Tassa Riscossa - Taxe Perçue. ASTI CPO N° 65 Anno XXIX n. 4 - Maggio 2013 - Sped. a. p. - art. 2 - comma 20/c, Legge 662/96 - Filiale di Asti - Organo ufficiale del Centro Librario Sodalitium Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tel. +39.0161.839.335 - Fax +39.0161.839.334 - In caso di mancato recapito, rinviare all’ufficio C.R.P. ASTI per restituzione al mittente che si impegna a corrispondere la relativa tariffa Ordination sacerdotale à Verrua Savoia 2 “Sodalitium” Periodico n° 65, Anno XXIX n° 4/2013 Editore Centro Librario Sodalitium Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA TO Tel.: 0161.839335 Fax: 0161.839334 - CCP 36390334 INTERNET: www.sodalitium.eu - email: info@sodalitium.eu Direttore Responsabile don Francesco Ricossa Autorizz. Tribunale di Ivrea n. 116 del 24-2-84 Stampa: - Alma tipografica Villanova M.vì. Le présent numéro a été achevé de rédiger le 30/04/2013 Ai sensi della Legge 675/96 sulla tutela dei dati personali, i dati forniti dai sottoscrittori degli abbonamenti verranno trattati in forma cartacea ed automatizzata e saranno utilizzati esclusivamento per invio del giornale oggetto di abbonamento o di altre nostre testate come copie saggio e non verranno comunicate a soggetti terzi. Il conferimento dei dati è facoltativo ed è possibile esercitare i diritti di cui all’articolo 13 facendone richiesta al responsabile trattamento dati: Centro Librario Sodalitium. En couverture : ordination sacerdotale à Verrua Savoia le 29 septembre 2012, lʼimposition des mains. Sommaire Éditorial Assise 2011 : Joseph Ratzinger et l’agnosticisme Généalogies La question sociale à la lumière du magistère de Léon XIII et … Un édifice construit sur le sable … COMMUNIQUÉS DE L’INSTITUT MATER BONI CONSILII : La renonciation de Joseph Ratzinger L’élection de Jorge M. Bergoglio RECENSION : Les Pédagogues Vie de l’Institut Éditorial A près plus d’une année, Sodalitium est de retour chez vous. Entretemps, la situation dans l’Église comme dans la société, s’est aggravée. Joseph Ratzinger, comme chacun sait, a annoncé sa renonciation à son élection le 11 février 2013 : vous trouverez dans ce numéro un communiqué exprimant la pensée de cette revue et de l’Institut Mater Boni Consilii à ce propos. L’élection de Jorge Mario Bergoglio qui s’ensuivit, le 14 mars, a aggravé davantage encore, s’il était possible, la situation. Déjà candidat de l’aile “martinienne” durant le conclave de 2005, le nouvel “évêque de Rome” qui n’a pas voulu se dénommer Pape, a été acclamé de manière enthousiaste par le représentant de la Théologie de la Libération, Leonardo Boff, par le théologien hérétique Hans Küng, par le Grand Orient d’Italie et, surtout, par cette spéciale maçonnerie juive qu’est le B’naï B’rith (Fils de l’Alliance) avec laquelle Bergoglio a collaboré étroite- p. 2 p. 5 p. 21 p. 28 p. 40 p. 42 p. 43 p. 45 p. 50 L’élection de Jorge Mario Bergoglio a aggravé davantage encore, s’il était possible, la situation. Le nouvel “évêque de Rome” qui n’a pas voulu se dénommer Pape, a été acclamé de manière enthousiaste par le représentant de la Théologie de la Libération, Leonardo Boff, par le théologien hérétique Hans Küng, par le Grand Or i e n t d’It al i e e t , su r t ou t , par cette spéciale maçonnerie juive qu’est le B’naï B’rith avec laquelle Bergoglio a collaboré étroitement en Argentine. ment en Argentine, au point de réaliser, avec les susnommés, des cérémonies liturgiques juives ou interreligieuses dans les églises catholiques et jusque dans la cathédrale de Buenos Aires, et ce jusqu’à l’année dernière. Le mouvement œcuménique 3 , e a a a d r e - a également été favorisé par Bergoglio par des initiatives spectaculaires, comme quand, à genoux, il a voulu se faire imposer les mains et bénir par des pasteurs protestants qu’il avait convoqués exprès à Buenos Aires, le 19 juin 2006. Ami des ennemis du Christ et de l’Église, il s’est démontré résolument opposé à ses diocésains qui demandaient, naïvement, l’application du motu proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI. Il est facile de prévoir que le mépris de Jorge Bergoglio pour la tradition et la liturgie de l’Église se manifestera également à Rome et dans l’Église universelle, au profit de la clarté, pour qu’il soit mis fin à l’ambiguïté, et pour la déception de quiconque voulait concilier (c’est le cas de le dire) Vatican II et la liturgie traditionnelle. Naturellement, nous ne connaissons pas le futur, mais si à bonjour, bonne œuvre, les premiers actes du nouvel élu manifestent qu’il n’entend absolument pas, tout comme ses prédécesseurs, accepter le Pontificat Romain et la charge de Vicaire du Christ, pour la gloire de Dieu, le salut des âmes, la sauvegarde de la foi, du Sacrifice de la Messe et des sacrements, la condamnation de l’hérésie, mais qu’il entend sa nouvelle charge comme ordonnée à la diffusion d’une nouvelle doctrine, d’un nouvel évangile, d’une nouvelle liturgie, primus inter pares avec les autres frères “évêques” (Bergoglio a été “ordonné” et “sacré” avec le nouveau rite réformé) ; il entend être, veut être celui qu’il est : un représentant du modernisme agnostique. L’article annoncé dans le dernier numéro de Sodalitium sur l’agnosticisme dans la pensée de Joseph Ratzinger et que vous pourrez lire dans ce numéro n’a donc pas perdu de son actualité puisque l’agnosticisme est une partie essentielle du modernisme et pas seulement de la pensée de Ratzinger. Face à un mal aussi profond, la Fraternité Saint Pie-X semble répéter en miniature ce qui se produisit dans toute l’Église dans les années 60. La lettre de Mgr Fellay, envoyée le 15 avril 2012, à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (diffusée seulement en mars de cette année par des dissidents internes à la Fraternité) contient de très graves défaillances doctrinales : acceptation de la doctrine de la collégialité épiscopale enseignée par Lumen Gentium, ac- ceptation de la légitimité de la réforme liturgique (Messe et sacrements) et du nouveau code de droit canon, acceptation du Concile (et de l’enseignement qui s’ensuit) comme magistère de l’Église qui peut expliciter et trancher au sujet du magistère précédent, acceptation aussi de textes “difficilement” conciliables avec la doctrine tradi- Qui est Jorge M. Bergoglio B uenos A ires, jeudi 22 juin 2006 à l’occasion de la I I Ième Rencontre F raternelle de la C ommunion Rénovée des É vangéliques et C atholiques dans l’ E sprit ( C R E C E S). L e cardinal Bergoglio reçoit à genoux l’imposition des mains des pasteurs, prêtres et laïcs qui ont animé la rencontre... 12 novembre 2012, dans la cathédrale de B uenos A ires, Bergoglio avec le patronage du B ’naï B ’rith commémore la nuit de cristal avec les représentants des juifs, des méthodistes, des luthériens (les six cierges allumés représentent les six millions de juifs de la shoah...) 4 tionnelle d’une possible interprétation catholique. C’est vrai, toutes ces affirmations sont implicitement contenues dans la reconnaissance, y compris de la part de Mgr Lefebvre, de la légitimité des Pontifes qui ont promulgué Vatican II et les réformes successives ; mais elles impliquent aussi le reniement de la condamnation (en contradiction, c’est vrai, avec la reconnaissance de l’autorité de Paul VI et de ses successeurs) que Mgr Lefebvre et Mgr de Castro Mayer firent publiquement des erreurs conciliaires. On comprend mieux encore donc la teneur de la lettre envoyée par Mgr Fellay et par ses assistants aux trois autres évêques de la Fraternité, la veille, 14 avril, qui a conduit, pour l’heure, à l’expulsion d’un des trois susdits évêques. Le dialogue “œcuménique” entre la Fraternité Saint Pie-X et les Modernistes, présent depuis sa fondation, mais qui reprit vigueur en 2000, préparé dans l’ombre des réunions du GREC (cf. Père Michel Lelong, Pour la nécessaire réconciliation. Le Groupe de Réflexion Entre Catholiques (GREC), NEL, Paris, 2011) et par Dieu sait quelles autres entités, a porté ses fruits de division et de destruction de toute résistance à l’hérésie. Aux baptisés encore liés, dans l’intime de leur conscience, à la foi catholique et à la tradition de l’Église, spécialement à ceux qui occupent des postes de responsabilité (hommes que Dieu seul connaît ou peut susciter), nous demandons d’ouvrir les yeux avant qu’il ne soit trop tard, de renier les erreurs modernistes, de professer la foi catholique même si cela devait leur coûter la persécution du monde et même la mort ; nous demandons la même chose à ces “traditionalistes”, évêques, prêtres, fidèles, qui en suivant Mgr Lefebvre ont trouvé les arguments pour s’opposer aux erreurs conciliaires, mais non ceux pour justifier cette salutaire opposition : la Providence nous fournit – dans la thèse théologique de Mgr Guérard des Lauriers o. p. – les armes intellectuelles pour nous opposer au modernisme sans tomber dans le désespoir ou dans le faux mysticisme. Aujourd’hui, plus que jamais, c’est le moment de confesser intégralement la Foi, de condamner radicalement l’erreur. Qui est Jorge M. Bergoglio 13 décembre 2012, Bergoglio à la synagogue du temple N C I- E manu E l de la “ F undación Judaica”, en compagnie du rabbin “progressiste” Sergio Bergman Première “messe” dans la chapelle Sixtine avec la table à la place de l’autel : à la “consécration du Pain et du V in”, les deux fois, Bergoglio et tous les cardinaux présents se contentent de s’incliner, sans s’agenouiller, alors que les servants autour de lui sont agenouillés… Parlant aux journalistes, il ne les a pas bénis par ces mots:“Je vous avais dit que je vous aurais donné de grand cœur ma bénédiction. Étant donné que beaucoup d’entre vous n’appartiennent pas à l’ Église catholique, d’autres ne sont pas croyants, j’adresse de tout cœur cette bénédiction, en silence, à chacun de vous, respectant la conscience de chacun, mais sachant que chacun de vous est enfant de D ieu. Q ue D ieu vous bénisse”. Ratzinger a démissionné (ici à A ssise en 2011 avec les leaders des fausses religions), maintenant il y a Bergoglio mais l’œcuménisme continue... comme avant... plus qu’avant 5 Doctrine Assise 2011 : Joseph Ratzinger et l’agnosticisme Par M. l’abbé F rancesco Ricossa L e 1er janvier 2011, après la récitation de l’Angélus, Benoît XVI manifesta son intention de commémorer au cours de l’année venant de commencer, la réunion d’Assise promue 25 ans avant par le “vénérable” (proclamé ensuite par lui “bienheureux” le 1er mai de la même année) Jean-Paul II : “Chers frères et sœurs, dans le Message d’aujourd’hui pour la Journée mondiale de la Paix, j’ai souligné la manière dont les grandes religions peuvent constituer un facteur important d’unité et de paix pour la famille humaine, et j’ai rappelé, à cette occasion, qu’en cette année 2011, l’on fêtera le 25ème anniversaire de la Journée Mondiale de Prière pour la Paix que le Vénérable JeanPaul II convoqua à Assise en 1986. C’est la raison pour laquelle, je me rendrai au mois d’octobre prochain comme pèlerin dans la ville de saint François, en invitant à s’unir à ce chemin nos frères chrétiens des diverses confessions, les autorités des traditions religieuses du monde, et de manière idéale, tous les hommes de bonne volonté, dans le but de rappeler ce geste historique voulu par mon prédécesseur et de renouveler solennellement l’engagement des croyants de chaque religion à vivre leur foi religieuse comme service pour la cause de la paix. Celui qui est en chemin vers Dieu, ne peut pas ne pas transmettre la paix, celui qui construit la paix ne peut pas ne pas se rapprocher de Dieu” . Les voix qui voulaient le cardinal Ratzinger plus ou moins opposé – en 1986 – à la première réunion interreligieuse d’Assise promue par la Communauté de Sant’Egidio et faite sienne par Jean-Paul II, furent ainsi démenties de manière éclatante : le programme de Vatican II (œcuménisme, dialogue interreligieux, dialogue avec les “non croyants” et avec le monde) fut à nouveau confirmé avec autorité. Ainsi, comme annoncé, le 27 octobre suivant se tint, à Assise, la “Journée de ré- En 2011, Benoît XVI manifesta son intention de commémorer au cours de l’année venant de commencer, la réunion d’Assise promue 25 ans avant par le “vénérable” Jean-Paul II. Les voix qui voulaient Ratzinger plus ou moins opposé à la première réu n i on i n t e r r e l i gi e u se d’Assi se furent ainsi démenties de manière éclatante : le programme de Vatican II (œcuménisme, dial ogu e i n t e r r e l i gi e u x, di al ogu e avec les “non croyants” et avec le monde) fut à nouveau confirmé avec autorité. flexion, dialogue et prière pour la paix et la justice du monde. ‘Pèlerins de la vérité, pèlerins de la paix’” , présidée par Benoît XVI. Il faut dire que l’événement n’a pas eu le même retentissement que celui d’il y a 25 ans. En 1986, Wojtyla pour la première fois réalisait une rencontre hautement symbolique entre toutes les religions ; la prière commune et les rites païens accomplis dans des églises catholiques d’Assise suscitèrent la stupeur de tous et la dure condamnation de Mgr Lefebvre et de Mgr de Castro Mayer. Vingt-cinq années après, le monde s’était désormais habitué à ces rencontres, même si elles se répètent moins solennellement chaque année dans différentes parties L a réunion œcuménique d’ A ssise de 2011 6 du monde (c’était la troisième réunion tenue à Assise), et même les traditionalistes catholiques semblaient s’être habitués à un événement devenu “tradition” : timides protestations de la part des héritiers de Mgr Lefebvre, engagés dans de durables rencontres œcuméniques avec les représentants de Benoît XVI en vue d’une reconnaissance canonique, tandis que les mouvements “Ecclesia Dei” ou “Summorum Pontificum”, en se déclarant eux aussi “pèlerins de la vérité vers Assise”, expriment une adhésion convaincue à l’initiative du “SaintPère” (cf. Sodalitium n° 64 p. 49). Certains partisans de la thèse : “Benoît XVI défenseur de la Tradition”, ne pouvant nier son soutien convaincu à l’“Esprit d’Assise”, ont essayé de trouver des différences entre la cérémonie commémorée et la cérémonie commémorative. Benoît XVI, expliquentils, a évité la répétition des rites païens dans les églises catholiques ; mieux : il a exclu du programme de la journée (qui malgré tout est dite “de prière”) la prière. D’autre part, Benoît XVI a étendu son invitation non seulement aux représentants des confessions chrétiennes et des religions non chrétiennes, mais à tous les “hommes de bonne volonté” (d’après l’expression roncallienne), c’est-à-dire y compris aux non croyants, démontrant ainsi que dans ses intentions la rencontre d’Assise devait éviter tout syncrétisme religieux, pour se placer exclusivement sur le plan du droit naturel et de la droite raison, droit naturel et droite raison qui sont le point de rencontre pour tous les hommes – justement – de bonne volonté. Une “journée de prière” sans prière En consultant le programme de la journée présenté par la salle de presse vaticane le 18 octobre, on ne trouve, en effet, pas trace de rites ou de prières non catholiques, mais pas non plus de prières catholiques, pour le simple fait que la “journée de prière” ne prévoyait aucune prière. Dans le programme de la rencontre de prière, la journée commence en effet à sept heures du matin, avec le départ des délégués de leur résidence pour prendre le train Frecciargento pour Assise, et termine à 20h30 avec l’arrivée du voyage de retour à la gare de la Cité du Vatican. Entre les deux voya- ges en train, et plusieurs déplacements en mini-bus, le programme prévoit la projection d’une vidéo commémorative de la rencontre de 1986, onze interventions le matin séparées par des morceaux d’orgue, un “repas frugal”, et quinze interventions l’aprèsmidi, avec fond sonore d’orgue, suivies d’un moment de silence. Le temps officiellement consacré à la prière facultative (et/ou) est le moment “post-prandial”, autrement dit de la “sieste” : après le “frugal repas” les délégués se retirent dans leurs propres logements pour un (encore) “temps de silence” dédié à la “réflexion et/ou à la prière personnelle”. De la rencontre est donc totalement absente non seulement la Sainte Messe ou l’office divin, mais même n’importe quel genre de prière (admise seulement comme personnelle et facultative durant la sieste), tout cela remplacé par des morceaux d’orgue, par le silence et par la réflexion. La chose a sa logique, même dans le paradoxe d’une journée de prière sans prière : toute prière ne peut que diviser les hommes de différentes religions ou même étrangers à la religion (les quatre “non croyants” invités par Ratzinger) pour qui l’unique manière de réunir tant de croyances et non croyances différentes dans une “expérience de fraternité” sans heurter les uns et les autres et sans tomber dans le syncrétisme, est paradoxalement celle d’exclure la religion de la rencontre interreligieuse et la prière d’une rencontre de prière. Mais c’est justement la solution adoptée par les Loges maçonniques dans lesquelles, par statut, il est défendu de parler de religion précisément parce que doivent se réunir en leur sein comme des frères des hommes de toutes les (ir)religions. L’absence donc de cultes idolâtres célébrés sur des autels catholiques, comme il advint en 1986, évite sans doute ce type de sacrilège et le facile scandale des fidèles, mais au prix de substituer à la prière le “silence” et la “réflexion” comme dans n’importe quel temple maçonnique. L ’économiste communiste autrichien Walter B aier 7 (1). Qui a en premier lancé l’initiative d’un Parvis des Gentils le 18 mars 2011 ? La réponse à toutes ces questions est toujours la même : Benoît XVI. Essayons donc de mieux connaître la pensée ratzingerienne à ce propos. Le discours de Benoît XVI à Assise. Un faux concept de la paix L a psychanalyste athée Julia K risteva Les athées à Assise Ainsi, la présence des athées (ou, comme on dit maintenant : “non croyants”) – ont soutenu certains défenseurs de la rencontre d’Assise – confirmerait l’absolue orthodoxie de la ligne directrice du pontificat ratzingerien : une réponse à l’Illuminisme au moyen de la lumière de la raison, commune à tous les hommes, croyants ou non croyants, religieux ou irréligieux. Au maximum, concèdent certains défenseurs de Benoît XVI – tel Francesco Agnoli sur Il Foglio – on peut regretter le choix de ceux qui devaient représenter les non croyants : au lieu d’inviter des “athées dévots”, respectueux de la valeur civile et culturelle de l’Église, et du droit naturel à la vie de la conception à sa fin naturelle, comme par exemple le directeur de Il Foglio, Giuliano Ferrara, et plusieurs auteurs devenus collaborateurs de L’Osservatore Romano sous la direction de Vian, on a préféré inviter des athées beaucoup moins “dévots” (en l’espèce, il s’agit de la psychanalyste Julia Kristeva, de l’italien Remo Bodei, du mexicain Guillermo Hurtado et de l’économiste Walter Baier, membre du Parti Communiste Autrichien). La responsabilité de ces choix inconsidérés retomberait ainsi sur le cardinal Ravasi, président du Conseil Pontifical pour la Culture et responsable de l’initiative du Parvis des Gentils. Mais qui a décidé de créer cardinal Mgr Ravasi et de l’élever à la dignité épiscopale (au moins dans les intentions) ? Qui l’a nommé préfet du Conseil Pontifical pour la Culture, héritier du Secrétariat pour les Non croyants fondé par Paul VI en application de la Constitution conciliaire Gaudium et spes ? L’intervention de Benoît XVI à Assise suivit celle de la représentante des athées, Julia Kristeva. Le discours ratzingerien débute en parlant de la paix, invoquée par les journées de prière comme celles d’Assise ; mais nous nous rendons tout de suite compte que la paix dont on parle est, de fait, l’absence de guerres, et non la “tranquillité de l’ordre” que seul le Christ peut donner : “Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; mais ce n’est pas comme le monde la donne que je vous la donne moimême” (Jn XIV, 27) ; ces paroles du Christ à la dernière Cène suivent logiquement ces autres : “Je suis la voie, la vérité et la vie. Personne ne vient à mon Père que par moi” (Jn XIV, 6), ce Père qui enverra “l’Esprit de vérité que le monde ne peut recevoir” (Jn XIV, 17). En reléguant la paix à un concept mondain et réductif, il n’est pas surprenant que Benoît XVI se trouve en difficulté face à l’objection illuministe (mais remontant déjà aux sceptiques durant les guerres de religion) sur la religion comme cause non de paix, mais de guerre : “La critique de la religion, à partir des Lumières, a à maintes reprises soutenu que la religion fut cause de violence et ainsi elle a attisé l’hostilité contre les religions. Qu’ici la religion motive de fait la violence est une chose qui, en tant que personnes religieuses, doit nous préoccuper profondément”. Mais comme le concept de ‘paix’ examiné par Benoît XVI est réductif, incomplet, et par conséquent faux, ainsi en est-il de celui de ‘violence’ au nom de la religion. On ne distingue pas en effet la Religion révélée des fausses religions, ni l’usage de la violence de l’usage de la force, ce dernier pour légitime défense ou pour rétablissement du droit. Il s’ensuit que Benoît XVI condamne avec honte – précisément par manque de juste distinction – l’usage de la “violence” de la part des chrétiens et – implicitement – de la part de l’Église elle-même, par un 8 énième, wojtylien mea culpa : “ Comme chrétien, je voudrais dire à ce sujet : oui, dans l’histoire on a aussi eu recours à la violence au nom de la foi chrétienne. Nous le reconnaissons, pleins de honte. Mais il est absolument clair que ceci a été une utilisation abusive de la foi chrétienne, en évidente opposition avec sa vraie nature”. Or, il est indubitable que – au cours de l’histoire – il a parfois été fait usage d’une violence injuste au prétexte de la foi chrétienne, mais il est autrement indubitable qu’il a aussi été fait un usage légitime de la force au nom de la foi chrétienne (de même que dans les pages de l’Ancien Testament on le fit au nom de la foi mosaïque) qui semble condamné in toto sans les nécessaires distinctions au nom d’un pacifisme non chrétien mais gandhiste. Benoît XVI rappelle ensuite que non seulement la religion (mal interprétée, à son avis, déformée même et dénaturée) peut avoir été la cause ou la justification de violence, mais aussi de la perte de Dieu, de son “absence”, c’est-à-dire de l’athéisme ; et ce fait suffirait déjà pour réduire au silence avec honte, méritée cette fois, les illuministes dont il est question plus haut : il suffit de penser aux crimes monstrueux accomplis au nom de la “déesse raison” durant la révolution française et par la suite – jusqu’à aujourd’hui – du communisme athée. Mais voilà que dans le discours de Benoît XVI, entre religieux “fondamentalistes” et “athées militants”, pointent les “agnostiques”, qui, invités à la réunion d’Assise, précisément par Benoît XVI, sont les protagonistes positifs du discours ratzingerien. Le discours de Benoît XVI à Assise. L’éloge de l’agnosticisme Religieux “fondamentalistes” d’un côté, “athées militants” de l’autre, comme ennemis de la paix. Les agnostiques, au contraire, seront, nous le verrons, des “pèlerins de la paix” parce que des “pèlerins de la vérité”. Voici avec quelles paroles Benoît XVI introduit le sujet : “À côté des deux réalités de religion et d’anti-religion, il existe aussi, dans le monde en expansion de l’agnosticisme, une autre orientation de fond : des personnes auxquelles n’a pas été donné le don de pouvoir croire et qui, toutefois, cherchent la vérité, sont à la recherche de Dieu. Des personnes de ce genre n’affirment pas simplement : “Il n’existe aucun Dieu”. Elles souffrent à cause de son absence et, cherchant ce qui est vrai et bon, elles sont intérieurement en marche vers Lui. Elles sont ‘des pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix’”. Ratzinger parle ici des agnostiques, au moins de ceux qui sont “en recherche”. Ils ne croient pas : “il ne leur a pas été donné le don de pouvoir croire” ; ils sont non croyants. Mais ils n’excluent pas Dieu comme possibilité : ils sont agnostiques. Cette non-exclusion pour Ratzinger est une recherche, la recherche est pèlerinage vers la vérité, et le pèlerinage vers la vérité, sans l’avoir atteinte, est comme nous le verrons, pour Ratzinger, la condition existentielle de tout homme, y compris du croyant : les pèlerins d’Assise eux-mêmes, ne sont-ils peut-être pas tous, guidés par Benoît XVI, “des pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix” ? Dieu est-il l’auteur de l’agnosticisme ? Mais, avant de poursuivre dans le commentaire des paroles du “raffiné théologien” allemand, arrêtons-nous sur une grave affirmation relative à la cause de l’agnosticisme. Vatican II attribue (aussi) aux croyants, coupables de présenter une image déformée de Dieu, la cause ou cause concomitante de l’athéisme, raison pour laquelle de nombreux athées ne nieraient pas L e “cardinal” G ianfranco Ravasi 9 le vrai Dieu, mais un faux ou déformé concept de Dieu qui leur est présenté par les croyants (GS n° 19 : “Certes, ceux qui délibérément s’efforcent d’éliminer Dieu de leur cœur et d’écarter les problèmes religieux, en ne suivant pas le « dictamen » de leur conscience, ne sont pas exempts de faute” – donc les autres athées le seraient, n.d.a. – “mais les croyants eux-mêmes portent souvent à cet égard une certaine responsabilité. Car l’athéisme, considéré dans son ensemble, ne trouve pas son origine en luimême ; il la trouve en diverses causes, parmi lesquelles il faut compter une réaction critique en face des religions et spécialement, en certaines régions, en face de la religion chrétienne. C’est pourquoi, dans cette genèse de l’athéisme, les croyants peuvent avoir une part qui n’est pas mince, dans la mesure où, par la négligence dans l’éducation de leur foi, par des présentations trompeuses de la doctrine et aussi par des défaillances de leur vie religieuse, morale et sociale, on peut dire d’eux qu’ils voilent l’authentique visage de Dieu et de la religion plus qu’ils ne le révèlent”, mais ceci, j’objecte, jamais jusqu’à excuser l’athéisme, n.d.a.). Ratzinger confirme cette doctrine conciliaire, et – comme nous verrons – va au-delà. La cause de l’agnosticisme et de la non croyance doit souvent être attribuée aux “croyants” (on remarque comment avec ce terme Ratzinger englobe, à tort, tant les croyants en la vraie religion, que les adhérents des fausses) : “Ces personnes cherchent la vérité, elles cherchent le vrai Dieu, dont l’image dans les religions, à cause de la façon dont elles sont souvent pratiquées, est fréquemment cachée. Qu’elles ne réussissent pas à trouver Dieu dépend aussi des croyants avec leur image réduite ou même déformée de Dieu.” La cause du non croire doit donc être recherchée dans les religions (y compris dans la vraie) et chez les croyants (y compris chez les authentiques). Mais il y a plus : la cause de l’agnosticisme serait au fond Dieu lui-même qui ne donnerait pas aux non croyants “le don de pouvoir croire”. Or, audelà des discussions entre les différentes écoles théologiques sur l’efficacité de la grâce actuelle, il est certain que : 1) l’existence de Dieu – en tant que telle – est démontrée par la raison, c’est pourquoi celui qui nie cette existence ou ne la reconnaît pas est un “insensé” et n’a aucu- ne justification (Ps. 13,1 et 52,1 ; Sap. 13, 1 ss. ; Rom. I, 19 ss. ; Conc. Vatican I, Const. dogmatique Dei Filius DS 3026 ; serment antimoderniste DS 3538) ; nous avons déjà vu que pour Benoît XVI l’existence de Dieu n’est qu’une “excellente option” qui n’est pas rigoureusement démontrée (cf. Sodalitium n° 64 p. 15). 2) Les vérités surnaturelles révélées par Dieu ne sont pas démontrées par la raison, mais sont crues par Foi, et cependant “pour que le culte de notre foi fût conforme à la raison (cf. Rm. 12, 1), Dieu a voulu que les aides intérieures de l’Esprit-Saint s’accompagnent aussi des preuves extérieures de sa révélation”, les miracles et les prophéties, lesquels “sont des signes très certains de la révélation divine adaptés à toute intelligence” (DS 3009) même d’aujourd’hui (DS 3539), c’est pour cela aussi que la révélation divine est “crédible” (DS 3033) puisque ces arguments de crédibilité peuvent “prouver efficacement l’origine divine de la religion chrétienne” (DS 3034). 