Willebrands, qu’il serait heureux de sa visite (La Nazione); que la rencontre serait “le fruit d’une sérieuse préparation déplomatique menée surtout par sir Peter Scarlet, représentant britannique auprès du Saint-Siège” (Il Tempo) et une étape de ces tractations». Le père Tucci poursuit: «Tandis qu’au Vatican on observait la plus stricte réserve et que L’Osservatore Romano, après son bref communiqué des 2 et 3 novembre ne revenait plus sur ce sujet, le dr Fischer, par contre, sentait le besoin de fournir quelques précisions (...). Le 5 novembre, parlant à la conférence diocésaine, il dit que, dans le passé, il n’aurait jamais pu envisager une simple visite sans donner lieu à de graves malentendus. Le fait qu’une rencontre de ce genre puisse maintenant avoir lieu est dû à la nouvelle mentalité qui règne dans toutes les Eglises et aussi “à l’initiative prise ouvertement par le Pape de faire savoir que l’Eglise romaine désire de meilleurs rapports”». Là il faisait clairement allusion à l’institution du Secrétariat. Un journal anglais «le New Statesman (5 novembre), affichant une conception très élastique du dogme, ajoutait Fisher dans la Grotte de la Nativité pendant son voyage au Moyen-Orient, avant sa rencontre avec Jean XXIII aussi que “l’unité ne pourra jamais être un fait accompli aussi longtemps que Rome ne se décidera pas à adopter certains changements fondamentaux en matière de doctrine”!». A l’encontre de toutes ces interprétations, La Civiltà Cattolica s’efforçait de convaincre le lecteur que “la visite a été envisagée dès le début comme un simple geste de courtoisie de l’archevêque de Cantorbéry à l’égard du Saint-Père, dans une audience privée, donc sans caractère officiel”: aucune différence avec ce qu’avaient fait les Papes Léon XIII, Pie XI, Pie XII et Jean XXIII sans susciter un tel tapage (15). Mais le père Tucci se donnait beaucoup de mal pour rien: ce qu’il s’efforçait de démentir n’était substantiellement que la réalité! Fischer lui-même chercha à démolir la supposition «selon laquelle, en marge de la réunion œcuménique de Saint-Andrews, il y aurait eu une sorte de “complot” pour s’entendre secrètement sur cette visite» (16). En réalité c’est exactement comme Tucci et Fischer s’efforçaient de le nier que les choses s’étaient passées. “La préparation de la visite commença en été - admet maintenant le père Schmidt - alors que Johannes Willebrands se trouvait en Angleterre pour participer, comme observateur, à une réunion de Foi et Constitution [la réunion du Conseil Œcuménique des Eglises qui se déroulait à Saint-Andrews, en Ecosse, n.d.a.]. Dans le plus grand secret, à la faveur de la nuit noire, Willebrands et le chanoine John Satterthwaite, secrétaire pour les relations ecclésiastiques de l’Eglise d’Angleterre, se rencontrèrent dans un hôtel londonien. Cet hôtel où eut lieu l’entrevue, le chanoine lui-même me le montra en 1962. Là Satterthwaite communiqua à Willebrands l’intention de l’archevêque, le dr Fischer, d’entreprendre un voyage pour la Terre Sainte et Constantinople, et de rendre dans le même contexte une ‘visite de courtoisie’ au Pape Jean. En octobre arriva la confirmation définitive avec le communiqué que la nouvelle serait rendue publique le 2 novembre [pour être exact, elle le fut le 31 octobre, n.d.a.]” (17). En somme, c’est de nuit, dans un hôtel londonien et dans les soussols d’une synagogue de Strasbourg (18) que le Concile a été préparé! L’initiative ne venait donc pas uniquement de Fischer: il y avait accord avec le Secrétariat. Et la visite n’était “privée” et de “courtoisie” qu’en apparence: en réalité elle faisait partie du plan à long terme adopté par Bea et Jean XXIII en vue du Concile Vatican II. 23 Le fr. .˙. Fischer au Vatican Venons-en au jour fatidique de la visite du successeur de Thomas Crammer au successeur présumé de saint Pierre: le maçon Geoffrey Francis Fischer reçu par Jean XXIII. Mgr Capovilla, commentant l’événement, écrivit: «J’ai été témoin oculaire de cette rencontre qui s’effectua pour ainsi dire sur la pointe des pieds... Aucun protocole n’était prévu pour ce jour-là. La feuille d’audience portait cette brève note: “12h15. Dr. Geoffrey Fischer”» (19). “L’Archevêque, la personnalité la plus importante en Angleterre après la reine” fut reçu presqu’en cachette, sans protocole, “avec l’exclusion complète des ‘massmedia’”. Jean XXIII s’en lamenta: “Ici tout le monde ne comprend pas ces choses...”, mais “cette façon de procéder était dictée, entre autres, par la crainte que le comportement envers l’hôte puisse être interprété comme une reconnaissance de sa dignité d’évêque (20) et de chef de l’Eglise d’Angleterre, et même de la Communion anglicane. Cet appareil extérieurement réduit frappe davantage encore si l’on pense que c’est dans la Chapelle Sixtine, avec le maximum de solennité, sous les projecteurs de la télévision, avec une cérémonie solennelle de prières, en présence des représentants du Collège cardinalice et du Corps diplomatique que sera reçu, en mars 1966, le successeur du dr Fischer, le dr Michael Ramsey” (21). (De toute évidence, entre 1960 et 1966, l’audience avec Fischer avait porté ses fruits!). Il y avait donc eu des résistances implicites ou explicites à l’entrevue (22), et si les organisateurs eux-mêmes (Bea, Jean XXIII...) n’insistèrent pas pour lui donner un plus grand relief, c’est probablement par crainte d’augmenter ces oppositions. Fischer, qui n’avait pas les mêmes préoccupations, cherchait à tirer de l’événement le maximum d’avantages. «Il faut reconnaître - admet Schmidt - (...) que l’Achevêque lui-même ne facilita pas les choses. La veille de l’audience, à l’église anglicane d’Ognissanti à Rome, il fit une prédication dans laquelle il soulignait le contraste, “résolu ensuite avec la Réforme du XVIème siècle”, entre “la conception d’une Eglise impérialiste et celle plus ancienne et apostolique d’un Commonwealth of Churches”; l’allusion à l’Eglise catholique romaine était claire» (23). Il n’est pas jusqu’à Hebblethwaite qui n’ait parlé de la “crudité d’expression anglicane” de Fischer vis-à-vis de l’Eglise catholique taxée d’impérialisme (24). Aussi le cardinal “Tardini ne cache guère son hostilité et il met tout en œuvre pour abréger la visite. Bea n’est pas autorisé à assister à l’audience (25). Tardini avait envoyé un membre relativement jeune de son équipe, Mgr Antonio Samorè, pour surveiller le pape Jean et lui rendre compte” (24). Qu’est-ce que se dirent Jean XXIII et Fischer durant les 55 minutes d’audience? Si le premier, comme à son habitude, évoqua les liens historiques entre les deux sièges, l’anglais, au contraire, selon son attaché de presse Hornby, aurait avançé une nouvelle fois son idée d’unité de l’Eglise: non par un retour des dissidents à Rome, mais par une entente collégiale entre “deux Eglises” qui “courent parallèlement” (26). Dans sa conversation avec Bea, Fischer s’informa du Secrétariat, des relations entre anglicans et catholiques ainsi que d’une éventuelle invitation d’observateurs anglicans au Concile” (27). Quelques jours plus tard, dans un article de sa main paru dans La Civiltà Cattolica, le cardinal Bea, vantait l’“extrême importance” de la rencontre au sommet Fischer-Roncalli ( 25 bis). Il n’avait pas tort, comme nous le verrons. Les conséquences de l’audience accordée à Fischer Contrairement à la visite du luthérien Dibelius reçu par Pie XII, la visite du Primat anglican ne devait pas rester sans suite. Les principales conséquences sont, à mon avis, au nombre de trois: 1) La “voie libre” aux autres innombrables initiatives similaires. 2) L’impulsion donnée à la doctrine œcuméniste du Secrétariat et l’aval donné à sa position pendant la Commission centrale préparatoire au Concile. 3) Le succès presque parfait des manœuvres pour la participation des acatholiques au Concile en tant qu’“observateurs” ou “hôtes”, et l’influence déterminante de cette présence sur le Concile même. Nous nous réservons d’étudier ces deux derniers points dans les prochains numéros, pour examiner maintenant le premier, non sans avoir cependant parlé au préalable des rencontres œcuméniques antérieures à la visite de Fischer à Jean XXIII. Rencontres œcuméniques avant Fischer Déjà bien avant l’audience historique accordée au maçon anglais, Fischer, Jean 24 XXIII avait ouvert largement les portes de son bureau privé aux acatholiques, même ce ne fut qu’avec une extrême réserve. J’ai essayé d’en faire une liste, dont j’ai exclu les Chefs d’Etats reçus pour des motifs plus politiques que religieux. La personnalité la plus importante fut certainement Mgr Iakovos. Le 17 avril 1959, le quotidien catholique La Croix rapportait que «l’archevêque Iakovos, nouveau chef spirituel de l’Eglise orthodoxe d’Amérique du Nord et d’Amérique du Sud, a révélé qu’il avait été récemment reçu en audience par le Pape Jean XXIII. “C’est - at-il dit - la première fois depuis trois cent cinquante ans qu’un prélat orthodoxe effectue une telle visite”. L’archevêque Iakovos a précisé que sa visite au Vatican n’avait revêtu aucun caractère officiel; il a déclaré à ce propos que l’Eglise orhodoxe grecque avait réagi “très favorablement” au projet de Concile œcuménique, mais qu’elle avait adopté une attitude de prudente expectative» (28). Il n’est pas inutile de préciser que Iakovos Koukouzis, de Malte, était membre du Comité Central du Conseil Œcuménique des Eglises, et par conséquent un élément important du mouvement œcuménique. En outre il “fut reçu par le pape Jean en tant que représentant spécial du patriarche œcuménique Athénagoras. La visite était un effet de l’allusion aux anciens projets conciliaires de Constantinople contenue dans le message de vœux de Noël du pape et dont le relief œcuménique n’était pas passé inaperçu. En effet le patriarche œcuménique avait répondu sans délai par un message daté du 1er janvier 1959 (...). En avril le délégué apostolique en Turquie, Mgr Giacomo Testa, homme de confiance du pape, rendait sa visite au patriarcat de Constantinople” (29). Cette audience à Mgr Iakovos était d’importance bien sûr, mais elle eut moins de conséquences que celle accordée par la suite à Fischer, du fait de la discrétion absolue dont elle fut entourée; et même “on n’en trouve pas trace dans les feuilles d’audience de l’antichambre pontificale” (29). Dans l’article du père Tucci paru dans La Civiltà Cattolica que nous avons cité plus haut, nous est révélée l’existence d’autres audiences privées, ignorées jusqu’à ce jour ou du moins peu connues: celle accordée par Roncalli dans les premiers mois de son pontificat au dr Mervyn Stockwood, “évêque” anglican de Southwark peu après son élection; celle accordée le 4 juin 1959 au chanoine Donald Rea auquel Jean XXIII fit cadeau de son bréviaire (30), et par deux fois une audience accordée à un autre ecclésiastique anglican, Marcus James (31). Le résultat de ces premières audiences œcuméniques (comme de toutes celles qui ont suivi), nous pouvons le déduire du comportement de l’“évêque” Stockwood. Frais sorti de son audience avec Jean XXIII, le dr Stockwood ne trouva rien de mieux, de retour dans son diocèse, que de persécuter un de ses inférieurs, un certain Rev. A.E. Harris, pasteur de l’Eglise de Saint-André à Carshalton, le chassant de son église et lui interdisant tout ministère dans le diocèse. Quel était le déli du vieux pasteur anglican? Célébrer selon le rite de l’Eglise romaine, et non selon le Common Prayer Book de l’“Eglise” anglicane. La goutte qui fit déborder le vase? Une “Messe solennelle avec procession” pour la fête de l’Assomption! A peine retourné de son entrevue avec le “Pape Roncalli”, notre “évêque œcuméniste faisait irruption dans l’église paroissiale le 23 août 1959, annonçant la fermeture de l’église de Saint-André en attendant de pouvoir y réintroduire le rite réformé. Le pauvre Harris, au moment de quitter son église aurait conclu le discours d’adieu en criant: “Vive le Pape!” (32). On n’avait pas prévu (et comment aurait-on pu l’imaginer!) que Jean XXIII serait du côté du persécuteur et que l’“évêque” Stockwood serait le précurseur des innombrables évêques catholiques (?) qui, après Vatican II, mirent et mettent encore tout leur zèle à interdire la Messe catholique et à chasser les prêtres qui veulent encore la célébrer! L’audience au “chanoine” Donald Rea ne manque pas non plus d’ intérêt. L’“anglocatholique” Rea était le président d’une Confraternity for unity fondée en 1926 “pour restaurer la communion avec le Saint-Siège”. Le monde “anglo-catholique” était troublé par la décision de Frédéric O. Davis d’abandonner l’anglicanisme pour devenir prêtre catholique; cette décision suscitait une polémique ouverte entre lui et ses ex-coreligionnaires. C’est de cette question que parlèrent Rea et Jean XXIII lequel, démentant Davis, déclara en lui faisant clairement allusion : “Lorsqu’on travaille pour la réunion, il est nécessaire: 1) d’être très doux et humble; 2) d’être patient et de savoir attendre l’heure de Dieu; 3) d’insister sur les actes positifs, en laissant de côté momentanément les éléments de divergence, et d’éviter les discus- 25 sions qui peuvent porter atteinte à la vertu de charité” (32 bis). En démentant ainsi Davis Jean XXIII laissait “charitablement” le pauvre Rea dans son hérésie... Cet épisode apparemment insignifiant est en réalité le symbole du revirement roncallien: l’“Eglise catholique”, jusqu’alors hostile à l’œcuménisme protestant, devait entrer dans le grand mouvement œcuménique. L’institution du Secrétariat et l’audience accordée à Fischer ne firent que confirmer cette orientation. Après Fischer: va-et-vient d’hérétiques au Vatican La visite de Fischer et, selon Hebblethwaite, la mort du secrétaire d’Etat, le cardinal Tardini (33) donna libre cours à un véritable va-et-vient d’hérétiques dans le bureau privé de Jean XXIII. Voyons d’abord la liste dressée par le secrétaire de Jean XXIII, Mgr Capovilla: “Bernard Pawley (34), chanoine de la cathédrale d’Ely (Angleterre) et représentant personnel de l’archevêque de Cantorbéry et de l’archevêque d’York (12 juin 1961); le Dr Arthur Lichtenberger, président de l’Eglise épiscopalienne américaine (15 novembre 1961); le Dr Joseph Jackson (35), président de la National Baptist Convention, USA (20 décembre 1961); le Dr Archibald C. Craig (36), Modérateur de l’Assemblée générale de l’Eglise d’Ecosse, [presbytérienne] (28 mars 1962); le Dr Mervyn Stockwood (37), évêque anglican de Southwark (Londres) (7 avril 1962); le professeur Edmund Schlink DD, enseignant à l’université de Heidelberg [Allemagne], représentant le Conseil de l’Eglise évangélique d’Allemagne (27 avril 1962); le Dr Arthur Morris, évêque anglican de S. Edmundsbury et d’Ipswich (10 mai 1962); le métopolite Damaskinos de Volos (Grèce) (17 mai 1962); le Dr Joost de Blank, archevêque anglican de Cape Town, Afrique du Sud (20 juin 1962)” ( 38 ). La liste de Capovilla s’arrête avant le Concile, mais elle est incomplète. Elle néglige, par exemple, totalement les représentants des religions nonchrétiennes. Des juifs, j’ai déjà parlé (39); mais je puis ajouter une information d’importance capitale pour qui connaît le rôle de la loge judéo-maçonnique du B’naï B’rith (40): « Le 18 janvier 1960 une délégation de l’organisation internationale juive B’naï B’rith se rendit chez le pape au Vatican pour traiter de la recrudescence de l’antisémitisme, “pour le remercier de l’aide apportée aux juifs persécutés à l’époque de sa délégation en Turquie (1935-1944) et le remercier d’avoir éliminé de la Liturgie du Vendredi Saint l’appellation perfidus”» (41). Hebblethwaite cite un autre cas significatif: «Le 30 juillet 1962, il reçoit, supérieur du temple shintoïste à Kyoto au Japon, Shizuka Matsubara avec des membres de sa famille. On pourrait n’y voir qu’une de ces scènes exotiques incongrues qui font le charme du Vatican. Jean voit les choses autrement. Le monde entier est maintenant de sa famille. Il note dans son journal: “(...) Le pape aime s’unir à toutes les âmes honnêtes et droites, d’où qu’elles viennent, à quelque nation qu’elles appartiennent, dans un esprit de respect, de compréhension et de paix. Il demande au Seigneur de bénir leur bonne volonté pour que chacun puisse en arriver à le servir, le connaître et l’aimer dans la quête de la fraternité universelle et l’attente de la vie éternelle (...)”» (42). Pas la moindre allusion à un désir éventuel de conversion de ce pauvre païen... Même en ce qui concerne les baptisés acatholiques, qui pour le moment nous intéressent plus particulièrement, la liste de Capovilla est incomplète. Il manque par exemple le rév. Brooks Hayds, président d’une association baptiste plus nombreuse que celle de Jackson citée plus haut, reçu le 23 octobre 1961 (43). En mai 1962 Jean XXIII reçut également le rév. A. H. Simmons, accompagné de dix autres membres de la Society of Holy Cross, association de “prêtres” anglicans (44). C’est également dans la plus grande discrétion qu’eut lieu la première rencontre entre Jean XXIII et les “moines” calvinistes, Roger Schutz, prieur de Taizé, et Max Thurian, collaborateur de Schutz, le 13 octobre 1960 (45). Le théologien protestant Roger Schutz s’était installé à Taizé, en Bourgogne, en 1940, réunissant rapidement autour de lui une communauté monastique dédiée à l’œcuménisme avec les catholiques et les “orthodoxes”. Taizé était (et l’est encore) le modèle de l’Eglise future rêvée par tant d’œcuménistes, une Eglise ni catholique, ni orthodoxe, ni protestante, puisqu’elle est en fait un mélange syncrétique des trois religions. L’influence de Taizé sur Vatican II fut considérable, comme nous le verrons, et la liturgie de la “Messe” réformée par Paul VI en 1969 calque la liturgie en usage à Taizé (46). L’audience accordée aux “frères” de Taizé était la conséquence logique de la rencontre qui avait eu lieu à Taizé Groupe de participants à l’assemblé du Conseil Œcuménique des Eglises à New-Delhi en 1961. Au premier plan, à gauche le dr. Visser’t Hooft, secrétaire du Conseil Œcuménique des Eglises, à droite Fisher entre une soixantaine de pasteurs protestants et huit archevêques et évêques français, avec l’approbation du pasteur Bœgner, président de la Fédération protestante de France et “des hautes autorités romaines” (cardinal Gerlier dixit) (46). Les “hautes autorités romaines” ne pouvaient être que Jean XXIII. Les visites œcuméniques font resplendir l’astre de Bea Une première conséquence immédiate de ces visites à Jean XXIII fut le prestige qui retomba sur l’organisateur de ces entrevues inhabituelles pour l’époque, le cardinal Bea, et sur son Secrétariat pour l’union des chrétiens. Il suffit de feuilleter les journaux catholiques de l’époque pour se rendre compte qu’en un rien de temps, le cardinal Bea, jusqu’alors peu connu, était devenu en cette période délicate de préparation au Concile le protagoniste omniprésent et le véritable “chef d’orchestre” de tous les événements. A l’improviste la “fièvre œcuméniste” s’était déclarée. Vue la conjoncture historique, la question était particulièrement importante: nous nous trouvons en effet dans les trois années (1960-1962) de préparation de Vatican II; il était d’importance capitale pour les crypto-hérétiques de parvenir à donner au Concile, dès le départ, non pas l’orientation prévue par la Curie romaine et par le SaintOffice, mais celle qu’eux-mêmes désiraient. J’ai déjà abordé ce thème dans la 14ème partie (n° 37 de Sodalitium) et dans toutes les suivantes. L’activité de Bea s’exerçait de différentes façons: rencontres œcuméniques (directement ou par l’intermédiaire de membres du Secrétariat, spécialement Willebrands), articles, conférences et entrevues, (dans lesquelles il diffusait ses idées œcuméniques ) et enfin de manière plus institutionnelle, dans la préparation des schémas préparatoires et leur discussion en réunion de Commission Centrale Préparatoire présidée par Jean XXIII en personne. En toutes ces occasions des difficultés se firent jour et les premiers affrontements commencèrent avec les vrais catholiques, mais le revirement en faveur de l’œcuménisme protestant amorcé par Jean XXIII fit triompher point par point les vues de Bea. De Gazzada à New-Delhi: les rencontres œcuméniques enterrent l’encyclique Mortalium animos et le “non” aux congrès œcuménistes des catholiques Pour ce qui est des rencontres œcuméniques de Bea, je ne peux pas les suivre toutes, elles sont trop nombreuses (47); la biographie de Bea écrite par le Père Schmidt est exhaustive sur ce thème que j’ai déjà traité en partie (48). Je me contenterai de parler de quelques cas où se firent jour les premières résistances. Le premier exemple est celui de la “Conférence catholique pour les questions œcuméniques” qui se tint à Gazzada (Milan) du 19 au 23 septembre 1960. C’était la première “sortie” importante de Bea après l’institution du Secrétariat, au mois de mai. Etant donné que pour une large part les conférenciers, tous tenants de l’œcuménisme “catholique”, se trouvaient être simultanément des membres du Secrétariat “ce fut la première réunion, quoique non officielle, du Secrétariat” (49). Selon l’Instruction du SaintOffice Ecclesia Catholica, pour pouvoir participer à la Conférence, Bea devait obtenir la permission du Saint-Siège (50). Or, à la réponse, positive cependant, de Jean XXIII, Bea se rendit compte que le cardinal Ottaviani avait exercé de fortes pressions sur Roncalli. “J’approuve que l’éminentissime intervienne à Gazzada - lui écrivait Jean 27 XXIII - même si c’est pour peu de temps. Un doute naît quant aux proportions que pourrait prendre le Secrétariat face à la Commission centrale et à chacune des commissions catholiques vue l’anxiété déjà manifestée par les frères séparés d’aller vite, de solliciter des contacts qui pourraient distraire les Pères du Concile et amener confusion ou retard dans le travail qui leur revient en propre. Pour l’autorisation des catholiques à assister à des rencontres avec des non-catholiques, consultez le Saint-Office” ( 51 ). Evidemment Ottaviani avait fait remarquer à Jean XXIII ce qui aurait dû lui paraître évident: le Secrétariat s’occupant de la même matière que le Saint-Office mais avec une optique opposée, l’affrontement aurait été inévitable et le secrétariat aurait fini, au nom de l’œcuménisme, par tenter de prendre en mains l’entière préparation au Concile confiée jusqu’à ce jour à la Curie. Bea ne se troubla pas pour si peu; non seulement il se rendit - quoique pour une journée seulement - à Gazzada, mais le lendemain, à Milan au Centre San Fedele (des jésuites), il eut une entrevue avec le secrétaire général du Conseil Œcuménique des Eglises, le dr W.A. Visser’t Hooft, et ce dans le plus grand secret (52). Lors de cette entrevue il fut parlé entre autres “de l’envoi d’observateurs officiels à l’Assemblée du Conseil qui devait avoir lieu à New-Delhi l’année suivante”, “on aborda la question de savoir si on inviterait les autres Eglises à envoyer des observateurs au Concile” et “on se mit d’accord pour maintenir un dialogue non-officiel avec les théologiens de la Conférence Catholique pour les questions œcuméniques sur le problème de la liberté religieuse” (53). Le second exemple de rencontre œcuménique de Bea concerne précisément l’Assemblée du Conseil Œcuménique des Eglises tenue à New-Delhi (19 novembre-6 décembre 1961). «En ce qui concerne ce pas d’importance fondamentale pour les développements ultérieurs des contacts œcuméniques, les difficultés ne furent pas uniquement de protocole, comme lors de la visite de l’Archevêque de Cantorbéry. “C’était une grande nouveauté observe le Cardinal [Bea] en commentant le fait - car jusqu’alors les catholiques ne pouvaient participer à ces congrès qu’en qualité de ‘journalistes’. Il eut ensuite à surmonter une difficulté plutôt sérieuse...”» (53). La “difficulté plutôt sérieuse” était le Saint-Office du Cardinal Ottaviani. D’abord celui-ci exigea la liste nominative des “observateurs” que le Secrétariat entendait envoyer à NewDelhi, puis, dans une “lettre solennelle” au cardinal Bea il communiqua qu’on devait “maintenir le principe jusqu’alors en vigueur, autrement dit que les personnalités choisies devaient participer à l’Assemblée en qualité non d’observateurs mais de ‘journalistes’” ( 53 ). Bea réagit en envoyant à Ottaviani un exposé “dans lequel il faisait valoir la situation nouvellement créée avec l’annonce du Concile et de sa finalité œcuménique incarnée dans l’institution du Secrétariat pour l’union des chrétiens” ainsi que la possibilité d’obtenir l’envoi d’observateurs non-catholiques au Concile, possibilité qui tomberait à l’eau si l’Eglise n’envoyait pas de son côté des observateurs à la réunion du Conseil Œcuménique des Eglises. L’exposé fut envoyé à Jean XXIII “à titre informatif”; Bea n’insista pas outre mesure avec Roncalli: “Je ne veux pas l’impliquer - dit-il. Il a déjà suffisamment de difficultés sans celle-là”. Voici comment le père Schmidt explique les paroles de Bea: “Je pense qu’il faisait allusion aux difficultés que le Pape avait justement avec le titulaire du Saint-Office” (53). Mais cette fois l’intervention de Jean XXIII en faveur de Bea devait être décisive (54), car Ottaviani se rétracta et “en juillet 1961 il fut possible de communiquer officiellement à Genève que cinq observateurs catholiques assisteraient à l’Assemblée” (53). Cet événement fut la “grande nouveauté” de la réunion œcuménique: “C’était un pas d’importance fondamentale pour les développements ultérieurs, en particulier pour la présence future au Concile d’observateurs d’autres confessions chrétiennes” (53). Dès lors Bea eut la voie libre; il ne rencontra plus d’obstacles, si ce n’est dans la foi des catholiques qu’il tentait de changer. Bea diffuse la nouvelle doctrine œcuméniste... Le voyage de Bea en Angleterre, en août 1962, en est un exemple. Le 5 août il rencontrait Michael Ramsey, le successeur de Fischer qui avait donné sa démission; Michael Ramsey revenait d’un voyage à Moscou (55). Entre autres choses, Ramsey et Bea parlèrent “des difficultés inhérentes aux relations avec la hiérarchie catholique anglaise, en particulier du baptême reconféré aux anglicans qui se convertissent à l’Eglise catholique” (56). Une fois vaincues, pour le moment du moins, les ré- 28 sistances romaines, Bea devait en effet “convertir les anglais” (catholiques, s’entend) à l’œcuménisme (57). C’était chose difficile car “le cardinal Bea était persona non grata pour la majeure partie des Evêques anglais” à commencer par le cardinal William Godfrey, archevêque de Westminster, “franchement méfiant à l’égard de tout le mouvement œcuménique”. Ce jugement sur le cardinal Godfrey est porté par l’archevêque de Liverpool de l’époque, John Carmel Heenan qui avait invité Bea à venir prêcher le verbe œcuméniste en Angleterre, mais qui cependant demeurait lui aussi plutôt hésitant. La visite de Bea est donc une sorte de grand recyclage ante litteram du clergé catholique anglais invité à Heythrop, le 7 août 1962, à assister à la conférence de Bea sur le thème: “Le prêtre, ministre de l’unité”; dans sa conférence Bea expliquait la nécessité d’abandonner la “mentalité d’autrefois”, mentalité qui voyait dans les anglicans, “frères en Jésus-Christ”, des “adversaires”. Bea avait dans sa manche un atout: l’amour du Pape et l’esprit d’obéissance des catholiques; “il arrivait à Heythrop avec une lettre du cardinal Cicognani, Secrétaire d’Etat, qui transmettait la bénédiction du pape à la conférence”. Aussi, même le cardinal Godfrey, “chez qui l’œcuménisme suscitait de graves appréhensions” mais qui était “passionnément fidèle au Saint-Siège, était par voie de conséquence “bien décidé à suivre l’impulsion œcuménique du Pape Jean”. Les évêques anglais qui s’étaient essoufflés à expliquer que le concile devait être “œcuménique” (c’est à dire universel) mais non “œcuméniste”, se virent démentis par Bea qui, selon les paroles de l’archevêque Worlock “vient nous dire que nous nous trompons et que sur ce point ce sont les anglicans qui sont dans le vrai depuis le début”. - Et Hebblethwaite commente: “Ce qui s’est passé début août 1962 au Heythrop Collège est important parce que représentatif de ce qui se passe ailleurs à la veille du concile: on accepte, dans l’obéissance, les explications “libérales” parce que c’est là, pense-t-on ce que veut le Pape Jean” (57). Comme le montre l’épisode du Collège d’Heythrop, l’activité de Bea ne se limitait pas aux rencontres œcuméniques; c’est aussi au moyen de multiples conférences et articles de journaux qu’il diffusait les principes de l’œcuménisme protestant; nous en trouvons une liste détaillée et des commentaires approfondis dans la biographie de Bea écrite par son secrétaire (58). Parmi tant d’autres choisissons à titre d’exemple l’article intitulé Le catholique face au problème de l’union des chrétiens (59), malicieusement commenté par Hebblethwaite (60). Le texte reprenait une conférence tenue par le cardinal en territoire “ennemi”, à l’Angelicum, le 22 janvier 1961, et en effet ladite conférence “n’eut pas de succès particulier; mais une fois publiée dans La Civiltà Cattolica son influence fut considérable”. J’ai choisi cet article-conférence parce que, comme l’écrit le Père Schmidt, “pour la première fois, on y traitait amplement le problème du baptême et de ses conséquences pour l’appartenance à l’Eglise des autres chrétiens” (61). Bea appuie ses thèses sur le magistère de Jean XXIII: 1) la distinction entre erreur et errant, qui “sera une des affirmations-clés de Pacem in terris” (61), 2) le fait que les acatholiques sont nos frères (cf. Jean XXIII, enc. Ad Petri Cathedram), 3) ce qui signifie que “la grande majorité des frères séparés sont de bonne foi”, et par conséquent 4) “s’ils sont validement baptisés, ils sont membres du Corps mystique du Christ”. Bea, écrit Hebblethwaite, «cite le discours du Pape Jean à la Commission préparatoire, le 13 novembre 1960: Il dit que “tout baptisé doit tenir fermement ce grand point” à savoir que l’Eglise demeure toujours son Corps Mystique [du Christ], dont Il est la tête, auquel chacun de nous, croyant, se réfère, auquel nous appartenons”. La syntaxe est mise à la torture, mais le sens est clair: c’est un pas décisif - d’une ecclésiologie qui exclut les autres chrétiens on passe à celle qui les englobe. (...) Elle court-circuite l’encyclique Mystici Corporis, la laisse en rade dans les pages du Denzinger à titre de curieux monument historique de 1943» (62). Après cet article publié dans la Civiltà Cattolica le cardinal Bea multiplia les écrits et les conférences pour exposer et défendre les nouveautés qui Montréal 21/07/1963: Visser’t Hooft, secrétaire du Conseil Œcuménique des Eglises, avec le cardinal Léger. C’est Visser’t Hooft qui demanda au Concile de proclamer la doctrine sur la liberté religieuse 29 devaient devenir officielles avec Vatican II. Mais de la part des membres encore pleinement orthodoxes de la hiérarchie, des oppositions étaient inévitables. Ces oppositions dramatiques, se manifestèrent durant la préparation officielle du Concile Vatican II, dans les Commissions préparatoires. C’est à ces événements que seront dédiées les prochains articles; mais la politique œcuméniste inaugurée par Jean XXIII et le soutien décisif que donna toujours Angelo Giuseppe Roncalli au cardinal Bea, décidèrent par avance du sort du futur concile et de ses tragiques conséquences. Notes 1) GIANCARLO ZIZOLA, Giovanni XXIII. La fede e la politica, Laterza, Roma-Bari, pp. 228 à 231. 2) P. ROSARIO ESPOSITO, Santi e massoni al servizio dell’uomo, Bastogi, Foggia 1992, p. 214. 3) J.W.C. WAND, La Chiesa anglicana, Il Saggiatore, Milano 1967, pp. 143-144, 195 à 199. Wand est l’“évêque” anglican de Londres qui succéda à Fischer. 4) Cf. La Documentation Catholique, 1959, col. 50-58. 5) La Documentation Catholique, 1960, col. 105-107. 6) S TJEPAN S CHMIDT , Agostino Bea, il cardinale dell’unità, Città Nuova, Roma 1987, p. 368. 7) Cf. Sodalitium, Le Pape du Concile XVIème partie: Le Secrétariat pour l’unité des chrétiens (n° 39, pp. 19 à 32). 8) Cf. Sodalitium, nn° 40 et 41. 9) Evening Standard, 1er nov. 1960. Phrases rapportées par le père Tucci dans la Civiltà Cattolica, cf. La Documentation Catholique, 1960, col. 1568. 10) S. SCHMIDT, op. cit., p. 366. Pour être plus exact, il semble que le communiqué de Fischer soit daté du 31 octobre et qu’il ait été rapporté par la presse le 2 novembre. 11) A GOSTINO CARD . B EA , Ecumenismo nel Concilio, Bompiani, Milano 1968, p. 34. 12) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 366-367; L’Osservatore Romano, éd. it, 2-3 novembre 1960, p. 1. 13) “Selon le père Hebblethwaite (p. 383) il n’aurait pas été permis au Cardinal [Bea] de voir l’Archevêque [Fischer]; c’est là une affirmation bien surprenante (p. 383). De même, tout l’échafaudage édifié sur la lutte présumée du card. Ottaviani contre notre personnage (pp. 370 et suivantes) paraît sans fondement authentique. Lorsqu’on faisait une allusion au card. Bea sur ses relations avec le card. Ottaviani, il répondait invariablement Nous sommes bons amis” (S. SCHMIDT, op. cit., p. 368, note 42). Que le père Schmidt soit mieux documenté et plus pondéré que Peter Hebblethwaite, cela ne fait aucun doute; mais il faut considérer le fait que le secrétaire de Bea cherche à donner de son cardinal une image “officielle” qui élimine ou sous-estime tout aspect polémique, tout aspect de rupture avec le passé. En cela, Schmidt se montre bon disciple de son très astucieux et prudent maître, mais ici il se démentit lui-même en rapportant, aux pp. 385 à 387 un des accrochages entre Ottaviani et Bea racontés, dans un langage assez coloré, par Hebblethwaite et Zizola. Quant à la prudence du cardinal Bea j’y ai fait suffisamment allusion dans les numéros précédents; je peux ici ajouter un exemple curieux. Il s’agit d’une lettre de réponse du cardinal à l’abbé Luigi Cozzi, curé de Solimbergo (Udine), bien connu partout pour son antijudaïsme prononcé. L’abbé Cozzi, avait écrit au cardinal Bea précisément pour stigmatiser ses relations avec le B’nai B’rith. Voici quelle fut la réponse toute séraphique du cardinal Bea: “Mon Révérend - lui écrivait-il le 10 juillet 1962 - en réponse à votre lettre du 22 juin, un mot seulement pour vous assurer que le problème des juifs et de l’antisémitisme est pris en considération ici au Saint-Siège par les bureaux compétents. La question est trop compliquée pour être développée dans une brève lettre, d’autant plus que des ‘Juifs’ en général on ne peut pas parler puisqu’ils sont eux-mêmes loin d’être d’accord entre eux. Il ne nous reste qu’à prier pour ces hommes de la race desquels est issu Notre-Seigneur lui-même selon sa nature humaine, ainsi que la Très Sainte Vierge, et même les Apôtres. Avec les plus abondantes bénédictions pour vous et pour votre activité pastorale, je suis votre très dévoué + Agostino card. Bea en Notre Seigneur”. De l’abbé Cozzi le cardinal Bea aurait pu dire aussi : “Nous sommes bons amis”! 14) Il me semble intéressant de rapporter ici un passage du chapitre IX (Evénements dans l’Eglise catholique) du Rapport du Comité central du Conseil Œcuménique des Eglises réuni à Saint-Andrews (Ecosse) du 16 au 24 novembre 1960. Faisant référence à l’annonce du Concile et à l’institution du Secrétariat de Bea, le Conseil Œcuménique écrivait: “Le Conseil Œcuménique des Eglises considère ces événements comme importants pour différentes raisons. Ils montrent d’abord le chemin qui a été parcouru depuis que le Vatican a fait sa première déclaration officielle sur le mouvement œcuménique en 1928 avec l’encyclique Mortalium animos, qui contenait une interprétion absolument négative du mouvement. Il fait peu de doute que, depuis, le Vatican a désormais décidé de prendre une part active aux conversations œcuméniques. (...) Ainsi, comme l’a dit le père Congar, pour la première fois dans l’histoire, l’Eglise catholique romaine, à l’occasion du Concile œcuménique, entre dans une structure de dialogue. La pleine signification de tout ceci n’apparaîtra clairement que dans les années à venir...” (La Documentation catholique, 1961, col. 111). 15) P. ROBERTO TUCCI, La visite de courtoisie du Dr Fischer à S.S. Jean XXIII, dans La Civiltà Cattolica du 19 novembre 1960, partiellement reportée par L’Osservatore Romano (éd. it.) du 19 novembre. Je cite la version française publiée dans la Documentation catholique (D.C.) 1960, colonnes 1566 à 1578. Le père Tucci fait allusion aux audiences solennelles accordées par Léon XIII au Roi Edouard VII et par Pie XI au Roi Georges V, aux audiences privées accordées par Pie XII à la Princesse Margaret et à la Princesse Elisabeth accompagnée de son mari le Duc d’Edimbourg, enfin à celle accordée par Jean XXIII à la Reine-Mère accompagnée de la Princesse Margaret. Mais il est évident que ces visites ne peuvent être comparées à l’audience au dr Fischer, en ce sens que ce n’est pas en tant que protestants mais en tant que membres de la dynastie régnante qu’étaient reçues ces personnes de la Maison royale. Une référence plus pertinente: celle de l’audience strictement privée accordée par Pie XII au dr Otto Dibelius, “évêque” luthérien et président du Conseil de l’Evangelische Kirke in Deutschland (voir D.C. 1956, colonnes 413 à 416). Pour ce qui regarde les rencontres œcuméniques de Jean XXIII avant la visite de Fischer, nous en parlerons par la suite. 16) R. TUCCI, art. cit., col. 1571. 17) S. SCHMIDT, op. cit., p. 366. 18) Cf. Sodalitium, n° 41, pp. 23-24. 19) L ORIS F. C APOVILLA , dans L’Osservatore Romano (version it.) du 9 décembre 1985, p. 8. 30 20) On le sait, avec la lettre apostolique Apostolicæ curæ du 13 septembre 1896, Léon XIII confirmait solennellement les décisions prises précédemment par le Saint-Siège et définissait infailliblement l’invalidité des ordres anglicans. Le dr Fischer n’était donc ni évêque ni prêtre, rien qu’un hérétique, un maçon et un... docteur! 21) S. SCHMIDT, op. cit., p. 367. 22) “De plus, les jours précédents, le pape dût maîtriser diverses tentatives de dissuasion menées auprès de lui par des émissaires du ‘pentagone’ [les cardinaux conservateurs, n.d.a.]. De dignes et majestueux prélats faisaient retentir les corridors de leurs cris de protestation contre l’initiative du pape. En un mot, l’hérétique ne pouvait pas remettre pied en tant que tel dans la citadelle de la Vérité. Et du moment qu’il y pénétrait, le fait devait être soigneusement effacé et occulté” (GIANCARLO ZIZOLA, Giovanni XXIII. La fede e la politica. Laterza, RomaBari 1988, pp. 229-230). Mis à part les hurlements dans les corridors et la partialité de Zizola, c’est plus ou moins ainsi que durent se passer les choses. D’ailleurs, dans sa description de l’audience à Fischer, le récit de Zizola est correct et calqué sur le livre de Schmidt. 