Tassa Riscossa - Taxe Perçue. ASTI CPO N° 63 Anno XXVI n. 4 - Luglio 2010 - Sped. a. p. - art. 2 - comma 20/c, Legge 662/96 - Filiale di Asti - Organo ufficiale del Centro Librario Sodalitium Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tel. +39.0161.839.335 - Fax +39.0161.839.334 - In caso di mancato recapito, rinviare all’ufficio C.R.P. ASTI per restituzione al mittente che si impegna a corrispondere la relativa tariffa LE PUZZLE ŒCUMÉNIQUE Benoît XVI visite la synagogue de Rome... et poursuit les entretiens avec les lefebvristes... dialogue avec les prie dans la mosquée... anglicans... visite le temple luthérien de Rome... est avec les schismatiques orientaux... 2 “Sodalitium” Periodico n° 63, Anno XXVI n° 4/2010 Editore Centro Librario Sodalitium Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA TO Tel.: 0161.839335 Fax: 0161.839334 - CCP 36390334 INTERNET: www.sodalitium.it - email: info@sodalitium.it Direttore Responsabile don Francesco Ricossa Autorizz. Tribunale di Ivrea n. 116 del 24-2-84 Stampa: - Ages Torino. Le présent numéro a été achevé de rédiger le 10/06/2010 Ai sensi della Legge 675/96 sulla tutela dei dati personali, i dati forniti dai sottoscrittori degli abbonamenti verranno trattati in forma cartacea ed automatizzata e saranno utilizzati esclusivamento per invio del giornale oggetto di abbonamento o di altre nostre testate come copie saggio e non verranno comunicate a soggetti terzi. Il conferimento dei dati è facoltativo ed è possibile esercitare i diritti di cui all’articolo 13 facendone richiesta al responsabile trattamento dati: Centro Librario Sodalitium. En couverture : les rencontres interreligieuses de Benoît XVI avec les représentants des juifs, des anglicans, des luthériens, des lefebvristes, des musulmans et des schismatiques orientaux. Sommaire Éditorial Reconnaissance des traditionalistes (anglicans) Le discours de Joseph Ratzinger à la synagogue de Rome “Avec le Pape et pour le Pape”. Vie de l’abbé Davide Albertario, journaliste intransigeant Mgr Gherardini, Vatican II et l’herméneutique de la continuité Notes pour l’étude de la Sainte Écriture (et des autres sciences ecclésiastiques en général) Le mythe d’Hypatie Jean XXIII et Carl J. Burckhardt Vie de l’Institut Éditorial “L e Rhin se jette dans le Tibre”. Tel était le titre d’un ouvrage du Père Wiltgen sur Vatican II repris comme intitulé de la première page du numéro 58 de notre revue. En 1967 le Père Wiltgen voulait exprimer le fait qu’avec Vatican II les doctrines libérales et protestantes des pays du Rhin s’étaient déversées dans les eaux romaines et catholiques du Tibre. Cette expression m’est venue à l’esprit non seulement parce que Joseph Ratzinger est originaire de l’un des pays baignés par le Rhin, l’Allemagne, et qu’il fut, au Concile, le théologien du cardinal Frings et l’éminent représentant de l’aile moderniste; mais aussi parce que j’ai été impressionné par les images de Benoît XVI se rendant à la synagogue de Cologne, ville allemande située justement sur le Rhin. Depuis lors les événements se sont succédés et nous avons vu ce même Benoît XVI passer le Tibre pour se rendre à la synagogue de Rome. Dans ce laps de temps, le théologien qui contribua au triomphe du modernisme dans l’aula conciliaire a mis en pratique avec constance et fidélité le même pro- p. 2 p. 4 p. 11 p. 14 p. 36 p. 45 p. 50 p. 54 p. 57 Le dialogue interreligieux approuvé par le Concile dans la Déclaration Nostra Ætate continue. “L’esprit d’Assise” n’a pas été désavoué, comme le démontrent les visites de Ratzinger tant à la mosquée mahométane qu’à la synagogue israélite. gramme qu’alors, en vertu d’ailleurs de ses déclarations faites le lendemain même de son élection. Voyons les points essentiels de ce programme conciliaire. D’abord Ratzinger n’a pas corrigé mais, fidèle à cette nouvelle orthodoxie et nouvelle tradition conciliaire, il a plutôt progressé dans le dialogue interreligieux approuvé par le Concile dans la Déclaration Nostra Ætate. “L’esprit d’Assise” n’a pas été désavoué, comme le démontrent entre autres les visites de Ratzinger tant à la mosquée mahométane qu’à la synagogue israélite. Dans ce numéro de Sodalitium nous nous arrêterons sur ce dernier épisode. En second lieu, Ratzinger a confirmé et 3 même accéléré le mouvement œcuménique né dans le protestantisme et condamné par l’encyclique Mortalium animos du Pape Pie XI, et que Vatican II a fait sien. Après l’enthousiasme initial (des œcuménistes naturellement), ledit mouvement était entré dans une longue période de stagnation, sinon de crise, miné comme il l’était par d’interminables rencontres et discussions qui n’aboutissaient à rien, tandis que le nom de chrétien tendait à disparaître de plus en plus dans notre monde sécularisé. Le règne, encore court (de fait), de Joseph Ratzinger semble lui avoir redonné vie grâce aux abondantes injections de “tradition”. Nous ne parlons certes pas de la divine Tradition révélée par Dieu, incompatible avec l’hérésie œcuméniste, mais d’un certain pan-traditionalisme pour lequel Joseph Ratzinger semble avoir une prédilection lorsqu’il prête toutes ses attentions œcuméniques à l’aile traditionaliste des anglicans, aux prétendues “églises orthodoxes”, in primis l’église russe, et à l’aile droite du protestantisme, c’est-à-dire l’“église” luthérienne, se basant sur l’“accord” conclu sur la Justification (et il y revient continuellement), accord qui prétend mettre d’accord Luther et le Concile de Trente, le diable et l’eau bénite (cf. Sodalitium n° 49, p. 49). La visite du dimanche 14 mars au temple luthérien de Rome (qui tout comme le temple juif est une conséquence de la liberté religieuse imposée à la Rome papale par les canons de la brèche de Porta Pia), visite réalisée sur les traces de Wojtyla, lequel s’y rendit en son temps sur les traces de Luther, consacre cette ouverture aux luthériens. Pour conclure, l’œcuménisme ratzingérien s’étend aussi – et c’est logique – aux “traditionalistes” catholiques de la Fraternité Saint Pie-X: le motu proprio sur la Messe catholique définie comme “rite extraordinaire” du rite ordinaire moderniste, la levée des excommunications des évêques lefebvristes, le début du dialogue œcuménique avec la Fraternité Saint Pie-X, insèrent officiellement ladite Fraternité dans le mouvement œcuménique et assurent à ce dernier une vigoureuse cure de traditionalisme; une seule condition: que la vérité ne soit plus considérée que comme une opinion. Enfin, en ce qui regarde les rapports entre l’État et l’Église, que le Concile affrontait dans la Déclaration Dignitatis humanæ personæ, Ratzinger a élaboré d’une manière Visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome accomplie la doctrine de la laïcité positive qui voit dans la séparation totale entre l’État et l’Église théorisée par les fondateurs des États-Unis au XVIIIème siècle, et bien avant encore par les Pères pèlerins, le modèle et le régime idéal à appliquer partout. L’État ne doit pas reconnaître la seule et unique vraie religion, mais doit protéger et promouvoir toutes les religions. Pour l’État la religion n’est plus un ennemi à combattre – comme dans le laïcisme jacobin – mais une influence bénéfique à promouvoir, à une seule condition, cependant: c’est qu’au moins dans la vie publique et dans l’ordre juridique, aucune religion ne prétende être la seule vraie: l’unique, véritable, grand ennemi du nouveau laïcisme est L’INTÉGRALISME! Islamique certes, mais aussi catholique, si jamais il tentait de se faire entendre. Appelons les choses par leur nom: Ratzinger applique – volens nolens, scienter vel non – le programme de ce que Mgr Jouin, avec l’approbation de Pie XI, appelait la Judéo-Maçonnerie . Et ce également dans ses ouvertures à la Tradition . Seul peut s’en étonner qui ne connaît pas le modernisme. Le modernisme croit avoir triomphé avec Vatican II. En réalité, il a déjà perdu parce qu’il est la négation de la Vérité. Il a déjà perdu parce que l’Église l’a condamné avec l’encyclique Pascendi. Il a déjà perdu parce qu’un cancer peut certes détruire et s’autodétruire, mais ne peut pas construire. À nous de ne pas céder aux sirènes conservatrices de qui veut conserver le modernisme, si nous ne voulons pas être entraînés dans son inévitable ruine. 4 Reconnaissance des traditionalistes (anglicans) Par M. l’abbé Francesco Ricossa A près le motu proprio Summorum Pontificum et la levée des excommunications qui a suivi – étapes fixées en plein accord avec les quatre évêques de la Fraternité Saint Pie-X – tout le monde s’attendait à une rapide solution dudit “cas Lefebvre” au moyen d’un Ordinariat personnel qui aurait permis à la Fraternité Saint Pie-X et aux autres sociétés qui lui sont liées d’exercer leur propre ministère en “pleine communion” avec Benoît XVI et indépendamment des évêques diocésains, tout en maintenant la liturgie et la discipline traditionnelle de l’Église. Les critiques n’ont pas manqué (de la part des ultramodernistes) ou les applaudissements (de la part de nombreux “traditionalistes” catholiques) à Benoît XVI considéré lui même – du fait de ces décisions – comme un “traditionaliste” ou du moins comme un sympathisant de la Tradition. L’“affaire Williamson”, et les pressions de la communauté juive, ont retardé la réalisation dudit “accord” entre héritiers de Mgr Lefebvre et héritiers de Paul VI, engagés actuellement dans une série de discussions et de rencontres œcuméniques sur les points sensibles de Vatican II. Mais si un Ordinariat “traditionaliste” se fait attendre, un autre, lui aussi “traditionaliste” a abouti. C’est le frère jumeau de l’autre, le modèle est le même, et les deux “Ordinariats personnels” sont consacrés à des traditionalistes : toutefois les premiers arrivés ne sont pas des “traditionalistes catholiques” mais des “traditionalistes”… anglicans ! Par la Constitution Apostolique “Anglicanorum cœtibus” (AC), datée du 4 novembre 2009, Benoît XVI a en effet accédé aux demandes que lui adressaient, depuis 2007, les anglicans de la TAC (Traditional anglican Communion) qui désiraient “entrer dans la pleine communion avec l’Église” (sic). Il ne s’agit pas là de la première initiative dans ce domaine: déjà en 1980, sous Jean-Paul II, par exemple, la Congrégation pour la doctrine de la Foi dirigée à l’époque par le cardinal Seper, avait reconnu par un texte communément nommé Si un Ordinariat “traditionaliste” se fait attendre, un autre, lui aussi “traditionaliste” a abouti. Toutefois les premiers arrivés ne sont pas des “traditionalistes catholiques” mais des “traditionalistes”… anglicans ! Pastoral provision, la possibilité d’accueillir des groupes anglicans dans l’Église, en leur accordant le maintien de certains éléments de la liturgie et de la discipline de l’“église” anglicane (1). Mais la confrontation entre Pastoral provision de Jean-Paul II et Anglicanorum cœtibus de Benoît XVI met en relief le pas en avant… dans l’œcuménisme réalisé par Joseph Ratzinger, exactement comme le m. p. Summorum Pontificum – toujours de Ratzinger – avait été un pas en avant dans l’œcuménisme avec les lefebvristes par rapport aux premières timides ouvertures de Jean-Paul II avec la concession de l’Indult et la constitution de la commission Ecclesia Dei. Les ouvertures de Benoît XVI aux anglicans – superposables à celles qu’il offre aux lefebvristes – devraient faire mieux comprendre la signification – parfaitement œcuménique et dans la ligne de Vatican II – du motu proprio Summorum Pontificum et des ouvertures ratzingériennes aux “traditionalistes” catholiques. C’est ce que nous allons tenter de mettre en évidence en examinant la constitution apostolique Anglicanorum cœtibus. Une “constitution” fondée sur les “principes ecclésiologiques” de Vatican II Anglicanorum cœtibus commence par rappeler les “principes ecclésiologiques” sur lesquels elle se fonde : il s’agit des principes des rédacteurs de la Constitution, et on suppose que les anglicans qui ont fait appel à Benoît XVI adhèrent à ces principes. Or, ces principes ne sont pas ceux de l’Église catholique, mais les principes erronés de Vatican II. Le Pape est présenté comme celui qui “a reçu pour mission […] de garantir l’unité de l’épiscopat et de présider et de sauvegarder la communion universelle de toutes les Églises” 5 L’archevêque hérétique Thomas Cranmer (LG 23, Communionis notio 12, 13) : aucune mention de sa Primauté de juridiction sur toute l’Église, mais seulement de la Collégialité épiscopale (cf. la critique dans Sodalitium n° 59, pp. 5-38). L’Église elle-même est “le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain.” (LG 1), union dont nous ne voyons pas comment elle se réalise. Même les baptisés sont divisés mais pour AC et le Concile « Toute division parmi ceux qui ont été baptisés en JésusChrist blesse ce que l’Église est et ce pour quoi l’Église existe; en fait, “une telle division s’oppose ouvertement à la volonté du Christ. Elle est pour le monde un objet de scandale et elle fait obstacle à la plus sainte des causes: la prédication de l’Évangile à toute créature”. (UR 1) C’est précisément pour cette raison qu’avant de verser son sang pour le salut du monde, le Seigneur Jésus a prié le Père pour l’unité de ses disciples (UR 2) », AC ne précise pas que la prière du Christ est déjà exaucée, puisque l’Église est une, et que cette unité n’est pas amoindrie par le scandale de la division mais tout au plus combattue par le scandale que sont l’hérésie et le schisme, dont ne sont coupables que les hérétiques et les schismatiques et non génériquement tous les “baptisés”. Selon AC, l’Église du Christ n’est pas l’Église catholique mais subsiste dans l’Église catholique: « Cette unique Église du Christ, dont nous professons dans le Symbole qu’elle est une, sainte, catholique et apostolique, “subsiste dans l’Église catholique gouvernée par le Successeur de Pierre et les Évêques qui sont en communion avec lui, bien que des éléments nombreux de sanctification et de vérité se trouvent hors de ses structures, éléments qui, appartenant proprement par don de Dieu à l’Église du Christ, appellent par eux-mêmes l’unité catholique” (LG 8, UR 1,3,4 ; Dominus Jesus 16) » et c’est ainsi que sont renouvelées les erreurs conciliaires que nous avions déjà analysées (cf. Sodalitium n° 61, pp. 28-46). Grâce à ces “éléments de sanctification et de vérité”, les anglicans sont déclarés avoir été en communion imparfaite avec l’Église catholique, selon un autre fondement de l’ecclésiologie conciliaire. Pour résumer ce chapitre : Benoît XVI est poussé par les “principes ecclésiologiques” œcuménistes de Vatican II ; les anglicans sont invités à adhérer à ces principes, ce qu’ils peuvent faire sans difficulté excessive, puisque lesdits principes viennent de l’œcuménisme de facture protestante. Ce n’est pas à la doctrine de Vatican I qu’ils adhèrent, elle n’est même pas mentionnée, mais à la néo-doctrine œcuménique de Lumen Gentium et d’Unitatis redintegratio. Ni abjuration ni profession de Foi ; y suffit le catéchisme (de Vatican II) D’autre part, il ne nous est pas donné de savoir à quoi croient les anglicans de la TAC ou groupes similaires ni à quoi il leur est demandé de croire. Pastoral provision avait été une réponse aux demandes réitérées de quelques groupes épiscopaliens qui, refusant les ordinations féminines, s’étaient séparés en 1976 de l’“église” épiscopalienne. À son tour, Anglicanorum cœtibus est une réponse aux anglicans qui n’ont pas accepté les ordinations de femmes et d’homosexuels déclarés faites par leur “église”. En cela, sans aucun doute, leur opinion coïncide avec la Foi catholique ; mais il ne suffit certes pas de refuser l’ordination de femmes ou d’homosexuels déclarés pour être catholique. La conversion à l’Église catholique a toujours impliqué une abjuration des erreurs embrassées jusqu’alors, et la profession de foi catholique. Après Vatican II, et en particulier dans AC, ni l’abjuration ni la profession de foi ne sont demandées. L’unique allusion à ce sujet se trouve au point I § 5 où il est dit : 6 “Le Catéchisme de l’Église catholique est l’expression officielle de la foi catholique professée par les membres de l’ordinariat.” À part la bizarrerie que constitue le fait de transformer un catéchisme – si autorisé soit-il – en “expression authentique de la foi catholique” (2), il ne sera pas inutile de préciser qu’au regard de ce texte (expression lui aussi de la néo-doctrine de Vatican II) il n’est demandé ni serment ni acte public d’adhésion. Et pourtant la TAC dit aussi et écrit que sa propre référence doctrinale se trouve dans les 39 articles de foi de la communion anglicane (39 hérésies) que, comme tous les anglo-catholiques experts en ambiguïté, ladite TAC prétend interpréter en les conciliant avec le catholicisme, et par conséquent, aussi, pour eux, avec le catéchisme post-conciliaire. Il est donc triste de constater que Benoît XVI et l’AC représentent une aggravation notable même par rapport à la Pastoral provision de Jean-Paul II. Dans ce document il était en effet stipulé que: [“2) A profession of faith (with appropriate additions to address the points on which there is divergence of teaching between the Anglican Communion and the Catholic Church) is to be made personally by all (ministers and faithful) as a conditio sine qua non”.] Une profession de Foi (avec additions appropriées concernant les points de divergence entre l’enseignement de la Communion anglicane et celui de l’Église catholique) faite personnellement par tous (ministres du culte et fidèles) est une condition sine qua non. Or, selon AC, cette profession de Foi n’est plus demandée ni même mentionnée, que ce soit pour les individus ou pour le groupe anglican demandant de bénéficier de AC. Joseph Ratzinger, ancien successeur du cardinal Seper à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, n’ignore certainement pas ce document, il a donc sciemment voulu annuler ce qui, sous son prédécesseur encore, était considéré comme une condition indispensable. Un Ordinariat personnel (aujourd’hui pour les anglicans, demain pour les lefebvristes) La structure juridique qu’AC propose et offre aux anglicans est celle de l’Ordinariat personnel. Ce qui veut dire qu’ils auront à leur tête un Ordinaire (évêque ou non) qui de fait (3) exerce une juridiction épiscopale sur les fidèles qui en font partie indépendamment de l’évêque résidentiel. Comme nous le verrons, il est accordé à ces Ordinariats – qui sont l’équivalent des diocèses et peuvent fonder des paroisses, elles aussi “personnelles” – de maintenir leurs propres liturgie et discipline. On sait que cette solution est exactement celle qui est actuellement proposée à la Fraternité Saint Pie-X, et qu’elle est semblable à celle qui a déjà été réalisée dans le diocèse de Campos pour les héritiers (infidèles) de Mgr De Castro Mayer. Il devrait être pourtant plutôt embarrassant pour celui qui se veut intégralement catholique d’être mis sur le même plan que les anglicans et de penser que dans l’“Église” qui reconnaît Joseph Ratzinger, anglicans et catholiques traditionalistes occuperont deux nefs latérales d’une même cathédrale moderniste. Une autre comparaison vient immédiaÉglise antement à l’esprit: celle avec cette “É glicane unie mais non absorbée” préconisée par le moine moderniste œcuméniste Lambert Beauduin durant les colloques de Malines entre anglicans et catholiques qui furent désavoués par le Pape Pie XI et menèrent à l’encyclique de condamnation du mouvement œcuménique, Mortalium animos (cf. les Atti della “Giornata di Cristo Re Le roi polygame Henri VIII est à l’origine de l’église anglicane 7 par la “tradition spirituelle” des hérétiques. En somme, les anglicans deviendraient catholiques en demeurant – du moins en partie – anglicans. Mais en quoi consistent au juste ces richesses spirituelles ? Substantiellement ce sont la liturgie anglicane, le gouvernement synodal (et démocratique) de leur “église”, l’abolition du célibat ecclésiastique. Une bien misérable “richesse” héritée de l’hérésiarque Cranmer ! Le Book of Common Prayer en deux éditions, une ancienne et une récente [Actes de la Journée du Christ-Roi] de Modène pour les années 2008-2009 dans notre maison d’édition). Dom Beauduin projetait une Église anglicane qui serait unie à l’Église catholique sans être absorbée par elle, c’est-à-dire conservant sa propre discipline canonique, sa propre liturgie, son autonomie vis-à-vis de l’épiscopat catholique anglais, sur le modèle des Églises orientales. Il oubliait, ou voulait oublier, que lesdites églises orientales, refusant le schisme, étaient revenues à la situation antérieure au schisme, et donc à une liturgie et une discipline de toute façon catholiques. L’“église” anglicane en tant que telle, est née par contre du schisme et de l’hérésie, et son cas ne peut pas être le moins du monde comparé à celui des églises orientales. Le “patrimoine spirituel et liturgique” anglican : clergé marié et liturgie protestante On le sait, le schisme anglican fut imposé à une nation autrefois catholique par le roi Henri VIII pour (entre autres) pouvoir satisfaire ses propres désordres. Bien vite, le schisme devint hérésie en adoptant le calvinisme, sous l’influence de l’archevêque de Canterbury, Cranmer. L’“Église” anglicane naît de l’hérésie et vit dans l’hérésie. Et pourtant, pour les œcuménistes de Vatican II elle porterait en soi des “éléments de sanctification et de vérité”. Il ne s’agit pas seulement de ce qui appartient en propre à l’Église catholique et que les anglicans détiennent illégitimement (comme la Sainte Écriture et le Baptême) : pour les conciliaires certains éléments de sanctification et de vérité sont proprement anglicans et ne sont pas présents dans l’Église catholique, ce pour quoi cette dernière serait enrichie Cranmer et saint Pie V sur le même plan (un peu au-dessous de Montini et de Bugnini) On a beaucoup parlé du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI qui aurait donné la liberté à la Messe romaine (dite de saint Pie V). Que dire alors de la C.Ap. Anglicanorum cœtibus qui donne droit de cité au Book of Common Prayer de l’archevêque calviniste Cranmer ? (utilisé aussi par les “traditionalistes”de la TAC). Voici ce qu’écrit l’AC : “III. Sans exclure les célébrations de la liturgie selon le rite romain, l’ordinariat a la faculté de célébrer l’Eucharistie et les autres sacrements, la liturgie des heures et les autres célébrations liturgiques selon les livres liturgiques propres à la tradition anglicane qui auront été approuvés par le Saint-Siège, de manière à ce que soient maintenues au sein de l’Église catholique les traditions liturgiques, spirituelles et pastorales de la Communion anglicane, comme un don précieux qui nourrit la foi des membres de l’ordinariat et comme un trésor à partager.” D’innombrables martyrs catholiques ont donné leur vie au milieu d’atroces tortures par fidélité à la Messe et pour refuser le Book of Common Prayer anglican. Et voici que, grâce à Ratzinger, nous découvrons que ce même Book of Common Prayer qui a Cranmer pour origine est “un don précieux qui nourrit la foi” et “un trésor à partager”. L’hérésie anglicane est devenue la “tradition anglicane” ; sa liturgie, qui servait à véhiculer ladite hérésie est “un don précieux qui nourrit la foi” à maintenir vivant… dans l’Église catholique ! La chose n’étonne pas de la part de Ratzinger, lequel célèbre quotidiennement selon le rite de Paul VI qui, comme il a été amplement démontré, est un calque de l’hérésie liturgique anglicane de Cranmer (4). Mais les lefebvristes et encore davantage ces “tradi- 8 tionalistes Ecclesia Dei” qui se disent reconnaissants envers Benoît XVI pour le motu proprio, se rendent-ils compte qu’ils sont mis sur le même plan que les anglicans, et que la Messe romaine, la Messe catholique, la Messe de Saint Léon, de Saint Grégoire, de Saint Pie V est mise sur le même plan que le rite hérétique d’un archevêque apostat mort à juste titre sur le bûcher ? Inutile de le demander, puisqu’ils ne se sont pas rendus compte (ou ont feint de ne pas se rendre compte) que la Messe romaine était déjà mise sur le même plan (et même, à un degré inférieur, en tant que rite “extraordinaire” et occasionnel) que la “messe” œcuménique du Père Bugnini et de Paul VI, dont le rite est probablement moins “catholique”, de toute façon, que certaines liturgies anglicanes. Un enrichissement spirituel : les prêtres (?) mariés Mais les richesses spirituelles de l’église anglicane à transplanter absolument dans l’Église catholique (?) (5) ne se limitent pas à un rite liturgique calviniste camouflé en catholique. L’archevêque Cranmer, comme le moine Luther, n’hésita pas à attenter sacrilègement au mariage en violant ses vœux et, fort du bras séculier du Roi divorcé, en imposant en Angleterre le mariage des prêtres (qui cependant, à cause de l’invalidité des ordinations anglicanes, disparurent bientôt laissant place à des simulacres de prêtres et d’évêques). Telle est la (l’in)discipline, inédite dans l’Église latine – demeurée fidèle, au contraire des orientaux, à la Tradition apostolique – (6) que l’on voudrait de nos jours admettre – selon les desiderata des vieux modernistes et des nouveaux, parmi lesquels l’immanquable cardinal Martini et son collègue de Vienne lequel, peut-être par souvenirs ataviques, rêve d’un sacerdoce héréditaire de père en fils – grâce aux richesses de la tradition anglicane. Avant le Concile, si je ne me trompe, le Saint-Siège avait autorisé – dans des cas particuliers – l’accès au sacerdoce de ministres protestants convertis au catholicisme, même si déjà mariés, les dispensant de l’obligation du célibat ; le cas fut prévu de toute façon par la Sacerdotalis cælibatus de Paul VI (7). Mais il s’agissait de cas isolés et destinés à ne pas se perpétuer. Pastoral Pro- Cranmer est brûlé sur le bûcher vision (II, 3 et III, 3) en 1980, prévoyait la (ré)ordination du clergé épiscopalien (anglicans des USA) au cas par cas ; pouvaient éventuellement être ordonnés prêtres, mais non évêques, des sujets mariés, et, en cas de veuvage ils ne pouvaient pas se remarier ; enfin et surtout, le futur clergé devait absolument observer la loi du célibat comme dans tout le reste de l’Église latine : [II.3) Discipline : a) (a) Les stipulations suivantes s’appliqueront aux prêtres épiscopaliens mariés pouvant être ordonnés prêtres catholiques : ils ne peuvent pas devenir évêques ; et ils ne peuvent pas se remarier en cas de veuvage. (b) Les futurs candidats à la prêtrise doivent suivre la discipline du célibat. (c) Un soin particulier doit être pris au niveau pastoral afin d’éviter toute équivoque concernant la discipline du célibat de l’Église. Cette dernière disposition est extrêmement importante, car l’exception admise pour faciliter le retour du clergé anglican était destinée à ne pas se perpétuer, et le célibat sacerdotal était, du moins en paroles, sévèrement prescrit, comme le rappelle aussi la Déclaration In June (8). Dans ce domaine également AC va plus loin. Voici les prescriptions à ce sujet : VI. § 1 Ceux qui, comme anglicans, exerçaient un ministère de diacre, de prêtre ou d’évêque, et qui remplissent les conditions requises par le droit canonique [13] et ne sont pas empêchés par des irrégularités ou par d’autres empêchements [14], peuvent être acceptés par l’ordinaire comme candidats aux ordres dans l’Église catholique. Dans le cas de ministres mariés, les normes établies par la lettre encyclique du pape Paul VI Sacerdotalis cœlibatus, n° 42 [15] et dans 9 la déclaration In June [16] doivent être observées. Les ministres célibataires se soumettront à la règle du célibat clérical (CIC, can. 277, § 1). § 2 L’ordinaire, dans le respect de la discipline du célibat du clergé de l’Église latine, n’admettra en règle générale (pro regula) que les hommes célibataires à l’ordre des prêtres. Il pourra également demander au pontife romain, par dérogation au canon 277 § 1, que soient admis à l’ordre des prêtres des hommes mariés, au cas par cas et en fonction de critères objectifs approuvés par le Saint-Siège. Si la porte ouverte avec le § 2 (les nouveaux candidats au sacerdoce en règle générale, pro regula, seront tenus au célibat mais… il est possible de demander une dérogation à cette règle et de continuer à ordonner (?) des personnes mariées) n’est pas grande ouverte, elle l’est ultérieurement au moins par les normes complémentaires : “Article 6 § 1. L’ordinaire, pour admettre des candidats aux ordres sacrés doit obtenir le consentement du conseil de direction. En considération de la tradition et de l’expérience ecclésiale anglicane, l’ordinaire peut présenter au Saint-Père la demande d’admission d’hommes mariés à l’ordination presbytérale dans l’ordinariat, après un processus de discernement fondé sur des critères objectifs et les nécessités de l’ordinariat. Ces critères objectifs sont déterminés par l’ordinaire, après avoir consulté la conférence épiscopale locale, et ils doivent être approuvés par le Saint-Siège.” L’“ordination” de nouveaux candidats mariés, qui pro regula était prohibée, devient par contre, dans les normes complémentaires, une mise en pratique “de la tradition et expérience ecclésiale anglicane ” (commencée avec le mariage sacrilège et invalide de Cranmer, tradition hérétique, entendons-nous bien) ; or, cette tradition n’est-elle pas un enrichissement ? Pourquoi alors refuser une demande aussi “traditionnelle” ? Si “on trouve toujours le moyen de tourner la loi”, qu’en sera-t-il lorsque la tromperie est dans la loi elle-même ? Toutefois, puisque les schismatiques orientaux ont maintenu le principe du célibat au moins pour les évêques (outre ceux qui sont encore célibataires au moment de l’ordination) on ne pouvait pas permettre aux anglicans ce qui est sévèrement interdit par les grecs et les moscovites. Les “évêques” anglicans mariés ne pourront pas être consacrés “évêques catholiques”. Mais là aussi, on trouve toujours le moyen de tourner la loi. Rien n’interdit en fait que l’Ordinaire puisse être un simple prêtre, et c’est même ce qui est explicitement prévu. Par conséquent, un individu “déjà évêque anglican” marié peut être nommé Ordinaire, être membre de la Conférence épiscopale, gouverner un diocèse, porter les insignes épiscopaux… en somme, être évêque avec toutes ses prérogatives (3), quand bien même seulement en ce qui concerne la juridiction : “Article 11 des Normes : § 1. Un évêque déjà anglican et marié est éligible pour être nommé ordinaire. Dans ce cas, il est ordonné prêtre dans l’Église catholique et exerce dans l’ordinariat le ministère pastoral et sacramentel avec une pleine autorité juridictionnelle. § 2. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat peut être appelé à assister l’ordinaire dans l’administration de l’ordinariat. § 3. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat peut être invité à participer à des rencontres de la conférence des évêques du territoire respectif, de la même manière qu’un évêque émérite. § 4. Un évêque déjà anglican qui appartient à l’ordinariat et qui n’a pas été ordonné évêque dans l’Église catholique, peut demander au Saint-Siège l’autorisation d’utiliser les insignes épiscopaux”. L’actuel “Primat” de la TAC, John Hepworth, se trouve cependant en difficulté du fait d’un paragraphe de l’article 6 des Normes : § 2. Ceux qui avaient été ordonnés dans l’Église catholique et qui ont ensuite adhéré à la Communion anglicane, ne peuvent pas être admis à l’exercice du ministère sacré dans l’ordinariat. Les clercs anglicans qui se trouvent dans des situations matrimoniales irrégulières ne peuvent pas être admis aux ordres sacrés dans l’ordinariat.” Pourquoi en difficulté ? Parce que le chef de la TAC, pour laquelle Benoît XVI s’est tant prodigué, entre précisément dans cette catégorie : ancien prêtre catholique, il s’est fait anglican et se trouve de plus, si je ne me trompe, dans une “situation matrimoniale irrégulière”. Comment se fait-il alors qu’il soit si reconnaissant envers Be- 10 noît XVI ? On peut raisonnablement craindre qu’on ne trouve pour lui une exception à la règle, on en a trouvé tellement. Aujourd’hui les anglicans, demain les lefebvristes, les luthériens, les moscovites ? L’œcuménisme traditionaliste de J. Ratzinger va plus loin que celui de K. Wojtyla Il y aurait encore beaucoup à dire, mais il est temps de conclure. En tant que catholiques nous ne pouvons que souhaiter le retour à l’Église et à la Foi catholique de ceux qui ont le malheur de vivre dans le schisme et dans l’hérésie. Mais ce, à condition toutefois qu’il s’agisse d’une véritable et authentique conversion. L’œcuménisme moderniste – entre autres graves défauts – empêche justement cette possibilité. Les très nombreux anglicans qui se sont convertis dans le passé à l’Église catholique, retournaient vraiment à la maison du Père : ils y trouvaient la vraie Foi, les vrais Sacrements, le Sacrifice, la Hiérarchie, la Primauté papale. Ceux qui aujourd’hui, fuyant les excès toujours plus évidents du protestantisme en voie de décomposition, cherchent refuge auprès de l’Église catholique, ont du mal à la trouver, occupée comme elle l’est par les modernistes et le modernisme : aveugles conduisant d’autres aveugles et qui tomberont, je crains, les uns après les autres dans la fosse. Une fois conclu, pour le moment, avec succès, le dossier anglican, J. Ratzinger pourra s’occuper du dossier luthérien (s’appuyant sur la déclaration commune en matière de justification) et moscovite : le climat avec les schismatiques et les hérétiques russes – de froid qu’il était sous le polonais Wojtyla – est devenu chaleureux avec l’allemand – et très collégial – Ratzinger. Puis, à la “Tradition” anglicane, luthérienne Le "Primat" de la TAC, John Hepworth et orientale pourra s’ajouter enfin la “Tradition” catholique représentée dans les faits par la Fraternité Saint Pie-X. Les “colloques” vont de l’avant selon la méthode œcuménique désormais expérimentée. Ceux qui aiment les traditions sans plus de précisions, les liturgies suggestives et fastueuses seront satisfaits. Les vrais catholiques qui veulent rester fidèles au dogme, eux, seront encore plus isolés. Humainement parlant, certes, car le Christ n’abandonne pas son Église et ne permettra pas que triomphent sur Elle les portes de l’Enfer. Notes 1) Le document appelé couramment Pastoral provision consistait en une lettre du 22 juillet 1980 adressée par le cardinal Seper à l’archevêque de San Francisco, John R. Quinn (prot. 66/77), lettre par laquelle le cardinal Seper communiquait à Mgr Quinn les décisions concernant l’accueil de certains groupes d’épiscopaliens (anglicans des États-Unis). Ces décisions avaient été prises par la S.C. pour la Doctrine de la Foi à la session ordinaire du 18 juin 1980 et confirmées par Jean-Paul II à l’audience accordée au Cardinal Préfet le 20 juin suivant. Anglicanorum cœtibus fait aussi référence à la Déclaration sur ce sujet de la Congrégation en question, Déclaration In June du 1er avril 1981 (Ench. Vat. 7, 1213, traduction française du texte dans la Documentation catholique n° 1807, p. 433). 2) Ne furent jamais considérés comme tels le Catéchisme de Saint Pie X ou le Catéchisme romain aux curés dit Catéchisme du Concile de Trente. 3) “De fait”, autrement dit dans les intentions de Benoît XVI. Selon la Thèse de Cassiciacum que nous avons faite nôtre, ni Benoît XVI ni les évêques en communion avec lui ne jouissent de la juridiction épiscopale. 4) Cf. M. DAVIES, La réforme liturgique anglicane, Clovis, 2004. L’édition originale en anglais de l’ouvrage de Michael Davies date de 1976. 5) La situation actuelle de l’Église catholique après Vatican II pose des problèmes ecclésiologiques non communs. Le cardinal Benelli, repris polémiquement par Mgr Lefebvre et celui-ci par de nombreux sédévacantistes, parlait d’une “Église conciliaire”. En ce cas, les anglicans de la TAC ne seraient pas entrés dans l’Église catholique mais dans l’Église conciliaire. Le fait est que, du moins juridiquement, l’Église conciliaire n’existe pas, et les modernistes qui occupent les Sièges épiscopaux, y compris le Premier Siège, se trouvent encore, du moins juridiquement et au for externe, “dans le sein même et au cœur de l’Église” selon la célèbre expression de l’encyclique Pascendi. En tout cas, les anglicans de la TAC s’étant mis sous l’obédience de Benoît XVI participent de son “schisme capital”. 6) Sur le célibat ecclésiastique, à propos duquel on dit et écrit d’énormes sottises, je conseille l’ouvrage du cardinal Alphonse Stickler, Il celibato ecclesiastico. La sua storia e i suoi fondamenti teologici, Libreria editrice Vaticana, 1994. [Le célibat ecclésiastique. Son histoire et ses fondements théologiques]. 11 7) AAS 59 (1967) 674. 