3) L’acte de foi en Dieu comme auteur de la Révélation est certainement un don de la grâce (DS 3035), que Dieu ne donne pas à tous, et cependant Dieu donne à tous, avec la grâce suffisante, la possibilité de croire (DS 2305 avec DS 3802) comme de se sauver (impossible sans croire : Hébr. 11, 6 ; Mc 16, 16), grâce qui contient l’offrande du don de croire, et qui est de manière coupable refusée par celui qui ne croit pas. On doit conclure que Dieu ne donne pas à tous le don de croire, mais donne à tous le don de “pouvoir croire”, et que ceux qui ne croient pas le font parce qu’ils refusent ce don, et pareillement refusent les “signes très certains de la divine révélation adaptés à toute intelligence” qui sont la preuve efficace “de l’origine divine de la religion chrétienne” (s’ils leur ont été suffisamment proposés) et les preuves de l’existence d’un Dieu unique, créateur et rémunérateur du genre humain (cf. Hébr. 11, 6). S’il n’en était ainsi, Dieu serait la cause de l’incroyance et du péché et de la damnation éternelle des hommes, puisqu’il ne donnerait pas à certains la possibilité de se sauver, à moins de soutenir – comme semble dire Ratzinger – que l’incroyance n’est pas péché, ni cause de perdition, puisque, justement, elle vient de Dieu et porte à Lui. 10 L’agnostique qui ne croit pas en Dieu, en étant agnostique, en un certain sens l’a déjà trouvé, et est, comme le croyant, pèlerin de la vérité. L’agnostique ne croit pas, n’a pas trouvé Dieu ; pour lui, Dieu est absent. S’il ne l’a pas trouvé, c’est parce que le croyant, souvent, rend Dieu non accessible, et de toute façon parce que Dieu ne lui a pas donné le don de pouvoir croire. Il en est ainsi pour Ratzinger. Et cependant, l’agnostique qui ne croit pas a déjà Dieu, puisqu’il n’exclut pas la possibilité de Dieu : “Des personnes de ce genre n’affirment pas simplement : ‘Il n’existe aucun Dieu’. Elles souffrent à cause de son absence et, cherchant ce qui est vrai et bon, elles sont intérieurement en marche vers Lui. Elles sont des ‘pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix’”. Comment peut-on, en ne croyant pas en Dieu, être intérieurement en marche vers Lui ? Peut-être parce que, à la fin, on arrivera à la Foi ? Pas nécessairement. Simplement, par le fait que croyants et non croyants seraient réunis dans ce chemin intérieur vers Dieu : “Il s’agit plutôt de se retrouver ensemble dans cet être en marche vers la vérité, de s’engager résolument pour la dignité de l’homme et de servir ensemble la cause de la paix contre toute sorte de violence destructrice du droit. (…) Nous sommes animés par le désir commun d’être des ‘pèlerins de la vérité, des pèlerins de la paix’”. Croyants et non croyants sont donc réunis dans la recherche de la vérité : par conséquent le non croyant n’est pas dans l’erreur, et le croyant n’est pas dans la vérité, mais l’un et l’autre sont en marche vers la vérité ; Assise 2011 est un rassemblement d’hommes qui sans être dans la vérité et dans l’erreur sont à la recherche de la vérité. Comment le (vrai) croyant peut-il ne pas être dans la vérité, puisqu’il croit dans le Christ qui est la Vérité (Jn XIV, 16) qui rend libres (Jn VIII, 32) et en l’Esprit de vérité qui conduit à la “vérité tout entière” (Jn XVI, 13) ? L’argument sophistiqué est ainsi exposé par le cardinal Peter Kodwo Appiah Turkson dans la conférence de presse tenue en préparation à la réunion d’Assise le 18 octobre 2011 : “La recherche de la vérité permet de mieux se connaître, de vaincre les préjugés mais aussi d’éviter le syncrétisme, qui offusque toute identité... Être tous participants d’un com- L e “cardinal” Peter K odwo A ppiah T urkson mun chemin de recherche de la vérité signifie reconnaître sa spécificité propre, sur la base de ce qui nous fait égaux – nous sommes tous capables de vérité – et en même temps différents. En effet, nous ne possédons pas la vérité de la même manière ; l’avoir, ensuite, reçue en don n’empêche pas de l’approfondir et de se sentir compagnons de voyage de chaque homme et de chaque femme, puisqu’elle n’est jamais épuisable”. Il n’y a plus ni vérité ni erreur, dans les paroles du cardinal, mais seulement une différence de modalité dans la possession de la vérité, et la commune recherche de la vérité ; aussi celui qui l’a reçue en don (foi dans la vérité divinement révélée) n’est pas au terme de la recherche, argumente le cardinal, puisque la vérité est inépuisable. Or, il est certainement vrai que Dieu Vérité est infini, et en tant que telle, n’est pas possible la “ comprehensio ” (connaissance parfaite de l’objet connu pour autant qu’il est connaissable) pas même par les Bienheureux au Ciel, qui, jouissant de la vision béatifique, voient Dieu face à face comme Il est. Cependant, dans la Révélation Divine – définitivement close à la mort des Apôtres – est contenue la “vérité tout entière”, vérité tout entière à laquelle adhère le fidèle catholique, et qui est au contraire ignorée (infidélité matérielle) ou niée (infidélité formelle) par le non catholique. Le croyant catholique n’est pas à la recherche de la vérité, mais croit à la vérité ; le non catholique au contraire, non croyant, est dans l’erreur. Transformer les croyants et les non croyants, y compris les athées, en “pèlerins de la vérité” (quoique chacun à sa façon) est une déformation trompeuse, et donc satanique (Satan étant le père du mensonge), de pure facture maçonnique. La foi du croyant doit être purifiée par l’incroyance de l’agnostique Dans son discours, Benoît XVI ne se limite pas à réunir croyants et non croyants dans la catégorie des “pèlerins de la vérité”, 11 il fait plus : l’agnostique doit purifier la foi du croyant ! Pour Benoît XVI, l’agnostique constitue le “troisième groupe” après celui de l’“athée militant” et celui du “croyant” (de toutes les religions). Or, les personnes agnostiques ont un rôle de purification des deux autres groupes : elles “posent des questions aussi bien à l’une qu’à l’autre partie. Elles ôtent aux athées militants leur fausse certitude, par laquelle ils prétendent savoir qu’il n’existe pas de Dieu, et elles les invitent à devenir, plutôt que polémiques, des personnes en recherche, qui ne perdent pas l’espérance que la vérité existe et que nous pouvons et devons vivre en fonction d’elle. Mais elles mettent aussi en cause les adeptes des religions, pour qu’ils ne considèrent pas Dieu comme une propriété qui leur appartient, si bien qu’ils se sentent autorisés à la violence envers les autres. Ces personnes cherchent la vérité, elles cherchent le vrai Dieu, dont l’image dans les religions, à cause de la façon dont elles sont souvent pratiquées, est fréquemment cachée. Qu’elles ne réussissent pas à trouver Dieu dépend aussi des croyants avec leur image réduite ou même déformée de Dieu. Ainsi, leur lutte intérieure et leur interrogation sont aussi un appel pour nous les croyants, pour tous les croyants, à purifier leur propre foi, afin que Dieu – le vrai Dieu – devienne accessible”. Quel est le problème pour l’humanité, semble dire Ratzinger ? La violence, le manque de fraternité entre les hommes. Quelle est la cause de cette “violence” ? La certitude d’être dans la raison, soit celle des “athées militants” avec leur “fausse certitude” que Dieu n’existe pas, soit celle des “croyants” fondamentalistes ou intégristes, qui considèrent “Dieu comme une propriété qui leur appartient” (il s’agit clairement d’une caricature de leur pensée, puisqu’aucun “croyant” croit que Dieu lui ap partient ; c’est comme lorsqu’on accuse le “croyant” de penser “avoir la vérité en poche”). L’agnostique, l’homme du doute, qui s’interroge toujours, inquiété par une lutte intérieure, transforme l’athée militant en un agnostique comme lui, et le croyant… ? On pourrait dire : c’est pareil ! Pour que le monde soit affranchi de la violence et trouve la paix, il faut – semble dire Benoît XVI – que les trois options (croyants, athées, agnostiques) se réduisent à deux (agnostiques croyants et agnostiques non croyants) qui se retrouvent dans l’unique catégorie des “pèlerins de la vérité”, vérité toujours cherchée (et à chercher) et jamais (pleinement) trouvée. Le discours de Benoît XVI à la lumière de “ I ntroduzi one a l cri sti a nesi mo ” ( 2) du Professeur Ratzinger Ce qui a été dit par Benoît XVI dans le discours tenu à Assise, est en parfaite continuité avec ce que le Professeur Joseph Ratzinger enseignait à ses étudiants de Tübingen dans un mouvementé 68 post-conciliaire (3). Ses cours ont été rassemblés dans le volume “Introduzione al cristianesimo” (2) dans lequel l’auteur commente un par un les articles du Credo. La partie initiale de l’ouvrage, dans laquelle l’auteur explique ce que l’on doit entendre par les mots “je crois” aujourd’hui, est plus importante encore que le commentaire de chaque article. C’est de cet “aujourd’hui” que part toute la réflexion de Ratzinger, et en effet le premier chapitre s’intitule : “la foi dans le monde d’aujourd’hui”. En reprenant le “célèbre apologue du clown et du village en flammes raconté par Kierkegaard” (p. 7), Ratzinger compare le théologien à ce clown qui doit avertir les habitants d’un village qu’ils sont menacés par un incendie, et qui n’est pas cru – bien plus : il suscite l’hilarité générale – parce qu’il est habillé en clown. Habits de clown “du Moyen Âge ou de toute autre époque écoulée” qui l’empêche d’être pris au sérieux. Mais il ne suffit pas de changer le costume de clown et de se laver le visage (p. 8) pour devenir crédible, et rendre crédible la foi à l’homme moderne. Nous remarquons d’abord comment, depuis l’ébauche de son ouvrage, Ratzinger est dominé par l’affolement, et comme par une sorte de complexe d’infériorité face au monde moderne issu de l’Illuminisme. Le catholicisme doit certainement abandonner les habits de clown du passé, et se renouveler profondément, mais ce n’est pas encore suffisant dans cette nouvelle apologétique. Face au monde incroyant, le croyant doit avant tout admettre que la limite entre lui et le non croyant est très ténue : “S’il veut 12 sincèrement rendre compte de la foi chrétienne, il sera forcé de voir que le malentendu ne vient pas uniquement de son costume, qu’il devrait changer, pour arriver à convaincre les autres. Contrairement à ce qu’il pouvait d’abord penser, il devra constater que sa situation ne diffère pas tellement de celle des autres, car il s’apercevra de la présence des mêmes obstacles dans les deux camps, sans doute sous des formes différentes. Chez le croyant tout d’abord, il y a la menace du doute…” (p. 9). De quelle menace parle-t-on ? Uniquement des tentations contre la foi, avec l’exemple de la tentation de sainte Thérèse de Lisieux (p. 9) ? La tentation contre la foi n’entame nullement la certitude de la foi, dont je parlerai ensuite. Mais telle ne semble pas être la pensée de Ratzinger. En effet, il ajoute : “si le croyant ne peut exercer sa foi que sur l’océan du néant, de la tentation et du doute, si cet océan de l’incertitude est le seul endroit où il puisse l’exercer, l’incroyant, à son tour, à lui aussi ses problèmes ; ce serait une erreur de le considérer simplement comme un homme qui n’a pas la foi. (…) malgré sa fière attitude de pur positiviste, débarrassé depuis longtemps de toute tentation de spéculation métaphysique, ne jurant que par les certitudes sensibles, il ne pourra jamais se débarrasser de la question lancinante qui est de savoir si en définitive le positivisme est la vérité. Ce qui a rri ve a u croyant, aux prises avec les flots du doute, arrive également à l’incroyant, qui éprouve le doute de son incroyance (…). Ainsi donc le croyant sera toujours menacé par l’incroyance et l’incroyant sera toujours menacé par la foi et la tentation au sujet de son monde sensible qu’il croit définitivement clos” (p. 11). Le parallélisme entre “croyant” et “non croyant” établi par Ratzinger est absolu : comme le non croyant plus convaincu ne peut jamais exclure la foi (il n’est donc pas absolument privé de foi) ainsi, de la même manière le croyant vit toujours avec le doute, est à demi suffoqué par lui. Il ne s’agit donc pas, pour Ratzinger, de tentations épisodiques et d’épreuves spirituelles, mais de l’inévitable condition humaine commune aux croyants et aux non croyants : “Il est impossible d’éluder le dilemme de la condition humaine. Celui qui veut échapper à l’incertitude de la foi tombera dans l’incertitude de l’incroyance, car L ’abbé Joseph Ratzinger, jeune professeur... en dernière analyse il sera toujours incertain en face du problème de la foi. C’est dans le refus de la foi qu’apparaît l’impossibilité du refus de la foi” (pp. 11-12). La foi, donc, est pour Ratzinger incertitude, mais la non croyance aussi est incertitude ; pareillement, la foi n’a pas de preuves, mais le refus de la foi n’a pas non plus de preuves qui démontre que la foi est fausse : en ce sens la foi est “irréfutable”. Croyance et non croyance, dans la pensée de Ratzinger, sont dominées par le doute. Telle est la nouvelle apologétique du théologien allemand, qui en abandonnant les preuves de l’existence de Dieu, les miracles et les prophéties, comme signes certains de l’origine divine de la religion chrétienne, tous arguments “extrinsèques” autrefois rejetés par Blondel, accoutrements médiévaux de clown, s’adresse à l’homme moderne, dans sa condition humaine, avec l’unique argument pour lui vraiment persuasif, celui du doute. Pour illustrer le tout, Ratzinger recourt à un autre apologue : non plus à celui d’un fidéiste pasteur protestant, mais à celui de l’auteur juif (4) hassidique Martin Buber : la petite histoire juive racontée par Buber traite d’un incroyant qui se rend chez un sage rabbin pour disputer sur la foi, comme il avait fait avec tant d’autres avant lui. Le rabbin lui dit seulement : “Mais peut-être cela est-il vrai” entamant l’arrogante certitude du savant incapable de répondre, et ensuite il expliqua : “Mon fils, les Grands de la Thora, avec qui tu as discuté, ont perdu leur temps, car tu es parti avec un sourire moqueur. Ils n’ont pas pu « étaler sur la table » la preuve péremptoire de Dieu et de son royaume. Moi non 13 plus, je ne le pourrai pas. Cependant, mon fils, réfléchis bien, peut-être cela est-il vrai” (p. 12). Ratzinger ne voit pas dans l’intervention de Rabbi Levi Iizchak un heureux argument ad hominem qui peut entamer les fausses certitudes d’un athée déterminé, mais pense que, universellement, “nous tenons là une description très précise de la situation de l’homme en face du problème de Dieu. Personne n’est capable de fournir une preuve mathématique de Dieu et de son royaume ; le croyant lui-même en est i nca pa bl e pour son propre usa ge (le croyant doute aussi, n.d.a.) . Mais l’incroyant aura beau vouloir y trouver une justification (puisque la foi n’est pas créée, n.d.a), il n’échappera pas à cet inquiétant ‘peut-être cela est-il vrai !’. Voilà l’inévitable pierre d’achoppement sur laquelle il butera fatalement et qui lui fera expérimenter l’impossibilité de refuser la foi dans le refus luimême” (p. 12). Et ceci vaut aussi, toujours, et nécessairement, pour le croyant : “Autrement dit, le croyant comme l’incroyant, chacun à sa manière, connaîtra le doute et la foi, s’ils ne cherchent pas à se faire illusion à eux-mêmes et à se dissimuler la vérité de leur être. Personne ne peut échapper entièrement à la foi ; chez l’un la foi sera présente ‘contre’ le doute, chez l’autre ‘grâce’ au doute et ‘sous la forme’ du doute. C’est une loi fondamentale de la destinée humaine, qu’elle réalise son existence dans cette dialectique permanente entre le doute et la foi, entre la tentation et la certitude” (pp. 1213). Paroles qui éclairent le discours d’Assise : tout non croyant, croit ; tout croyant, doute ; tout homme, croyant et non croyant, en tant qu’homme, est, et ne peut pas ne pas être, “pèlerin de la vérité”. Et “pèlerin de la paix”. C’est justement le doute, en effet, qui rend possible la paix et le dialogue. Notre auteur conclut ainsi son paragraphe : “De cette façon, le doute, qui empêche l’un et l’autre (le croyant et l’agnostique, n.d.a.) de se claquemurer dans leur tour d’ivoire, pourrait devenir un lieu de communion (comme à Assise, n.d.a.). Loin de se replier sur eux-mêmes, ils (donc, même le croyant doute, n.d.a.) y trouveront une occasion d’ouverture réciproque. Le croyant partagera ainsi la destinée de l’incroyant, et celui-ci, grâce au doute, ressentira le défi lancé inexorablement par la foi” (p. 13). C’est la formule de la “chaire des non croyants” ; c’est la formule du “Parvis des Gentils” ; c’est la formule de la dernière rencontre d’Assise ; c’est l’esprit des “trois anneaux” et de la franc-maçonnerie (cf. Sodalitium n° 64). Sur la base de ce qu’écrit Ratzinger, nous pouvons déduire, sans faire un jugement téméraire, que lui aussi “croit” en doutant ; il est en même temps un agnostique et un “croyant”. Mais, justement : est-il possible d’être agnostique et croyant ? Le doute est-il conciliable avec la foi ? L’AGNOSTICISME RATZINGERIEN DÉTRUIT LA CERTITUDE DE LA FOI, ET PAR CONSÉQUENT LA POSSIBILITÉ MÊME DE L’ACTE DE FOI Obscurité et certitude de la foi. La foi est certaine et indubitable Est-il possible d’être agnostique et croyant ? La réponse est affirmative pour les modernistes : nous le verrons en relisant l’encyclique Pascendi de saint Pie X. Pour la foi catholique, au contraire, le doute volontaire est incompatible avec la foi. Pour qu’une proposition puisse être une proposition objet de foi, il est nécessaire, en même temps, qu’elle soit vraie et obscure, ou non évidente. C’est pour cela qu’il y a deux conditions à l’objet matériel de la foi, c’est-à-dire qu’elle soit vraie et obscure ; et les propriétés de la foi de la part de l’objet sont au nombre de deux : l’infaillibilité et l’obscurité (5). Cela semble paradoxal, mais c’est ainsi : tant l’évidence que le doute excluent la foi ! D’un côté, en effet, est objet de foi une vérité surnaturelle, révélée par Dieu, qui dépasse donc (sans toutefois la contredire) notre raison. Même en étant crédibles, les vérités de foi ne peuvent être démontrées par la raison, et c’est précisément en cela que consiste le mérite de la foi : heureux ceux qui croiront sans avoir vu (Jn 20, 29). La ‘science’ (la connaissance purement rationnelle) (II-II, q. 1, a. 5) et la vision (II-II, q. 1, a. 4), aussi bien la vision sensible de nos yeux corporels, que la vision béatifique du Ciel, sont incompatibles avec la Foi. Les Bienheureux au Ciel n’ont pas la foi ; elle a laissé la place à la vision béatifique. Sur la terre, au contraire, le croyant croit fermement ce qui est révélé par Dieu dans l’obscurité de la foi, puisque tout ce qui a été révélé par Dieu étant plus grand 14 que lui et que sa raison limitée, est pour lui absolument non évident : ainsi le mystère de la Trinité, celui de l’Incarnation, celui de l’Eucharistie, et tous les autres mystères de notre sainte foi. Mais l’obscurité de la foi (dans laquelle consiste, d’ailleurs, son imperfection, par rapport à la vision béatifique) ne signifie, en aucune manière, que la foi soit incertaine, ou qu’elle admette le doute. La foi n’admet aucun mensonge (IIII, q. 1, a. 3), ni de la part de Dieu qui se révèle, étant Lui-même la Vérité première, la Vérité même, ni de la part du croyant qui donne son assentiment, précisément, à l’infaillible Vérité. Dieu ne peut ni se tromper, ni nous tromper. Et de fait, quel est le motif de la foi ? pourquoi croit-on ? On croit à cause de l’autorité de Dieu qui se révèle (Vatican I, DS 3008). Une fois établi par la raison que Dieu existe, et une fois vérifié que Dieu s’est révélé (par des arguments rationnels de crédibilité, cf. Vatican I, DS 3009), on ne peut pas ne pas croire ou seulement douter de ce que Dieu Lui-même nous a proposé à croire. “Si nous recevons le témoignage des hommes, le témoignage de Dieu est plus grand” (I Jn 5, 9). La majeure partie de nos connaissances viennent du témoignage de personnes dignes de foi (parents, enseignants, documentation historique, etc.) auxquelles nous donnons l’assentiment de notre intelligence sans pouvoir toujours en vérifier par nous-mêmes l’absolue certitude. Si nous croyons au témoignage des hommes, justement, pourquoi ne pas croire à celui de Dieu ? Avec la seule différence que ce qui est révélé par Dieu exclut totalement l’erreur : d’où l’absolue certitude de la foi, qui exclut tout doute. Si donc on considère la certitude de la foi du point de vue de la cause de la foi, Dieu qui se révèle, la foi est plus certaine que ce que je vois avec mes yeux et que les plus évidentes certitudes de la raison ; si l’on considère au contraire l’intellect de celui qui croit, il est clair que la foi lui apparaît moins certaine que ce qu’il peut voir, toucher ou comprendre, puisque les vérités de la raison sont à sa portée, alors que les vérités de foi, comme déjà dit, transcendent l’intelligence humaine (II-II, q. 4, a. 8). Ceci explique comment on peut être absolument certains de la foi, et en même temps être, parfois, en proie à la tentation du doute involontaire, mais jamais consenti. C’est pourquoi, simpliciter, sans appliquer les distinctions que l’on vient de voir, la foi est non seulement certaine, mais est plus certaine que n’importe quelle autre connaissance : elle est infaillible et indubitable (6) ; ainsi, quand je dois croire à la résurrection d’un mort, à la maternité d’une vierge ou à la trinité de personnes en un Dieu unique, mon intelligence exclut tout doute, toute suspension du jugement, et donne un très ferme assentiment, parce qu’elle sait que Dieu, qui me l’a révélé, ne peut ni se tromper ni me tromper. La foi n’a rien à voir avec les opinions humaines : “…la condition de ceux qui, grâce au don céleste de la foi, ont adhéré à la vérité catholique, et de ceux qui, guidés par des opinions humaines, suivent une fausse religion, n’est absolument pas égale. Ceux qui en effet ont reçu la foi sous le magistère de l’Église ne peuvent jamais avoir un juste motif pour changer ou douter de leur foi” (Vatican I, DS 3014 ; cf. can. 6, DS 3036). Pie IX explique clairement : “Donc, pour que la raison humaine ne se trompe ni ne s’égare dans une affaire aussi grave et de cette importance, il faut qu’elle s’enquière soigneusement du fait de la révélation, afin qu’il lui soit démontré, d’une manière certaine, que Dieu a parlé, et qu’en conséquence, selon le très sage enseignement de l’apôtre, ‘elle lui doit une soumission raisonnable’ (Rm. 12, 1). Mais qui donc ignore ou peut ignorer que, lorsque Dieu parle, on lui doit une foi entière, et qu’il n’y a rien de plus conforme à la raison elle-même, que de donner son assentiment et de s’attacher fortement aux vérités incontestablement révélées par Dieu, qui ne peut ni tromper ni se tromper ? Et combien nombreuses, combien admirables, combien splendides sont les preuves par lesquelles la raison humaine doit être amenée à cette conviction profonde : que la religion de Jésus-Christ est divine, et qu’elle a reçu du Dieu du ciel la racine et le principe de tous ses dogmes, et que par conséquent il n’y a rien au monde de plus certain que notre foi, rien de plus sûr ni de plus vénérable et qui s’appuie sur des principes solides.” (Enc. Qui pluribus, DS 2278-2279). “La foi est le fondement des choses qu’on doit espérer, et la démonstration de celles qu’on ne voit point” (Hébr. 11, 1). On croit ce qui ne se voit pas, ce qui n’est pas évident pour nous, dans l’obscurité de la foi : d’où le mérite de 15 la foi. Mais on croit avec une démonstration (argumentum) qui fonde la certitude de la foi : c’est pourquoi celui qui ne croit pas est coupable, est condamné. L’agnosticisme ratzingerien rend impossible l’acte de foi L’acte de foi est donc un acte par lequel notre intelligence donne avec certitude, en excluant tout doute volontaire, son assentiment à toute vérité révélée par Dieu, en tant que justement révélée par Dieu, Vérité même. Mais si le croyant croit et doute en même temps, il ne peut croire sans douter, puisqu’il ne peut échapper à sa condition humaine, comme écrit Ratzinger, il n’est pas capable de faire un véritable acte de foi. Pour éliciter, faire un véritable acte de foi, un ferme assentiment de l’intelligence est en effet nécessaire, laquelle fermeté exclut le doute (avec lequel on ne juge pas, on suspend le jugement) et la crainte même de se tromper (celui qui a seulement une opinion, et non une certitude, donne un assentiment, oui, mais avec la crainte de se tromper). C’est pourquoi, quand on doute volontairement d’une vérité de foi, ou si l’on craint de se tromper en donnant son propre assentiment, on commet un péché d’infidélité, un péché contre la foi, par lequel on ne perd pas seulement la foi quant à la vérité à propos de laquelle on doute, mais on perd complètement la vertu de la foi (7). Si donc nous avons bien compris la pensée ratzingerienne, il s’ensuit qu’elle rend radicalement impossible l’acte de foi, et constitue même la négation de la foi. Celui qui professerait croire tout ce que Dieu a révélé et que l’Église propose à croire, mais le ferait en doutant ou même seulement avec la crainte d’errer, convaincu que l’homme ne peut échapper à sa condition humaine qui inclut l’impossibilité d’échapper au doute, alors, celui-ci ne poserait pas un acte de foi ; il commettrait au contraire un péché contre la foi, et perdrait par le fait même la vertu de la foi. C’est pour cela, d’ailleurs, que saint Pie X définit le modernisme le rendez-vous ou le cloaque de toutes les hérésies : c’est pourquoi, en rendant impossible à la racine l’acte de foi, en dénaturant le concept même de foi, le modernisme ne s’oppose pas directement à l’une ou l’autre vérité, mais les détruit toutes, y compris quand il pré- tend ou se donne l’illusion de les croire toutes. C’est précisément ce que saint Pie X explique dans l’encyclique Pascendi. L’AGNOSTICISME RATZINGERIEN EST VÉRIT AB LE ME N T DU MO DE R N I SME . L’ E N CY CLIQUE PASCENDI DE SAINT PIE X Les ennemis de l’Église se cachent dans l’Église Mais comment est-il possible, diront bon nombre de mes lecteurs, que l’on accuse d’agnosticisme, d’incroyance, des hommes d’Église, et jusqu’à celui qui, aux yeux de tous, apparaît comme le Chef visible de l’Église ? Nous ne pouvons même pas envisager cette possibilité ! Nous devons fermer les yeux et les oreilles face à ce qui a été lu jusqu’à présent, aux paroles mêmes de Joseph Ratzinger. Et pourtant, ils célèbrent les louanges du modernisme, le réha bilitent ; et le Pape saint Pie X nous avait avertis…“Les artisans d’erreurs – écrivit en effet saint Pie X en condamnant le modernisme le huit septembre 1907 – il n’y a pas à les chercher aujourd’hui parmi les ennemis déclarés. Ils se cachent et c’est un sujet d’appréhension et d’angoisse très vives, dans le sein même et au cœur de l’Église, ennemis d’autant plus redoutables qu’ils le sont moins ouvertement”. “Ces hommes-là peuvent s’étonner que Nous les rangions parmi les ennemis de l’Église (…) Ennemis de l’Église, certes ils le sont, et à dire qu’elle 16 n’en a pas de pires on ne s’écarte pas du vrai. Ce n’est pas du dehors, en effet, on l’a déjà noté, c’est du dedans qu’ils trament sa ruine ; le danger est aujourd’hui presque aux entrailles mêmes et aux veines de l’Église”. L’agnosticisme moderniste : le modernisme synthèse de toutes les hérésies Et aussitôt le Pape poursuit en expliquant que la gravité extrême de l’erreur moderniste vient non seulement du fait qu’elle est répandue dans le sein même de l’Église par certains de ses membres (tels au moins en apparence), mais que cette erreur, comme nous avons dit, mine à la racine, le rendant impossible, l’acte de foi luimême : “Ajoutez que ce n’est point aux rameaux ou aux rejetons qu’ils ont mis la cognée, mais à la racine même, c’est-à-dire à la foi et à ses fibres les plus profondes. Puis, cette racine d’immortelle vie une fois tranchée, ils se donnent la tâche de faire circuler le virus par tout l’arbre : nulle partie de la foi catholique qui reste à l’abri de leur main, nulle qu’ils ne fassent tout pour corrompre”. Et comment le modernisme essaye-t-il de détruire la foi à la racine ? Par l’agnosticisme. “Les modernistes posent comme base de leur philosophie religieuse la doctrine appelée communément agnosticisme”. Une fois la fausse philosophie moderne adoptée, les modernistes en déduisent que Dieu ne peut être démontrable, de même que n’ont pas de valeur les arguments de crédibilité de la révélation divine. “Ils les suppriment purement et simplement et les renvoient à l’intellectualisme, système, disent-ils, qui fait sourire de pitié, et dès longtemps périmé” sans se soucier du fait que ces erreurs ont été solennellement condamnées, comme nous l’avons dit, par le Concile Vatican I (De Revelatione, canons 1 et 2 ; De fide, canon 3). Toute vérité de foi perd certitude, parce que la foi ellemême n’est pas certitude : c’est pourquoi le modernisme est “le rendez-vous de toutes les hérésies” (enc. Pascendi, § VII). Le moderniste prétend être en même temps agnostique et croyant… Le moderniste est donc un agnostique (enc. Pascendi, § I). Pourtant, il prétend être en même temps, un croyant (enc. Pas- cendi, § 2). C’est cette contradiction qui rend le modernisme aussi ambigu et fuyant ! Si, comme étudiant, le moderniste qui a abandonné la philosophie dépassée de saint Thomas, ne peut passer outre le doute de l’agnostique, si l’intelligence est incapable de connaître avec certitude Dieu et la Révélation en dehors de l’homme, le moderniste pense le retrouver au-dedans de lui, dans l’immanence vitale, dans l’expérience que tout homme, même le non croyant, fait du divin, dans le sentiment religieux. C’est “cette expérience (…) qui constitue vraiment et proprement le croyant” ; et saint Pie X affirme que ce concept de foi – véritable fidéisme – a son origine “dans la doctrine des protestants et des pseudo-mystiques”. Cette expérience religieuse sera d’autant plus vivante qu’elle sera plus vitale, et donc en perpétuelle évolution, et la tradition est conçue comme vivante et évolutive “communication faite à d’autres de quelque expérience originale”, où l’autorité joue un rôle de frein, mais un frein qui ne peut s’empêcher de recevoir et de consacrer les nouveautés qui naissent de la vivante expérience religieuse, et de constater la fin de traditions mortes puisqu’elles ne sont plus vitales (§ 3). Naturellement, ce “sentiment religieux”, cette “expérience religieuse”, sont communs à tous les hommes, y compris les incroyants, c’est pourquoi toutes les religions sont une manifestation du divin dans l’homme : “la doctrine de l’expérience (…) consacre comme vraie toute religion, sans en excepter la religion païenne. Est-ce qu’on ne rencontre pas dans toutes les religions, des expériences de ce genre ? (…) Or, de quel droit les modernistes dénieraient-ils la vérité aux expériences religieuses qui se font, par exemple, dans la religion mahométane ? Et en vertu de quel principe attribueraient-ils aux seuls catholiques le monopole des expériences vraies ? Ils s’en gardent bien : les uns d’une façon voilée, les autres ouvertement, ils tiennent pour vraies toutes les religions” (§ II), et même le doute de l’incroyant. C’est cela, évidemment, le fondement non seulement de l’œcuménisme (avec les autres “chrétiens”), mais aussi du “dialogue interreligieux” (avec les “croyants” des religions non chrétiennes) et du dialogue avec les non croyants, qui s’est rendu visible dans les rencontres d’Assise. 