Tassa Riscossa - Taxe Perçue. TORINO CPM U M R O Monseigneur Tissier de Mallerais E SP E C IA L Anno XVI n. 3 - Dicembre 2000 - Sped. a. p. - art. 2 - comma 20/c, Legge 662/96 - Filiale di Torino - Organo ufficiale del Centro Librario Sodalitium - Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tel. +39.0161.839.335 - Fax +39.0161.839.334 - IN CASO DI MANCATA CONSEGNA SI PREGA DI RINVIARE AL MITTENTE CHE SI IMPEGNA A PAGARE LA RELATIVA TARIFFA PRESSO CMP Torino Nord N Edition française - Décembre 2000 N° 5 1 “Il est vrai que nos sentences remplacent les sentences de la Rote romaine” DOSSIER SUR LA “COMMISSION CANONIQUE” DE LA FRATERNITE SAINT PIE X 2 “Sodalitium” Périodique n° 51, Anno XVI - n. 3 Dicembre 2000 SPEDITO: GENNAIO 2001 Editore: Centro Librario Sodalitium Direttore responsabile: don Francesco Ricossa Autorisation Autorizzazione Tribunale di Ivrea n. 116 du 24-2-1984 Tipografia: Ages - Torino Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA TO Italie Tel.: +39.0161.839.335 Fax: +39.0161.839.334 INTERNET: www.plion.it/sodali email: sodalitium@plion.it Sur la couverture: Mgr Tissier de Mallerais, président de la Commission Canonique de la F.S.S.P.X. Le sceau de la Sainte Rote Romaine. Editorial D ans le dernier numéro de Sodalitium, nous avions annoncé aux lecteurs la publication d’un volumineux dossier sur les Tribunaux canoniques de la Fraternité Saint Pie X, dossier dont la préparation était en cours. C’est promesse tenue: le présent dossier se compose de deux parties. Dans la première sont publiés certains documents internes de la Fraternité Saint Pie X (documents qui ne sont donc pas à la disposition du public, pas même à celle des fidèles de la Fraternité); ils concernent la création, dès 1991, d’une Commission canonique investie de vastes pouvoirs de juridiction, la Commission canonique St Charles Borromée. Pour suppléer à l’autorité du Pape et du Saint-Siège, la Fraternité a institué - comme vous allez le lire - de véritables tribunaux ecclésiastiques autorisés - par les autorités mêmes de la Fraternité - à concéder des dispenses, à annuler des mariages etc... La publication de ces documents sera peut-être considérée comme une indiscrétion inacceptable; nous nous y sommes cependant sentis autorisés parce que d’une part les fidèles ont le droit de connaître l’existence de ces tribunaux auxquels ils doivent recourir et qui peuvent les juger, et que d’autre part ils seront ainsi en mesure d’en évaluer les raisons en toute objectivité. C’est donc aux autorités mêmes de la Fraternité que nous allons donner la parole, en publiant par exemple ce que Mgr Tissier de Mallerais a écrit pour défendre et justifier l’existence de ces tribunaux. La seconde partie de ce dossier consiste en l’étude critique de ces documents. Certains lecteurs proches de la Fraternité Saint Pie X nous ont légitimement manifesté leur déplaisir devant le ton considéré comme railleur ou agressif de notre dernier éditorial vis-à-vis de la Fraternité et de ses tribunaux. Nous nous en excusons, et invitons nos contradicteurs à lire avec attention et sans préjugé ce qui suit. Tout éclaircissement, toute critique de la critique, toute objection seront considérés par nous avec le plus grand sérieux. Cette partie critique comporte, il est vrai, de graves accusations concernant la Fraternité Saint Pie X, mais toujours prononcées, du moins nous semble-t-il, dans les limites de la correction, et preuves irréfutables à l’appui. Dans la conclusion nous nous adressons avec sincérité aux supérieurs ainsi qu’aux 3 simples membres de la Fraternité Saint Pie X, pour les inviter à ouvrir une discussion (interne seulement ou même ouverte aux autres) sur ce (ou d’autres) point de doctrine de leur congrégation posant - à notre avis - de sérieuses difficultés. De ce réexamen sincère la Fraternité sortira renforcée, si elle a le courage de laisser de côté une institution comme la Commission canonique. Ce numéro, entièrement consacré à cette thématique interne du monde “traditionaliste”, ne comporte pas les articles habituels. Il est donc possible qu’il intéresse moins une partie de nos lecteurs, et nous nous en excusons : un nouveau numéro de Sodalitium comportant les rubriques habituelles est déjà en préparation. Nous souhaitons que ce dossier ne soit pas vu comme une provocation ou comme une polémique stérile, mais comme une contribution à la vérité et à l’union de tous les catholiques qui s’opposent à l’hérésie moderniste. ✍ Sommaire Editorial p. 2 Introduction p. 4 PREMIERE PARTIE: DOCUMENTS INTERNES DE LA FRATERNITE SAINT PIE X p. 4 I. “ORDONNANCES” concernant les pouvoirs et facultés dont disposent les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X p. 5 II. Extrait de “Cor unum”, bulletin interne de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, n° 61, octobre 1998 p. 12 Lettre de S.Exc. Mgr Lefebvre du 15 janvier 1991 sur la constitution de commissions canoniques p. 12 Légitimité et statut de nos tribunaux matrimoniaux (Mgr Tissier de Mallerais) p. 14 III. Formules de dispenses (abbé Pivert) p. 20 SECONDE PARTIE: COMMENTAIRE DE SODALITIUM p. 24 Notes p. 45 APPENDICE p. 51 Editorial de “Roma felix” (abbé Simoulin) p. 52 Réponse à l’éditorial de l’abbé Simoulin p. 52 Note de la rédaction: Pour une meilleure compréhension, les textes de la Fraternité Saint Pie X ont été imprimés en caractères Helvetica. Les textes et commentaires de Sodalitium ont été imprimés avec le caractère habituel Times. Saint Charles Borromée. Ce saint peut-il protéger la commission qui porte son nom? 4 Doctrine DOSSIER SUR LA “COMMISSION CANONIQUE DE LA FRATERNITE SAINT PIE X” Introduction V oilà déjà un certain temps que nous recevons un petit bulletin péruvien intitulé Resistencia catolica et dirigé par un fidèle de la Fraternité Saint Pie X, M. Julio Vargas Prada. C’est avec stupeur (1) que nous y avons lu (n. 187, nov.-déc. 1999) une dénonciation de la création, par la Fraternité Saint-Pie X, de véritables tribunaux canoniques. Le péruvien Vargas Prada, et le brésilien Orlando Fedeli, qui, pourtant à l’époque, avaient soutenu Mgr Lefebvre dans la décision de consacrer des évêques, voient maintenant dans ces tribunaux, dont ils ont connu l’existence grâce à une allusion qu’y a fait la revue argentine de la Fraternité Jesus Christus (n. 43, janvier-février 1996, p. 17), un danger concret de schisme. Il était nécessaire de contrôler la véracité du fait. Nous sommes finalement entrés en possession de deux documents d’une gravité exceptionnelle: les Ordonnances concernant les pouvoirs et facultés dont jouissent les membres de la Fraternité Sacerdotale SaintPie X, de 1997, et certains documents de la Fraternité prétendant justifier ces nouveautés publiés dans Cor unum, n. 61, octobre 1998, pp. 33-46. Cor unum est le bulletin interne de la Fraternité Saint Pie X, il est réservé uniquement à ses membres, et la publication de ces documents s’est faite sans aucune autorisation de la part de la revue. Mais il nous semble de notre devoir de procéder à cette publication. Selon les textes en question, les fidèles de la Fraternité Saint Pie X, les religieux et les prêtres amis de cette société, et même potentiellement tous les catholiques, sont des “sujets” de ces tribunaux, qui leur sont inconnus, et de leurs juges. Ces sujets qui s’ignorent ont le droit de connaître l’existence d’un tribunal de ce genre, de ses juges, de ses justifications doctrinales: un tribunal mi-secret est, à notre avis, incompatible avec la morale catholique, sans parler de la morale naturelle. PREMIERE PARTIE: DEUX DOCUMENTS INTERNES DE LA FRATERNITÉ SAINT PIE X L e premier document en question est un petit volume de 79 pages intitulé “Ordonnances concernant les pouvoirs et facultés dont jouissent les membres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X”, promulgué en 1997 par le Supérieur général de la Fraternité, Mgr Bernard Fellay, pour remplacer un recueil analogue d’“Ordonnances” publié sous l’autorité de Mgr Lefebvre en 1980. Les “Ordonnances” se composent de “préliminaires”, suivis de huit chapitres: du jeûne et de l’abstinence (chap. I), des obligations des clercs (chap. II), de quelques obligations particulières (chap. III), délégations de pouvoirs et indulgences (chap. IV), empêchements de mariage (chap. V et VI), des délits et des peines (chap. VII). Dans ce dossier nous publions seulement ce qui regarde strictement notre sujet, c’est-à-dire les préliminaires (qui donnent les principes généraux suivis par la Fraternité), les chapitres V et VI concernant les empêchements au mariage, ainsi qu’un bref extrait du chapitre VII. Les interventions rédactionnelles sont insérées dans les parenthèses carrées: brefs commentaires, omissions d’une partie du texte signalées par des points de suspension, ou encore la page des “Ordonnances” d’où le texte est extrait. Pour l’intelligence du texte, nous rappelons au lecteur que l’Eglise énumère une série d’obstacles (dits “empêchements”) qui peuvent rendre le mariage illicite (“empêchements prohibants”) ou invalide (“empêchements dirimants”). Là où l’empêchement n’est pas de droit divin positif ou naturel, l’Eglise (c’est-àdire le Pape, par l’intermédiaire des Congrégations romaines) a le pouvoir de dispenser desdits empêchements. Dans les “Ordonnances” la Fraternité précise pour ses membres quels sont les empêchements à 5 considérer comme en vigueur (ceux de l’ancien ou du nouveau code) et attribue aux autorités de la Fraternité le pouvoir de dispenser appartenant en propre au Saint-Siège. L’importance de la question convaincra le lecteur de poursuivre une lecture rendue parfois difficile par l’utilisation de termes canoniques et théologiques pouvant sembler rebutants à qui n’est pas expert en matière ecclésiastique. I. PREMIER DOCUMENT: ORDONNANCES concernant les pouvoirs et facultés dont disposent les membres de la FRATERNITE SACERDOTALE SAINT-PIE X [p. 3] Chers confrères, Mgr Lefebvre, considérant les nécessités de notre apostolat, si semblables à celles des missions d’Afrique, nous donna, en 1980, un recueil de facultés telles qu’elles étaient en usage depuis plusieurs décennies en pays de mission. Depuis 15 ans, certaines circonstances ont changé, comme la possibilité d’avoir une visite épiscopale plus fréquente, ou, au contraire, la quasi impossibilité de recourir à Rome pour obtenir dispense ou jugement équitable sur les mariages. Cela justifie cette édition réajustée des Ordonnances. (...) Ces nouvelles ordonnances entrent en vigueur le 18 mai 1997, en la fête de la Pentecôte. (...) En la fête de la Présentation de Jésus au Temple, le 2 février 1997. † Bernard Fellay, Supérieur général [p. 4] PRELIMINAIRES Objet de la loi - Le but et l’objet des lois ecclésiastiques, et par le fait même des pouvoirs et des facultés, n’est autre que ce qui concerne le culte de Dieu et le salut des âmes (cf. Léon XIII, encyclique Immortale Dei, cf. Prümmer, T. I, n. 181). - Le nouveau code de droit canon, promulgué le 25 janvier 1983, imbu d’œcumé- nisme et de personnalisme, pèche gravement contre la finalité même de la loi. Aussi suivons-nous en principe le code de 1917 (avec les modifications introduites postérieurement). Cependant, dans la pratique et sur des points précis, nous pouvons accepter du nouveau code ce qui correspond à un développement homogène, à une meilleure adaptation aux circonstances, à une simplification utile; nous acceptons aussi en général ce que nous ne pouvons refuser sans nous mettre en porte-à-faux avec la législation reçue officiellement, lorsque la validité des actes est en jeu. Et dans ce dernier cas, nous renforçons notre discipline pour la rapprocher de celle du code de 1917 (cf. Cor unum, n. 41, pp. 11-13). [p. 5] Juridiction de suppléance - Le droit prévoit certains cas où l’Eglise supplée au défaut de juridiction du prêtre: “la raison pour laquelle l’Eglise supplée la juridiction n’est pas un bien privé, mais le ‘bonum animarum commune’” (Cappello, I, n. 252). L’Eglise supplée expressément à la juridiction dans trois cas: le péril de mort (can. 882), l’erreur commune (can. 209) et le doute positif et probable de droit ou de fait (can. 209) (cf. Noldin, III, n. 346-347; Cappello, I, n. 254-258). Le frontispice des “Ordonnances” de 1980 6 - Du fait que la hiérarchie (cf. can. 108 § 3) s’éloigne en grande partie de la foi catholique, les fidèles ne peuvent généralement recevoir d’elle les secours spirituels sans péril dans la foi; on ne peut douter qu’alors, l’Eglise n’étende largement en leur faveur ce qu’elle accorde dans le péril de mort et en d’autres cas d’urgence, et qu’ainsi, en raison de l’analogia iuris (can. 20) et de l’æquitas canonica, elle ne supplée au défaut de juridiction des prêtres fidèles (cf. can. 209, 2261...) alors que ceux-ci sont injustement dépourvus de la juridiction qu’ils auraient en temps normal soit par le droit (p. ex. n. can. 967 § 2), soit par délégation. [p. 6] - Caractéristiques de cette juridiction suppléée Elle est: 1° davantage de type personnel que territorial; 2° elle n’est pas habituelle mais s’exerce ‘per modum actus’ (cf. Cappello, I, n. 252); 3° elle dépend du besoin des fidèles, vue la situation de nécessité (cf. Conférence aux Cercles de la Tradition, Paris, 10 mars 1991), mais 4° elle existe même dans le cas où, de fait, il n’y a pas nécessité; en effet il y a une présomption de péril commun et donc une analogie avec le can. 21, permise pas le can. 20, et comme il y aura en général doute probable de foi, il y aura suppléance selon le can. 209. - Ceux qui possèdent la juridiction de suppléance Ce sont tous les évêques et tous les prêtres fidèles à la tradition (même excommuniés, cf. can. 2261, ceci dit comme argument ‘ad hominem’), pour l’exercice licite ou valide des actes du ministère épiscopal ou sacerdotal. - Hiérarchie dans la juridiction suppléée En soi, à l’égard des fidèles, les simples prêtres n’ont pas moins de pouvoir [sic] de suppléance qu’un prieur ou qu’un supérieur de district. Mais par disposition pratique, afin de conserver le sens hiérarchique qui appartient à l’esprit de l’Eglise, et de remettre les cas plus graves à une instance plus élevée, certains pouvoirs sont réservés à l’autorité supérieure, selon une analogie avec la hiérarchie normale, d’après les règles suivantes: * Les prieurs et prêtres responsables de chapelles sont équiparés à des curés personnels, tels les aumôniers militaires. * Les supérieurs de districts, séminaires et maisons autonomes ainsi que le supé- Mgr Fellay (à gauche), actuel supérieur de la F.S.S.P.X. avec Mgr Lefebvre et l’abbé Laroche, l’un des membres de la commission canonique rieur général et ses Assistants, bien qu’ils n’aient en principe de juridiction que sur leurs sujets (prêtres, séminaristes, frères, oblats, familiers), sont équiparés à des Ordinaires militaires, par rapport aux fidèles dont leurs prêtres ont la charge d’âme [sic]. * Les évêques de la Fraternité, dépourvus de toute juridiction territoriale, ont néanmoins la juridiction supplétoire nécessaire pour exercer les pouvoirs attachés à l’ordre épiscopal et certains actes de la juridiction épiscopale ordinaire. [p. 8] Commission canonique - évêque chargé des religieux Ces deux instances ont été créées en 1991 pour continuer après sa mort l’office que Mgr Lefebvre a rempli de manière supplétoire, en ces matières de 1970 à 1991. C’est Monseigneur qui a prévu et précisé le rôle de ces instances, par sa lettre du 15 janvier 1991 au supérieur général: [nous omettons ici le texte de cette lettre, pour le reporter dans le document suivant]. [p. 9] Pouvoirs et facultés délégués - Délégations accordées antérieurement par le Saint-Siège. Depuis longtemps, et dernièrement en 1950 et en 1960, la S.C. de la Propagande a concédé aux ordinaires des lieux des pays de missions de larges facultés appelées “facultés décennales”, en particulier la faculté de déléguer plusieurs de leurs pouvoirs aux prêtres de leur territoire. Mgr Lefebvre, alors archevêque de Dakar, en promut l’application en 1961 par un petit livret portant déjà le titre d’“Ordonnances, etc.”. Le texte des facultés décennales de 1950 et leur application se trouvent dans l’ouvrage Vingt-cinq ans de pastorale missionnaire, du Père Gréco 7 (1958), préfacé par Monseigneur et spécialement recommandé par lui. Le 30 novembre 1963, par sa lettre apostolique Pastorale munus, le Pape Paul VI, a concédé des facultés quelque peu analogues à tous les évêques résidentiels. [p. 10] - Mgr Lefebvre, comme évêque et comme supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint-Pie X, bien que n’étant plus Ordinaire du lieu comme il l’était à Dakar, estima disposer d’une suppléance lui permettant, en faveur des fidèles, de concéder à ses prêtres des facultés analogues. Il les promulgua par ses Ordonnances à l’usage de la Fraternité, le 1er mai 1980, en suivant la formula facultatum decennalium de 1960. - La présente édition des ordonnances reprend le texte antérieur mais avec des subdivisions plus développées et en tenant compte de l’existence des évêques auxiliaires de la Fraternité. - On a rajouté en outre les pouvoirs et facultés qui regardent les actes de mariage (cf. Cor Unum, n. 42, pp. 44-56), la dispense des vœux et l’absolution des censures, avec les précisions utiles concernant le cas de péril de mort et le cas urgent. - Les facultés concédées aux prêtres, le sont non seulement aux prêtres membres de la Fraternité, mais encore à tous les prêtres qui résident d’une manière prolongée dans nos maisons. [...] CHAPITRE IV - DELEGATIONS DE POUVOIRS ET INDULGENCES [pp. 23-33. Afin d’être plus brefs nous omettons ce chapitre de même que les trois précédents. Signalons cependant qu’entre autres “facultés” concédées par les Ordonnances aux prêtres de la Fraternité se trouve encore celle de conférer le sacrement de Confirmation (I, 3, p. 23; I, 4 et 5, p. 24; III, 36, p. 31), ce qui est particulièrement grave, car, comme l’a démontré l’abbé Hervé Belmont, dans ces circonstances le sacrement est administré invalidement (2)] CHAPITRE V - EMPECHEMENTS DE MARIAGE. Pouvoirs de dispense dans les cas ordinaires [pp. 34-60] I - Principes [p. 34] I - Nous ne pouvons accepter du nouveau code les normes qui s’opposent plus ou moins au droit naturel ou au droit divin surnaturel. II - Quant aux autre normes, pour tout ce qui engage la validité du mariage, nous suivons le nouveau code, pour ne pas avoir à déclarer nul un mariage reconnu valide par le nouveau code, et inversement. Mais pour ce qui regarde la licéité, nous adoptons une discipline propre; nous renforçons les exigences du nouveau code en les ramenant à celles de l’ancien, dans le but d’assurer le mieux possible les trois biens du mariage. III - Grosso modo, la commission canonique est compétente pour la plupart de ce que le droit réserve au Saint-Siège, et les supérieurs de district pour ce qui est du ressort de l’Ordinaire du lieu. II - LISTE DES EMPECHEMENTS, POUVOIRS DE DISPENSE, COMPETENCES RESPECTIVES, EN DETAIL. [p. 35] 1. Aetas [p. 35] [Il s’agit de l’âge audessous duquel il est interdit de se marier]. - Ad validitatem (can. 1067 § 1, n. can. 1083 § 1): 16/14 ans, dispense très rare: commission canonique. Ad liceitatem (n. can. 1083 § 2): nous suivons l’âge minimum fixé par les conférences épiscopales ou, à défaut, 18/18 ans. Dispense: commission canonique. - Can. 1034 (n. can. 1071, 6°): ne pas assister au mariage des mineurs n’ayant pas la permission de leurs parents, sans permission de l’Ordinaire: permission du supérieur de district. Par “mineurs” nous entendons dans ce cas les moins de 21 ans et non pas 18 (majorité fixée par le nouveau code). Mais cela ne signifie pas que nous rejetions dans d’autres cas la majorité [fixée] à 18 Age: Commission canonique (dispense moins de 18/18 ans) Supérieur de district (permission moins de 21 ans, lorsque permission des parents manque) [p. 36] 2. Impotentia (dirimant) [en cas d’impuissance il n’est pas possible de dispenser. Nous omettons ce qu’écrivent les “Ordonnances” à ce propos] 3. Ligamen (dirimant) [c’est le cas d’une personne déjà mariée] 8 Can. 1069 (n. can. 1085). - Dans les cas de MARIAGES ÉVIDEMMENT INVALIDES (par exemple le mariage purement civil de deux catholiques) et de mariage évidemment valides, il n’y a pas à recourir à la commission canonique, mais il faut le nihil obstat du supérieur de district. [...] [p. 37] - Tous les cas de premier mariage douteusement valide, ou de déclaration de nullité de mariage, y compris les mariages déclarés nuls par les tribunaux officiels, sont du ressort de la commission canonique. On observera la procédure suivante: on s’adressera au supérieur de district, qui rassemblera le maximum de pièces et qui pourra trancher en faveur de la validité du mariage précédent [avec appel possible auprès de la commission canonique]; s’il estime sérieuses les raisons en faveur de la nullité du mariage, il transmettra le dossier pour jugement à la commission canonique, à moins qu’il ne dispose d’un tribunal de district pour la première instance. - PRIVILEGE PAULIN Can. 1122 § 1 (n. can. 1145 § 1): interpellations du conjoint resté infidèle: faites par l’Ordinaire; pour nous, par le supérieur de district: - S’il y a une dispense des interpellations à accorder, le can. 1121 § 2 la réserve au Saint-Siège, le n. can. 1144 § 2 à l’Ordinaire du lieu; pour nous, on s’adressera à la commission canonique. [p. 38] - Autres cas de dispense d’un lien matrimonial: * Privilege Pétrinien * Dispense sur “ratum non consummatum” Les pouvoirs codifiés (can. 1125, n. can. 1148-1149) demeurent, mais leur application sera soumise à la commission canonique pour contrôle, car ces cas sont graves et mettent en jeu la validité. Il reviendra à la commission canonique de dispenser, s’il y a lieu, des interpellations. La dispense des autres mariages de païens, ainsi que la dispense “super ratum non consummatum” ne peuvent être accordées que par le Pape en personne. Il faudra alors passer par la voie officielle, mais non pas sans l’autorisation du supérieur de district qui contrôlera au préalable la légitimité de la dispense à demander. - MARIAGE NON CANONIQUE DES APOSTATS Jusqu’à examen plus approfondi, nous suivons la norme du nouveau code qui considère valide le mariage non canonique (civil par exemple) des catholiques “qui ont quitté l’Eglise catholique par un acte formel”: Ils ne sont pas tenus à la forme canonique du mariage (n. can. 1117). [Noter que les mariages en question seraient par contre invalides si l’on suivait le code de 1917, qui pour la Fraternité est encore - en principe - la loi à laquelle il faut se référer. Comment les fidèles pourront-ils ne pas avoir de doutes sur la validité de leur union?] [39] Lien: Simple prêtre (cas évidents) Commission canonique (premier mariage douteux, ou déclaré nul. A travers [sic] le supérieur de district). Privilège Paulin Supérieur de district (interpellation du conjoint non catholique). Commission canonique (dispense des interpellations). Privilège pétrinien et dispense super ratum non consummatum: Saint-Siège (avec permission du supérieur du district et contrôle de la commission canonique). Mariage non canonique des apostats: valide (nouvelle discipline). [p. 40] 4. Disparitas cultus (mariage entre baptisé catholique et non baptisé) - C’est un empêchement dirimant de droit ecclésiastique (c. 1060), et prohibant de droit divin s’il y a péril de perversion de la foi du conjoint catholique ou des enfants (can. 1060 in fine, n. can.: rien!). La dispense appartient à la commission canonique, en raison de la gravité de ces cas. - On notera que le nouveau code (n. can. 1086 § 1), contrairement à l’ancien (can. 1070 § 1) ne soumet plus à l’empêchement ceux qui ont quitté l’Eglise catholique “par un acte formel”. Nous avons déjà dit ce qu’il faut en penser, à propos du défaut de forme canonique du mariage (n° 3). Notons simplement ici que, s’il s’agit d’un mariage à conclure entre un non baptisé catéchumè- 9 ne et un apostat de l’Eglise catholique, on s’adressera à la commission canonique. - Les exigences du nouveau droit (n. can. 1086 § 2; 1125-1126) sont, par leur faiblesse, plus ou moins contraires au droit divin (protection de la foi, bonum prolis); nous retenons par conséquent celles de l’ancien droit (can. 1071; 1060-1064). - (...) [p. 41] - Etant donnée la particulière gravité des cas de disparité de culte qui mettent en jeu la foi, l’Eglise a toujours été très sévère. Les confrères feront donc spécialement attention à ne jamais demander la dispense sans vérifier auparavant sérieusement la réalité des causes alléguées et des garanties données (can. 1061). Une erreur en cela ou un manque de sincérité peuvent invalider la dispense et donc le mariage (can. 1061, n. can. 90). Un prêtre prudent et averti ne devrait jamais accepter l’union ni demander la dispense lorsqu’il s’agit d’un musulman ou d’un juif: c’était l’avis de Mgr Lefebvre, et Naz dit que l’Eglise accordait rarement de telles dispenses. Disparité de culte: Commission canonique (dispense; mariage des catéchumènes et des apostats). Supérieur de district (ad cautelam, quand baptême douteusement valide). [p. 42] 5. Ordo sacer (can. 1072, n. can. 1987) (dirimant) Le droit en a toujours réservé la dispense au Saint-Siège [...] et pour la prêtrise, même dans le cas de péril urgent de mort, [...]. “La dispense proprement dite n’est accordée que difficilement, à des sous-diacres et diacres seulement” [...]. Mais il y a la possibilité d’obtenir l’indult de laïcisation. - Pour nous, la dispense sera du ressort de la commission canonique, qui cependant suivra la pratique du Saint-Siège, en sorte que l’empêchement provenant de la prêtrise devra être considéré comme non susceptible de dispense, même en danger de mort. Quant au sous-diaconat et au diaconat, la dispense sera difficilement accordée, sauf dans le cas de péril de mort, par le confesseur ou le prêtre qui assiste au mariage [...]. Ordre sacré: Commission canonique (dispense à accorder à sous-diacres et diacres). [p. 43] 6. Professio religiosa - Vota […] [La Fraternité suit le nouveau code pour les vœux publics perpétuels - tous dirimants - et l’ancien pour le vœu privé de chasteté et les vœux publics temporaires]. [Discipline pour les cas ordinaires:] [p. 44] […] * Vœux publics perpétuels (dirimants): Leur dispense est annexée ipso jure à l’indult de sécularisation [...] qui est du ressort du Saint-Siège pour les instituts de droit pontifical et de l’évêque du diocèse de la maison pour les instituts de droit diocésain (n. can. 691 § 2). Il semble plus pratique pour nous de ne pas faire cette distinction et de confier tous les cas à l’évêque chargé des Religieux. [p. 45] * Vœux publics temporaires (prohibants pour nous) [...] Pour nous, mise à part la Fraternité Saint-Pie X que nous considérons équiparée à un institut de droit pontifical, ce sera l’évêque chargé des Religieux qui accordera l’indult (contenant ipso jure la dispense du vœu). * Vœux privés réservés au Saint-Siège par le code de 1917 Le nouveau code a supprimé la réserve faite par l’ancien (can. 1309) au Saint-Siège des deux vœux privés spéciaux de chasteté parfaite et perpétuelle et d’entrer dans un institut à vœux solennels; néanmoins nous maintenons cette réserve qui sera du ressort de la commission canonique. Cependant les supérieurs de districts et maisons autonomes ont la faculté déléguée d’en dispenser ou opérer mutation (cf. nostre facoltà n. 35 et 41). * Tous les autre vœux privés contraires (ou non) au mariage sont, selon le nouveau code [p. 46] (n. can. 1196) du ressort de l’Ordinaire du lieu ou du curé. Nous leur équiparons le supérieur de district et le prieur, ainsi que le prêtre, simple responsable de chapelle. (cf. nostra facoltà n. 35). Profession religieuse: Vœux publics perpétuels: évêque chargé des religieux (sécularisation) Vœux publics temporaires: - FSSPX: Supérieur général, - autres: évêque chargé des religieux. Vœux privés contraires au mariage: fac. n° 35 et 41. 