8) “En accueillant dans le clergé catholique le clergé épiscopalien marié, le Saint-Siège a précisé que l’exception à la règle du célibat est accordée en faveur de ces per- sonnes individuelles et ne doit pas être entendue comme si elle impliquait un changement de pensée de la part de l’Église sur la valeur du célibat sacerdotal qui demeure la règle, même pour les futurs candidats de ce groupe”. Le discours de Joseph Ratzinger à la synagogue de Rome due aux bons soins précisément de Di Segni (R. Di Segni, Il Vangelo del ghetto [L’Évangile du ghetto], Newton Compton éd., 1985). Notre revue avait aussi analysé l’intéressant discours du rabbin Di Segni du 17 janvier 2002 dans l’aula du Séminaire pontifical romain, à propos des Lois noachides (abbé Ricossa, Parler clair pour mieux se comprendre. Les Noachides et le Grand Rabbin Di Segni, in Sodalitium n° 53). Le 26 mai 2003, le Rabbin Di Segni revenait sur la question essentielle des Lois noachidiques (essentielle également pour les rapports entre Christianisme et Judaïsme) dans son intervention à la Villa Medici Il Vascello, à Rome, siège du GrandOrient d’Italie, en présence du Grand Maître Raffi (cf. Erasmo notizie, Bollettino d’Informazione del Grand’Oriente d’Italia, n° 11 du 15/06/2003 [Bulletin d’Information du Grand-Orient d’Italie] : Il patto noachita [Le pacte noachide]. En ce lieu – qualifié par lui de “prestigieux” – le Rabbin Di Segni ne manqua pas de rappeler avec orgueil aux noachides du Grand-Orient que son propre père était affilié à la Maçonnerie (vidéo du discours du Rabbin sur www.ccsg.it/ma son.htm par exemple). Pour ne pas faire de jaloux, le 27 octobre 2006, à Rome, au Palazzo Vitelleschi, le Grand Rabbin, invité par le Grand Maître Danesin, s’était aussi adressé aux maçons de la Gran Loggia d’Italia dei Muratori antichi e accettati [Grande Loge d’Italie des maçons libres et acceptés] (obédience connue sous le nom de Piazza del Gesù, son siège historique). En cette occasion le Grand Rabbin s’était déclaré opposé au maintien du crucifix dans les édifices publics. Nous sommes certains que ces informations et bien d’autres faciles à trouver sur les continuelles prises de position du Grand Rabbin Di Segni concernant l’Église catholique, peuvent jeter une lumière supplémentaire sur le chemin irréversible de collaboration fraternelle en acte réalisé entre d’une part la Communauté juive et d’autre part Benoît XVI et ses collaborateurs. Sodalitium L e 17 janvier 2010, Benoît XVI rencontrait la Communauté juive au Grand Temple de Rome (édifié en 1904, suite par conséquent à la prise de Rome par la Brèche de Porta Pia, et situé délibérément entre le Capitole et le Janicule en souvenir des événements du Risorgimento). Le discours que Joseph Ratzinger a prononcé à cette occasion est rapporté entièrement par l’Osservatore romano (18-19 janvier 2010, pp. 4-5 éd. italienne; titre rédactionnel : Un cammino irrevocabile di fraterna collaborazione [Un chemin irrévocable de collaboration fraternelle]) et commenté de façon appropriée par le bimensuel italien Sì sì no no (n° 2 du 31 janvier 2010, pp. 4-6) ; nous y renvoyons nos lecteurs qui ne manqueront pas de reconnaître le style du commentateur. Si Joseph Ratzinger avait été vraiment et formellement Benoît XVI, autrement dit le Vicaire du Christ, le discours qu’il aurait dû adresser à ladite Communauté, aurait pu être celui que le Christ adressa aux Juifs peu de temps avant Sa Passion, (Évangiles : Mt XXI, 33-34 ; Mc XII, 1-11 ; Lc XX, 918), et que l’on connaît sous le nom de parabole des vignerons homicides. Pour éviter d’inutiles redites, Sodalitium renvoie ses propres lecteur à l’article de Sì sì no no cité ci-dessus (tout en gardant cependant ses distances par rapport à la ligne dudit journal). Nous rappellerons toutefois quelques traits significatifs concernant le “maître de maison” qui recevait J. Ratzinger, autrement dit le Grand Rabbin de Rome, Riccardo di Segni. Sodalitium, en effet, a déjà traité plusieurs fois de sa pensée, entre autres dans l’article de l’abbé Nitoglia Le Toledoth Jeshu. L’antiévangile juif (n° 48), qui recensait la réédition de cet ancien libelle calomnieux contre N.-S. Jésus-Christ, réédition 12 18 janvier 2010. Visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome Communiqué du Centro studi Giuseppe Federici du 20 janvier 2010 : Les voix 1 - LA VOIX DE LA SYNAGOGUE Rome, 18 janvier 2010, visite de Benoît XVI à la synagogue : quelques bribes de discours tenus par Riccardo Pacifici (Président de la communauté juive de Rome), Renzo Gattegna (Discours du Président de l’Union des Communautés Juives Italiennes), Riccardo Shmuel Di Segni (Discours du Grand Rabbin de Rome). Source: http://www.romacer.org/17_01_2010/ • Éloge du Risorgimento - Pacifici : (...) Une communauté qui, au cours des siècles, mais surtout depuis 1870, a été en mesure d’apporter sa propre contribution au développement culturel, économique et artistique, non seulement dans notre cité, mais dans tout le pays ; qui a combattu pour l’unité italienne et a défendu la Patrie lors de la première guerre mondiale. (...) - Di Segni :.. depuis la conquête de 1870. • Éloge du Sionisme - Pacifici : Pour nous, juifs, l’état d’Israël est le fruit d’une histoire commune et d’un lien indéfectible qui est une partie fondatrice de notre culture et de notre tradition. Un droit, que chaque homme qui se reconnaît dans les écritures saintes de la Bible sait être dévolu au Peuple d’Israël. - Di Segni : À ce miracle de survivance s’est ajouté le miracle de l’indépendance reconquise de l’État d’Israël. 24 années se sont écoulées depuis l’inoubliable visite historique du pape Jean-Paul II dans cette synagogue. Alors, la demande adressée au pape par nos dirigeants de reconnaître l’État d’Israël fut pressante, chose qui s’est effectivement produite quelques années plus tard. Ce fut un nouveau signe comme quoi les temps avaient changé et les choses mûri. L’État d’Israël est une entité politique, garantie par le droit des gens. Mais, dans notre vision religieuse, nous ne pouvons pas ne pas reconnaître en tout cela un dessein providentiel. Dans notre langage courant, on rencontre souvent des expressions comme « terre sainte » et « terre promise », mais le risque existe d’en perdre le sens originel et réel. La terre est la terre d’Israël, et, en hébreu, ce n’est pas la terre qui est sainte, c’est eretz haQodesh, la terre de Celui qui est Saint. Dans la conscience hébraïque, ceci est une donnée fondamentale à laquelle il est impossible de renoncer ; il est important de se souvenir qu’elle a son fondement dans la Bible, à laquelle nous donnons, vous et nous, une signification sacrée, malgré des lectures différentes. • Éloge du Concile Vatican II, de Jean XXIII et de Jean-Paul II - Pacifici : Jean-Paul II, dont nous conservons un souvenir ému. Nombreux furent les gestes et les actes de réconciliation du pontificat de Jean XXIII à celui de Jean-Paul II. De Nostra Ætate à votre visite en Israël et à Yad Vashem. - Gattegna : Votre présente visite à la Synagogue de Rome s’inscrit étroitement dans la ligne de celle effectuée par votre prédécesseur, le pape Jean-Paul II, le 13 avril 1986. Ces deux événements importants donnent corps à ce nouveau cours des choses dans les rapports entre juifs et chrétiens, initié il y a 50 ans par le pape Jean XXIII, qui fut le premier à comprendre qu’un dialogue constructif et une rencontre dans un esprit de réconciliation, ne pouvaient se réaliser que sous un présupposé d’égale dignité et de respect mutuel. Ces principes ont été solennellement affirmés dans la Déclaration Nostra Ætate qui, conçue et voulue par le Pape Jean XXIII, fut promulguée le 28 octobre 1965 depuis le Concile Vatican II. Dès lors un dialogue entre juifs et chrétiens a commencé à se développer. Et je rends un hommage ému à la mémoire du Pape Jean-Paul II. 13 - Di Segni : Les temps ont de toute évidence changé et nous remercions le Seigneur Béni qui nous a introduits dans une époque de liberté ; et après la liberté conquise en 1870, nous pouvons, depuis le Concile Vatican II, entretenir des rapports avec l’Église Catholique et son Pape sur la base d’une égale dignité et de respect mutuel. Ce sont les ouvertures du Concile Vatican II qui rendent possibles ces rapports ; si cela devait être remis en question, il n’y aurait plus possibilité de dialogue. Lorsqu’il est venu dans cette synagogue, le Pape Jean-Paul II a décrit la relation entre juifs et chrétiens comme étant une relation entre frères. • Éloge de l’immigration en Italie - Pacifici : Renforcer la culture de l’accueil et de la solidarité, de l’altruisme et du désir de connaissance de l’autre. Nous devons nous opposer à ces idéologies racistes et xénophobes qui alimentent les préjugés, faire comprendre que les nouveaux immigrés viennent pour résider sur notre continent, pour vivre en paix et parvenir à un niveau de vie qui ne peut avoir que de fortes retombées pour toute la collectivité. • Critique de Pie XII - Pacifici : À cet égard, le silence de Pie XII en face de la Shoàh, reste encore aujourd’hui douloureusement dans la mémoire comme un acte manqué. Peut-être n’aurait-il pas pu arrêter les trains de la mort, mais il aurait pu transmettre un signal, une parole forte de réconfort, de solidarité humaine, à destination de ceux de nos frères qui étaient transportés sur les chemins de la mort vers Auschwitz. 2 - LA VOIX DE BENOÎT XVI Discours à la synagogue de Rome, 17 janvier 2010 : - La doctrine du Concile Vatican II a représenté pour les catholiques un point de référence vers lequel se tourner constamment dans l’attitude et dans les rapports avec le peuple juif, marquent une étape nouvelle et décisive. L’événement conciliaire a donné un élan décisif à l’engagement de parcourir un chemin irrévocable de dialogue, de fraternité et d’amitié, un chemin qui s’est approfondi et développé ces quarante dernières années avec des étapes et des gestes importants et significatifs, parmi lesquels je souhaite mentionner à nouveau la visite historique dans ce lieu de mon vénérable prédécesseur, le 13 avril 1986, les nombreuses rencontres qu’il a eues avec des représentants juifs, notamment au cours des voyages apostoliques internationaux, le pèlerinage jubilaire en Terre Sainte en l’an 2000, les documents du Saint-Siège qui, après la Déclaration Nostra Ætate, ont offert de précieuses orientations pour un développement positif dans les rapports entre catholiques et juifs. Moi aussi, pendant ces années de pontificat, j’ai voulu montrer ma proximité et mon affection envers le peuple de l’Alliance. Je conserve bien vivant dans mon cœur tous les moments du pèlerinage que j’ai eu la joie d’accomplir en Terre Sainte, au mois de mai de l’année dernière, ainsi que les nombreuses rencontres avec des communautés et des organisations juives, en particulier dans les synagogues de Cologne et de New York. - En outre, l’Église n’a pas manqué de déplorer les fautes de ses fils et de ses filles, en demandant pardon pour tout ce qui a pu favoriser d’une manière ou d’une autre les plaies de l’antisémitisme et de l’antijudaïsme (cf. Commission pour les rapports religieux avec le judaïsme, Nous nous souvenons: une réflexion sur la Shoah, 16 mars 1998). Puissent ces plaies être guéries pour toujours ! (Notre commentaire : la condamnation de l’antijudaïsme est particulièrement inquiétante. Le judaïsme en cours sous le Nouveau Testament nie la Trinité de Dieu et la Divinité de Notre-Seigneur. L’antijudaïsme est donc la conséquence de la foi 18 janvier 2010. Visite de Benoît XVI à la synagogue de Rome 14 catholique sur la Très Sainte Trinité et sur le Très Saint Rédempteur.) Traduction française du Vatican : http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/s peeches/2010/january/documents/hf_benxvi_spe_20100117_sinagoga_fr.html 3. - LA VOIX DE L’ÉGLISE • La prédication de saint Pierre Apôtre - Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu de nos pères, a glorifié son serviteur Jésus, que vous avez livré et que vous avez renié devant Pilate, alors qu’il était d’avis de le relâcher. Mais vous, vous avez renié le Saint et le Juste, et vous avez sollicité la grâce d’un meurtrier. Vous avez fait mourir le chef de la vie, que Dieu a ressuscité des morts : de quoi nous sommes témoins. C’est par la foi en son nom que son nom a raffermi celui que vous voyez et que vous connaissez ; et la foi qui (vient) par lui a donné à celui-ci, devant vous tous, cette parfaite guérison. Et maintenant, frères, je sais bien que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos magistrats, mais Dieu a accompli ainsi ce qu’il avait prédit par la bouche de tous les prophètes, que son Christ souffrirait. Repentez-vous donc et convertissez-vous, pour que vos péchés soient effacés. (Act 3, 13-19) - Alors Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur dit : « Chefs du peuple et Anciens, puisqu’on nous interroge aujourd’hui sur un bienfait (accordé) à un infirme, (pour savoir) comment cet homme a été guéri, sachez-le bien, vous tous, et tout le peuple, d’Israël : C’est par le nom de Jésus-Christ de Nazareth, que vous avez crucifié, que Dieu a ressuscité des morts, c’est par lui que cet homme est présent devant vous en pleine santé. C’est lui, la pierre rejetée par vous les constructeurs, qui est devenue pierre d’angle. Et le salut n’est en aucun autre, car il n’est sous le ciel aucun autre nom donné parmi les hommes, par lequel nous devions être sauvés. » (Act 4, 8-12) - Le Dieu de nos pères a ressuscité Jésus, que vous aviez fait mourir en le suspendant au bois. (Act 5, 30) • La prière du M i s s a l e R o m a n u m : - Prions aussi pour les Juifs infidèles, afin que Dieu notre Seigneur ôte le voile de leurs cœurs et qu’ils connaissent, eux aus- si, Jésus-Christ notre Seigneur. Dieu éternel et tout-puissant, qui ne rejetez pas non plus de votre miséricorde les Juifs infidèles, exaucez les prières que nous vous adressons pour ce peuple aveuglé ; donnez-leur de connaître la lumière de votre vérité, qui est le Christ, afin qu’ils soient arrachés à leurs ténèbres. (Missel Quotidien et Vespéral Don Gaspar Lefebvre, Société Liturgique, Paris 1954). “Avec le Pape et pour le Pape” Par M. l’abbé Ugolino Giugni Vie de l’abbé Davide Albertario, journaliste intransigeant. Seconde partie Mgr Sarto et Albertario M gr Giuseppe Sarto, le futur pape saint Pie X, fut toujours favorable à Albertario comme en témoignent certaines de ses lettres. Sarto et Albertario appartenaient au même courant de pensée catholique intransigeant et on peut légitimement penser que si l’abbé Albertario avait vécu plus longtemps (il mourut en 1902, un an avant l’élection de saint Pie X), il aurait évolué dans la pensée intégriste et antimoderniste du grand Pape vénitien et de Mgr Umberto Benigni. Certains passages des lettres de Mgr Sarto quand il était évêque de Mantoue attestent l’estime qu’il avait pour l’abbé Albertario et son journal. Durant la tempête du “procès du café” et des attaques de Mgr Bonomelli, quand l’abbé Carlo Bonacina se rendit à Rome à une audience du Pape Léon XIII, qui eut des paroles élogieuses et accorda la bénédiction apostolique pour le journal, l’évêque de Mantoue écrivait : “La direction doit s’en trouver très justement joyeuse, et avec elle tous ceux qui ne transigent pas avec les saints principes qu’elle défend” (1). Au cœur de la bourrasque déchaînée par le “procès du café”, Mgr Sarto soutint l’abbé Albertario, en lui écrivant des lettres pour le consoler de la mauvaise tournure qu’avaient prise les événements : “Avec un tel mémorandum entre les mains du Pape, il est absolument certain que vous ne péri- 15 rez pas. Courage donc ; et avancez avec ces mesures que vous utilisez et vous saurez user de force, prudence, perspicacité, intransigeance et zèle, usque ad finem ”. L’évêque de Mantoue écrivant aussi au cardinal Pecci (frère du Pape Léon XIII) pour obtenir la réhabilitation de L’Osservatore et de son directeur, faisait remarquer : “la très grande douleur et l’accablement, dans lequel tous les vrais catholiques pontificaux, laïcs, prêtres et évêques seraient tombés, si L’Osservatore avait cessé, ce qui, rien qu’à le lire, tirait des larmes : je vous assure !” (2). En 1894, quand l’abbé Albertario fêta le jubilé de vingt-cinq ans de journalisme, Mgr Sarto, devenu cardinal et Patriarche de Venise, lui écrivait : “que dans le domaine sur lequel vous avez valeureusement combattu on puisse célébrer aussi les noces d’or, en redoublant le nombre des splendides victoires remportées jusqu’à maintenant, mais dépourvues, avec la bénédiction du ciel, de ces épines et de ces sacrifices, qui vous affligèrent aux jours les plus beaux de votre vie” (3). En 1902, quelques mois avant la mort d’Albertario, le cardinal Sarto écrit encore une lettre très affectueuse à don Davide, convalescent et qui doit s’éloigner de son journal à cause de la maladie ; je la rapporte en entier : « Très Révérend et cher don L’abbé Davide Albertario En regardant vers Rome, Albertario n’erra jamais face au libéralisme, au rosminianisme, à la question sociale et à la question romaine. Avoir été avec Pierre, non seulement lui a assuré la victoire, mais l’a rendu méritant de la solution de ces questions. Davide, votre billet reçu hier tout écrit de votre main m’a vraiment consolé, parce qu’il m’assure que vous êtes en pleine convalescence et que dans peu de temps, vous serez parfaitement rétabli, comme je le désire de tout cœur. Que si la lettre recommandée annoncée arrivée aujourd’hui m’a attristé en pensant à vos conditions matérielles et à la gêne dans laquelle vous vivez, elle a cependant fini de me réconforter en me raffermissant dans la certitude de votre parfaite guérison. Pour la question que vous connaissez, j’écris aujourd’hui même au Saint-Père, et je ferai tout pour que ma lettre soit sûrement déposée sur sa table, de telle sorte que lui-même la lise, mais j’utiliserai les meilleurs arguments pour que votre prière et la mienne soient exaucées. Espérons qu’elle arrive à bon port et qu’il puisse lui donner sous peu une consolante réponse. Pour le moment, gardez courage et soignezvous du mieux possible, persuadé que, si même les médecins prédisent que vous devrez par la suite prendre garde à la prédication, passée la bourrasque, vous pourrez vous occuper non seulement du journal, mais du ministère qui vous sera demandé. Et en vous souhaitant tranquillité d’âme et continuation prospère dans votre convalescence, avec un baiser très cordial, je vous renouvelle estime et affection. Votre très dévoué, très obligé, très affectionné serviteur. † Gius. Card. Sarto Patriarca » (4). Ces lettres attestent donc une communion de pensée et de cœur entre le grand et saint Pape Pie X et l’athlète du journalisme catholique, l’abbé Davide Albertario, tous deux appartenant au courant d’abord “intransigeant” et ensuite “intégriste” du 16 mouvement catholique. On peut légitimement penser que si Albertario avait vécu plus longtemps, étant donné ses positions doctrinales en faveur du thomisme et hostiles à la philosophie rosminienne, il aurait partagé la condamnation du modernisme faite par saint Pie X avec Pascendi en 1907, et défendu avec acharnement de toutes ses forces la bataille que le saint Pape conduisit contre cette hérésie par l’intermédiaire du Sodalitium Pianum de Mgr Benigni. La réorganisation du journal Après le procès Stoppani, L’Osservatore se trouva dans une période très difficile, mais il en était sorti, comme nous l’avons vu (5), fortifié et moralement victorieux et sûr d’interpréter les directives du Saint-Siège. Financièrement le journal était très mal en point ; les amendes à payer étaient salées, et la pénurie des moyens se fit sentir pendant plusieurs années. L’argent manquait pour les besoins quotidiens et l’abbé Albertario se vit obligé en 1890 de mettre en vente aux enchères les quelques meubles qu’il avait dans son appartement de Milan. La rédaction du journal subit des changements ; l’abbé Massara accomplit un vœu que depuis longtemps il caressait en se faisant jésuite, et se détacha ainsi avec beaucoup de regret de son ami Albertario, mais tout en restant collaborateur externe du journal. Don Davide devenait ainsi le seul responsable rédactionnel et administratif de L’Osservatore. Il simplifia la maison d’édition et sacrifia le Leonardo da Vinci en en faisant cesser la publication. Il fit entrer dans la rédaction les jeunes Filippo Meda (6), Angelo Mauri et Paolo Arcari ainsi que le théologien l’abbé Ernesto Vercesi. Certains veulent distinguer deux périodes dans la vie de l’abbé Albertario : la période “intransigeante” et la période “démocrate-chrétienne”. Selon son neveu et biographe, Mgr Pecora, “c’est une légende. Albertario ne cessa jamais d’être intransigeant jusqu’à son dernier soupir, comme il était déjà démocrate-chrétien, au sens du mot que lui donnait Toniolo, et avant la lettre, depuis que les problèmes sociaux et politiques étaient traités dans les discussions de l’Œuvre des Congrès comme des œuvres de charité ou d’instruction religieuse” (7). Sans vouloir entrer dans le vif du sujet et donner une réponse définitive, on peut dire qu’Albertario était proche des “jeunes” du mouvement catholique dont beaucoup se formèrent à son école, mais qu’il aurait certainement pris ses distances (s’il avait vécu plus longtemps) par rapport à la dérive démocratique (c’est-àdire d’un parti aconfessionnel) de Romolo Murri. Mgr Benigni et l’abbé Paolo de Töht appartenaient aussi à ce qu’on appelait le “courant des jeunes”. Enfin, je pense que les trois paragraphes suivants permettront de se faire une idée plus claire de la pensée albertarienne sur ces questions. L’abbé Albertario et le mouvement catholique (l’Œuvre des Congrès) Un an après la promulgation du Syllabus de 1865 naquit l’Association catholique italienne, reconnue par un bref de Pie IX du 4 avril 1866. Parmi les fondateurs, on trouve le bolonais Giambattista Casoni (8) (qui sera aussi directeur de l’Osservatore romano). Le programme est intransigeant et se propose la défense de l’Église et de la Religion et le soutien du pouvoir temporel du Pape ; il n’est pas légitimiste et est proche de l’intransigeant français Louis Veuillot. Cette association doit finir après quelques mois à cause de la guerre austroitalienne de 1866 ; son président, Giulio Cesare Fangarezzi, fut arrêté. En 1867 naquit, toujours à Bologne, la Société de la jeunesse Catholique italienne (GCI) ; parmi les fondateurs se trouvent les comtes Giovanni Acquaderni (8) et Mario Fani ; Pie IX l’approuve le 2 mai 1868. La devise est Prière, action, sacrifice. L’Œuvre des Congrès naquit enfin en 1874 au Ier congrès de Venise (12-16 juin) grâce à un comité promoteur dont fait aussi partie la GCI. Au palermitain Vito D’Ondes Reggio fut confiée la charge de la déclaration des principes de l’association naissante qui se veut étrangère au catholicisme libéral et à toute tentative de conciliatorisme (9) ; ses paroles sont significatives : “Le congrès est catholique et rien d’autre que catholique. Puisque le catholicisme est une doctrine accomplie, la grande doctrine du genre humain. Le catholicisme n’est donc pas libéral, n’est pas tyrannique, n’est pas autre chose ; n’importe quelle qualité qu’on y ajoute, constitue en soi une très grave erreur : cela supposerait ou bien qu’il 17 manque quelque chose au catholicisme qu’il serait nécessaire de lui donner ou qu’il contient quelque chose qu’il est nécessaire de lui enlever ; c’est une très grave erreur qui ne peut engendrer que schisme et hérésies. Le catholicisme est la doctrine que le Souverain Pontife, Successeur de saint Pierre, évêque de Rome, Vicaire de JésusChrist, Docteur infaillible de la foi et de la morale, enseigne ou seul ex cathedra ou conjointement avec les évêques successeurs des apôtres. Toute doctrine, différente de celle-ci, est schisme et hérésie. Au suprême jugement du Souverain Pontife le congrès soumet ses délibérations - Vive Pie IX” (10). L’abbé Albertario suivit de très près le mouvement Catholique et soutint la naissance à cette époque de l’Œuvre des Congrès dans les colonnes de son journal et en intervenant plusieurs fois en personne aux différents Congrès de l’Œuvre. Son intervention contre le libéralisme au IVème Congrès de 1877 à Bergame est intéressante : « Pour la Rome des Papes, les libéraux sont les carthaginois. Haïssons donc le libéralisme, si nous voulons fuir les conciliations, si le combat doit être fortement combattu ; la haine nous donnera la victoire, parce que la haine nous rendra redoutés, formidables… haïssons le péché de ce siècle, le libéralisme, tout en désirant la conversion du pécheur » (11), contre toute forme de conciliatorisme qui porterait les catholiques à “perdre tout” même l’honneur, il propose l’intransigeance absolue, puisque la résistance est le préliminaire à la reconquête. Au congrès de l’Œuvre qui se déroula à Milan en 1897, et dont Albertario fut viceprésident, il rappela chaleureusement à l’attention des congressistes et de tous les catholiques italiens qu’ils auraient à cœur l’avenir de la patrie, la nécessité d’une Université Catholique également en Italie en suivant l’exemple déjà pratiqué en Belgique, en France et aux États-Unis. Don Davide lut les propositions suivantes concernant l’Université Catholique : « Considérant que dans les Universités de l’État très souvent la doctrine catholique est non seulement bannie, contrecarrée et combattue avec dommage pour la véritable science et avec la perversion intellectuelle et morale de la jeunesse étudiante. Que l’une et l’autre pourrait trouver asile sûr dans une Université Catholique ; que, en- tre-temps, et tant qu’on n’aura pas la liberté d’enseignement, il incombe aux catholiques le devoir de préparer avec d’autres moyens l’instruction de cette université ; que au sein de l’œuvre des congrès existe déjà l’Œuvre de la conservation de la foi, laquelle, diffusée en Italie d’après son statut, concourrait efficacement par des moyens moraux et matériels à la préparation de l’Université Catholique. Il exprime le vœu de rendre populaire cette idée par la presse et par les conférences et que l’on pousse la générosité des catholiques pour la réaliser (…) » (12). La législation restrictive de l’époque ne permettait malheureusement pas la fondation de cette université et donc ce vœu du congrès devait rester un idéal pour plusieurs années encore. À noter toutefois que parmi ceux qui écoutèrent cette chaude et vigoureuse intervention de l’abbé Albertario il y eut Vito Necchi et le P. Agostino Gemelli, qui environ vingt ans après accomplirent le vœu d’Albertario et des Catholiques italiens en fondant l’Université Catholique du Sacré-Cœur à Milan. L’abbé Albertario et la politique Il est très intéressant de voir ce que pensait notre journaliste de la politique, lui qui, peut-être malgré lui, fut toujours confronté à elle à cette période si agitée de l’histoire de l’Église et de l’Italie. Dans un article du 29 septembre 1891, Albertario écrivait : “Qu’est-ce que la politique ? C’est un adjectif d’un substantif moral ; c’est-à-dire de la vertu cardinale, la prudence. Cette pruÀ gauche, Filippo Meda, successeur d’Albertario à la direction de L’Osservatore ; il contribuera à le déplacer sur des positions “démocrates-chrétiennes” et en 1907 le fermera. À droite, Mgr Geremia Bonomelli, évêque de Crémone, libéral et conciliatoriste, grand adversaire de l’abbé Albertario 18 dence dans ses rapports avec la polis, avec la cité, c’est-à-dire avec l’ensemble des hommes, le mot polis ou civitas étant pris dans son sens large et originel, c’est une prudence non moniste, c’est-à-dire individuelle, non économique, c’est-à-dire domestique, mais politique. Voilà ce qu’est la politique. Comment séparer la prudence de la conscience ? À moins de s’enfermer dans une Trappe, (…) comment ne pas faire de politique ? Il faut au contraire beaucoup se former à la politique, et s’en instruire, et s’y exercer, sous les enseignements, les orientations, la discipline du catéchisme catholique, de la sainte Église Catholique, du Saint Père, le Vicaire de Dieu. Il faut le faire pour en finir une fois pour toutes d’être des ignorants en politique, qui laissent à quelques-uns qui s’y entendent, le mérite de s’y sacrifier, c’est-à-dire de se servir de la politique pour devenir des meneurs, des caïds, des directeurs auxquels le sacrifice rapporte cent pour un” (13). Depuis 1870, c’est-à-dire depuis la prise de Rome, était en vigueur le non expedit qui interdisait aux catholiques de participer aux élections du nouvel état unitaire. En interprétant cette défense, l’abbé Albertario lança et soutint la formule de la “préparation dans l’abstention”. Il résumait ainsi sa position : “Le débat est aujourd’hui réduit à un état très simple. Nous avons mis à l’écart la formule ni élus ni électeurs, puisque cette formule paraissait s’imposer au Pontife même, signifiant que même le Pape n’aurait pas pu permettre d’accéder aux urnes, en sauvant en même temps son droit et sans reconnaître les derniers droits opposés à ceux du Souverain. Cette formule mise hors de combat, nous avons réduit à sa plus simple expression la chose ; que l’on soit avec le Pape et qu’on ne bouge pas avant que le Pape nous invite. En attendant travaillons pour que le Pape soit entouré d’hommes prêts à le servir ; travaillons pour arracher des gens aux partis de la révolution. Italie papale, haine à la révolution” (14). L’abbé Albertario n’eut jamais une sympathie particulière pour le système parlementaire (qui aujourd’hui est magnifié et considéré comme la meilleure expression possible de la civilisation… avec le nom de Démocratie !) puisqu’il le considérait, à juste titre, comme une des plus grandes expressions du libéralisme étant donné qu’en “Écoutons les bourgeois libéraux qui invoquent l’aide du prêtre pour qu’il contienne les passions des masses, le prêtre qu’ils méprisent, et que ces bourgeois ont appauvri. Écoutons-les invoquer l’influence morale de la religion contre le socialisme qui s’étend et rugit. La religion qu’ils abhorrent, qu’ils ne pratiquent pas, dont ils se moquent. Eh bien, le prêtre et la religion travaillent au milieu de la société, répandent des idées d’ordre, de respect, mais on n’exerce pas ce ministère de justice et de paix, pour vous protéger, vous les bourgeois libéraux, mais pour le bien des âmes, pour la gloire de Dieu”. (Abbé Albertario) lui prévaut non la vérité et le bien mais le vouloir d’une majorité (souvent contrôlée et pilotée par des “lobbies” déterminés qui se tiennent dans l’ombre…) ; ce choix de la majorité est parfois contraire à la bonne doctrine et au bien commun, ou bien est selon les intérêts de quelques-uns. Dans un article de juillet 1879, le directeur de L’Osservatore Cattolico définissait le parlementarisme : “la tyrannie d’un parti, qui dispose des fortunes d’un peuple et sacrifie sa foi” ou bien en l’appelant “le grand adversaire des catholiques de chaque pays”, et en affirmant que “les triomphes que nous allons remporter ne seront jamais durables tant que nous n’aurons pas assaini les racines des institutions sociales”. Il commentait ainsi une des nombreuses crises de gouvernement de la période de Depretis : “Nous en sommes là. Un gouvernement, un pays comme l’Italie, n’est pas entre les mains d’un pouvoir qui le guide de manière impartiale, mais de clans et de personnes. On ne consulte pas les nécessités de la patrie, mais les désirs des camorristes. C’est cela le libéralisme. Pire que la tyrannie, tel est le libéralisme sans contrôle (L’Osservatore Cattolico 15-16/04/1886) (15). Pour lui, la politique devait être seulement la politique 19 catholique ; il commentait ainsi l’assassinat du président de l’Équateur : “Garcia Moreno devait tomber sous la rage de la secte universelle, puisque dans la pratique il démontrait l’excellence d’un gouvernement catholique, contrairement aux mensonges libéraux, lesquels dépeignent le catholicisme comme incompatible avec le bien de la patrie” (O. C. 26/08/1875). Un article du 10-11/01/1885 est très intéressant concernant la doctrine et les principes exposés : “L’exclusion du clergé de la politique est un des objectifs de la révolution, c’est une conséquence du principe libéral maçonnique. Que l’État doive être séparé de l’Église, c’est-à-dire que l’Église doive être assujettie à l’État. Comme ce principe est condamné explicitement par le Syllabus, la doctrine selon laquelle on voudrait que le clergé ne s’occupe pas de politique est aussi implicitement condamnée. L’homme ne cesse pas d’être homme pour être élevé à un ordre surnaturel, la raison ne perd pas sa nature, ses droits, ses prérogatives pour être illuminée par la foi ; ni l’Église société ne déchoit de ses droits naturels pour être une société surnaturelle. Polémiquement, le Pontife Romain, le clergé, le catholique, peuvent user contre les empereurs de la terre, et les partisans du libéralisme, de leurs droits civils et politiques, et se mesurer contre les violences de la franc-maçonnerie, laquelle, en ayant juré d’exterminer l’Église du Christ, piétine les droits les plus élémentaires, là où ces droits sont embellis, sanctifiés, perfectionnés par la révélation et par la grâce de Jésus-Christ. Le Pape est un roi chrétien, un roi sui generis, mais politiquement il est aussi roi légitime d’une légitimité devant laquelle pâlit tout autre lignée royale d’Europe ; le clergé et les catholiques sont citoyens ayant des devoirs et des droits égaux à tout autre, ils sont les meilleurs citoyens. Le clergé a donc son rôle à remplir au milieu du monde et des hommes ; il est le maître et le juge de la politique, qui doit la guider sur les sentiers de la vérité et de la justice” (16). La question sociale À la fin du XIXème siècle, la “question sociale” se faisait violemment sentir en étant alimentée par la “révolution industrielle” et la modernisation de la société ; L’arrestation de l’abbé Albertario dans la maison paternelle le socialisme cherchait à manœuvrer les masses contre les “patrons” pour réaliser une énième révolution. La crainte et la préoccupation dans la société italienne et dans ses institutions d’un éventuel mouvement révolutionnaire populaire était grande ; cette crainte fut aussi une des causes de la violente répression des mouvements milanais de 1898 avec l’arrestation qui en résulta de l’abbé Albertario. De son côté, le directeur de L’Osservatore ne pouvait rester étranger à ce problème et à plusieurs reprises en traita dans son journal. Voici ce qu’il écrivait en 1878 : “le libéralisme a vaincu, mais avec sa désastreuse victoire il devient le précurseur du socialisme, la tête de la révolution”. “Le catholicisme est au contraire la solution pacifique, tranquille, efficace de la question sociale ; c’est la solution la plus digne et la plus sûre, la seule pratique ; la solution qui a donné dans l’histoire de l’Église les plus belles preuves : preuves qui furent en partie ruinées, brisées par le protestantisme, lequel par le libre examen a préparé la libre pensée et avec la libre pensée a secoué toute autorité et poussé les hommes à l’anarchie de l’intelligence, à l’anarchie politique et sociale” (O.C. 2930/03/1879) (17). Et face à l’impuissance du libéralisme à arrêter le socialisme, en 1884 il s’écriait : “Ou catholicisme ou socialisme ; le Pape sauvera la société du socialisme, dont les libéraux ne savent pas la sauver”. Albertario ne se cachait pas les dangers qui étaient intrinsèques à la question sociale et ouvrière : “le socialisme et la maçonnerie ont produit un immense dégât dans le camp démocratique, et tentent de conduire à des fins sinistres le mouvement populaire ; s’il n’en était pas ainsi, nous nous mettrions sans restrictions en première ligne pour conduire les masses 20 trompées jusqu’ici par le libéralisme, à gagner une place prépondérante dans la société à côté de la noblesse qui vilement se prosterne devant les libéraux modérés, et à la bourgeoisie qui s’engraisse en faisant bombance et en tyrannisant et, pire, en méprisant. Au clergé est ouverte une mission sublime, diriger les forces des masses au baptême de la société revigorée et rajeunie dans le triomphe de l’idée populaire chrétienne” (O.C. 19-20/02/1890). Aux libéraux apeurés et inquiets pour leurs biens par l’avancée de la marée socialiste il écrivait : “Écoutons les bourgeois libéraux qui invoquent l’aide du prêtre pour qu’il contienne les passions des masses, le prêtre qu’ils méprisent, et que ces bourgeois ont appauvri. Écoutons-les invoquer l’influence morale de la religion contre le socialisme qui s’étend et rugit. La religion qu’ils abhorrent, qu’ils ne pratiquent pas, dont ils se moquent. Eh bien, le prêtre et la religion travaillent au milieu de la société, répandent des idées d’ordre, de respect, mais on n’exerce pas ce ministère de justice et de paix, pour vous protéger, vous les bourgeois libéraux, mais pour le bien des âmes, pour la gloire