17 …en réalité il ouvre la voie à l’athéisme Comme il a déjà été dit (Sodalitium n° 64) à propos de la parabole des trois anneaux et de la légende des trois imposteurs, ces doctrines conduisent à l’athéisme. C’est la conclusion de saint Pie X dans son encyclique : le modernisme ouvre tout grand “la voie à l’athéisme” (§ II) ; “par combien de routes le modernisme” conduit “à l’anéantissement de toute religion. Le premier pas fut fait par le protestantisme, le second est fait par le modernisme, le prochain précipitera dans l’athéisme” (§ VII). Le successeur de saint Pie X, Pie XI, parlant des œcuménistes, ou panchrétiens, comme on disait alors, dans l’encyclique Mortalium animos (1928), déclarait lui aussi que l’œcuménisme était “la voie à l’athéisme”(8), œcuménisme qui est, précisément, fils légitime du protestantisme et, chez nous, du modernisme. Les représentants de toutes les religions et irréligions réunis à Assise sous la présidence de Benoît XVI, en bravant la condamnation fulminée par Pie XI contre de telles réunions, sont non seulement des pèlerins en chemin vers la vérité, mais des malheureux en marche vers l’athéisme. Les cardinaux Martini et Ravasi ne sont pas des “antipapes”, mais des disciples de l’agnosticisme moderniste de Benoît XVI. Les “traditionalistes” ratzingeriens sont des aveugles qui conduisent d’autres aveugles C’est depuis novembre 2011, dans les congrès de Milan et de Paris, et ensuite dans le n° 64 de Sodalitium, d’avril 2012, que je parle – au risque d’ennuyer – de l’agnosticisme dans la pensée de J. Ratzinger. Paroles et écrits qui n’ont pas trouvé le moindre écho. Pourtant, quand les mêmes idées et initiatives sont attribuables non (directement) à Benoît XVI, mais, par exemple, aux cardinaux Martini (décédé récemment) et Ravasi, alors, et seulement alors, les voix et les plumes de certains écrivains catholiques sortent du silence et condamnent la “théologie du doute”, attribuée aux deux cardinaux. Récemment, à l’occasion de la mort du cardinal Martini, et à l’initiative de Ravasi, a eu lieu à nouveau à Assise, le 5 octobre 2012, un rassemblement composé d’un groupe nourri de non ou peu croyants italiens, avec à leur tête le L e “cardinal” C arlo M aria M artini président de la république Napolitano, dans la mouvance du Parvis des Gentils (9). Mais nous demandons : qui a organisé le Parvis des Gentils ? Le même Benoît XVI, dont je rapporte ce qui est appelé le “discours de fondation” du Parvis des Gentils : «Mais je considère surtout important le fait que les personnes qui se considèrent agnostiques ou athées doivent également nous tenir à cœur en tant que croyants. Lorsque nous parlons d’une nouvelle évangélisation ces personnes sont peut-être effrayées. Elles ne veulent pas se voir comme faisant l’objet d’une mission, ni renoncer à leur liberté de pensée et de volonté. Mais la question de Dieu reste toutefois présente également pour elles, même si elles ne peuvent pas croire au caractère concret de son attention pour nous. À Paris, j’ai parlé de la recherche de Dieu comme du motif fondamental de la naissance du monachisme occidental et, avec celui-ci, de la culture occidentale. Comme premier pas de l’évangélisation, nous devons chercher à garder cette recherche vivante ; nous devons nous soucier que l’homme ne mette pas de côté la question de Dieu comme question essentielle de son existence. Nous devons nous soucier qu’il accepte cette question et la nostalgie qui se cache en elle. Il me vient à l’esprit une parole que Jésus reprend du prophète Isaïe, c’est-à-dire que le temple devait être une maison de prière pour tous les peuples (cf. Is. 56, 7 ; Mc 11, 17). Il pensait à ce que l’on appelle la maison de prière pour toutes les nations, qu’il désencombra des activités extérieures pour qu’il y ait une place libre pour les païens qui voulaient prier là le Dieu unique, même s’ils ne pouvaient pas prendre part au mystère, auquel l’intérieur du temple était réservé. Un espace de prière pour tous les peuples – on pensait avec cela à des personnes qui ne connaissent Dieu, pour ainsi dire, que de loin ; qui sont insatisfaites de leurs dieux, de 18 leurs rites et de leurs mythes ; qui désirent le Saint et le Grand, même si Dieu reste pour eux le « Dieu inconnu » (cf. Act. 17, 23). Ils devaient pouvoir prier le Dieu inconnu, mais cependant être ainsi en relation avec le vrai Dieu, malgré des zones d’ombre de natures diverses. Je pense que l’Église devrait aujourd’hui aussi ouvrir une sorte de « parvis des Gentils », où les hommes puissent d’une certaine manière s’accrocher à Dieu, sans le connaître et avant d’avoir trouvé l’accès à son mystère, au service duquel se trouve la vie interne de l’Église. Au dialogue avec les religions doit aujourd’hui surtout s’ajouter le dialogue avec ceux pour qui la religion est une chose étrangère, pour qui Dieu est inconnu et qui, cependant, ne voudraient pas rester simplement sans Dieu, mais l’approcher au moins comme Inconnu.» (Benoît XVI, Discours à la Curie romaine, 21 décembre 2009). Et le cardinal Martini, défini par les journaux comme un opposant de Benoît XVI, presque un “antipape”, de qui s’inspira-t-il pour sa “Chaire des non croyants” ? Il nous le révèle lui-même, comme on peut lire dans un article de Andrea Tornielli : “Et si la ‘chaire des non croyants’ de Carlo Maria Martini avait été inspirée par Ratzinger ? À lire ce qu’écrivait le jésuite pourpré à qui aujourd’hui sera rendu le dernier hommage – déjà cent mille personnes, parmi lesquelles le premier ministre Mario Monti, ont défilé devant son cercueil – on dirait vraiment que oui. Martini avait écrit là-dessus en 1997, dans un volume en l’honneur du cardinal bavarois. À la fin des années soixante, Martini se trouvait en retraite dans une maison de la Forêt Noire et préparait une causerie pour un groupe de prêtres italiens. «Je m’attendais à beaucoup de questions, contestations, difficultés. J’étais à la recherche d’un livre qui m’aiderait à poser mes idées d’une manière claire et sereine. Ce fut ainsi que j’eus entre les mains “Introduzione al cristianesimo” de Joseph Ratzinger, parue peu de temps avant (1968). Je m’en souviens encore aujourd’hui», expliquait Martini, «le goût avec lequel je lus ces pages. Elles m’aidaient à clarifier mes idées, à pacifier mon cœur, à sortir de la confusion… Je conserve encore aujourd’hui ces notes. Ce fut en particulier à partir de cette lecture que je retins le thème du “peut-être cela est-il vrai” avec lequel s’interroge l’incroyant, et qui me guida ensuite pour réaliser la “Chaire des non croyants”». Dans “Introduzione al cristianesimo” Ratzinger présentait le bien-fondé de la croyance en faisant siennes les questions de l’incroyance moderne. Une approche que je n’aurais jamais abandonnée. En 2001 Ratzinger, alors Préfet de l’ex Saint-Office, dans le livre “Dio e il mondo” [intitulé de l’édition française : “Voici quel est notre Dieu”, n.d.r.] affirmait : «La foi n’est pas une réalité, dont je pourrais dire à un moment précis : J’ai la foi, d’autres ne l’ont pas… La foi reste un chemin... Il est sain qu’elle ne devienne pas une idéologie à portée de main. Et aussi qu’elle n’endurcisse pas et ne rende pas incapable d’être proche du frère qui s’interroge, qui doute, qui souffre. La foi ne peut mûrir qu’en supportant et acceptant toujours à nouveau, à toutes les étapes de sa vie, la puissance oppressive de l’incroyance ; elle finira par la traverser et devenir capable d’aborder une nouvelle étape». Une approche très éloignée de certains clichés renforcés, qui réunit Martini et Ratzinger. Et le cardinal bavarois devenu Benoît XVI n’a pas changé, comme le démontre l’institution du «Parvis des gentils», pour le dialogue avec qui ne croit pas”. Face à l’évidence (Benoît XVI-Ratzinger est le chef de file des modernistes agnostiques), des auteurs comme Gnocchi et Palmaro (9) défendent le “Saint-Père” dont ils ne mettent pas en discussion l’autorité, et attribuent toute faute aux “progressistes” qui s’opposeraient à lui ; d’autres, comme Socci, un “timonier”, comme Palmaro, se font carrément les propagateurs de la pensée agnostique ratzingerienne d’Assise. Participant à la 4ème journée du Timone (10) en Toscane le 15 septembre 2012, pour recevoir le prix “Viva Maria” (sic), Socci a “partagé avec nous”, c’est-à-dire avec ceux du Timone, “certaines réflexions sur le relativisme et sur le fondamentalisme. Le relativisme soutient que la vérité n’existe pas, donc ce sera à celui qui détient le pouvoir à établir, d’une fois à l’autre, ce qu’est la vérité. Le fondamentaliste au contraire soutient que la vérité existe, et qu’il la possède. Dans ce cas aussi la vérité est imposée par celui qui a le pouvoir, et dans le cas du fondamentaliste elle prend aussi une valeur religieuse. Le chrétien au contraire soutient que la vérité existe, mais personne ne peut dire en avoir la pleine possession” (10). Socci ne pouvait mieux résumer la pensée ratzingerienne d’Assise. 19 À qui ne réussit pas à croire que Ratzinger – ennemi juré du “relativisme” – puisse être agnostique – et donc relativiste – Socci explique clairement comment cela est possible. Le “relativiste” du discours de Socci à Staggia Senese correspond à l’“athée militant” du discours d’Assise. Il n’est pas démocratique, il impose par la loi un laïcisme antireligieux (et donc non positif). Le “fondamentaliste” dans la version de Socci est la caricature du vrai catholique, intégralement catholique, ou de toute façon, de quiconque soutient le caractère confessionnel de l’État et nie la liberté religieuse. Il s’agit d’un abus de termes, puisque le “fondamentalisme” est en réalité un courant protestant, particulièrement en matière d’interprétation de l’Écriture. Dans le langage de Socci cela signifie tout autre chose : serait “fondamentaliste” (et donc, pour Socci, non catholique) celui qui croit que la vérité existe, qu’elle est religieuse, que l’État doit la reconnaître dans ses lois. En réalité c’est ce que pense tout vrai croyant. Naturellement, Socci caricature cette position : le fondamentaliste impose la vérité (en réalité, il veut qu’elle soit reconnue par les lois), le fondamentaliste possède la vérité (en réalité, il adhère à la vérité qui est Dieu). Au contraire, ce qui pour Socci est la position catholique correspond à la position agnostique, et donc tout au plus à la position “catholique libérale”, du discours d’Assise. Le catholique de Socci croit que la vérité existe… mais personne n’en a la pleine possession, et donc tous en ont une part et personne ne l’a entière, j’ajoute : nous sommes tous des “pèlerins de la vérité”, en marche vers une vérité que personne n’a atteinte. Il s’ensuit que l’État libéral, conforme à cette position, ne peut qu’être laïc, et regarder, mais avec bienveillance, tous ces “pèlerins” promouvant la nouvelle “laïcité positive” dont il faut rechercher le modèle aux États-Unis. Le Timone est là, mais il fait route vers le Grand Orient de Washington. Nous ne voulons certainement pas nous embarquer sur cette barque et avec de tels timoniers. Sans pour autant devenir “fondamentalistes”, mais en restant simplement et intégralement catholiques, nous sommes convaincus que la Vérité existe et que c’est Jésus-Christ – qui s’est révélé aux hommes –, que l’Église catholique, hors de laquelle il n’y a point de salut, est la seule gardienne de la vérité révélée, et que toute société humaine doit reconnaître, y compris dans ses lois, que le Christ est Roi des Rois et Seigneur des Seigneurs. Est-ce ainsi, oui ou non ? Que les timoniers nous répondent… Notes 1) 7 décembre 1965. La Constitution pastorale Gaudium et spes, dans le chapitre 19 parle du problème de l’athéisme, dont la cause viendrait pour une bonne partie d’une vision déformée de Dieu présentée par les croyants. Croyants et non croyants doivent collaborer à l’édification de la société. 9 avril 1965. Paul VI institue le Secrétariat pour les non croyants, en application de la Constitution Gaudium et spes. 1988. Jean-Paul II change le nom du Secrétariat en Conseil Pontifical pour le dialogue avec les non croyants. 25 mars 1993. Le Conseil Pontifical pour le dialogue avec les non croyants est réuni au Conseil Pontifical de la culture pour le dialogue et la collaboration entre l’Église et la culture de notre temps. 21 décembre 2009. Discours de Benoît XVI pour les vœux de Noël à la Curie Romaine. Il est considéré comme le “discours de fondation” du “Parvis des Gentils”, espace pour accueillir dans le dialogue les non croyants qui ne renoncent pas à chercher le “Dieu Inconnu”. Le département “Athéisme” du Conseil Pontifical de la Culture est appelé “Parvis des Gentils”. Dans les “thèmes dans lesquels croyants et non croyants pourront se reconnaître” est inclus le “Chercher une synthèse et un dialogue précurseur et profond entre l’esprit illuministe, le sécularisme et la foi. Reconnaître les authentiques conquêtes de l’Âge des Lumières”. 2) Cité dans la neuvième édition italienne : JOSEPH RATZINGER, Introduzione al cristianesimo [Introduction au christianisme, n.d.r.], Edizione Queriniana, Brescia 1986. En 2000, le cardinal Ratzinger a écrit une nouvelle préface au livre, qui a été réimprimé dans une nouvelle traduction italienne en 2005, toujours par les éditions Queriniana. Intitulé de l’édition française utilisée dans cet article : “La foi chrétienne hier et aujourd’hui”, éd. Cerf, Paris 2010. 3) Les cours donnés par Ratzinger à Tübingen, au cours de l’été 1967, ont été rassemblés dans un volume l’année suivante, et publiés en italien en 1969. Ce fut Hans Küng qui obtint, pour son cadet Ratzinger, la chaire à Tübingen, en 1966 (cf. Dizionario storico dell’Inquisizione [Dictionnaire historique de l’Inquisition, n.d.r.], dirigé par Adriano Prosperi, ed. della scuola Normale superiore di Pisa, 2010, vol. II, p. 865). 4) Le Juif, écrivit l’historien israélite James Darmesteter cité par Mgr Benigni, est, dans le monde chrétien, “le docteur de l’incrédule” (cf. Sodalitium n° 64, p. 44), le maître du doute. 5) Cf. B. H. MERKELBACH o.p., Summa Theologiæ moralis, T. I, n° 677 ; S. Thomas, II-II, q. 1, aa. 3, 4, 5. 6) Cf. MERKELBACH, op. cit., T. 1, nn° 720-721. 7) Le péché contre la foi peut se commettre “(…) quant à l’objet matériel : a) en niant la vérité révélée proposée, ou en donnant son propre assentiment à une opinion incompatible avec la doctrine révélée b) en donnant son propre assentiment à la vérité révélée 20 de manière non ferme, mais avec la crainte que le contraire puisse être vrai c) en doutant positivement et délibérément de la vérité elle-même, c’est-à-dire en suspendant son propre assentiment, non comme quand quelqu’un veut penser à autre chose et ne pas fatiguer son esprit, ou chercher des motifs pour mieux donner son propre assentiment, ou choses semblables, mais exactement en pensant ou en craignant positivement que la vérité proposée puisse être fausse. Tous ces modes excluent de toute évidence la volonté de croire fermement et le ferme assentiment volontaire à cause de Dieu qui se révèle, et donc constituent au moins implicitement une négation de la foi” (MERKELBACH, op. cit. T. 1, n° 738). 8) “Les partisans de cette théorie s’égarent en pleine erreur, mais de plus, en pervertissant la notion de la vraie religion ils la répudient, et ils versent par étapes dans le naturalisme et l’athéisme. La conclusion est claire : se solidariser des partisans et des propagateurs de pareilles doctrines, c’est s’éloigner complètement de la religion divinement révélée”. 9) Parmi les écrits de critique à la martinienne (mais non ratzingerienne) “théologie du doute”, on distingue l’essai de A. GNOCCHI ET M. PALMARO, Ci salveranno le vecchie zie, Una certa idea della Tradizione [Les vieilles tantes nous sauveront, Une certaine idée de la Tradition] édité en 2012 par les éditions philohébraïques du docteur Zenone, expert en hassidisme, Fede e Cultura. Sur la couverture, le logo de la collection, dirigée par Gnocchi et Palmaro, I libri del ritorno all’ordine [Les livres du retour à l’ordre], qui représente le sceau des Templiers. Les auteurs ne critiquent pas seulement à gauche (Martini) mais aussi à droite, en attaquant les odieux sedevacantistes avec les partisans (comme nous de Sodalitium) de la Thèse du Père M.-L. Guérard des Lauriers. 10) Il Timone, n° 117, novembre 2012, p. 4, compte rendu de Vanessa Gruosso. Il Timone est le titre d’une revue, signifiant timon ou gouvernail, dont les collaborateurs sont les “timoniers”. POST-SCRIPTUM C et article – annoncé dans le dernier numéro de Sodalitium – a été terminé en octobre de l’année dernière (2012), bien avant, donc, la renonciation au Pontificat de Joseph Ratzinger, rendue publique au cours du Consistoire du 11 février 2013. Je pense que même après cet événement il conserve toute son actualité. Je me dois seulement d’ajouter une précision et quelques observations. Un discours de Benoît XVI sur le caractère raisonnable de la Foi et les preuves de l’existence de Dieu L’Osservatore Romano du 22 novembre 2012 a publié, en p. 8, un discours sur le caractère raisonnable de la Foi, tenu par Be- noît XVI la veille, à l’occasion de l’audience générale du mercredi. Après avoir rappelé la condamnation de “ce que l’on appelle le fidéisme” défini comme “la volonté de croire contre la raison” (définition discutable), Benoît XVI a rappelé que “la foi catholique est donc raisonnable et nourrit notre confiance également dans la raison humaine. Le Concile Vatican I, dans la Constitution dogmatique Dei Filius, a affirmé que la raison est en mesure de connaître avec certitude l’existence de Dieu à travers la voie de la création” rappelant en outre les classiques citations scripturaires à ce sujet (Rom. 1, 20 ; I Pi. 3, 15). À première vue, ce discours semble s’opposer sinon à ce qui est écrit dans cet article, du moins à ce qui a été dit par Benoît XVI le 7 avril 2006 et rapporté par Sodalitium n° 64, p. 15, et à nouveau dans ce numéro à la p. 9, à savoir que l’existence de Dieu est “une grande option”, une “option pour la rationalité” mais que “l’on ne peut en définitive ‘prouver’”. En réalité, il n’y a pas nécessairement de contradiction entre les deux discours ratzingeriens. Avec Vatican I, Benoît XVI admet que l’existence de Dieu peut être connue avec certitude, grâce à la lumière naturelle de la raison humaine, à travers les choses créées. Très bien ! Mais les modernistes, ne voulant pas nier la définition dogmatique de Vatican I, ont fait la distinction suivante : l’existence de Dieu peut être connue, oui, à partir des choses créées, mais non (rigoureusement) démontrée. C’est pourquoi, saint Pie X, dans le serment antimoderniste, précise la formule conciliaire : Dieu “peut être connu et aussi être démontré par la lumière naturelle de la raison…”. Ratzinger admet, en 2012, que Dieu puisse être connu ; et il nie en 2006 qu’il puisse être démontré, à partir des créatures, par la seule raison. Il ne me semble pas un hasard que le serment antimoderniste, que le jeune Ratzinger prêta le jour de son ordination, ait été condamné à l’oubli perpétuel. Coexistence du doute avec l’acte de foi : une condamnation des laxistes en 1679 Comme nous l’avons vu dans le cours de l’article, Ratzinger pense que l’acte de foi et le doute peuvent coexister, bien plus, ils coexistent toujours, dans le même sujet, ce qui, 21 Mgr E nrico D el C ovolo, recteur de l’ U niversité du L atran nous l’avons dit, s’oppose à la certitude de la foi. Une opinion semblable (même si plus modérée) avait déjà été condamnée dans un décret du Saint-Office du 2 mars 1679, sous le pontificat du Bienheureux Innocent XI (proposition condamnée 21, DS 2121). Les laxistes (en l’occurence, le père jésuite Egidio Estrix) soutenaient : “l’assentiment de foi surnaturelle et utile pour le salut, se fonde sur une connaissance seulement probable de la révélation, unie de plus à la crainte avec laquelle on craint que Dieu n’ait pas parlé” (Assensus fidei supernaturalis et utilis ad salutem stat cum notitia solum probabilis revelationis, immo cum formidine, qua quis formidet, ne non sit locutus Deus). En d’autres termes, Estrix pensait que l’acte de foi salutaire pourrait ne pas être certain (jugement d’assentiment sans crainte d’erreur), mais aussi seulement probable (jugement d’assentiment avec crainte d’erreur). Ratzinger va au-delà : le doute, en effet, n’arrive même pas au jugement (suspension du jugement : “peut-être cela est-il vrai”). Intéressante et inattendue similitude entre la théologie de l’école de Tübingen et les tendances naturalistes et volontaristes de la vieille scolastique ! À revoir… Peut-être cela est-il vrai… La petite histoire juive racontée par Ratzinger diffusée au grand public par l’émission “Ascolta si fa sera ” [“Écoute, le soir tombe”, n.d.r.] Le dimanche précédant la renonciation historique de Benoît XVI du 11 février, écoutant à la radio (Rai 1) la célèbre rubrique religieuse “ Ascolta si fa sera ” [“Écoute, le soir tombe”, n.d.r.], je fus frappé par le fait que le recteur de l’Université Pontificale du Latran, Mgr Enrico Del Covolo s.d.b., racontait aux auditeurs la petite histoire juive de Martin Buber du “peut- être cela est-il vrai”, citant naturellement Benoît XVI (cf. p. 12). Les fidèles qui lisent “Introduzione al cristianesimo” de Joseph Ratzinger ne sont pas nombreux ; beaucoup plus nombreux sont certainement ceux qui, entre deux programmes du dimanche sportif, auront écouté la prédication de l’agnosticisme ratzingerien grâce à l’actif Mgr Del Covolo, promu à l’“épiscopat” et à la tête de l’Université du Latran, en 2010, précisément par Benoît XVI, probablement sur bienveillante intercession de son confrère salésien le cardinal Bertone. Une belle carrière ! Et les fidèles ? Ils en concluront que leur religion “est peut-être vraie”… et peut-être pas ! Généalogies L a généalogie est une science auxiliaire de l’Histoire. Il existe des généalogies naturelles, qui décrivent la descendance, de père en fils, dans une famille déterminée, et les rapports de parenté d’une personne déterminée : qui que nous soyons, nous sommes tous débiteurs de notre famille et de notre passé. Même les Saints Évangiles commencent par dresser la généalogie du Christ. Il existe des généalogies spirituelles, qui décrivent non tant la descendance charnelle, que celle d’élection spirituelle, intellectuelle, morale. Le livre de Henri de Lubac « La descendance spirituelle de Joachim de Flore… » est un excellent exemple de la manière dont on peut – même à travers les siècles – réunir des auteurs disparates par une paren- La généalogie est une science auxiliaire de l’Histoire. Il existe des généalogies naturelles, qui dé cr i ve n t l a de sce n dan ce , de pè r e e n f i l s, dan s u n e f am i l l e déterminée, et les rapports de parenté d’une per sonne déter m i n é e : qu i qu e n ou s soyon s, nous sommes tous débiteurs de notre famille et de notre passé. 22 Joseph Ratzinger té commune et une descendance spirituelle. Cette petite rubrique s’occupe de descendances charnelles, de descendances imaginaires, de descendances spirituelles. Sera-t-il vrai ? Un certain Aron ben Gilad, qui se présente comme juif de religion catholique, a publié le 25 janvier 2011, sur son blog, une intéressante et détaillée généalogie de Joseph Ratzinger, très vite reprise par plusieurs autres sites internet ; voici où vous devez pouvoir trouver le blog de Aron ben Gilad en anglais : http://fides-et-ratio.overblog.fr/ext/http://aronbengilad.blogspot.co m/2011/01/pope-benedict-xvis-jewish-ancestry.html D’après Ben Gilad (ou celui qui se fait appeler ainsi), Joseph Ratzinger descendrait du célèbre Rabin de Prague, celui qui aurait “créé” le Golem, inspirateur de mille légendes, parmi lesquelles celle de Frankenstein ! Et voici le texte (traduit en Français) publié par Aron ben Gilad : « La mère du Pape Jean-Paul II descendait d’une famille juive de Litvak, de même que la grand-mère du Pape Benoît XVI, Maria Tauber-Peintner de Bolzano, Italie (à l’époque partie de l’Empire austro-hongrois) peut être d’origine juive par la famille juive des Tauber de Moravie et Hongrie, descendante de Aaron Tauber, originaire de Moravie. Il semble que sa mère Maria Elisabetta (Betty) Tauber (née en 1834 en Moravie) fût à la naissance une juive morave exclue de sa famille quand elle devint catholique. La Moravie et la Hongrie ont été sous le gouvernement des Habsbourg dans l’Empire austro-hongrois, jusqu’à la première Guerre Mondiale. Betty partit dans la zone du Sud-Tyrol de l’Empire austro-hongrois (qui appartient maintenant à l’Italie) où elle eut une fille avec Anton Peintner. Anton l’épousa seulement trois ans après la naissance de leur fille Maria, à Rasa, en 1855. Betty était la fille de Jacob Tauber (1811-1845) et de Josefina (Peppi / Josefa) Knopfelmacher (1819-1886). Jacob Tauber était le fils de Giona Tauber et de son épouse Rebecca Zerkowitz. La famille Zerkowitz revendique son appartenance à la lignée sacerdotale des Kohen. Le Pape Benoît XVI est donc un descendant de Maharal 1) Rabbi Yehuda Loew (Leib) ben Bezalel [le Maharal de Prague] (vers 15121609), épouse Perla Shmelkes-Reich (vers 1516-1610) 2) Vogele Loew (vers 1556-1629) épouse le rabbin Isak Ha-Cohen (vers 1550-1624) 3) Chava [Eva] Ha-Cohen (1580-1651) épouse le rabbin Abraham Samuel Bachrach (1575-1615), rabbin de Worms 4) Rabbi (Mosè) Samson / “Simson” / Bachrach (1607-1670), rabbin à Goding, Leipnik, Prague, et Worms, épouse Dobrusch Phobus (vers 1610-1662) 5) rabbin Jair Chayim Bachrach, alias “le Yoir Chavas” (1638-1702), rabbin de Worms, épouse Sarah [Dinah Sorle] Brillin (vers 1638-1703) 6) Rabbi Samson / “Simson” / Bachrach (né vers 1657), (le nom de sa femme est inconnu) 7) Malka Bachrach (née vers 1680), épouse le Rabbin Zalman Shpitz, président du Beit Din à Eisenstadt 8) Sarl [Sarah] Shpitz (née en 1703), épouse le rabbin Jacob Knoepflmacher (vers 1700-avant 1739), “le maître”, “rabbin chef à Mehrin” 9) Nissel Knoepflmacher (née vers 1722), épouse le plus jeune frère de son père, le rabbin Mosè Knoepflmacher (17181798) de Holesov 10) Jacob Knopfelmacher (né en 1739) épouse Katharina (née en 1740) 11) Joachim Knopfelmacher (né en 1764) épouse Anna (née en 1764) 12) Markus Knopfelmacher (né en 1786) épouse Betty 13) Josefina (Peppi / Josefa) Knopfelma- 23 cher (née en 1809), épouse Jacob Tauber (né en 1811) 14) Betty (Elisabetta Maria) Tauber (née en 1834 à Mähr. Weisskirchen, Moravie) épousa en 1858, à Rio di Pusteria, Anton Peter Peintner 15) Maria Tauber Peintner (née en 1855 à Rasa, morte en 1930), épouse Isidor Rieger 16) Maria Peintner Rieger (née en 1884), épouse Joseph Ratzinger 17) Joseph Aloïs Ratzinger (Benoît XVI) Généalogie de la famille Tauber Aaron Tauber peut être originaire de la communauté juive de Val Tauber en Bavière, dont il a reçu son nom. Il partit ensuite en Moravie. L’emblème de la famille Tauber est la colombe, en référence au nom de Jonas ou Giona. Le père de Aaron était Jonas di Tauber, qui était un descendant du rabbin Jonah Gerondi. Il semble que les ancêtres de la famille Tauber auraient pris une identité et des noms catholiques durant la persécution des juifs bavarois, pour ensuite revenir ouvertement au judaïsme en Moravie. 1) Aaron Tauber de Leipnik, Moravie [né en 1658] 2) Isaac Tauber de Leipnik, Moravie [né en 1690] frère aîné de Gioacchino Lobl (Leopold) Tauber, de Holesov en Moravie 3) Jacob Tauber de Lepnik, Moravie [né en 1715] 4) Jonas Tauber de Mähr. Weisskirchen, Moravie [1739-1822] épouse en secondes noces Rebecca Zerkowitz [née en 1788] 5) Jacob Tauber [né en 1811] épouse en secondes noces Josefina Knopfelmacher L a famille Ratzinger 6) Betty Tauber [née en 1834] ». Ici s’arrête l’écrit du blogueur judéochrétien… est-il vrai ? Et si tout est vrai, quelle influence peut avoir eue cette curieuse ascendance sur Joseph Ratzinger, qui considère les Juifs actuels non tant comme des “frères aînés” (Jean-Paul II dixit) que comme des “Pères dans la Foi” ? Dans son cas, le titre prestigieux (bien que théologiquement infondé) aurait une certaine vérité généalogique ! P. S. : L’Osservatore Romano du 9 novembre 2011 (p. 8) parle de la grand-mère de Ratzinger, Maria Tauber Peintner, née à Raas/Rasa (Bolzano) le 29 juin 1855 et morte à Rimsting, en Bavière, le 17 juin 1930, mariée à Isidor Rieger, et de son arrière-grand-mère, Elisabeth Maria Tauber, née elle aussi à Raas le 9 décembre 1832 et morte à Rimsting le 24 mai 1904. La généalogie que nous rapportons concorde concernant les prénoms des ancêtres, mais ne concorde pas sur la date et sur le lieu de naissance de l’arrière-grand-mère : Maria Elisabeth Tauber naquit à Rasa (maintenant dans le Haut Adige) en décembre 1832, tandis que Betty Tauber, de famille juive, naquit en janvier 1834 en Moravie : si cela est vrai, il ne s’agit pas de la même personne et il en résulte que la généalogie rapportée serait fausse. On sait en tout cas que le nom de Tauber est effectivement un nom juif. Il faut noter enfin que la grandmère de Joseph Ratzinger porte le double nom, maternel et paternel, Tauber Peintner, confirmant l’information (que nous rapportons) d’une naissance illégitime (1855), légitimée par un mariage subséquent (en 1858). La même chose se produisit avec sa fille, Maria Peintner Rieger, mère de Joseph Ratzinger, qui naquit en 1884, alors que ses parents, Maria Tauber Peintner et Isidor Rieger, se marièrent seulement l’année suivante, en 1885. » Ce n’est pas vrai… Si la généalogie juive de Joseph Ratzinger semblait être assez précise et détaillée, on ne peut en dire autant de celle, soutenue mais non démontrée, de Giovanni Battista Montini. Certes, le soupçon est permis concernant celui qui a “promulgué” la déclaration conciliaire Nostra Ætate et a porté 24 sur la poitrine – à plusieurs reprises et publiquement – le pectoral de l’éphod des Grands Prêtres du Temple de Jérusalem (alors que, en même temps, il abandonnait la Tiare). Cependant, dans les milieux “traditionalistes” (cf. par ex. Latour et Loubier, Qui occupe le Siège de Pierre ? ; abbé Mouraux, Bonum certamen ; Amis du Christ-Roi, L’Église éclipsée, éd. Delacroix, 1997, p. 119 ; Chiesa viva, mai 2006, n° 383 ; Action familiale et scolaire ; etc.), a cours une légende jusqu’alors indiscutée, selon laquelle la mère de Giovanni Battista Montini, aurait été de religion juive, au point qu’elle n’aurait été baptisée qu’à l’occasion de son mariage avec le père du futur Paul VI, le député du Parti Populaire Giorgio Montini. Les choses ne sont pas ainsi, et contra factum non est argumentum. La mère de Giovanni Battista Montini, Giuditta Alghisi, naquit et fut baptisée à Verolavecchia (Brescia) en 1874. Son père était l’avocat Giovanni Battista Alghisi, notaire et maire de la cité de 1864 à 1874, né en 1836, et sa mère Orsola Rovetta. Ils se sont mariés en 1868. La petite Giuditta se trouva rapidement orpheline de ses deux parents (le père mourut en 1875 et la mère en 1878) et la fillette fut placée sous la tutelle du maire de Brescia, Giuseppe Bonardi, un anticlérical garibaldien inscrit au Parti Radical de l’époque et proche de Zanardelli (franc-maçon). Mais les personnes qui de fait s’occupèrent de la petite Giuditta furent deux tantes, l’une du côté maternel, Catina Rovetta, et l’autre du côté paternel, Sœur Giuditta Alghisi. C’est ainsi que le prénom vétérotestamentaire de la mère de Montini ne dérive pas d’origines juives, comme certains l’ont pensé, mais qu’il lui fut imposé en l’honneur de sa tante religieuse, qui n’avait pas Giuditta pour nom de baptême : baptisée Maria Alghisi, elle prit le nom de Giuditta en entrant en religion. La mémoire de Sœur Giuditta est conservée à Verolavecchia car, en 1880, elle y fonda un hospice pour les pauvres et les vieillards, pour lequel elle donna tous ses biens ; une chapelle annexe fut bénie par l’évêque de Brescia de l’époque. La mère de Montini fut ensuite élevée chez les Sœurs Marcelline, jusqu’à l’âge de 19 ans. G iovanni B attista M ontini, avec le fameux É phod sous la croix pectorale Peu après sa sortie du collège, elle connut son futur mari, l’avocat Giorgio Montini, au cours d’un pèlerinage diocésain à Rome organisé par lui, en 1893, en l’honneur du 25ème anniversaire de la consécration épiscopale du Pape Léon XIII, et ils réussirent à se marier le 1er août 1895, dans l’église de San Nazzaro à Brescia, malgré l’opposition du tuteur Bonardi (Giuditta Alghisi était en effet tout juste majeure). Il n’y a donc pas de traces d’une origine juive de la famille Alghisi. Et l’on ne peut produire que bien peu d’arguments en faveur d’une origine juive de la famille Montini. La souche des Montini, tous baptisés catholiques, remonte à un certain Bertolinus Montini de Benedictis, noble à Savallo en 1416, comme il en résulte du cadastre des Malatesta de Brescia. Or, le nom “de Benedictis” (De Benedetti) peut rappeler en effet une ascendance juive, mais aussi simplement le fait d’être fils ou descendant d’une ou plusieurs personnes appelées Benedetto. Et à une époque où des statuts spéciaux pour les Juifs étaient en vigueur, si elle avait vraiment existé, l’origine juive de ce Bertolinus aurait normalement été signalée. Un historien de Sarezzo, Stefano Soggetti, décrit toute la généalogie des Montini, de Bertolino jusqu’à aujourd’hui, dont est issu le très grand nombre de prêtres, religieux et religieuses que la famille donna à l’Église. On a même dit que Giovanni Battista Montini n’avait pas été baptisé, ou que son acte de baptême n’existait pas ! Né le 26 septembre 1897, à 22 h, à Concesio, le 30 septembre il fut porté dans la vieille église de la Pieve dédiée à S. Antonino Martire et le curé, don Giovanni Fiorini, le baptisa en 25 Stèle funéraire de Sœur G iuditta A lghisi à Verolavecchia lui imposant les noms de Giovanni Battista, Enrico, Antonio, Maria. Dans le registre des baptêmes, il est le 51ème enfant né au cours de l’année 1897. Dans ce cas aussi les faits s’imposent sur les légendes. Cela ne veut pas dire que le milieu familial n’ait pas influencé le futur Paul VI ; nous avons déjà vu dans l’article sur Primo Vannutelli comment le religieux moderniste, le Père Semeria, fut hébergé chez les Montini, adhérents au catholicisme démocratique de don Sturzo qui a parmi ses pères fondateurs le prêtre moderniste excommunié, don Romolo Murri. L’amitié intellectuelle et personnelle de Mgr Montini avec Jacques Maritain, influencé par Péguy et Bergson et converti par Léon Bloy, ainsi que son épouse Raïssa Oumançoff, de famille juive hassidique, peut expliquer de manière encore plus profonde les erreurs de Montini à propos des rapports entre le Christianisme et le Judaïsme. Sans recourir, semble-t-il, dans ce cas, à des ascendances non démontrées et vraisemblablement indémontrables, puisque inexistantes. La descendance spirituelle du cardinal Newman (et de Maurice Blondel) “Jean Guitton a écrit que d’après Paul VI Vatican II ‘est tout Newman’” (cit. par R. De Mattei, Il suo non è un Antisillabo, e piacque all’antimodernista San Pio X [Ce n’est pas un Antisyllabus, et il a plu à l’antimoderniste Saint Pie X, n.d.r.], in Il Foglio, 17 septembre 2010, p. I). Il s’agit d’une intéressante généalogie spirituelle qui explique la “béatification” de Newman (1801-1890) par Joseph Ratzinger en Angleterre, exauçant les vœux du “catholique libéral” (ipse dixit) Francesco Cossiga, désormais défunt président émérite de la République Italienne. Les Modernistes des débuts du XXème siècle revendiquaient aussi cette ascendance. Loisy la revendiquait, Tyrrel la revendiquait, Buonaiuti la revendiquait, don Brizio Casciola la revendiquait. Nul n’ignore que la crise moderniste vit le jour en 1902 avec le livre du prêtre et exégète français Alfred Loisy (1857-1940) L’Évangile et l’Église. Mais tous ne se souviennent pas que le “petit livre” de Loisy voulait être une réponse critique à L’Essenza del Cristianesimo [L’Essence du Christianisme, n.d.r.] du protestant Adolf Harnack. Depuis 1898 Loisy polémiquait déjà avec Harnack : d’accord sur le rationalisme biblique, le “catholique” Loisy se voulait distant de son collègue protestant justement grâce à la théorie de l’évolution des dogmes de Newman : “La théologie catholique, observe Loisy, a eu de nos jours le grand docteur dont elle avait besoin et auquel il a manqué seulement quelques disciples. L’Essay on the Development of Christian Doctrine de Newman date en effet de 1845, et depuis ce demi-siècle, on ne peut pas dire qu’il ait trouvé beaucoup d’écho. Or, dans ce livre, Newman expose une découverte capitale : le développement catholique est dans la logique réelle du christianisme ; il est indispensable à sa conservation et aussi divinement légitime que lui ; bien plus, il est au fond impossible de l’en distinguer. (…) Une idée ne reste donc pas d’autant plus fidèle à elle-même qu’elle se garantit mieux contre le changement. L’histoire interne du christianisme montre au contraire que l’erreur est souvent le produit de la stagnation…” (É. Poulat, Histoire, dogme et critique dans la crise moderniste, Casterman, seconde édition 1979, pp. 74-75). Certaines propositions de Loisy, condamnées par le décret Lamentabili, ont été exposées – selon l’exégète français – par Newman (ibidem, p. 107). Loisy, Tyrrel, Blondel, Laberthonnière, tous modernistes, voyaient dans l’évolution du dogme 26 L e cardinal Newman de Newman un des fondements d’une théologie antiscolastique et anti-intellectualiste (p. 303). Le jésuite excommunié George Tyrrel (1861-1909) écrivit que “la racine du modernisme” devait être recherchée “dans l’esprit qui flotte dans une certaine lettre d’un certain cardinal à un certain duc” c’est-à-dire du cardinal Newman au duc de Norfolk sur la conscience (G. Tyrrel, Il Papa e il modernismo [Le Pape et le modernisme, n.d.r.], Voghera editore, Roma, 1912, p. 153). Ce n’est pas par hasard que “le moderniste ombrien, don Brizio Casciola”, le “Santo” [le “Saint”, n.d.r.] du roman de Fogazzaro, publia en 1908 “il volumetto ‘Della coscienza. Estratto della lettera di Newman al duca di Norfolk’” [“le livret ‘De la conscience. Extrait de la lettre de Newman au duc de Norfolk’”, n.d.r.]