23) S. SCHMIDT, op. cit., p. 367. 24) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 422. 25) Schmidt démentit ce détail (op. cit., p. 368, note 42; voir aussi la note 7 du présent article), en se basant sur le fait que, le jour même de l’audience avec Jean XXIII et tout aussi discrètement, Bea recevait Fischer. Mais Hebblethwaite n’affirme pas qu’il n’y a pas eu entrevue entre Fischer et Bea, il affirme seulement l’absence de Bea à l’audience de Fischer avec Jean XXIII. 25 bis) S. SCHMIDT, op. cit., p. 368. 26) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 422. Zizola (à la p. 230) et Hebblethwaite (à la p. 423) rapportent les classiques “phrases historiques” (“Bonjour Sainteté, il y a quatre siècles que nous ne nous voyons plus”; “Sainteté, nous sommes en train de faire l’histoire”) qu’eux-mêmes estiment légendaires, comme ils estiment légendaires les anecdotes des conservateurs parlant d’un Jean XXIII retombé en enfance et qui ne se serait même pas rendu compte qu’il recevait un anglican! Quant à Fischer, il fit une déclaration à son retour à Londres, disant “Nous avons parlé d’Istamboul. Le Pape y a vécu dix ans. (...) Pour le reste nous étions l’un et l’autre intéressés par l’esprit d’unité, l’unité d’esprit parmi les chrétiens frères et parmi tous les hommes du monde entier, et il parle de cette grande question qui préoccupe tous les chrétiens”. (Documentation Catholique, 1960, col. 1563). 27) S. SCHMIDT, op. cit., p. 368. 28) Documentation Catholique, 1959, col. 702. 29) GIUSEPPE ALBERIGO, L’annuncio del Concilio. Dalle sicurezze dell’arroccamento al faschino della ricerca, dans AA.VV., Storia del Concilio Vaticano II, dirigée par G. ALBERIGO, Peeters/ Il Mulino, LeuvenBologna 1995, vol. I, pp. 44-45. 30) L’hebdomadaire catholique The Tablet du 5 août 1959 a publié le récit de la visite de Rea à Rome (voir La Documentation Catholique, 1960, col. 107109). Selon ALBERIGO (op. cit., p. 46) Rea était “porteur d’une lettre de l’archevêque de Cantorbéry”, ce pour quoi sa visite peut être considérée comme “le prélude de la visite de ce même archevêque à Rome”. 31) Documentation Catholique, 1960, col. 1572, note 14. 32) Sur toute la question voir La Documentation Catholique, 1960, col. 109-110. 32 bis) Documentation Catholique, 1960, col.. 108. 33) Hebblethwaite écrit crûment (op. cit., p. 450): “Débarrassé de Tardini, Bea peut orchestrer des au- diences pour tous les responsables d’Eglises qui daigneront venir”. Je rappelle que le cardinal Tardini mourut le 30 juillet 1961, mais il était depuis longtemps fatigué et malade, et surtout très attristé par le “nouveau cours” des choses. Dans Il Giornale dell’anima c’est en tant que dérangement apporté à sa tranquillité que Jean XXIII évoque le décès du cardinal Tardini et celui du cardinal Canali : “Hélas, ici non plus, les circonstances n’ont pas correspondu à notre désir de solitude absolue et tranquille. Avec le départ pour les plus hautes sphères de deux cardinaux plus insignes l’un que l’autre, j’ai été accaparé et distrait par de multiples et importantes obligations...” (15 août 1961, note). 34) Le chanoine Pawley était un bel exemple d’œcuménisme vécu, puisque marié avec une russe orthodoxe (cf. Hebblethwaite, op. cit., p. 563). Le 24 février 1961 le Church Times publiait l’information de la nomination de Pawley comme représentant des anglicans à Rome. La nouvelle perturba quelque peu les relations entre Jean XXIII et le Secrétariat de Bea, invité à tenir compte de la hiérarchie catholique anglaise. Le responsable était Fischer qui “avait accéléré les choses sans user des égards nécessaires, sans en donner communication au préalable à Rome, ni demander l’accord sur le choix de la personne” (SCHMIDT, op. cit., p. 368). 35) Jackson revenait de la IIIème Assemblée du Conseil œcuménique des Eglises, tenue à New Delhi (La Documentation Catholique, 1962, col. 344). 36) Craig était accompagné d’Alexandre Mc Lea, recteur du Temple écossais à Rome, et de Stuart Louden (L’Osservatore Romano, éd. it., 29 mars 1962, La Documentation Catholique, 1962, col. 499). 37) Chose étrange: de la seconde visite de notre très sympathique persécuteur des rites romains La Documentation Catholique ne dit rien. Rien non plus sur L’Osservatore Romano. Une ligne seulement du service de presse du Vatican. Et pourtant, selon Zizola (op. cit., 234) 44 “évêques” anglicans accompagnaient Stockwood. 38) L ORIS C APOVILLA , Natale 1975, Capodanno 1976, opuscule à propos de la pensée de Jean XXIII sur l’œcuménisme, cité par Hebblethwaite, p. 450. 39) Cf. Sodalitium, “Le Pape du concile”, nn° 40 et 41, 17ème et 18ème parties. 40) Voir EMMANUEL RATIER, Mystères et Secrets du B’naï B’rith, Farta, Paris 1993. 41) J. OSCAR BEOZZO, Il clima esterno, dans Storia del concilio Vaticano II, op. cit., vol. I, p. 418, qui cite A. G ILBERT , The Vatican Council and the Jews, Cleveland, New-York, 1969, appendice G, p. 292. 42) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 456, qui cite L. C APOVILLA , Ite Missa est, Messaggero, Padova e Grafica e Arte, Bergamo 1983, p. 188. 43) La Documentation Catholique, 1962, col. 412-413. 44) La Documentation Catholique, 1962, col. 1024*. 45) Cf La Documentation Catholique, 1961, col. 99 à 110 et 1962, col. 1294. 46) A BBÉ D IDIER B ONNETERRE , Le mouvement liturgique, éd. Fideliter 1980. 47) A l’époque, les innombrables voyages du vieux cardinal donnaient matière à plaisanterie: “Voyagez avec BEA” disait-on, jouant avec le nom du cardinal et le sigle de la compagnie aérienne britannique. 48) Voir par exemple Sodalitium n° 41, pp. 21 à 24. 49) S. SCHMIDT, op. cit. p. 360. 50) AAS 42, 1950, 142. Cette Instruction tempérait un peu la sévérité du Monitum du 5 juin 1948 (AAS 40, 1948, 257) qui interdisait la participation “aux congrès mixtes catholiques-acatholiques”, particulièrement lorsqu’il s’agis- 31 sait de “congrès dits ‘œcuméniques’” (le Monitum se référait à la 1ère assemblée générale du Conseil Œcuménique des Eglises qui s’était tenu à Amsterdam justement en 1948). Aussi la stupeur fut-elle générale lorsque, moins de deux années plus tard, parut sur ce thème un nouveau décret maintenant substantiellement l’interdiction, mais plus possibiliste. Le père Schmidt laisse entendre que le changement était dû à l’influence de Bea devenu entre-temps consulteur du Saint-Office (cf. S. SCHMIDT, op. cit. p. 252; A. BEA, op. cit. p. 21-22). Pour appuyer son action œcuménique, Bea citait toujours, faute de mieux, l’Instruction de 1949 mais cette fois Ottaviani la retourna contre lui... 51) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 419 qui cite Jean XXIII, Lettere, 1958-1963, éditées par les soins de LORIS F. CAPOVILLA chez Storia e Letteratura, Roma 1978, p. 504. Nous avons revu la traduction française d’Hebblethwaite à partir du texte italien original. 52) «Le dr Visser’t Hooft raconte lui-même qu’il n’en souffla mot ni à ses collègues ni à sa femme, et que le portier de la maison religieuse où l’entrevue eut lieu avait été prévenu de ne pas demander le nom du visiteur. Le secret fut conservé pendant six ans. Après la rencontre, Visser’t Hooft dit à Willebrands: “Vraiment cet homme n’a pas seulement lu et étudié l’Ancien Testament, il a fait sienne la sagesse des hommes de l’Ancien Testament”». «En ce qui concerne le projet de cette entrevue, - précise Schmidt - le Cardinal lui-même racontait avoir demandé auparavant à Jean XXIII s’il considérait comme opportun de prendre contact avec le Conseil Œcuménique des Eglises. Le Pape avait donné une réponse indicative de la situation du moment: “La chose ne me paraît pas mûre”. “Pour ma part - concluait le Cardinal - j’en concluais donc qu’il fallait faire mûrir la situation”» (S. SCHMIDT, op. cit., p. 361). Un doute demeure: Jean XXIII était-il lui aussi dans le secret de l’entrevue Bea-Visser’t Hooft? 53) S. SCHMIDT, op. cit., pp. 370-371. 54) S. S CHMIDT , op. cit., p. 371, note 53 écrit: “Contrairement à ce qu’affirme R. KAISER (Inside the Council. The story of Vatican II, Londres 1963, p. 42), il ne semble pas qu’il y ait eu intervention du Pape”. Mais sans cette intervention la marche arrière d’Ottaviani est inexplicable. 55) Beaucoup pensèrent que, pour le cardinal Bea aussi, Ramsey avait servi d’intermédiaire dans les rapports avec les soviétiques (cf. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 460). 56) S. SCHMIDT, op. cit., p. 372. 57) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., pp. 460-461. 58) S. SCHMIDT, op. cit.; cf. en particulier, tout le chapitre intitulé Sensibilizzare il popolo cristiano alla causa dell’unità (pp. 404 à 450) et la biographie du cardinal Agostino Bea (p. 889 à 922), spécialement aux pp. 897 à 906 pour le thème qui nous intéresse. 59) Civiltà Cattolica, 111 (1961, 1), 113 à 129; en anglais: Positions of Catholics regarding Church unity, dans The Ecumenical Council and the Laity, Paulist Press, NewYork 1961, pp. 3 à 23; en français: Problèmes et voies de l’unité des chrétiens dans La Documentation Catholique, (1961), coll. 79 à 94 (ici la troisième partie est différente et la Doc. Cat. affirme que le texte qu’elle donne est celui de la conférence de Ferrare de nov. 1960). L’article a été publié également en allemand et en hollandais. 60) P. HEBBLETHWAITE, op. cit. pp. 420-421. 61) S. SCHMIDT, op. cit., p. 405. C’était la troisième conférence “œcuménique” de Béa. La première avait eu lieu à Ferrare, chez les pères jésuites de la Casa Cini, le 9 novembre 1960. 62) P. HEBBLETHWAITE, op. cit., p. 421. En réalité la citation adoptée par Bea n’a pas un sens aussi clair que le prétendent les deux jésuites (Bea et... Hebblethwaite). Dans son discours (cf. L’Osservatore Romano, 14-15 novembre 1960; La Documentation Catholique, 1960, coll. 1480-1481) Jean XXIII attaquait (déjà!) qui a une vision négative et “pessimiste” du monde moderne (!); à ceuxlà, Jean XXIII objectait que le Christ “n’a pas abandonné le monde qu’il a racheté; l’Eglise fondée par lui, une, sainte, catholique et apostolique, demeure encore et pour toujours son Corps mystique”. Aussi lorsque tout de suite après Jean XXIII affirme que “tout baptisé” appartient au Corps mystique, la phrase peut être entendue comme le fait Bea (en l’étendant aux non-catholiques) mais aussi en la limitant aux baptisés membres de l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique! Déjà à la conférence de Ferrare, ne pouvant alléguer pour soutenir sa thèse le discours de Jean XXIII, prononcé peu après, Bea citait abusivement le canon 87 du Code de droit canon et l’encyclique de Pie XII, Mediator Dei, feignant d’ignorer la doctrine extrêmement claire, mais opposée à ses erreurs, de Mystici Corporis. Quelle est alors la responsabilité de Jean XXIII? Celle d’avoir connu et avalisé l’interprétation non orthodoxe que donna Bea de son discours du 13 novembre, comme nous le verrons mieux par la suite. Doctrine LA REGLE DE NOTRE FOI Par M. l’abbé Giuseppe Murro Le dépôt de la Révélation N ous savons que Notre-Seigneur a institué l’Eglise en la dotant d’un Magistère infaillible pour conserver fidèlement la doctrine révélée et la déclarer infailliblement (Conc. Vat., DS. 3020). Or la Révélation s’est terminée de manière définitive avec la mort du dernier Apôtre, St Jean. Il est donc juste de se demander: où peut-on trouver aujourd’hui le dépôt de la Révélation, c’est-à-dire tout ce que Dieu a révélé depuis le début de la Création jusqu’à la mort de St Jean? En d’autres termes: où sont les sources dans lesquelles la parole de Dieu est gardée? Le dépôt de la Révélation se trouve dans la Sainte Ecriture et dans la Tradition. La Sainte Ecriture est la parole de Dieu mise par écrit, sous l’inspiration de Dieu; elle est contenue dans les livres de l’Ancien et du Nouveau Testament. La Tradition est le dépôt de la vérité et des choses révélées, avec l’attestation de Dieu, lesquelles sont conservées au moyen de la prédication orale et de la foi de l’Eglise. Le Magistère de l’Eglise enfin, est muni de l’assistance de Dieu pour garder, interpréter et expliquer la parole de Dieu contenue dans 32 le dépôt de la foi. Ceci est le Magistère confié aux Apôtres comme charge ordinaire et transmis à leurs successeurs formels. La règle de la foi Comment un simple fidèle fait-il pour connaître ce qui est révélé par Dieu et ce qui ne l’est pas? Quelles sont les vérités et quelles sont les erreurs? Devra-t-il chaque fois recourir à des recherches exégétiques, patristiques, théologiques pour connaître la vérité de la foi? Et comment fait-il pour discerner la bonne interprétation du dépôt? Quelle est en somme la règle de la foi ou de la vérité révélée? Les Protestants soutiennent que la règle de la foi est la seule Ecriture: quiconque la lit, est illuminé par l’Esprit-Saint sur le sens de la parole divine (1). Ceci donne lieu à une interprétation subjective des Ecritures; c’est pourquoi les Protestants sont divisés en tant d’églises et à cause des profondes différences dans la foi ils ne réussissent pas à trouver l’unité. Les Orientaux schismatiques affirment que la règle de la foi est donnée par la Sainte Ecriture et par ce qui a été défini dans les sept premiers Conciles Œcuméniques (2). Après le septième, la doctrine a été fixée: il n’y a plus de progrès dogmatique, pas même homogène. En outre ils n’ont pas une règle commune pour l’interprétation de la révélation: de là découle la division qui existe entre les différentes églises “orthodoxes”. Selon la doctrine catholique (3) la règle de la foi est donnée par l’Ecriture, la Tradition et le Magistère: “Doivent être crues de foi divine et catholique toutes les choses qui sont contenues dans la parole de Dieu écrite ou transmise et qui sont proposées à croire par l’Eglise comme révélées par Dieu soit avec un jugement solennel, soit avec le magistère ordinaire et universel” (Conc. Vat. DS 3011). Ecriture et Tradition sont donc la Règle de foi éloignée et objective: en elle le Magistère puise, comme dans une source, ce qu’il propose à croire aux fidèles. Le Magistère est la Règle de foi prochaine et active: les fidèles puisent du Magistère de l’Eglise les vérités qu’ils sont obligés de croire parce que révélées, ou de tenir (c’est-àdire de les tenir pour vraies) parce que connexes logiquement avec la révélation (DS 3018, 3020). “La règle prochaine n’est pas un jugement privé; ce n’est pas l’Ecriture et la Tradition, comme disaient les hérétiques; elle est visible et extérieure pour tous les fidèles; c’est une règle vivante et humaine; elle requiert un jugement animé; quand il s’agit de cette règle, on parle de toute la religion catholique; elle est raison par elle-même; elle doit résider dans le chef suprême, l’Evêque de Rome” (4). Le Père Goupil explique: “La règle objective ou constitutive de notre foi est la parole de Dieu; je dois croire ce que Dieu a dit. Mais comment saurais-je ce qu’Il a dit? Comment savoir, par exemple, s’Il a révélé la trans-substantiation, le caractère sacramentel du mariage, etc.? Y a-t-il une règle qui gouverne et dirige immédiatement la foi? Telle est la question. A cette question, le catholique répond: le premier et principal moyen de connaître la vérité révélée, c’est d’écouter le Magistère vivant, institué par le Christ. A ce Magistère public, les particuliers, les fidèles, doivent une nécessaire obéissance comme à la règle directive de la foi” (5). Ceci est l’enseignement de l’Eglise. Pie XII par exemple (6) sur la règle de la Foi enseigne: «Et, bien que ce Magistère doive être pour tout théologien, en matière de foi et de mœurs, la règle prochaine et universelle de vérité - car le Christ Notre-Seigneur lui a confié tout le dépôt de la foi, Ecriture Sainte et Tradition, à garder, à défendre et à interpréter, - toutefois le devoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs qui voisinent plus ou moins avec l’hérésie et, par conséquent, “d’observer même les constitutions et décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et prohibe de telles opinions mauvaises” est parfois aussi ignoré d’eux que s’il n’existait pas” (7). Ce qui est exposé dans les Encycliques des Souverains Pontifes sur le caractère et la constitution de l’Eglise est, par certains, délibérément et habituellement négligé dans le but de faire prévaloir un concept vague qu’ils disent pris aux anciens Pères, spécialement Grecs. Les Papes, en effet, disent-ils, n’entendent pas se prononcer sur les questions qui sont matière à discussion entre les théologiens; c’est pourquoi il faut retourner aux sources et expliquer par les écrits des anciens les constitutions et les décrets récents du Magistère. C’est peut-être bien dit, mais ce n’est pas exempt d’erreur. De fait, il est vrai que les Papes laissent généralement aux théologiens la liberté sur les questions disputées entre les docteurs renommés, mais l’histoire enseigne que bien des choses qui furent d’abord laissées à la libre discussion ne peuvent plus désormais supporter aucune discussion». 33 C’est aussi ce qu’avait dit Pie IX ( 8): “Certes, les vicissitudes de notre époque… attestent avec quelle opportunité la Divine Providence a permis que la définition de l’Infaillibilité pontificale fût proclamée alors que la règle droite des croyances et de la conduite allait au milieu de difficultés si multipliées, être privée de tout appui”. Léon XIII: «Quant à déterminer quelles doctrines sont renfermées dans cette révélation divine, c’est la mission de l’Eglise enseignante, à laquelle Dieu a confié la garde et l’interprétation de sa parole; dans l’Eglise, le docteur suprême est le Pontife Romain. (…) [Il faut l’obéissance au Magistère de l’Eglise et du Pape]. L’obéissance doit être parfaite, parce qu’elle appartient à l’essence de la foi, et elle a cela de commun avec la foi qu’elle ne peut pas être partagée… C’est ce que St Thomas d’Aquin explique d’une manière admirable dans le passage suivant: “(…) Or, il est manifeste que celui qui adhère à la doctrine de l’Eglise comme à une règle infaillible donne son assentiment à tout ce que l’Eglise enseigne; autrement, si, parmi les choses que l’Eglise enseigne, il retient ce qui lui plaît et exclut ce qui ne lui plaît pas, il adhère à sa propre volonté et non à la doctrine de l’Eglise, en tant qu’elle est une règle infaillible… Cette unité [de l’Eglise] ne saurait être sauvegardée qu’à la condition que les questions qui surgissent sur la foi soient résolues par celui qui préside à l’Eglise tout entière, et que sa sentence soit acceptée par elle avec fermeté. C’est pourquoi à l’autorité du Souverain Pontife seul il appartient de publier un nouveau Symbole, comme de décerner toutes les autres choses qui regardent l’Eglise universelle” (9)… Voilà pourquoi le Pontife doit pouvoir juger avec autorité de ce que renferme la parole de Dieu, décider quelles doctrines concordent avec elle et quelles doctrines y contredisent. De même, dans la sphère de la morale, c’est à lui de déterminer ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui est nécessaire d’accomplir et d’éviter si on veut parvenir au salut éternel; autrement, il ne pourrait être ni l’interprète infaillible de la parole de Dieu, ni le guide sûr de la vie humaine» (10). En conclusion, l’Eglise enseigne que la parole de Dieu se trouve dans l’Ecriture et dans la Tradition; mais nous les hommes, qui n’avons pas reçu directement de Dieu la Révélation, pour la connaître avec certitude nous avons besoin de quelqu’un qui nous dise avec une autorité infaillible où se trouve la pa- role de Dieu et comment nous devons l’interpréter; qui nous dise encore tout ce qui lui est contraire et qu’il faut éviter. Ce “quelqu’un” est le Magistère de l’Eglise, ou également celui du Pontife Romain. C’est la raison pour laquelle St Augustin affirme qu’il croit aux Evangiles, parce que l’Eglise dit qu’ils sont révélés. La même chose est enseignée par le Catéchisme de St Pie X, qui place dans la règle de la foi également les lois de l’Eglise et tout ce que le Pape commande: “C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Eglise et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Eglise et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi” (11). St Pie X enseigne encore: «Le premier et le plus grand critérium de la foi, la règle suprême et inébranlable de l’orthodoxie est l’obéissance au magistère toujours vivant et infaillible de l’Eglise établie par le Christ “columna et firmamentum veritatis, la colonne et le soutien de la vérité”» (12). Le progrès dogmatique Chaque jour l’Eglise par son Magistère étudie le dépôt de la Révélation, le conserve, le défend, en donne la droite interprétation, l’explique. Tous les fidèles en écoutant l’Eglise sont instruits sur les vérités qui concernent la foi ou la morale, c’est-à-dire sur ce qui est nécessaire pour le salut éternel. Nous les hommes, à cause des limites de notre raison, nous avons besoin de temps et d’étude pour connaître une vérité. Les Anges ont une intelligence intuitive et à peine connaissent-ils une chose qu’ils en comprennent immédiatement tous les aspects et toutes les conséquences. Les hommes au contraire ont besoin de raisonner même plusieurs fois, pour arriver à des conclusions certaines; nous le voyons par exemple dans l’instruction: tous ont besoin de plusieurs années d’études pour connaître une matière donnée et de nombreuses autres encore pour en avoir une connaissance scientifique. Le même discours vaut également pour le dépôt de la Révélation. Bien qu’il soit clos et qu’en lui se trouvent toutes les vérités que Dieu nous a révélées, nous les hommes, même en le lisant, nous ne réussissons pas à en comprendre tous les aspects. Des années d’étude, parfois des siècles, sont nécessaires pour déduire une vérité que Dieu a révélée, 34 mais qui se trouve dans le dépôt seulement de manière implicite. Voilà pourquoi, par exemple, pendant longtemps la question de la conception sans le Péché Originel de la très Sainte Vierge est restée objet de libre discussion: cette vérité, qui était contenue implicitement dans le dépôt, n’était pas vue par tous, certains même considéraient comme une erreur d’y croire. Après avoir étudié le dépôt de la Révélation, l’Eglise assistée de l’Esprit-Saint a défini en 1854 que la très Sainte Vierge a eu le privilège de l’Immaculée Conception, et que cela est contenu dans la Révélation. L’assistance divine nous assure que la définition est vraie, et aucun catholique désormais n’est libre de discuter sur cet argument: “Roma locuta, causa finita”. Dieu a en effet donné l’assistance de l’EspritSaint à l’Eglise, gouvernée par des hommes (et non par des Anges), de telle sorte que même l’étude des vérités révélées se fasse selon le mode humain. Avec cette différence que, lorsque l’Eglise définit, elle est assistée par le Saint-Esprit et ainsi elle est préservée de l’erreur. Après la déclaration de l’Eglise, on n’est plus libre de discuter, mais on est obligé d’embrasser ce que l’Eglise a dit. De cette façon le dépôt de la foi, même s’il reste objectivement le même, progresse de manière homogène, puisque l’Eglise met en lumière des vérités qui jusqu’à aujourd’hui n’étaient pas encore comprises. Ces vérités ne sont pas nouvelles dans le dépôt puisqu’elles y ont toujours été contenues; mais elles sont “nouvelles” pour nous, quant à notre connaissance: en effet, avant, nous ne les connaissions pas avec certitude, mais après la décision de l’Eglise, nous sommes tenus à les croire par un acte de foi (13). Lisons encore l’enseignement de Pie XII (14): «Il est vrai aussi que les théologiens doivent sans cesse revenir aux sources de la Révélation divine; c’est leur rôle d’indiquer de quelle manière les vérités enseignées par le Magistère vivant se trouvent “explicitement ou implicitement” dans les Ecritures et la Tradition (15). En outre, l’une et l’autre source de la doctrine divinement révélée contient des trésors de vérité si nombreux et si grands qu’on ne les épuisera jamais. C’est pourquoi, par l’étude des sources, les sciences sacrées rajeunissent sans cesse, tandis que la spéculation qui néglige de pousser au-delà l’étude du dépôt révélé, l’expérience nous l’a appris, devient stérile. Pour ce motif, la théologie positive elle-même ne peut être ramenée au rang d’une science simplement historique. Dieu, en effet, a donné à Son Eglise, avec les sources que nous avons dites, un Magistère vivant pour éclairer et dégager ce qui n’était contenu dans le dépôt de la foi que d’une manière obscure et pour ainsi dire implicite. Ce dépôt, ce n’est pas à chacun des fidèles, ni même aux théologiens eux-mêmes que Notre Divin Rédempteur en a confié l’interprétation authentique, mais au seul Magistère de l’Eglise. Or, si l’Eglise exerce ce rôle, comme il lui est souvent arrivé au cours des siècles, par la voie ordinaire ou extraordinaire, il est trop évident que c’est une méthode fausse d’expliquer le clair par l’obscur; bien plus, c’est l’ordre contraire qui s’impose à tous. Aussi Pie IX, Notre Prédécesseur… lorsqu’il enseigna que le rôle très noble de la théologie est de montrer comment la doctrine définie par l’Eglise est contenue en ses sources, ajouta, non sans grave raison, ces paroles: “Dans le sens même où l’Eglise l’a définie” (ibidem)». Notes 1) Confession d’Augsbourg, De Regula fidei, 1. 2) Le dernier pour eux est le IIème Concile de Nicée (787). A partir du huitième Concile Œcuménique, le IVème de Constantinople (869-870) qui condamna les erreurs de Photius, les Orientaux commencèrent le schisme. 3) SALAVERRI, Sacræ Theologiæ Summa, Theologia Fundamentalis, T. III De Ecclesia Christi, L. 2, c. 4, a. 2, nn° 768-781, B.A.C., Madrid 1962. V. ZUBIZARRETA O. C. D., Theologia dogmatico-scholastica ad mentem S. Thomæ Aquinatis, vol. I, Theologia Fundamentalis, Tratt. II, Q. XXIII, a. IV, nn° 655-661, Bilbao 1948, pp. 514-7. 4) JEAN DE ST THOMAS O. P. Tractatus de auctoritate Summi Pontificis, in Sodalitium n° 40, p. 50. 5) P. GOUPIL S. J., “La Règle de la Foi”, p. 17, cité par B. LUCIEN, in Le canon de St Vincent de Lérins, Cahiers de Cassiciacum, n° 6, p. 90. 6) PIE XII, Humani Generis, 12-8-1950, Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII, année 1950, éd. Labergerie, Paris 1952, pp. 311-312. 7) CJC, can. 1324; Conc. Vat., De Fide cath., DS 3045. 8) PIE IX, Lettre à un Evêque d’Allemagne, 6-111876, E. P. n° 437. 9) ST THOMAS, Somme théologique, II II, q. 5, art. 3; q. 1, art. 10. 10) LEON XIII, Sapientiæ Christianæ, 10-1-1890, Lettres Apostoliques de Sa Sainteté Léon XIII, tome Ier, Bonne Presse, Paris 1893, pp. 279-281. 11) En italique dans le texte. ST PIE X, Catéchisme Romain, Petite Histoire de la Religion, éd. Itinéraires, reprint Dominique Martin Morin, 1978, p. 354. 12) ST PIE X, aux étudiants, 10-05-1909, E. P. n° 716. 13) F. MARIN-SOLA O. P., L’Evolution homogène du Dogme catholique, 2ème éd. Fribourg (CH) 1924. 14) PIE XII, Humani generis, op. cit., pp. 313-314. 15) PIE IX, Lettre Inter gravissimas, 28-10-1870. 35 LES ERREURS DE SI SI NO NO Par M. l’abbé Giuseppe Murro J ’ai connu l’inoubliable don Putti (“Padre Francesco” pour ses amis) et c’est précisément à sa mémoire et en son honneur que je prends la plume pour répondre aux erreurs écrites sur le journal qu’il a fondé. Non seulement don Putti ne les aurait jamais publiées, mais il les aurait sans aucun doute combattues et stigmatisées comme il avait coutume de le faire. Cet article comporte deux parties d’inégale longueur: l’une réfute l’erreur diminuant la valeur théologique du Concile Œcuménique; l’autre réfute l’intervention de M. l’abbé Philippe Marcille lors du Congrès de Sì Sì No No en janvier 1996. ABRÉVIATIONS M. = abbé Philippe Marcille. FSPX = Fraternité Sacerdotale St Pie X. Eglise… = Eglise et Contre-Eglise au Concile Vatican II. S. = Sì Sì No No. M.O.U. = Magistère Ordinaire et Universel. E. P. = Enseignements Pontificaux - L’Eglise, Desclée, 1959. DS = DENZINGER-SCHÖNMETZER, Enchiridion Symbolorum definitionum et declarationum, XXXVI ediz., Herder, 1976. Conc. Vat. = Concile du Vatican: dans cet article il s’agit du Concile qui se tint au Vatican du 8/12/1869 au 20/10/1870, communément appelé Concile Vatican I. PREMIERE PARTIE: L’ACCORD DES THÉOLOGIENS EST PLUS IMPORTANT QU’UN CONCILE ŒCUMÉNIQUE Est-il possible que S. dise une chose pareille? Si je ne l’avais pas lu de mes propres yeux je ne l’aurais pas cru. Lisons ensemble Sì Sì No No [éd. ital.] Année XII, n° 7, 30-4-1996, pp. 6-7: “Perché l’Inferno non può essere vuoto”. L’énormité consiste en ceci: pour prouver que l’Enfer n’est pas vide, S. utilise justement l’argument de l’accord des théologiens, qui témoigne de la doctrine infaillible de l’Eglise. Mais dans le même article, S. arrive à dire que le Concile Œcuménique (qui a la plus grande autorité dans l’Eglise, bien supérieure à l’accord des théologiens) n’est pas infaillible! La question repose sur les notes théologiques (cf. Sodalitium n° 40, p. 46): quand on étudie une doctrine, la note théologique est le jugement donné par le Magistère de l’Eglise qui indique quel est le degré de certitude de ladite doctrine eu égard à la Foi catholique. A l’opposé la censure indique le degré d’erreur d’une doctrine, toujours en relation à la Foi catholique. Beaucoup croient de manière erronée que l’on est tenu d’adhérer à une doctrine seulement quand elle est définie de foi, c’est pourquoi dans tous les autres cas on serait libre de croire ou non. Voyons pourquoi cela n’est pas vrai. L’expression (ou note) “de foi” indique de manière générique une vérité contenue au moins implicitement dans le Dépôt de la Révélation (1). Cette note générique a besoin d’une spécification: est “de foi divine”, ce qui est contenu explicitement ou implicitement dans la Révélation (2); est “de foi divine et catholique” (ou ecclésiastique) ce qui, en plus d’être contenu explicitement ou implicitement dans la Révélation, a été aussi défini par le Magistère de l’Eglise (3); est “de foi catholique” (ou ecclésiastique) ce qui est contenu seulement virtuellement dans le dépôt (connexe à lui) et a été défini par le Magistère. Quiconque nie n’importe quelle doctrine de foi pèche gravement contre la foi, et peut facilement glisser dans le schisme ou l’hérésie. Ce qui n’est pas de foi, peut avoir l’une des notes suivantes: proche de la foi, doctrine catholique, théologiquement certain, sentence commune, vrai, sûr. Tous les catholiques sont obligés de suivre la doctrine affirmée par l’une de ces notes, et de refuser les doctrines qui ont reçu une censure (4): tout cela sous peine de péché grave. Au contraire une doctrine qui a seulement la valeur (ou note) de probable peut être objet d’opinion, c’est pourquoi on est libre de la tenir ou d’adhérer à une opinion contraire. Je répète que nous parlons des notes ou censures données par le Magistère de l’Eglise: nous ne traitons pas ici des notes ou censures données par les théologiens. Mais là où les théologiens, ou les plus importants d’entre eux, sont unanimes dans l’enseignement d’une doctrine, on n’est pas libre de la refuser. Il est évident que si une doctrine enseignée par l’unanimité des théologiens doit être suivie, à plus forte raison est-on obligé de tenir une doctrine enseignée par le Magistère de l’Eglise. 36 Que dit au contraire Sì Sì No No? A propos de la doctrine selon laquelle en Enfer il y a des damnés, un lecteur de S. écrit: “Estce ou non une vérité de foi? Si oui, de quel type de vérité de foi (divine, divino-catholique, ecclésiastique, etc.) s’agit-il?” (5). Voilà déjà plusieurs années que nous sommes habitués à entendre dire par la FSPX, qui contrôle S. depuis la mort de don Putti: dans le Magistère de l’Eglise il peut y avoir des erreurs; seules les déclarations solennelles sont infaillibles, les autres peuvent contenir des erreurs. C’est pourquoi on peut désobéir tranquillement au Concile Œcuménique Vatican II, aux enseignements de Paul VI et Jean-Paul II, à tout ce qui concerne la législation donnée par le Saint-Siège depuis 30 ans à ce sujet, étant donné que rien de tout cela n’est certifié par l’infaillibilité. Or en commençant à lire la réponse de S. j’ai exulté de joie en voyant finalement affirmées certaines des vérités sacro-saintes niées impudemment jusqu’à aujourd’hui. En effet on lit: que l’Eglise avec le Magistère Ordinaire et Universel est infaillible; que l’Eglise est l’interprète autorisée des Ecritures; que la voix du Magistère oblige même en ce qui est défini implicitement. J’ai cru, j’ai espéré (naïf que je suis!) que, à l’occasion de cette lettre, la FSPX silencieusement reviendrait sur la bonne voie. J’ai dû changer d’avis, immédiatement. En continuant à lire l’article, S. présente une seconde lettre sur le même sujet, que je résume ici par manque de place. Le lecteur affirme: c’est seulement une opinion que l’Enfer est occupé, opinion valide autant que l’opinion contraire (qui affirme que l’Enfer est vide); la preuve est donnée par le principe (enseigné et diffusé depuis des années par la FSPX, n.d.r.) selon lequel seules les doctrines contenues dans la Révélation et définies solennellement sont vraies (comme “l’expérience de Vatican II m’a enseigné” confesse celui qui écrit). De ce principe le lecteur conclut: si le Concile Œcuménique Vatican II n’est pas infaillible (puisqu’il n’aurait pas donné de définitions solennelles, n.d.r.) et peut être réfuté, alors de même la doctrine selon laquelle l’Enfer est habité par des hommes (qui n’a pas fait l’objet ni d’une définition solennelle, ni d’un Concile Œcuménique) n’est pas infaillible et donc peut être licitement réfutée. Lisons: “Pourquoi serais-je autorisé à refuser (comme je refuse) certaines doctrines de Vatican II et non autorisé à refuser des doc- trines qui ont un poids théologique égal ou moindre”? C’est pourquoi, conclut-il, les théologiens néo-modernistes ont pu créer la doctrine de l’Enfer vide, étant donné que la question n’était pas définie. En pratique le lecteur est un fervent partisan du vieux principe de la FSPX: “seules les vérités révélées et définies solennellement sont vraies”. Mais il a commis deux erreurs. Primo, il en a tiré les conséquences logiques, et il ne sait pas que tirer les conséquences logiques des principes de la FSPX conduit inévitablement à l’hérésie. Secundo, il ne s’est pas mis au courant des derniers développements doctrinaux de la FSPX: de ce que nous avons lu au début de cet article de S., il apparaît que maintenant la FSPX s’est aperçue (après deux décennies) que outre les définitions solennelles - il existe beaucoup d’autres jugements du Magistère qui sont infaillibles et obligent le croyant. La réponse de S. commence par une belle effronterie. Le lecteur donc a été endoctriné depuis peut-être de nombreuses années par le principe lefebvriste “seul le dogme est de foi, le reste non”, et maintenant c’est justement de ses maîtres qu’il doit recevoir le coup de baguette. S. écrit: «Le patrimoine de la foi catholique ne se limite pas… aux “dogmes définis clairement et solennellement par les Conciles Œcuméniques et par les Papes” et - ce qui vous surprendra certainement [mais la surprise, pour le lecteur, c’est précisément de l’entendre dire par S.!] - même les dogmes ne se limitent pas aux dogmes définis» (6). De plus S. admet [j’ai peine à y croire, après me l’être entendu nier mille fois] que même une simple “sentence commune des théologiens” a sa valeur et peut être définie par l’Eglise. Sans parler de l’autorité des Pères et des Docteurs de l’Eglise, desquels nous ne pouvons nous éloigner. C’est la question du Concile Œcuménique Vatican II qui m’a complètement fait changer d’avis sur la bonne foi de S. Je m’explique: si l’accord des théologiens oblige le croyant, à plus forte raison le Concile Œcuménique, expression de la hiérarchie sacrée de l’Eglise, bien plus importante que l’ensemble des théologiens: “Le Christ… préside et guide les Conciles de l’Eglise”, enseigne Pie XII (7). Seul le concile qui n’a pas reçu l’approbation de l’Autorité de l’Eglise (comme le Concile de Bâle) n’oblige pas les croyants. Le Concile Vatican II est un concile Œcuménique et a été approuvé par Paul VI; le refuser, veut dire refuser l’autorité de Paul VI. 37 Pour se dérober à la doctrine catholique, S. développe une nouvelle thèse: pour que l’Eglise soit infaillible, l’assistance de l’Esprit-Saint ne lui suffit pas, mais il faut qu’elle répète ce qui a été dit toujours et partout (semper et ubique), autrement elle peut proférer des erreurs. Ceci est un principe absolu. Le Magistère, pour S., n’est plus infaillible de lui-même: la tâche de tout fidèle sera donc de contrôler toutes les fois qu’il parle, si ce qu’il dit a toujours et partout été soutenu. «C’est une règle absolue, dit S., que le catholique ne doit croire que ce qui n’est pas en contradiction avec ce que l’Eglise a toujours et partout enseigné et cru» (8). Si cette règle est absolue, elle doit être toujours appliquée sans exceptions, et ses conclusions se vérifieront toujours. Voyons- voir. Quand Pie XII décréta, contre ce qui avait été affirmé précédemment, que la matière et la forme du Sacrement de l’Ordre sont l’imposition des mains et la lecture de la Préface, son jugement - d’après la règle de S. - ne peut pas avoir été infaillible! Le même sort sera réservé au dogme de l’Immaculée Conception: cette vérité n’a pas été crue toujours et partout, même de très bons théologiens comme St Thomas d’Aquin pensaient le contraire. Sans parler de la Messe du soir et du jeûne des trois heures pour la Communion, établis par Pie XII: d’après la thèse de S. tout ceci constitue une véritable révolution qui a bouleversé la règle absolue, le semper et ubique! La règle de la Foi donc pour S. n’est plus le Magistère de l’Eglise (comme nous l’avons vu aux pages 31-33), mais l’enseignement de toujours et partout. Et pour mieux affirmer cette nouvelle théorie, il faudra changer l’Acte de foi. Lisons: «“Mon Dieu, je crois fermement tout ce que vous avez révélé et ce que la sainte Eglise nous propose à croire…”». Pour tous, l’Eglise veut dire le Pape régnant; au contraire S. change l’interprétation de l’Acte de foi et en change ainsi le sens, en ajoutant: «…(la Sainte Eglise c’est évident, mais aujourd’hui il est nécessaire de le préciser - ne s’identifie pas au Pape du moment, qui ne parle pas ex cathedra)» (9). Peut-être que S. a oublié l’axiome: “Ubi Petrus ibi Ecclesia”. La nouvelle règle de S. est absolue; au contraire la Règle de la foi et l’Acte de foi ne le sont pas. Je rappelle seulement les paroles de Pie XII (10): «Et, bien que ce Magistère doive être pour tout théologien, en matière de foi et de mœurs, la règle prochaine et universelle de vérité - car le Christ Notre-Seigneur lui a confié tout le dépôt de la foi, Ecriture Sainte et Tradition, à garder, à défendre et à interpréter, - toutefois le devoir qu’ont les fidèles d’éviter aussi les erreurs qui voisinent plus ou moins avec l’hérésie et, par conséquent d’“observer même les constitutions et décrets par lesquels le Saint-Siège proscrit et prohibe de telles opinions mauvaises” (11)». On dira: mais ne voyez-vous pas que ceux de la FSPX ont fait un pas en avant? Il faut les encourager de manière à ce qu’ils en fassent un autre: au fond ils sont de bonne foi, ils recherchent eux aussi la vérité. Je regrette, mais nous avons la confirmation que la bonne foi n’existe justement pas. En effet S. cite Pie IX dans le Bref célèbre à l’Evêque de Münich (12), dans lequel le Pape dit que l’obéissance ne doit pas se limiter aux vérités qui ont été définies… “mais doit s’étendre aussi aux vérités que par le Magistère Ordinaire de l’Eglise dispersée sur la terre, et que pour cette raison les théologiens catholiques, dans un accord constant et universel, considèrent comme appartenant à la foi”. Il ressort clairement de ce texte que, après le jugement du Magistère qui indique ce qui a été révélé par Dieu, les théologiens sont unanimement obligés de consentir à cette doctrine laquelle désormais constitue matière de foi. S’il n’y avait pas eu l’enseignement de l’Eglise, il n’y aurait pas eu accord entre les théologiens. Donc pour les théologiens la règle de la foi est le Magistère, enseigne Pie IX; pour S. la règle absolue est le “toujours et partout” (13). Le même S. cite Pie XII: la théologie doit être “sous la vigilance du Magistère” et elle est bonne si elle est conduite par “des hommes d’un génie et d’une sainteté non communs” que “le Magistère de l’Eglise a si fortement appuyé de son autorité” (14): donc Une session du Concile Vatican I 38 Pie XII dit encore une fois que c’est le Magistère la Règle de la foi. Mais l’auteur de l’article de S. l’a-t-il compris? Si la doctrine de l’Eglise ne suffisait pas (et je m’arrête à Pie IX et Pie XII pour le prouver), procédons par l’absurde: utilisons le principe de S. avec la doctrine de Humani Generis, pour voir où il nous conduit. Pour S., Paul VI et Jean-Paul II sont Papes et ont l’Autorité dans l’Eglise: sous leur “Autorité” le Magistère Ordinaire et Universel a déclaré qu’il est révélé par Dieu que tout homme, même pécheur, a une dignité qui ne se perd jamais. Nous devrions donc adhérer à cette définition! Si cela ne suffisait pas, des théologiens d’un génie non commun (parmi lesquels de Lubac, Congar, Von Balthasar) “sous la vigilance du Magistère” de Paul VI et Jean-Paul II, ont affirmé que ceci est une vérité de foi. S. essaye d’objecter que ce sont des théologiens modernistes. Mais (je continue à citer S.) “le Magistère de l’Eglise a si fortement appuyé de [leur] autorité” [de Paul VI et Jean-Paul II, n.d.r.] cette théologie, qu’il les a nommés Cardinaux de la Sainte Eglise! Pourquoi alors ne devrions-nous pas suivre cet accord des théologiens? Chers amis de S., si vous croyez que JeanPaul II a l’autorité sur l’Eglise, comment faites-vous pour contester ce qu’il dit? Avec quelle autorité pouvez-vous le juger? Peut-il y avoir quelqu’un au-dessus du Pape? Ou bien faut-il refuser l’autorité de Wojtyla, comme le fait Sodalitium? Mais non, vous dites qu’il a l’autorité. Comme les pharisiens criaient de manière hypocrite à Pilate: “Nous n’avons pas d’autre roi que César”, de la même manière vous proclamez: “Nous reconnaissons l’autorité de Jean-Paul II”. Celui qui ne reconnaissait pas César, devenait son ennemi; celui qui ne reconnaît pas Jean-Paul II, se retrouve contre le monde entier. “S’il est juste devant Dieu de vous obéir [aux hommes] plutôt qu’à Dieu, jugez-en” (Actes IV, 19), disait St Pierre au Sanhédrin, qui avait perdu l’Autorité. Notes 1) Une vérité est contenue dans la Révélation quand elle se trouve dans la Sainte Ecriture ou dans la Tradition (enseignée par les Pères de l’Eglise). 