10 7. Raptus (can. 1074, n. can. 1089, dirimant) - La dispense n’est habituellement pas accordée. - Cela relève de la commission canonique. 8. Crimen (dirimant) - Le n. can. 1090 supprime les deux premières formes de l’empêchement de crime (can. 1075 § 1): adultère avec promesse de mariage et adultère avec mariage, même seulement civil [p. 47], attenté. Mgr Lefebvre disait que cette suppression se justifie par l’évolution des mœurs [...] - Les deux autres formes de crime [...] sont simplifiées [...]. Ces deux formes de l’empêchement sont réservées au SaintSiège [...]. Pour nous, ce sera la commission canonique. Crime: Supérieur de district (contrôle des obligations envers les enfants du mariage précédent). Commission canonique (dispense, si conjugicide). [p. 48]. 9. Consanguinité (can. 1076, n. can. 1091) (dirimant) [...] Le nouveau code a changé le mode de comput et, dans le nouveau mode il réduit l’empêchement en ligne collatérale au quatrième degré de parenté. [...] La réduction de l’empêchement par le nouveau code se justifie donc, selon l’avis de Mgr Lefebvre. [...] [p. 50] Toutes les dispenses sont du ressort de la commission canonique. [...] [p. 51] 10. Affinitas (avec consanguins du conjoint décédé) [La Fraternité procède à une “harmonisation” des deux législations, l’ancienne et la nouvelle, selon l’expérience de Mgr Lefebvre. Nous donnons seulement le résumé encadré:] [p. 52] Affinité: - Pas de dispense en ligne directe. - Supérieur de district (permission pour contrôle, aux 1er et 2ème degrés collatéraux - Comput canonique ancien). [p. 53] 11. Honestas publica (dirimant) [Dans ce cas aussi la Fraternité procède à une “harmonisation” des législations”. Nous n’en donnons que le résumé encadré, à la p. 54:] Honnêteté publique: Commission canonique (dispense au premier degré) Supérieur de district (permission au 2ème degré) [p. 55] 12. Cognatio spiritualis [Le nouveau code supprime l’empêchement de parenté spirituelle; mais la Fraternité écrit: “nous maintiendrons la nécessité d’une permission du supérieur de district”] [p. 56] 13. Cognatio adoptiva [Pour la parenté adoptive, la Fraternité suit le nouveau code] Dispense de l’empêchement: supérieur de district (n. can. 1078 § 1: Ordinaire du lieu) [...]. [p. 57] 14. Religio mixta (entre baptisé catholique et baptisé non catholique) - La discipline du nouveau code est, par faiblesse, plus ou moins contraire au droit divin (protection de la foi catholique), nous la rejetons donc et retenons la discipline antérieure. - Can. 1060: prohibition très sévère, et de droit divin, s’il y a péril de perversion de la foi. A l’égard des apostats notoires ou de membres de sectes, l’Eglise fait “détester” le mariage avec eux, (can. 1065) et le curé ne doit pas y assister, sauf permission de l’Ordinaire. Pour nous: nous étendrons l’empêchement prohibant proprement dit au mariage avec des apostats même simples ou avec les membres de sectes chrétiennes ou non; pour le mariage avec les catholiques conciliaires, nous exigeons la permission du supérieur de district. Dans tous ces cas en effet il y a présomption de péril commun pour la foi du conjoint catholique et des enfants à naître. - Conditions de la dispense: can. 1061: cautions (requises à la validité de la dispense) et certitude que les engagements seront tenus. [p. 58] Si après avoir obtenu la dispense, les futurs veulent aller devant le ministre non catholique, ce qui est gravement prohibé, il faut consulter l’Ordinaire (can. 1063), pour nous, le supérieur de district. 11 - Autorité de dispense: la gravité des cas suggèrerait le recours à la commission canonique, mais leur fréquence, par exemple dans les pays anglo-saxons, demande que le supérieur de district puisse accorder la dispense. C’est donc à lui que la dispense sera réservée. - Dispense ad cautelam de l’empêchement de disparité de culte: il est non seulement permis mais conseillé au supérieur de district de l’adjoindre toujours à la dispense de l’empêchement de religion mixte. Elle est censée [sic] inexistante si elle n’est pas adjointe expressis verbis. religion mixte: Supérieur de district pour dispense ou pour permission pour mariage avec catholique conciliaire. [p. 59] 15. DÉSACCORD AVEC LES LOIS CIVILES [...] Tous ces cas seront soumis à l’autorisation du supérieur de district, plus au fait de la législation civile locale que la commission canonique. [...] [pp. 60-61] CHAPITRE VI. EMPECHEMENTS DE MARIAGE. Pouvoirs de dispense dans LE PERIL DE MORT ET LE CAS URGENT Préliminaires 1. Le nouveau code, à côté de quelques détails qui peuvent être avantageux, complique les choses et omet les conditions nécessaires à la dispense selon la loi divine. C’est pourquoi nous nous [sic] tenons au code de 1917, avec les adaptations suivantes: - Aux ordinaires des lieux sont équiparés les supérieurs de district et maisons autonomes, mais non les supérieurs de séminaires. Ils peuvent déléguer. - Les pouvoirs concédés par le code aux curés et prêtres assistants [sic] au mariage le sont, pour nous, concédés [sic] à tous les prêtres bénéficiaires des présentes ordonnances. [nous omettons les pages 64-67 qui appliquent les “principes” susdits] [p. 68] CHAPITRE VII. - Des délits et des peines III - Convalidation du mariage et sanatio in radice (cas ordinaires) [...] [p. 62] c) Pouvoirs - Convalidation simple: Supérieur de district pour contrôle. Mais si disparité de culte: commission canonique, et également si autres empêchements relevant de cette dernière. - Sanatio in radice. C’est une grâce accordée par le Saint-Siège seul, selon le code de 1917 (can. 1141). Mais comme le nouveau code communique ce pouvoir aux évêques diocésains (n. can. 1165 § 2), nous estimons que nos supérieurs de district et maisons autonomes jouissent supplétoirement de ce pouvoir, vu [sic] aussi les fac. 30 et 31 de la Form. facultatum decennalium. Convalidation et sanatio in radice; Convalidation simple: supérieur de district (contrôle) Sanatio in radice: supérieur de district (grâce) [p. 63] I. PRINCIPES Norme générale Nous suivons les sages principes du code de 1917 exposés dans les cann. 2195 à 2313, mais pour les raisons indiquées p. 3, nous nous en tenons aux peines latæ sententiæ portées par le nouveau code. [dans le chapitre II les “Ordonnances” exposent les “censures latæ sententiæ en vigueur” - à la p. 69 - c’est-à-dire les excommunications latæ sententiæ - aux pp. 69-70 - les interdits latæ sententiæ - à la p. 70 - les suspens latæ sententiæ - à la p. 71, selon le nouveau code]. [p. 71] III. RÉMISSION DES PEINES 1. Prænotamina [...] [p. 72] […] 3) Etant donné que de graves inconvénients peuvent résulter du fait d’adresser les pénitents aux instances prévues par le code (Sacrée Pénitencerie, évêque, chanoine pénitencier), il est conseillé d’utiliser les facultés qui suivent au n° 2, concernant les cas ordinaires. 12 2. CAS ORDINAIRES. 1) Les peines RÉSERVÉES au Saint-Siège peuvent être soumises au supérieur général de la Fraternité ou au président de la commission canonique. 2) Une peine INFLIGÉE par un supérieur est soumise à celui-ci, mais s’il s’agit d’un supérieur “novus ordo”, elle peut être soumise au supérieur de rang équivalent dans la Fraternité, à charge pour lui de consulter son confrère “novus ordo”, s’il le juge utile. 3) Toutes les AUTRES PEINES peuvent être soumises au supérieur de district, qui consultera, le cas échéant, le supérieur de district où le délit fut perpétré. 4) Quant à la censure encourue pour AVORTEMENT occulte, tout prêtre a faculté [p. 73] d’en absoudre, sans obligation de recourir, en imposant une pénitence proportionnée et la réparation éventuelle. [Les “Ordonnances” parlent enfin de l’absolution des peines dans les cas extraordinaires, c’est-à-dire péril de mort (point 3, p. 73), cas urgent (point 4, pp. 73-74), et recours impossible (point 5, pp. 74-75). C’est avec cette énumération que se concluent les “Ordonnances”].          II. DEUXIEME DOCUMENT: Extrait de “Cor unum”, bulletin interne de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, n° 61, octobre 1998 L e second document est un extrait du bulletin ‘Cor unum’ d’octobre 1998. L’institution de la “Commission canonique” par la Fraternité Saint Pie X ne pouvait pas ne pas provoquer – à l’intérieur comme à l’extérieur de la Fraternité – des doutes, des perplexités et des critiques, du moins dans la mesure où l’activité de cette Commission était connue. Les autorités de la Fraternité considérèrent donc comme opportun de justifier l’institution de la “Commission canonique” et en particulier les annulations de mariage prononcées par ses Tribunaux. C’est pourquoi ‘Cor unum’ publia deux documents, reproduits ici intégralement: la lettre de Mgr Lefebvre du 5 janvier 1991 au supérieur général de l’époque, Franz Schmidberger, sur la constitution d’une Commission canonique, et le texte d’une intervention tenue à Ecône le 24 août 1998 par le président de la Commission canonique, Mgr Bernard Tissier de Mallerais, sur la légitimité et le statut des tribunaux matrimoniaux de la Fraternité. Nous rappelons que ces documents (lettre de Mgr Lefebvre et intervention de Mgr Tissier) sont des documents internes de la Fraternité et qu’à notre connaissance, il n’ont encore jamais été publiés sur aucune revue de la Fraternité adressée au public. Enfin, pour une meilleure compréhension du texte, nous signalons que le sigle “FSSPX” indique la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, que “n. can.” signifie “nouveau canon” et que “n.o.” remplace “novus ordo” (c’est-à-dire, tout ce qui se réfère à Jean-Paul II). [p. 33] COMMISSION CANONIQUE Lettre de S. Exc. Mgr Lefebvre du 15 janvier 1991 sur la constitution de commissions canoniques Voici un extrait d’une des dernières lettres de S. Exc. Mgr Lefebvre au supérieur général d’alors, M. l’abbé Schmidberger, dans laquelle notre vénéré fondateur conçoit clairement l’institution et le fonctionnement de notre actuelle ‘Commission Canonique Saint Charles Borromée’, ayant un président “autant que possible évêque”, puisque cette instance supplétoire exerce des pouvoirs qui appartiennent normalement à l’évêque, et qui serait chargée en particulier de: 1. concéder les dispenses d’empêchements de mariage, 2. juger des nullités de mariage, 3. absoudre des censures. Nos ordonnances de 1997 ont précisé les autorités supplétives respectives de la Commission, des divers supérieurs, et des simples prêtres, ainsi que la discipline que nous avons adoptée face au nouveau code de droit canon, concernant les points (1) et (3). Quant au point (2), la Commission canonique, par divers tribunaux institués ad casum, a déjà jugé à ce jour de nombreuses causes qui se sont terminées comme suit: 13 tuellement Mgr Tissier de Mallerais, président, M. l’abbé Laroche et M. l’abbé Pivert, membres). Les confrères pourront constater notre fidélité à la ligne que traçait Mgr Lefebvre dans la lettre dont voici l’extrait choisi. Ec ne,15 janvier 1991 Frontispice d’un numéro de “Cor Unum” En 1ère instance non constat de nullitate: nombreuses causes constat (procédure sommaire): quelques causes En 2ème instance non constat: 0 constat: quelques causes En 3ème instance non constat: 0 constat: quelques causes [p. 34] Notre jurisprudence, qui s’inspire de la jurisprudence traditionnelle de la Rote romaine et recueille ce qui peut être bon d’une jurisprudence récente, s’élabore au fur et à mesure de l’exercice de notre pouvoir supplétoire, selon la prudence. Les autres cas prévus par Mgr Lefebvre se répartissent de la manière suivante: * Dispense des vœux de religion: l’évêque chargé des religieux, actuellement Mgr de Galarreta (après Mgr Fellay) (ordonnances de 1997, p. 46). * Autorisations d’exorcisme: Les supérieurs de districts, séminaires et maisons autonomes (ordonnance de 1997, p. 33, faculté 46). * Consultations: Le président ou les membres de la Commission canonique (ac- Cher abb Schmidberger, Un grand merci pour vos vˇux et vos pri res l occasion de la saint Marcel. [...] Quant au probl me des Commissions, faisant dans une certaine mesure suppl ance la d fection des Congr gations romaines dirig es par des pr lats imbus des principes r volutionnaires du Concile, il me semble qu il faudrait commencer tr s modestement, suivant les n cessit s qui se pr sentent et offrir cette institution comme un service pour aider les pr tres dans leur minist re et les religieuses pour les cas difficiles r soudre ou pour des autorisations qui r clament un pouvoir piscopal de suppl ance. Rome fait non seulement d faut, mais juge selon de faux principes, comme dans le cas des mariages mixtes, des nullit s de mariage!... [p. 35] Pour l instant, je conseillerai une premi re Commission sp cialement canonique form e d un pr sident autant que possible v que, de deux conseillers et d un secr taire, laquelle on pourrait donner un nom d un saint canoniste: Commission Saint Pie V, ou saint Bellarmin, ou saint Charles Borrom e et laquelle seraient envoy es les consultations, les demandes. Le secr taire d pouille, expose les cas et soumet au jugement ou du moins l tude des 3 juges, qui se r unissent tous 14 les 3 mois ou plus sur la demande du pr sident et tudient et r pondent aux cas. Cette Commission est nomm e par le Conseil g n ral, mais qui peut faire appel un dominicain ou un expert connu soit d une mani re permanente comme conseiller, soit occasionnellement. Ce serait un premier pas et l exp rience montrerait ce qu il est opportun de faire dans l avenir. La Commission rendrait compte de ses travaux au Conseil g n ral une ou deux fois par an. Cette Commission devrait tre annonc e par une lettre communiqu e tous les pr tres de la Tradition qui sont demeur s catholiques et toutes les soci t s de la Tradition, hommes et femmes. Il n y a pas d inconv nient ce que les fid les connaissent l existence de cette Commission. Tant que les autorit s romaines actuelles sont imbues d ˇcum nisme et de modernisme et que l ensemble de leurs d cisions et du nouveau droit sont Mgr Lefebvre et son premier successeur, l’abbé Franz Schmidberger influenc es par ces faux principes, il faudra instituer des autorit s de suppl ance, gardant fid lement les principes catholiques de la Tradition catholique et du droit catholique. C est le seul moyen de demeurer fid le Notre Seigneur J susChrist, aux Ap tres et au d p t de la foi transmis leurs successeurs demeur s fid les jusqu Vatican II. Quelques exemples de cas soumettre: - mariages mixtes - dispenses - nullit s de mariage - lev e d excommunication au for externe * pour tous ceux qui participent l avortement soit physiquement, soit l galement. * ou pour d autres motifs. [p. 36] - dispenses des vˇux de religion - autorisations d exorcismes - consultations. Le choix du secr taire permanent r sidant la Maison g n ralice est important, bien qu il n ait pas de pouvoir de d cision. Esp rant vous tre encore utile par ces r ponses, je vous prie de croire mon entier d vouement en J sus et Marie. Marcel Lefebvre [p. 37] LÉGITIMITÉ ET STATUT DE NOS TRIBUNAUX MATRIMONIAUX On trouvera ici le texte de l’intervention de Monseigneur Tissier de Mallerais, président de la Commission canonique, lors de la session de procédure canonique, le 24 août 1998 à Écône, revu et corrigé par ses soins. Cet exposé pourra aider les confrères à mieux comprendre le bien fondé des tribunaux matrimoniaux, qui sont l’une des “autorités de suppléance” conçues par Monseigneur Lefebvre. 15 Status questionis [sic] Les déclarations de nullité des tribunaux ecclésiastiques “Novus Ordo” sont souvent douteuses. Avons-nous le droit d’y suppléer par des tribunaux fonctionnant au sein de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X? Monseigneur Lefebvre (cf document précédent - ordonnances, éd. 1997 pp. 89) a prévu la création de la Commission canonique, en particulier pour résoudre les causes matrimoniales après un premier jugement porté par le supérieur de district. L’autorité de notre fondateur suffit pour que nous acceptions ces instances, de même que nous avons accepté les sacres épiscopaux de 1988. Mais cela ne nous dispense pas de tenter de justifier doctrinalement l’existence et le fonctionnement de nos tribunaux matrimoniaux. Nous allons voir que la raison centrale est, comme pour les sacres, la situation de nécessité des fidèles de tradition. I. La nouvelle législation matrimoniale 1. Nouvelle définition du mariage: a) Objet du consentement matrimonial: Il n’est plus strictement défini comme “jus in corpus, perpetuum et exclusivum in ordine ad actus per se aptos ad prolis generationem” (can. 1081, § 2), mais vaguement décrit comme “mutua traditio et acceptatio viri et mulieris ad constituendum matrimonium” (cf. n. can. 1057 §2). L’objet du consentement se trouve ainsi indûment étendu aux éléments secondaires quoi qu’intégrants du mariage, à savoir le “totius vitæ consortium” (n. can. 1055). b) Inversion des deux fins du mariage: Code de 1917: “finis primarius procreatio et educatio prolis; secundarius: mutuum adjutorium et [p. 38] remedium concupiscentiæ” (can. 1013, §1). Nouveau code: “...ad bonum conjugum atque prolis generationem et educationem” (n. can. 1055, §1). Par conséquent la communauté de vie entre, selon la nouvelle législation, comme partie, et partie principale, de l’objet du consentement matrimonial, et avec elle la relation inter-personnelle entre les époux, c’est-à-dire leur cohabitation, bonne entente, mutuel épanouissement. Or ceci est, selon la conception traditionnelle, hors de l’objet du pacte matrimonial, comme le réaffirme Pie XII contre les novateurs en 1944 en faisant insérer aux Acta Apostolicæ Sedis une sentence de la Sainte Rote Romaine [AAS 36 (1944), 172-200], qui rappelle la hiérarchie des deux fins du mariage et rappelle que “la communauté d’habitation, de chambre et de table n’appartient pas à la substance du mariage” même si elle relève de l’intégrité de la vie conjugale. (Cf. Les Enseignements Pontificaux, Le mariage, Solesmes, Desclée, 1960, appendice n. 24-29). 2. De nouveaux défauts de consentements rendent le mariage nul: Il est clair que si le “bonum conjugum” et le “totius vitæ consortium” entrent dans l’objet du pacte matrimonial, les défauts qui, ab initio, rendent la communauté de vie entre époux impossible - et non plus seulement la reddition du jus ad corpus rendent nul le pacte matrimonial. D’où l’introduction dans la nouvelle législation, de nouvelles inhabilités à contracter mariage. Bien sûr, l’Eglise peut toujours ajouter, par des dispositions positives, de nouveaux empêchements à mariage, mais ce sont 1) des dispositions positives et non un changement de la nature des choses, et en conséquence de la substance du mariage 2) des dispositions déterminant de façon très précise les inhabilités, de telle façon que le jugement sur la présence de tels empêchements soit facile à porter, sans crainte d’abus. Or ce n’est précisément pas le cas ici; on a un changement de la substance du mariage et la porte ouverte à tous les abus, comme on va le voir. * n. can. 1095, n. 2 “Sunt incapaces matrimonii contrahendi: (...) 2° qui laborant gravi defectu discretionis judicii circa jura et officia matrimonialia essentialia mutuo tradenda et acceptanda”. Traditionnellement seules rendent nul le mariage, du côté de l’intelligence: - L’ignorance de ce que le mariage est “une société permanente entre un homme et une femme pour procréer des enfants” (can. 1082 § 1); et cette ignorance n’est pas présumée après la puberté. [p. 39] - L’erreur sur “l’unité ou l’indissolubilité ou la dignité sacramentelle du mariage”, si elle détermine la volonté (n. can. 1099, codifiant une jurisprudence traditionnelle). 16 C’est tout et c’est clair, tandis que le “defectus discretionis judicii”, c’est-à-dire l’immaturité du jugement, porte nécessairement sur la réalisation personnelle, voire inter-personnelle, des obligations essentielles du mariage, laquelle est hors de l’objet traditionnel du pacte matrimonial, et concerne l’aspect subjectif du lien matrimonial. Certes, l’immaturité croissante des jeunes gens rend souvent les mariages peu viables et leur conclusion imprudente, mais établir une inhabilité pour immaturité, c’est invoquer une conception personnaliste, subjective du pacte matrimonial et ouvrir la porte aux abus. Seul un empêchement d’âge plus sévère serait un remède objectif... * n. can 1095, n. 3 “sunt incapaces (...) 3° qui ob causas naturæ psychicæ obligationes matrimonii essentiales assumere non valent”. Traditionnellement, l’Église ne reconnaît que l’incapacité physique: impotentia (can.1068, § 1), qui rend impossible la reddition du “jus in corpus in ordine ad actus per se aptos...”(can. 1081, § 2). La seule incapacité mentale est amentia vel dementia, qui rend le sujet radicalement inhabile à contracter (cf. can. 1081 §1 “inter personas jure habiles”). Certes, les cas de déséquilibre, dus à la destruction de la famille, sont maintenant fréquents, qui rendent aléatoire la permanence de l’union, mais qui déterminera quel degré de déséquilibre la rend radicalement impossible? Jean-Paul II lui-même a dû rappeler aux canonistes que de tels désordres psychiques doivent être “a serious form of anomaly which (...) must substantially undermine the capacity of understanding and/or willing of the contracting party” (adresse à la Rote Romaine, 5 fév. 1987, AAS 79 (1987), 1457). Il reste que le canon 1095, n. 3, dans sa formulation, est la porte ouverte aux abus. * n. can 1098 “Qui matrimonium init deceptus dolo, ad obtinendum consensum patrato, circa aliquam alterius partis qualitatem, quæ suapte natura consortium vitæ conjugalis graviter perturbare potest, invalide contrahit”. Jusqu’au nouveau code, le dol n’a jamais été admis comme cause de nullité de mariage; et ce pour protéger le bien de la permanence du lien conjugal. [p. 40] Mais les auteurs admettent que l’Église pourrait l’introduire (par une disposition de droit positif). Ce serait le moins illégitime quand l’erreur dolosive met en jeu la fin primaire du mariage, p. ex. dol sur la stérilité d’un des conjoints; et c’est ce que fait le nouveau code: sterilitas, non dirimit, sed dolus circa sterilitatem (cf. n. can. 1084 §3). Mais le n. can. 1098 est beaucoup trop large: le dol cachant l’ivrognerie, l’addiction à la drogue, voire même le caractère irascible seraient cause de nullité! On voit ici l’inspiration personnaliste conciliaire de ce nouveau canon. Et le reformuler dans un sens catholique ne nous appartient pas. 3. Conséquences pratiques a) 80% des nullités déclarées par les tribunaux nouvel ordo reposent sur le n. canon 1095! donc sont des jugements nuls, puisqu’ils reposent sur une règle incapable de régler. Des commentateurs parlent de “divorce catholique”, tellement il est facile d’obtenir de tels jugements. b) Et dans les cas où il y a un chef de nullité sérieux mais difficile à prouver, le tribunal choisit le n. can. 1095 comme solution de facilité. On objecte alors: oui, mais justement dans ces cas, le mariage est réellement nul, alors pourquoi ne pas profiter de la sentence de nullité même si elle n’est pas correcte? Il faut répondre: pour constater l’état libre d’une personne (pour qu’elle puisse se remarier) il faut un jugement valide, non l’appréciation privée plus un jugement invalide. II - Situation des fidèles 1. Ils n’ont pas le droit d’aller aux tribunaux nouvel ordo, car c’est courir grand risque de recevoir une déclaration de nullité nulle et de se remarier à bon compte et de vivre ainsi dans le péché, en concubinage canonique! 2. Ils ne peuvent pas, pour pouvoir se remarier, juger eux-mêmes de la nullité de leur mariage, ou se contenter d’un avis privé d’un prêtre ami: ce serait la porte ouverte au subjectivisme et au désordre, exposant le lien matrimonial au mépris et augmenter le mal. [p. 41] 3. Ils ont droit en justice à être sûrs de la validité du sacrement reçu une seconde 17 Mgr A. de Galaretta, évêque chargé actuellement des religieux, après Mgr Fellay. C’est lui qui dispense des vœux de religion fois et donc de la validité de la sentence de nullité, et à être protégés contre les erreurs personnalistes qui invalident ces sentences. Qui donc leur fera droit? 4. Les prêtres et les évêques fidèles ont le devoir de défendre et protéger le lien matrimonial mis en péril par la nouvelle législation. Comment rempliront-ils ce devoir? En résumé les fidèles, ne trouvant pas à qui recourir, sont dans un état de nécessité, et d’autre part les prêtres et les évêques fidèles ont le devoir de les secourir. Dans cette situation, les évêques fidèles (Dom Licinio à Campos) et notre Commission canonique, fondés sur les principes généraux du droit qui régissent la vie de l’Église, ont les pouvoirs de suppléance pour juger des causes matrimoniales. III - Base doctrinale de nos pouvoirs supplétoires 1. Can. 20 (n. can. 19): S’il manque une détermination du droit il faut résoudre le cas en prenant la norme “a legibus latis in similibus; generalibus iuris principiis cum aequitate canonica servatis; jurisprudentia et praxi Curiæ Romanæ; communi constantique doctorum sententia”. (WernzVidal: “ jus ergo suppletorium est jus applicandum in particularibus casibus, cum circa illud non habeatur in codice prescriptum quod peculiari illi casui sit applicandum” n. 180). 2. Application - trois choses interviennent: a) Lieux parallèles, c’est-à-dire pratique de l’analogia legalis (Wernz-Vidal, n. 181): “per quam juris dispositio pro aliis casibus applicatur in casu simili de quo lex non disponit”. Ici, le lieu parallèle est le cas du recours impossible à l’évêque pour dispenser d’un empêchement dirimant de droit ecclésiastique: dans le “danger de mort” ou “quando omnia sunt parta ad nuptias”, le curé ou le confesseur peuvent dispenser (can. 1044-1045). Ce qui signifie que l’Eglise leur donne, par suppléance, juridiction ad casum; b) style (jurisprudence) de la Curie romaine: Une réponse de la Commission d’interprétation du code, du 29 juillet 1942 (AAS, 34, 241) permet d’étendre la disposition du can. 1045 au cas d’urgente nécessité où il y a “periculum in mora” (cf. can. 81). c) épikie et opinion des docteurs à propos des can. 1043 sq., mais qui vaut aussi ailleurs: Cappello, Tractatus, De Sacramentis, III, n. 199: “Si finis legis cesset contrarie pro communitate, i.e. si damnum commune inde sequatur, lex non urget, quia merito censetur suspendi ex benigna mentis legislatoris interpretatione”. Or c’est le cas de l’obligation de recourir à des tribunaux modernistes. Mais si cette obligation cesse, ne cesse pas l’obligation de recourir à quelque tribunal! 3. De la conjonction de ces éléments, nous inférons que notre commission canonique, dans le cas actuel du recours impossible aux tribunaux officiels, a le pouvoir de juger des causes matrimoniales (on peut dire que le Saint-Siège, s’il n’était pas aussi moderniste que les tribunaux, nous donnerait ce pouvoir par équité canonique). Il est même plus grave de dispenser d’un empêchement dirimant (ce qui change la condition de la personne, laquelle d’inhabile, devient habile à contracter), que de déclarer nul un mariage (ce qui ne change pas l’état de la personne, mais constate un état déjà existant ab initio); c’est un pouvoir de juridiction déclaratif seulement. Si donc la suppléance nous donne pouvoir de dispenser, elle nous donne a fortiori pouvoir de juger. 