. Anglican converti lui aussi au catholicisme, Tyrrel “était convaincu de trouver dans les doctrines sur le ‘sens illatif’ de la foi du cardinal Newman l’anneau de conjonction entre le catholicisme et la pensée moderne” (De Mattei, Modernismo e antimodernismo nell’epoca di Pio X in Don Orione negli anni del modernismo [Modernisme et antimodernisme à l’époque de Pie X in Don Orione dans les années du modernisme, n.d.r.], Jaca Book, Milano, 2002, pp. 35-36, cité aussi dans l’article de Il Foglio. Il se réfère à l’œuvre de Newman La grammatica dell’assenso [La grammaire de l’assentiment, n.d.r.], de 1870). Le chef du modernisme italien, Buonaiuti, dans ses mémoires (Il pellegrino di Roma [Le pèlerin de Rome, n.d.r.]) définit ainsi Tyrrel : “Véritable héritier, je dirai presque réincarnation éloquente et inspirée, de Newman”. Henri Brémond (1865-1933), le confrère jésuite de Tyrrel, fut plus qu’un ami pour lui (il participa à ses funérailles, même si Tyrrel ne se réconcilia pas avec l’Église) ; par un étrange hasard, il écrivit en 1906, Newman. Essai de biographie psychologique, ainsi que d’autres ouvrages sur la pensée du cardinal anglais (Le développement du dogme chrétien ; La psychologie de la Foi ; La vie chrétienne). Le protestant moderniste Auguste Sabatier (18391901) écrivit déjà sur Newman en 1890, ainsi que le moderniste, le Père Giovanni Semeria (1867-1931) en 1907 (Il cardinal Newman ). Le “P rogramma dei Modernisti. Risposta all’enciclica di Pio X Pascendi Dominici gregis” [“Programme des Modernistes. Réponse à l’encyclique de Pie X Pascendi Dominici gregis”, n.d.r.] écrit par Ernesto Buonaiuti (1881-1946) excommunié vitandus, invoque lui aussi l’autorité de Newman. La culture “laïque” n’a pas de difficultés à reconnaître le lien spirituel entre Newman et le modernisme : “théologien audacieux que peut-être le modernisme ne revendique pas du tout à tort – par certains côtés de son enseignement – comme son propre père spirituel” (enciclopedia Treccani). Mais également l’Enciclopedia Cattolica, bien qu’en louangeant grandement le théologien anglais, admet que dans sa pensée “on peut relever quelque chose de caduque, d’inexact, de non orthodoxe” (Mgr Piolanti). Mais les apologistes de Newman citent toujours la lettre de saint Pie X à l’évêque de Limerick, Eduard Thomas O’Dwyer, Tuum illud opusculum, du 10 mars 1908, par laquelle le Pape antimoderniste “défendit l’orthodoxie du cardinal Newman, ouvrant par cette intervention influente la voie à sa béatification” (De Mattei sur Il Foglio). En effet, saint Pie X fait l’éloge de l’évêque de Limerick pour avoir défendu le cardinal des prétentions des modernistes selon lesquelles on ne pouvait les condamner sans condamner par le fait même Newman. Mais saint Pie X, avec aussi l’intention d’arracher aux modernistes un si prestigieux patron, ne manque pas, avec tout le respect pour le célèbre cardinal, de faire des réserves à son propos, réserves qui ne sont jamais rappelées par qui cite cette lettre sans citer ses paroles et son contenu. 27 M aurice B londel D’abord, saint Pie X rappelle qu’on ne peut jamais opposer l’opinion d’un docteur privé, même insigne, au magistère de l’Église. Ensuite, il distingue entre les œuvres de Newman avant sa conversion et celles qui l’ont suivie (l’ouvrage sur le développement des dogmes précède de peu sa conversion). Quant aux premières, il admet que, en elles, “on peut peut-être découvrir quelque chose qui a une certaine ressemblance avec certaines formules des modernistes”, mais, poursuit le Pontife, Newman en se convertissant soumit toutes ses œuvres au jugement et à la révision de l’Église Catholique afin qu’elle les corrige si nécessaire. Quant aux œuvres écrites après sa conversion, on peut aussi y trouver des choses étrangères aux arguments habituels des théologiens, et il ajoute même que Newman “n’a pas fait usage d’une manière de s’exprimer suffisamment prudente” ; mais on ne peut pas douter de la sincérité de sa Foi, ni l’on ne doit déformer sa pensée comme font les modernistes ; de lui et de sa pensée il faut suivre particulièrement le fait de considérer saint le magistère de l’Église, garder la doctrine transmise par les Pères et surtout se soumettre et obéir au Pape (auquel, après sa conversion, il voulut toujours être fidèle même s’il était opposé à la définition du dogme de l’Infaillibilité pontificale, et aimait prendre ses distances à l’égard des “ultramontains” et du cardinal Manning). En somme, tout n’est pas sûr dans la pensée de Newman, mais, en bon catholique, il se soumit à l’autorité de l’Église ; Newman ne fut pas un moderniste ante-litteram, mais sans le vouloir certaines de ses idées ouvrirent les portes au modernisme. Le philosophe Maurice Blondel (18611949), est lui aussi un autre patron des néomodernistes ; lui oui, il est vraiment moderniste, ami de tous les modernistes, y com- pris de ceux condamnés nominalement, dont la pensée fut censurée par l’Église (son modernisme est le modernisme apologétique condamné par l’encyclique Pascendi, et ses idées furent de nouveau proscrites par le Saint-Office par décret du 1er décembre 1924, condamnant douze propositions de Blondel). Cependant, étant laïc, il ne fut pas condamné nominalement, et cela a permis à Jean-Paul II de louer explicitement son ouvrage L’Action, ainsi que son auteur, dans une lettre du 19 février 1993 à l’archevêque d’Aix à l’occasion du centenaire de cet écrit (d’autres louanges au cours de l’audience accordée le 18 novembre 2000 aux participants d’un congrès sur Blondel). Et c’est précisément par la lecture de L’Action de Blondel que Buonaiuti commença son aventure moderniste : “Et je me souviens comme si c’était hier du sens intime de voluptueuse satisfaction avec lequel je voulus, dans la première nuit du vingtième siècle, passer éveillé les heures des ténèbres, plongé dans la lecture de cette œuvre magistrale et débordante d’«esprit de finesse», dans laquelle Blondel a cherché à découvrir trace après trace, le long chemin par lequel monte à Dieu dans la vie notre besoin d’Éternité et d’Absolu indomptable et inassouvissable en ce monde”, et “Dès mes jours de séminaire, L’Action de Maurice Blondel avait gravé un sillon ineffaçable dans mon âme”. Le Père Garrigou-Lagrange dénonça chez Blondel l’un des pères de la Nouvelle Théologie qui aboutissait au néo-modernisme, et à juste raison. Or tous reconnaissent chez Newman (la maison d’éditions ésotérique Ad Solem a récemment publié un livre atypique : “Par l’amour de l’invisible, itinéraires croisés de John Henry Newman et Henri de Lubac” de l’évêque de Berranger) et chez Blondel (A. Russo, Henri de Lubac : teologia e dogma nella storia. L’influsso di Blondel, Roma 1990 [Henri de Lubac : théologie et dogme dans l’histoire. L’influence de Blondel, n.d.r.] ; G. Moretto, Destino dell’uomo e Corpo mistico. Blondel, de Lubac e il Concilio Vaticano II, Brescia 1994 [Destin de l’homme et Corps mystique. Blondel, de Lubac et le Concile Vatican II, n.d.r.]), ainsi naturellement que chez Teilhard de Chardin, une source d’inspiration du cardinal de Lubac s.j., lui aussi condamné (non nominativement) par l’encyclique Hu- 28 mani generis de Pie XII et devenu ensuite un des pères de Vatican II. De Lubac est réellement “fils spirituel” (aussi) de Blondel, par l’intermédiaire du jésuite, le Père Valensin, dont nous donnons cette brève notice : “Auguste Valensin naquit à Marseille le 12 septembre 1879 d’un père juif médecin, converti au christianisme. Il entra à vingt ans dans la Compagnie de Jésus et fut ordonné prêtre en 1910. Il enseigna la philosophie à l’Université catholique de Lyon, jusqu’en 1920. La publication, avec le Père Yves de Montcheuil, d’un travail sur le philosophe Maurice Blondel, dont, entre autres, il était ami, lui valut la censure et l’éloignement de l’enseignement en 1935. Il quitta donc Lyon pour Nice, où il demeura jusqu’en 1953, année de sa mort, survenue le 18 décembre 1953” ; il fut impliqué, comme les autres jésuites français, dans la lutte contre Mgr Benigni. Henri de Lubac fut son élève et disciple (de Valensin, évidemment !). La généalogie pourrait continuer, et serait très éclairante, chers lecteurs… La question sociale La question sociale à la lumière du magistère de Léon XIII et dans les écrits de l’abbé Albertario Par M. l’abbé Ugolino G iugni D ans cet article, je voudrais illustrer la pensée de l’Église et en particulier celle du pape Léon XIII, auteur de la célèbre encyclique Rerum Novarum de 1891, sur la “Question Sociale”, et ensuite en voir l’application pratique dans les écrits de son contemporain, qui m’est très cher, le prêtre journaliste, Davide Albertario. Ce qu’est la question sociale Essayons tout d’abord de définir les termes que nous utiliserons. Par le terme “social”, on entend indiquer tout ce qui a trait à la société. Dans l’étymologie classique, “social” équivalait à “politique” (du grec polis = cité) et venait du latin societas. Jusqu’au XVIIIème siècle, tout ce qui avait trait à la société était défini “politique”, et, au fil du temps, le terme “politique” désignera tout ce qui concerne le gouvernement de la communauté. “Social”, en revanche, indiquera tout ce qui se réfère à la vie commune des membres de la communauté, et le terme “économique” indiquera ce qui a trait aux besoins matériels des personnes vivant en communauté. Le terme “Doctrine sociale” indique un système qui contient u n e n se m bl e de pr i n ci pe s, de droits, visant à donner une organisation déterminée de la société et c’est en ce sens qu’on parle donc de Doctrine sociale de l’Église. Souvent le social inclut aussi l’aspect économique puisque les besoins matériels de l’homme conditionnent en grande partie sa manière de vivre commune et en société. Par conséquent, quand on parle de question (ou problème) sociale, cela concerne la politique et l’économie puisqu’elle les comprend. Pour certains, cela concerne la politique et l’économie des différentes classes sociales. Mais l’opposition entre aspect social politique et économique tend à limiter la Q. S. Plus récemment, et à partir du XIXème siècle, la question des classes, leur égalité, leurs rapports, a eu un poids non négligeable dans la définition de la Q. S., mais il n’est pas possible de la restreindre uniquement à ce seul aspect. Quand on parle de Doctrine sociale, on indique un système qui contient un ensemble de principes, de droits, visant à donner une organisation déterminée de la société et c’est en ce sens qu’on parle donc de Doctrine sociale de l’Église. Pour Mgr Umberto Benigni, «par “vie sociale”, on entend l’ensemble organique des 29 Mgr U mberto Benigni, catholique intégral, auteur de plusieurs ouvrages d’histoire de l’ É glise t e e phénomènes de la société humaine, la vie civile de l’humanité et de chacun de ses membres comme tels. Par conséquent, la vie sociale d’un institut, d’une organisation morale, désigne sa participation active et passive (c’est-à-dire influente et influée) à la vie de la société et à sa civilisation ; ainsi, la vie sociale de l’Église catholique, entendue dans le sens historique, nous donne la vie de l’Église – non interne, c’est-à-dire spécifiquement ecclésiastique – mais spécialement extérieure ; c’est-à-dire non seulement en tant qu’elle se déroule au milieu de la société humaine, mais surtout en tant qu’elle concerne la société elle-même et sa civilisation. (…) L’expression “Vie sociale” a un sens plus étendu que n’a pas “vie publique” ; en effet, elle concerne particulièrement les faits collectifs et officiels de l’état, et les actions des citoyens directement ou indirectement s’y rapportant ; tandis que la vie sociale comprend tout rapport civil entre les hommes. La vie sociale ainsi comprise se distingue communément en vie politique, éthicojuridique et économique. (…) La vie politique, partie principale de la vie publique, concerne les principes et les faits relatifs à l’État et à son gouvernement politique proprement dit, comme les partis politiques et leurs courants respectifs. La vie éthico-juridique embrasse tout l’ensemble des usages, coutumes, lois qui règlent la vie publique et privée des citoyens, excepté les phénomènes politiques et économiques. (…) Enfin, la vie économique concerne un aspect spécial de la vie éthico-juridique, celui des principes et des faits économiques, c’est-à-dire concernant la subsistance matérielle humaine » (1). Historique de la “question sociale” À la fin du XIXème siècle, la “question sociale” se faisait violemment sentir et était alimentée par la révolution industrielle et par la modernisation de la société ; le socialisme cherchait à manœuvrer les masses contre les “patrons” pour réaliser une révolution. La crainte et la préoccupation dans la société italienne et dans ses institutions d’un éventuel mouvement révolutionnaire populaire était grande (cette crainte fut aussi une des causes de la violente répression des émeutes milanaises de 1898 qui aboutirent à l’arrestation de l’abbé Albertario). Les premières manifestations d’intérêts de la part des catholiques autour des problèmes sociaux eurent lieu dans la seconde moitié du dix-neuvième siècle. En Allemagne, l’archevêque de Mayence, le baron von Ketteler, publia en 1864 un opuscule “La question ouvrière et le Christianisme” dans lequel il soutenait “la nécessité d’une intervention plutôt extérieure de l’état pour la protection des travailleurs, en affirmant que la tendance associative des ouvriers était un phénomène naturel des temps modernes, qui devrait se développer dans le sens corporatif, et soutint la fondation de coopératives de production” ( 2). Ketteler eut une certaine influence sur de nombreux étudiants et organisateurs catholiques autrichiens et français. En France, le comte de Mun et le marquis René de la Tour du Pin en subirent l’influence ; “ils insistèrent d’une manière particulière sur la critique du libéralisme économique et politique au nom de la conception organique de la société et de l’état, et défendaient la constitution de corporations avec des fonctions représentatives y compris dans le domaine politique. En pratique, leur œuvre s’exerça surtout à travers l’Œuvre des cercles catholiques d’ouvriers, née avec une sorte de fonction de patronage et qui s’est développée également comme association d’études. Au moyen de la revue Association catholique, fondée en 1876, ce courant corporatiste français exerça une influence certaine sur les catholiques italiens. En Belgique, se développa un mouvement corporatiste catholique, avec l’école de Liège, inspirée par l’évêque de cette ville Victor Joseph Doutreloux” ( 3). En France, plusieurs industriels catholiques constituèrent en cette période des associations, comme celle des Patrons Chrétiens du Nord, lesquels déployèrent une certaine activité 30 d’assistance en faveur des ouvriers (4). Mais en général ces activités sociales demeuraient, en cette période 1870-1890, étrangères au mouvement ouvrier et syndical. Les organisations catholiques réunissaient généralement des paysans artisans, des petits propriétaires, des petits entrepreneurs ; et il s’agissait surtout de sociétés de secours mutuel et de coopératives, ou seulement de confréries. L’idée même de nombreux catholiques de se référer aux corporations médiévales les poussait à préférer les associations mixtes qui comprenaient des patrons et des travailleurs (5). En Italie, l’activité d’étude et de réflexion fut plutôt médiocre par rapport à celle des catholiques étrangers. “Cela était dû non seulement aux conditions sociales relativement arriérées de l’Italie, mais aussi au fait que les catholiques italiens, en ne participant pas aux luttes électorales et parlementaires [du fait du non expedit] n’étaient pas, comme ceux des autres pays, obligés de prendre des positions les engageant face aux différents problèmes économiques et sociaux, qui faisaient de plus en plus l’objet de discussions” (6). Pour avoir une idée des intentions et des attentes des catholiques avant Rerum Novarum, on peut lire l’étude qu’en 1888 le trévisan Giuseppe Toniolo publia de manière anonyme dans l’organe officiel de l’Œuvre des Congrès, intitulée : “Raisons et intentions des études et de l’action sociale des catholiques d’Italie”. Il y soutenait, entre autres, que “le problème social ne peut être résolu qu’en instituant des corporations de patrons et de travailleurs, organisées hiérarchiquement et reconnues par l’état”. Il avance aussi une série de propositions concrètes, qui devraient constituer les objectifs de l’action immédiate des catholiques dans le domaine social. Ce sont : repos hebdomadaire ; exclusion des femmes et des adolescents du travail dans certaines industries ; limitation maximale absolue des heures de travail, surtout pour les femmes et les adolescents ; défense des moyennes entreprises, des petites industries et des industries familiales ; défense du métayage ; meilleure protection donnée par l’état à l’agriculture plutôt qu’à l’industrie ; affirmation théorique de la nécessité de fixer un salaire minimum… interdiction de la rescision sans préavis des contrats de travail ; adoption du salaire L éon X I I I (sur cette photo alors qu’il était encore cardinal) publia l’encyclique Rerum N ovarum sur la question sociale ‘pour travail fait’ plutôt que du salaire ‘fixe’, et paiement d’une partie du salaire de manière indirecte (au moyen de logements gratuits, versements pour assurances retraite, etc.) ; institution de parts additionnelles de salaires, à titre de participation aux bénéfices, devant être versées au moyen de primes annuelles dans les années favorables… construction de maisons ouvrières ; diffusion des organismes de bienfaisance ; institution de banques populaires” (7). L’Œuvre des Congrès s’occupa activement de la question sociale dans ses différents congrès, et particulièrement en 1887 au VIIème congrès de Lucques (19-23 avril), grâce à sa seconde section qui concernait l’économie sociale chrétienne, sous la direction de Medolago Albani (8) et avec la collaboration de Toniolo (9). Le fait que, à cette occasion, furent anticipés plusieurs des thèmes qui seront abordés par l’encyclique de 1891, est significatif ; “Lorenzo Bottini aborda le sujet en montrant la genèse de l’individualisme dans les principes et dans les conséquences de la Révolution de 1789. L’ample relation, un vrai livre avec des notes et une subdivision en différents chapitres, analyse les problèmes de la question ouvrière et parcourt les principaux épisodes de l’histoire de la corporation chrétienne et de sa compatibilité avec les lois et coutumes italiennes. Elle cite également le 31 statut d’une corporation chrétienne fondée depuis peu à Lille, en France” (10). Le congrès de l’Œuvre (le huitième) de 1890, qui se tint à Lodi, eut pour thème L’intervention de l’État dans les questions économiques et sociales. Entre les deux thèses qui se disputaient le terrain, celle du libéralisme absolu et celle du socialisme d’état, les catholiques auraient dû se tourner vers la seule qui s’adaptait parfaitement à leur doctrine : “entre ces deux théories opposées, que l’État ne doive rien faire et que l’État doive tout faire, il y a quelque chose au milieu : c’est que l’État doit bien faire” (11), concluait comme rapporteur Stanislao Medolago Albani. C’est dans ce cadre historique que vit le jour en 1891 l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII, sur la condition ouvrière. Quelques points capitaux de Rerum Novarum 1. Les socialistes prétendent que toute propriété de biens privés doit être supprimée, que les biens d’un chacun doivent être communs à tous, et que leur administration doit revenir aux municipalités ou à l’État. Mais pareille théorie est souverainement injuste. Le but immédiat visé par le travailleur, c’est d’acquérir un bien qu’il possédera en propre et comme lui appartenant. Il attend de son travail le droit strict et rigoureux, non seulement de recevoir son salaire, mais encore d’en user comme bon lui semblera. [3] (12). 2. La propriété privée est un droit naturel (Dieu a donné la terre pour l’usage et la jouissance de tout le genre humain). Au reste, quoique divisée en propriétés privées, la terre ne laisse pas de servir à la commune utilité de tous, attendu qu’il n’est personne parmi les mortels qui ne se nourrisse du produit des champs. [6-7] 3. La famille, c’est-à-dire la société domestique, [est] réelle et antérieure à toute société civile à laquelle il faudra de toute nécessité attribuer certains droits et certains devoirs indépendants de l’État. C’est pourquoi elle jouit, pour le choix et l’usage de tout ce qu’exigent sa conservation et l’exercice d’une juste indépendance, de droits au moins égaux à ceux de la société civile. Si les citoyens, si les familles entrant dans la société humaine y trouvaient, au lieu d’un soutien, un obstacle, au lieu d’une protection, une diminution de leurs droits, la société serait plutôt à rejeter qu’à rechercher. [9-10] 4. C’est une erreur grave et funeste de vouloir que le pouvoir civil pénètre à sa guise jusque dans le sanctuaire de la famille. S’il arrive qu’une famille se trouve dans une situation matérielle critique, il est juste que le pouvoir public vienne à son secours, car chaque famille est un membre de la société. Il faut que le pouvoir public y rétablisse le droit de chacun. Ce n’est point là empiéter sur les droits des citoyens, mais leur assurer une défense et une protection réclamées par la justice. (Les fils sont quelque chose de leur père, une extension de sa personne, ils doivent rester sous la tutelle des parents jusqu’à ce qu’ils aient acquis l’usage du libre arbitre). Ainsi, en substituant à la providence paternelle la providence de l’État, les socialistes vont contre la justice naturelle et brisent les liens de la famille. [11] 5. C’est à l’Église... soit de mettre fin au conflit [de la lutte des classes, n.d.r.], soit au moins de l’adoucir en lui enlevant tout ce qu’il a d’âpreté et d’aigreur ; l’Église, qui ne se contente pas d’éclairer l’esprit de ses enseignements, mais s’efforce encore de régler en conséquence la vie et les mœurs de chacun. [13] 6. Le premier principe à mettre en avant, c’est que l’homme doit accepter cette nécessité de sa nature qui rend impossible, dans la société civile, l’élévation de tous au même niveau. La nature a disposé parmi les hommes des différences aussi multiples que profondes ; différences d’intelligence, de talent, de santé, de force ; différences nécessaires d’où naît spontanément l’inégalité des conditions. [14] 7. Pour ce qui regarde le travail, après le péché, Dieu l’a imposé à l’homme comme une expiation accompagnée de souffrance. De même, toutes les autres calamités qui ont fondu sur l’homme n’auront ici-bas ni fin ni trêve, parce que les funestes conséquences du péché sont dures à supporter, amères, pénibles, et qu’elles se font sentir à l’homme, sans qu’il puisse y échapper, jusqu’à la fin de sa vie. Oui, la douleur et la souffrance sont l’apanage de l’humanité, et les hommes auront beau tout essayer, tout tenter pour les bannir, ils n’y réussiront jamais. [14] 32 8. L’erreur capitale, dans la question présente, c’est de croire que les deux classes sont ennemies-nées l’une de l’autre, comme si la nature avait armé les riches et les pauvres pour qu’ils se combattent mutuellement dans un duel obstiné. C’est là une affirmation à ce point déraisonnable et fausse que la vérité se trouve dans une doctrine absolument opposée. Dans le corps humain, les membres, malgré leur diversité, s’adaptent merveilleusement l’un à l’autre, de façon à former un tout exactement proportionné et que l’on pourrait appeler symétrique. Ainsi, dans la société, les deux classes sont destinées par la nature à s’unir harmonieusement dans un parfait équilibre. Elles ont un besoin impérieux l’une de l’autre : il ne peut y avoir de capital sans travail, ni de travail sans capital. La concorde engendre l’ordre et la beauté. Au contraire, d’un conflit perpétuel il ne peut résulter que la confusion des luttes sauvages. [15] 9. Tout l’ensemble des vérités religieuses, dont l’Église est la gardienne et l’interprète, est de nature à rapprocher et à réconcilier les riches et les pauvres, en rappelant aux deux classes leurs devoirs mutuels et, avant tous les autres, ceux qui dérivent de la justice. Le travail du corps, au témoignage commun de la raison et de la philosophie chrétienne, loin d’être un sujet de honte, fait honneur à l’homme, parce qu’il lui fournit un noble moyen de sustenter sa vie. Ce qui est honteux et inhumain, c’est d’user de l’homme comme d’un vil instrument de lucre, de ne restituer qu’en proportion de la vigueur de ses bras. [16] 10. Aux patrons, il revient de veiller à ce que l’ouvrier ait un temps suffisant à consacrer à la piété ; il est encore défendu aux patrons d’imposer à leurs subordonnés un travail au-dessus de leurs forces ou en désaccord avec leur âge ou leur sexe. Mais, parmi les devoirs principaux du patron, il faut mettre au premier rang celui de donner à chacun le salaire qui convient. Ce serait un crime à crier vengeance au ciel, que de frustrer quelqu’un du prix de ses labeurs. [16-17] 11. Si l’on obéit aux préceptes du christianisme, c’est dans l’amour fraternel que s’opérera l’union. De part et d’autre, on saura et l’on comprendra que les hommes sont tous absolument issus de Dieu, leur Père commun ; que tous ils ont été égale- ment rachetés par Jésus-Christ. Ils sauront enfin que tous les biens de la nature, tous les trésors de la grâce appartiennent en commun et indistinctement à tout le genre humain. [21] 12. Pour ce qui est de la classe des travailleurs, l’Église veut les arracher à la misère et leur procurer un sort meilleur, et elle fait tous ses efforts pour obtenir ce résultat. Et elle apporte à cette œuvre un très utile concours, par le seul fait de travailler en paroles et en actes à ramener les hommes à la vertu. Dès que les mœurs chrétiennes sont en honneur, elles exercent naturellement sur la prospérité temporelle leur part de bienfaisante influence. En effet, elles attirent la faveur de Dieu, elles compriment le désir excessif des richesses et la soif des voluptés. [23] 13. Comme il serait déraisonnable de pourvoir à une classe de citoyens et de négliger l’autre, il est évident que l’autorité publique doit aussi prendre les mesures voulues pour sauvegarder la vie et les intérêts de la classe ouvrière. C’est pourquoi, parmi les graves et nombreux devoirs des gouvernants qui veulent pourvoir comme il convient au bien public, celui qui domine tous les autres consiste à avoir soin également de toutes les classes de citoyens, en observant rigoureusement les lois de la justice dite distributive. [27] 14. Il est dans l’ordre que ni l’individu ni la famille ne soient absorbés par l’État. Aux gouvernants, il appartient de prendre soin de la communauté et de ses parties parce que, de droit naturel, le gouvernement ne doit pas viser l’intérêt de ceux qui ont le pouvoir entre les mains, mais le bien de ceux qui leur sont soumis, d’ailleurs, toute autorité vient de Dieu et est une participation de son autorité suprême. [28] L’économie sociale chrétienne « L’économie sociale est la partie de la sociologie qui concerne dans la question