de Dieu. Entrez-vous dans ces idées, ô bourgeois ? Alors ça va, autrement que le socialisme vous noie tôt ou tard ! - Bien, préparez-vous” ( O.C. 2829/10/1890) (18). L’œuvre de don Davide en faveur des classes les plus nécessiteuses ne se limitait pas aux articles sur son journal et aux batailles d’idées ; lui qui était d’origine paysanne savait bien quelles étaient les fatigues des champs, et voyait la cécité brutale des hobereaux qui travaillaient pour Karl Marx et ruinaient l’esprit des travailleurs en arrachant de leurs cœurs tout sentiment d’honnêteté et de religion, en poussant les paysans vers le socialisme. “Les maux du paysan – écrivait-il sur L’Osservatore en 1884 – ne consistent pas tant dans le travail, que dans le fait de ne pas vouloir l’éduquer dans les doctrines de cette grande maîtresse de la vie qu’est la Religion. Au contraire, on s’emploie avec perfidie à changer le paysan en une force brute au service de l’indépendance religieuse et de l’incrédulité ; au contraire, on enseigne directement au paysan à rompre l’unique fil, la foi, qui le tient uni à la vie et la lui rend supportable, à repousser l’unique ami, le prêtre, qui le considère comme un fils et un frère et lui fait goûter les harmonies des affections surnaturelles. Tel est le malheur du paysan, quand ses patrons le rendent étranger à l’Église ; alors il devient un cheval, un bœuf, une vache, un porc, un âne” (19). Les souscriptions organisées par Albertario pour aider les classes paysannes furent fréquentes, telle celle mémorable de Briosco, dans la Brianza, en mars 1898, quelques mois avant d’être arrêté. Le maire de Briosco, le noble Porro-Lodi, gros propriétaire terrien d’idées anticléricales et libérales, avait notifié l’expulsion à cinquante de ses fermiers, coupables seulement d’appartenir au comité paroissial qu’il avait déjà essayé de contrecarrer de toutes les façons possibles en empêchant dans le village les processions avec les bannières. L’absurdité de cette mesure provoqua une grande agitation à Briosco et dans toute l’Italie dans la crainte que d’autres propriétaires du même acabit utilisent les mêmes moyens contre les organisations catholiques. L’abbé Albertario, à partir des colonnes de son journal, lança une souscription pour aider les paysans, qui se retrouvaient sur le pavé du jour au lendemain ; il écrivait : “Amis, frères, n’abandonnons pas les braves travailleurs de Briosco”. L’Italie catholique répondit avec un grand élan, mais les polémiques se déchaînèrent contre Albertario accusé de vouloir la disparition des classes supérieures, d’être excitateur de haine contre les riches, défenseur du socialisme, ennemi de la charité… (il dut endurer aussi cette accusation contradictoire !). Les nuages de mai 1898 commençaient à s’amonceler sur L’Osservatore et son directeur. Le jubilé du sacerdoce et du journalisme En 1894, l’abbé Davide Albertario célébra ses 25 ans de sacerdoce et d’activité journalistique et reçut de très nombreuses marques d’estime et d’affection de tout le monde catholique. Le onzième congrès Catholique (de l’O.d.C.), qui se tint à Rome en février 1894, mit aux voix un triomphe à l’infatigable champion de la presse catholique : “rappelant le jubilé journalistique du docteur Davide Albertario, salue avec vive approbation l’œuvre accomplie par lui en vingt-cinq années de travail efficace dans la presse quotidienne au profit de 21 l’Église et de l’Œuvre des Congrès”. Invité par son ami l’avocat Paganuzzi, Albertario dut, malgré lui, prendre la parole et après avoir remercié, ému, tous les présents, conclut par le cri de “Vive le Pape ! Vive le journalisme catholique ! Vive la Rome papale et cléricale !” L’assemblée enthousiaste lui répondit au cri de “Vive L’Osservatore Cattolico ! Vive l’abbé Albertario”. Ce triomphe rendu à l’abbé Albertario dans la Rome papale, en une si importante circonstance, le récompensait de tant d’années de douleurs et d’infatigable travail, de polémiques et de procès (20). Au cours de cette année, don Davide reçut félicitations et célébrations, à Pavie (son diocèse), à Filighera (son pays natal), et à Milan (sa ville d’action). Le 18 octobre 1894, l’abbé Albertario célébra la messe jubilaire dans l’église de S. Maria Segreta à Milan en présence de plus de six cents prêtres. Le maître Lorenzo Perosi (à l’époque directeur de la chapelle musicale de SaintMarc à Venise) écrivit pour l’occasion la Missa Davidica. Le père jésuite Gaetano Zocchi prononça le sermon. Un banquet suivit ensuite la Messe dans les locaux du séminaire corso Venezia, avec environ quatre cents invités avec des discours interminables et des lectures de télégrammes arrivés de toute l’Italie (21). Nous citons seulement ici le télégramme papal de Léon XIII : “Le Saint Père appréciant les services rendus par le prêtre Albertario dans la défense des droits et de la doctrine de l’Église, et se réjouissant de le voir fêté à l’occasion de son double jubilé par les catholiques rassemblés à Santa Maria Segreta et par de nombreux prélats, lui envoie spéciale bénédiction pour réconfort et remerciement. M. cardinal Rampolla” (22). Toute la presse italienne, et également beaucoup de presse étrangère, s’intéressa de différentes manières au jubilé de l’abbé Albertario. Cela signifiait la réparation de tant de griefs supportés par lui et par les intransigeants, le triomphe de leur cohérence et de leur fidélité à la cause papale. Le même don Davide le fit remarquer dans un article intitulé “dernier mot” dans lequel il parlait du fil d’or qui unissait le premier au dernier numéro de L’Osservatore et que ce fil d’or était la fidélité inaltérée du journal “au vrai, au juste, à Dieu, au Christ, au Pape, à la Religion et à la patrie ; c’est le fil Le cardinal Andrea Ferrari, archevêque de Milan depuis 1894 de la cohérence la plus scrupuleuse dans le service aux plus grands intérêts de l’humanité, dans l’opposition aux proches et aux lointains ennemis du bien des âmes” (23). Les relations avec le cardinal Ferrari Le cardinal Andrea Ferrari, d’abord évêque de Guastalla, puis de Côme, devint archevêque de Milan en 1894 et le resta jusqu’en 1921, année de sa mort. Du temps de saint Pie X, le cardinal Ferrari était soupçonné d’appuyer et de protéger les modernistes dans son diocèse. Il a été “béatifié” (24) par Jean-Paul II le 10/05/1987. Le cardinal Ferrari entra à Milan précisément en l’année du jubilé sacerdotal et journalistique de l’abbé Albertario, mais ne fut certainement jamais un partisan enthousiaste de ce dernier. En 1907, cinq ans après la mort de l’abbé Albertario, par vouloir du cardinal, L’Osservatore (dirigé par son successeur, le laïc chrétien-démocrate Filippo Meda) et La lega Lombarda de tendance transigeante et conciliatoriste se fondèrent dans le quotidien L’Unione pour mettre fin à une époque d’oppositions et faire tomber dans l’oubli l’abbé Albertario. Alors qu’il s’apprêtait à prendre possession du diocèse de Milan, en 1894, le cardinal Ferrari reçut l’invitation formelle du secrétaire d’État de Léon XIII, le cardinal Rampolla (lettre du 24-25/09/1894) de donner luimême, au nom du Pape, la bénédiction apostolique à l’abbé Albertario : “Sa Sainteté voulant donner au prêtre mentionné une attestation de paternelle bienveillance qui l’anime et l’encourage à persévérer dans la défense de la religion et des droits du Saint- 22 Siège m’a chargé de lui faire parvenir une spéciale bénédiction (…) Et moi, pensant que serait particulièrement agréable à D. Albertario l’annonce de la faveur pontificale si elle lui est communiquée par Votre Éminence qui est destinée à lui être père et pasteur, je vous prie de vouloir transmettre en temps utile la bénédiction apostolique à lui accordée par le Saint Père” (25). Ferrari déclina l’invitation comme inopportune en écrivant plusieurs fois à Rampolla : «C’est incroyable comme des deux côtés, de celui de La Lega […] et de celui de L’Osservatore, chacun cherche de tant de manières à tirer à lui mon nom et mon approbation – Ensuite, le cardinal jugeait ainsi notre journaliste – Et j’ai déjà dit que D. Albertario incline, je dirais presque, à vouloir encore dicter la règle de conduite même aux évêques (…) et j’ai raconté ce qui me fut rapporté par une personne parfaitement digne de foi, que D. Albertario quelques jours avant mon élection avait dit : “si le nouvel archevêque ne s’en tient pas à notre orientation, nous créerons autour de lui une atmosphère si fraîche qu’il en restera transi”» (25). Rampolla à la fin consentit aux raisons de Ferrari et la bénédiction apostolique fut adressée à Albertario par la voie ordinaire ; de son côté, le cardinal Ferrari envoya ses vœux à Albertario dans la forme la plus concise possible. Cette froideur initiale fut bien perçue par les antagonistes de L’Osservatore qui commentaient ainsi : “Moins explicite mais très déférente est la lettre du cardinal Ferrari. Cependant la lettre n’exprime pas l’adhésion inconditionnelle, chaleureuse des autres orientations cardinalices et épiscopales à l’œuvre de l’abbé Albertario ; il y a un ton de réserve qui, bien que ne manquant pas de phrases courtoises, laisse cependant nébuleuse la pensée politique de l’archevêque” (26). Le cardinal Ferrari eut une période dans laquelle il fut très proche des intransigeants même si ce fut de manière modérée avant les faits de 1898, et donc aussi d’Albertario et de son journal, qui le soutenait puisque le cardinal Ferrari était l’évêque qui (contrairement à Bonomelli…) ne s’opposait pas à l’organisation des forces catholiques. Dans les polémiques entre Albertario et Bonomelli, évêque de Crémone, Ferrari essaya de faire le conciliateur en cherchant à imposer le silence au directeur de L’Osservatore, mais en même temps il faisait observer à Bonomelli que “les journaux libéraux s’étaient servis de son nom presque comme enseigne afin de combattre avec plus de sécurité la partie catholique et ceci avait produit une impression désagréable (…), l’utilisation de chaque texte bonomellien était certainement un fait déplorable” (27). En 1898, dans les jours où éclatèrent les mouvements de Milan au cours desquels fut arrêté le directeur de L’Osservatore Cattolico, le cardinal Ferrari se trouvait en visite pastorale à Asso dans la Valassina ; il fut très critiqué pour cela (peut-être injustement). À propos de don Davide, le cardinal eut, à cette époque, des jugements plutôt sévères peut-être dictés aussi par les tragiques circonstances, comme l’attestent certaines de ses lettres échangées avec le cardinal Rampolla. En voici une : “L’Osservatore Cattolico eut certains articles dans lesquels l’idée républicaine était plutôt accentuée, les modérés restèrent irrités par les dernières polémiques avec la Lega Lombarda, et avec Bonomelli, laquelle me déplut tant à moi aussi et m’a attiré des ennuis de plusieurs côtés. Or toutes ces affaires de L’Osservatore retombent sur moi, et pour certains le fait que j’ai plusieurs fois soutenu que je n’entends en aucune manière être considéré responsable de ce qu’écrit L’Osservatore ne vaut rien ; je fus d’ailleurs bien peu écouté à plusieurs reprises sur telle ou telle question, et cela m’a justement persuadé que parfois dans L’Osservatore l’obéissance et le respect pour les évêques n’y étaient que seulement imprimés” (28). Ferrari estimait L’Osservatore rédigé dans le style albertarien un journal “plus possible” et la réaction et l’arrestation avaient été causées “par des manières rudes et discourtoises et par les attaques personnelles” de don Davide. De son côté, l’abbé Albertario prit la défense du cardinal Ferrari pour son absence de Milan durant les émeutes : “Si le cardinal avait pu rester à Milan pendant les émeutes, il ne lui aurait pas été épargné une seule goutte du calice amer : parce que s’il s’était tu, ils l’auraient dénoncé au mépris public pour son silence ; s’il avait parlé, Dieu sait quels crimes ils auraient trouvés dans ses paroles. Il s’agissait de profiter de l’occasion pour ajouter à beaucoup d’autres choses l’affaire de l’archevêché de Milan, en visant le cardinal à un moment favorable pour le dompter et s’en débarrasser” (29). 23 Mai 1898, les émeutes de Milan et l’arrestation de l’abbé Albertario • Les faits. Le quinzième congrès catholique de 1897 (auquel Albertario avait activement participé) eut un notable succès et cela indisposa les milieux anticléricaux et maçonniques d’Italie. En septembre 1897, la Franc-Maçonnerie tint à Milan une espèce de congrès (qui devait contrebalancer le congrès catholique) qui servit à préparer les plans d’une répression gouvernementale. « Zanardelli avait consenti à partager la politique antisocialiste et antipopulaire de Rudinì à la seule condition d’un engagement à fond contre les catholiques : les émeutes de Milan en mai 1898 offraient l’occasion pour atteindre en même temps deux buts, pour réduire en un seul faisceau les ennemis des institutions, pour liquider les deux antithèses qui dressaient des embûches et menaçaient l’état du Risorgimento . Nées d’un ferment et d’une inquiétude qui venait réellement du “pays réel”, des masses anonymes, des zones non qualifiées du prolétariat, ces émeutes pouvaient être indifféremment imputées aux différents groupes, qui depuis des années, soutenaient une âpre et irréductible polémique contre l’état oligarchique et censitaire de la bourgeoisie ; et la recherche des responsabilités juridiques était, dans une telle perspective, la moins importante et la moins urgente » (30). Une campagne de presse acharnée fut entreprise contre les organisations catholiques, les comités paroissiaux, les sections de jeunesse de l’Œuvre et les journaux catholiques : elle dépeignait le mouvement catholique comme une pépinière de “subversivisme” aussi dangereux que le subversivisme socialiste. Les élections politiques de 1897 avaient porté à la Chambre plusieurs députés socialistes, puisqu’ils avaient Les émeutes de Milan de 1898 : la cavalerie place du Dôme profité du mécontentement qui régnait à cause de la mauvaise récolte (rappelons en outre que les catholiques ne votaient pas du fait de l’interdiction papale, ce qui eut pour effet d’avoir au parlement surtout des libéraux et des socialistes). À cause de l’insuffisance de la récolte, le prix du pain (principal aliment de la population) augmenta de 42 à 48 centimes, les salaires diminuaient et le chômage croissait, rendant le moment particulièrement inquiétant au plan politique et économique. La tempête se préparait ! Au gouvernement, se trouvait le “réac” et craintif marquis Antonio Starabba di Rudinì (Starabba - Barabbas aurait écrit l’abbé Albertario, jouant sur l’assonance des noms… !) qui se laissa influencer par la presse anticléricale et par les loges en devenant un instrument de vengeance et de répression gouvernementale. Au moyen de cinq circulaires expédiées aux préfets entre septembre et octobre 1897, di Rudinì voulait carrément interdire les manifestations dans les églises (comme les congrès catholiques) et recommandait de contrôler les militants catholiques, tout ceci dans la crainte de “graves désordres”. Évidemment, le succès du Congrès de Milan qui avait montré la force croissante d’organisation de l’Œuvre des Congrès commençait à préoccuper le gouvernement. Paganuzzi, en tant que président de l’Œuvre, et Albertario dans les colonnes de son journal, protestèrent, nullement intimidés, en rappelant que les catholiques n’étaient jamais sortis de la légalité et combattaient le socialisme et qu’on ne pouvait pas les y assimiler. Les paroles de don Davide étaient déformées et falsifiées ; il était dépeint comme un excitateur à la haine contre les riches et un apôtre du socialisme. En février 1898 eurent lieu les faits de Briosco dont on a parlé plus haut. Le 6 mars, le “chantre de la démocratie” maçonnique, Felice Cavallotti, fut tué en duel, et ses funérailles célébrées à Milan furent un déploiement de drapeaux rouges, d’hymnes révolutionnaires (Marseillaise et hymne de Garibaldi, alors interdits). Le 25 avril, des émeutes se produisirent pour le pain et des soulèvements à Faenza, puis dans les Marches, en Toscane et en Émilie, qui se propagèrent ensuite en Sicile, dans la région de Naples et début mai en Lombardie. À Milan, les émeutes pour le pain éclatèrent le 6 mai. 24 • Les accusations prétextes et les polémiques. Il resto del Carlino de Bologne et la Sera de Milan accusèrent les catholiques d’être les responsables des désordres dans toute l’Italie. L’abbé Albertario répondait dans un article célèbre : “Ah, canailles !... vous donnez du plomb aux malheureux que vous avez affamés et ensuite vous vous lancez contre les cléricaux”. Et il ajoutait : “La raison des émeutes est dans la misère… nous ne pensons pas que l’on puisse appeler révolution la protestation de l’estomac… il appartient aux catholiques de se préparer pour l’avenir à sauver le pays qui par le libéralisme est poussé à la ruine”. Les ennemis d’Albertario se servirent aussi de ses autres paroles pour le désigner comme un incitateur de la révolte (ce que fit en effet La Perseveranza du 8 mai). “L’histoire a désormais établi deux faits incontestables : primo, que les modérés et les conservateurs, parmi lesquels se démenaient les habituels agitateurs de la franc-maçonnerie, avaient cru étouffer le socialisme et le mouvement social catholique qui les dérangeait dans leurs intérêts matériels, en poussant le gouvernement à étendre la répression des émeutes au moyen d’une violente réaction contre les représentants et les organisations socialistes et catholiques ; secundo, que le gouvernement, l’autorité militaire et la police se laissèrent mettre la main dessus par des agitateurs. D’où le drame qui éclata dans les journées de Milan” (31). L’état de siège fut décrété le 7 mai et la ville fut occupée militairement par les troupes du général Bava Beccaris qui fit tirer sur la foule des révoltés. Dans les émeutes de Milan environ quatre-vingts personnes moururent (principalement tuées par la police). Deux années après les faits, don Davide faisait observer comment : “une police avisée aurait pu facilement les prévenir, aurait pu rapidement, même avec l’aide des troupes, les réprimer : au contraire du sang innocent fut versé, d’énormes injustices furent commises : on voulut prendre le prétexte pour exécuter des vengeances politiques longuement mûries”. Ces lignes écrites par Albertario le 7 mai, pendant les émeutes, témoignent qu’il n’était pas un agitateur et que les accusations contre lui étaient des prétextes : “Nous estimons que l’exaltation populaire cessera rapidement ; nous recommandons aux catholiques le cal- Les émeutes de Milan de 1898 : l’arrestation des frères capucins du couvent de l’avenue Piave me ; qu’ils ne s’unissent pas aux émeutiers car le nombre sert aussi à exciter les esprits. Pensons à Dieu en ces moments difficiles, prions Marie, prions pour nous et pour nos fautes”. Le commandement militaire s’intéressa tout de suite aux journaux. Il supprima Il Secolo et l’Italia del Popolo en arrêtant les directeurs Carlo Romussi et Gustavo Chiesi ; des journalistes furent aussi arrêtés et déjà circulait la rumeur que L’Osservatore et son directeur seraient touchés de la même façon. • L ’ a r r e s t a t i o n . Quand le journal La Lombardia parut avec la nouvelle qu’Albertario serait arrêté, le directeur de L’Osservatore comprit qu’il devait désormais quitter la ville et arrêter la publication du journal. Le journal s’auto-suspendit, informant le Parquet du Roi, avant d’être supprimé par la police. “Nous nous regardions les uns les autres attristés – écrivit-il ensuite – comme à la mort d’une personne chère. Ce fut un moment solennel et je ne saurais pas le décrire. Pendant vingt-neuf ans, chaque jour, j’avais lancé dans le monde L’Osservatore ; pas de plus dure difficulté, pas de coupe plus amère n’avait arrêté le cours du journal qui comptait trente-cinq ans de féconde et bénie existence. J’entrai à l’imprimerie, me fis remettre les manuscrits et L’Osservatore cessa. Nous pleurions tous” (32). L’abbé Albertario indiquait comme responsables de son arrestation les milieux du clérico-libéralisme qui depuis trente ans attendaient l’occasion de se libérer de l’homme et du journal qui les combattait. Mais parmi les responsables il y avait aussi la maçonnerie : “Leurs aspirations n’auraient pas été couronnées de succès, si à Rome la maçonnerie n’avait pas avec insistance réclamé à Zanardelli une compensation pour les arrestations de républicains et de socialistes, 25 comme plus tard il demanda la dissolution des associations catholiques”. L’Osservatore écrivit, dès qu’il put reprendre les publications : “L’ordre d’arrestation partit de Rome et vint de la maçonnerie zanardellienne, heureuse de pouvoir rendre un service au parti clérico-libéral à Milan” (O.C. 16-17/09/1898) (33) ; même si Albertario ne donnait pas de noms, on pouvait comprendre à partir du contexte la référence à Mgr Bonomelli, évêque de Crémone (34). Indépendamment du complot, on peut certainement dire que “les clérico-libéraux se trouvèrent du côté des forces de répression, contre les associations catholiques et contre les ouvriers, servant de cible au feu des fusils et des canons de Bava Beccaris. Ce fut alors vraiment un spectacle lamentable que celui offert par des catholiques transigeants qui s’élevèrent contre les intransigeants et qui applaudirent aux dispositions des commissaires royaux, qui dissolvaient les comités paroissiaux et supprimaient les journaux qui se disaient favorables au Pape. Si on n’a pas pu dire, par la suite, que les catholiques furent en 1898 l’‘arrière-garde’ des pires forces de la bourgeoisie italienne, si on n’a pas pu dire qu’ils avaient apporté leur soutien à Bava Beccaris et à Heusch, cela fut seulement grâce aux chaînes qui furent mises par des gendarmes aux poignets de l’abbé Davide Albertario. Les intransigeants de gauche et de droite, quelles qu’aient été leurs erreurs, avaient de fait évité (…) que les ouvriers, les paysans puissent voir le monde catholique associé à la défense d’un ordre enfermé dans ses privilèges de classe, peureux de s’ouvrir aux forces qui étaient restées extérieures au mouvement de formation de l’état libéral” (35). Après avoir arrêté son journal, l’abbé Albertario continua à envoyer des épreuves d’articles à son ami Giuseppe Sacchetti à Florence, pour qu’il les publiât dans son journal l’Unità cattolica qui pouvait encore paraître (jusqu’au 24 mai, date de sa fermeture préfectorale). À Sacchetti, don Davide, donnant libre cours à son amertume, écrivait dans ses notes confidentielles : “on a voulu immoler une victime exquise qui servirait à atténuer les colères des républicains radicaux visés, ou des modérés radicaux, lesquels exigent des victimes catholiques”. Et encore : “tu dois savoir que le commandement militaire ne trouva pas de fautes dans L’Osservatore, mais le général Revel a voulu mon sacrifice pour être agréable à son ami G. Bonomelli, et le général Revel engagea aussi des influences de cour pour obtenir mon sacrifice. Ceci doit être dit avec beaucoup de prudence, mais avec clarté. En somme, cher Sacchetti, tu dois faire un article calme, large, noble, tel qu’il puisse me servir de défense. Prends les points que j’ai notés et écris comme tu sais écrire. Adieu, c’est déjà la nuit. Je dois fuir de Milan. Je pars en pleurant, laissant en larmes ma vieille tante et ma sœur” (36). Après avoir arrêté L’Osservatore, il fallait penser à son directeur ; des amis conseillaient à don Davide de se réfugier en Suisse, mais lui, après avoir considéré la chose devant Dieu, se décida au contraire à se rendre, de manière publique, à la maison paternelle à Filighera. Le journal reçut la lettre de suppression du commissaire avec le prétexte que L’Osservatore falsifiait les faits et excitait l’opinion publique. Le 10 mai, après avoir écrit une lettre au général Bava Beccaris pour l’informer qu’il s’absentait de la ville, mais qu’il était prêt à rendre compte de chacun de ses actes et ne voulait pas être confondu avec les émeutiers, l’abbé Albertario prit ouvertement le train à la gare centrale, sous les yeux des policiers qui le filaient, et c’est en passant par Pavie qu’il rejoignit la maison paternelle à Filighera. Don Davide visita le curé, l’abbé Luigi Greco, qui lui confia tout de suite la prédication du mois de Marie. Quelques jours passèrent ainsi dans la paix de la campagne où de loin parvenaient les échos des affaires de la métropole et de la nation. Il eut connaissance par les journaux du canonnage du couvent des Capucins à la porte de Monforte et de la suppression du comité diocésain de Milan. Entre une occupation et l’autre son arrestation s’approchait, les gendarmes de Belgioioso le surveillaient. Le soir du 23, il dit à ses proches : “Bon, préparons-nous pour Le général BavaBeccaris, responsable de la répression des émeutes de Milan qui firent environ quatrevingts morts 26 cette nuit ou demain”. L’arrestation eut lieu dans l’après-midi du 24 mai vers 15 heures. Une patrouille de carabiniers se présenta à la porte ; un lieutenant, avec beaucoup de politesse, demanda le prêtre Davide Albertario et, le tirant à l’écart, lui notifia le télégramme de Bava Beccaris avec l’ordre de l’arrêter. L’au-revoir à son frère Mosé fut très pénible, le pressentiment qu’ils ne se verraient plus leur était commun ; en effet, Mosé Albertario mourut trois mois après, foudroyé par la douleur. Dans la voiture fermée, escorté par les gendarmes, il passa sur la place entre deux rangées de peuple consterné et muet ; devant l’église, don Davide se recommanda à la Providence. Les menottes lui furent mises en gare de Belgioioso. Les paroles par lesquelles don Davide décrit ce triste moment sont émouvantes : “il n’est pas possible de rapporter quels furent mes sentiments à ce moment… quand le gendarme me présenta cet engin fait pour les méchants et me fit comprendre que je devais me résigner à introduire les mains dans les cercles qui avaient contenu les poignets d’assassins, de voleurs, d’ignobles, je me sentis si gravement offensé dans ma dignité, dans mon innocence, dans tous mes droits d’homme, de citoyen, de prêtre, dans ma liberté, que seule une haute pensée invoquée depuis plusieurs jours me sauva de la réaction vaine et de la prostration. Les menottes, plus encore que la prison, sont l’ignominie” (37). À Pavie, l’évêque se trouva en gare et vit son prêtre, menotté comme un malfaiteur, partir pour Milan. Une fois qu’il fut arrivé en ville, en évitant la foule des curieux amassés sous les auvents, les carabiniers conduisirent l’abbé Albertario à la prison de S. Vittore, où lui fut assignée la cellule n° 41. Il était 17 heures, le 24 mai 1898. « “Je suis entre vos mains, ô Seigneur” – s’écria don Davide – levant les bras et les yeux vers la fente étroite de la fenêtre, où l’on apercevait un petit morceau de ciel. Ce fut un moment de calme solennel. Je rassemblai toute mon énergie, me fis l’exacte idée de mon état, offris à Dieu tout ce qui m’appartient et me proposai de profiter du mieux possible du malheur inévitable » (38). Le jour même était supprimé le journal L’Unità Cattolica, et le 27, le marquis di Rudinì donnait l’ordre aux préfets de dissoudre toutes les Associations catholiques dépendant de l’Œuvre des Congrès, comme “asso- ciations subversives pour l’État”. Au total, 4 comités régionaux furent abolis ; 70 comités diocésains ; 2 500 comités paroissiaux (sur 4 044) ; 600 sections de jeunesse (sur 708) ; 5 cercles universitaires (sur 16) ; 20 cercles de jeunesse catholique (sur 28) ; 3 000 associations de différentes catégories (sur 3 170 qui adhéraient à l’Œuvre des Congrès). Celles qui restèrent sur pied durent leur salut au fait d’être inconnues de l’état. Le gouvernement connaissait si peu l’Œuvre qu’il en laissa exister le centre directeur. • Le procès des journalistes. Plusieurs journalistes et personnages qui formaient une compagnie hétérogène avaient été arrêtés avec l’abbé Albertario : Carlo Romussi, directeur de Il Secolo ; Gustavo Chiesi et Paolo Valera, directeur et écrivain de L’Italia del Popolo ; De Andreis, conseiller municipal républicain ; l’avocat Bortolo Federici (républicain), ancien directeur de la Sera, Ulisse Cermenati, républicain de L’Italia del Popolo et Arnaldo Senici, administrateur du même journal ; le professeur Gilardi du Secolo, les socialistes, le député Turati et sa compagne russe Anna Kuliscioff (tous deux journalistes de l’Avanti !) ; Leonida Bissolati, directeur du journal socialiste Avanti ! ; les anarchistes Alfredo Gabrielli et Domenico Baldini et d’autres encore, pour un total de 680 co-prévenus. Le procès eut lieu du 16 au 22 juin au château Sforzesco, et tous les prévenus de ce qui fut appelé le “procès des journalistes” (en réalité sur 24 accusés les journalistes étaient une minorité) furent déférés au tribunal de guerre ; les juges étaient donc tous des militaires. Don Davide fut mis dans la pièce n° 10 avec une lucarne donnant sur le toit : de là entraient l’air, le vent et la pluie, et pendant les orages sa cellule était inondée. L’acte d’accusation reprenait les informations du commissaire affirmant qu’il y avait eu un complot révolutionnaire au moyen de “fréquentes réunions, meetings et conférences publiques et privées tenues par les plus influents, intelligents, actifs et énergiques chefs des partis révolutionnaires résidents ou participants, et au moyen des journaux locaux, par exemple La lotta di classe, Popolo sovrano, L’Italia del popolo, Il Secolo, La critica sociale, et pour d’autres buts spéciaux, L’Osservatore Cattolico”. Albertario et son quotidien avaient une accusation “spéciale” qui 27 le concernait directement : “un autre accusé est l’abbé Davide Albertario, directeur de L’Osservatore Cattolico, organe de ce parti clérical intransigeant qui s’oppose aux institutions et à l’unité de la patrie, de caractère belliqueux et violent, qui soutint des luttes très vives avec la partie du clergé qui s’inspirait des principes modérément libéraux”. L’abbé Albertario était encore accusé d’être en compétition “avec le parti républicain et socialiste pour combattre la monarchie et susciter la haine des classes”, d’être donc responsable de l’insurrection milanaise, et d’avoir incité “à commettre des faits, destinés à changer violemment la constitution de l’État, la forme de gouvernement, et à faire prendre les armes aux habitants du royaume contre les pouvoirs de l’État” (39). Dans ces conditions, il était clair que le procès serait un coup monté par la police dont l’issue était déjà écrite… Parmi les témoins qui firent les éloges d’Albertario, il y eut Mgr Mantegazza, évêque de Famagouste et auxiliaire de Milan, et le professeur sociologue Giuseppe Toniolo, arrivé exprès de l’Université de Pise, qui essaya de faire comprendre la différence entre la doctrine catholique et le socialisme et conclut : « “que l’on peut être démocraL’arrestation de l’abbé Albertario : le prêtre menotté entre deux carabiniers tes sans être socialistes et même en étant le plus solide frein contre le socialisme et contre tous les partis révolutionnaires” – En somme vous le considérez socialiste ? – dit le président de la cour. – Non, Monsieur le Président ; j’ai seulement dit le contraire. – Malgré cela le procureur dit dans le réquisitoire : “Tous les journalistes appelés ici à votre jugement avaient un but criminel commun : les autres doivent être condamnés, mais que le prêtre rebelle soit aussi condamné !” et arrivé à Albertario, il demanda le maximum de la peine, c’est-à-dire cinq ans de détention (…). La parole ayant été donnée à l’accusé, celui-ci dit simplement : “Je n’ai que deux mots à dire : aucun témoin n’est venu déposer contre moi ; seul le commissaire de police a soutenu comme thèse générale que je tendais à des idées catholiques intransigeantes sur des bases socialistes et c’est comme catholique intransigeant que le procureur a demandé contre moi la sentence. Ces paroles me donnent l’occasion de déclarer au tribunal que je ne suis aucunement souillé par le socialisme et que si je suis catholique intransigeant, je le suis parce que c’est mon devoir et mon sentiment, et je le dis avec satisfaction ; ce devoir, je l’accomplirai avec la grâce de Dieu jusqu’à la mort”. Le matin du 23 juin, le président lut la sentence, qui excluait le complot, et qui renvoyait acquittés cinq accusés et condamnait tous les autres à différentes peines. Pour Albertario, étant donné que – “les articles du journal dirigé par lui rivalisaient avec les autres par la violence, de manière à attaquer avec une subtile ironie la monarchie et les institutions, semant la haine des classes entre paysans et patrons et entre les autres classes sociales et détournant une bonne partie du clergé de cette œuvre de pacification qu’il était destiné à accomplir pour sa mission, constituant ainsi une impulsion à la révolte y compris avec des articles violents, quand celle-ci avait déjà éclaté” – le tribunal le condamnait à trois ans de détention et mille lires d’amende » (40). C’était la victoire des conservateurs libéraux, des modérés et clérico-libéraux sur les intransigeants. On arriva donc à l’absurdité d’un tribunal militaire incompétent, d’un gouvernement anticlérical et maçonnique, qui prétendit condamner et de fait condamna, un prêtre catholique à cause de 28 Le procès des journalistes ses idées intransigeantes. En réalité, à la rigueur, il se serait agi d’un jugement qui aurait dû être de la compétence d’un légitime tribunal ecclésiastique. Sunt lacrimæ rerum. Les conséquences des émeutes de 1898 Les révoltes de 1898 marquèrent certainement un tournant dans l’histoire du Royaume d’Italie et du mouvement catholique. Les libéraux qui avaient gouverné le pays jusqu’à ce moment se rendirent compte qu’ils auraient dû nécessairement se confronter à la majorité de la population qui s’orientait toujours plus vers les catholiques et les socialistes, justement ces forces “subversives à l’état” qui avaient subi la violente répression gouvernementale. “Le socialisme, après la condamnation excessive et intempestive, fruit évident d’une réaction aveugle, acquit l’auréole de martyre, une réclame inattendue et une sympathie générale des masses prolétariennes” (41). Les catholiques, de leur côté, se rendirent compte qu’il aurait été nécessaire de passer outre le non expedit puisque face à l’avancée du socialisme les catholiques auraient dû faire peser leur force électorale. Ceci explique mieux l’évolution (ou l’involution…!) du mouvement catholique et de L’Osservatore Cattolico (dirigé désormais par Filippo Meda) sur des positions plus démocrates-chrétiennes ; ce processus évolutif conduira saint Pie X à dissoudre l’Œuvre des Congrès en 1905. On dirait presque qu’avec ces “événements de 1898 (…) l’époque du catholicisme intransigeant se termine puisque la question Romaine et le conflit qui s’ensuivit entre l’état libéral et l’Église deviennent moins pressants à l’égard de l’avancée du mouvement socialiste dans la société italienne et à l’essor du courant démocrate-chrétien à l’intérieur de l’Œuvre” (42). L’intérêt, et le conflit entre modérés et intransigeants, à l’intérieur du mouvement catholique, se place sur un plan doctrinal et religieux, donnant lieu aux courants intégriste et moderniste (ce dernier est une véritable hérésie condamnée par saint Pie X en 1907). Il est certain que les catholiques, contrairement aux socialistes, ne surent pas tirer profit du malheur qui frappait l’action catholique avec Albertario. Don Davide restera parmi les quelques-uns qui continuèrent à combattre pour la bonne cause dans les années suivant la tempête de 1898, et il le fit également depuis la prison. « La condamnation d’Albertario, encore plus inique et inutile, secoua profondément le monde catholique qui avait suivi avec passion le procès, y compris à l’étranger. Eugène Tavernier, dans l’article de fond du 24 juin, interprétait très bien le sentiment commun de la catholicité en écrivant : “À peine le tribunal militaire de Milan a-t-il rendu sa sentence que les hommes politiques qui l’ont provoquée la trouvent déplorable. À Rome dans les milieux officiels, on redoute les conséquences d’une telle injustice et d’une maladresse. Après l’effarement produit par l’émeute vient l’effarement causé par une répression qui dévoile la faiblesse d’un régime aux abois” » (41). Le détenu 2557 : la prison à Finalborgo Les journalistes, après avoir été condamnés, furent transférés au cours d’un pénible voyage dans un wagon cellulaire, à Finalborgo (l’actuelle Finale Ligure dans la province d’Imperia) la nuit du 24 au 25 juin. Descendus du train à la gare de Finale Marina, ils durent faire à pied et menottés le chemin poussiéreux pour la prison (un ancien couvent dominicain dont l’Église fut dépossédée après 1870 et qui fut confisqué par l’État pour le transformer en prison…) (43). Paolo Valera décrit (44) ainsi l’état du pauvre prêtre : “don Davide dans un autre lieu aurait fait éclater de rire. Avec le bord du tricorne pelucheux abandonné par ses lacets… avec le gilet aux boutons écorchés plein de taches blanches, avec la soutane couverte de poussière et les chaussures éculées et couvertes d’une couche blanche, il faisait pitié. Sur son visage se lisaient toutes les souffrances d’un supplice inénarrable”. 