4. L’institution de tribunaux matrimoniaux dans l’orbe de la tradition est spécialement justifiée du fait: a) que leur autorité sera plus facilement acceptée que celle d’un avis privé, 18 b) qu’ainsi il ne sera pas nécessaire de dirimer des avis privés douteux ou divergents, c) qu’il est nécessaire d’avoir plusieurs juges et plusieurs instances pour procéder prudemment selon l’esprit et la lettre du droit, d) qu’en la situation de nécessité actuelle, le prêtre singulier reçoit suppléance pour ce qu’un prêtre peut normalement faire lui-même et non pour ce qu’il ne peut pas normalement faire. Or juger ces causes matrimoniales n’est pas normalement le fait d’un seul prêtre, mais de l’évêque ou des autorités qu’il délègue. En tout cela vaut la règle “autant que, pas plus que”: L’Église supplée en faveur des fidèles la juridiction qui manque aux instances supplétoires, autant que cela est nécessaire et pas plus que ce n’est nécessaire. [p. 43] IV - Exercice du droit de juger des causes matrimoniales (par notre Commission canonique et des prêtres désignés par elle) Notre juridiction, dans ces cas, est, on l’a dit, une juridiction suppléée. Voici ses propriétés: 1. Elle n’est pas habituelle, mais s’exerce ad casum, per modum actus. Par conséquent nos tribunaux ne siègent pas habituellement, leurs membres ne sont pas nommés ad universas causas, mais au contraire chaque fois ad hoc, par la Commission canonique; même si pour des raisons de commodité, ce sont toujours les mêmes juges, les mêmes défenseurs du lien qui interviennent; car il faut des personnes compétentes. 2. Elle n’est pas territoriale, mais personnelle. 3. Elle dépend de la nécessité des fidèles, c’est-à-dire qu’elle vaut tant que dure l’état de nécessité commune, et même si par impossible, on pouvait trouver tel ou tel tribunal officiel qui jugeât des causes de mariage selon les normes traditionnelles. 4. C’est une vraie juridiction et non une exemption du droit et de l’obligation que les fidèles ont de recevoir une sentence. Donc nous avons pouvoir et devoir de porter de vraies sentences, ayant potestatem ligandi vel solvendi. Elles ont donc valeur obligatoire. La raison prochaine en est que nous devons pouvoir dire aux fidèles ce qu’ils doivent suivre, quod debent “servare”. Nos sentences ne sont pas de simples avis privés, car un tel avis ne suffit pas là où le bien public est engagé; or le bien public est engagé dans chaque cause où le lien matrimonial est discuté. Pour trancher le doute, il faut un pouvoir au for externe public. 5. Cette juridiction n’usurpe aucun pouvoir de droit divin du pape. Il est vrai que nos sentences en troisième instance remplacent les sentences de la Rote romaine, qui juge au nom du pape comme tribunal de troisième instance. Mais ce n’est pas une usurpation de pouvoir de droit divin du pape, car la réserve de cette troisième instance au pape est seulement de droit ecclésiastique! 6. Enfin, nos sentences, comme tous nos actes de juridiction supplétoire, et comme les sacres épiscopaux eux-mêmes de 1988, 1991, etc., devront être confirmées ultérieurement par le Saint-Siège. [p. 44] REGLES PRATIQUES CONCERNANT LES DÉCLARATIONS DE NULLITÉ DE MARIAGE La charité pastorale vise à la sanctification des âmes: prima lex salus animarum; mais la prudence pastorale évite d’imposer aux âmes des fardeaux insupportables (cf. Mt 23,4). Par conséquent le pasteur cherche à mettre les âmes dans le vrai par rapport à la loi de Dieu et à la validité du mariage, mais il préfère parfois laisser les âmes dans la bonne foi si elles errent de bonne foi sur leur situation matrimoniale, lorsqu’il est à craindre qu’elles n’accepteraient pas de la régulariser et vivraient dans la mauvaise foi. D’autre part les sentences de nullité de mariage portées par des tribunaux officiels (sentences “novus ordo”, peut-on dire) ne peuvent être considérées comme nulles ipso facto ni comme valides sans examen. D’où découlent les règles suivantes. 1. Une sentence novus ordo ne peut être ni admise ni rejetée a priori. Sa validité dépend des critères utilisés. Elle doit donc être examinée in jure. 19 2. Le prêtre ne conseille jamais à personne d’aller à un tribunal n.o., de crainte que la sentence ne soit nulle, pour être fondée in jure sur des critères erronés ou douteux du nouveau code. 3. Si la personne n’est pas remariée, mais doute ou dénonce la validité d’un premier mariage, ou annonce que la cause de nullité est introduite devant un tribunal n.o., ou que ce dernier a déjà porté une sentence exécutoire de nullité, le prêtre l’avertit qu’une sentence n.o. n’est pas une preuve suffisante de la nullité du mariage et qu’elle ne peut se remarier sans avoir soumis sa cause à l’examen de notre Commission canonique. 4. Si la personne, après une sentence de nullité n.o., s’est déjà remariée, le prêtre la laisse dans la bonne foi, si elle y est. Dans ce but: 1) il ne parle jamais publiquement des sentences n.o., 2) il n’interroge jamais les fidèles à ce propos, 3) interrogé par une personne qui a seulement un doute négatif, il la rassure. 5. Si la personne, remariée après une sentence de nullité n.o. a un doute positif, le prêtre doit l’aider à résoudre son doute. Pour cela il: 1) avertit la personne de la possibilité de nullité de la sentence n.o.; [p. 45] 2) explique que, pour cette raison et selon notre pratique, la cause doit être soumise à la Commission canonique. 6. Afin de présenter toute cause à l’examen du bureau canonique, le prêtre 1) se fait expliquer sommairement le cas; 2) se fait communiquer, si c’est le cas, la sentence n.o. ou au moins un document du tribunal indiquant le caput nullitatis; 3) communique l’exposé du cas (et la sentence n.o. éventuelle) au bureau canonique, qui envoie au prêtre le questionnaire destiné à établir le libelle introductif de la cause; 4) mais il ne prend aucunement parti, ni dans un sens ni dans l’autre. 7. La cause ne peut être introduite que si la partie concernée accepte d’être moralement liée par la décision. C’est pourquoi le prêtre lui fait jurer et signer la promesse suivante: Je soussigné... au moment de soumettre la cause de mon mariage avec... à la Commission canonique de la FSSPX promets: 1) (si c’est le cas) de n’attenter aucun mariage ni même aucune union civile avant la sentence définitive. 2) de me conformer à la sentence du tribunal et par conséquent, si elle est négative, de ne pas me remarier, ou (si c’est le cas) ne plus considérer mon second conjoint comme mon conjoint. 3) de ne pas approcher un tribunal ecclésiastique officiel pour lui faire examiner ou juger ma cause. Tout ceci, je le promets et je le jure sur les saints Évangiles que je touche de ma main. Le... à.... Signature [rayer les mentions inutiles] 8. Tant que le tribunal désigné par le bureau canonique n’a pas porté de sentence exécutoire de “constat de nullitate matrimonii”, le mariage contracté après une sentence de nullité n.o. (si c’est le cas) est présumé valide et en conséquence, les conjoints en la seconde union peuvent [p. 46] demander et rendre le dû conjugal et les sacrements ne peuvent leur être refusés. 9. Mais si une procédure en nullité est engagée chez nous et que, avertie de ne pas se remarier avant une sentence de notre part qui le lui permette, une partie se remarie ou contracte une simple union civile, les sacrements lui sont refusés et la procédure peut être suspendue au jugement du supérieur qui a constitué le tribunal. 20 III. FORMULAIRES DE DISPENSES (abbé Pivert) Formulaire pour obtenir l’autorisation d’épouser un catholique non croyant, non pratiquant ou “adhérant au modernisme” 21 Formulaire pour obtenir la dispense de l’empêchement de “religion mixte”. La dispense est accordée par l’abbé Pivert “considérant qu’il n’est pas possible de recourir à l’Ordinaire du lieu ou à Rome” 22 Formulaire pour obtenir la dispense de l’empêchement de “crime” (adultère). Dans ce cas aussi, c’est l’abbé Pivert qui dispense au nom du supérieur de district 23 Formulaire pour l’autorisation au mariage qui doit être signé par l’abbé Pivert. Les règles suivies sont les “prescriptions propres à la Fraternité Saint Pie X” 24 DEUXIEME PARTIE: COMMENTAIRE DE SODALITIUM par M. l’abbé Francesco Ricossa C ’est à un problème réel qu’avec les documents ci-dessus, la Fraternité Saint Pie X tente d’apporter une solution; mais la solution proposée est pire que la difficulté à laquelle on voulait porter remède. Un problème réel: exercer le ministère sans avoir la juridiction. Brève histoire des difficultés et des solutions proposées Le drame que nous vivons a débuté avec le Concile Vatican II, lorsque la doctrine de l’Eglise catholique a été abandonnée - sur plusieurs points - en faveur d’une nouvelle doctrine. Ont suivi des réformes disciplinaires mettant en application les principes de Vatican II: rappelons en particulier la réforme liturgique avec son point culminant que fut la promulgation d’un nouveau missel en 1969, et la réforme canonique, réalisée avec le nouveau code de 1983. La question de l’Autorité Très rapidement, les opposants à Vatican II se sont trouvés confrontés à des problèmes théoriques et pratiques d’importance. D’un côté le refus d’un Concile et de ses réformes pose le problème de la légitimité de l’Autorité qui a voulu ce Concile et ces réformes. C’est le problème de l’Autorité ou comme on dit - du Pape. Lui est connexe par voie de conséquence le problème - plus pratique - de l’obéissance que tout catholique doit à la hiérarchie et particulièrement au Pape (3). Notre position est la suivante: Paul VI et Jean-Paul II ne jouissent pas de l’Autorité pontificale divinement assistée (ils ne sont pas formellement papes), aussi - en ce qui concerne l’obéissance - le problème ne se pose-t-il pas puisque ce n’est qu’à l’autorité légitime que l’on est tenu d’obéir. Par contre Mgr Lefebvre et sa Fraternité reconnaissent la légitimité de ceux qui ont promulgué le Concile et les réformes ultérieures (“mauvais Pape, mais Pape”), ce pour quoi ils furent rapidement contraints à théoriser la licéité de la désobéissance (habituelle) au Pape, tant pour ce qui concerne l’accueil de son enseignement que pour les questions disciplinaires. La règle pratique adoptée fut alors: “Nous acceptons les nouveautés intimement conformes à la Tradition et à la Foi. Nous ne nous sentons pas liés par l’obéissance à des nouveautés qui vont contre la Tradition et menacent notre Foi” ( 4). Je rappelle ce principe parce qu’il sera appliqué dans le cas présent par les successeurs de Mgr Lefebvre, spécialement pour ce qui regarde la réception du nouveau code de droit canon. La question de la juridiction L’autre problème - celui qui nous intéresse directement - est celui de la juridiction nécessaire dans l’exercice du ministère sacerdotal. Par droit et institution divine il existe dans l’Eglise deux pouvoirs, celui d’ordre et celui de juridiction. “Le pouvoir ecclésiastique se divise en pouvoir d’ordre et pouvoir de juridiction. Le pouvoir d’ordre est immédiatement destiné à la sanctification des âmes par l’offrande du sacrifice de la Messe et l’administration des sacrements. Le pouvoir de juridiction, lui, est immédiatement destiné au gouvernement des fidèles en vue de la vie éternelle. Il s’exerce soit par l’enseignement autorisé des vérités révélées (magistère sacré), soit par la promulgation des lois (pouvoir législatif), par l’authentique décision des causes surgies entre sujets (pouvoir judiciaire), par l’application de sanctions pénales contre les transgresseurs des lois (pouvoir coercitif)” ( 5). Les deux pouvoirs (et leurs hiérarchies relatives) “sont réellement distincts” mais “étroitement liés par une relation mutuelle”: “ils se différencient par leur origine: en effet l’ordre est conféré avec un sacrement approprié tandis que la juridiction est donnée par mission canonique; et ils [se différencient] par leur propriété, car l’usage valide de l’ordre, dans la majeure partie des cas, ne peut être enlevé, alors que la juridiction peut être révoquée. Ils sont cependant en rapport mutuel, car la juridiction suppose l’ordre et vice-versa l’exercice de l’ordre est réglé par la juridiction” (5). La publication du nouveau missel (1969) soulève pour les opposants à Vatican II la première difficulté pratique: ou bien continuer et organiser partout - avec de “vieux” livres liturgiques - l’exercice du pouvoir 25 d’ordre (Messe, sacrements...) même sans la jouissance du pouvoir de juridiction; ou bien s’abstenir des actes du ministère en cas de privation de la mission canonique venant de la “hiérarchie”. En pratique, (et non sans de nombreux accrocs à la règle) l’abbé de Nantes fut seul à choisir la seconde voie, tandis que tous les autres empruntaient la première. La position de la Fraternité de 1975-76 à 1980. Critique de cette position Pour Ecône, si le problème ne se posait pas entre 1970 et 1974, période durant laquelle la Fraternité Saint Pie X fut canoniquement approuvée, avec la suppression de la Fraternité le 6 mai 1975, le retrait des lettres dimissoriales requises pour ordonner les séminaristes (27 octobre 1975), et la suspense de l’autorisation de conférer les ordres sacrés pour Mgr Lefebvre (12 juin 1976), il se posa alors de la façon la plus dramatique: à partir de 1976, les prêtres ordonnés dans la Fraternité seraient donc suspens a divinis (interdiction de célébrer la Messe et d’administrer les sacrements), exactement comme l’avait été leur fondateur (22 juillet 1976). Une fois la décision prise d’administrer les sacrements sans les juridictions requises - et ce furent les ordinations du 29 juin 1976 - on se trouva face à une nouvelle difficulté: dans cette situation, si certains sacrements sont de toutes façons administrés validement en vertu du pouvoir d’ordre, qui est inamissible, d’autres sacrements (Pénitence et Mariage) requièrent justement - sous peine d’être administrés invalidement - cette juridiction qui faisait défaut. Si pour le sacrement de mariage la solution est relativement facile (le canon 1098 prévoit, dans certains cas, la dispense de la forme canonique), le sacrement de pénitence présentait et présente de plus grandes difficultés: la nécessité de la juridiction du confesseur sur le pénitent est en effet requise par la nature même du sacrement tel qu’il a été institué par le Christ et ne relève donc pas seulement du droit ecclésiastique (Concile de Florence, DS 1323; Concile de Trente, DS 1686; Pie VI, Auctorem fidei, DS 2637; Saint Thomas, Suppl. q. 8, a. 4.). Le droit prévoit, il est vrai, des cas dans lesquels l’Eglise supplée à la juridiction (‘Ecclesia supplet’) manquante du prêtre: en cas de danger de mort par exemple, tout prêtre peut absoudre vali- dement (can. 882), de même qu’il peut le faire, selon la prescription du canon 209 (6), en cas de doute positif et probable (de posséder ou non la juridiction) ou bien d’erreur commune (les pénitents pensent de façon erronée que le prêtre a la juridiction) (7). Il était cependant évident que les canons invoqués ne suffisaient pas à justifier la pratique de confesser habituellement et constamment sans juridiction, ce pour quoi Mgr Lefebvre étendait le cas de danger de mort physique du pénitent - prévu par le code - à celui de péril de mort spirituelle dans lequel se trouvent tous les catholiques vue la situation actuelle de l’Eglise. N’était-ce pas raisonner “comme si” on ne reconnaissait plus de fait la légitimité de la hiérarchie et la validité des nouveaux sacrements? Et en effet Mgr Lefebvre hésita - au cours de l’été 76 - sur la légitimité de Paul VI; mais après avoir été reçu en audience (11 septembre) il opta pour la légitimité, décision devenue officielle avec la fameuse déclaration du 8 novembre 1979 intitulée: ‘Position de Mgr Lefebvre sur la nouvelle messe et sur le Pape’ (Cor Unum, n. 4, pp. 1-9), qui prit forme elle aussi dans le climat qui suivit l’audience accordée par Jean-Paul II à Mgr Lefebvre le 18 novembre 1978. Cette position (reconnaissance théorique de la légitimité de Paul VI et de Jean-Paul II, mais action pratique comme si cette reconnaissance n’existait pas) devint l’un des points faibles de son mouvement. Voyons comment, à l’époque, le cardinal Seper, délégué de Paul VI et de Jean-Paul II à l’examen de la cause traditionaliste, exposait le problème: “Et votre ‘praxis’ - objectait le cardinal Seper à Mgr Lefebvre dans la lettre du 28 janvier 1978 ne corrige point les choses. En effet, vous ordonnez des prêtres contre la volonté formelle du Pape et sans les ‘litteræ dimissoriæ’ requises par le Droit Canonique: vous envoyez des prêtres ordonnés par vous dans des prieurés où ils exercent leur ministère sans l’autorisation de l’Ordinaire du lieu: vous faites des discours propres à répandre vos idées dans des diocèses dont l’évêque vous refuse son consentement: avec des prêtres que vous avez ordonnés et qui ne dépendent en fait que de vous, vous commencez, que vous le vouliez ou non, à former un groupement propre à devenir une communauté ecclésiale dissidente. A ce propos il faut relever l’étonnante déclaration que vous avez faite (Conférence de 26 presse du 15/9/1976, dans Itinéraires, déc. 1976, pp. 126-127) au sujet de l’administration du sacrement de pénitence par les prêtres que vous avez illicitement ordonnés et qui ne sont pas pourvus de la faculté d’entendre les confessions. Vous estimiez que ces prêtres avaient la juridiction prévue par le Droit canonique pour les cas de nécessité: ‘Je pense disiez-vous - que nous nous trouvons dans des circonstances non pas physiques, mais morales extraordinaires.’ N’était-ce pas raisonner comme si la hiérarchie légitime avait cessé d’exister dans les régions où ces prêtres se trouvaient?” (8). La réponse de Mgr Lefebvre, tout à fait pertinente sur les questions doctrinales, ne le fut pas par contre sur celles qui l’auraient amené - logiquement - à nier de droit (et pas seulement de fait) la légitimité du “Pape” et des “évêques” (9). Dans sa réponse du 26 février 1978, Mgr Lefebvre resta dans le vague (10) aussi la question fut-elle reposée par le cardinal Seper, en termes presque identiques, le 16 mars (11), puis - de façon plus diffuse dans l’interrogatoire des 11-12 janvier 1979 (12). A la fin de l’interrogatoire, Seper revint encore une fois sur la question: “un évêque, c’est ainsi qu’il résume la position de Mgr Lefebvre - jugeant en conscience que le Pape et l’Episcopat n’exercent plus en général leur autorité en vue d’assurer la transmission fidèle et exacte de la foi, peut légitimement, pour maintenir la foi catholique, ordonner les prêtres sans être évêque diocésain, sans avoir reçu de lettres dimissoires et contre la prohibition formelle et expresse du Pape, et attribuer à ces prêtres la charge du ministère ecclésiastique dans les divers diocèses. (…) Cette thèse est-elle conforme à la doctrine traditionnelle de l’Eglise à laquelle vous entendez vous tenir?”. La réaction de Mgr Lefebvre fut immédiate: “Vous me tendez un piège !”. La réponse plus méditée ne fut pas meilleure. D’abord le pragmatisme: “Non. Je n’ai pas agi en partant d’un principe comme celui-là. Ce sont les faits, les circonstances où je me suis trouvé qui m’ont contraint à prendre certaines positions (...)”. Puis un argument qui l’autocondamnait: “Je pense que l’histoire peut fournir des exemples d’actes semblables posés, en certaines circonstances, non pas ‘contra’, mais ‘præter voluntatem Papæ’” [mais justement Mgr Lefebvre agissait ‘contre’ et pas ‘au-delà’ de la volonté du “pape”]. Enfin la reddition lo- L’abbé François Pivert, membre et inspirateur de la commission canonique gique définitive: “Toutefois, cette question est trop grave et trop importante pour que je puisse répondre immédiatement. Je préfère donc suspendre ma réponse” (13). Les colloques avec le “Saint-Office” en restèrent là, et il n’y eut aucune réponse ultérieure... Jusqu’alors la position de la Fraternité Saint Pie X était contradictoire - du fait de la position sur l’autorité du Pape - mais se limitait à postuler une “suppléance” de l’Eglise pour la seule administration des sacrements. De fait, nous aussi invoquons dans ce but une suppléance (pas tant de l’Eglise que du Christ, comme nous allons le voir par la suite), pour l’exercice licite et valide du pouvoir d’ordre (et exclusivement du pouvoir d’ordre). La position correcte sur le problème et la critique à cette première déviation de la Fraternité est parfaitement exprimée par l’abbé Belmont dans le passage suivant publié dans les Cahiers de Cassiciacum: “Nous admettons parfaitement que dans la situation d’anarchie (au sens propre) (14) où nous nous trouvons, il y a suppléance divine en faveur des fidèles en ce qui concerne le pouvoir de sanctification de l’Eglise (15). Mais, semble-t-il, trois facteurs sont nécessaires 27 pour l’existence d’une telle suppléance (hormis celles expressément prévues par le Droit): - la nécessité générale et non un cas particulier; - l’impossibilité du recours à l’Autorité. C’est l’Autorité qui est juge des actes sacramentels que nous devons accomplir; une défaillance accidentelle de l’Autorité ne peut donner place à une suppléance. Si la défaillance est essentielle et habituelle, c’est l’existence même de l’autorité qui est en cause (16); - un fondement réel dans celui qui doit agir en vertu d’une suppléance. Un tel fondement ne peut être que le Caractère imprimé par le Sacrement de l’Ordre. C’est parce que le prêtre catholique possède ce Caractère sacerdotal que Notre Seigneur Jésus-Christ et l’Eglise suppléent pour la mise en œuvre de ce Caractère dont l’exercice normal est empêché pour le plus grand dommage des âmes. Sont donc exclus les actes de pure juridiction (dispenser d’un empêchement de mariage, accorder une indulgence) qui ne sont pas la mise en œuvre du Caractère sacramentel, et les actes dont le prêtre n’est que le ministre extraordinaire (confirmer, donner les ordres mineurs). Dans le cas du Sacrement de Pénitence, la suppléance ne donne pas de juridiction, mais le Christ et l’Eglise suppléent au défaut de juridiction dans chaque absolution, parce que le prêtre est, par son Caractère sacerdotal, métaphysiquement ordonné à donner une telle absolution. La juridiction normalement nécessaire ne donne pas au prêtre le pouvoir de confesser, elle lui donne un sujet sur lequel exercer son pouvoir” (17). La position défendue par l’abbé Belmont dans le dernier numéro des Cahiers de Cassiciacum (1981) est aussi la nôtre, et se distingue autant de celle qui nie absolument la licéité d’un ministère privé de juridiction (abbé de Nantes, certains sédévacantistes...) que de celle qui considère comme licite ce ministère “contre” la volonté même du “Pape”, position qui - de fait - fut celle de la Fraternité Saint Pie X de 1976 à 1980. Les “Ordonnances” de 1980: première usurpation des pouvoirs de juridiction réservés au Pape Ce n’est pas un hasard si j’écris: jusqu’en 1980. Car à cette date survint un fait qui aggrava considérablement la position de la Fraternité Saint Pie X, fait contre lequel réagissait précisément l’article cité de l’abbé Belmont. “Dans un acte daté du premier mai 1980, Mgr Lefebvre accorde à ses prêtres nombre de pouvoirs et facilités canoniques ou liturgiques. Il justifie ainsi cette délégation: ‘En vertu des facultés accordées aux Ordinaires par la Lettre Apostolique Pastorale Munus du 30 novembre 1963, facultés accordées à tous les Evêques des Missions et étendues désormais à toute l’Eglise, nous déléguons les pouvoirs suivants…’ ” (18). Il s’agissait de la première édition des “Ordonnances concernant les pouvoirs et facultés des membres de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X” (19). Laissant de côté toute considération sur les questions de la légitimité de Paul VI (promulgateur de la Lettre Apostolique Pastorale Munus) et l’existence canonique de la Fraternité Saint Pie X (pp. 2 et 3), l’abbé Belmont notait d’abord deux choses: 1) En 1980, Mgr Lefebvre n’était pas un Ordinaire, et encore moins un Ordinaire du lieu: les “facultés” éventuellement concédées par Paul VI aux Ordinaires du lieu ne lui étaient donc pas destinées. La chose était évidente, mais maintenant - dans la nouvelle édition des “Ordonnances”, celle de 1997 que nous publions partiellement - Mgr Fellay, lui aussi, admet candidement: “Mgr Lefebvre, comme évêque et comme supérieur général de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, bien que n’étant plus Ordinaire du lieu comme il l’était à Dakar, estima jouir d’une suppléance lui permettant, en faveur des fidèles, de concéder à ses prêtres des facultés analogues. Il les promulgua par ses Ordonnances à l’usage de la Fraternité, le 1er mai 1980, en suivant la formula facultatum decennalium de 1960” (p. 10). La Fraternité change donc ses propres arguments: en 1980 Mgr Lefebvre, se basant sur un acte de Paul VI, pensait pouvoir “déléguer” des facultés qui lui revenaient en tant qu’Ordinaire. En 1997 Mgr Fellay affirme que ces pouvoirs ne concernaient pas Mgr Lefebvre qui n’était plus Ordinaire, mais qu’il les avait reçus par “suppléance”. 2) Des 51 pouvoirs “délégués” par Mgr Lefebvre, 36 ne se trouvent pas dans Pastorale Munus, 4 ont été étendus par rapport à la concession de Paul VI, et 3 n’étaient pas délégables (cf. Belmont, p. 4). 