LA SAINTETÉ EN FAMILLE Sincérité et mensonge par le frère François-Marie O.P. « Seigneur ! Qui habitera dans votre tabernacle ? Qui reposera sur votre montagne sainte [le Ciel] ? Celui qui dit la vérité dans son cœur et n'a pas usé de tromperie dans ses paroles » (Ps 14). IL EST DE LA PLUS HAUTE IMPORTANCE, si nous voulons conduire au Ciel les enfants que le bon Dieu nous a confiés, d’avoir soin de les éduquer, dès leur plus jeune âge, à la pratique des vertus qui rendent bons, c'est-à-dire semblables à Dieu qui est la Bonté infinie. Nous commencerons ces entretiens par la vertu de véracité ou de sincérité, qui va de pair avec la fuite du vice opposé : le mensonge. La sincérité La vérité Dieu nous a créés à son image. Il nous a donné la parole pour que nous l’imitions. De même que Dieu a une parole éternelle, le Verbe, expression vraie de l’éternelle sagesse du Père et donc Vérité absolue, de même nous avons notre verbe, notre parole, qui doit être l’expression vraie de notre pensée. Quand nous agissons ainsi, nous sommes vraiment les imitateurs et les enfants de Dieu. La vérité, c’est ce qui est. Toute parole doit être l'expression de ce qui est, c’est-à-dire du vrai. Nous pouvons manquer de sincérité dans nos rapports avec Dieu : dans notre examen de conscience, dans la confession, dans la prière, dans notre conversation intérieure avec lui, mais nous ne pourrons pas le tromper, car Dieu sait tout. Nous serons les principales victimes de ce mensonge. Il n’en va pas de même à l’égard au prochain. Il peut être trompé, et là justice autant que la charité exigent que nous soyons vrais à son égard, afin qu'il ne soit trompé ni par nos paroles, ni par nos actions. Les avantages de la sincérité La sincérité des enfants fait honneur aux parents et facilite grandement le travail de l’éducation. Nous avons un bel exemple de cette bonne habitude dans les enfants de la famille Barbedette, dont l’aîné avait 12 ans lors des apparitions de Pontmain, le 17 janvier 1871. Sachant que ses enfants n'avaient pas l’habitude de mentir, madame Barbedette leur demanda de décrire ce qu’ils voyaient, puis après quelque temps, décontenancée par le fait qu’elle ne voyait rien, mais ne mettant pas en doute leur parole, elle fit aller chercher la sœur institutrice pour vérifier, puis M. le curé. Ces parents, très chrétiens, avaient réussi à donner l’habitude de la sincérité à leurs enfants. Elle permit aux habitants du village, tous groupés derrière leur curé, de croire à la réalité de l’apparition, de réagir promptement à l’attente de la Vierge Marie, c’est-à-dire, de prier. Le résultat fut l’arrêt de l’avancée de l’armée allemande. Comment développer la sincérité chez les enfants ? Il y a trois moyens : a) Donner l'exemple : * En ne trompant jamais les enfants. Nous préparons le terrain au mensonge chaque fois que nous promettons des choses - récompenses où punitions — sans tenir ensuite notre parole, parce que nous avons parlé trop vite, sous le coup de l’impatience ou d’une manière inconsidérée. Si ces manquements se renouvellent fréquemment, les enfants en tirent ce principe que les paroles peuvent être différentes des actes. * En donnant l’exemple de la vérité, surtout là où elle coûte. Cela ne se traduit pas forcément par des paroles, mais par des actes. Des enfants qui voient un de leurs parents rayer une voiture en se garant et partir sans rien dire n’en tireront sans doute pas une bonne leçon ; de même si, à l’entréu d’un musée, ils l'entendent mentir sur l’âge de l’un d’entre eux afin de bénéficier du tarif réduit. En ce domaine, de petits manquements, apparemment sans portée, peuvent avoir de lourdes conséquences dans la conscience d’un enfant qui en conclura que mentir est permis dès que cela est utile. Il en fera sans tarder des applications, dont lui seul jugera de la gravité et les parents n'en sauront rien, ou trop tard. b) Inspirer une profonde estime de la sincérité * En louant souvent cette vertu, et en la faisant admirer quand de bons exemples le permettent. * En blâmant le mensonge. * En affirmant haut et fort qu’on sera fier d’avoir des enfants qui pratiquent cette vertu. Il faut avoir le souci de la vérité jusqu’à la minutie. Quand vos enfants racontent leurs « aventures », aidez-les à dire les choses de façon exacte jusque dans les moindres détails, en rectifiant leurs exagérations ou leurs confusions. c) Encourager la sincérité des enfants. Par la foi. Jésus est la Vérité. Il sait tout, il voit tout, Si on aime la vérité, on sera l’ami de Jésus. Si on ment, on devient l’ami du démon qui est le père du mensonge. Par la discrétion. Il ne faut jamais se moquer des scrupules et de l’ingénuité des enfants, ni les faire connaître autour de soi. L’enfant qui voit