29 Initialement lui fut assignée la cellule n° 5 d’à peine 1,75 mètre de haut, moins que sa taille, et de 1,40 de large dans un étroit corridor ; il y resta trois jours sans manger ni réussir à dormir. Albertario définit ces cellules des “tanières infâmes indignes des porcs” et dit que “la puanteur, vraiment pestilentielle, est la caractéristique de la prison de Finalborgo” (45). Il fut ensuite transféré dans une grande pièce destinée à lui, à Chiesi, à Federici, à Valera, à Lazzari et à Giglione. Les condamnés avaient fait recours en cassation, recours qui fut naturellement rejeté. Ce refus rendit ainsi définitive la condamnation et enleva les facilités qu’ils avaient jusqu’alors, ce qui advint début septembre. Le 6 septembre, les journalistes furent donc habillés en forçats et immatriculés. Avec une profonde douleur, l’abbé Albertario dut quitter son bien-aimé habit sacerdotal. « Le numéro de matricule avait grossi le cœur de mes compagnons. Romussi s’était assis sur son siège de bois avec le drap sur les bras et la serviette entre les mains, disant “je suis une loque !” Don Davide, de tempérament très sensible qui se laisse émouvoir, ou transporter, ou abattre par les événements, aurait pleuré si nous n’avions pas été présents. Il lui semblait impossible, comme il disait lui-même, qu’un prêtre, qui portait la soutane depuis trente-six ans, cette soutane, il ajoutait “qu’elle fut ma compagne et mon amie dans les temps heureux et tristes”, ait pu devenir le 2557, avec la gamelle immatriculée, avec la couchette dans une chambrée » (46). Écrivant à sa sœur Teresa, don Davide commentait : “ils m’ont enlevé le collet, la soutane, le gilet, les pantalons, les bas noirs, le chapeau, la chemise et m’ont revêtu d’un habit de chanvre rayé, sans gilet et sans poches dans les pantalons et dans la blouse ; la chemise est aussi de chanvre à rayures blanc et bleu. Sur la blouse, du côté gauche en correspondance du cœur, ils m’ont cousu une plaquette verte avec en jaune le numéro 2557 ; désormais, je ne suis donc plus le prêtre Davide Albertario, mais le numéro 2557, le rejet de la société. Ils m’ont donné des chaussures bizarres de peau de rhinocéros de la couleur de l’herbe sèche. Le coiffeur, qui est un condamné à vie, m’a coupé les cheveux et mon crâne est rasé” (47). En septembre sa sœur Teresa lui apprenait la mort de son cher frère Mosè consumé de douleur. Le directeur de la prison, Reboamo Codegò, était un bureaucrate autoritaire et mesquin qui prenait plaisir à faire refaire aux journalistes de la chambrée n° 5 les lettres qu’ils écrivaient, prétendant qu’ils “manquaient de style”, et censurait volontiers les lettres de don Davide. « Une autre fois, il lui fit même comprendre de manière grossière qu’il n’était plus qu’un numéro de matricule. Mais Albertario avait explosé : “donc, ils me considèrent et entendent me traiter comme un vrai délinquant ? Soit ! Alors, je vous prie de me donner du papier pour écrire au ministre Pelloux qu’il me fasse fusiller ! Là-bas, on ne connaît pas ce qu’est la dignité et moi je lui ferai apprendre !” (Valera) » (48). Les condamnés qui dans la vie étaient des adversaires trouvèrent réconfort dans la communion d’infortune, et essayaient de faire du bien aux forçats qui étaient préposés à leurs services. Le blanchisseur qui était un assassin avait une dilection pour don Davide. Le prêtre dans la blouse de prisonnier lui faisait saigner l’âme. “Il ne lui semblait pas juste qu’un homme de Talent, comme il disait, fût en prison pour avoir du talent”. Célèbre fut l’épisode de Noël quand les détenus de la chambrée n° 5 reçurent, comme il arrivait toujours, des cadeaux parmi lesquels plusieurs panettoni, alors que plusieurs prisonniers à perpétuité ne recevaient rien parce qu’ils étaient souvent oubliés même de leurs parents, et décidèrent de les distribuer aux autres condamnés. Don Davide fut chargé de le faire. Ce fut une scène émouvante puisque pour ces condamnés c’était peut-être la première fois que quelqu’un, en ce jour de joie, mais si triste en prison, leur adressait des paroles fraternelles montrant qu’il les comprenait et les plaignait vraiment puisqu’il partageait le même sort. “Au nom des compagnons de la cinquième chambrée – leur dit don Davide – je vous adresse le salut en ce jour de paix ; comme prêtre, je vous souhaite la bénédiction de Jésus-Christ afin qu’il console votre cœur ; acceptez ce signe des sentiments de notre cœur désireux de votre bien – et il commença tout de suite la distribution. Les visages durs des forçats s’affinaient. De leurs yeux coulaient les larmes. Don Davide pleurait et nous, qui voyions tout derrière notre grille, étions profondément attendris. On restait bouche 30 bée face à l’émotion de plusieurs forçats qui avaient assassiné des hommes, massacré les femmes, coupé en quatre les patrons et détruit les familles à coup de couteau. Don Davide me prit par le bras et me dit : vous avez vu qu’ils pleuraient ? Face au prêtre vêtu en assassin comme eux, coupable seulement d’avoir professé sa foi avec grande sincérité et ferveur, ils ont eu les larmes aux yeux. Ils ne sont donc pas complètement perdus. Croyez-moi, l’homme qui a encore la rosée du cœur est encore un être rachetable. On aurait dit des agneaux. Pourquoi n’y aurait-il pas manière de rendre durables dans l’âme de ces malheureux ces nobles sentiments et de les ramener dans le bon chemin ? – Je vous le jure sur mon âme : je n’oublierai jamais ce moment de Noël en prison. Ils m’ont attendri comme un enfant (Valera)” (49). Dans sa prison, don Davide était réconforté par les lettres qu’il recevait de chez lui et de ses amis, de ses plus étroits collaborateurs ; il partageait les affections et les émotions de tous et répondait en invitant à la patience et à la résignation soumise à la volonté de Dieu, en attente de la justice. Ce sont environ trois mille lettres qu’il écrivit de la prison : elles constituent une correspondance très intéressante (50). Valera, son compagnon de cellule, en l’observant écrire disait “son style est moelleux, sa prose chaude, sa plume souple, sa phrase limpide comme le cristal. (…) L’injustice lui chauffe l’encrier. Avec ou sans colère, il n’est jamais vulgaire. Son intelligence polyédrique fait penser à l’abbé Margotti” (51). Grâce à l’appui de certains prêtres amis et évêques qui écrivirent au Roi pour lui faire part de l’affaire de l’abbé Albertario, il réussit à obtenir, après avoir écrit une pétition le 26 août au premier ministre Pelloux, de pouvoir célébrer la sainte Messe dans la chapelle de la prison et de revêtir la soutane uniquement pour le culte. Comme toujours, les paroles qu’il écrivit à cette occasion sont émouvantes : “le 8 septembre, la Nativité de la très Sainte Vierge, m’apparut si belle et joyeuse qu’elle me fit oublier un instant les tristesses de la prison. En ce jour, je remontai à l’autel après cent sept jours d’éloignement. Ce serait ostentation inopportune si je me mettais à raconter ce que j’ai éprouvé en ce jour béni. Je me sentis un homme rené, ressuscité, rendu à la L’abbé Albertario en prison au château Sforzesco à Milan vie ; rempli d’une joie très vive ; libéré de l’oppression et de l’obscurité de la tombe. J’entrai dans la petite chapelle presque comme dans une cathédrale somptueuse… que je puisse, moi, jusqu’au dernier moment, le manipule des larmes et de douleur au bras et sur la poitrine l’étole croisée, signe de gloire et gage d’immortalité, m’avancer à l’autel de Dieu et y célébrer le Saint Sacrifice” (52). En septembre toujours, la Cassation confirma le jugement du tribunal de Milan, le rendant définitif, mais cela ne fit pas bonne impression sur le pays. Le calme était revenu et l’ordre avait été rétabli et cela faisait apparaître la répression toujours plus disproportionnée ; les condamnations des journalistes et la suppression de l’Œuvre des Congrès paraissaient injustes à la plupart des gens. De tout le pays des voix et des suppliques s’élevaient pour la libération des prisonniers et d’Albertario en particulier, invoquant une “justice prompte, réparatrice, pacificatrice”. Sa sœur Teresa se donnait beaucoup de peine pour la libération de son frère, écrivant au Ministre de l’Intérieur et au Roi. Du Quirinal (l’antique demeure du Pape avait été usurpée par le gouvernement unitaire…) on lui répondit que la grâce pour don Davide “revêt un caractère politique d’une telle importance qu’elle ne peut être traitée qu’au conseil des Ministres, et que même le Roi ne pouvait correctement prendre à cet égard aucune initiative”. Le Pape Léon XIII écrivit une lettre au clergé et aux évêques italiens dans laquelle il reprochait au gouvernement d’avoir fermé les yeux par préjugé sectaire et d’avoir fait la guerre contre la religion ; à propos de l’Œuvre des Congrès il disait que : “les vrais ennemis de l’Italie il faut les rechercher ailleurs”. Dans la procédure qui avait conduit à la condamnation des journalistes, se trouva aussi une erreur judi- 31 ciaire (considéré coupable de crime selon l’art. 247 du code, il avait été condamné selon l’art. 246) ; ce fait fut dénoncé par deux députés qui demandèrent donc au ministre de la justice la grâce pour Albertario. Cette grâce ne put être accordée puisque l’accusé ne l’avait pas demandée, et ne voulait pas la demander ; en effet, l’abbé Albertario voulait justice et non grâce ! D’autres députés proposèrent la candidature d’Albertario dans des collèges devenus vacants (s’il avait été élu député, il serait sorti de prison), mais le non expedit étant en vigueur, don Davide ne put accepter la candidature et les catholiques ne pouvaient pas non plus l’accepter. Certes, le mouvement en faveur de l’amnistie faisait toujours plus de bruit et s’étendait dans toutes les villes. Des centaines de milliers de cartes avec les noms, les portraits et les numéros de matricule des condamnés furent imprimées et distribuées. De toute l’Italie, des pétitions furent adressées au Roi pour la libération d’Albertario. Don Davide commença à recevoir aussi de très nombreuses visites dans sa prison : parents, amis, prélats, prêtres, religieux, les évêques d’Albenga, Savone et d’Acqui se rendirent chez lui. Ces entretiens inquiétaient le directeur de la prison qui essayait de toutes les façons de les empêcher, ils se passaient toujours en présence d’un gardien qui écoutait et surveillait. Les objets offerts étaient la plupart du temps confisqués ou renvoyés. La libération Le mouvement en faveur de l’amnistie avait pris une importance qui ne pouvait plus s’arrêter ; en mai 1899 fut annoncée une remise de peine qui réduisait de deux ans les peines infligées et faisait présager la prochaine libération de l’abbé Albertario. Finalement, la date de la libération fut annoncée pour le 24 mai 1899. Effectivement, ce matin-là, don Davide reprit avec joie sa soutane, et sortit à 5 heures de la prison de Finalborgo ; dehors, l’attendaient le jeune Paolo Arcari de la rédaction de L’Osservatore, son neveu Paolo Pecora, l’archiprêtre de Filighera et quelques autres amis, ainsi qu’un délégué de la police qui l’accompagnait. Des soldats étaient disposés le long des chemins pour réprimer d’éventuelles démonstrations de la part de la population. Nombreuses furent les personnes qui accoururent pour le saluer ; à la gare, lui furent remises soixante-quinze lettres et cent vingt télégrammes de félicitation venant d’arriver. De la gare, don Davide télégraphia au Pape : “sorti de la prison, présente mes hommages, invoque bénédiction”. Dans chaque gare où passait le train, l’abbé Albertario recevait un accueil affectueux, et arrivant à Milan vers midi, il se rendit aussitôt à l’archevêché où il fut reçu par le cardinal Ferrari et son auxiliaire, Mgr Mantegazza. Après être passé à la police, à 13 heures, il arriva chez lui, rue Bramante, où l’attendaient ses parents, sa sœur Teresa qui s’était tant dépensée pour sa libération, ses autres sœurs, ses beaux-frères et ses neveux. Le retour de l’abbé Albertario à la liberté et à son journal fut salué avec joie dans toute l’Italie ; pendant plusieurs mois, il dut aller d’un endroit à l’autre pour satisfaire ses amis et admirateurs qui voulaient l’embrasser et entendre ses récits. Tout le monde catholique saluait en lui le confesseur de l’action catholique, le martyr du journalisme, et sa popularité s’accrut davantage encore. Le Pape Léon fit savoir, par l’intermédiaire de l’évêque de Savone, « mon conseil : “que don Davide se rende directement dans sa famille. Tout le monde le louera pour cet acte, parce que sa famille en a le droit, puisque c’est elle qui a le plus souffert. Après un mois qu’il vienne à Rome, et là nous le recevrons et lui dirons ce qu’il doit faire”. Le 26, don Davide recevait la lettre suivante du cardinal Rampolla : “J’ai fait savoir au Saint Père les sentiments dévoués que vous avez exprimés tout juste sorti de la prison de Finalborgo ; et sa Sainteté les a accueillis avec une particulière approbation. Sa Sainteté Elle-même vous verra volontiers quand vous viendrez à Rome, et en attendant vous encourage en vous accordant de tout cœur la bénédiction apostolique” » (53). L’abbé Albertario fut ensuite reçu par le Pontife, en privé, le 13 juin 1899. Il en fit lui-même le récit à sa sœur Teresa : “ayant baisé le pied sacré et la main, (le Pape) me fit asseoir à sa droite et commença à me parler avec affection et douceur ; on aurait dit que soufflait autour de moi une brise divine doucement animée par l’harmonie des anges. Comment pourrais-je te décrire ces moments que Dieu accorde à l’homme pour le réconcilier avec l’existence qui lui À Noël, l’abbé Albertario distribua le panettone aux autres détenus est devenue amère, et pour l’encourager en vue de nouvelles difficultés. Léon XIII fit la comparaison entre la prison et la prison du Vatican, puis se réjouit que je sois revenu à la liberté ; il déclara donc la raison pour laquelle il m’avait appelé auprès de lui, c’està-dire : pour que j’en tire encouragement dans mon travail ; pour que dans ce que j’ai enduré, je puisse avoir la compensation de l’approbation solennelle et de l’amoureuse bienveillance du Vicaire du Christ ; pour que soit connu de tous que le Pape fait l’éloge de l’œuvre de justice et de religion à laquelle je me suis donné en combattant pour la vérité et en défendant le droit et en promouvant le bien de la société et de la patrie, et qu’il fait l’éloge de cette œuvre non seulement en elle-même, mais parce qu’elle m’a procuré les souffrances connues de tous. (…) À ce moment, il me fortifia par sa parole dans le propos de continuer dans l’apostolat du journalisme catholique, dont il souligna la nécessité et la valeur” (54). À Rome, comme dans le reste de l’Italie, don Davide reçut des accueils chaleureux un peu partout, dans les séminaires, dans les collèges, à La Civiltà Cattolica, il reçut des dons et des distinctions des personnes de tout rang et des organisations catholiques. Les dernières années Revenir à L’Osservatore et au ministère sacerdotal fut une grande joie pour l’abbé Albertario. Il revint s’occuper de l’Action Catholique qui était divisée entre les poussées scissionistes des “jeunes démocrates chrétiens” qui suivaient l’abbé Romolo Murri (55) et la direction de l’Œuvre, les “vieux” aussi appelés “vénètes”, dirigés par Paganuzzi, accusée d’immobilisme excessif et d’incompréhension des nouvelles questions politiques et sociales. L’abbé Albertario était initialement favorable aux “jeunes” sur les- quels il avait beaucoup d’influence, mais travaillait constamment à l’union des forces catholiques, à la coordination des énergies à l’intérieur de l’Œuvre pour contrecarrer les ennemis de l’Église. La note dominante était toujours la papauté avec la vieille – et toujours nouvelle – formule : “Avec le Pape et pour le Pape”. Plusieurs rédacteurs de L’Osservatore de ces années (Vercesi, Molteni, Arcari et Meda qui appartenaient à ce courant politique qui aspirait à la suppression du non expedit) étaient actifs dans l’OdC milanais et par la suite dans le mouvement démocrate chrétien ; don Davide participait pratiquement à chaque initiative importante de l’Action Catholique de Milan (56). Albertario “ne voulait pas de divisions ou de schismes, mais désirait des idées claires, nettes, des positions précises, pas de confusions, pas d’adaptations, pas de renonciations à ce qu’étaient les principes. Sa parole avait un poids qui n’était pas indifférent : c’était la parole reconnue d’un journaliste de valeur et d’un prêtre qui s’était dépensé dans sa vie pour l’affirmation du principe papal et l’avait contresignée aussi avec la prison. C’est pourquoi Albertario réunissait autour de lui, autour de la glorieuse et en lambeaux – mais inchangée – bannière de son journal, les nouvelles troupes de combattants, pour les exercer aux saintes batailles, pour leur indiquer la voie juste dans laquelle s’engager pour arriver à la victoire” (57). 1900 fut une année Sainte et l’abbé Albertario tint de nombreuses conférences et prédications à cette occasion. Il se rendit à Rome pour gagner les saintes Indulgences, et fut encore une fois reçu avec grande affabilité par le Pape qui, le 12 mai, lui fit remettre un bref d’approbation et d’encouragement pour L’Osservatore. Si l’esprit de l’abbé Albertario était fort, le corps était diminué, la réclusion avait profondément miné sa santé et démoli la constitution de l’homme vigoureux et robuste qu’il était. Plus que les souffrances physiques, ce sont les souffrances morales qui l’avaient atteint. Après être sorti de prison, il souffrait désormais de manière chronique de l’estomac ; les médecins lui avaient prescrit des traitements qu’il n’arrivait pas à suivre, plongé qu’il était dans le travail de journalisme et dans le ministère sacerdotal. En outre, la douleur de la mort de sa sœur Cecilia survenue le 16 juillet 1901 s’ajoutait au reste. La publication des deux volumes “Un anno di 33 carcere” (58) avait mis de mauvaise humeur les sphères gouvernementales et les journaux libéraux ( Il Corriere della Sera en tête) l’avaient attaqués. En septembre 1901, il se rendit à Lourdes pour satisfaire un désir depuis longtemps caressé et pour demander, si c’était la volonté de Dieu, sa guérison. Il trouva l’endroit « “très cher, extraordinaire, indescriptible” ; il écrivit de longues correspondances à son journal, palpitantes d’enthousiasme et d’amour à la Vierge. Devant la grotte miraculeuse, il donna libre cours à ses larmes et épancha dans la prière toutes ses peines et ses douleurs et se releva complètement réconforté, prêt à incliner la tête face à la mort, non plus dans la bataille, mais dans l’avilissante médiocrité de la maladie » (59). Rentré chez lui, on lui diagnostiqua une gastro-entérite aiguë qui lui ôtait les forces et le contraignait à de longues et pénibles inactions. Les médecins lui avaient conseillé du repos et des cures thermales. À son grand regret, il se retira de L’Osservatore , après l’avoir confié à Meda, et il commença à fréquenter les établissements thermaux. Pendant plusieurs mois se succédèrent des améliorations alternant avec des aggravations ; dès qu’il lui semblait que la santé s’améliorait, il reprenait le travail interrompu. Il partageait son temps, comme il pouvait, entre les thermes et Filighera avec quelques passages à la rédaction à Milan. Avec l’arrivée de l’été (1902), l’air de la montagne lui fut conseillé et ainsi, à partir de la mi-août, il alla habiter à Carenno, au pied du mont Resegone près de Lecco. Au début, l’air, les promenades semblèrent lui apporter une amélioration, mais ensuite le mal progressa en se manifestant par un amaigrissement progressif et une pâ- Don Davide détenu n° 2557. “Je te laissai mon habit, et j’apparus avec les vêtements qui habillent le parricide et le voleur” leur cadavérique. Après le 15 septembre, la maladie empira, parents et amis priaient et faisaient prier. Il était désormais sans forces et épuisé et ne put plus quitter le lit. Les rédacteurs du journal allaient le voir et publiaient ses nouvelles sur L’Osservatore. Don Davide se confessa au coadjuteur de Carenno, reçut le viatique du curé, l’abbé Giacomo Ongaro, et ensuite l’extrême-onction : aux dernières paroles des prières sacramentelles l’abbé Davide Albertario expira. C’était le 21 septembre 1902 ; l’athlète du journalisme catholique âgé de 56 ans était allé recevoir la récompense de ses innombrables batailles. La nouvelle de sa mort se répandit rapidement dans toute l’Italie, les journaux publièrent de très longues nécrologies, L’Osservatore Cattolico publia un supplément qui se vendit en un clin d’œil. Le deuil s’étendit à toute l’Italie catholique ; des milliers de télégrammes plurent à Milan en provenance de toutes les associations de la péninsule. Les funérailles se déroulèrent d’abord le 24 septembre à Carenno et ensuite, très solennelles, le 25 à Milan. À Milan, toutes les associations catholiques de Lombardie et d’Italie étaient représentées, on comptait plus de 200 prêtres et clercs, un concours de peuple incroyable se pressait le long des rues où passa le cortège funèbre. La messe solennelle de Requiem fut chantée dans la basilique S. Ambrogio, l’éloge funèbre fut prononcé par le curé de S. Francesca Romana, il s’agit d’une des funérailles les plus solennelles dont Milan se souvienne. L’abbé Albertario fut enterré au cimetière monumental dans ce qu’on appelle le “famedio” (60) ; aujourd’hui, sa dépouille repose au cimetière de sa ville natale, Filighera, dans la province de Pavie (où elle a été transférée dans les années 70). Les dernières volontés de l’abbé Albertario concernant son bien aimé journal étaient exprimées dans une lettre écrite quelques mois avant à Meda : “Je vous recommande L’Osservatore Cattolico ; conservez-le avec son esprit catholique, apostolique, romain, papal : tenez haute sa bannière avec le Pape et pour le Pape ; que chaque numéro respire l’amour de Dieu, de la patrie, des malheureux ; que ne lui soit étrangère aucune chose belle et bonne ; qu’il soit généreux et aimable avec tous, qu’il combatte les sectaires de tout nom et de toute couleur ; qu’il utilise des traits fa- La rencontre de l’abbé Albertario avec ses familiers après sa libération miliers avec les catholiques qui pendant tant d’années l’ont considéré comme ami. Il fut ma vie, mon intelligence, mon cœur, ma joie, ma douleur. Maintenant que je suis mort, je sais aussi – comme j’en avais la foi vive qui me soutint auparavant – qu’il est mon mérite. Répétez que j’ai beaucoup combattu, je n’ai haï personne” (61). Ainsi s’acheva l’expérience terrestre de l’abbé Davide Albertario qui “utilisait la plume comme une épée”. Ce que nous devons retenir de son enseignement ? On peut partager ce qu’écrivit Mgr Pecora, son neveu et biographe que nous avons déjà cité de nombreuses fois. À nous catholiques reste – outre l’exemple d’une existence toute dédiée à la cause de Dieu, à une époque difficile et dans un domaine rempli de ronces et d’épines – l’enseignement de l’attachement inébranlable au Pape. En regardant vers Rome, Albertario n’erra jamais face aux questions qui se sont manifestées de plus en plus : le libéralisme et le clérico-libéralisme, le rosminianisme, la question politique et sociale, la question romaine. Avoir été avec Pierre, non seulement lui a assuré la victoire, mais l’a rendu méritant de la solution des problèmes qui étaient contenus dans ces graves et embrouillées questions” (62). Notes 1) Cité par G. PECORA, op. cit., p. 163. 2) Ibidem, p. 175. 3) Ibidem, p. 289. 4) Ibidem, pp. 367-368. 5) Cf. première partie de cet article “Avec le Pape et pour le Pape - Vie de l’abbé Davide Albertario, journaliste intransigeant” in Sodalitium n° 61, p. 5. 6) Filippo Meda devint propriétaire et directeur de L’Osservatore Cattolico après la mort d’Albertario de 1902 à 1907, année de la fermeture du journal. Meda qui par la suite sera aussi député au parlement, contribua à incliner vers les idées démocrates chrétiennes le journal déjà dans les dernières années d’Albertario, dans la période de la prison et de la maladie de ce dernier. 7) G. PECORA, In prigione in nome di Gesù Cristo, C.L.S. Verrua Savoia 2002, p. 243. 8) À propos de Casoni, Aquaderni et d’autres personnages du mouvement catholique cf. Sodalitium n° 60, pp. 23-24, et MARCO INVERNIZZI, I cattolici contro l’unità d’Italia ? L’opera dei Congressi (1874-1904), Piemme Casale Monferrato 2002. 9) Pour le sens du terme et du conciliatorisme, voir l’article précédent sur l’abbé Albertario in Sodalitium n° 61, p. 6. 10) Cité par MARCO INVERNIZZI, I cattolici contro l’unità d’Italia ?, p. 31. Que l’on note dans les mots de D’Ondes Reggio la référence à la doctrine de l’infaillibilité Pontificale, définie quelques années auparavant par le Concile Vatican I. 11) M. INVERNIZZI, op. cit., p. 37. 12) Procès-verbaux du 15ème congrès des catholiques italiens de 1897 à Milan, cité par G. PECORA, In prigione in nome di Gesù Cristo, p. 309, C.L.S. Verrua Savoia 2002. 13) G. PECORA, op. cit., p. 253. 14) Article sur L’Osservatore Cattolico du 910/08/1879 intitulé Le elezioni, cité in G. PECORA, op. cit., p. 256 (les caractères gras sont de la rédaction). 15) G. PECORA, op. cit., p. 250. 16) G. PECORA, op. cit., pp. 252-253 (les caractères gras sont de la rédaction). 17) G. PECORA, op. cit., p. 243. 18) Les deux citations in G. PECORA, op. cit., pp. 244-245. 19) G. PECORA, op. cit., pp. 248-249. 20) L’année précédente, le Pape Léon XIII en parlant avec le cardinal Sarto lui avait dit : “L’Osservatore Cattolico est une puissance”. 21) Pour l’occasion, un grand volume in 8 fut publié contenant tous les discours et les attestations d’estime, intitulé Il giubileo sacerdotale e giornalistico del dottor Davide Albertario – Cronaca, documenti, polemica. Milano tipografia S. Giuseppe 1895. Un exemplaire peut être consulté à la bibliothèque de l’Université Catholique du Sacré-Cœur à Milan. 22) G. PECORA, op. cit., p. 288. À ce propos, voir au début de l’article le paragraphe relatif au cardinal Sarto. 23) G. PECORA, op. cit., p. 292. 24) Cette “béatification” de Ferrari (ecclésialement sans valeur étant donné la vacance formelle du siège apostolique) dans les intentions de Wojtyla et des modernistes qui la présentèrent voulait être plutôt une “décanonisation” et une “vengeance” à l’égard de saint Pie X qui avait été canonisé par Pie XII en 1954. 25) Lettres citées in CARLO SNIDER L’Episcopato del cardinale Andrea C. Ferrari. Vol I Gli ultimi anni dell’Ottocento, Neri Pozza Editore Vicenza 1981, pp. 205-207. 26) Article publié sur La sera et reproduit in Il giubileo sacerdotale e giornalistico del dottor Davide Albertario… op. cit., p. 47. Cf. aussi C. SNIDER L’Episcopato del cardinale Ferrari… op. cit., p. 209 note 100. Snider ouvertement favorable au cardinal Ferrari est visiblement prévenu et très critique à l’égard de l’abbé Albertario. 27) C. SNIDER, op. cit., p. 497. 28) C. SNIDER, op. cit., p. 628. 29) DAVIDE ALBERTARIO, Un anno di carcere, Vol. I pp. 33-34. 30) GIOVANNI SPADOLINI, L’opposizione cattolica da porta Pia al ’98, Vallecchi editore Firenze 1954, pp. 436-464. 31) G. PECORA, op. cit., pp. 320-321. 35 32) G. PECORA, op. cit., p. 322. 33) Cité in GABRIELE DE ROSA, Giuseppe Sacchetti e la pietà veneta, editrice Studium Roma, p. 132. 34) Pendant le procès, entre autres, fut précisément apportée comme preuve contre Albertario une circulaire de Bonomelli dans laquelle il expliquait que dans son instruction pastorale sur la presse intransigeante il se référait justement à Albertario. Aussi, en écrivant à son ami Sacchetti quelques jours avant d’être arrêté, don Davide soutint qu’on voulut son arrestation “pour faire plaisir” à Mgr Bonomelli et qu’il fut donc victime d’un complot des francs-maçons et des clérico-libéraux. 35) GABRIELE DE ROSA, op. cit., p. 134. Heusch fut le général qui était commissaire royal à Florence et qui, le 21 mai de cette même année, signa le décret de suppression de l’Unità cattolica de Giuseppe Sacchetti, ami de l’abbé Albertario. La chose la plus singulière dans la suppression de l’Unità cattolica de Sacchetti est que, parmi les motivations adoptées par le général Heusch, il y avait celle d’“avoir fait de l’ironie amère sur une instruction pastorale de Mgr Bonomelli, qui avait été hautement louée par le commissaire royal de Milan Bava Beccaris” et de méconnaître les sentiments de paix et de concorde “qui animaient un grand nombre de prélats et de prêtres respectables” et de “mépriser l’autorité de l’Église”. On arrivait ainsi à l’absurdité qu’un général d’un gouvernement anticlérical et maçonnique mette fin à un journal catholique parce qu’il manquait de respect à l’Église ! Léon XIII définit d’“inqualifiable” le décret du général Heusch. Tout ceci arrivait parce que les associations catholiques avec leur abstentionnisme s’étaient refusées à tenir lieu d’arrière-garde de la révolution libérale. À bien analyser ces faits, on doit reconnaître que la théorie d’Albertario du “complot clérico-libéral” qui identifiait dans l’évêque de Crémone un des responsables de son arrestation, n’était peut-être pas du tout une théorie en l’air… 36) GABRIELE DE ROSA, op. cit., p. 135. 37) G. PECORA, op. cit., p. 326. 38) G. PECORA, op. cit., p. 326-327. 39) G. PECORA, op. cit., pp. 328-329. 40) G. PECORA, op. cit. pp. 329-330. 41) Ibidem p. 332. 42) MARCO INVERNIZZI, op. cit., p. 80. 43) Il serait bien que tous ceux qui actuellement crient au scandale pour les exemptions des impôts et des bénéfices fiscaux de l’Église se souviennent un peu de l’histoire pour voir comment, depuis plus de cent cinquante ans, la majeure partie des hôpitaux, écoles, prisons, casernes, ministères, bureaux publics de l’état, sont des anciens biens de l’Église confisqués au moment de l’unité de l’Italie, et pour lesquels il n’y a ja- mais eu une compensation équitable, un dédommagement… 44) PAOLO VALERA, Dal cellulare a Finalborgo, Tipografia degli Operai, Milano 1899, cité par G. PECORA, op. cit., p. 334. 45) D. ALBERTARIO, Un anno di carcere, vol I, p. 234. 46) P. VALERA, cité in G. PECORA, op. cit., p. 335. 47) G. PECORA, op. cit., pp. 335-336. 48) Ibidem, p. 336. 49) Ibidem, p. 338. 50) Plusieurs de ces lettres sont rassemblées dans le livre de l’abbé Albertario Un anno di carcere réédité en copie anastatique par la commune de Filighera (PV) en 2002. 51) P. VALERA, op. cit. 52) G. PECORA, op. cit., p. 341. 53) G. PECORA, op. cit. p. 350. 54) Lettre citée en partie in G. PECORA, op. cit., pp. 351-352. 55) Parmi les fondateurs du Partito Popolare, l’abbé Romolo Murri fut d’abord dans l’Œuvre des Congrès et collabora aussi à L’Osservatore Cattolico, puis fut proche du modernisme, et finit mal en se séparant de l’Église, en apostasiant et devenant ainsi excommunié. Dans une lettre à Meda, l’abbé Albertario avait bien jugé Murri désormais sur la voie de la sécession ; il écrivait en effet : “Concernant Murri, en voyant le peu de sérieux de la réponse à l’Avvenire et du discours de S. Marino, cela confirme ce que j’ai toujours pensé ; L’Osservatore ne doit plus l’avoir pour ami dans l’ordre des discussions publiques. Il faut absolument que Murri soit ce qu’il est, et nous, que nous soyons ce que nous sommes. Nous devons marcher la tête haute et inféodés à personne, seulement avec le Pape et pour le Pape, puisque si le Pape se trompait en quelque chose, ce serait un incident de parcours ; si au contraire nous nous trompions avec les erreurs des autres, nous serions dans l’impossibilité d’y remédier ; nous sommes disciples de l’Église et non des réformateurs comme Murri s’en donne l’air ; disciples, nous serons écoutés, réformateurs, nous serons condamnés” (G. PECORA, op. cit., pp. 381-382). 56) L’abbé Albertario participa aussi au IIème Congrès de l’Apostolat de la Prière et de la dévotion au Sacré-Cœur (17-21 novembre 1901) où il fut rapporteur avec Achille Ratti, le futur Pie XI. 57) G. PECORA, op. cit., p. 362. 58) Cf. note n° 42. 59) G. PECORA, op. cit., p. 366. 60) Il s’agit de l’emplacement réservé aux personnes célèbres. 61) G. PECORA, op. cit., p. 377. 62) G. PECORA, op. cit., pp. 382-383. Les funérailles d’Albertario le 24 septembre à Carenno Bibliographie essentielle • GIUSEPPE PECORA, In prigione in nome di Gesù Cristo. Vita di don Davide Albertario, campione del giornalismo cattolico. Centro Librario Sodalitium – Centro Studi Davide Albertario, Verrua Savoia 2002, € 16,50. • SAC. DAVIDE ALBERTARIO, Un anno di Carcere – 2557. Ufficio de L’Osservatore Cattolico de Milan 1900 ; réédité en presse anastatique par la commune de Filighera 2002. 36 Modernisme Mgr Gherardini, Vatican II et l’herméneutique de la continuité Par M. l’abbé Francesco Ricossa L a thèse théologique du Père M.