sociale les problèmes économiques, ainsi que le côté économique des autres, c’est-à-dire tout phénomène économico-social. Le principal but pratique de l’économie sociale (ou sociologie économique) est la juste solution du problème de la subsistance humaine, sur la base de l’exacte constatation des critères moraux et des faits matériels concernant la 33 D élégations ouvrières à Rome pour le 60ème anniversaire de Rerum N ovarum (15 mai 1951) production et la répartition de la richesse dans le but d’assurer la subsistance de l’homme, non seulement selon le strict devoir (justice) et le strict besoin (subsistance), mais aussi selon la civilisation morale (charité, philanthropie) et matérielle (aisance). Par conséquent, il y a deux pivots éthico-juridiques de l’économie sociale – la justice et la charité ; comme il y a également deux faits matériels auxquels pourvoir – la subsistance et l’aisance » (13). On comprendra mieux cette doctrine en expliquant les termes qui la composent. • La justice est cette loi et vertu sociale qui nous fait reconnaître, et donc laisser ou donner à chacun son unicuique suum. • La charité est cette loi et vertu sociale qui, en plus de l’observance légale de la stricte justice, nous fait aimer nos semblables comme nous-mêmes et par conséquent les traiter comme tels. C’est sa norme de “faire aux autres ce que l’on voudrait que l’on nous fasse”. Au nom traditionnel chrétien de charité, on a voulu de nos jours substituer celui de philanthropie. Pour le christianisme, la société humaine doit être considérée comme une grande famille (la famille est la base de toute société) ; par conséquent, tous les hommes ont pour origine le père commun qui est Dieu et tendent à Lui comme fin suprême, par Jésus ils ont tous été sauvés et appelés à la filiation divine. Le Christ est le premier-né d’une multitude de frères. Ces droits et devoirs de tout homme sont contenus dans l’Évangile. L’existence des classes sociales est due à un processus historique inévitable dans la race humaine. “La suppression des classes est une utopie, leur organisation constitue la civilisation” (14), le concept social de la grande famille humaine est la base de la justification et de l’organisation des différentes classes. Dans toute famille, chacun a ses charges bien précises : l’un pense à la production, un autre à l’administration, un autre aux relations sociales, un autre encore à la sécurité des personnes et des biens. Mais tout cela n’enlève pas que le frère aîné ou plus instruit ou plus sage ne cesse d’être égal, comme homme et comme fils du Père commun, que le frère capable doit aider celui qui est inapte ou incapable, et que tous s’aident et s’encouragent dans la charité, en acceptant la disparité qui est inévitable. Cette disparité est moralement neutre dans le sens qu’elle ne donne pas mérite au riche ou honte au pauvre mais qu’elle doit être harmonisée pour le bien commun ; “avec elle, se trouverait diminuée cette distance que l’orgueil se plaît à maintenir ; on obtiendrait sans peine que des deux côtés on se donnât la main et que les volontés s’unissent dans une même amitié. Mais c’est encore trop peu de la simple amitié : si l’on obéit aux préceptes du christianisme, c’est dans l’amour fraternel que s’opérera l’union” (15). • La propriété est absolument licite et utile à la société elle-même. Le concept de propriété considère à qui appartient la terre et la subsistance considère à qui elle doit servir. Le droit individuel de la propriété est toujours subordonné à celui individuel de la subsistance et à celui social du bien commun. C’est la volonté de Dieu que tous, en mesure de pouvoir, travaillent et que tous aient les moyens nécessaires à leur subsistance. • Le capital ou propriété considérée comme source de gain est licite mais à certaines conditions. Un honnête intérêt est licite : si l’on peut céder la propriété à un juste prix (achat et vente), l’on peut céder son usage (prêt) au moyen d’une compensation (intérêt ou agio). L’usure (l’intérêt est disproportionné et donc injuste) est condamnée ; l’Église recommande pour la vertu de charité, de donner même plus que ce à quoi nous oblige la justice. Le prêt à intérêt est une matière extrêmement délicate ; non seulement il ne donne pas, dans le vrai sens du terme, mais il veut être payé pour ce qu’il doit récupérer, “une usure dévorante est venue accroître encore le mal. Condamnée à 34 plusieurs reprises par le jugement de l’Église, elle n’a cessé d’être pratiquée sous une autre forme par des hommes avides de gain et d’une insatiable cupidité” (16). • Le travail n’est pas un simple devoir économique qui provient du fait que l’homme capable et démuni doit travailler pour assurer sa subsistance, mais c’est un devoir de type absolu c’est-à-dire que l’homme en tant que tel doit travailler et que l’oisiveté (mère de tous les vices) est coupable. Saint Paul dit “que celui qui ne travaille pas ne mange pas” (II Thess. III, 10), c’est le principe éthique de la subsistance de l’individu. Va de pair l’obligation de s’abstenir de travailler les jours consacrés au Seigneur pour le repos hebdomadaire et l’honneur dû à Dieu. Comme un corollaire de “que celui qui ne travaille pas ne mange pas”, vient “que celui qui travaille, mange” ; il s’ensuit donc que le travail est le titre éthique sine qua non pour la subsistance et que la valeur minimale d’une journée de travail doit correspondre au minimum nécessaire d’une journée de subsistance (17). On comprend ainsi comment le travail, si déprécié par le matérialisme païen, devient au contraire avec le christianisme une source d’honneur tout autant que de gain : puisque le travailleur chrétien sait que faire quelque chose pour tout homme est obligatoire et juste ; il sait que la subsistance qu’il s’est procurée à la sueur de son front lui assure la vraie dignité et la vraie liberté. L’exemple du Christ confirme cette vérité, comme dit le Pape Léon XIII (18). Quant à l’assistance, “les lois de chaque nation civile obligent le citoyen aisé aux dépenses de subsistance pour les membres pauvres de sa famille, et de la même manière, la loi chrétienne doit obliger celui qui a à aider celui qui n’a pas, puisque nous sommes tous frères et membres de la grande famille humaine. Cette obligation est catégorique ; le chrétien sait que s’il méritait pour tous les autres titres le paradis, mais n’aidait pas, bien que le pouvant, son semblable affamé, assoiffé, nu, infirme, etc., il mériterait l’enfer, ce qui est enseigné clairement par le Rédempteur. Dans quelle mesure cette obligation existe-t-elle ? – la raison naturelle nous indique que l’on doit donner le superflu à celui qui manque du nécessaire” (19). «Quant à payer les impôts, c’est-à-dire à la passivité économico-sociale, tout le mon- de connaît l’évangélique “rendez à César ce qui est à César” et les insistantes recommandations de l’apôtre de payer les impôts à qui l’on doit. De cette manière l’Église a élevé en devoir de conscience une obligation matérielle de la société en l’unissant aux principes de la politique sociale de la famille humaine. Telles sont les notions de la doctrine catholique sur l’économie sociale, magistralement fixées par Léon XIII dans l’immortelle encyclique Rerum Novarum, qui contient les grandes lignes doctrinales de toute la sociologie catholique. “Dans ces traits, nous voyons sculptés les augustes caractères de la justice et de la charité, de l’ordre et de la liberté ; et pour cela même, de cette civilisation vraie qui ne craint ni démentis ni désillusions, parce que fondée sur la Vérité et la Bonté divine. De cette manière, le Christianisme rehausse et ennoblit les plus modestes fonctions, les états les plus humbles de la société ; pour lui le travail est noble, la pauvreté est auguste, la matière une occasion pour exercer la vertu ; c’est pourquoi le Christianisme est l’âme de la société humaine, selon la belle expression de l’Épître à Diognète : “celui qui est dans le corps est l’âme, les chrétiens le sont dans le monde”» (20). Dans Rerum Novarum, Léon XIII nous rappelle justement que “Il n’est pas douteux que la société civile des hommes ait été foncièrement renouvelée par les institutions chrétiennes ; que cette rénovation a eu pour effet de relever le niveau du genre humain ou, pour mieux dire, de le rappeler de la mort à la vie et de le porter à un si haut degré de perfection qu’on n’en vît de supérieur ni avant ni après, et qu’on n’en verra jamais dans tout le cours des siècles ; qu’enfin c’est Jésus-Christ qui a été le principe de ces bienfaits et qui en doit être la fin ; car de même que tout est parti de lui, ainsi tout doit lui être rapporté. Quand donc l’Évangile eut rayonné dans le monde, quand les peuples eurent appris le grand mystère de l’Incarnation du Verbe et de la Rédemption des hommes, la vie de JésusChrist, Dieu et homme, envahit les sociétés et les imprégna tout entières de sa foi, de ses maximes et de ses lois. C’est pourquoi, si la société humaine doit être guérie, elle ne le sera que par le retour à la vie et aux institutions du christianisme. À qui veut régénérer une société quelconque en décadence, on prescrit 35 avec raison de la ramener à ses origines. La perfection de toute société consiste, en effet, à poursuivre et à atteindre la fin en vue de laquelle elle a été fondée, en sorte que tous les mouvements et tous les actes de la vie sociale naissent du même principe d’où est née la société. Aussi, s’écarter de la fin, c’est aller à la mort ; y revenir, c’est reprendre vie” (21). La question sociale dans les écrits de l’abbé Davide Albertario Venons-en maintenant, après avoir exposé la pensée du Pape Léon, à celle d’Albertario, qui traduit dans la pratique les principes exposés par le souverain pontife. Le directeur de L’Osservatore Cattolico, de profondes et sincères origines paysannes, ne pouvait rester étranger à la question sociale ; il sentait donc profondément les gémissements de ses frères et les dangers inhérents aux doctrines socialistes qui essayaient de faire des prosélytes dans le peuple d’un côté, et le libéralisme des classes actives et dirigeantes de l’autre : entre les deux maux, seul le catholicisme donnait la juste solution. C’est ainsi qu’il écrivait en 1878 : “le libéralisme a vaincu, mais avec sa victoire malheureuse, il devint le précurseur du socialisme, le chef de file de la révolution”. “Le catholicisme, au contraire, est la solution pacifique, tranquille, efficace de la question sociale ; c’est la solution la plus convenable et la plus sûre, la seule pratique ; la solution qui a donné dans l’histoire de l’Église les plus belles preuves : preuves qui furent en partie ruinées, tronquées par le protestantisme, lequel, avec le libre examen, a préparé la libre pensée et avec la libre pensée a ébranlé toute autorité et poussé les hommes à l’anarchie de l’intelligence, à l’anarchie politique et sociale” (O.C. 29-30/03/1879) (22). Et face à l’impuissance du libéralisme à arrêter le socialisme en 1884, il s’écriait : “Ou catholicisme ou socialisme ; le Pape sauvera la société du socialisme, dont les libéraux ne savent pas la sauver”. Albertario ne se cachait pas les dangers qui étaient intrinsèques à la question sociale et ouvrière : “le socialisme et la franc-maçonnerie ont produit un immense dégât dans le camp démocratique, et essayent de mener à des fins sinistres le mouvement populaire ; si cela n’était pas sans restrictions, nous nous met- L ’abbé D avide A lbertario trions en première ligne pour amener les masses trompées par le libéralisme, à conquérir une place prépondérante dans la société à côté de la noblesse qui se prosterne vilement devant les libéraux modérés, et de la bourgeoisie qui s’engraisse en bambochant et en tyrannisant et, pire, en méprisant. Au clergé est ouverte une mission sublime, faire converger les forces des masses au baptême de la société renforcée et rajeunie dans le triomphe de l’idée populaire chrétienne” (O.C. 19-20/02/1890). Il écrivait de sa prison en 1898 : “La faim me tourmente aussi... Ô hommes libres, si vous avez deux pains, donnez-en un à celui qui n’en a pas ; si vous en avez un, donnez-en la moitié. Ô riches, éprouvez la faim, et vous résoudrez la question sociale” (de la prison de Finalborgo 22/11/1898). Le détenu 2557 prêtre Davide Albertario. Pour Albertario, la question sociale est initialement une question agricole ; c’est la condition des paysans qui le préoccupe : “Ici à la basse Plaine [du Pô], où l’air est malsain, les paysans ont des taudis semblables aux plus infâmes lieux de peine”. “Les patrons pensent à augmenter les loyers : les fermiers essayent de se rattraper sur les paysans ; et le titre des charges et dépenses croissantes du très heureux gouvernement du peuple souverain, retombe toujours sur la dernière classe” (23). Dans L’Osservatore Cattolico (O.C.), se trouvait une rubrique habituelle intitulée “nouvelles de la basse Lombardie” dans laquelle Albertario rendait compte des conditions de vie des paysans de la basse Plaine du Pô. Les paysans, déplorait-il, étaient souvent considérés comme des machines par les exploitants des terres. 36 - “Il est évident que le paysan peut se considérer comme “chose” du patron. Il a des devoirs, mais pas de droits” (24). - “La révolution par son souffle impie et antichrétien a flétri tout bien”. - “Le paysan doit servir le fermier, qu’il pleuve ou qu’il y ait du soleil, qu’il soit malade ou bien portant, toujours et toujours. Le paysan n’a pas de garanties contre les desiderata exorbitants du fermier : personne ne le protège (…), il est l’esclave d’une puissance dans bien des cas ignorante et tyrannique, et il ne doit jamais lever la tête sinon pour voir si celui qui passe est le fermier, il doit donc enlever son chapeau devant lui et le saluer comme son seigneur” (25). - “Les fermiers sont les précurseurs des socialistes” ; “entre le socialiste moderne et le fermier irréligieux, le pire ennemi est ce dernier” (26). - “Le paysan sent ou lit que les patrons des terres dilapident dans des fêtes qu’ils passent aux théâtres, aux fêtes, aux bals ; de plus, ils voient de leurs propres yeux ce que font de nombreux fermiers qui s’engraissent, boivent et les tracassent. Patrons et fermiers font tout leur possible pour faire perdre la foi religieuse chez les paysans” (27). - “Fermiers et patrons, mettez-vous une main sur le cœur et dites si ce n’est pas vous qui, avec vos nouveautés, votre irréligion, vos Secoli, vos Perseveranze, vos immondes Corrieri [il fait allusion aux journaux libéraux “ennemis”…], vos guerres au curé, vos orgies, vos scandales, si ce n’est pas vous qui avez apporté la guerre dans les familles simples des paysans, et si ce n’est pas par votre gouvernement libéral, par votre système parlementaire ; que quiconque a de l’audace s’avance et qu’il sorte ses griffes” (28). La question de l’émigration des populations paysannes vers la ville ou vers les pays d’outre-mer préoccupe aussi à tel point Albertario que ce problème est égalementtraité dans les congrès de l’Œuvre : “L’émigration est produite par l’insoutenable état dans lequel se trouvent les travailleurs de la campagne qui sont convaincus que bien qu’ils puissent être mal en émigrant, ils ne trouveront pas une pire condition que celle qu’ils doivent souffrir sous le beau ciel d’Italie” (29). • Pour Albertario et les intransigeants comme lui, la campagne représente encore un rempart pour la foi que la propagande libérale essaye cependant d’extirper de toutes les manières : “Heureusement les paysans maintiennent les antiques usages des bons chrétiens en faisant preuve de respect envers le clergé, qui exerce néanmoins son influence pour la tranquillité des pays et la sécurité des gouvernements” (30). “Nous avons dans les campagnes une population généralement bonne, sobre, travailleuse, religieuse ; ils ont aussi des défauts à la campagne, mais si la carène du navire social pêche profondément dans la vague et l’empêche de tanguer sur un côté et de faire entrer de l’eau et de disparaître, on le doit principalement à la population paysanne” (31). La campagne est encore opposée à la ville qui corrompt et abrutit le peuple : “cette précieuse réserve d’ordre, de tranquillité laborieuse, de culte moralisant et serein dans les traditions familiales, qui fait des populations campagnardes l’efficace contrepoids conservateur à l’impétueuse agitation des peuples citadins instables, menace de se retrouver dans la désorganisation progressive de la vie rurale perturbée” (32). • Dans les années 80, l’idée que la masse paysanne puisse être détournée et commence à dévier fait son chemin, ce qui est manifesté aussi dans les congrès de l’Œuvre : “Que l’on soit bien attentifs aussi à la campagne (…), à la campagne pénètrent les journaux libéraux et athées (…), les dangers sont nombreux (…), ne nous trompons pas et ne nous installons pas dans l’illusion que l’apparence donne (…). La propagande dans les campagnes est conduite avec un art diabolique ; un terrible mal se répand, gare si l’on ne recoure pas avec jugement, avec force et constance au remède !” (33). “Nous élevons le cri d’alarme ; aux sociétés [socialistes] s’opposent société et comités [catholiques], aux sermons les sermons, aux bannières les bannières ; que l’on anticipe là où les sectes n’ont pas pris pied, que l’on protège là où elles comptent des conquêtes. Faisons-le aujourd’hui, parce que, ô lecteurs, pourrons-nous encore faire quelque chose demain ?” (34). “Le problème en Italie, c’est le pain 37 quotidien. Autrefois, le croyant demandait notre pain quotidien au Père qui est aux cieux, qui l’envoyait souvent à la porte du couvent et du monastère ; maintenant, le pain quotidien se demande à la révolution, au socialisme et au vol” (35). • Dans les années 80, se déroule l’enquête agraire Jacini : Albertario parfois la critique, parfois l’approuve. Les causes ultimes de la décadence de l’agriculture italienne doivent être recherchées dans l’énormité des taxes et dans le fait d’“avoir confisqué les biens ecclésiastiques et dépouillé les ordres religieux” privant ainsi les paysans d’une source de bienfaisance et la terre d’une attention régulière, favorisant ainsi “le monopole, les grandes concentrations terriennes”. - “Si le député Jacini voulait dire tranquillement la vérité, il devrait revenir à la plus simple raison dont dépend le problème agricole. Un peu de christianisme sauverait tout” (36). • L’excessif fiscalisme et la disparition de la petite propriété est une des causes de la crise agricole : “et celle des ventes aux enchères des biens des petits propriétaires qui n’ont pas pu satisfaire aux impôts. La lourdeur des impôts est telle que ces petits propriétaires n’ont littéralement pas ce qu’il faut pour les payer et leurs propriétés abandonnées aux enchères finissent entre les mains des riches” (37). “En seulement 6 ans, de 1873 à 1878, 17.073 propriétaires se virent vendre leurs terres pour ne pas avoir exécuté le payement des taxes” (38). - “Nous avons besoin de pain et ils nous offrent des impôts” (39). C’est précisément après l’encyclique Rerum Novarum que les intransigeants entreprirent un programme de recomposition de la société rurale fondé sur la diffusion et la défense de la petite propriété, du métayage (inséré par Toniolo dans le programme de Milan). • Albertario est contre le protectionnisme excessif : “le droit protecteur serait au grand détriment des pauvres consommateurs et exigerait d’autres modifications du système général économique en vigueur” ( 40) mais s’oppose aussi au libéralisme : “Nous ne sommes pas partisans des théories du libre-échange, ni nous n’avons jamais exalté la concurrence sans limites” (41). Soutien à la question sociale également dans les œuvres Don Davide ne se limitait pas aux articles dans son journal et aux batailles d’idées, mais il soutenait son œuvre par des initiatives concrètes, inspirées par la charité chrétienne, apportant son soutien aux paysans pour éviter qu’ils soient attirés par le socialisme. “Les maux du paysan – écrivait-il sur L’Osservatore en 1884 – ne consistent pas tant dans le travail, que dans le fait de ne pas vouloir l’éduquer dans les doctrines de cette grande maîtresse de la vie qu’est la Religion. Au contraire, on s’emploie avec perfidie à changer le paysan en une force brute au service de l’indépendance religieuse et de l’incrédulité ; au contraire, on enseigne directement au paysan à rompre l’unique fil, la foi, qui le tient uni à la vie et la lui rend supportable, à repousser l’unique ami, le prêtre, qui le considère comme un fils et un frère et lui fait goûter les harmonies des affections surnaturelles. Tel est le malheur du paysan, quand ses patrons le rendent étranger à l’Église ; alors il devient un cheval, un bœuf, une vache, un porc, un âne” (42). L’O.C. devint un centre promoteur de l’action catholique lombarde et milanaise, de nombreuses organisations catholiques économiques et sociales s’y adressaient tels les sociétés de secours mutuel, les comités paroissiaux, les unions coopératives rurales pour les achats collectifs et pour la défense matérielle et morale du peuple et la lutte contre les associations socialistes. Il s’agissait souvent d’un réseau d’institutions économiques catholiques qui venaient en aide aux masses. Albertario intervint lui-même plusieurs fois aux conférences organisées par les sociétés de secours mutuel et par les comités paroissiaux. Il y a certainement un aspect d’assistance et antisocialiste inhérent à ces sociétés pour éviter les revendications des travailleurs mais accueillant leurs justes et légitimes demandes tout en essayant d’éviter le contraste social. La classe patronale est souvent mise en cause pour qu’elle apporte sa contribution à l’œuvre de conciliation sociale en conformité aux exhortations papales à l’union fraternelle entre les classes (comme y exhortait Rerum Novarum). 38 Aux curés ensuite qui vivent au contact avec la réalité paysanne, qui en sentent les besoins et les nécessités, appartient principalement le travail d’appui et de soutien aux associations catholiques locales. Fréquentes furent les souscriptions lancées par l’abbé Albertario pour aider les classes paysannes comme celle, mémorable, de Briosco, dans la Brianza, en mars 1898, quelques mois avant d’être arrêté. Le maire de Briosco, le noble Porro-Lodi, gros propriétaire terrien d’idées anticléricales et libérales, avait notifié l’expulsion à cinquante de ses fermiers, coupables seulement d’appartenir au comité paroissial qu’il avait déjà essayé de contrecarrer de toutes les façons possibles en empêchant dans le village les processions avec les bannières. L’absurdité de cette mesure provoqua une grande agitation à Briosco et dans toute l’Italie dans la crainte que d’autres propriétaires du même acabit utilisent les mêmes moyens contre les organisations catholiques. L’abbé Albertario, à partir des colonnes de son journal, lança une souscription pour aider les paysans, qui se retrouvaient sur le pavé du jour au lendemain ; il écrivait : “Amis, frères, n’abandonnons pas les braves travailleurs de Briosco”. L’Italie catholique répondit avec un grand élan, mais les polémiques se déchaînèrent contre Albertario accusé de vouloir la disparition des classes supérieures, d’être excitateur de haine contre les riches, défenseur du socialisme, ennemi de la charité… (il dut endurer aussi cette accusation contradictoire !). Au procès qui s’ensuivit, la représentation légale des paysans fut assumée grâce au comité diocésain par des avocats catholiques parmi Paysans récitant l’ A ngélus (œuvre de Jean-F rançois M illet) lesquels Meda et Mauri. Le succès de la cause fut éclatant par la suspension des mesures contre les paysans de la part des “feudataires de Briosco” qui furent contraints de se rendre “face à la raisonnable et ordonnée résistance des paysans” (43). L’amour et l’intérêt pour la question sociale dans les événements de 1898 Quand en mai 1898, des désordres éclatèrent un peu dans toute l’Italie à cause de l’augmentation du prix de la farine et du pain, Albertario se range en première ligne et écrit : “On dit qu’il n’y a pas de raison de faire du tumulte ; arrêtez à coups de fusil cette canaille qui a la mauvaise conviction d’avoir faim : sauvez l’ordre à tout prix. C’est un bel exemple d’avoir donné du plomb à qui a osé demander du pain” (44). Il resto del Carlino de Bologne et la Sera de Milan accusèrent les catholiques d’être les responsables des désordres dans toute l’Italie. L’abbé Albertario répondait dans un célèbre article : “Ah, canailles !... vous donnez du plomb aux malheureux que vous avez affamés et après vous vous lancez contre les cléricaux” (O.C. 6-7 mai 1898). Et il ajoutait : “La raison des émeutes est dans la misère… nous ne pensons pas que l’on puisse appeler révolution la protestation de l’estomac… il appartient aux catholiques de se préparer pour l’avenir à sauver le pays qui par le libéralisme est poussé à la ruine”. Les ennemis d’Albertario se servirent aussi d’autres de ses paroles pour le désigner comme un incitateur de la révolte (c’est ce que fit en effet La Perseveranza du 8 mai). “L’histoire a désormais établi deux faits incontestables : primo, que les modérés et les conservateurs, parmi lesquels se démenaient les habituels agitateurs de la franc-maçonnerie, avaient cru étouffer le socialisme et le mouvement social catholique qui les dérangeait dans leurs intérêts matériels, en poussant le gouvernement à étendre la répression des émeutes au moyen d’une violente réaction contre les représentants et les organisations socialistes et catholiques ; secundo, que le gouvernement, l’autorité militaire et la police se laissèrent mettre la main dessus par des agitateurs. D’où le drame qui éclata dans les journées de Milan” (45). À cette occasion, Albertario fut frappé 39 comme victime choisie et sacrificielle (mais que soit condamné aussi le prêtre rebelle !” fut clamé au cours du procès), mais aussi et surtout de manière symbolique puisqu’il représente et incarne le mouvement social catholique de première ligne qui s’était rangé autour de lui. Dans la prison très dure – et qui minera la santé du prêtre – l’affection du peuple, du clergé, des institutions catholiques, qu’il avait toujours défendus et aimés, ne lui fit pas défaut rendant ainsi au pauvre reclus tout ce qu’il avait donné et fait pour eux à partir des colonnes de son journal en “utilisant la plume comme une épée” . Albertario dans son effort social fidèle à sa devise “avec le Pape et pour le Pape” fut fidèle jusqu’au sacrifice (qu’il paya de sa personne par l’arrestation et la prison à la suite des événements de 1898) aux enseignements de l’Église exprimés dans l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII. En 1901, après sa libération, Albertario participa à une conférence intitulée “La question sociale et la démocratie chrétienne”, qui se tint à Milan grâce au Fascio Democratico Cristiano (un syndicat d’inspiration chrétienne). Il y rappellera comment l’idée de la “Democrazia Cristiana” doit être entendue comme une action sociale chrétienne générale et une fidèle application des préceptes de l’Évangile, selon l’enseignement papal exprimé dans “Graves de communi re”. Conclusion Mgr Umberto Benigni, dans l’ouvrage déjà cité (46), souligne comment la doctrine exprimée par Léon XIII dans Rerum Novarum, et mise en pratique à la fin du dixneuvième siècle, y compris par l’abbé Albertario, est en continuité avec ce que l’Église a toujours enseigné et mis en pratique depuis les temps antérieurs à Constantin : “Vraiment, la synthèse est admirable avec la doctrine économico-sociale professée de nos jours par l’Église et naguère déclarée solennellement par l’encyclique Rerum Novarum de Léon XIII. Le lecteur n’a qu’à comparer, point par point, ces traits avec les lignes parallèles de la synthèse doctrinale pré-constantinienne ; et il y trouvera cette merveilleuse unité de doctrine catholique qui traversa dix-neuf siècles, qui s’est conservée intacte, et qui continuera intacte à travers les siècles à venir”. Le Christ hier aujourd’hui et dans les siècles donc… l’histoire de l’Église nous montre que la vertu de la justice, mais animée par la charité, est la clé de voûte avec laquelle l’Église a appréhendé les questions sociales au cours des siècles avec la conscience de la commune origine du genre humain issu de Dieu, et sauvé par le Christ Notre-Seigneur en qui les hommes sont tous frères. Ce n’est qu’en mettant en pratique le commandement divin de Jésus “tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, et de tout ton esprit” et surtout sa seconde partie “tu aimeras ton prochain comme toi-même” (cf. Matth. XXII, 37-39), que l’homme peut vivre en paix selon l’Évangile avec son frère et construire véritablement le règne de Dieu sur terre qu’est la civilisation chrétienne. Notes 1) Mgr U MBERTO B ENIGNI , Storia Sociale della Chiesa, éd. Francesco Vallardi Milano 1906, vol. I La preparazione, dagli inizi a Costantino, Introduzione generale pp. XI-XII. 2) GIORGIO CANDELORO, Il movimento cattolico in Italia, Editori riuniti Roma 1982, p. 235. 3) G. CANDELORO, op. cit., p. 234. 4) Entre la fin du XIXème et le début du XXème, en Italie également, s’élevèrent plusieurs villages industriels construits par le patron de l’industrie qui pourvoyait ainsi à tous les besoins matériels et spirituels (on trouvait toujours l’église au centre du village !) de ses employés comportant la maison, le jardin, des services postaux et même une auberge. On peut encore voir ces exemples d’architecture industrielle sociale à Turin au village Leumann, au village Crespi d’Adda et à Schio près de Vicence. 5) La différence de ces corporations avec celles de type fasciste (ayant existé au cours des vingt ans du fascisme), résidait aussi dans le fait que les corporations catholiques naissaient spontanément, d’après les indications de Rerum Novarum de Léon XIII, comme des unions de groupes de travailleurs et patrons qui s’associaient en vue d’un bien commun, alors que les corporations fascistes étaient instituées par l’état et devenaient un véritable organe de contrôle étatique. 6) G. CANDELORO, op. cit., p. 236. 7) G. CANDELORO, op. cit., pp. 237-38. 8) Pour un profil de ces personnages du monde catholique intransigeant du XIXème, cf. Album de famille du mouvement catholique en Italie, in Sodalitium n° 60, pp. 9-27. 9) De la collaboration de ces personnes naîtra le 29 décembre 1889 à Padoue un organisme permanent qui s’appellera Unione per gli studi sociali, avec pour but d’approfondir l’étude de la question sociale. 10) MARCO INVERINIZZI, I cattolici contro l’unità d’Italia, Piemme Casale Monferrato 2002, p. 53. 40 11) Atti e documenti dell’VIII Congresso Cattolico italiano tenutosi in Lodi dal 21 al 23 ottobre 1890. Bologna 1890, cité in M. INVERINIZZI, op. cit., p. 57. 12) Le petit numéro entre [] se réfère à la division classique de l’encyclique Rerum Novarum, comme on peut la trouver sur le site www.vatican.va (édition italienne) et qui a été suivie également dans l’édition que nous avons consultée : La questione sociale. Lettere encicliche Rerum Novarum e Quadragesimo anno, Centro Librario Sodalitium, Verrua Savoia 2010. 13) U. B ENIGNI , L ’economia sociale cristiana. Avanti Costantino. La dottrina, Gio Fassicomo e Scotti, Genova 1897, pp. 3-4. 