ses confidences trahies fermera définitivement son cœur. Dans une affaire un peu délicate, éviter les questions manifestant trop clairement notre doute ou notre ignorance. Encore trop peu vertueux, en raison de son âge, l’'enfant qui comprend qu'il peut mentir impunément cèdera facilement à la tentation. Que faire alors ? Autant que possible, s'informer par ailleurs, en se livrant à une petite enquête. Quand on a suffisamment d’éléments permettant de savoir ce qui s’est passé, on peut aider l’enfant à pratiquer la sincérité. Si les éléments ne sont pas assez précis et que la bêtise n’est pas grave, il vaut mieux fermer les yeux plutôt que de détruire la confiance. Par la remise de la punition. L’enfant doit constater la différence de traitement entre une faute avouée et une faute non avouée. S’il doit être puni, il ne doit pas en tirer l’impression que la cause de son chagrin est sa sincérité, car il ne fera plus jamais de confidences. Il faut cependant obliger à réparer si la faute le demande, mais avec bonté, de façon à ce qu'il se sente apaisé et même joyeux d’avoir dit la vérité. On peut quelquefois ne pas punir du tout, mais cela doit rester exceptionnel. Le mensonge Le huitième commandement : « Tu ne mentiras pas ». Les commandements de Dieu sont fondés sur la nature de Dieu et sur la nôtre. Ils tendent à faire de nous une image vivante de notre Créateur, en nous rendant bons, vertueux et, finalement, heureux. Dieu étant la Vérité suprême, rien ne lui est plus contraire que le mensonge ; c’est pourquoi il le défend absolument par le huitième commandement : « Tu ne mentiras pas », pour éviter à l'homme d’outrager son Créateur. En effet, tout mensonge étant la négation d’une vérité, tend à nier Dieu, Vérité suprême. C’est pourquoi nul ne doit mentir. Telle est la partie négative du commandement qui comporte aussi, comme tous les autres, une partie positive, nous ordonnant de dire la vérité, Une éducation efficace ne doit pas s’en tenir aux interdictions, mais mettre en valeur ce qui est ordonné pour le bien de l’enfant : c’est pourquoi nous avons commencé cet entretien en parlant de la vertu de sincérité. Le mensonge en général Saint Augustin définit pertinemment le mensonge en disant qu’il consiste à parler contre sa propre pensée dans le but de tromper. Il faut donc deux conditions pour qu'’il y ait mensonge : * exprimer des choses qu’on ne pense pas — qu'’elles soient vraies ou fausses. Dire une chose fausse mais qu’on croit vraie, n'est pas un mensonge, mais une erreur. En sens contraire, on peut mentir en disant une chose matériellement vraie, mais que l’on croit fausse. * avoir l’intention de tromper. Les récits fabuleux ou romanesques, lun boutades ironiques exprimées par antiphrase ou par exagération manifeste ne sont pas des mensonges tant qu'’ils ne visent pas à tromper. Le mensonge comporte un triple mal : * Il nuit au menteur, qui se dégrade lui-même en ôtant quelque chose de sa ressemblance avec Dieu. Le menteur se rend coupable, et devant Dieu, et devant sa propre conscience. Le mensonge peut conduire à l’aveuglement et à la damnation. Celui qui s’habitue à dire de petits mensonges étant enfant, quel qu’en soit le motif, en dira de plus gros étant adulte : il mentira dans ses engagements, dans ses affaires, etc. * Le menteur prive le prochain de la vérité. Il lui fait prendre le faux pour le vrai, ce qui peut conduire à de grands dommages et de grandes fautes. * Le menteur outrage Dieu en la personne de son Verbe qui a dit : « Je suis la Vérité » et il honore, à sa place, Satan le père du mensonge. Le mensonge dans la société aujourd’hui Au 18° siècle, un des « grands ancêtres » de notre société républicaine et antichrétienne, le funeste Voltaire écrivait : Le mensonge n’est un vice que quand il fait du mal ; c’est une très grande vertu quand 1l fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai dans l’occasion. [Lettre à Thiériot, 21 octobre 1736.] La devise eut de nombreux adeptes, en politique, en économie, dans l’enseignement, dans la presse, dans la morale. Au 20° siècle, le marxisme a utilisé le mensonge comme tactique de combat et en a fait une « vertu », vantée dans son « catéchisme » pour ses militants. Au 21* siècle, on nous dit que nous sommes entrés dans l’ère « post vérité », c’est-à-dire qu’on n'admet plus de vérité objective. Le discours officiel se construit selon l’idéologie du temps, en fonction ‘des objectifs à atteindre, qu’ils soient militaires, éducatifs, politiques ou scientifiques. Il faut voir dans cette optique l’insistance sur la théorie darwiniste de l’évolution, sur le réchauffement climatique dû au CO₂, sur la crise sanitaire, etc. Le mensonge chez les enfants aujourd’hui L'enfant est naturellement