28 L’abbé Belmont en concluait que “quoiqu’il en soit de l’Autorité de Paul VI, cette délégation de pouvoirs aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X est nulle et sans valeur propre. Il n’y a là-dessus aucun doute possible. On ne peut alléguer le fait que Mgr Lefebvre utilise les pouvoirs très étendus dont il jouissait comme Evêque missionnaire, car (…) Mgr Lefebvre n’est plus Ordinaire des Lieux de Mission; et le serait-il encore, il ne pourrait déléguer que dans les limites géographiques de sa juridiction” (p. 5). Un prêtre de la Fraternité qui avait lu, avant la publication, les observations de l’abbé Belmont, admit que Mgr Lefebvre ne pouvait pas déléguer ces pouvoirs en tant qu’Ordinaire (“ce serait un peu fort en effet”, écrivait-il), mais sur la base de la suppléance de l’Eglise (p. 8). L’abbé Belmont répondait par le texte que nous venons de citer, rappelant qu’une suppléance de l’“Eglise” (en l’occurrence du Christ), en dehors des cas prévus par le Droit, n’est concevable qu’en faveur du pouvoir de Sanctification, et non pour exercer le pouvoir de gouvernement des âmes. Sur la base de ce principe, l’abbé Belmont dénonçait en particulier deux facultés accordées invalidement par Mgr Lefebvre à la Fraternité et à ses prêtres: la faculté de Confirmer et celle de dispenser des empêchements matrimoniaux. Ces faculMgr Tissier de Mallerais tés ont été maintenues dans les Ordonnances de 1997 et, en ce qui concerne les dispenses matrimoniales, sont devenues le “fondement” d’un développement ultérieur des “pouvoirs” de la Fraternité: pouvoir des Tribunaux canoniques en ce qui concerne les annulations de mariages (Cf. le document de Mgr Tissier que nous publions dans ce numéro, repris de Cor Unum, n. 61, III, 3 p. 42,) (20). Nous reviendrons sur cette “faculté”; notons toutefois que depuis 1980 déjà, la Fraternité Saint Pie X s’était arrogé des pouvoirs purement juridictionnels qui sont le privilège du Pape et de ses délégués... Voilà quelle était la situation de la Fraternité - pour ce qui regarde notre sujet de 1980 à 1988, date à laquelle Mgr Lefebvre - après l’échec des pourparlers avec le Vatican - consacra quatre évêques “auxiliaires” avec Mgr de Castro Mayer. Les consécrations de 1988. Evêques sans juridiction? Prévues depuis 1983 au moins, annoncées en 1987, finalement les consécrations épiscopales, d’abord fixées en accord avec Ratzinger, eurent lieu en 1988 sans mandat romain (au cours de la cérémonie, lecture fut faite cependant d’un grotesque “mandat apostolique” écrit, non par le Pape, mais par la Fraternité et dans lequel il était prétendu qu’un mandat de l’“Eglise Romaine” - mise en opposition “aux autorités de l’Eglise Romaine” - avait été reçu pour les consécrations) (21). Par le Motu proprio Ecclesia Dei adflicta, Jean-Paul II déclara Mgr Lefebvre excommunié et son mouvement schismatique. Mgr Lefebvre, par contre, continua à reconnaître l’autorité de Jean-Paul II, ce qui - à notre avis - rend illégitimes les consécrations épiscopales de 1988, étant donné qu’elles furent accomplies non “præter” mais “contra” la volonté du “Pape” (non pas au-delà, mais contre la volonté du “pape”), pour reprendre l’expression déjà citée de Mgr Lefebvre. Mais pour suivre le thème que nous nous sommes fixé, il faut voir si les consécrations de 1988 furent accomplies selon la logique quoiqu’erronée sur l’autorité de Jean-Paul II - de la première période de la Fraternité (1975-1980) ou de la seconde (à partir de 1980), à savoir si Mgr Lefebvre attribuait à ses “évêques” une suppléance exclusivement pour exercer le pouvoir d’ordre en faveur de 29 la sanctification des âmes, ou bien s’il leur attribuait aussi une véritable juridiction quoique de suppléance - pour le gouvernement des âmes. Il faut en effet distinguer dans l’épiscopat le pouvoir d’ordre (qui donne à l’évêque le pouvoir par exemple d’ordonner des prêtres et de confirmer) et le pouvoir de juridiction: le premier provient du rite de la consération épiscopale, le second par contre vient du Pape (normalement par l’intermédiaire du mandat pontifical). Les évêques consacrés sans approbation pontificale ont donc le pouvoir d’ordre mais pas celui de juridiction. Consacrer des évêques - dans la situation actuelle - est licite, à condition de ne pas attribuer à ces évêques un pouvoir de juridiction qu’ils ne peuvent recevoir que du Pape, mais seulement un pouvoir d’ordre. C’est, brièvement, la ligne suivie par Mgr M.L. Guérard des Lauriers et par nous-mêmes à sa suite (22). Mgr Lefebvre semblait avoir adopté lui aussi - dans un premier temps - cette position: non seulement il donnait comme but de la consécration l’exercice du pouvoir d’ordre [“Le but principal de cette transmission est de conférer la grâce de l’ordre sacerdotal pour la continuation du vrai Sacrifice de la Sainte Messe, et pour conférer la grâce du sacrement de confirmation aux enfants et aux fidèles qui vous la demandent”] (23) mais il excluait explicitement pour ses évêques un pouvoir de juridiction: “S’il fallait un jour consacrer des évêques - écrivait-il le 27 avril 1987 - ceux-ci n’auraient pour fonction épiscopale que d’exercer leur pouvoir d’ordre et n’auraient pas de pouvoir de juridiction, n’ayant pas de mission canonique” (24). Cependant avant même les consécrations épiscopales, on avait commençé à appliquer aussi à ce cas la théorie de la “juridiction suppléée”, invoquée précédemment uniquement pour l’administration des sacrements. Les évêques éventuellement consacrés par Mgr Lefebvre devaient jouir d’une véritable juridiction, reçue non du Pape mais de l’Eglise, laquelle pourrait agir sans (et même contre) le Pape qui en est le chef visible (25). Dans un opuscule sur les futures consécrations approuvé par Mgr Lefebvre, l’un des membres actuels de la Commission canonique, l’abbé Pivert, invoquait déjà, sans aucun fondement, le can. 20 pour justifier les consécrations épiscopales et l’exercice par ces évêques d’une vraie juridiction (de suppléance) (26). Dans ce texte de l’abbé Pivert (qui est, cela ne fait aucun doute, l’un des “théologiens” inspirateurs des Commissions canoniques) on ne comprend pas si cette “juridiction” qu’il attribue aux évêques lefebvristes subsiste uniquement pour administrer licitement les sacrements d’Ordre et de Confirmation, ou bien si, en janvier 1988 il théorisait déjà une autorité de ces évêques sur les fidèles. C’est cette seconde hypothèse qui est devenue petit à petit la position de la Fraternité et de Mgr Lefebvre lui-même, comme nous l’avons déjà dénoncé dans au moins trois articles de Sodalitium (27). Deux lettres de Mgr Lefebvre (4 décembre 1990 et 20 février 1991) en vue de la consécration épiscopale de Mgr Rangel attribuaient au futur évêque le caractère de successeur de Mgr de Castro Mayer comme évêque de Campos en tant que désigné par les prêtres fidèles et par le peuple, desquels il aurait même reçu une véritable juridiction. Pour sa part, l’abbé Laguérie n’hésitait pas à se considérer comme curé de Saint-Nicolas-du Chardonnet... En public, c’est dans le discours sur Juridiction de suppléance et sens hiérarchique qu’il tint à Paris le 10 mars 1991 (Mgr Lefebvre était encore en vie) aux Cercles de la Tradition catholique (28) que Mgr Tissier de Mallerais exprima publiquement - pour la première fois je crois - l’opinion de la Fraternité Saint Pie X sur la question. Cette thèse défendue par l’évêque lefebvriste, voici comment lui-même la résume: “Vos prêtres - ce sont vos prêtres - vos évêques, vos paroisses de tradition, n’ont pas d’autorité ordinaire, mais une autorité extraordinaire, une autorité de suppléance” (p. 94) qui constitue une hiérarchie, elle aussi de suppléance, définie par lui comme “la hiérarchie de la Tradition” (p. 106). La juridiction de suppléance - que Mgr Tissier attribue à la hiérarchie de la Fraternité - la hiérarchie de la Tradition - ne se limite pas à rendre licites et valides les actes sacramentaux: elle s’étend au pouvoir d’enseigner avec autorité le troupeau des fidèles qui le requièrent (pp. 96-98). De là à créer de véritables Tribunaux “de Tradition”, le pas est vite franchi, et il était même déjà franchi, à l’insu de tous et par Mgr Lefebvre en personne... Les documents authentiques de la Fraternité que nous avons publiés et que nous commentons ici sont la démonstration sans discussion possible de ce que nous venons d’écrire. 30 Les Tribunaux canoniques de la Fraternité s’attribuent un véritable pouvoir de juridiction pour gouverner les fidèles Il n’est certes pas difficile de démontrer cette assertion, car le fait est admis spontanément par Mgr Tissier de Mallerais luimême: “c’est une vraie juridiction et non une exemption du droit et de l’obligation que les fidèles ont de recevoir une sentence. Donc nous avons pouvoir et devoir de porter de vraies sentences, ayant potestatem ligandi vel solvendi [de lier et de délier]. Elles ont donc valeur obligatoire. (…) Nos sentences ne sont pas de simples avis privés (...)” car “il faut un pouvoir au for externe public” (Cor unum, n. 61, IV, 4, p. 43). La Fraternité s’attribue donc - même s’il s’agit de suppléance - le pouvoir de juridiction, et plus exactement le pouvoir de juridiction au for externe, pouvoir qui a “des effets juridiques publics” (29). Nous rappelons que cette juridiction “est immédiatement destinée à gouverner les fidèles en vue de l’obtention de la vie éternelle” et non destinée “à sanctifier les âmes à travers l’offrande du sacrifice de la Messe et de l’administration des sacrements”, ce qui est propre au pouvoir d’ordre (29). La juridiction ainsi définie “s’exerce tant par l’enseignement autorisé des vérités révélées (magistère sacré) tant par la promulgation des lois (pouvoir législatif), par l’authentique décision des causes nées entre les sujets (pouvoir judiciaire), par l’application de sanctions pénales contre les transgresseurs de la loi (pouvoir coercitif). Ce sont ces trois dernières fonctions qui font de l’Eglise une société parfaite [tout comme l’Etat]” (ibidem). La Fraternité, en s’attribuant ce pouvoir de juridiction, s’arroge en fait le pouvoir de gouverner les fidèles (potestas regiminis), pouvoir qui est propre à l’Eglise. Elle ne s’est pas privée de s’attribuer les divers pouvoirs dans lesquels s’exerce la susdite juridiction. La Fraternité s’attribue le pouvoir de Magistère propre à l’Autorité ecclésiastique Dans la conférence tenue à Paris en 1991 que nous avons déjà citée, Mgr Tissier de Mallerais attribuait aux prêtres et aux évêques de la Fraternité une juridiction de suppléance. Or, lui-même par pouvoir de juridiction, entend surtout pouvoir d’enseigner: “On distingue, vous le savez certainement, dans l’Eglise, le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction; ‘allez dans le monde entier prêcher l’Evangile’ docete omnes gentes ‘enseignez à toutes les nations’, cela, c’est le pouvoir de juridiction. ‘Enseignez’ ou encore ‘enseignez-leur à respecter tout ce que je vous ai commandé’, à garder les commandements de Dieu: dirigez le troupeau, c’est le pouvoir de juridiction” (l. c., pp. 96-97). Ces paroles dans leur sens évident signifient que la Fraternité s’attribue - bien que par suppléance - le pouvoir d’enseigner avec autorité, ce qui dépend du pouvoir de juridiction, et pas seulement la capacité d’exhorter au bien, ce qui peut découler du pouvoir d’ordre. Cette interprétation est absolument certaine pour ce qui concerne la personne de Mgr Lefebvre, puisque dans un article publié en 1989 dans la revue Fideliter (n. 72, p. 10) Mgr Bernard Tissier de Mallerais considère Mgr Lefebvre non seulement comme une voix du magistère mais comme étant le magistère lui-même, en oubliant que n’étant plus évêque résidentiel, Mgr Lefebvre n’était même plus membre de la hiérarchie de juridiction ni un organe du magistère ecclésiastique. “Que reste-t-il du magistère dans l’Eglise? - écrivait Mgr Tissier - Il est de foi que le Seigneur a doté son Eglise d’un Magistère vivant et perpétuel, c’est-à-dire de voix pontificale et épiscopales qui, à chaque époque et dans le présent, se font l’écho de la révélation divine, le relais de la tradition. Eh bien, ce magistère, au moins quant aux vérités niées par les conciliaires, c’est en Mgr Lefebvre que nous le trouvons de manière sûre. C’est lui, le véritable écho de la tradition, le témoin fidèle, le bon pasteur, que les brebis simples ont su discerner au milieu des loups couverts de peaux de brebis. Oui, l’Eglise a un magistère vivant et perpétuel et Mgr Lefebvre en est le sauveur. L’indéfectibilité de l’Eglise, c’est l’Archevêque inflexible (…)”. S’il en est ainsi, où trouver donc le magistère vivant et perpétuel ainsi que l’indéfectibilité de l’Eglise après le décès de Mgr Lefebvre? Serait-ce chez les évêques consacrés par lui? Un théologien de la Fraternité Saint Pie X, l’abbé Arnaud Sélégny, qui était alors professeur au séminaire SaintCuré-d’Ars de Flavigny, l’a soutenu dans la revue Le Sel de la terre (n. 1, pp. 39-50 et n. 3, pp. 51-61). Nous reprenons ce que nous avions déjà publié à ce propos dans Sodalitium (n° 33, oct. 1993, p. 52). A notre avis, “on attribue à la Fraternité et à ses 31 évêques les caractères propres à la seule Eglise catholique et aux évêques dotés d’autorité par le Pape. Pour Sélégny, les consécrations du 30 juin 1988 sont ‘une preuve de l’indéfectibilité de l’Eglise’ (Le Sel de la terre, n. 1, p. 38), et qui plus est: ‘cela montre (…) la nécessité des sacres du 30 juin 1988; car, pour que l’on puisse parler de l’indéfectibilité de l’Eglise, il faut qu’à toutes les époques et à tous les moments de son histoire, il y ait un magistère qui prêche infailliblement et des fidèles qui adhèrent de même à cet enseignement, quel que soit le nombre effectif de ces Evêques et de ces fidèles. Mgr Lefebvre (…) ne pouvait pas ne pas donner à l’Eglise le moyen de sauvegarder son indéfectibilité. Tradidi quod et accepi: c’est maintenant à nous, sous la direction du magistère, de garder ce dépôt’ (Le Sel de la terre, n. 3, p. 66). Le professeur des jeunes séminaristes de la Fraternité (!), l’abbé Sélégny, affirme pourtant explicitement: a) que seuls les Evêques de la Fraternité assurent l’indéfectibilité de l’Eglise; b) qu’ils sont les seuls à exercer le magistère infaillible. Positions absurdes, puisque c’est exclusivement par l’intermédiaire du Souverain Pontife que le pouvoir magistériel est transmis aux Evêques. Or le Souverain Pontife n’a jamais accordé un tel pouvoir à ceux de la Fraternité (…)”. Mgr Lefebvre, nous l’avons rappelé, ayant renoncé aux diocèses de Dakar et de Tulle n’était plus un organe du magistère ecclésiastique; toutefois, pendant de longues années, il exerça - avec Pierre et sous Pierre - cette tâche. Par contre, les évêques qu’il a consacrés (de même que ceux qui ont été consacrés par Mgr Thuc) n’ont jamais reçu du Pape un tel office, et ne peuvent exercer en aucune façon, et n’ont jamais exercé, le pouvoir d’enseigner dans l’Eglise en tant que docteurs authentiques (et encore moins, infaillibles!). Il nous semble avoir démontré la thèse de ce chapitre: “La Fraternité s’attribue le pouvoir de Magistère propre à l’Autorité ecclésiastique ”. Il nous semble avoir prouvé que cette prétention est infondée. Le problème de l’indéfectibilité de l’Eglise (et par conséquent aussi celui de l’indéfectibilité de son pouvoir de magistère) demeure: il s’agit d’une question vitale mais qui est en dehors de notre sujet (29 bis); en tous cas, les consé- crations du 30 juin 1988 ne sont pas suffisantes - c’est le moins que l’on puisse dire pour assurer cette nécessaire indéfectibilité. La Fraternité s’attribue le pouvoir législatif propre à l’Autorité ecclésiastique Faire des lois est le propre de l’Autorité (cf. Sodalitium n° 48, pp. 6-7). Or la Fraternité s’attribue la faculté de légiférer en matière ecclésiastique. Elle s’attribue donc l’Autorité ecclésiastique. La mineure du raisonnement n’est pas difficile à prouver. D’abord, il s’agit d’une conséquence implicite du pouvoir de juridiction au for externe que s’attribue la Fraternité, comme nous l’avons déjà démontré. Or, dans ce pouvoir est compris le pouvoir législatif. Ergo. Ensuite dans les faits la Fraternité s’attribue ce pouvoir, au moins dans deux cas: créer une nouvelle législation canonique, et s’attribuer le pouvoir de dispenser. Examinons le premier cas. Il fut un temps, et peut-être en est-il encore de même aujourd’hui, où les candidats au sacerdoce de la Fraternité devaient jurer - entre autres - d’accepter la position qui serait prise par les supérieurs vis-à-vis du nouveau code de droit canon. Aujourd’hui ces décisions ont été prises, comme on peut le déduire des “Ordonnances...” de 1997, en appliquant au droit de l’Eglise le principe lefebvriste du “filtre”, de la “passoire” ou du “tamis” (30) déjà évoqué, principe déjà appliqué précédemment au magistère et à la discipline: “nous acceptons les nouveautés conformes à la Tradition et à la Foi. Nous ne nous sentons pas liés par l’obéissance à des nouveautés qui vont contre la Tradition et menacent notre Foi” (31). Autrement dit les autorités de la Fraternité s’attribuent le pouvoir de choisir (“hérésie”, en grec signifie justement “choix”) dans le magistère et dans la législation de Jean-Paul II ce qui est considéré comme “traditionnel”, et d’écarter le reste. Voici comment les “Ordonnances” de 1997 (à la p. 4) appliquent le principe susdit au nouveau code de droit canon promulgué par Jean-Paul II: “le nouveau code de droit canon, promulgué le 25 janvier 1983, imbu d’œcuménisme et de personnalisme, pèche gravement contre la finalité même de la loi... (32). Aussi suivons-nous en principe le code de 1917 (avec les modifications introduites postérieurement). 32 Cependant, dans la pratique et sur des points précis, nous pouvons accepter du nouveau code ce qui correspond à un développement homogène, à une meilleure adaptation aux circonstances, à une simplification utile; nous acceptons aussi en général ce que nous ne pouvons refuser sans nous mettre en porte-à-faux avec la législation reçue officiellement, lorsque la validité des actes est en jeu. Et dans ce dernier cas, nous renforçons notre discipline pour la rapprocher de celle du code de 1917 (cf. Cor Unum, n. 41, pp. 11-13)”. Etant donné que le code de 1983 remplace celui de 1917, comment deux législations qui s’excluent peuvent-elles subsister dans l’Eglise? Si JeanPaul II est Pape, l’unique législation en vigueur est celle de 1983. S’il ne l’est pas, celle de 1983 n’existe pas, et celle de 1917 subsiste. Pour la Fraternité Saint Pie X par contre les deux codes de lois sont en vigueur; tous les deux. Ou plutôt: un troisième code est en vigueur, dont l’auteur n’est ni Benoît XV (qui promulgua celui de 1917) ni Jean-Paul II (auteur de celui de 1983) mais Mgr Fellay, supérieur général de la Fraternité, et ses collaborateurs: un code composé “en principe” des lois de 1917, et composé “en pratique”, dans certains cas, de celles de 1983, toujours par un hybride de ces deux législations avec l’adjonction de nouveautés créées ex novo par la Fraternité (par exemple - à la p. 57 des Ordonnances - les extensions des empêchements prohibants de mariage pour religion mixte, jusqu’à inclure, au moins dans la pratique, les “catholiques conciliaires”!). Il me paraît donc prouvé que la Fraternité, de fait sinon de droit, s’attribue le pouvoir législatif, créant une nouvelle législation canonique qui n’est ni la législation pré-conciliaire ni la législation post-conciliaire. Mais la Fraternité s’attribue également le pouvoir législatif dans les dispenses des empêchements, irrégularités et vœux, et ce, depuis 1980. Le pouvoir de dispenser de la loi est en effet de la compétence exclusive de celui qui peut faire la loi. Or la Fraternité s’attribue le pouvoir de dispenser de la loi. Par conséquent la Fraternité s’attribue le pouvoir législatif dans l’Eglise, ce qui, en dernière analyse, est l’apanage de l’Autorité Suprême. La “majeure” de notre raisonnement est clairement exprimée par le canon 80: “la dis- pense, autrement dit l’exonération de l’observance d’une loi dans un cas spécial, peut être concédée par le législateur, par son successur ou supérieur, ou par celui auquel ceux-ci ont concédé la faculté de dispenser” (31 bis). Les canons suivants (81-82-83) précisent que le pouvoir ordinaire de dispenser est l’apanage du Pape pour les lois générales de l’Eglise, et de l’Ordinaire (et non du Curé) pour les lois particulières. En particulier, les dispenses aux empêchements matrimoniaux sont du ressort du Pape (canon 1040) par l’intermédiaire des Congrégations romaines; les dispenses aux irrégularités pour recevoir l’Ordre sacré sont du ressort de l’Ordinaire du lieu (can. 990), et les dispenses des vœux réservés reviennent encore au Pape (can. 1309). Quels que soient les cas, je souligne pour le lecteur le principe général en ce qui concerne les dispenses: c’est que la dispense est toujours un acte de juridiction - et par conséquent d’autorité - qui revient au législateur (ou à son délégué). La “mineure” de notre raisonnement (la Fraternité s’attribue le pouvoir de dispenser de la loi) est incontestable, et est largement démontrée par les documents que nous publions. Est attribué, en particulier, aux “autorités” de la Fraternité le pouvoir de dispenser des empêchements matrimoniaux (Ordonnances de 1980, pp. 17 et 18, Ordonnances de 1997, chap. V et VI, et p. 8: institution, depuis 1991, de la Commission canonique), et des vœux religieux (dans la Fraternité c’est Mgr de Galarreta qui est chargé du travail, avec juridiction non seulement sur les membres de la Fraternité, mais aussi sur les ressortissants à d’autres sociétés religieuses: Ordonnances, pp. 43-46; Cor unum, n. 61, p. 34). La Fraternité s’attribue le pouvoir judiciaire propre à l’Autorité ecclésiastique Outre le pouvoir de faire les lois, la Fraternité s’attribue-t-elle aussi le pouvoir de juger sur la base de ces lois? La réponse sera positive si nous constatons l’existence dans la Fraternité de véritables Tribunaux, de procès, de juges et de sentences. Or la preuve est très facile à fournir: en effet, nous l’avons vu, la Fraternité a institué des Tribunaux pour “juger des nullités de mariage” “par divers tribunaux institués ad casum (Cor unum, I): toute l’étude de Mgr Tissier de Mallerais que nous avons publiée vise à la défense de la”légitimité de nos tribunaux matrimoniaux”. On pourrait nous objecter qu’il ne s’agit pas de vraies sentences, mais seulement de conseils ou d’opinions exprimées par des théologiens de la Fraternité pour tutéler la conscience des ses fidèles. Mais il n’en est pas ainsi. Mgr Tissier de Mallerais précise explicitement que “nous avons pouvoir et devoir de porter de vraies sentences, ayant potestatem ligandi vel solvendi (...). Nos sentences ne sont pas de simples avis privés...” (IV, 4, p. 43). Il est par conséquent évident et indéniable que la Fraternité s’attribue le pouvoir judiciaire. La Fraternité s’attribue le pouvoir de coercition propre à l’Autorité ecclésiastique Cette dernière thèse est un corollaire des précédentes; en effet le Code de droit canon rappelle que “ceux qui jouissent du pouvoir de faire des lois ou d’imposer des préceptes peuvent également ajouter des peines à la loi ou au précepte...” (can. 2220 § 1). Etant donné que la Fraternité s’attribue, nous l’avons vu, le pouvoir législatif, pourquoi ne jouirait-elle pas aussi du pouvoir coercitif? Le chapitre VII des “Ordonnances” traite justement “des délits et des peines”, là où il se déclare suivre les peines établies par le nouveau code. Les “Ordonnances” insistent surtout sur le “pouvoir” attribué aux prêtres de la Fraternité d’absoudre des peines et de la censure (pp. 71-75), présentant le cas vraiment paradoxal de prêtres “excommuniés” qui absolvent des excommunications! Au lieu d’envoyer les coupables aux organes compétents tels que la Sacrée Pénitencerie ou l’Evêque diocésain (nous rappelons que la Fraternité reconnaît l’autorité de Jean-Paul II) les “Ordonnances” (p. 72) établissent le principe général que l’on doit s’adresser aux autorités de la Fraternité, supérieur général ou président de la commission canonique, même pour les cas réservés au Saint-Siège! Mais la Fraternité ne prévoit pas seulement la possibilité d’absoudre elle-même des censures et des peines, y compris celles réservées au Pape, elle prévoit aussi la possibilité d’infliger elle-même des peines! “Outre les censures latæ sententiæ, il y a les censures ferendæ sententiæ, les peines vindicatives, les remèdes pénaux et les pénitences, dont on peut L’abbé Schmidberger, premier successeur de Mgr Lefebvre user pour punir un délit” (p. 68). Ce “on peut”, à quelles autorités se réfère-t-il? à celles de l’Eglise ou à celles de la Fraternité? Bien sûr également à celles de la Fraternité, comme il est prévu plus loin pour l’absolution de la peine (p. 72): “une peine infligée par un supérieur est soumise à celui-ci, mais s’il s’agit d’un supérieur ‘novus ordo’ [il y a donc aussi le cas du supérieur ‘traditionaliste’, n.d.r.] elle peut être soumise au supérieur de rang équivalent dans la Fraternité, à charge pour lui de consulter son confrère ‘novus ordo’ s’il le juge utile. Toutes les autres peines peuvent être soumises au supérieur de district (…) où le délit fut perpétré”. En s’attribuant les pouvoirs législatif, judiciaire et coercitif indépendamment de tout pouvoir supérieur, la Fraternité s’institue de fait Eglise autonome Nous avons vu antérieurement comment l’Eglise possède les trois pouvoirs - législatif, judiciaire et coercitif - en tant que société parfaite, c’est-à-dire indépendante, dans la poursuite de sa fin, de toute autre société. Or la Fraternité s’attribue de fait ces trois pouvoirs (sans parler du pouvoir magistériel). La Fraternité s’institue donc société parfaite, Eglise autonome (même s’il s’agit de suppléance). Et c’est d’autant plus vrai que la Fraternité, tout en reconnaissant un pouvoir supérieur, celui de Jean-Paul II, le vide de toute efficacité et réalité en s’attribuant d’un 34 côté des pouvoirs papaux et en interdisant de l’autre à ses propres fidèles le recours au Pape. Ce dépouillement des pouvoirs du Pape en faveur de l’autorité de la Fraternité est une constante dans les documents que nous sommes en train d’examiner (33). Mgr Tissier lui-même admet, à propos des Tribunaux de la Fraternité: “il est vrai que nos sentences en troisième instance remplacent les sentences de la Rote romaine, qui juge au nom du pape comme tribunal de troisième instance” (Cor unum, IV, 5, p. 43). Mgr Lefebvre lui-même attribuait aux Commissions canoniques de la Fraternité la tâche de faire “dans une certaine mesure suppléance à la défection des Congrégations romaines”. Or les Congrégations romaines constituent avec les Tribunaux la Curie romaine (can. 242) et leurs actes sont actes du SaintSiège (can. 7 et 9) (34). Par conséquent la prétention de la Fraternité et de Mgr Lefebvre de suppléer aux Congrégations romaines équivaut à prétendre, de leur part, suppléer à rien moins que le Saint-Siège. Mais non seulement la Fraternité supplante ainsi le Saint-Siège, mais elle interdit à ses fidèles - sous serment - d’y recourir, alors qu’elle en reconnaît l’autorité, rappelons-le! Qui désire par exemple recevoir de la Fraternité l’annulation de mariage doit jurer “de ne pas approcher un tribunal ecclésiastique officiel pour lui faire examiner ou juger ma cause” (Cor unum, p. 45), car le principe est que les fidèles “n’ont pas le droit d’aller aux tribunaux nouvel ordo” (Cor unum, II, 1, p. 40) “même si par impossible on pouvait trouver tel ou tel tribunal officiel qui jugeât des causes de mariage selon les normes traditionnelles” (Cor unum, IV, 3, p. 43) (35). Or recourir au SaintSiège est un droit qu’a tout fidèle du fait du primat du Souverain Pontife (can. 1569): interdire ce recours est une négation pratique du primat et une déclaration nette de schisme. Une confirmation de ce que je viens de démontrer nous est donnée par l’institution par la Fraternité d’une hiérarchie parallèle qui supplée et supplante la hiérarchie officielle de l’Eglise, pourtant reconnue comme telle par Ecône... Confirmation de la thèse qui précède: la Fraternité a - de fait - institué une hiérarchie parallèle L’occupation de l’église paroissiale de Saint-Nicolas-du-Chardonnet à Paris avait offert aux membres de la Fraternité l’occa- sion d’attribuer au prêtre qui officie dans ladite église le titre de “curé”. L’abbé Laguérie prit tellement au sérieux cette prétention que dans une lettre au Président de la république, Mitterand, il s’adressa à lui comme à son paroissien! (36). Il ne suffit pas d’occuper une paroisse pour être curé: voilà une évidence qui n’échappe à personne; pour être investi de cette charge il faut être nommé par l’évêque local; l’occupation de la Basilique Saint-Pierre ou de la Basilique du Latran ne donnerait pas à l’occupant les pouvoirs du Vicaire du Christ... Mais Mgr Lefebvre ne s’en tint pas au cas de SaintNicolas dans sa prétention d’instituer de “vraies paroisses”. Le 27 octobre 1985, à Genève, dans l’homélie de la Messe du Christ-Roi, il prononçait ces paroles: “Je pense que nous devons désormais considérer nos lieux de culte comme de véritables paroisses. Ce sont nos paroisses, où nous faisons baptiser nos enfants, où nous assistons au Saint Sacrifice de la Messe, où les enfants reçoivent le véritable sacrement de Confirmation, où l’on peut se confesser (…). Nous devons aussi recevoir dans nos chapelles tous les sacrements, y compris le sacrement de mariage” (Fideliter, n° 49, janvierfévrier 1986, pp. 20-21). Par la suite, après les consécrations épiscopales, l’idée d’une “hiérarchie de la Tradition” a fait son chemin, hiérarchie qui devait suppléer, et supplante réellement, la “hiérarchie officielle”. Le 10 mars 1991, Mgr Tissier de Mallerais résumait ainsi cette thèse: “vos prêtres - ce sont vos prêtres - vos évêques, vos paroisses de tradition n’ont pas d’autorité ordinaire, mais une autorité extraordinaire, une autorité de suppléance” (op. cit., p. 94). Après avoir défini la juridiction comme “un pouvoir du supérieur sur son troupeau, du pasteur sur ses brebis” (p. 96), Mgr Tissier attribue aux prêtres de la Fraternité un troupeau qui ne lui serait confié ni par les évêques ni par le Pape, mais par l’“Eglise”: “dans la situation de crise - disait-il aux fidèles qui l’écoutaient - il est clair que vos prêtres ne peuvent pas recevoir de leurs supérieurs dans l’Eglise officielle, des évêques diocésains, ni même du pape, un troupeau, parce qu’on le leur refuse. Donc cette autorité sur un troupeau va leur être donnée d’une autre manière: par suppléance. C’est l’Eglise qui va donner aux prêtres un pouvoir, comme le pouvoir du pasteur sur son troupeau” (p. 97). 