2) Dans la Révélation, par ex., est contenu explicitement que Jésus est Dieu; or Dieu est omniprésent; donc il est implicitement révélé que Jésus, en tant que Dieu, est omniprésent. 3) Comme par exemple l’Immaculée Conception. La définition du Magistère peut être faite par un acte du Magistère solennel ou par le Magistère ordinaire; en Concile ou en dehors d’un Concile. 4) Exemples de censure: Erreur, proche de l’hérésie ou de l’erreur, suspecte ou ayant saveur d’hérésie, erreur en théologie, téméraire, fausse, offensante pour le sens chrétien, scandaleuse, non sûre. 5) S. n° 7, p. 6, col. 2. 6) S. n° 7, p. 7, col. 3. 7) P IE XII, Mystici corporis, 29-06-1943, Bonne Presse, Paris 1943, p. 27 et E. P. n° 1049. Cf. ST PIE X, Ex quo, nono labente, 26-12-1910, E. P. n° 746. 8) S. n° 7, p. 8, col. 2. 9) S. n° 7, p. 8, col. 1. 10) Humani Generis, 12-8-1950, Documents Pontificaux de Sa Sainteté Pie XII, année 1950, éd. Labergerie, Paris 1952, p. 311 et E. P. n° 1278. 11) CJC, can. 1324; Conc. Vat., De Fide cath., DS 3045. 12) Tuas libenter, 21-12-1863, DS 2879, cité par S. p. 8, col. 2. 13) S. le répète encore, pour qui ne l’aurait pas compris, à la p. 8, col. 27. 14) Humani Generis, 12-8-1950.      SECONDE PARTIE: LE MAGISTERE D’APRES L’ABBÉ MARCILLE D ans le numéro précédent de Sodalitium j’avais annoncé une réponse à l’article de l’abbé Philippe Marcille paru sur la revue Sì Sì No No, (1) sous le titre: “GRANDEUR et VULNERABILITE du Magistère ordinaire et universel de l’EGLISE” et publié ensuite en français avec quelques différences dans le livre “Eglise et Contre-Eglise au Concile Vatican II” (2) sous le titre: “La crise du Magistère Ordinaire et Universel”. Le texte français a été abrégé; c’est à lui que je me réfère dans cet article. Lorsque des passages publiés dans l’édition italienne ne sont pas repris dans la publication française, je me réfère au texte publié sur la revue Sì Sì No No, qui retranscrit “la conférence tenue par l’abbé Philippe Marcille à l’occasion du IIème Congrès théologique de Sì Sì No No” (Albano Laziale, janvier 1996). Sì Sì No No (dont le directeur est l’abbé du Chalard, prêtre de la Fraternité St Pie X) écrit: “L’auteur y affronte, avec compétence et fidélité à la grande théologie catholique, un sujet d’une extrême gravité, sur lequel il est nécessaire d’avoir des idées très claires dans la crise actuelle de l’Eglise” ( 3). La Fraternité St Pie X fait donc sienne la position de l’abbé Marcille (membre de cette société). Malheureusement après avoir lu les articles en question sur ce “sujet d’une extrême gravité”, le lecteur n’en sort certainement pas avec les idées plus claires. 39 But de l’article de M. M. écrit: “L’unanimité morale de l’épiscopat en communion avec l’évêque de Rome présente comme obligatoires des doctrines manifestement en opposition avec la Tradition apostolique. Or, selon le magistère du Concile Vatican I, le dépôt de la foi se trouve dans l’enseignement du Magistère Ordinaire Universel. Le dépôt de la foi contredirait-il le dépôt de la foi? (4). Comment le magistère d’aujourd’hui peut-il contredire le magistère constant et unanime d’hier?... C’est à ce dilemme que je propose une solution” (5). En faisant cela l’abbé M. se propose de justifier la position doctrinale et pratique de la FSPX contre les partisans du Concile Vatican II et les adeptes de la vacance du Siège Apostolique, lesquels emploient le même argument de l’infaillibilité du M.O.U. pour arriver à des conclusions opposées entre elles mais concordantes dans le fait de considérer comme erronée la position de la FSPX. M. réussira-t-il à démontrer sa théorie? Pour Sodalitium certainement pas; il mettra même en évidence une série de thèses plus ou moins contrastantes avec l’enseignement traditionnel de l’Eglise. Avant d’examiner ces thèses je dois faire une remarque préliminaire sur la méthode utilisée par M. Approximations et falsifications “L’exposé qui va suivre est un résumé très simplifié d’un gros travail entrepris depuis dix ans” (6). Malgré les dix années passées dessus, l’article de M. ne paraît pas jouir de cette scientificité requise en théologie. Je me réfère surtout aux citations: elles sont presque toujours approximatives et souvent carrément falsifiées. Volontiers M. ne cite pas la page où trouver les références produites, obligeant le lecteur à une longue et parfois vaine recherche; souvent il rapporte la pensée d’un auteur sans le citer entre guillemets, c’est pourquoi on ne sait pas si et dans quelle mesure elle doit être vraiment attribuée à l’auteur cité ou à M.: pour Billot par exemple il ne donne que les numéros des thèses. Ces approximations sont-elles un signe de superficialité ou bien servent-elles à cacher de vraies falsifications? Le doute m’est venu après avoir contrôlé certaines citations. Voici les exemples les plus graves: 1) M. affirme que «Vacant pense que la note la plus élevée qui puisse être donnée à un enseignement du M.O.U. est “Proxima fidei”» (7); de même «si le Concile Vatican I dit que l’on doit croire de foi Divine et catholique l’enseignement du M.O.U., Vacant dit que la note la plus élevée qu’on puisse donner à un enseignement de ce même magistère est “Proxima Fidei”» ( 8). Comme unique référence il donne le livre de Vacant Le Magistère Ordinaire Universel et ses organes, sans aucune indication d’éditeur et de page. J’examinerai plus loin en quoi cette doctrine est erronée. Je me suis demandé immédiatement: comment est-il possible qu’un théologien sérieux comme Vacant affirme une telle énormité? J’ai donc consulté Vacant dans Etudes Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican. d’après les actes du Concile (9); il affirme exactement le contraire de ce que lui fait dire M. “Il ne faut pas oublier - dit Vacant - que le Conc. Vat. range le magistère ordinaire, sur le même pied que les jugements solennels, sans faire aucune distinction entre les vérités qui en sont l’objet. Les théologiens font de même. C’est donc que le magistère ordinaire possède une autorité suffisante, pour rendre de foi catholique une vérité qui était seulement de foi divine” (10). Il est vrai que dans le paragraphe suivant n° 663, Vacant affirme que dans la pratique il sera difficile de discerner quand le M.O.U. s’est prononcé avec cette autorité; mais il faut ajouter que pour Vacant cela serait possible au moyen des enseignements du Saint-Siège (11). M. n’a donc pas présenté de manière objective et complète la pensée de Vacant. 2) M. soutient que dans le Magistère l’infaillibilité est “un accident corrélatif de l’obligation de croire de foi Divine et catholique pour le fidèle” (12) et pour démontrer ceci il cite en note le cardinal Billot, dans le “De Ecclesia” thèse XVII: “Or l’ordre de croire fermement sans examiner l’objet… ne peut générer une vraie obligation que si l’autorité est infaillible” (13). Le lecteur inattentif pensera: ce que dit M. doit être vrai, étant donné qu’il s’appuie sur l’autorité de Billot. Mais dans cette phrase attribuée à Billot il est dit simplement que seule l’autorité infaillible peut imposer l’acte de Foi: s’il y a possibilité d’erreur, si l’autorité n’est pas infaillible, il ne peut y avoir acte de Foi; sans infaillibilité il n’y a pas obligation de croire. Billot affirme donc tout le contraire de ce nuant à reconnaître la légitimité de Jean-Paul II), M. cite dom Gréa, en donnant comme d’habitude une référence insuffisante. Selon M., dom Gréa affirmerait que les Evêques ont un pouvoir de suppléance par rapport au Pape jusqu’à pouvoir consacrer des Evêques, quand des conditions précises sont réalisées: danger pour l’existence de la religion, impuissance du pasteur local, “aucun secours à espérer du Saint-Siège” (15). J’ai consulté le texte de dom Gréa (16): il affirme, pour la dernière condition, “aucune espérance de recours au SaintSiège”, c’est-à-dire qu’il est physiquement impossible de recourir au Pape. M. en substituant furtivement “secours” à “recours” a changé la pensée de dom Gréa. Pour Mgr Lefebvre la possibilité de recours existait. D’autre part dom Gréa affirme dans tout le paragraphe la nécessité pour les Evêques d’être dépendants et en communion avec le Pontife même dans de telles circonstances. En haut, la Théologie Romaine; en bas, la théologie de l’abbé Marcille... que dit l’auteur: l’infaillibilité n’est pas un accident corrélatif à l’obligation de croire, c’est une conditio sine qua non, une condition sans laquelle il ne peut y avoir acte de foi. J’ai ensuite cherché la phrase attribuée à Billot, dans la thèse XVII du Traité “De Ecclesia”. La thèse compte environ trente pages, subdivisées en paragraphes: M. n’indique ni la page, ni encore moins le paragraphe. Après avoir relu deux ou trois fois les trente pages, je n’ai pas réussi à trouver la fameuse phrase: si elle est de Billot, où se trouve-t-elle? Cette fois M. non seulement n’a pas présenté la pensée de l’auteur de manière objective, il l’a déformée sans en donner les références exactes. 3) Selon M. un des cas historiques d’erreur du Souverain Pontife serait celui du Pape Honorius: St Sophrone aurait désobéi à un ordre formel d’Honorius, “ce qui lui valut d’être excommunié par ce dernier”. La référence de cette nouvelle extraordinaire se trouve à la note 44 ( 14): “DTC, article Honorius, col. 123”. J’ai cherché en vain dans le DTC (qui est loin d’être d’orientation “romaine”) cet épisode, ainsi que dans plusieurs livres d’Histoire Ecclésiastique: il n’a jamais existé une excommunication du Pape Honorius à St Sophrone! 4) Comme le fait remarquer le R. P. Barbara (14bis), pour justifier les consécrations épiscopales contre l’interdiction du Pape (ainsi que l’a fait Mgr Lefebvre en 1988, en conti- Les thèses de l’abbé Marcille Les thèses exposées par l’abbé M. sont connexes entre elles, c’est pourquoi si nous voulons comprendre sa pensée nous devons en voir l’ensemble; elles n’ont pas toutes la même gravité. Je regrouperai les différents thèmes de la manière suivante: le Magistère Ordinaire et Universel, le Magistère Ordinaire du Pape, l’infaillibilité, l’indéfectibilité de l’Eglise, la Règle de la Foi, la Théologie Romaine et j’en tirerai des conclusions. Le Magistère Ordinaire et Universel On dirait que l’abbé M. n’a pas compris ce qu’est le M.O.U., ni ce qu’est le motif de son infaillibilité: en pratique il anéantit le M.O.U. en le réduisant à la Tradition. a) Sujet du M.O.U. Selon la doctrine catholique le sujet du M.O.U., c’est-à-dire celui qui a le droit de pouvoir utiliser ce Magistère, est constitué par le corps des Evêques, successeurs des Apôtres, unis et soumis au Pontife romain (17). M. commence à dire que le sujet du M.O.U. sont tous les Evêques, même ceux qui n’ont pas pouvoir de juridiction: “La juridiction actuelle sur des baptisés n’est pas nécessaire” (18). Mais la doctrine de l’Eglise enseigne l’opposé: seuls les Evêques avec juridiction font partie de l’Eglise enseignante et donc eux seuls constituent le sujet du M.O.U. (19). 41 Pour M. au contraire, pour être sujet du M.O.U., plutôt que la juridiction, c’est la foi qui est nécessaire: “Est sujet du Magistère Ordinaire et Universel tout Evêque qui a la foi” (20). La preuve de son affirmation est tirée de Franzelin, qui rappelle comment “St Cyprien exigeait que le nouvel élu à l’épiscopat expose sa foi” (21). L’auteur ne réalise pas que cette profession de foi externe est nécessaire afin que le nouvel élu puisse être en communion avec le Pape et recevoir ainsi la juridiction! Mais l’erreur de M. n’est pas une inadvertance: il a remplacé furtivement le critère objectif (la juridiction) par un critère subjectif. Comment faire pour savoir si l’Evêque a ou n’a pas la foi? “Au moyen des lettres de communion [qui donnent la juridiction] avec le Pontife romain” répond le même Franzelin, quelques lignes plus bas. Cette solution ne plaît pas à M.; mais en substituant le critère subjectif au critère objectif il en ressort que, de n’importe quel Evêque, indépendamment de toute juridiction, on pourra affirmer ou nier qu’il a la foi et est sujet du M.O.U. Enfin nous devons relever que là aussi la citation de Franzelin (approximative, comme d’habitude) est tronquée et sa pensée déformée. Toujours à propos du M.O.U. M. fait une autre confusion: si un Evêque par luimême n’est pas infaillible, pourquoi devraient-ils l’être tous ensemble? “Comment le Magistère de l’ensemble des Evêques peut-il être infaillible si celui d’un seul Evêque ne l’est pas?” (22). Mais la réponse est simple: à cause de l’indéfectibilité de l’Eglise. M. insiste: l’Evêque diocésain constitue “un organe faillible” ( 23). Je réponds: oui, si pris individuellement, en tant qu’il enseigne dans son diocèse. Non, en tant qu’il fait partie du Corps des Evêques (unis entre eux et soumis au Pontife romain) et enseigne quelque chose qui concerne la foi ou la morale: dans ce cas, il y a l’assistance de l’Esprit-Saint qui préserve de l’erreur (chose qui n’arrive pas pour le seul Evêque). Mais cela ne semble pas possible à notre auteur: “Une assistance collective du SaintEsprit [est] absurde, dit-il, parce que les accidents surnaturels peuvent arriver seulement dans une nature personnelle raisonnable et donc ne peuvent être entés sur un être collectif” (24). Je fais seulement remarquer à M.: quand les Evêques sont réunis en Concile Œcuménique, y-a-t-il ou non “l’assistance collective du Saint-Esprit”? Si oui, pourquoi ne pourrait-elle pas être dans le M.O.U.? Je répète: les seuls Evêques ne sont pas assistés, le corps des Evêques l’est. N’ayant pas compris cela, M. en tire le sophisme: parfois la majeure partie de l’Episcopat se trompe, donc le sujet du M.O.U. n’est pas toujours infaillible: “Comment est-il concevable qu’à une époque donnée, la majorité… de l’Episcopat catholique, puisse indiquer une fausse direction, puisse donner un enseignement contraire à la Tradition?” (25). Là aussi la réponse est la même: il est possible que l’un ou plusieurs ou tous les Evêques sans le Pape puissent errer, parce qu’ils n’ont pas l’assistance divine; mais il n’est pas possible que les Evêques avec le Pape se trompent, parce que dans ce cas il y a l’assistance du Saint-Esprit. Léon XIII enseigne: “Mais l’ordre des évêques ne peut être regardé comme vraiment uni à Pierre, de la façon que le Christ l’a voulu, que s’il est soumis et s’il obéit à Pierre; sans quoi il se disperse nécessairement en une multitude où règne la confusion et le désordre” (26). L’intention de M. était donc de détruire le sujet du M.O.U.: celui qui a le pouvoir de l’exercer, disait-il, peut parfois se tromper. Il me semble avoir expliqué clairement que la doctrine catholique enseigne le contraire: le sujet du M.O.U. ne peut jamais se tromper. b) Appartenance à l’Eglise Une erreur analogue de M. concerne l’appartenance à l’Eglise: “Est membre de l’Eglise, de manière indéracinable membre de l’Eglise, tout baptisé qui a la foi (la soumission due en est une conséquence)” (27). Or si la soumission aux Pasteurs légitimes n’est qu’une conséquence et non quelque chose d’essentiel, elle peut ne pas exister! Cette thèse de M. est en accord avec la doctrine œcuménique du Concile Vatican II (Unitatis Redintegratio, 3) et de Jean-Paul II (Ut unum sint, 66, 77; 13, 17), pour qui aussi les membres des autres religions chrétiennes sont membres imparfaits de l’Eglise, à cause du Baptême et de la foi. Pie XII avait déjà parlé contre cette doctrine dans Mystici Corporis: “Seuls” font partie des membres de l’Eglise: 1) les baptisés, 2) qui professent la vraie foi, 3) qui ne se sont pas séparés de l’Eglise (sont soumis aux Pasteurs légitimes, ce qui exclut les schismatiques), 4) qui n’en ont pas été retranchés pour des fautes très graves (l’excommunication) par l’autorité légitime (28). Pour appartenir à l’Eglise donc, la soumission au Pontife n’est pas une conséquence de la foi, 42 mais est quelque chose d’essentiel qui s’ajoute à la Foi, tout comme le fait de ne pas avoir reçu l’excommunication. M. tait les points 3) et 4), avec son approximation habituelle, et falsifie la doctrine catholique. Ceci nous montre la mentalité de M.: il a exclu la nécessité de la soumission au Pontife romain soit pour être sujet du M.O.U., soit pour être membre de l’Eglise. Il s’agit de deux erreurs très graves qui dénotent une tendance schismatique. c) But du M.O.U. D’après les termes du Conc. Vat. (29), le M.O.U. peut enseigner les vérités révélées qui doivent être crues avec un acte de foi divine et catholique. Or ces vérités constituent les dogmes de foi, qui sont infaillibles, définitifs, irréformables. Mais M. n’est pas d’accord: il commence par affirmer que ce magistère ne donne pas de jugements irréformables (30), ni définitifs (31), pour conclure à la fin qu’il n’est pas infaillible (32). Dans le point suivant, sur la note du M.O.U., je traiterai de ses affirmations; ici demandons-nous: à quoi servira le M.O.U.? A “transmettre le dépôt”, répond l’auteur (33), lequel ignore peut-être que, par la volonté de Dieu, le but de tout le Magistère de l’Eglise (et non seulement du M.O.U.) est ordonné à garder, transmettre, expliquer le dépôt de la foi. “C’est donc, sans aucun doute, le devoir de l’Eglise de conserver et de propager la doctrine chrétienne dans toute son intégrité et sa pureté” (34), dit Léon XIII. d) Note théologique du M.O.U. C’est une question de très grande importance. Je reprends ce que j’ai annoncé dans le paragraphe sur les approximations et falsifications. Le Conc. Vat. ordonne de croire de foi divine et catholique les enseignements du M.O.U. La définition conciliaire ne convient pas à l’abbé M. parce qu’elle détruit toute la position de la FSPX, et voici ce qu’il invente: quand le M.O.U. répète une chose déjà définie solennellement, seul alors son enseignement mérite la note théologique “de foi” (35); sinon, l’assentiment requis sera inférieur, “beaucoup plus faible”, c’est-à-dire “proche de la foi” (36). «Le mot “infaillible” n’est pas utilisé dans le texte de Vatican I, et avec raison» (37), dit l’auteur. Il en découle que l’obligation d’adhérer à une proposition émise par le M.O.U. est inférieure par rapport à l’obligation d’adhérer à une proposition émise par le magistère extraordinaire, étant donné que le M.O.U. n’est pas infaillible. L’affirmation de M. est très grave puisqu’il nie la définition du Concile pour lequel tout enseignement du M.O.U. est de foi: “Est à croire de foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la parole de Dieu ou écrite ou transmise, et que l’Eglise, soit par un jugement solennel, soit par son magistère ordinaire et universel, propose à croire comme divinement révélé” (DS 3011) (29). La définition a été répétée également par le Code piebénédictin (can. 1323, §1) et est d’une telle clarté qu’il n’est pas possible de se tromper. Pie IX déjà dans Tuas libenter avait enseigné que l’acte de foi ne doit pas être limité aux vérités définies, mais doit s’étendre à “ce qui est transmis comme divinement révélé par le magistère ordinaire de toute l’Eglise dispersée sur la terre” (38). Il est évident que l’acte de foi ne peut être fait que si l’enseignement est infaillible. Ayant lu ces textes, je me demande: comment un prêtre catholique peut-il nier la définition solennelle d’un Concile Œcuménique? La réponse est évidente: M. en arrive à ce point pour justifier la position de la FSPX. De cette manière il vide le M.O.U. de sa valeur particulière qui est d’être un Magistère infaillible par lui-même et auquel tous doivent adhérer à son enseignement par un acte de foi divine et catholique. L’autorité de ce Magistère repose sur les Evêques unis au Pape, lesquels ne peuvent se tromper puisqu’ils constituent la Hiérarchie de l’Eglise qui est indéfectible. Si ce que dit M. était vrai, le M.O.U. ne serait infaillible que lorsqu’il répète des choses… déjà infaillibles! Ce serait une infaillibilité de fait et non de droit (39): le Saint-Esprit n’aurait plus aucune fonction particulière, enseignerait des vérités qui sont seulement “proches de la foi”! Pour mieux comprendre la gravité de ce qu’affirme M., rappelons-nous l’intervention de Mgr d’Avanzo durant le Conc. Vat. du 20/6/1870 au nom de la Députation de la Foi (40): «… Permettez-moi de rappeler comment l’infaillibilité s’exerce dans l’Eglise. De fait, nous avons deux témoignages de l’Ecriture sur l’infaillibilité dans l’Eglise du Christ, Luc XXII: J’ai prié pour toi, etc., paroles qui concernent Pierre sans les autres; et la finale de Matthieu: Allez, enseignez, etc., paroles qui sont dites aux Apôtres mais non sans Pierre… Il y a donc un double mode d’infaillibilité dans l’Eglise; le premier est exercé par le magistère ordinaire de l’Eglise: Allez, enseignez… C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Eglise tous les 43 La manchette du journal Sì Sì No No (éd. italienne) jours; de même tous les jours l’Eglise enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement: toutes ces vérités, l’Eglise les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Eglise: ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise (…) Même avec l’existence de ce magistère ordinaire, il arrive parfois soit que les vérités enseignées par ce magistère ordinaire et déjà définies soient combattues par un retour à l’hérésie, soit que des vérités non encore définies, mais tenues implicitement ou explicitement, doivent être définies; et alors se présente l’occasion d’une définition dogmatique». L’autre mode d’infaillibilité, dira ensuite Mgr d’Avanzo, est le mode solennel que le Pape peut exercer soit par lui-même, soit en réunissant un concile œcuménique. e) Magistère Ordinaire et Magistère solennel Conclusion logique que tire M. de ce qu’il a dit avant (41): entre Magistère extraordinaire et M.O.U. il existe une distinction essentielle, et non seulement accidentelle; affirmer qu’il y a seulement différence accidentelle conduirait, dit-il, à la collégialité! M. n’arrive pas à comprendre que les Evêques, soumis au Pape, constituent un corps, l’Eglise enseignante, la hiérarchie de l’Eglise, comme l’affirmait aussi St Pie X (42); or “hiérarchie” ne veut pas dire “collégialité”. La théorie de M. est une innovation hétérogène. Salaverri, par exemple, enseigne l’opposé: “Les modes d’exercer le Magistère…, ordinaire, c’est-à-dire hors du Concile, extraordinaire, c’est-à-dire dans le Concile, concordent essentiellement en ceci, que tous deux constituent un acte de toute l’Eglise enseignante soumise au Pontife romain; ils différencient accidentellement dans le fait que le mode extraordinaire comporte en plus la réunion locale des Evêques” ( 43). Zubizarreta enseigne: “Le corps des Evêques en union avec le Pontife romain, soit réuni en concile, soit dispersé sur la terre, est sujet du magistère infaillible, car ce corps des Pasteurs en union avec le Pontife romain tient la place du collège apostolique et lui succède, et, par droit d’héritage, reçoit la charge d’enseigner, de gouverner et de sanctifier les hommes avec la prérogative d’infaillibilité” (44). Mgr Zinelli au Conc. Vat. affirmait: “L’accord des évêques dispersés a la même valeur que lorsqu’ils sont réunis: l’assistance a en effet été promise à l’union formelle des évêques, et non pas seulement à leur union matérielle” (45). L’abbé M. est tellement aveuglé par la passion de vouloir justifier la FSPX, qu’il ne voit pas la gravité de son affirmation: si la différence entre Magistère Ordinaire et Magistère extraordinaire n’était pas seulement accidentelle, nous aurions alors dans l’Eglise deux Magistères! Ceci conduirait à une division et à un morcellement de la fonction enseignante de l’Eglise qui, dans la transmission du dépôt de la Révélation, serait parfois assistée par le Saint-Esprit, d’autres fois non. Mais en philosophie thomiste la fonction est déterminée par son objet: à un seul objet (transmettre la Révélation) correspond une seule fonction. «Il faut insister encore, puisque les saines notions de métaphysique réaliste paraissent oubliées. Sous peine de tomber dans une sorte de “nominalisme”, la théologie doit lire la réalité de la Révélation, sous la lumière de la raison éclairée par la foi, et non “coller des étiquettes” sans s’occuper du contenu… Le mode d’un acte est une qualification accidentelle qui ne change pas la spécification de la fonction, du pouvoir ou de la puissance qui exerce l’acte! Par conséquent, si une classe de propositions rentre dans l’objet du magistère, celui-ci peut les qualifier et les juger infailliblement, soit en exerçant un acte solennel, soit par le simple exposé de la doctrine… Le mode de proposition de la doctrine 44 ne peut, en aucun cas, atteindre ou changer la nature et l’extension de l’objet, car l’objet est déterminé seulement par la nature et la fin du magistère, telle qu’elle ressort des paroles mêmes de Notre-Seigneur (Matth. XXVIII, 20) et de St Paul (I Tim. VI, 20: “L’Eglise du Dieu vivant, colonne et firmament de la vérité”): l’Eglise est assistée pour qualifier le rapport de toute proposition au dépôt révélé. Le magistère est le pouvoir divinement assisté pour opérer cette qualification» (46). M. dit (47) avoir trouvé sa théorie dans le livre de Vacant cité plus haut. Nous avons déjà vu, à la page 39, que Vacant affirme au contraire la doctrine traditionnelle et ensuite distingue: de jure le M.O.U. peut définir une vérité qui est à croire de foi catholique: “Le Conc. Vat. place le magistère ordinaire sur le même pied que les définitions solennelles… C’est pourquoi le magistère ordinaire possède une autorité suffisante pour rendre de foi catholique une vérité qui était de foi divine” (10). Selon Vacant, de facto l’Eglise, en définissant un “nouveau” dogme (48) ou en condamnant une hérésie, pour plus de clarté utilise le magistère solennel car dans la pratique il est plus facile de reconnaître l’enseignement infaillible dans un acte du magistère solennel que dans un acte du magistère ordinaire. Mais Vacant n’exclut pas que l’Eglise puisse utiliser aussi de facto le magistère ordinaire: dans ce cas on pourra reconnaître son infaillibilité au moyen “des actes du Saint-Siège” (11), c’est-à-dire du Magistère du Pape. Pour bien faire comprendre quelle est la pensée de Vacant, et comment M. l’a falsifiée, je rapporte un autre passage toujours à propos du M.O.U.: «C’est ce mode d’enseignement [du magistère] qui, par lui-même, répond le plus pleinement à la mission dont Jésus-Christ a chargé ses apôtres; car il leur a ordonné de se disperser par toutes les nations, pour enseigner, tous les jours, toute sa doctrine. Ses paroles sont formelles: “Allez instruire tous les peuples et apprenezleur à garder tout ce que je vous ai dit, et moi je serai avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps” (Matth. XXVIII, 19-20). C’est par cet enseignement que l’Eglise s’est établie et que la doctrine de Jésus-Christ a été manifestée au monde, avant les définitions solennelles des Conciles et du Saint-Siège, et c’est la première règle de foi dont les Saints Pères aient invoqué l’autorité» (49). Après le Conc. Vat., l’Eglise a donné des enseignements ultérieurs sur la valeur du M.O.U., qu’un catholique doit suivre. Pie XI enseigne: “Le magistère de l’Eglise, établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance aux hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife romain et les Evêques en communion avec lui; mais il comporte encore toutes les fois qu’il est nécessaire pour s’opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les faire mieux pénétrer dans l’esprit des fidèles, la mission de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles” (50). “Rien ne convient moins en effet à un chrétien… que de... regarder l’Eglise, envoyée par Dieu cependant, pour enseigner et régir toutes les nations, comme médiocrement informée des choses présentes et de leurs aspects actuels, ou même jusqu’à n’accorder son assentiment et son obéissance qu’aux définitions plus solennelles dont nous avons parlé, comme si l’on pouvait prudemment penser que les autres définitions de l’Eglise sont entachées d’erreurs ou qu’elles n’ont pas un fondement suffisant de vérité et d’honnêteté” (51). Pie XII, à propos du dogme de l’Assomption, a déclaré que le M.O.U. enseigne “d’une façon tout à fait certaine et exempte de toute erreur” que la vérité de l’Assomption de la très Sainte Vierge au Ciel “est vérité révélée par Dieu et contenue dans le dépôt divin confié par le Christ à son Epouse… Le Magistère de l’Eglise, non point certes par des moyens purement humains, mais avec l’assistance de l’Esprit de Vérité, et à cause de cela sans commettre absolument aucune erreur, remplit la mission qui lui a été confiée de conserver à travers tous les siècles dans leur pureté et leur intégrité les vérités révélées; c’est pourquoi il les transmet, sans altération, sans y rien ajouter, sans y rien supprimer” (52). Le R. P. Barbara illustre bien cette vérité: Pape et Evêques continuent l’action d’enseigner de Notre-Seigneur de deux manières, tout comme faisait le Maître Lui-même: «D’une manière simple et ordinaire, celle que Jésus utilisait habituellement: “Et il leur disait selon sa manière d’enseigner: Ecoutez! Voici que le semeur sortit pour semer… La lampe vient-elle pour être mise sous le boisseau? N’estce pas pour être mise sous le chandelier?” (Mc IV, 2; 21). D’une manière solennelle et extraordinaire… Il commençait alors son enseignement par quelque formule solennelle: “En vé- 45 rité, en vérité, je vous le dis” (…) “Bienheureux êtes-vous” ou “Malheur à vous”. Le magistère n’a rien inventé… il a adopté, pour enseigner, les façons de faire de Jésus» (53). En conclusion: les enseignements du M.O.U. sont infaillibles, et donc bien plus que “théologiquement certains” ou “proches de la foi”, comme le prétend M. f) Nature du M.O.U. J’ai déjà démontré, pp. 40-41, que le M.O.U. est l’enseignement de la Hiérarchie de l’Eglise, c’est-à-dire des Evêques en accord entre eux, unis et soumis au Pontife romain (17). Cette union avec le Pontife fait en sorte qu’ils sont assistés par le Saint-Esprit et sont donc infaillibles. Sans l’union et la soumission, il n’y a ni assistance ni infaillibilité. M. n’accepte pas la doctrine catholique et il écrit: “L’accord moralement unanime de l’épiscopat sur un point de foi est un propre du Magistère Ordinaire Universel et non son constitutif formel”, c’est-à-dire ne lui est pas essentiel. De cette manière, dit-il, on sauve l’indéfectibilité du M.O.U. en cas de crise (54): d’après M., il peut arriver que l’unanimité des Evêques se trompe en enseignant une vérité. Ainsi dans les temps de crise, le M.O.U. peut ne pas être perceptible. Je réponds encore une fois: les Evêques sans le Pape ne sont pas infaillibles; unis et soumis au Pape ils sont infaillibles quand ils enseignent une doctrine contenue dans le dépôt. Cette union donc des Evêques et leur soumission au Souverain Pontife est essentielle: je donnerai d’autres preuves à propos du rapport entre Magistère du Pape et Evêques. Pour M. le M.O.U. ne peut pas donner de définitions définitives irréformables (55). Nous devrons en conclure logiquement qu’il n’est pas infaillible puisque le Conc. Vat. enseigne qu’il faut croire de foi divine et catholique tout ce que le M.O.U. enseigne (DS 3011) et que les théologiens affirment que le Magistère est infaillible quand il s’exprime de manière définitive (56). C’est pourquoi nous disons: si le M.O.U. ne donne pas une définition définitive et irréformable, alors son enseignement n’est pas infaillible; mais s’il la donne, alors il l’est. On a déjà vu la distinction faite par Vacant sur la possibilité de jure et de facto de ces définitions (p. 44). d’être cru de foi, en temps de crise il n’est pas perceptible. M. maintenant assène ses coups contre ce Magistère. “Le Magistère Ordinaire et Universel peut se trouver complètement obscur voire apparemment pencher vers l’hérésie” (57); “non seulement il peut être obscur, mais il peut paraître indiquer une fausse direction” (58). L’argument du “Magistère obscur” n’est pas nouveau, mais avait déjà été soutenu par les libéraux durant et après le Conc. Vat., pour ne pas accepter ou pour diminuer l’infaillibilité du Magistère ex cathedra du Pape (59). Pour expliquer l’obscurité du M.O.U., M. donne comme exemple le cas de l’hérésie arienne: le Concile de Nicée, dit-il, ne régla pas “toutes les questions connexes”, “il ne donnait pas de réponse à plusieurs raisonnements des ariens et l’hérésie ne cessa pas” (60). L’énormité de cet exemple saute aux yeux: en effet quand l’Eglise définit une doctrine explicitement, implicitement elle répond à toutes les questions connexes. Comme tous les hérétiques, les ariens s’accrochaient aux “questions connexes” pour ne pas se soumettre à la définition du Concile. Le Concile de Trente lui-même n’a pas pu traiter toutes les objections du protestantisme, et l’hérésie ne cessa pas; St Pie X condamna le modernisme, et nous savons bien qu’il ne cessa pas. Le Conc. Vat. a condamné le gallicanisme, et pourtant il n’a pas cessé (et comment!). Faute du Magistère, ou des hérétiques qui ne l’acceptèrent pas? Peut-être M. croit-il, comme JeanPaul II, que l’Eglise est coupable des hérésies et des schismes? Ou bien pense-t-il que l’hérésie est due seulement à une erreur de l’intelligence et non de la volonté? M. donne un autre exemple d’obscurité du M.O.U.: durant le Grand Schisme d’Occident, dit-il, on ne savait pas qui était le Pape et le M.O.U. sur ce point si important “est resté obscur pendant 50 ans” (61). Nous répondons que la question du Grand Schisme n’était pas une question de Magistère, mais surtout de Juridiction: savoir qui était le vrai Pape. En outre durant le Grand Schisme les Evêques étaient divisés entre eux, ils n’étaient pas unis et il manquait donc une des conditions essentielles à l’existence du M.O.U., l’union des Evêques entre eux. g) Déficience du M.O.U. M. a nié la nature du M.O.U.: il n’est pas le Magistère infaillible, il ne mérite pas h) Réduction du M.O.U. à la Tradition Venons-en maintenant à découvrir quelle est l’idée de M. sur le M.O.U. Il réduit le motif 46 de l’infaillibilité du M.O.U. à l’argument apologétique de la Tradition. J’explique avec un exemple: si l’Eglise catholique