-L. Guérard des Lauriers, dominicain, ancien enseignant à l’Université Pontificale du Latran, thèse dite Thèse de Cassiciacum , a pour point de départ un fait établi : l’opposition de contradiction entre l’enseignement de Vatican II, entre autres la déclaration Dignitatis humanae personæ, et le Magistère infaillible et irréformable de l’Église catholique romaine ; c’est là que réside la cause principale de la “crise” que l’Église elle-même traverse depuis ce moment. Évidemment notre revue, qui a embrassé et défend la Thèse “guérardienne” depuis 1985, ne peut que s’intéresser à tout fait nouveau concernant les rapports existant entre l’enseignement de Vatican II et la Tradition de l’Église, qu’il s’agisse d’une (vaine) tentative d’y trouver une conciliation (cf. commentaire du discours de Benoît XVI du 22 décembre 2005, dans Sodalitium n° 59, ou commentaire de la déclaration de la CDF sur la formule subsistit in dans Sodalitium n° 61), ou qu’il s’agisse au contraire du problème soulevé par la contradiction. De ce dernier point de vue, l’année 2009 ne s’est pas montrée avare. Il n’est pas jusqu’à l’Osservatore romano qui n’ait recensé positivement la réédition italienne (les rééditions plutôt, car il y en a eu deux simultanément) du livre de Romano Amerio, Iota unum (1) dont le sous-titre – périphrase d’une œuvre de Bossuet contre les protestants – est significatif : “Étude des variations de l’Église catholique au XXème siècle”. Ces quelques paroles expriment en peu de mots dans le même temps la force et la faiblesse de l’écrit d’Amerio : lorsqu’il parle de variations, le philosophe de tendance rosminienne (2) admet et démontre que Vatican II et l’enseignement postconciliaire ne sont pas en continuité mais bien en rupture avec l’enseignement de L’opposition de contradiction entre l’enseignement de la déclaration Dignitatis humanæ personæ et le Magistère infaillible et irréformable de l’Église catholique romaine ; c’est là que réside la cause principale de la “crise” que l’Église elle-même traverse depuis ce moment. Notre revue, qui a embrassé et défend la Thèse “guérardienne” depuis 1985, ne peut que s’intéresser à tout fait nouveau concernant les rapports existant entre l’enseignement de Vatican II et la Tradition de l’Église... l’Église catholique (3) ; mais en attribuant ces variations à l’Église catholique, lui-même insulte sans s’en rendre compte l’Église comme si elle était fausse, et ce pour sauver la légitimité de Paul VI et de ses successeurs. Ce n’est pas un hasard si, dans l’apologétique de Bossuet, les variations des “églises” protestantes étaient la preuve qu’elles ne sont pas la véritable Église du Christ ; parler de variations de l’Église catholique équivaut implicitement (et involontairement, je pense, dans le cas d’Amerio) à mettre sur le même plan l’Église catholique et les sectes protestantes. C’est la même note positive, et la même critique radicale que nous devons adresser aux dernières œuvres de Mgr Brunero Gherardini, qui sont au moins trois (4), même si l’objet de cette recension concerne seulement la première : “Concilio Vaticano II. Un discorso da fare ”. (Casa Mariana Editrice, Frigento, mars 2009) [Le Concile Œcuménique Vatican II. Un débat à ouvrir, version française, Casa Mariana editrice]. C’est avec crainte et tremblement que j’aborde le personnage de Mgr Gherardini, surtout dans les critiques que je ne peux que lui adresser. Une des conséquences déplorables en effet de la crise d’autorité actuelle (dans l’Église catholique, et aussi en 37 Mgr Brunero Gherardini dehors d’elle) est la dispersion du troupeau dont le pasteur a été frappé, ce pour quoi chaque brebis du troupeau s’érige en maître dans l’Église de Dieu, sans même en avoir la mission, l’autorité et souvent la capacité. Comme aux temps de la réforme luthérienne, le dernier ignorant disserte sur les dogmes dont il ignore tout, interprète l’Écriture, se fait théologien, veut enseigner au prêtre la liturgie, ne croit pas à l’infaillibilité du Pape, mais à la sienne propre… Je ne voudrais donc pas, moi qui ne suis pas théologien, commettre la même erreur en critiquant Mgr Gherardini, qui, lui, est théologien, et un théologien sérieux (5) de cette école romaine et thomiste de la glorieuse Université Pontificale du Latran dirigée par Mgr Piolanti, et qui compta parmi ses enseignants le Père Guérard des Lauriers et Mgr Spadafora. Sans la révolution de Vatican II, les études théologiques de Mgr Gherardini auraient donné leurs fruits mûrissant au soleil du magistère pontifical et de la Rome catholique ; il n’en a pas été ainsi, et après s’être efforcé pendant quarante ans de justifier Vatican II, s’accrochant à une thèse presque indémontrable (p. 165) comme il le dit lui-même, Mgr Gherardini tente d’expliquer aux lecteurs et surtout à lui-même, l’inexplicable, autrement dit la contradiction en acte entre l’enseignement conciliaire et post-conciliaire et celui de l’Église. Car c’est là le thème, le status quæstionis de son livre : il faut lire les documents conciliaires selon la critériologie classique. Les solutions possibles sont les suivantes : “soit la continuité de Vatican II avec la ligne de l’enseignement traditionnel catholique, soit le fait qu’elle s’en dissocie soit la mesure de la continuité ou bien de l’éventuelle discontinuité” (p. 48). Là est le problème. Il s’agit de “vérifier si et dans quelle mesure Vatican II se rattache, effectivement et non pas seulement à travers ses déclarations, aux doctrines exposées soit conciliairement soit par les différents Pontifes, soit par le ministère épiscopal, et transmises par la Tradition à la vie même de l’Église” (p. 59-60) ; “Le concile Vatican II s’inscrit-il ou non dans la Tradition ininterrompue de l’Église, depuis ses débuts jusqu’à nos jours ?” (p. 86) ; “un problème demeure, celui de démontrer que le Concile ne s’est pas mis en dehors du sillon de la Tradition (p. 89) car il ne s’agit pas de se limiter à “proclamer l’existence d’une continuité” mais d’en rechercher “les preuves” (p. 257). La question posée par Mgr Gherardini est déjà en elle-même une réponse in nuce Nous avons vu la question que se pose Mgr Gherardini. Il se la pose à lui-même. Il la pose aux lecteurs. Il la pose aux théologiens. Il la pose surtout à Benoît XVI. Cependant se poser cette question en la considérant ouverte à l’une des trois solutions, et en retenant comme possible la solution qui implique une rupture entre l’enseignement conciliaire et celui de l’Église implique déjà une réponse négative pour Vatican II. En effet Mgr Gherardini n’ignore pas la question décisive et se la pose : “Certains (…) se sont demandés si un Concile œcuménique pouvait tomber dans l’erreur en matière de foi et de morale. (…) Mon avis est que cela peut se passer, mais au moment précis où cela se passe, le Concile œcuménique cesse d’être tel ” (p. 25) et, nous-mêmes ajoutons avec logique, il a déjà cessé d’être tel, si l’autorité qui l’a promulgué “dans l’Esprit Saint” n’a jamais été l’autorité. Mais l’auteur ne veut pas arriver à cette conclusion… Pour ce faire (c’est-à-dire sauver la légitimité des “papes” conciliaires), il doit faire sienne “ l’herméneutique de la continuité” du Concile même, qui se déclare en continuité avec la Tradition (pp. 5459), de J. Ratzinger (depuis Rapport sur la foi de 1985 jusqu’au Discours à la Curie du 22 décembre 2005, cf. p. 89) suivi par Marchetto (p. 15-16), Lamb et Levering (p. 2829) etc., en opposition avec les partisans de la rupture [qu’ils soient modernistes, com- 38 me Alberigo (p. 17), Melloni etc., ou “traditionalistes” comme Amerio, Dörmann (p. 16) et les auteurs de la Fraternité Saint PieX – la Lettre à quelques évêques ou l’abbé Lucien étant totalement ignorés]. Un catholique qui reconnaît l’autorité du Concile Vatican II et des Pontifes qui l’ont promulgué et soutenu – comme Mgr Gherardini – ne devrait même pas pouvoir mettre en doute “ l’herméneutique de la continuité”, la tenant pour acquise a priori et considérant de son devoir de la défendre ne serait-ce qu’a posteriori contre les adversaires de l’Église, qu’ils soient modernistes ou traditionalistes. Mais telle n’est pas la solution adoptée par Mgr Gherardini, du moins pas dans tout son livre. Pour lui, il ne suffit pas de soutenir l’herméneutique de la continuité, il faut la démontrer : démonstration loin d’être évidente, et qui fait absolument défaut encore à ce jour, sinon par des paroles qui n’ont “pas de portée réelle” (cf. pp. 28-29, 53, 54). Quelle est alors la réponse de Mgr Gherardini : continuité ou rupture ? Il ne le sait pas lui-même… Les contradictions de Mgr Gherardini, et ses doutes La contradiction est le signe le plus évident de l’erreur. Quand on lit Mgr Gherardini, on est frappé par les continuelles contradictions de sa pensée à propos de Vatican II, accusé et défendu, déclaré en continuité ou en rupture avec la Tradition, parfois dans la même page de son livre, à quelques lignes de distance. Je ne pense pas que ces contradictions soient le fruit d’un manque de rigueur spéculative de la part de l’auteur, mais plutôt de la confusion et de la crainte de devoir affronter une matière aussi grave dans ses conséquences. Mgr Gherardini ne passe pas sous silence mais confesse sincèrement les doutes qui l’assaillent et les compromis intellectuels auxquels il s’est voué durant 40 ans. Théologien fidèle à la doctrine traditionnelle de l’Église, il a voulu accepter la nouvelle doctrine de Vatican II : il a donc dû se convaincre, pour pouvoir convaincre ses élèves, auditeurs et lecteurs, qu’il existe une continuité avec la Tradition, ce dont il n’était pas du tout persuadé : il fallait s’accrocher à une thèse presque indémontrable (p. 165). Il confesse : “J’ai parlé de continuité évolutive pour conjurer un tel soupçon (de rupture entre Vatican II et Tradition, n.d.a.) et trouver, par cette formule, la possibilité d’accrocher Vatican II, avec son originalité et sa créativité, à la précédente Tradition. P o u r t a n t j’avoue que je n’ai jamais cessé de me poser la question de savoir si effectivement la Tradition de l’Église a été en tout et pour tout sauvegardée par le dernier concile et si, par conséquent, l’herméneutique de la continuité évolutive lui est vraiment applicable” (p. 90). Mgr Gherardini doute donc de luimême. L’autocritique concerne entre autres la déclaration sur la liberté religieuse Dignitatis humanæ personæ : “Le concile Vatican II était fini depuis peu lorsque, en ma qualité de professeur ordinaire d’ecclésiologie et de doyen de l’Université pontificale du Latran, j’ai dirigé une thèse de doctorat sur ‘La liberté religieuse dans Vatican II’. Le candidat était un jeune prêtre intelligent et docile, aujourd’hui évêque en Autriche. À travers lui (…) il m’a été possible pour la première fois de tenter de relier l’explosive Déclaration DH à l’enseignement traditionnel de l’Église. Certes, il fallait s’accrocher à une thèse presque indémontrable, mais l’entreprise ne me paraissait pas impossible à tenter. Au jourd’hui, sur ce fameux décret conciliaire, j’aurais un peu plus de doutes que je n’en avais alors” (p. 165). Nous ne savons pas si l’auteur se rend compte de la responsabilité qu’il a eue de taire ses doutes durant tant d’années (et seulement maintenant, après 40 ans, “de sortir du silence” p. 28) (“il faut enfin réagir” p. 26) et d’avoir même avalisé ces doctrines, comme il le fit par exemple avec la Nouvelle Messe, qu’il critique aujourd’hui (pp. 156-164) (même si peut-être il la célèbre, en dépit des habituels “problèmes” que cela lui suscite) alors qu’“en octobre 1984” l’abbé Piero Cantoni, qui, en 1981, avait quitté la Fraternité Saint Pie-X pour accepter Vatican II et la Nouvelle Messe obtint “son dipôme en Théologie sacrée à l’Université pontificale du Latran avec une recherche sur “Novus Ordo Missæ” et Foi catholique, sous la direction du professeur Brunero Gherardini” (A. Morselli). Le travail de l’abbé Cantoni, dirigé par Mgr Gherardini, et imprimé d’abord par la revue du cardinal Siri, Renovatio, puis en 1988 par les éditions Quadrivium , avait pour but de démontrer la parfaite ortho- 39 doxie du nouveau missel, ce à quoi il servit et sert encore. Mgr Gherardini et ses apologètes dans la Fraternité Saint Pie-X l’ont peut-être oublié, mais nous non. Le Père Guérard des Lauriers, pour avoir écrit le “Bref Examen critique du Novus Ordo Missæ” en 1969 fut privé de sa chaire au Latran, alors qu’en 1984, au Latran, Mgr Gherardini patronnait les thèses en défense de la Nouvelle Messe, malgré les “problèmes” que cela lui posait ; mais “le progrès d’une carrière ecclésiastique ne vaut-il pas quelques coups d’encensoir” (p. 18). Que Mgr Gherardini ne m’en veuille pas pour cette critique adressée à certains de ses adulateurs intéressés plutôt qu’à qui, comme lui, manifeste avec sincérité les tourments de son âme. Sic et non : Vatican II en rupture avec la Tradition Nous avons parlé de contradictions : en effet Mgr Gherardini affirme que Vatican II est et n’est pas en rupture avec la Tradition de l’Église. Voyons d’abord le “n’est pas”. Mgr Gherardini critique sans doute “l’esprit du Concile”, le “postconcile”, les “théologiens postconciliaires” : en cela sa position n’irait pas au delà de l’herméneutique de la continuité de Ratzinger, de la tentative de s’en prendre au seul Rahner, tentative reprise par De Mattei (ami de Gherardini), par le Père Cavalcoli (Karl Rahner, Il Concilio tradito. Fede e cultura) [Vatican II. Le Concile trahi. Foi et culture], par Mc Inerny (Vatican II. Che cosa è andato storto ? Ed. Fede e cultura) [Vatican II. Qu’est-ce qui n’a pas marché ?], et similia ( 6). En réalité Mgr Gherardini affirme bien davantage. Et pas seulement parce qu’il accuse de nombreux théologiens qui ont reçu la Pourpre cardinalice en récompense après le Concile (de Lubac, Congar, von Balthasar, Daniélou par exemple, p. 92) et rappelle comment Rahner a été reçu par le “magistère” (pp. 101-102). La critique de Gherardini porte explicitement sur Vatican II, sur le “magistère” ou le gouvernement conciliaire et post-conciliaire, sur Roncalli (par exemple aux pp. 33, 77, 151-153, 193), sur Montini (par exemple pp. 151, 152, 158-159), sur Wojtyla (pp. 58, 75, 109, 158-159) et même sur Ratzinger (auquel il fait allusion à la p. 100). “Je ne parviens pas à comprendre comment une hermé- neutique de la continuité pourrait être possible avec de telles prémisses” (celles posées par Jean XXIII lui-même, n.d.a.) (p. 155). Ce sont les textes mêmes de Vatican II ou les documents “officiels” qui sont critiqués : la liste en est impressionnante : la constitution dogmatique sur l’Église Lumen gentium (p. 100, p. 205, sur le nouveau concept d’appartenance à l’Église, en opposition ouverte avec l’encyclique de Pie XII Mystici Corporis, pp. 207) y compris les tentatives actuelles pour l’interpréter en conformité avec la Tradition (pp. 23-24) ; la constitution sur la Révélation, Dei Verbum, accusée de fausser le concept de Tradition (pp. 120, 122, 127-128, 131) ; contre la Réforme liturgique qui réduit le Sacrifice de la Messe à une Cène (p. 153) et là Mgr Gherardini va même jusqu’à parler de “grave erreur” (p. 163) ; contre Gaudium et spes (pp. 38, 71, 192, avec l’accusation d’“anthropocentrisme idolâtrique” ; et aux pages 202-203 l’accusation de naturalisme et de syncrétisme, au point de confondre l’Église avec l’humanité) ; contre une série de textes et de décisions officielles accusés de relativisme (pp. 94-97), telles que la communion dans la main, la permission de la communicatio in sacris, l’efficacité salvifique des confessions acatholiques et du judaïsme, la dérive judéo-chrétienne, l’acceptation de l’anaphore d’Addaï et Mari privée de consécration, la confusion du Dieu trinitaire avec celui des juifs et des musulmans, le culte de l’homme ; contre la déclaration Dignitatis humanæ sur la liberté religieuse qui fausse l’idée même de Foi (l’assentiment personnel prévu par DH 3, cf. p. 99, critique originale et intéressante), et cause première du “relativisme qu’on déplore” (p. 172) ; contre l’œcuménisme d’Unitatis Redintegratio et de Jean-Paul II (pp. 108-109) ; Unitatis Redintegratio, connexe à Lumen Gentium, est déclaré contraire à la doctrine de Pie XII ; entre les deux doctrines il y a “un abîme” et pas d’“herméneutique de la continuité” (p. 207). Sur le “plan qualitatif” (pas mieux défini) “aucun lien n’existe” entre la doctrine catholique et l’œcuménisme d’UR : “le dialogue, tel qu’il a été théorisé et tel qu’il est mis en pratique, est la négation de toute continuité. Il constitue un nouveau début et il en est l’instrument : une Église nouvelle, non plus ‘catholique-romaine’, mais celle du concile œcuménique Vatican II. Une unité qui n’est plus liée à la même Foi, aux mêmes sacre- 40 ments et au Souverain Pontife dans sa réalité de Successeur de Pierre, mais une unité élargie par le concile œcuménique Vatican II. Une nouvelle regula fidei et un nouvel ipse dixit : le Concile œcuménique Vatican II” (pp. 214-215). C’est sur la liberté religieuse que la pensée de Mgr Gherardini est particulièrement complexe et contradictoire (chap. VII, pp. 163-188), lorsqu’il conclut tout de même en Magistère parlant du fait inéluctable d’un “M dédoublé ” (lire : contraire si non contradictoire) tout en admettant que ce ne serait pas possible (“Deux magistères alors ? La question ne devrait même pas être posée parce que le Magistère ecclésiastique est, de par sa nature, un et indivisible : c’est celui créé par Notre-Seigneur Jésus-Christ ”) : mais le fait est que “ la diversité est sub stantielle et donc irréductible. Les conte nus respectifs sont différents. Ceux du précédent Magistère ne trouvent ni continuité ni développement dans celui de DH” (pp. 190). Sont incompatibles avec la doctrine les théories sur la communion “ pleine et non pleine” (pp. 207-218) et sur la “hiérarchie des vérités” (p. 217). En lisant UR “on a l’impression soit qu’on veut concilier l’inconciliable (des types de foi qui, du moins dans l’essentiel, sont différents et irréductibles entre eux), soit qu’on a perdu le contact avec la vérité absolue (la parole de Dieu révélée, c’est-à-dire Dieu lui-même dans sa Révélation) et qu’en conséquence tout est vérité, chaque vérité peut coexister avec les autres, sur le piédestal d’une même dignité et d’une même relativité” (p. 218). Pour Mgr Gherardini le “consensus stupéfiant” avec les luthériens sur la doctrine de la justification si cher à Ratzinger a, quant à lui, donné raison à Luther sur le point fondamental de son hérésie (p. 221). Il parle peu du rapport avec les religions non chrétiennes, puisque c’est à ce thème et à celui de l’œcuménisme qu’est entièrement consacré son livre Quale accordo fra Cristo e Beliar ? [Quel accord entre le Christ et Bélial ?] Le titre en dit déjà long … Sic et non : Vatican II en continuité avec la Tradition Une lecture partielle d’“Un débat à ouvrir” amène donc à la conclusion suivante : Vatican II n’est pas en continuité mais en rupture avec la Tradition et la doctrine de l’Église. Pourtant dans d’autres passages du même livre, parfois à la même page, l’auteur soutient exactement le contraire : “Le cheval de Troie n’a pas vraiment consisté dans les documents conciliaires eux-mêmes” (p. 21) et même, “à de nombreux égards – je le reconnais moi-même, avec fermeté et conviction – Vatican II fut réellement un grand concile. Nous ne sommes pas loin de la réalité si nous reconnaissons en lui le signe, éloquent et paradoxal, de l’Esprit créateur qui passe le long des sillons de l’histoire et de l’Église en les abreuvant” (pp. 35-36). Des excuses sont continuellement invoquées (par exemple pp. 74-75, 77) et la continuité est explicitement affirmée : “En réalité le fait de se référer au Concile pour avaliser le renversement radical des positions doctrinales, disciplinaires, liturgiques et pastorales de l’Église préconciliaire est substantiellement infondé” du moins directement (p. 76) ; ceci vaut aussi pour Dignitatis Humanæ, la déclaration sur la liberté religieuse ( 7), liberté religieuse que Mgr Gherardini fait l’erreur de confondre avec la doctrine traditionnelle sur la liberté de l’acte de Foi (par ex. pp. 173-175) pour en arriver à déclarer DH en continuité avec le Magistère précédent : “Pour parler abstraitement, DH ne fait pas un pli : il répète un enseignement qui, dans sa substance, a toujours été celui de l’Église : le fait de croire sponte libenterque fiat, cum nemo credat nisi volens’” (p. 184 ; cf. p. 181). De même dans le tant déprécié décret sur l’œcuménisme, UR, pour Mgr Gherardini “ Tout bien pesé, et pour ne parler que formellement, on dira alors que le lien avec le passé e s t i n d é n i a b l e , autant que son caractère évolutif…” (p. 214). Les motifs du sic et non : autrement on tombe dans le sédévacantisme Comment expliquer tant de contradictions oscillantes ? L’auteur lui-même nous donne une clé interprétative : “… un Vatican II en dehors et contre l’Église serait non seulement une absurdité historico-théologique, mais aussi un élément en faveur des fameux ‘sédévacantistes’ et de tous ceux qui (avec des arguments divers) en suivent le jugement inconsidéré sur la non-authenticité du dernier concile et donc sur son manque 41 d’autorité ecclésiale (certains allant donc jusqu’à parler de Papes illégitimes et d’usurpation du Siège de Pierre). En effet l’herméneutique de la rupture ne faisait pas qu’ajouter quelques flèches en plus à l’arc du postconcile (c’est-à-dire des ultraprogressistes, n.d.a.) : elle éloignait du Concile même. (…) Inutile donc de noircir du papier pour démontrer que Vatican II est un concile œcuménique véritable et authentique et que, par conséquent, il constitue sans équivoque un fait ecclésial (et quel fait ! ), évidemment lié à la vie, à la foi et à l’histoire de l’Église” (p. 82). Inutile de démontrer … Mgr Gherardini affirme sans prouver, exactement ce que lui-même reproche aux tenants de l’herméneutique de la continuité ! (ne pas se limiter à “ proclamer l’existence d’une continuité” mais en rechercher “les preuves”, p. 257). Et pourtant nous avons vu que Mgr Gherardini lui-même a démontré l’herméneutique de la rupture (cf. ce qui est dit plus haut) et a affirmé qu’un Concile peut être un échec mais qu’en ce cas, “le Concile œcuménique cesse d’être tel” (p. 25). Cela peut donc arriver, et c’est même arrivé, mais Mgr Gherardini ne peut pas l’admettre, pas même à lui-même : il faut écarter l’herméneutique de la rupture “des interprétations possibles de Vatican II. Et même de tout Concile. Et celui qui, de bonne foi, insisterait pour la proposer, se mettrait sans s’en rendre compte en dehors de l’Église, du moins matériellement. Attendu toutefois que cette approche a été et continue d’être, non seulement celle des ‘sédévacantistes’, mais aussi d’aautres opposants” autrement dit des lefebvristes (8), ainsi que des ultramodernistes (p. 88). Comment les “autres opposants” à Vatican II, c’est-à-dire les lefebvristes, mis au-dehors de l’Église, peuvent-ils se réjouir du livre dont nous sommes en train de faire la recension? C’est un mystère ! En effet, le refus de Mgr Gherardini de toute criMgr Brunero Gherardini lors d’un repas au Lions club de Prato tique “traditionaliste” (y compris de la Fraternité Saint Pie-X) sur Vatican II est net (pp. 24, 28, 35) : les partisans de la “thèse de Cassiciacum – Pape formaliter /Pape materialiter” s’auto-justifieraient avec leurs contorsions mentales, il est vrai, mais Mgr Gherardini frappe dur aussi sur les lefebvristes : “En réalité, l’accusation répétée d’illégitimité pour chaque Pontife élu après Pie XII n’est rien d’autre que du pur délire, dépourvu de pertinence historique et de base théologique. Tout comme délirent ceux qui, tout en reconnaissant légitime chaque successeur de cet immortel Pontife, lui refusent l’obéissance inconditionnelle en raison des conséquences négatives vers lesquelles ses déviations et celles de Vatican II ont conduit et conduisent l’Église” (p. 35). Mais qu’écrire plusieurs livres de critique sur ces Papes conciliaires tant vantés ainsi que sur le “magistère” de Vatican II et du postconcile, comme le fait Mgr Gherardini, soit un acte d’“obéissance inconditionnelle” et ne l’expose pas au délire en question, est tout à démontrer. La méthode pour arriver au sic et non : la faillibilité du magistère conciliaire Oui, vous avez bien lu : non pas ‘INFAILLIBILITÉ’ comme il serait normal, mais ‘FAILLIBILITÉ’. En cela, Mgr Gherardini se montre sans aucun doute lefebvriste. Comment concilier en effet les critiques faites au “magistère” même par Mgr Gherardini et son obéissance persévérante (sous peine de délire) à l’autorité tombée dans l’erreur dans son enseignement, et ce depuis plus de quarante ans ? Les lefebvristes ont répondu dès le début par la thèse du magistère “pastoral non dogmatique”. Les plus récents théologiens de la Fraternité et des communautés amies vont plus loin : une véritable Autorité (Pape, évêques, Concile) n’enseigne plus depuis plus de 40 ans, puisque, étant libérale et moderniste, elle n’entend pas enseigner (9). Ce n’est pas la thèse de Mgr Gherardini. Pour lui Vatican II n’est pas seulement “magistère suprême ordinaire”, comme il fut officiellement déclaré, mais carrément – comme il est normal pour un Concile – “magistère solennel” (pp. 54, 87, pour DH p. 167), c’est-à-dire l’expression maximale du magistère. Ce nonobstant, Vatican II n’est pas dogmatique (pp. 51-53) mais pas- 42 toral (pp. 26, 60-68, bien que l’on ne comprenne pas ce que cela veut dire : pp. 49 et 65) mais surtout il n’est ni infaillible ni irréformable, ni contraignant (p. 53) bien que l’on doive le recevoir en tant que Magistère solennel (p. 54) : comprenne qui pourra ! C’est ce que disait déjà il fut un temps Mgr Gherardini à propos des canonisations des saints etc. : le motif ? Pouvoir ne pas accepter – et même pouvoir critiquer – un enseignement officiel de l’“Église” et du “Pape” sans être contraint à mettre en doute la légitimité du “Pape”. Peu importe les contradictions ou l’avilissement du magistère ecclésiastique, lequel faillible, réformable et non contraignant serait inutile et détournerait du droit chemin. Pour conclure : lumières et ombres d’un livre Nous nous excusons auprès de Mgr Gherardini pour les points de polémique de cet article, et pour les éventuelles incompréhensions de notre part. Son livre (et ceux qui suivent) demande une réponse attentive in medio Ecclesiæ. Il s’adresse surtout à Benoît XVI, et se conclut en effet avec une “supplique” à ce dernier (pp. 259262). Il n’y a eu aucune réponse à ce jour, si ce n’est, comme d’aucuns l’ont fait remarquer dans Sì sì no no en particulier, des faits œcuméniques qui sont substantiellement une fin de non recevoir et une porte fermée aux observations attristées du théologien de l’école romaine. Parmi les “traditionalistes” (étiquette malheureuse) l’accueil a été plus positif. Négatif de la part de certains sédévacantistes et de certains milieux de la Fraternité Saint Pie-X (Saint-Nicolas) ; positif de la part de la majorité de la Fraternité : Mgr Fellay, l’abbé du Chalard naturellement, l’abbé Pagliarani et la Tradizione cattolica, Sì sì no no (qui qualifie l’essai de Mgr Gherardini de “magistral”). Les premiers présentent le livre comme une défense de l’herméneutique de la continuité ; les autres comme l’admission de l’herméneutique de la rupture et une preuve du fait que les choses changent pour ne pas dire qu’elles ont changé. Notre réponse me semble devoir être plus circonstanciée et complexe, tout comme le livre que nous venons de recenser. Mgr Gherardini admet, en effet, même si c’est avec de nombreuses contradictions, l’existence d’une opposition entre la doctrine de Vatican II et celle de l’Église. Son ouvrage a été présenté et donc dans une certaine mesure avalisé par deux évêques, même s’ils le sont materialiter seulement, celui d’Albenga et celui de Ceylan ; celui de Saint-Marin a présenté pour sa part la réédition de Romano Amerio ; le premier ouvrage de Mgr Gherardini avait été édité par une congrégation religieuse (les Franciscains de l’Immaculée). Certes, nous l’avons vu, la dénonciation de Vatican II est limitée et contradictoire, mais elle existe. Elle peut donc être utilisée du moins comme argument ad hominem pour démontrer que le problème existe, et que le poser n’est pas… un délire ! Il y a plus. Mgr Gherardini écrit : Le Concile Œcuménique Vatican II. Un débat à ouvrir. Autrement dit : la question sur l’orthodoxie de Vatican II est un devoir (p. 19) urgent et imprescriptible, le plus important pour l’Église. C’est vrai. Mgr Gherardini souhaite une clarification : nous aussi, bien que les modalités de cette clarification soient différentes (ce qui n’est pas rien !). Nous souhaitons que Mgr Gherardini, d’autres théologiens à sa suite, des évêques materialiter se posent ce problème, l’approfondissent, et parviennent à la clarification nécessaire qui inclura comme nous avons déjà eu l’occasion de l’écrire, une modalité semblable à celle utilisée pour clarifier mais aussi condamner le synode de Pistoie. C’est le côté positif du livre (et des autres livres de Mgr Gherardini) à condition toutefois que l’analyse critique, ne s’en tienne pas là. Si nous croyons en l’indéfectibilité de l’Église, et la thèse de Cassiciacum y croit, et tous les catholiques doivent y croire, nous ne pouvons pas ne pas espérer aussi que se ravisent certains – pas nécessairement tous – certains de ceux qui ont adhéré à Vatican II et à ses erreurs, et même parmi ceux qui occupent les sièges épiscopaux. Si par contre le livre de Mgr Gherardini (et ceux du même genre) est vu comme point d’aboutissement et non comme point de départ, ou bien comme un travail “magistral” auquel nous devons nous rallier, ou comme la preuve que le “pontificat” de J. Ratzinger est restaurateur de la Tradition, alors nous refusons et condamnons cette 43 manœuvre de façon totale et définitive. La tentative de certaines maisons d’édition, de certaines congrégations religieuses, de certains représentants recents et anciens dudit “Traditionalisme” de nous faire accepter en quelque façon le modernisme de Vatican II sous forme de “réforme de la réforme” qui laisse en vie la réforme, doit être résolument dénoncée et combattue. En un mot, que les modernistes et les libéraux fassent des pas vers la vérité (à condition qu’ils ne s’arrêtent pas à mi-chemin) c’est bien ; mais ce n’est pas bien que les catholiques aillent à leur rencontre en se rapprochant du modernisme et du libéralisme fût-il même catholique. Le problème des contradictions internes de Vatican II n’est pas le nôtre – c’est-à-dire de ceux qui refusent le néo-modernisme – mais celui de ceux qui l’ont accepté ; que certains d’entre eux aient des doutes, voilà qui est positif ; que nous devions, nous, leur tenir compagnie et mettre en doute ce qui est certain, c’est un débat... à éviter. Notes 1) C’est à l’éditeur Ricciardi (propriété depuis 1938 de Mattioli, le banquier bien connu) que l’on devait la première édition de Iota unum en 1985. En juin 2009, les éditions turinoises Lindau en ont assuré la réédition avec une postface d’Enrico Maria Radaelli. L’édition Lindau de Iota unum a été présentée à Rome le 30 octobre 2009, à la Biblioteca Angelica, par le professeur Radaelli, Mgr Livi, l’abbé Nitoglia et Francesco Colafemmina. Mais en 2009, Iota unum a été aussi réimprimé par Fede e Cultura, maison d’édition de Vérone (voir une des notes suivantes), avec une préface de Mgr Luigi Negri, évêque de Saint-Marin. Fede e cultura est aussi l’éditeur de deux autres œuvres de Mgr Gherardini. Le catalogue des éditions Lindau est très intéressant : y abondent les auteurs du “traditionalisme” plus ou moins ratzingérien ainsi que les écrits anti-musulmans [Del Valle, Bat Ye’or, les “feuillants” (collaborateurs du journal Il Foglio de Giuliano Ferrara) C. Panella, G. Meotti et G. Israël, etc.] et philojuifs. Cependant ces mêmes éditions Lindau comportent, depuis 2000, une collection L’età dell’Acquario, spécialisée dans la publication de textes maçonniques, ésotériques, théosophiques et New-Age. Il serait intéressant de comprendre qui sont les responsables des choix éditoriaux contradictoires (du moins apparemment) de cette petite maison d’édition turinoise. Nous avons trouvé une première réponse en constatant qu’Ezio Quarantelli, directeur éditorial de Lindau, est aussi directeur responsable de Confini. Temi e voci dal mondo della cremazione [Frontières. Thèmes et voix du monde de la crémation], publication de la Fondation A. Fabretti (maçon notoire du risorgimento) de la Socrem (Société pour la crémation). Hum, hum, je renifle une odeur de maçonnerie. Bien que persuadé à 100% de la bonne foi des catholiques qui collaborent avec Lindau (il n’est pas facile à qui, comme nous, manque de moyens, de trouver un éditeur) je pense que les considérations de cette note peuvent être utiles pour amener à se méfier, à l’avenir, de qui se sert de nous et pour chercher à comprendre quelle pourrait être éventuellement la stratégie de l’ennemi qui promeut paradoxalement auteurs et livres catholiques. 2) Selon Mgr Livi, Romano Amerio s’insère dans un courant de “penseurs comme Pascal, Arnauld, Buffier, Reid, Vico, Jacobi, Kierkegaard, Balmes, Newman, et Rosmini, tous penseurs anti-cartésiens et antihégéliens, mais pas anti-modernes”. Le rosminianisme d’Amerio est manifeste, bien que Rosmini ait été condamné par l’Église avant d’être réhabilité par Ratzinger (cf. Sodalitium n° 52, pp. 40-47) ; bel exemple de “variations de l’Église catholique (sic) au XXème siècle”. 3) Qu’en soi et spéculativement, Iota unum ne s’insère pas dans le courant “ratzingérien” de l’“herméneutique de la continuité” n’est pas une opinion qui nous est propre, c’est la thèse défendue par Amerio lui-même et par ses disciples comme le professeur Enrico Maria Radaelli : « Toute la question de fond posée par Amerio dans Iota unum – et dans Stat Veritas, qui en est la suite, publié de façon posthume en 1997 par les soins d’Enrido Maria Radaelli – est la suivante : “Toute la question de l’état présent de l’Église est incluse en ces termes : ‘L’essence du catholicisme estelle préservée ? Les variations introduites lui permettent-elles de rester lui-même au milieu des circonstances changeantes, ou le changent-elle en autre chose? […]. Tout notre livre est une récolte de preuves de cette transition” » (Iota unum, éd. Italienne, p. 626 et dans la postface p. 689). Et encore : «La postface de Iota unum, synthétisant toute la thèse du livre, montre que les herméneutiques sur le concile Vatican II aujourd’hui sont au nombre de trois : la première est l’herméneutique sophiste extrême de l’“école de Bologne” (Dossetti, puis Aberigo, aujourd’hui Melloni) et en général de toute la “nouvelle théologie” (Congar, Daniélou, de Lubac, Rahner, Schillebeeckx, von Balthasar, etc.) ; elle est athéorétique ; elle promeut et souhaite la discontinuité et la rupture des essences entre l’Église précédant et l’Église suivant Vatican II sous couvert des équivoques du texte ; la seconde est l’herméneutique sophiste modérée des Papes qui ont promu, mis en acte, puis suivi le concile ; elle aussi est athéorétique ; mais à l’inverse de la première qui du reste l’a formée et produite, elle s’efforce de toutes les façons de donner continuité entre essences post et pré conciliaires, tentant de plier dans le sens de la Tradition les amphibologies et les équivoques textuelles cidessus ; la troisième est l’herméneutique véritative d’Amerio et, en général, de tous ceux qui ont été amenés (mais seulement après le Concile) dans ledit “traditionalisme” ; elle est théorétique donc irréfutable et, dans la mesure où elle s’appuie sur la Tradition, contraignante ; elle relève et dénonce dans Vatican II la tentative de rupture et de discontinuité avec l’essence ; s’y ajoute, d’autre part, le fait que le caractère irréalisable de cette tentative est tenu absolument comme de foi par tous les résistants au Concile (à part les dits “sédévacantistes”) et par Amerio comme nous l’avons vu ci-dessus (premier paragraphe) et comme il est mis en évidence dans la postface (§ 3 b, p. 698 it), et même solidement démontré, en sorte que le Trône 44 le plus élevé et toute l’Église en bénéficient à nouveau au plus vite» (E.M. Radaelli). Les dernières paroles de cette longue citation mettent en évidence les contradictions d’Amerio : Vatican II rompt – essentiellement – avec l’enseignement de l’Église, mais [Amerio] – ayant refusé le “sédévacantisme” – attribue l’enseignement de Vatican II à l’Église elle-même, en contradiction pourtant avec elle. Et alors ce n’est pas le “sédévacantisme” (ou du moins, la Thèse de Cassiciacum) qui nie ce qui “de foi doit être absolument cru” (autrement dit l’indéfectibilité de l’Église : les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle) mais les “traditionalistes” qui nient la vacance du Siège, qu’ils suivent Amerio ou Mgr Lefebvre selon lesquels c’est l’Église catholique qui, subissant une variation essentielle, est et n’est pas dans le même temps la même qu’auparavant. C’est pourquoi, si spéculativement Amerio s’oppose à Vatican II (et pas seulement aux abus ou mauvaises interprétations du Concile) dans la praxis, toute sa vie, à l’inverse de Mgr Lefebvre, il a accepté ses réformes (réforme liturgique incluse), sa discipline, sa hiérarchie. 4) B. Gherardini, Quale accordo tra Cristo e Belial? Osservazioni teologiche sui problemi, gli equivoci ed i compromessi del dialogo interreligioso [Quel accord entre le Christ et Bélial ? Observations théologiques sur les problèmes, les équivoques et les compromissions du dialogue interreligieux], Fede e cultura, Vérone, avril 2009 et, du même auteur, Ecumene tradita. Il dialogo ecumenico tra equivoci e passi falsi [L’œcumène trahie. Le dialogue œcuménique entre équivoques et faux pas], Fede e cultura, septembre 2009. 5) Voici comment l’un de ses éditeurs, Fede e culBrunero Gherardini tura, présente Mgr Gherardini : “B (Prato, 1925), prêtre (1948), dipômé en théologie (1952) avec spécialisation en Allemagne (1954-1955), ancien professeur à l’université Pontificale du Latran, et doyen de la Faculté théologique, chanoine de la basilique de Saint-Pierre au Vatican depuis 1994, Directeur responsable de la Revue internationale “Divinitas” depuis 2000, consulteur de la Congrégation pour les Causes des Saints durant un trentaine d’années, a écrit plus de 80 volumes et des centaines d’articles variés. Centre de ses recherches : l’Église. Collatéralement mais de façon complémentaire, il a approfondi le personnage et l’œuvre de Luther, la Réforme, l’œcuménisme, la Mariologie et la théologie spirituelle. Il représente l’une des voix italiennes parmi les plus connues y compris à l’étranger”. Nous pouvons ajouter que Mgr Gherardini fut postulateur de la cause de béatification de Pie IX. À l’inverse d’Amerio, Mgr Gherardini n’est pas rosminien, mais thomiste, quoique de l’école du Père stigmatin Cornelio Fabro (école qui prétend avoir redécouvert le “thomisme original” et le concilier avec Kierkegaard). Le Père Guérard des Lauriers ne partageait pas l’interprétation que Fabro donnait de la pensée de saint Thomas. 