35 Ce texte de Mgr Tissier comporte déjà quelques contradictions. D’abord et avant tout il oppose les évêques diocésains et le Pape (c’est-à-dire l’Eglise hiérarchique) à l’Eglise (en tant que Corps Mystique de Jésus-Christ, p. 99): l’Eglise pourrait concéder ce que le Pape refuse. Ensuite il semble ignorer ou nier que celui qui donne la juridiction de suppléance est justement le Pape: étant donné que Mgr Tissier admet que le Pape refuse la juridiction aux prêtres de la Fraternité, on ne voit pas comment ce même Pape pourrait dans le même temps la concéder. Enfin il attribue à la juridiction de suppléance la capacité de confier au prêtre un troupeau à gouverner: ce qui implique une pluralité de personnes confiées de façon durable à un pasteur. Or Mgr Tissier lui-même explique peu après comment la juridiction de suppléance s’exerce au contraire cas par cas sur de simples individus (p. 99) ( 37). Comment parler en ce cas de troupeau? * - L’ambiguïté de la thèse de Mgr Tissier de Mallerais - telle qu’il l’exposait en 1991 - se vérifie également quand il parle pour la première fois, à ma connaissance d’une “hiérarchie de la Fraternité” ou “hiérarchie de la Tradition” (p. 106). Ce n’est pas la hiérarchie de l’Eglise (p. 104) même si elle “lui ressemble” (p. 105. La Fraternité - nous le savons - n’accepte pas le sédévacantisme, elle se considère comme étant toujours en communion avec la hiérarchie de ce qu’elle nomme “Eglise conciliaire” ou “Eglise officielle ”: Pape et évêques diocésains (p. 104). Elle flanque cette hiérarchie d’une hiérarchie “de suppléance”, la “hiérarchie de la Tradition”. Mais dans les faits le fidèle ne devra pas s’adresser à la hiérarchie “officielle”, mais toujours et seulement à celle de la “Tradition”. Etant donné que “la hiérarchie (cf. can. 108 § 3) s’éloigne en grande partie de la foi catholique, les fidèles ne peuvent généralement recevoir d’elle les secours spirituels sans péril dans la foi” (Ordonnances p. 5). C’est pourquoi, “même dans le cas où, de fait, il n’y a pas de nécessité” (ibidem p. 6), les fidèles devront recourir à la “hiérarchie de la Tradition”, qui par ailleurs dans la pratique n’est pas constituée de tous les prêtres fidèles à cette tradition, mais de ceux de la Fraternité. Et la Fraternité comportant déjà une hiérarchie structurée (simple prêtre, prieur, supérieur de district, supérieur général) la hiérarchie de la Tradition sera struc- turée sur le même modèle. “En soi, à l’égard des fidèles, les simples prêtres n’ont pas moins de pouvoirs de suppléance qu’un prieur ou un supérieur de district. Mais par disposition pratique, afin de conserver le sens hiérarchique qui appartient à l’esprit de l’Eglise, et de remettre les cas plus graves à une instance plus élevée, certains pouvoirs sont réservés à l’autorité supérieure, selon une analogie avec la hiérarchie normale, d’après les règles suivantes: * - Les prieurs et les prêtres responsables des chapelles sont équiparés à des curés personnels, tels les aumôniers militaires [il ne s’agit donc pas d’une vraie juridiction de suppléance, cas par cas, mais d’une prélature personnelle, qui est une juridiction ordinaire, n.d.r.]. * - Les supérieurs de districts, séminaires et maisons autonomes, ainsi que le supérieur général et ses assistants, bien qu’ils n’aient en principe de juridiction que sur leurs sujets (prêtres, séminaristes, frères, oblates, familiers) sont équiparés à des Ordinaires personnels, tels les Ordinaires militaires, par rapport aux fidèles dont leurs prêtres ont la charge d’âme [sic] [même observation que précédemment, n.d.r.]. * - Les évêques de la Fraternité, dépourvus de toute juridiction territoriale, ont néanmoins la juridiction supplétoire nécessaire pour exercer les pouvoirs attachés à l’ordre épiscopal et certains actes de la juridiction épiscopale ordinaire [ce pour quoi ils revendiquent la juridiction non seulement pour la sanctification des âmes grâce au pouvoir d’ordre, mais aussi pour le gouvernement des âmes, n.d.r.]” (Ordonnances, p. 7). Outre ces structures hiérarchiques parallèles, la Fraternité a créé également en 1991 la “Commission canonique” et un “évêque chargé des religieux” “pour continuer après sa mort l’office que Mgr Lefebvre a rempli de manière supplétoire en ces matières de 1970 à 1991” (Ordonnances, p. 8), afin de suppléer à la défection des Congrégations romaines (et là en particulier les dispenses et les sentences des tribunaux de la Fraternité remplacent - et usurpent - les pouvoirs du SaintOffice, de la Sacrée Pénitencerie, de la Propagande de la Foi, des Congrégations pour les Religieux, des Sacrements et des Eglises Orientales). La Fraternité a donc créé de fait, sinon de droit et en principe, une structure hiérarchique stable qui, pour le fidèle, remplace le curé, l’évêque diocésain et le Saint-Siège (Con- 36 grégations et Tribunaux). Il ne manque à la hiérarchie de la Fraternité que le Pape; JeanPaul II - reconnu en paroles comme tel - ne remplit pas pour si peu cette fonction, puisque normalement il est interdit de recourir à lui. Notons enfin que les pouvoirs de cette hiérarchie “de la tradition” ne s’exercent pas seulement sur les membres de la Fraternité et sur ses fidèles; ils s’exercent également sur les autres réalités “traditionnelles” existant à l’extérieur de la Fraternité. Si une juridiction de suppléance telle que la conçoit la Fraternité devait exister, elle devrait logiquement concerner - au même titre - “tous les évêques et tous les prêtres fidèles à la tradition”, comme le reconnaissent les Ordonnances (p. 6). On ne voit donc pas pourquoi tous devraient se soumettre aux Tribunaux de la Fraternité et non à ceux que pourraient créer - avec la même autorité d’autres Instituts traditionalistes (38), et, qui plus est, pourquoi des “religieux” étrangers à la Fraternité devraient être soumis - pour la dispense des vœux, par exemple - à l’“évêque pour les religieux” institué par la Fraternité elle-même, alors que les membres de la Fraternité doivent s’adresser au supérieur général (Ordonnances, p. 45). En vertu de quoi - peut-on se demander - l’évêque pour les religieux, Mgr De Galarreta, auraitil davantage de pouvoirs que le supérieur des dominicains d’Avrillé ou que celui des capucins de Morgon, par exemple, pour accorder un “indult de sécularisation” aux frères desdits couvents (en réalité aucun d’entre eux n’a le pouvoir d’accorder cet indult). L’unique réponse possible est que la Fraternité Saint-Pie X, tout en le niant en parole et en principe (39), considère de fait sa propre hiérarchie interne comme la véritable hiérarchie de l’Eglise. La Fraternité tente de justifier sa propre position par l’autorité de Mgr Lefebvre, en présupposant à tort son infaillibilité Nous avons vu comment cette institution d’une hiérarchie parallèle et de véritables tribunaux ecclésiastiques par la Fraternité sont des choses d’une extrême gravité: certains ont parlé, à raison, de schisme. Or, face à une question aussi grave, quel est le premier argument proposé par Mgr Tissier de Mallerais dans Cor unum pour démontrer la légitimité des tribunaux de la Fraternité? “Mgr Lefebvre (...) - écrit-il - a prévu la création de la Commission canonique, en particulier pour résoudre les causes matrimoniales après un premier jugement porté par le supérieur de district. L’autorité de notre fondateur suffit pour que nous acceptions ces instances, de même que nous avons accepté les sacres épiscopaux de 1988” (Cor unum, p. 37, Status quæstionis). Ce n’est pas la première fois que Mgr Tissier fait des déclarations de ce genre, et justement à propos des consécrations épiscopales. Nous avons déjà dit dans Sodalitium ce qu’il faut penser de ces “aveux candides” (40) de Mgr Tissier ou autres représentants de la Fraternité (41). Ils restreignent à l’extrême l’infaillibilité du Pape alors qu’ils ne mettent aucune limite à celle de Mgr Lefebvre. C’est ainsi que Mgr Tissier - comme nous l’avons déjà écrit - “substitue comme critère de catholicité un évêque au Pape. (...). De cette manière Mgr Tissier révolutionne totalement la constitution divine de l’Eglise, en opposant le charisme d’une (présumée) sainteté à celui de l’autorité papale”. Le texte de Mgr Tissier que nous commentons - contemporain de celui que nous dénoncions en son temps: ils sont tous les deux de 1998 - confirme hélas la dérive “charismatique” de la Fraternité, mais n’apporte certainement pas un argument suffisant à la légitimité de ses tribunaux, malgré le respect et l’estime que l’on peut avoir pour Mgr Lefebvre. La Fraternité tente de justifier sa propre position en niant usurper le pouvoir du Pape. En réalité elle s’oppose au primat de juridiction du Pape Dans son article publié dans Cor unum, Mgr Tissier tente de justifier la “légitimité (...) de nos tribunaux matrimoniaux”. Alors comment ne pas s’étonner du peu de lignes consacrées à cette première difficulté pourtant apparemment insurmontable: ce faisant, la Fraternité n’usurpe-t-elle pas un pouvoir qui revient au Pape par droit divin? Mgr Tissier se contente de répondre: “il est vrai que nos sentences en troisième instance remplacent les sentences de la Rote romaine, qui juge au nom du pape comme tribunal de troisième instance. Mais ce n’est pas une usurpation de pouvoir de droit divin du pape, car la réserve de cette troisième instance au pape est seulement de droit ecclésiastique!” (Cor unum, IV, 5, p. 43). 37 Mgr Fellay, l’actuel supérieur général de la Fraternité Saint Pie X L’enthousiasme du point d’exclamation ne peut masquer la faiblesse de la réponse du président de la Commission canonique de la Fraternité. Il se peut, historiquement, que le Saint-Siège ne se soit réservé le dernier degré de jugement des procès matrimoniaux que tardivement, et donc par droit ecclésiastique, exactement comme il imposa peu à peu l’obligation du mandat romain pour les consécrations épiscopales; transeamus. Le point en question est plutôt le suivant: en s’attribuant des pouvoirs purement juridictionnels et de gouvernement en dehors du Pape (et même contre lui, en supposant la légitimité de Jean-Paul II) la Fraternité ne viole-t-elle pas le primat de juridiction du Pape qui est de droit divin? La réponse ne peut être qu’affirmative. Je rappelle d’abord ce qui a déjà été dit à propos du canon 1569 § 1, demeuré tel quel dans le nouveau code (canon 1417§1). Il y est dit: “En vertu du primat du Pontife Romain, tout fidèle a le droit de déférer au jugement du Saint-Siège sa propre cause, tant contentieuse que pénale, à n’importe quel degré de jugement et à n’importe quel stade du procès, ou bien de l’introduire devant le même Saint-Siège” (cf. Concile Vatican I, Const. dogmatique Pastor æternus, Denz. Sch. 3063). Or, dans les causes matrimoniales, le jugement en troisième instance (42) de la Rote Romaine (c’est-à-dire le tribunal du SaintSiège) étant remplacé par les sentences du tribunal de la Fraternité, les fidèles sont em- pêchés de déférer leur cause au jugement du Saint-Siège. Par conséquent l’institution des tribunaux de la Commission canonique de la Fraternité pour remplacer ceux du Saint-Siège attentent au primat du Souverain Pontife. Or c’est de droit divin que le primat de juridiction revient au Souverain Pontife (Denz. Sch. 3059). L’institution des tribunaux de la Fraternité est donc contraire au droit divin et pas seulement au droit ecclésiastique, et c’est pour quoi elle ne peut être justifiée même en cas de nécessité. Il est possible de parvenir à la même conclusion par un raisonnement encore plus radical, c’est-à-dire en faisant abstraction de la question de l’appel au Saint-Siège. La Fraternité pourrait en effet renoncer à se substituer à la Rote et se limiter à remplacer les tribunaux diocésains: serait-il possible de le faire sans nier de fait le primat de juridiction du Souverain Pontife (que le siège soit vacant ou, à plus forte raison, occupé)? Nous ne le pensons pas. En effet, “le Pontife Romain, Successeur de Saint Pierre dans le primat, possède non seulement un primat d’honneur, mais aussi un suprême et plein pouvoir de juridiction sur toute l’Eglise, tant dans ce qui concerne la foi et la morale que dans ce qui concerne la discipline et le gouvernement de l’Eglise dispersée dans le monde entier. Ce pouvoir est vraiment épiscopal, ordinaire et immédiat tant sur toutes les églises et chacune d’elles, que sur tous les pasteurs et fidèles et chacun en particulier, (pouvoir) indépendant de toute autorité humaine quelle qu’elle soit” (can. 218; cf. Vatican I, Const. dogmatique Pastor æternus, Denz. S. 30593064). Par voie de conséquence, il est “juge suprême dans tout le monde catholique” (can. 1597; cf. Denz. Sch. 3063). Or les juges de la Fraternité prétendent avoir une juridiction - quoique de suppléance - en dehors et même contre qui détient le plein pouvoir de juridiction sur toute l’Eglise et de juger en faisant abstraction du juge suprême et qui plus est à l’encontre de son jugement. Par conséquent les tribunaux de la Fraternité, ses juges, ses sentences rendent vain et réduisent à une vaine parole le primat de juridiction du Pape. Pour mieux faire comprendre cet argument, je fais remarquer que si les évêques dio- 38 césains ou métropolitains sont juges dans l’Eglise c’est parce qu’ils ont reçu du Pape un diocèse ou archidiocèse à gouverner. Instituer des tribunaux qui se substituent aux tribunaux diocésains indépendamment d’une autorisation du juge suprême, le Pape, équivaut à s’attribuer l’autorité de l’évêque diocésain: “dans l’Eglise (c’est un dogme de foi) le Pape a la plénitude de la juridiction: il n’existe pas de juridiction autre que la sienne; tout acte juridictionnel, à quelque niveau que ce soit, n’est qu’une partie du tout qui est exercé en son nom et, en dernière analyse, au nom de Jésus-Christ qui l’a [la juridiction] lui a donnée (au Pape); elle [cette partie] doit s’exercer en harmonie avec le tout et de la façon établie. C’est de Dieu que vient l’autorité du Pape et par l’intermédiaire de celui-ci, celle des évêques et, par ces derniers, celle des juges; ce pour quoi en dernière analyse toute juridiction est papale” (O. Fedeli). Analogiquement, c’est au nom de l’autorité publique que le juge porte les sentences civiles. Un tribunal et des sentences portées par des privés - individuellement ou associés entre eux - sont inconcevables et inadmissibles. Or c’est justement ce que fait la Fraternité dans l’Eglise, comme le souligne Orlando Fedeli: “ni l’Ecriture ni le Magistère n’ont enseigné que des personnes privées peuvent instituer une justice ad hoc...”. Une instance. La Fraternité tente de justifier sa position en affirmant que la juridiction ne vient pas du Pape (mais de la consécration épiscopale). Pie XII réfute cette erreur Les théologiens de la Fraternité pourraient objecter à notre raisonnement que, bien que jouissant du primat de juridiction, ce pour quoi tous doivent être soumis au Pape, il est possible de recevoir la juridiction sans passer par le Pape. C’est ce que soutient par exemple celui qui est à la fois l’inspirateur de la Commission canonique et l’un de ses trois membres (avec Mgr Tissier et l’abbé Laroche): l’abbé François Pivert. Il a en effet écrit: “plutôt que de dire que dans l’Eglise tout pouvoir dérive du pape, il serait plus vrai de dire que, dans l’Eglise, tout pouvoir doit être soumis au pape” (43). L’auteur de cette affirmation ne semble pas - du moins dans son article - se rendre bien compte de ce qu’il écrit, ni ne semble justifier sa position. Je me contenterai de prouver qu’elle est fausse. Les Pères du Concile de Trente discutèrent longuement pour décider si le pouvoir de juridiction de l’évêque lui venait directement de Dieu (par la consécration épiscopale) ou bien par l’intermédiaire du Pape. Dans le premier cas c’est l’abbé Pivert qui aurait raison (dans l’Eglise tout pouvoir de juridiction ne dérive pas du Pape, même s’il doit lui être soumis); dans le second au contraire il aurait tort. Dans ma réponse à l’abbé Belmont j’ai déjà amplement traité de la question; j’y renvoie donc le lecteur (44). Pour qui se contente de cette étude, deux citations suffiront, l’une en faveur de la thèse de Pivert, l’autre contre. En faveur, et à la suite des gallicans en tous genres, il y a ce qu’enseigne le Concile Vatican II (Lumen gentium, n° 21): “La consécration épiscopale, en même temps que la charge de sanctification, confère aussi des charges d’enseigner et de gouverner, lesquelles cependant, de par leur nature, ne peuvent s’exercer que dans la communion hiérarchique avec le chef du collège et ses membres” (cf. aussi le can. 375 § 2 du nouveau code). Le pouvoir de juridiction, malgré le primat, ne viendrait donc pas du Pape, exactement comme le soutient l’abbé Pivert! Mais contre sa position (et celle de Vatican II) il existe de nombreux textes du magistère ordinaire. Je n’en citerai qu’un, l’Encyclique Ad apostolorum principis, du Pape Pie XII (29 juin 1958): “Car la juridiction ne parvient aux évêques que par l’intermédiaire du Pontife Romain, comme nous le disions dans Notre Encyclique ‘Mystici Corporis’: ‘Les évêques... en ce qui concerne leur propre diocèse, chacun en vrai pasteur, fait paître et gouverne au nom du Christ le troupeau qui lui est assigné. Pourtant, dans leur gouvernement, ils ne sont pas pleinement indépendants, mais ils sont soumis à l’autorité légitime du Pontife Romain, et s’ils jouissent du pouvoir ordinaire de juridiction, ce pouvoir leur est immédiatement communiqué par le Souverain Pontife’. Nous avons rappelé cet enseignement dans la Lettre encyclique à vous destinée; ‘Ad Sinarum Gentem’: ‘Le pouvoir de juridiction qui est conféré directement au Souverain Pontife par le droit divin, les évêques le reçoivent du même droit, mais seulement à travers le successeur de saint Pierre’...”. Par conséquent le Pape n’a pas seulement le primat de juridiction dans le sens que personne ne peut user de la juridic- 39 tion sans son consentement, mais il a le primat de juridiction aussi dans le sens que tout pouvoir de juridiction dérive de lui. Car le Pape (toute question de légitimité de JeanPaul II mise à part) n’a jamais donné juridiction aux Evêques consacrés par Mgr Lefebvre, et puisque la juridiction de l’Evêque ne peut passer que par le Pape, il s’ensuit que ces Evêques n’ont pas de juridiction et encore moins, alors, la Commission canonique de la Fraternité Saint Pie X. Aussi, s’attribuer une juridiction - comme le fait la Commission canonique en question - équivaut à nier dans les faits le Primat et à accomplir un acte schismatique. Une autre instance. La Fraternité tente de justifier sa position en affirmant que la juridiction ne vient pas du Pape, mais de l’Eglise, par suppléance. Réfutation de cette thèse Nous venons de démontrer que “le Pontife Romain est la source de tout pouvoir de juridiction dans l’Eglise” (45). Mais ne pouvons-nous pas trouver dans la doctrine de la juridiction de suppléance une exception à ce principe? Toute juridiction - ordinaire ou déléguée - vient du Pontife Romain, d’accord; mais non la juridiction de suppléance qui vient de l’Eglise: Ecclesia supplet! Et c’est justement à la juridiction de suppléance que se réfère la Fraternité pour justifier ce pouvoir de juridiction qu’elle s’attribue. Nous avons vu dans quelles limites et dans quel sens on peut faire appel à la juridiction de suppléance dans la situation actuelle de l’Eglise, en reprenant un excellent article de l’abbé Belmont. Dans le can. 209 (nouveau code, can. 144), le code de droit canon prévoit explicitement la suppléance de juridiction dans les cas où sont probables l’erreur commune et le doute positif, auxquels on peut ajouter celui du danger de mort (can. 882; nouveau code, can 976). “Ainsi, dans tout le code de droit canonique, deux canons seulement traitent de la juridiction de suppléance” – comme le reconnaît un prêtre de la Fraternité; “la juridiction de suppléance nous place dans une situation très particulière: le prêtre auquel le fidèle s’adresse ne jouit pas de la juridiction ordinaire [dans notre cas il n’y a même pas le doute positif et probable qu’il y ait cette juridiction, n.d.r.]. L’acte sacramentel alors posé est pourtant licite, soit parce que le fidèle ne connaît pas la situation du ministre: c’est l’erreur commune; soit parce qu’il a un besoin urgent et impérieux du sacrement: c’est le péril de mort” En admettant que l’erreur commune ne subsiste pas normalement dans notre cas (“les gens qui s’adressent habituellement à nous savent que les évêques nous refusent tout pouvoir”) il ne nous reste alors que le danger de mort ( 46 ). Mais aucun prêtre traditionaliste ne limite son ministère aux salles de réanimation! Mgr Lefebvre invoquait alors, nous l’avons vu, le danger de mort spirituelle dans lequel se trouvent tous les fidèles du fait du modernisme. Que la situation actuelle justifie le ministère sacerdotal sans juridiction, nous sommes parfaitement d’accord; mais que l’on puisse se baser sur le droit canonique pour légitimer ce ministère, que ce soit en extrapolant totalement le can. 882 (danger de mort... spirituelle) ou que ce soit en invoquant le can. 20 (47), nous semble absolument infondé! Et puis que dire lorsque la suppléance est invoquée non plus pour rendre licites (ou même valides) des actes sacramentaux mais pour remplacer le pouvoir législatif ou judiciaire de l’Eglise, considéré comme non fiable? C’est à raison que Fedeli (op. cit.) objecte: “si l’on applique le critère mis en avant pour créer les commissions, il n’y aurait en pratique aucun organisme de gouvernement dans l’Eglise qui soit légitime et qui ne doive être suppléé, il faudrait aller jusqu’à remplacer l’Eglise elle-même. Où va-t-on?”; “si cela [l’état de nécessité dans lequel se trouvent les fidèles] nous donne le droit de se constituer comme alternative d’un juge valide en assumant une autorité supplétoire, je ne vois pas comment nous ne pourrions pas également, et à plus forte raison, assumer tous les organes de gouvernement, spécialement liturgiques et doctrinaux, puisque dans ce cas la nécessité et le droit en justice à être sûrs inclut non seulement les personnes qui ont des problèmes matrimoniaux, mais toute l’Eglise et l’humanité qui a le droit de connaître la vraie doctrine catholique, doctrine qui n’est pas professée par cette autorité que nous reconnaissons cependant comme telle. Les nullités [de mariage] ne sont qu’un aspect partiel du problème. Quantité de droits en justice et pour de nombreuses personnes demandent à être protégés de l’erreur, non seulement personnalistes, mais dans tous les domaines; mais de là à se sentir appelé et investi d’un 40 pouvoir judiciaire pour satisfaire et résoudre ce vide réel” il s’en faut! Mais cette critique de la possibilité d’appliquer la juridiction de suppléance pour légitimer la Commission canonique de la Fraternité peut être soutenue par un argument plus radical. Quel est en effet la véritable signification du terme Ecclesia supplet, l’Eglise supplée? Voici comment Mgr Tissier de Mallerais explique cet adage juridique dans sa conférence du 10 mars 1991: “il s’agit de suppléer au défaut de juridiction du prêtre ou de l’évêque, Ecclesia supplet. Ce ne sera ni le pape, ni la hiérarchie diocésaine qui donnera le troupeau, mais ce sera l’Église, Notre Seigneur Jésus-Christ, comme tête de son corps mystique qui va sanctionner, qui va déclarer en somme le cas de nécessité des fidèles” (op. cit., p. 100). Et encore “c’est le cas où l’Église va directement conférer la juridiction au prêtre, sans passer par les différents degrés de la hiérarchie; ce sera le corps mystique de Notre Seigneur, Notre Seigneur lui-même en tant que chef de son Église, qui va donner dans des cas particuliers juridiction aux prêtres”; et après avoir cité les trois cas prévus par le code (erreur commune, doute positif et danger de mort) l’évêque de la Fraternité reprend: “dans ce cas l’Église ouvre toutes grandes les portes de sa miséricorde et donne juridiction au prêtre. C’est l’Église elle-même, sans passer par la hiérarchie” (op. cit., p. 95). Selon le président de la Commission canonique l’“Eglise”, qui dans certains cas particuliers accorde la juridiction au prêtre qui en est dépourvu, est totalement distincte de la Hiérarchie en tant que telle, et doit être identifiée et avec le Corps mystique du Christ (Notre Seigneur uni à tous les fidèles) et avec le Christ Chef de l’Eglise. Cette interprétation du terme “Eglise” employé par le code de droit canon est complètement fausse (48). A propos de la juridiction de suppléance, le cardinal Staffa écrit, par exemple, dans l’Enciclopedia Cattolica: le canon 209 élimine en effet toute incertitude [sur la possibilité d’une suppléance], en déclarant que l’Eglise (c’est-à-dire le Législateur Suprême) supplée la juridiction, tant pour le for externe que pour le for interne: a) dans le cas d’erreur commune; b) dans le doute positif et probable tant de droit que de fait” (49). Le cardinal Palazzini ne s’exprime pas différemment: la juridiction de suppléance, écrit-il, “est la juridiction que l’on possède non pas en revêtant une charge, ni n’est conférée par délégation du Supérieur, mais est donnée par le droit même, c’est-à-dire par l’Eglise et, par elle, par le Législateur ecclésiastique Suprême au moment même où elle s’exerce (ad modus actus) pour le bien des âmes, qui autrement, sans qu’il y aille de leur faute, en subiraient un préjudice” (50). Aussi lorsque le code attribue la juridiction in abstracto [dans l’abstrait] à l’Eglise, in concreto [concrètement] il l’attribue au Législateur ecclésiastique Suprême, c’est-à-dire au Pape. Et ceci est logique, étant donné que les dispositions du code (du moins celui du droit ecclésiastique) n’ont de valeur qu’en tant que promulguées justement par le Législateur Suprême, le Pape! La juridiction de suppléance dont parle le code n’a par conséquent rien à voir avec la “suppléance” imaginée et décrite par Mgr Tissier de Mallerais, lequel lui donne comme caractéristique particulière le fait d’opérer “sans passer par la hiérarchie”, et donc pas non plus par le Pape. La raison pour laquelle Mgr Tissier s’obstine à vouloir nier au Pape d’être la source de la juridiction de suppléance revendiquée par la Fraternité est évidente: c’est que Jean-Paul II, reconnu comme Pape par Ecône, leur refuse toute juridiction, comme l’admet Mgr Tissier luimême. Si par conséquent c’est le Pape qui concède la juridiction de suppléance, même si pour ce faire il utilise le droit par luimême promulgué, on ne peut certainement pas prétendre que Jean-Paul II concède à la Fraternité Saint Pie X excommuniée par ses propres soins, les pouvoirs aussi exhorbitants qu’il leur refuse explicitement par ailleurs (51). Voilà donc réfutée aussi cette instance de la Fraternité: les prêtres de la Fraternité ne jouissent pas de cette juridiction de suppléance que