et l’Eglise orientale schismatique disent la même chose sur une doctrine (par ex. que la Confirmation est un Sacrement), on conclut de leur accord que cette affirmation doit être vraie et provient de la Tradition Apostolique. L’accord sur un point de doctrine de la part des deux Eglises séparées peut provenir seulement du fait que cette doctrine était crue avant leur séparation et remonte donc aux Apôtres. M. cite St Augustin et Tertullien, qui parlent de l’accord entre les Eglises primitives: si le même enseignement se trouve dans les différentes Eglises, c’est le signe qu’il provient de la Tradition apostolique. Parallèlement en philosophie on démontre que si tout le genre humain considère comme vraie une opinion, elle doit être réellement vraie: en effet “une opinion admise en tous temps et en tous lieux a nécessairement une cause unique”, la raison humaine, laquelle de sa nature adhère à la vérité. (62). Pour ce motif M. donne beaucoup d’importance au fait que le M.O.U. doit être un enseignement des Evêques “dispersés” dans le monde: “c’est précisément parce qu’il est dispersé que son enseignement (moralement) unanime est un témoin sûr de la prédication apostolique” (63). Si les Evêques dispersés dans le monde entier enseignent tous la même chose, cette doctrine ne peut avoir d’autre origine que l’enseignement des Apôtres. Mais la Tradition n’a rien à voir avec l’infaillibilité de jure du corps épiscopal uni: il s’agit de deux choses spécifiquement distinctes. Dans la Tradition, nous découvrons l’origine apostolique d’une doctrine par les témoignages répétés en plusieurs lieux; dans l’infaillibilité, nous apprenons qu’une doctrine est révélée par la sentence actuelle infaillible de l’autorité de l’Eglise, assistée par le Saint-Esprit dans sa déclaration. M. admet que le M.O.U. peut être infaillible à l’instant où il se prononce: mais immédiatement il se contredit en affirmant que pour être sûr de cette infaillibilité il faut que ce Magistère soit “constant sur un certain laps de temps” (64), “constant… sur plusieurs générations” (65). Il n’est donc plus infaillible de lui-même: encore une fois, il contredit la définition du Conc. Vat. (DS 3011), en ajoutant une condition que le Concile ne donne pas. (Sur la “longue période”, voir ci-dessous le paragraphe sur l’extension de l’infaillibilité du Pape). La position de M. reproduit une erreur répandue: le M.O.U. serait infaillible quand il enseigne des vérités qui ont été crues toujours et partout, selon une thèse faussement attribuée à St Vincent de Lérins. M. dit: “Ce qu’il nous faut chercher avidement et suivre, comme règle de notre foi, c’est le consentement immémorial et unanime des saints Pères”, c’est-à-dire celui qui a été enseigné toujours et partout dans l’Eglise (“semper et ubique”) (66). Sodalitium a déjà répondu à cette erreur (67). Je rappelle que le canon de St Vincent sert pour reconnaître la règle éloignée ou objective de la foi (la Tradition) et non la règle prochaine ou directive (le Magistère infaillible). Je reprends les mots du Cardinal Franzelin durant le Conc. Vat.: «On interpréterait le canon contre l’esprit de l’auteur si on le rapportait à ce qu’on appelle la norme directive infaillible dans l’Eglise catholique. En effet, pour le Lérinien, il concerne la norme objective (c’est-à-dire la divine tradition), comme le montre le contexte; et ainsi, le canon proposé contient un critère pour reconnaître la “tradition de l’Eglise catholique” par laquelle, “en union avec l’autorité de loi divine, la foi divine est défendue”. C’est une tout autre affaire de savoir si ledit canon contient une condition nécessaire pour qu’une doctrine puisse être infailliblement définie par le Magistère de l’Eglise catholique. Cela, Vincent ne l’a pas enseigné, il a même signifié le contraire… On détourne le canon lérinien de son vrai sens si, en son nom, on réclame le consentement universel ou l’unanimité de tous les évêques pour qu’une doctrine puisse être définie comme dogme de foi par le Magistère de l’Eglise en qui se trouve la norme directive de la foi. On pervertit ce canon lérinien en y cherchant à la fois la norme objective et la norme directive, comme si l’unique norme infaillible de la Foi catholique se trouvait dans l’accord constant et universel de l’Eglise; alors, en matière de foi, seul ce qui aurait été cru par un accord constant serait absolument certain et infaillible, et personne ne pourrait croire quoi que ce soit, de cette foi divine qui est absolument et infailliblement certaine, sans qu’il voie lui-même cet accord constant et universel de l’Eglise» (68). La conclusion logique de la confusion de M. est la suivante: si le M.O.U. enseigne seulement ce qui est prêché partout “sur une longue période”, quand il y a une controverse ce Magistère sera divergeant et obscur (69). Je renvoie les lecteurs à ce que 47 j’ai déjà dit au point h) de ce paragraphe. M. ne se rend pas compte qu’il parle d’un cas où les termes se contredisent: s’il y a divergence alors il n’y a pas union et il n’y a pas non plus M.O.U. Quand au contraire il y a le M.O.U., alors il n’y a plus divergence. Conclusion. Terminons avec les paroles de Zapelena (70): “Le collège épiscopal succédant au collège apostolique, il est infaillible en proposant une doctrine révélée ou liée à la Révélation… Or ce collège ne se trouve pas moins dans le magistère ordinaire ou dispersé des évêques, que dans leur magistère extraordinaire ou solennel. Donc les évêques ne sont pas moins infaillibles lorsqu’ils enseignent de manière concordante par leur magistère ordinaire que lorsqu’ils exercent leur magistère extraordinaire ou solennel. Et vraiment, l’assistance et les promesses du Christ ne sont nullement limitées à l’exercice du magistère solennel et extraordinaire; bien plus, elles regardent plutôt le magistère ordinaire et quotidien des évêques: “Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps” (Matth. XXVIII, 20)». Le Pape A propos du Souverain Pontife on dirait que l’abbé M. ne croit ni à l’infaillibilité du Magistère ordinaire du Pape ni qu’il est la Règle prochaine de la foi; en conséquence le rapport entre le Magistère du Pape et le Magistère des Evêques est faussé. a) L’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape M. nie explicitement l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape: “Il faut dire que le Pape n’est pas infailliblement assisté dans son Magistère Ordinaire sur toute l’Eglise” (71). Son raisonnement est simple: le Conc. Vat. dans la célèbre définition (rapportée p. 42, DS 3011) affirme que l’Eglise est infaillible avec le Magistère solennel ou avec le Magistère ordinaire et universel, et donc, conclut-il, “il n’existe pas d’autres actes du Magistère infaillible dans l’Eglise” (72). M. se trompe. Tout d’abord parce que dans ce point “l’intention de la députation de la foi n’a nullement été de toucher la question de l’infaillibilité du Souverain Pontife, directement ou indirectement” (73), précisait Mgr Martin le 31 mars 1870 aux Pères Conciliaires. M. connaît ce discours étant donné qu’il en cite une partie, mais se tait sur cette phrase. Comment cela se fait-il? Par ailleurs nier l’infaillibilité du Pape dans son Magistère ordinaire est grave, étant donné qu’il s’agit d’une conclusion théologique certaine (74), enseignée qui plus est par le Magistère de l’Eglise. Le Conc. Vat. a défini que le Souverain Pontife “jouit de cette infaillibilité dont le Divin Rédempteur veut que son Eglise soit pourvue” (DS 3074); c’est par cette déclaration que furent condamnés les gallicans, pour qui “le Pape est inférieur à l’Eglise dans les questions de la foi” ( 75); le Pape n’est donc en aucune manière inférieur à l’Eglise. Or l’Eglise a été dotée du mode extraordinaire et ordinaire d’infaillibilité (DS 3011). Le Pape peut donc également exercer son infaillibilité avec un double mode. Le Souverain Pontife a dans l’Eglise “toute la plénitude du pouvoir suprême” (DS 3064): il doit par conséquent avoir aussi tous les modes d’exercice de ce pouvoir suprême. Or le pouvoir suprême d’infaillibilité est donné à l’Eglise avec un double mode, extraordinaire et ordinaire. Donc le Souverain Pontife a le pouvoir d’infaillibilité même de manière ordinaire, autrement il faudrait conclure que le suprême pouvoir d’infaillibilité, au moins de la manière dont il est exercé serait plus restreint dans le Pape que dans l’Eglise. Cela ne peut pas être, étant donné que le Pape a toute la plénitude du pouvoir suprême sans aucune limitation. Le Souverain Pontife a le triple pouvoir de gouverner, enseigner, sanctifier. Si son enseignement était infaillible seulement quand il définit solennellement, ce serait alors très rare; de nombreux Pontifes ne l’auraient jamais utilisé, n’auraient jamais exercé le rôle de “confirmer les frères” et les fidèles n’auraient eu aucun enseignement certain du Chef de l’Eglise, du Vicaire du Christ. Ceci répugne à la structure de l’Eglise et aux promesses de Notre-Seigneur à St Pierre. Durant le Conc. Vat., Mgr Gasser répondait ainsi à celui qui soutenait que le Pontife, en donnant des définitions, devait observer une certaine forme: “Ceci ne peut être fait, car il ne s’agit pas d’une chose nouvelle. Déjà des milliers et des milliers de sentences dogmatiques furent promulguées par le Siège apostolique; mais où est donc le canon qui prescrit la forme à observer dans ces sentences?” (76). Pie XI: “Le Magistère de l’Eglise, établi ici-bas d’après le dessein de Dieu pour garder perpétuellement intact le dépôt des vérités révélées et en assurer la connaissance 48 des hommes, s’exerce chaque jour par le Pontife romain et les Evêques en communion avec lui; mais il comporte encore toutes les fois qu’il est nécessaire pour s’opposer plus efficacement aux erreurs et aux attaques des hérétiques ou développer avec plus de clarté ou de détails certains points de la doctrine sacrée, afin de les faire mieux pénétrer dans l’esprit des fidèles, la mission (munus) de procéder par décrets à des définitions opportunes et solennelles” (77). On déduit de ce texte que le Magistère est unique, avec deux modes d’expression. Pie XII: «Il ne faut pas estimer non plus que ce qui est proposé dans les Encycliques ne demande pas de soi l’assentiment puisque les Papes n’y exercent pas le pouvoir suprême de leur Magistère. A ce qui est enseigné par le Magistère ordinaire, s’applique aussi la parole: “Qui vous écoute, m’écoute” (Lc X, 16); et la plupart du temps ce qui est exposé dans les Encycliques appartient déjà d’autre part à la doctrine catholique. Si les Papes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une matière qui était jusque-là controversée, tout le monde comprend que cette matière dans la pensée et la volonté des Souverains Pontifes n’est plus désormais à considérer comme question libre entre les théologiens» ( 78 ). Pie XII encore: «Le Magistère... n’est-il pas la première charge de Notre Siège Apostolique? (…) Sur la Chaire de Pierre, Nous prenons place uniquement comme Vicaire du Christ, Nous sommes son Représentant sur terre; Nous sommes l’organe par l’intermédiaire duquel fait entendre sa voix Celui qui est le seul Maître de tous (Ecce dedi verba mea in ore tuo, Jér. I, 9)» (79). C’est précisément avec le Magistère Ordinaire que Léon XIII a tranché sur la validité des ordinations anglicanes, Pie XII sur l’usage des soi-disant “méthodes naturelles” (80) et sur la matière et la forme du Sacrement de l’Ordre. tère extraordinaire” (82) et non de son magistère ordinaire auquel cas “cela signifierait, dit-il, que le dépôt de la foi se trouve dans le magistère du Pape vivant. Ce qui est proche de l’hérésie” (83). Or une chose est le dépôt de la Foi, une autre la Règle qui permet de discerner ce qui est contenu et ce qui s’oppose à ce dépôt. Parmi les actes du Magistère que nous avons déjà vus, nous lisons dans le Catéchisme de St Pie X: “C’est dans cette obéissance à la suprême autorité de l’Eglise et du Souverain Pontife, autorité qui nous propose les vérités de la foi, nous impose les lois de l’Eglise et nous commande tout ce qui est nécessaire à son bon gouvernement, c’est dans cette autorité que se trouve la règle de notre foi” (84). Si la règle de la Foi se trouve même dans la discipline que le Souverain Pontife nous impose, à plus forte raison elle se trouve dans son Magistère Ordinaire. N’ayant pas compris cela, M. fausse, outre la pensée de Vacant, également celle de dom Gréa: “Pour lui, dit M., le dépôt de la foi est toujours dans le Magistère Ordinaire du Pontife romain qui le communique sans cesse au corps épiscopal… Cette thèse est rejetée par Vacant” (85). Dom Gréa au contraire affirme que le Pape nous enseigne quelles sont les vérités révélées par Notre-Seigneur et que les Evêques reçoivent son enseignement pour le transmettre aux fidèles: «Comment pouvons-nous dire que Jésus-Christ parlera dans l’Eglise? (…) Il y a pourvu par l’institution d’un Vicaire qui est son organe permanent, le gardien et le prédicateur infaillible de sa parole, et “autour duquel” (86) tous les évêques s’assemblent, s’unissant à lui et recevant de lui de former avec lui et par lui un seul et unique magistère de l’Eglise universelle» (87). Dom Gréa parle donc de Magistère et non de dépôt de la Foi. Concernant Vacant, nous avons vu que M. ne montre pas objectivement sa pensée (p. 39). b) Le Pape est Règle prochaine de la foi C’est une vérité enseignée par le Magistère de l’Eglise et par l’unanimité des théologiens. Nous renvoyons les lecteurs à l’article paru dans ce même numéro de Sodalitium (81). C’est aussi une conclusion logique de l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape: si de jure il ne peut pas se tromper, tous - Evêques et fidèles - doivent embrasser la doctrine qu’il enseigne. M. affirme que “le Pape n’est règle vivante de la foi que dans l’exercice de son magis- c) Rapport entre Magistère du Pape et Magistère des Evêques M. soutient que le Pape jouit seulement d’une assistance plus grande que celle des Evêques (88). Je réponds: entre le Pape et les Evêques existe une distinction essentielle et non de degré, le Pape a en effet une assistance unique de la part du Saint-Esprit que les Evêques, considérés individuellement, n’ont pas. Pour M. le Magistère Ordinaire du Pape et le M.O.U. ne sont pas sur le même pied: 49 “Il est faux de mettre sur le même pied, comme fait dom Nau, le Magistère Ordinaire Pontifical adressé à toute l’Eglise et le Magistère Ordinaire Universel” (89). Je réponds que ces deux Magistères sont infaillibles. La distinction consiste seulement en ceci: l’infaillibilité du M.O.U. a été définie solennellement, celle du Pape est une conclusion théologique certaine. Pour M. la théologie romaine a commis une erreur: considérer que le Magistère des Evêques est un reflet du Magistère romain (90). “Les Evêques sont… l’écho de la doctrine apostolique, pas de la doctrine romaine” (91). Tout d’abord M se contredit, puisqu’il affirme lui-même que l’obscurcissement du M.O.U. (chose pour lui possible) est causée par la “défaillance du Siège de Pierre” (92). Nous avons vu en outre, à propos de la Règle de la foi, que même les Evêques sont instruits par le Pape qui a la fonction de les confirmer dans la Foi. De même que St Pierre était le Chef des Apôtres, le Souverain Pontife est le chef des Evêques. M. reconnaît que le Pape a le pouvoir de “juridiction universelle”, mais de manière inexplicable il ne lui reconnaît pas le Primat dans la “fonction doctrinale”, la potestas docendi: une telle manière de voir les choses serait, dit-il, dangereuse, parce qu’elle “amène à voir dans le Souverain Pontificat avant tout une fonction doctrinale” (93). Léon XIII enseigne le contraire: “C’est au Saint-Siège, avant tout et aussi, sous sa dépendance, aux autres pasteurs établis par l’EspritSaint pour gouverner l’Eglise de Dieu, qu’appartient de droit le ministère doctrinal. La part des simples fidèles se réduit ici à un seul devoir: accepter les enseignements qui leur sont donnés, y conformer leur conduite et seconder les intentions de l’Eglise” (94). Le Conc. Vat. a défini: «Nous enseignons donc et nous déclarons que (…) ce pouvoir de juridiction du Pontife romain, pouvoir vraiment épiscopal, est immédiat: que les pasteurs et les fidèles, chacun et tous, quels que soient leur rite et leur dignité, lui sont assujettis par le devoir de la subordination hiérarchique et d’une vraie obéissance, non seulement dans les choses qui concernent la foi et les mœurs, mais aussi dans celles qui appartiennent à la discipline et au gouvernement de l’Eglise répandue dans tout l’univers. Ainsi, en gardant l’unité de communion et de profession d’une même foi avec le Pontife romain, l’Eglise du Christ est un seul troupeau sous un seul Pasteur suprême (Jn X, 16). Tel est l’enseignement de la foi catholique dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut» (95). Nous avons vu à propos de la note théologique du M.O.U., que Mgr d’Avanzo enseignait: «C’est pourquoi, de même que l’Esprit-Saint, l’esprit de vérité, demeure dans l’Eglise tous les jours; de même tous les jours l’Eglise enseigne les vérités de foi avec l’assistance du Saint-Esprit. Elle enseigne toutes ces choses qui sont soit déjà définies, soit contenues explicitement dans le trésor de la révélation mais non définies, soit enfin qui sont crues implicitement: toutes ces vérités, l’Eglise les enseigne quotidiennement, tant par le pape principalement que par chacun des évêques adhérant au pape. Tous, et le pape et les évêques, sont infaillibles dans ce magistère ordinaire, de l’infaillibilité même de l’Eglise: ils diffèrent seulement en ceci que les évêques ne sont pas infaillibles par eux-mêmes, mais ont besoin de la communion avec le pape, par qui ils sont confirmés; le pape, lui, n’a besoin que de l’assistance du Saint-Esprit à lui promise (…)» (40). d) Extension de l’infaillibilité M. soutient que l’assistance au Pape varie selon les personnes à qui il s’adresse: “Elle est certainement de moins en moins grande quand il s’adresse à l’Eglise universelle, à une nation, aux baptisés du diocèse de Rome, ou à un groupe de pèlerins” (96). Ceci est faux: peu importe à qui s’adresse le Pape, si la doctrine qu’il enseigne vaut pour toute l’Eglise, elle est infaillible. D’autre part il n’y a pas de “degrés” dans l’assistance du Saint-Esprit: ou elle y est et alors elle préserve de l’erreur, ou elle n’y est pas. En outre, M. se contredit lui-même: il affirme en effet - ce qui est la vérité - qu’une lettre du Souverain Pontife, même si elle est adressée à un Patriarche, concerne de fait l’Eglise universelle et constitue donc le Magistère Ordinaire Pontifical (97). Grégoire XVI, s’adressant à l’Evêque de Fribourg, enseigne: “[Ce que nous venons de dire] est conforme aux enseignements et avertissements que vous savez déjà formulés, vénérable Frère, soit dans Nos Lettres ou Instructions aux divers archevêques et évêques, soit dans celles de Notre prédécesseur Pie VIII, édictées par ses ordres ou par les Nôtres. Il importe peu que ces Instructions aient été données seulement à quelques évêques qui avaient consulté le Siège Apostolique, comme si la liberté était 50 accordée aux autres de ne pas suivre cette décision!” (98). De cette manière Pie XII a défini une question de morale, dans un discours adressé aux sages-femmes (80). Une autre erreur de M. consiste à considérer qu’“un acte magistériel isolé du Pape” n’est pas infaillible: il faut que cet enseignement soit constant, de “longue durée” (99). J’ai déjà répondu à cette théorie: M. réduit l’infaillibilité du M.O.U. à l’argument apologétique de la Tradition (pp. 45-47). L’absurdité de cette affirmation est évidente: quand St Pie X condamna les modernistes, s’agissant d’un document “isolé” (le premier) il aurait été permis de douter de son infaillibilité! Il en fut ainsi lorsque Pie XII condamna la “nouvelle théologie” dans Humani Generis, ou lorsque Léon XIII définit l’invalidité des ordinations anglicanes! Je réponds avec St Augustin: “Roma locuta, causa finita” (100). e) “Erreurs” des Souverains Pontifes Dans l’enseignement du Pape il peut y avoir une erreur matérielle, qui n’a aucune influence sur la foi ou sur la morale. Il peut y avoir en outre des choses plus ou moins opportunes, selon la prudentialité de l’acte: dans ce cas il ne nous appartient pas de juger, ce sera ensuite aux Papes suivants à décider éventuellement de manière différente. Mais il ne peut jamais y avoir dans l’enseignement du Pape quelque chose de nuisible à la foi ou à la morale. M. au contraire après avoir amoindri l’infaillibilité du Magistère Ordinaire du Pape finit par la nier, comme il l’a d’abord fait pour le M.O.U. “Des papes, dit-il, peuvent donner un magistère imprudent, dangereux pour la foi ou erroné” (101), une Encyclique peut être “gravement nuisible au bien de l’Eglise” (102). Je ne reviens pas sur le mot “imprudent”. Mais M. n’a pas le droit d’affirmer le reste, s’il veut être catholique. En effet l’Eglise a condamné les mêmes expressions, utilisées par le Concile de Pistoie, d’après lequel dans la discipline de l’Eglise il peut y avoir quelque chose de “dangereux ou nuisible” (103). Or même si dans la discipline il ne peut pas se produire une chose de ce genre, a fortiori dans l’enseignement du Pape! C’est de cette manière encore que l’Eglise a revendiqué l’infaillibilité dans les décrets liturgiques (104), qui sont moins importants que les décrets doctrinaux du Souverain Pontife. M. affirme carrément qu’“il est arrivé effectivement” que l’Eglise romaine ait enseigné “une erreur” et ait prescrit “un mal” (105), Le Pape Léon XIII: pour l’abbé Marcille, il préféra “le coffre-fort” au “tabernacle”! et il contredit ainsi l’enseignement du Conc. Vat.: “(…) Ce Siège de St Pierre reste toujours exempt de toute erreur, selon la divine promesse du Seigneur notre Sauveur… Le don de la vérité et de la foi, qui ne faillit jamais, a donc été divinement accordé à Pierre et à ses successeurs dans cette Chaire, afin que, ils s’acquitassent de leur charge éminente, pour le salut de tous, afin que tout le troupeau du Christ, éloigné par eux du pâturage empoisonné de l’erreur, fût nourri du pain de la doctrine céleste, afin que, par la suppression de toute occasion de schisme, l’Eglise fût conservée tout entière dans l’unité, et que, appuyée sur son fondement, elle se maintînt inébranlable contre les portes de l’enfer” (106). Léon XIII, Satis Cognitum: «… JésusChrist a institué dans l’Eglise un magistère vivant, authentique et, de plus, perpétuel, qu’Il a investi de sa propre autorité, revêtu de l’esprit de vérité, confirmé par des miracles, et il a voulu et très sévèrement ordonné que les enseignements doctrinaux de ce magistère fussent reçus comme les siens propres. Toutes les fois donc que la parole de ce magistère déclare que telle ou telle vérité fait partie de l’ensemble de la doctrine divinement révélée, chacun doit croire avec certitude que cela est vrai; car si cela pouvait en quelque manière être faux, il s’ensuivrait, ce qui est évidemment absurde, que Dieu lui-même serait l’auteur de l’erreur des hommes… Les Pères du Concile 51 du Vatican n’ont donc rien édicté de nouveau, mais ils n’ont fait que se conformer à l’institution divine, à l’antique et constante doctrine de l’Eglise et à la nature même de la foi, quand ils ont formulé ce décret: “On doit croire de foi divine et catholique…” [suit la citation du Ch. 3 de Dei Filius, DS 3011, n.d.a.] (107)». Il est évident que Léon XIII donne ici une interprétation authentique de la définition conciliaire. J’en viens maintenant à la liste des “erreurs” qui, d’après M. auraient été commises par les Papes (108). Remarquons tout de suite que la possibilité d’“error facti” de la part du Souverain Pontife, au dire du DTC fut soutenue par les jansénistes, les gallicans et les anti-infaillibilistes au Conc. Vat. (109). Ce sont les prédécesseurs de M.! M. soutient avoir pris de nombreux exemples chez Journet (110): prendre Journet comme guide dans ces matières c’est prendre un très mauvais guide. Journet en effet a introduit dans la théologie la mentalité libérale de Maritain et de Paul VI qui lui donna d’ailleurs le chapeau de cardinal. Quant au fait qu’Honorius aurait excommunié St Sophrone (108), nous avons vu que c’est faux (dans le paragraphe sur les approximations et falsifications). Saint Pierre, “poussé par des motifs humains, donne l’exemple contraire à ce qu’il avait lui-même prescrit”, dit M. (111). Mais il s’agit de comportement et non d’enseignement de St Pierre! Jean XII accorda à Photius d’être en communion avec lui: M. lui-même admet que le Pape fut trompé (108). M. donne cet exemple pour prouver que le Pape peut se tromper lorsqu’il concède à un évêque la communion: mais cet acte n’appartient pas au magistère. M. se sert de ce cas pour aborder la question d’une excommunication promulguée par le Pape de façon injuste (112). Il faut considérer que même en ces cas, rares, tous les fidèles doivent croire que l’excommunication est juste (DS 1272) et l’excommunié doit se soumettre tant intérieurement qu’extérieurement (CJC can. 2219 §2). Athanase et le Pape Libère dans la crise arienne: M., qui cite cet épisode 7 fois, accuse le Pape Libère d’avoir été favorable aux ariens. C’est complètement faux. Libère fut accusé, par des non catholiques, d’avoir signé une profession de foi arienne ou philo-arienne. Je réponds à cette accusation: 1° il n’est pas certain que le Pape Libère ait signé quelque chose; 2° s’il a signé, on ne sait pas quel document; 3° quelque chose que Libère ait signé, s’il l’a fait, il l’aurait fait alors qu’il était en exil prisonnier de l’empereur: or un document extorqué en prison n’a aucune valeur; 4° Libère, avant et après son exil, a combattu l’arianisme (c’est pourquoi il fut envoyé en exil), et a toujours professé la foi intègre. M. dit encore que “pendant 30 ans il y eut une quasi-unanimité morale de l’Episcopat en faveur de l’hérésie… confirmée par le silence (sinon par la complicité) de Libère” (113): ce qui est historiquement faux, puisque de nombreux Evêques, tels St Hilaire et St Eusèbe furent contre les ariens, tout comme Libère, que Mgr Benigni appelle “le second Athanase”. La condamnation de Galilée: M. luimême sait que cette condamnation fut approuvée seulement in forma communi, ce fut donc l’acte d’une Congrégation et non du Magistère Pontifical (108). Dans ce cas aussi, comme pour tous les enseignements de l’Eglise - explique Salaverri - les catholiques devaient adhérer “corde et ore” (114). Même s’il y avait une erreur matérielle, il fallait se soumettre, puisque c’était un enseignement “sûr”. Cette adhésion non seulement ne comportait aucune erreur contre la foi et la morale, mais était nécessaire: “Il y eut dans ces moments la nécessité, dit Salaverri, de préserver les fidèles du grave danger de douter de l’inerrance de l’Ecriture, avec laquelle on ne voyait pas comment pouvoir concilier les opinions de Galilée, alors débattues âprement. Il fallait que les fidèles donnassent leur assentiment moralement certain au décret, considéré en ce sens qui est le sens vrai et strict; cet assentiment était relatif et conditionné, c’est-à-dire qu’il devait durer jusqu’à ce que les progrès de la science aient montré que le danger contre la foi concernant l’Ecriture Sainte ait disparu” (115). Journet qui ne soutient pas la même position que Salaverri, affirme également la nécessité d’accepter et de se soumettre au décret de la Congrégation (116). On ne voit donc pas comment M. peut dire qu’il s’agit d’erreur du Magistère Pontifical, et comment on peut refuser la soumission aux décrets des Congrégations. La suppression des Jésuites par Clément XIV (108): l’approbation d’un Ordre religieux porte sur son but, sa règle, ses lois, dans leur rapport avec la doctrine catholique; l’infaillibilité ne concerne pas le jugement prudentiel, c’est-à-dire si cette approbation ou éventuelle suppression (comme celle des Jésuites) est 52 opportune ou prudente (117). Tous se soumirent à l’ordre du Pape; St Alphonse lui-même soutint la nécessité de la soumission. Nicolas Ier interdit la torture et Innocent IV (et non Innocent V, comme dit M.) la permit dans le code inquisitorial (108). Je réponds que tous deux avaient raison: Nicolas Ier interdit la torture faite sans discernement, Innocent IV la permit avec des limites. On ne comprend pas comment M. a pu suivre un auteur libéral comme Journet qui attaque plusieurs Papes - parmi lesquels St Pie V! (118) - pour les dénigrer. L’encyclique “Au milieu des sollicitudes” de Léon XIII: “semble orthodoxe… de fait fut gravement nuisible au bien de l’Eglise” (119). Nous avons déjà vu au début de ce paragraphe que la présence de quelque chose de dangereux, nuisible, erroné dans les actes pontificaux n’est pas possible. Mais M. affirme des choses bien pires sur cette Encyclique (120). 1° “On peut se poser la question de savoir, dit M., si un tel texte ne contient pas implicitement la déclaration sur la liberté religieuse”. Ici M. est en pleine absurdité. Tant par le contexte: Léon XIII a combattu fortement contre le libéralisme (penser à l’Encyclique Libertas). Tant parce qu’avec cette accusation M. se donne des verges pour se faire battre: de cette manière le Concile Vatican II serait “traditionnel” en répétant l’enseignement d’un Pape préconciliaire. La preuve que le “Cardinal” Seper et les postconciliaires ont cherchée sans succès (121), maintenant c’est M. qui la donne! 2° M. insulte le Pape: “Le texte de Léon XIII signifie en gros: sauvez le coffre-fort et sacrifiez le tabernacle”; il aurait eu de “l’indolence” en condamnant de graves hérésies. «Sous Léon XIII, la science théologique, la piété, la fidélité au Saint-Siège ne valaient rien si on avait l’étiquette “réfractaire”». “Le culte de la personnalité inouï… entoura ce Pape”. Entendre dire cela par un prêtre catholique! 3° M. affirme que durant ce Pontificat il y eut «une “opacification” de l’Eglise: elle ne laisse plus voir Notre-Seigneur JésusChrist». Si l’Eglise ne laisse plus voir JésusChrist, cela veut dire que ce n’est plus la vraie Eglise! La même expression a été utilisée par Karol Wojtyla dans “Tertio Millennio adveniente”: l’opposition à l’Eglise Catholique les trouve d’accord. A cause d’expressions injurieuses contre le Pape Léon XIII, St Pie X, tout en estimant l’abbé Barbier, fit mettre à l’Index une de ses œuvres. Les expressions de M., qui révèlent une faute du même genre, mériteraient une peine semblable, et même plus... Je réponds enfin brièvement au problème. Léon XIII n’affirme pas dans l’Encyclique “Au milieu des sollicitudes” qu’en France le pouvoir est légitime. Il affirme seulement deux choses: d’une part, l’unité des catholiques, de l’autre, le devoir des catholiques d’être soumis au pouvoir constitué, si l’exigence du bien commun le demande (une révolte aurait causé de plus grands maux). Je reprends pour conclure ce qu’écrit M. l’abbé Belmont à ce sujet: “La critique de l’enseignement de Léon XIII, qui est devenue une sorte de mode, ressemble trop au libre examen pour que nous puissions l’accepter ou même simplement l’envisager… Elle est, par ailleurs, fort injuste et détruit l’autorité du magistère pontifical. Ceux qui, depuis longtemps, minimisent cette autorité ne font que semer l’ivraie dans le champ du Père de famille, et entretiennent un état d’esprit destructeur qui n’épargnera rien” (122). Une autre erreur citée par M. est “l’excommunication injuste fulminée par Pie XI contre les tenants de l’Action Française” (108). Nous ne pouvons faire une étude particulière sur l’Action Française (A. F.) ou sur son fondateur et chef Charles Maurras, qui malheureusement était athée. Notons seulement que, même en soutenant beaucoup de choses justes, l’A. F. était animée par des principes naturalistes. M. ne s’occupe pas de cela et de plus ignore peut-être que le SaintOffice avait préparé la condamnation le 29/1/1914, et qu’elle avait été approuvée par le Pape alors régnant, St Pie X, qui préféra ne pas la publier à ce moment-là pour des raisons d’opportunité. On peut donc discuter sur l’opportunité de cette condamnation, mais non sur le fait, admis aussi par St Pie X, que plusieurs thèses de Maurras étaient condamnables. M. réussira-t-il à croire que précisément le saint patron de la Fraternité à laquelle il appartient n’aurait pas fait d’objection à condamner l’A. F.? Il devrait méditer sur cette phrase de Pie XI: “Pie X était trop anti-moderniste pour ne pas condamner cette particulière espèce de modernisme politique, doctrinaire et pratique, auquel Nous avons affaire” (123). Encore une erreur: une lettre de Pie XI aux Evêques de France, dans laquelle le Pape leur aurait interdit “de prescrire aux 53 catholiques de ne pas voter pour un candidat soutenant la laïcité” (124). J’ai cherché en vain cette lettre dans les Acta Apostolicæ Sedis de 1924: encore une fois, la citation est fausse. Je n’ai donc pas pu lire le texte du Pape: mais je peux dire que plusieurs fois l’Eglise a affirmé que dans des circonstances déterminées, pour éviter un plus grand mal, il n’est pas toujours moralement illicite de voter pour un non catholique, s’il garantit d’agir sans causer de tort à l’Eglise Catholique. St Pie X, avec le Pacte Gentiloni, permit exactement cela aux catholiques italiens pour contrecarrer le socialisme: voter pour un député libéral, qui garantissait sérieusement de ne pas légiférer contre la religion catholique. M. serait-il plus catholique que St Pie X? f) Offenses La hiérarchie de l’Eglise, est définie par M. “clan au pouvoir” (125): pour autant que l’intention de M. puisse être ironique, l’expression n’en est pas moins offensante. M. oppose la thèse selon laquelle “qui obéit au Pape a toujours raison” (126); sa manière de s’exprimer est au moins malsonnante. Pour d’autres expressions offensantes, voir le point précédent. Indéfectibilité de l’Eglise L’Eglise Catholique est indéfectible, suivant la promesse de Notre-Seigneur faite à St Pierre: “Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle” (Matth. XVI, 18). Puisque l’Eglise catholique a été instituée par Dieu, elle ne peut jamais défaillir, elle est, disait St Pie X, “immortelle de sa nature; jamais le lien qui l’unit à son céleste Epoux ne doit se rompre” (127). M. nie pratiquement le dogme de l’indéfectibilité: pour lui, l’Eglise est “quasi” indéfectible, souvent… mais pas toujours! Il estime qu’une “défaillance de l’Eglise romaine” ( 128) est possible, puisque les promesses faites par Notre-Seigneur valent “en dehors des périodes exceptionnelles de crise grave” ( 129); “les promesses d’indéfectibilité de Notre-Seigneur à son Eglise ne garantissent qu’une chose: la relative rareté et la relative brièveté de ces crises graves” (130), l’Eglise à certains moments de l’histoire peut “perdre la vérité” (131). Exemples historiques: la crise arienne où l’Eglise se serait trompée pendant “30 ans” ( 132 ); le “grand schisme d’Occident: 50 ans” (133); sous le Pontificat de Léon XIII il y eut «l’“opacification” de l’Eglise: elle ne laisse plus voir NotreSeigneur Jésus-Christ» (134): j’ai déjà examiné ces exemples aux pp. 45 et 50-52. Pour M. la défectibilité concerne aussi bien le M.O.U. que le Pape (135). Je réponds que si Dieu a institué une religion et l’a pourvue d’un Magistère infaillible, ce dernier doit rester tel, éternellement, sans interruption. “Mais comme, enseigne Léon XIII, l’Eglise est telle par la volonté et par l’ordre de Dieu, elle doit rester telle sans aucune interruption, jusqu’à la fin des temps, sans quoi elle n’aurait pas été fondée évidemment pour toujours” (136). La Théologie Romaine Tout le monde sait que l’Eglise Romaine est la Mère et la Maîtresse de toutes les Eglises, et que la théologie fidèle à Rome et à son Evêque est celle qui est la plus proche de la doctrine de l’Eglise. Mgr Lefebvre, grand défenseur des théologiens romains comme l’école de Solesmes (137), a un descendant qui attaque la théologie romaine. C’est la preuve par neuf que, pour défendre la position de la FSPX, il faut aller contre la bonne Théologie. M. a attaqué le Pape et son indéfectibilité, il doit logiquement attaquer aussi la Théologie Romaine. “La portée de l’autorité [du Pape] nous paraît souvent exagérée par des théologiens trop soucieux de concentrer toute autorité ecclésiastique dans le Pape” (138). Je réponds, comme je l’ai déjà dit pour le rapport entre le Pape et les Evêques, que le Conc. Vat. a défini que dans l’Eglise le Pape a l’autorité suprême et monarchique: «Tel est l’enseignement de la foi catholique dont nul ne peut dévier sans perdre la foi et le salut» (139). M. insiste: “Certains théologiens même dignes d’estime” sont tombés dans la tentation et ont commis des erreurs implicites “qui ne sont pas sans conséquences”. “Et ainsi les déclarations de romanité enflammées de Solesmes, dans la ligne de dom Nau, ont abouti à l’infidélité au Christ, puisque - ils ont pensé - qu’il était préférable de risquer d’être contre le Christ avec le pape plutôt que d’être avec le Christ contre le pape” (140). Un protestant ne parlerait pas autrement: pour être fidèle au Christ il faut être contre le pape. Outre l’école de Solesmes, l’auteur attaque plusieurs fois des théologiens romains 54 tels que dom Nau (141), dom Gréa (142), Billot (143). Au contraire il cite sans aucune réserve des progressistes tels que Von Hildebrand (144), Journet (145), Congar (146), ou un gallican comme Bossuet (147). Que répondre? Je crois que pour convaincre M., plus que l’autorité du Pape, des Evêques, des théologiens catholiques, peut-être que les paroles du Directeur même de Sì Sì No No, pour qui “le complexe anti-romain [est] propre aux modernistes” (148) seraient plus efficaces. Ainsi Sì Sì No No fondé par don Putti pour être un journal “antimoderniste” accueille, comme en témoigne implicitement son Directeur, des articles d’une tendance moderniste évidente! Discipline actuelle 1) L’Evêque phare Comment se comporter à l’époque actuelle? M. a une réponse: dans les périodes de crise, l’Episcopat développe “une action particulière” (149); “En cas de crise, c’est parfois… un Evêque phare qui sert de référence” (150). Nous savions qu’il y a un unique phare de la vérité, le Pape (P. Vallet). M. nous informe que celui-ci peut s’éteindre, alors que l’autre non: “Momentanément le “ubi pharus ibi Ecclesia”!... phare de l’Eglise peut être le magistère d’un Evêque prestigieux plutôt que celui du Pape” (151). M. inaugure ainsi une nouvelle théologie que nous pourrions appeler “épiscopalo-maritime”. Mais, ce qui est grave, il inaugure une nouvelle règle de la foi, non plus la règle objective que Notre-Seigneur nous a donnée, le Magistère infaillible de Pierre, mais une règle subjective et faillible: “un Evêque dont l’expérience aura montré qu’il est digne de confiance... et une fois cette confiance accordée: accepter son enseignement” (152). De cette manière M. imite les jansénistes qui préféraient l’autorité d’un Père de l’Eglise, St Augustin, à celle du Magistère infaillible; M. préfère l’autorité de l’Evêque phare, choisi pour son expérience. Parmi les Evêques phares du passé M. nous indique Bossuet, qui dut s’éteindre lui aussi quand il soutint les thèses gallicanes ( 153). Parmi les Evêques phares d’aujourd’hui, M. ne le dit pas, mais il est clair qu’il y a Mgr Lefebvre et les Evêques consacrés par lui en 1988. La sentence “ubi Petrus ibi Ecclesia” ne vaut donc plus, mais est remplacée par “ubi pharus ibi Ecclesia”! Comme nous l’avons déjà vu dans le paragraphe sur les falsifications, M. fonde sa thèse “sur la fonction extraordinaire de l’Episcopat” falsifiant la pensée de dom Gréa. Dans les périodes de crise, d’après M. les Evêques peuvent agir indépendamment du Pape; pour dom Gréa au contraire, “les évêques, toujours dépendants en cela comme en toutes les choses du Souverain Pontife et agissant en vertu de sa communion, c’est-à-dire en recevant de lui tout leur pouvoir, utilisent cette faculté pour le salut du peuple” (154). M. fait entendre que les évêques consacrés par Mgr Lefebvre, ainsi que l’Evêque phare, ont une “juridiction suppléée” (155). Je réponds que ces évêques n’ont jamais été ni diocésains ni titulaires, qu’ils n’ont donc pas la “sollicitude de l’Eglise universelle”; d’autre part même Mgr Lefebvre n’a jamais eu ni juridiction hors de son diocèse (dont il était privé depuis 1962), ni “magistère”. La juridiction en effet vient du Pape et non des fidèles. 