sincère ; il parle comme il pense et rectifie spontanément ce qui lui paraît contraire à la vérité. La restriction mentale, la dissimulation, la fourberie, l'hypocrisie ne sont ordinairement pas le fait de l'enfant. Cette tendance au vrai, qui est fondamentale, est cependant blessée par le péché originel et peut l’être encore plus par le milieu et l'éducation. Tous les éducateurs savent que la majorité des enfants mentent dès l'âge de raison. Bien sûr, ce n’est généralement pas en matière grave, mais les enfants qui ne mentent jamais ou presque jamais sont très rares. Il semble que ce mal est devenu plus fréquent qu’autrefois. Cela signifie que même dans les meilleures familles, quelque chose a été manqué au niveau de l’éducation de la petite enfance. Nous avons rapporté plus haut l’exemple des enfants Barbedette à Pontmain en 1871. Citons ici deux autres exemples : * Celui de Lucie de Fatima en 1917. Elle n’a jamais menti, même quand sa maman l’a battue pour la forcer à dire qu’elle n'avait pas vu la Sainte Vierge. * Celui de Jacqueline Aubry, la petite voyante de l'Ile-Bouchard en 1947. Ses parents pratiquaient rarement, il n’y avait pas de prière en famille, cependant sa maman a pu témoigner que sa fille n'avait jamais menti, c’est pourquoi elle l’a crue quand elle raconta la vision de la Sainte Vierge. Que faire quand on constate que l’enfant ment ? Si c’est la première fois, il faut marquer notre surprise, notre peine avec gravité. Si l’enfant récidive, il faut le tenir en disgrâce en limitant les relations avec lui au strict nécessaire. On lui fera voir par des exemples tirés des saintes Écritures combien Dieu punit sévèrement le mensonge ; en racontant par exemple l’histoire d’Ananie et de Saphire. Quels sont les principaux motifs qui poussent les enfants à mentir ? — La crainte : c'est le plus fréquent. L’enfant a fait une bêtise, par exemple, il a cassé un objet, n'a pas appris une leçon ou ne sait pas faire un devoir ; craignant d’être grondé ou puni, il choisit la solution de facilité qui lui semble résoudre le problème, en disant un mensonge, ou même en trichant en classe s’il s'agit d'un devoir. — L'intérêt : l'enfant préfère aller jouer que de terminer un devoir ou un service demandé. Si on lui pose la question : « Avez-vous terminé ? » il l’affirme. Dans les jeux, l’enfant triche parce qu'’il veut gagner. — La vanité : pour se faire valoir, il grossit ce qui est à son avantage, il diminue où nie ce qui le ferait mésestimer. On voit que l'enfant ment parce que sa vertu est faible. Certes, il a les vertus infuses qui accompagnent la grâce sanctifiante, mais il ne possède pas de manière suffisante les vertus acquises, qui se forment par la RÉPÉTITION des actes vertueux. Il réagit « naturellement », dans la plupart des cas. Il manque d’humilité, de courage, de générosité, d’amour de la justice, et donc de franchise, de sincérité, de loyauté. Trois remèdes au mensonge des enfants 1) Il faut inculquer, dès l'âge le plus tendre, l’'amour de la vérité, en expliquant aux enfants que Jésus est la Vérité même, et que, pour être l’ami de Jésus, il faut toujours dire la vérité. Jésus, étant Dieu, voit tout et sait tout, on ne peut rien lui cacher. Si on ne dit pas la vérité, on est l’ami du démon. De plus, il est lâche de mentir. 2) Si vous découvrez qu’une bêtise a été faite, il ne faut pas poser des questions à votre enfant sur un ton courroucé et menaçant, mais l’inciter à dire la vérité en l’assurant qu’un aveu franc lui obtiendra le pardon. S’il se montre loyal, il ne faut pas le punir, mais l’encourager à réparer (ce sont deux choses différentes). Cette attitude éliminera les mensonges par crainte. L’enfant accepte très bien les conséquences de ses bêtises car il a le sens de la justice, et généralement il n’y a pas de malice dans la plupart de ses fautes. Il réparera volontiers, en rendant par exemple un service. 3) Faites remarquer à l’enfant combien son âme est en paix quand il a dit la vérité. Il y a quelques temps, dans une école, un petit groupe d’enfants avait détérioré, par quelques coups de pied, le bas d’une cloison en placoplâtre, déjà abimée par l’humidité. Le lendemain, après la prière, le directeur demanda que les coupables viennent se dénoncer, assurant qu’ils ne seraient pas punis, mais devraient réparer en rendant quelques services. Les auteurs de cette dégradation se dénoncèrent promptement, et accomplirent avec application les réparations demandées. Bien sûr, une part dut être assumée par les parents. Mais chaque enfant prit conscience des conséquences de sa bêtise, soit en accompagnant son père pour réparer la cloison abîmée, soit en participant aux frais, avec sa tirelire, soit en rendant des services compensateurs à la maison.