6) Un mot sur la maison d’édition Fede e Cultura de Vérone, à ne pas confondre avec l’association Fede, Cultura e Società de l’abbé Guillaume Fichera. F&C n’est pas l’éditeur du livre recensé ici, mais celui des œuvres ultérieures de Mgr Gherardini : comme pour les éditions Lindau, en savoir plus sur cet autre éditeur de Romano Amerio – concurrent de Lindau n’est pas sans intérêt. La maison d’édition, née en 2005 seulement, a pris en un rien de temps une place de premier plan parmi les maisons d’édition proches du “traditionalisme”. La ligne n’est pas du tout celle de “l’herméneutique de la rupture” mais celle de “l’herméneutique de la continuité”, de soutien total à Joseph Ratzinger et au motu proprio Summorum Pontificum, de souhait explicite de la Réforme de la réforme. La maison d’édition se présente avec une citation de “saint” Josemaria Escrivà de Balaguer dans laquelle elle se reconnaît, et elle a pour “Protecteur” le “Bienheureux” Antonio Rosmini (condamné par l’Église), “champion de la liberté intellectuelle et responsable culturel”. Une collection lui est dédiée. J’en déduis qu’à F&C, on est “catholique-libéral”. On y est aussi franchement favorable au judaïsme et à l’État d’Israël, malgré Mgr Gherardini ! Parmi les “liens” amis du directeur de la maison, Giovanni Zenone (Prix Attilio Mordini, personnage bien connu aussi de nos lecteurs), figure au premier plan, sous la bannière israélienne, le site d’“Israele.net”, portail d’Israël en italien. Un des livres de Zenone, Il chassidismo. Filosofia ebraica [Hassidisme. Philosophie juive], publié avec préface de Massimo Introvigne (bien connu également de nos lecteurs) décrit la secte judaïque comme “splendide chapitre de la religiosité et de la pensée humaine” et comme magnifique la pensée de Martin Buber. Dans le domaine philosophique, derrière son maître, Mgr Livi (déjà cité à propos des éditions Lindau) G. Zenone a écrit Maritain, Gilson e il senso commune, y faisant l’éloge de l’humanisme intégral de Maritain et se mettant dans la ligne de pensée pascalienne. Les “amis” recommandés sont – entre autres – Cristianità (Alleanza cattolica. Introvigne collabore à F&C et à Lindau), Lepanto (qui a droit à une collection), les disciples de Plinio Correa de Oliveira, les charismatiques de Medjugorje … tout un monde qui ne peut certainement pas être considéré comme opposé à Vatican II, mais qui représente sa “droite”. Pour revenir à Mordini, qui milita durant la guerre dans l’armée allemande, il ne faut pas s’étonner de la sympathie pour Israël d’un “prix Mordini”, étant donné que Mordini considérait le judaïsme et l’islam comme religions sœurs du christianisme et, de même qu’Evola, admirait la Kabbale (cf. Franco Cardini, L’Intellettuale disorganico, Aragno éd. Turin, 2001, pp. 9, 57-59) ; F. Cardini, préface de “Francesco e Maria” de A. Mordini, Cantagalli Siena 1986, pp. 8-9) ; sur tout ce milieu cf. l’article toujours actuel Nous construirons encore des cathédrales : l’ésotérisme chrétien de Giovanni Cantoni à Massimo Introvigne, dans Sodalitium n° 50, pp. 17-36. 7) Mgr Gherardini – dans les plus mauvaises pages peut-être de son livre – va jusqu’à faire sienne la critique de la praxis de l’Église par DH et Vatican II, praxis considérée comme “non conforme” et même “contraire” à “l’esprit évangélique” (cf. DH 12 ; Gherardini p. 173). Ainsi le Christ aurait combattu l’intolérance préchrétienne (tant païenne que vétérotestamentaire) et aurait lui-même été victime de l’intolérance, alors que “certains hommes d’Église ont agi avec la même intolérance qui avait condamné Jésus à mort ; DH 12 fait allusion à eux en soulignant leur manque d’obéissance à l’Évangile. La paix religieuse de Constantin, en 313, même si ce ne fut que ‘l’espace d’un matin’ avait, certes, privilégié l’Église, mais en payant le prix fort : l’intolérance contre les hérétiques et les païens. Une telle intolérance ne correspondait ni à l’enseignement de l’Évangile, ni à l’esprit évangélique, sur lequel la tradition patristique modelait déjà l’exis- 45 tence chrétienne…” (p. 173). Après avoir condamné les conversions forcées opérées par Charlemagne (transeat p. 174), Gherardini fait de saint Thomas un champion de la tolérance (confondue avec la liberté de l’acte de foi, p. 174) pour ajouter ensuite, chose incroyable, “D’autres Papes enfin pensaient différemment” : les coupables d’intolérance antiévangélique auraient été Paul IV (avec l’institution du ghetto), Grégoire XIII (avec l’obligation pour les juifs d’écouter les prédications chrétiennes), l’Inquisition, qui fut “tout sauf équilibrée” (p. 174). Bien que postulateur de la cause de Pie IX, maladroitement défendu par lui (pp. 178-179), dans ces pages Mgr Gherardini montre ce qu’il est : un catholique libéral. 8) Je précise que j’emploie le mot “lefebvriste” dans le sens, non polémique ou dépréciatif, de partisan des doctrines et de la spiritualité de Mgr Lefebvre, comme on parle de dominicains, de franciscains, d’ignatiens, de salésiens, de thomistes, de scotistes, etc. En ce sens le terme ne désigne pas uniquement les membres de la Fraternité Saint Pie-X. 9) De deux choses l’une. Ou bien les “autorités” conciliaires n’entendent pas enseigner, et ce de manière habituelle, ou bien elles entendent enseigner. Dans le premier cas, elles n’entendent pas réaliser objectivement et habituellement le bien et la fin de l’Église, ni assumer les fonctions essentielles de l’Autorité, donc ne sont pas et ne peuvent pas être l’Autorité ; dans le second cas, enseignant l’erreur, elles manifestent de ne pas avoir l’infaillibilité, la divine assistance, mais surtout et plus clairement encore “l’être avec” (“Je serai avec vous…”) promis par le Christ, et donc elles ne peuvent être l’Autorité. Dans tous les cas, elles ne sont pas l’Autorité. Théologie Sacrée Notes pour l’étude de la Sainte Écriture (et des autres sciences ecclésiastiques en général) Par M. l’abbé Francesco Ricossa Au lecteur. Motifs qui ont occasionné la publication dans ce numéro de Sodalitium de certains documents relatifs aux études ecclésiastiques E n avril 1999 Sodalitium publiait son numéro 48; avec un recul de dix ans, je considère ce numéro comme l’un des meilleurs et des plus importants de notre revue. Les nombreuses critiques suscitées, en France comme en Italie, par certains des articles publiés à l’époque (je pense à mon article L’Apocalypse selon Corsini et à son appendice À propos de quelques prophéties et révélations privées), sont une confirmation de ce jugement qui m’est tout à fait personnel. “Confirmation”: car une revue d’étude et d’approfondissement ne peut s’acquitter de sa tâche sans susciter intérêt et aussi contradictions, faute de quoi elle se limiterait à répéter avec monotonie ce que tout le monde sait déjà. Les réactions négatives étaient facilement prévisibles; pas cependant dans la mesure … démesurée qu’elles ont prise, surtout avec le temps, ce qui fait qu’aujourd’hui plus que jamais, dix ans après le “méfait”, nombreux ont été et sont encore les articles critiques publiés sur ce sujet. “La théologie consiste, au moins parfois, à réfléchir et pas seulement à répéter” (Mgr Guérard des Lauriers) À ces critiques – en soi parfaitement légitimes – j’ai rarement considéré comme opportun de répondre, et ce d’autant plus qu’elles croissaient en violence avec le temps, laissant parfois transparaître, en même temps que le désaccord sur les points que j’avais mis en discussion, une hostilité personnelle qui n’a rien à voir avec l’objet du litige. Mon autre article sur le cardinal Rampolla (qui n’était pas du tout à la défense du cardinal), a mis le comble à l’indignation de certains, et je préfère ne pas revenir sur les accusations personnelles extrêmement graves dont j’ai fait l’objet ces derniers mois (ou années). Éviter, si possible, les polémiques personnelles n’a pas été ma seule motivation; il en existe une autre qui fait même l’objet de ces notes. Je m’explique. Depuis sa fondation, notre revue a toujours clairement exprimé le choix de son camp. Sodalitium est une revue catholique, intégralement catholique, intransigeante. En tant que telle, elle s’oppose au modernisme (dans toutes ses formes) et à tous les ennemis de l’Église, internes et externes, déclarés et occultes. Telle a toujours été, telle est encore, et telle devra toujours être la ligne de Mgr Guérard des Lauriers notre périodique. Naturellement nous ne sommes pas les seuls – grâce à Dieu – à défendre ces positions, à combattre ces ennemis (même si nous sommes du petit nombre de ceux qui embrassent publiquement la thèse théologique dite de Cassiciacum qui seule actuellement explique exhaustivement la situation de l’autorité dans l’Église). Et cependant, très souvent, les attaques contre Sodalitium ne partent pas seulement des ennemis, mais partent aussi des faux amis, ou de ceux qui, comme nous antimodernistes, devraient être des amis. Certainement à cause de la Thèse de Cassiciacum. Mais aussi à cause d’une mentalité que le Père Guérard des Lauriers appelait “traditionalisme théologique”, et qui, à l’opposé du bien plus grave rationalisme moderniste, est un défaut qui, lui, fondamentalement, frappe – comme l’indique le terme même – ceux qui sont justement attachés à la Tradition. La mentalité que critiquait le Père Guérard des Lauriers ne s’applique pas seulement à la théologie, mais à toutes les sciences ecclésiastiques, l’histoire par exemple, ou l’exégèse de l’Écriture Sainte. Cependant toujours, dans le camp des vrais catholiques (et donc des antimodernistes) l’Église a pu compter sur des savants qui ont su faire, selon une expression de Mgr Benigni “une synthèse aussi scientifique qu’orthodoxe, de qualité l’une et l’autre difficiles à trouver par ces clairs de lune” (cf. É. Poulat, Catholicisme, démocratie et socialisme. Le mouvement catholique et Mgr Benigni de la naissance du socialisme à la victoire du fascisme, Casterman, Paris, 1977, p. 219, et en général tout le chapitre VII L’histoire sainte sans auréole). Parmi ceux-ci, me sont particulièrement chers (sans pour autant attribuer l’infaillibilité à aucun d’entre eux) le Père Guérard des Lauriers, pour ce qui concerne la théologie scolastique; Mgr Umberto Benigni, dans le domaine de l’Histoire ecclésiastique; Mgr Francesco Spadafora pour ce qui regarde l’exégèse de la Sainte Écriture. Naturellement, nous devons mettre au-dessus de tous, comme notre norme et règle, le magistère ecclésiastique. Il me semble qu’il faut aller à la racine d’une mentalité erronée qui frappe – de diverses manières – nombre de nos amis, à cause aussi de l’influence qu’a pris avec le temps dans les études ecclésiastiques un certain volontarisme, et qui les empêche ne serait-ce que de prendre en considération ce que nous écrivons. Pour introduire le lecteur de Sodalitium (amis bienveillants, et aussi ceux qui le sont moins) à cette thématique, je propose maintenant une série de documents qui, à mon avis, peuvent illustrer ce que j’ai tenté de dire jusqu’ici. S’il plaît à Dieu, d’autres suivront ultérieurement. Erreur du “Traditionalisme théologique”. La théologie consiste, du moins parfois, à réfléchir, et pas seulement à répéter (Mgr Guérard des Lauriers) Document I « Troisième option. Le “traditionalisme théologique” Ce comportement consiste à rechercher, en vue de l’accommoder, tout ce que les théologiens ont pu dire sur la question controversée. Jamais Cajetan, Bellarmin et Suarez n’avaient joui d’une telle popularité. Les “traditionalistes” de la troisième sorte méconnaissent en fait que les excellents auteurs auxquels ils se réfèrent se sont exprimés “en temps de paix”, sans pouvoir prévoir les conditions de la guerre, et qu’ils ont d’ailleurs énoncé des clauses conditionnelles. Si tel occupant du Siège apostolique ne se comporte pas de telle ou telle façon, alors il n’est plus pape ou ne l’a jamais été. Toute la question est de savoir si le “SI” s’applique. On ne peut le déterminer qu’en confrontant les faits observés avec des principes assurés. Éclairer la situation qui résulte d’une crise sans précédent, ne peut résul- 47 ter d’un retour servile à ce qui fut différent, sous ce prétexte qu’il a précédé. La théologie consiste, au moins parfois, à réfléchir et pas seulement à répéter. (…) La preuve de la thèse n’est pas infirmée par l’argument de tradition On ne manquera pas d’observer que les théologiens n’ont pas prévu un tel cas de “vacance” pour le Siège apostolique. Les objectants, répondons-nous, ressemblent à ce chasseur qui, sûr de sa science, un jour s’aventura… dans la réalité. La panthère, une moderniste, arriva à gauche, alors que l’événement était, dans le livre, prévu “à droite”. Le chasseur en conlut que l’animal s’était trompé et, seconde erreur de la panthère, fut par celle-ci croqué. Et qu’on ne nous parle pas des “antilibéraux” qui font leur raison d'être “anti” l'Exercice des Exercices. L’un clame: “Marchons droit” (titre de la revue de l’œuvre des Exercices de la Fraternité Saint Pie-X, n.d.r.), et il conseille avec insistance la plus étroite soumission au Pontife du zig-zag; il tombe tout droit avec son Pontife dans la fosse du libéralisme. L’autre ne tient pour vrai que ce qui déjà a été dit: diminutæ sunt veritates a nepotibus Ignatii (1). La théologie ne doit pas être inféodée à l’historicisme. Elle consiste certes à répéter; mais, surtout en temps de crise, elle consiste d’abord à réfléchir, à remonter aux principes à partir des faits, et à éclairer ceux-ci par ceux-là. Serait-il donc surprenant qu’une crise qui est dans l’Église sans précédent culmine précisément dans le Siège apostolique par un type de vacance qui est lui-même sans précédent?» (R. P. M.-L. Guérard des Lauriers o.p., Le Siège Apostolique est-il vacant? In Cahiers de Cassiciacum, n° 1, mai 1979, pp. 30, 76-77). Document II De la lettre “Opportunum valde” de Saint Pie X (11 janvier 1906) à Mgr Le Camus, évêque de La Rochelle et Saintes, sur l’étude de l’Écriture Sainte (extrait) « (…) Ce qui, chez vous, demeure aussi très spécialement digne d’éloges, c’est que, dans votre manière d’exposer les textes sacrés, vous vous êtes appliqué à suivre, par respect de la vérité et pour l’hon- neur de la doctrine catholique, la voie dont, sous la direction de l’Église, il ne faut jamais s’écarter. Tout comme, en effet, on doit condamner la témérité de ceux qui, se préoccupant beaucoup plus de suivre le goût de la nouveauté que l’enseignement de l’Église, n’hésitent pas à recourir à des procédés critiques d’une liberté excessive, il convient de désapprouver l’attitude de ceux qui n’osent, en aucune façon, rompre avec l’exégèse scripturaire ayant eu cours jusqu’à présent, alors même que la foi demeurant d’ailleurs sauve, le sage progrès des études l’y invite impérieusem e n t. C’est entre ces deux extrêmes que fort heureusement vous marquez votre route. Par l’exemple que vous donnez, vous prouvez qu’il n’y a rien à craindre, pour nos Saints Livres, de la vraie marche en avant réalisée par la science critique, et que même il peut y avoir tout avantage pour ces Livres à recourir aux lumières apportées par cette science. Et, de fait, il en est ainsi toutes les fois qu’on sait l’utiliser avec prudence et sage discernement, comme Nous constatons que vous l’avez fait vous-même (…) ». Document III Les critères dogmatiques de l’Herméneutique biblique. Magistère et consensus unanime des Pères « (L’Herméneutique) est la discipline qui enseigne les règles à suivre pour bien comprendre et expliquer les Livres Sacrés. (…) 1. Et voici les critères dogmatiques que l’herméneutique détermine à l’exégète catholique. Toute explication qui admet ou suppose une erreur dans l’affirmation de l’auteur inspiré est à rejeter. En effet l’erreur retombe alors sur Dieu Lui-même, vrai auteur principal. 2. L’interprétation authentique, dans les péricopes concernant la foi et la morale (les vérités dogmatiques et morales nécessaires à notre salut) revient indiscutablement au Magistère ecclésiastique; en sorte que l’exégète ne peut les interpréter contre le sens enseigné et infailliblement proposé par lui (concile de Trente, Conc. Vatic. I: Enchiridion Biblicum EB 62.78). Il est en effet impossible qu’il y ait opposition, contraste, entre les deux sour- 48 ces de la même révélation divine: l’enseignement oral (tradition apostolique=Magistère infaillible) et la Sainte Écriture. L’interprétation authentique de l’Église est donnée: A ) dans les définitions des Conciles ou des Souverains Pontifes; directement lorsque la détermination du sens biblique est l’objet direct et formel de la définition (par ex. Jn 3, 5 doit s’entendre au sens propre du baptême: Concile de Trente., Denz. 858); indirectement lorsque ce n’est pas le texte en soi, mais la doctrine s’appuyant sur lui, qui est l’objet formel de la définition (par ex. Rom., 5,12 se rapportant au dogme du péché originel: Concile de Trente, Denz. 789). Cependant, en ce second cas, seul un examen soigné et prudent des termes et des circonstances de la définition peut éclairer sur l’intention de fixer plus ou moins infailliblement l’exégèse (Mangenot-Rivière, dans DThC, VII, 2315-19). B) Les organes ordinaires sont les SS. Congrégations en particulier la Commission Biblique Pontificale; leurs décisions exigent le respect et aussi l’assentiment interne, mais elles ne sont pas infaillibles et donc l’exégète poussé par des arguments graves, peut suspendre cet assentiment et proposer les raisons qui s’y opposent. 3. Pour les premiers siècles, nous sommes informés de l’enseignement infaillible par les écrits des Pères. C’est pourquoi dans les documents cités (depuis le Concile de Trente jusqu’à Humani generis) à côté du magistère ecclésiastique est placé immédiatement et dans le même cadre (c’est-à-dire pour les vérités de foi et de morale) la doctrine des Pères comme garants/témoins de la foi catholique. C e t t e dernière condition est essentielle; en fait ils [les Pères] donnent ordinairement des explications personnelles qui, tout en étant dignes du plus grand respect, n’obligent pas du tout l’exégète.. L e c o n s e n t e m e n t unanime (au moins moral) est nécessaire dans l’interprétation d’un texte dogmatique; et principalement, qu’elle soit proposée comme vérité appartenant à la foi catholique (Léon XIII, Providentissimus: EB, n°122)), et non comme une des nombreuses interprétations possibles ou p r o b a b l e s . Lorsque Origène affirme par ex. l’inspiration et l’inerrance des livres sacrés, il ajoute immédiatement: c’est ainsi que ‘dans l’Église manifestissime prædicatur’ c’est enseigné de façon très nette. C’est pourquoi, comme le précisent L é o n X I I I e t P i e X I I (2 ) b i e n p e u n o m b r e u x sont les textes bibliques dont l’exégèse authentique est fixée par les Pères. De même que, sont peu nombreux, par ailleurs, ceux dont le sens a été infailliblement défini par les Conciles ou par les Souverains Pontifes (Cornely, Introd., 2ème ed., p. 610, en énumère une vingtaine, directement définis; Durand, DFC, 1, coll. 1837, pas plus de 12): Enc. Divino Afflante Spiritu, EB, n. 564-565. (3) 4. Le dernier critère dogmatique est l’analogie de la foi: biblique, autrement dit l’accord mutuel ou harmonie entre les vérités contenues dans l’Écriture Sacrée; et catholique, autrement dit l’accord de ces vérités avec celles contenues dans la Tradition orale (Magistère ecclésiastique).Voici comment ceci est formulé par saint Augustin (…): “dans les passages ambigus de l’Écriture que l’on consulte la règle de la foi, qui se réfère à des passages plus clairs de cette même Écriture et à l’autorité de l’Église”. (cf. enc. Providentissimus, EB nn. 109-116). “L’exégète catholique, poussé par un amour actif et courageux de sa science, sincèrement dévoué à Notre Mère la Sainte Église, ne doit, en aucune façon, s’interdire d’aborder, et à plusieurs reprises, les questions difficiles qui n’ont pas été résolues jusqu’ici, non seulement pour repousser les objections des adversaires, mais encore pour tenter de trouver une solide explication, en accord parfait avec la doctrine de l’Église, spécialement avec celle de l’inerrance biblique, et capable en même temps de satisfaire pleinement aux conclusions certaines des sciences profanes. Les efforts de ces vaillants ouvriers dans la vigne du Seigneur méritent d’être jugés non seulement avec équité et justice, mais encore avec une parfaite charité; que tous les autres fils de l’Église s’en souviennent. Ceux-ci doivent avoir en mésestime ce zèle tout autre que prudent, qui croit devoir combattre ou tenir en suspicion tout ce qui est nouveau.” C’est ainsi que Pie XII illustrait la liberté de l’exégète catholique (Divino afflante Spiritu, EB n. 564; tra- 49 duction tirée de Doc. Pontif., Actes de SS Pie XII, tome V, pp. 245-246). (…)». (MGR FRANCESCO SPADAFORA, Ordinaire d’Exégèse à l’Université pontificale du Latran, in Dizionario Biblico, ed. Studium, Roma, 1963, rubrique Ermeneutica, pp. 211-212). Document IV Prophète, prophétie, annonce du futur «Le Prophète est celui qui, par mission divine, transmet à celui auquel il est envoyé, les révélations qui lui ont été communiquées, surnaturellement, par Dieu. (Deut. 18,18 s; II Rois 3,9, etc.; cf. Ex 7,1 s.). Le début et l’élément essentiel de la mission prophétique est la vocation de la part de Dieu; choix libre, imprévu et inopiné, qui donne un nouveau cours à l’existence de celui qui est appelé (Ex 3-4,18; Amos 7,12-15; Is 6; Jérémie 1,4-9; 20,7-18, etc.). Le terme hébreu le plus usité, nabhi, dérive du verbe akkadien nabu, ‘appeler’, au participe passé ‘appelé’, qui a reçu une mission de Dieu (…) Le grec proføtej ‘qui parle au nom et à la place de Dieu’ rend bien l’idée (de pr’ ‘au lieu’ et fßnai ‘parler’...). Le sens de ‘prédire le futur’, le prophète annonçant aussi le futur, n’est que secondaire; mais l’éthymologie de saint Isidore de Séville (pr’ ‘auparavant’ et fßinein ‘apparaître’; s. Tommaso II-II, q. 171 a. 1) est erronée» (MGR FRANCESCO SPADAFORA, Dizionario biblico, ed. Studium, Roma, 3ème éd. 1963, rubrique Profeta, profetismo, p. 489. Cf., même auteur, la rubrique Profeta, in Enciclopedia cattolica, vol. X, Città del Vaticano, colonnes 92-93 où il ajoute une citation de saint Augustin: “nihil aliud esse prophetam Dei, nisi enuntiatorem verborum Dei hominibus”) (Quæst. In Hept., 17; PL 34, 601): un prophète de Dieu n’est rien d’autre que celui qui annonce aux hommes les paroles de Dieu (4). Notes 1) Le théologien dominicain ne manque pas d’envoyer une flèche à des confrères (que j’ai connus, aimés et estimés) formés à la théologie de la Compagnie de Jésus. Or, tout bon thomiste sait que c’est à cette théologie que l’on doit, en bonne partie, cette tendance au volontarisme et au juridisme qui a frappé tant de catholiques par ailleurs excellents – religieux, séculiers et laïcs – avant Vatican II, bien que saint Ignace dans ses Exercices (que, chaque année, je pratique et donne aux fidèles) recommande la philosophie scolastique et la théologie thomiste. (abbé F. R.) 2) « Qu’ils n’oublient pas avant tout que, dans les règles et les lois portés par l’Église, il s’agit de la doctrine concernant la loi et les mœurs, tandis que dans l’immense matière contenue dans les Livres Saints, livres de la loi ou livres historiques, sapientiaux et prophétiques, il y a bien peu de textes dont le sens ait été défini par l’autorité de l’Église, et il n’y en a pas davantage sur lesquels existe le consentement unanime des Pères. Il reste donc beaucoup de points, et d’aucuns très importants, dans la discussion et l’explication desquels la pénétration d’esprit et le talent des exégètes catholiques peuvent et doivent s’exercer librement, afin que chacun contribue pour sa part et d’après ses moyens à l’utilité commune, au progrès croissant de la doctrine sacrée, à la défense et à l’honneur de l’Église. Cette vraie liberté des enfants de Dieu qui, gardant fidèlement la doctrine de l’Église, accueille avec reconnaissance, comme un don de Dieu, et met à profit tout l’apport de la science profane; cette liberté, secondée et soutenue par la confiance de tous, est la condition et la source de tout réel succès et de tout solide progrès dans la science catholique, comme nous en avertit excellement Notre Prédécesseur d’heureuse mémoire, Léon XIII… » (Pie XII, enc. Divino afflante Spiritu, EB n° 565; traduction française tirée de Actes Pont.; Actes de S.S. Pie XII, tome V, pp. 246-247). «Le témoignage des saints Pères (…) a aussi une grande autorité toutes les fois qu’ils expliquent tous d’une seule et même manière un texte biblique, comme concernant la foi et les mœurs: car de leur accord il résulte clairement que selon la doctrine catholique, cette explication est venue telle, par tradition des apôtres. (…) Que l’interprète sache donc qu’il doit suivre leurs pas avec respect et jouir de leurs travaux par un choix intelligent. Il ne lui faut cependant pas croire que la route lui est fermée et qu’il ne peut pas, lors qu’un motif raisonnable existe, aller plus loin dans ses recherches et dans ses explications. Cela lui est permis, pourvu qu’il suive religieusement le sage précepte donné par saint Augustin: “Ne s’écarter en rien du sens littéral et comme évident; à moins qu’il n’ait quelque raison qui l’empêche de s’y attacher ou qui rende nécessaire de l’abandonner”. Cette règle doit être observée avec d’autant plus de fermeté, qu’au milieu d’une si grande ardeur d’innover et d’une telle liberté d’opinons, il existe un plus grave danger de se tromper». (Léon XIII; enc. Providentissimus Deus, Actes Pont., Actes de Léon XIII, tome IV, pp. 25-26). 3) Pour certains, au contraire, l’expression “infaillibilité du consensus unanime des Pères” est devenue une formule extrêmement utile pour présenter leurs propres légitimes mais discutables opinons personnelles comme des vérités de Foi (il suffit d’affirmer, sans démontrer, qu’elles sont des expressions du consensus unanime des Pères) et taxer d’hérétique qui ne pense pas comme eux (et surtout, qui ne leur est pas sympathique). Les Pères, et la vérité, méritent un tout autre respect. 4) Que le lecteur compare ce qu’affirme Mgr Spadafora avec ce qu’écrit à ce sujet Eugenio Corsini in Apocalisse prima e dopo, ed. SEI, Torino, 1980, pp. 32-34 au petit chapitre “Apocalisse e profezia”. 50 Le mythe d’Hypatie Par M. l’abbé Francesco Ricossa L’ historien du Moyen Âge, Franco Cardini, est, dit-on, catholique, traditionaliste même à en croire certains, et luimême se présente comme catholique pratiquant. D’aucuns sont restés stupéfaits de certaines de ses déclarations, en marge de ladite “affaire Williamson”, déclarations par lesquelles Cardini se disait d’accord avec Gad Lerner pour définir Jésus-Christ comme juif et non chrétien, le christianisme étant une invention de Paul de Tarse (lire : Saint Paul), thèse mille fois réfutée dont l’auteur est un juif. Cardini écrit : «Pour le reste, Lerner en appelle à Oz lequel a souligné que J é s u s n ’ é t a i t p a s chrétien mais juif : ils ont parfaitement raison, aussi bien Oz que Lerner. Tout réside dans le fait que le Jésus des chrétiens ne se cantonne pas au Jésus h i s t o r i q u e : Saul, un tisserand originaire de Cilicie, né pas loin du Liban, terre natale de Lerner, l’a bien expliqué (au-delà de l’attribution controversée de ses lettres, comme l’a justement rappelé Lerner). Jésus était hébreu certes : m a i s l e p r o j e t d’un christianisme “hérésie judaïque”, pour ainsi dire, a été écarté lorsque la thèse de Paul et de Barnabé, thèse de l’Ecclesia et gentibus a battu la thèse de Pierre et de Jacques, l’Ecclesia et c i r c u m c i s i o n e. Le christianisme ne peut pas ne pas considérer le judaïsme comme lui étant “intrinsèque” : mais il est irévocablement autre chose par rapport à lui ». Mis à part le fait que Paul, Barnabé, Pierre et Jacques se sont trouvés d’accord au Concile de Jérusalem et que Pierre, et non Paul, fut le premier à accueillir les Gentils dans l’Église (mais ce n’est pas de cela ni d’autre chose que je veux parler), de nombreux lecteurs ont été choqués de la distinction faite par Cardini entre le “Jésus des chrétiens” et le “Jésus historique”, distinction qui ne rappelle que trop l’opposition moderniste entre le “Jésus de la foi” et le “Jésus de l’histoire”. En réponse à André Carancini qui lui reprochait cette affirmation, Cardini allait plus loin, poussant jusqu’à mettre en doute l’existence de Jésus-Christ : L’histoire d’Hypatie est un fait obscur et marginal de l’histoire (de la philosophe il ne nous est pas parvenu une seule ligne philosophique, nous ne connaissons rien de sa pensée ; et son extraordinaire beauté qui en fait un personnage romantique est tout à démontrer…). Le fait est que de temps en temps la pauvre Hypatie est réexhumée pour servir à des intérêts qui ne se cachent même pas. “Que la personnalité de Jésus soit authentiquement historique, n’est pas suffisamment prouvé de sources sûres. Je veux dire que, tradition scripturaire néotestamentaire mise à part (sur la valeur historique de laquelle est ouverte une polémique vertigineuse), ni Flavius Josèphe, ni Tacite, ni Trajan ne nous fournissent des preuves historiques suffisantes pour considérer comme historique la personne de Jésus comme on peut considérer comme historique, par exemple, le personnage de Jules César sur lequel existe quantité de “preuves entrecroisées” de type documentaire (annales, mais aussi documents légitimement considérés comme authentiques de type épigraphique, archéologique, imagier, etc.)”. À ce point, que Cardini soit catholique, il n’y a, pour le croire, que lui à Florence (si, comme je le lui souhaite, il est de bonne foi) ou certains de ses amis à Saint-Marin. Pour mon compte, je n’ai pas été surpris, sachant que Cardini, grande intelligence que j’ai eu le plaisir de connaître dans les années 70, est de ces penseurs que je définis “exules filii” d’Evola. Et ils sont nombreux. L’esprit sulfureux de l’auteur d’Impérialisme païen (éditions Atanor de la dynastie franc-maçonne des Alvi) pointe çà et là sous la plume de l’historien toscan, par exemple dans la “fixation” qu’il fait sur Hypatie. Cardini ne perd pas une occasion de parler à ses lecteurs de la “martyre” païenne tuée par les chrétiens. La dernière fois, si je ne me trompe, c’était le 14 février 51 2010 dans les pages roses du Sole 24 ore, de la Confindustria [Confédération nationale du patronat] (p. 28), dans sa recension d’Azazel, un livre du musulman égyptien Yosuf Ziedan (1). De la littérature au cinéma, le pas est vite fait, et Cardini revient à sa fixation et invite les lecteurs à aller voir Agora , le film d’Alexandre Amenabar, “qui parle du martyre de la sage et chaste savante Hypatie, lapidée et mise en pièces par les bons moines chrétiens dans l’Alexandrie du IVème siècle”. Quelques jours auparavant, sur son site, à la date du 7 février, dans un article intitulé Hypatie, Cardini surenchérissait : “Il ne fait aucun doute que le christianisme a eu des martyrs très purs et beaucoup d’hommes et de femmes qui ont su répondre avec amour à la persécution. Et pourtant en général, depuis l’édit de Théodose qui faisait du christianisme l’unique religion d’état de l’empire jusqu’à la colonisation-christianisation des peuples indigènes d’Afrique, d’Amérique et d’Australie, l’histoire de la conversion au christianisme dans le monde a été essentiellement – contrairement à ce que l’on dit et pense communément – une histoire de contrainte, de répression et d’oppression. Pour se répandre, l’Islam – encore une fois, contrairement à ce que l’on dit et pense – a eu beaucoup moins besoin que le christianisme de la violence. À chacun sa vérité : et ne vous faîtes pas d’illusion, ce n’est pas une boutade paradoxale. Qui connaît un tout petit peu sérieusement l’histoire, sait très bien que c’est un fait avéré. Qui le nie est ou bien ignorant ou de mauvaise foi. Je suis disposé à faire vos délices avec une série d’articles à épisodes sur cette question divertissante. Vous en entendrez de belles. Et d’irréfutables. Du reste, que de nos jours encore plusieurs bons chrétiens ne se sentent pas la conscience tranquille, un fait de chronique le prouve. En Italie, nonobstant les protestations et même la formation de comités – dont personne ne parle, ce qui est significatif – il n’y pas moyen de voir dans les salles cinématographiques le film d’Alexandre Amenabar (2), Agora. Et pourquoi donc ? Les critiques du monde entier sont excellentes. J’ai vu le film à Paris et je puis assurer qu’il est ex- Le metteur en scène chilien du film sur Hypatie cellent : historiquement de source très sûre, bien interprété, captivant et émouvant dans sa trame, le metteur en scène est des plus appréciés aujourd’hui. Et alors, qu’est-ce qui ne va pas ? Et qui empêche sa sortie [en Italie] ? À la seconde question, je ne sais pas répondre. À la première, oui. Ce qui ne va pas est seulement le fait qu’Agora est l’histoire d’Hypatie, que même les lycéens devraient connaître. Hypatie était la fille du mathématicien et philosophe Théon, dernier directeur – pour ce que nous savons – du Musée d’Alexandrie. C’était une belle jeune femme, à son tour elle aussi philosophe et scientifique, dédiée à l’enseignement, au savoir et à la chaste vie du savant. Lors des émeutes qui eurent lieu dans la ville égyptienne, temple du savoir antique, durant l’année 415 après J.-C., Hypatie fut capturée par une bande de moines fanatiques venus du désert, traînée dans l’église du Kaisarion et mise littéralement en pièces. Derrière ces affreux moines sales et méchants – tristement connus comme circelliones ou circumcelliones – il y avait la vénérable figure du patriarche d’Alexandrie, Cyrille, Père de l’Église qui n’avait pas manqué d’inciter ces fanatiques contre la philosophe, l’accusant d’impiété et de magie. Un de ses vénérables collègues, Synésios de Cyrène, qui avait été élève d’Hypatie et en conservait un affectueux et respectueux souvenir, fut témoin de l’événement. Certes, cela peut ne pas plaire d’assister au spectacle de cette lugubre racaille utilisant les croix comme armes contondantes. Mais nous ne sommes pas le moins du monde loin de la vérité historique”. Qu’on ne puisse pas voir le film d’Amenabar en Italie, Cardini ne peut pas l’avaler (2). Pas plus qu’Alessandra Colla, qui fut la première à exhumer cette Hypatie tombée dans l’oubli en en publiant la vie, ou plutôt la mort, en 1985, dans un livre intitulé “Quella femmina fatta a pezzi” [Cette femme mise en pièce] aux éditions Ar de Franco Freda, qu’il est inutile de présenter. “Je crois vraiment – dit une Alessandra Colla indignée à Giovan- 52 L’actrice protagoniste d’Agora, personnifiant Hypatie, est la juive hongroise Rachel Weisz, qui a attaqué l’Église Catholique à Cannes... na Canzano – que l’Italie n’est un État ni indépendant ni laïc : deux mille ans de Vatican sur le sol national ne sont pas une réalité à ignorer ou à sous-évaluer, et le poids du conditionnement chrétien catholique sur les coutumes et sur la société italienne se fait sentir trop souvent – je pense au cas Englaro, par exemple” (Chi ha paura di Ipazia ? [Qui a peur d’Hypatie], Arianna editrice.it ; mais alors le retournement laïciste de Fini n’est pas du tout fare futuro [Faire futur : fondation culturelle qui soutient le président de la chambre, Fini] mais retourner aux “éditions de Ar” ? – soit dit sans offenser Freda). Pour le reste, Colla est plus pondérée que Cardini, puisqu’elle déclare qu’on ne peut pas dire de saint Cyrille qu’il fut l’instigateur de l’homicide de son héroïne. En réalité cette histoire d’Hypatie est un fait obscur et marginal de l’histoire (de la philosophe il ne nous est pas parvenu une seule ligne philosophique, nous ne connaissons rien de sa pensée si ce n’est qu’elle était néoplatonicienne ; et son extraordinaire beauté qui en fait un personnage romantique est tout à démontrer, etc. - écrit encore Colla). Le fait est que de temps en temps la pauvre Hypatie est réexhumée pour servir à des intérêts qui ne se cachent même pas. C’est ainsi qu’en 1914 quand le Théosophe Auguste Agabiti écrivit Ipazia : la prima martire della libertà di pensiero [Hypatie : première martyre de la liberté de pensée], tout le monde savait de quelle Loge venait l’écrit. Mais peu de gens savent qui fit d’Hypatie un symbole de la lutte maçonnique contre le christianisme. Bien peu de gens… mais non personne, grâce aussi aux éditions Clinamen qui, par les soins de Federica Turriziani Colonna ont traduit pour la première fois en italien le livre de John Toland, Ipazia. Donna colta et bellissima fatta a pezzi dal clero [Hypatie. Femme cultivée et très belle mise en pièces par le clergé] (titre original : Hypatia or the History of a most beautiful, most virtuous, most learned and in every way accomplished lady, who was torn to pieces by the clergy of Alexandria to gratify the pride, emulation and cruelty of the archbishop commonly but undeservedly titled St Cyril). Cette publication fait les délices de Piergiorgio Odifreddi, de Margherita Hack (fille – et peu de gens le savent – d’un théosophe), du Grand Orient d’Italie et de toute la UAAR (Unione Atei Agnostici Razionalisti) [Union des Athées Agnostiques Rationalistes]… qui en promeut la diffusion. John Toland (1670-1722) publiait son pamphlet sur Hypatie en 1720. Trois ans auparavant, en 1717, avaient été fondées (ou refondées, pour ce qui concerne la Maçonnerie) en Angleterre deux sociétés ésotériques : la Maçonnerie et, avec le maçon Stukeley, l’Ordre druidique, dédié à la résurgence des mythes païens celtiques et nordiques (les héritiers contemporains de cette mythologie maçonnique ne manquent pas !). Toland défini, tour à tour, comme républicain, déiste, socinien, panthéiste, libre penseur, illuministe radical, anticipateur du matérialisme athée du XVIIIème siècle, etc. fut presque certainement impliqué dans l’une et l’autre de ces fondations (sur Toland et la Maçonnerie, cf. par exemple Margaret Jacob, The Radical Enlightenment , 1981 [L’Illuminisme radical]). Telles sont les sources du “mythe d’Hypatie”, depuis les Loges jusqu’aux salles cinématographiques. Ceci étant dit pour le mythe (Hypatie en tant que machine de guerre des libres penseurs et des francs-maçons contre le christianisme), que dire de l’histoire ? Les auteurs classiques qui relatent l’épisode, faisant du personnage de saint Cyrille un tableau noir, ne sont pas impartiaux… Sur les uns pèse l’aversion religieuse (ceux qui dénigrent Cyrille sont aryens ou nestoriens) ou sur les autres l’aversion ethnicopolitique des Byzantins contre les Coptes. Et puis il y a les juifs. Les juifs ? Qu’ont-il à voir ici ? C’est un catholique authentique mais aussi historien authentique, Mgr Benigni qui nous le relate, avec son style mordant qui ne regarde pas à la personne, dans ces quelques lignes extraites de sa Storia Sociale della Chiesa [Histoire sociale de l’Église] (Vallardi éditeur, Milan, 1912, vol. II, tome I, pp. 406-408). 