2) La Foi des fidèles est plus sûre que l’enseignement des pasteurs La doctrine catholique enseigne que l’Eglise enseignante (Ecclesia docens), formée par le Pape et par les Evêques, est infaillible parce qu’assistée par le Saint-Esprit; les fidèles (Ecclesia discens) ont une infaillibilité dans l’acte de croire, due à l’enseignement infaillible 55 qu’ils ont reçu. M. renverse cet ordre, et affirme que les fidèles ont une foi infaillible indépendante de leurs Pasteurs. “En période de crise la foi des fidèles peut être un critère plus sûr pour connaître la foi sur un point, que l’enseignement actuel des Pasteurs” (156); il est même plus facile de consulter «la foi de l’“Ecclesia credens”» que l’Ecclesia docens (157). Comme preuve de son affirmation, M. donne la référence d’une thèse de Franzelin (158). Lisons-la: «A ce magistère perpétuel, indéfectible et infaillible, à cause de la même institution de Jésus-Christ, correspond une perpétuelle “obéissance de la foi” pour les croyants. Donc comme le Saint-Esprit conserve toujours exempte de l’erreur la prédication et le témoignage dans l’unité des pasteurs et des docteurs; ainsi au moyen de ce même infaillible témoignage des enseignants [Ecclesia docens], il conserve toujours exempte de l’erreur la foi de ceux qui sont enseignés [Ecclesia discens], lesquels par l’obéissance de la foi demeurent dans le consensus et dans la communion avec l’unanimité des pasteurs: le Christ est le Verbe du Père, les Evêques… sont dans la pensée du Christ, les fidèles dans le jugement des Evêques» ( 159). M. affirme en outre que Franzelin donne plusieurs exemples probants que la foi des fidèles est plus sûre que le consensus des Evêques: au contraire les exemples illustrés par Franzelin à la p. 104 concernent les cas d’Evêques considérés individuellement qui erraient, tandis que les fidèles demeuraient dans la foi. Ce n’est que dans ce sens que la foi des fidèles peut être plus sûre que celle de certains Evêques (même nombreux, mais jamais de tous quand ils sont unis à Pierre): et ceci seulement pour que ces fidèles croient ce qu’ils ont reçu de l’Eglise enseignante. Encore une fois M. altère la pensée des auteurs pour les besoins de la cause. Je rapporte à nouveau l’enseignement de Léon XIII: “C’est au Saint-Siège avant tout et aussi, sous sa dépendance, aux autres pasteurs établis par l’Esprit-Saint pour gouverner l’Eglise de Dieu, qu’appartient de droit le ministère doctrinal. La part des simples fidèles se réduit ici à un seul devoir: accepter les enseignements qui leur sont donnés, y conformer leur conduite et seconder les intentions de l’Eglise” (160). Conclusion L’abbé M. pourra objecter que dans certaines phrases que nous lui avons contestées, il a ensuite affirmé la doctrine catho- lique. Mais, même s’il en est ainsi, il l’a vidée de son sens, parce que dans la réalité il la nie. Les ariens affirmaient eux aussi que “Jésus est Dieu”, mais en réalité ils pensaient qu’il était une créature de Dieu. M. a changé la notion d’infaillibilité: est infaillible seulement ce qui de fait (et pas de droit) n’erre pas. Il a ensuite substitué, comme critère de la Foi, au Magistère infaillible du Pape et des Evêques la Tradition, interprétée par lui-même, par les fidèles, par un Evêque phare, en somme par un critère subjectif. En cela il se rapproche des thèses des schismatiques “orthodoxes”, pour qui la Tradition est la règle prochaine de la foi (et non la règle éloignée). Il se rapproche aussi des jansénistes, en réfutant le Magistère vivant de l’Eglise et il se rapproche des gallicans en niant pratiquement l’infaillibilité. M. veut diminuer l’infaillibilité du Pape (légitime) et des Evêques et prouver que l’on peut leur désobéir, pour ensuite nous demander un acte de foi aveugle dans l’“Evêque phare”, dans le chef charismatique, qui de fait ne se trompe jamais. Nous préférons obéir au Pape, au vrai Pape qui a autorité: nous préférons nous conformer à ses enseignements plutôt qu’à ceux de n’importe qui d’autre. «Le Pape est le gardien du dogme et de la morale; il est le dépositaire des principes qui rendent vertueuses les familles, grandes les nations, saintes les âmes; il est le conseil des princes et des peuples; il est le chef sous lequel nul ne se sent tyrannisé, parce qu’il représente Dieu Lui-même; il est le père par excellence qui réunit en lui tout ce qu’il peut y avoir d’aimant, de tendre et de divin. Il semble incroyable, et c’est pourtant une douloureuse réalité, qu’il existe des prêtres auxquels il faille faire cette recommandation; mais nous sommes pourtant aujourd’hui en cette dure, en cette malheureuse condition de devoir dire à des prêtres: aimez le Pape! Et comment aimer le Pape? Non par des paroles seulement, mais par des actes, et avec sincérité. Non verbo neque lingua, sed opere et veritate (I Jn III, 18). Quand on aime quelqu’un, on cherche à se conformer en tout à ses pensées, à exécuter ses volontés et à interpréter ses désirs. Et si NotreSeigneur Jésus-Christ disait de Lui-même: si quis diligit me, sermonem meum servabit (Jn XIV, 23), ainsi pour montrer notre amour au Pape, il est nécessaire d’obéir. 56 Et c’est pourquoi, quand on aime le Pape, on ne s’arrête pas à discuter sur ce qu’il commande ou exige, à chercher jusqu’où va le devoir rigoureux de l’obéissance, et à marquer la limite de cette obligation. Quand on aime le Pape, on objecte pas qu’il n’a pas parlé assez clairement, comme s’il était obligé de redire directement à l’oreille de chacun sa volonté, et de l’exprimer non seulement de vive voix, mais chaque fois par des lettres et autres documents publics; on ne met pas en doute ses ordres, sous le facile prétexte, chez qui ne veut pas obéir, qu’ils n’émanent pas directement de lui, mais de son entourage! on ne limite pas le champ où il peut et doit exercer sa volonté; on n’oppose pas à l’autorité du Pape celle d’autres personnes, si doctes fussent-elles, qui diffèrent d’avis avec le Pape. D’ailleurs, quelle que soit leur science, la sainteté leur fait défaut, car il ne saurait y avoir de sainteté là où il y a dissentiment avec le Pape». Telles sont les paroles de St Pie X (161). La Fraternité qui porte son nom devrait à plus forte raison méditer, et faire méditer aux chrétiens qui la suivent, ces paroles. Notes 1) Année XXII, n° 8, du 15/5/96, pp. 1-7 et n° 9, du 30/5/96, pp. 1-5. 2) Actes du IIème Congrès Théologique de Sì Sì No No, Publications du Courrier de Rome, 1996, pp. 255-286. 3) Sì Sì No No, 15 mai 1996, n° 8, p. 1. 4) Cette affirmation est l’une des nombreuses preuves de la superficialité de M. Le dépôt de la foi ne consiste pas dans le M.O.U., mais dans la parole de Dieu écrite ou transmise (Ecriture et Tradition). Le M.O.U., comme le Magistère solennel, est la règle ou critère infaillible pour savoir quelles vérités sont effectivement contenues dans la Révélation (voir D 1792 et DS 3011). 5) Eglise… pp. 255-256. 6) Eglise… p. 256. 7) Eglise… p. 267, note 23. 8) Eglise… p. 267. 9) JEAN-MICHEL-ALFRED VACANT, Etudes Théologiques sur les Constitutions du Concile du Vatican d’après les actes du Concile, Delhomme et Briguet, Paris - Lyon 1895. 10) VACANT, Ibidem, Tome 2, ch. III, partie IV, art. 107, n° 662, p. 120. 11) VACANT, Ibidem, Tome 2, n° 663, p. 122, note 3. 12) Eglise… p. 262. 13) Eglise… p. 262, note 12. 14) Eglise… p. 278. 14 bis) R. P. BARBARA, “Analyse critique des actes du IIème Congrès Théologique de la FSPX - janvier 1996”. (Cf. Rubrique “Livres reçus”, p. 81 de ce numéro). 15) Eglise… p. 286. 16) DOM A. GRÉA, De l’Eglise et de sa divine constitution, Tome premier, l. II, 2ème partie, ch. IV, § 3, pp. 218-9, Maison de la Bonne Presse, Paris 1907. 17) V. ZUBIZARRETA O. C. D., Theologia dogmaticoscholastica ad mentem S. Thomæ Aquinatis, vol. I, Theologia Fundamentalis, Tratt. II, Q. XIX, a. III, § 3, nn° 458 et ss., Bilbao 1948, pp. 394-6. 18) S. n° 8, p. 3, col. 3. Cf. aussi Eglise... p. 271. 19) Cf. aussi: SALAVERRI, Sacræ Teologiæ Summa, Teologia Fundamentalis, T. III De Ecclesia Christi, L. 2, c. 2, a. 1, nn° 541-2, B.A.C., Madrid 1962, pp. 665-6. 20) S. n° 8, p. 4, col. 2. 21) S. n° 8, p. 6, note 20. J. B. FRANZELIN, De Divina Traditione et Scriptura, section I, ch. I, Thèse IX, point I, Roma 1896, p. 76. 22) S. n° 8, p. 6, col. 1. 23) S. n° 9, p. 2, col. 2. 24) S. n° 9, p. 1, col. 1. 25) Eglise… p. 278. 26) Enc. Satis Cognitum, 29/6/1896, E. P. n° 605. 27) S. n° 8, p. 4, col. 2. 28) P IE XII, Mystici Corporis, DS 3802, in Sodalitium, n° 41, p. 34. 29) Constitution Dei Filius, ch. 3 De Fide, 24/4/1870, DS 3011. 30) Eglise… p. 259. 31) Eglise… p. 260. 32) Eglise… pp. 263 ss. 33) Eglise… p. 259. 34) Satis cognitum, E. P. n° 576. 35) Pour l’explication des notes théologiques, voir plus haut, p. 35, p. 38 note 4 et Sodalitium, n° 40, pp. 46-47. 36) Eglise… p. 267. S. n° 8, p. 6, col. 1; S. n° 9, p. 2 col. 2 et p. 5, note 40. 37) Eglise… p. 262. 38) P IE IX, Tuas libenter, 21/12/1863, à l’Archevêque de Münich, DS 2875-80, in Sodalitium n° 40, L’infaillibilité de l’Eglise, p. 48. 39) Voir Sodalitium n° 40, p. 38. 40) Mansi 52, 763 D9-764 C7. Texte rapporté par ABBÉ BERNARD LUCIEN, L’infaillibilité du Magistère ordinaire et universel de l’Eglise, Documents de Catholicité, 1984, pp. 21-23. Ce texte a été publié in Sodalitium n° 40, pp. 47-48. 41) Eglise… p. 269. 42) Vehementer nos, E. P. n° 683. 43) SALAVERRI, op. cit., n° 546, p. 667. 44) ZUBIZARRETA, op. cit., n° 461, p. 396. 45) MGR ZINELLI, Mansi 51, 676A. In LUCIEN, op. cit., p. 31. 46) P. L. M. DE BLIGNIERES, A propos de l’objet du Magistère Ordinaire et Universel, Supplément doctrinal à Sedes Sapientiæ, Société Saint Thomas d’Aquin, octobre 1985, pp. 9-10. 47) Eglise… p. 267. 48) Nouveau pour notre connaissance explicite, mais qui était contenu implicitement dans la Révélation, terminée avec la mort de l’Apôtre St Jean: cf. ce n° de Sodalitium, pp. 33-34. 49) VACANT, Etudes théologiques… n° 625, p. 93. 50) PIE XI, Mortalium animos, 6-1-1928. DS 3683. Le texte est rapporté in E. P. n° 871. 51) PIE XI Casti Connubi, 31/1/1930, E. P. nn° 904-5. 52) PIE XII, Munificentissimus Deus, 1/11/1950, E. P. n° 1291. Cf. Sodalitium, n° 40, p. 48. 53) R. P. BARBARA, “Analyse…”, IVème critique, c. 54) Eglise… p. 266. La citation complète se trouve dans S. n° 9, p. 2, col. 1; cf. aussi note 46. 55) Eglise… p. 266. 56) LOUIS BILLOT S. J., De Ecclesia Christi, Tomus prior, Roma 1927. Par exemple voir la Quæstio X, pp. 410-8. 57 57) S. n° 9, p. 2, col. 2; cf. aussi p. 3, col. 2. 58) Eglise… p. 281. 59) BILLOT, op. cit., pp. 658-660. 60) Eglise… p. 267, note 22. 61) Eglise… p. 268, note 25. 62) Eglise… p. 264. 63) Eglise… p. 265. La même chose est affirmée par le R. P. P IERRE -M ARIE : “L’autorité du Concile” in Eglise et Contre-Eglise… pp. 307 et ss. 64) Eglise… p. 269, note 27. 65) Eglise… p. 268. R. P. PIERRE-MARIE, op. cit., pp. 304 et ss. 66) Eglise… p. 283. 67) Sodalitium, n° 40, p. 51. 68) Mansi 52, 26-27. Cité par B. LUCIEN, Le canon de St Vincent de Lérins, in Cahiers de Cassiciacum, n° 6, pp. 83-95. 69) Eglise… p. 281. 70) T. ZAPELENA, De Ecclesia Christi, pars altera, Gregoriana, Roma 1940, pp. 60 et ss. In A BBÉ B. LUCIEN, L’infaillibilité…, p. 68. 71) Eglise… p. 276, note 39. 72) S. n° 8, p. 3, col. 1. 73) Intervention de M GR M ARTIN au nom de la Députation de la Foi durant le Concile Vatican, le 31/3/1870. Cité par B. LUCIEN, L’infaillibilité…, p. 17. 74) Ce point est bien expliqué par le R. P. NOEL B ARBARA , La Bergerie du Christ et le loup dans la Bergerie, éd. Forts dans la Foi, Tours 1995, pp. 177 ss. 75) Mansi, 49, 673; 52, 1230. In SALAVERRI, op. cit., n° 647. 76) MGR GASSER, Relation à la 84ème congrégation générale, 11-7-1870, Mansi 1215. 77) PIE XI, Mortalium animos, 6-1-1928, DS 3683, E. P. 871. 78) PIE XII, Humani Generis, 12-8-1950, E. P. n° 1280. 79) PIE XII, Commossi, 4-11-1950, E. P. n° 1295. 80) R. P. NOEL BARBARA, op. cit., p. 158. 81) Sodalitium n° 43, pp. 31-33. 82) Eglise… p. 276, note 40. 83) Eglise… p. 273, note 34. 84) ST PIE X, Catéchisme Romain, Petite Histoire de la Religion, éd. Itinéraires, reprint Dominique Martin Morin, 1978, p. 354. 85) Eglise… p. 277, note 42. 86) «St Ignace d’Antioche appelle les apôtres: “ceux qui sont autour de Pierre” Epist. ad Smyrn., n° 13. Cette expression signifie chez les Grecs la cour du souverain et la dépendance de son entourage»: note dans le texte de dom Gréa. 87) DOM A. GRÉA, op. cit, Tome premier, l. I, ch. VI, § 2, p. 82. Voir également l. II, ch. 2, § 3, p. 145-146. 88) Eglise… p. 274. 89) S. n° 8, p. 5, col. 3; p. 6, note 8. Cf. aussi Eglise… p. 261, note 10 et pp. 273-277. 90) Eglise… p. 276. 91) Eglise… p. 276. 92) Eglise… p. 282, note 49. 93) Eglise… p. 273, note 34. 94) LEON XIII, In mezzo, 4-11-1884, E. P. n° 458. 95) Conc. Vat., Const. Pastor Æternus, 18/7/1870, DS 3060. 96) Eglise… p. 275. 97) Eglise… p. 278, note 44. 98) GREGOIRE XVI, Non sine gravi, à l’Evêque de Fribourg, 23/5/1846, E. P., n° 190. 99) Eglise… p. 275. 100) Serm. 131, 10, 10. 101) Eglise… p. 279 et p. 276. 102) Eglise… p. 280. 103) PIE VI, Auctorem fidei, 28-8-1794, DS 2678. 104) DS: 1198-1200, 1645, 1657, 1727-34, 1745-59, 3315-9. 105) S. n° 8, p. 5, col. 2. Cf. aussi Eglise... pp. 264 et 279. 106) Pastor Æternus, DS 3070 et 3071. 107) E. P., nn° 571-2. 108) Eglise… pp. 278-280. 109) DTC, Dictionnaire de Théologie Catholique, article Honorius Ier, col. 125-6. Je rappelle que le DTC est loin d’avoir une orientation “romaine”. 110) Eglise… p. 279, note 46: JOURNET, L’Eglise du Verbe Incarné, t. I, p. 428, excursus 5. La référence exacte est: T. I, ch. IV, pp. 347-51 et ch. VII, pp. 428-33. Desclée, de Brouwer, Paris 1941. Je n’ai pas réussi à trouver le cas de Clément XIV. 111) Eglise… p. 265, note 16. 112) Eglise… p. 279, note 45. 113) Eglise… pp. 281-282. 114) DS: 2390, 2879, 2895, 2922, 3407, 3884. D 1880, supprimé in DS. 115) SALAVERRI, op. cit., l. 2, c. 2, a. 3, nn° 682-3, pp. 712-3. 116) JOURNET, op. cit., p. 431. 117) SALAVERRI, op. cit., a. 2, nn° 727-9. Sodalitium, n° 40 p. 46. 118) JOURNET, op. cit., p. 351, note 1. 119) Eglise… pp. 279-280. 120) Eglise… p. 280, note 47. 121) Mgr Lefebvre et le Saint-Office, Itinéraires, mai 1979, n° 233, pp. 12-14 et 28-81. 122) ABBÉ H. BELMONT, Léon XIII et Saint Thomas d’Aquin, in bulletin Notre-Dame de la Sainte-Espérance, janvier 1994, n° 92, p. 7. 123) PIE XI, Chirographe à Paulin-Pierre Andrieu, Archevêque de Bordeaux, 5/1/27; in Actes de S. S. Pie XI, Tome IV, Année 1927 et 1928, Bonne Presse, Paris 1932. 124) Eglise… p. 280. 125) S. n° 8, p. 4, col. 2. 126) Eglise… p. 266. 127) ST PIE X, Jucunda sane, 12-3-1904, E. P. n° 667. 128) Eglise… p. 275. 129) Eglise… p. 265. 130) Eglise… p. 272, note 32. 131) Eglise… p. 278. 132) Eglise… pp. 281-282. 133) Eglise… p. 282, note 50. 134) Eglise… p. 280, note 47. 135) Eglise… pp. 266-267 et pp. 280-281. 136) LEON XIII, Satis Cognitum, 29-6-1896, E. P. n° 544. 137) R. WILTGEN, Le Rhin se jette dans le Tibre, Ed. du Cèdre, 1976, p. 243. 138) Eglise… p. 273. 139) Conc. Vat., Const. Pastor Æternus, 18/7/1870, DS 3060. 140) S. n° 8, p. 5, col. 3. 141) Eglise… p. 273, note 34 et p. 274, note 36. 142) Eglise… p. 273, note 34 et p. 277, note 42. 143) Eglise… p. 276, note 39. 144) S. n° 8, p. 6, note 21: il fut l’initiateur de la nouvelle théologie sur le mariage. 145) Eglise… p. 279, note 46. 146) S. n° 9, p. 5, note 41. 147) Eglise… p. 284. 148) Il s’agit du discours d’ouverture du Congrès Théologique, tenu par l’abbé E. du Chalard de Taveau, Directeur de S., en hommage à Mgr Francesco Spadafora. Eglise… p. 11. 149) S. n° 9, p. 4, col. 2 et 3. 150) S. n° 9, p. 5, note 47. Cf. aussi Eglise… pp. 279 et 284. 58 151) Eglise… pp. 279 et 284. 152) Eglise… p. 284. 153) DS 2281 et ss. 154) DOM A. GRÉA, op. cit. pp. 218-219. 155) Eglise… p. 286. 156) Eglise… p. 265. 157) Eglise… p. 281. 158) Eglise… p. 265, note 17. 159) J. B. FRANZELIN, op. cit., sectio prima, c. II, T. XII, p. 97. 160) LEON XIII, In mezzo, 4-11-1884, E. P. n° 458. 161) S T P IE X, Vi ringrazio, aux membres de l’Union Apostolique, 18/12/1912, E. P. 750-2. La voix du Pape «P ersonne ne se trouve et personne ne demeure dans cette unique Eglise du Christ, à moins de reconnaître et d’accepter, avec obéissance, l’autorité et la puissance de Pierre et de ses légitimes successeurs» Pie XI, Mortalium animos, 6-1-1928. «... Le plus grand critérium de la foi, la règle suprême et inébranlable de l’orthodoxie est l’obéissance au magistère toujours vivant et infaillible de l’Eglise, établie par le Christ columna et firmamentum veritatis, la colonne et le firmament de la vérité» St Pie X, Con vera soddisfazione, 10-5-1909. «... Vous voyez combien sont éloignés de la route ces catholiques qui, ... s’arrogent le droit de juger les actes de l’autorité... opposant le jugement erroné de quelques personnes sans compétence sérieuse, ou de leur conscience privée... au jugement et au commandement de celui qui, par mandat divin, est juge, maître et pasteur légitime» St Pie X, Con vera soddisfazione, 10-5-1909. ous publions, en appendice à l’article de N l’abbé Murro sur le magistère, un document de la “Sacrée Congrégation pour la doctrine de la foi” qui traite du même sujet et dénonce, cette fois contre les “progressistes”, le même mal, c’est-à-dire, la dévalorisation du magistère due à un manque de foi. Les lecteurs de Sodalitium savent que nous ne reconnaissons pas comme authentique l’enseignement postconciliaire, à cause de la vacance formelle du Siège apostolique: cette non reconnaissance vaut donc aussi pour le présent document. Toutefois nous nous réjouissons de voir substantiellement confirmée la doctrine catholique sur le magistère. Ce point commun peut être aussi un point de départ pour un débat, qui ne peut plus être éludé, sur la conformité de Vatican II et des documents conciliaires avec le magistère de l’Eglise. Mgr Bertone rappelle que l’actuel désaccord à l’égard d’une doctrine déjà enseignée par l’Eglise n’enlève rien à la valeur et au caractère obligatoire de cette doctrine. Si cela vaut pour l’invalidité de l’ordination sacerdotale des femmes, pourquoi cela ne vaudrait-il pas aussi, par exemple, pour la condamnation de la liberté religieuse ou pour la position traditionnelle de l’Eglise sur le judaïsme? Notre attitude, apparemment déconcertante, ne naît pas d’une révolte à l’égard du magistère de l’Eglise mais, au contraire, de l’adhésion scrupuleuse à ce même magistère. En publiant en appendice ce document nous voudrions contribuer à la compréhension de notre position et confirmer notre opposition à toute doctrine qui déprécie la valeur du magistère ecclésiastique, qu’elle vienne du front “progressiste” comme du front “traditionaliste”. Sodalitium A PROPOS DE LA RECEPTION DES DOCUMENTS DU MAGISTERE ET DU DESACCORD PUBLIC Extrait d’un Article de Mgr Tarcisio Bertone, archevêque émérite de Vercelli, secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la foi. (Texte original italien dans L’Osservatore Romano du 20 décembre 1996. Traduction de La Documentation Catholique. Dans ce texte, toutes les références à La Documentation Catholique [2 février 1997, n° 2153, pp. 108-112] sont de notre rédaction). (...) Par ailleurs, des voix dissonantes ou exprimant un désaccord se sont également fait entendre, venant de théologiens, d’associa- 59 tions et de groupes ecclésiastiques, qui ont mis en doute soit le contenu et le fondement théologique des enseignements de ces Documents, soit leur valeur doctrinale et leur force contraignante, contestant que l’on puisse qualifier ces doctrines de définitives ou même comme proposées de manière infaillible par le Magistère. Il semble donc que l’on doive réfléchir sur les principales difficultés formulées en ce qui concerne la valeur et le degré d’autorité de ces interventions magistérielles. I. Sous l’angle doctrinal, et à la lumière de l’ensemble des réactions et des principales critiques faites à ces Documents magistériels susdits, il semble qu’il faille tout spécialement souligner certains aspects essentiels qui, dans le climat théologique et ecclésial d’aujourd’hui, sont source de confusion et d’ambiguïté, et sont la source en pratique de conséquences négatives dans l’enseignement de la théologie et le comportement de certains milieux ecclésiastiques. 1. En premier lieu, on doit signaler la tendance à tout mesurer selon le paramètre de la distinction entre “Magistère infaillible” et “Magistère faillible”. L’infaillibilité devient alors la mesure dominante de tous les problèmes d’autorité, au point de remplacer de fait le concept d’autorité par celui d’infaillibilité. De plus, on confond souvent la question de l’infaillibilité du Magistère et la question de la vérité de la doctrine, en supposant que l’infaillibilité est la préqualification de la vérité et du caractère irréformable d’une doctrine, et en faisant dépendre la vérité et le caractère définitif d’une doctrine de l’infaillibilité ou non de la déclaration magistérielle. En réalité, la vérité et le caractère irréformable d’une doctrine dépendent du depositum fidei, transmis par l’Ecriture et la Tradition, alors que l’infaillibilité ne se réfère qu’au degré de certitude de l’acte d’enseignement magistériel. Dans les diverses attitudes critiques qui se sont manifestées à l’égard des récents Documents du Magistère, on oublie de plus que le caractère infaillible de l’enseignement, et le caractère définitif et irrévocable de l’assentiment qui lui est dû, ne sont pas une prérogative qui appartient seulement à ce qui a été “défini” solennellement par le Pontife romain ou le Concile œcuménique. Quand les évêques dispersés dans leurs diocèses respectifs, en communion avec le Successeur de Pierre, enseignent qu’une doctrine doit être tenue d’une manière définitive (cf. Lumen gentium, 25 § 2), ils jouissent de la même infaillibilité que celle du Magistère du Pape s’exprimant “ex cathedra” ou du Concile. Il faut donc réaffirmer que, dans ses Encycliques Veritatis splendor, Evangelium vitæ, et dans la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, le Pontife romain a voulu - même si ce n’est pas sous une forme solennelle confirmer et réaffirmer des doctrines qui appartiennent à l’enseignement du Magistère ordinaire et universel, et que l’on doit donc tenir d’une manière définitive et irrévocable. De plus, on doit aussi se souvenir que si l’autorité des enseignements du Magistère connaît des degrés différents entre eux, cela ne signifie pas que l’autorité exercée à un degré mineur puisse être considérée comme une opinion théologique, ou bien que, en dehors du cadre de l’infaillibilité, seule l’argumentation compterait et qu’alors une certitude commune de l’Eglise en matière doctrinale s’avérerait impossible. 2. En second lieu, ces considérations apparaissent très importantes en ce qui concerne l’adhésion à l’enseignement de Veritatis splendor et d’Evangelium vitæ, d’Ordinatio sacerdotalis et aussi du Responsum et de la Lettre de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la réception de la communion eucharistique par les fidèles divorcés remariés: s’agissant d’enseignements proposés ou confirmés par le Magistère sans recourir au “mode définitoire” (jugement solennel), l’idée s’est répandue que ces enseignements peuvent être révisés ou réformés par la suite, peut-être sous un autre pontificat. Cette idée est totalement privée de fondement et manifeste une compréhension erronée de la doctrine de l’Eglise catholique sur le Magistère. En effet, considérant l’acte de l’enseignement, le Magistère peut enseigner une doctrine comme définitive soit par un acte définitoire soit par un acte non définitoire. Tout d’abord, le Magistère peut proclamer une doctrine comme définitive, et donc à croire de foi divine ou à tenir d’une manière définitive, par une déclaration solennelle du Pape “ex cathedra”, ou d’un Concile œcuménique. Mais le Magistère pontifical ordinaire peut enseigner comme définitive une doctrine en tant qu’elle est constamment conservée et tenue par la Tradition et transmise par le Magistère ordinaire et universel. En l’espèce, l’exercice du charisme de l’infaillibilité ne se présente pas comme un acte définitoire du Pape, mais concerne le Magistère ordinaire et universel, que le Pape reprend dans 60 sa déclaration formelle de confirmation et de réaffirmation (généralement dans une Encyclique ou une Lettre apostolique). Si l’on soutenait que le Pape doit intervenir nécessairement par une définition “ex cathedra” chaque fois qu’il entend déclarer comme définitive une doctrine en tant qu’elle appartient au dépôt de la foi, cela entraînerait implicitement une dévaluation du Magistère ordinaire et universel, et l’infaillibilité ne serait réservée qu’aux définitions solennelles du Pape ou d’un Concile, donc dans une perspective autre que celle donnée par l’enseignement de Vatican I et de Vatican II, qui attribuent un caractère infaillible également aux enseignements du Magistère ordinaire et universel. En ce qui concerne la nature particulière d’un enseignement du Magistère pontifical qui entend simplement confirmer ou réaffirmer une certitude de foi déjà vécue de manière consciente par l’Eglise ou affirmée par l’enseignement universel de tout le Corps épiscopal, on peut la voir, non pas en soi dans l’enseignement de la doctrine ellemême, mais dans le fait que le Pontife romain déclare formellement qu’il s’agit d’une doctrine qui appartient déjà à la foi de l’Eglise et est enseignée infailliblement par le Magistère ordinaire et universel comme divinement révélée ou qui doit être tenue d’une manière définitive. A la lumière de ces considérations, il semble que ce soit un faux problème que de se demander si tel acte pontifical de confirmation de l’enseignement du Magistère ordinaire et universel est infaillible ou non. En effet, tout en n’étant pas par elle-même une définition dogmatique (comme le dogme trinitaire de Nicée, ou le dogme christologique de Chalcédoine, ou les dogmes marials), la déclaration pontificale de confirmation jouit de la même infaillibilité dont jouit l’enseignement du Magistère ordinaire et universel, qui inclut le Pape non pas comme simple évêque mais comme Chef du collège épiscopal. A cet égard, il est important de préciser que le Responsum ad dubium de la Congrégation pour la Doctrine de la foi sur la doctrine enseignée dans la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis, tout en mentionnant le caractère infaillible de cette doctrine déjà en possession de l’Eglise, a voulu simplement réaffirmer qu’elle n’est pas proposée de manière infaillible seulement à partir de ce Document pontifical, mais que celui-ci confirmait ce qui partout, toujours et par tous, a été tenu comme appartenant au dépôt de la foi. Il est donc essentiel de conserver le principe qu’un enseignement peut être proposé infailliblement par le Magistère ordinaire et universel, même par un acte qui n’a pas la forme solennelle d’une définition. 3. On a soulevé en outre, ici ou là, la question de la réception d’une doctrine enseignée comme révélée ou comme devant être tenue définitivement par le Magistère ordinaire et universel, et on a dit, par exemple, que, pour cette réception, il faut que soit explicitement manifestée la volonté unanime de tout le Corps épiscopal, non seulement de proposer une affirmation déterminée, mais aussi de déclarer son caractère absolu et définitivement contraignant. D’où le doute qu’on ne rencontrerait pas ces qualités requises en matière de doctrine concernant la non admission des femmes à l’ordination sacerdotale, ni non plus en ce qui concerne certaines normes universelles de la loi morale. Les interrogations et les doutes soulevés semblent toutefois ne pas tenir compte de certains facteurs que l’on doit mentionner, ne serait-ce que brièvement: a) Le Magistère ordinaire et universel consiste dans l’annonce unanime des évêques unis au Pape. Il s’exprime par ce dont tous les évêques (y compris l’Evêque de Rome, qui est le Chef du Collège) témoignent communément. Il ne s’agit pas de manifestations extraordinaires, mais de la vie normale de l’Eglise, de ce qui, sans initiatives particulières, est prêché comme doctrine universelle dans la vie ecclésiale quotidienne. “Ce Magistère ordinaire est ainsi la forme normale de l’infaillibilité de l’Eglise” (1). Il s’ensuit qu’il n’est pas du tout nécessaire que tout ce qui fait partie de la foi doive devenir explicitement un dogme. Il est au contraire normal que la seule “communauté dans l’annonce” qui comprend non seulement des mots mais aussi des faits - propose la vérité. L’importance particulière et explicite de la définition dogmatique est précisément un cas extraordinaire, provoqué la plupart du temps par des motifs tout à fait particuliers et bien précis. b) De plus, lorsqu’on parle de la nécessité de vérifier le consensus effectif de tous les évêques dispersés dans le monde ou même de tout le peuple chrétien en matière de foi et de morale, on ne doit pas oublier que ce consensus ne peut être compris dans un sens purement synchronique, mais doit être compris dans un sens diachronique. Cela veut 61 dire que le consensus moralement unanime embrasse toutes les époques de l’Eglise, et c’est seulement si on écoute cette totalité que l’on demeure dans la fidélité aux Apôtres. «Si quelque part - observe le cardinal Ratzinger dans une étude -, on en venait à former une “majorité” contre la foi de l’Eglise d’autres temps, ce ne serait absolument pas une majorité» (2). Il faut observer par ailleurs que la concorde de l’épiscopat universel en communion avec le Successeur de Pierre, quant au caractère doctrinal et contraignant d’une affirmation ou d’une pratique ecclésiale des temps passés, n’est pas annulée ou relativisée par certains désaccords qui pourraient apparaître à une époque postérieure. c) Enfin, en ce qui concerne spécialement l’enseignement sur l’ordination sacerdotale qui doit être réservée uniquement aux hommes, il faut rappeler que la Lettre apostolique Ordinatio sacerdotalis a confirmé que cette doctrine est conservée par la Tradition constante et universelle de l’Eglise et a été enseignée avec fermeté par le Magistère dans des Documents plus récents (n. 4). Or, on sait que la Tradition est le lieu herméneutique où œuvre et s’exprime sous des formes diverses parmi lesquelles la persuasion pacifique - la conscience de l’Eglise quant à la vérité. Dans ce cas spécifique, avec unanimité et stabilité, l’Eglise n’a jamais pensé que les femmes pourraient recevoir validement l’ordination sacerdotale, et cette même unanimité et stabilité révèlent non pas une décision propre de l’Eglise, mais son obéissance et sa dépendance à l’égard de la volonté du Christ et des Apôtres. Par conséquent, dans la Tradition universelle en la matière, avec ses traits de stabilité et d’unanimité, on rencontre un enseignement magistériel objectif, définitif et qui lie d’une manière inconditionnelle (3). Le même critère doit aussi être appliqué à d’autres doctrines concernant les normes morales universelles: le meurtre d’un être humain innocent est toujours gravement immoral; l’adultère ou la calomnie sont toujours un mal... Ces doctrines, bien qu’elles n’aient pas toujours été jusqu’ici déclarées par un jugement solennel appartiennent cependant à la foi de l’Eglise et sont proposées de manière infaillible par le Magistère ordinaire et universel. En conclusion, pour que l’on puisse parler de Magistère ordinaire et universel infaillible, on doit exiger que le consensus parmi les évêques ait pour objet un ensei- gnement proposé comme formellement révélé ou comme certainement vrai et incontestable, qui réclame donc de la part des fidèles un assentiment plénier, auquel on ne peut renoncer. On peut partager la requête de la théologie de faire des analyses soignées pour chercher à motiver l’existence de ce consentement ou de cet accord. Mais n’est pas fondée l’interprétation que le contrôle d’un enseignement infaillible du Magistère ordinaire et universel exigerait aussi une formalité particulière dans la déclaration de la doctrine en question. Autrement, on tomberait dans le cas d’espèce de la définition solennelle par le Pape ou le Concile œcuménique (4). Les clarifications précédentes apparaissent aujourd’hui nécessaires, non pas pour répondre à des questions académiques subtiles et sophistiquées, mais pour repousser une interprétation réductrice et simplificatrice de l’infaillibilité du Magistère, en proposant dans le même temps des principes théologiques corrects pour l’interprétation de la valeur des enseignements magistériels et la qualité des doctrines. II. En même temps que ces considérations et précisions sous l’aspect doctrinal et théologique, il est opportun de faire aussi certaines réflexions et de donner des orientations sur les remèdes au problème du désaccord public. Il n’est pas possible d’examiner ici dans toute leur ampleur les conséquences d’ordre pastoral et pratique qu’entraîne cette question, mais il est utile de faire le point sur certains aspects fondamentaux qui semblent être à la base et à la racine de ce phénomène. Ce n’est qu’ainsi que l’on pourra éviter de proposer des remèdes purement empiriques et épisodiques. 1. On ne peut négliger une donnée fondamentale, qui apparaît certainement première: la racine véritable et profonde du désaccord, c’est la crise de la foi (…). 2. La crise spirituelle de la foi comporte, comme une de ses premières conséquences, la crise de l’autorité du Magistère, qui est une crise portant sur l’autorité de l’Eglise fondée sur la volonté divine. On oppose de manière artificielle l’autorité et la liberté, les détachant de la question de la vérité. 3. Il semble donc que l’on doive trouver le tout premier remède dans l’effort en faveur d’une formation spirituelle, doctrinale, intellectuelle, sérieuse et conforme à l’enseignement de l’Eglise. 62 A cet égard, on peut mettre en évidence certains éléments importants: a) Tout d’abord la nécessité d’une formation théologique organique et systématique. La spécialisation croissante de la théologie tend à une fragmentation de cette dernière, jusqu’à faire de la théologie une collection de théologies. L’unité organique de la théologie risque de ne pas être sauvegardée et, tandis qu’augmentent les informations sur des détails, on perd la vision unificatrice fondamentale. De la même manière, il faut insister sur la responsabilité des évêques dans la catéchèse, qui doit renforcer le sens de la foi et de l’appartenance à l’Eglise. b) La nécessité d’une saine formation philosophique, qui doit absolument comporter la quête métaphysique, dont on ressent aujourd’hui en divers centres d’étude un manque préoccupant. c) La nécessité de rééquilibrer l’exigence de sauvegarder le droit de l’individu et l’exigence de conserver et de protéger le droit de la communauté et du Peuple de Dieu à la vraie foi et au bien commun. Je voudrais attirer l’attention sur le fait que la vraie tension n’est pas entre la défense du droit de chacun et la défense du droit de la communauté, mais entre ceux qui défendent le droit des plus forts et des plus puissants culturellement, et le droit de ceux qui sont plus faibles et sans défense anti-ecclésiales corrosives. d) L’urgence de former une opinion publique ecclésiale conforme à l’identité catholique, libre de toute sujétion à l’égard de l’opinion publique laïciste qui se reflète dans les médias. Par ailleurs, l’ouverture aux problèmes du monde doit être bien comprise: elle se fonde sur le dynamisme missionnaire de faire connaître à tous la révélation du Christ et de conduire tous les hommes au mystère du Christ. 