14) Pour toute cette partie de l’article a été cité librement U. BENIGNI, L’economia sociale cristiana… op. cit., pp. 14-27. 15) Léon XIII, Rerum Novarum nn° 20-21. In édition La questione Sociale C.L.S. 2010, p. 11. 16) Rerum Novarum n° 21. 17) “Si, contraint par la nécessité ou poussé par la crainte d’un mal plus grand, l’ouvrier accepte des conditions dures, que d’ailleurs il ne peut refuser parce qu’elles lui sont imposées par le patron ou par celui qui fait l’offre du travail, il subit une violence contre laquelle la justice proteste”. Rerum Novarum n° 34 in op. cit., p. 19. 18) “C’est [cette vérité] que Jésus-Christ a confirmée par son exemple, lui qui, “tout riche qu’il était, s’est fait indigent” pour le salut des hommes ; qui, Fils de Dieu et Dieu Lui-même, a voulu passer aux yeux du monde pour le fils d’un ouvrier ; qui est allé jusqu’à consumer une grande partie de sa vie dans un travail mercenaire. N’est-ce pas le charpentier, fils de Marie?” Rerum Novarum n° 20 in op. cit., p. 10. Pour toute cette partie, cf. U. BENIGNI, L’economia sociale cristiana… op. cit., pp. 15-22. 19) U. BENIGNI, L’economia sociale cristiana… op. cit., pp. 22-23. 20) U. BENIGNI, L’economia sociale cristiana… op. cit., p. 27. 21) Rerum Novarum [n° 22], in op. cit., p. 12. 22) GIUSEPPE PECORA, In prigione in nome di Gesù Cristo, p. 243. 23) Il macinato e i contadini della bassa in O.C., 26 janvier 1869. On peut également trouver plusieurs de ces citations in M. ELENA ZUFFI, Don Albertario e il problema contadino ne l’Osservatore Cattolico di Milano (1869-1898), NED 1988. 24) La questione agricola in Lombardia, O.C., 1415 juin 1877. 25) Il Contadino, O.C.,7-8 novembre 1877. 26) La propaganda socialista nelle campagne, O.C., 3-4 août 1882. 27) l Contadini, O.C., 27-28 juin 1882. 28) Sulle cose della campagna, O.C., 21-22 août 1885. 29) La questione Agricola, O.C., 20-21 septembre 1882. 30) Il macinato e i contadini della bassa, O.C., 26 janvier 1869. 31) Il libro del medico di Gallarate, O.C., 11 août 1875. 32) Il patronato rurale, O.C., 31/10-1/11 1896. 33) La propaganda settaria in campagna, O.C., 2627 juillet 1882. 34) La propaganda settaria in provincia, O.C., 1920 juillet 1882. 35) Il socialismo nel Belgio, O.C., 10-11 mars 1877. 36) Le imposte e l’incameramento dei beni ecclesiastici, O.C., 8-9 juillet 1884. 37) Una grande piaga, O.C., 7-8 octobre 1878. 38) La questione agraria, O.C., 16-17 décembre 1884. 39) Il caro dei viveri, O.C., 27 octobre 1873. 40) La crisi agricola, O.C., 28-29 mars 1884. 41) La questione agricola, O.C., 20-21 septembre 1882. 42) G. PECORA, op. cit., pp. 248-249. 43) La solidarietà cattolica per le vittime di Briosco, O.C. 18-19 avril 1898. 44) Pane e sangue, O.C., 5-6 mai 1898. 45) G. PECORA, op. cit., pp. 320-321. 46) U. BENIGNI, L’economia sociale cristiana. Avanti Costantino. La dottrina, p. 233. Controverses Un édifice construit sur le sable… Par M. l’abbé F rancesco Ricossa L e 9 mai de cette année, a été rendu public un échange de correspondance entre les évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 1988, concernant la Fraternité Sacerdotale Saint Pie-X et l’éventualité d’accepter la proposition de reconnaissance canonique, à certaines conditions, de ladite Fraternité par Benoît XVI. Plus précisément, il s’agit d’une lettre du 7 avril 2012, adressée au Conseil général de la FSSPX par les évêques Alfonso de Galarreta, Bernard Tissier de Mallerais et Richard Williamson, et de la réponse du 14 avril signée par les trois membres du Conseil général : Mgr Bernard Fellay, Supérieur Général, et ses deux assistants, Niklaus Pfluger et MarcAlain Nély. L’authenticité des lettres a été confirmée le 11 mai par le communiqué de la Maison Généralice de la FSSPX, qui a accusé de faute grave le divulgateur anonyme de la correspondance. La première conséquence officielle de la divulgation de la lettre des trois évêques a été prise hier, 16 mai, au cours de l’habituelle réunion de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, qui a décidé que “étant donné la position qu’ils ont prise, les cas des trois autres évêques devront être traités séparément et 41 individuellement” (séparément de celui de Mgr Fellay). À une première lecture, les auteurs de la lettre du 7 avril semblent être – d’un point de vue doctrinal, pastoral et aussi humain – aux antipodes de leur confrère et supérieur Mgr Fellay, et vice versa. Les trois premiers s’opposent vaillamment à la doctrine de Vatican II et à celle “subjectiviste” de Joseph Ratzinger ; ils estiment donc impossible un accord doctrinal et inacceptable un accord pratique avec Benoît XVI, et considèrent que ledit accord conduira la FSSPX à la ruine. À l’opposé, Mgr Fellay et ses assistants pensent que Vatican II doit seulement être interprété selon la Tradition, d’après l’intention manifestée par Benoît XVI, et que refuser la reconnaissance canonique de la FSSPX équivaut de fait à prendre une position schismatique sinon sédévacantiste, refusant l’autorité du Pape. D’où la tentation des catholiques de se ranger du côté de l’une ou de l’autre partie des deux armées en bataille. En réalité, les quatre évêques consacrés par Mgr Lefebvre sont moins éloignés entre eux qu’il n’y paraît : ils arrivent ainsi à des conclusions opposées, mais en partant des mêmes principes. Tous les quatre, en effet, ont, au moins de fait, comme première, dernière et suprême référence, l’autorité de Mgr Lefebvre – dont ils se proclament les héritiers – plutôt que celle de l’Église. Tous les quatre se disent en communion avec Joseph Ratzinger – Benoît XVI. Tous les quatre considèrent, au moins de fait, que l’Église et son Chef visible, le Pape, sont faillibles et, dans les cinquante dernières années (sinon même constamment, depuis saint Pierre, comme le prétend Roberto De Mattei dans son essai “Apologia della Tradizione”), sont tombés dans l’erreur. Leurs divergences sont attribuables au fait qu’ils mettent en relief l’un ou l’autre aspect de la doctrine et praxis de Mgr Lefebvre : l’existence d’erreurs dans Vatican II, d’un côté ; la légitimité des “Papes” qui ont diffusé et confirmé ces erreurs de l’autre (avec la conséquence, commune à tous deux, que l’Église et le Pape seraient – parfois oui, parfois non – source d’erreurs). L’histoire de la Fraternité, dit un jour Mgr Lefebvre, est l’histoire de ses schismes. La cause principale de ces schismes, arrivés désormais aux sommets de cette société, Mgr Bernard Fellay, Supérieur G énéral de la FSSP X doit être recherchée dans la position existant depuis sa fondation et adoptée ensuite définitivement par la FSSPX entre 1979 et 1981 : attribuer les erreurs “conciliaires”, qui ne sont rien d’autre que la réédition du Modernisme condamné par saint Pie X comme réunion de toutes les hérésies (et donc comme une “super-hérésie”, selon l’expression condamnée par Mgr Fellay), au Pape légitime et à l’Église, et par conséquent, en dernière analyse, au Christ Luimême qui gouverne Son Église, et à l’Esprit de Vérité. Qu’arrivera-t-il, peut-être d’ici peu ? Nous ne sommes pas prophètes. Sans doute, encore une fois, les modernistes ont habilement réussi à semer la division. Quels sont les risques qu’au terme de cette analyse dénonce notre Institut ? Le premier : qu’une bonne partie des fidèles, à la suite de Mgr Fellay, continue le processus – commencé déjà depuis longtemps – d’acceptation de la théorie et de la praxis du Modernisme agnostique ratzingerien. Le second : qu’une autre partie des fidèles, à la suite des trois autres évêques, ou seulement de l’un d’eux, continue le processus déjà avancé de la constitution d’une petite église gallicane, hostile presque instinctivement à la Papauté et à l’Église Romaine. Le troisième (mais pas le dernier) : que les uns et les autres persistent dans les principes erronés que Mgr Lefebvre, consciemment ou non, posa à la base de son édifice, et qui ont conduit au désastre actuel. Une petite erreur dans les principes devient grande dans ses conclusions, et un édifice construit sur le sable, ne résistera pas à l’épreuve des faits. 42 Notre Institut dénonce les erreurs modernistes qui ont commencé avec Vatican II et les réformes qui s’en sont suivies. Il affirme que ces erreurs ne peuvent venir de l’Église et d’un Pontife légitime. Il rappelle que l’on ne peut être en communion avec quiconque ne professe pas intégralement la Foi catholique. Il met en garde contre les erreurs professées depuis toujours par la FSSPX et par les communautés amies, soit que ces erreurs portent à un accord avec les modernistes, soit qu’elles portent au contraire, à la suite d’un ou plusieurs évêques, à une résistance à ceux qui sont considérés comme les autorités légitimes. Il constate que la thèse théologique de Mgr Guérard des Lauriers o.p. sur la situation actuelle de l’Autorité dans l’Église est aujourd’hui encore, et toujours davantage, la plus adéquate pour fonder solidement la persévérance dans la Foi et donc pour pouvoir affronter et vaincre, avec la grâce de Dieu et l’intercession de Marie, l’hérésie moderniste qui ruine et perd les âmes. Verrua Savoia, 17 mai 2012, Ascension du Seigneur. Communiqués de l’Institut Mater Boni Consilii La renonciation de Joseph Ratzinger L e matin de ce 11 février 2013, durant le C onsistoire, B enoît XVI a annonc é sa “re nonciation a u ministère d ’ É vê que d e R o m e , su c c e ss e ur d e s aint Pierre ”, e n pré cis a nt q u e le Siè g e s erait e ffe c tiv e ment vacant à partir du 28 février à vingt heures. Unique motivation donné e pour c ette dé cision : l’ingravescentem æ tatem , c’està-dire l’avancement de l’âge (on n’a pas c o n n a is s a n c e d e l’ e x is t e n c e d ’ a u tr e s motifs). La renonciation au Souverain Pontificat e st un e p ossibilit é pré vu e p ar le c a non 221 du code de droit canonique promulgué par B enoît XV, c’est pourquoi, en ellemême, une décision de ce genre n’altère pas la divine constitution de l’Église, bien q u ’ elle p o s e d e trè s gra v e s diffic ult é s d’ordre pratique. C ’est pour c ette raison que les rares renonciations du passé advinrent d ans d es circonstanc es d e p articulière gravité d ans l’histoire d e l’É glise, et c’est pour cela que le geste accompli a ujourd ’hui p ar B e noît XVI ne p e ut être comparé à ceux du passé. Il s’agit – comme le suggèrent les paroles utilisé es, ingravescentem æ tatem – d e la volonté d’a p pliquer y compris à la charge papale ce que déjà le concile Vatican II (par le décret C hristus Dominus) et Paul VI (Motu proprio Ecclesiæ Sanct æ du 6 août 1966 et Motu proprio Ingravescent e m æ t at e m d u 21 n o v e m bre 1970) avaient décidé pour les curés, les évêques et les c ardinaux (d émission d ès l’âge d e s oix a nt e - q uin z e a ns ; e x clusio n d u conclave d ès l’âge d e quatre-vingts ans pour les cardinaux). C e s d é cisio ns c o n ciliaire s e t m o ntiniennes n’avaient pas seulement comme but p astoral d é claré d’éviter d’avoir d es pasteurs inaptes au ministère du fait d’un â g e avanc é (et c elui non d é claré d’éloig n er d ’ é v e ntu els o p p o s a nts a u x ré form e s), m a is c e lui d e tr a n s f o r m e r – a u moins de fait et aux yeux du monde – une hiérarc hie s a cré e e n un e a d ministration bureaucratique semblable aux administrations d e gouvernement d es états d émocra tiq u e s m o d ern e s, ou a ux minist ère s p astoraux syno d aux d es se ctes protestantes. Aujourd’hui Joseph Ratzinger para c h è v e la réform e c on ciliaire e n a p pliq u a nt é g ale m e nt à la dignité s a cré e d u S ouverain P ontific at les mo d ernes c atégories mondaines et séculières ci-dessus évoquées, comparant aussi en cela la Papauté Romaine à l’épiscopat subalterne. Il est très probable, en effet, que la décision d ’ a ujourd ’hui d e vie nn e c o m m e m orale m e nt o blig atoire p our s e s su c c e ss e urs, 43 faisant de la Papauté une charge ad tempus et provisoire de président du collège é pis c o p al ou, p ourq uoi p a s, d u c ons eil œ cuménique des églises. Au début de son “pontificat”, Benoît XVI insista effectivement sur l’aspect collégial de l’autorité de l’Église : l’Évêque de Rome est le président du collège épiscopal, un évê que p armi les évê ques ; au terme d e son “gouvernement”, Joseph Ratzinger a voulu présenter – comme n’importe quel évêque conciliaire – sa démission. M ais le 19 avril 2005, quand Jose ph Ratzinger fut élu au Souverain Pontific at par le C onclave, accepta-t-il vraiment, et non seulement extérieurement, l’élection ? D’après la thèse théologique élaborée par le Père M.-L. G uérard des Lauriers o.p. (à l’égard de Paul VI et de ses successeurs) cette acceptation ne put qu’être extérieure et non réelle et efficace, puisque l’élu a démontré ne pas avoir eu, ni alors, ni ensuite, l’intention objective et habituelle de pourvoir au bien de l’Église et de procurer la réalisation de sa fin. À partir de ce jour, J o s e p h R a t zin g er fut c ert e s l’ élu d u conclave, mais non formellement le Souverain Pontife qui gouverne l’Église “avec” son C hef visible, N otre-S eigneur J ésusC hrist. Par la décision de ce jour, en synt o ni e a v e c l a d o c trin e e t l a d is c i p lin e conciliaire et avec le vif sentiment antipap al qu’il a hérité du protestantisme allemand et du modernisme agnostique dont il a été et reste un représentant de premier ordre , J o s e p h R a t zin g er n ’ a f ait q u e rendre explicite et manifeste son refus de gouverner vraiment l’Église, et cesse ainsi d’être – juridiquement – non le Pape, qu’il n’a jamais été, mais l’élu du conclave et l’occupant matériel du Siège Apostolique. D ans la – d éjà – dramatique situation de l’Église, le geste d’aujourd’hui affaiblit encore d avantage la b arque a postolique secouée par la tempête. Il est vrai en effet que c e geste re connaît l’inc a p a cité et la non volont é d e R a t zing er d e g ouv ern er l’É glise, mais il est vrai aussi qu’il p arac h è v e , c o m m e d é j à d i t , l a d i s c i p li n e conciliaire de discrédit de la hiérarchie ecclé sia s tiq u e . S e ule l’ éle c tio n d ’ u n vrai Successeur de Pierre pourrait mettre fin à cette crise d’autorité, mais la composition du corps électoral laisse présager – à vue hum ain e – q u e la nuit s era e n c ore plus profonde, et l’aube encore lointaine. Q ue Dieu nous assiste, avec l’intercession de la Très Sainte Vierge Marie, et des Saints Apôtres Pierre et Paul. Verrua Savoia, le 11 février 2013. L’élection de Jorge Mario Bergoglio L e communiqué de notre Institut daté du 11 février se terminait p ar c es mots : “Seule l’élection d’un vrai Successeur de Pierre p o urrait m e ttre fin à c e tt e cris e d’autorité, mais la composition du corps électoral laisse présager – à vue humaine – que la nuit sera encore plus profonde, et l’aube encore lointaine”. H élas la réalité – avec l’élection du 13 mars dernier – est allée encore plus loin que les prévisions les plus sombres. Si le Grand Orient d’Italie, et encore plus cette organisation maçonnique très particulière qu’est le B’naï Brith (Fils d e l’Allianc e), se sont vive m ent réjouis du choix fait en la personne de Jorge Mario B ergoglio, le monde catholique au contraire pleure non seulement parce qu’il est encore privé d’un vrai, authentique et légitime successeur de Pierre et vicaire du C hrist, mais aussi p arc e que – en châtim ent p our nos p é chés et p our d’autres motifs insond a bles – c elui qui oc cup e le Siège Apostolique est un véritable ennemi intérieur de l’Église catholique. En ce moment historique, et en attend a n t d e s a c t e s o b j e c tif s q ui p uis s e n t c onfirm er ou – plaise à Dieu – d é m entir les lignes précédentes, dans notre état de simples baptisés, confirmés ou prêtres de l’É glise c atholique, nous entendons profe ss er la foi c a tholiq u e , pro p os er q u el ques réflexions, et lancer un appel. 44 Avant tout, les m e m bres d e l’Institut d é sire nt re nouv eler ici p u bliq u e m e nt e t p ersonnellement la profession d e foi c atholique du C oncile de Trente et du premier C oncile du Vatic an (D H 1862-1870) et le serm ent antimo d erniste (D H 35373 5 5 0), e t d e f a ç o n p artic ulière le ur f oi “d ans le primat et le magistère infaillible d u p o ntif e ro m ain, vic aire d u C hrist e t suc c esseur d e Pierre, auquel le C hrist a confié les clés du Royaume des Cieux, la charge de confirmer ses frères dans la foi et de paître Son troupeau”, primat que le C hrist a confié seulement à Pierre, et non p a s d e f a ç o n s t a b l e à t o u t l e c o ll è g e a postolique et encore moins au “collège épiscopal”. Les événements récents (renonciation de Joseph Ratzinger, élection de Jorge M. B erg o glio) o nt a ussi ra p p elé le rôle d e Dieu et c elui d es homm es durant la vacance du Siège et l’élection d’un nouveau P o n tif e . D ur a n t l a v a c a n c e d u S i è g e , l’autorité demeure toujours dans le C hrist, chef invisible de l’Église, et seulement “in radice” dans le corps moral qui peut désigner le nouveau Pontife. C e corps moral élit un c andid at ave c des actes humains propres à chacun des éle cteurs ; la p ersonne élue doit ensuite accepter, non seulement en parole, mais dans la réalité, le Souverain Pontificat, ce qui exige la volonté objective et habituelle de réaliser la fin même du Pontificat et le bien de l’Église. C ette acceptation et cette intention sont elles aussi d es a ctes humains, soumis à toutes les imperfections comme tout autre acte humain. C es actes h u m a in s – d e s é l e c t e urs e t d e l’ é lu – constituent l’aspect matériel de la papauté ; p a p auté qui c e p end ant ne vient p as d es homm es, m ais du C hrist Lui-m ê m e qui gouverne, sanctifie, enseigne l’Église, d e fa çon sta ble, “a v e c ” son vic aire : “ je serai avec vous… ” (Matth. XXVIII, 20). Le C hrist communique donc, à celui qui a été canoniquement élu et qui a réellement accepté, l’autorité qui le constitue formellement Souverain Pontife. C ’est par un simple acte de renonciation de sa volonté que Joseph Ratzinger a refusé l’éle ction qui avait été faite en sa p ersonne, rend ant ainsi le Siè g e totalement vacant ; il a ainsi rendu explicite l’absence chez lui de la volonté de gouverner J. Bergoglio recevant Riccardo D i Segni, grand rabbin de Rome. À l’occasion de la fête de Pessa’h, il a adressé ses vœux à l’ensemble de la communauté juive... ré ellement “ave c le C hrist”, a bsenc e qui l’empêchait, depuis le début, d’être Pape. Analogiquement, c’est avec un acte de sa volonté que Jorg e M. B ergoglio n’a p as o bje c tiv e m e nt l’int e ntio n d e g o uv ern er l’Église en acceptant le Souverain Pontific a t, a u p oint q u e le soir d e l’ éle c tion il s’est lui-même présenté, non comme Pape, mais comme “l’évêque de Rome”, selon la nouvelle doctrine d e la collégialité é pisc o p ale. Tous les a ctes d e Jorg e M. B ergoglio d ans son archevê ché d e B uen o s Aire s a tt e st e nt , s a n s a u c u n d o ut e possible, qu’il considère son rôle en référence au dialogue interreligieux, spécialement avec le judaïsme, et à l’ œ cuménisme (jusqu’à se faire bénir et imposer les mains par les hérétiques), dans l’union fraternelle ave c tous les enne mis d e l’ É glise et du C hrist, et dans le plus total mépris de la Tradition dogmatique, liturgique et disciplinaire d e l’É glise c atholique. Une telle intention publique et habituelle est incompatible avec le fait “d’être Pape”, c’est-à-dire “d’être u n a cu m ” le chef invisible de l’Églis e , N o tre - S eig n e ur J é sus - C hrist. V oilà l’analyse qu’il nous semble de notre devoir de faire pour comprendre la situation actuelle de l’autorité dans l’Église. Adressons donc notre prière à NotreSeigneur : “ Domine, salva nos, perimus ” ! (Matth. VIII, 23). Seul le Seigneur, dans la médiation de Marie, peut sauver et sauvera Son É glise. N ous en a p p elons à tous les catholiques qui se sentent encore liés à la tradition de l’Église, afin qu’ils ouvrent les yeux et rom p ent c oura g euse m ent la communion avec ceux qui ne peuvent pas re présenter Jésus- C hrist et son É pouse, l’Église catholique. Prions enfin les saints apôtres Pierre et Paul pour qu’ils protègent l’Église romai- 45 n e , e t le s s aints p ontife s s aint Pie V e t saint Pie X pour qu’ils soutiennent par leur intercession tous les défenseurs de l’Église de ses ennemis intérieurs et extérieurs. Verrua Savoia, 15 mars 2013. Recension Les Pédagogues D e nombreux parents ont été confrontés au problème de l’éducation et de l’école. Une fois les enfants mis à l’école, ils les voient changer peu à peu, ils deviennent hautains, désobéissants, révoltés, ont sans en avoir l’air du mépris à l’égard de leurs parents eux-mêmes, et de l’éducation reçue jusqu’alors, des principes sages et vrais. Alors les parents risquent de se culpabiliser, pensent avoir exagéré, ne pas avoir su comprendre, ou rejettent la faute sur un professeur, ou plutôt sur leur enfant qui traverse l’âge ingrat. Mais ils se rendent compte que souvent il y a une cause plus profonde : l’école, ou mieux, l’Éducation Nationale, qui inocule des principes qui sont des venins pour l’âme des jeunes. D’aucuns s’efforcent de mettre en garde leurs enfants contre les dangers, montrent certains principes erronés présents à l’école. Mais il faut aller au fond des choses, montrer que ces principes éducatifs et ces normes pratiques sont la cause des résultats que nous constatons. Le Professeur Jean de Viguerie l’a fait : il a eu le mérite de montrer comment l’Éducation Nationale forme les jeunes que les parents lui confient, suivant les principes absurdes, irrationnels, utopistes de pédagogie, dont s’inspirent ces pédagogues, lesquels ne se sont jamais occupés de l’éducation et que Viguerie a pris la peine d’étudier. Mais il y a pire. La société civile se souvient encore des erreurs commises par Pol Pot au Cambodge dans les années 70 : comment, entre autres, en ôtant les enfants aux parents, il les formait avec les principes révolutionnaires, et ensuite les convainquait d’espionner et de dénoncer leurs propres parents s’ils les soupçonnaient d’être des contre-révolutionnaires. Combien seraient étonnés en découvrant que les principes de Pol Pot sont les mêmes que ceux de nos pédagogues : il faut former, modeler, “forger” les nouvelles générations, parce que la famille en est incapable, elle est même contre-indiquée, il est donc bien que les enfants se rebellent. L’Éducation Nationale a les mêmes principes que ces pédagogues. Viguerie écrit : « On observe, on déplore ce qu’on appelle le désastre scolaire, la faillite de l’éducation. On se lamente de la montée de l’ignorance et sur la paralysie des intelligences, mais il est bien rare qu’on explique tout cela. Or il faut expliquer, si l’on veut remédier. Rappelons d’abord les réformes… de l’enseignement accomplies par les pouvoirs publics, entre 1960 et 1970, dans de nombreux pays du monde. En France, ce qui fut appelé la “réforme générale de l’enseignement”, débuta en 1961-1962… et fut achevée en 1968 par la “loi d’orientation des universités”. En un temps record, on jeta par-dessus bord les lois fondamentales de la connaissance intellectuelle et de l’apprentissage du savoir. Ensuite, il y eut des réformes chaque année jusqu’à aujourd’hui, mais elles allèrent toutes dans ce même sens. Cependant les réformes ne sont que la cause immédiate. Elles ne sont que l’application, l’entrée dans la réalité, des théories des pédagogues. Ces théories sont la principale explication, la vraie cause. Et c’est pourquoi il importe de les connaître. Nous commencerons par Érasme né en 1467. Après lui, nous passerons en revue treize pédagogues des siècles suivants. Le dernier que nous examinerons, Philippe Meirieu, est né en 1949… Certes, pendant longtemps, les théories d’Érasme et de ses successeurs n’ont pas été appliquées. On les admirait parfois, É rasme de Rotterdam 46 mais on les prenait pour ce qu’elles étaient, c’est-à-dire des affabulations d’intellectuels et de visionnaires. Mais au XXème siècle, après la Seconde Guerre mondiale, elles sont devenues la doctrine officielle des ministères de l’Éducation dans de nombreux pays, et celle aussi des institutions internationales. Nous sommes aujourd’hui en présence d’un système utopiste, qui s’est enrichi et renforcé au cours des siècles, devenant doctrine d’État, et qui réglemente l’enseignement et l’éducation dans une grande partie du monde. Les politiciens n’en connaissent pas d’autre. Ce système est réducteur. Il ne veut connaître ni de l’intelligence, ni de la mémoire, ni du savoir, et traite l’enfant comme un objet façonnable et manipulable à volonté. La faillite de l’éducation vient de là. Notre propos est de le montrer. Dénoncer la cause de la maladie ne suffit pas pour la guérir. Mais à savoir la cause on est déjà sur la voie du remède. L’enfant aujourd’hui souffre de l’oppression d’un système utopique. Il en est le prisonnier. On fera déjà beaucoup pour lui, en le délivrant des mensonges de l’utopie, en reconnaissant son intelligence innée et sa mémoire, en le libérant de l’oppression manipulatrice des pédagogues. On dira la vérité à son sujet. On le rendra à lui-même. C’est alors seulement que l’école pourra commencer à renaître ». L’auteur en vient à analyser ces pédagogues. On apprendra que pour Érasme, un enfant venant de naître est “un monstre”, inférieur aux animaux : l’éducateur doit “le forger”, de telle manière qu’à peine commence-t-il à parler, que déjà il peut apprendre les langues, le latin et le grec ! Pour le pousser à étudier, il faut le tromper, lui faire croire que l’étude est un jeu. « La théorie d’Érasme est réductionniste. Elle réduit à presque rien l’enfant venant au monde. Pour Érasme, cet enfant n’est pas un être humain. Il en parle comme aujourd’hui les propagandistes de l’avortement parlent de l’embryon. De la même manière qu’il réduit l’enfant, il réduit aussi le maître. Celui-ci n’est plus qu’un modeleur. Il cesse d’être un nourrisseur et un collaborateur de l’intelligence enfantine. Loin de donner à la fonction pédagogique, une éminente dignité… il la dénature et la rabaisse. En même temps, il en surévalue l’importance, en lui attribuant un rôle créateur. Certes son pédagogue n’est plus qu’un simple artisan mais, s’il connaît bien son métier, s’il sait bien la formule, il fabrique un être humain, et même, à force d’application, un dieu. Le morceau de bois sculpté par lui se met à parler, comme dans l’histoire de Pinocchio. À trois ans, il parle le grec et le latin. La pédagogie a fait ce miracle. Le pédagogisme vient de naître. Inconsistance de l’enfant à sa naissance, compétence technique parfaite du maître, si parfaite qu’il sait mentir à l’enfant, quand cela est nécessaire, tel est le dualisme érasmien. La doctrine est capitale. Toute la pédagogie moderne en portera la marque ». L’Émile de Jean-Jacques Rousseau est le second ouvrage exposé par Viguerie. Un personnage, appelé “gouverneur” éduque un garçon, appelé Émile, depuis sa naissance jusqu’au moment où, s’étant marié, à l’âge de vingt-quatre ans, il apprend qu’il va devenir père. Émile est un enfant irréel, qui n’a ni parents, ni frères et sœurs. La théorie est présentée sous la forme du roman, ou d’une œuvre théâtrale, de manière à être persuasive. En réalité, l’œuvre contient trois personnages : le gouverneur, maître d’Émile, et Rousseau qui est le maître du gouverneur. Rousseau reprend les principes d’Érasme, il doit “façonner”. Jusqu’à douze ans l’enfant n’a pas d’intelligence, est incapable de comprendre même les fables, fera surtout des exercices physiques et aura comme modèle les animaux. Jean de Viguerie explique : « On lui fait croire qu’il est libre. “Qu’il croie toujours être le maître, enseigne JeanJacques au gouverneur, et que ce soit vous qui le soyez. Il n’y a point d’assujettissement si parfait que celui qui garde l’apparence de la liberté ; on captive ainsi la volonté même”. Tout est dit. La volonté du gouverneur se substitue à celle de l’enfant, mais à l’insu de ce dernier qui croit toujours être libre. Ce stratagème appelé communément la “ruse du gouverneur”, garantit la docilité de l’enfant. “Pour le rendre docile, résume Rousseau, laissez-lui toute sa liberté”. Conçue pour la pédagogie, la recette est valable aussi pour la politique et la manipulation des peuples. L’Émile complète le Contrat social ». À douze ans, Émile saura faire beaucoup de sport, n’aura aucune connaissance intellectuelle : toute connaissance ne lui apporterait que des préjugés, le rendant moins docile. Il est entre les mains de l’édu- 47 cateur : cette éducation négative est aussi un moyen de domination. Lire et écrire ? Il apprendra les choses dont il ressent la nécessité. Point de religion : “Tout enfant qui croit en Dieu est nécessairement idolâtre”, proclame Rousseau. Après avoir appris un travail manuel de douze à quinze ans, de quinze à dix-huit ans, il peut commencer à lire les fables. À vingt-deux ans, le pédagogue lui fera rencontrer sa future épouse : Émile ne sait pas que tout a été combiné par son gouverneur, et croit à une rencontre fortuite. Après le mariage, Émile annonce au pédagogue la prochaine naissance d’un enfant, et Rousseau déclare désormais accomplie son œuvre d’éducation. Rousseau est disciple de la philosophie empirique de Locke, pour qui l’éducation a comme priorité de développer les sens, multiplier les sensations, et non le raisonnement. En outre, il ignore ce qu’est un enfant, croit qu’il n’est pas capable d’apprendre, qu’il n’a ni mémoire ni imagination, que les petites filles apprennent avec répugnance à lire et à écrire. « On peut être surpris, écrit Viguerie, que de nombreux pédagogues regardent comme un grand maître l’auteur de telles affirmations ». Mais ce qui fait le plus réfléchir, c’est la volonté destructrice de Rousseau. “Je hais les livres” dit-il et il ajoute que la lecture est le “fléau de l’enfance”. Rousseau condamne le savoir et, logiquement, condamne le livre qui le transmet. Le savoir égare, et le livre accentue l’égarement. La condamnation a aussi un caractère politique. Rousseau ne reconnaît pas la cité, et lui substitue l’artifice du contrat social. Il refuse l’héritage que la cité porte en elle, l’héritage transmis par la tradition et par les livres. Émile est seul sur la terre. Rousseau critique aussi les parents qui se pressent trop pour apprendre à parler à leurs enfants. Viguerie commente : « Je hais les livres, dit Rousseau, mais on peut se demander s’il ne hait pas aussi la nature humaine. Il veut fabriquer ce qu’il appelle un “homme naturel”, et qui est en fait séparé de sa nature de créature raisonnable, et agencé de telle manière qu’il adhère volontairement au pacte social. L’“homme naturel”, c’est Émile pendant son éducation. Il est défini par Rousseau comme “l’entier absolu”, bien qu’il soit totalement dépendant sans le savoir. Après son éducation il doit devenir l’“homme civil” en adhérant au pac- Philippe Meirieu te social. Il perd alors, nous dit son maître, son “existence absolue”, et, transportant son “moi dans l’unité commune”, n’a plus qu’une existence “relative”. Dans le premier état, il vivait assujetti au gouverneur et manipulé par lui ; dans le second, il est entièrement soumis à la volonté générale. “Les