leur attribuent Mgr Tissier de Mallerais et l’abbé Pivert (52). Une dernière possibilité: la juridiction pourrait-elle venir des fidèles? Si la juridiction que la Fraternité prétend posséder ne vient pas d’en haut (Christ, Eglise, Pape), on pourrait émettre l’hypothèse qu’elle tire son origine du bas, c’est-à-dire des fidèles. Si la Fraternité ne l’affirme pas explicitement, les phrases malheureuses le laissant croire ne manquent pas, comme le reconnaît honnête- 41 ment un prêtre de cette même Fraternité: “dans sa lettre circulaire du 30 juin 1994 (53) l’abbé Berger mettait justement le doigt sur cette impossibilité: ‘la thèse qui fait autorité dans la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X est celle de Mgr Tissier, exprimée dans sa conférence à Paris en mars 1991… Juridiction de suppléance, où, finalement, c’est la demande des fidèles qui nous donnent (sic) juridiction, au cas par cas… Très gênante par son côté démocratique, je vois mal comment la concilier avec la structure hiérarchique de l’Église, où l’apostolat est nécessairement fondé sur la mission qui ne peut venir que d’en haut’. Ce rappel n’est pas inutile. (…) Il est clair que la juridiction de suppléance ne tire pas son origine du fidèle. Dans l’allocution mentionnée par notre ancien confrère [autrement dit l’abbé Berger, qui a quitté la Fraternité Saint Pie X et accepté Vatican II, n.d.r.] Mgr Tissier de Mallerais usait donc d’expressions impropres lorsqu’il affirmait: ‘elle est une juridiction qui dépend essentiellement des fidèles et non pas du prêtre’ et ‘on peut dire que vous ‘donnez’ au prêtre la juridiction nécessaire” (54). Sodalitium (n° 26, déc. 1991) avait lui aussi déjà dénoncé ces “expressions impropres” dans un article (que j’ai déjà signalé) au titre significatif, “L’autorité de l’évêque: vient-elle par la médiation du Pape ou par celle des fidèles?” Il me semble opportun de reporter telle quelle une partie de cet article qui rapportait des expressions de Mgr Lefebvre encore plus impropres que celles de Mgr Tissier: “lorsqu’en juin 1988 Mgr Lefebvre consacra quatre évêques sans mandat romain, il viola la première condition de licéité (déclarer que Jean-Paul II n’est pas véritablement Pape) mais non la seconde: il n’attribua aucune juridiction ordinaire à ses Evêques. “Pourtant la lecture de trois documents posthumes de Mgr Lefebvre publiés dans ‘Fideliter’ (n° 82, juillet-août 1991, pp. 13-17) nous a laissés stupéfaits et effrayés. “Il s’agit d’une lettre à de Mgr Castro Mayer du 4 décembre 1990 et d’une autre au Père Rifan du 20 février 1991, avec une ‘Note à propos du nouvel évêque futur successeur de Mgr de Castro Mayer’. Mgr Lefebvre y précise les pouvoirs dont jouira le futur consacré (Mgr Licinio Rangel, effectivement consacré à Campos le 28 juillet 1991). “Voici ce qu’écrit Mgr Lefebvre: ‘...le cas du diocèse de Campos est plus simple, car il s’agit de la majorité des prêtres diocésains et Mgr Licinio Rangel: à Campos, c’est lui qui annule les mariages des fidèles qui, avec le conseil de l’ancien évêque, désignent le successeur et demandent à des évêques catholiques de le consacrer... C’est bien de cette manière que la succession des évêques s’est réalisée pendant les premiers siècles, en union avec Rome, comme nous le sommes nous aussi, en union avec la Rome catholique et non avec la Rome moderniste’ (pp. 13-14). “Peuple et clergé désignent l’Evêque et tout va pour le mieux. Mais lui donnent-ils aussi autorité et juridiction? “Un soupçon nous vient: ‘C’est le clergé et le peuple fidèle de Campos qui se donnent un successeur des Apôtres, un évêque catholique et romain, puisqu’ils ne peuvent plus en avoir par la Rome moderniste’ (p. 14). Il y a déjà à Campos un ‘évêque’ nommé par le ‘pape’ et intronisé, à l’époque, par Mgr de Castro Mayer. Le nouveau ‘successeur des Apôtres’ reçoit-il seulement le pouvoir d’ordre (pour ordonner des prêtres, confirmer, etc...) ou reçoit-il aussi le pouvoir de juridiction? Le pouvoir d’ordre, ce sont les Evêques qui le donnent: que donne alors ‘le clergé et les fidèles de Campos’? L’autorité? “Eh bien! oui, l’autorité. Mgr Lefebvre parle ‘d’autorité épiscopale’ (p. 15). Le nouvel évêque n’est pas évêque résidentiel (p. 16) mais il a une juridiction qui vient... du clergé et des fidèles: ‘il n’a pas d’autre titre de juridiction [il en a donc un! n.d.r.] que celui qui 42 lui vient de l’appel des prêtres et des fidèles... qui lui ont demandé d’accepter l’épiscopat’ (p. 16). S’agit-il d’une simple autorité de fait, du simple pouvoir de donner les sacrements et de guider les âmes, inclus dans le pouvoir d’ordre? On peut en douter devant l’insistance de Mgr Lefebvre (p. 17) à parler ‘d’autorité juridictionnelle de l’Evêque ne lui venant pas d’une nomination romaine, mais de la nécessité du salut des âmes’. A ce “successeur des Apôtres, fidèles et prêtres doivent “faciliter l’exercice de l’autorité par une généreuse obéissance” (p. 17). “Enfin vient une affirmation plus explicite: ‘La juridiction de l’évêque n’étant pas territoriale, mais personnelle, et ayant pour source le devoir pour les fidèles de sauver leur âme, si un groupe de fidèles dans les diocèses voisins fait appel à l’évêque pour avoir un prêtre, ce groupe donne par le fait même pouvoir à l’évêque de veiller à la transmission de la foi et de la grâce dans ce groupe, par l’intermédiaire du prêtre qu’il envoie’ (p. 17). “Un groupe de fidèles donne donc pouvoir, autorité, juridiction à l’Evêque. Faire une distinction entre juridiction territoriale et personnelle n’enlève rien à la gravité de l’affirmation: un ordinaire militaire, par exemple, (c’est-à-dire un évêque ayant juridiction personnelle sur tous les militaires d’une nation), et un évêque résidentiel avec juridiction sur les résidents du diocèse se trouvent dans le même rapport, en ce qui concerne leur juridiction, vis à vis du Pape qui la leur donne.” (Sodalitium n° 26, pp. 56-7-) A cette thèse (la juridiction vient du peuple) je ne peux que répondre par cet argument utilisé déjà il y a neuf ans: “Nul ne peut donner ce qu’il n’a pas: si le peuple (ou l’Eglise distincte du Pape) donne le pouvoir, c’est parce que le peuple ou l’Eglise est l’autorité. C’est là la thèse janséniste du Conciliabule de Pitoïe, thèse selon laquelle le pouvoir est donné par Dieu à l’Eglise (ou communauté des fidèles) et donné par elle aux Pasteurs qui sont ministres de l’Eglise pour le salut des âmes. Cette thèse a été condamnée comme hérétique par Pie VI (DS 2603)” (ibidem p. 6). La solution “juridiction par les fidèles” s’avère donc encore pire que les solutions précédentes; je ne crois pas qu’elle soit réellement soutenue par la Fraternité: ce qui est écrit dans ce paragraphe suffit à faire éviter la tentation de suivre cette route dangereuse. Conséquences pratiques: de nombreux fidèles de la Fraternité vivront dans une continuelle incertitude sur l’état de leur âme Ce que nous avons écrit jusqu’ici suffit déjà amplement pour justifier la thèse de ce paragraphe: de nombreux fidèles de la Fraternité vivront dans une continuelle incertitude sur l’état - et sur le salut - de leur âme. Nous l’avons démontré en effet, la Fraternité s’est déjà structurée et continue toujours davantage à se structurer, de fait, comme une Eglise indépendante qui doit suppléer et supplanter l’Eglise “officielle” (reconnue toutefois comme Eglise catholique authentique). Dans la conscience des fidèles qui sont fiers - à juste titre - de défendre le dogme “hors de l’Eglise point de salut”, la crainte d’adhérer à une structure schismatique ne peut que provoquer un trouble continuel. Et de fait certains, scandalisés par la découverte de l’existence de ces Tribunaux sinon secrets du moins réservés, ont retiré leur confiance à la Fraternité pour suivre, hélas, les “autorités” fidèles à Vatican II. Le problème de conscience que ce développement de la position de la Fraternité pose aux fidèles de Mgr Lefebvre est aggravé du fait que le trouble ne dérive pas seulement ni tant d’une doctrine purement abstraite, peut-être au-delà de la capacité de compréhension des fidèles, mais privée de conséquences pratiques, que d’une prise de position qui implique jusqu’à la validité des sacrements. Si un simple prêtre de la Fraternité administre la Confirmation en se basant sur les “pouvoirs” concédés par les “Ordonnances”, par exemple, le sacrement est-il valide? Le confirmé et sa famille peuvent légitimement se le demander. Il y a plus. Un religieux, une religieuse, un sous-diacre, “sécularisés” et dispensés de leurs vœux par un “décret” de l’évêque pour les religieux de la Fraternité, ou par Mgr Fellay, sont-ils vraiment dégagés de leurs vœux devant Dieu? Par la suite un éventuel mariage par exemple serait-il bénit par le Seigneur ou s’agirait-il d’un concubinage sacrilège? Mais le cas le plus grave et le plus courant est certainement celui des annulations de mariage “décrétées” par la Commission canonique de la Fraternité Saint Pie X... Il s’agit, nous l’admettons, d’un problème pastoral extrêmement grave qui ne nous laisse pas indifférents et dont la solution est 43 difficile - sinon impossible. Les critiques que formule Mgr Tissier de Mallerais aux nouveaux principes théologiques et canoniques accueillis suite à Vatican II, nous les faisons nôtres, nous les partageons pleinement. Notre position théologique ne fait qu’aggraver, s’il était possible, les conséquences déduites par Mgr Tissier de son analyse (cf. tout le premier chapitre de l’étude publiée dans Cor unum) de la nouvelle doctrine matrimoniale personnaliste condamnée sous Pie XII et devenue doctrine “officielle” sous Jean-Paul II (55). Selon Mgr Tissier, qui reconnaît Jean-Paul II, les sentences de ses Tribunaux “ne peuvent être considérées comme nulles ipso facto ni comme valides sans examen”, et sur le plan pratique les fidèles sont empêchés “d’aller à un tribunal novus ordo de crainte que la sentence ne soit nulle” (Cor unum, cit. p. 44, règles pratiques 1 et 2). Pour nous qui ne reconnaissons pas l’autorité de Jean-Paul II, l’impossibilité de recourir à ses tribunaux n’est pas seulement pratique, elle est aussi une question de principe: non seulement leurs sentences sont certainement nulles, mais le recours à ces tribunaux comporterait une reconnaissance de fait de l’autorité en question, reconnaissance qu’à la lumière de la foi nous considérons comme inadmissible (56). Nous nous rendons bien compte de toutes les graves difficultés pastorales qu’implique notre position pour les fidèles dont le mariage est effectivement ou douteusement nul, et qui n’ont pas les moyens de le démontrer légalement ( 57), mais la solution adoptée à partir d’une certaine période (58) par la Fraternité Saint Pie X pour obvier à ce grave inconvénient nous semble - comme nous venons de le démontrer - absolument infondée et illusoire. Ce que nous venons d’affirmer peut sembler dur au lecteur: mais les citations qui suivent l’aideront à accepter la triste réalité, car, sans s’en rendre compte, les autorités mêmes de la Fraternité confirment notre conclusion. Mgr Tissier de Mallerais pense, en effet, démontrer la licéité de ses tribunaux en partant du droit qu’ont les fidèles de savoir avec certitude si leur propre mariage est, oui ou non, validement célébré: les fidèles, écrit-il, “ont droit en justice à être sûrs de la validité du sacrement reçu une seconde fois et donc de la validité de la sentence de nullité… (…) donc (...), dans cette situation, les évêques fi- dèles (Dom Lininio à Campos) et notre Commission canonique (…) ont les pouvoirs de suppléance pour juger des causes matrimoniales” (Cor unum, cit. II, 4, p. 41). Si ces paroles ont un sens, les sentences des “tribunaux traditionalistes” sont valides parce qu’il n’y a que cette façon pour les fidèles d’avoir la certitude de la nullité de leur premier mariage. Or Mgr Tissier se dément lui-même, enlevant aux sentences en question toute certitude, et faisant ainsi retomber le fidèle plein de doute dans les plus grandes angoisses et perplexités sur l’état de son âme: “enfin - écrit le président de la commission canonique - nos sentences, comme tous nos actes de juridiction supplétoire, et comme les sacres épiscopaux eux-mêmes de 1988, 1991, etc. (59) devront être confirmés ultérieurement par le Saint-Siège” (Cor unum, IV, 6, p. 43). Si le Saint-Siège (60), ne confirme pas dans le futur les sentences portées par la Fraternité, qu’adviendra-t-il? Il adviendra que toutes ces sentences seront à considérer comme nulles et non avenues, et ce, dès le début. Aussi le premier mariage étant toujours demeuré valide, les noces éventuellement célébrées ensuite seront nulles et non avenues dès le début ! Or étant donné que cette hypothèse ne peut être exclue, puisque Mgr Tissier lui-même l’envisage, et par conséquent la croit possible, on peut en déduire que jusqu’ici tous les fidèles qui ont reçu l’annulation de mariage par les tribunaux de la Fraternité ignorent - la Fraternité elle-même l’admet - si cette annulation est valide ou non. Ils ignorent donc si ce sont les premières ou les secondes noces qui sont valides, et si la personne avec laquelle ils vivent est leur conjoint légitime ou un amant, et s’ils sont donc en règle ou pas devant Dieu. Il y a plus. Puisque Mgr Tissier lui-même soutient que si la juridiction est accordée aux tribunaux de la Fraternité c’est parce qu’eux seuls donneraient aux fidèles cette certitude à laquelle le fidèle a droit, et ayant constaté, selon l’aveu même de Mgr Tissier, qu’il n’existe aucune certitude jusqu’à déclaration ultérieure du Saint-Siège, il faut en déduire qu’en aucun cas, les tribunaux de la Fraternité n’ont de juridiction, et que leurs sentences ne sont pas seulement douteuses, mais nulles. Aussi les fidèles ayant contracté un nouveau mariage en se basant sur la validité de ces sentences seraient en réalité concubins, et non conjoints légitimes. 44 Conséquences pratiques: quel est le devoir des fidèles et des membres de la Fraternité? Un appel de Sodalitium à l’unité dans la vérité La grave conclusion du chapitre précédent ainsi que de tout notre écrit devrait poser à nos lecteurs, fidèles ou membres de la Fraternité, un autre cas de conscience: puis-je encore soutenir la Fraternité Saint Pie X si vraiment elle continue à se constituer comme une Eglise indépendante et si elle arrive au point d’administrer à ses propres fidèles des sacrements (comme le mariage) qui peuvent être invalides et donc sacrilèges? Un fidèle peut-il encore suivre avec confiance des guides qui errent de façon aussi grave? Des prêtres - même en désaccord avec leurs propres supérieurs peuvent-ils être complices, ne serait-ce que par leur silence, d’une doctrine et d’une praxis aux conséquences si importantes? Si déjà en 1985 les membres de l’Institut Mater Boni Consilii quittaient la Fraternité Saint Pie X, c’est qu’ils considéraient que l’on ne pouvait en conscience, soutenir plus loin l’œuvre de Mgr Lefebvre. Cette décision nous sembla alors valide et nous le semble encore, abstraction faite de la question que nous venons de traiter dans ce dossier. Mais la création de la “Commission canonique Saint Charles Borromée” en 1991 est chose tellement grave que ce problème est à poser même à qui ne considéra pas opportun de nous suivre en 1985. Et en effet nombreux sont les prêtres à avoir abandonné la Fraternité Saint Pie X ne serait-ce que pour ne pas avaliser le schisme de fait, réalisé avec la création de cette Commission, véritable embryon d’une nouvelle Eglise. Nous savons il est vrai - que de nombreux fidèles ignorent tout de l’institution ou de la nature de ces tribunaux; que beaucoup de prêtres et de membres de la Fraternité ne sont pas d’accord avec cette institution; que de fait, dans certains districts, parmi lesquels probablement l’Italie, les “tribunaux” sont ignorés et demeurent inutilisés. Il demeure cependant que ces tribunaux, et la doctrine qui prétend les justifier, ne sont pas une initiative personnelle et l’opinion privée de quelques membres de la Fraternité, mais sont respectivement un organe (tout ignoré et peu connu du public qu’il soit) et un point de doctrine officiel de la Fraternité. Il nous semble donc pouvoir conclure que ne plus soutenir la Fraternité Saint Pie X est objectivement une obligation en conscience pour ceux du moins qui sont au courant de cette triste question (sauf bonne foi des individus connue de Dieu seul). Toutefois, n’y aurait-il pas un moyen d’éviter une conclusion aussi amère et qui semble ne pas tenir compte du bien indéniable que ladite Fraternité - qui rassemble la quasi totalité des catholiques demeurés fidèles à la Tradition - réalise un peu partout sur la terre? Devons-nous vraiment abandonner la Fraternité à son destin? Il me semble que, pour pouvoir continuer à accorder son soutien à la Fraternité Saint Pie X à cause du bien qu’elle peut encore faire dans le futur, il est nécessaire d’obtenir de ses responsables une remise en question de sa position doctrinale. C’est-à-dire que la Fraternité Saint Pie X devrait, tout d’abord, réexaminer et revoir sa position sur la juridiction supléée et - après un sérieux examen de la question- en arriver à la suppression de la Commission canonique Saint Charles Borromée, ou du moins à sa transformation de tribunal ecclésiastique en simple organe consultatif sur les questions morales et canoniques, ainsi qu’à la révision des “Ordonnances” de 1997 (et de 1980). Mais il serait illusoire de corriger des effets erronés sans revoir simultanément la cause de ces effets. La longue introduction historique dont nous avons fait précéder l’examen de la doctrine diffusée dans la Fraternité Saint Pie X depuis 1991, et qui exposait l’évolution de la position de la Fraternité sur le problème de la juridiction, avait justement pour but de faire comprendre au lecteur comment les déviations que l’on rencontre actuellement dans ladite Fraternité ont leurs racines dans la position que Mgr Lefebvre a pensé devoir adopter face au “problème de l’autorité” (ou “du Pape”) du moins depuis 1979. Seule une position claire et théologiquement correcte sur l’autorité du Concile, de Paul VI et de Jean-Paul II peut permettre ensuite toutes ces applications aux cas particuliers que la crise actuelle pose aux catholiques fidèles. Mgr Lefebvre, il est vrai, a toujours refusé la solution sédévacantiste, et bien sûr nous ne pouvons pas soutenir que dans ce refus ne soit inclus également le refus de la thèse de Cassiciacum élaborée par le Père Guérard des Lauriers o.p., le théologien le plus prestigieux qui ait pris - et dès le début la défense de la Tradition catholique. La 45 marginalisation, puis la “diabolisation”, enfin l’effacement même de la mémoire du Père Guérard des Lauriers, auteur du Bref examen critique du novus ordo Missæ attribué aux Cardinaux Ottaviani et Baci qui y souscrivirent, priva Mgr Lefebvre et sa Fraternité d’un guide, sûr et faisant autorité, pour les choix doctrinaux et théologiques qui s’imposaient inéluctablement. Hélas, la position du Père Guérard fut refusée pratiquement sans examen, et assimilée au sédévacantisme complet duquel au contraire le Père Guérard s’est toujours distingué. Certains des motifs pour lesquels la Fraternité et Mgr Lefebvre ont refusé le sédévacantisme, sont pleinement partagés par notre position: absence de preuve sur l’hérésie formelle de Jean-Paul II, impraticabilité des “voies” classiques de l’hypothèse du Pape hérétique et de la Bulle de Paul IV pour démontrer la vacance du Siège, nécessité d’une continuité de l’Eglise, de la hiérarchie et des électeurs d’un conclave (les cardinaux), refus des “conclaves” convoqués par des personnes privées… D’autre part la Thèse de Cassiciacum partage avec le sédévacantisme ses positions essentielles: JeanPaul II ne peut jouir de l’autorité pontificale, il n’est pas divinement assisté, on ne peut être en communion avec lui (entre autres au canon de la Messe), vis-à-vis de lui le problème de l’obéissance et de l’infaillibilité du Pape ne se pose pas (vérité de foi toutes deux vigoureusement défendues dans la Thèse et généralement aussi dans le sédévacantisme, au contraire de la Fraternité). Si nous avons embrassé la Thèse, ce n’est pas parce que ce serait plus commode ou parce qu’elle pourrait être un point d’union de tous les anti-modernistes; c’est seulement parce qu’elle est vraie. Toutefois, à notre avis, cette thèse a souvent été considérée comme un facteur de division (nous sommes accusés de “sédévacantisme” par les adeptes de Mgr Lefebvre et de “lefebvrisme” par les “sédévacantistes”!) alors qu’au contraire, comme l’ont fait remarquer quelques rares observateurs ( 61) elle pourrait devenir un facteur puissant d’unité entre nous, mettant fin à d’interminables et dangereuses divisions qui ne profitent qu’à nos ennemis, et affaiblissent nos forces en scandalisant les fidèles. Nous invitons donc les personnes à la fois les plus compétentes et les mieux intentionnées des deux camps (sédévacantistes et disciples de Mgr Lefebvre) à prendre sérieusement en considération la Thèse dite de Cassiciacum: c’est l’unique thèse sédévacantiste qui, d’une part, tienne devant les critiques des adversaires, et de l’autre n’élude pas les objections soulevées par Mgr Lefebvre et les siens au sédévacantisme, en présentant une solution satisfaisante et propre à calmer leurs perplexités et leurs craintes. Pour les adeptes des deux positions qui nous sont adverses, la Thèse serait aussi un puissant antidote à la tentation de créer, explicitement ou implicitement, une “petite Eglise” traditionaliste, car elle refuse tout aussi bien et pour les mêmes motivations les “conclaves” sédévacantistes que les “hiérarchies de la Tradition” soutenues par la Fraternité Saint Pie X. Une position intransigeante, donc, mais équilibrée, qui, seule, rend compte en même temps de l’incroyable situation que nous vivons et des dogmes de foi (infaillibilité, primat, indéfectibilité, apostolicité, etc.) auquels nous devons croire pour rester catholiques. Puisse se réaliser enfin, du moins entre tous ceux qui ont pour point commun la lutte contre l’hérésie moderniste, l’unité dans la vérité et la charité! Notes 1) Une stupeur toute relative. Des bruits couraient déjà depuis un certain temps sur l’existence et l’activité d’une Commission canonique de la Fraternité Saint Pie X. En 1995 nous avions publié dans Sodalitium une Lettre circulaire aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X dans laquelle l’abbé Berger, un prêtre qui quittait la Fraternité, dénonçait “le fait d’avoir établi un bureau parallèle pour les questions de mariage” jugeant “très grave” cette institution: “la Fraternité Saint Pie X - écrivait-il - ne se constitue-t-elle pas là en Eglise parallèle? Autocéphale?” (n° 38, p. 71) Mais ni l’abbé Berger ni d’autres prêtres ayant quitté la Fraternité pour des raisons analogues, n’avaient jamais fourni une documentation à l’appui, documentation qui puisse prouver la nature “légale”, et pas seulement consultative de la Commission. 2) ABBÉ H. BELMONT, Les confirmations données par des prêtres de la Fraternité Saint Pie X sont-elles valides? in Cahiers de Cassiciacum, n° 6, 1981, pp. 1-11. 3) Sur la question de l’autorité voir, par ex.: B. LUCIEN, La situation actuelle de l’autorité dans l’Eglise. La Thèse de Cassiciacum, Documents de catholicité, 1985. L’auteur souligne, contre le volontarisme, que la question de l’obéissance est une conséquence de la question de l’autorité, mais n’en constitue pas l’essence (p. 37). 4) MGR LEFEBVRE, Lettre aux amis et bienfaiteurs, n° 9, oct. 1975. 5) P. PARENTE- A. PIOLANTI, Dizionario di teologia dommatica per i laici, Studium, Roma, 1943, p. 95, rubrique ‘gerarchia’ [hiérarchie]. 46 6) “In errore communi aut in dubio positivo et probabili sive iuris sive facti, iurisdictionem supplet Ecclesia pro foro tum externo tum interno” (can. 209). Le nouveau code a maintenu à la lettre la canon 209: “dans l’erreur commune de fait ou de droit, et pareillement dans le doute positif et probable de droit comme de fait, l’Eglise supplée au for externe comme au for interne le pouvoir de gouvernement exécutif” (can. 144 § 1) en appliquant aussi le principe (§2) à l’administration des sacrements de la confirmation (can. 883), de la pénitence (can. 966) et du mariage (can. 1111§1). 7) Pour cette argumentation, cf. M. LEFEBVRE, Le coup de maître de Satan, Il Falco, Milano, 1978, pp. 107108 (il s’agit d’un texte du 24 février 1977); et encore: Le Ministère Sacerdotal en période extraordinaire de crise grave, par un groupe de prêtres du Diocèse de Campos, dans Cor Unum, n. 16, octobre 1983, pp. 9-26. 8) Mgr Lefebvre et le Saint-Office, Itinéraires, mai 1979, pp. 21-22. 9) Voir par exemple la demande plus que pertinente du cardinal Seper (“un fidèle peut-il mettre en doute la conformité avec la doctrine de la foi d’un rite sacramentel promulgué par le pasteur suprême”? - ibidem p. 111) à laquelle Mgr Lefebvre initialement ne répondit pas. Devant l’insistance du Cardinal (“soutenez-vous qu’un fidèle catholique peut penser et affirmer qu’un rite sacramentel en particulier celui de la Messe, approuvé et promulgué par le Souverain Pontife, puisse ne pas être conforme à la foi catholique ou ‘favens hæresim’?”, ibidem, p. 146) Mgr Lefebvre répondit de façon évasive: “ce rite en soi et par soi ne professe pas la foi catholique avec la même clarté que celui de l’ancien Ordo Missæ, il peut donc favoriser l’hérésie. Mais je ne sais pas à qui l’attribuer, et je ne sais pas même si le Pape en est responsable” (p. 146). Mgr Lefebvre, sachant que pour la foi catholique un Pape ne peut promulguer un sacrement ou un rite de la messe ‘mauvais’, et pensant justement cela du nouveau missel, fut contraint d’affirmer frôlant le ridicule - ignorer si Paul VI était le responsable du nouveau missel, et ce, pour ne pas avoir logiquement à soutenir ou que le nouveau missel est bon ou que Paul VI n’était pas Pape (tertium non datur)... 10) “Pour ce qui concerne la juridiction nous en appelons aux circonstances extraordinaires prévues par le Droit et aux conditions d’extrême nécessité dans lesquelles se trouvent les âmes des fidèles” (ibidem, p. 121). 11) Ibidem, p. 112. Pour Seper la praxis de Mgr Lefebvre “induit à se demander si l’on ne se trouve pas devant un mouvement schismatique”. 12) Ibidem, p. 144-163. 13) Ibidem, pp. 159-160. 14) C’est à dire de privation du Chef de l’Eglise. 15) Et donc en ce qui regarde le pouvoir d’Ordre, et non de Juridiction au for externe, pour les pouvoirs législatif et judiciaire. 16) ...comme le soutenait le cardinal Seper! La praxis (à cette époque) de Mgr Lefebvre présupposait, pour être justifiée, la privation de l’Autorité... 17) H. BELMONT, op. cit., p. 9. 18) Ibidem, p. 1. 19) En 1980 nous faisions encore partie de la Fraternité et nous reçumes, comme tous les autres membres de cette société, le petit volume des “Ordonnances”... 20) Je rappelle ce qu’écrit Mgr Tissier:“Il est même plus grave de dispenser d’un empêchement dirimant (ce qui change la condition de la personne, laquelle d’inha- bile, devient habile à contracter), que de déclarer nul un mariage (ce qui ne change pas l’état de la personne, mais constate un état déjà existant ab initio); c’est un pouvoir de juridiction déclaratif seulement. Si donc la suppléance nous donne pouvoir de dispenser, elle nous donne a fortiori pouvoir de juger)”. L’argument est facile à renverser: s’il est évident que les annulations de mariage décidées par les “tribunaux” de la Fraternité sont invalides, à plus forte raison (a fortiori) seront invalides les dispenses, bien plus graves, des empêchements dirimants au mariage, dispenses considérées au contraire comme légitimes par Mgr Lefebvre depuis 1980. 