4. Du point de vue disciplinaire, il apparaît tout à fait opportun de rappeler que les évêques sont tenus d’appliquer effectivement la discipline normative de l’Eglise, spécialement quand il s’agit de défendre l’intégrité de l’enseignement de la vérité divine. Ceci dans le contexte d’une reprise et d’une forte proposition nouvelle du message chrétien et de la vie spirituelle, selon une évangélisation renouvelée. Du reste, il n’est pas superflu de mettre en relief, surtout en ce moment actuel de l’Eglise où l’on semble quelque peu réticent à envisager dans leur juste perspective le droit et la loi canonique, que l’observance et l’application de la discipline ecclésiastique ne sont pas en opposition et ne font pas obstacle à la vraie liberté et à l’obéissance à l’Esprit, mais sont des instruments indispensables pour que la communion dans la vérité et la charité soit effective et ordonnée. L’application des normes canoniques apparaît donc être une protection concrète en faveur des croyants contre les falsifications de la doctrine révélée et contre l’affaiblissement de la foi provoqué par cet “esprit du monde” qui prétend se présenter comme la voix de l’Esprit Saint. Dans ce contexte, il semble qu’il soit très important de rappeler aussi le Serment de fidélité, publié en 1989 (DC 1989, n° 1962, p. 378-379; traduction française officielle: DC 1991, n° 2033, p. 757) à l’occasion de l’entrée en vigueur de la Formule de la profession de foi, qui exprime l’engagement public de bien exercer la fonction confiée, devant l’Eglise et devant les institutions et les personnes pour lesquelles elle est assumée. Le Serment de fidélité, tout comme plus généralement l’observation de la discipline canonique, exprime précisément l’unité organique qui existe entre l’action et le gouvernement, et la fidélité à l’égard de la profession de la foi et de la vérité chrétienne. Ainsi sont garantis par le Droit le sens de l’identité et l’appartenance à l’Eglise: il empêche de supposer que l’on appartient à une Eglise fantomatique, construite seulement à notre propre mesure, mais bien à l’Eglise de la succession apostolique, de la Parole écrite et transmise avec autorité, des sacrements visibles et de la communion catholique (...). Notes 1) J. RATZINGER, Il nuovo popolo di Dio, Brescia 1971, p. 180. 2) J. RATZINGER, La Chiesa, Milan 1991, p. 71. 3) Dans le passé et jusqu’à ces dernières décennies, les théologiens et les canonistes qui traitèrent le problème ont été unanimes pour considérer l’exclusion des femmes de l’admission au sacerdoce ministériel comme quelque chose d’absolu et qui était fondé sur la divine Tradition apostolique. Voir par exemple ce que GASPARRI affirmait dans son Tractatus canonicus de sacra ordinatione (t. I, Paris 1893, p. 75): “Et quidem prohibentur sub pœna nullitatis: ita enim traditio et communis doctorum catholicorum doctrina interpretata est legem Apostoli: et ideo Patres inter hæreses recensent doctrinam qua sacerdotalis dignitas et officium mulieribus tribuitur”. 4) J. KLEUTGEN, dans son commentaire du second schéma sur l’Eglise proposé au Concile Vatican I, définit les doctrines du Magistère ordinaire infaillible comme étant celles qui “sont estimées ou transmises comme incontestables” (tamquam indubitata tenentur vel traduntur). 63 L’OSSERVATORE ROMANO ne fois encore, dans ce numéro, pour des raiU sons de temps et de place, nous avons dû renoncer à publier la conclusion du commentaire de l’“encyclique” Ut unum sint (cf. pour la première partie, Sodalitium, n° 41, pp. 28 à 39). Nous le remplaçons par l’exposé de brefs commentaires de plusieurs autres documents de JeanPaul II parus depuis l’été dernier. Naturellement nous sommes contraints de faire un choix étant donnée l’abondance du matériel. Le bimensuel Sì Sì No No (que nous maltraitons à d’autres pages de notre bulletin) publie souvent d’intéressantes analyses de l’éxégèse de Jean-Paul II (cf. par exemple l’article “L’ombre de la nouvelle exégèse sur la reine des prophéties messianiques dans la catéchèse papale” du Sì Sì No No n° 18, 30 novembre 1996; pour la version française, voir Le Courrier de Rome) auxquelles nous renvoyons volontiers; une seule mais importante réserve: Sì Sì No No attribue ces erreurs à celui qu’il reconnaît comme Pape légitime. Sodalitium KAROL WOTJYLA, L’ÉVOLUTIONNISME ET LE MONOGÉNISME Le 22 octobre 1996, Jean-Paul II envoyait un message (en français) aux participants de l’assemblée plénière de l’Académie pontificale des Sciences à l’occasion du 60ème anniversaire de sa fondation par Pie XI. S’inspirant du premier thème choisi par l’assemblée, “celui de l’origine de la vie et de l’évolution” (n° 1), Jean-Paul II a envoyé aux congressistes, entre autres observations, les suivantes (cf. L’Osservatore Romano éd. it., 14 octobre 1996, p. 6 en version française): “Avant de vous proposer quelques réflexions plus spécialement sur le thème de l’origine de la vie et de l’évolution, je voudrais rappeler que le Magistère de l’Eglise a déjà été amené à se prononcer sur ces matières, dans le cadre de sa propre compétence. Je citerai ici deux interventions. Dans son encyclique Humani generis (1950), mon prédécesseur Pie XII avait déjà affirmé qu’il n’y avait pas opposition entre l’évolution et la doctrine de la foi sur l’homme et sur sa vocation, à condition de ne pas perdre de vue quelques points fermes” (n° 3). Après avoir rappelé l’autre intervention (un de ses propres discours à la même Académie le 31 octobre 1992 sur l’affaire Galilée) Jean-Paul II poursuit: “Compte tenu de l’état des recherches scientifiques à l’époque et aussi des exigences propres de la théologie, l’encyclique Humani generis considérait la doctrine de l’«évolutionnisme» comme une hypothèse sérieuse, digne d’une investigation et d’une réflexion approfondie à l’égal de l’hypothèse opposée. Pie XII ajoutait deux conditions d’ordre méthodologique: qu’on n’adopte pas cette opinion comme s’il s’agissait d’une doctrine certaine et démontrée et comme si on pouvait faire totalement abstraction de la Révélation à propos des questions qu’elle soulève. Il énonçait également la condition nécessaire [ce terme ne se trouve que dans la version italienne du discours] à laquelle cette opinion était compatible avec la foi chrétienne, point sur lequel je reviendrai. Aujourd’hui, près d’un demi-siècle après la parution de l’encyclique, de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse. Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’esprit des chercheurs, à la suite d’une série de découvertes faites dans diverses disciplines du savoir. La convergence, nullement recherchée ou provoquée, des résultats de travaux menés indépendamment les uns des autres, constitue par elle-même un argument significatif en faveur de cette théorie” (n° 4). Après avoir ainsi rendu hommage à la théorie de l’évolution, Jean-Paul II précise Jean-Paul II avec le grand rabbin de Rome Elio Toaff au Vatican, le 15 avril 1996 64 toutefois que “là où elle [une théorie] cesse de pouvoir rendre compte de ceux-ci [des faits], elle manifeste ses limites et son inadaptation. Elle doit alors être repensée”. D’autre part, une théorie scientifique de ce genre “emprunte certaines notions à la philosophie de la nature. Et, à vrai dire, plus que de la théorie de l’évolution, il convient de parler des théories de l’évolution. Cette pluralité tient d’une part à la diversité des explications qui ont été proposées du mécanisme de l’évolution et, d’autre part, aux diverses philosophies auxquelles on se réfère. Il existe ainsi des lectures matérialistes et réductionnistes et des lectures spiritualistes. Le jugement ici est de la compétence propre de la philosophie et, au-delà, de la théologie” (n° 4). Jean-Paul II est clairement favorable (il ne manquerait plus que cela!) à une “lecture spiritualiste”de l’évolution. Mais en quoi consiste-t-elle? L’homme -reprend Jean-Paul II - “a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu (cf. Genèse 1, 28-29). La constitution conciliaire Gaudium et spes a magnifiquement exposé cette doctrine, qui est un des axes de la pensée chrétienne. Elle a rappelé que l’homme est ‘la seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même’ (n° 24). (...) Il est une personne (...). C’est en vertu de son âme spirituelle que la personne tout entière jusques dans son corps possède une telle dignité. Pie XII avait souligné ce point essentiel: si le corps humain tient son origine de la matière vivante qui lui préexiste, l’âme spirituelle est immédiatement créée par Dieu (‘anima enim a Deo immediate creari catholica fides nos retinere iubet’, Enc. Humani generis...).” (n° 5). Après avoir rappelé ainsi “la condition nécessaire” pour concilier foi et évolution, JeanPaul II condamne en ces termes la conception matérialiste de l’évolution: “En conséquence, les théories de l’évolution qui, en fonction des philosophies qui les inspirent, considèrent l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante ou comme un simple épiphénomène de cette matière sont incompatibles avec la vérité de l’homme. Elles sont d’ailleurs incapables de fonder la dignité de la personne” (n° 5). Wojtyla admet que le concept d’homme cidessus exposé (avec une “discontinuité ontologique” due à la création impromptue de l’âme par Dieu) et celui de l’évolution (avec une “continuité physique entre l’homme et ses ancêtres non humains”) constituent “deux points de vue qui sembleraient inconciliables” (n° 6); cependant ils peuvent et doivent être conciliés. Le message se termine sur une exhortation au respect de la vie humaine (n° 7). L’écho du message de Jean-Paul II sur l’évolutionnisme Un enseignement est fait pour être compris. Dans le climat actuel de mea culpa de “l’Eglise” inauguré par Jean XXIII et porté au paroxysme par Jean-Paul II (qui l’a consacré dans Tertio millennio adveniente), le Message a été compris comme une réhabilitation de Darwin, et il ne pouvait en être autrement: l’unique évolutionnisme universellement connu est l’évolutionnisme athée et matérialiste, et certainement pas un certain évolutionnisme “spiritualiste” fantomatique approuvé par Karol Wojtyla. D’où les déclarations des journaux (du 24 octobre) et des commentateurs qui, pour l’essentiel, ne sont pas tellement divergentes de ce qu’a compris (avec joie ou avec indignation) le commun des mortels, c’est-à-dire que “le Pape se réconcilie avec la science”; le Resto del Carlino titre: “un message à l’Académie pontificale réhabilite Darwin et ses disciples”. “Le pape: il est possible que nous descendions du singe” (Il Giornale, 24 oct.), “Le pape Wojtyla enrôle Darwin” (La Stampa), “Darwin réhabilité par l’Eglise” (Le Monde du 25 oct.), etc… “Les savants applaudissent”, car ils voient leur athéisme avalisé par la déclaration de Jean-Paul II, ainsi, par exemple, Margherita Hack (“Pour la première fois l’Eglise accepte de façon solennelle que l’hypothèse évolutionniste soit une théorie prouvée”), et ils en profitent pour s’acharner sur le vaincu; “Une reconnaissance positive, mais une fois de plus l’Eglise arrive en retard” (Tullio Gregory). Barone et Massarenti, dans le Sole-24 Ore (27 oct., p. 27) applaudissent aux rétractations de Wojtyla mais ils repoussent à la façon athée toute vision spirituelle de l’homme et du monde: la paix entre la science et la foi ne verra le jour qu’avec la défaite totale de la foi. Les athées vont jusqu’à se divertir à constater que le “Pape” est désormais devenu “hérétique” (par rapport aux critères du catholicisme d’autrefois): pour l’Unità, le quotidien de l’ex-parti communiste, il est même carrément gnostique et pour le libéral Sergio Romano, il est moderniste: “Le message du Pape - et c’est là à mon avis l’aspect le plus intéressant - est un hommage tardif à la méthode historique d’un mouvement spirituel, le modernisme, que l’Eglise condamna avec l’encyclique Pascendi dominici gregis promulguée par Pie X en sept. 1907” (Panorama, 7 nov. 1996, p. 17). Si parmi les laïcistes il s’en trouve un comme Colletti, philosophe ex-marxiste et 65 néo-libéral, qui justifie Wojtyla de l’accusation (du mérite, selon lui) d’avoir réhabilité Darwin, c’est pour faire remarquer que l’évolutionisme spiritualiste de Wojtyla pourrait être celui de Teilhard de Chardin ou celui d’Henri Bergson (cf. Il Foglio, 25 oct.), auteurs qui n’ont rien d’orthodoxe! Aussi c’est en vain que Giovanni Cantoni (dans Il Secolo d’Italia), Antonio Socci (dans Il Giornale), le card. Tonini (dans le Carlino) s’efforcent d’expliquer que “le Pape” est encore “catholique”! Si le but de la parole est de se faire comprendre - comme nous l’avons dit - Jean-Paul II aurait probablement mieux fait de ne pas écrire le Message du 22 octobre qui aura certainement ébranlé la foi d’un grand nombre de croyants sans convertir un seul incrédule. Le message du 22 octobre est-il conforme à la vraie doctrine? Sans aucun doute, écrit le régent [chef d’une association similaire à la T.F.P.] d’Alleanza Cattolica, Giovanni Cantoni, dans le quotidien d’Alleanza Nazionale du 25 octobre. Nous voudrions nous aussi qu’il en soit ainsi, mais encore une fois, ce n’est pas possible. Outre l’(in)opportunité de ce message, il faut en effet souligner et faire la critique de quelques points du discours wojtylien. 1) Une présentation tendancieuse de la pensée de Pie XII. Pour masquer la nouveauté (par rapport au magistère ecclésiastique) de son opinion évolutionniste, Jean-Paul II cherche à se présenter comme en continuité avec le magistère du Pape Pie XII, et ce, en citant justement l’encyclique Humani generis, document qui condamne explicitement toutes les erreurs que Vatican II fera passer ensuite pour la vérité. Je doute qu’Humani generis soit jamais citée par Jean-Paul II pour autre chose que “christianiser” l’évolutionnisme. Mais était-ce là en réalité l’intention du Pape Pacelli? Certainement pas. Son but était, au contraire, la condamnation de diverses théories qui s’inspiraient précisément de l’évolutionnisme. Dans un autre passage de l’encyclique il avait déjà condamné l’évolutionnisme philosophique et l’évolutionnisme politique (“Il y en a en effet qui, bien que le système de l’évolution dans le champ même des disciplines naturelles ne soit pas encore indiscutablement prouvé, l’admettent sans prudence ni discernement et prétendent qu’il concerne l’origine de toutes choses, ne craignant pas de se montrer favorables à l’hypothèse moniste et panthéiste d’un univers soumis à une évolution perpétuelle. Cette hypothèse précisément sert aux dirigeants communistes pour propager plus efficacement et mettre en avant leur matérialisme dialectique et faire disparaître des esprits toute notion de Dieu”, Humani generis, éd. fr., Libreria Editrice Vaticana, p. 4). Par la suite, et nous en reparlerons, il condamnera le polygénisme comme incompatible avec la foi catholique (H.G., pp. 14 et 15). Quant à ce qui concerne l’évolutionnisme (entendu ici comme simple hypothèse selon laquelle le premier homme aurait reçu l’âme directement de Dieu tandis que le corps “proviendrait d’une matière organique préexistante”) Pie XII condamne ceux qui agissent “comme si on avait déjà établi de façon absolument certaine (...) l’origine du corps humain à partir d’une matière déjà existante et vivante; et cela comme s’il n’y avait rien dans les sources de la révélation divine qui, en ce domaine, impose la plus grande modération et la plus grande prudence”. En effet, même si elle est limitée à la seule origine du corps du premier homme, et si elle admet la création directe de l’âme de ce premier homme par Dieu, la théorie évolutionniste pose des problèmes en ce qui regarde la “révélation divine”, aussi Pie XII rappelle aux théologiens et aux scientifiques que “tous” doivent être “prêts à se soumettre au jugement de l’Eglise à qui le Christ a confié le mandat d’interpréter avec autorité les Ecritures et de protéger la foi” (H.G., Lib. Ed. Vat., p. 14). La chose est d’autant plus importante que Pie XII, dans la même encyclique (Lib. Ed. Vat., p. 15) réitère la condamnation de l’Eglise contre tous ceux qui nient le genre historique des onze premiers chapitres de la Genèse! Pie XII ne mettait donc pas sur le même plan évolutionnisme et anti-évolutionnisme, comme l’affirme au contraire le Message de Jean-Paul II, mais il condamnait certains types d’évolutionnisme et il invitait à la plus extrême prudence vis-à-vis d’un évolutionnisme même modéré qui, s’il était pleinement démontré, pouvait éventuellement être compatible avec la foi. 2) Pour Jean-Paul II l’évolutionnisme “n’est plus seulement une simple hypothèse”. J’invite le lecteur à relire le Message de Jean-Paul II que j’ai reporté dans cet article. Il y affirme clairement qu’“aujourd’hui, près d’un demi-siècle après la parution de l’encyclique [de Pie XII], de nouvelles connaissances conduisent à reconnaître dans la théorie de l’évolution plus qu’une hypothèse”. Donc, pour Wojtyla, 66 l’hypothèse évolutionniste a été scientifiquement démontrée ou, du moins, elle est plus probable que sa négation: “Il est en effet remarquable que cette théorie se soit progressivement imposée à l’attention des chercheurs...” c’est pourquoi leurs recherches constituent “un argument significatif en faveur de cette théorie”. Jean-Paul II lave les “chercheurs” en question de tout soupçon de préjugé dans leurs recherches: dans une matière qui touche d’aussi près à la foi, ils auraient travaillé “indépendamment les uns des autres” obtenant dans leurs résultats une “convergence” en faveur de l’évolutionnisme “nullement recherchée ou provoquée”! Or qui ne sait que pour de nombreux chercheurs, bien au contraire, l’évolutionnisme est une “foi” contre le dogme de la création? Le prof. Di Trocchio (de l’Université de Lecce) dans les Le bugie della scienza [Les mensonges de la science] Mondadori, 1993) dédie un chapitre entier (Falsi fossili e anelli mancanti) [Faux fossiles et anneaux manquants] à certaines célèbres tromperies scientifiques des évolutionnistes; et parmi les escrocs, au premier plan, trône le jésuite Teilhard de Chardin dont Wojtyla a fait publiquement l’éloge dans une fameuse “lettre” du 10 juin 1981 (cf. Sodalitium n° 27, p. 3). Et au préjudice des plus notables évolutionnistes (parmi lesquels Rostand, Monod, etc.) dans La verità sull’evoluzione e l’origine dell’uomo (La Roccia, Roma 1984) Mgr Landuci consacre plusieurs pages à démontrer qu’ils soutiennent cette thèse non pas tant parce qu’elle est démontrée mais afin de n’avoir pas à admettre la création du monde. Wojtyla n’est certainement pas sans ignorer ce climat qui conditionne lourdement la “libre recherche des savants”; il n’ignore pas non plus que, malgré tout, nombreux sont les savants qui aujourd’hui encore nient l’évolution (en Italie on connaît Fondi et Sermonti) en tant qu’hypothèse démontrée comme fausse par la science. Mais si l’hypothèse évolutionniste n’a fait réellement aucun pas en avant de 1950 (date d’Humani generis) à nos jours et demeure une simple hypothèse, Karol Wojtyla tombe alors en plein dans le reproche qu’Humani generis adresse à ceux qui, peu soucieux des données de la Révélation, donnent l’évolution pour démontrée. Pour divertir un peu le lecteur, je signale en passant l’interprétation du message “pontifical” donnée par Giovanni Cantoni dans l’article déjà signalé; selon son défenseur d’office, Jean-Paul II voulait dire: “l’évolutionnisme n’est plus seulement une hypothèse non parce qu’il s’est transformé en certitude, mais, parce qu’au regard de nombreuses hypothèses, c’est-àdire de nombreuses données de fait indépendantes entre elles, il se présente comme une théorie, c’est-à-dire un ensemble d’hypothèses”. Il suffit de relire le Message de JeanPaul II pour comprendre que Cantoni triche et s’il triche c’est parce que lui-même est embarrassé par le discours wojtylien, qu’il n’accepte pas vraiment mais seulement en paroles autrement dit dans l’interprétation complètement fantaisiste qu’il en veut donner. En réalité Jean-Paul II dit que, par rapport à 1950 il y a beaucoup de nouveaux arguments en faveur de l’évolution et que par conséquent elle n’est plus une simple hypothèse. Toutefois, une fois établies ces données expérimentales favorables à l’évolution, on constate l’existence de “théories” évolutionnistes variées qui ne se fondent pas seulement sur ces preuves de fait mais également sur des prémisses philosophiques. A ce titre toutes les théories évolutionnistes ne sont pas acceptables. Si l’interprétation de Cantoni était correcte il faudrait croire qu’avant 1950, l’évolutionnisme était seulement une hypothèse expérimentale, et qu’il ne s’y ajoutait pas également de multiples théories; ceci est absolument faux, tant il est vrai que Pie XII condamnait déjà alors certaines théories évolutionnistes incompatibles avec la foi, admettant la liberté de discussion sur les autres! La vaine tentative pour défendre l’orthodoxie de Jean-Paul II est donc, dans son échec même, une confirmation involontaire des graves carences doctrinales de la pensée wojtylienne que l’on prétendait défendre en la vidant de sa signification. 3) Une grave omission du message wojtylien: le monogénisme et le péché originel. Mais passons au point le plus grave du Message wojtylien. Il ne s’agit pas tant d’une affirmation que d’une omission. Cependant l’omission est excessivement grave et se présente quasiment comme la négation implicite d’une vérité de foi. Supposons un instant que Pie XII ait vraiment accordé à l’hypothèse évolutionniste la même valeur qu’à son contraire et qu’aujourd’hui, après cinquante ans, les sciences naturelles se soient prononcées en faveur de l’évolutionnisme (thèse de Jean-Paul II). Il faudrait alors, parmi les différents évolutionnismes, en adopter un qui 67 soit compatible avec la foi chrétienne. C’est là que se situe la grave omission de Jean-Paul II. Selon Jean-Paul II, Pie XII déjà “énonçait également la condition nécessaire [adjectif figurant seulement dans la version italienne du discours] à laquelle cette opinion était compatible avec la foi, point sur lequel je reviendrai” (n° 4). Remarquons bien: la question est de la plus haute importance: compatibilité d’une théorie avec la foi. Pour Jean-Paul II (qui prétend citer Pie XII) il y a une “condition nécessaire”: une seule, au singulier. Comme promis cette condition est donnée au n° 5: que l’âme humaine ait été créée directement par Dieu; elle ne peut être considérée comme “émergeant des forces de la matière vivante” ou comme “simple épiphénomène de cette matière”. “Pie XII - rappelle Jean-Paul II - avait souligné ce point essentiel” (n° 5). Ce point tient à cœur à Jean-Paul II parce qu’il fonde la “dignité de l’homme” créé à l’image et ressemblance de Dieu, dignité ruinée par un évolutionnisme purement matérialiste. Dans la pensée de Wojtyla - qui est une pensée personnaliste anthropocentrique - cette vérité de foi a une place exceptionnelle, selon l’orientation du texte ambigu de Gaudium et spes n° 24 (cf. Sodalitium, n° 37, pp. 61-62). Pour lui les évolutionnistes matérialistes, plus que contraires à la foi, sont “incompatibles avec la vérité de l’homme” et “incapables de fonder la dignité de la personne” (n° 5), péchés graves entre tous! Mais Wojtyla oublie (?) de citer une autre condition émise avec beaucoup plus d’emphase par Pie XII, le monogénisme, condition dont dépend une autre vérité de foi (un peu moins glorieuse pour la dignité de la personne humaine, il est vrai): le péché origiCommunicatio in sacris entre Jean-Paul II et l’“archevêque” anglican de Canterbury Leonard Carey (Rome 5 décembre 1996) nel! Pie XII écrivait: “Les fidèles ne peuvent embrasser une doctrine dont les tenants soutiennent, ou bien qu’il y a eu sur la terre, après Adam, de vrais hommes qui ne descendent pas de lui par génération naturelle comme du premier père de tous, ou bien qu’Adam désigne l’ensemble de ces multiples premiers pères. On ne voit en effet, aucune façon d’accorder pareille doctrine avec ce qu’enseignent les sources de la vérité révélée et ce que proposent les actes du magistère ecclésiastique sur le péché originel, péché qui tire son origine d’un péché vraiment personnel commis par Adam, et qui répandu en tous par la génération, se trouve en chacun et lui appartient” (Humani generis, éd. fr., Libreria Editrice Vaticana, pp. 14 et 15). Pie XII ne fait que rappeler la Sainte Ecriture; je me limiterai à citer Saint Paul: “Il a fait que d’un seul toute la race des hommes habite sur la terre” (Actes, 17, 2627); “Le premier homme, Adam, a été fait âme vivante” (1 Cor. 15, 45). L’unité d’origine du genre humain est une vérité de foi d’où découle une autre vérité de foi, celle du péché originel: “Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort... et ainsi la mort a passé dans tous les hommes parce que tous ont péché (...) Ainsi, comme par la faute d’un seul la condamnation est venue sur tous les hommes, ainsi par la justice d’un seul vient à tous les hommes la justification qui donne la vie” (Rom. 5, 12 à 19). Cette doctrine de la Sainte Ecriture “sur le premier homme, sur son état de justice originelle, ses privilèges (en particulier celui de l’immortalité) et sur le péché originel transmis à tous les hommes en tant qu’ils descendent d’Adam (Denz.-U 101, 133, 174, 176, 789, 791) est confirmée par le Concile de Trente. Un décret de 1909 “met l’unité du genre humain parmi les points de doctrine qui touchent les fondements de la religion chrétienne” (Denz.-U 2121-2123). Le Concile du Vatican (I) aurait dû définir solennellement cette vérité en déclarant: “Si quelqu’un niait l’origine de tout le genre humain par un seul progéniteur, Adam, qu’il soit anathème” (cf. Garrigou-Lagrange o.p., rubrique Monogénisme dans l’Enciclopedia cattolica). Karol Wojtyla croit-il à ces vérités? S’il y croit, pourquoi les a-t-il occultées dans un discours au cours duquel il devait obligatoirement les confesser? Que peut-on répondre à l’éditorial du journal Le Monde (qui interprète pourtant les sentiments de bien des gens) lorqu’il écrit: “Les conséquences de cette réhabilitation 68 peuvent être considérables. La distance ainsi prise avec la lecture fondamentaliste (sic) de la Bible risque d’entamer tout l’édifice dogmatique chrétien, fondé sur le péché originel et l’existence du mal, qui a façonné nos mentalités occidentales. Sans la notion de culpabilité héréditaire, liée à la dérive du ‘premier homme’, Adam, des dogmes centraux de la foi chrétienne, comme le péché originel et la foi chrétienne, ne sont pas compréhensibles” (éditorial du 25 octobre 1996, p. 17). Aussi, face à un tel scandale, il nous semble que les fidèles catholiques ont droit à un éclaircissement définitif de la part, non du Cantoni de service, mais du responsable en personne, Karol Wojtyla: croit-il ou non qu’Adam, le premier homme, créé par Dieu en état de grâce, a péché et que ce péché a été transmis par voie de génération à tous les hommes qui descendent de lui, à l’exception de NotreSeigneur et de l’Immaculée Vierge Marie? N’est-ce pas trop demander à l’homme qui se prétend le successeur de saint Pierre, celui dont le devoir est de “confirmer dans la foi” ses frères. Une fois de plus, avec le Message du 24 octobre 1996, Jean-Paul II a manqué à ce devoir. Post scriptum: après avoir écrit cet article nous avons pris connaissance de ce qui a été publié à ce propos par Sì sì no no (15 déc. 1996, pp. 3-7) dans Evolutionnisme ou teilhardisme? Le “Message” de Jean-Paul II à l’Académie des sciences. L’article, dont nous conseillons la lecture, est intéressant surtout pour établir ce qu’était la véritable pensée de Pie XII (cf. point 1° de notre étude) et les sérieux problèmes que même un évolutionnisme “spiritualiste” pose à la bonne exégèse de l’Ecriture Sainte. SAINT AMBROISE: “violateur de la liberté et de la justice” (JEAN-PAUL II) D’ici l’an 2000, selon le projet exposé par Jean-Paul II dans Tertio millennio adveniente, vont se multiplier les “mea culpa de l’Eglise”, autrement dit l’humiliation de l’Eglise catholique sous les accusations de Karol Wojtyla et des autres sectateurs de la réforme conciliaire. Ces paroles sont dures, il est vrai, mais elles naissent spontanément de l’amour pour l’Eglise et pour ses Saints. Dans l’attente du mea culpa annoncé pour “l’antisémitisme chrétien” et pour l’Inquisition, nous pouvons déjà signaler les accusations extrêmement graves que Jean-Paul II a proférées contre le grand docteur et père de l’Eglise, saint Ambroise, évêque de Milan. Pour comble d’ironie, l’offense faite à ce grand saint prend place dans une “Lettre Apostolique” (Operosam diem, publiée par L’Osservatore Romano du 6 décembre 1996, éd. it.) que Jean-Paul II a adressée le 1er décembre 1996 à Carlo Maria Martini, “archevêque” de Milan, précisément à l’occasion de la préparation du XVIème centenaire de la mort du Saint (4 avril 397). Bien sûr, Jean-Paul II reconnaît en saint Ambroise “un des grands Pères de l’Eglise encore non divisée” (n° 29) [comme si l’Eglise, une, pouvait être divisée, et comme si “orthodoxes” et protestants étaient des parties de l’Eglise non divisée d’une époque, au même titre que l’Eglise catholique], et il le donne même comme exemple d’œcuménisme (n° 29). En dépit de tout cela, Jean-Paul II approuve certains gestes peu œcuméniques de saint Ambroise: lorsque par exemple en 385 il s’opposa à l’ordre impérial de céder une basilique aux ariens (n° 3) ou lorsqu’en 384 il s’opposa à la demande du préfet de la ville de Rome de réinstaller dans le sénat la statue de la déesse de la Victoire (n° 7). Saint Ambroise put donc s’opposer aux païens et aux ariens sans encourir les censures de Jean-Paul II; malheureusement, son opposition aux prétentions des juifs semble absolument impardonnable depuis Vatican II: ce serait remettre en discussion la théorie du maçon Jules Marx Isaac, selon lequel les Pères de l’Eglise sont coupables, irrémédiablement coupables d’avoir pratiqué un “enseignement du mépris” vis-à-vis du judaïsme, mépris qui, pour finir, devait déboucher sur l’“Holocauste”. “S’il réussit à conjuguer fermeté et équilibre dans les interventions que nous avons mentionnées - c’est-à-dire la question de l’autel de la Victoire et la demande qu’une basilique fût cédée aux ariens -, en revanche son jugement dans l’affaire de Callinique se révéla inadéquat (ipsius tamen iudicium imperfectum emersit) lorsque, en 388, fut détruite la synagogue de ce lointain bourg de campagne situé sur l’Euphrate. Estimant en effet que l’empereur chrétien ne devait pas punir les coupables ni même les obliger à réparer les dommages causés, il allait bien audelà de sa revendication de la liberté ecclésiale en causant du tort au droit d’autrui à la liberté et à la justice (inficiens aliorum ius ad libertatem adque iustitiam)” (n° 12). Voilà comment JeanPaul II parle de saint Ambroise: il aurait violé la liberté d’autrui (des juifs) en approuvant la destruction de la synagogue de Callinique ainsi que 69 la justice en prétendant que les chrétiens n’étaient pas tenus de reconstruire à leurs frais la synagogue détruite. Or violer la justice et la liberté est (objectivement) un péché mortel (duquel jamais saint Ambroise ne se repentit) qui devrait nous faire conclure que: ou le Saint savait ce qu’il faisait, alors il serait en enfer (!), ou bien il ne le savait pas, et ce Docteur de l’Eglise était un ignorant (!) en matière de justice. Voilà où conduit l’affirmation aberrante et gravement injurieuse d’Operosam diem n° 12... Mais que se passa-t-il réellement à Callinique? Nous conseillons, comme nous l’avons fait, la lecture des deux épîtres de Saint Ambroise sur cette question. Il faut dire que même The Jewish Encyclopedia (à la rubrique “Ambrose”, vol. 1, coll. 488-489; New-YorkLondon, 1907) et la plus récente Encyclopœdia Judaica (rubrique “Ambrose”, vol. 2, col. 801; Jérusalem), sources au-dessus de tout soupçon (d’antisémitisme, s’entend) rapportent toutes les deux ce que Jean-Paul II cache: c’est-à-dire que c’est à titre de représailles que l’Evêque et les chrétiens de Callinique détruisirent la synagogue [un temple gnostique fut démoli par des moines, mais cela n’offusque pas Jean-Paul II], représailles contre les juifs qui avaient démoli de nombreuses églises et basiliques chrétiennes (celles de Damas, Beyrouth, Gaza, Ascalon) sous le règne de leur ami et protecteur Julien l’Apostat (oui, vraiment lui, l’idole des “antisémites” néopaïens!). Aucun empereur n’avait jamais donné l’ordre aux juifs de reconstruire ces églises à leurs frais, comme le faisait par contre le très chrétien Théodose avec ses coreligionnaires, en voulant les obliger à reconstruire la synagogue de Callinique! On comprend alors les protestations de saint Ambroise dans sa lettre à Théodose, son refus de célébrer la Messe si l’empereur n’avait pas retiré pas son ordre, sa victoire finale avec la révocation de la décision injuste de Théodose. Jean-Paul II avait déjà offensé la mémoire de sainte Catherine de Sienne; il offense maintenant celle de saint Ambroise... Dans les Litanies des Saints on priait Dieu d’humilier les ennemis de l’Eglise (Ut inimicos Sanctæ Ecclesiæ humiliare digneris, Te rogamus audi nos); jusqu’à quand supporteronsnous que Karol Wojtyla humilie l’Eglise et ses Saints par amour de ses ennemis? Post scriptum: Saint Ambroise appelle la synagogue “lieu d’incrédulité, demeure d’impiété, réceptacle de folie, condamné par Dieu Lui-même” (Ep. 74, n° 14). ENCORE SUR LA SAINTETÉ DES “ORTHODOXES” HÉRÉTIQUES ET SCHISMATIQUES... Si Jean-Paul II ne craint pas de critiquer les Saints, puisqu’ils sont catholiques, il n’a pas le moindre reproche à faire à qui, se détachant de la communion avec Pierre pour tomber dans le schisme et l’hérésie, s’est séparé de l’Eglise. Au contraire en dehors de l’Eglise il est même possible de parvenir à la sainteté, et jusqu’à ce haut sommet de la sainteté qu’est le martyre. Toujours dans la ligne de Tertio millennio adveniente Jean-Paul II a répété que la note de sainteté se trouve également en dehors de l’Eglise catholique: “Et que dire - a-t-il dit à l’Angelus du 25 août 1996 - de la grande expérience du martyre à travers laquelle, en notre siècle, les orthodoxes et les catholiques des pays de l’Est européen ont été unis (...). Véritables martyrs du vingtième siècle, ils représentent une lumière pour l’Eglise et l’humanité (...). Si au terme du deuxième millénaire, elle [l’Eglise]est devenue à nouveau l’Eglise des martyrs (Tertio Millennio adveniente, n° 37), nous pouvons espérer que leur témoignage, recueilli avec soin dans les nouveaux martyrologes, et surtout leur intercession hâtent le moment de la pleine communion entre les chrétiens de toutes les confessions, et, de façon particulière, entre les vénérées Eglises orthodoxes et le Siège apostolique” (L’Osservatore Romano éd. fr., 27 août 1996, pp. 1 et 2). Il est possible qu’un grand nombre de ces “orthodoxes” victimes du communisme sont sauvés à cause de l’ignorance invincible qu’ils avaient de la véritable Eglise; mais il est impossible qu’il y ait vraie sainteté et vrai martyre en dehors de l’unique véritable Eglise, l’Eglise catholique, et il est impossible que des personnes qui professent une foi contraire à la véritable foi chrétienne soient données en exemple en tant que saints, aux fidèles catholiques. Si la sainteté fleurit en dehors de l’Eglise, l’Eglise n’est plus alors la seule Eglise du Christ, et la “pleine communion avec le Siège Apostolique” devient facultative pour le salut et la sanctification d’un chrétien. Telles sont les conséquences de l’œcuménisme de Jean-Paul II. SA SAINTETÉ... ARAM IER (MONOPHYSITE)... ...a assisté à la “concélébration” présidée par Jean-Paul II le 25 janvier à la Basilique de Saint-Paul-hors-les-Murs. En cette occasion, Jean-Paul II a, entre autres, affirmé: “Le baiser de paix du Catholicos [Aram Ier] et de 70 que, dans le Pape, par exemple, ils ne reconnaissent pas le chef de l’Eglise. Ils restent donc hérétiques et schismatiques, et ne peuvent absolument pas jouir d’une “légitime succession apostolique”]. LE DROIT À LA “LIBERTÉ RELIGIEUSE” SERAIT FONDÉ SUR LA RÉVÉLATION L’“archevêque” anglican de Canterbury Leonard Carey prêche dans l’Eglise des Saints-André-et-Grégoire au Cœlius, à Rome devant Jean-Paul II le 5 décembre 1996. l’Evêque de Rome, successeur de l’Apôtre Pierre, et la bénédiction qu’ils donneront ensemble, au nom du Seigneur, témoignent de la reconnaissance réciproque de la légitimité de la succession apostolique” (n° 4; Osservatore Romano éd. it., 27-28 janvier 1997, p. 5). Par ces paroles Jean-Paul II reconnaît à un prélat illégitime, puisqu’hérétique, schismatique et séparé de Rome, le privilège d’être un successeur légitime des apôtres (il a par conséquent l’apostolicité formelle) qui partage avec JeanPaul II la tâche “de transmettre fidèlement la foi reçue des Apôtres” (n° 4). Tâche à laquelle malheureusement tant l’un que l’autre, ils se sont soustraits. [Objection: le 13 décembre 1996 “Sa Sainteté” Karékine Ier, “CatholicosPatriarche de tous les Arméniens”, avait signé avec Jean-Paul II une “déclaration commune” selon laquelle la foi serait commune aux Arméniens et aux Catholiques, et les anciennes divergences théologiques remontant au Concile de Chalcédoine seraient dues à “des facteurs linguistiques, culturels et politiques”, et à “des façons différentes d’exprimer cette foi” (cf. O.R. éd. it., décembre 1996, p. 5). Les arméniens Aram Ier et Karékine Ier ont donc la même foi que nous. Réponse: Karékine Ier n’a souscrit aucune adhésion au Concile de Chalcédoine. Il est offensant pour l’Eglise de penser qu’elle ait pu traiter d’hérétique monophysite une communauté qui en fait était orthodoxe. Il est dangereux pour la foi de penser qu’elle, la foi, puisse s’exprimer par des formules divergentes. De toute façon, en admettant que ces arméniens ne soient plus monophysites, il n’en demeure pas moins Au cours de l’année 1996, Jean-Paul II a dédié un grand nombre de ses discours pour l’Angelus du dimanche, aux textes de Vatican II trente ans après sa conclusion. Rappelons seulement ce qu’il a dit le 18 février 1996 (rapporté dans l’O.R. éd. fr. du 20 février 1996) à propos de la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse: “Dignitatis humanæ, au nom de la juste raison et de la révélation, proclame un droit à la liberté religieuse véritable et certain”, droit défini dans DH n° 2. Nous soulignons l’importance de cette interprétation “authentique” du fameux texte conciliaire; pour Wojtyla, cette doctrine qui contredit le magistère et la praxis de l’Eglise serait révélée par Dieu. Le problème posé par Dignitatis humanæ est donc inéluctable pour la conscience de tous les catholiques. LE MARTYRE D’EDITH STEIN Dans un curieux discours au cours duquel Jean-Paul II applique le terme d’“illuminisme” à l’illumination que l’homme peut recevoir de Dieu avec les dons du SaintEsprit (cf. O.R. éd. fr., 20 août 1996, p. 2: comme conclusion au Colloque international dédié au thème ‘Illuminisme aujourd’hui’ qui s’est déroulé du 8 au 10 août à Castel Gandolfo, Jean-Paul II offre une lecture théologique et historique profonde de l’illuminisme.), Karol Wojtyla revient à sa chère Edith Stein. Après avoir rappelé qu’elle fut “la collaboratrice de Husserl” (philosophe juif, père de la phénoménologie, philosophie incompatible avec la scolastique en général et saint Thomas en particulier, mais qui pourtant est celle que Wojtyla a adoptée), Jean-Paul II affirme: “Dans le même temps, elle a été admise, avec la palme du martyre, dans le martyrologe de l’Eglise. Nous