bonnes institutions sociales – écrit JeanJacques – sont celles qui savent le mieux dénaturer l’homme”. Mais la bonne éducation, selon l’Émile, dénature déjà l’enfant. Elle tend à tuer chez lui la raison spéculative et le goût naturel du savoir. Elle commence le travail de destruction ». Après avoir passé en revue les pédagogues du passé, Viguerie analyse les pédagogies dites de l’“éducation nouvelle”, datant de la fin du XIXème siècle et du XXème siècle. « Ils se réfèrent à Coménius, à Locke et surtout à Rousseau, considéré par eux comme le grand précurseur, comme le grand inventeur… Ses théoriciens prétendent innover… ils pensent avoir franchi une nouvelle étape et opéré une révolution nouvelle. Nous vivons “un moment, dit Piaget, où s’accomplit sans doute une des révolutions pédagogiques importantes de l’histoire”… Ils ne font que réduire encore la qualité de l’intelligence et de la vie mentale. Pour Piaget la vie mentale est le “produit de la combinaison entre deux facteurs essentiels : les facteurs biologiques et la vie sociale”. Pour tous ces pédagogues, l’intellect inné est une pure imagination de la vieille philosophie spéculative, mais Locke et Rousseau en jugeaient déjà ainsi. Nos nouveaux théoriciens sont seulement plus matérialistes et plus réductionnistes. Rousseau disait : l’enfant ne comprend pas les idées. Les nouveaux théoriciens affirment : l’être humain n’a pas de faculté en lui, tout est construction progressive… Bref il n’y a plus d’être pensant. Et si 48 nous pensons, c’est uniquement pour agir, c’est-à-dire pour assimiler biologiquement l’objet, comme si nous le digérions… On retrouve aussi chez nos pédagogues de la “nouvelle école” l’ambition de Descartes, de Coménius et de Marx de changer le monde. “Connaître, écrit par exemple Piaget, ne consiste pas à copier le réel, mais à agir sur lui et à le transformer”… L’innovation des théoriciens du XXème siècle… est la doctrine de l’“école active”, appelée aussi “progressive”. D’abord… l’enfant dans cette école n’est plus l’objet de l’éducation, mais son sujet. Cela veut dire que l’enfant est capable de s’éduquer lui-même avec l’aide de l’équipe des enseignants. Ensuite cette école n’a rien à voir avec l’école dite “traditionnelle”. C’est une école… sans silence, sans obéissance, sans autorité, sans respect, sans connaissances imposées du dehors. Nous savons aussi qu’il n’y aura pas de punitions et pas d’examens… Mais enfin, direz-vous, si c’est une école, on y enseignera bien quelque chose. Oui, sans doute, mais nos théoriciens ne s’étendent pas sur le sujet… On proscrira… le “culte de l’orthographe” et tout apprentissage systématique de la grammaire. “Il n’importe en rien qu’un élève sache si une proposition est principale ou non”… Mais l’œuvre de nos pédagogues ne reste pas cantonnée dans la théorie : elle applique ses principes à la vie scolaire ; elle introduit son école utopique dans la réalité, ou du moins s’y efforce… La nouvelle théorie de l’“école active” devient la règle de la pratique, et bouleverse l’enseignement. L’utopie impose sa loi. Cela depuis les années soixante du XXème siècle, et dans le monde entier. L a nouvelle révolution pédagogique est mondiale… Après la Seconde Guerre mondiale, les institutions internationales et les États sont progressivement gagnés à la religion de l’éducation nouvelle. Directeur du Bureau international de l’Unesco jusqu’en 1968, Jean Piaget joue alors un rôle capital… Les institutions internationales adhèrent à sa doctrine, et pressent les différents États de la faire appliquer. La Conférence internationale des ministres de l’éducation, le Conseil de l’Europe et l’OCDE exercent ainsi une influence décisive… À cet endroit de son ouvrage, Viguerie traite, à notre avis, avec trop de bien- veillance, la méthode de Maria Montessori, laquelle, bien que reconnaissant l’existence de l’intelligence et de l’âme chez l’enfant, soutient les principes de l’auto-éducation, de la bonté originelle de l’enfant, de la non transmission du savoir par l’enseignant, en plus de la neutralité religieuse. Elle mérite non seulement d’être comptée parmi les pédagogues utopistes, mais en plus elle a quelque chose de sulfureux : son système s’inspire des principes de la Société Théosophique, à laquelle elle adhéra en 1899, pour une éducation fondée sur la paix et la fraternité, de facture maçonnique. “L’enfant, écrivait-elle, est le père de l’homme, parce que chacun d’eux est en réalité le père de l’adulte qu’il sera ; le futur et le progrès de l’humanité ne dépendent plus de la transmission du savoir et des modèles comportementaux de l’adulte aux enfants, les enfants devenant les véritables protagonistes de l’évolution du progrès civil, les sujets qui de plein droit sont porteurs de leur projet d’auto-éducation et de renouveau social. Cette capacité créative est commune à tous les enfants de l’homme, n’importe où sur la terre, dans n’importe quelle condition sociale ou culturelle qu’ils se trouvent”. À notre avis, la méthode de Montessori n’est pas meilleure que les autres méthodes de la “nouvelle éducation”. Enfin, Viguerie étudie Philippe Meirieu, qui – au moins en France – est le théoricien contemporain « le plus connu et le plus influent de l’“éducation nouvelle” », auteur de nombreux ouvrages, dont plusieurs ont été traduits en italien. Ses principes fondamentaux sont les droits de l’homme et la laïcité ; le professeur doit distinguer les donnés (lire : science) et les croyances (lire : religion), il fera “l’essentielle distinction entre le donné qui s’impose à tous et ce qui relève des opinions de chacun”. Il veut redonner l’enthousiasme aux professeurs déçus. « Pour Meirieu l’école a une double finalité : transmettre les connaissances et former les citoyens. On ne peut séparer ces deux buts. “L’École allie indissociablement la transmission des connaissances et la formation des citoyens”. On ne peut envisager que des élèves échouent. L’École de l’“éducation nouvelle” est celle de “la réussite de tous”. Au lieu de parler de “transmission des connaissances”, il préfère l’expression “s’approprier un savoir”. Il faut que l’en- 49 fant “s’approprie au mieux les connaissances du programme”. « L’élève et le savoir sont étrangers l’un à l’autre. Le professeur exerce entre eux une “médiation”. Il permet au premier de s’emparer du second, et même de se l’associer. “Tout professeur travaille sur cette association difficile entre des objets de savoir et des sujets qui doivent se les approprier”… Meirieu propose à son jeune professeur deux moyens d’y parvenir. Le premier consiste à “susciter l’événement pédagogique” ; le second, à “former le projet pédagogique” ou “projet d’école” ». Comment susciter l’événement ? Meirieu ne l’explique pas. Il raconte ce qu’il fit autrefois à l’école pour faire comprendre le romantisme. Dans sa classe de seconde, il a distribué des “objets romantiques”, fragments de poèmes, reproductions de tableaux et de sculptures, partitions de musique ; mais il ne dit pas si cette distribution et la recherche qui s’ensuivit ont fait “advenir” le fameux “événement”. Le jeune professeur restera sur sa faim. « Il n’y a pas de méthode – commente Viguerie – À chaque professeur de trouver. Meirieu qualifie l’événement de “fabuleux”, d’“inimaginable”. Mais alors comment l’imaginer ? On dirait un tour de magie… La pédagogie fait tout. La connaissance intellectuelle n’existe pas… Il ne parle jamais de l’intelligence de l’enfant. La seule intelligence qu’il reconnaît est celle mise en œuvre par le professeur pour susciter l’événement pédagogique, pour le faire “advenir” ». En somme, l’intelligence du professeur n’est pas une vraie intelligence, elle est pour lui une sorte d’ingéniosité. L’événement pédagogique uni au projet pédagogique donneront la réussite pour tous. Meirieu dixit. Quel est ce projet ? C’est l’enseignement collectif fait à l’école. L’École doit initier à l’altérité. L’enfant n’est pas sociable naturellement, la famille est incapable de le rendre tel. L’École lui apprend à vivre avec les autres et à devenir un bon citoyen. « La pédagogie prend cet être faible et asocial – écrit Viguerie – cet être qui ne sait pas, qui ne retient pas, qui ne comprend pas, qui ne sait pas non plus entrer en contact avec les autres. Elle prend cet infirme, cet asocial et en fait un être complet, instruit et citoyen. Elle rend capable cet incapable. Il n’a plus peur du savoir, il n’a plus peur des autres. À la condition toutefois qu’il accepte d’entrer dans le jeu, et d’“apprendre ensemble”. S’il refuse, comment fera-t-on ?… Meirieu laisse le jeune professeur en décider, mais à son avis l’exclusion s’impose. Le jeune professeur ne pourra pas faire autrement… Vous aurez “le sentiment, dit Meirieu, qu’un tel travail requiert un effort collectif”, que “le fonctionnement du groupe est compromis” par ce rebelle, et que l’on ne peut accepter pour la bonne cohésion de l’ensemble “les égarements de quelquesuns”. Rousseau bannit de l’État celui qui ne veut pas croire à la “religion civile”. Meirieu bannit de l’École celui qui “refuse de prendre place dans le collectif”. La logique de Meirieu est celle du Contrat Social : se soumettre à la religion pédagogique ou disparaître. L’École “de la réussite pour tous” exclut ceux qui ne veulent pas “apprendre ensemble” ». Jean de Viguerie conclut que l’utopie pédagogique, même si elle est aujourd’hui en situation de force, est aussi en situation de faiblesse. « Les gouvernements et les institutions internationales s’efforcent de tout leur pouvoir de lui soumettre la réalité de l’éducation. Or les effets sont désastreux. Comme on reconnaît l’arbre à ses fruits, on reconnaît l’utopie pédagogique à ses effets calamiteux : la généralisation de l’ignorance et la paralysie des intelligences. Il y a là pour ceux qui veulent y remédier un avantage nouveau. Dès lors qu’on a reconnu le mal, on peut décider de l’éviter… L’exposition quasi quotidienne aujourd’hui du désastre scolaire français, n’empêche nullement l’Éducation Nationale de continuer de fabri- Jean de V iguerie 50 quer des ignorants. Si nous voulons favoriser le retour à une école non utopique, nous devons aller à la source du mal. Nous devons démasquer le mensonge des pédagogues, et montrer comment, sous des apparences séduisantes, avec des discours hypocrites, ils cachent la haine de l’être et le refus de la connaissance. Il existe aujourd’hui dans le monde des écoles soustraites à l’emprise de l’utopie. Ces écoles sont encore peu nombreuses, mais si la vérité est faite, elles se multiplieront. Nous voulons l’espérer ». Livre agréable à lire, plein d’humour, utile pour les familles, nécessaire pour quiconque a la responsabilité de l’ensei gnement. abbé G iuseppe M urro J EAN DE VIGUERIE Les Pédagogues. Essai historique sur l’utopie pédagogique Les Éditions du Cerf, Paris 2011, 158 pp. 14,00 €. Vie de l’Institut Chers lecteurs et amis, dans ce numéro de Sodalitium vous pourrez suivre la vie de notre Institut pour toute l’année 2012, du 1er janvier, donc, jusqu’au 31 décembre. Institut. Le 26 avril 2012, à Verrua, notre séminariste Charbel Madhi est entré dans l’Institut. Le lendemain s’est tenu le chapitre général. Le 18 décembre nous avons, comme toujours, fêté l’anniversaire de la fondation (1985). Maison Mère de Verrua. Quelques événements de l’année dernière : 27-29 février : déménagement de Modène du mobilier des époux Folchi Vici, donnés à notre Institut par nos bienfaiteurs défunts. 2-8 avril : pour la Semaine Sainte la maison accueille toujours beaucoup d’hôtes. Fin avril, encore de nombreux hôtes pour les vœux religieux et les ordinations. Fin juin, fin des travaux pour les chambres destinées aux retraitants et aux hôtes. En septembre, Exercices Spirituels pour la Maison, reprise des études et Ordination sacerdotale. Du 21 au 24 octobre, visite du Père Ricardo Isaguirre, qui avait déjà été à Rosario chez l’abbé Casas Silva ; il s’installe à demeure parmi nous, après avoir quitté la Fraternité Saint Pie-X, le 5 décembre. Né à Buenos Aires le 24 mai 1950, il a été ordonné le 3 décembre 1990 dans le diocèse de La Plata, où il a été curé, et aussi chancelier et administrateur diocésain. S’étant établi dans le diocèse de Barcelone, il s’est rapproché de la Fraternité Saint Pie-X, recevant à sa demande l’ordination sacerdotale sub conditione de Mgr de Gallarreta le 7 février 2009. Membre de la susdite Fraternité depuis le 8 décembre 2010, il a embrassé la thèse théologique du Père Guérard des Lauriers et demandé l’hospitalité à notre Institut, avec lequel il collabore donc depuis le mois de décembre : bienvenue, abbé Ricardo ! Pour finir en beauté, l’abbé Carandino a invité tous les prêtres et séminaristes de la Maison à un repas fraternel à base de bagna caoda au Sacro Monte de Crea. L’habituelle Neuvaine de Noël a clôturé l’année 2012. Ordinations et vœux perpétuels L’abbé Nathanaël Titus Tobia Maria Steenbergen a reçu – des mains de Mgr Stuyver – l’ordination diaconale le 28 avril 2012, et l’ordination sacerdotale le 29 septembre suivant. Le lendemain, il a célébré sa première messe solennelle à Turin, et ensuite les fidèles des autres localités ont pu aussi fêter le nouveau prêtre : à Rimini et Pescara le 14 octobre, à Dendermonde et Lille le 21 octobre ; à Rovereto le 4 et à Ferrare le 11, à Milan le 18 et à la Maison Saint-Joseph le 25 novembre ; à Paris le 2, à Rome le 16 et à Anvers le 30 décembre. O rdination au D iaconat (28/04/2012) 51 Né le huit septembre 1982 à Steenbergen dans le Brabant (Pays-Bas) de Clemens Steenbergen, professeur d’université, et de Joanna Elisabeth van Wissen, l’abbé Steenbergen a obtenu le diplôme d’ingénieur en biochimie en 2004. Entré au séminaire à Zaitzkofen la même année, il a ensuite rejoint notre Séminaire Saint-Pierre Martyr en 2006. Depuis 2007, il est membre de l’Institut. Actuellement, il poursuit ses études à Verrua, où il accomplit son ministère sacerdotal. À l’occasion de son ordination sacerdotale étaient présents S. E. Mgr Donald Sanborn, accompagné de l’abbé Joseph Selway, des États-Unis, le Père Joseph Mercier m.b. (Franche-Comté) et l’abbé Xavier Grossin (Bretagne), l’abbé Floriano Abrahamowicz (Vénétie), outre, naturellement, les prêtres de l’Institut. Grande fête pour Sœur Élisabeth de Jésus qui, le 30 avril 2012, a prononcé ses vœux perpétuels, pour être pour toujours au service de Notre-Seigneur dans la personne de ses prêtres. Le même jour, fête de sainte Catherine de Sienne, Sœur Gemma a renouvelé ses vœux pour trois ans. Sœur Élisabeth avait débuté son postulat le 29 septembre 2001 ; elle a reçu l’habit religieux et commencé son noviciat le 26 avril 2004, et émis ses premiers vœux le 26 avril 2006 : désormais elle est pour toujours consacrée au Seigneur. Le 1er septembre sa sœur, Mademoiselle Jeanne Langlet, a commencé son postulat à la Maison MarieAuxiliatrice de Verrua Savoia. Mgr Stuyver En plus de son habituel ministère en Belgique, Hollande et France, et de la direction de l’école de Dendermonde, S. E. Mgr Stuyver est venu, comme déjà dit, à Verrua Savoia en avril et en septembre pour les ordinations, les vœux religieux et les confirmations, administrées le 28 avril. Le 18 mars, il a administré des confirmations à la Maison Saint-Joseph, à l’école tenue à Serre-Nerpol par les religieuses du Christ-Roi, fondées par le Père Vinson. Il a aussi accepté volontiers l’invitation de plusieurs prêtres ; en mai, en administrant la confirmation à Karlsruhe, en Allemagne, à la demande de l’abbé James Baird ; en juillet, en administrant la confirmation en Pologne, à Cracovie, à la demande de l’abbé Rafael Tritek (cf. la revue Katolik, n° 4, Vœux perpétuels de Sœur É lisabeth de Jésus, première Sœur de l’Institut le 30/04/2012 2012) ; en août, en participant au traditionnel pèlerinage du Tro Breizh organisé en Bretagne par l’abbé Grossin, où il a adressé la parole aux pèlerins. Après avoir fait ses Exercices Spirituels à Raveau, Mgr Stuyver a administré la confirmation le 11 août. Enfin, bien que dans un moment de grande épreuve du fait de la maladie de sa mère, il n’a pas annulé le voyage annoncé en Argentine, décidé à l’invitation de l’abbé Sergio Casas Silva. Accompagné de l’abbé Carandino, Mgr Stuyver a été accueilli par l’abbé Casas Silva à l’aéroport de Buenos Aires et, avant d’arriver à Rosario, il a vénéré la patronne de la nation argentine, la Vierge de Luján. À la Maison San Josè de Rosario, résidence de l’abbé Sergio, Monseigneur et l’abbé Carandino ont été chaleureusement accueillis par les fidèles. Le dimanche 21 octobre, à la chapelle dédiée à Notre-Dame du Bon Conseil, Mgr Stuyver a conféré la confirmation à sept fidèles et administré le baptême à trois adolescents. Après la cérémonie, l’abbé Sergio a organisé un repas en l’honneur de l’évêque, qui a réuni le clergé et les fidèles dans une ambiance familiale et sympathique. Après le 52 Ordination sacerdotale à Verrua Savoia (29/09/2012) T u es sacerdos in æternum 53 gâteau, des parchemins portant la signature de tous les fidèles ont été offerts aux deux hôtes. C’est en saluant cordialement le cher don Sergio et la belle communauté de Rosario que, le 24 octobre, Mgr Stuyver et l’abbé Carandino ont regagné l’Europe. Activités estivales 2012 À Verrua, les Sœurs de l’Institut ont accueilli du 14 au 20 juillet une trentaine de fillettes françaises et italiennes pour passer une belle semaine de vacances au camp “Bienheureuse Imelda”, selon la méthode de la Croisade Eucharistique, avec le double but de se divertir sans danger et de renforcer sa vie spirituelle. Pour égayer la semaine, de nombreuses activités ont eu lieu : la balade en montagne pour admirer la cascade de Champoluc, dans le Val d’Aoste, les promenades en canot sur le lac, les jeux dans le fleuve, le grand jeu comme aux temps des premiers chrétiens et un pèlerinage à la maison natale de saint Dominique Savio. Le camp des Sœurs du Christ-Roi, s’est tenu du 9 au 27 juillet à Chantelouve, dans le Dauphiné. Les journées, partagées entre promenades, jeux, activités champêtres, pèlerinage à La Salette et formation spirituelle, ont passé rapidement, laissant une grande joie dans l’âme des participantes. Presque en même temps, avait lieu le camp de la Croisade Eucharistique au château de Mouchy, à Raveau, du 9 au 23 juillet, qui a réuni des garçonnets français, italiens et, cette année, deux espagnols. Malgré le mauvais temps, n’ont pas manqué jeux en plein air et excursions, comme celle faite pour la première fois au sancMgr Stuyver a administré les C onfirmations en A rgentine tuaire de Notre-Dame du Sacré-Cœur à Issoudun. Une visite qui nous a rappelé les trésors de grâces par lesquels Notre-Dame du Sacré-Cœur a inondé en ce lieu les âmes des fidèles, comme en témoignent les nombreux ex-voto. Après le camp des plus petits, suit celui pour les adolescents (de 14 à 21 ans, tant italiens que français), qui s’est tenu du 1er au 12 août dans le sud du Dauphiné, à 1200 mètres, au village de Moulin-Vieux. Les garçons dormaient sous tente, mais pouvaient compter sur des voisins du pays pour refuge, cuisine et infirmerie. Chaque jour, Sainte Messe, excursions en montagne (jusqu’à 3000 m.), jeux, instructions, visites et pèlerinages (par ex. à La Salette). Pour cet été 2013 (29 juillet-9 août), on recherche des jeunes disposés à aider les “vieux” (qui vieillissent) pour l’encadrement et les excursions. Belgique : également au cours de l’été 2012, Frère Christ a organisé, aidé de l’abbé Steenbergen, le camp St-Joseph, pour initier les jeunes gens à l’art de l’ébénisterie. Croisade Eucharistique. L’apostolat pour les fillettes, proches et éloignées, se poursuit avec l’espoir qu’elles persévèrent toutes et demeurent de ferventes chrétiennes. Dans ce but, existent les catéchismes hebdomadaires à Verrua et à Turin, les sorties mensuelles qui réunissent un beau petit groupe de fillettes dans la maison de Verrua pour passer une fin de semaine ou quelques jours de vacances, les petites conférences spirituelles et de nombreux jeux pour rester toujours joyeuses. Inoubliables les courses en luge sur les collines couvertes de neige, le patinage sur glace, le petit spectacle de Noël pour les fidèles turinois, et la vente de biscuits confectionnés par les fillettes au profit de la Croisade Eucharistique. Sans oublier la journée passée à Milan avec la visite du Duomo , le concours annuel de cuisine en équipes... qui pourra oublier ces beaux moments passés ensemble ? Si les Sœurs suivent fillettes et jeunes filles, les séminaristes s’occupent chaque semaine des garçons. Rappelons les dates de quelques séjours plus prolongés à Verrua : du 17 au 20 février (garçons et filles), du 24 au 25 mars, puis durant la Semaine Sainte, le 15 juin visite au Grand Paradis, le 54 A ctivités de la C roisade E ucharistique et camp pour les fillettes et jeunes filles 22 juin petite retraite pour une première communion. Et encore, après l’été : camp sur le Cervin les 3 et 4 septembre, retraite du 31 octobre au 4 novembre avec excursion au San Carlone de Arona et visite des Îles du Lac Majeur ; récollection du 7 au 9 décembre avec procession en l’honneur de l’Immaculée (garçons et filles) ; du 21 au 25 décembre : retraite de préparation à Noël avec visite au Sacro Monte de Belmonte. Exercices Spirituels 15 personnes à la session d’hiver à Verrua (du 2 au 7 janvier 2012). 8 personnes du 13 au 18 février à Serre-Nerpol. 6 personnes du 16 au 21 avril à Serre-Nerpol. 6 personnes du 2 au 7 juillet à Serre-Nerpol. 9 personnes du 30 juillet au 4 août à Raveau. 13 personnes du 6 au 12 août, à Raveau. 5 personnes du 16 au 21 août à Serre-Nerpol. 5 personnes du 20 au 25 août à Verrua. 16 personnes du 27 août au 1er septembre à Verrua. Du 12 au 17 novembre, Exercices à la Casa San Giuseppe de Moncestino pour les élèves de la Maison Saint-Joseph de Serre-Nerpol. Du 26 au 31 décembre, dernière session de l’année à Serre-Nerpol, pour un total donc de 11 sessions en un an pour les fidèles. À ces sessions d’Exercices, il faut ajouter celles données aux religieuses et aux ecclésiastiques : les Exercices à nos Sœurs à partir du 22 avril pour préparer les vœux ; ceux du 5 au 13 septembre à Serre-Nerpol, tant pour les religieuses du Christ-Roi, que pour celles de l’Institut ; les Exercices pour les prêtres et les séminaristes à Verrua du 17 au 22 septembre. En plus des Exercices de cinq ou de plusieurs jours, en Belgique sont donnés des Exercices de trois jours (en juillet). Exercices de trois jours également (du 19 au 21 juillet) pour les adolescents à la Maison Saint-Joseph (six participants). Toujours à la Maison Saint-Joseph, une récollection a préparé, à l’occasion de la Fête-Dieu, les enfants qui devaient faire la “communion solennelle”. Une journée de retraite pour la persévérance a eu lieu à Serre-Nerpol le 4 mars et à Raveau le 1er novembre. De nombreux présents étaient venus, même de loin, pour profiter de cette journée spirituelle. Autre journée de retraite, le 1er décembre 2012, à la chapelle de Rimini, pour le temps de l’Avent. Activités de différents pays Argentine. Rencontres avec les fidèles : toutes les semaines, cours de formation catholique pour les adultes (catéchèse, philosophie, théologie, doctrine sociale) et catéchisme pour les enfants, salut du Saint-Sacrement chaque vendredi ; tous les mois, cérémonies solennelles pour le premier samedi et le premier vendredi. L’abbé Casas V isite à L a Salette avec le camp des adolescents 55 C amp en Belgique : photo de groupe C amp des filles dans le D auphiné : promenade au pied des glaciers Silva enseigne aussi dans plusieurs écoles publiques de Rosario, et célèbre occasionnellement la Sainte Messe à Buenos Aires. France. Savoie. Invités par l’Association Saint Pie V, propriétaire de la chapelle dédiée au saint Curé d’Ars à Chambéry, les prêtres de l’Institut, depuis février 2012, s’y rendent de temps en temps pour y célébrer la Messe pour le groupe de fidèles restés liés à la Messe traditionnelle et à l’intégrité de la Foi. Le 25/02/2012, Sainte Messe pour le groupe Savoie-Libre à Chambéry. Lyon. Grâce à l’effort des fidèles, la chapelle de Lyon s’embellit toujours davantage. Après la réunion habituelle du 6 janvier, le 3 mars a eu lieu la bénédiction du Chemin de Croix, offert par un donateur et restauré par les Sœurs du ChristRoi. Un fidèle a également offert et fait luimême la dorure de la porte de la table de communion, d’autres ont donné deux lustres. La salle du dessous a été remise en état grâce à la bonne volonté des fidèles, de sorte qu’elle a pu être bénie en la dédiant à sainte Blandine : tout ceci a eu lieu le 16 juin, après que les fidèles se soient rendus en pèlerinage à la Basilique de N.-D. d’Ainay pour prier à la crypte de sainte Blandine. Maison Saint-Joseph (Dauphiné). Fin septembre a recommencé l’année scolaire, avec une nouveauté : l’inauguration, sur le versant opposé de la colline où se trouve l’école des filles, d’une école semblable pour garçons dédiée à Notre-Dame-Marie. Le huit décembre, fête de l’Immaculée Conception, deux messes ont été célébrées, une pour les fidèles et une pour l’école ; en- C amp de Raveau : les enfants dans la forêt suite, les locaux ont été bénis solennellement, en présence du maire, des ouvriers et artisans qui ont terminé les travaux, des religieuses, des élèves et des fidèles, ainsi que des généreux bienfaiteurs. Les festivités se sont poursuivies l’après-midi. L’ouverture d’une nouvelle école catholique constitue une grande grâce en vue du salut des âmes. Raveau. Après les Exercices Spirituels, un groupe d’amis s’est retrouvé à Raveau, guidés par Monsieur Langlet et Frère Christ, pour refaire le toit d’un bâtiment. Cela a été un travail énorme qui s’est réalisé en peu de temps grâce au dévouement des présents, qui se sont relayés durant trois semaines. Le bâtiment est maintenant à l’abri de la pluie. Cela a été une surprise, en refaisant les canalisations, de trouver dans la cour un ancien pavage, fait dans les règles de l’art, permettant l’écoulement des eaux. Un grand merci à tous les volontaires : que Dieu les récompense au centuple. En plus des récollections de persévérance pour la Toussaint, signalons que depuis Noël 2011, et pour tous les mois de 2012, nous avons pu célébrer la messe une fois par mois à Raveau, en général l’aprèsmidi après la messe à Paris. Voyages apostoliques dans l’Ouest… Comme chaque année, un prêtre s’est rendu dans l’Ouest de la France en septembre 2012, pour continuer dans le sud-ouest (Narbonne, Bordeaux) jusqu’à Pampelune en Espagne, et de là jusqu’au nord de la Bretagne pour visiter fidèles ou amis de l’Institut. Paris. Au cours de l’année 2012, l’apostolat s’est développé à Paris et dans toute 56 Première procession de la Fête- D ieu à Paris (juin 2012) l’Île de France, en intensifiant tant les célébrations dominicales, que celles des jours fériés. Cela, en dépit des difficultés, à partir de l’automne 2012, dues à une nouvelle organisation interne décidée par les propriétaires de la salle de la Rue Bleue, à qui nous louions depuis presque sept ans. Un tournant important, donc, pour notre apostolat à Paris, qui nous a contraints à célébrer plusieurs messes les jours fériés dans notre oratoire de la rue Deck et à renoncer aux confirmations et au congrès annuel. Allant au-delà des limites temporelles que nous nous sommes fixées dans cette rubrique, nous pouvons anticiper que, au moment où nous écrivons (mars 2013), nous avons trouvé une nouvelle salle pour les célébrations pour les jours fériés (Paris Xème). De 2012 rappelons en particulier la première procession des Rameaux et pareillement la première procession pour la Fête-Dieu dans les rues du XVème arrondissement. Italie. Piémont. Messe à Cuneo, le 12 mai, pour les morts de la RSI. Messe à Turin le 1er juillet pour les partisans des Bourbons de Naples se rendant au Fort de Fenestrelle en commémoration des soldats qui y furent emprisonnés. Lombardie. Il est question de l’heure sainte de Réparation contre le spectacle de R. Castellucci, dans le paragraphe approprié. Le 26 février a été bénite une statue de Notre-Dame de Lourdes à Ispra (Varèse). À Milan, nous cherchons pour l’oratoire SaintAmbroise, un nouveau local qui soit plus vaste et permette aussi de loger le prêtre ; une souscription a été ouverte pour recueillir des fonds (pour information : info@sodalitium.it). À Milan et dans le Trentin, l’abbé Giugni assure les catéchismes pour les enfants qui se préparent à recevoir les sacrements de la Communion et de la Confirmation, et à Trente, une fois par mois, un cours de doctrine pour les adultes. Émilie. Dans la région émilienne, frappée en mai 2012 par un impressionnant tremblement de terre qui n’a toutefois pas causé de dégâts à notre lieu de culte, nous avons été fidèles aux rendez-vous traditionnels : le Chemin de Croix de Carême à Bologne le 24 mars, le pèlerinage au sanctuaire de Bocca di Rio le 16 août, et la récitation du Rosaire à San Luca, Bologne, le 27 octobre. Le 26 août a été célébrée pour la dernière fois la Sainte Messe à Maranello, où depuis Noël 1985 nous étions accueillis par la famille Senni Buratti. Le dimanche suivant, 2 septembre, nous avons inauguré avec la première Sainte Messe l’oratoire saint Pie V, à Modène, Via Savona. L’achat a été rendu possible par les petites et grandes offrandes de nombreux bienfaiteurs, particulièrement par le legs testamentaire des époux Francesco et Isabella Folchi Vici. Plusieurs amis nous ont aidés dans l’aménagement de la nouvelle chapelle, pour les déménagements, pour les démarches juridiques, etc. : à tous, notre reconnaissance et notre prière. Romagne, Abruzzes, Pouilles. De la Casa S. Pio X, l’abbé Carandino signale les activités suivantes : 19 mars, Messe de saint Joseph dans l’église delle Monicelle à Modugno (BA) suivie d’une procession avec une image du Saint à laquelle ont participé plusieurs personnes du quartier. Le 24 mars, l’abbé Carandino a béni et inauguré la petite église de la T. S. Trinité nel Borgo Case Troiano, à Spoltore (PE), propriété de Luciano Troiano. Le 5 mai à Cesenatico (FC), bénédiction des motos des membres du “Rockers Klan”. Le 10 juin, Messe dans l’ancienne église paroissiale de Paderno (FC) pour les défunts de l’Ass. Familiari Caduti et Dispersi della Rsi . Le 22 novembre : bénédiction de la Fattoria Sociale de Giovinazzo (Bari). Anniversaires Dixième anniversaire du sacre de Mgr Stuyver, consacré à Verrua par Mgr McKenna le 16 janvier 2002. Merci, Monseigneur, de n’avoir pas “refusé le travail” et le poids de l’épiscopat. 57 28 janvier : dixième anniversaire du Centro Studi don Davide Albertario, de Milan. 15 août : 30 ans de fondation du Prieuré N.