53 SAINT CYRILLE, HYPATIE, LES PAIENS ET LES JUIFS Par Mgr Umberto Benigni «…À Alexandrie même, Byzance était dignement représentée par le préfet Oreste, celui que nous avons vu jaloux des évêques. Les vexations, les provocations, les partialités du préfet avaient profondément irrité le peuple d’Alexandrie, déjà tellement agité de lui-même. Dans une telle ambiance des excès ne pouvaient manquer de survenir de part et d’autre. A Alexandrie les juifs étaient très nombreux et, inutile de le dire, très influents sur le préfet impérial. À leur instigation Oreste fit torturer un certain Jerace maître élémentaire accusé par les juifs d’être un émissaire de Cyrille pour fomenter des désordres. L’ayant su, Cyrille appela les chefs des juifs et les avertit que s’ils ne cessaient de soulever des émeutes, ils en paieraient le prix. Les juifs encore plus irrités et toujours plus enhardis par leur connivence avec le préfet, décidèrent d’attaquer de nuit les chrétiens et de mettre le feu à l’église dite d’Alexandre. Les chrétiens avertis à temps accoururent pour s’opposer à l’incendie, et il s’en suivit un affrontement sanglant. Aux dires de Socrate, qu’il faut prendre ‘sous réserve d’inventaire’, Cyrille (persuadé évidemment de l’inutilité et même du danger de recourir à Oreste) se mit à la tête des citoyens chrétiens, prit aux juifs leurs synagogues, les expulsa de la ville et laissa le peuple saccager leurs biens. Il est facile de remettre au point ces dits tendancieux de l’historien byzantin. Si les juifs se préparaient à couronner leurs séries de méfaits antichrétiens par l’incendie d’une église ; si le peuple accouru sauver l’église avait eu un terrible affrontement avec les brigands du ghetto, - il n’était pas vraiment besoin qu’intervienne Cyrille pour chasser les juifs des synagogues et d’Alexandrie, et “permettre” (sic) que la plèbe saccage les maisons. Si Cyrille intervint en tout cela, ce fut, sans aucun doute, opportun dans l’intérêt même des juifs, puisque sans l’intervention du très vénéré patriarche on comprend facilement que bien plus graves auraient été les effets de la réaction antisémite. Le complice Oreste, rendu furieux par la tournure que prenaient les choses, écrivit à sa façon à l’empereur. Mais Cyrille ne perdit pas de temps ; lui aussi écrivit au César, lui envoyant un rapport sur les scélératesses commises par les juifs à Alexandrie. Entre temps, pour calmer les esprits et dans l’intérêt commun, Cyrille avait envoyé des intermédiaires à Oreste pour l’apaiser et reprendre les relations. Le bon Socrate qui veut toujours attribuer le mal à Cyrille et le bien aux autres, insinue que Cyrille avait été contraint à ces pourparler de paix par le peuple d’Alexandrie : il faut ne rien connaître de l’histoire de ce peuple pour le croire. Ce qui est certain est qu’Oreste ne voulut pas entendre parler de paix ; la situation devint de plus en plus tendue et les esprits toujours plus irrités. Les moines, très nombreux et très ardents, enclins aux excès tout comme ce peuple dont ils étaient issus directement (le monachisme égyptien était presque entièrement copte, et du reste, laïc) prenaient ardemment parti pour leur patriarche et détestaient le préfet corrompu et corrupteur. Socrate raconte (toujours ‘sous réserve d’inventaire’, ce qui serait plus opportun que jamais mais hélas impossible) : environ cinq cents moines de Nitrie se rendirent à Alexandrie ; et ayant rencontré Oreste, l’insultèrent le traitant de païen et de sacrificateur. Se voyant mal parti, Oreste affirma être chrétien ; mais un moine, un certain Ammonios, lança une pierre qui atteignit Oreste à la tête ; les licteurs effrayés (sic) se dispersèrent dans la foule, mais celle-ci pourchassa les moines. Ammonios fut arrêté et torturé à mort ; Cyrille voulait le faire vénérer comme martyr (Socrate, HE., XIV). Les circonstances exactes de la mort de la philosophe Hypatie (Socrate, XV) tuée dans les débordements antisémites, sont également obscures. Ce qui est certain c’est que sa maison était le centre non pas tant d’une académie néo-platonicienne, que d’un véritable parti helléniste politico-social activement antichrétien. Le peuple chrétien d’Alexandrie ne s’y trompa pas lorsqu’il vit dans la synagogue et dans la maison d’Hypatie deux centres de lutte antichrétienne, probablement alliés dans la pratique de leur haine commune. Si donc tout excès est à déplorer en général et la fin tragique d’Hypatie en particulier, l’historien ne peut pas ne pas constater que de semblables excès furent l’aboutissement 54 “Le Pape du Concile” Jean XXIII et Carl J. Burckhardt. Saint Cyrille d’Alexandrie Nous accusons réception et publions la lettre ci-dessous. naturel d’un état de choses intolérable. Alexandrie souffrait de plus en plus des trois plaies qu’étaient la synagogue, l’hellénisme païen, l’autorité d’un préfet vénal et partisan, et ce, sans trouver le moyen de s’en libérer pacifiquement et légalement. En d’autres circonstances analogues, de tous temps et en tous lieux, on a pu voir se déchaîner la fureur d’un peuple qui tente de remédier lui-même par le fer et le feu à la situation. Il est facile à un écrivain partisan, ancien ou moderne, de rejeter la responsabilité sur Cyrille ; mais il n’est pas difficile à l’historien serein et objectif de montrer l’aspect tendancieux de certains récits et le manque de preuves concernant certaines accusations. Pour l’histoire sereine et objective, Cyrille d’Alexandrie est une grande figure religieuse et civile. Homme droit, aussi résolu qu’efficace, il voit l’erreur dogmatique de Nestorius tout comme le mauvais gouvernement d’Oreste : il les combat résolument, rudement, comme l’imposaient alors les temps et les personnes. S’il eut les défauts de ses qualités, nous pouvons bien l’exalter au dessus de nombre de ses contemporains et même de ses collègues qui eurent ou ses défauts ou les défauts opposés sans posséder ses qualités ou des qualités équivalentes. Notes 1) Dans son article, hostile aux chrétiens coptes, Cardini rappelle que ces derniers mirent à mort Hypatie au IVème siècle, mais ne rappelle pas que ces mêmes chrétiens coptes sont tués et persécutés dans l’Égypte des XXème et XXIème siècles. 2) En fait le film sera projeté aussi en Italie à partir du 23 avril. Le réalisateur hispano-chilien – homosexuel déclaré – a déjà tourné un film pour soutenir l’euthanasie (Mare dentro, intitulé Mar adentro dans sa version française). L’actrice protagoniste d’Agora qui personnifie Hypatie, Rachel Weisz, israélite hongroise, a durement attaqué l’Église catholique à Cannes. Mais pour Cardini il s’agit d’un film absolument objectif et véridique … L e site internet en langue française de notre revue Sodalitium a entrepris la publication, sous forme d’épisodes, des vieux articles qu’en son temps l’abbé Ricossa écrivit sur Jean XXIII, “Le Pape du Concile”. Un lecteur, petit-fils de Carl J. Burckardt nous a écrit pour rectifier ce que nous avions affirmé à l’époque, en nous basant sur une information tirée de la revue Didasco, très sérieuse en général et bien informée en ce qui regarde la Maçonnerie. C’est bien volontiers qu’à la requête de notre correspondant nous publions la rectification qui nous a été demandée, ainsi que les informations réellement intéressantes que le petitfils du diplomate suisse nous a envoyées à propos de Mgr Roncalli, Nonce en France, devenu par la suite Jean XXIII. Nous avons omis exclusivement les passages personnels de la lettre ainsi que l’état civil de son auteur, à la demande de l’auteur lui-même. Sodalitium « Mesdames, Messieurs, Je découvre par internet votre très intéressante revue et apprends ainsi l’existence de votre œuvre. (…) La raison principale de ce message est que je voudrais réagir à une affirmation tendancieuse contenue dans la biographie du “Pape du Concile” Roncalli par M. l’abbé Francesco Ricossa. Cette biographie cite une correspondance de mon grand-père, l’historien et diplomate Carl Jacob Burckhardt avec son ami le critique littéraire Max Rychner. (Au passage, je relève qu’il s’agit bien de Max Rychner, et non Rycher comme l’écrit l’abbé Ricossa par erreur. Mais ceci est de peu d’importance.) Voici le passage en question: “ L ’ o p i n i o n d ’ u n c o l l è g u e. Il s’agit de Carl J. Burckhardt (39) dont voici le curriculum: professeur d’histoire à l’Université 55 Carl J. Burckhardt de Zurich et à celle de Genève, spécialiste de Voltaire et de Gœthe, diplomate, commissaire de la Société des Nations en Pologne (1937), Président du Comité international de la Croix-Rouge (1944), ambassadeur helvétique à Paris (1945-1949). C’est là qu’il fit la connaissance du Nonce apostolique, Mgr Angelo Roncalli, futur Jean XXIII. Lorsque son collègue diplomate fut élu au Pontificat Suprême en 1958, Burckhardt écrivit à son ami Max Rycher: «Je porte un grand intérêt au Pape. Tout au long de mon séjour à Paris, j’ai eu avec lui de nombreux contacts personnels, et je l’aimais vraiment beaucoup. Il circulait de-ci de-là comme un jeune fonctionnaire d’ambassade, on le rencontrait partout, à commencer par le salon M.R.P. [parti démocrate chrétien français, n.d.r.] de la surprenante madame Abrami (...). Il a une vaste expérience du monde, il aurait pû faire un excellent chef d’industrie, de la tête aux pieds il est ce paysan de Bergame, bien intentionné mais rusé. Sa dévotion est solide mais concise, selon son style. Il me semble cependant que son bon sens - précis à court terme, mais plutôt vague à long terme - l’empêche de reconnaître la valeur de certains mystères qui transcendent le temps et sont spécifiquement catholiques. L’aptitude à croire aux miracles, le respect du Sacré, ne sont pas son fait. C’est un déiste et un rationaliste, avec la meilleure tendance à se mettre au service de la justice sociale. Il y adjoint une facilité à tendre largement la main à tous ceux qui, quoique de camps totalement opposés, sont animés des mêmes forces (...). Il est bon, ouvert, plein d’humour, très éloigné du chrétien moyenâgeux; après être passé par les “philosophes” français, il est parvenu aux mêmes conclusions que les Réformateurs, la passion métaphysique en moins. Il changera beaucoup de choses; après lui, l’Église ne sera plus la même» (40). Tel est celui qui part pour Venise. J’oubliais: comme l’autre ami et collègue de Mgr Roncalli, le baron Marsaudon, l’ambassadeur helvétique était lui aussi haut gradé de la Franc-Maçonnerie (39). Un beau trio, il n’y a pas à dire !” Je suis obligé de faire remarquer, et je vous prie de bien vouloir transmettre à M. l’abbé Ricossa, qu’il fait complètement erreur: Mon grand-père n’était en aucune manière franc-maçon. Bien au contraire il était très méfiant envers cette association philosophique dont il sentait bien que l’influence était néfaste et contraire à sa propre conception du monde très conservatrice. Seulement il n’était pas non plus un “anti-maçon”. (…) De ce point de vue aussi, je trouve un peu perfide la notation de l’abbé Ricossa quand il présente mon grand-père comme avant tout un “spécialiste de Gœthe et de Voltaire” suggérant par là qu’il était inspiré par une vision maçonnique comme ces deux grands écrivains. Or, ayant bien connu mon grand-père, je peux vous dire qu’il ne s’agit pas du tout de ça. C’est vrai que mon grandpère, lui-même un écrivain de langue allemande, admirait Gœthe, quoique Gœthe ait été maçon (et non pour cela) simplement parce que Gœthe est évidemment l’un des plus grands poètes allemands. Quant à Voltaire et au “voltairianisme”, je peux vous garantir que rien n’était plus aux antipodes de la sensibilité de mon grand-père. Au sujet du pape Jean XXIII - qui manifestement préoccupait mon grand-père je prends plaisir à vous citer une autre correspondance, tirée de sa correspondance avec la comtesse Marion Dönhoff, aussi appelée la comtesse rouge, car cette dame qui était une des plus célèbres journalistes allemandes d’après guerre, affichait des opinions avancées. J’ai lu récemment ce passage et l’ai trouvé tellement intéressant que je l’ai traduit moi-même en français. Le voici: “Le pape Jean XXIII, je l’ai bien connu, et rencontré plusieurs fois par semaine pendant des années, à l’époque il sortait beau- 56 coup dans le monde, il fumait des bons cigares, il était un convive jovial à la table de la très joviale Madame Abrami, il me demandait des entretiens en tête à tête pour me relater ses coups tactiques brillants, il était plein d’humour, enjoué, et dans l’ensemble un vrai fils populaire du Risorgimento, des Lumières en général, rationaliste simplificateur, à l’opposé de l’Église et de toute sa plénitude qui se prononce en un langage de formes et d’usages, remontant aux profondeurs d’antiques mystères. Puis il a enlevé à cette Église l’essentiel de ce qui, face à la pensée surchauffée de nos temps tardifs, la faisait apparaître hors d’atteinte et n’offrant aucune prise. C’est après son intrusion qu’un franc-maçon de ma connaissance a pu dire : ‘Ca y est, cette fois enfin nous avons forcé la citadelle !’ Alors, des espoirs, ce Bergamasque ne m’en a jamais inspiré aucun. Des espoirs de quoi ? D’une concordantia oppositorum, d’une oekumenè, d’une salade mêlée catholico-protestanto-illuministe ?” Ce texte est tiré du livre: “Mehr als ich Dir jemals werde erzählen können” Ein Briefwechsel, Hambourg, Hoffmann und Kampe, 2008, à la page 245. J’ajoute à l’intention de M. l’abbé Ricossa une présentation de la Madame Abrami dont il est question dans les deux textes: celui à Max Rychner et celui à Marion Döhnhoff. Voici qui elle était: Hélène Abrami née Reinach, (1887- ?) fille de Théodore Reinach, veuve du politicien français radical Léon Abrami (1879-1939) était une égérie politico mondaine du temps de Vincent Auriol. On trouve également une description savoureuse de cette grosse dame dans le petit livre de ma mère : “Tout un monde”, paru chez Gallimard, en 2004, dans lequel il est beaucoup question de mon grand-père Burckhardt ainsi que mon autre grand-père Gonzague de Reynold, qui lui était un catholique intégriste bien connu, fondateur notamment du mouvement Una Voce. Non, vraiment l’abbé Ricossa se trompe complètement sur notre famille. Je recommande particulièrement à M. l’abbé Ricossa la lettre à la comtesse Döhnhoff. Car ça lui permettra de réviser son interprétation par rapport à celle envoyée à Max Rychner. Non seulement Carl Burckhardt n’était pas franc-maçon mais il se méfiait profondément des conséquences néfastes que ne pouvait manquer d’avoir dans l’Église “l’illuminisme” du nonce Roncalli, ce “fils des Lumières”, aussi sympathique que le personnage ait pu lui paraître sur le plan humain. Mais il allait même jusqu’à suggérer finement que Jean XXIII pourrait avoir été maçon lui-même: «C’est après son intrusion qu’un franc-maçon de ma connaissance a pu dire : ‘Ca y est, cette fois enfin nous avons forcé la citadelle !’ Et cette conclusion: “des espoirs, ce Bergamasque ne m’en a jamais inspiré aucun. Des espoirs de quoi ? D’une concordantia oppositorum, d’une oekumenè, d’une salade mêlée catholico-protestanto-illuministe ?” devrait convaincre l’abbé Ricossa que bien loin d’être lui-même ni franc-maçon ni illuministe, mon grand-père Burckhardt se méfiait au dernier degré de la franc-maçonnerie comme de l’illuminisme et craignait son influence dévastatrice dans l’église après “l’intrusion” du peut-être maçon nonce Roncalli, ce déiste rationaliste du Risorgimento qui fréquentait tant Mme Abrami, veuve d’un ministre radical et fille de Théodore Reinach. On ne saurait être plus clair, tout en étant un peu sybillin et diplomate. Et venant d’un protestant... quelle lucidité sur le destin de l’Église catholique après le concile ! Je souhaite vivement que cette mise au point soit transmise à M. l’abbé Francesco Ricossa. Pardonnez moi ce texte trop long. » Signature En complément aux informations fournies par notre correspondant, le lecteur pourra lire avec profit celles que donne Henri Coston sur la famille israélite Reinach dans son Dictionnaire de la politique française (Paris, 1982), volume IV, pp. 607-610. Madame Abrami, l’amie de Mgr Roncalli, est décédée en 1960. 57 Vie de l’Institut C hers lecteurs, le dernier numéro de Sodalitium (62) terminait sa chronique au 28 février 2009, et depuis cette date, après un si long temps, nous reprenons le récit de la vie de notre Institut jusqu’à avril de cette année. L’Institut… a deux nouveaux membres, Jeanine Ottolino (entrée le 2 octobre 2009) et Pasquale Baroncini, accueilli par l’abbé Carandino à la chapelle de Rimini en la fête de l’Immaculée Conception 2009. Le 5 mai 2009 et le 23 avril 2010 s’est déroulé le Chapitre général annuel. De la maison de Verrua. Le soir du 17 juillet 2009, un véritable ouragan s’est abattu sur Verrua ; gros dégâts pour notre maison, les toits, les arbres, les murs d’enceinte, les voitures. L’entreprise Giorcelli travaille à la réfection des corniches et du crépissage de la maison ; précédemment, grâce au travail de l’abbé Crist Van Overbeke aidé de Luca Radice, les persiennes et les cadres ont été refaits. Sœurs du Christ-Roi à Moncestino (Alessandria). La fructueuse collaboration de l’Institut avec les Sœurs du Christ-Roi fondées par le R. P. Vinson continue, tant à la maison mère de Serre-Nerpol, qu’au noviciat de Moncestino, qui accueille souvent des enfants pour des retraites spirituelles. Une postulante a reçu l’habit religieux le 19 avril, à la Maison Saint-Joseph, revenant ensuite à Moncestino pour le noviciat ; la Messe a été célébrée par l’abbé Murro. Séminaire Saint Pierre Martyr. Une ordination sacerdotale a eu lieu à Verrua, le 26 septembre 2009 : Mgr Stuyver a imposé les mains à l’abbé Michel Herimpitia Andriantsarafara, et conféré les seconds ordres mineurs à Nathanaël Steenbergen. L’abbé Michel (qui est né à Toulouse le 2 août 1970 dans une famille de fonctionnaires originaires de Madagascar, et a ensuite obtenu son diplôme en économie à l’Université de Toulouse), a célébré sa première Messe à Turin le 27 septembre ; le nouveau prêtre a également chanté la Messe à la Maison Saint-Joseph de Serre-Nerpol (sermon de l’abbé Cazalas) le 22 novembre suivant. Le 20 juin 2009, Charbel Madi avait reçu à Verrua l’habit ecclésiastique entouré de parents, amis et fidèles. Séminaire Saint Pierre Martyr : l’ordination sacerdotale de l’abbé Michel Andriantsarafara, à Verrua le 26 septembre 2009 : la prostration pendant les litanies des saints et l’imposition des mains. Au-dessous photo de groupe 58 Les Sœurs de l’Institut Mater Boni Consilii A près une retraite spirituelle préparatoire, le 25 avril 2009 Sœur Gemma a prononcé ses premiers vœux triennaux, alors que Sœur Élisabeth de Jésus a renouvelé ses vœux émis il y a trois ans. Après cette belle journée, les activités ont repris rapidement. Parallèlement à la formation religieuse, l’aide aux prêtres de l’Institut, le catéchisme aux enfants, le bulletin de la Croisade Eucharistique, l’apostolat avec les fillettes, dont le nombre est en constante progression, se poursuit. Inoubliable la promenade au Sanctuaire de l’Enfant-Jésus de Prague, sur la côte génoise avec piquenique sur la plage et jeux dans les flots... ou encore le traditionnel pèlerinage à Lorette. La Fête-Dieu a réuni les fillettes devant le Saint-Sacrement, pour lui témoigner leur amour par une abondante pluie de pétales ; inoubliable aussi la visite au musée des sciences naturelles de Turin, après avoir préparé la crèche de la chapelle. Non moins sympathique le souvenir de la piste de patin sur glace, sur laquelle les enfants ont montré leurs prouesses et la mise en scène de “L’invincible soldat de Jésus-Christ : saint Pancrace” durant le camp de Noël. Le tout dans un climat rendu plus surnaturel par de nombreux catéchismes, petites conférences spirituelles ou réunions de la Croisade. Depuis le mois de juin, un petit groupe de fillettes de Verrua s’est joint aux “habituées”, en participant aussi au camp de la Croisade Eucharistique qui s’est déroulé du 11 au 18 juillet 2009, réunissant une bonne quinzaine d’enfants, avec l’aide de sept filles plus grandes que nous remercions tout spécialement. Une aide indispensable a été apportée au camp, pour les promenades, par les Sœurs du Christ-Roi. Le deuxième jour du camp a été égayé par la Première Communion de Agnese Baroni, occasion favorable pour renouveler la ferveur du jour de notre Première Communion. Toutes se souviennent de la “promenade surprise” au manège, avec les promenades en carrosse, les tours à cheval, et l’après-midi passé à étriller et patiner les chevaux ! Belle aussi la sortie en montagne, dans la Vallée de Suse, avec les jeux dans le torrent, toujours attendus avec impatience. Le camp s’est enfin conclu par l’entrée dans la Croisade de huit nouveaux Pages, deux Croisés et un Chevalier. Que les petits Croisés de Jésus le servent avec amour et générosité, se souvenant toujours des promesses qu’ils ont faites ! Après cette période de grande agitation, la vie des Sœurs a repris un rythme plus régulier, entre les exercices de piété et les occupations journalières habituelles et au mois d’août l’aide aux Exercices Spirituels de Raveau et de Verrua. En novembre, l’abbé Crist a apporté de Belgique le nouvel autel surmonté d’un tabernacle avec l’image du Bon Pasteur, sculpté par lui et destiné à la petite chapelle MarieAuxiliatrice de la maison des Sœurs. Notre-Seigneur a ainsi une demeure plus digne de Lui. 59 Camp St Louis de Gonzague : photo de groupe sur le clocher de la cathédrale de Bourges Activités estivales 2009. Comme chaque année se sont déroulés les camps de la Croisade Eucharistique. Nous avons déjà parlé du camp organisé à Verrua par nos Sœurs. Du 6 au 19 juillet, au château de Mouchy à Raveau, 36 garçons (dont 13 italiens) se sont divertis et sanctifiés, sous la direction de l’abbé Le Gal et de l’abbé Giugni, aidés par des séminaristes, des religieuses et des “anciens” de la Croisade qui viennent pour aider, pour les jeux, la surveillance et même la cuisine. Cette année, nous avons visité la cathédrale de Bourges (après avoir gravi plus de quatre cents marches, nous avons atteint la pointe du clocher… !) et le château de Blancafort. Une vieille jeep ex-militaire qui nous était prêtée pour tourner en forêt a eu beaucoup de succès auprès des enfants (et auprès des adultes qui l’ont conduite !). Les plus grands, désormais adolescents (de 14 à 21 ans), ont participé au camp dirigé par l’abbé Cazalas secondé par l’abbé Le Gal, et aidé par Gérard Basset et quelques moniteurs. Le camp cette année a eu lieu au Le nouveau prêtre donne sa première bénédiction à sa famille Camp St Louis de Gonzague : la Jeep M 38 a été très appréciée par les enfants … et pas seulement par eux…! cœur des montagnes du Dauphiné, dans le petit village de Chantelouve : très bon accueil des autorités et des habitants. À la fin du camp, il y a eu la triste nouvelle de la mort de M. Withehouse, père d’un des 15 garçons du camp : nous prions pour son âme, et pour tous ses proches en ce moment si difficile pour eux. Comme chaque année, l’abbé Murro a été l’aumônier du camp organisé par les Sœurs du Christ-Roi, dans la Vallée de Suse, du 6 au 24 juillet. Comment oublier le lac du Moncenis, la nuit passée dans le refuge, l’accueil chaleureux des habitants qui, presque tous les jours, apportaient des cadeaux pour les enfants, la Messe célébrée dans l’ancienne chartreuse, le théâtre… comme à l’accoutumée, les belles choses vues en montagne restent inoubliables dans l’esprit de tous. Dans différents pays… L’abbé Thomas Le Gal, qui réside à Verrua en collaborant avec l’Institut, s’est souvent rendu à la demande de son supérieur, Mgr Sanborn, en Angleterre pour la célébration de la Messe non una cum. En Argentine, l’abbé Casas Silva célèbre à Rosario, Buenos Aires et Cordoba ; l’histoire de notre présence en Argentine a été marquée par la nouvelle visite de Mgr Stuyver, accompagné cette fois de l’abbé Carandino, fin octobre 2009. L’évêque a administré les Confirmations à Rosario et Cordoba, béni la nouvelle chapelle de Rosario, dont il a érigé le Chemin de Croix et consacré le nouvel autel. Le mois suivant, l’abbé a eu le plaisir d’accueillir pour une semaine, venant d’Italie, la famille Lorenzi, de Turin, ville où l’abbé Casas Silva a laissé un très bon souvenir. Des réfections ont été faites dans la chapelle, mais aussi dans la maison de Rosario et 60 dans la bibliothèque Hugo Wast. Là – comme dans les écoles secondaires de Rosario – l’abbé poursuit ses activités d’enseignant, dont nous avons déjà parlé. En Argentine, l’abbé Casas Silva n’est pas le seul prêtre non una cum et de ce fait, il entretient de bonnes relations, par exemple, avec les prêtres de Mgr Morello, le Père Damìn dans la province de Mendoza, les Pères Pio et Julian Espina dans celle de Cordoba, etc. Toujours fidèle lui aussi à son œuvre d’éducation chrétienne, Mgr Stuyver en Belgique, s’occupe également, comme vous savez, du nord de la France (Lille) et des P a y s - B a s . En F r a n c e , l’Institut est aussi présent – pour la sainte Messe – à Lyon, Cannes, Paris, Annecy, sans compter l’assistance spirituelle à la Maison Saint-Joseph (école et couvent) dans le Dauphiné. À Paris, nous sommes présents depuis 4 ans et le nombre de fidèles fréquentant la Rue Bleue est en continuelle progression. L’abbé Le Gal continue son ministère, notamment le catéchisme hebdomadaire auprès d’un groupe de jeunes qui s’agrandit, et fréquemment les sacrements portés à des malades. À signaler, le pèlerinage à la Basilique de Longpont en région parisienne, le 1er juin 2009, et la procession de l’Immaculée-Conception à Montmartre le 8 décembre 2009 (cf. plus loin). L’abbé J. Le Gal rappelle qu’il poursuit toujours la souscription commencée il y a deux ans et demi pour acquérir un local à aménager en chapelle, et dans un premier temps pour faciliter le ministère en semaine, spécialement pour le catéchisme, les confessions et l’assistance aux malades ; pour le moment, nous sommes à mi-parcours de la somme fixée comme but de la souscription. Aideznous, pour assurer les bons sacrements non una cum en région parisienne ! À Annecy, après de nombreuses années, nous devrons quitter notre chapelle de la rue de la Mavéria, mais nous poursuivrons les célébrations dans un nouveau lieu de culte. Italie. Dans les Abruzzes, après de longues recherches, un nouvel endroit a enfin été trouvé pour satisfaire les exigences de notre apostolat. Le 14/3/2010, dimanche de Lætare , l’abbé Carandino a inauguré la nouvelle chapelle, qui se trouve à Pescara, dans le quartier du nouveau tribunal ; en janvier 2010, nous avons débuté une souscription pour ouvrir un lieu de culte à Mo- Argentine : Mgr Stuyver et l’abbé Carandino devant la maison des CPCR à Rosario fondée par le P. Vinson dans les années 50 dène, pour remplacer la petite chapelle de Maranello où, pour l’heure, nous continuons les célébrations. Le ministère de l’abbé Carandino l’a amené à célébrer la Sainte Messe en différents lieux de cultes et pour diverses intentions : notamment dans l’ancienne église paroissiale de Paderno, à Serravalle di Carda, à Modugno pour l’anniversaire de Pino Tosca, récitation à la chapelle de Rome au terme de la Messe dominicale de l’acte de réparation au SacréCœur à l’occasion de la visite de Benoît XVI à la Synagogue du ghetto de Rome, à Rimini pour les morts pontificaux… De Verrua, le 14 juin 2009, l’abbé Thomas Le Gal s’est rendu au fort de Fenestrelle pour une Messe de Requiem pour les militaires du Royaume des Deux-Siciles qui furent détenus dans cette localité pour leur fidélité au souverain légitime, François II. Conférences en France Dans le dernier numéro, nous avons omis de parler de la journée du 15 août 2008, qui s’est déroulée à Raveau pour se souvenir de Mgr Guérard des Lauriers : après les conférences de l’abbé Murro et de l’abbé Giugni, tous les présents se sont rassemblés dans la prière sur la tombe du vénéré Mgr Guérard, qui se trouve au cimetière de Raveau. Nos prêtres ont fait des conférences nombreuses et variées, sur des thèmes spirituels, apologétiques et doctrinaux, particulièrement l’abbé Murro et l’abbé Thomas Le Gal à Lyon et l’abbé Jocelyn Le Gal à Paris : 61 À quarante ans de l’intrusion du “nouveau missel” : la riposte de notre Institut e premier dimanche de l’Avent 1969, fut introduit de manière sacrilège un nouveau rite de la “Messe”. Quarante ans après, notre Institut n’a pas manqué de promouvoir de nombreuses initiatives pour raviver la lutte contre la protestantisation de la liturgie. À Rome, a été organisé un pèlerinage de réparation dans l’esprit des Marches romaines (voir plus loin). À Rome toujours, le dimanche 29 novembre 2009, après la Messe, a été récité l’acte de réparation au Sacré-Cœur ; ensuite, l’abbé Carandino et un groupe de fidèles se sont rendus à Saint-Pierre, où ils ont renouvelé des prières de réparation à la confession de saint Pierre et aux tombeaux de saint Grégoire le Grand et de Pie XII. Une Messe de “réparation pour le nouveau missel” a été célébrée le Ier dimanche de l’Avent également à Milan et à Paris. Nombreuses les conférences sur le sujet : en plus des congrès de Modène, Milan et Paris, entièrement dédiés à la question (pour lesquels voir infra), nous signalons : Le 28 mars 2009, à Paris, l’abbé J. Le Gal a parlé sur Les nouveaux sacrements de Vatican II (précédés de deux autres exposés préparatoires sur le même sujet, à Paris en février et mars 2009). Samedi 14 novembre dans la chapelle de Lyon, conférence de l’abbé Murro : La Réforme liturgique: de la cène protestante de Luther à la nouvelle messe de Paul VI. Le 17 novembre 2009 à Modugno, Quarante ans après la ‘messe en italien’ : quel bilan ? par l’abbé Carandino, qui a pris aussi la parole sur ce sujet le 20 novembre 2009 à Pescara, à l’occasion de la présentation du livre de Dom Guéranger L’hérésie antiliturgique et la réforme protestante (Ed. Amicizia Cristiana). À Rome, le 28 novembre 2009, La subversion de la liturgie, quarante ans après l’introduction du nouveau missel, toujours par l’abbé Carandino. Le 11 décembre 2009 à Trente, cité où se tint le Concile qui sanctionna la doctrine catholique sur le Saint-Sacrifice contre les protestants, l’abbé Giugni a tenu une conférence intitulée : Pour la défense de la Messe tridentine. À quarante ans de l’introduction du nouveau missel de Paul VI. Le VIIIème Congrès Albertarien a aussi abordé le sujet (chronique dans la rubrique spéciale). À P a r i s : instruction spirituelle pour l’Avent le 5 décembre 2009, pour le Carême le 28 février 2009 et le 20 février 2010, sur la Rome chrétienne le 17/10/2009 avec un diaporama, sur Don Bosco le 30/01/2010. En ce qui concerne les conférences plus importantes, nous rappelons la conférence de l’abbé J. Le Gal à Paris le 28 mars 2009 : Ces nouveaux sacrements issus de Vatican II. Le 28 novembre 2009, l’abbé Ricossa a parlé – toujours à Paris – sur Le Novus Ordo Missæ et le choix qu’il impose aux catholiques . L’intervenant a d’abord illustré les étapes historiques de l’hérésie antiliturgique, de l’époque de la dénommée réforme protestante au mouvement liturgique qui porta au Consilium de Montini, Lercaro et Bugnini ; enfin, il a tracé le scénario qui s’ouvrit avec le motu proprio et les tentatives d’absorp- tion doctrinale et liturgique des “traditionalistes”, en précisant comment seule la position théologique qui reconnaît la vacance formelle de l’autorité papale peut légitimer le refus de la “nouvelle messe”. Enfin, en mars 2010, l’abbé Jocelyn Le Gal a organisé une conférence sur le Linceul de Turin, avec l’aide et la participation d’un membre du conseil scientifique du CIELT (grâce à qui était exposée une copie en taille réelle du Saint-Suaire) : Le Saint-Suaire, une relique pour notre temps, tenue à Paris le 20 mars 2010. Toutes ces conférences sont disponibles sur CD. À Lyon : dans la chapelle de Lyon ont lieu d’une manière régulière des petites conférences, environ une fois par mois, par les abbés Thomas Le Gal et Murro. Voici les sujets qui ont été traités : 17 janvier et L La “nouvelle messe” est un banquet 62 21 mars 2009 : Les 4 notes de l’Église ; 14 février 2009 : Synthèse sur la Crise de l’Église ; 16 mai 2009 : La dévotion envers la Sainte Vierge arme de combat pour tous les temps ; 14 novembre 2009 : La Réforme liturgique : de la cène protestante de Luther à la nouvelle ; 16 janvier 2010 : Les Croisades ; 20 février 2010 : L’Inquisition; 20 mars 2010 : La dévotion à Saint Joseph ; 17 avril 2010 : Le Saint-Suaire. Conférences en Italie Journée pour la Royauté Sociale du Christ - La quatrième édition (10/10/2009), intitulée Luther ne vaincra pas – L’hérésie antiliturgique : de Luther à Paul VI, a rassemblé 120 participants (dont 95 sont restés au repas), pour entendre les exposés de l’abbé Ricossa. À R o m e , pour les “samedis de saint Grégoire VII”, conférences de l’abbé Carandino : le 14/2/2009, sur le temps de Carême, le 18/4/2009, sur l’encyclique Humani Generis ; le 16/5/2009, sur les documents de Pie XII relatifs à la Terre Sainte, à la Chine, et aux Pays de l’Est ; le 17/10/2009, sur le bilan du 50ème anniversaire de la mort de Pie XII ; le 19/12/2009, sur le temps liturgique de Noël ; le 16/1/2010, sur l’encyclique Mortalium animos de Pie XI ; le 17/4/2010 sur l’encyclique Divini Illius Magistri de Pie XI, relative à l’éducation chrétienne de la jeunesse. À M i l a n , pour les “samedis de saint Ambroise”, conférences de l’abbé Giugni : le 14/11/2009 sur La liturgie Ambrosienne ; le 12/12/2009, sur Le temps liturgique de l’Avent et de Noël ; le 20/02, sur La crise de l’autorité dans l’Église. Les problèmes que le Concile et ses réformes posent à la conscience catholique. Le 27/03, sur La thèse de Les Religieuses et les filles au manège avec les chevaux Conférence sur le Saint-Suaire, à Paris Cassiciacum, une solution pour mieux comprendre la crise dans l’Église. À Pescara, l’abbé Carandino a été invité à parler de la présentation des livres de Amicizia Cristiana : le 24/4/2009, Antonio Fogazzaro de l’abbé Alessandro Cavallanti (à la librairie Libernauta) ; le 26/6/2009, La Révolution contre le Moyen Âge de Pietro Ferrari ; le 22/1/2010, Juifs et musulmans n’ont pas le même Dieu que les Chrétiens. Le 21/3/2009, au congrès de Civitella del Tronto (TE), l’abbé Carandino a été invité par le Pr Pucci Cipriani à présenter des livres du Centro Librario Sodalitium ; le 23/4/2010, intervention de l’abbé Carandino au congrès de Terra Nostra sur Laïcisme contre l’Église Catholique. À Modugno (Bari), conférences de l’abbé Carandino au siège du CTC : le 20/1/2009, sur le livre de l’abbé Cavallanti sur le modernisme de Fogazzaro ; le 22/3/2010, Que penser de la visite de Benoît XVI au temple luthérien de Rome ; le 19/10/2010, sur la sécularisation de la société ; le 19/1/2010, sur Laïcisme, liberté religieuse et droits humains à l’attaque de l’Église Catholique (article sur le mensuel Bari Sud Ovest, février 2010). À P e s a r o , le 9/5/2009, conférence de l’abbé Ricossa sur le Pape Pie XII. Centro Studi Giuseppe Federici - À Rimini le 12/3/2009, conférence de Toni Brandi, sur la persécution des Catholiques en Chine. Le 30/5/2009, pour le 250ème anniversaire de l’insurrection antijacobine de Rimini, exposé historico-artistique Rimini 1799 : paroles, sons, images, avec la lecture des chroniques de l’époque, l’exécution de musiques de la même époque, et la projection d’une anthologie d’images de l’art ri- 63 minois du XVIIIème siècle, par le critique d’art Gabriello Milantoni. Le 28/6/2009, le traditionnel “dîner papalin” en l’honneur du couronnement de Pie IX. Le 20/9/2009, le souvenir des morts pontificaux (après la Messe célébrée à la chapelle san Gregorio Magno) avec un bouquet de fleurs à la plaque commémorative en l’honneur de Pie IX dans le centre historique (brefs articles sur Il Corriere di Romagna et La Voce di Romagna du 21/9/2009). Le 7/11/2010, la conférence Risorgimento : une guerre contre l’Église ? Faits et méfaits des événements du Risorgimento, tenue par Elena Bianchini Braglia, qui a aussi présenté son dernier livre, Le radici della vergogna.? Psicanalisi dell’Italia [les racines de la honte. Psychanalyse de l’Italie]. Le 13/2/2010, la journée Foibe : une tragédie qui dérange, avec la projection, au Palazzo della Provincia, du film Foibe : la mort indigne. Centro Studi Davide Albertario et C. S. G i a c o m o M a r g o t t i . Une conférence sur l’euthanasie liée à l’affaire d’actualité de Eluana Englaro intitulée : La “mort douce” peut-elle être un droit ? Euthanasie, éthique et le cas d’Eluana, a été organisée par le CSDA et par le Centro Studi Giacomo Margotti le 13 mars 2009 à Turin (relatrice la professeure Marisa Orecchia, d’Alessandria), et le lendemain, 14 mars, à Milan (rapporteur le Dr Tommaso Scandroglio). Samedi 21 novembre, le Centro Studi Davide Albertario a organisé le VIIIème Congrès d’Études Albertariennes, qui s’est tenu à Milan ; le congrès avait pour thème : À quarante ans du “nouveau Missel” de Paul VI : quel jugement ? Quel bilan ? Les intervenants étaient l’abbé Ricossa et l’abbé Giugni, avec pour modérateur le journaliste Roberto Ortelli. L’abbé Ricossa a tenu deux conférences ; la première : 1969 : la réforme liturgique ou l’abomination de la désolation dans le lieu saint. Histoire de la réforme et des réactions qu’elle a suscitées ; et la seconde intitulée : 2009 : Que penser du motu proprio de Benoît XVI, la “réforme de la réforme” ? Les raisons de notre bataille. L’abbé Giugni, au moyen d’une projection de diapositives préparée à l’ordinateur, a fait une confrontation doctrinale entre la “nouvelle messe” et le rite ancien (L’abrogation du Sacrifice du Christ. Principales différences entre le Nouveau missel et le rite de saint Pie V). Le 20/03/2010, à Milan le Centro Studi a organisé la conférence La plume et le compas ! Influence de la Franc-Maçonnerie dans la littérature italienne entre Risorgimento et XXème siècle, le conférencier était le professeur Paolo Mariani. Notable a été l’intérêt et le concours du public. L’Institut et la presse. Le dernier numéro de Sodalitium, dans l’édition italienne comme dans l’édition française, a intéressé particulièrement les lecteurs, soulevant aussi parfois des réponses polémiques. Ainsi, notre prise de position opposée aux accords en cours entre la Fraternité Saint Pie-X et les modernistes, n’a pas plu à l’abbé Giorgio Maffei, qui réside au Prieuré de la Fraternité à Spadarolo (Rimini) et qui a écrit un libelle à ce propos. Dans un article du présent numéro, nous évoquons aussi des critiques concernant l’exégèse, soutenues surtout par le périodique français La Voie et par le bimensuel italien Sì sì no no. L’article sur le cardinal Rampolla a rencontré accords et désaccords. L’abbé Nitoglia et l’abbé Grossin ont défendu, avec d’autres arguments, la thèse que l’affiliation maçonnique du secrétaire d’État de Léon XIII n’est pas prouvée. Prévues et escomptées, en revanche, les violentes attaques contre Sodalitium, le Clergé et l’Église, du site internet (V. M.) et de la revue (Sous la Bannière, qui réitère ses attaques à tous les Papes, de Pie IX à Pie XII) mis en cause par notre article. Prévisible aussi le soutien donné à cette revue par le site anticlérical de L.