savons qu’elle a été exterminée, étant fille du peuple juif, dans les fours crématoires d’Auschwitz”. Edith Stein ne fut pas brûlée vive comme le laisse entendre Jean-Paul II (seul le cadavre fut brûlé!). Il est cependant indubitable 71 qu’elle mourut en camp de concentration. Fut-elle martyre, comme l’a proclamé JeanPaul II? Peut-être, puisqu’elle se convertit au christianisme et devint moniale de clôture, ce qu’elle était lorsqu’elle fut déportée. Certes elle ne fut pas martyre “en tant que fille du peuple juif”. Ce qui ne veut pas dire qu’il soit licite de tuer quelqu’un seulement parce qu’il est “enfant du peuple juif” (tout meurtre direct d’un innocent est un crime), mais cela signifie que pour être “martyr de la foi chrétienne” il faut être tué en haine de la foi chrétienne, cela va de soi, et non pour un autre motif, quel qu’il soit. Il est vraiment désolant de devoir rappeler des choses qui devraient être évidentes, mais qui pourtant ne le sont plus. [En note: déjà dans son discours aux membres de l’Association des Victimes du Camp de Concentration d’Auschwitz-Birkenau (O.R. éd. it., 10-11 juin 1996, p. 1), Jean-Paul II avait attribué à toutes les victimes d’Auschwitz, chrétiennes et non chrétiennes, le titre de “martyres”]. JUBILÉ... À ROME OU À JÉRUSALEM? Depuis l’an 1300 pour chaque Année Sainte les catholiques du monde entier sont invités à se rendre à Rome, capitale de la chrétienté. Le Jubilé de l’an 2000 n’a plus, lui, un pôle unique mais deux: Rome et Jérusalem. “Chaque année l’Opera Romana Pellegrinaggi - dit Jean-Paul II à l’occasion de la Vème journée du Malade célébrée le 11 février 1997 - propose un geste prophétique de paix: cette année a été prévu un pèlerinage à Hébron sur la tombe des Patriarches, lieu sacré pour les trois grandes religions monothéistes, comme vœu de paix en Terre Sainte. Je prie afin que ce geste, au nom du Père commun Abraham, constitue le début d’une nouvelle floraison de pèlerinages de réconciliation, en vue du grand jubilé de l’An 2000. Que Jérusalem et Rome puissent devenir les pôles d’un pèlerinage de paix universel, soutenu par la foi dans l’unique Dieu, bon et miséricordieux” (O.R. éd. fr., 18 février 1997, p. 2). Qu’en pensera notre “père commun Abraham”? Il est vrai que, fidèle à JésusChrist, il ne reconnaît certainement pas les fils que Jean-Paul II lui attribue. Selon la chair, un grand nombre de musulmans et de juifs descendent d’Abraham, tandis que de ce même point de vue un plus grand nombre encore de chrétiens n’ont rien à voir avec lui. Selon l’esprit et la foi au contraire, seul les chrétiens sont fils d’Abraham. Jean-Baptiste disait déjà aux juifs: “Et n’essayez pas de dire en vous-mêmes: ‘Nous avons Abraham pour père’ car je vous dis que de ces pierres mêmes Dieu peut faire naître des enfants à Abraham” (Mt. 3, 9). Et aux juifs incrédules Jésus déclara que leur père n’était ni Abraham (Jn 8, 39) ni Dieu (Jn 8, 42), mais le diable: “Le père dont vous êtes issus c’est le diable” (Jn 8, 44). Les paroles de Jean-Paul II sur un Dieu et un Père commun (Abraham) aux chrétiens, aux musulmans et aux juifs sont donc contraires à la Sainte Ecriture. Hagiographie “Je suis prêt à mourir pour la cause de Dieu et de son Eglise”. VIE DE SAINT THOMAS BECKET, ARCHEVEQUE DE CANTORBERY PREMIERE PARTIE Par M. l’abbé Ugolino Giugni Introduction L e saint dont je traiterai dans cet article est un martyr qui a accepté la mort pour ne pas trahir l’Eglise et la fidélité au Souverain Pontife et pour en défendre les droits contrecarrés par le roi. St Thomas nous enseigne à aimer l’Eglise, et nous rappelle que rien n’est petit au service de Dieu; la Sainte Eglise doit être libre d’exercer sa mission suprême du salut des âmes, que tout pasteur et tout chrétien doivent être prêts à sacrifier leur vie afin de défendre ses droits. Ce saint nous est donc d’une grande aide et d’un grand encouragement dans les temps difficiles où nous vivons. Période historique Nous sommes au Moyen Age, environ cent ans après les événements de Canossa qui ont eu comme protagoniste le glorieux Pape St Grégoire VII dont nous avons déjà parlé dans les pages de cette revue ( 1 ). L’idée grégorienne a désormais triomphé, mais les séquelles de la querelle des investi- 72 tures (qui s’est conclue, à proprement parler, avec le concordat de Worms de 1112) se prolongent encore avec la lutte entre le Pape Alexandre III et l’empereur Frédéric Barberousse de Hohenstaufen (2). Après la mort d’Adrien IV à Anagni en 1159 le conclave, sous le signe du désaccord entre le Pape et l’empereur, avait élu le cardinal Orlando Bandinelli, déjà chancelier de l’Eglise Romaine qui prit le nom d’Alexandre III (1159-1181). Mais une minorité de tendance impériale (seulement 4 voix sur 7) “élut” un antipape sous le nom de Victor IV qui était soutenu par Frédéric Ier. Alexandre III excommunia l’empereur et l’antipape et délia les sujets de Frédéric du serment de fidélité, comme l’avait déjà fait St Grégoire VII. Cette lutte entre papauté et empire dura 17 ans et servit de toile de fond aux péripéties de St Thomas Becket dans ses rapports difficiles avec le roi Henri II. Elle explique l’attitude particulièrement prudente du Pape Alexandre qui voulait éviter que le roi d’Angleterre, qui durant le schisme avait reconnu la légitimité d’Alexandre III, ne se ralliât au contraire pour l’antipape (en effet durant le différend entre le roi et l’archevêque, le premier se rapprocha beaucoup du parti de Frédéric Ier préludant à un éventuel changement de “pape”). d’Etat ou nationale [cette fâcheuse tendance se concrétisa de manière définitive avec le schisme anglican du temps d’Henri VIII. C’est également à ce moment qu’un autre St Thomas, le More, mourut martyr pour défendre les droits de l’Eglise et du Souverain Pontife]. C’est précisément contre cette tendance que luttèrent d’abord St Anselme d’Aoste et ensuite St Thomas Becket qui furent tous deux, bien qu’à des époques différentes, archevêques de Cantorbéry. A la mort d’Henri Ier, puisqu’il n’y avait aucun héritier désigné, s’ouvrit une période chaotique pour l’Angleterre à cause des revendications légitimistes de sa fille Mathilde, veuve de l’empereur de Germanie Henri V (fils de cet Henri IV qui s’affronta avec St Grégoire VII) qui ne purent empêcher le couronnement d’Etienne de Blois, neveu du côté de la mère du Conquérant (Adèle, sa mère, était en effet la fille de Guillaume le Conquérant). Cette Mathilde, première femme d’Henri V et qui épousa en secondes noces Geoffroi Plantagenêt comte d’Anjou, revendiqua le droit au trône d’Angleterre pour son fils aîné Henri II qui monta sur le trône en 1154 et devint ainsi le premier roi de la dynastie des Plantagenêts. Le roi Henri II… La situation en Angleterre En 1066 après la bataille de Hastings contre le dernier roi anglo-saxon Harold II, Guillaume de Normandie “le Conquérant” s’était emparé du pays et avec le consentement du pape Alexandre II y avait établi la domination normande. Bien qu’il pratiquât le vieux système féodal pour les investitures ecclésiastiques, il favorisa la réforme grégorienne en prenant position contre le concubinat et la simonie du clergé aidé par le bon archevêque de Cantorbéry Lanfranc. Son grossier fils Guillaume II “Le Roux” (1087-1100) qui faisait commerce des charges ecclésiastiques, persécuta ouvertement l’archevêque de Cantorbéry St Anselme d’Aoste qui fut obligé de partir en exil auprès du pape Urbain II; St Anselme ne put revenir en Angleterre que sous le règne du frère et successeur de Guillaume II: Henri Ier. A cause des ingérences des souverains dans la vie de l’Eglise et du fait de la grande distance qui séparait l’Angleterre de Rome ainsi que de la situation particulière du pays, l’église anglaise tendit à se développer toujours plus en église Henri était un homme de culture peu commune pour son temps, c’était un linguiste très doué et il parlait le latin et le français. Il avait de profondes notions de droit et suivait l’antique coutume de siéger lui-même au jugement pour instruire les causes. Il était doué d’une énergie hors du commun. “Il ne reste jamais immobile, on ne le voit jamais assis: Henri II Plantagenêt 73 même quand il mange ou tient conseil il reste debout causant une grande gêne à ses courtisans et dignitaires”. “Il était capable de marcher ou de chevaucher jusqu’à ce que serviteurs et courtisans soient complètement exténués et que ses pieds et ses jambes soient recouverts d’ampoules et de plaies… les hommes restaient intimidés quand ils le regardaient même s’ils l’avaient déjà vu un millier de fois” (3). A peine âgé de dix-neuf ans Henri avait épousé une des femmes les plus en vue de son temps: Eléonore d’Aquitaine, ex-épouse du roi de France Louis VII (4), qui déjà du temps de la seconde croisade ne jouissait pas d’une trop bonne réputation. Ce mariage lui avait apporté en dot l’Aquitaine pour laquelle, avec l’Anjou, la Normandie et le Maine, il était vassal du roi de France; mais cet empire continental représentait une grave menace pour les Français. Parvenu au trône Henri avait commencé à restaurer les droits et les privilèges royaux fortement compromis par des temps troublés, en revendiquant le contrôle des diocèses et des abbayes au motif de l’importante position que l’église anglaise occupait dans la structure sociale et politique du royaume, organisé d’après le droit féodal. Voici ce que dit de lui Mgr Benigni: “Henri marqua dans l’histoire de l’Eglise le retour du type abhorré du genre de l’empereur Henri IV; nous le retrouverons sous peu sur le trône de France sous le nom de Philippe le Bel. Le Plantagenêt hérita complètement de la politique ecclésiastique et économique normande de la mainmise sur la vie sociale et économique de l’Eglise, mais la poussa à des excès inouïs dans l’île. Voulant se comporter en patron despotique sur les nominations, les fonctions, et les prébendes ecclésiastiques, Henri trouva habile de nommer au siège de Cantorbéry un laïc de sa cour, précisément le chancelier Thomas Becket. Henri IV ne s’était pas moins trompé en faisant élire Hildebrand” (5). L’archevêque Depuis sa jeunesse Henri était lié par l’amitié avec Thomas Becket; il le fit d’abord son chancelier (6), et après la mort de l’archevêque Thibaut (18 avril 1161) il le fit élire, de manière canoniquement correcte, comme métropolite et primat de l’Eglise anglaise. “Le souverain était très satisfait de son chancelier sur qui il comptait pour ses opiniâtres desseins d’oppression. Il avait échappé au rusé que si le chancelier avait été un fidèle et actif serviteur du roi, le primat l’aurait été à plus forte raison de l’Eglise, et que si le chancelier avait aidé le roi à réprimer les intrigues centrifuges des barons, le primat se serait opposé aux intrigues centrifuges du mauvais chrétien couronné contre l’Eglise. Certainement, s’il y eut un primat qui monta sur le trône épiscopal rempli de bonnes intentions à l’égard du souverain, et avec le trésor d’expérience et de tact pour éviter jusqu’aux limites de l’honnêteté possible les luttes, ce fut bien Becket. Mais comme Hildebrand avec Henri le Salique, Thomas avec le Plantagenêt était destiné à une lutte inexpiable. La prévention du milieu ecclésiastique forcé par le roi à donner à Thomas la succession de Thibaut, fut étrange. La réputation du chancelier fidèle à réprimer les barons rupestres, fit craindre les prélats électeurs (…). Peu, pensons-nous, ont vu clair dans cet état d’esprit du chancelier fait primat. Alors tous se trompèrent: le roi dans ses espérances, le clergé dans ses craintes” (7). Thomas Becket: origines et jeunesse L’origine de Thomas Becket est un peu controversée. Les auteurs modernes considèrent comme une légende l’histoire de sa mère qui de musulmane qu’elle était, se serait faite chrétienne pour épouser Gilbert Becket. L’abbé Pierre Balan, qui a écrit une longue biographie de Becket dit en note avoir douté lui aussi; mais il reconnaît s’être convaincu du contraire après avoir approfondi dans de “nombreux historiens modernes et sérieux et dans deux anciens” étant donné que “les arguments portés par les adversaires sont trop faibles pour faire douter raisonnablement de sa véracité” (8). La “Bibliotheca Sanctorum” ne dit pas un mot de l’origine musulmane de sa mère, mais la définit d’“origine normande et exceptionnellement pieuse” (9) démontrant ainsi ne tenir aucun compte de la tradition. Mgr Benigni confirme l’origine musulmane de la mère de Becket. S’agissant d’une histoire très belle et édifiante nous la rapportons telle que nous l’avons trouvée chez les auteurs qui en parlent. Parmi les Normands qui allèrent en Palestine pour la première croisade il y eut un certain Gilbert Beck, appelé par diminutif Becket, de Londres (10) lequel fut fait prisonnier dans un combat par un sarrasin appelé 74 Amirald. La fille du sarrasin commençant à avoir compassion pour la manière avec laquelle il supportait son infortune s’éprit de Gilbert. En parlant avec lui, elle le questionna sur sa patrie et sa foi au Christ, sur les récompenses et les châtiments futurs. La jeune femme manifesta le désir d’être baptisée elle aussi si Gilbert l’épousait. Le prisonnier n’ayant pas confiance, il fit traîner la chose tant qu’il ne réussit pas à s’enfuir et à se sauver en terre chrétienne pour ensuite rentrer en Europe. Il paraît que la jeune fille abandonnée s’affligea davantage d’être restée encore païenne que d’avoir perdu son futur mari. Ayant rassemblé ses biens (or et pierres précieuses) elle quitta la maison de son père et ne mettant sa confiance que dans le Dieu des Chrétiens, elle traversa les terres musulmanes pour arriver près de celles occupées par les Francs. Là elle se joignit à des pèlerins qui retournaient en Europe et grâce à quelqu’un qui connaissait sa langue elle s’embarqua pour l’Angleterre. Arrivée sur l’Ile, délaissée par les pèlerins qui rejoignaient leurs maisons, elle continuait à répéter “Londres, Londres”. Parvenue dans cette ville, puisqu’elle n’avait pas d’autre façon pour s’expliquer et se faire comprendre, elle continuait à répéter “Gilbert, Gilbert”. Parmi les gens qui tournaient autour pour se moquer d’elle et pour observer “cette bête curieuse” il y eut un serviteur de Gilbert Becket qui avait été avec lui en Orient: il reconnut la jeune femme et annonça stupéfait la nouvelle à son maître. La jeune fille par ordre de Gilbert fut conduite chez une dame qui la soigna comme une fille, tandis que Gilbert allait demander conseil sur ce fait extraordinaire à plusieurs évêques craignant Dieu. L’un d’eux, un certain Raulph, évêque de Chichester, en écoutant le récit s’écria: “Ici ce n’est pas la main de l’homme, c’est la main de Dieu qui opère et d’un mariage entre Gilbert et celle-ci, naîtra un fils qui illustrera l’Eglise par l’exemple et les souffrances”. Ce fut d’un avis unanime que Gilbert l’épousa une fois devenue chrétienne. De son côté la jeune femme confessa publiquement qu’elle était venue de pays aussi lointains uniquement pour avoir le baptême et être épousée par Gilbert. Baptisée solennellement sous le nom de Mathilde elle fut ensuite unie sacramentellement à Gilbert. Le mariage fut béni par Dieu et très vite Mathilde, le 21 décembre 1119 mit au monde un enfant qui fut baptisé sous le nom de Thomas. L’enfant grandit au milieu des soins de sa très pieuse mère, fervente chrétienne, qui lui inculqua une profonde dévotion à la Très Sainte Vierge Marie et des attentions de son père, qui étant riche, put l’éduquer dans les études, dont, grâce à son intelligence, il retira de très grands fruits. Sa mère avait l’habitude de le peser de temps en temps et de donner l’équivalent de son poids, en nourriture, vêtements et argent aux pauvres mendiants, en priant Notre-Dame de le faire croître en vertu et piété. Thomas fit d’abord ses études auprès de l’abbé Robert de Merton, puis alla à Oxford, à Paris, et à l’université de Bologne. A l’âge de vingt ans sa mère mourut et son père désormais âgé et en proie à des difficultés financières ne put plus prendre soin de lui comme il aurait voulu; Thomas fut donc mis sous la protection de Richer de l’Aigle, un riche seigneur qui fréquentait la maison de son père et qui le voulut comme compagnon de chasse et de table. Au milieu de tous ces plaisirs le jeune Thomas n’oubliait pas d’être chrétien: il ne contamina jamais sa conscience par ces fautes dans lesquelles tombent souvent les jeunes gens mais se montra toujours prudent en évitant même les plus légères, au point qu’on ne l’entendit jamais dire un seul mensonge. Après la mort de son père ses belles qualités d’éloquence, de prudence, de gaieté, de gentillesse lui permirent de fréquenter les nobles normands et en lui grandit d’abord le désir des honneurs et des dignités, mais très vite il s’aperçut que tout cela ne satisfaisait pas son cœur et au milieu des joies qui s’évanouissaient comme la fumée il ne trouvait que fatigue et ennui. Dieu évidemment l’appelait ailleurs. En fréquentant les barons normands il avait connu leurs abus et leurs violences contre le clergé et ses membres avec lesquels ils perpétraient l’usurpation des droits d’autrui. Thomas ne pouvait supporter tout ceci et désirait s’éloigner de ce milieu qui ne lui convenait pas; cette expérience lui sera cependant utile par la suite. L’appel de Dieu: Thomas devient clerc L’archevêque de Cantorbéry Thibaut, ayant entendu parler en très bons termes du jeune Becket, l’appela parmi ses familiers. Thomas alla habiter à la cour de l’archevêque devenant vite l’un de ses plus fidèles conseillers et se faisant aimer tant de l’évêque que de tous les membres de sa maison. Ce fut à cette époque que Thomas, avec 75 cet esprit romain de fidélité au Souverain Pontife, et de fermeté dans la doctrine qui fut peut-être plus grande en lui que dans ses prédécesseurs et qui le conduira au martyre. Pendant ce temps en 1154 était monté sur le trône, à l’âge de 19 ans, Henri II qui fut couronné à Westminster par Thibaut archevêque de Cantorbéry. A suivre. Notes St Thomas Becket, chancelier d’Henri II et archevêque de Cantorbéry la permission de l’archevêque, se rendit pendant une année en Italie à l’université de Bologne pour étudier le droit. L’archevêque avait l’habitude de confier à son protégé les nombreuses affaires concernant son siège, le consultait pour tout, et répétait souvent qu’il n’avait jamais trouvé une personne aussi fidèle que Thomas. Seul un homme à la cour de Cantorbéry s’opposait à Becket en essayant de le montrer sous un jour défavorable par des méchancetés, grossièretés et calomnies: c’était l’archidiacre Roger de Pont-l’Evêque. L’épreuve ne dura pas longtemps pour Becket, puisque, le siège épiscopal d’York étant devenu vacant, Roger fut appelé à en prendre possession. Ce fut providentiel pour Thomas de connaître le caractère de cet homme puisqu’on le retrouvera, plus tard, qui combattra contre lui (11). Le départ de Roger de la cour de Cantorbéry rendit vacant la charge d’archidiacre, et l’archevêque Thibaut voulant avoir toujours à proximité Thomas saisit l’occasion pour y mettre Becket. Thomas Becket devint ainsi archidiacre de Cantorbéry obtenant aussi la prévôté de Beverley. Dans sa nouvelle charge Becket rendit de grands services à l’Eglise, en traitant des affaires importantes pour le diocèse et toute l’Eglise anglaise (12). Il séjourna plusieurs fois à Rome, ce qui lui permit de connaître toujours plus profondément les conditions, les droits et les canons de l’Eglise Romaine en puisant à la source 1) Cf. Sodalitium n° 30-31 pp. 49-58 et n° 32 pp. 3-26. 2) Pour faciliter la compréhension du lecteur et établir un lien voici la liste des papes légitimes de St Grégoire VII à Alexandre III: St Grégoire VII (1073-85) Bhx Victor III (1086-87) Bhx Urbain II (1088-99) Pascal II (1099-1118) Gélase II (1118-19) Callixte II (1119-24) Honorius II (1124-30) Innocent II (1130-43) Célestin II (1143-44) Lucius II (1144-45) Bhx Eugène III (1145-53) Anastase IV (1153-54) Adrien IV (1154-59) Alexandre III (1159-81) Lucius III (1181-85) Urbain III (1185-87). 3) JOHN HARVEY, I Plantageneti, dall’Oglio, 1965. 4) Au retour de la seconde croisade le pieux roi à la requête de son épouse avait demandé l’annullation du mariage non pour cause d’adultère mais, par un ultime égard envers la reine, à cause d’un lien de consanguinité existant entre les époux (ils étaient cousins éloignés). 5) M GR U MBERTO B ENIGNI , Storia sociale della Eglise, vol. V. La crisi medievale, Francesco Vallardi, Milano 1933, p. 234. 6) Dans certains pays anglo-saxons la charge de chancelier est une des plus importantes de l’état et correspond à celle de premier ministre. 7) U. BENIGNI, op. cit., pp. 234-235. 8) ABBÉ PIETRO BALAN, San Thomas di Cantorbery e i suoi tempi, Imm. Concezione, Modena 1867, pp. 25-26 note 2. 9) Bibliotheca Sanctorum, Città Nuova editrice, Roma 1969. Vol XII. Il faut dire que cet ouvrage complété après le Concile Vatican II est de tendance moderniste et rationaliste. 10) D’après certains ses origines étaient modestes. Selon Balan, qui cite Guglielmo Fitz-Stephen, il aurait été un riche marchand, mais “d’origine non méprisable et peut-être noble”. 11) Cet homme, devenu archevêque d’York, se trouvera aussi du mauvais côté au moment du différend entre le roi et Thomas Becket, en soutenant les abus du roi et en arrivant à couronner en 1170 le fils du roi contre la défense du primat qui se trouvait en exil en France. 12) Parmi les affaires dont il s’occupa il y eut peutêtre aussi la cause de la reine Mathilde pour la succession au trône d’Angleterre de son fils Henri II. 76 Recensions LES MYTHES FONDATEURS DU SIONISME Introduction L e Professeur Roger Garaudy a publié, récemment, un intéressant ouvrage intitulé Les mythes fondateurs de la politique israélienne, très bien documenté (il a demandé près de dix années de recherches et comporte environ cent-cinquante citations); même si l’on ne partage pas en tout ses idées, spécialement lorsqu’il parle des mythes théologiques, du fait d’une conception moderniste et rationaliste de l’exégèse qui le porte à ne pas comprendre l’esprit du livre de Josué. Nonobstant les énormes divergences doctrinales qui me séparent du penseur français, communiste et musulman, je ne peux moins faire que de reconnaître la grande valeur scientifique de son livre, que j’essayerai de résumer, pour le présenter à l’attention du lecteur, l’invitant à lire l’ouvrage lui-même et à le faire lire. Le mythe de l’antinazisme sioniste Martin Buber, une des personnalités juives les plus importantes de ce siècle, a déclaré: «Cette phase organique de l’établissement en Palestine dura jusqu’à l’époque d’Hitler. C’est Hitler qui a poussé des masses de juifs à venir en Palestine (...) La majorité des juifs a préféré apprendre d’Hitler que de nous». Source: «Jewish Newsletter» 2-06-1958. Le rabbin Elmer Berger, ancien Président de la Ligue pour le judaïsme déclarait: «Il est inadmissible pour quiconque de prétendre que l’implantation actuelle de l’Etat d’Israël est l’accomplissement d’une prophétie biblique et, par conséquent, que toutes les actions accomplies par les Israéliens pour instaurer leur Etat et pour le maintenir sont d’avance ratifiées par Dieu. (...) Lorsque les Prophètes ont évoqué la restauration de Sion, ce n’était pas la terre qui avait par ellemême un caractère sacré. (...) C’était la restauration de l’Alliance avec Dieu (...). Michée dit (...): “Ecoutez-donc, chefs de la maison de Jacob, et dirigeants de la maison d’Israël (...) vous qui haïssez le bien et aimez le mal (...) qui bâtissez Sion dans le sang et Jérusalem dans le crime (...) Sion sera labourée comme un champ, Jérusalem deviendra un monceau de ruines, et la montagne du Temple un haut lieu d’idolâtrie” (Michée, III, 1-12). Sion n’est sainte que si la Loi de Dieu règne sur elle. (...) La tradition prophétique montre clairement que la sainteté de la terre ne dépend pas de son sol, ni celle de son peuple, de sa seule présence sur ce territoire. (...) L’actuel Etat d’Israël n’a aucun droit à se réclamer de l’accomplissement du projet divin pour une ère messianique (...). C’est là pure démagogie du sol et du sang. Ni le peuple ni la terre ne sont sacrés...». Source: R ABBIN E LMER B ERGER , Prophecy, Zionism and the State of Israel, American Jewish Alternatives to Zionism, conférence prononcée à l’Université de Leiden le 20-03-1968. Lecture intégriste du sionisme politique «Les habitants du monde peuvent être répartis entre Israël et les autres nations prises en bloc. Israël est le peuple élu: dogme capital». Source: Rabbin C OHEN , Le Talmud, Payot, Paris 1986, p. 104. Haïm Cohen, qui fut Juge à la Cour Suprême d’Israël, constate: «L’amère ironie du sort a voulu que les mêmes thèses biologiques et racistes propagées par les nazis et qui ont inspiré les infamantes lois de Nuremberg, servent de base à la définition de la judaïcité au sein de l’Etat d’Israël» (cf. JOSEPH BADI, Fundamental Laws of the State of Israel, New York 1960, p. 156). Le “théoricien de la race”, Julius Streicher, répondait aux juges de Nuremberg (en 1945, n.d.r.), au sujet des lois raciales promulguées à Nuremberg en 1935, que: «Il fallait empêcher à l’avenir tout mélange de sang allemand et de sang juif. (...) J’ai toujours répété que nous devions prendre la race juive pour modèle. (...) Les Juifs devaient être considérés comme un modèle par les autres races, car ils se sont donné une loi raciale. (...) Ce sont ces lois juives qui ont été prises pour modèle». Source: Tribunal Militaire International de Nuremberg, 14-11-1945 - 1-10-1946: débats du 26-04-1946, Trial of Major War Criminals, Washington 1946-1949, XII, doc. 321. «Selon la volonté du Führer, les lois de Nuremberg (de 1935, n.d.r.) n’impliquent pas 77 vraiment des mesures propres à accentuer la haine raciale. (...) Au contraire, de telles mesures signifient le début d’une accalmie dans les relations entre le peuple juif et le peuple allemand. Si les Juifs avaient déjà leur propre Etat, dans lequel ils se sentiraient chez eux, la question juive pourrait être considérée comme résolue, tant pour les Juifs que pour les Allemands. C’est pour cette raison que les sionistes les plus convaincus n’ont pas élevé la moindre opposition contre l’esprit des lois de Nuremberg». Source: Commentaire des conseillers dans le recueil: Les lois de Nuremberg, cit. in R. GARAUDY, op. cit., p. 60. Judéo-paganisme En 1941 Itzak Shamir commit «un crime impardonnable (...): prôner une alliance avec Hitler, avec l’Allemagne nazie contre la Grande-Bretagne». Source: M. BAR ZOHAR, Ben Gourion. Le Prophète armé, Fayard, Paris 1966, p. 99. «Lorsque commença la guerre contre Hitler, la quasi-totalité des organisations juives s’engagea aux côtés des alliés (...), mais le groupe sioniste allemand, à l’époque (...) minoritaire, prit une attitude inverse et, de 1933 à 1941 s’engagea dans une politique de compromis et même de collaboration avec Hitler. Les autorités nazies, (...) dialoguaient avec les dirigeants sionistes allemands et leur accordaient un traitement de faveur en les distinguant des juifs “intégrationistes” auxquelles ils faisaient la chasse. L’accusation de collusion avec les autorités hitlériennes ne s’adresse pas à l’immense majorité des juifs, (...) mais à la minorité fortement organisée des dirigeants sionistes. Leur préoccupation unique (...) et leur vision raciste du monde, les rendaient beaucoup plus anti-anglais qu’anti-nazis. (...). En date du 5 septembre 1939 (...) Chaïm Weizmann, Président de l’Agence Juive, écrivit à Chamberlain (...): “Nous Juifs, nous sommes aux côtés de la Grande-Bretagne et combattrons pour la démocratie”. (...) Reproduite dans le Jewish Chronicle du 8 septembre 1939, cette lettre constituait une authentique déclaration de guerre du monde juif à l’Allemagne et posait le problème de l’internement de tous les Juifs allemands dans des camps de concentration». Source: R. GARAUDY, op. cit., pp. 65-67. «Les dirigeants sionistes ont fait preuve, à l’époque du fascisme hitlérien et mussolinien, d’un comportement équivoque allant du sabotage de la lutte antifasciste à la tentative de collaboration. L’objectif essentiel des sionistes n’était pas de sauver des vies juives mais de créer un Etat juif en Palestine». Source: YVON GELBNER, Zionist policy and the fate of European Jewry, in “Yad Vashem Studies”, XII, p. 199, Jérusalem. «(Les sionistes, n.d.r.) rejoignaient la préoccupation fondamentale de tout racisme, y compris hitlérien: la pureté du sang. C’est pourquoi, les nazis, en fonction même de l’antisémitisme qui les animait, (...) considéraient les sionistes comme des interlocuteurs valables (...). De cette collusion existent les preuves. La Fédération sioniste d’Allemagne adresse au parti nazi le 21 juin 1933, un mémorandum déclarant (...): “Dans la fondation du nouvel Etat, qui a proclamé le principe de la race, nous souhaitons adapter notre communauté à ces nouvelles structures (...) notre reconnaissance de la nationalité juive nous permet d’établir des relations claires et sincères avec le peuple allemand et ses réalités nationales et raciales”». Source: LUCY DAVIDOWICZ, A Holocaust reader, p. 155. «Les dirigeants hitlériens accueillent favorablement l’orientation des chefs sionistes qui, par leur souci exclusif de constituer leur Etat en Palestine, rejoignent leur désir de se débarrasser des juifs». Source: A. R OSEMBERG , Die Spur des Juden im Wandel der Zeiten, Lehmann, Munich 1937, p. 153. «Le Betar allemand reçut un nouveau nom: Herzlia. Les activités du mouvement devaient obtenir bien sûr l’approbation de la Gestapo. Un jour, un groupe de SS attaqua un camp d’été du Betar. Le chef du mouvement se plaignit alors auprès de la Gestapo et, quelques jours plus tard, la police secrète annonça que les SS en question avaient été punis». Source: B EN -Y ERUHAM , Le Livre de Betar, T. II, p. 350. «Le sionisme n’est pas en contradiction avec le programme du national-socialisme dont l’objectif est de faire partir progressivement les Juifs d’Allemagne». Source: Lettre n° Z U 83-21. 28/8 du 13 avril 1935. «Misant sur son opposition à l’Angleterre, les dirigeants sionistes avaient pris contact avec Mussolini. Il les avait reçus le 20 décembre 1922». Source: RUTH BONDY, The Emissary: a life of Enzo Sereni, p. 45. 78 «Weizmann fut reçu par Mussolini le 3 janvier 1923, et une autre fois le 17 septembre 1926; Nahum Goldmann s’entretint le 26 octobre 1927 avec Mussolini qui lui dit: “Je vous aiderai à créer cet Etat juif”». Source: N AHUM G OLDMANN , Autobiographie, op. cit., p. 170. «Cette politique de collaboration atteignit son point culminant en 1941, lorsque le groupe le plus extrémiste des sionistes, le Lehi (...) dirigé par Abraham Stern et, après sa mort, par un triumvirat dont faisait partie Itzak Shamir, commit un “crime impardonnable” (...) prôner une alliance avec Hitler, (...) contre la Grande-Bretagne». Source: M. BAR ZOHAR, Ben Gourion. Le Prophète armé, op. cit., p. 99. Théodore Herzl, le père du sionisme moderne, déclarait: «Les antisémites deviendront nos amis les plus sûrs, les pays antisémites nos alliés». Source: T. HERZL, Diaries, p. 19. Nuremberg 1945: malheur aux vaincus «Lorsque Hitler obtint (...) la majorité absolue au Reichstag, l’aide apportée au réarmement de l’Allemagne, par les hommes du dollar, de la livre et du franc fut décisive. (...) Le réarmement fut largement financé par les grands trusts américains, anglais et français. (...) Ainsi la Livre et le Dollar participèrent-ils au complot qui porta Hitler au pouvoir». Source: R. GARAUDY, op. cit., pp. 93-94. «En 1942 le Ministre britannique Lord Vansittart (...) dit: “Les seuls bons Allemands sont les Allemands morts; donc, que les bombes pleuvent!”». Source: “American heritage”, août-septembre 1985. «Ni Churchill, ni Staline, ni Truman ne furent assis au banc des criminels de guerre. Pas plus d’ailleurs que ne furent mis en cause les auteurs des plus ignobles appels au crime. Pour n’en citer que deux exemples (...): l’appel à un “génocide”, (...) lancé en 1942 par le livre du Juif américain Theodor N. Kaufman: Germany must perish, dont la thèse principale est la suivante: “Les Allemands (quels qu’ils soient: antinazis, communistes ou même philosémites) ne méritent pas de vivre. En conséquence après la guerre on mobilisera 20.000 médecins pour stériliser chacun 25 allemands par jour, de sorte qu’en trois mois il n’y ait plus un seul Allemand ca- pable de se reproduire, et qu’en 60 ans la race allemande soit totalement éliminée”. En second lieu, Ilya Ehrenbourg, dans son Appel à l’Armée Rouge publié en octobre 1944, écrit: “Tuez! Tuez! Chez les Allemands, il n’y a pas d’innocents, ni parmi les vivants, ni parmi ceux à naître!” (cité par l’amiral Dœnitz, Dix ans et 20 jours, pp. 343344). Ceux-là non plus ne figuraient pas parmi les accusés de Nuremberg (...). Ni les responsables anglo-américains du bombardement de Dresde, qui fit 200.000 victimes civiles, et sans aucun intérêt militaire, puisque l’Armée soviétique avait dépassé ses objectifs. Ni le coupable, Truman, de l’Apocalypse atomique (...) qui fit 300.000 victimes civiles, là aussi sans nécessité militaire puisque la reddition du Japon était déjà décidée par l’Empereur». Source: R. GARAUDY, op. cit., pp. 100-101. Le statut de Nuremberg fut ainsi défini: «Art. 19: le Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques relatives à l’administration des preuves. Il adoptera (...) une procédure non formaliste (...). Art. 21: le Tribunal n’exigera pas que soit apportée la preuve des faits de notoriété publique, mais les tiendra pour acquis». Source: R. GARAUDY, op. cit., p. 101. “Le mythe des six millions” «Le mythe des 6 millions de Juifs exterminés est devenu un dogme justifiant, sacralisant (comme l’implique le mot même “holocauste”), toutes les exactions de l’Etat d’Israël en Palestine, (...) dans toute la politique mondiale, en plaçant Israël au-dessus de toute loi internationale. Le Tribunal de Nuremberg a officialisé ce chiffre, qui n’a cessé depuis, de servir à manipuler les opinions publiques (...). Or, ce chiffre ne s’appuie que sur deux témoignages: celui de Hœttl et un autre de Wisliceny. Voici ce que déclara aux juges (...) le premier (...): “Dans les différents camps d’extermination environ 4 millions de juifs avaient été tués alors que 2 millions avaient trouvé la mort d’une autre manière”». Source: Trial of the Major War Criminals, op. cit., IV, p. 657. Wisliceny, de son côté, raconta: «Il (Eichmann) disait qu’il sauterait en riant dans la tombe, car l’impression d’avoir 5 millions de personnes sur la conscience serait pour lui source d’une extraordinaire satisfaction» (op. cit.). 79 De ces deux témoignages, M. Poliakov lui-même dit: «Un chiffre si imparfaitement étayé doit être considéré comme suspect». Source: «Revue d’Histoire de la seconde guerre mondiale», octobre 1956. “Le mythe de la ‘solution finale’” «Les textes fondamentaux, (...) pour établir ce que pouvait être la “solution finale”, sont (...) les ordres d’extermination attribués à (...) Hitler, Gœring, Heydrich et Himmler (...). Malgré les efforts des théoriciens du génocide et de l’holocauste, il n’en fut jamais trouvé aucune trace». Source: OLGA WURMSER-MIGOT, Le système concentrationnaire nazi, PUF, Paris 1968, p. 544 et p. 13. Cf. aussi: LUCY DAWIDOWICZ, The War against the jews, Holt-Rinehart-Winston, New York 1975, p. 121. Et encore: Walter Z. LAQUEUR, The terrible secret, Francfort-surle-Main, Vienne 1981, p. 190. Mais «L’histoire, (...) exige une perpétuelle “révision”. Elle est “révisionniste” ou bien elle est une propagande déguisée». Source : R. GARAUDY, op. cit., p. 110. «L’hypothèse est de créer hors de l’Europe une “réserve” juive, et Ribbentrop suggère alors le “projet Madagascar”». Source: JOSEPH BILLIG, La solution finale de la question juive, CDJC, Paris 1977, p. 58. Poliakov note: «Jusqu’à son abandon le “Plan Madagascar” fut parfois désigné (...) sous le nom de “solution finale” de la “question juive”». Source: L. P OLIAKOV , Le Procès de Jérusalem, Paris 1963, p. 152. que les juges n’en trouvaient pas de trace! (...) Stephen S. Pinter, l’un des juristes envoyés par les Etats-Unis à Dachau (...) écrit: “J’ai vécu à Dachau pendant 17 mois après la guerre comme juge militaire des Etats-Unis, et je puis témoigner qu’il n’y eut pas de chambre à gaz à Dachau (...). Il n’y eut également aucune chambre à gaz dans les camps de concentration en Allemagne. (...) L’on faisait ainsi usage du vieux mythe de propagande selon lequel des millions de juifs ont été tués. Je peux affirmer (...) qu’il y eut beaucoup de juifs tués, mais que le nombre de un million ne fut certainement jamais atteint...». Source: Lettre de STEPHEN S. PINTER à l’hebdomadaire catholique “Our Sunday Visitor”, 14 juin 1959, p. 15. “Le mythe de l’Holocauste” «Le terme Holocauste (...), marque mieux encore la volonté de faire du crime commis contre les juifs un événement exceptionnel sans comparaison possible avec les massacres des autres victimes du nazisme ni même avec aucun autre crime de l’histoire, car leurs souffrances et leurs morts avaient ainsi un caractère sacral (...). Le martyre des juifs devenait ainsi irréductible à tout autre (...) inaugurant ainsi un temps nouveau. Ce qui permettra à un rabbin de dire: “La création de l’Etat d’Israël, c’est la réponse de Dieu à l’Holocauste” (...). L’antisémitisme d’Hitler est lié (...) à la lutte contre le bolchevisme (...). Les premiers camps de concentration étaient destinés aux communistes allemands (...)». Source: “Le Monde”, 18 juillet 1990, p. 7. Le protocole de Wannsee (20 janvier 1942) Le mythe de la terre sans peuple, pour un peuple sans terre «Il s’agit d’un texte où il n’est pas question de chambre à gaz ni d’extermination, mais seulement de transfert de juifs dans l’Est européen. (...) Les Allemands, pour exprimer leur décision de refouler les Juifs hors de (...) leur espace vital, employèrent (...) des expressions (...) comme Ausschaltung (exclusion...) ou surtout Ausrottung (extirpation...). C’est ce dernier mot qui a été traduit par extermination qui, en allemand se dit Vernichtung». Source: E. J AECKEL -J. R OHWER , Der Mord an den Juden im Zweiten Weltkrieg, DVA, 1985, p. 67. «...L’arme du crime, c’était pourtant, selon les accusateurs, les “chambres à gaz”. Et voici «Les statistiques mêmes du gouvernement israélien, montrent que 15% des Israéliens sont religieux. Ceci n’empêche pas 90% d’entre eux d’affirmer que cette terre leur a été donnée par Dieu... auquel ils ne croient pas». Source: NATHAN WEINSTOCK, Le sionisme contre Israël, Maspéro, Paris 1969, p. 315. «La politique agraire des dirigeants israéliens est celle d’une spoliation méthodique de la paysannerie arabe (...). Pour effacer jusqu’au souvenir de l’existence de la population agricole palestinienne, et accréditer le mythe du “pays désert”, les villages arabes furent détruits, avec leurs maisons, leurs clô- 80 tures, et même leurs cimetières (...). Pour convaincre qu’avant Israël, la Palestine était un “désert”, des centaines de villages ont été rasés au bulldozer avec leurs maisons, leurs clôtures, leurs cimetières et leurs tombes». Source: I. SHAHAK, Le racisme de l’Etat d’Israël, op. cit., pp. 152 et suivantes. Le Lobby aux Etats-Unis «Le premier ministre d’Israël a beaucoup plus d’influence sur la politique étrangère des Etats-Unis au Moyen-Orient qu’il n’en a dans son propre pays». Source: P. FINDLEY, They dare to speak out, Lawrence Hill, Chicago 1989, p. 92. «Paul Findley, qui fut, pendant vingtdeux ans, Député au Congrès des EtatsUnis, (...) a décrit le fonctionnement actuel du lobby sioniste et sa puissance. Cette véritable “succursale du gouvernement israélien” contrôle le Congrès et le Sénat, la Présidence de la République, le “State department” et le Pentagone, de même que les “médias”, et exerce son influence dans les Universités comme dans les Eglises». Source: «Hearings». Part 9. 