21) Pour le texte du faux “mandat apostolique” lu avant les consécrations épiscopales du 30 juin, cf. Fideliter, sept.-oct. 1988, n. 65, p. 11. Le canon 953 (1013 du nouveau code) interdit une consécration épiscopale accomplie sans “mandat pontifical” ou “apostolique”, c’est à dire sans l’autorisation du Pape. Que le “mandat apostolique” - c’est-à-dire du Pape - ait été écrit par Mgr Lefebvre en dit long sur l’identification pratique que fait la Fraternité entre Mgr Lefebvre et le Pape... Quelle idée se fait donc la Fraternité de l’Eglise romaine” (qui aurait autorisé les consécrations), une “Eglise romaine” qui serait opposée aux “autorités de l’Eglise romaine” (qui interdisaient ces mêmes consécrations sous peine d’excommunication)? 22) Cf. Sodalitium n° 16, et aussi F. RICOSSA, Les consécrations épiscopales dans la situation actuelle de l’Eglise, in Sodalitium n° 44, juillet 1997, numéro spécial. 23) Lettre de Mgr Lefebvre “aux futurs évêques” du 29 août 1987, dans Fideliter, n. hors série des 29-30 juin 1988. 24) Cité dans F. P IVERT , Des Sacres par Mgr Lefebvre... Un schisme?, Fideliter, avril 1988, p. 59. 25) “L’Eglise n’est pas le pape, et réciproquement” (F. Pivert, op. cit., p. 47). Bien sûr, l’Eglise n’est pas le Pape, mais le Pape est le Chef visible de l’Eglise! En particulier, l’abbé Pivert, l’un des membres des Commissions canoniques de la Fraternité, dans l’application du principe canonique “Ecclesia supplet”, oublie que par “Ecclesia” on entend le Législateur ecclésiastique Suprême, c’est-à-dire le Pape, qui peut accorder la juridiction “a jure”, c’est-à-dire par une décision inscrite dans le droit qu’il a promulgué. Par conséquent le principe “Ecclesia supplet” ne peut être invoqué s’il n’y a pas de Pape ou lorsque le Pape refuse explicitement cette suppléance. Nous en reparlerons. 26) F. PIVERT, op. cit., pp. 28-30, 37-42 (sur le canon 20), pp. 46-47 (sur la juridiction suppléée qui s’ensuit). 27) Sodalitium n° 26, déc. 1991, pp. 4-6: L’autorité de l’évêque vient-elle du Pape ou des fidèles?; n° 33, oct. 1993, pp. 51-52: Petite note sur la Fraternité Saint Pie X; n° 41, avril-mai 1996, pp. 58-59: Débat: Qui est l’évêque de Campos? 28) Les Actes ont été publiés aux Editions Fideliter. L’allocution de Mgr Tissier s’y trouve aux pages 93-114. 29) P. PARENTE, A. PIOLANTI, Dizionario di teologia dommatica per i laici, Studium, Roma, 1943, p. 95, rubrique ‘Gerarchia’ [hiérarchie]. 29 bis) Après le Concile Vatican II et les réformes qui ont suivi, le problème de l’indéfectibilité de l’Eglise est certainement le plus terrible qui se soit posé aux âmes des fidèles. Etant donné son importance, nous traiterons la question à part, nous réservant de l’aborder prochainement. Pour le moment je soumets au lecteur ce qu’écrivait très à propos sur ce sujet l’abbé 47 Lucien (op. cit., p. 203): “même dans la crise, le Christ demeure avec son Eglise, et continue à la faire subsister conformément à la nature qu’il lui a donnée en l’instituant; cela, nous le croyons de Foi: c’est l’indéfectibilité de l’Eglise. Cette affirmation, pour n’être pas purement verbale, doit avoir une portée concrète: comment, de fait, Jésus est-il encore actuellement avec son Eglise? Si l’on considère l’Eglise comme Corps Mystique, Jésus demeure aujourd’hui avec elle en maintenant vivant le Témoignage de la Foi et la sanctification par les Sacrements authentiques, ainsi que l’Oblation du véritable Sacrifice. C’est ce que prouve l’existence de ceux que l’on nomme ‘traditionalistes’. Mais comment, concrètement, Jésus est-il encore avec son Eglise considérée comme société humaine? A cette question, qui doit avoir une réponse, nous répondons: en maintenant en place la structure hiérarchique visible pendant qu’il permet la grande épreuve que constitue l’éclipse de l’autorité et de ses fonctions surnaturelles. Cette permanence de la structure hiérarchique constitue la pierre d’attente divinement posée du renouveau de l’Autorité; et elle assure la continuité matérielle de la succession hiérarchique, continuité absolument requise par la note d’Apostolicité”. 30) Cf. l’article de l’abbé Sanborn in Sodalitium n. 39, p. 35. 31) Voir la note 4. Il s’agit d’une idée qui revient souvent chez Mgr Lefebvre: “nous sommes avec Paul VI, successeur de Pierre, remplissant son rôle; nous refusons de suivre Paul VI, successeur de Luther, Rousseau, Lamennais, etc.” (MGR LEFEBVRE, Le coup de maître de Satan, éd. Saint-Gabriel, Martigny, 1977, le texte cité, Réponses à diverses questions d’actualité, date du 24 février 1977, pp. 43-44). 32) Sodalitium partage pleinement le jugement porté par les Ordonnances sur le nouveau code. Mais ce jugement devrait avoir - comme conséquence logique et inéluctable - l’invalidité totale du nouveau code et la constatation absolument certaine que Jean-Paul II n’a pas l’autorité divinement assistée (il n’est pas Pape formaliter). En effet, d’un côté, un code de lois qui “pèche gravement contre la finalité même de la loi” (qui est le bien commun) ne peut être valide et, d’autre part, une “autorité” qui n’assure pas le bien commun ne peut être légitime: Mgr Tissier lui-même reconnaît, avec le Père Guérard, que celui qui ne veut pas habituellement le bien de l’Eglise ne peut pas être Pape (Fideliter, n. 72, nov. déc., 1989, p. 7). En effet il est impossible qu’une autorité authentique promulgue un code de droit canon qui pèche gravement contre la finalité même de la loi (Mgr Tissier) (sur l’infaillibilité des lois universelles de l’Eglise, voir par exemple ABBÉ FRANCESCO PALADINO, Petrus es tu? Delacroix, 1999, pp. 143-148, un livre que nous avons abondamment critiqué - cf. ABBÉ FRANCESCO RICOSSA, L’Abbé Paladino et la Thèse de Cassiciacum. Réponse au livre Petrus es tu? Centro Librario Sodalitium, Verrua Savoia 1999 - mais qui, sur ce point particulier, se fondant sur des citations pertinentes, est absolument irréfutable. Nous y renvoyons le lecteur). 32 bis) “La dispense est un acte de l’autorité compétente qui relève le sujet de l’obligation d’observer la loi dans des cas particuliers. L’autorité compétente pour la dispense est la même que celle qui a promulgué la loi, ou une autorité supérieure” (F. ROBERTI ET P. PALAZZINI, Dizionario di Teologia morale, Studium, 1968, rubrique “dispensa”). 33) Sont réservés au Saint-Siège par exemple les empêchements marimoniaux (can. 1040), la sanatio in radice (can.1141, Ordonnances, pp. 60-62), diverses dis- penses (Ordonnances, p. 37, p. 42: dispenses des Ordres Sacrés, p. 44; l’indult de sécularisation pour les religieux, réservé à un évêque de la Fraternité, p. 45, p. 47, etc.), l’absolution de nombreuses censures, toutes choses que la Fraternité attribue à ses propres autorités. 34) “Nomine Sedis Apostolicæ vel Sanctæ Sedis in hoc Codice veniunt non solum Romanus Pontifex, sed etiam (...) Congregationes, Tribunalia, Officia per quæ idem Romanus Pontifex negotia Ecclesiæ expedire solet” canon 7 (voir les canons 360-361 du nouveau code). 35) Ce principe (de ne pas recourir à Rome) ne vaut pas seulement pour les causes matrimoniales, mais est appliqué constamment par la Fraternité. Sont laissés au Pape - il est vrai - le privilège pétrinien et la dispense sur le mariage ratifié mais non consommé, mais avec permission préalable du supérieur de district et contrôle de la commission canonique (Ordonnances, p. 38). 36) En contradiction avec ce qu’affirme Mgr Tissier: “Monsieur l’abbé Laguérie, curé – par suppléance – de Saint-Nicolas-du-Chardonnet, n’a pas de pouvoir de juridiction sur les habitants du quartier, sur les habitants du Ve arrondissement. Il a pouvoir sur les personnes, précisons: les familles et les fidèles qui fréquentent son église et qui lui demandent le secours de son ministère sacerdotal” (allocution du 10 mars 1991, op. cit., p. 101). 37) Cette contradiction a été signalée aussi par quelques membres de la Fraternité: “la juridiction de suppléance – écrit par exemple l’abbé Mercury – définie comme un pouvoir accordé au cas par cas, a été qualifiée très justement de ‘personnelle’. Mgr Tissier de Mallerais a expliqué dans son allocution que ‘c’est une juridiction personnelle et non pas territoriale. Et cela est très important à saisir: vos prêtres ont juridiction sur vos personnes et non pas sur un territoire. Les prêtres de tradition ont juridiction sur chacun de leurs fidèles qui fréquentent leur chapelle, leur église de tradition, leur prieuré ou leur couvent de tradition et non pas sur un territoire déterminé comme l’est par exemple le territoire d’une paroissse’ [pp. 100-101]. Probablement abusés par les mots, certains ont assimilé la juridiction de suppléance à celle d’une prélature personnelle qui est évidemment de type ordinaire. (…) Cette restriction imposée par la définition même de la juridiction de suppléance pose évidemment une grave difficulté sur le plan social. Car le pouvoir des prêtres de la Tradition qui concerne les personnes individuellement prises ne semble pas s’étendre aux personnes morales, comme une communauté par exemple. Concrètement, cela signifie que notre juridiction ne s’exerce pas sur nos communautés comme sur un troupeau. (…) Quand Mgr Lefebvre dit: ‘vos églises sont vos paroisses’ il faut l’entendre dans un sens analogique, et non à strictement parler, comme si la juridiction de suppléance nous permettait de constituer des entités canoniques à part entière. La création de structures de droit ecclésiatique (…) appartient en propre à l’exercice du pouvoir ordinaire. Revendiquer un tel pouvoir, c’est s’exposer à l’accusation de schisme plus ou moins latent, parce que c’est s’arroger des prérogatives qui dépassent les limites d’un pouvoir extraordinaire accordé pour une période de crise” (H. M ERCURY , L’œuvre de Mgr Lefebvre: une théologie de l’exception”, Edition de la petite croix, août 1999, pp. 59-61). Remarquons que ce sont les Ordonnances qui confondent juridiction de suppléance et prélature personnelle, en équiparant la “hiérarchie de la Fraternité” à un ordinariat militaire (p. 7). 38) Voici comment cette objection est exposée par Orlando Fedeli: “une question: pourquoi ce prêtre, si 48 c’est un prêtre fidèle, n’aurait-il pas la même autorité de suppléance que le prêtre supérieur de district? Les conditions seraient les mêmes; ce prêtre y aurait même davantage droit, s’il était un expert en questions canoniques ou s’il s’était mieux renseigné. Si l’on admet l’argumentation et si l’on est conséquent, certains prêtres pourraient également se constituer pour suppléer l’autorité de la Rote qui dépend directement du Pape. Quelle autorité l’en empêchera? On a déjà peut-être, sans s’en rendre compte, ouvert la porte au subjectivisme; quand de sa propre initiative, on a établi les nouvelles autorités de suppléance, la voie fut ouverte afin que tous ceux qui se considèrent comme fidèles puissent organiser leur propre tribunal supplétoire en suivant cet exemple et en s’appuyant sur les mêmes arguments”. Et encore: “Enfin, pourquoi seule la Fraternité aurait-elle maintenant le droit d’instituer un tribunal avec les pouvoirs de la Rote? Et celui qui aurait donné à la Fraternité ce droit et ce pouvoir ne le confèrerait-il pas aussi à d’autres? Qui a nommé les membres de la Commission canonique Saint Charles Borromée leur donnant un droit et un pouvoir que seul un Pape peut donner? Les juges ecclésiastiques étant vicaires du Pape, nous l’avons vu, ils parlent au nom du Pape et émettent des sentences au nom du Pape; au nom de qui les juges de la Commission canonique Saint Charles Borromée profèrent-ils leurs sentences?” 39) Il faut reconnaître que Mgr Tissier refuse en principe cette thèse: “l’erreur par excès – déclara-t-il dans l’allocution du 10 mars 1991 – c’est dire: tous les évêques ou presque ont apostasié la foi catholique, du moins ils ne la prêchent plus, donc il n’y a plus de hiérarchie légitime; il n’y a plus ni pape, ni évêques légitimes dans l’Église. Et donc la vraie hiérachie catholique, la seule, c’est Mgr Lefebvre, les quatres évêques, les supérieurs de district, les prieurs et leurs vicaires. Voilà! C’est la hiérarchie de l’Église! C’est le clergé de Tradition dans cette organisation hiérarchique apparente. Il faudrait du reste qu’un des évêques soit élu pape, cela complèterait l’apparence hiérarchique! C’est ce que certaines sectes n’ont pas hésité à faire; elles se sont brisées sur cet écueil. C’est faux, bien sûr, nous récusons cette analyse, ses conséquences” (p. 104). Cependant, si la Fraternité Saint Pie X a toujours refusé le sédévacantisme (et a fortiori le conclavisme) en théorie, dans la pratique elle s’est comportée non seulement comme si la hiérarchie de l’Eglise n’existait plus, mais aussi comme si elle avait le pouvoir de la remplacer. En ce sens la Fraternité Saint Pierre a raison d’écrire: “Cette attitude présuppose un sédévacantisme pratique. (…) Il faudra bien que les autorités de la Fraternité Saint Pie X reconnaissent tout haut ce que d’aucuns (et non des moindres!) reconnaissent tout bas – en cercles choisis évidemment” (Du sacre épiscopal contre la volonté du Pape, avec application aux sacres conférés le 30 juin par Mgr Lefebvre, essai théologique collectif de membres de la Fraternité Saint Pierre sous la direction de M. l’abbé Bisig, texte polycopié p. 23. Cité par Mercury, p. 39). C’est ce que disait Mgr Guérard des Lauriers quand il définissait le Pape tel qu’il est reconnu par la Fraternité comme un “mannequin de Pape” (Sodalitium n° 13). 40) Sodalitium n° 47, décembre 1998, p. 83. Voir aussi ce que Mgr Tissier écrivait à l’abbé Berger le 25 septembre 1993, in Sodalitium n° 38, p. 70. 41) Sodalitium n° 50, juin-juillet 2000, pp. 40-41. 42) Le jugement en première instance revient à l’ordinaire du lieu (normalement l’évêque diocésain: can. 1572, can. 1419 n.c.). Le jugement en seconde ins- tance revient normalement au métropolite (can. 1594; can. 1438 n.c.) dont l’évêque est suffragant. Le jugement en troisième et dernière instance revient au Pape (can. 1597; can. 1442 n.c.): “le Souverain Pontife est juge suprême dans toute l’orbe catholique, et il juge ou personnellement ou par l’intermédiaire des tribunaux ordinaires du Siège Apostolique ou bien par l’intermédiaire de juges délégués par lui-même”. 43) F. P IVERT , Des évêques d’adoption dans Fideliter, n. 123, mai-juin 1998, pp. 13-17; la phrase citée se trouve à la pag. 16 de ce numéro de Fideliter dédié au dixième anniversaire des consécrations épiscopales faites par Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer.”L’auteur de cet article – écrit Fideliter- M. l’abbé François Pivert, juriste, est membre de la Commission canonique de la Fraternité Internationale (sic) Saint-Pie X”. La position de l’abbé Pivert semble être celle de la Fraternité Saint Pie X, même si certains de ses membres ne l’acceptent pas (cf. abbé Mercury, op. cit., pp. 32-32, 35-38). 44) F. RICOSSA, Les Consécrations épiscopales dans la situation actuelle de l’Eglise. Réponse à l’article de l’abbé H. Belmont (Sodalitium n° 44, Centro Librario Sodalitium, Verrua Savoia). L’abbé Belmont soutenait initialement la même thèse que l’abbé Pivert mais en déduisait une conclusion tout à fait opposée: si la juridiction vient à l’évêque de la consécration épiscopale, une consécration sans le consentement du Pape implique alors l’attribution d’une juridiction sans soumission au Pape, et par conséquent schisme. Par la suite l’abbé Belmont a abandonné cette position, tout en demeurant opposé encore doctrinalement aux consécrations. 45) Enciclopedia Cattolica, Cité du Vatican, 1953, vol. X, col. 18, rubrique Primato di San Pietro e del Romano Pontefice, par Mgr Antonio Piolanti. 46) H. MERCURY, op. cit., pp. 41-42. 47) L’abbé Pivert, suivi par Mgr Tissier de Mallerais (point III de son article publié par Cor unum) invoquent le can. 20 (nouveau code, can. 19) comme “base doctrinale de nos pouvoirs supplétoires”. Le can. 20 servirait, en fait à étendre presque à l’infini les cas bien limités de juridiction suppléée prévus par le code: “si sur une matière déterminée manque une disposition de loi expresse tant universelle que particulière ou une coutume, la cause, si elle n’est pas pénale, est à trancher en tenant compte des lois données pour des cas semblables, des principes généraux du droit appliqués avec une équité canonique de la jurisprudence et de la praxis de la Curie romaine, de l’avis commun et constant des juristes” (n. can. 19). Peuton s’appuyer sur ce canon pour instituer des tribunaux ecclésiastiques non reconnus par Rome? C’est ce que prétend Mgr Tissier (Cor unum, p. 41, point III) en s’ap- Le blason de Mgr Tissier de Mallerais, président de la commission Saint Charles Borromée 49 puyant a) sur les lieux parallèles et l’analogie légale, b) sur la jurisprudence de la Curie romaine, c) sur l’épikie et l’opinion des juristes. Pour ce qui est des “lieux parallèles” et de “l’analogie légale” Mgr Tissier invoque “le cas du recours impossible à l’évêque pour dispenser d’un empêchement dirimant de droit ecclésiastique: dans le ‘danger de mort’ ou ‘quando omnia sunt parata ad nuptias’, le curé ou le confesseur peuvent dispenser (can. 1044-1045). Ce qui signifie que l’Eglise leur donne, par suppléance, juridiction ad casum” (Cor unum, p. 41, III, 2, a). Orlando Fedeli lui répond: “pour pouvoir appliquer l’analogie légale, et pour que les cas soient réellement parallèles, il faut qu’il y ait similitude de matière (…) entre la norme que l’on suppose contenue implicitement dans le Code et celle à laquelle on fait référence. Dans les canons 1044 et 1045 la dispense donnée par l’évêque est ordonnée directement et immédiatement à l’exercice de la ‘potestas sacra’ (dans le cas d’urgence pour recevoir la grâce sacramentelle et mourir en état de grâce ou contracter validement le sacrement, lorsqu’il est impossible d’attendre sans grand inconvénient le retard causé par le recours à l’autorité: ‘ad casum’, le législateur, usant de son pouvoir, donne la faculté nécessaire pour agir validement). Au contraire dans le cas des tribunaux, il s’agit d’un acte judiciaire de la ‘potestas regiminis’, du pouvoir de gouvernement dans lequel n’est pas impliquée directement et immédiatement la réception de la grâce sacramentelle ou l’exercice de la ‘potestas sacra’. Les personnes impliquées dans un jugement canonique peuvent être et demeurer en état de péché mortel, elles peuvent même rester célibataires ou changer d’état, et le juge peut être un laïc. Le procès dans un tribunal est un acte juridique sans connexion nécessaire avec le fait pour une âme de recevoir la grâce de façon urgente pour la sauver, ou avec un sacrement; le code établit une suppléance ordonnée aux actes sacramentels: ‘potestas sacra’; suppléance qui permet en faveur d’autrui, de mettre en acte une puissance que le titulaire possédait déjà du moins radicalement. Les actes propres de la ‘potestas regiminis’, de gouvernement, sont très différents: ils ne sont pas directement liés à l’exercice sacramentel, pas plus que ce pouvoir ne s’acquiert sans qu’on ait été désigné comme capable d’agir au nom du Juge suprême; être ministre sacré n’habilite pas à l’exercice du pouvoir judiciaire. L’exercice valide de ce pouvoir non sacramentel requiert, selon le droit, une désignation par le seul qui le possède ipso jure en plénitude; de fait il y a des juges laïcs et leur pouvoir, par le fait qu’ils sont nommés juges, est exercé ipso jure au nom de celui qui les a nommés et dans les limites établies par le droit (…). En agissant en juge, on ne met pas en acte une puissance que l’on possède habituellement, mais [on agit] par désignation, et seulement pas désignation de celui qui est le seul à posséder la plénitude du pouvoir dans l’Eglise (...). Pour savoir si dans les actes d’un tribunal canonique on peut trouver une analogie avec cette suppléance que l’Eglise exerce dans les actes dont parlent les canons 1044-1045, il faut se faire guider par un véritable lieu parallèle: ce lieu parallèle, on le trouve dans ce qui est stipulé au canon 144 qui règle la suppléance dans l’exercice de la juridiction et qui ne prévoit aucune suppléance possible pour exercer le pouvoir législatif ou judiciaire. (...) En résumé: pas de lieu parallèle, légalement parlant, puisqu’il n’y a pas similitude de matière (...); ainsi ce présumé lieu parallèle pour pouvoir agir en tant que tribunaux canoniques de suppléance est inapplicable, puisqu’on passe d’une suppléance pour l’exercice d’un pouvoir (potestas sacra) au for interne que l’on possède radicalement à une suppléance par analogie de l’exercice de la potestas regimini de gouvernement au for externe laquelle ne peut se posséder d’aucune façon sans une désignation (...)” M. Fedeli oppose le même argument à celui qui est tiré de la jurisprudence de la Curie Romaine (entre autres Cor unum se trompe de date quand il cite un document d’interprétation du code). Le dernier argument est celui qui se fonde sur l’épikie et l’opinion des docteurs. L’inconséquence du raisonnement de Mgr Tissier saute aux yeux du premier lecteur venu: après avoir démontré en citant le Père Cappello que dans la situation actuelle, nous ne sommes pas tenus à recourir “à des tribunaux modernistes” Mgr Tissier conclut abusivement “mais si cette obligation cesse, ne cesse pas l’obligation de recourir à quelque tribunal! (Cor unum, III, 2, c, p. 42). A condition, ajoutons-nous, que cet autre tribunal existe réellement! Sans quoi nous ne sommes pas autorisés à créer des tribunaux illégaux n’en ayant pas l’autorité... 48) L’abbé Mercury, de la Fraternité Saint Pie X (op. cit., p. 44) le reconnaît lui aussi. 49) DINO STAFFA, rubrique Giurisdizione dans Enciclopedia Cattolica, Cité du Vatican, 1951, vol. VI, col. 786. 50) F. ROBERTI ET P. PALAZZINI, Dizionario di teologia morale, Ed. Studium, Roma, 1968, vol. 1, p. 740. 51) Selon l’abbé Mercury le pouvoir de juridiction suppléée “est donné tacitement par l’autorité légitime de l’Église” (p. 49), même s’il nie qu’elle soit accordée dans le cas des “commissions canoniques”. Il n’ignore pas l’objection que l’on pourrait lui faire: il ne manquera pas de personnes pour objecter que l’actuel possesseur du Siège Apostolique pourrait, en conséquence, nous ôter cette juridiction, puisqu’elle dépend de lui”. L’abbé Mercury répond à cette objection - qui est aussi la nôtre - de façon discutable: “le Saint-Esprit assiste l’autorité pour éviter toute décision tyrannique opposée à l’obligation pour chacun de prendre les moyens indispensables à son salut” (op. cit., p. 46). Ce n’est pas le principe affirmé ici qui est contestable, mais son application à JeanPaul II, lequel, de fait, non seulement refuse cette juridiction à la Fraternité, mais refuse aux fidèles les moyens de salut (et ce, selon le jugement même de la Fraternité qu’ici nous partageons: c’est justement ce refus objectif de réaliser le bien/fin de l’Eglise, le salut des âmes, qui est le motif pour lequel Jean-Paul II n’a pas l’autorité). 52) Le lecteur pourrait se demander quelle est notre position ce sujet. En effet non seulement les prêtres de la Fraternité Saint Pie X, mais aussi tous ceux qui s’opposent à Vatican II, sont privés de juridiction ordinaire et déléguée. Si nous ne pouvons même pas invoquer la juridiction suppléée - qui vient du Pape - comment défendre la licéité de notre ministère? Le Père Guérard des Lauriers a fait plusieurs fois l’examen de ce problème, particulièrement dans Consacrer des évêques? (supplément à Sous la bannière, n. 3, janvierfévrier 1986, repris par Sodalitium (n° 16, pp. 16 et ss.). Nous pouvons résumer cette position en quelques points qui sont les suivants: a) il existe dans l’Eglise le pouvoir d’ordre et le pouvoir de juridiction. b) ces deux pouvoirs, qui sont intimement liés par une relation mutuelle et normalement doivent être exercés conjointement, sont cependant réellement distincts et peuvent exceptionnellement être exercés séparément. c) le Siège apostolique est actuellement formellement (mais non matériellement) vacant. 50 d) Du fait que le Siège est formellement vacant, il en découle que, puisqu’il n’y a pas en acte le Pape qui est la source de la juridiction ecclésiastique (et aussi le reste de la hiérarchie, qui jouit de la juridiction ordinaire ou déléguée) il n’y a actuellement personne qui soit dépositaire d’une juridiction, ordinaire, déléguée ou suppléée par le droit, non seulement parmi les fidèles de Vatican II, mais aussi parmi ses opposants. La hiérarchie selon la juridiction subsiste encore cependant potentiellement et matériellement, ce qui assure la continuité de l’Eglise. e) Le pouvoir d’ordre (pour la gloire de Dieu avec l’offrande du Sacrifice, et le salut des âmes, avec l’administration des sacrements, l’évangélisation, etc. ) ne peut et ne doit pas disparaître; il peut donc être licitement exercé même par des prêtres privés du pouvoir de juridiction, selon le rite (traditionnel) de l’Eglise. Nier ce point amène à nier la continuité de l’Eglise telle qu’elle a été voulue par le Christ. Les évêques consacrés dans ce but ne jouissent pas cependant du pouvoir de juridiction, ils jouissent seulement du pouvoir d’ordre. f) On peut admettre que les évêques et les prêtres qui exercent de cette façon le pouvoir d’ordre reçoivent du Christ - per modum actus, c’est-à-dire de manière transitoire et pour chaque acte sacramentel exercé singulièrement - un pouvoir de juridiction de suppléance. Ceci vaut surtout pour le sacrement de pénitence, pour lequel la juridiction est nécessaire non seulement de droit ecclésiastique, mais aussi de droit divin, de par la nature même du sacrement. g) mais cette juridiction suppléée est supposée accordée uniquement pour ces actes qui ont un fondement dans le pouvoir d’ordre (ou pour ce qui est absolument indispensable à la continuité de l’Eglise cf. Sodalitium n° 48 pp. 14-15-16, note 7, où sont cités les théologiens Billuart et Zapelena) et non pour des actes de juridiction pure chez ceux qui n’ont par ailleurs aucun fondement à recevoir cette juridiction. Comme le lecteur peut le constater, notre point f) ne diffère pas beaucoup de la position de Mgr Tissier: il est donc possible d’admettre une suppléance de la part du Christ. Mais nous nions cependant qu’il soit possible d’admettre une telle suppléance si l’on reconnaît en acte l’autorité de Jean-Paul II (le Christ agirait alors toujours par l’intermédiaire de son Vicaire et jamais sans lui) et nous nions, même dans l’hypothèse de vacance du Siège apostolique, que le Christ puisse donner autorité à des organismes juridictionnels composés de personnes privées et dépourvues de toute autorité, même matérielle (comme les Commissions canoniques de la Fraternité ou les conclaves des sédévacantistes: en cela sédévacantistes et lefebvristes sont mus par la même logique et par les mêmes arguments). 53) Ce document a été publié in Sodalitium n° 38, pp. 68-76 sous le titre de Lettre circulaire aux prêtres de la Fraternité Saint Pie X. 54) H. MERCURY, OP. CIT., p. 43. 55) Voir à ce propos F. RICOSSA, 1994, Année de la famille ou de l’Androgyne primitif? publiée in Sodalitium n° 36, pp. 63-66; n° 37, pp. 55-64; n° 38, pp. 42-56. 56) Jean-Paul II, écrivait l’abbé Belmont en 1990, “n’ayant pas rompu avec l’état de schisme” inauguré par Paul VI, “demeure cependant privé de l’autorité pontificale. En conséquence, le témoignage de la foi exige qu’on évite tout acte qui soit une reconnaissance quelconque de son autorité: le nommer au Canon de la Messe ou dans les oraisons liturgiques prévues pour le Souverain Pontife, profiter de ses lois ou leur reconnaître une valeur juridique, recourir aux tribunaux de curie etc.” (Abbé H. BELMONT, L’exercice quotidien de la foi, in Brimborions. Contribution à la vigilance de la foi. Grâce et vérité, Bordeaux, 1990, p. 68). Nous partageons tout à fait cette position. 