-D. de Bethléem de Faverney par le Père Verrier. Tous nos vœux au Père Mercier. Mai : les fidèles de Rosario (et les confrères, de loin) ont fêté les 50 ans de l’abbé Sergio Casas Silva. Le 23 juin, à Serre-Nerpol, a été célébrée la Messe pour l’anniversaire de la mort du R. P. Vinson. Le 14 septembre, à Modugno, Messe pour l’anniversaire de la mort de Pino Tosca. Le 10 octobre, dixième anniversaire de la mort du Père Noël Barbara. Conférences À Rome, pour les “Samedis de saint Grégoire VII”, a débuté un cycle de conférences de l’abbé Carandino sur le magistère de saint Pie X : le 14/1/2012 : “La vie de saint Pie X ” ; le 18 février : “Les encycliques E supremi apostolatus et Il fermo proposito” ; le 17 mars, les documents relatifs au modernisme (Lamentabili, Pascendi et Sacrorum antistitum) ; le 15 avril, sur la crise avec l’état français (Vehementer nos et Gravissimun apostolici muneris ) ; le 16 juin : “Editæ sæpi Dei”, sur l’œuvre apostolique et doctrinale de saint Charles Borromée ; le 17 novembre : “Acerbo nimis”, sur l’enseignement de la doctrine chrétienne ; le 15 décembre : “Ad Diem Illum Lætissimum” . Les mêmes conférences ont été données à la chapelle de Pescara. À Asti, le 29 février, intervention de l’abbé Carandino lors de la présentation du livre “Don Enrico Carandino” dans la grande salle de la maison mère des Oblats de saint Joseph (annonce sur La Stampa du 29 février, article sur la Gazzetta d’Asti du 8 mars et un ample article sur la revue Joseph, janvier/février 2012). À Pescara le 23 novembre, à la librairie Libernauta ont eu lieu deux présentations de livres organisées par Amicizia Cristiana avec intervention de l’abbé Carandino et de Marco Solfanelli : le 23-11, Messico Martire, du père L. Ziliani, et le 25-11, Cristianesimo e Giudaismo, de Mgr F. Spadafora. Centro Studi Giuseppe Federici. Activités du CSGF à Rimini : le 10/03/2012, conférence du Dr Andrea Giacobazzi : “Totalitarismes et racismes : alliances tues et vérités gênantes”, sur les rapports existants entre les organisations sionistes et les gouvernements d’Allemagne et d’Italie. Journée de Modène. Le 13 octobre, plus de 120 personnes ont participé à la journée pour la royauté du Christ, à Fossalta de Modène. Le séminaire d’études a été dédié au triste anniversaire de Vatican II, avec pour titre : “Nous voulons Dieu ! 1962–2012 : le Concile contre la foi, les catholiques contre le Concile”. L’abbé Ricossa a traité le sujet avec sa clarté habituelle au cours de trois interventions. Après l’aspect doctrinal et historique (“Vatican II : l’antiPascendi” et “Le cœur du problème : le modernisme agnostique”), a eu lieu l’habituelle conclusion relative à l’actualité (“La profession de la foi 50 ans après le Concile”). Les associations présentes ont préparé comme toujours une belle exposition de livres et autre matériel. Centro Studi Davide Albertario. Le 17 mars 2012, à Milan, le Centro Studi Davide Albertario s’est occupé de la présentation des livres de Andrea Giacobazzi : “L’Asse Roma-Berlino-Tel Aviv” et “Il fez e la kippah” au cours d’une conférence publique intitulée Nazisme, sionisme et autres totalitarismes : alliances tues et vérités gênantes . Les jours précédant la conférence, s’était déchaînée sur internet une campagne de presse, de la part d’associations juives diverses et variées, contre l’intervenant et les organisateurs. Quelqu’un en est même venu à menacer l’hôtel qui nous recevait... tout ceci en confirmation du fait que certaines personnes sont peu “démocrates” et n’acceptent pas le débat même quand il est prouvé par des documents de valeur historique irréfutables. En 2012, avaient lieu les dix ans de la fondation du Centro studi. Pour commémorer cet événement, une “Journée Albertarienne” a été organisée à Filighera (PV), pays natal de don Davide. Le 9 juin, une trentaine d’amis, fidèles sympathisants du CSDA, se sont retrouvés au cimetière de Filighera, où, après avoir déposé une couronne de fleurs et avoir prié ensemble, vers 11 h, l’abbé Giugni a célébré la Messe de Requiem dans la chapelle se trouvant précisément au-dessus du tombeau de l’abbé Albertario. Après la Messe, visite de l’église paroissiale, du patronage et (de dehors) de la maison natale de la famille Albertario (qui malheureusement est 58 pratiquement en ruine). La journée s’est poursuivie, suivant le programme, à Belgioioso à la Locanda della Pesa, pour un repas convivial très apprécié, qui a permis à tous d’apprécier la bonne cuisine pavesane. Après le déjeuner, don Ugolino a retracé les traits saillants de la vie de l’abbé Albertario. Au cours de l’après-midi, on a pu vénérer la dépouille de saint Augustin dans la basilique de S. Pietro in Ciel d’oro à Pavie. En souvenir des 10 ans du C.S.D.A., un bel album de photos a été publié rappelant les activités passées. Le 17 novembre, s’est tenu le XIème Congrès des Études Albertariennes, qui avait pour thème : “PERICULIS IN FALSIS FRATRIBUS” (II Cor. XI, 26) : ceux qui, cinquante ans après, veulent rendre orthodoxe le Concile Vatican II... Deux interventions de l’abbé Ricossa, le première s’intitulait : Critique de “L’herméneutique de la continuité” de Benoît XVI, et du “Concile à la lumière de la tradition…” des lefebvristes. La seconde était articulée comme une interview avec une série de questions et expliquait, en dix points, pourquoi Vatican II est inacceptable. Les raisons de la bataille des catholiques contre le Concile. Signalons enfin les interviews de l’abbé Ricossa sur RPL pour le programme “che aria tira ?” [Quel temps fait-il ?, n.d.r.] par Roberto Ortelli les jours précédant le congrès. Contre Castellucci Après la France, le spectacle blasphématoire de Romeo Castellucci “Sul concetto di volto nel figlio di Dio” [“Sur le concept du visage du fils de Dieu”] a été mis en scène à partir du 28 janvier 2012, dans le théâtre milanais Parenti. Le même jour, l’Institut a organisé une Heure Sainte réparatrice à l’Oratoire Saint-Ambroise de Milan, et à l’Oratoire Saint Grégoire-le-Grand de Rimini. Ont adhéré à cette initiative la revue Sodalitium, les Centri Studi Albertario (Milan) et Federici (Rimini), l’Associazione La Torre (de Volano, Trente), l’Ass. Amicizia Cristiana (Chieti), les associations Centro Tradizione e Comunità et Azione e Tradizione Due Sicilie de Modugno, l’Associazione Il Sentiero (Potenza). Les fidèles de Modène et de Ferrare ont récité le saint Rosaire en réparation (28-29 janvier) et fait célébrer des Messes. Les neo-modernistes se sont distingués par leur silence quasi géné- ral, de toute façon préférable aux scandaleuses défenses du blasphème dans les articles de Antonio Socci et Andrea Tornielli : dans ce cas, mieux vaut se taire. Mais l’Institut n’a pas voulu se confondre avec d’autres initiatives ; il a tenu compte du scandale suscité en France par le caractère œcuménique, interreligieux ou laïc des manifestations soutenues par la Fraternité Saint PieX et par Civitas. L’initiative de l’abbé Floriano, signalée par le CS Federici, n’était certainement pas de ce genre. L’Institut et la presse Le tristement célèbre (abbé) Gianni Gennari doit nous avoir pris en sympathie, puisque sur Vatican Insider (lié au quotidien turinois La Stampa ), il cite encore l’abbé Ricossa “un prêtre personellement suspens a divinis”, qui soutiendrait – rien de moins – que le Siège est vacant depuis la mort de Pie XII (c’est une invention de l’abbé Gennari). Qui sait si la “sympathie” ne provient pas du fait que (l’abbé) Gennari est, lui oui, “personellement” réduit à l’état laïc (cf. Vatican Insider, Vaticano II : traditore o tradito ? No, è ancora davanti a noi) [Vatican II : traître ou trahi ? Non, il est encore devant nous, n.d.r.]. Le couple Palmaro&Gnocchi nous a aussi pris en sympathie. Dans leur “Ci salveranno le vecchie zie Una certa idea della Tradizione” [Les vieilles tantes nous sauveront Une certaine idée de la Tradition, n.d.r.], publié en 2012, dans une collection Templare éditée par le couple susnommé, pour les éditions Fede e cultura de l’“Ami d’Israël”, le Dr Zenone, on parle de la thèse du Père Guérard des Lauriers (pp. 14-17). Gnocchi &Palmaro déplorent les divisions entre les traditionalistes, et pour apporter leur contribution à l’union, ils nous décrivent ainsi : nous serions à l’opposé de la Tradition qui est santé spirituelle et mentale, et donc des fondamentalistes, obtus, orgueilleux, totalement privés de charité, satisfaits de notre pureté et de l’impureté des autres, des cléricaux (dégénérés), incapables de pardonner, capables seulement de condamner, incapables de parler au prochain, aphasiques, à la limite de l’autisme (“L’autisme est le pire des handicaps, parce que bien que s’accompagnant d’un aspect physique normal, c’est un handicap grave qui implique plusieurs fonctions cérébrales 59 et perdure toute la vie … L ’autisme est considéré par la communauté scientifique internationale comme un trouble envahissant du développement… En outre, les personnes autistes peuvent présenter des problèmes de comportement… L’autisme est parfois associé à des troubles neurologiques aspécifiques, comme l’épilepsie, ou spécifiques, comme la sclérose tubéreuse, le syndrome de Rett ou le syndrome de Down” cf. autismoonline.it). Nous ne pouvons pas ne pas noter la main tendue et amicale de Gnocchi&Palmaro (le malade d’autisme a quand-même toujours “un aspect physique normal”, parbleu !) et nous reconnaissons être aphasiques : nous ne savons vraiment que répondre à une critique aussi profonde et argumentée de la thèse du Père Guérard des Lauriers (que nos deux “vieilles tantes” se limitent aux observations ci-dessus). Mais qu’y-a-t-il à répondre ? 2013, en effet, a vu l’élection d’un “vieil oncle” d’Amérique qui sauvera certainement la Tradition, si chère à Gnocchi&Palmaro. Il nous avait échappé que Ida Magli, célèbre écrivain, a dédié quelques pages (pp. 83-98) de son livre La dittatura europea (BUR 2010) [La dictature européenne, n.d.r.] à la revue Sodalitium ; on peut partager plusieurs thèses de Magli, mais pas toutes, puisqu’il lui manque la lumière de la Foi. L’article de Moreno Neri, Guanti bianchi per Ipazia [Des gants blancs pour Hypatie, n.d.r.], publié sur la revue du Grand Orient Hiram, nous a échappé (il est du 8 mars 2011) : on y lit une critique de l’article de Sodalitium sur la “martyre de la libre pensée”. Les critiques du Grand Orient font toujours plaisir. Pèlerinage à T rèves (avril 2012) Nous avons déjà parlé de “l’affaire Giacobazzi”, soulevée par la communauté juive de Milan et par une photo de Repubblica (6 mars) ; plusieurs sites en ont parlé, parmi lesquels Fascinazione du 6 mars 2012. L’hebdomadaire français Rivarol (n° 3050, 8 juin 2012, p. 8) a publié notre commentaire ( Un édifice construit sur le sable…) sur la crise interne à la Fraternité Saint Pie-X, révélée par l’échange de correspondance entre les évêques sacrés par Mgr Lefebvre. En plus de Rivarol, reprennent fréquemment les communiqués de l’Institut et du CS Federici, entre autres, les sites Agere contra, Catholique sédévacantiste, Nouvelles de la Tradition. Les prêtres de l’Institut sont souvent invités à l’émission de radio Che aria tira de Roberto Ortelli, sur RPL ; par exemple, le 9 octobre (anniversaire de la mort de Pie XII), le 11 octobre (50ème anniversaire de Vatican II), le 31 octobre (Toussaint)… Les sermons au cours de la célébration de la Messe à Ferrare sont à nouveau en ligne, non plus sur le site Cattolicesimo, mais sur le site www.crisidellachiesa.com (ni l’un ni l’autre ne sont de l’IMBC). Pèlerinages Les 29 et 30 avril, une cinquantaine de fidèles venant de Paris se sont rendus en pèlerinage à la Sainte Tunique vénérée à Trèves, en Allemagne, visitant aussi la Porte Noire, les principales églises de la ville et les reliques de saint Matthias. Le 8 mai, a eu lieu le pèlerinage à N.-D. de l’Osier. La conférence de la veille traitait de l’opposition entre la doctrine catholique sur le salut des hérétiques, confirmée par le miracle de l’Osier, qui porta à la conversion des protestants du lieu, et la nouvelle doctrine sur la liberté religieuse enseignée par le Concile Vatican II en discontinuité par rapport au Magistère bimillénaire de l’Église. Le 27 mai, dimanche de Pentecôte, s’est déroulé le pèlerinage annuel à St-Joseph de Cotignac (dans le sud de la France) où se trouvent deux sanctuaires proches puisque deux apparitions s’y sont produites, l’une de saint Joseph au XVIème s., l’autre de Notre-Dame au XVIIème s. Une soixantaine de fidèles étaient présents. De Osimo à Lorette – Les soixante pionniers qui participèrent à la première édition 60 en 2004 ne pouvaient imaginer l’essor du pèlerinage, qui même en 2012 (19 et 20 mai) a dépassé les cent-cinquante pèlerins. Ce sont des chiffres certainement insignifiants par rapport à d’autres pèlerinages à Lorette, qui se vantent de milliers de personnes, mais pour notre petit Institut, c’est un très beau résultat. Le pèlerinage a débuté, comme d’habitude, le samedi après-midi à Osimo par les prières devant la châsse contenant le corps de saint Joseph de Copertino et s’est terminé dans l’après-midi du dimanche à Lorette, après 22 km parcourus à pied, avec la vénération de la Santa Casa dans la basilique de Lorette. Les prêtres présents ont entendu beaucoup de confessions, tandis que les séminaristes et les sœurs, avec le groupe des enfants de la “Croisade Eucharistique”, ont assuré la récitation des chapelets du Rosaire et les chants. Le temps n’a pas posé problème, réservant quelques gouttes d’eau seulement à la fin du pèlerinage ; en compensation, les grâces ont été copieuses. En attendant, la dixième édition (11 et 12 mai 2013) est déjà aux portes. Dans les Abruzzes se sont déroulés deux pèlerinages organisés par la chapelle de Pescara : le 25 février, à la Scala Santa di Campli (TE) et le 15 septembre au Volto Santo [Sainte Face, n.d.r.] de Manoppello (neuvième édition). Le 29 juin, les fidèles romains se sont rendus en pèlerinage dans la Basilique de Saint-Pierre au Vatican, sur les tombes de saint Pierre, de saint Grégoire-le-Grand et de saint Pie X. Du 7 au 9 septembre, environ 130 fidèles de France et d’Italie sont retournés, quatre ans après, à Lourdes. Le 6 octobre, pour le mois du Rosaire, pèlerinage au Sacro Monte de Crea (AL) pour les fidèles piémontais et lombards. Le 8 décembre, comme chaque année, les fidèles parisiens se sont rendus à Montmartre pour la procession aux flambeaux précédée de la Sainte Messe et suivie d’un dîner convivial. Premières communions 19 mars, Lucie Miche, à Serre-Nerpol. 10 juin, Marie-Philomène Fritz, à SerreNerpol. 17 juin, à Milan, Chiara Splendore. 17 juin, Anaïs Seillier à Serre-Nerpol. 12 juin, Pierre Toulet, au Rouret (Cannes). Pèlerinages : au-dessus : O simo- L orette au-dessous : N.- D . de l’ O sier. 23 juin, à Verrua, Asia Veronica Di Pierro. 24 juin, Coralie Seillier, à Serre-Nerpol. 20 juillet, Marie Métivier, à Verrua. 4 novembre, à Rovereto, Marco Valerio De Fanti. En décembre, à Rosario, Javier et Pamela Vargas Barreto. Mariages 11 septembre 2011, à Paderno (FC), Alberto Fabbretti et Maria Rosa Mancini. 9 avril 2012, à Pescara, Alessandro Caporale et Sonia Michela Sula Valbona. 2 juin, à Arezzo, Giuseppe Rubechi et Valentina Prestigiacomo. 21 juillet, à Paderno (FC), Nicola Gori et Romina Giampreti. 1er septembre, à Dendermonde, Geert et Chantal Van Overbeke. 61 Régénérés dans les eaux baptismales Baptêmes 2012 21 janvier, Cecilia Benedetta Chasseur, à Aoste. 28 janvier, Cyprien Collot, à Paris. 11 février, Nina Bertaglia, à Modène. 18 février, Francesco Pulitelli à Rome. 25 février, Delphine Pons, à Lyon. 10 mars, Dominique Van Overbeke, à Sigloy. 8 avril, Camilla Prisca De Fanti, à Rovereto. 8 avril, Sonia Michela Sula Valbona, à Pescara (rite des adultes). 9 avril, Raphaël Vigand, à Paris. 22 mai, Antoine Jorland, à Lyon. 27 mai, Christopher Cavezza, à Ferrare. 16 juin, Noam Ignace Vallois, à Paris. 17 juin, Anaïs et Coralie Seillier, à SerreNerpol. 23 juin, Alessandro et Stefano Di Pierro, à Verrua. 24 juin, à Dendermonde, Thomas Dumortier. 30 juin, Atanasia Maria Fabbretti, à Paderno. 30 juin, Pauline Brochard, à Paris. 21 juillet, Angelica Baldacci, à Turin. 19 août, Ulrich Bergez, à Serre-Nerpol. 26 août, Jeanne Bétend, à Annecy. 2 septembre, Alexia Seillier, à SerreNerpol. 15 septembre, Alexandra de Maulde, à Domfront-en-Champagne. 16 septembre, Cyril Salmon, à Dendermonde. 20 octobre, Gaëtan Bourbon, à Paris. 21 octobre, à Rosario, trois adolescents paraguayens : Jesica Mabel, Javier et Pamela Vargas Barreto, baptisés avec pour nom Guadalupe, José et Elisabeth par Mgr Stuyver. 3 novembre, Paolo Filippo Manara, à Rovereto. 17 novembre, Paul Schneider, à Paris. 14 décembre, Christine, à Huningue. Dans le dernier numéro, nous avons omis de signaler le baptême de Giacomo Ferrari, à Pescara le 10 juin 2011. Le 9 avril à Paris et le 22 août à Verrua, deux baptisés hors de l’Église Catholique sont entrés dans l’Église après abjuration et profession de Foi catholique. Deo gratias. 15 septembre, à Serre-Nerpol, Patrick Hammonais avec Ania Ramayo-Isla. 13 octobre, à Annecy, Jean-Pierre Cassa avec Jeannick Ducimetière. 17 octobre, à Dendermonde, Cyril Cosyns et Isabelle Schiettecatte. Défunts 9 février, à Asti, Rosa Devicienti veuve Camposeo, âgée de 85 ans, mère de Teresa Bichiri. Funérailles à la chapelle de Turin le 11 février et inhumation à Rivodora. 30 mars, à Fiesole, Pio Verdi ; de foi profonde, il recevait chez lui la sainte communion. Le 5 avril (Jeudi saint), à Turin, Elsa Matarollo veuve Suman, âgée de 95 ans, munie de tous les sacrements. Funérailles à la chapelle de Turin le 10 avril, mardi de Pâques. Le 26 avril : en la fête de l’Institut, est décédée à Turin Giovanna Faedda épouse Bichiri. Nous avons célébré ses funérailles le 27 avril à Turin. Nous sommes particulièrement proches de sa famille. Le 16 mai, à Paris, Hervé Piquet a reçu l’extrême onction le jour de son décès, à l’hôpital G. Pompidou. Le 13 juin, Luciano Mario Casoni, à Pontegradella (Ferrare), muni des sacrements. Le 28 juin, Santina Cuscunà épouse De Martini, de Turin. Avec son professionalisme et son amitié, elle nous a aidés pour l’achat de plusieurs maisons de l’Institut ; elle fréquentait la chapelle de Turin. Le 7 juillet, Giuliana Silvestri épouse Magistro, est décédée à l’hôpital de Orbassano, après une longue maladie, munie des sacrements. Elle vivait à Grugliasco, et avec son mari, elle a aidé l’Institut depuis le début. Le 28 août à Chieti Scalo, Antonio La Valle, âgé de 77 ans, est décédé dans son sommeil. Fidèle depuis plusieurs années, le 15 août à l’oratoire de Pescara, il avait assisté pour la dernière fois à la sainte Messe, se confessant et recevant la sainte Communion. Fin août, à Annecy, nous avons célébré les funérailles de Madame Yvonne Léonard, suivant sa volonté testamentaire. Fidèle à la Messe, d’abord avec le curé Dupanloup, puis dans notre chapelle de l’avenue Mavéria, elle a passé ses dernières années en Charente auprès de sa famille. Le 30 août, à Paris, Marie-Hélène Dupré Latour, fidèle pendant de nombreuses années de la chapelle d’Annecy. Nous avons célébré ses funérailles à Paris, le 3 septembre ; inhumation le lendemain à Mercury, en Savoie. 62 Le 31 août, à Saluzzo, est décédé, muni des sacrements de l’Église que lui avait administrés son fils, l’ingénieur Paolo Oliviero Giugni, père de l’abbé Ugolino Giugni et grand-père de Sœur Gemma. Ses funérailles ont été célébrées par son fils, le 1 er septembre, à la chapelle de Turin et il a ensuite été inhumé dans la sépulture familiale au cimetière de Verrua Savoia. Né en 1939, orphelin de guerre en 1943, il avait reçu une bonne formation religieuse chez les Pères jésuites à Gênes, qui lui permit de conserver la foi dans la tempête post-conciliaire en retrouvant, lui et sa famille, la Messe tridentine d’abord par Mgr Vaudagnotti à la T. S. Trinité de Turin, continuant ensuite avec la FSSPX à Montalenghe. Depuis 1985, il suivit et soutint fidèlement les prêtres dans la fondation de l’Institut Mater Boni Consilii. Dans ses dernières années, il fut frappé d’une grave maladie qui le consumait mais qu’il a supportée avec esprit chrétien, admirablement assisté par son épouse Maria Giovanna Ripa di Meana. À son épouse, à ses cinq enfants et à ses petits-enfants, nous adressons nos sincères condoléances. Le 21 septembre, à Épagny, Joseph Midaly. Personne simple et se contentant de peu, il fut notre grand bienfaiteur : nous devons à sa générosité la nouvelle chapelle d’Annecy. Ses funérailles ont eu lieu le 25 septembre. Le 29 septembre, au Fleurat (Creuse) Luigi Morabito. Funérailles le 2 octobre. Il était le grand-père d’une religieuse des Sœurs du Christ-Roi. Le 29 septembre, à Rosario, José Ignacio Maratona Aldao, vétérinaire et fidèle de la maison de Rosario, est mort muni des sacrements administrés par l’abbé Casas Silva, qui a célébré ses funérailles. Le 27 octobre, à Aalst (Flandres Orientales) : Leona Maria Van de Putten, âgée de 83 ans, veuve de Paul Stuyver, et mère de Mgr Geert Stuyver, qui a assisté sa mère dans sa maladie et lui a administré les saints sacrements. L’abbé Steenbergen a célébré ses funérailles le 30 octobre, en présence de Mgr Stuyver, de la famille et de nombreux fidèles. Son fils évêque nous écrit : “née dans un milieu rural profondément catholique, d’une famille nombreuse, dès l’enfance elle a aidé ses parents aux travaux des champs. De nature travailleuse et forgée par ce genre de vie, elle a été pour son mari et ses enfants la “femme forte” louée par la M. Ferdinand Pol Sainte Écriture. Attentive à beaucoup de choses, elle n’oubliait cependant pas “l’unique nécessaire”. Elle a suivi et soutenu son mari quand il a quitté la vie paroissiale par fidélité au Saint Sacrifice de la Messe. Elle a mené une vie cachée et simple, tout en donnant un exemple de fidélité à la religion catholique, de fidélité conjugale et d’attention à sa famille. Frappée par une embolie cérébrale, elle s’est soumise à la divine volonté durant son séjour à l’hôpital, jusqu’à sa mort. Elle nous manque beaucoup. Qu’elle repose en paix”. Le 30 octobre, à Meximieux, Christianne Bozon, épouse Capelli. Elle et son mari ont accueilli pendant de nombreuses années chez eux les prêtres de l’Institut après la Messe dominicale. Ses funérailles ont été célébrées le 2 novembre. Le 30 octobre : Mme Graziano de Moncestino (Alessandria) est décédée après avoir reçu de nos prêtres les derniers sacrements. Le 12 novembre, à Faramans (Dauphiné), Ferdinand Pol : homme de grande foi et bon sens, il a pratiquement consacré les dernières années de sa vie à aider la Maison Saint-Joseph où une de ses filles est religieuse, et a été également généreux à l’égard de notre Institut ; funérailles le 16 novembre à la Maison St-Joseph de SerreNerpol. Le 15 novembre : Osvaldo Rodolfo Antinori, âgé de 58 ans, ancien militaire, fidèle de la maison San José de Rosario, muni des sacrements administrés par l’abbé Casas Silva. Le 16 décembre, Lina Pisetta veuve Stenico est décédée à Fornace, elle avait reçu les sacrements de l’abbé Giugni. Le 15 décembre, Eugenia Barale veuve Ghibaudo, est décédée à l’hôpital de Chieri, munie des saints sacrements. Elle vivait à Moncucco Torinese dans la famille de son fils Adriano. La messe de quarantaine a été célébrée à la chapelle de Turin. Souvenons-nous aussi dans nos prières de Antonio Portaluri († 19 mars), père de Sergio et Alessandro ; Félix Porcellana († 26 juin) ; Licinio Coppellotti (quarantaine à Turin au mois de juin) ; Marika Chauveau, mè- 63 re de Madame Catherine Chleq († octobre) ; Donata Parolin († 30 octobre) : pendant longtemps, nous avons célébré chez elle, à Marano Vicentino. Plusieurs prêtres sont également décédés : l’abbé Pézerat (en mai) et l’abbé Paul Schoonbroodt († 26 mai) qui célébraient “non una cum” ; l’abbé Antonio Ricci, curé de Sabbioncello († 5 avril) et l’abbé Carlo Bianco, curé de Brozolo et Marcorengo (mort en juillet) qui nous ont accueillis ou aidés avec sympathie ; l’abbé Luigi Villa († 18 novembre), directeur de Chiesa viva ; il fut un des pionniers du traditionalisme italien. Une prière pour tous… In memoriam abbé Luigi Villa Aux premières heures du dimanche 18 novembre, est décédé l’abbé Luigi Villa, prêtre fondateur des “Operaie di Maria Immacolata” (Ouvrières de Marie Immaculée) et directeur du mensuel de Brescia “Chiesa viva” (Église vivante). L’abbé Villa était né à Lecco le 3 février 1918, et a été ordonné prêtre le 28 juillet 1942, dans l’Institut missionnaire fondé par le Père Comboni. En 1956, il quitta l’Institut religieux missionnaire, et fut incardiné successivement dans les diocèses de Ferrare, de Chieti et enfin de Brescia, où il s’établit définitivement. Docteur en Théologie, fondateur, dès 1967, de la maison d’éditions “Civiltà”, il fut très estimé à Rome sous le Pontificat de Pie XII : au premier Congrès International d’Études du Mouvement “Chiesa viva”, qui se tint à Rome du 1er au 4 octobre 1974, l’abbé Villa put compter, entre autres, sur la participation des cardinaux Ottaviani, Parente, Palazzini et Oddi, ainsi que sur celle de théologiens tels le Père Roschini, le Père Fabro, le Père Joseph de Sainte Marie (Salleron), l’abbé Luc Lefèvre (de la “Pensée Catholique”) et de beaucoup d’autres, même étrangers ; de manière surprenante, il reçut aussi des lettres d’encouragement du cardinal vicaire, Poletti, et du cardinal Seper. En effet, bien que se situant dans le sillon de l’enseignement de Pie XII, et bien que critiquant l’après-Concile, l’abbé Villa, à travers les pages de sa revue “Chiesa Viva”, dont le premier numéro remonte à septembre 1971, demeura longtemps parmi ceux qui acceptaient tant le Concile Vatican II, que la réforme liturgique et le nouveau missel, qu’il a, entre autres, continué à utiliser habituellement, même quand sa revue, en perdant ainsi appuis et approbations, commença à critiquer toujours plus le Concile et la réforme liturgique. Il le fit, aussi, en dénonçant les infiltrations maçonniques dans l’Église – comme l’avait déjà fait l’abbé Putti avec son bimensuel antimoderniste “Si si no no” (publication née en 1975 à Grottaferrata) – mais en péchant souvent par un manque total de sens critique et de vérification des sources, jetant ainsi parfois le discrédit sur ce qu’aurait été une bataille antimaçonnique bien plus efficace. L’autre incohérence qui, à notre avis, a miné le travail de l’abbé Villa a été celle, déjà signalée, d’attaquer à juste titre le Concile Vatican II et ses réformes, mais de demeurer en même temps en communion avec les auteurs de ces réformes, qu’il dénonçait pourtant ouvertement ces dernières années, et tout en restant, nous le répétons, de manière inexplicable, lié au nouveau rite qu’il condamnait pourtant dans ses écrits ou dans ceux de ses collaborateurs. Nous ne savons pas quelle suite auront les œuvres qu’il a fondées au cours de son long apostolat terrestre, œuvres qui, ces dernières années, lui avaient attiré la faveur de plusieurs sédévacantistes étrangers, ignorants des réelles positions de l’abbé Villa. Eu égard au passé, malgré les critiques inévitables, on ne peut ignorer un aussi long et courageux travail de la part d’un prêtre qui – avec l’intention de défendre la Foi – a su renoncer aux honneurs du monde et à une avantageuse et tranquille carrière ecclésiastique. C’est pourquoi, la revue “Sodalitium”, née seulement en 1983, adresse un respectueux hommage à l’un des pionniers de la défense de la Tradition catholique en Italie, et demande à tous ses lecteurs une prière pour le repos de l’âme sacerdotale de l’abbé Luigi Villa. Activités 2013 • 8-22 juillet à Raveau en France : camp Saint Louis de Gonzague pour garçons de 8 à 13 ans • 13-20 juillet à Verrua Savoia : camp Bhse Imelda pour fillettes et jeunes filles • 29/07-9/08 camp en montagne pour garçons de 14 à 21 ans • 8-26 juillet camp pour filles en montagne de 8 à 16 ans (Sœurs du Christ-Roi) Exercices Spirituels de Saint Ignace à Raveau : • Pour dames et jeunes filles : du lundi 29 juillet (à 12 h) au samedi 3 août • Pour hommes et jeunes gens : du lundi 5 août (à 12 h) au samedi 10 août Pour tout renseignement, s’adresser à : Institut Mater Boni Consilii • Loc. Carbignano, 36. 10020 VERRUA SAVOIA (TO) Tél. : + 39.0161. 839.335 – Fax : + 39.0161.839.334 • 350 route de Mouchy Raveau 58400 France – Tél. et fax : 03.86.70.11.14 • Site : www.sodalitium.eu - email : info@sodalitium.eu CENTRES DE MESSES RÉSIDENCES DES PRÊTRES DE L’INSTITUT ITALIE: Verrua Savoia (TO). Maison-Mère. Istituto Mater Boni Consilii - Località Carbignano, 36. Ste Messe: en semaine à 7h30, le dimanche à 18h. Tél.: +39.0161.83.93.35 Fax : +39.0161.83.93.34 - E-mail : info@sodalitium.it San Martino dei Mulini (RN). Casa San Pio X. A b bé U go C a r a n d i n o - Via Sarzana 86. Pour toute information, Tél (et Fax) +39. 0541.75.89.61. E-mail : info@casasanpiox.it. ARGENTINE: Rosario. Casa San José - A bbé Sergio Casas Silva, Iguazú 649 bis, C. P. 2000 Rosario (Santa Fe). Tous les dimanches, Ste Messe à 10h. E-mail : casasanjose@sodalitium.it BELGIQUE: Dendermonde. Mgr Geert Stuyver: Kapel O.L.V. van Goede Raad, (chapelle N.D. du Bon Conseil) Koning Albertstraat 146 9200 Sint-Gillis Dendermonde: Ste Messe le dimanche à 9h30. Tél. (et Fax): (+32) (0) 52.38.07.78. FRANCE: 350 route de Mouchy Raveau 58400. Pour toute information, tél. au 03.86.70.11.14. AUTRES CENTRES DE MESSES FRANCE Annecy: Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 10 h. Confessions à 9h. Pour toute information, tél.: 09.53.16.39.01. Cannes: C hapelle N .- D . des V ictoires . 4 rue Fellegara. Tél.: 06.77. 08.60.35. Ste Messe le 2ème et 4ème dimanche du mois à 18h. Lille: Ste Messe le 1er et 3ème dimanche du mois à 17h. Confessions à 16h30. Pour toute information: Mgr Geert Stuyver en Belgique. Lyon: C hapelle N.- D . du B on C onseil. 11 rue Pareille, 69001. Tél.: 06.70.45.77.28. Ste Messe le 2 ème et 4 ème dimanche du mois à 17h. Confessions à partir de 16h30. Paris: pour toute information tél. +39.0161.839.335. • Dimanche matin : 18 passage Dubail, 75010. Ste Messe le 1er, 3ème et 5ème dimanche du mois à 10h. Confessions à 9h15. Autres dates possibles. • Offices en semaine : O r ato i re d u B o n C onseil, 19 rue Théodore Deck, 75015 Paris (programme diffusé tous les mois par email). ITALIE Ferrare: C hiesa S. L uigi, Via Pacchenia 47 Albarea. Ste Messe tous les dimanches à 17h30. Le 3ème dimanche du mois à 11h30. Loro Ciuffenna (Arezzo): F attoria del C o lombaio, str. dei 7 ponti. Ste Messe le 1er dimanche du mois à 17h30. Milan: O ratorio San A mbrogio. Via Vivarini 3. Ste Messe tous les dimanches et fêtes à 11h. Modène: O ratorio S. Pio V , via Savona 75. Ste Messe tous les dimanches à 11h, sauf le 3ème dimanche du mois à 9h. Padoue: le 2ème dimanche du mois à 18h. Pescara: O ratorio del P rez iosissimo Sangue, via Ofanto 24. Le 2ème dim. à 18h30, le 4ème dim. à 11. Rimini: O ratorio San G regorio M agno , via Molini 8: le 1er et 2ème dimanche Messe à 11h, le 3ème et 4ème dimanche du mois à18h30. Rome: O ratorio San G regorio V II. Via Pietro della Valle, 13/b: Messe le 1er, 3ème, 5ème dim. à 11h. Rovereto (Trente): Messe le 1er, 3 ème, et 5 ème dimanche du mois à 18h. Turin: O ratorio del Sacro C uore, via Thesauro 3/D. Dimanches: Messe chantée à 9h. Messe basse à 11h15. Tous les premiers vendredis du mois: Messe à 18h15. Valmadrera (Lecco) - Varèse - Modugno (BA) Potenza : se renseigner à Verrua Savoia. Tél.: +39.0161.83.93.35 Confessions une demi-heure avant les messes. Pour toute information, téléphoner à Verrua Savoia ou à San Martino dei Mulini. COMMENT NOUS AIDER • LIBELLER À: ASSOCIATION MATER BONI CONSILII - 350 route de Mouchy - 58400 RAVEAU (France). • VIREMENT BANCAIRE: Compte LCL Le Crédit Lyonnais (Références Internationales): IBAN: FR52 3000 2075 3100 0007 9074 U78 BIC: CRL YFRPP • VIREMENT CCP: n° 2670 37 W DIJON. 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