23 mai 1963. Garaudy parle de son expérience personnelle et conclut: «Désormais me sont fermées toutes les grandes portes: l’un de mes plus grands éditeurs s’entend dire, à son conseil d’administration: “Si vous publiez un livre de Garaudy, vous n’aurez plus les droits de traduction d’ouvrages américains”. M’accepter eût été faire exploser sa maison». (op. cit., p. 218). Le mythe du “miracle israélien”: les financements à Israël. «La force du poing juif vient du gant d’acier américain qui le recouvre, et des dollars qui le capitonnent». Source: Y. LEIBOWITZ, Israël et Judaïsme: ma part de vérité, p. 253. «Les livraisons allemandes ont été un facteur décisif dans l’essor économique d’Israël pendant ces dernières années. Je ne sais pas quel aurait été le sort d’Israël dans certains moments critiques de son économie, si l’Allemagne n’avait pas tenu ses engagements. Les voies ferrées, les téléphones, les installations portuaires, les systèmes d’irrigation, des branches tout entières de l’industrie et de l’agriculture ne seraient pas dans leur état actuel sans les réparations allemandes». Source: N. GOLDMAN, Autobiographie, op. cit., p. 286. Conclusion «Le présent livre, écrit l’auteur, n’a d’autre objet que de donner à tous les éléments leur permettant de juger les méfaits d’une mythologie sioniste qui, (...) a déjà engendré 5 guerres et constitue, par l’influence qu’exerce son lobby sur la puissance américaine et par là, sur l’opinion mondiale, une menace permanente pour l’unité du monde». (op. cit., p. 248). Il faut admettre que toutes les thèses soutenues par l’auteur indiquent les sources correspondantes. «La seconde guerre mondiale a fait 50 millions de morts, dont 17 millions de citoyens soviétiques et 9 millions d’Allemands. Le sionisme a voulu conférer aux souffrances des juifs un caractère sacral, unique, absolu, en rien comparable à celui des autres victimes. Pour atteindre cet objectif il a fallu violer toutes les règles de la recherche historique et scientifique: il fallait que “solution finale territoriale” signifie “extermination”, alors qu’aucun texte ne permet cette interprétation. Hitler avait déclaré le 2 janvier 1942: “Le juif doit quitter l’Europe. Le mieux est qu’ils aillent en Russie”». Source: A. HITLER, Monologues 1941-44, Albrecht Krauss Verlag. Hambourg 1980, p. 241. «En mai 1944, Hitler ordonne d’utiliser 200.000 juifs, (...) dans les usines d’armement ou dans les camps de concentration dans des conditions si horribles que les épidémies de typhus y firent des dizaines de milliers de victimes, exigeant la multiplication de fours crématoires». Source: R. GARAUDY, op. cit., pp. 257. En 1944 le typhus et la faim tuèrent “des dizaines de milliers” (op. cit., p. 257) de juifs, qui durent être brûlés pour éviter les épidémies; aucune trace de 6 millions, de chambres à gaz, d’“holocauste”. Au lecteur de juger, après avoir lu le dossier présenté, objectivement et scientifiquement, par le Professeur Garaudy. abbé Curzio Nitoglia ROGER GARAUDY Les mythes fondateurs de la politique israélienne Le livre peut être commandé à: Librairie du Savoir - Librairie Roumaine de Paris, 5 rue Malebranche - 75005 Paris. Tél.: 01-43-54-22-46, Fax: 01-43-26-07-19. 81 LIVRES REÇUS N ous signalons aux lecteurs certains des livres que nous avons reçus à la rédaction: * R.P. NOEL BARBARA. “Analyse critique des actes du IIème Congrès Théologique de la FSPX-Janvier 1996” et “Souvenez-vous dans vos prières de M. l’abbé Delmasure”. Forts dans la Foi, 16 rue des Oiseaux F 37000 Tours. Dans le premier opuscule, l’auteur critique les thèses du IIème congrès théologique de Sì Sì No No. L’abbé Murro s’est limité à l’intervention de l’abbé Marcille, le Père Barbara donne un bref panorama de tous les discours de ce congrès. Le second opuscule recueille des documents sur notre cher confrère de Cannes décédé le 11 septembre dernier: l’homélie prononcée par l’abbé Nitoglia à ses funérailles, le communiqué du diocèse, l’hommage de la municipalité de Théoule-sur-Mer, la lettre par laquelle l’abbé Delmasure communiqua sa décision de quitter sa paroisse pour défendre la foi catholique. * R.P. GEORGES VINSON. “Que vais-je faire de ma vie?” et “Dieu est-Il facultatif?”. Maison St Joseph, F 38470 Serre-Nerpol. Il s’agit de deux textes directement au service de la pastorale: un petit volume de 22 pages sur l’un des problèmes les plus importants de la vie: celui de la vocation, et un livre d’apologétique (sujet toujours d’actualité, aujourd’hui plus que jamais) où le Père Vinson aborde un peu tous les problèmes de manière volontairement populaire, sans les exigences du théologien (par ex. pour l’infaillibilité, on pourrait préciser qu’elle ne s’étend pas seulement à ce qui est révélé mais aussi à ce qui est connexe au révélé, etc.). * HENRY COSTON (présente). “Antoine de Rivarol et l’émigration” et “L’âge d’or des années noires. Le cinéma, arme de guerre?”. Publications H. C., B. P. 92-18, 75862 Paris Cedex 18. Les livres d’Henry Coston, l’un des pères nobles de l’antimaçonnisme, n’a pas besoin de recommandations. La réédition d’un opuscule de 1795 attribué à Rivarol fournit à Coston l’occasion de décrire les lumières et les ombres du milieu des émigrés qui avaient fui la Révolution maçonnique... parmi lesquels cependant les maçons ne manquaient pas. Dans L’âge d’or... Coston commence sa biographie et, en même temps, dévoile le rôle de la maçonnerie et du judaïsme (comme de leurs adversaires) dans le maniement de cette arme de guerre qu’est le cinéma. Comme toujours dans les livres de Coston vous trouverez une mine d’informations. * ION MOTZA. Corrispondenza col WeltDienst (1934-1936). Ed. all’insegna del Veltro, Parma. £ 18.000. Ce petit livre publie la correspondance du garde de fer roumain Ion Motza, tombé durant la guerre d’Espagne, avec les allemands du “Service mondial”. Intéressantes allusions à la figure de Mgr Benigni. * CLAUDE BARTHE. Trouvera-t-il encore la Foi sur la terre? Une crise de l’Eglise, histoire et questions. F.X. de Guibert, Paris 1996. Nous avons lu le livre de l’abbé Barthe qui mérite une plus ample recension-critique que nous comptons publier sur le prochain numéro. * Signalons enfin, sans encore les avoir lus, deux livres sur la dévotion à NotreDame du Bon Conseil. Il s’agit de Madre del Buon Consiglio de Giovanni Scognamiglio (mais attention: c’est un militant de la T.F.P.), chez L’Attesa, via Sacconi 4/B 00196 Roma (offrande libre), et de Storia e tradizione del santuario della Madonna del Buon Consiglio par les Pères Augustiniens de Genazzano (£ 15.000). Un dernier conseil (qui est un bon conseil!): le livre La Passione del Signore du Père jésuite Luis de la Palma, à demander aux éditions Ares de Milan. Vie de l’Institut O rdination sacerdotale de l’abbé Geert Stuyver. C’est l’événement le plus heureux, la grâce la plus grande, pour notre Institut: l’ordination sacerdotale de l’abbé Stuyver, et celle au sous-diaconat de l’abbé Carlos Ercoli. Après la retraite prêchée à Verrua par l’abbé Nitoglia et l’abbé Ricossa, et après avoir renouvelé le serment antimoderniste, les ordinands sont partis L’ordination sacerdotale de l’abbé Stuyver à Steffeshausen en Belgique L’abbé Geert Stuyver célébrant dans l’église de Erpe-Mere en Flandre pour la Belgique, où le 3 novembre 1996 Mgr Mc Kenna o.p. leur a conféré l’ordination sacrée. Nous devons remercier de tout cœur l’Evêque, qui s’est déplacé des Etats-Unis, et le curé de Steffeshausen, l’abbé Paul Schoonbroodt, qui nous a accueillis dans sa très belle église, qu’il a construite après avoir été éloigné, en 1988, pour sa fidélité à l’Eglise catholique, de l’église paroissiale. L’abbé Schoonbroodt a été aussi prêtre assistant du nouveau prêtre, et a prononcé l’homélie. L’abbé Geert était visiblement ému durant toute la cérémonie, rendue plus solennelle par les chants de la magnifique chorale paroissiale, et particulièrement à la fin, quand il a béni pour la première fois ses parents, ses proches et ses supérieurs. Le lendemain il a célébré sa première messe basse à Steffeshausen, et ensuite il est resté quelques jours en Belgique, offrant pour la première fois le divin sacrifice dans la chapelle qui fut celle de son oncle, l’abbé Valéry Stuyver, à Zele. Il est retourné ensuite à Verrua pour terminer ses études théologiques afin d’être habilité à confesser. Durant les vacances de Noël il a été invité par le curé de sa famille, et a célébré la sainte messe, le 28 décembre, sur le même autel que celui où son oncle célébra à son tour, il y a de nombreuses années, sa première messe. Le curé de Erpe-Mere a prononcé une belle homélie sur le sacerdoce devant de nombreux fidèles (auxquels l’abbé Geert a préféré ne pas distribuer la sainte communion). Comme l’ordination avait eu lieu en Belgique, l’abbé Geert a désiré chanter sa première messe solennelle à Turin, pour les fidèles italiens, auprès desquels il a commencé son ministère sacerdotale; l’abbé Ricossa a été prêtre assistant et prédicateur (19 janvier 1997). L’abbé Stuyver est né à Gant le 14 mai 1964 de Paul Stuyver et Leona Van Der Putte. En 1988 il est docteur en économie et de 1988 à 1992 a enseigné dans une école secondaire. En 1992 il est entré au séminaire à Verrua, guidé dans son choix par son oncle, l’abbé Stuyver, et par le Père Barbara. Depuis le 6 avril 1993 il est membre de l’Institut Mater Boni Consilii. Une fois ses études théologiques terminées en Italie, l’abbé Stuyver devrait retourner en Belgique pour y exercer son ministère sacerdotale, commençant ainsi l’apostolat de notre Institut dans ce pays. Pendant ce temps, s’est approché du sacerdoce, par l’important pas du sous-diaconat, notre séminariste argentin Carlos Ercoli qui, si Dieu veut, remplacera l’abbé Stuyver en Italie quand celui-ci rentrera en Belgique, avant de débuter à son tour l’apostolat de l’Institut en Argentine. L’abbé Cazalas commence son ministère en France. L’ordination de l’abbé Stuyver a été anticipée pour remplacer l’abbé Thomas Cazalas, qui a quitté l’Italie pour entreprendre, comme membre de l’Institut, son apostolat en France. Depuis le mois d’octobre, donc, l’abbé Cazalas réside à Tours, 29 rue d’Amboise, dans un appartement de l’Association Forts dans la Foi adjacent à la chapelle Saint Michel, et aide le R.P. Barbara dans son ministère. Deux dimanches par mois, l’abbé Cazalas se rend à Raveau ou à Crézan pour la célébration de la messe. A Tours, l’abbé Thomas a donné la première communion à Mathilde Métivier (1er novembre), à Richard Guillotin et Bertrand de l’Espinay (8 décembre), a béni le mariage de Sylvain Charat avec Estelle Blanchet (17 janvier) et a baptisé le petit Augustin Thily (26 janvier). Le Père Barbara a aussi confié à l’abbé Cazalas l’enseignement du catéchisme, avec les activités connexes (par exemple, un pèlerinage à Pontmain les 23 et 24 février). Nous considérons comme très important le fait qu’un prêtre français de l’Institut soit en permanence en France, et nous remercions le Père Barbara pour la confiance qu’il accorde à nos prêtres. Les autres centres en France sont au contraire encore desservis par Verrua: l’abbé Nitoglia et l’abbé Giugni poursuivent le travail du regretté abbé Delmasure à Cannes, tandis que l’abbé Murro a fêté, en février 1997, les dix ans de la chapelle d’Annecy! Séminaire Saint Pierre Martyr. Les études continuent après les examens de février; malheureusement Jaime Siordia est rentré au Mexique, à la disposition de ses supérieurs. Sous la direction de Carlos Ercoli, les séminaristes ont intensifié les activités du catéchisme, organisant excursions, jeux et même en créant, à Verrua, un terrain de basket, pour maintenir durant l’année scolaire le bon esprit de ferveur des colonies estivales de la Croisade eucharistique. Le chant et la musique ne sont pas non plus négligés: on a pu en apprécier les premiers résultats à la messe de minuit à Turin. 83 Espagne et Belgique. L’abbé Nitoglia s’est rendu en Espagne en janvier. Si les amis de Arenas de Iguña ont été, comme toujours, accueillants, on ne peut pas en dire autant de tous à Barcelone, où certains ont été impressionnés par les calomnies de ceux qui ne nous veulent pas du bien. Patience! L’abbé Ricossa a remplacé l’abbé Medina à Drogenbos (Bruxelles) début novembre, et a célébré (mais non prêché, ignorant totalement le flamand) à Zele. Merci à tous les amis belges pour leur hospitalité. Un dépliant sur l’Institut Mater Boni Consilii est à votre disposition. Nous l’avons publié en plusieurs langues: allemand, anglais, espagnol, flamand, français et italien (pour ne froisser personne nous suivons l’ordre alphabétique!). Il est disponible pour tous les fidèles et spécialement pour les prêtres, responsables de groupes ou associations qui voudraient faire connaître autour d’eux notre œuvre. Conférences. L’abbé Nitoglia a présenté le livre d’E. Ratier, Mystères et secrets du B’naï B’rith à Milan (le 19 novembre) et à Gavirate, dans la province de Varèse (le 25 octobre). Ce même confrère donne aussi régulièrement des cours sur la doctrine sociale de l’Eglise et les encycliques des Papes à Turin, et de nombreuses conférences à Rome. Toujours à Rome, à l’oratoire St Grégoire VII, conférence de l’abbé Ricossa sur la Thèse de Cassiciacum suivie d’un débat, le 5 janvier. Ils parlent de nous. Lecture et Tradition (B.P. 1, 86190 Chiré-en-Montreuil, France) a fait une recension du livre de l’abbé Cekada, On ne prie plus comme autrefois. Les prières de la nouvelle messe. Les problèmes qu’elles posent aux catholiques, édité par Sodalitium (n° 233-234, p. 56). Civitas Christiana de Vérone (n° 5-6, octobre 96janvier 1997, p. 92) publie un vaste compte rendu du livre de Ratier, Mystères et secrets du B’naï B’rith. Le numéro spécial de Il silenzio di Sparta (suppl. au n° 6, décembre 1996, pp. 8-10) consacré au sujet Massoneria e dintorni publie une critique (Genealogia del B’naï B’rith) du livre de Ratier par Maurizio Blondet. Mais pour Blondet, le document conciliaire Nostra ætate n’aurait pas changé la doctrine de l’Eglise sur le judaïsme, malgré les vantardises du B’naï B’rith à ce sujet. Encore une fois Jean-Paul II a des avocats d’office qui lui font dire le contraire de ce qu’il pense (par exemple, en appelant les juifs “frères aînés” il voudrait les comparer à Esaü! Tel est le “magistère” de Blondet, certainement pas celui de Jean-Paul II...). Malheureusement certaines vérités ne peuvent être admises même par des auteurs qui n’hésitent pas, dans d’autres domaines, à prendre des positions incommodes et dangereuses. Faits & Documents, la lettre d’informations confidentielles d’Emmanuel Ratier (n° 17, 1-15 déc. 1996, p. 11) a recensé le dernier numéro de Sodalitium français et annonce que Sodalitium traduira en italien l’autre livre de Ratier, Les guerriers d’Israël. Nazione Napoletana (n° 1, février 1997, p. 4) a publié l’adresse (et le numéro de téléphone erroné) de notre oratoire St Grégoire VII à Rome (merci quand-même!). Linea au contraire (janvier 1997, p. 11) signale l’oratoire de Rome avec le bon numéro de téléphone (mais c’est une publicité payante!). La revue Continuità de Livourne (année 1, n° 6, p. 3) signale Sodalitium. Il Giornale dell’Arte (n° 150, déc. 96, p. 8) publie une interview du peintre Mazzonis au sujet du tableau intitulé L’Eglise catholique qui se trouve dans notre oratoire de Turin (cf. Sodalitium, n° 42, p. 78 et couverture). Chiesa viva (n° 280, janv. 1997, pp. 12-15) de Brescia reprend de Sodalitium la recension du livre de Garaudy faite par l’abbé Nitoglia. Elio D’Aurora fait allusion à notre directeur en parlant de la “messe de St Pie V” sur la Rivista Lasalliana (n° 3, 1996, p. 198). Sodalitium était présente à l’exposition de livres L’Altra libreria, organisée par le Circolo culturale G.B. Vico d’Alexandrie du 4 au 6 octobre 1996 (p. 14 du catalogue). Nuova continuità ideale rappelle la messe sur le champ de bataille célébrée par l’abbé Ricossa à Monte Manfrei (n° 7-8 de 1996, p. 2). La Repubblica Salute du 13 mars publie plusieurs lettres contre l’obligation de “débrancher” en cas de “malades en phase terminale”, parmi lesquelles une de notre directeur. Les articles de Sodalitium réussissent à influencer même les milieux les plus hostiles; c’est avec un réel plaisir, par exemple, que nous constatons comment les articles sur Jean XXIII ont été substantiellement repris par le docteur Carlo Alberto Agnoli dans son livre et dans sa conférence au IIème congrès théologique de Sì sì no no du 2 au 5 janvier 1996 (cf. Tradizione Cattolica, n° 2, 1996, p. 35), même si on n’a pas estimé opportun de citer la source. Peu importe le nom qui les diffuse, pourvu que les bonnes idées soient diffusées... Ils parlent mal de nous... la revue de gauche Avvenimenti (15-01-97, pp. 10-11), citant obiter dictus notre bulletin dans un article pittoresque style années 70 sur l’“internationale noire” (Metti un solstizio a messa coi nazi...)... la revue juive Dispatch from Jerusalem (organe du mouvement Bridges for Peace) dans un ancien numéro de mai-juin 1994 (pour laquelle nous serions antisémites)... le Bulletin de l’Occident Chrétien (n° 34, février 1997, p. 1), pour lequel au contraire nous serions juifs,... et, dulcis in fundo, la Fraternité Saint Pie X. L’abbé Simoulin, ancien directeur d’Ecône et actuel “prieur” de Lyon attaque directement un écrit du Père Vinson, dans un article intitulé Materialiter/Formaliter. Pour vous donner une idée de l’objectivité avec laquelle il résume la thèse de Mgr Guérard, l’abbé Simoulin écrit que, d’après cette position, “nous avons un pape qui n’est pas pape”! Pour qui le désire, nous pouvons envoyer le texte de notre brève réponse à l’article de l’abbé Simoulin. Au moins, il faut 84 donner acte à l’abbé Simoulin d’avoir tenté de donner une réponse à la Thèse (même en la caricaturant) sans attaquer les personnes qui la soutiennent. Ce n’est pas ce qu’a fait l’abbé Lorber, “prieur” de Bruxelles (et ceci nous déplaît particulièrement du fait de notre ancienne amitié). Sur le bulletin de la Fraternité en Belgique, Pour qu’Il règne (février-mars 1997) a été publiée une “mise en garde” contre le Père Vinson et contre les prêtres rédacteurs de Sodalitium. Mais en mettant en garde ses lecteurs, l’abbé Lorber n’a pas le moins du monde répondu à nos arguments, se limitant à nous couvrir de boue et d’insultes au niveau personnel. Une réponse plus détaillée à la “mise en garde” de l’abbé Lorber (que nous envoyons aux lecteurs belges), peut être demandée par ceux qui le désirent à notre adresse. De notre part, nous répétons que notre polémique avec la Fraternité Saint Pie X n’est pas une question de personnes (bon nombre d’entre elles sont très estimables) mais de doctrine, et que nous ne désirons rien d’autre que l’union des cœurs dans la jouissance de la même Vérité. Manifestation à Trente pour Saint Simon. Le 10 novembre 1996, des militants de Sodalizio Cattolico de Ferrare, Ravenne, Brescia et Milan, accompagnés de l’abbé Ricossa, ont distribué à Trente, devant la Cathédrale, devant l’église St Pierre et dans les rues de la ville, des milliers de tracts sur le cas de St Simon de Trente, l’innocent enfant martyrisé le 23 mars 1475 au cours d’un homicide rituel. Une banderole portant l’inscription “Rendez-nous Saint Simon” était visible par tout le monde devant la Cathédrale. En plus du tract, a été organisé un recueil de signatures, visant à obtenir une révision du décret épiscopal du 28 octobre 1965 (le jour même de la promulgation du décret conciliaire Nostra ætate), par lequel Mgr Gottardi supprimait le culte liturgique de St Simon, copatron de Trente, par égards œcuméniques envers le judaïsme. La manifestation de foi et de dévotion envers St Simon, qui s’est terminée avec la sainte messe, a eu un succès extraordinaire, suscitant une grande sympathie parmi les catholiques trentins qui n’ont pas oublié leur patron, et rapportant à l’honneur du jour le martyre occulté (même physiquement, puisque son corps a été enseveli dans un endroit ignoré) auquel ont été dédiées les homélies dominicales à la Cathédrale, et un reportage télévisé de RAI 3. Le lendemain, presque tous les principaux quotidiens donnaient une large place à l’information: de ceux de Trente (L’Adige et L’Alto Adige) aux nationaux: Corriere della Sera, Resto del Carlino, L’Unità, etc. Il Giornale concluait ainsi son article: “Les fidèles du petit martyr ont en outre écrit une lettre émouvante à la commission liturgique de la curie archiépiscopale de Trente: ‘Il nous semble que l’autorité de l’Eglise s’est suffisamment prononcée et que l’abrogation officielle du culte déclarée par Mgr Gottardi doive être considérée comme nulle et non avenue. Confiants dans l’intercession de St Simon, pour l’honneur de qui nous lui adressons [il s’agit de Mgr Igino Rogger, n.d.a.] cette demande, nous le saluons cordialement, dans l’attente de pouvoir à nouveau prier devant le corps de ce petit saint’. Du haut de son petit nuage Simon remercie de tout cœur. Et promet des miracles”. La première réaction officielle est celle - à vrai dire peu correcte de l’abbé Silvio Franch: “Gargarismes antijuifs”, “ce sont des khomeinistes modernes avec des intérêts antijuifs, donc dangereux”, “l’antisémitisme est la honte de nous qui sommes chrétiens: avec les juifs nous avons fortement péché”, “faux chrétiens, gens qui ont ce fiel à l’intérieur...”, “ces gens sont assis sur le grand sofa de leur religion, où ils font leurs sales besognes de petits-bourgeois de l’esprit”, “fanatiques et fous”, “qu’ils ne cherchent pas le petit corps de cet enfant, mais qu’ils aillent se promener à Auschwitz” (11 novembre). Plus modéré (mais c’est facile de l’être en comparaison de l’abbé Franch) Mgr Rogger de la commission liturgique, qui le 12 novembre confirme la suppression du culte et la disparition des reliques. Le 13 novembre les journaux ont publié les réponses et les précisions de Sodalizio Cattolico (qui réitère son refus de l’antisémitisme et son extranéité au mouvement de Mgr Lefebvre), alors que le 15 aussi Avvenire (journal de la Conférence Episcopale italienne) parle de l’affaire. Entre-temps, la radio diocésaine de Trente faisait un pas que nous avons beaucoup apprécié: le 14 elle prenait contact par téléphone avec l’abbé Ricossa et demandait sur les ondes son interview. Nous devons dire que la radio de la Curie a présenté objectivement le cas historique de St Simon Dernière procession à Trente en l’honneur de St Simon, le 8 mai 1955, en présence de l’évêque de l’époque. Pour Mgr Sartori, il s’agit d’un faux culte! (Photo Giorgio Rossi, Trente) 85 et a donné toute liberté à notre directeur d’exposer longuement sa position. Un intéressant débat s’est ensuite déroulé entre l’abbé Ricossa et l’abbé Franch, durant lequel ce dernier, se trouvant dans l’impossibilité de répondre, s’en est remis à la tactique des insultes, raison pour laquelle le lendemain les journaux titraient: “Querelle entre prêtres sur le culte de Simon”. A notre demande la Radio diocésaine nous avait promis de nous envoyer l’enregistrement de l’émission et, suite à notre rappel, a affirmé l’avoir déjà envoyé par la poste, mais à quatre mois de distance, on a encore rien vu... Préoccupée par cette relative bienveillance, la toute petite communauté juive a jugé bon de prendre elle-même la situation en main: le 19 novembre le docteur Sergio Marini, de religion juive, a été reçu par Mgr Sartori, évêque materialiter de Trente, à la demande de l’abbé Franch, “responsable de la pastorale diocésaine pour le dialogue interreligieux et l’œcuménisme”. Mgr Sartori a confirmé les incroyables déclarations de l’abbé Franch (“l’abbé Silvio a déjà manifesté publiquement la sensibilité et l’horreur de l’Eglise pour ces initiatives”) et nous a traités gentiment de fous (“Ce sont des gens qui ont perdu la tête”). Mais cela ne suffit pas au docteur Marini, “qui a demandé un acte officiel de l’Eglise”. Sitôt dit, sitôt fait. Mgr Sartori fait publier sa déclaration sur l’affaire par L’Adige (23 novembre: “Totale solidarité en faveur de nos frères juifs”). Mgr Sartori confirme “la nécessité que la communauté diocésaine persévère dans le chemin de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux selon les directives de la déclaration conciliaire Nostra ætate et les orientations du synode diocésain de 1986”. Pour Sartori, valent comme normes directives les normes du Secrétariat pour l’unité des chrétiens concernant les rapports avec les juifs du 1er décembre 1974 et du 24 juin 1985, qui condamne comme “un faux culte” le culte de St Simon, approuvé par l’Eglise, et déclare que les juifs conservent leur “irrévocable dignité de peuple élu”. Sodalizio Cattolico a répondu à Mgr Sartori par le communiqué suivant en date du 27 novembre: Communiqué à la Presse Concernant l’article de Mgr Giovanni Maria Sartori publié sur L’Adige du 23 novembre 1996. Sodalizio Cattolico, ayant eu connaissance de l’article de Mgr Sartori (titre de la rédaction: Il vescovo di Trento: “Piena solidarietà per i fratelli ebrei”) qui, bien que non adressé à Sodalizio ou aux catholiques de Trente signataires de la pétition en faveur de la restauration du culte de Saint Simon Martyr, l’engage directement, conscient de son devoir (et de son droit) à répondre à un document aussi grave et important, CONFIRME sa ferme condamnation de l’antisémitisme, dans les termes employés par le magistère de l’Eglise (cf. Décret du Saint-Office du 25 mars 1928), mais en même temps Le martyre de St Simon de Trente (sculpture en bois du XVème siècle) DEMANDE publiquement à Mgr Sartori: 1) S’il accepte comme document du même magistère de l’Eglise la Bulle Beatus Andrea du Pape Benoît XIV et, dans l’affirmative, comment il peut qualifier de “faux culte” celui qui est attribué par l’Eglise catholique à Saint Simon. 2) S’il accepte comme documents du même magistère de l’Eglise l’acte de consécration au Sacré-Cœur de Jésus dans lequel le Pape Pie IX rappelle la vérité révélée (cf. par exemple: Matth. XXI, 41; Rom. IX, 25-26; I Thess. II, 15-16) selon laquelle les juifs sont “les enfants de ce peuple qui fut jadis [votre] préféré (quæ tamdiu populus electus fuit)”, et le décret susnommé du Saint-Office du 25 mars 1928 qui qualifie le peuple juif de peuple qui “fut le dépositaire des promesses divines jusqu’à Jésus-Christ” et de peuple “autrefois choisi par Dieu (populum olim a Deo electum)” et, dans l’affirmative, comment il peut parler de “son irrévocable dignité de Peuple élu”. 3) S’il croit que “certaines références hostiles ou peu favorables aux juifs” qui se trouvent dans les Evangiles rapportent exactement les paroles et les faits de Jésus, ou bien si elles “reflètent des conditions de rapports entre juifs et chrétiens, [chronologiquement] bien postérieures à Jésus”, comme le prétend la note de la Commission du Saint-Siège pour les relations avec le judaïsme “Juifs et judaïsme dans la prédication de l’Eglise catholique” (24 juin 1985), mettant implicitement en doute que Jésus ait prononcé les paroles que lui attribuent les Evangiles, peut-être à cause d’affirmations comme celles du rabbin Henry Siegman pour qui “les Evangiles demeurent une source importante d’antisémitisme” (Dieci anni di relazioni giudeo-cristiane, Jérusalem, 1-3 mars 1976). Malheureusement Mgr Sartori semble avoir déjà répondu en présentant cette “note” de 1985 comme un “point ferme de référence” pour l’Eglise de Trente afin que “tous en vivent fidèlement l’esprit”. 86 Sodalizio Cattolico, sûr du fait que l’Eglise ne peut se contredire, s’estime donc autorisé, tant que Mgr Sartori ne déclarera pas, écartant tout doute, accepter le magistère de l’Eglise y compris dans les documents cités dans ce communiqué, à demander la restauration du culte de Saint Simon et la restitution aux fidèles de ses reliques (vénérées par tous les catholiques de Trente jusqu’en 1965) sans pour autant se considérer infidèle à l’Eglise catholique qu’il aime comme Mère et unique Arche du salut. Ferrara, 27 novembre 1996. Entre-temps, le 24 novembre, l’émission télévisée de culture juive Sorgente di vita, consacrait son dossier au cas de Trente, en le reliant, grâce aux informations d’un cher confrère, à l’autre cas qui impliqua l’Institut il y a quelques années (cf. Sodalitium, n° 35 pp. 56-60). Enfin, citons les interventions du mensuel de la communauté juive romaine Shalom, de novembre et décembre 1996 (nn° 10 et 11), dans lesquels on parle d’une participation (inexistante) des catholiques véronais à la manifestation du 10 novembre, peut-être (idée malicieuse) pour permettre une intervention du zélé docteur Papalia de Vérone (zélé dans l’application des lois “antiracistes”, s’entend). Quand en décembre eut lieu la déplorable profanation du cimetière juif de Rome (des pierres tombales provisoires furent déplacées et des svastikas laissés sur le sol), Tullia Zevi, la représentante des Communautés juives italiennes déclara: “le raid nazi est le fruit du préjudice catholique”, la preuve en est “que ces faits se produisaient, comme cette fois, à l’approche des grandes fêtes chrétiennes”. “Il faudra des générations pour que [Vatican II] soit assimilé” a ajouté T. Zevi, en parlant d’un “antisémitisme chrétien” (le “plus ancien”, distinct du “scientifique” de Chamberlain et de l’“antisioniste” lié à la question palestinienne). “Dans le dernier épisode on dirait reconnaître des traces du vieil antisémitisme chrétien comme dans La châsse de St Simon portée en procession dans les rues de Trente, le 8 mai 1955. (Photo Giorgio Rossi, Trente) la résurgence à Trente du culte de St Simon” (Il Resto del Carlino, 31 déc. 1996). En réalité, plus que la manifestation de Trente, ce qui doit avoir gêné c’est la messe pour Priebke célébrée par le professeur salésien, l’abbé Composta; c’est en tout cas toujours le signe d’une assimilation pas encore totale de Vatican II. Sodalitium et Sodalizio cattolico. Toujours sur Shalom on peut lire: “L’association [Sodalizio Cattolico] affirme n’avoir rien à voir avec le courant fondé par Mgr Lefebvre. Cependant on ne peut pas ne pas remarquer que Sodalizio Cattolico accueille sur son propre site [internet] les pages de l’Institut Mater Boni Consilii, dont - on suppose elle partage les finalités. L’Institut en effet a la même adresse et le même numéro de téléphone que Sodalitium, probablement organe de presse de Sodalizio Cattolico” (n° 11, déc. 1997, p. 7). L’erreur est compréhensible à cause de la similitude des noms (qu’il serait souhaitable de changer pour précisément éviter cette confusion), mais déjà dans le n° 42 de Sodalitium (p. 77), nous avions clairement écrit, à propos de l’Institut (dont le bulletin est Sodalitium) et de Sodalizio Cattolico, “qu’il s’agit de deux réalités absolument distinctes et indépendantes l’une de l’autre”. Ceci d’autant plus que justement en décembre 1996, le vice-président de Sodalizio cattolico a quitté cette association pour fonder Sodalizio cattolico italiano (auquel appartient le site internet en question), alors que Sodalizio Cattolico a changé son nom en celui de Regnum Christi. L’Institut Mater Boni Consilii, qui a une finalité exclusivement religieuse, est une réalité absolument distincte tant de Regnum Christi que de Sodalizio cattolico italiano, et assure l’assistance spirituelle de certains membres de ces associations uniquement en tant que personnes privées. Nous ne voulons pas le moins du monde causer du tort aux dites associations, avec lesquelles nous continuerons à collaborer dans des actions d’intérêts communs, mais seulement séparer clairement les fins et les responsabilités, comme c’est le devoir pour un Institut religieux ouvert à tous les fidèles et les groupes, et qui ne s’identifie avec aucun d’eux. Baptêmes, mariages, défunts. Nous avons déjà parlé des sacrements administrés à Tours par l’abbé Cazalas; parlons maintenant de ceux conférés par ses confrères. Le 10 mars 1997 à Luynes, en Provence, Olivier Gastin a été baptisé par l’abbé Giugni. Le 12 octobre 1996, dans l’église de Ste Marie-Madeleine de Pollier Pittet (Vaud, Suisse), l’abbé Murro a béni le mariage d’Alexandre Waizenegger et de Carole Françoise Ratton. Sodalitium adresse ses vœux les plus sincères aux familles Gastin et Waizenegger. Le 24 janvier est décédée à Gênes Luciana Della Casa, veuve Giugni. C’était la grand-mère de l’abbé Giugni, qui a célébré ses funérailles à Verrua le 28 janvier, et qui l’a accompagnée pour l’inhumation au cimetière monumental de Turin. Madame Giugni avait fait avec profit les Exer- 87 cices spirituels de Saint Ignace et, durant les longues années de sa dernière maladie, recevait souvent les sacrements de l’abbé Murro et de son petit-fils, qui a encore eu la grâce de lui administrer l’extrême onction et le viatique le 20 janvier. L’Institut tout entier adresse à la famille Giugni ses plus sincères condoléances. Deux fidèles sont décédés en France: le comte Jean de Varax, le 3 février à Lyon, et Madame Coreyer à Cannes, le 12 février. C’est à la famille de Varax que nous devons la décision de célébrer la messe également à Lyon; c’est pourquoi nous sommes particulièrement proches de Madame de Varax en ce douloureux moment; nous rappelons également le zèle de Madame Coreyer pour le culte divin en tant qu’organiste de la chapelle Notre-Dame des Victoires à Cannes et nous les re- commandons tous deux à vos prières. Nous présentons aussi nos condoléances au Commandant Rouchette pour le décès de son épouse Germaine (le 14 mars), à Madame de Gantès, pour celui de sa mère Marie-Thérèse de Gerin-Ricard (le 8 janvier) et à la communauté du Clos Nazareth de Crézan, pour le rappel à Dieu, après de longues souffrances supportées religieusement, de sœur Marie de la Nativité (le 17 janvier). A tous ces fidèles, et à tous les fidèles chrétiens défunts, que le Seigneur accorde le pardon de leurs péchés et la vie éternelle! L’abbé Belmont et les sacres: réponse dans le prochain numéro de Sodalitium. Sodalitium sur Internet: A partir de la fin du mois d’avril, Sodalitium aura un site Internet à l’adresse suivante: www.plion.it/sodali EXERCICES SPIRITUELS A RAVEAU “Que sert à l’homme de gagner le monde entier, s’il perd son âme? Ou qu’est-ce que l’homme donnera en échange de son âme?” (Matth. XVI, 26) “Si les hommes passent par les Exercices et les font bien, le monde est sauvé” (Père Vallet, C.P.C.R.). A Raveau (Nièvre) Dames et jeunes-filles: du lundi 28 juillet à 12h au samedi 2 août à 12h. Hommes et jeunes-gens: du lundi 4 août à 12h au samedi 9août à 12h. CROISADE EUCHARISTIQUE CAMP POUR GARÇONS A RAVEAU Enfants de 8 ans accomplis à 13 ans: du mercredi 9 juillet à 12h au mercredi 23 juillet à 12h. CAMP POUR JEUNES GENS EN MONTAGNE A partir de 16 ans: du samedi 16 août (16h.) au samedi 23 (16h.). POUR TOUT RENSEIGNEMENT S’ADRESSER À L’INSTITUT MATER BONI CONSILII: Tél. (de France): 00.39. 161. 83.93.35 - Fax (de France): 00.39. 161. 83.93.34 écrire: Loc. Carbignano, 36 - 10020 VERRUA SAVOIA (TO) ITALIE ou bien: “Mouchy” - 58400 RAVEAU FRANCE CENTRES DE MESSES FRANCE Annecy: 11 avenue de la Mavéria. Tél.: 04.50.57.88.25. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 10 h. Confessions à 9 h. Valmadrera (Lecco): via Concordia, 21. Tél. de l'Italie (0341) 58.04.86. Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 10h. Confessions à 9h30. Lyon: Tél.: 04.78.42.14.79. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois, à 17h. Confessions à partir de 16h30. Maranello (Modène): Villa Senni. Strada per Fogliano. Tél. de l'Italie: (0536) 94.12.52. Ste Messe tous les dimanches à 11h. Cannes: Chapelle N.D. des Victoires. 4 rue Fellegara. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 10h15. Tel.: 04.93.68.10.85. Bologne: Ste Messe le 3ème dimanche du mois. Téléphoner à Verrua Savoia. Tours: Chapelle St Michel. 29 rue d’Amboise. Ste Messe tous les dimanches à 10h30. Tel.: 02.47.39.52.73. Commercy: chez M. l’abbé Petit. 12 rue de Lisle. Ste Messe tous les dimanches à 11h. ITALIE Verrua Savoia (TO): Istituto Mater Boni Consilii - Località Carbignano, 36. Tél. de l'Italie: (0161) 83.93.35 - Ste Messe: en semaine à 7h30. Salut du Saint-Sacrement: tous les vendredis à 21h. Heure Sainte: le premier vendredi du mois à 21h. Turin: Oratoire du Sacré-Cœur, via Thesauro 3/D. Dimanches: Confessions à 8h30. Messe chantée à 9h. Messe basse à 11h15. Tous les jeudis et les premiers vendredis du mois: Messe à 18h15. Confessions à 17h30. Ferrare: Ste Messe les 1er, 2ème et 4ème dimanche du mois. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia. Florence: via Ciuto Brandini 30, chez Mlle Liliana Balotta. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia. Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 18h15. Confessions à 17h30. Rome: Via Pietro della Valle, 13/b. Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 11h. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia. ESPAGNE Arenas de Iguña: n° 90 Carretera General 39450 (Cantabria), chez Mme Maria y Pilar Alejos. Tél. 00. 34 (942)-82.66.57. COMMENT NOUS AIDER - Il n'y a pas d'abonnement à “Sodalitium”. Ce périodique est envoyé gratuitement à tous ceux qui désirent le recevoir. 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