57) Il ne s’agit pas de cas purement théoriques, hélas… Du fait de cette difficulté, bon nombre de prêtres et de fidèles, même sédévacantistes, reconnaissent (en contradiction avec leurs propres principes) la validité des sentences des tribunaux de Jean-Paul II ou bien admettent la possibilité de concéder de nouvelles noces après que des prêtres “traditionalistes” ont examiné le dossier et conclu, par un avis privé, que le précédent mariage était effectivement nul. A cette seconde hypothèse Mgr Tissier, se basant sur la nature sociale du mariage, répond correctement lorsqu’il écrit qu’“un tel avis [privé] ne suffit pas là où le bien public est engagé; or le bien public est engagé dans chaque cause où le lien matrimonial est discuté. Pour trancher le doute, il faut un pouvoir au for externe public” (Cor unum, cit., IV, 4, p. 43; Mgr Tissier a écrit ailleurs: en cas aussi de “mariage réellement nul” “pour constater l’état libre d’une personne pour qu’elle puisse se remarier - il faut un jugement valide, non l’appréciation privée plus un jugement invalide!”, Cor unum ibidem, I, 3, b, p. 40): cette façon de procéder serait admissible, peut-être et seulement, pour les cas évidents (nullité du mariage pour lien précédent, consanguinité du premier degré, ordre sacré, etc.). On pourrait invoquer une suppléance non de l’Eglise mais de Dieu qui rendrait valides des sentences de nullité en ellesmêmes invalides prononcées au nom de l’occupant matériel du Siège apostolique. Mais cette suppléance n’est prévue par les théologiens - pour qui possède quelque titre au nom duquel la recevoir - que pour les cas où l’existence même de l’Eglise serait en jeu, ce qui n’est pas le cas. Salvo meliori judicio, nous ne voyons donc presque pas de solution à ces cas de conscience épineux et douloureux qui touchent certains fidèles, sinon celle d’éliminer les causes de nullité du premier mariage, le rendant ainsi valide ou, si c’était impossible, d’accepter la difficile mais non impossible situation de celui qui vit séparé sans se remarier (quant aux fidèles non mariés, il y a l’obligation - pour tous ceux qui sont conscients de ce problème - de ne pas contracter de mariage avec des personnes qui ont été précédemment mariées et qui ont bénéficié par la suite d’une déclaration de nullité). 58) Une évolution a eu lieu en effet, dans la position de la Fraternité à ce propos. En 1983, neuf prêtres appartenant au district des Etats-Unis de la Fraternité Saint Pie X abandonnèrent cette société, entre autres parce qu’elle reconnaissait les sentences de nullité matrimoniale émanant de la Rote Romaine et même des tribunaux diocésains des Etats-Unis notoirement laxistes. 59) Mgr Tissier ne se rend pas compte que les deux cas - consécrations épiscopales et sentences d’un tribunal - ne peuvent être mis sur le même plan. “Un acte valide en soi comme les consécrations - observe Orlando Fedeli - est chose bien distincte de l’exercice du pouvoir de gouvernement, qui nécessite de la juridiction pour avoir une existence légale, comme le sont les sentences d’un juge. Si un jour les consécrations devaient être confirmées par le Saint-Siège, ce ne sera pas pour les rendre valides (validité que personne ne met en doute); il s’agissait d’un acte de transmission du pouvoir d’ordre, le seul pouvoir que puisse transmettre Mgr Lefebvre, et non du pouvoir de juridiction, que le Pape est seul à pos- 51 séder de droit propre et donc à pouvoir communiquer”. Pour nous mieux expliquer: si dans l’avenir - une fois la normalité revenue dans l’Eglise - le Saint-Siège déclare illégitimes les consécrations épiscopales accomplies par Mgr Lefebvre et par ses successeurs, les évêques consacrés, les prêtres ordonnés, les fidèles confirmés, seront toujours validement consacrés, ordonnés, et confirmés, quoiqu’illicitement. Au contraire, si le Saint-Siège ne confirme pas les sentences des tribunaux de la Fraternité (et l’on ne voit vraiment pas comment il pourrait les confirmer) les mariages contractés sur la base de ces sentences auraient été, dès le début, com- plètement invalides, et les présumés époux découvriraient à l’improviste qu’ils sont des concubins. 60) Noter que Jean-Paul II étant pour Mgr Tissier le Pape légitime, on ne voit pas pourquoi il ne lui reviendrait pas de juger de la validité des sentences émises par la Fraternité, et pourquoi l’on doit attendre au contraire le jugement d’un Pape ultérieur. Le fait est que la reconnaissance de Jean-Paul II par la Fraternité est plus verbale que réelle. 61) L’ont signalé avant nous deux sédévacantistes passés à la Thèse de Cassiciacum, Mgr McKenna et le Père Barbara. APPENDICE C e dossier sur la“Commission canonique Saint Charles Borromée” était déjà fermé et parti à la rédaction lorsque nous avons reçu d’un lecteur une copie de l’éditorial que l’abbé Michel Simoulin, supérieur du District d’Italie de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X a publié dans le numéro de novembre 2000 de “Roma Felix”. C’est la première fois depuis 1991, date à laquelle fut instituée la “Commission canonique Saint Charles Borromée”, que la Fraternité Saint Pie X parle aux fidèles italiens de cet organisme (sans en révéler le nom toutefois), après seulement, et comme par hasard, que dans son éditorial de juillet (n° 50), “Sodalitium” ait annoncé la publication d’un dossier “sur les ‘tribunaux canoniques’ de la Fraternité Saint Pie X”. “Depuis 1991, - du vivant de Mgr Lefebvre - la Fraternité Saint Pie X s’est arrogé sur ses fidèles (et potentiellement sur tous les catholiques) le ‘pouvoir de lier et de délier’, usurpant les pouvoirs exclusifs du SaintSiège. Un tribunal qui siège dans la Maison généralice de la Fraternité en Suisse accorde les dispenses aux empêchements de mariage (qui rendraient le lien invalide), annulle les mariages, dispense des vœux religieux, lève les censures ecclésiastiques, y compris les excommunications…” Voilà ce que nous écrivions à la p. 4 du dernier numéro de Sodalitium. Dans son éditorial de novembre, l’abbé Simoulin, tout en se gardant bien de citer notre revue, réagit à ce que nous avions écrit à ce sujet, ou, plutôt, il répond aux réactions de ses fidèles, perplexes et inquiets de ce que nous avons révélé. A la place de l’abbé Simoulin, nous aurions pris de vitesse Sodalitium en publiant tous les documents sur la “Commission cano- nique” pour en justifier et défendre canoniquement l’existence: tous n’auraient pas été d’accord avec cette position, mais tous auraient apprécié l’honnêteté intellectuelle des autorités de la Fraternité en Italie. Aussi le dossier de “Sodalitium” aurait-il perdu une grande partie de son intérêt. L’abbé Simoulin (ou ses supérieurs) a choisi une route contraire: nier la vérité: c’est ce que démontre de façon évidente la confrontation entre son éditorial - que nous publions ci-dessous - et les documents authentiques mais réservés de la Fraternité que vous venez de lire. Sodalitium se contentera de souligner, en un bref commentaire, le contraste entre l’éditorial de “Roma Felix” et l’article de Mgr Tissier extrait de “Cor unum”. A la Fraternité nous ne demandons qu’une chose - le demandent surtout les fidèles qui ont eu jusqu’alors pleine confiance en elle - dire la vérité, parce que Dieu est Vérité. Sodalitium L’abbé Simoulin 52 Editorial de l’abbé Michel Simoulin Chers fidèles, Je ne sais pas ce qui se passe, mais depuis un certain temps plusieurs amis de la Fraternité me posent des questions sur de soi-disant “tribunaux” constitués par la Fraternité pour dissoudre mariages, vœux religieux, etc.. Il semble qu’il y ait des gens pour semer doutes et zizanie en faisant croire que la Fraternité a ainsi usurpé les pouvoirs du Pape et de la Curie romaine: ce que faisant la Fraternité confesserait ne pas croire que le Pape possède encore le Primat de juridiction, se comportant de fait comme si le Siège était vacant. Et pourtant, Mgr Fellay l’a répété avec force à la basilique Saint-Pierre, le 8 août dernier, en nous invitant à prier pour le Vicaire du Christ, successeur de Pierre. Ce pèlerinage a proclamé à tous notre fidélité au Siège de Pierre, et je ne comprends pas qu’on puisse en douter. Lorsqu’on parle de “tribunaux” institués par la Fraternité, je suis désolé de dire qu’ils sont le fruit d’une imagination plutôt désordonnée. Mgr Lefebvre avait en effet demandé que soient instituées des commissions, composées de prêtres doctes et experts en théologie morale et en droit canon, pour répondre aux demandes des prêtres, des religieux et des fidèles. Etant donné que souvent on ne peut se fier aux réponses données par les tribunaux diocésains, tous peuvent soumettre leurs problèmes et leurs REPONSE A L’EDITORIAL DE L’ABBE SIMOULIN Un éditorial de Roma felix C e que vous venez de lire est l’éditorial du numéro de novembre de Roma felix. L’auteur en est l’abbé Michel Simoulin, ancien recteur de l’Institut universitaire Saint cas de conscience à ces commissions, dont les membres, une fois examiné le cas, donnent une réponse qui n’est rien de plus qu’un avis ou un conseil, jamais une sentence déclaratoire ayant force de loi! Les commissions ne sont pas du tout un organisme permanent, mais elles se réunissent de temps en temps quand sont faites des requêtes par qui ne se considère pas comme satisfait des réponses données par les diocèses. Un point c’est tout. On peut dire tout ce que l’on veut, mais il est hors de doute que la Fraternité reconnaît l’autorité de Rome, qu’elle ne veut rien usurper de la suprême juridiction de Rome et ne fait qu’user de cette faculté de suppléance prévue par le droit canon pour le bien des âmes, comme elle le fait, par ailleurs, pour les confessions et pour les mariages. Il est vrai que - comme dans toute société humaine - il peut arriver que l’un dise une parole erronée, qu’un autre fasse une erreur, qu’un autre encore écrive une parole déplacée… Mais il ne serait pas honnête de fonder sur ces erreurs un discours pour prouver que “la Fraternité” erre gravement. Voilà qui est faire l’œuvre du diable. Que tous demeurent donc en paix. Malgré ses ennemis et ses faux amis, la Fraternité se porte bien, et même toujours mieux! Ce n’est pas le moment de permettre au diable de détruire notre confiance mutuelle. Ensemble nous vaincrons, avec la Sainte Vierge et tous les Saints. Pie X à Paris, ancien directeur du séminaire d’Ecône, et actuellement supérieur du district italien de la Fraternité Saint Pie X. Roma felix en est la “lettre mensuelle d’informations”: une revue officielle. L’éditorial a pour motif les questions que “plusieurs amis de la Fraternité” posent à l’abbé Simoulin sur des “soi-disant ‘tribunaux’ constitués par la Fraternité pour dissoudre ma- 53 riages, vœux religieux, etc.”. L’abbé Simoulin s’adresse directement aux amis de la Fraternité qui sont dans le doute, mais il répond aussi indirectement à qui sème “doutes et zizanie” en faisant courir ces bruits… Une accusation contre Sodalitium? L’abbé Simoulin ferait-il par hasard allusion à l’éditorial du n° 50 de Sodalitium (juinjuillet 2000)? Il est bien difficile de ne pas le penser. En effet, la Fraternité, du moins en Italie, s’est toujours tue sur l’existence de la “Commission canonique Saint Charles Borromée”, instituée en 1991; et il est bien singulier qu’elle ne se mette à en parler que suite à la publication de cet éditorial, dans lequel était annoncée la publication imminente du présent dossier (nous n’excluons pas naturellement que l’éditorial de Roma felix s’adresse également à d’autres personnes que nous ne connaissons pas). Les accusations de l’abbé Simoulin sont graves: être semeurs de doutes et de zizanie, avoir un imagination plutôt désordonnée, manquer d’honnêteté, et enfin faire l’œuvre du diable! Comme chacun sait, le diable est le “père du mensonge”. En écrivant que des “tribunaux” ont été “constitués par la Fraternité pour dissoudre [sic! Lire: pour annuler] mariages, vœux religieux, etc.”, Sodalitium a-t-il menti ou dit la vérité? Et si nous n’avons pas menti, qui ment? Ce qu’admet Roma felix en disant la vérité L’éditorial en question doit admettre que “Mgr Lefebvre avait demandé que fussent instituées des commissions (…) qui ne sont pas du tout un organisme permanent, mais qui se réunissent de temps en temps…”. En ces quelques lignes se trouve tout ce que Roma felix admet (9 ans après) à propos des Commissions, en disant la vérité. Ce que nie Roma felix Mais le but de l’éditorial n’est pas tant d’admettre que de nier. Or voici ce que nie en particulier Roma felix: 1) que la Fraternité ait constitué des “soi-disant tribunaux” 2) que les commissions instituées par la Fraternité donnent une réponse qui soit “une sentence déclaratoire ayant force de loi”. Il s’agirait seulement d’organes consul- tatifs qui donnent “rien de plus qu’un avis ou un conseil”. 3) que ces commissions aient “usurpé ainsi les pouvoirs du Pape et de la Curie romaine”. Ces trois négations sont des mensonges, trois mensonges que Roma felix raconte à ses propres lecteurs et la Fraternité italienne à ses propres fidèles. Roma felix ne dit pas la vérité. Les preuves Pour le premier point, Roma felix écrit: “quand on parle de tribunaux institués par la Fraternité, je suis désolé de dire qu’ils sont le fruit d’une imagination plutôt désordonnée”. Chaque fois que l’abbé Simoulin parle des tribunaux de la Fraternité pour en nier l’existence, il écrit “tribunaux” entre guillemets, et il leur attribue le qualificatif de “soidisant” en tant que fruits de notre fantaisie. Mgr Bernard Tissier de Mallerais, l’un des quatre évêques de la Fraternité, Président de la Commission canonique, a par contre luimême employé au moins douze fois les mots tribunal et tribunaux dans Cor unum (la revue officielle de la Fraternité), sans y mettre les guillemets, en référence à la Commission qu’il préside, et ce par opposition à ceux de Jean-Paul II, définis tribunaux “novus ordo”, tribunaux “modernistes”, tribunaux “officiels”. Le titre même de l’article de Mgr Tissier est “légitimité et statut de nos tribunaux matrimoniaux”. Le but de l’article de Mgr Tissier est de “justifier doctrinalement l’existence et le fonctionnement de nos tribunaux matrimoniaux”. Pour Mgr Tissier “l’institution des tribunaux matrimoniaux dans l’orbe de la tradition est spécifiquement justifiée” par quatre arguments, qu’il cite au point III, 4, p. 42. Le fidèle de la Fraternité qui recourt à la Commission canonique souscrit une “promesse” jurée dans laquelle il s’engage à se conformer “à la sentence du tribunal” de la Fraternité. Ces citations suffisent à démontrer que, pour ce qui est du premier point, Roma felix ne dit pas la vérité. Quant au second point, l’éditorial de Roma felix affirme: “Etant donné que souvent on ne peut se fier aux réponses données par les tribunaux diocésains, tous peuvent soumettre leurs problèmes et leurs cas de conscience à ces commissions, dont les membres, une fois examiné le cas, donnent une réponse qui n’est rien de plus qu’un avis ou un conseil, jamais une sentence 54 déclaratoire ayant force de loi!” A part le fait qu’une sentence n’est jamais une loi, mais l’application d’une loi, voyons ce qu’écrit Mgr Tissier toujours dans Cor unum. “C’est une vraie juridiction, et non une exemption du droit et de l’obligation que les fidèles ont de recevoir une sentence. Donc nous avons pouvoir et devoir de porter de vraies sentences, ayant potestatem ligandi vel solvendi. Elles ont donc valeur obligatoire. La raison prochaine en est que nous devons pouvoir dire aux fidèles ce qu’ils doivent suivre, quod debent ‘servare’. Nos sentences ne sont pas de simples avis privés…” (IV, 4, p. 43). En effet, nous l’avons vu, le fidèle de la Fraternité qui recourt à la Commission canonique souscrit une “promesse” jurée dans laquelle il s’engage à se conformer “à la sentence du tribunal” de la Fraternité (Mgr Tissier emploie huit fois le terme sentence en se référant aux jugements de sa Commission, mis en opposition aux sentences “novus ordo”). Ces citations suffisent à démontrer que, même en ce qui concerne le second point, Roma felix ne dit pas la vérité. Pour ce qui est du troisième point, Roma felix écrit: “Il semble qu’il y ait des gens pour semer doutes et zizanie en faisant croire que la Fraternité a ainsi usurpé les pouvoirs du Pape et de la Curie romaine” alors que “On peut dire tout ce qu’on veut, mais il est hors de doute que la Fraternité reconnaît l’autorité de Rome, qu’elle ne veut rien usurper de la suprême juridiction de Rome et ne fait qu’user de cette faculté de suppléance prévue par le droit canon pour le bien des âmes, comme elle le fait, par ailleurs, pour les confessions et pour les mariages”. Enfin Roma felix admet que “souvent on ne peut se fier aux réponses données [les tribunaux diocésains, eux aussi, ne donnent-ils que des réponses, pas des sentences? n.d.r.] par les tribunaux diocésains”, comme si l’autorité mise en doute par la Fraternité concernait uniquement les tribunaux diocésains, et pas ceux du Saint-Siège (la Rote Romaine par exemple). Bien sûr que la Fraternité reconnaît (hélas) - du moins en paroles - l’autorité de Jean-Paul II; jamais non plus nous n’avons dit le contraire. Bien sûr que la Fraternité n’admet pas d’usurper les pouvoirs du Saint-Siège, car le terme “usurper” implique déjà un abus. Mais la Fraternité prétend remplacer et suppléer “les pouvoirs du Pape et de la Curie romaine” (et pas seulement ceux des évêques diocésains) dans les matières en question. Mgr Lefebvre lui-même écrivait, dans sa lettre du 15 janvier, que les Commissions devaient suppléer “en un certain sens à la défection des Congrégations romaines” et Mgr Tissier admet: “il est vrai que nos sentences en troisième instance remplacent les sentences de la Rote romaine, qui juge au nom du Pape comme tribunal de troisième instance. Mais ce n’est pas une usurpation de pouvoir de droit divin du pape, car la réserve de cette troisième instance au pape est seulement de droit ecclésiastique”! (IV, 5, p. 43). Nous avons démontré que l’interdiction de recourir au Pape (le fidèle de la Fraternité s’engage à ne pas s’adresser “à un tribunal ecclésiastique officiel pour lui faire examiner ou juger” sa cause) implique la négation du primat de juridiction du Pape, qui lui revient de droit divin. De toute façon, Mgr Tissier admet que la Fraternité, si elle n’usurpe pas un pouvoir de droit divin du Pape, usurpe au moins un pouvoir qui lui revient de droit ecclésiastique! Ces citations suffisent à démontrer que même en ce qui concerne le troisième point, Roma felix ne dit pas la vérité. Une échappatoire inutile Au terme de son éditorial, l’abbé Simoulin admet que “comme dans toute société humaine” et même dans la Fraternité, il peut arriver que “l’un dise une parole erronée, qu’un autre fasse une erreur, qu’un autre encore écrive une parole déplacée… Mais il ne serait pas honnête de fonder sur ces erreurs un discours pour prouver que ‘la Fraternité’ erre gravement. Voilà qui est faire l’œuvre du diable”. A part le fait qu’on ne comprend pas pourquoi la Fraternité - comme d’ailleurs l’Institut Mater Boni Consilii et toute autre institution non directement fondée par Dieu ni dotée par lui de l’infaillibilité, comme l’Eglise - ne pourrait pas gravement errer, ces lignes laissent transparaître une tentative extrême de défense: d’éventuelles erreurs relevées dans les écrits de prêtres de la Fraternité n’impliqueraient pas la Fraternité elle-même… Cet argument - en l’espèce - est vain. Les documents que nous avons cités sont en effet des documents officiels de la Fraternité: les Ordonnances, promulguées d’abord par Mgr Lefebvre puis par Mgr Fellay, une exposition doctrinale sur les 55 Commissions canoniques de la Fraternité rédigée par son Président Mgr Tissier, et publiée par le bulletin officiel Cor unum, enfin une lettre du fondateur même de la Fraternité, Mgr Lefebvre, au supérieur général de l’époque, l’abbé Schmidberger. Attribuer ces documents officiels à la Fraternité et non à leurs auteurs matériels n’est pas faire l’œuvre du diable, c’est faire œuvre de vérité. Pourquoi cette attitude? Nous sommes très chagrinés d’avoir dû démontrer que les affirmations de Roma felix ne sont pas vraies, d’autant plus que l’auteur de cet éditorial est un prêtre zélé mais qui par ailleurs ne pouvait pas ne pas être au courant, et ce d’autant plus qu’en tant que supérieur de district il devrait être juge en seconde instance de ces tribunaux dont il nie l’existence! Nous ne sommes pas seulement affligés et incrédules, mais aussi étonnés. Roma felix n’ignorait certes pas - car nous l’avions annoncé - que Sodalitium préparait un “volumineux dossier” sur les Commissions canoniques. Roma felix devait donc supposer que parmi les nombreux prêtres à avoir quitté la Fraternité il s’en était probablement trouvé un pour nous transmettre les documents réservés que nous avons publiés. Or Roma felix ne pouvait ignorer que ces documents allaient révéler de façon incontestable que l’éditorial en question ne disait pas vrai. Non seulement on a menti, mais on a menti inutilement: pourquoi? Ce n’est pas à nous qu’il revient de juger même si, probaLes quatre évêques de la Fraternité à Saint-Pierre de Rome, à l’occasion du Jubilé 2000 (photo Fideliter) blement, l’amour pour sa congrégation religieuse a entraîné la main de Roma felix; tout noble que soit le sentiment, le moyen utilisé ne peut pas être approuvé... Les silences, les réticences, les omissions et malheureusement aussi les falsifications démontrent cependant au moins une chose: que sur ce point, le supérieur du district italien de la Fraternité Saint Pie X doute de la doctrine de la Fraternité. S’il était aussi certain des “statut et légitimité” des tribunaux canoniques, pourquoi en nier l’existence et la nature, alors que Mgr Lefebvre a écrit au contraire qu’“il n’y a pas d’inconvénients à ce que les fidèles connaissent l’existence de cette Commission”? Nous invitons donc Roma felix à suivre cette directive du fondateur de la Fraternité, en disant finalement toute la vérité à ses propres lecteurs. Errare humanum est, perseverare diabolicum. P.S.: A vrai dire, Mgr Tissier, par contre, se montra plus sincère dans une circonstance analogue. C’était en 1996, lorsque - par une note de la revue de la Fraternité argentine Jesus Christus - Orlando Fedeli apprit l’existence de la Commission canonique et s’adressa pour éclaircissements, aux prêtres de Campos (Brésil) qui, selon ses dires, lui donnèrent des réponses “évasives ou contradictoires”: “parfois ils nous dirent que les tribunaux n’existaient pas, parfois qu’il n’existait qu’un bureau pour les causes matrimoniales (…). Plus tard ils nous dirent et garantirent qu’il n’y avait pas de tribunaux. Puis ils nous confessèrent qu’ils existaient, mais qu’ils n’étaient connus que des prêtres dont des fidèles avaient eu un problème juridique matrimonial. Dom Licinio [l’évêque Licinio Rangel, consacré par Mgr Tissier] nous écrivit que le bureau de Campos donnait seulement des avis d’experts (…) et non des sentences. (…) Les choses étant ainsi, j’écrivis à Mgr Fellay, l’actuel supérieur de la Fraternité Saint Pie X, à propos de l’existence de ces tribunaux. Nous reçûmes de Mgr Tissier de Mallerais, président de la Commission canonique Saint Charles Borromée, une réponse qui, au lieu de calmer nos doutes, les aggrava. Dans cette lettre datée du 9 octobre 1996, Son Excellence nous informait que, outre les tribunaux ecclésiastiques de première et de seconde instance, la Fraternité Saint Pie X avait institué un tribunal avec les pouvoirs de la Rote romaine: ‘pour les sentences que nous prononçons en troisième instance, nous appliquons, par analogie, à notre Commission canonique les pouvoirs du tribunal de la Sainte Rote Romaine, pour les mêmes raisons de la situation de nécessité, puisque la Rote elle-même est imbue des faux principes personnalistes. Là encore, vaut le principe: Ecclesia supplet!’”. Mgr Tissier ne convainquit pas plus Orlando Fedeli, qu’il ne nous convainc nous-mêmes. Mais il a été sincère, et il a défendu la légitimité de la Commission qu’il préside. Roma felix ne s’est pas comportée de la même manière. 56 CENTRES DE MESSES RESIDENCES DES PRETRES DE L’INSTITUT ITALIE: Verrua Savoia (TO) Maison-Mère. Istituto Mater Boni Consilii - Località Carbignano, 36. Tél. de l'Italie: (0161) 83.93.35 Ste Messe: en semaine à 7h30. Salut du SaintSacrement: tous les vendredis à 21h. Heure Sainte: le premier vendredi du mois à 21h. FRANCE: Mouchy Raveau 58400 - La Charitésur-Loire. Pour toute information, téléphoner au 03.86.70.11.14. Tours: auprès de l’association Forts dans la Foi. Chapelle St Michel, 29 rue d’Amboise. Ste Messe le dimanche à 10h30. Tél.: 02.47.64.14.30. ou 02.47.39.52.73. (R. P. Barbara). BELGIQUE: Dendermonde. Abbé Geert Stuyver: Kapel O.L.V. van Goede Raad, (chapelle N.-D. du Bon Conseil) Koning Albertstraat 146 - 9200 Sint-Gillis Dendermonde: Ste Messe le dimanche à 9h30. Messe en semaine: Sint-Christianastraat 7. Tél.: (0032) (0) 52/21 79 28. AUTRES CENTRES DE MESSES FRANCE Annecy: 11 avenue de la Mavéria. Tél.: 04.56.72.44.85. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 10 h. Confessions à 9 h. Cannes: Chapelle N.-D. des Victoires. 4 rue Fellegara. Tél.: 04.93.68.10.85. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 18h. Lyon: 17, cours Suchet. Tél.: 04.77.33.11.24. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 17h. Confessions à partir de 16h30. ITALIE Ferrare: Chiesa S. Luigi, Via Pacchenia 47 Albarea. Ste Messe tous les dimanches à 17h30. Le 1er dimanche du mois à 11h30. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia. Loro Ciuffenna (AR): Fattoria del Colombaio, str. dei 7 ponti. Ste Messe le 1er dimanche du mois à 17h30. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia. Maranello (Modène): Villa Senni. Strada per Fogliano. Tél. de l'Italie: (0536) 94.12.52. Ste Messe tous les dimanches à 11h. Le 1er dimanche du mois Ste Messe à 9h. Milan: Oratoire St Ambroise. Via Vivarini 3. Ste Messe tous les dimanches à 10h30. Confessions à 10h. Rome: Oratoire St Grégoire VII. Via Pietro della Valle, 13/b. Ste Messe le 1er, 3ème et 5ème dimanche du mois à 11h. Turin: Oratoire du Sacré-Cœur, via Thesauro 3/D. Dimanches: Confessions à 8h30. Messe chantée à 9h. Messe basse à 11h15. Tous les premiers vendredis du mois: Messe à 18h15. Confessions à 17h30. Valmadrera (Lecco): via Concordia, 21. Tél. de l’Italie (0341) 58.04.86. Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 17h30, confessions à 17h. Des changements étant parfois susceptibles d’intervenir, nous vous conseillons de téléphoner à Verrua Savoia pour confirmation des horaires. COMMENT NOUS AIDER - Il n’y a pas d'abonnement à “Sodalitium”. Ce périodique est envoyé gratuitement à tous ceux qui désirent le recevoir. Nous demandons aux personnes qui, pour un motif quelconque, ne désirent pas le recevoir, de nous le faire savoir. - L’Institut Mater Boni Consilii et son périodique “Sodalitium” n’ont pas d’autres ressources que vos offrandes sans lesquelles ils ne peuvent vivre. Pour vos dons, libeller: • ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - Mouchy - Raveau 58400 - LA CHARITE SUR LOIRE. CCP n° 2670 37 W DIJON • ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - Mouchy - Raveau 58400 - LA CHARITE SUR LOIRE. 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