-H. Remy (Les Amis du Christ Roi de France ). Au contraire, éveillent la stupeur, les interventions favorables aux diffamations de celui qui signe sous le pseudonyme de Felix Causas de la part d’auteurs que nous pensions plus équilibrés (comme A. de Lassus, Ph. Ploncard d’Assac, Lectures Françaises) ; pourtant Sodalitium n’a dit, somme toute, que ce qui avait déjà été écrit par de grands experts de la lutte anti-maçonnique, parmi lesquels Henri Coston et les rédacteurs de la Revue Internationale des Sociétés secrètes (RISS) de Mgr Jouin. Le débat n’est pas entre partisans et négateurs des infiltrations maçonniques dans l’Église (et contre l’Église) mais entre ceux qui combattent la Franc-maçonnerie avec des études sérieuses et solides, et ceux qui au contraire manquent totalement de sérieux dans leurs écrits (en propageant 64 carrément les “prophéties” de Nostradamus ou de soi-disant “prophètes” protestants), comme aussi entre ceux qui combattent la Maçonnerie pour défendre l’Église, et ceux qui disent combattre la Maçonnerie pour salir l’Église. L’intervention de Sodalitium sur Une consécration épiscopale valide est-elle nécessaire pour être Pape a également suscité la réaction du même site internet, nouvelle réédition du Canard enchaîné et de la “presse people” (c’est-à-dire l’anticléricalisme mélangé à l’esprit de scandale), et encore c’est pour ces publications que la comparaison est offensante... Mais, dans ces différentes interventions, on ne trouve aucun nouvel argument capable de changer les conclusions auxquelles est arrivée – jusqu’à preuve du contraire – notre revue. Dans l’attente d’éventuelles nouvelles contributions que nous sommes toujours disposés à examiner, nous signalons seulement et stigmatisons la tentative – en l’absence d’arguments pertinents – d’opposer Sodalitium à la mémoire de Mgr Guérard des Lauriers ; tentative vraiment honteuse et hypocrite, puisqu’elle vient de la part de personnes qui – en combattant âprement la Thèse de Cassiciacum – démontrent combien en réalité ce sont eux qui s’opposent à la mémoire du grand théologien dominicain. Avec la même méthode, venant des mêmes personnes, on a essayé d’opposer Sodalitium à l’abbé Anthony Cekada ; tentative ratée, comme nous garantit la lettre que l’abbé Cekada a écrite au site en question en date du 26 septembre 2009, nous autorisant à la rendre publique : “Chers Messieurs, les affirmations contenues dans votre dernier e-mail (du 26 septembre, n.d.r.) sont, à mon avis, absolument privées de sens. Je vous prie de cesser de les répandre. Je refuse d’être associé à votre campagne. Je nourris une très grande estime pour l’abbé Ricossa et les prêtres de l’Institut. Dans le Christ. Abbé Cekada”. Dans les pages françaises de notre site, les lecteurs trouveront le texte original en anglais de la lettre de l’abbé Cekada et notre bref commentaire. De notre côté, nous remercions publiquement l’abbé Cekada ; notre estime pour lui est identique à la sienne pour nous ! Le C e n t r o L i b r a r i o S o d a l i t i u m . Le C.L.S. a publié en italien les actes du Congrès de Modène de 2008 L’Ecumenismo : nella Chiesa e contro la Chiesa (2010), tandis qu’est sous presse (sortie prévue fin juin) Il mio libro di preghiere qui rassemble de nombreuses dévotions chrétiennes et servira aussi pour la prédication des Exercices Spirituels. N o t r e s i t e e n f r a n ç a i s www. sodalitium.eu poursuit les mises à jour, notamment en mettant en ligne des articles d’anciens numéros de Sodalitium désormais épuisés : ainsi la passionnante série d’articles sur Jean XXIII, un article inédit en français de l’abbé Ricossa sur l’infaillibilité dans la réforme liturgique et plusieurs articles dans la rubrique “Mythes traditionnalistes”… Sur notre site retrouvez aussi le calendrier de toutes nos activités. Il vous est possible de recevoir par e-mail un avis des mises à jour du site français en écrivant à listedediffusion@sodalitium.eu Nous rappelons encore notre site italien : www.sodalitium.it et aussi celui de la Casa San Pio X : www.casasanpiox.it Autres moyens de communication. Nous remercions le journaliste Roberto Ortelli qui, avec son programme radiophonique Che aria tira sur Radio Padania Libera, a souvent interviewé nos prêtres. Signalons par exemple : l’interview de l’abbé Giugni sur la bataille de Lépante et saint Pie V (le 7 octobre 2009), celles de l’abbé Carandino le 9 octobre sur le Congrès de Modène, et le 3 novembre sur la question du Crucifix dans les lieux publics, qui a fait l’actualité en Italie ; celles de l’abbé Giugni et de l’abbé Ricossa pour présenter le huitième Congrès Albertarien sur la “nouvelle messe” (le 17 et 19 novembre 2009), celle de l’abbé Ricossa sur Église et Immigration (le 9 décembre), et enfin celle de l’abbé Carandino sur Noël (le 21 décembre 2009). Apostolat de la Prière. Nous rappelons deux petites publications de notre Institut, pour aider votre vie spirituelle : L’Apostolat de la prière (en français) dont s’occupe l’abbé Cazalas, et La Crociata Eucaristica, pour les enfants (et les grands) rédigée par nos Sœurs de Verrua. N’hésitez pas à les demander. Vous les retrouvez également sur notre site www.sodalitium.eu au moment de leur publication. Exercices Spirituels de saint Ignace. Rappelons les dates des Exercices qui ont 65 Exercices à Raveau avec les Confirmations le dernier jour eu lieu cette année, et ouverts à tous les fidèles : du 13 au 19 avril 2009, pour 8 retraitants (Serre-Nerpol : abbés Murro et Cazalas) ; du 29 juin au 4 juillet, pour 25 personnes (Serre-Nerpol, abbés Ricossa et Murro) ; du 27 juillet au 1er août et du 3 au 8 août à Raveau (abbés Murro et Giugni) avec 8 et 11 participants : les Exercices des hommes se sont terminés par l’administration des Confirmations ; du 17 au 22 août, 4 retraitants (Serre-Nerpol,, abbés Giugni et Cazalas) ; toujours du 17 au 22 août et ensuite du 24 au 29 août, à Verrua Savoia, pour 15 femmes et 18 hommes (abbés Ricossa et Carandino) ; du 16 au 21 novembre pour les dames, prêchés par l’abbé Cazalas à Serre-Nerpol ; du 26 au 31 décembre à Serre-Nerpol, pour 14 retraitants (dont l’un a été baptisé et a reçu la première communion) par les abbés Cazalas et J. Le Gal ; du 4 au 9 janvier 2010, à Verrua pour 11 retraitants (par les abbés Giugni et Ricossa) ; du 8 au 13 février 2010 pour 7 retraitants (à Serre-Nerpol, par les abbés J. Le Gal et Cazalas, ce dernier ayant également suivi les Exercices). Rappelons ensuite les sessions des Exercices pour nos Communautés : du 19 au 24 avril 2009 pour les Religieuses de l’Institut, à Verrua ; du 1er au 10 septembre pour les Sœurs du Christ-Roi à Serre-Nerpol (abbé Ricossa) ; du 14 au 19 septembre, à Verrua, pour les prêtres et du 16 au 21 novembre 2009, pour les élèves de la Maison Saint-Joseph (par l’abbé Cazalas et les Religieuses ; les plus grands ont suivi un cours d’Exercices donné par la Mère Supérieure au noviciat de Moncestino). Retraites Spirituelles. L’Institut organise en France des retraites spirituelles pour la persévérance des anciens retraitants : le 11 novembre 2009 il y en a eu deux, une à Raveau (abbé Murro) et une pour les fidèles de la chapelle N.-D. des Victoires de Cannes, à l’Oratoire de la Sainte-Croix au Rouret ; les abbés Giugni et Cazalas ont prêché, tandis que les Sœurs de Moncestino se sont occupées des enfants. Le 7 mars 2010, 48 adultes, sans compter les enfants, se sont retrouvés à la récollection spirituelle prêchée à la Maison Saint-Joseph par les abbés Murro et Cazalas. En Italie se pratiquent des retraites à l’occasion des temps liturgiques : par ex. pour l’Avent 2009 (à Milan, le 12 décembre) ou le Carême 2010 (à Rimini le 28 février 2010, le 21 et le 27 à Chieti, le 20 à Rome, et le 6 mars à Milan) ; la maison de Verrua a ensuite fait le plein pour accueillir fidèles et amis venus assister aux Rites de la Semaine Sainte. Pèlerinages En France, le traditionnel pèlerinage à N.-D. de l’Osier s’est déroulé avec grande ferveur les 7 et 8 mai 2009, en présence de quatre prêtres (les abbés Murro, Cazalas et les deux abbés Le Gal). Cette année, le sujet traité était la vie du R. P. Vinson à l’occasion du dixième anniversaire de sa mort. La veille, Mère Marie-Monique a rappelé plusieurs aspects de la vie du Père, inconnus du plus grand nombre : le P. Vallet lui avait prophétisé la prison durant la guerre, raison pour laquelle son Ordination fut retardée de sept ans. L’abbé Murro a mis en relief l’œuvre des Exercices, en Amérique du Sud d’abord, en Europe ensuite, par le P. Vinson, et sa résistance immédiate (dès 1963) aux réformes conciliaires. Le lendemain, plus d’une centaine de personnes ont participé au pèlerinage. En guise de clôture, avant les mots de conclusion de l’abbé Cazalas, les élèves de l’École Saint-Joseph ont récité des scènes de l’œuvre écrite en vers par le P. Vinson sur l’apparition de l’Osier. Le 21 mai suivant, jour de l’Ascension, environ 80 fidèles de Cannes, de la Provence et du Dauphiné, guidés par l’abbé Cazalas et par les abbés J. et Th. Le Gal, se sont à nouveau rendus en pèlerinage au Sanctuaire de saint Joseph à Cotignac. Les fidèles de Paris, quant à eux, sont allés, avec l’abbé Jocelyn Le Gal, en pèlerinage à la basilique de Longpont en région parisienne, le 1er juin 2009, où plus d’une cinquantaine de pèlerins ont pu passer une 66 Procession aux flambeaux à Montmartre (Paris) Pèlerinage à la basilique de Longpont Pèlerinage à Rome en octobre 2009 : au Colisée et au Verano sur le tombeau des Zouaves pontificaux Pèlerinage à Lorette 2009 : les 120 pèlerins devant la basilique magnifique journée conviviale et chrétienne : après une petite marche de pèlerinage, le pique-nique puis un admirable exposé sur l’histoire de ce lieu, les pèlerins ont pu vénérer le plus grand reliquaire de France (en chantant notamment les litanies des saints à pleins poumons !). À signaler encore la procession de l’Immaculée-Conception à Montmartre le 8 décembre 2009, après la Messe célébrée par l’abbé J. Le Gal au Martyrium (lieu du martyre de saint Denis et où saint Ignace a jeté les fondements de sa Compagnie) : quel spectacle magnifique que ces flambeaux gravissant la butte Montmartre jusqu’au Sacré-Cœur au son des Ave Maria ! Vous trouverez des photos sur notre site. De Lyon et de Faverney (Franche-Comté) s’est mis en route le pèlerinage pour Ars, pour le 150ème anniversaire de la mort de son saint Curé. Le 20 juin 2009, le Père Mercier a célébré la Messe à Ars, secondé dans le pèlerinage par l’abbé Thomas Le Gal. Pèlerinage à Rome en octobre 2009. Une grosse cinquantaine de pèlerins français et belges se sont retrouvés à Rome pour cinq jours d’intense pèlerinage, en réparation pour les outrages de la réforme liturgique initiée 40 ans auparavant et pour manifester notre fidélité aux sacrements catholiques. Il est impossible de rappeler ici toutes les merveilles de la chrétienté que les pèlerins ont pu vénérer en sillonnant la Ville Éternelle : les quatres basiliques majeures, le Colisée, les fouilles du tombeau de saint Pierre, les tombeaux des apôtres, tant et tant de reliques insignes et d’églises magnifiques ! Quelle émotion d’avoir pu assister à la Sainte Messe et communier tous les jours dans notre chapelle romaine, aux pieds du Château Saint-Ange. Quelle émotion aussi que cette heure sainte de réparation, ou encore la Messe solennelle célébrée le dernier jour par notre jeune prêtre récemment ordonné. Nous savons toutes les grâces reçues à cette occasion… Deo Gratias ! Notre pèlerinage national italien Osi mo-Lorette 2009, 23-24 mai. Les cent vingt pèlerins réunis pour la sixième édition du pèlerinage ont effectué à pied, dans la joie et la piété, les 22 kilomètres du parcours. La halte à l’ossuaire de Crocette a permis d’écouter, comme toujours, les paroles vibrantes de l’abbé Ricossa pour la cause du 67 Christ-Roi ; la procession finale au sanctuaire a renouvelé, dans les cœurs des pèlerins, le désir d’honorer la Mère de Dieu, qui s’est concrétisé par la prière finale dans la Santa Casa. Autres pèlerinages : de la chapelle de Rome : le 19/3/2009, au sanctuaire de la Madonna del Buon Consiglio de Genazzano (près de Rome) ; le 20/6/2009, à l’église d’Amareno (FR) où est conservée une ampoule contenant du sang de saint Laurent Martyr. De Fasano (BR), le 25/6/2009 à S. Maria di Leuca, où débarqua saint Pierre, et à la cathédrale d’Otrante, où l’on vénère les reliques des 800 Martyrs tués par des musulmans. De Potenza, le 29/7/2009, sur la tombe de saint André Apôtre dans la cathédrale d’Amalfi. Pour les fidèles lombards, le pèlerinage au Sacro Monte de Varèse le 3 octobre (2009). Les traditionnels pèlerinages à Bologne : la Via Crucis (dans l’église S. Martino à Casalecchio di Reno) le 4 avril 2009 ; la rencontre estivale au Sanctuaire de Bocca di Rio avec la Messe à Monte Tavianella, le 10 août ; la récitation des trois couronnes du Rosaire en allant à la Madonna de San Luca le 17 octobre 2009 ; de nouveau la Via Crucis pour la Passion (27 mars 2010), avec visite de l’église et du couvent de l’Observance à Bologne (où vécurent saint Bernardin, saint Jacques de la Marche, saint Jean de Capistran, saint Léonard de Port-Maurice). Anniversaires. Nous nous souvenons et nous prions pour les anniversaires de mariage suivants célébrés en 2009 : les époux Santoro de Varèse et Paolo et Sabrina Baroni de Ferrare (25 ans), les époux Marcante de Carenno Varesino (35 ans), Giuseppe et Francesca Furlan de Milan (40 ans), Paolo et Maria Giovanna Giugni de Turin (50 ans). Le 5 mai 2009, au monastère N.-D. de Bethléem à Faverney, ont été fêtés les soixante ans de sacerdoce du Père Verrier, par une Messe célébrée par le Père Mercier à laquelle il a assisté ; Mgr Stuyver, l’abbé Ricossa et l’abbé J. Le Gal représentaient l’Institut. Les 25 ans de sacerdoce de l’abbé Giuseppe Murro (29/06/1984) ont été fêtés à Verrua Savoia le 20 juin 2009 par une belle Messe suivie d’un repas dans le jardin ; à la même occasion, a eu lieu la prise de soutane du séminariste Charbel Madi. Régénérés par les eaux baptismales Le 20 août 2008 (oubli dans le dernier numéro de Sodalitium), au Rouret, Roseline Pons (abbé Cazalas). Le 5 mars 2009, à Annecy, Marie-Geneviève Cazalas (abbé Cazalas). Le 15 mars 2009 à Rovereto, Tommaso et Federica Cecoro (abbé Giugni). Le 13 avril 2009 à Maranello, Alice Arduini (abbé Ricossa). Le 6 juin 2009 dans la petite église S. Ignazio à Rovereto, Claudio Aurelio De Fanti (abbé Giugni). Le 6 juin 2009 à Paris, Romain Riedberger (abbé Jocelyn Le Gal). Le 13 juin 2009, à la chapelle S. Ambrogio à Milan, Stefano Andrea et Carlo Lorenzo Furlan (abbé Giugni). Le 1er août, à Athis-Mons, Odile Hermine Marie Vigand (abbé Murro). Le 30 août 2009, dans l’église del Carmine, à Teramo, Viviana Maria Ferrari (abbé Carandino). Le 4 octobre 2009, dans la petite église S. Ignazio à Rovereto, Luca et Alessandro Bradiani (abbé Giugni). Le 10 octobre, à Annecy, Ninon, Gaëlle, Élodie Bétend (abbé Murro). Le 16 octobre 2009, à la chapelle de Rome, Margherita Maria Romana Pulitelli (abbé Jocelyn Le Gal). Le 25 octobre 2009, dans la petite église San Luigi à Albarea (Ferrare), Andrea Guerzoni (abbé Ricossa). Le 7 novembre 2009, à la chapelle S. Ambrogio, à Milan, Isabella Coloru (abbé Giugni). Le 20 décembre 2009, dans la cathédrale de Die, Laurent Bousiges (abbé Cazalas). Le 31 décembre 2010, Timothée Payen (baptême d’adulte, par l’abbé Cazalas). Le 3 janvier 2010, dans la petite église S. Ignazio à Rovereto, Vittorio Giuseppe Manara (abbé Giugni). Le 13 février 2010, dans la chapelle Sainte-Croix du Rouret (Cannes), Théophane Pons (abbé Cazalas). Le 15 mars 2010, à Bradford (Angleterre), Marcus Barron (abbé Th. Le Gal). Le 20 mars 2010, à Versailles, baptême d’un petit François (abbé J. Le Gal). Le 18 avril 2010, à Rovereto, Marco Grasselli (abbé Giugni). 68 Le 27 juin 2009, l’abbé Cazalas a célébré la Messe pour le dixième anniversaire de la mort du P. Vinson, à la Maison SaintJoseph de Serre-Nerpol ; le 27 février 2010, comme chaque année, des Messes ont été offertes pour l’anniversaire de la mort Mgr Guérard des Lauriers et de Mgr Benigni. Premières Communions. “Laissez venir à moi les petits enfants”. Joseph Vigand (31 mai 2009) ; Costanza Sardi (11 juin 2009, Fête-Dieu, à Verrua) ; Roseline Chiocanini (14 juin, solennité de la Fête-Dieu, à Serre-Nerpol) ; Francesco Oghomwen (20 juin 2009 à Verrua) ; Théophane Brochard (21 juin 2009) ; Agnese Baroni (13 juillet 2009 à Verrua) ; François Langlet (2 août à Raveau) ; Kyle, Dominic, Kerstin, Lauren et Callum Barron (23 juillet, Bradford, Angleterre) ; Timothée Payen, adulte (1er janvier 2010) ; Emily et Hanna Barron (12 janvier 2010, à Bradford, Angleterre) ; Arnaud Van Gorp et Nicolas Grandfils (17 avril à Verrua) ; Matteo Moschetta et Virginia Fabbri (18 avril 2010 à Ferrare). Confirmations. Mgr Geert Stuyver a administré les Confirmations : à Rome le 15 mars 2009, 24 confirmés, à Raveau le 8 août, 7 confirmés, à Verrua le 26 septembre, 3 confirmés, à Rosario et Cordoba, à la fin du mois d’octobre, à l’occasion de son voyage en Argentine, 4 confirmés, à Rovereto le 25 avril 2010, dans la petite église S. Ignazio, 16 confirmés. Mariages. Le 18 avril 2009, Lionel Jorland et Marielle Porra à Lyon (abbé Thomas Le Gal). Le 2 mai 2009, Tommaso Durando et Ylenia Morritti (abbé Murro). Le 30 mai 2009, Andrea Coloru et Francesca Cuko, à Milan (abbé Giugni). Le 29 août, l’abbé Cazalas a béni un mariage à St-Hilaire-de-Brens. Le 12 septembre 2009, Jocelyn Rothe et Rozenn Noublanche, à Ozon (abbé Cazalas). Le 24 octobre 2009, à Châteauneuf-surIsère, Fabien Rahm et Amélie Vezin (abbé Cazalas et abbé J. Le Gal). La Croisade Eucharistique des enfants Nous signalons ici les multiples activités de la C. E. qui sont organisées par les séminaristes pour les enfants. Retraite mariale de la C. E. pour garçons, 01-03 mai 2009, Verrua Savoia avec visite au Sacro Monte de Varallo Sesia. Du 29 août au 1er septembre, réunion de la C. E. avec camping en montagne au Pian della Mussa. Le 10 octobre 2009 à Modène, les séminaristes avec les enfants de la Croisade Eucharistique étaient présents à la 4ème Journée pour la Royauté sociale du Christ-Roi, avec une exposition de livrets, objets de piété et informations sur la Croisade. Le 26 octobre 2009, pèlerinage au Sacro Monte de Crea avec les garçons français. Croisade Eucharistique des enfants : comme c’est beau de patiner...! Gênes : visite du Galion sous la neige ! Confirmations à Rome et à Rovereto 69 Du 5 au 8 décembre 2009 a eu lieu la retraite pour les garçons à l’occasion de la fête de l’Immaculée, avec la visite du Sanctuaire de la Madonna della Guardia près de Gênes, de l’Aquarium de Gênes et de la Crèche mécanique de l’Annunziata à Turin. Du 16 au 17 janvier 2010, réunion à Verrua, avec la visite d’un musée à Turin. La retraite du 13 au 16 février fut en préparation du Carême. Le gel et la neige ont permis aux enfants de patiner sur la glace. Pendant le Carême, en préparation à Pâques, a eu lieu la réunion de la Croisade de la fête de saint Joseph (19 mars) jusqu’au 21 mars. Défunts. Le 7 avril 2009 est décédée la sœur de M. Lauzier, de Lyon ; l’abbé Murro lui avait administré tous les Sacrements. Le 30 avril 2009 est mort Piero Renzoni , d’Arezzo, il avait fréquenté (avec son épouse Marzia) depuis le début et jusqu’à la fin avec régularité la Messe célébrée à Loro Ciuffenna. Le 3 mai, dans notre chapelle de Turin, l’abbé Murro a célébré les funérailles de Vincenza Deficienti, tante de Madame Teresa Bichiri. Le 15 mai 2009, est décédé Jean Reverdy frappé par une grave maladie : fidèle à la tradition de l’Église dès la première heure, il venait souvent à la Messe à Raveau. Nous rappelons Raffaele Cicerale, de Turin, qui fréquenta pendant un temps la Messe via Thesauro, et qui est décédé le 27 juin. Le 28 juin, l’abbé Th. Le Gal a administré l’extrême-onction à Consolata Serrano Fulco, à Verrua Savoia, décédée le jour même. Le 30 juin, est décédée Madame Launay, qui avait reçu les derniers Sacrements de l’abbé J. Le Gal le 7 juin. Le 31 juillet 2009 est mort, à l’hôpital de Bari, l’ingénieur Romeo Rampinchini, âgé de 88 ans, qui au cours des derniers mois avait reçu les Sacrements de l’abbé Carandino. Le 24 août, est décédée à Casalecchio di Reno, Totilia C h i t i veuve Rossi, originaire de Montevarchi. La veille, elle avait reçu l’extrême-onction de l’abbé Ricossa. Agnese Simoncini veuve Mariotti, mère de Madame Furlan, notre fidèle à Milan, est décédée le 28 août 2009 à l’âge de 89 ans, à Marone (BS) ; au cours de sa longue maladie, elle avait reçu à plusieurs reprises les sacrements des prêtres de l’Institut dans la mai- son de repos où elle se trouvait. Par sa générosité, en mettant à disposition son appartement de Milan, elle a permis le développement de l’apostolat de l’Institut en Lombardie. À elle va notre sincère reconnaissance et à sa famille nos condoléances émues. À l’âge de 87 ans est mort au Canada le 29 août 2009, Berchmans Rodrigue, fidèle lecteur de Sodalitium , depuis toujours engagé dans la défense de la tradition catholique. Le 29 octobre 2009, a cessé de battre le cœur généreux de Massimo Giovanazzi, qui aurait eu 32 ans le 8 novembre. Sa vie a été transformée, brusquement, dans les derniers mois par une tumeur dévastatrice ; mais la douleur a laissé la place à la prière, aux sacrements (en particulier aux confessions faites à l’un de nos prêtres), à la résignation, à l’amour toujours plus intense pour les siens, comme en témoigne un édifiant testament spirituel rédigé par Massimo dans ses dernières semaines de vie. Les grâces célestes, fruit des nombreuses Messes qu’un familier a fait célébrer durant sa maladie et après son trépas, ont ouvert la voie à la sanctification de Massimo au cours de son calvaire et au salut de son âme au moment de se présenter au jugement du Seigneur. Avec émotion, nous recommandons à vos prières son âme et ses proches : sa maman Assunta, son papa Carlo et son frère Andrea. Giuseppe Morisi est décédé le 10 novembre 2009 à Milan. Il s’était rapproché de la religion ces dernières années et fréquentait régulièrement la chapelle S. Ambrogio . Durant sa dernière maladie, soutenu par la foi, il avait reçu les Sacrements à l’hôpital des mains de l’abbé Giugni qui a pu célébrer ses funérailles dans une paroisse de la ville le 12 novembre. Nous adressons nos condoléances à son fils Mauro et à sa famille. Après avoir reçu les derniers sacrements de l’abbé Cazalas, Pierre Gspann est décédé le 14 novembre, insigne bienfaiteur de la chapelle N.-D. des Victoires à Cannes, qui soutint le ministère de l’abbé Delmasure et ensuite le nôtre. Quand la maladie l’a empêché d’assister à la Messe, il a reçu régulièrement les sacrements à domicile par nos prêtres. Le 18 novembre 2009, l’abbé Murro, aidé de l’abbé Michel, a célébré, dans le centre de la France, les funérailles de Teresa Sorrenti épouse Morabito , grand-mère d’une religieuse 70 Le Père Pietro Locati. En 2005 aux ordinations sacerdotales à Verrua de Serre-Nerpol, à qui, quelques jours avant, il avait administré les Sacrements. Le 30 novembre, après une longue et douloureuse maladie, et encore si jeune, est décédée à Bentivoglio Federica D e g l i Esposti , habitant à Calderino (Bologne). Avec beaucoup de foi, elle recevait régulièrement les Sacrements de nos prêtres, trouvant dans le Christ réellement présent dans l’Eucharistie la force et les grâces pour porter sa croix à Sa suite. Prions pour elle, et pour ses parents qui ont perdu leur fille unique. Elle n’était pas notre fidèle, mais avec charité chrétienne, la Doctoresse oculiste Maria Grazia Castellano Virgopia , a toujours soigné gratuitement les prêtres et les séminaristes de l’Institut ; elle est décédée à Turin le 10 décembre ; prier pour son âme est un devoir de reconnaissance. Le Père Pietro Locati , prêtre missionnaire du PIME (Institut Pontifical des Missions Étrangères), est décédé à Lecco à l’âge de 90 ans, le 16 décembre 2009. Il avait été missionnaire au Brésil dans la forêt amazonienne. Il était toujours resté fidèle à la Messe de saint Pie V, qu’il a célébrée tant que sa santé lui a permis. Depuis plusieurs années il vivait dans une maison de repos pour les prêtres de son Ordre, à Lecco. En 2005, il était venu assister aux ordinations sacerdotales à Verrua, et en était très heureux : “une journée de Paradis” fut son commentaire à cette occasion. L’abbé Giugni le visitait régulièrement et lors de sa dernière visite en novembre lui avait administré les Sacrements. En lui rendant visite, on était toujours touché de sa dévotion et de sa bonté agrémentée souvent par de bons et saints conseils qu’il savait donner avec simplicité et bon cœur et qui vous approchaient toujours de Dieu. Le 17 décembre, l’abbé Cazalas a célébré, dans l’église de la Maison Saint-Joseph, à Serre-Nerpol, les funérailles de Juliette Delay. Fidèle de la première heure du Père Vinson et bienfaitrice de la Maison Saint-Joseph, depuis deux ans, à cause d’une hémiplégie elle avait dû se retirer à Amplepuis dans une maison spécialisée. Le 21 décembre, est décédé dans la maison de repos de Marcorengo, près de Verrua, mais originaire de Prascorsano, Giovanni P i a nasso, qui taillait les arbres fruitiers de notre jardin et recevait les Sacrements de nos prêtres. C’est lui-même qui avait demandé à ses proches que ce soit nous qui célébrions ses funérailles : le 23 décembre a donc eu lieu la levée de corps à Marcorengo, la Messe avec le Libera à Verrua, et la sépulture (avec la fanfare !) au cimetière de Prascorsano, dans le Canavese. Le 3 janvier 2010, à Bologne, est décédé le célèbre avocat pénaliste Marcantonio Bezicheri . Conscient de la gravité de sa maladie, il réclama l’abbé Ricossa plusieurs fois à son chevet pour recevoir régulièrement les saints Sacrements et se préparer ainsi à la rencontre avec le Seigneur. Le 26 janvier, à l’hôpital de Casale Monferrato, après avoir reçu tous les Sacrements de l’Église, est décédé Sergio Coppa, habitant le hameau Bicocca à Verrua Savoia, toujours fidèle à la Messe dominicale dans notre église. Le 17 février 2010 (mercredi des Cendres) est décédée tragiquement dans un accident à Milan, la Professeure Maria Clementina Magrì. Fidèle à la Messe de saint Pie V dès la première heure, du temps de la petite église de la via S. Maria Fulcorina, elle assistait régulièrement à la Messe de l’Institut à Milan dont elle avait embrassé avec foi la position théologique, elle était toujours présente y compris aux conférences organisées par le Centro Albertario à Milan ; depuis la fondation de la chapelle S. Ambrogio, il y a treize ans, elle s’occupait de tout son cœur et de toutes ses forces de 71 la décoration florale. Le 6 mars, la Messe de Requiem a été chantée à la chapelle de Milan pour suppléer aux funérailles qu’elle n’a pas pu avoir en dépit de ses désirs. Le 21 février, à Châtillon, décès de Monique Ranque à qui l’abbé J. Le Gal avait administré les Sacrements le 7 février ; il a célébré pour elle une messe chantée de funérailles le 23, en l’absence du corps. Le 17 avril, à Parme, est décédé à 88 ans le Professeur Gianfranco Mondino, très attaché à l’Institut, qui a encore répondu récemment avec générosité à l’appel pour l’achat de la chapelle de Modène. Il était toujours présent à la Journée pour la Royauté sociale du Christ. Le 30 avril 2010 est mort à Bari à l’âge de 65 ans, Enrico Cursoli, qui pendant de nombreuses années a accueilli le prêtre chez lui à Modugno, et qui se préparait, comme les années précé- dentes, à participer au pèlerinage de Lorette. Un lecteur nous a signalé la mort de son épouse, Madame De Sanctis, de Rome, demandant des prières : nous la recommandons aux suffrages de tous. Avec la mort de l’abbé Georges de Nan tes, le 15 février 2010, a disparu peut-être le dernier des grands protagonistes de la première opposition à Vatican II. Beaucoup, beaucoup trop de choses, et de très importantes, nous séparaient lui, mais nous ne pouvons oublier le rôle non négligeable qu’il joua pendant et tout de suite après le Concile, et la sympathie et l’estime qu’il manifesta publiquement à Sodalitium dans certains numéros de sa revue, la Contre-réforme Catholique au XXème siècle. Anima ejus, et animæ omnium fidelium defunctorum, per misericordiam ejus requiescant in pace. Activités • CAMP SAINT LOUIS DE GONZAGUE pour garçons de 8 ans accomplis à 13 ans du lundi 5 (à midi) au lundi 19 juillet (à midi) à Raveau (Nièvre) • CAMP EN MONTAGNE POUR GARÇONS de 14 à 21 ans dans le massif de la Chartreuse (près de Grenoble) du 26 juillet (dans l’après-midi) au 6 août (matin) • CAMP EN ITALIE POUR JEUNES FILLES du samedi 10 juillet au samedi 17 juillet, à Verrua Savoia (près de Turin) • CAMP DANS LES ALPES POUR JEUNES FILLES de 8 à 16 ans du lundi 5 au vendredi 23 juillet. Organisé par les Sœurs du Christ-Roi. Inscrivez-vous et demandez le programme auprès de la Maison Saint-Joseph, Tél. 04 76 64 24 11. EXERCICES SPIRITUELS DE SAINT IGNACE À RAVEAU (NIÈVRE) • Pour hommes et jeunes gens : du lundi 9 août (à 12 h) au samedi 14 août (à 12 h). • Pour dames et jeunes filles : du lundi 2 août (à 12 h), au samedi 7 août (à 12 h) Pour tout renseignement s’adresser à : Institut Mater Boni Consilii • Loc. Carbignano, 36 - 10020 Verrua Savoia (To) Italie Tél.: + 39.0161.839.335 Fax: + 39.0161.839.334 • 350 route de Mouchy Raveau 58400 France - Tél. et Fax 03.86.70.11.14. • Site: www.sodalitium.eu - e-mail: info@sodalitium.eu 72 CENTRES DE MESSES RÉSIDENCES DES PRETRES DE L’INSTITUT ITALIE: Verrua Savoia (TO). Maison-Mère. Istituto Mater Boni Consilii - Località Carbignano, 36. Ste Messe: en semaine à 7h30, le dimanche à 18h. Tél.: +39.0161.83.93.35 Fax : +39.0161.83.93.34 - E-mail : info@sodalitium.it San Martino dei Mulini (RN). Casa San Pio X. Abbé Ugo Carandino - Via Sarzana 86. Pour toute information, Tél (et Fax) +39. 0541.75.89.61. E-mail : info@casasanpiox.it. ARGENTINE: Rosario. Casa San José - Abbé Sergio Casas Silva, Iguazú 649 bis, C. P. 2000 Rosario (Santa Fe). Tous les dimanches, Ste Messe à 10h. E-mail : casasanjose@sodalitium.it BELGIQUE: Dendermonde. Mgr Geert Stuyver: Kapel O.L.V. van Goede Raad, (chapelle N.D. du Bon Conseil) Koning Albertstraat 146 9200 Sint-Gillis Dendermonde: Ste Messe le dimanche à 9h30. Tél. (et Fax): (+32) (0) 52.38.07.78. FRANCE: 350 route de Mouchy Raveau 58400. Pour toute information, tél. au 03.86.70.11.14. AUTRES CENTRES DE MESSES FRANCE Annecy: Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 10h. Confessions à 9h. Pour toute information, tél.: 09.53.16.39.01. Cannes: Chapelle N.-D. des Victoires. 4 rue Fellegara. Tél.: 04.93.46.78.54. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 18h. Confes. à 17h30. Lille: Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 17h. Confessions à 16h30. Pour toute information: Mgr Geert Stuyver en Belgique. Lyon: Chapelle N.-D. du Bon Conseil. 11 rue Pareille, 69001. Tél.: 06.70.45.77.28. Ste Messe le 2 ème et 4 ème dimanche du mois à 17h. Confessions à partir de 16h30. Paris:: 17 rue Bleue, 75009 (code A4382, au fond de la cour à gauche, 2° étage). Ste Mes- se le 1er et 3ème dimanche du mois à 10h30. Confessions à 9h45. Autres dates possibles. Pour toute information: 06.78.37.81.43. ITALIE Ferrare: Chiesa S. Luigi, Via Pacchenia 47 Albarea. Ste Messe tous les dimanches à 17h30. Le 3ème dimanche du mois à 11h30. Loro Ciuffenna (Arezzo): Fattoria del Colombaio, str. dei 7 ponti. Ste Messe le 1er dimanche du mois à 17h30. Maranello (Modène): Villa Senni. Strada per Fogliano. Ste Messe tous les dimanches à 11h, sauf le 3ème dimanche du mois à 9h. Milan: Oratorio San Ambrogio. Via Vivarini 3. Ste Messe tous les dimanches et fêtes à 11h. Padoue: le 4ème dimanche du mois à 18h. Pescara: Oratorio del Preziosissimo Sangue, via Ofanto 24. Le 2ème dim. à 18h30, le 4ème dim. à 10h30. Rimini: Oratorio San Gregorio Magno, via Molini 8: le 1er et 2ème dimanche Messe à 11h, le 3ème et 4ème dimanche du mois à18h30. Rome: Oratorio San Gregorio VII. Via Pietro della Valle, 13/b: Messe le 1er, 3ème, 5ème dim. à 11h. Rovereto (Trente): Messe le 1er, 3 ème, et 5 ème dimanche du mois à 18h. Turin: Oratorio del Sacro Cuore, via Thesauro 3/D. Dimanches: Messe chantée à 9h. Messe basse à 11h15. Tous les premiers vendredis du mois: Messe à 18h15. Valmadrera (Lecco): via Concordia, 21. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois. Varèse - Modugno (BA) - Potenza: se renseigner à Verrua Savoia. Tél.: +39.0161.83.93.35 Confessions une demi-heure avant les messes. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia ou à San Martino dei Mulini. COMMENT NOUS AIDER • LIBELLER À: ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - 350 route de Mouchy - 58400 RAVEAU (France). • VIREMENT BANCAIRE: Compte LCL Le Crédit Lyonnais (Références Internationales): IBAN: FR52 3000 2075 3100 0007 9074 U78 BIC: CRL YFRPP • VIREMENT CCP: n° 2670 37 W DIJON. I B A N : FR78 2004 1010 0402 6703 7W02 537 BIC: PSSTFRPPDI - Reçu fiscal sur simple demande, pour bénéficier notamment des exonérations fiscales (66% de votre don à une association est déductible de votre impôt sur le revenu, dans la limite de 20% de votre revenu net imposable). EN CAS DE NON-LIVRAISON, VEUILLEZ RENVOYER A L’EXPEDITEUR QUI S’ENGAGE A PAYER LE RETOUR A L’ENVOYEUR: ASTI C.P.O SODALITIUM PERIODICO Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tél. +39. 0161.839.335 - Fax +39. 0161.839.334 info@sodalitium.it DESTINATARIO - Destinataire: SCONOSCIUTO - Inconnu TRASFERITO - Transféré DECEDUTO - Décédé INDIRIZZO - Adresse: INSUFFICENTE - Insuffisante INESATTO - Inexacte OGGETTO - Objet: RIFIUTATO - Refusé